Page 718
1 Le mardi 17 mars 2009
2 [Audience publique]
3 [Jugement en appel]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 12 heures 31.
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à tous. Monsieur le Greffier
7 veuillez donner le numéro de l'affaire inscrite au rôle.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,
9 il s'agit de l'affaire IT-00-39-A, l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.
10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.
11 Monsieur Krajisnik, pouvez-vous entendre et comprendre l'interprétation ?
12 L'APPELANT : [interprétation] Oui, tout à fait.
13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Je vais demander aux
14 parties qu'elles se présentent, l'Accusation d'abord.
15 M. KREMER : [interprétation] Bonjour à tous. Au nom de l'Accusation, Peter
16 Kremer; à ma droite, Barbara Goy, Matteo Costi, Mme Margetts, et nous avons
17 notre commis aux affaires Lourdes Galicia.
18 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien. Je peux avoir maintenant le
19 conseil de M. Krajisnik en ce qui concerne l'entreprise criminelle commune.
20 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je suis Me Dershowitz, chargé des
21 affaires relevant de l'entreprise criminelle commune.
22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Qu'en est-il de l'Amicus Curiae
23 ?
24 M. NICHOLLS : [hors micro]
25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Comme indiqué dans son ordonnance du 26
26 février 2009 fixant la date de la présente audience, la Chambre d'appel est
27 réunie aujourd'hui pour rendre son arrêt en espèce. Conformément à l'usage,
28 je ne donnerai pas lecture du texte intégral de l'arrêt, à l'exception de
Page 719
1 son dispositif. Je résumerai ceci étant les conclusions de la Chambre
2 d'appel. Le résumé qui suit ne fait pas parti de l'arrêt, seule autorité
3 d'exposer des conclusions que l'on trouve dans le texte de l'arrêt dont les
4 copies seront disponibles à l'issue de cette audience.
5 Les événements qui sont à l'origine du présent appel se sont déroulés
6 entre le 1er juillet 1991 et le 30 décembre 1992 dans 35 municipalités de
7 Bosnie-Herzégovine. Le 27 septembre 2006, la Chambre de première instance a
8 reconnu Momcilo Krajisnik responsable de persécutions, exterminations,
9 expulsions et actes inhumains, constitutifs de crimes conte l'humanité au
10 titre de l'article 5 du Statut. La Chambre de première instance a condamné
11 Momcilo Krajisnik à une peine unique de 27 ans d'emprisonnement.
12 La Chambre de première instance a jugé que Momcilo Krajisnik avait
13 participé à une entreprise criminelle commune dont l'objectif était de
14 recomposer les territoires contrôlés par la République serbe de Bosnie
15 selon un critère d'appartenance ethnique. Cet objectif devait être atteint
16 en procédant à une réduction draconienne du pourcentage de la population
17 non-serbe, et ce, en commettant divers crimes. La Chambre de première
18 instance a conclu que cette entreprise criminelle était dirigée depuis
19 Pale, la capitale de la République serbe de Bosnie, par un groupe de
20 dirigeants comprenant Momcilo Krajisnik, Radovan Karadzic, et d'autres
21 édiles serbes de Bosnie. La base de cette entreprise criminelle commune
22 était installée dans les municipalités de la République serbe de Bosnie et
23 entretenait des liens étroits avec la direction siégeant à Pale.
24 L'Accusation a fait appel de la peine le 26 octobre 2006. Momcilo
25 Krajisnik a interjeté appel le 12 février 2007, et son conseil chargé des
26 questions relevant de l'entreprise criminelle commune a déposé un mémoire
27 en appel supplémentaire au nom de son client le 7 avril 2008. Pour sa part,
28 l'Amicus Curiae a interjeté appel le 8 juin 2007. L'audience en appel en
Page 720
1 espèce s'est tenue le 21 août 2008, et trois autres audiences consacrées à
2 la présentation des éléments de preuve supplémentaires ont eu lieu les 3,
3 5, et 11 novembre 2008.
4 Je commencerai par l'examen des moyens d'appel présentés par l'Amicus
5 Curiae, puis j'examinerai les moyens d'appel de Momcilo Krajisnik, et ce,
6 présentés par son conseil chargé des questions relevant de l'entreprise
7 criminelle commune. Et pour finir, j'invoquerai ensemble les moyens d'appel
8 concernant la peine.
9 Dans son premier moyen d'appel, l'Amicus Curiae a fait valoir qu'il a
10 été porté atteinte au droit de Momcilo Krajisnik à un procès équitable et
11 qu'il n'a pas été efficacement représenté par son conseil. En premier lieu,
12 il fait valoir que Me Brashich n'a pas su remettre le dossier complet à Me
13 Stewart en temps utile et de façon ordonnée et n'a pas fourni un travail
14 suffisant.
15 La Chambre d'appel juge néanmoins que la Chambre de première instance
16 a su adapter le déroulement de ces audiences en autorisant plusieurs
17 reports. Aussi, la Chambre d'appel n'est-elle pas convaincue que le fait
18 que Me Brashich n'ait pas remis à temps un dossier de l'affaire en ordre à
19 Me Stewart ait entraîné un déni de justice.
20 De plus, la Chambre d'appel reconnaît que le dossier remis par Me
21 Brashich à Me Stewart n'a pas été aussi bien constitué qu'il aurait dû
22 l'être, mais la nouvelle équipe de la Défense a profité d'un certain nombre
23 de travaux effectués par l'équipe de Me Brashich, notamment son mémoire
24 préalable au procès. De plus, la nouvelle équipe de la Défense a bénéficié
25 d'une assistance juridique substantielle et d'un délai supplémentaire pour
26 ses préparatifs préalables au procès. De ce fait, la Chambre d'appel conclu
27 que Momcilo Krajisnik n'a pas subi de préjudice du fait des manquements
28 professionnels de son conseil Me Brashich.
