Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 17 mars 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Jugement en appel]

  4   [L'appelant est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 12 heures 31.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à tous. Monsieur le Greffier

  7   veuillez donner le numéro de l'affaire inscrite au rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,

  9   il s'agit de l'affaire IT-00-39-A, l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Monsieur Krajisnik, pouvez-vous entendre et comprendre l'interprétation ?

 12    L'APPELANT : [interprétation] Oui, tout à fait.

 13   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Je vais demander aux

 14   parties qu'elles se présentent, l'Accusation d'abord.

 15   M. KREMER : [interprétation] Bonjour à tous. Au nom de l'Accusation, Peter

 16   Kremer; à ma droite, Barbara Goy, Matteo Costi, Mme Margetts, et nous avons

 17   notre commis aux affaires Lourdes Galicia.

 18   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien. Je peux avoir maintenant le

 19   conseil de M. Krajisnik en ce qui concerne l'entreprise criminelle commune.

 20   M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je suis Me Dershowitz, chargé des

 21   affaires relevant de l'entreprise criminelle commune.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Qu'en est-il de l'Amicus Curiae

 23   ?

 24   M. NICHOLLS : [hors micro]

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Comme indiqué dans son ordonnance du 26

 26   février 2009 fixant la date de la présente audience, la Chambre d'appel est

 27   réunie aujourd'hui pour rendre son arrêt en espèce. Conformément à l'usage,

 28   je ne donnerai pas lecture du texte intégral de l'arrêt, à l'exception de

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  1   son dispositif. Je résumerai ceci étant les conclusions de la Chambre

  2   d'appel. Le résumé qui suit ne fait pas parti de l'arrêt, seule autorité

  3   d'exposer des conclusions que l'on trouve dans le texte de l'arrêt dont les

  4   copies seront disponibles à l'issue de cette audience.

  5   Les événements qui sont à l'origine du présent appel se sont déroulés

  6   entre le 1er juillet 1991 et le 30 décembre 1992 dans 35 municipalités de

  7   Bosnie-Herzégovine. Le 27 septembre 2006, la Chambre de première instance a

  8   reconnu Momcilo Krajisnik responsable de persécutions, exterminations,

  9   expulsions et actes inhumains, constitutifs de crimes conte l'humanité au

 10   titre de l'article 5 du Statut. La Chambre de première instance a condamné

 11   Momcilo Krajisnik à une peine unique de 27 ans d'emprisonnement.

 12   La Chambre de première instance a jugé que Momcilo Krajisnik avait

 13   participé à une entreprise criminelle commune dont l'objectif était de

 14   recomposer les territoires contrôlés par la République serbe de Bosnie

 15   selon un critère d'appartenance ethnique. Cet objectif devait être atteint

 16   en procédant à une réduction draconienne du pourcentage de la population

 17   non-serbe, et ce, en commettant divers crimes. La Chambre de première

 18   instance a conclu que cette entreprise criminelle était dirigée depuis

 19   Pale, la capitale de la République serbe de Bosnie, par un groupe de

 20   dirigeants comprenant Momcilo Krajisnik, Radovan Karadzic, et d'autres

 21   édiles serbes de Bosnie. La base de cette entreprise criminelle commune

 22   était installée dans les municipalités de la République serbe de Bosnie et

 23   entretenait des liens étroits avec la direction siégeant à Pale.

 24   L'Accusation a fait appel de la peine le 26 octobre 2006. Momcilo

 25   Krajisnik a interjeté appel le 12 février 2007, et son conseil chargé des

 26   questions relevant de l'entreprise criminelle commune a déposé un mémoire

 27   en appel supplémentaire au nom de son client le 7 avril 2008. Pour sa part,

 28   l'Amicus Curiae a interjeté appel le 8 juin 2007. L'audience en appel en

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  1   espèce s'est tenue le 21 août 2008, et trois autres audiences consacrées à

  2   la présentation des éléments de preuve supplémentaires ont eu lieu les 3,

  3   5, et 11 novembre 2008.

  4   Je commencerai par l'examen des moyens d'appel présentés par l'Amicus

  5   Curiae, puis j'examinerai les moyens d'appel de Momcilo Krajisnik, et ce,

  6   présentés par son conseil chargé des questions relevant de l'entreprise

  7   criminelle commune. Et pour finir, j'invoquerai ensemble les moyens d'appel

  8   concernant la peine.

  9   Dans son premier moyen d'appel, l'Amicus Curiae a fait valoir qu'il a

 10   été porté atteinte au droit de Momcilo Krajisnik à un procès équitable et

 11   qu'il n'a pas été efficacement représenté par son conseil. En premier lieu,

 12   il fait valoir que Me Brashich n'a pas su remettre le dossier complet à Me

 13   Stewart en temps utile et de façon ordonnée et n'a pas fourni un travail

 14   suffisant.

 15   La Chambre d'appel juge néanmoins que la Chambre de première instance

 16   a su adapter le déroulement de ces audiences en autorisant plusieurs

 17   reports. Aussi, la Chambre d'appel n'est-elle pas convaincue que le fait

 18   que Me Brashich n'ait pas remis à temps un dossier de l'affaire en ordre à

 19   Me Stewart ait entraîné un déni de justice.

 20   De plus, la Chambre d'appel reconnaît que le dossier remis par Me

 21   Brashich à Me Stewart n'a pas été aussi bien constitué qu'il aurait dû

 22   l'être, mais la nouvelle équipe de la Défense a profité d'un certain nombre

 23   de travaux effectués par l'équipe de Me Brashich, notamment son mémoire

 24   préalable au procès. De plus, la nouvelle équipe de la Défense a bénéficié

 25   d'une assistance juridique substantielle et d'un délai supplémentaire pour

 26   ses préparatifs préalables au procès. De ce fait, la Chambre d'appel conclu

 27   que Momcilo Krajisnik n'a pas subi de préjudice du fait des manquements

 28   professionnels de son conseil Me Brashich.

