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1 (Mardi 13 mars 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Amir Berberkic est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez annoncer l'affaire, s'il vous
6 plaît.
7 Mlle Lauer: Affaire IT-97-25-T, le Procureur contre Milorad Krnojelac.
8 M. le Président (interprétation): Je ne vais pas m'excuser de notre retard
9 car cette horloge avance. Mais c'est celle avec laquelle nous devons
10 fonctionner.
11 Donc je vais donner la parole à Mme Kuo. Non, excusez-moi, Madame Uertz-
12 Retzlaff?
13 (Interrogatoire principal de M. Amir Berberkic par Mme Uertz-Retzlaff.)
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.
15 M. Berberkic (interprétation): Bonjour.
16 Question: Hier, vous nous avez dit que vous avez vu les villages de
17 Paunci, les deux villages de Paunci en flammes ainsi que Filipovici.
18 Pouvez-vous nous dire quand cela s'est produit? Quelle est la date?
19 Réponse: Ceci s'est produit vers la fin du mois d'avril 1992. Peut-être le
20 25 ou le 26 avril.
21 Question: Et donc vous avez vu des maisons en feu. Est-ce que vous avez
22 également vu des personnes se faire tuer?
23 Réponse: J'ai vu les soldats s'emparer des installations et des bâtiments
24 militaires à Filipovici et je les ai vu aligner un groupe de personnes
25 dans le camp ou dans l'immeuble militaire et j'ai vu qu'ils en avaient
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1 choisi cinq ou six et ensuite j'ai entendu des tirs. J'ai également vu des
2 autocars, il me semble qu'il y en avait deux. Il y avait également un
3 véhicule de transport militaire et ensuite ces autocars ont pris la
4 direction de Foca dans le village de Gornje Paunci. Précédemment, j'ai vu
5 des soldats qui obligeaient une femme à se diriger vers la Drina et
6 ensuite un soldat a tiré sur cette femme avec un fusil.
7 Question: Hier, vous avez également dit que le village de Josanica, en
8 fait les deux villages de Josanica ont été attaqués. Quand cela s'est-il
9 produit?
10 Réponse: Cela s'est produit le lendemain. J'ai vu des autocars pleins de
11 soldats arriver à Josanica. J'ai compté environ 12 camions; je crois qu'il
12 s'agissait de camion militaire, sur le côté il y avait des bancs donc, en
13 fait, on pouvait y mettre environ 15 soldats donc en tout cela devait
14 peut-être faire 300 soldats. Ils ont commencé à tirer partout dans le
15 village. J'ai vu que les premières maisons qui appartenaient à des
16 Musulmans, à des Bosniens auxquelles on mettait le feu, cela se passait à
17 l'entrée du village de Josanica, et je sais exactement à qui ces maisons
18 appartenaient, à quelle famille elles appartenaient.
19 Question: Mais qu'en est-il d'autres maisons appartenant à des Musulmans,
20 est-ce qu'elles aussi ont été incendiées ce jour-là?
21 Réponse: Je crois que la grande majorité des maisons du village de
22 Josanica ont été incendiées. Il n'en reste peut-être qu'une ou deux qui
23 sont donc restées intactes. Ensuite ils sont allés au village de Ribari où
24 se trouvait ma maison et toutes les maisons ont été incendiées. J'ai vu ma
25 maison en flammes, j'ai vu des soldats en uniforme s'approcher de ma
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1 maison, y pénétrer et l'incendier.
2 Question: Est-ce que des maisons serbes ont-elles aussi été incendiées ou
3 endommagées de quelque manière que ce soit?
4 Réponse: Non.
5 Question: Est-ce qu'à un moment donné, vous avez été blessé?
6 Réponse: J'ai été blessé sur une colline au-dessus du village de Karadzici
7 le 19 avril, le jour où les pilonnages ont commencé. J'ai été blessé au
8 niveau du genou par des éclats d'obus parce qu'un obus est tombé à côté de
9 moi.
10 Question: Mais quand vous avez été blessé, qu'étiez-vous en train de
11 faire? Vous nous dites que vous étiez sur une colline, qu'est-ce que vous
12 étiez en train de faire?
13 Réponse: Eh bien, j'essayais de trouver mon frère ainsi que mon beau-
14 frère, c'est-à-dire le frère de ma femme. Quand les pilonnages ont
15 commencé, je me trouvais dans une maison de campagne, une maison de week-
16 end où se trouvaient des réfugiés, ma femme, mes enfants, mon frère ainsi
17 que des enfants et des femmes venant d'autres villages et quand les
18 pilonnages ont commencé, ce que j'ai fait c'est que j'ai pris la direction
19 de cette petite colline pour essayer de retrouver ces deux personnes que
20 j'ai mentionnées.
21 Question: Vous avez donc été blessé et ensuite, qu'avez-vous fait?
22 Réponse: J'ai essayé de retourner vers cette maison de week-end où se
23 trouvaient ma femme et mes enfants, j'ai essayé mais je ne suis pas
24 parvenu. Merkez Halil était en ma compagnie, c'était un homme plus âgé,
25 lui aussi avait été blessé, mais il était blessé moins gravement que moi.
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1 Il a essayé de me traîner en bas pour me regagner cette maison sur une
2 branche d'arbre, mais il n'y est pas arrivé. J'ai donc rampé jusqu'à un
3 ruisseau et puis je me suis caché dans les buissons qui se trouvaient à
4 côté ou plutôt dans un tas de feuilles parce qu'il y avait des chênes à
5 cet endroit, il y avait des feuilles de chênes, donc je me suis couvert de
6 feuilles.
7 Question: Est-ce que ce jour-là vous avez été, à un moment donné, arrêté?
8 Réponse: Non, pas ce jour-là. Deux de mes belles-sœurs sont venues me
9 chercher et elles m'ont ramené à cette maison de campagne. C'est là que
10 nous avons passé la nuit et, au matin, les Chetniks sont arrivés et ils
11 m'ont arrêté. Donc ceci se passait le 30 avril 1992.
12 Question: Vous nous dites que des Chetniks vous ont arrêté. Savez-vous qui
13 vous a arrêté? Est-ce que vous connaissiez ces hommes? Est-ce qu'il
14 s'agissait de voisins ou bien de personnes qui venaient d'autres régions?
15 Réponse: Tous les soldats qui sont entrés dans la maison où je me trouvais
16 étaient des voisins, je les connaissais tous. Il n'y en n'avait qu'un qui
17 n'était pas de Bosnie. Vu son accent et la façon dont il parlait, j'en ai
18 déduit qu'il était de Serbie; tous les autres, je les connaissais déjà. Il
19 y en avait même certains que j'avais soignés en tant que médecin à
20 l'hôpital.
21 Question: Etes-vous la seule personne qui ait été arrêtée à cette
22 occasion?
23 Réponse: Non. Merkez Halil, lui aussi a été arrêté avec moi. Plus tard,
24 j'ai appris que le frère de ma femme avait également été arrêté ainsi
25 qu'un de ses amis.
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1 Question: Pouvez-vous nous donner le nom du frère de votre femme?
2 Réponse: Nedzad Delic.
3 Question: Et l'autre personne, celle qui a été arrêtée un petit peu plus
4 tard, comment s'appelait-elle?
5 Réponse: Dzaferspahic Adnan, c'est le nom de l'autre.
6 Question: Ces hommes qui vous ont arrêté, vous ont-ils expliqué le
7 pourquoi de votre arrestation?
8 Réponse: Au départ, ils étaient très brutaux. Le soldat qui venait de
9 Serbie a armé son arme, c'était une arme de type Pap. Il a mis une balle
10 dans son fusil; moi, j'étais immobile, étendu sur le canapé, et il a
11 pointé son fusil en direction de mon ventre. En fait, il a carrément
12 poussé son fusil contre mon ventre et il m'a demandé si j'avais des armes;
13 il m'a dit que s'il trouvait des armes dans la maison, il allait tuer tout
14 le monde. Il a vu ma trousse de médecin qui se trouvait là et m'a accusé
15 d'être venu là pour soigner des "balijas", il a dit qu'il allait me tuer,
16 etc.
17 Je crois que Matovic Marko, quelqu'un que je connaissais bien, commandait
18 cette attaque. J'en ai déduit que c'était lui qui commandait parce qu'il
19 avait un aspect un petit peu différent des autres. Il portait un béret, un
20 uniforme vert olive, ainsi qu'un drapeau serbe à gauche sur son couvre-
21 chef. Ils ne m'ont pas expliqué pourquoi ils m'arrêtaient.
22 Question: Où vous a-t-on alors emmené?
23 Réponse: On m'a emmené à l'hôpital, à l'hôpital de Foca.
24 Question: Et M. Merkez, est-ce que lui aussi on l'a emmené à l'hôpital?
25 Réponse: Oui, sauf qu'on nous a emmenés là-bas dans des véhicules
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1 différents.
2 Question: Combien de temps êtes-vous resté à l'hôpital?
3 Réponse: J'y suis resté jusqu'au 21 mai 1992.
4 Question: Pendant cette période, avez-vous reçu des soins comme un patient
5 normal?
6 Réponse: J'étais dans le même service que le service où je travaillais
7 précédemment, le service de chirurgie. L'anesthésiste était une dame qui
8 s'appelait Edina Spahic, une dame bosniaque, Edina Spahic.
9 Un matin, elle m'a dit qu'il fallait m'opérer. J'étais immobile. Elle m'a
10 dit qu'il fallait opérer un nerf et j'étais d'accord. J'ai dit que je leur
11 faisais confiance et donc deux jours plus tard, deux jours après mon
12 arrivée à l'hôpital j'ai été opéré.
13 Question: Vous nous dites que vous êtes resté à l'hôpital jusqu'au 21 mai
14 1992. Ensuite, où vous a-t-on emmené? Ce jour-là, où vous a-t-on emmené?
15 Réponse: Eh bien, ensuite, on m'a amené au KP Dom à Foca.
16 Question: Est-ce que vous, à ce moment-là, vous étiez déjà remis
17 complètement de vos blessures?
18 Réponse: Non. Non, j'étais incapable de marcher, de me tenir debout,
19 j'avais besoin de béquilles. De plus, il était nécessaire de procéder à un
20 certain nombre d'examens supplémentaires, mais ceci n'était pas possible à
21 l'hôpital de Foca. Normalement, il était prévu que je sois transféré à
22 l'unité, au service de rééducation, mais le chef de ce service n'a pas
23 voulu m'accepter.
24 Question: Est-ce que M. Merkez est resté aussi longtemps que vous à
25 l'hôpital, ou bien, est-on venu le chercher avant vous?
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1 Réponse: Lui, on l'a emmené au KP Dom plus tôt que moi, et lorsque je suis
2 arrivé sur place, je l'ai trouvé dans la salle où on m'a emmené.
3 Question: Qui vous a emmené au KP Dom?
4 Réponse: Deux soldats de ce que l'on appelait la police spéciale, enfin,
5 c'est la façon dont ils se présentaient. Ils portaient des uniformes
6 militaires. L'un d'eux était Slavisa Jojic, et l'autre Maidov, "Zeco" de
7 son surnom, et je le connaissais également précédemment.
8 Question: Vous nous parlez de police spéciale. Qu'entendez-vous par là?
9 S'agit-il de la police militaire ou d'autre chose?
10 Réponse: Eh bien, ce sont eux qui se sont présentés en disant qu'ils
11 étaient de la police spéciale et qu'ils allaient nous emmener au KP Dom,
12 qu'ils avaient des ordres dans ce sens.
13 Question: Et qui leur a donné ces ordres? Est-ce qu'ils vous l'ont dit?
14 Réponse: Je leur ai posé la question, je leur ai dit: "Mais qui vous a
15 donné ces ordres?", ils ont répondu qu'ils ne pouvaient pas me le dire
16 mais qu'ils devaient obéir.
17 Question: Combien de temps êtes-vous resté au KP Dom ?
18 Réponse: J'y suis resté en tout 479 jours.
19 Question: Et quel jour avez-vous quitté le KP Dom? Vous en souvenez-vous?
20 Réponse: J'ai quitté le KP Dom le 12 août 1993 dans l'après-midi.
21 Question: Lorsque vous êtes arrivé au KP Dom, qui vous a réceptionné?
22 Réponse: Slavko Koroman se trouvait au portail à l'entrée, je le
23 connaissais déjà. Il m'a autorisé à amener mes affaires, les affaires que
24 j'avais avec moi on a même discuté. Il m'a demandé si j'avais des armes,
25 un pistolet, mais il ne m'a passé à tabac, il s'est comporté de façon
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1 correcte.
2 Question: Est-ce que lui vous a dit pourquoi on vous avait emmené au KP
3 Dom? Et combien de temps vous alliez y rester?
4 Réponse: Non, non, il n'a rien dit. D'ailleurs je ne lui ai pas demandé,
5 je ne lui ai pas demandé combien de temps j'allais rester. En tout cas, il
6 ne m'a rien dit.
7 Question: Quelle était sa tenue vestimentaire?
8 Réponse: Il me semble qu'il portait le type d'uniforme que portaient les
9 policiers avant au KP Dom. Il s'agissait d'un uniforme de couleur bleue
10 claire.
11 Question: Lorsque vous êtes arrivé au KP Dom, est-ce qu'il y avait des
12 soldats? Est-ce que vous avez vu des soldats devant le KP Dom ou dans
13 l'enceinte?
14 Réponse: Je n'ai vu aucun soldat dans l'enceinte du KP Dom. A la
15 réception, j'ai vu des hommes; c'étaient sans doute des gardes, ils
16 portaient des uniformes vert olive et il y en avait d'autres qui portaient
17 des uniformes bleus clairs.
18 Question: Est-ce que l'on a pris note de votre identité, de tous les
19 détails vous concernant lorsque vous êtes arrivé?
20 Réponse: Mon nom ne figure sur aucune liste, je n'ai jamais été enregistré
21 par aucune organisation quelle qu'elle soit, pour aucun service que ce
22 soit.
23 Question: Est où vous a-t-on emmené au sein du KP Dom même?
24 Réponse: A la salle 16.
25 Question: Et dans quelle partie de l'immeuble se trouve cette salle?
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1 Réponse: La salle n°16 se trouve dans l'enceinte de la prison au centre,
2 cela se trouve au rez-de-chaussée et les fenêtres de cette salle donnent
3 sur le bâtiment administratif. Vous aviez quelques marches à l'entrée et
4 ensuite l'entrée de cette salle se trouve sur la gauche.
5 Question: Combien de temps êtes-vous resté dans cette salle n°16, à peu
6 près? Nous n'avons pas besoin du nombre précis de jour.
7 Réponse: Eh bien, peut-être six mois, mais je ne suis pas en mesure de
8 m'en rappeler avec précision.
9 Question: Est-ce que vous vous souvenez des autres salles ou pièces où on
10 vous a emmené pendant votre détention?
11 Réponse: Eh bien, j'ai également été dans la salle n°16 qui se trouve
12 juste au-dessus de la 16. C'était au deuxième étage à droite, mais je ne
13 me souviens pas du numéro de cette salle. Et ensuite, au deuxième étage
14 sur la gauche, mais je ne me souviens pas non plus du numéro de cette
15 salle-là.