Page 721
1 En ce qui concerne les manquements dont aurait fait preuve Me
2 Stewart, l'Amicus Curiae allègue que ce dernier était visiblement mal
3 préparé pour commencer le procès en février 2004 et a commis une grave
4 erreur en ne demandant pas un report avant le début du procès. Néanmoins,
5 la Chambre d'appel relève que l'équipe de Défense de Me Stewart n'avait pas
6 un manque de préparation pour commencer le procès en février 2004 et que
7 l'Amicus Curiae n'a pas pu démontrer une insuffisance de préparation de la
8 Défense telle en début de procès, que celle-ci aurait entraînée un délit de
9 justice.
10 L'Amicus Curiae fait ensuite valoir que Me Stewart n'avait pas
11 correctement étudié les éléments communiqués à la Défense. C'est qu'au
12 début du procès il n'avait pris connaissance que de 1 ou 2 % des éléments
13 du dossier et qu'au treizième mois du procès il en avait lu que 15 %. La
14 Chambre d'appel remarque qu'aux dires même de Me Stewart, celui-ci avait
15 délégué comme il convient à son équipe l'étude de ces documents. Ainsi,
16 l'Amicus Curiae n'a pas su démontrer que l'étude faite par la Défense des
17 éléments communiqués, même si elle a pu se révéler imparfaite, a résulté en
18 un délit de justice.
19 De plus, l'Amicus Curiae allègue que Me Stewart n'a pas réussi à obtenir
20 des consignes claires de la part de Momcilo Krajisnik avant le début du
21 procès en vue de définir une stratégie de défense appropriée. Lors de son
22 audience en appel, Me Stewart a déposé afin de faire savoir s'il avait bien
23 compris la stratégie de défense avant l'ouverture du procès, principalement
24 grâce aux instructions provenant de Momcilo Krajisnik. Cet argument est
25 donc rejeté.
26 L'Amicus Curiae allègue de plus que les carences observées dans la
27 préparation de la défense ont entraîné le retrait de l'affaire en 2005 du
28 co-conseil, Me Loukas, et du commis à l'affaire, Mme Cmeric, ce qui a
Page 722
1 encore réduit l'efficacité de l'équipe représentant Momcilo Krajisnik. La
2 Chambre d'appel remarque que les personnes qui ont quitté l'équipe de la
3 Défense ont été immédiatement remplacées et que le conseil principal, Me
4 Stewart, est resté chargé de l'affaire jusqu'à la fin du procès. Cet
5 argument est donc rejeté.
6 L'Amicus Curiae affirme aussi que la Chambre de première instance n'avait
7 manifestement pas accordé à la Défense assez de temps pour rédiger son
8 mémoire en clôture à déposer au plus tard le 18 août 2006; néanmoins, la
9 Défense savait dès le 26 avril 2005 que ce mémoire en clôture était dû dans
10 les 11 jours ouvrables suivant la clôture des débats. Cette allégation est
11 donc rejetée.
12 L'Amicus Curiae soutient de plus que la Chambre de première instance a fait
13 obstacle à l'équité du procès de Momcilo Krajisnik en restreignant de façon
14 inadmissible son droit à interroger les témoins à charge. Néanmoins,
15 l'Amicus Curiae ayant négligé d'exposer en détail la façon dont la Chambre
16 de première aurait abusé du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de
17 l'article 90(F) du Règlement, cette affirmation est rejetée.
18 L'Amicus Curiae fait aussi valoir que la Défense ne s'est pas vu accorder
19 un délai ou des ressources suffisantes pour préparer son contre-
20 interrogatoire des témoins de la Chambre. Cela étant, la Chambre d'appel
21 relève que la Défense a reçu les éléments portant sur ces témoins avec un
22 préavis raisonnable avant que ces témoins viennent déposer et, que de plus,
23 ces personnes étaient bien connues de Momcilo Krajisnik et de sa Défense.
24 De même, la Chambre d'appel rejette l'argument de l'Amicus Curiae selon
25 lequel la Défense n'a pas bénéficié d'un laps de temps suffisant pour
26 contre-interroger Mme Plavsic, témoin de la Chambre, étant donné que la
27 Défense n'a utilisé que les trois quarts des deux heures et 40 minutes qui
28 lui avait été alloué par la Chambre de première instance pour procéder à ce
Page 723
1 contre-interrogatoire.
2 L'Amicus Curiae soutient aussi que la Chambre de première instance a commis
3 une erreur lorsqu'elle a refusé à Momcilo Krajisnik le droit d'assurer sa
4 propre défense. Mais l'Amicus Curiae n'a pas démontré qu'il convient de
5 faire droit à une requête aux fins d'assurer sa propre défense tant que
6 l'accusé n'adopte pas un comportement délibérément d'obstruction. Cette
7 branche de ce moyen d'appel est donc rejetée.