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  1   En ce qui concerne les manquements dont aurait fait preuve Me

  2   Stewart, l'Amicus Curiae allègue que ce dernier était visiblement mal

  3   préparé pour commencer le procès en février 2004 et a commis une grave

  4   erreur en ne demandant pas un report avant le début du procès. Néanmoins,

  5   la Chambre d'appel relève que l'équipe de Défense de Me Stewart n'avait pas

  6   un manque de préparation pour commencer le procès en février 2004 et que

  7   l'Amicus Curiae n'a pas pu démontrer une insuffisance de préparation de la

  8   Défense telle en début de procès, que celle-ci aurait entraînée un délit de

  9   justice.

 10   L'Amicus Curiae fait ensuite valoir que Me Stewart n'avait pas

 11   correctement étudié les éléments communiqués à la Défense. C'est qu'au

 12   début du procès il n'avait pris connaissance que de 1 ou 2 % des éléments

 13   du dossier et qu'au treizième mois du procès il en avait lu que 15 %. La

 14   Chambre d'appel remarque qu'aux dires même de Me Stewart, celui-ci avait

 15   délégué comme il convient à son équipe l'étude de ces documents. Ainsi,

 16   l'Amicus Curiae n'a pas su démontrer que l'étude faite par la Défense des

 17   éléments communiqués, même si elle a pu se révéler imparfaite, a résulté en

 18   un délit de justice.

 19   De plus, l'Amicus Curiae allègue que Me Stewart n'a pas réussi à obtenir

 20   des consignes claires de la part de Momcilo Krajisnik avant le début du

 21   procès en vue de définir une stratégie de défense appropriée. Lors de son

 22   audience en appel, Me Stewart a déposé afin de faire savoir s'il avait bien

 23   compris la stratégie de défense avant l'ouverture du procès, principalement

 24   grâce aux instructions provenant de Momcilo Krajisnik. Cet argument est

 25   donc rejeté.

 26   L'Amicus Curiae allègue de plus que les carences observées dans la

 27   préparation de la défense ont entraîné le retrait de l'affaire en 2005 du

 28   co-conseil, Me Loukas, et du commis à l'affaire, Mme Cmeric, ce qui a

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  1   encore réduit l'efficacité de l'équipe représentant Momcilo Krajisnik. La

  2   Chambre d'appel remarque que les personnes qui ont quitté l'équipe de la

  3   Défense ont été immédiatement remplacées et que le conseil principal, Me

  4   Stewart, est resté chargé de l'affaire jusqu'à la fin du procès. Cet

  5   argument est donc rejeté.

  6   L'Amicus Curiae affirme aussi que la Chambre de première instance n'avait

  7   manifestement pas accordé à la Défense assez de temps pour rédiger son

  8   mémoire en clôture à déposer au plus tard le 18 août 2006; néanmoins, la

  9   Défense savait dès le 26 avril 2005 que ce mémoire en clôture était dû dans

 10   les 11 jours ouvrables suivant la clôture des débats. Cette allégation est

 11   donc rejetée.

 12   L'Amicus Curiae soutient de plus que la Chambre de première instance a fait

 13   obstacle à l'équité du procès de Momcilo Krajisnik en restreignant de façon

 14   inadmissible son droit à interroger les témoins à charge. Néanmoins,

 15   l'Amicus Curiae ayant négligé d'exposer en détail la façon dont la Chambre

 16   de première aurait abusé du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de

 17   l'article 90(F) du Règlement, cette affirmation est rejetée.

 18   L'Amicus Curiae fait aussi valoir que la Défense ne s'est pas vu accorder

 19   un délai ou des ressources suffisantes pour préparer son contre-

 20   interrogatoire des témoins de la Chambre. Cela étant, la Chambre d'appel

 21   relève que la Défense a reçu les éléments portant sur ces témoins avec un

 22   préavis raisonnable avant que ces témoins viennent déposer et, que de plus,

 23   ces personnes étaient bien connues de Momcilo Krajisnik et de sa Défense.

 24   De même, la Chambre d'appel rejette l'argument de l'Amicus Curiae selon

 25   lequel la Défense n'a pas bénéficié d'un laps de temps suffisant pour

 26   contre-interroger Mme Plavsic, témoin de la Chambre, étant donné que la

 27   Défense n'a utilisé que les trois quarts des deux heures et 40 minutes qui

 28   lui avait été alloué par la Chambre de première instance pour procéder à ce

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  1   contre-interrogatoire. 

  2   L'Amicus Curiae soutient aussi que la Chambre de première instance a commis

  3   une erreur lorsqu'elle a refusé à Momcilo Krajisnik le droit d'assurer sa

  4   propre défense. Mais l'Amicus Curiae n'a pas démontré qu'il convient de

  5   faire droit à une requête aux fins d'assurer sa propre défense tant que

  6   l'accusé n'adopte pas un comportement délibérément d'obstruction. Cette

  7   branche de ce moyen d'appel est donc rejetée.

  8   L'Amicus Curiae fait en outre valoir que les Juges de la Chambre de

  9   première instance dans sa deuxième composition ont commis une erreur de

 10   droit en ordonnant une reprise des débats alors qu'il était évident que M.