16 Question: Vous nous parlez de deuxième étage, est-ce que vous comptez à
17 partir du rez-de-chaussée ou est-ce qu'il s'agit en fait du premier étage?
18 Peut-être serait-il bon d'utiliser une photographie.
19 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous utilisez la façon de
20 décrire américaine ou européenne? C'est la question.
21 Monsieur le Témoin, est-ce que vous nous parlez: pour vous le rez-de-
22 chaussée est-ce que c'est le premier étage ou bien celui qui se situe au-
23 dessous du premier étage?
24 M. Berberkic (interprétation): Je ne sais pas si en Europe le rez-de-
25 chaussée c'est le premier étage ou pas, moi, d'où je viens le rez-de-
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1 chaussée c'est le rez-de-chaussée. En fait, moi, j'étais au premier étage
2 à l'européenne.
3 Au premier étage dans la partie gauche du bâtiment et au premier étage
4 dans la partie droite du bâtiment si l'on utilise la manière américaine de
5 décrire les choses, je pense qu'on pourrait parler du deuxième étage.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Lorsque vous êtes arrivé dans la
7 salle n°16, est-ce qu'il y avait d'autres détenus qui s'y trouvaient? Vous
8 avez parlé de M. Merkez, est-ce qu'il se trouvait là avec d'autres
9 détenus?
10 M. Berberkic (interprétation): Oui, effectivement il était dans la salle
11 n°16.
12 Il y avait une trentaine de détenus. Et pour beaucoup d'entre eux, je les
13 connaissais personnellement, il y en a d'autres que je ne connaissais pas
14 cependant. Certains je les voyais pour la première fois, mais une chose
15 est sûre c'est que tous étaient des Musulmans, étaient des Bosniens.
16 Question: Après votre arrivée dans cette salle, on a fait venir d'autres
17 détenus dans la salle n°16?
18 Réponse: Oui. Je me souviens que la plupart des détenus dans la salle n°16
19 ou disons que le nombre maximum qu'il y ait eu c'était 77.
20 Question: Vous nous dites qu'il s'agissait de Musulmans sans exception, et
21 quel était l'âge de ces détenus? Quel était le plus jeune et le plus âgé?
22 Réponse: Eh bien, cela allait…, c'était très varié. Le plus jeune avait
23 peut-être 15 ou 16 ans, 15 ans en fait. C'était un jeune garçon qui venait
24 de Miljevina et le plus vieux qui se trouvait dans la pièce où j'étais,
25 dans la salle n°16 c'était Hamdija Hadzimuratovic. Il avait 70 ans.
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1 Question: Est-ce qu'il y avait d'autres médecins parmi les détenus de la
2 salle n°16, et si vous avez besoin de nous citer des noms qui figurent sur
3 la liste qui est sous vos yeux, veuillez nous donner uniquement le code
4 qui figure au regard de la personne concernée.
5 Réponse: En ce qui concerne les médecins ou le personnel médical se
6 trouvant dans la salle n°16. Il y avait FWS-76, il y avait Aziz Torlak
7 qu'on avait fait venir de la pièce avoisinante, de la salle avoisinante,
8 lui aussi était médecin. Et puis il y avait un infirmier qu'on appelait
9 Zibac; lui aussi avait travaillé à l'hôpital en ma compagnie.
10 Je ne me souviens pas s'il y avait d'autres infirmiers dans la salle n°16.
11 En tout cas, je suis sûr en ce qui concerne ces deux personnes.
12 Question: Et plus tard, vous souvenez-vous d'autres médecins qui auraient
13 été avec vous ou d'autres infirmiers?
14 Réponse: Eh bien, plus tard, j'ai vu FWS-111, et pendant un certain temps,
15 on est restés dans la même pièce. J'ai également vu un dentiste, le Dr
16 Seid, il travaillait au KP Dom avant la guerre. Il y avait également Emir
17 Mandzo que j'ai rencontré, on l'a fait venir dans la salle n°16, on l'a
18 fait venir depuis son travail. On m'a dit que le Dr Rasim Pilav était au
19 KP Dom, ainsi que Asima qui était une femme, ainsi que le Dr Spahic Kasim
20 qui a passé une nuit à cet endroit.
21 Question: Est-ce qu'il y avait des personnes malades parmi vous? Vous
22 souvenez-vous de personnes malades? Je ne parle pas des personnes qui
23 auraient été passées à tabac ou blessées, je parle de personnes qui
24 étaient malades.
25 Réponse: Il y avait beaucoup de personnes souffrantes et âgées. Je me
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1 souviens de Muradiv Konjo plutôt, un homme âgé… Muradiv Konjo, oui. Il
2 était vieux et il avait de la tension. Je me souviens de FWS-104, lui
3 aussi était un homme âgé, il était malade. Ainsi que Abid Sahovic, un
4 détenu qui lui aussi était un retraité. Lui, il souffrait du foie, il
5 avait des saignements au niveau du foie.
6 Dans d'autres salles, il y avait d'autres détenus qui étaient âgés, qui
7 étaient souffrants, qui avaient besoin de soins, comme par exemple FWS-172
8 qui, avant, travaillait à l'hôpital et qui était vraiment malade.
9 D'ailleurs, il était sur le point de partir à la retraite. Et puis, FWS-
10 182 qui était malade au niveau de l'estomac, il avait un ulcère.
11 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'un détenu qui aurait eu une
12 blessure ou une maladie au niveau du visage, si bien que cette personne
13 était dans l'incapacité de se nourrir? Est-ce que vous vous souvenez d'un
14 exemple de ce style?
15 Réponse: Oui, je me souviens de ce détenu, il était dans ma pièce, dans ma
16 salle. Il s'appelait Dzano Ramiz, on le surnommait "Kengo". Il avait une
17 blessure au visage. C'était un de mes voisins, je le connaissais d'avant.
18 Et cette blessure-là, il l'a eue parce qu'il était touché par des éclats
19 d'obus, il me l'a dit plus tard. Il m'a dit aussi qu'il était blessé dans
20 la ville de Foca, qu'il était hospitalisé après quoi, il était transféré
21 au KP Dom. Il ne pouvait pas se nourrir parce que ses lèvres avaient été
22 blessées. La cavité buccale a été pratiquement touchée, et il ne pouvait
23 que prendre de l'eau moyennant une paille.
24 Question: Avez-vous pu remarquer quelques détenus dans votre chambre ou
25 dans d'autres chambres, qui auraient été victimes d'un accident de la
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1 route avant la guerre? Est-ce que vous vous souvenez de ces cas-là?
2 Réponse: Oui, je me souviens. Je crois qu'il s'agit des frères Djozo, ils
3 sont de Gorazde, ils étaient dans ma chambre. Avec eux, il y avait deux
4 autres garçons, je ne me souviens plus de leurs noms mais je me souviens
5 des frères Djozo. Ils étaient tous les deux blessés dans un accident de la
6 route près de Gorazde. Ils ont fini dans un ravin. C'est depuis Gorazde
7 qu'ils ont été transférés à l'hôpital puis après, pour être installés
8 définitivement au KP Dom, ils étaient dans la même chambre que moi. Il
9 s'agissait de blessures moins graves. Cela dit, un des frères Djozo avait
10 des problèmes de mâchoire. Il ne pouvait donc pas bien mastiquer.
11 Question: Les détenus que vous venez de mentionner et qui ont été malades,
12 ont-ils reçu un traitement médical pendant qu'ils étaient au KP Dom?
13 Réponse: Je pense que cette question est d'une très grande importance,
14 mais je dirai aussi que c'est une question complexe.
15 Officiellement parlant, il y avait un aide-soignant chargé de nous tous.
16 Son nom était Gojko Jokanovic, un du personnel retraité du KP Dom,
17 technicien donc. Lui était emmené du Monténégro pour y travailler. Il
18 était chargé de s'occuper de nous, c'est ce qu'il m'a dit du moins.
19 Pourtant, en dépit de son souhait de venir en aide à tous ces gens-là
20 étant donné que, parmi les détenus, il connaissait la majorité d'entre
21 eux, il n'osait pas le faire. En tout cas, il n'a pas pu le faire en
22 public. Qu'on le voit -a-t-il dit-, ceci aurait été interdit. Je lui en ai
23 parlé d'ailleurs à plusieurs reprises, d'autres médecins lui en ont parlé
24 certainement.
25 Lui, pour sa part, disait que ceci pourrait entraîner de graves problèmes
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1 pour lui et que la direction ne l'autorisait pas à donner des traitements
2 médicaux à qui que ce soit. Bien sûr, nous devions nous débrouiller d'une
3 manière ou d'une autre. Il y avait en effet une liste sur laquelle on
4 pouvait afficher son nom parce que voulant se faire traiter et se faire
5 examiner, parce que nous étions aussi médecins et techniciens parmi nous,
6 nous savions bien de quoi il s'agissait.
7 Toutes les fois où on parvenait à faire figurer son nom sur cette liste-
8 là, on finissait tant bien que mal dans cette infirmerie. Alors là, on
9 pouvait chiper peut-être quelques médicaments, ceux dont on avait besoin.
10 Le Dr Gojko, lui, le remarquait quelques fois, il faisait la sourde
11 oreille comme si de rien n'était.
12 Et nous autres, quant à nous, avec le Dr Torlak et d'autres, nous avons
13 toujours voulu ménager ce que nous avons eu sur nous comme médicaments
14 pour pouvoir intervenir si urgence il y avait. Surtout à l'attention du
15 détenu FWS-146, un asthmatique grave et qui ne pouvait évidemment pas
16 respirer. Il ne pouvait pas vivre sans l'aminophylline.
17 Question: Permettez-moi de vous interrompre ici. Vous avez dit tout à
18 l'heure que Gojko Jokanovic vous aurait dit que la direction lui avait
19 interdit de donner des traitements médicaux pour aider plus qu'il ne le
20 souhaitait. Vous a-t-il dit de qui il s'agissait au sein de la direction
21 pour parler de l'interdiction?
22 Réponse: Non, il n'a pas dit de qui il s'agissait, pas directement. Enfin,
23 il a dit tout simplement: "La direction m'interdit." Il n'a pas dit de qui
24 il s'agissait au sein de la direction.
25 Question: Vous a-t-il dit ce qu'il craignait, ce qu'il pourrait lui
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1 arriver si jamais il ne suivait pas les ordres donnés? Vous a-t-il dit
2 quelque chose là-dessus?
3 Réponse: Il a dit qu'il se peut qu'il subisse des problèmes bien gros, je
4 ne sais plus ce qu'il a dit comme adjectif, mais qu'il aurait pu avoir des
5 problèmes.
6 Question: Outre le fait que vous avez chipé ces médicaments, est-ce que
7 vous avez eu la possibilité de vous procurer des médicaments d'une autre
8 façon, vous ou d'autres détenus?
9 Réponse: Autant que je sache, il n'y avait pas d'autre façon là-bas. En
10 effet, il y avait des chances de voir quelqu'un sortir pour travailler
11 dans le cadre du groupe de travail, en dehors du camp, pour se procurer
12 des médicaments. Mais je ne pense pas que ceci ait pu être vraiment une
13 façon primordiale pour se procurer des médicaments. C'est plutôt notre
14 débrouillardise qui comptait dans la situation ainsi créée. Il me semble
15 que justement ce côté débrouillard était peut-être décisif.
16 Question: Vous avez mentionné Gojko Jankovic. Y a-t-il eu un médecin qui
17 serait venu au KP Dom pour donner des soins médicaux aux deux détenus?
18 Réponse: Cet homme s'appelait Gojko Jokanovic mais pas Jankovic.
19 Question: Je suis désolée, excusez moi.
20 Réponse: Il y avait des médecins qui étaient venus. Un stomatologue était
21 venu pendant un mois à peu près, et ensuite, j'ai pu voir cet homme partir
22 avec un sac plein de médicaments sur son dos, escorté par un milicien, un
23 policier, pour ne plus jamais réapparaître. Au début, il y avait aussi un
24 de mes collègues, un gynécologue, Cedo Dragovic, que j'ai pu rencontrer
25 une fois. Ensuite, il y avait aussi un médecin d'oto-rhino laryngologie,
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1 Drago Vladicic, et que je n'ai jamais rencontré.
2 Une fois, j'ai pu voir aussi le Dr Divjan Relja qui n'a fait qu'entrer
3 dans le bâtiment où se trouvait l'infirmerie. Il portait un uniforme
4 militaire pour repartir aussitôt très vite.
5 Question: Pouvons-nous peut-être spécifier un petit peu, pour situer dans
6 le temps, l'heure où ces gens-là étaient venus ou la date? Vous avez dit
7 que ce stomatologue était venu. A quel mois était-il venu?
8 Réponse: C'était au début même de mon séjour dans le camp. Peut-être que
9 c'était au mois de juin. Après le mois de juin, je ne l'ai plus vu. Plus
10 tard, j'ai entendu dire qu'il était parti pour Belgrade. Par conséquent,
11 nous pouvons parler de début juin et tout le mois de juin.
12 Pour ce qui est du Dr Cedo Dragovic, je crois que lui il venait pendant la
13 période des trois premiers mois, et peut-être qu'au mois de septembre lui
14 aussi n'apparaissait plus.
15 Question: Et quant à Drago Vladicic, à quel moment était-il venu pour
16 donner des soins médicaux aux détenus?
17 Réponse: C'est lui qui a pris la relève à Cedo Dragovic, mais pour ne pas
18 rester trop longtemps non plus, peut-être pendant trois ou quatre mois,
19 pas plus.
20 Question: Vous avez dit que le Dr Relja Divjan venait lui aussi ou s'il
21 est venu une fois seulement. Savez-vous à quel moment?
22 Réponse: C'était déjà l'année 1993, peut-être en été 1993.
23 Question: Lorsque ces docteurs venaient pendant ces premiers quelques
24 mois, venaient-ils tous les jours ou peut-être pas si fréquemment?
25 Réponse: Je crois qu'ils venaient une fois par semaine seulement.
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1 Question: Ont-ils donné des traitements médicaux à tous les détenus, à
2 ceux qui en avaient besoin? Ou qu'est-ce qu'ils ont fait?
3 Réponse: Une fois, j'ai rencontré Cedo Dragovic. Sans vraiment passer la
4 visite médicale à proprement parler, il les faisait aligner. Lui
5 s'asseyait à une table, un garde était toujours là. Alors, lui, il pouvait
6 demander toujours aux détenus ce dont l'autre se plaignait, et il
7 ordonnait peut-être un médicament à quelqu'un étant donné que Gojko, le
8 technicien sanitaire, était là. Il lui disait évidemment ce qu'il fallait
9 faire pour ce qui est de l'administration de médicaments.
10 Je crois que, dans une certaine mesure, ils ont tenté de venir en aide aux
11 détenus. Dans une certaine mesure, je dirai.
12 Question: Vous avez également fait la description de la conversation que
13 vous avez eue avec M. Jokanovic. Je ne vous ai pas demandé à quel moment
14 c'était, lorsque vous avez dû lui poser des questions quant à ses
15 possibilités de vous aider? A quel moment était-ce?