8 L'Amicus Curiae fait en outre valoir que les Juges de la Chambre de
9 première instance dans sa deuxième composition ont commis une erreur de
10 droit en ordonnant une reprise des débats alors qu'il était évident que M.
11 Hanoteau, le Juge suppléant, n'était pas encore suffisamment au fait de
12 l'affaire. Néanmoins, l'Amicus Curiae ne présente pas d'éléments de preuve
13 démontrant que le Juge Hanoteau ne s'était pas suffisamment familiarisé
14 avec l'affaire pour être à même de remplir au mieux sa mission. Cette
15 branche du moyen d'appel est donc rejetée.
16 Par ces motifs, la Chambre d'appel rejette l'affirmation de l'Amicus Curiae
17 selon laquelle le procès de Momcilo Krajisnik n'aurait pas été équitable.
18 Cela dit, la Chambre d'appel relève que certains aspects de la conduite du
19 procès n'étaient pas exempts de carences et de fait a pu créer une
20 apparence de manque d'équité. Néanmoins, après avoir étudié de façon
21 globale l'ensemble du dossier ainsi que les éléments de preuve
22 supplémentaires présentés en appel, la Chambre d'appel n'est pas convaincue
23 que l'Amicus Curiae a réussi à démontrer que ces carences équivaudraient à
24 un délit de justice qui aurait sapé l'équité du procès auquel avait droit
25 Momcilo Krajisnik. Ce moyen d'appel est donc totalement rejeté par la
26 Chambre d'appel.
27 Dans son deuxième moyen d'appel, l'Amicus Curiae soutient que la Chambre de
28 première instance a commis une erreur de droit en ne motivant pas
Page 724
1 suffisamment son jugement et en ne donnant pas les motifs expliquant
2 pourquoi certains témoins et certaines pièces ont été jugés crédibles et
3 d'autres non. Mais la Chambre d'appel remarque que la Chambre de première
4 instance a précisé qu'elle avait soigneusement examiné ces éléments. Les
5 passages attaqués ne font que souligner que la Chambre de première instance
6 ne pouvait aborder et commenter tous les éléments de preuve dans le
7 jugement. Or, cet énoncé en soi ne peut être assimilé à avoir négligé
8 d'étudier les éléments en question. De ce fait, le deuxième moyen d'appel
9 soulevé par l'Amicus Curiae est rejeté.
10 Dans le cadre de son troisième moyen d'appel, l'Amicus Curiae fait valoir
11 que la Chambre de première instance n'a pas correctement identifié les
12 participants à l'entreprise criminelle commune, elle ne pouvait donc pas
13 conclure au-delà de tout doute raisonnable qu'il existait un objectif
14 commun les liant à Momcilo Krajisnik. La Chambre d'appel reconnaît en effet
15 que la Chambre de première instance a effectivement fait une erreur en ne
16 précisant pas si tous les hommes politiques, militaires, les commandants de
17 police, les dirigeants de groupes paramilitaires auxquels il est fait
18 référence au paragraphe 1 087 du jugement ou seulement certains d'entre eux
19 étaient bel et bien membres de l'entreprise criminelle commune. La Chambre
20 d'appel accueille donc cette branche de ce moyen d'appel.
21 L'Amicus Curiae soutient ensuite que la Chambre de première instance a
22 commis une erreur en ne précisant pas à quel moment les meurtres commis se
23 sont inscrits dans le cadre de l'entreprise criminelle commune ce qui
24 aurait ainsi permis de les imputer à Momcilo Krajisnik. Dans ce contexte,
25 la Chambre d'appel relève premièrement qu'il lui suffit que la Chambre de
26 première instance ait conclu que Momcilo Krajisnik partageait l'intention
27 de commettre les crimes prévus dès l'origine, à savoir les expulsions, le
28 transfert forcé et les persécutions, et ce, sur la base des crimes en
Page 725
1 question dès le début de l'entreprise criminelle commune.
2 En ce qui concerne l'accroissement des moyens criminels avec le
3 recourt au meurtre, à l'extermination et à la persécution, moyens criminels
4 qui trouvaient leur fondement dans le cadre de crimes autres que les
5 expulsions ou le transfert forcé, la Chambre de première instance a jugé en
6 général qu'ils se sont ajoutés à l'entreprise criminelle commune dès que
7 les dirigeants de ladite entreprise ont été informés de leur commission.
8 Ces dirigeants informés n'ont pris aucune mesure pour empêcher que ces
9 crimes ne soient à nouveau commis et ont continué à mettre en œuvre leur
10 objectif commun entérinant ainsi l'intention d'accroître les moyens
11 criminels. Néanmoins, la Chambre d'appel relève que la Chambre de première
12 instance n'a fait que très peu ou pas de constatations concernant ces
13 éléments nécessaires.
14 De ce fait, la Chambre d'appel n'est pas en mesure de conclure avec
15 la précision nécessaire comment et à quel moment l'objectif commun de
16 l'entreprise criminelle commune a inclus cet accroissement des moyens
17 criminels. En conséquence, elle n'est pas en mesure de savoir sur quels
18 éléments la Chambre de première instance s'est basée pour imputer
19 l'accroissement de ces moyens criminels à Momcilo Krajisnik. On ne saurait
20 exiger d'une Chambre d'appel non plus d'un accusé de se lancer dans des
21 conjectures sur le sens des constatations de la Chambre de première
22 instance - ou sur leur manque de sens - au regard d'un élément aussi
23 essentiel de la responsabilité individuelle pénale de Momcilo Krajisnik que
24 la portée de l'objectif commun poursuivi dans le cadre de l'entreprise
25 criminelle commune.