 11   Hanoteau, le Juge suppléant, n'était pas encore suffisamment au fait de

 12   l'affaire. Néanmoins, l'Amicus Curiae ne présente pas d'éléments de preuve

 13   démontrant que le Juge Hanoteau ne s'était pas suffisamment familiarisé

 14   avec l'affaire pour être à même de remplir au mieux sa mission. Cette

 15   branche du moyen d'appel est donc rejetée.

 16   Par ces motifs, la Chambre d'appel rejette l'affirmation de l'Amicus Curiae

 17   selon laquelle le procès de Momcilo Krajisnik n'aurait pas été équitable.

 18   Cela dit, la Chambre d'appel relève que certains aspects de la conduite du

 19   procès n'étaient pas exempts de carences et de fait a pu créer une

 20   apparence de manque d'équité. Néanmoins, après avoir étudié de façon

 21   globale l'ensemble du dossier ainsi que les éléments de preuve

 22   supplémentaires présentés en appel, la Chambre d'appel n'est pas convaincue

 23   que l'Amicus Curiae a réussi à démontrer que ces carences équivaudraient à

 24   un délit de justice qui aurait sapé l'équité du procès auquel avait droit

 25   Momcilo Krajisnik. Ce moyen d'appel est donc totalement rejeté par la

 26   Chambre d'appel.

 27   Dans son deuxième moyen d'appel, l'Amicus Curiae soutient que la Chambre de

 28   première instance a commis une erreur de droit en ne motivant pas

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  1   suffisamment son jugement et en ne donnant pas les motifs expliquant

  2   pourquoi certains témoins et certaines pièces ont été jugés crédibles et

  3   d'autres non. Mais la Chambre d'appel remarque que la Chambre de première

  4   instance a précisé qu'elle avait soigneusement examiné ces éléments. Les

  5   passages attaqués ne font que souligner que la Chambre de première instance

  6   ne pouvait aborder et commenter tous les éléments de preuve dans le

  7   jugement. Or, cet énoncé en soi ne peut être assimilé à avoir négligé

  8   d'étudier les éléments en question. De ce fait, le deuxième moyen d'appel

  9   soulevé par l'Amicus Curiae est rejeté.

 10   Dans le cadre de son troisième moyen d'appel, l'Amicus Curiae fait valoir

 11   que la Chambre de première instance n'a pas correctement identifié les

 12   participants à l'entreprise criminelle commune, elle ne pouvait donc pas

 13   conclure au-delà de tout doute raisonnable qu'il existait un objectif

 14   commun les liant à Momcilo Krajisnik. La Chambre d'appel reconnaît en effet

 15   que la Chambre de première instance a effectivement fait une erreur en ne

 16   précisant pas si tous les hommes politiques, militaires, les commandants de

 17   police, les dirigeants de groupes paramilitaires auxquels il est fait

 18   référence au paragraphe 1 087 du jugement ou seulement certains d'entre eux

 19   étaient bel et bien membres de l'entreprise criminelle commune. La Chambre

 20   d'appel accueille donc cette branche de ce moyen d'appel.

 21   L'Amicus Curiae soutient ensuite que la Chambre de première instance a

 22   commis une erreur en ne précisant pas à quel moment les meurtres commis se

 23   sont inscrits dans le cadre de l'entreprise criminelle commune ce qui

 24   aurait ainsi permis de les imputer à Momcilo Krajisnik. Dans ce contexte,

 25   la Chambre d'appel relève premièrement qu'il lui suffit que la Chambre de

 26   première instance ait conclu que Momcilo Krajisnik partageait l'intention

 27   de commettre les crimes prévus dès l'origine, à savoir les expulsions, le

 28   transfert forcé et les persécutions, et ce, sur la base des crimes en

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  1   question dès le début de l'entreprise criminelle commune.

  2   En ce qui concerne l'accroissement des moyens criminels avec le

  3   recourt au meurtre, à l'extermination et à la persécution, moyens criminels

  4   qui trouvaient leur fondement dans le cadre de crimes autres que les

  5   expulsions ou le transfert forcé, la Chambre de première instance a jugé en

  6   général qu'ils se sont ajoutés à l'entreprise criminelle commune dès que

  7   les dirigeants de ladite entreprise ont été informés de leur commission.

  8   Ces dirigeants informés n'ont pris aucune mesure pour empêcher que ces

  9   crimes ne soient à nouveau commis et ont continué à mettre en œuvre leur

 10   objectif commun entérinant ainsi l'intention d'accroître les moyens

 11   criminels. Néanmoins, la Chambre d'appel relève que la Chambre de première

 12   instance n'a fait que très peu ou pas de constatations concernant ces

 13   éléments nécessaires.

 14   De ce fait, la Chambre d'appel n'est pas en mesure de conclure avec

 15   la précision nécessaire comment et à quel moment l'objectif commun de

 16   l'entreprise criminelle commune a inclus cet accroissement des moyens

 17   criminels. En conséquence, elle n'est pas en mesure de savoir sur quels

 18   éléments la Chambre de première instance s'est basée pour imputer

 19   l'accroissement de ces moyens criminels à Momcilo Krajisnik. On ne saurait

 20   exiger d'une Chambre d'appel non plus d'un accusé de se lancer dans des

 21   conjectures sur le sens des constatations de la Chambre de première

 22   instance - ou sur leur manque de sens - au regard d'un élément aussi

 23   essentiel de la responsabilité individuelle pénale de Momcilo Krajisnik que

 24   la portée de l'objectif commun poursuivi dans le cadre de l'entreprise

 25   criminelle commune.