16 Réponse: Il n'y avait pas qu'une fois que nous avons parlé avec. Nous
17 avons essayé d'exercer une véritable pression sur lui pour améliorer la
18 qualité des traitements donnés aux personnes âgées, parce que nous savions
19 très bien que c'étaient les personnes âgées qui avaient le plus besoin de
20 soins médicaux. Et puis, d'autres aussi ont voulu évidemment le persuader
21 d'en faire ainsi.
22 Il n'y a pas à dire que j'ai eu une conversation avec lui. Nous avons
23 voulu profiter de toute occasion possible pour lui parler, pour le
24 persuader de trouver un moyen quelconque pour nous acheminer des
25 médicaments. C'est ce qu'il a fait d'ailleurs souvent. Quelquefois, il
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1 apparaissait soudainement dans l'une de nos salles. Et pour ne pas être vu
2 de qui que ce soit, il appelait quelqu'un d'entre nous pour nous passer
3 presque clandestinement des médicaments et ainsi de suite.
4 Question: Pouvez-vous nous dire approximativement à quel moment ces
5 conversations ont pu avoir lieu, pour parler de vos conversations avec
6 Gojko Jokanovic? Etait-ce à dire que ceci s'étalait sur l'ensemble de
7 votre séjour de votre détention ou à d'autres moments?
8 Réponse: Si vous vous référez à ce qu'il a dit directement, qu'il ne
9 pouvait pas nous aider parce que la direction lui interdisait de faire
10 ainsi, c'était peut-être au début même de notre détention. Pour être très
11 spécifique, si c'est bien votre question spécifique, alors là, je crois
12 qu'il s'agissait des premiers six mois de détention.
13 Mais je répète: pendant toute la durée de notre détention, il était là et
14 il était chargé de s'occuper de nous. Nous avons toujours tout fait pour
15 obtenir de lui pratiquement quelque chose de plus qu'il ne pouvait offrir
16 lui-même.
17 Question: Outre les salles où les détenus ont été installés, y a-t-il eu
18 d'autres pièces où des gens pouvaient être détenus également? Des
19 cellules?
20 Réponse: Oui, il y avait des cellules, des cellules d'isolement. Ces
21 dernières se trouvaient au rez-de-chaussée de l'aile gauche du bâtiment.
22 Il y en avait qui se trouvaient à l'entrée du KP Dom, côté droit. Je crois
23 qu'il y en avait deux de ces cellules côté droit, et il y avait de quatre
24 à cinq cellules au rez-de-chaussée du bâtiment même de l'unité de
25 détention.
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1 Question: Je crois que j'ai besoin, ici, d'une petite clarification. Je
2 prie l'huissier de faire voir au témoin les photographies n°7512, 7513,
3 les deux photographies se trouvant sur cette feuille, l'une au-dessus de
4 l'autre. D'abord, voyons la photographie du haut de la page.
5 (L'huissier s'exécute.)
6 Je vous prie de bien regarder d'abord celle d'en bas. Montrez-nous: vous
7 avez dit que vous étiez dans l'aile gauche, dans cette cellule-là… Non,
8 plutôt, regardons celle d'en haut.
9 Vous avez dit que ces cellules d'isolement se trouvaient dans l'aile
10 gauche du bâtiment de détention. Pourriez-vous la montrer cette aile
11 gauche?
12 Réponse: Elle ne figure pas sur cette photographie.
13 Question: Qu'est-ce que vous appelez "aile gauche", "aile droite",
14 d'abord? Essayons de spécifier.
15 S'agit-il de dire que le bâtiment étant marqué par 1 pour l'aile gauche?
16 Réponse: Non, pour moi, c'est plutôt l'aile droite. C'est peut-être une
17 erreur là. L'aile gauche se trouve tout à fait de l'autre côté. Sur cette
18 photographie autant que je sache, là, ce qui est marqué par 1, il n'y
19 avait pas de cellule d'isolement autant que je sache, pas plus que dans le
20 bâtiment marqué par le chiffre 2.
21 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, le témoin parle
22 évidemment de la perspective qui est la sienne lorsqu'il se trouve à
23 l'intérieur du bâtiment. Pour ne pas qu'il y ait confusion, peut-être que
24 vous pourriez désigner ces bâtiments -vous et le témoin-, par 1 et 2. Ceci
25 pourrait être un problème mais, autrement, cela pourrait évidemment prêter
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1 à confusion.
2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Sur cette photographie-là, le
3 bâtiment marqué par le chiffre 2, s'agit-il là de ces deux bâtiments?
4 M. le Président (interprétation): Non, le bâtiment marqué par le chiffre 2
5 appartient à l'aile gauche.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Désigneriez-vous, pour votre part, le
7 bâtiment marqué par 2 comme le bâtiment étant l'aile gauche?
8 M. Berberkic (interprétation): Vous m'avez posé la question concernant la
9 cellule d'isolement. Le bâtiment marqué par le chiffre 2 n'a pas de
10 cellule d'isolement. Moi, j'appelle cela autrement. Etant donné que
11 d'ordinaire je sortais du bâtiment, ou bien cela doit être une annexe que
12 l'on ne voit pas ici, sur cette photographie. Peut-être est-ce marqué par
13 un chiffre 3?
14 Question: Regardons maintenant plutôt…
15 M. le Président (interprétation): Non, il vaut mieux peut-être lui faire
16 voir le plan en entier, parce que nous les avons désignés toujours comme
17 étant deux bâtiments: bâtiment 1, bâtiment 2. Mais ce que le témoin vient
18 de dire, ce qui fait le prolongement du bâtiment n°2, c'est pour lui un
19 bâtiment à part. Ce que nous pouvons voir du côté droit comme apparaissant
20 marqué par le chiffre 3, alors nous l'avons intitulé comme étant une
21 partie du bâtiment n°2.
22 Par conséquent, au départ, mettons-nous d'accord sur ce dont nous parlons.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): A regarder maintenant la photographie
24 n°3, il me semble que le témoin a raison. Lorsque vous regardez le
25 bâtiment marqué par le chiffre 3, est-ce bien l'emplacement des cellules
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1 d'isolement?
2 M. Berberkic (interprétation): Oui.
3 Question: Merci. Nous l'avons donc tiré au clair.
4 Pouvez-vous nous dire combien de détenus il y avait dans cette cellule
5 d'isolement?
6 Réponse: Je pense que l'on ne pourra pas savoir le nombre exact de détenus
7 installés dans cette cellule d'isolement. Nous avons essayé de le deviner
8 à en juger d'après les rations de nourriture que l'on apportait à ces
9 détenus pour savoir combien de gens il pouvait y avoir pratiquement, à ce
10 moment-là. C'est sur la base de ces rations que nous avons peut-être pu
11 compter: à raison d'une ration, peut-être il y avait une personne ou, s'il
12 y en avait sept, il devait y avoir évidemment sept détenus, etc.
13 La prison, les bâtiments sont conçus de telle sorte à vous permettre de
14 voir à tout moment ce qu'il s'y passe. Personne ne pouvait pénétrer dans
15 l'enceinte sans être aperçu par les détenus ou par la direction. Car tout
16 est pratiquement accessible et visible, étant donné que ces cellules
17 d'isolement existaient dans le cas du bâtiment n°3 et dans le bâtiment
18 administratif. Nous avons pratiquement pu conclure, d'après le nombre de
19 rations de nourriture qui ont été servies, combien de détenus il y avait
20 là-bas. Nous ne pouvons pas savoir évidemment si, au cours de la nuit, on
21 pouvait emmener des détenus ou pas, surtout pour parler évidemment des
22 cellules d'isolement qui se trouvaient dans le bâtiment administratif tout
23 près de l'entrée.
24 Par conséquent, objectivement parlant, pour ce qui est du chiffre exact,
25 on ne peut jamais l'arrêter, le constater, pour parler évidemment des
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1 détenus qui étaient installés. En tout cas, en ce qui nous concerne, nous
2 -détenus- qui étions là-bas; nous ne pouvions jamais constater le nombre
3 exact de détenus.
4 Question: Avez-vous été emmené vous-même dans une cellule d'isolement lors
5 de votre détention?
6 Réponse: Une fois seulement j'ai été dans une cellule d'isolement, j'étais
7 dans la cellule d'isolement n°3. Je ne sais pas comment ils les ont
8 marquées par les chiffres 1, 2, 3, etc.. Peut-être, il y en avait
9 plusieurs. En tout cas, moi, j'étais à la n°3.
10 Question: A quel moment vous y a-t-on emmené?
11 Réponse: C'était en hiver, en janvier ou février 1993. Je crois plutôt que
12 c'était en janvier 1993.
13 Question: Pourquoi vous a-t-on mis dans cette cellule d'isolement? Quelle
14 en était la cause?
15 Réponse: Comme il faisait très froid, nous avons essayé de nous
16 confectionner des habits moyennant les couvertures que nous avions
17 trouvées dans le bâtiment n°3. Nous avons voulu nous faire des couvre-
18 chefs, des gilets, des bas, et d'autres articles, tout simplement pour
19 nous mettre au chaud. Nombreux étaient les détenus qui en ont fait ainsi,
20 et moi de même.
21 Un soir, les gardes ont fait irruption pour saisir tout cela, les
22 couvertures, même ce que nous avons cousu nous-mêmes. Evidemment, tous
23 ceux qui avaient cousu quoi que ce soit ont fini par être mis dans une
24 cellule d'isolement, moi avec. Et pratiquement tout cela à cause d'une
25 paire de chaussettes que je me suis faite moi-même.
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1 Question: Et pendant combien de temps vous étiez dans ces cellules
2 d'isolement?
3 Réponse: J'ai passé la nuit là-bas sans plus, mais pas très longtemps. Je
4 crois que quelqu'un parmi les gardes est intervenu en ma faveur.
5 Question: Par qui avez-vous été mis dans la cellule d'isolement? Qui a
6 pris la décision? Le saviez-vous?
7 Réponse: Je ne pouvais pas le savoir, mais le garde qui était venu me
8 chercher s'appelait Micevic. C'est un de mes voisins, et c'est lui qui m'y
9 a emmené.
10 Question: Avez-vous été maltraité, avez-vous été frappé, tabassé, humilié,
11 pendant que vous étiez mis dans la cellule d'isolement?
12 Réponse: Non.
13 Question: Et pour ce qui est des autres, qui eux aussi ont fini dans la
14 cellule d'isolement, ont-ils été maltraités pendant le temps où vous étiez
15 dans la cellule d'isolement?
16 Réponse: Non. Pendant le temps où j'y étais, je n'ai pas vraiment entendu
17 de voix, de bruit, pour en juger que les gens y ont été maltraités.
18 Question: Pendant que vous étiez placé dans cette cellule d'isolement,
19 quels étaient vos sentiments? Comment vous sentiez-vous?
20 Réponse: Eh bien, je dois dire que je me sentais mal. Mes sentiments
21 étaient plutôt misérables car la cellule d'isolement était toute petite,
22 il n'y avait qu'une fenêtre. Je n'avais pas de couverture, il n'y avait
23 rien, de quoi me couvrir ou sur quoi me coucher. Il n'y avait pas moyen
24 non plus de bouger ou de me promener, je ne faisais que marcher d'un coin
25 de la cellule d'isolement à l'autre. Et comme cela pendant toute la nuit.
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1 Question: Avez-vous eu été intimidé, pris de peur, parce que vous étiez
2 dans cette cellule d'isolement?
3 Réponse: Bien sûr que oui. Seul dans cette cellule d'isolement, je savais
4 que je pouvais risquer pas mal de vilaines choses. Et j'ai eu peur cette
5 nuit-là. J'étais prêt à tout, à me faire voir tabasser ou quelque chose du
6 genre, mais pratiquement rien ne s'est passé de la sorte.
7 Question: Pourquoi dites-vous que vous attendiez à ce que quelqu'un
8 apparaisse pour vous faire du mal? Pourquoi ce sentiment?
9 Réponse: Pendant mon séjour dans la pièce n°16 et la pièce n°18, j'ai pu
10 voir les gens qui sont passés par la cellule d'isolement et qui m'ont
11 relaté les atrocités qu'ils ont vécues. Ils m'ont parlé de ces supplices
12 auxquels ils ont été mis par les gardes et par des soldats, ces derniers
13 étant quelquefois ivres, quelquefois pas. Mais au début de ma détention
14 aux mois de juin-juillet, j'ai pu entendre aussi des cris de douleur mais
15 aussi d'appels au secours et qui venaient justement de ces cellules
16 d'isolement. C'est ainsi que je me suis mis dans la tête l'idée de pouvoir
17 terminer ainsi.
18 Question: Vous avez été confiné dans cette cellule d'isolement pour
19 essuyer une espèce de peine car vous vous étiez fabriqué cette paire de
20 chaussettes, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui, c'est très exact. Pour des raisons tout à fait anodines, les
22 gens étaient traités ainsi. Par exemple, si on vous surprenait à jouer aux
23 cartes ou si, par exemple, vous étiez muni d'un chauffe-eau… Tout
24 simplement, si quelqu'un vient et trouve que vous ne respectez pas le
25 règlement du bâtiment et de l'établissement vous pouviez terminer dans une
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1 cellule d'isolement.
2 Question: Est-ce qu'on vous a jamais puni parce que vous n'aviez pas
3 respecté des règles à une autre occasion? Cela vous est arrivé?
4 Réponse: J'ai été sanctionnée car j'ai fait une erreur, appelons cela une
5 erreur. A nouveau, j'ai cru un voisin serbe puisque les Serbes, les
6 prisonniers serbes se trouvaient juste à côté de notre cellule, et donc
7 nous pouvions communiquer à travers la porte. Donc dans le hall, devant
8 leur pièce, leur dortoir, ils ont placé une table sur laquelle ils ont
9 placé des morceaux de pain, et donc nous pouvions apercevoir ces morceaux
10 de pain, ces croûtes de pain, à travers la porte à moitié ouverte et il y
11 a des gens qui se sont aventurés à prendre ce pain; et c'est à ce moment-
12 là qu'ils ont été battus. Moi, à un moment donné, j'ai vu un voisin à moi,
13 un Serbe, qui m'a fait un signe de sa main, me montrant les morceaux de
14 pain mais faisant signe de le prendre. Moi, j'y suis allé, je l'ai cru et
15 là j'ai été passé à tabac. J'ai été passé à tabac, j'ai été battu par un
16 groupe de prisonniers serbes. Ils m'ont battu sur la tête, le corps, etc.
17 J'ai reçu quelques coups en effet mais j'ai aussi réussi à prendre le
18 pain.
19 Ensuite, j'ai dû subir un interrogatoire, j'ai dû parler, comme ils
20 disaient, avec Savo Todovic.
21 Question: Je vais vous interrompre un instant. Vous avez dit qu'un groupe
22 de soldats serbes vous ont battu sur votre tête, d'où venaient-ils?
23 Réponse: Non, un groupe de détenus serbes. Les détenus qui n'avaient pas
24 respecté le règlement de l'armée de la Republika Srpska, qui ont refusé de
25 se battre ou bien qui ont tué quelqu'un ou volé quelque chose. Et donc ils
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1 se sont trouvés enfermés dans cette pièce qui était, à l'époque, à côté de
2 la nôtre. Il n'y avait qu'un petit couloir qui nous séparait, de sorte que
3 nous étions en mesure de communiquer. Ils n'étaient pas armés, c'étaient
4 des détenus mais serbes.