26 De ce fait, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de première
27 instance a commis une erreur de droit en n'effectuant pas les constatations
28 nécessaires pour permettre de condamner Momcilo Krajisnik au titre des
Page 726
1 moyens criminels accrus suivants, qui n'étaient pas initialement inclus
2 dans l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune : Persécution,
3 chef 3, à l'exception des actes sous-jacents aux expulsions et au transfert
4 forcé; extermination, chef 4; et meurtre, chef 5.
5 En conséquence, la Chambre d'appel accueille en partie cette partie
6 de ce moyen d'appel et rejette le surplus. Les déclarations de culpabilité
7 de Momcilo Krajisnik pour accroissement des moyens criminels au titre des
8 chefs 3,4 et 5 sont donc annulées.
9 L'Amicus Curiae fait aussi valoir que la Chambre de première instance
10 a commis une erreur de droit en jugeant qu'un membre de l'entreprise
11 criminelle peut être tenu pénalement responsable des agissements de
12 personnes qui ne faisaient pas partie de ladite entreprise criminelle
13 commune et qui potentiellement en ignoraient même l'existence ou le but.
14 L'Amicus Curiae affirme que la Chambre de première instance s'est fourvoyée
15 lorsqu'elle s'est écartée de l'arrêt Brdjanin, et qu'elle n'a pas constaté
16 qu'il existait un lien entre Krajisnik et ces crimes.
17 La Chambre de première instance a jugé qu'un membre de l'entreprise
18 criminelle commune pouvait voir sa responsabilité engagée pour des crimes
19 commis par des auteurs principaux à l'instigation d'un membre de
20 l'entreprise criminelle commune en vue d'atteindre l'objectif commun. La
21 Chambre d'appel est convaincue que ce critère correspond sur le fond à
22 celui appliqué dans l'arrêt Brdjanin qui d'ailleurs a été rendu après le
23 jugement Krajisnik. L'Amicus Curiae n'a donc pas démontré que la Chambre de
24 première instance a commis une erreur en l'espèce.
25 La Chambre d'appel fait néanmoins remarquer qu'à de nombreuses reprises la
26 Chambre de première instance s'est fourvoyée en ne constatant pas de lien
27 entre les auteurs principaux des crimes constitutifs des crimes
28 initialement prévus, à savoir les expulsions, le transfert forcé et les
Page 727
1 persécutions, et l'entreprise criminelle commune. Ils s'ensuit que la
2 Chambre d'appel conclut que la Chambre de première instance n'a réussi que
3 dans les cas suivants à faire les constatations suivantes et nécessaires
4 prouvant que les crimes prévus à l'origine ont bien été commis par les
5 membres de l'entreprise criminelle commune par le truchement d'auteurs
6 principaux en vue de poursuivre un objectif commun : Persécution par le
7 biais d'expulsion, chef 3, Bratunac, Zvornik, Sanski Most, Banja Luka,
8 Bijeljina, et Prnjavor; persécution par le biais de transfert forcé, chef
9 numéro 3, Bijeljina, Bratunac, Zvornik, Bosanska Krupa, Sanski Most,
10 Trnovo, Sokolac; expulsion, chef numéro 7, Bratunac, Zvornik, Sanski Most,
11 Banja Luka, Bijeljina, et Prnjavor; et actes inhumains par le biais de
12 transfert forcé, chef 8, à Bijeljina, Bratunac, Zvornik, Bosanska Krupa,
13 Sanski Most, Trnovo, et Sokolac.
14 Les déclarations de culpabilité pour le restant des crimes prévus dès
15 l'origine au titre des chefs 3, 7, et 8 sont donc annulées.
16 De plus, l'Amicus Curiae allègue que la Chambre de première instance a
17 commis une erreur de droit en négligeant de faire les constatations
18 pertinentes portant sur les expulsions pour toutes les municipalités
19 concernées. La Chambre d'appel estime qu'en effet la Chambre de première
20 instance n'a pas toujours effectué les analyses nécessaires pour vérifier
21 si une frontière suffisante soit de jure soit de facto avait bel et bien
22 été franchie. De ce fait, les constatations d'expulsion concernant les
23 municipalités de Bijeljina, Bratunac et Sanski Most sont infondées et les
24 déclarations de culpabilité de Momcilo Krajisnik au titre de ces crimes
25 sont annulées. Néanmoins, la Chambre d'appel est d'avis que la Chambre de
26 première instance a constaté que des personnes ont bel et bien été
27 déplacées par la force au travers de frontières de jure depuis les
28 municipalités de Zvornik, Banja Luka, et Prnjavor, ce qui est assimilable à
Page 728
1 une expulsion. La Chambre d'appel accueille donc en partie ce moyen
2 d'appel.
3 Ensuite, l'Amicus Curiae fait valoir que la Chambre de première instance a
4 commis une erreur de droit en déclarant Momcilo Krajisnik coupable de
5 transfert forcé, élément constitutif d'autres actes inhumains, sans pour
6 autant constater que les déplacements étaient suffisamment graves pour
7 constituer d'autres actes inhumains. La Chambre d'appel considère en effet
8 que la Chambre de première instance n'a pas relevé que les exemples de
9 transfert forcé étaient suffisamment graves pour être assimilés à d'autres
10 actes inhumains tel que prévu à l'article 5(i) du Statut. Néanmoins, cette
11 erreur n'invalide pas le jugement étant donné que les actes de transfert
12 forcé étaient aussi graves que les expulsions. Ce moyen d'appel est donc
13 rejeté.