 26   De ce fait, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de première

 27   instance a commis une erreur de droit en n'effectuant pas les constatations

 28   nécessaires pour permettre de condamner Momcilo Krajisnik au titre des

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  1   moyens criminels accrus suivants, qui n'étaient pas initialement inclus

  2   dans l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune : Persécution,

  3   chef 3, à l'exception des actes sous-jacents aux expulsions et au transfert

  4   forcé; extermination, chef 4; et meurtre, chef 5.

  5   En conséquence, la Chambre d'appel accueille en partie cette partie

  6   de ce moyen d'appel et rejette le surplus. Les déclarations de culpabilité

  7   de Momcilo Krajisnik pour accroissement des moyens criminels au titre des

  8   chefs 3,4 et 5 sont donc annulées.

  9   L'Amicus Curiae fait aussi valoir que la Chambre de première instance

 10   a commis une erreur de droit en jugeant qu'un membre de l'entreprise

 11   criminelle peut être tenu pénalement responsable des agissements de

 12   personnes qui ne faisaient pas partie de ladite entreprise criminelle

 13   commune et qui potentiellement en ignoraient même l'existence ou le but.

 14   L'Amicus Curiae affirme que la Chambre de première instance s'est fourvoyée

 15   lorsqu'elle s'est écartée de l'arrêt Brdjanin, et qu'elle n'a pas constaté

 16   qu'il existait un lien entre Krajisnik et ces crimes.

 17   La Chambre de première instance a jugé qu'un membre de l'entreprise

 18   criminelle commune pouvait voir sa responsabilité engagée pour des crimes

 19   commis par des auteurs principaux à l'instigation d'un membre de

 20   l'entreprise criminelle commune en vue d'atteindre l'objectif commun. La

 21   Chambre d'appel est convaincue que ce critère correspond sur le fond à

 22   celui appliqué dans l'arrêt Brdjanin qui d'ailleurs a été rendu après le

 23   jugement Krajisnik. L'Amicus Curiae n'a donc pas démontré que la Chambre de

 24   première instance a commis une erreur en l'espèce.

 25   La Chambre d'appel fait néanmoins remarquer qu'à de nombreuses reprises la

 26   Chambre de première instance s'est fourvoyée en ne constatant pas de lien

 27   entre les auteurs principaux des crimes constitutifs des crimes

 28   initialement prévus, à savoir les expulsions, le transfert forcé et les

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  1   persécutions, et l'entreprise criminelle commune. Ils s'ensuit que la

  2   Chambre d'appel conclut que la Chambre de première instance n'a réussi que

  3   dans les cas suivants à faire les constatations suivantes et nécessaires

  4   prouvant que les crimes prévus à l'origine ont bien été commis par les

  5   membres de l'entreprise criminelle commune par le truchement d'auteurs

  6   principaux en vue de poursuivre un objectif commun : Persécution par le

  7   biais d'expulsion, chef 3, Bratunac, Zvornik, Sanski Most, Banja Luka,

  8   Bijeljina, et Prnjavor; persécution par le biais de transfert forcé, chef

  9   numéro 3, Bijeljina, Bratunac, Zvornik, Bosanska Krupa, Sanski Most,

 10   Trnovo, Sokolac; expulsion, chef numéro 7, Bratunac, Zvornik, Sanski Most,

 11   Banja Luka, Bijeljina, et Prnjavor; et actes inhumains par le biais de

 12   transfert forcé, chef 8, à Bijeljina, Bratunac, Zvornik, Bosanska Krupa,

 13   Sanski Most, Trnovo, et Sokolac.

 14   Les déclarations de culpabilité pour le restant des crimes prévus dès

 15   l'origine au titre des chefs 3, 7, et 8 sont donc annulées.

 16   De plus, l'Amicus Curiae allègue que la Chambre de première instance a

 17   commis une erreur de droit en négligeant de faire les constatations

 18   pertinentes portant sur les expulsions pour toutes les municipalités

 19   concernées. La Chambre d'appel estime qu'en effet la Chambre de première

 20   instance n'a pas toujours effectué les analyses nécessaires pour vérifier

 21   si une frontière suffisante soit de jure soit de facto avait bel et bien

 22   été franchie. De ce fait, les constatations d'expulsion concernant les

 23   municipalités de Bijeljina, Bratunac et Sanski Most sont infondées et les

 24   déclarations de culpabilité de Momcilo Krajisnik au titre de ces crimes

 25   sont annulées. Néanmoins, la Chambre d'appel est d'avis que la Chambre de

 26   première instance a constaté que des personnes ont bel et bien été

 27   déplacées par la force au travers de frontières de jure depuis les

 28   municipalités de Zvornik, Banja Luka, et Prnjavor, ce qui est assimilable à

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  1   une expulsion. La Chambre d'appel accueille donc en partie ce moyen

  2   d'appel.

  3   Ensuite, l'Amicus Curiae fait valoir que la Chambre de première instance a

  4   commis une erreur de droit en déclarant Momcilo Krajisnik coupable de

  5   transfert forcé, élément constitutif d'autres actes inhumains, sans pour

  6   autant constater que les déplacements étaient suffisamment graves pour

  7   constituer d'autres actes inhumains. La Chambre d'appel considère en effet

  8   que la Chambre de première instance n'a pas relevé que les exemples de

  9   transfert forcé étaient suffisamment graves pour être assimilés à d'autres

 10   actes inhumains tel que prévu à l'article 5(i) du Statut. Néanmoins, cette

 11   erreur n'invalide pas le jugement étant donné que les actes de transfert

 12   forcé étaient aussi graves que les expulsions. Ce moyen d'appel est donc

 13   rejeté.