5 Question: Très bien. Quand vous parlez de votre pièce, de votre dortoir,
6 vous parlez de la pièce n°16?
7 Réponse: Non. A l'époque, j'étais dans la pièce n°18.
8 Question: Très bien. A quel moment cela s'est-il produit?
9 Réponse: En hiver 1993. En hiver 1993, je ne souviens pas de la date
10 exacte, du mois exact, mais en tout cas c'était pendant l'hiver.
11 Question: Vous dites que vous avez eu une conversation, une espèce de
12 conversation avec Savo Todovic. Pourriez-vous nous décrire cette
13 conversation, nous dire ce que vous vous êtes dits?
14 Réponse: A l'entrée, dans le bâtiment n°3, se trouve une petite pièce où
15 les gardiens passent la nuit. C'est une toute petite pièce qui fait deux
16 mètres sur trois, peut-être même plus petite. Des gardiens m'y ont amené
17 et Savo Todovic est venu aussi et ensuite, il m'a posé des questions. Moi,
18 je m'attendais à ce que je sois puni, à ce que je sois enfermé.
19 Cependant, il a parlé de mon frère puisqu'il le connaissait bien. Il me
20 disait que mon frère faisait partie du mouvement ustashi puisqu'il était à
21 Sarajevo. Moi, je disais que ce n'était pas vrai, que moi j'avais d'autres
22 informations.
23 Question: Est-ce qu'il vous a puni?
24 Réponse: C'est très intéressant, mais il ne m'a pas puni. C'est très
25 intéressant. Evidemment, je m'attendais à être puni, à ce que je sois
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1 placé à nouveau dans la cellule d'isolement, mais il ne l'a pas fait.
2 Question: Et qu'a-t-il fait?
3 Réponse: Ce qu'il a fait… J'ai été surpris. Il m'a amené dans la cuisine.
4 Il m'a donné un bol, un bol plein de fayots, et j'ai presque tout mangé,
5 tout ce qu'il y avait là dedans. Ensuite, les gardiens m'ont raccompagné
6 jusqu'à ma pièce. Je n'ai jamais pu m'expliquer la façon dont il s'est
7 comporté, ce qu'il a fait.
8 Question: Pourquoi? Est-ce que d'habitude, il traitait les détenus d'une
9 autre façon?
10 Réponse: Je crois qu'en ce qui concerne les détenus, c'était lui qui
11 décidait. C'était lui qui décidait qui allait être placé en cellule
12 d'isolement, qui allait faire partie du groupe de travail, qui allait être
13 passé à tabac, qui pouvait sortir de l'enceinte, qui ne pouvait pas, qui
14 pouvait être placé dans un dortoir ou non.
15 Je pense qu'en ce qui concerne les détenus, c'était lui qui décidait de
16 tout et je pense que c'est lui qui passait le plus de temps en rendant
17 visite aux détenus, en décidant où il allait placer les détenus, dans
18 quelle pièce, en les transférant, etc. Donc, moi, j'avais peur d'être
19 placé dans une cellule d'isolement ou bien d'être forcé à faire autre
20 chose.
21 Question: Vous avez déjà mentionné les prisonniers serbes qui étaient
22 détenus au KP Dom . Ils étaient combien? Vous souvenez-vous de cela?
23 Réponse: A peu près au mois de mars 1993, la prison de Foca avait
24 accueilli un groupe d'une centaine de personnes, ou 80 personnes, des
25 détenus serbes donc, qui avaient été transférés des autres prisons de la
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1 Republika Srpska ou de l'Herzégovine de l'Est. Bileca par exemple. De
2 sorte qu'au mois de mars 1993 le nombre de détenus serbes tournaient
3 autour d'une centaine. A l'époque, la prison de Foca était leur prison
4 centrale ou peut-être plutôt leur prison militaire. Puisque la plupart des
5 détenus serbes qui avaient été amenés dans la prison portaient des
6 uniformes militaires. La plupart étaient là parce qu'ils n'avaient pas
7 respecté des règlements militaires.
8 Question: Et avant le mois de mars 1993, surtout en été, ou pendant les
9 premiers mois de votre détention, combien de Serbes y avait-il?
10 Réponse: Une vingtaine, une trentaine, pas plus. Il y en avait parmi eux
11 que je connaissais et il y avait aussi des Serbes qui étaient restés là.
12 Des Serbes, des détenus d'avant la guerre, qui avaient été condamnés pour
13 des actes criminels, eh bien, ils étaient restés dans la prison en
14 effectuant des tâches dans la cuisine, dans l'enceinte de la prison, etc.
15 Evidemment, ils n'étaient pas enfermés, ils pouvaient circuler comme bon
16 leur semble. Ils pouvaient manger autant qu'ils voulaient, ils faisaient
17 des travaux ménagers, des travaux dans la cuisine, etc..
18 Question: A cette époque-là, y avait-il aussi des soldats parmi les
19 détenus serbes?
20 Réponse: Je pense qu'il y avait des déserteurs, des personnes qui avaient
21 fui, déserté du front, qui n'ont pas…, qui ont refusé de se battre. Je me
22 souviens que Simo Mojevic avait été présent, il était mon enseignant, je
23 m'en souviens très bien.
24 Je me souviens qu'il y avait aussi Boro Ivanovic. Ils rendaient visite à
25 leurs soldats, qui leur faisaient des discours, qui essayaient de
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1 supporter leur moral de combattant, qui essayaient de leur expliquer qu'il
2 fallait qu'ils se battent, que c'était important. A un moment donné, il y
3 avait aussi un certain Sumar qui avait été enfermé.
4 Question: Nous allons revenir sur Boro Ivanovic. Qui était-ce? Par rapport
5 à la prison. Quel était son rôle dans la prison?
6 Réponse: Eh bien, j'ai pu le voir peut-être deux fois dans la prison. Une
7 fois, j'ai écouté à travers la porte et j'ai entendu parler d'une action
8 que les soldats serbes devaient effectuer dans la prison de Preljuca. Ils
9 avaient refusé de le faire, donc ils ont donc emmené une trentaine de
10 personnes, une trentaine de soldats qui portaient des uniformes
11 militaires. Il y en avait parmi eux que je connaissais puisque c'étaient
12 des voisins à moi.
13 Donc on les a donc amenés, on les a placés dans une pièce. Moi, à l'époque
14 j'étais dans la pièce n°18 et moi j'ai pu communiquer avec eux puisqu'il y
15 avait un coin. Ils étaient placés dans un coin et il y avait deux ou trois
16 mètres de distance entre nous donc nous pouvions communiquer.
17 Parmi eux, il y en avait un qui était originaire d'Ustikolina et c'est lui
18 qu'il m'a dit qu'ils avaient déserté qu'ils avaient refusé de se battre.
19 Cette nuit-là, Boro Ivanovic que je connaissais d'avant la guerre, était
20 venu portant un uniforme militaire et j'ai entendu personnellement quand
21 il les a attaqués verbalement pour leur demander pour quelle raison ils
22 avaient déserté puisqu'ils devaient se battre contre le Balija et il était
23 en train de leur expliquer quel était le but, quelle était la mission du
24 combat serbe, etc. Je pense qu'il avait une telle mission, qu'il faisait
25 en réalité partie de l'armée plutôt que du KP Dom et qu'il avait une
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1 fonction d'éducateur en quelque sorte de formateur dans l'armée. Une
2 fonction peut-être politico-militaire au sein de l'armée.
3 Question: Et sur quoi fondez-vous votre opinion concernant sa fonction?
4 Réponse: Parce que je pense qu'il ne faisait pas partie de la hiérarchie
5 du KP Dom puisque, moi, je ne le voyais pas souvent au KP Dom. Il portait
6 un uniforme militaire, il portait une espèce de sac, de sacoche que
7 portaient souvent les commissaires politiques pendant la deuxième guerre
8 mondiale. J'ai entendu ce qu'il disait et je pense qu'il n'avait pas
9 vraiment de lien direct entre nous et lui. Je pense qu'il n'était
10 responsable que des soldats serbes, des détenus serbes.
11 Question: Et vous avez dit que vous l'avez vu à deux reprises et vous avez
12 déjà décrit un incident.
13 Mais j'ai oublié de vous demander une chose: à quel moment cela s'est
14 produit? C'est-à-dire à quel moment vous l'avez entendu faire ce discours
15 aux déserteurs?
16 Réponse: En automne 1992.
17 Question: Et la deuxième fois?
18 Réponse: Je ne me souviens pas de la date précise. Je pense qu'à l'époque
19 il était dans l'enceinte de la prison, dans la cour. Il n'est pas vraiment
20 entré dans le bâtiment, mais il est probablement allé au bâtiment
21 administratif mais je ne sais pas vraiment pour quelle raison il était
22 venu, en tout cas il n'était pas resté longtemps.
23 Question: Est-ce qu'à cette occasion-là, il s'est à nouveau adressé aux
24 prisonniers?
25 Réponse: Je n'en suis pas sûr, je n'arrive pas à m'en souvenir. C'est
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1 possible mais je ne m'en souviens pas.
2 Même s'il était entré dans les bâtiments pour s'adresser aux prisonniers
3 serbes, moi, je ne l'ai pas entendu. En tout cas je ne l'ai pas vu, je ne
4 me souviens pas s'il est entré ou non en tout cas je suis sûr qu'il était
5 bel et bien dans l'enceinte de la prison.
6 Question: Quand vous avez vu M. Ivanovic entrer dans le bâtiment où se
7 trouvaient les prisonniers s'adressant aux Serbes, est-ce que M. Krnojelac
8 était présent également avec lui?
9 Réponse: Je crois que non.
10 Question: Et est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre du personnel de la
11 prison avec lui, ou bien pouvait-il entrer tout seul dans ce bâtiment?
12 Réponse: Les gardiens devaient être là pour lui ouvrir la porte d'entrée,
13 donc je pense qu'il y avait un gardien sans doute avec lui.
14 Question: Et quand vous l'avez vu à cette deuxième occasion dans
15 l'enceinte de la prison, qui était avec lui, qui se trouvait avec lui?
16 Réponse: Je pense que c'était Savo Todovic, surnommé "Bunda".
17 Question: Docteur Berberkic, nous ne souhaitons pas parler des conditions
18 de détention puisque qu'il y a d'autres témoins qui nous ont déjà parlé de
19 cela. Vous n'avez pas besoin de le répéter, mais je vais vous poser une
20 question concernant les conditions de vie. Est-ce que les conditions de
21 vie surtout le manque de la nourriture ont influencé votre condition
22 physique, votre santé? Et si oui, de quelle façon?
23 Réponse: Je suis arrivé dans le camp en pesant 87 kilos. A un moment
24 donné, je n'avais plus que 62 kilos. Je ne pouvais pas dormir normalement
25 puisque je n'avais que des os et de la peau. Il fallait que je trouve une
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1 position convenable pour m'endormir, j'avais de gros problème. Je
2 vomissais à cause du problème au niveau de l'estomac, car avec cette perte
3 de voix il y a probablement eu d'autres réactions métaboliques, et donc
4 j'ai eu des crises de vomissements à plusieurs reprises. J'avais des
5 troubles de vue probablement à cause du manque de vitamines. Je voyais les
6 choses à travers un brouillard. Je ne pouvais pas voir clairement, je me
7 tenais à peine debout. Je ne suis jamais tombé mais il m'en manquait de
8 peu pour tomber car il y avait beaucoup de gens autour de moi qui
9 s'effondraient comme cela tout d'un coup peut-être à cause du manque de
10 sucre dans leur sang, à cause de l'épuisement.
11 Question: Et quelle était la conséquence de ce manque de nourriture sur
12 les personnes plus faibles, plus âgées à part la perte de poids
13 évidemment?
14 Réponse: Les personnes âgées ne pouvaient pas circuler tout simplement,
15 elles ne pouvaient pas marcher. Elles étaient alitées, couchées et quand
16 elles tentaient de se relever, eh bien, elles tombaient. Alors nous, nous
17 essayons de leur expliquer de quelle façon il fallait se soulever de façon
18 progressive. Donc elles présentaient un certain nombre de symptômes, des
19 gonflements, des oedèmes au niveau des mains, des pieds, à cause du manque
20 de certains éléments nutritifs ou bien les problèmes dermatologiques, la
21 perte de cheveux donc on voyait tous les symptômes de malnutrition. A un
22 moment donné, il y avait même des poux dans la pièce n°16 alors même que
23 nous nous efforcions de maintenir les conditions d'hygiène autant que cela
24 se pouvait.
25 Question: Avez-vous jamais vu la livraison de la nourriture au sein du KP
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1 Dom?
2 Réponse: Bien sûr que je l'ai vu dans le bâtiment n°2, il y avait un
3 dépôt.
4 Question: Juste pour confirmer les dires du témoin, je voudrais que l'on
5 montre au témoin la photographie 751/2.
6 (L'huissier s'exécute.)
7 Voyez-vous ce bâtiment, le bâtiment marqué par le chiffre 2?
8 Réponse: Oui, c'est le bâtiment n°2 au rez-de-chaussée. Il y avait là où
9 se trouvent les trois fenêtres, eh bien, il y avait un dépôt là-bas et
10 parfois c'étaient des détenus du groupe de travail qui ont travaillé pour
11 décharger les conserves, la nourriture etc. Et moi, à une occasion, j'ai
12 pu voir ce qui s'y trouvait, à l'intérieur, à travers une porte
13 entrouverte. Donc, c'est bien ça l'endroit, il s'agissait du dépôt.
14 Question: Le témoin montre le rez-de-chaussée avec une porte, c'est la
15 seule porte que l'on voit sur cette photographie.
16 Que voyez-vous comme nourriture, quel type de nourriture plaçait-on dans
17 ce dépôt?
18 Réponse: Eh bien, en général c'étaient des conserves, des pâtes, du riz.
19 Question: Est-ce que l'on distribuait cette nourriture-là aux détenus?
20 Réponse: Pour autant que je le sache, non.
21 Question: Alors que faisaient-ils de cette nourriture? Pouviez-vous le
22 voir?
23 Réponse: Je pense que ce sont les détenus serbes qui utilisaient cette
24 nourriture, ainsi que les personnels du KP Dom. Puisqu'au début de la
25 création du KP Dom, aux mois de juin, juillet, la cantine centrale, là où
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1 nous mangions, eh bien, c'était une cantine commune aussi bien pour les
2 personnels du KP Dom -les gardiens, la direction du KP Dom- et commune
3 aussi aux détenus serbes. Donc cette nourriture leur avait été destinée.
4 Nous, ce que l'on nous donnait, ce que l'on mangeait, c'était le reste des
5 conserves, le reste du pain dans des poubelles. On fouillait dans les
6 poubelles.
7 Question: Est-ce qu'il y a eu des décès à cause des conditions de vie? Je
8 ne parle pas des passages à tabac mais des conditions de vie.
9 Réponse: Je pense que personne n'est décédé directement des suites de
10 malnutrition au KP Dom. Je le pense.
11 Question: Indirectement?
12 M. le Président (interprétation): C'est une question très, très ouverte
13 -si je peux le remarquer.
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez raison, Monsieur le
15 Président. Nous allons parler des personnes qui sont décédées. Connaissez-
16 vous Esad Hadzic?