14 L'Amicus Curiae poursuit en soutenant que la Chambre de première instance a
15 commis une erreur de fait en constatant la position hiérarchique occupée
16 par Momcilo Krajisnik au sein de la direction des Serbes de Bosnie. La
17 Chambre d'appel est néanmoins convaincue que la Chambre de première
18 instance a été suffisamment prudente lorsqu'elle a évalué les éléments de
19 preuve pertinents et en revanche n'est nullement convaincue que les
20 éléments de preuve supplémentaires apportés par Radovan Karadzic suffisent
21 à saper les nombreuses preuves étayant les constatations de la Chambre de
22 première instance.
23 L'Amicus Curiae avance ensuite que la constatation faite par la Chambre à
24 propos du pouvoir et de l'autorité détenus par Momcilo Krajisnik ne
25 correspondent pas à la conclusion de ladite Chambre concernant son manque
26 de contrôle effectif. La Chambre d'appel n'en convient pas, étant donné que
27 la Chambre de première instance a justement conclu que le contrôle effectif
28 n'était pas un élément requis pour établir la responsabilité au titre de
Page 729
1 l'entreprise criminelle commune, seul titre de responsabilité applicable à
2 Momcilo Krajisnik.
3 Ensuite, l'Amicus Curiae a fait valoir que l'Accusation avait enfreint
4 l'article 90(H)(ii) du Règlement en omettant de présenter à Momcilo
5 Krajisnik au cours de sa propre déposition les éléments matériels sur
6 lesquels elle comptait pour établir sa culpabilité et qui contredisaient
7 son témoignage. La Chambre d'appel remarque, néanmoins, que l'article
8 90(H)(ii) du Règlement n'a pas été prévu pour être appliqué à un accusé
9 déposant en tant que témoin dans son propre procès. De plus, la Chambre
10 d'appel est convaincue que Momcilo Krajisnik était parfaitement au courant
11 de la thèse que l'Accusation soutenait. Partant, ce moyen d'appel est
12 rejeté.
13 L'Amicus Curiae a aussi allégué que la Chambre de première instance avait
14 fait une mauvaise application des textes sur le cumul des culpabilités et
15 a, de ce fait, demandé à la Chambre d'appel soit d'annuler les déclarations
16 de culpabilité au titre du chef 3, persécution, soit de supprimer les
17 condamnations au titre des chefs 5, meurtre; chef 7, expulsion; et chef 8,
18 actes inhumains. La Chambre d'appel rappelle, néanmoins, que la
19 jurisprudence du Tribunal concernant le cumul des déclarations de
20 culpabilité prononcées en application de l'article 5 est bien établie.
21 Partant, la Chambre d'appel, à la majorité, le Juge Guney ayant une opinion
22 dissidente, conclut que la Chambre de première instance ne s'est pas
23 fourvoyée en prononçant un cumul de déclarations de culpabilité pour
24 persécution et autres crimes contre l'humanité même s'ils sont basés sur
25 les mêmes faits. Ce moyen d'appel est donc rejeté.
26 Je reviens maintenant à l'appel interjeté par Momcilo Krajisnik.
27 S'agissant des arguments de Momcilo Krajisnik selon lesquels la Chambre de
28 première instance a porté atteinte à son droit à un procès équitable, la
Page 730
1 Chambre d'appel rappelle que certains de ces arguments ont déjà été rejetés
2 en tant que moyens d'appels présentés par l'Amicus Curiae. De même, Momcilo
3 Krajisnik ne prouve aucune erreur de droit que la Chambre de première
4 instance aurait commise au regard de ses autres arguments qu'il a fait
5 valoir.
6 Momcilo Krajisnik affirme encore que la Chambre de première instance a
7 commis des erreurs de droit et de fait en concluant qu'il était membre
8 d'une entreprise criminelle commune, au motif que lui-même ainsi que les
9 autres prétendus membres de cette entreprise criminelle commune étaient
10 simplement des personnes qui effectuaient des tâches relevant en droit de
11 leurs compétences, lesdites tâches faisant partie du fonctionnement de
12 l'administration de l'Etat conformément à la constitution. La Chambre
13 d'appel rejette ces arguments comme étant dénués de pertinence pour ce qui
14 est de déterminer si les actes des personnes concernées ont eu pour
15 résultat d'engager leur responsabilité pénale en vertu du statut.
16 En outre sont également rejetées les conclusions de la Chambre de première
17 instance que Momcilo Krajisnik conteste et qui concernent la création de
18 régions et de districts autonomes serbes, celles qui concernent l'assemblée
19 des Serbes de Bosnie, les instructions du SDS
20 la proclamation de la République des Serbes de Bosnie, la consolidation de
21 l'autorité juridique serbe de Bosnie, et l'appui apporté à des activités
22 d'armement. En l'occurrence, ces arguments sont dénués de pertinence et ne
23 sont ni développés ni étayés, ils ne tiennent pas compte des autres preuves
24 sur lesquelles la Chambre de première instance s'est fondée, ou contestent
25 des conclusions de fait sur lesquelles elle n'a pas fondé la déclaration de
26 culpabilité.