 14   L'Amicus Curiae poursuit en soutenant que la Chambre de première instance a

 15   commis une erreur de fait en constatant la position hiérarchique occupée

 16   par Momcilo Krajisnik au sein de la direction des Serbes de Bosnie. La

 17   Chambre d'appel est néanmoins convaincue que la Chambre de première

 18   instance a été suffisamment prudente lorsqu'elle a évalué les éléments de

 19   preuve pertinents et en revanche n'est nullement convaincue que les

 20   éléments de preuve supplémentaires apportés par Radovan Karadzic suffisent

 21   à saper les nombreuses preuves étayant les constatations de la Chambre de

 22   première instance.

 23   L'Amicus Curiae avance ensuite que la constatation faite par la Chambre à

 24   propos du pouvoir et de l'autorité détenus par Momcilo Krajisnik ne

 25   correspondent pas à la conclusion de ladite Chambre concernant son manque

 26   de contrôle effectif. La Chambre d'appel n'en convient pas, étant donné que

 27   la Chambre de première instance a justement conclu que le contrôle effectif

 28   n'était pas un élément requis pour établir la responsabilité au titre de

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  1   l'entreprise criminelle commune, seul titre de responsabilité applicable à

  2   Momcilo Krajisnik.

  3   Ensuite, l'Amicus Curiae a fait valoir que l'Accusation avait enfreint

  4   l'article 90(H)(ii) du Règlement en omettant de présenter à Momcilo

  5   Krajisnik au cours de sa propre déposition les éléments matériels sur

  6   lesquels elle comptait pour établir sa culpabilité et qui contredisaient

  7   son témoignage. La Chambre d'appel remarque, néanmoins, que l'article

  8   90(H)(ii) du Règlement n'a pas été prévu pour être appliqué à un accusé

  9   déposant en tant que témoin dans son propre procès. De plus, la Chambre

 10   d'appel est convaincue que Momcilo Krajisnik était parfaitement au courant

 11   de la thèse que l'Accusation soutenait. Partant, ce moyen d'appel est

 12   rejeté.

 13   L'Amicus Curiae a aussi allégué que la Chambre de première instance avait

 14   fait une mauvaise application des textes sur le cumul des culpabilités et

 15   a, de ce fait, demandé à la Chambre d'appel soit d'annuler les déclarations

 16   de culpabilité au titre du chef 3, persécution, soit de supprimer les

 17   condamnations au titre des chefs 5, meurtre; chef 7, expulsion; et chef 8,

 18   actes inhumains. La Chambre d'appel rappelle, néanmoins, que la

 19   jurisprudence du Tribunal concernant le cumul des déclarations de

 20   culpabilité prononcées en application de l'article 5 est bien établie.

 21   Partant, la Chambre d'appel, à la majorité, le Juge Guney ayant une opinion

 22   dissidente, conclut que la Chambre de première instance ne s'est pas

 23   fourvoyée en prononçant un cumul de déclarations de culpabilité pour

 24   persécution et autres crimes contre l'humanité même s'ils sont basés sur

 25   les mêmes faits. Ce moyen d'appel est donc rejeté.

 26   Je reviens maintenant à l'appel interjeté par Momcilo Krajisnik.

 27   S'agissant des arguments de Momcilo Krajisnik selon lesquels la Chambre de

 28   première instance a porté atteinte à son droit à un procès équitable, la

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  1   Chambre d'appel rappelle que certains de ces arguments ont déjà été rejetés

  2   en tant que moyens d'appels présentés par l'Amicus Curiae. De même, Momcilo

  3   Krajisnik ne prouve aucune erreur de droit que la Chambre de première

  4   instance aurait commise au regard de ses autres arguments qu'il a fait

  5   valoir.

  6   Momcilo Krajisnik affirme encore que la Chambre de première instance a

  7   commis des erreurs de droit et de fait en concluant qu'il était membre

  8   d'une entreprise criminelle commune, au motif que lui-même ainsi que les

  9   autres prétendus membres de cette entreprise criminelle commune étaient

 10   simplement des personnes qui effectuaient des tâches relevant en droit de

 11   leurs compétences, lesdites tâches faisant partie du fonctionnement de

 12   l'administration de l'Etat conformément à la constitution. La Chambre

 13   d'appel rejette ces arguments comme étant dénués de pertinence pour ce qui

 14   est de déterminer si les actes des personnes concernées ont eu pour

 15   résultat d'engager leur responsabilité pénale en vertu du statut.

 16   En outre sont également rejetées les conclusions de la Chambre de première

 17   instance que Momcilo Krajisnik conteste et qui concernent la création de

 18   régions et de districts autonomes serbes, celles qui concernent l'assemblée

 19   des Serbes de Bosnie, les instructions du SDS en date du 19 décembre 1991,

 20   la proclamation de la République des Serbes de Bosnie, la consolidation de

 21   l'autorité juridique serbe de Bosnie, et l'appui apporté à des activités

 22   d'armement. En l'occurrence, ces arguments sont dénués de pertinence et ne

 23   sont ni développés ni étayés, ils ne tiennent pas compte des autres preuves

 24   sur lesquelles la Chambre de première instance s'est fondée, ou contestent

 25   des conclusions de fait sur lesquelles elle n'a pas fondé la déclaration de

 26   culpabilité.