17 M. Berberkic (interprétation): Oui. Je connaissais Esad Hadzic, même
18 avant. J'ai regardé quand une fois, au mois de juin je pense, on l'a fait
19 sortir enveloppé dans une couverture, on l'a fait sortir du dortoir.
20 Ensuite, j'ai communiqué, j'ai parlé avec le médecin qui m'a dit que son
21 ulcère a éclaté et qu'il a fallu de toute urgence le transporter à
22 l'hôpital. Mais il a dit que les gardiens qui étaient de garde cette nuit-
23 là ne l'ont pas permis, n'ont pas permis son transfert.
24 Question: Donc ce que je viens d'entendre-là, c'est qu'Esad Hadzic n'était
25 pas dans votre pièce?
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1 Réponse: Non, il n'était pas dans la même pièce que moi.
2 Question: Donc nous n'avons pas besoin de continuer à son sujet. Vous avez
3 mentionné le mois de juin. Il s'agit du mois de juin 1992 ou 1993?
4 Réponse: 1992.
5 Question: Connaissez-vous…
6 M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause maintenant.
7 Nous allons essayer de vivre avec cette montre folle qui se trouve dans ce
8 prétoire. Nous allons continuer la séance à 11 heures 30.
9 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
10 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, c'est à vous.
11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 Monsieur le Témoin, avant la pause nous avons parlé d'un certain nombre de
13 personnes qui sont mortes au KP Dom et j'aimerais que vous nous disiez si
14 vous connaissez un certain Ibrahim Sandal, un détenu.
15 M. Berberkic (interprétation): Je connais Ibrahim Sandal, il était dans la
16 salle où j'étais, la salle n°18, et pendant un certain temps j'étais avec
17 lui. Il était très gravement malade. Il n'était pas en mesure de se
18 déplacer. Il avait perdu tout appétit, il ne pouvait plus manger.
19 Question: De quel mal était-il atteint?
20 Réponse: Je crois qu'il était cardiaque. Il souffrait d'hypertension. Il
21 avait les jambes enflées, je pense qu'il souffrait d'une insuffisance
22 cardiaque, de quelque chose de ce style.
23 Et je ne sais pas comment il se fait qu'il ait été arrêté au KP Dom, je ne
24 sais pas ce qu'il est devenu finalement au KP Dom, car moi je suis parti,
25 mais plus tard j'ai appris qu'il était mort là-bas.
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1 Question: Le connaissiez-vous avant la guerre?
2 Réponse: Non.
3 Question: Est-ce qu'il a été passé à tabac au KP Dom ou est-ce que sur son
4 corps vous avez pu constater des traces de coups?
5 Réponse: Ce n'est pas l'impression que j'ai eue.
6 Question: Cette personne figure au n°5.25.
7 M. le Président (interprétation): Merci.
8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Connaissez-vous un certain Omer
9 Kunovac?
10 M. Berberkic (interprétation): Je le connais très bien. On l'a fait venir
11 dans la salle où je me trouvais vers la fin du mois de mai 1993. A
12 l'époque, j'étais dans le bâtiment n° 3, à l'un des étages supérieurs.
13 Nous étions une douzaine à être isolés du reste. C'est à ce moment-là
14 qu'on l'a amené ou plutôt porté à l'intérieur de la pièce parce qu'il ne
15 pouvait pas marcher, il était sourd-muet. Il était d'Ustikolina, je ne le
16 connaissais pas précédemment, j'en avais entendu parler.
17 Il ne pouvait pas parler. Il avait été sauvagement battu. Il souffrait
18 terriblement du ventre et de l'estomac. Il ne pouvait plus manger. J'étais
19 présent quand il est mort. Je crois qu'il est mort le 21 juin 1993, dans
20 l'après-midi.
21 Question: Savez-vous quelle est la cause de son décès?
22 Réponse: Je suis certain qu'il est mort à cause d'une blessure à l'estomac
23 due à des coups reçus, coups assénés au moyen d'un instrument contondant
24 qui l'a blessé à l'estomac.
25 Question: Savez-vous où il a été passé à tabac et qui l'a passé à tabac?
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1 Réponse: Il avait été passé à tabac dans une cellule d'isolement dans le
2 bâtiment administratif. Je ne sais pas si c'était dans la cellule n°1 ou
3 2. J'ai parlé de son cas avec Gojko Jokanovic. Nous avons demandé à Gojko
4 Jokanovic de faire en sorte qu'il soit transféré à l'hôpital, et Gojko
5 Jokanovic a dit que c'était hors de question. Et quand je lui ai dit que
6 l'homme allait mourir et quand je lui ai demandé pourquoi il était blessé
7 ainsi, il a répondu que c'était le travail, tout cela c'était le travail
8 de Burilo .
9 Question: Est-ce que Gojko vous a expliqué pourquoi il était hors de
10 question que cet homme soit emmené à l'hôpital?
11 Réponse: Non, il n'a pas voulu en parler, il n'a même pas voulu envisager
12 cette possibilité. Je crois que Gojko, à cette époque-là justement, avait
13 des difficultés avec l'administration. A cause de l'aide qu'il nous
14 prodiguait. Il était manifeste qu'on le suivait et qu'on était en train de
15 lui couper l'herbe sous le pied. Il était évident qu'il était dans une
16 situation assez risquée. Il ne voulait même pas parler de la possibilité
17 que j'avais évoquée.
18 Question: Vous nous dites que Kunovac a été passé à tabac dans la cellule
19 d'isolement du bâtiment administratif. Comment le savez-vous? Avez-vous
20 entendu quelque chose ou bien est-ce que Kunovac, lui-même, vous l'a
21 indiqué d'une manière ou d'une autre? Comment le savez-vous?
22 Réponse: Il n'a rien dit parce qu'il ne pouvait pas parler, il était
23 sourd-muet. Il était simplement en mesure de prononcer ou d'émettre des
24 sons inintelligibles. On l'a fait venir, on l'a transporté depuis
25 l'entrée, il semblait venir de l'entrée du bâtiment administratif. Je ne
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1 sais pas s'il était effectivement dans une cellule d'isolement, sans
2 doute. En tout cas, on l'a fait venir du bâtiment administratif, ce qui
3 signifie qu'il n'avait pas été précédemment dans la prison elle-même, dans
4 les lieux de détention.
5 Question: Vous nous dites qu'il a été passé à tabac dans les cellules
6 d'isolement du bâtiment administratif. C'est une supposition que vous
7 faites là?
8 Réponse: Oui, effectivement. Je pense que c'était effectivement le cas car
9 c'est le seul endroit où cela ait pu se produire. Je n'exclue pas la
10 possibilité qu'il ait été passé à tabac en venant au KP Dom, en chemin.
11 Question: Combien de temps s'est écoulé entre son arrivée, à lui, dans la
12 salle où vous vous trouviez et sa mort? Pouvez-vous nous dire combien de
13 jours se sont écoulés entre ces deux événements?
14 Réponse: Environ trois semaines. J'ai déjà dit qu'on l'a amené vers la fin
15 du mois de mai et c'était le 21 juin. Donc il est mort environ trois
16 semaines plus tard.
17 Question: Et vous nous dites qu'il avait été blessé au niveau du ventre,
18 blessure causée par des coups assénés au moyen d'un objet contondant.
19 Qu'est-ce qui vous a permis de tirer cette conclusion? Qu'avez-vous pu
20 constater sur son corps?
21 Réponse: A ce moment-là, Aziz Torlak était lui aussi dans la pièce et nous
22 avons pu constater qu'il avait des hématomes au niveau du ventre, de
23 l'estomac. On voyait qu'il y avait hémorragie interne. J'en ai parlé avec
24 le Dr Torlak, parce que lui s'y connaissait en la matière plus que moi.
25 Lui, il a dit que l'homme était sans doute blessé à l'intérieur, qu'il y
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1 avait un de ses organes qui avait été blessé, et qu'il était nécessaire
2 d'intervenir immédiatement.
3 Sur la base de l'apparence de la peau, sur la base de l'hématome, de la
4 modification de couleur de sa peau, de la rigidité de l'estomac, etc.,
5 Torlak en a déduit qu'il avait été blessé au niveau de l'abdomen.
6 Question: Cette personne figure au n°35, sur la liste B. C'est également
7 quelqu'un qui est mentionné sous la référence D17.
8 Mais sous la référence D17, il y a faute d'orthographe dans son nom de
9 famille: on dit Omer Kunovac. Mais quand on examine les dates et ce qui
10 figure sur cette liste, on peut en conclure qu'il s'agit de la même
11 personne. C'est du moins ce qu'estime l'accusation.
12 M. le Président (interprétation): Merci.
13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous-
14 même avez été passé à tabac pendant votre séjour au KP Dom?
15 M. Berberkic (interprétation): J'ai été passé à tabac une fois, et cela ne
16 s'est pas passé à l'intérieur du bâtiment mais dans le réfectoire, dans la
17 cuisine.
18 Question: Quand cela s'est-il produit?
19 Réponse: Je ne me souviens pas de la date précise. Disons en automne de
20 l'année 1992, mais je ne me souviens pas de la date exacte. Cependant, je
21 me souviens de la façon dont cela s'est produit et je peux vous raconter
22 la chose en détail.
23 Question: Allez-y, je vous en prie.
24 Réponse: Eh bien, on sortait de la cantine, on venait de déjeuner. J'étais
25 le dernier dans la file. Devant moi, il y avait Dzevad Lojo qui était le
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1 directeur de la mine. Donc je descendais les escaliers, j'ai remarqué que
2 tous les détenus avaient la tête penchée en avant, regardaient vers le
3 sol. Je ne savais pas ce qu'il se passait. Puis, j'ai entendu une voix
4 dire: "Baisse la tête". Je ne me suis pas exécuté immédiatement parce que
5 je voulais voir qui parlait ainsi. Je crois que Dezvad Lojo, lui non plus,
6 n'a pas obéi tout de suite et deux soldats en uniforme, deux soldats
7 armés, étaient là. Je ne crois pas qu'ils étaient de Foca. L'un d'eux
8 avait un couvre-chef. Ils avaient des fusils automatiques et ils avaient
9 des uniformes, des tenues de camouflage.
10 Dzevad Lojo a reçu plusieurs coups, ainsi que moi-même. Ensuite, il a
11 fallu que nous baissions la tête et c'est tête baissée que nous sommes
12 rentrés en file indienne dans nos dortoirs.
13 Question: Est-ce qu'à cette occasion vous êtes les seuls, vous-même et
14 Dzevad Lojo, à avoir été passé à tabac ou battus?
15 Réponse: Oui. A ma connaissance, nous sommes les deux seuls à avoir été
16 frappés.
17 Question: Et est-ce que vous avez été blessé?
18 Réponse: Non. Mais j'avais mal car j'avais reçu un coup au-dessus de
19 l'oreille droite. Je ne saignais pas, j'avais des bleus et une partie de
20 mon corps était enflée.
21 Question: Vous nous dites qu'un de ces soldats portait un couvre-chef.
22 Est-ce que c'était un couvre-chef qui sortait de l'ordinaire pour un
23 soldat?
24 Réponse: C'était un chapeau ou un couvre-chef extrêmement inhabituel, je
25 n'en n'avais jamais vu de pareil précédemment. Je crois que cela faisait
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1 partie d'un uniforme de camouflage, mais c'était vraiment quelque chose,
2 un chapeau extrêmement large, extrêmement grand cela ressemblait un petit
3 peu à un sombrero mexicain.
4 Question: Et quand ces soldats ont parlé, est-ce que vous avez pu
5 remarquer un accent particulier?
6 Réponse: Oui. Oui, effectivement. J'ai essayé de voir qui c'était. J'ai
7 regardé l'un d'entre eux et je ne pense pas d'ailleurs qu'il était de
8 Foca. D'ailleurs, je pense que ces hommes n'étaient même pas de Serbie non
9 plus. Ils étaient peut-être du coin. Je ne sais pas, je ne les connaissais
10 pas.
11 Question: Et à leur accent, est-ce que vous étiez en mesure de déterminer
12 d'où ils venaient?
13 Réponse: Je crois qu'ils étaient de la partie orientale de l'Herzégovine.
14 Je ne peux pas vous dire exactement d'où peut-être de Bileca, Gacko.
15 Question: Est-ce que vous savez ce que faisaient ces soldats dans
16 l'enceinte de la prison?
17 Réponse: Je ne sais pas pourquoi ils étaient là. Ils étaient peut-être
18 simplement venu déjeuner.
19 Question: Est-ce qu'il y avait des gardes, des gardes qui travaillaient
20 habituellement au KP Dom? Est-ce qu'ils étaient présents lorsque ceci
21 s'est produit?
22 Réponse: Oui, il y avait Milovan Vukovic de Josanica. C'est un voisin, je
23 le connais bien. Initialement, il n'a eu aucune réaction parce qu'il avait
24 sans doute peur également. Tout ce que je sais, c'est qu'il nous a dit:
25 "Ne regardez pas vers le haut, ne levez pas la tête".
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1 Question: Est-ce que les gardes qui étaient présents sont intervenus
2 pendant que l'on vous frappait?
3 Réponse: Non. Non, personne n'est intervenu.
4 Question: Le témoin vient de décrire l'incident qui figure qui porte la
5 mention 5.12 dans l'Acte d'accusation.
6 M. le Président (interprétation): Merci.
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que les
8 soldats avaient accès au KP Dom de manière générale?
9 M. Berberkic (interprétation): Je crois que, dans les premiers mois, les
10 soldats pouvaient entrer dans le KP Dom. Vers la mi-juin, un soldat qui
11 portait un uniforme est entré soudain dans la salle n°16, il n'était pas
12 armé. Nous avons été très surpris par son arrivée effrayée, mais il s'est
13 contenté d'entrer dans la pièce, il a regardé autour de lui, il est resté
14 environ une dizaine de secondes dans la pièce sans prononcer une seule
15 parole. Il nous a tous regardés. Il cherchait probablement quelqu'un de
16 précis. Mais je crois que je ne l'avais jamais vu précédemment à Foca.
17 Il portait un uniforme militaire. Vu son uniforme, je crois qu'il était
18 membre d'une unité paramilitaire. Il était manifeste qu'il cherchait
19 quelqu'un de précis, mais il n'a pas prononcé un seul mot ce qui nous a
20 surpris. Et au bout de dix secondes environ il a quitté la pièce.
21 De manière générale, au début, il était possible aux soldats armés
22 d'entrer dans l'enceinte de la prison et dans les pièces où nous nous
23 trouvions, mais ensuite cela ne s'est plus produit.
24 Question: Est-ce qu'il leur était possible d'entrer dans les pièces sans
25 gardes? Est-ce qu'il leur était possible d'entrer dans les bâtiments où se
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1 trouvaient les prisonniers sans gardes?
2 Réponse: Non. Non, parce que les pièces étaient fermées à clef et c'était
3 les gardes qui avaient ces clefs. Donc ils ne pouvaient pas entrer tout
4 seuls, il fallait bien qu'un garde ouvre la porte.
5 Question: Vous avez parlé de l'incident impliquant un soldat qui est entré
6 dans cette pièce en coup de vent. Vous nous dites que cela s'est passé à
7 la mi-juin. Est-ce que c'était en 1992?