27 Pour des raisons analogues, la Chambre d'appel rejette les griefs de
28 Momcilo Krajisnik qui portent sur les conclusions de la Chambre de première
Page 731
1 instance concernant le gouvernement et l'ordre judiciaire serbe de Bosnie;
2 la présidence serbe de Bosnie; les forces armées; le MUP; les cellules de
3 Crise; les présidences de Guerre et les commissions de guerre; et le style
4 de gouvernement de Momcilo Krajisnik.
5 J'en viens maintenant aux contestations supplémentaires qui ont trait
6 à la question de l'entreprise criminelle commune présentées par le Conseil
7 chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle commune au nom de
8 Momcilo Krajisnik.
9 Premièrement, le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise
10 criminelle commune conteste la légitimité de la responsabilité d'entreprise
11 criminelle commune et conteste la conclusion de l'arrêt rendu en appel dans
12 l'affaire Tadic selon lequel l'entreprise criminelle commune existait déjà
13 en droit international coutumier. En l'espèce, la Chambre d'appel considère
14 que le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle
15 commune ne présente aucune raison impérative pour laquelle la Chambre
16 d'appel devrait s'écarter de ce qui, selon elle, est prévu par le Statut,
17 même si celui-ci n'explique pas de façon explicite, à savoir qu'une
18 entreprise criminelle commune est une forme de responsabilité. Partant,
19 cette branche du moyen est rejetée.
20 Le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle commune
21 soutient ensuite que la Chambre de première instance s'est fourvoyée
22 lorsqu'elle a conclu que l'entreprise criminelle commune constitue une
23 forme de commission au sens de l'article 7(1) du Statut, qui rend inopérant
24 les autres modes de responsabilité. Or, étant donné que les autres formes
25 de responsabilité peuvent être distinguées de l'entreprise criminelle
26 commune, cette dernière ne fait pas obstacle aux autres formes de
27 responsabilité visées à l'article 7(10) [comme interprété] du Statut. Cette
28 branche du moyen est également rejetée.
Page 732
1 Le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle fait
2 valoir ensuite que Momcilo Krajisnik n'était pas dûment informé d'une
3 responsabilité de l'entreprise criminelle commune qui pourrait lui être
4 reprochée puisque selon ce qu'il allègue cette notion n'existait pas avant
5 1999 et qu'elle s'est développée par la suite jusqu'à s'étendre à de hauts
6 fonctionnaires n'ayant que des liens ténus avec les infractions reprochées.
7 A cet égard, la Chambre d'appel rappellera que lorsqu'elle interprète la
8 doctrine de l'entreprise criminelle commune elle ne crée pas de droit
9 nouveau; mais elle précise seulement ce qui a toujours été l'interprétation
10 exacte de cette doctrine, même si cette dernière n'a pas été exprimée
11 précédemment en ces termes. Il n'y a là rien qui contrevienne au principe
12 nullum crimen sine lege et par conséquent cette branche du moyen invoquée
13 est rejetée.
14 Le Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise criminelle commune
15 affirme aussi que les discours politiques de Momcilo Krajisnik ne
16 sauraient, en droit, constituer une contribution à l'entreprise criminelle
17 commune en ce qu'ils sont protégés par son droit à la liberté de parole. La
18 Chambre d'appel n'est pas de cet avis. Ce qui compte au regard du droit
19 c'est le fait qu'un accusé se prête à contribuer de façon significative à
20 la commission de crimes qui relèvent de l'entreprise criminelle commune.
21 Outre cela, le droit ne prévoit pas de modes spécifiques de comportements
22 qui en soi ne pourraient pas être considérés comme une contribution à
23 l'objectif commun. En conséquent, cette partie de l'appel est rejetée.
24 De même, la Chambre d'appel rejette l'argument du Conseil chargé des
25 questions relevant de l'entreprise criminelle qui soutient que les groupes
26 de 1 008 et 1 001 personnes détenues au camp de Manjaca n'ont pas été
27 déplacées par des membres de l'entreprise criminelle commune, mais au
28 contraire l'ont été sous la surveillance du HCR
Page 733
1 déplacées aient été accompagnées par des forces internationales n'a pas eu
2 pour effet de rendre illicite leur déplacement.
3 La Chambre d'appel accueille en revanche partiellement les arguments
4 supplémentaires du Conseil chargé des questions relevant de l'entreprise
5 criminelle commune concernant l'identité des militants de base de
6 l'entreprise criminelle, la responsabilité de Momcilo Krajisnik pour
7 l'accroissement des moyens criminels, et concernant le défaut de conclusion
8 quant à un lien entre les auteurs qui ont matériellement commis les crimes
9 et les membres de l'entreprise criminelle commune s'agissant de certains
10 crimes commis et prévus à l'origine. Pour le surplus, la Chambre d'appel
11 rejette les autres moyens d'appel invoqués par le conseil chargé des
12 questions relevant de l'entreprise commune.
13 La Chambre d'appel se penchera maintenant sur les appels interjetés par
14 l'Amicus Curiae, par Momcilo Krajisnik et par l'Accusation au sujet de
15 l'appel prononcé.