 27   Pour des raisons analogues, la Chambre d'appel rejette les griefs de

 28   Momcilo Krajisnik qui portent sur les conclusions de la Chambre de première

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  1   instance concernant le gouvernement et l'ordre judiciaire serbe de Bosnie;

  2   la présidence serbe de Bosnie; les forces armées; le MUP; les cellules de

  3   Crise; les présidences de Guerre et les commissions de guerre; et le style

  4   de gouvernement de Momcilo Krajisnik.

  5   J'en viens maintenant aux contestations supplémentaires qui ont trait

  6   à la question de l'entreprise criminelle commune présentées par le Conseil

  7   chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle commune au nom de

  8   Momcilo Krajisnik.

  9   Premièrement, le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise

 10   criminelle commune conteste la légitimité de la responsabilité d'entreprise

 11   criminelle commune et conteste la conclusion de l'arrêt rendu en appel dans

 12   l'affaire Tadic selon lequel l'entreprise criminelle commune existait déjà

 13   en droit international coutumier. En l'espèce, la Chambre d'appel considère

 14   que le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle

 15   commune ne présente aucune raison impérative pour laquelle la Chambre

 16   d'appel devrait s'écarter de ce qui, selon elle, est prévu par le Statut,

 17   même si celui-ci n'explique pas de façon explicite, à savoir qu'une

 18   entreprise criminelle commune est une forme de responsabilité. Partant,

 19   cette branche du moyen est rejetée.

 20   Le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle commune

 21   soutient ensuite que la Chambre de première instance s'est fourvoyée

 22   lorsqu'elle a conclu que l'entreprise criminelle commune constitue une

 23   forme de commission au sens de l'article 7(1) du Statut, qui rend inopérant

 24   les autres modes de responsabilité. Or, étant donné que les autres formes

 25   de responsabilité peuvent être distinguées de l'entreprise criminelle

 26   commune, cette dernière ne fait pas obstacle aux autres formes de

 27   responsabilité visées à l'article 7(10) [comme interprété] du Statut. Cette

 28   branche du moyen est également rejetée.

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  1   Le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle fait

  2   valoir ensuite que Momcilo Krajisnik n'était pas dûment informé d'une

  3   responsabilité de l'entreprise criminelle commune qui pourrait lui être

  4   reprochée puisque selon ce qu'il allègue cette notion n'existait pas avant

  5   1999 et qu'elle s'est développée par la suite jusqu'à s'étendre à de hauts

  6   fonctionnaires n'ayant que des liens ténus avec les infractions reprochées.

  7   A cet égard, la Chambre d'appel rappellera que lorsqu'elle interprète la

  8   doctrine de l'entreprise criminelle commune elle ne crée pas de droit

  9   nouveau; mais elle précise seulement ce qui a toujours été l'interprétation

 10   exacte de cette doctrine, même si cette dernière n'a pas été exprimée

 11   précédemment en ces termes. Il n'y a là rien qui contrevienne au principe

 12   nullum crimen sine lege et par conséquent cette branche du moyen invoquée

 13   est rejetée.

 14   Le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle commune

 15   affirme aussi que les discours politiques de Momcilo Krajisnik ne

 16   sauraient, en droit, constituer une contribution à l'entreprise criminelle

 17   commune en ce qu'ils sont protégés par son droit à la liberté de parole. La

 18   Chambre d'appel n'est pas de cet avis. Ce qui compte au regard du droit

 19   c'est le fait qu'un accusé se prête à contribuer de façon significative à

 20   la commission de crimes qui relèvent de l'entreprise criminelle commune.

 21   Outre cela, le droit ne prévoit pas de modes spécifiques de comportements

 22   qui en soi ne pourraient pas être considérés comme une contribution à

 23   l'objectif commun. En conséquent, cette partie de l'appel est rejetée.

 24   De même, la Chambre d'appel rejette l'argument du Conseil chargé des

 25   questions relevant de l'entreprise criminelle qui soutient que les groupes

 26   de 1 008 et 1 001 personnes détenues au camp de Manjaca n'ont pas été

 27   déplacées par des membres de l'entreprise criminelle commune, mais au

 28   contraire l'ont été sous la surveillance du HCR. Le fait que les personnes

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  1   déplacées aient été accompagnées par des forces internationales n'a pas eu

  2   pour effet de rendre illicite leur déplacement.

  3   La Chambre d'appel accueille en revanche partiellement les arguments

  4   supplémentaires du Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise

  5   criminelle commune concernant l'identité des militants de base de

  6   l'entreprise criminelle, la responsabilité de Momcilo Krajisnik pour

  7   l'accroissement des moyens criminels, et concernant le défaut de conclusion

  8   quant à un lien entre les auteurs qui ont matériellement commis les crimes

  9   et les membres de l'entreprise criminelle commune s'agissant de certains

 10   crimes commis et prévus à l'origine. Pour le surplus, la Chambre d'appel

 11   rejette les autres moyens d'appel invoqués par le conseil chargé des

 12   questions relevant de l'entreprise commune.

 13   La Chambre d'appel se penchera maintenant sur les appels interjetés par

 14   l'Amicus Curiae, par Momcilo Krajisnik et par l'Accusation au sujet de

 15   l'appel prononcé.