8 Réponse: En 1992.
9 Question: Et vous nous dites qu'au bout d'un moment ces genres d'incidents
10 ne se sont plus produits, la venue de soldats dans l'enceinte du KP Dom. A
11 partir de quel moment cela a-t-il pris fin?
12 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de
13 m'excuser. Avec votre permission, je souhaiterais mettre une objection. Je
14 n'ai pas souhaité interrompre l'interrogatoire principal précédemment,
15 mais on peut lire au compte rendu d'audience que cela s'est arrêté de se
16 produire. En fait, ce qu'a dit le témoin, c'est que ce genre d'incident
17 s'est produit moins souvent. Et mon éminente confrère pose cette question
18 parce que je ne suis pas intervenu au bon moment.
19 Peut-être serait-il bon de préciser les choses avec le témoin, parce que
20 je pense que le témoin a effectivement dit que: "Ce genre de choses s'est
21 passé moins souvent", alors que dans le compte rendu d'audience on peut
22 lire: "Ce genre de choses s'est arrêté de se produire".
23 M. le Président (interprétation): Ligne 12. Oui. Effectivement, il est
24 écrit: "mais cela s'est arrêté, ne s'est plus produit ultérieurement".
25 S'il y a un problème, effectivement, on peut poser la question.
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1 M. Bakrac (interprétation): Je n'étais pas en train d'essayer
2 désespérément de me souvenir de votre nom, mais j'essayais de trouver le
3 bouton me permettant de parler dans le micro.
4 Donc, Madame Uertz-Retzlaff, je pense qu'il serait bon de reposer la
5 question au témoin pour que la réponse soit bien claire.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que des
7 soldats sont venus dans l'enceinte de la prison pendant toute la durée de
8 votre détention ou est-ce qu'à un moment donné ce genre de choses ne s'est
9 plus produit?
10 M. Berberkic (interprétation): Je crois que cela s'est arrêté à un moment
11 donné. Je crois que c'était après le nouvel an 1993; à partir de ce
12 moment-là, il n'y a plus eu de soldats armés qui sont entrés dans
13 l'enceinte de la prison.
14 Mais au cours des cinq ou six premiers mois, cela se produisait: des
15 soldats venaient dans l'enceinte de la prison, ils entraient dans les
16 salles où nous étions mais ensuite cela s'est arrêté. Je ne sais pas si ma
17 réponse vous convient.
18 Question: Merci, Monsieur le Témoin.
19 Monsieur le Président, j'ai d'autre part oublié de vous dire que le garde
20 qui a été mentionné et dont on dit qu'il était présent, lorsque le témoin
21 a été frappé, donc ce garde est le n°45 de la liste P3.
22 M. le Président (interprétation): Merci.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous
24 avez été interrogé pendant votre séjour en prison?
25 M. Berberkic (interprétation): J'ai été interrogé en juin. Je crois que
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1 c'était en juin. Je crois que cela s'est passé le 23 juin.
2 Un garde est venu me chercher, il m'a emmené dans le bâtiment
3 administratif, et il m'a fait entrer dans une des pièces qui se trouvaient
4 au premier étage. Peut-être au deuxième étage. Oui, en fait, si, c'était
5 le deuxième étage. Il m'a fait rentrer dans une pièce où il y avait Zoran
6 Vladicic, un enquêteur qui était assis derrière un bureau.
7 Je connaissais Vladicic déjà avant, on avait même eu des relations
8 d'affaires. En fait, on avait travaillé ensemble sur un certain nombre
9 d'affaires avant la guerre. Il y avait également une personne qui portait
10 un uniforme militaire. Il avait des pantalons vert olive et un tee-shirt
11 noir. Il n'a rien dit pendant tout l'interrogatoire. Il était là, c'est
12 tout.
13 Question: Vous nous dites que cela s'est passé le 23 juin. De quelle
14 année?
15 Réponse: 1992.
16 Question: Zoran Vladicic, vous nous dites que c'était un enquêteur. Un
17 enquêteur à ce moment-là ou même avant? Où travaillait-il? Que faisait-il
18 avant la guerre?
19 Réponse: A ma connaissance, il était enquêteur même avant la guerre. Je
20 travaillais au service de réception de l'infirmerie de l'hôpital. Quand il
21 y avait un accident, il venait à l'hôpital. Je crois qu'il était enquêteur
22 au SUP de Foca.
23 Question: Vous nous dites que vous avez été interrogé dans un bureau qui
24 se trouvait au deuxième étage du bâtiment administratif. En entrant dans
25 le bâtiment administratif par la porte métallique, à ce moment-là,
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1 fallait-il, pour vous rendre dans ce bureau, tourner à gauche ou à droite?
2 Réponse: A droite. On est allés à droite, dans la partie droite du
3 bâtiment administratif.
4 Question: Et sur quoi vous a-t-on interrogé pendant cet interrogatoire?
5 Réponse: Tout d'abord, j'ai passé un certain temps à attendre dans le
6 couloir. Il y avait un autre prisonnier avec moi qui attendait. Il
7 s'appelait Sisic, j'ignore son prénom, il était d'Ustikolina, il avait une
8 vingtaine d'années. Et FWS-162 a été interrogé avant moi.
9 Question: Le même jour?
10 Réponse: Oui, le même jour. Zoran Vladicic m'a demandé dans quelles
11 circonstances j'avais été blessé, ce qui m'était arrivé, si je possédais
12 des armes. Je lui ai répondu que l'on m'avait extrait une balle à
13 l'hôpital, que je n'avais pas été blessé dans les combats, mais que
14 j'avais été touché par un éclat d'obus. Il a insinué que j'avais été
15 blessé au combat. J'ai insisté sur le fait que c'était complètement faux.
16 Il m'a demandé qui distribuait des armes aux Musulmans, qui possédait des
17 armes, qui était membre du SDA. J'ai tout rejeté en bloc. Je n'avais
18 absolument aucune connaissance de toutes ces choses. Cela ne m'intéressait
19 pas.
20 Il m'a dit que j'appartenais à un groupe de médecins qui voulaient
21 s'organiser pour empoisonner les patients et les enfants serbes à
22 l'hôpital. D'après lui, dans une maison de Foca -ou dans ma maison de
23 Foca-, ils avaient soi-disant trouvé une mitraillette. J'ai nié tout cela,
24 et ensuite, il m'a demandé si j'avais voté pour une Bosnie-Herzégovine
25 souveraine, j'ai répondu oui. Il m'a demandé si j'avais participé à des
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1 meetings politiques à Foca, j'ai répondu que je n'avais assisté qu'à une
2 réunion qui avait eu lieu au groupe scolaire.
3 Il a sorti de son bureau un dossier. Il m'a dit que je disais la vérité,
4 qu'il savait tout, qu'il disposait de toutes les informations, qu'il
5 savait à quelles réunions j'avais participé, avec qui je m'étais
6 entretenu, qui étaient mes amis, mais qu'il avait les moyens de me faire
7 dire ce qu'il voulait savoir. Il m'a dit qu'il valait mieux pour moi de
8 tout avouer plutôt que d'être envoyé au sous-sol. C'est ce qu'il a dit. Il
9 m'a dit qu'il pouvait se passer n'importe quoi pendant la nuit.
10 Je lui ai dit que je ne pouvais pas avouer des choses que je n'avais
11 absolument pas faites, en particulier en ce qui concernait les accusations
12 d'empoisonnement d'enfants serbes ou de patients serbes blessés.
13 Il me connaissait avant déjà, il connaissait bien ma famille. Il a placé
14 une feuille de papier devant moi. Il m'a demandé de la signer. J'ai lu ce
15 qui était écrit. J'ai vu que nulle part n'était écrit quoi que ce soit au
16 sujet d'empoisonnement, donc j'ai signé ce document. Ensuite, on m'a
17 ramené dans la salle où je me trouvais, dans la salle n°16.
18 Question: Quant à ces autres accusations comme quoi vous aviez eu une
19 mitrailleuse à la maison, étaient-ce bien des accusations vraies ou
20 fausses? Avez-vous eu une mitrailleuse à la maison?
21 Réponse: Bien sûr que c'était du mensonge tout cela. Accusation fausse.
22 Question: Vous avez dit qu'il vous a montré les sous-sols en vous disant
23 que vous pourriez y finir et que vous pourriez encourir pas mal de
24 risques. Qu'est-ce que cela voulait dire? Est-ce que vous avez su de quoi
25 il parlait?
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1 Réponse: Je crois qu'il a été très direct. Il l'a dit bien sèchement qu'il
2 y avait des sous-sols et, qu'au cours de la nuit, tout pouvait m'arriver,
3 que je risquais de recevoir une visite de soldats, et que je devais savoir
4 ce que tout cela voulait dire.
5 Des détenus, qui étaient interrogés avant moi, regagnaient la chambre d'où
6 ils étaient sortis, mais d'autres ont fini par être emmenés dans les sous-
7 sols pour y passer une nuit ou deux, etc. Probablement c'était… enfin,
8 l'une des façons d'extorquer un aveu quelconque, aveu qu'on leur
9 demandait.
10 Question: Pendant que vous avez été interrogé, vous avez mentionné le nom
11 de M. Sisic. Avez-vous entendu battre quelqu'un ou avez-vous entendu des
12 voix injuriantes à l'encontre de qui que ce soit?
13 Réponse: Pendant que j'étais dans ce bureau-là, je pense que personne n'a
14 été battu. Je sais que le Témoin FWS-162 pleurait assez longtemps,
15 refusant de reconnaître ce qu'on lui imputait. Je sais qu'il pleurait à
16 voix haute.
17 Pour ce qui est de Sisic, lui non plus n'a pas été tabassé à cette
18 occasion-là. J'en suis presque certain, pendant que j'étais évidemment
19 présent dans le bureau.
20 Question: Vous avez déjà dit que vous avez vu ramener dans votre salle les
21 détenus qui ont été blessés, et sur lesquels on pouvait observer les
22 traces de passage à tabac. Pouvez-vous vous souvenir de noms de ces gens-
23 là?
24 Réponse: Je me souviens très bien de trois détenus battus. Un premier
25 détenu était mon beau-frère, Delic Nedzad, qui était dans la salle n°18,
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1 au-dessus de moi. Il a été sorti par la grande porte par un de ces gardes.
2 J'ai entendu clairement sa voix, ses cris "Au secours!", ses
3 supplications. Il criait à tue-tête. C'est un garçon d'une vingtaine
4 d'années, très grand, très robuste, vraiment costaud, et il y est resté
5 peut-être pendant une demi-heure.
6 J'ai essayé de regarder par la fenêtre de la salle n°16. Une fois que la
7 porte s'est rouverte, il a été traîné, pratiquement porté par deux gardes.
8 Il ne pouvait pas bouger, il ne pouvait pas marcher, il a été tabassé, et
9 on l'a ramené dans la salle n°18.
10 Plus tard, j'ai pu apprendre que pendant quelques jours, par la suite, il
11 ne pouvait pas se tenir debout. Encore moins marcher.
12 Ensuite, Mandzo Emir, lui aussi qui était dans la salle n°16, a été sorti
13 de la pièce.
14 Question: Permettez-moi de vous interrompre, ici, pour une seconde, pour
15 vous poser quelques questions concernant les détails de ces épisodes. Est-
16 ce que vous pouvez vous souvenir de la date, de l'heure où ceci a eu lieu?
17 Est-ce que vous pouvez vous souvenir à quel moment M. Delic a été emmené?
18 Réponse: Ceci pouvait être au mois de juillet, la mi-juillet.
19 Question: Et à quelle heure?
20 Réponse: Dans l'après-midi au cours de l'après-midi, quand vous voulez.
21 Question: Etait-ce tôt dans l'après-midi ou plus tard dans l'après-midi si
22 vous pouvez spécifier?
23 Réponse: Je crois que ceci s'est passé après le déjeuner, peut-être que
24 ceci pouvait être vers les deux ou trois heures de l'après-midi.
25 Question: Et vous avez dit que ceci s'est passé vers la mi-juillet en 1992
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1 ou plus tard?
2 Réponse: En 1992.
3 Question: Et vous avez dit que, plus tard, vous avez entendu des bruits de
4 passage à tabac. Est-ce que ces cris, les cris de cet homme est-ce que
5 vous avez pu reconnaître sa voix?
6 Réponse: Oui, bien sûr que j'ai pu reconnaître sa voix. Il s'agit du frère
7 de ma femme et sans aucun doute finalement j'ai bien pu reconnaître sa
8 voix.
9 Question: Avez-vous pu reconnaître aussi les voix des gens qui l'ont passé
10 à tabac?
11 Réponse: Après cela, j'ai pu le rencontrer peut-être un mois après cela,
12 j'ai pu le rencontrer à la cantine. Je ne sais pas comment ils ont fait en
13 sorte que deux chambrées soient au même moment à déjeuner. Alors, très
14 brièvement, on s'est parlés et alors il m'a dit que ce sont ses collègues,
15 ses camarades d'école qui l'ont battu. Le garde, Matovic Zoran, de
16 Josanica qui était garde du KP Dom et qui nous gardait ce jour-là était
17 libre, il ne faisait pas partie donc de la relève, et lui était venu en
18 compagnie d'un groupe de gens de Foca parmi lesquels Vukovic Zoran de
19 Josanica qui est un judoka karatéka, et il m'a fait la description de cet
20 épisode de passages à tabac pendant que nous étions, pendant ces quelques
21 moments à la cantine. Une fois qu'ils l'ont fait venir dans la pièce, ils
22 lui ont mis sur la tête une bâche pour lui asséner des coups de main, de
23 pied, qu'il avait perdu connaissance à plusieurs reprises, qu'on lui
24 versait de l'eau sur la tête et quand il a repris connaissance, il a pu
25 voir qu'il était au beau milieu d'une ronde qu'ils ont fait autour de lui,
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1 qu'ils avaient une bouteille d'eau-de-vie qu'ils se passaient l'un à
2 l'autre. Par conséquent, ils étaient en état d'ébriété.
3 Question: A-t-il dit entre autres que Zoran Matovic a pris part aux
4 passages à tabac?
5 Réponse: Il a dit que Zoran Matovic était présent et que c'est lui qui a
6 emmené ce groupe de gens de la ville.
7 Question: Vous avez dit que vous avez pu bien entendre et distinguer les
8 cris de cet homme, mais aussi le bruit de passage à tabac. De quel côté
9 provenaient ces cris et bruits pour situer au niveau du bâtiment?
10 Réponse: Ces bruits et voix provenaient de ces pièces qui étaient
11 pratiquement les cellules d'isolement. Il s'agit de pièces qui se trouvent
12 à l'entrée du KP Dom et à droite vous trouvez deux de ces pièces-là.
13 Question: Avec l'aide de l'huissier, j'aimerais soumettre au témoin la
14 pièce à conviction 6/1.
15 (L'huissier s'exécute.)
16 Monsieur le Témoin, un autre détenu a fait ce dessin du plan du rez-de-
17 chaussée du bâtiment, et ici comme on peut le voir, est-ce que vous le
18 reconnaissez? D'abord pouvez-vous vous orienter dans ce plan, dessin?