16 L'Amicus Curiae soutient que la peine prononcée est excessive, étant donné
17 que Momcilo Krajisnik n'a directement perpétré ou ordonné aucun de ces
18 crimes. Il ajoute que la Chambre de première instance a erronément pris en
19 considération les actes d'autres personnes en calculant la peine infligée à
20 Momcilo Krajisnik. La Chambre d'appel juge néanmoins que le fait que
21 Momcilo Krajisnik n'a directement perpétré ni ordonné aucun des crimes
22 reprochés n'implique pas nécessairement qu'il ait droit à une peine plus
23 légère. Quant à l'allégation selon laquelle la Chambre de première instance
24 s'est référée à des actes commis par d'autres personnes, il est clair que
25 son argument ne tient pas. Partant, ce moyen d'appel est rejeté.
26 Momcilo Krajisnik soutient que la Chambre de première instance n'a pas pris
27 en considération la pratique généralement suivie pour le prononcé de peine
28 en ex-Yougoslavie; qu'elle a commis une erreur en ne procédant pas
Page 734
1 séparément à l'analyse de la gravité des crimes d'une part et des
2 circonstances aggravantes d'autre part; et qu'elle ait imposé une peine qui
3 semble une mesure de représailles. La Chambre d'appel rappelle qu'elle
4 n'est pas liée par la pratique générale suivie en ex-Yougoslavie en matière
5 de peines d'emprisonnement. En l'espèce, la Chambre de première instance a
6 satisfait à l'obligation qui était la sienne d'examiner la question. Cet
7 argument est en conséquence rejeté.
8 Quant à l'argument de Momcilo Krajisnik selon lequel la Chambre de première
9 instance n'a pas procédé séparément à une appréciation de la gravité des
10 crimes commis et des circonstances aggravantes, la Chambre d'appel relève
11 que la Chambre de première instance a bien fait la distinction entre les
12 circonstances aggravantes d'une part et la gravité des crimes d'autre part,
13 bien qu'elle les ait examinées dans une section de son jugement qui porte
14 un même sous-titre. L'argument est par conséquent rejeté.
15 Momcilo Krajisnik soutient aussi que la Chambre de première instance aurait
16 dû prendre en compte les efforts qu'il a déployés et sa participation à des
17 négociations de paix ainsi que le fait qu'il a agi dans le cadre légal de
18 son autorité pour atténuer la peine prononcée à son encontre. Mais Momcilo
19 Krajisnik n'a pas démontré qu'un poids suffisant aurait été accordé à ces
20 facteurs pour avoir une incidence sur la peine prononcée, compte tenu
21 surtout du fait que la Chambre de première instance n'a accordé qu'un poids
22 très limité aux facteurs qu'elle a explicitement examinés sous l'angle des
23 circonstances atténuantes. En conséquent, ce grief est également rejeté et
24 l'appel interjeté par Momcilo Krajisnik concernant la peine prononcée est
25 rejeté dans son intégralité.
26 L'Accusation fait valoir un moyen unique et soutient qu'une peine
27 d'emprisonnement à vie est la seule peine qui soit en proportion de
28 l'étendue globale des crimes commis par Momcilo Krajisnik. Mais
Page 735
1 l'Accusation ne désigne aucun élément que la Chambre aurait omis d'examiner
2 lorsqu'elle a décidé de la peine à infliger. Elle se borne à faire valoir
3 que la peine prononcée ne rend pas compte comme il convient de la gravité
4 du comportement criminel de Momcilo Krajisnik ou qu'elle ne traduit pas
5 l'indignation de la communauté internationale et elle ne reflète pas
6 l'effet dissuasif voulu pour une insuffisance patente. Partant, la première
7 branche du moyen soulevé par l'Accusation est rejetée.
8 L'Accusation fait ensuite valoir qu'aucune circonstance atténuante ne
9 justifie en l'espèce une peine plus légère que l'emprisonnement à vie.
10 La Chambre d'appel relève que la Chambre de première instance a jugé que
11 des éléments par eux-mêmes ne constituent pas des circonstances
12 atténuantes, mais que pris ensemble ils équivalaient à une situation
13 personnelle susceptible de se voir accorder un poids, bien que limité, de
14 caractère atténuant. La Chambre d'appel s'interroge quant à cette
15 conclusion. Ou bien un facteur constitue une circonstance atténuante, ou
16 bien il n'en constitue pas une. Si le facteur en question n'est pas une
17 circonstance atténuante, il ne peut être pris en considération aux fins
18 d'atténuation, même s'il est pris en considération avec d'autres facteurs
19 qui ne constituent pas des circonstances atténuantes. La Chambre de
20 première instance aurait dû préciser quels étaient les éléments qui à son
21 avis constituaient des circonstances atténuantes. Quoi qu'il en soit, même
22 si la Chambre d'appel jugeait que la Chambre de première instance a commis
23 une erreur en retenant comme atténuants certains de ces facteurs
24 susmentionnés, il ne serait pas pour autant clair que cette erreur avait eu
25 une incidence sur la peine prononcée, étant donné que la Chambre de
26 première instance a dit elle-même qu'elle n'accordait à ces facteurs qu'un
27 poids très limité aux fins d'atténuation. Partant, la Chambre d'appel ne
28 peut conclure que l'Accusation a démontré l'existence d'une erreur qui
Page 736
1 invaliderait la décision prise quant à la peine. En conséquent, ce moyen
2 d'appel invoqué par l'Accusation est rejeté dans son intégralité.