 16   L'Amicus Curiae soutient que la peine prononcée est excessive, étant donné

 17   que Momcilo Krajisnik n'a directement perpétré ou ordonné aucun de ces

 18   crimes. Il ajoute que la Chambre de première instance a erronément pris en

 19   considération les actes d'autres personnes en calculant la peine infligée à

 20   Momcilo Krajisnik. La Chambre d'appel juge néanmoins que le fait que

 21   Momcilo Krajisnik n'a directement perpétré ni ordonné aucun des crimes

 22   reprochés n'implique pas nécessairement qu'il ait droit à une peine plus

 23   légère. Quant à l'allégation selon laquelle la Chambre de première instance

 24   s'est référée à des actes commis par d'autres personnes, il est clair que

 25   son argument ne tient pas. Partant, ce moyen d'appel est rejeté.

 26   Momcilo Krajisnik soutient que la Chambre de première instance n'a pas pris

 27   en considération la pratique généralement suivie pour le prononcé de peine

 28   en ex-Yougoslavie; qu'elle a commis une erreur en ne procédant pas

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  1   séparément à l'analyse de la gravité des crimes d'une part et des

  2   circonstances aggravantes d'autre part; et qu'elle ait imposé une peine qui

  3   semble une mesure de représailles. La Chambre d'appel rappelle qu'elle

  4   n'est pas liée par la pratique générale suivie en ex-Yougoslavie en matière

  5   de peines d'emprisonnement. En l'espèce, la Chambre de première instance a

  6   satisfait à l'obligation qui était la sienne d'examiner la question. Cet

  7   argument est en conséquence rejeté.

  8   Quant à l'argument de Momcilo Krajisnik selon lequel la Chambre de première

  9   instance n'a pas procédé séparément à une appréciation de la gravité des

 10   crimes commis et des circonstances aggravantes, la Chambre d'appel relève

 11   que la Chambre de première instance a bien fait la distinction entre les

 12   circonstances aggravantes d'une part et la gravité des crimes d'autre part,

 13   bien qu'elle les ait examinées dans une section de son jugement qui porte

 14   un même sous-titre. L'argument est par conséquent rejeté.

 15   Momcilo Krajisnik soutient aussi que la Chambre de première instance aurait

 16   dû prendre en compte les efforts qu'il a déployés et sa participation à des

 17   négociations de paix ainsi que le fait qu'il a agi dans le cadre légal de

 18   son autorité pour atténuer la peine prononcée à son encontre. Mais Momcilo

 19   Krajisnik n'a pas démontré qu'un poids suffisant aurait été accordé à ces

 20   facteurs pour avoir une incidence sur la peine prononcée, compte tenu

 21   surtout du fait que la Chambre de première instance n'a accordé qu'un poids

 22   très limité aux facteurs qu'elle a explicitement examinés sous l'angle des

 23   circonstances atténuantes. En conséquent, ce grief est également rejeté et

 24   l'appel interjeté par Momcilo Krajisnik concernant la peine prononcée est

 25   rejeté dans son intégralité.

 26   L'Accusation fait valoir un moyen unique et soutient qu'une peine

 27   d'emprisonnement à vie est la seule peine qui soit en proportion de

 28   l'étendue globale des crimes commis par Momcilo Krajisnik. Mais

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  1   l'Accusation ne désigne aucun élément que la Chambre aurait omis d'examiner

  2   lorsqu'elle a décidé de la peine à infliger. Elle se borne à faire valoir

  3   que la peine prononcée ne rend pas compte comme il convient de la gravité

  4   du comportement criminel de Momcilo Krajisnik ou qu'elle ne traduit pas

  5   l'indignation de la communauté internationale et elle ne reflète pas

  6   l'effet dissuasif voulu pour une insuffisance patente. Partant, la première

  7   branche du moyen soulevé par l'Accusation est rejetée.

  8   L'Accusation fait ensuite valoir qu'aucune circonstance atténuante ne

  9   justifie en l'espèce une peine plus légère que l'emprisonnement à vie.

 10   La Chambre d'appel relève que la Chambre de première instance a jugé que

 11   des éléments par eux-mêmes ne constituent pas des circonstances

 12   atténuantes, mais que pris ensemble ils équivalaient à une situation

 13   personnelle susceptible de se voir accorder un poids, bien que limité, de

 14   caractère atténuant. La Chambre d'appel s'interroge quant à cette

 15   conclusion. Ou bien un facteur constitue une circonstance atténuante, ou

 16   bien il n'en constitue pas une. Si le facteur en question n'est pas une

 17   circonstance atténuante, il ne peut être pris en considération aux fins

 18   d'atténuation, même s'il est pris en considération avec d'autres facteurs

 19   qui ne constituent pas des circonstances atténuantes. La Chambre de

 20   première instance aurait dû préciser quels étaient les éléments qui à son

 21   avis constituaient des circonstances atténuantes. Quoi qu'il en soit, même

 22   si la Chambre d'appel jugeait que la Chambre de première instance a commis

 23   une erreur en retenant comme atténuants certains de ces facteurs

 24   susmentionnés, il ne serait pas pour autant clair que cette erreur avait eu

 25   une incidence sur la peine prononcée, étant donné que la Chambre de

 26   première instance a dit elle-même qu'elle n'accordait à ces facteurs qu'un

 27   poids très limité aux fins d'atténuation. Partant, la Chambre d'appel ne

 28   peut conclure que l'Accusation a démontré l'existence d'une erreur qui

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  1   invaliderait la décision prise quant à la peine. En conséquent, ce moyen

  2   d'appel invoqué par l'Accusation est rejeté dans son intégralité.