19 Pouvez-vous d'abord nous indiquer où se trouve l'entrée du bâtiment?
20 Réponse: Je ne vois pas très bien à quoi vous vous référez. Est-ce que
21 vous pensez à l'entrée du KP Dom à l'extérieur, ou bien est-ce que vous
22 pensez à l'entrée du bâtiment administratif depuis l'enceinte?
23 Question: Il y a quelques minutes, vous avez dit que trois depuis
24 l'entrée. Alors, je voulais tout simplement que vous me signaliez ici,
25 vous avez un pointeur, montrez-nous, s'il vous plaît. Sur le
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1 rétroprojecteur, s'il vous plaît, et pas sur le moniteur.
2 Réponse: La porte se trouve ici. Il s'agit là de l'entrée du bâtiment
3 administratif, la pièce n°1 ou 2 sont justement les lieux où ceci s'est
4 produit. Donc la pièce n°1 ou 2, je pense plutôt que c'est la pièce n°1.
5 Question: Monsieur le Président, le témoin vient de montrer les pièces
6 marquées par 1 et 2 à droite par rapport à la porte métallique.
7 M. le Président (interprétation): Oui. Et si nous permettons tout de même
8 un certain retard dans la traduction, il venait de montrer une porte par
9 laquelle tous disaient que c'était bien l'entrée du bâtiment
10 administratif. Y a-t-il des problèmes, Maître Bakrac?
11 M. Bakrac (interprétation): Il a montré la porte d'entrée depuis
12 l'enceinte en disant qu'ensuite vous vous dirigez à droite.
13 M. Berberkic (interprétation): Non, non, non.
14 M. Bakrac (interprétation): Il a montré la direction à gauche.
15 M. Berberkic (interprétation): Lorsqu'on m'a interrogé, j'ai dit
16 clairement que je suis entré par la porte pour me diriger à droite.
17 Maintenant, je sais très bien que lorsque j'entre par la porte d'entrée
18 ces pièces se trouvent à gauche. Aucune confusion, il n'y a aucune
19 confusion, s'il vous plaît. Mais il me semble que pour ce qui est de
20 l'entrepôt, c'est mal marqué. Non, non, non. Ou il manque ici peut-être le
21 n°1, en tout cas ce plan n'est pas bon, n'est pas correct. Ne serait-ce
22 pour que pour parler de cette partie supérieure des pièces dans lesquelles
23 nous avons été détenus.
24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pour tirer au clair, peut-être nous
25 pouvons nous servir aussi de la photographie que nous avons parmi les
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1 pièces à conviction.
2 M. le Président (interprétation): Oui, ce serait peut-être mieux.
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avec l'aide de l'huissier, je
4 voudrais montrer la photographie 7477. Il s'agit de cette photographie-là.
5 (L'huissier s'exécute.)
6 Il s'agit de cette photographie d'en bas. Je vous prie, Monsieur le
7 Témoin, de regarder la photographie d'en bas. Les pièces que vous avez
8 mentionnées tout à l'heure se trouvent-elles, ne serait-ce que pour parler
9 de leurs fenêtres, sur cette photographie?
10 M. Berberkic (interprétation): Les fenêtres de ces pièces sont bien la
11 photographie; en entrant dans le bâtiment, vous tournez à gauche. Il n'y a
12 plus aucun doute.
13 Question: Pouvez-vous montrer moyennant le pointeur, s'il vous plaît, sur
14 le rétroprojecteur où se trouvent les fenêtres?
15 Réponse: C'est cette fenêtre-là, puis la seconde et la troisième fenêtre.
16 Or, ceci a pu avoir lieu, je crois, là où on voit la fenêtre n°2 ici. Ou
17 peut-être la pièce n°1 si vous voulez pour être plus précis.
18 Question: Le témoin vient de montrer trois fenêtres au rez-de-chaussée, à
19 gauche par rapport à la porte d'entrée, et il a montré plus précisément la
20 seconde fenêtre.
21 M. le Président (interprétation): Celle du milieu?
22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est bien celle-là. Je vous
23 remercie.
24 Lorsque vous avez mentionné Nedzad Delic, il s'agit de l'incident 3.15, et
25 lorsque le témoin avait fait mention de Zoran Matovic il s'agit évidemment
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1 de la personne P3 et n°48.
2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nedzad Delic a-t-il un surnom celui
4 de Stela, ou Stela est-ce une autre personne?
5 M. Berberkic (interprétation): Oui, Nedzad a un surnom mais c'est tout à
6 fait autre chose. Son surnom c'est bien Pico. Et je ne connais ce Stela,
7 ce surnom m'est inconnu.
8 Question: Oui, je vous remercie.
9 Votre beau-frère a-t-il survécu ou est-il considéré comme porté disparu?
10 Réponse: Il est considéré comme porté disparu.
11 Question: A quel moment a-t-il quitté le KP Dom et comment?
12 Réponse: Je crois que ceci pouvait avoir lieu au mois de septembre
13 lorsqu'ils l'ont emmené dans le cadre d'un groupe d'une trentaine de gens,
14 tous âgés de 25 à 30 ans. A nous, on disait que ces gens-là devaient aller
15 pour travailler quelque part.
16 Question: Et pouvez-vous nous dire de quelle année il s'agit?
17 Réponse: Il s'agit de l'année 1992. Excusez-moi, mais dorénavant je
18 préciserai l'année également.
19 Question: Et vous avez dit qu'on vous a dit que ces gens-là devaient être
20 emmenés pour s'occuper de certains travaux, de quels travaux s'agissaient-
21 ils? Le saviez-vous?
22 Réponse: On ne l'a pas précisé à cette époque-là mais, plus tard,
23 bavardant avec certains gardes nous avons essayé d'apprendre davantage. Et
24 j'ai été très direct avec l'un de ces gardes car j'ai été assez proche
25 avec lui. On a eu des rapports assez proches. Je voulais savoir ce qu'il
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1 était advenu de tout ce groupe de gens et j'ai été très direct en lui
2 demandant: est-ce possible que ces gens-là soient partis pour aller
3 travailler? Alors, lui, directement aussi, il m'a répondu que ce n'était
4 que de vaines paroles.
5 Question: Vous avez dit que votre beau frère est porté disparu?
6 Réponse: Oui. On le considérait comme porté disparu. Bien entendu, il
7 n'est plus en vie.
8 Question: Et vous avez dit aussi que trois d'entre eux étaient de retour
9 dans votre chambre, c'est-à-dire que vous avez su qu'ils ont été blessés.
10 Qui est la seconde personne? Nous avons Delic d'abord. Ensuite?
11 Réponse: Le second par ordre était Hasan Dzano. Lui aussi est de Josanica.
12 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, excusez-moi de vous
13 interrompre. Je suis persuadé que ma collègue ne l'a pas fait à dessein,
14 mais dans le transcript il a été dit que Hasan Delic était de retour dans
15 la chambre du témoin. Et je ne l'avais pas compris avant de l'avoir
16 entendu dire par le témoin. Or, la question était de savoir si Hasan Delic
17 -ou d'autres-, était de retour dans sa chambre à lui, où il était, le
18 témoin. Alors que le témoin ne l'a pas dit.
19 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas sûr d'avoir saisi de quoi
20 il s'agissait.
21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Le témoin a dit qu'il se trouvait
22 dans la chambre n°18, dans la salle qui se trouvait au-dessus de la
23 sienne. Il n'a pas dit qu'il était de retour dans la pièce du témoin.
24 M. le Président (interprétation): Mais qu'est-ce qu'il y a là d'ambigu?
25 S'il était de retour dans sa pièce ou dans la pièce du témoin?
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1 M. Bakrac (interprétation): Dans le transcript, j'ai pu lire que la
2 question était comme suit, et la réponse a été donnée ensuite, que Delic
3 était de retour dans la chambre du témoin, alors que le témoin ne l'a pas
4 dit avant.
5 Or, mon honorable collègue dit que le témoin précise avoir dit que l'homme
6 en question était de retour dans la pièce n°18 et non pas dans la n°16.
7 M. le Président (interprétation): Le mieux serait évidemment de tirer au
8 clair tout cela. A lire ce compte rendu d'audience, cela me semble exact,
9 mais s'il y a un problème, une ambiguïté quelconque, essayez de couper
10 court.
11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Votre beau-frère, M. Delic, dans
12 quelle pièce était-il rentré après avoir été tabassé?
13 M. Berberkic (interprétation): Ecoutez, je dois dire tout d'abord que
14 Hasan Delic n'existe pas, il s'agit de Delic Nedzad. Or, Monsieur du
15 conseil de la défense, disait qu'il s'agit d'Hasan. Moi, j'ai dit qu'il
16 s'agit bien de Delic Nedzad qui a été tabassé et qui était de retour dans
17 la pièce n°18.
18 Les deux autres détenus étaient bien avec moi dans la pièce n°16, il
19 s'agit de Hasan Dzano et de Mandzo Emir. Ça, c'est la vérité et toute la
20 vérité.
21 Question: Merci. Qui était Hasan Dzano? L'avez-vous connu avant?
22 Réponse: Oui, je l'avais connu depuis longtemps. C'était un de mes
23 voisins, il était âgé de 65 ans environ, retraité du village de Josanica.
24 C'est lui-même qui s'est rendu à Josanica dans ce village, et lui-même a
25 été également détenu au KP Dom. On l'a sorti de ma chambre, il était donc
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1 dans la même chambre que moi. Il a été sorti de cette chambre-là,
2 sélectionné par le même groupe qui a tabassé mon beau-frère. Il portait un
3 chapeau.
4 Il m'a raconté ensuite la façon dont il a été tabassé. D'abord, on lui a
5 enlevé le chapeau en lui disant: "Tu ne vas plus chasser la biche en
6 forêt, tu n'auras plus jamais l'occasion d'aller à la chasse". On lui a
7 encore une fois mis sur la tête une bâche, comme à mon beau-frère, pour le
8 tabasser. Il titubait, lui aussi, et il a été presque traîné par les
9 gardes parce qu'il ne pouvait pas regagner la salle où nous étions.
10 Tout de suite, je me suis approché de lui: j'ai pu voir son dos, son dos
11 était noir, à tel point il était couvert de bleus et d'ecchymoses. Il
12 avait une longue entaille dans l'épiderme d'une dizaine de centimètres en
13 longueur, probablement due à un coup de pied de chaussure de militaire;
14 l'angle gauche de sa mâchoire était blessé. Il y avait des traces tout à
15 fait claires sur sa cage thoracique, encore une fois portant l'empreinte
16 d'un soulier de soldat, et il a eu beaucoup de problèmes de respiration.
17 Nous lui avons mis des compresses avec du sel et de l'eau froide. Nous
18 avons eu une toute petite réserve de sels pour le faire. J'ai essayé de
19 palper son sternum, et il me semble que le sternum a été fracturé parce
20 qu'il ressentait de terribles douleurs en respirant. Pour ce qui est de
21 cette entaille dans l'épiderme, eh bien, j'ai pu enfin soigner tout cela.
22 J'ai eu un peu de fil. On lui a administré également de l'analgine contre
23 les douleurs.
24 En tout cas, il ne pouvait pas sortir, il ne pouvait pas marcher, on lui
25 apportait ses rations de nourriture dans la chambre.
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1 Question: Vous avez dit tout à l'heure qu'il a été tabassé par le même
2 groupe de gens qui ont tabassé votre beau-frère. Cela veut-il dire qu'il a
3 été sélectionné le même jour pour être emmené dans le bâtiment
4 administratif?
5 Réponse: Oui, cela a dû se produire le même jour. Le même jour où mon
6 beau-frère a été ramené dans la pièce n°18, un des gardes était venu dans
7 notre chambre pour sélectionner l'autre.
8 Question: Vous avez dit quelque chose, ce dont Hasan vous a informé plus
9 tard. Mais qu'avez-vous entendu ou qu'avez-vous vu personnellement?
10 Réponse: Je ne sais pas ce que vous voulez dire par "vu ou entendu
11 personnellement". Je vous ai dit tout simplement quels aspects cet homme
12 présentait.
13 Question: Oui, c'est ce que je voulais demander. Lorsqu'une fois il a été
14 sélectionné et emmené, avez-vous entendu des cris ou des bruits de coups
15 assénés?
16 Réponse: J'ai entendu des cris de douleur. Il s'agissait de cris
17 spécifiques parce que lorsque des personnes âgées crient "au secours",
18 c'étaient vraiment des cris par lesquels elles les suppliaient pour ne
19 plus être battues. Probablement, il a été sous l'action de douleurs
20 terribles parce qu'on pouvait l'entendre crier de douleur à voix très
21 haute.
22 Question: Et vous avez bien reconnu sa voix?
23 Réponse: Bien sûr que j'ai reconnu sa voix! On était des voisins et amis.
24 Question: Et ces bruits-là, provenaient-ils de la même pièce de tout à
25 l'heure et que vous avez montrée?
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1 Réponse: Oui, c'était la même pièce.
2 Question: Et combien de temps fallait-il à M. Dzano pour se rétablir de
3 ses blessures?
4 Réponse: Il a toujours dû avoir de graves problèmes de respiration. Il a
5 dû ressentir des douleurs pour ce qui est de ces lésions dans le dos,
6 toutes ces enflures, ces hématomes. Cela s'est calmé pendant deux ou trois
7 jours. Cette incision qu'il a eue dans le dos, cela a été arrangé
8 également mais il a eu des problèmes, il a eu des lésions bien graves sous
9 les deux omoplates. Mais il n'y a pas eu d'autres problèmes. En tout cas,
10 il lui a fallu une semaine à peu près pour qu'il revienne à lui.
11 Question: Quand M. Dzano a-t-il quitté le KP Dom? Le savez-vous?
12 Réponse: Je ne peux pas m'en souvenir avec exactitude. Ceci pouvait se
13 produire peut-être au mois de septembre, début septembre.
14 Question: Et comment a-t-il quitté le camp?
15 Réponse: C'était très simple. Un garde est venu pour faire l'appel nominal
16 d'un groupe de gens. Parmi eux, son nom figurait sans explication aucune.
17 Un appel tout simple. Il y avait une liste de gens sur laquelle figurait
18 son nom. Il n'avait qu'à ramasser ses affaires et s'en aller.
19 Question: Est-ce que vous parlez une fois de plus de l'année 1992?
20 Réponse: Oui, je parle bien de l'année 1992.
21 Question: Est-ce que vous pouvez savoir s'il est toujours en vie? Avez-
22 vous appris plus tard qu'il était en vie?
23 Réponse: Je le sais. Oui, je pense qu'il n'est plus en vie. Il est mort.
24 Question: Pourquoi le pensez-vous?
25 Réponse: Parce qu'il n'apparaissait nulle part, personne ne sait rien de
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1 lui. J'ai pu avoir des contacts avec des membres de sa famille. Cette
2 dernière n'a jamais pu repérer des traces permettant de conclure que l'on
3 pouvait le retrouver en vie.
4 Question: Une autre question le concernant: portait-il un surnom de
5 "Kalabic" ou quelque chose du genre?
6 Réponse: Oui, c'est bien son surnom, "Kalabic". Fort intéressant comme
7 surnom, mais c'en est un.
8 Question: Monsieur le Président, la personne dont nous venons de parler
9 est citée sous la cote n°P18.
10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Or, cette troisième personne que vous
12 avez vu retourner dans votre pièce est couverte de blessures. De qui
13 s'agissait-il?