3 En conclusion, la Chambre d'appel rejette l'appel interjeté par
4 l'Accusation et accueille en partie les appels interjetés par l'Amicus
5 Curiae et par Momcilo Krajisnik. Trois chefs d'accusation pour lesquels
6 Momcilo Krajisnik a été reconnu coupable au titre des crimes sont
7 maintenus, à savoir les expulsions, transfert forcé et persécution, la
8 Chambre de première instance ayant reconnu erronément la responsabilité
9 pénale de Momcilo Krajisnik pour deux autres chefs d'accusation et la
10 plupart des crimes mentionnés dans la quatrième et dans la cinquième partie
11 du jugement rendu en première instance.
12 La Chambre d'appel rappellera que dans certains cas, les
13 circonstances ont justifié qu'elle s'assure par elle-même que les
14 conclusions de la Chambre de première instance à elles seules ou prises
15 ensemble avec des éléments de preuve pertinents établissaient bien la
16 culpabilité. Etant donné les circonstances de fait complexes de la présente
17 espèce, l'appréciation en appel de crimes pour lesquels la Chambre de
18 première instance a erronément retenu la responsabilité pénale de Momcilo
19 Krajisnik exigerait que la Chambre d'appel procède à une nouvelle
20 appréciation de l'ensemble du dossier. Or, un appel n'est pas un nouveau
21 procès et on ne saurait s'attendre à ce que la Chambre d'appel se comporte
22 en premier juge du fait étant donné qu'elle n'est pas en règle générale la
23 mieux placée pour apprécier la fiabilité et la crédibilité des éléments de
24 preuve présentés.
25 L'article 117(C) du Règlement de procédures et de preuves investit la
26 Chambre d'appel du pouvoir discrétionnaire d'ordonner un nouveau procès
27 lorsque les circonstances le requièrent, mais la Chambre d'appel n'a pas
28 l'obligation, lorsqu'elle a découvert une erreur, de renvoyer l'affaire
Page 737
1 pour un nouveau procès. Ordonner de refaire le procès est une mesure
2 exceptionnelle à laquelle on ne doit avoir recours que de façon limitée. La
3 Chambre d'appel note que les déclarations de culpabilité pour la majorité
4 des crimes dont Momcilo Krajisnik a été reconnu coupable sont annulées.
5 Mais les déclarations de culpabilité des chefs de persécution, d'expulsion
6 et de transfert forcé ont été maintenues, la gravité de ces crimes exige
7 qu'une peine sévère et proportionnée soit prononcée. En conséquence, dans
8 les circonstances de la présente espèce, la Chambre d'appel estime qu'il
9 n'est pas dans l'intérêt de la justice de renvoyer l'affaire pour quelle
10 soit jugée de nouveau.
11 Il en résulte que la Chambre d'appel a décidé quelle peine il
12 conviendra de prononcer pour les crimes qui ont à bon droit été imputés à
13 Momcilo Krajisnik.
14 Je vais maintenant donner lecture du dispositif de l'arrêt rendu en
15 appel.
16 Monsieur Momcilo Krajisnik, veuillez vous lever.
17 [L'appelant se lève]
18 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Voici le dispositif de l'arrêt.
19 Par ces motifs, la Chambre d'appel, en application de l'article 25 du
20 Statut et des articles 117 et 118 du Règlement; vu les écritures
21 respectives des parties et de l'Amicus Curiae et des exposés lors du procès
22 en appel tenu le 21 août 2008; siégeant en audience publique; accueille le
23 moyen d'appel 3(A) invoqué par l'Amicus Curiae; accueille en partie les
24 moyens d'appel 3(B), 3(E), 3(G), et les moyens 4 et 7 présentés par
25 l'Amicus Curiae; rejette tous les autres moyens d'appel présentés par
26 l'Amicus Curiae, le Juge Guney étant en désaccord en ce qui concerne le
27 moyen 10; accueille en partie le troisième moyen d'appel présenté dans le
28 mémoire de Me Dershowitz; rejette pour le surplus l'appel de Momcilo
Page 738
1 Krajisnik; annule les déclarations de culpabilité au titre des chefs
2 d'accusation 4 et 5; annule en partie les déclarations de culpabilité de
3 Momcilo Krajisnik au titre des chefs d'accusation 3, 7, et 8; rejette les
4 moyens d'appel de l'Accusation relatifs à la peine; condamne Momcilo
5 Krajisnik à 20 ans d'emprisonnement à compter de ce jour en application de
6 l'article 101(C) et de l'article 107 du Règlement, le temps passé en
7 détention depuis le jour de son arrestation le 3 avril 2000 sera déduit de
8 la durée totale de la peine; ordonne en application de l'article 103(C) et
9 de l'article 107 du Règlement que Momcilo Krajisnik reste sous la garde du
10 Tribunal en attendant que soient prises toutes les dispositions relatives à
11 son transfert vers l'Etat où il purgera sa peine.
12 Le Juge Mohamed Shahabuddeen joint une opinion individuelle.
13 Monsieur Momcilo Krajisnik, vous pouvez maintenant vous asseoir.
14 [L'appelant s'assied]
15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Greffier, voudriez-vous,
16 s'il vous plaît, faire tenir un exemplaire de l'arrêt aux parties et à
17 l'Amicus Curiae.
18 Je vous remercie beaucoup. Ceci conclut le procès en appel dans la présente
19 affaire. L'audience est levée.
20 --- L'audience est levée à 13 heures 16.
21
22
23
24
25
26
27
28