  3   En conclusion, la Chambre d'appel rejette l'appel interjeté par

  4   l'Accusation et accueille en partie les appels interjetés par l'Amicus

  5   Curiae et par Momcilo Krajisnik. Trois chefs d'accusation pour lesquels

  6   Momcilo Krajisnik a été reconnu coupable au titre des crimes sont

  7   maintenus, à savoir les expulsions, transfert forcé et persécution, la

  8   Chambre de première instance ayant reconnu erronément la responsabilité

  9   pénale de Momcilo Krajisnik pour deux autres chefs d'accusation et la

 10   plupart des crimes mentionnés dans la quatrième et dans la cinquième partie

 11   du jugement rendu en première instance.

 12   La Chambre d'appel rappellera que dans certains cas, les

 13   circonstances ont justifié qu'elle s'assure par elle-même que les

 14   conclusions de la Chambre de première instance à elles seules ou prises

 15   ensemble avec des éléments de preuve pertinents établissaient bien la

 16   culpabilité. Etant donné les circonstances de fait complexes de la présente

 17   espèce, l'appréciation en appel de crimes pour lesquels la Chambre de

 18   première instance a erronément retenu la responsabilité pénale de Momcilo

 19   Krajisnik exigerait que la Chambre d'appel procède à une nouvelle

 20   appréciation de l'ensemble du dossier. Or, un appel n'est pas un nouveau

 21   procès et on ne saurait s'attendre à ce que la Chambre d'appel se comporte

 22   en premier juge du fait étant donné qu'elle n'est pas en règle générale la

 23   mieux placée pour apprécier la fiabilité et la crédibilité des éléments de

 24   preuve présentés.

 25   L'article 117(C) du Règlement de procédures et de preuves investit la

 26   Chambre d'appel du pouvoir discrétionnaire d'ordonner un nouveau procès

 27   lorsque les circonstances le requièrent, mais la Chambre d'appel n'a pas

 28   l'obligation, lorsqu'elle a découvert une erreur, de renvoyer l'affaire

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  1   pour un nouveau procès. Ordonner de refaire le procès est une mesure

  2   exceptionnelle à laquelle on ne doit avoir recours que de façon limitée. La

  3   Chambre d'appel note que les déclarations de culpabilité pour la majorité

  4   des crimes dont Momcilo Krajisnik a été reconnu coupable sont annulées.

  5   Mais les déclarations de culpabilité des chefs de persécution, d'expulsion

  6   et de transfert forcé ont été maintenues, la gravité de ces crimes exige

  7   qu'une peine sévère et proportionnée soit prononcée. En conséquence, dans

  8   les circonstances de la présente espèce, la Chambre d'appel estime qu'il

  9   n'est pas dans l'intérêt de la justice de renvoyer l'affaire pour quelle

 10   soit jugée de nouveau.

 11   Il en résulte que la Chambre d'appel a décidé quelle peine il

 12   conviendra de prononcer pour les crimes qui ont à bon droit été imputés à

 13   Momcilo Krajisnik.

 14   Je vais maintenant donner lecture du dispositif de l'arrêt rendu en

 15   appel.

 16   Monsieur Momcilo Krajisnik, veuillez vous lever.

 17   [L'appelant se lève]

 18   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Voici le dispositif de l'arrêt.

 19   Par ces motifs, la Chambre d'appel, en application de l'article 25 du

 20   Statut et des articles 117 et 118 du Règlement; vu les écritures

 21   respectives des parties et de l'Amicus Curiae et des exposés lors du procès

 22   en appel tenu le 21 août 2008; siégeant en audience publique; accueille le

 23   moyen d'appel 3(A) invoqué par l'Amicus Curiae; accueille en partie les

 24   moyens d'appel 3(B), 3(E), 3(G), et les moyens 4 et 7 présentés par

 25   l'Amicus Curiae; rejette tous les autres moyens d'appel présentés par

 26   l'Amicus Curiae, le Juge Guney étant en désaccord en ce qui concerne le

 27   moyen 10; accueille en partie le troisième moyen d'appel présenté dans le

 28   mémoire de Me Dershowitz; rejette pour le surplus l'appel de Momcilo

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  1   Krajisnik; annule les déclarations de culpabilité au titre des chefs

  2   d'accusation 4 et 5; annule en partie les déclarations de culpabilité de

  3   Momcilo Krajisnik au titre des chefs d'accusation 3, 7, et 8; rejette les

  4   moyens d'appel de l'Accusation relatifs à la peine; condamne Momcilo

  5   Krajisnik à 20 ans d'emprisonnement à compter de ce jour en application de

  6   l'article 101(C) et de l'article 107 du Règlement, le temps passé en

  7   détention depuis le jour de son arrestation le 3 avril 2000 sera déduit de

  8   la durée totale de la peine; ordonne en application de l'article 103(C) et

  9   de l'article 107 du Règlement que Momcilo Krajisnik reste sous la garde du

 10   Tribunal en attendant que soient prises toutes les dispositions relatives à

 11   son transfert vers l'Etat où il purgera sa peine.

 12   Le Juge Mohamed Shahabuddeen joint une opinion individuelle.

 13   Monsieur Momcilo Krajisnik, vous pouvez maintenant vous asseoir.

 14   [L'appelant s'assied] 

 15   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Greffier, voudriez-vous,

 16   s'il vous plaît, faire tenir un exemplaire de l'arrêt aux parties et à

 17   l'Amicus Curiae.

 18   Je vous remercie beaucoup. Ceci conclut le procès en appel dans la présente

 19   affaire. L'audience est levée.

 20   --- L'audience est levée à 13 heures 16.

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