14 M. Berberkic (interprétation): Il s'agissait de Mandzo Emir. Bien sûr, je
15 le connaissais bien, il travaillait à la section de neurologie à l'hôpital
16 de Foca. Son fils était venu au monde un mois avant qu'il soit détenu, et
17 il portait une photographie de son fils. Sa femme donc avait accouché un
18 mois avant qu'il ne soit détenu. Il a été sélectionné lui aussi selon le
19 même procédé par un garde.
20 Question: Cela veut-il dire que c'était un homme jeune?
21 Réponse: Il pouvait avoir dans les 23 ans.
22 Question: Et qu'est-ce que vous avez pu constater lorsqu'il a été
23 sélectionné pour être emmené?
24 Réponse: Lui aussi, il a été emmené par la grande porte. Une fois de plus,
25 on a entendu ces voix, des cris de douleur, des appels au secours. On
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1 pouvait entendre aussi des bruits d'un corps tombé, par exemple, d'une
2 chaise. Parce que vous savez, quand on est dans la prison, on peut faire
3 développer ses sens de l'audition surtout. Pendant que j'étais dans cette
4 pièce-là, on pouvait entendre par exemple la chute d'un objet, vous pouvez
5 entendre le bruit que fait un versoir par exemple ou un pulvérisateur
6 quelconque, un arrosoir. C'est ainsi que j'ai pu savoir qu'il s'agissait
7 toujours du même groupe de gens qui l'ont tabassé. Il s'agissait donc de
8 ses voisins et il était tabassé par le même groupe de gens.
9 Il m'a raconté comment tout s'est passé avec lui. On ne lui a pas mis sur
10 la tête une bâche, mais une fois qu'il était entré, je pense qu'il s'agit
11 de la même chambre bien sûr, alors ils se sont mis évidemment à le
12 frapper. A plusieurs reprises, il a perdu connaissance. Même plus tard, il
13 allait jusqu'à dire qu'il croyait qu'il allait trépasser, parce que, à tel
14 point il était pendant si longtemps sans connaissance. Et une fois qu'on
15 lui a versé de l'eau sur le visage, il a repris connaissance, on l'a
16 planté sur une chaise et que ces gens-là ont pris une autre chaise, lui
17 ont enlevé ses chaussures pour lui faire passer ses bras et ses pieds par
18 le dossier, à travers le dossier de la chaise, l'un d'entre eux ayant
19 sorti une matraque pour le frapper sur la plante des pieds et sur les
20 bras, sur les mains plutôt.
21 Or, Vukovic Zoran, qui était à un karatéka l'a frappé surtout. Il prenait
22 par exemple un élan de quelques mètres pour lui asséner des coups
23 terribles. A plusieurs reprises, il a précisé qu'il avait reçu de l'eau
24 sur le visage et ceci devait durer pendant plus d'une demi-heure, une
25 heure et c'est ainsi qu'il a été ensuite ramené dans sa pièce.
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1 Question: Avez-vous de nouveau entendu les bruits des passages à tabac et
2 les cris, de cette même pièce que vous nous avez déjà montré?
3 Réponse: Oui, je l'ai entendu très clairement. Pas seulement moi-même,
4 mais tous les prisonniers qui étaient avec moi dans la même pièce. Il y en
5 avait parmi nous qui ne pouvaient pas l'écouter. Alors, ils se couvraient
6 leur tête avec des oreillers car on avait peur que ceci ne nous arrive
7 aussi.
8 Et que cela ne se continue, qu'il y ait une fin tragique à ces événements.
9 Question: Et quelle était la nature des blessures que vous avez pu voir
10 plus tard sur M. Mandzo?
11 Réponse: Son visage était complètement déformé, complètement déformé,
12 couvert d'ecchymoses, de bleus, de coups. Sa bouche, ses lèvres
13 supérieures étaient déchirées. Sa lèvre supérieure était déchirée. Ses
14 dents étaient cassées dans sa mâchoire supérieure. Il avait des ecchymoses
15 au niveau des deux pieds, de ses mains et l'index d'une de ses mains était
16 brisé à cause des coups reçus et son corps était tout bleu.
17 Question: Il a mis combien de temps pour se remettre de ses blessures?
18 Ou bien?
19 Réponse: Pendant trois jours à peu près, il ne pouvait pas se lever, nous
20 lui apportions de la nourriture. Après, il a pu se relever mais il
21 ressentait toujours de très fortes douleurs. Ses ecchymoses ont disparu
22 assez rapidement puisque nous lui mettions des compresses d'eau froide sur
23 ses mains et sur ses pieds, de sorte qu'ils se sont résorbés assez
24 rapidement. Mais pendant trois jours, il n'y a pas pu se relever, il n'a
25 pas pu marcher et nous lui apportions de la nourriture dans la chambre.
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1 Question: Est-ce que M. Mandzo a quitté le KP Dom avant vous?
2 Réponse: On l'a fait sortir du KP Dom avec le groupe de Hasan Dzano et on
3 n'a plus entendu parler de lui.
4 Question: Est-ce que vous avez eu aussi des contacts avec des membres de
5 sa famille? Je pense à la famille de M. Mandzo.
6 Réponse: Je n'ai pas eu de contact avec eux. J'ai juste entendu dire que
7 sa femme vivait à l'étranger, et qu'elle a survécu, qu'elle vivait avec
8 son fils.
9 Question: Cet incident, Monsieur le Président, se trouve sur la liste B37.
10 M. le Président (interprétation): Merci.
11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, ce passage à
12 tabac que vous venez de décrire, était-ce la seule fois ce jour-là que
13 vous avez entendu le bruit des passages à tabac venant de cette pièce que
14 vous nous avez montrée? Ou bien avez-vous entendu, à d'autres occasions,
15 des bruits similaires venir de cette pièce?
16 M. Berberkic (interprétation): Ce n'était pas la seule fois. Avant cela,
17 je pense depuis le début du mois de juin, ou plutôt la première moitié du
18 mois de juin jusqu'à la fin du mois de juin, je pense que le mois de juin,
19 d'après moi, était vraiment le mois le plus terrible que j'ai passé dans
20 la prison, dans cette prison.
21 Car c'est au cours de ce mois-ci qu'on faisait sortir les prisonniers,
22 soit à la porte d'entrée, soit dans cette pièce où on les passait à tabac,
23 où on les a maltraités, où on les a battus. Surtout donc vers la mi-juin,
24 la fin du mois de juin, la Saint-Guy.
25 Pendant cette période, nous avons entendu des cris, des appels à l'aide,
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1 des supplices, des gens qui demandaient de ne pas les battre, de ne pas
2 les passer à tabac, qui disaient qu'ils n'avaient rien fait, qu'ils
3 n'étaient pas coupables.
4 Question: Est-ce que nous parlons du mois de juin 1992?
5 Réponse: Oui, mois de juin 1992.
6 Question: Monsieur le Témoin, nous n'avons pas besoin de parler de la
7 situation générale, de la façon dont se sont déroulés ces incidents. Je
8 vais plutôt vous poser des questions au sujet des victimes précises que
9 vous avez déjà mentionnées dans vos déclarations préalables, que vous avez
10 données soit aux enquêteurs du Bureau du Procureur, soit aux autorités
11 bosniennes. Donc nous allons parler de ces victimes.
12 Est-ce que vous connaissez les frères ou les cousins Rikalo?
13 Réponse: Les Rikalo, c'étaient des frères, pas des cousins. Je les connais
14 très bien. Rikalo Zaim… Rikalo Husein, c'était le plus âgé, ma génération.
15 Rikalo Zaim était plus jeune, et Rikalo Hidajet ou Hido était le plus
16 jeune. Je les connais tous les trois parce qu'ils venaient chez moi. On
17 est presque des cousins voisins. Ils ont été au KP Dom. Soi-disant qu'on
18 les a amenés du Monténégro au KP Dom .
19 Pendant cette période du mois de juin, on les a amenés tous les trois
20 jusqu'à la porte d'entrée, et on les a battus tous les trois. Surtout le
21 plus âgé des frères Rikalo, Husein.
22 Question: Comment le savez-vous? Pourriez-vous reconnaître, savoir?
23 Comment le savez-vous?
24 Réponse: Je le sais parce que j'ai clairement entendu et reconnu sa voix
25 et je me souviens de ses mots exacts. Il suppliait, il disait: "Non! Je
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1 vous en prie, ne le faites pas, ne me battez pas. Je vous en prie. Je vous
2 prie". Il a répété cela à plusieurs reprises: "Je vous en prie, ne me
3 battez pas!".
4 Question: Pendant que l'on passait à tabac Husein, avez-vous entendu quoi
5 que ce soit d'autre à part sa voix? Avez-vous entendu la voix de ceux qui
6 lui infligeaient ces supplices?
7 Réponse: J'ai entendu des voix mais je n'étais pas en mesure de les
8 reconnaître. J'ai entendu qu'on lui a demandé de leur dire où il a enterré
9 quelque chose, on lui disait: "Dis-nous, dis-nous ou on va te tuer. Où tu
10 l'as enterré?", mais je ne sais pas à quoi ils pensaient.
11 Question: Et ces trois frères Rikalo, est-ce qu'ils étaient dans la même
12 pièce que vous au moment où on les a emmenés, ou bien sinon où se
13 trouvaient-ils?
14 Réponse: Non, ils n'étaient pas dans ma pièce et je ne sais pas dans
15 quelles pièces ils étaient, je ne m'en souviens pas.
16 Question: Est-ce qu'ils se trouvaient dans la même pièce que vous ou bien
17 dans une autre pièce, ou dans un autre immeuble, dans le bâtiment n°1?
18 Réponse: Ils étaient dans le bâtiment n°1, mais je ne sais pas dans quelle
19 pièce.
20 Question: Et vous les avez vu passer par la cour?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Et vous avez mentionné Zaim Rikalo, est-ce que vous avez aussi
23 reconnu sa voix pendant qu'il avait été battu ou bien n'avez-vous reconnu
24 que la voix de Husein?
25 Réponse: J'ai reconnu sa voix aussi. J'en suis certain. Je peux
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1 l'affirmer, pour ces deux-là je peux l'affirmer à cent pour cent. Pour le
2 plus jeune, je ne suis pas sûr d'avoir reconnu sa voix puisque je ne le
3 voyais pas vraiment. Alors que les deux autres, oui, je le voyais, je suis
4 sûr que c'était bien leur voix. En ce qui concerne le frère cadet, je ne
5 suis pas sûr à cent pour cent, je ne peux pas l'affirmer en tout cas.
6 Question: Vous avez dit que le frère cadet s'appelait Hido. Connaissez-
7 vous un certain Mithat Rikalo?
8 Réponse: Non, non, je ne connais pas cette personne. Je ne sais pas qui
9 c'est du tout.
10 Question: Et avez-vous vu ces frères Rikalo? Est-ce que vous avez vu qu'on
11 les amène une seule fois ou bien à plusieurs reprises ont-ils été amenés
12 pour des passages à tabac?
13 Réponse: Je pense que le frère aîné avait été sorti à plusieurs reprises,
14 pour les deux autres je ne suis pas sûr.
15 Question: Avez-vous vu les blessures que présentait Husein? Est-ce que
16 vous l'avez vu revenir présentant des blessures?
17 Réponse: A ce moment-là, au moment où cela est arrivé, eh bien, il n'est
18 plus revenu.
19 Question: Vous avez dit qu'on a emmené Husein à plusieurs reprises. Est-ce
20 qu'à aucune de ces occasions vous avez vu Husein revenir présentant des
21 blessures?
22 Réponse: Je ne me souviens pas de cela, je ne suis pas sûr.
23 Question: N'avez-vous jamais entendu parler d'eux à nouveau ou bien est-ce
24 que vous ne les avez jamais revus après la fois où ils ont été amenés pour
25 la dernière fois?
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1 Réponse: J'ai parlé avec leur mère à Sarajevo. Elle m'a dit qu'il y avait
2 des informations indiquant qu'ils ont été tués.
3 Alors même qu'elle espérait, elle avait gardé l'espoir, elle les a
4 cherchés longtemps. Je pense qu'elle a fait appel à toute sorte
5 d'organisations. Mais elle a perdu cet espoir, l'espoir qu'ils sont
6 toujours en vie.
7 Question: Monsieur le Président, les victimes Rikalo, les frères Rikalo,
8 sont sur la liste 45 à 48 et c'est 21 à 23, bien qu'il n'y ait pas de Hido
9 Rikalo mais Mithat Rikalo à la place.
10 Pour clarifier cela, Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire puisque
11 vous avez dit que Hido était le cadet des frères: est-ce que vous savez
12 quelle était sa situation professionnelle, ce qu'il faisait pour vivre?
13 Réponse: Non, non, je ne savais pas ce qu'il faisait.
14 Question: A quoi ressemblait-il? Pourriez-vous le décrire?
15 Réponse: Il était grand, maigre, portait des cheveux courts. Il avait un
16 visage un peu enfantin, très pur, "baby face" on dirait chez nous. Ces
17 cheveux étaient courts, châtains.
18 Question: Oui, merci. Est-ce que vous avez vu qu'on a amené Nurko Nisic ?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Pourriez-vous nous décrire ce que vous avez vu, ce que vous avez
21 entendu?
22 Réponse: J'ai vu Nurko Nisic à plusieurs reprises. Je pense qu'on l'a fait
23 sortir à plusieurs reprises qu'on l'a ramené dans la pièce à plusieurs
24 reprises. Il avait des enflures, des ecchymoses au niveau du visage, les
25 yeux gonflés, il était incroyablement maigre. Il avait tellement maigri
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1 que je l'ai à peine reconnu alors qu'il était mon voisin à Foca.
2 Question: Etait-il dans la même pièce que vous ou bien où était-il?
3 Réponse: Non, il n'était pas dans la même pièce que moi. Il était dans le
4 bâtiment n°1.
5 Question: Et à quelles occasions avez-vous pu voir ces blessures, les
6 blessures que vous venez de décrire?
7 Réponse: A ce moment-là, j'ai été dans la pièce n°16. Mais les détenus
8 traversaient un certain chemin pour aller manger à partir du bâtiment n°1
9 et donc ils passaient juste en dessous de la fenêtre de ma pièce à moins
10 de deux mètres de là. Donc nous pouvions tout voir par la fenêtre.
11 Question: Et vous avez dit qu'à plusieurs occasions on l'a emmené. Est-ce
12 que vous vous situez toujours dans cette période du mois de juin 1992 ou
13 bien parlez-vous d'une autre période, d'un autre moment?
14 Réponse: Il s'agit du mois de juin 1992.
15 Question: Et vous avez dit qu'on l'a amené à plusieurs reprises, savez-
16 vous combien de fois exactement?
17 Réponse: Je ne sais pas, mais je pense que c'était plus que cinq fois.
18 Question: Et quand vous avez vu qu'on l'a amené pour la dernière fois,
19 est-ce qu'il est revenu depuis?
20 Réponse: Non, il n'est pas revenu dans la pièce à cette occasion-là, mais
21 j'ai entendu les gardiens qui le passaient à tabac, je les ai entendu
22 l'appeler à plusieurs reprises, ils l'ont appelé: "Nurko! Nurko! Nurko!".
23 Question: A quel moment vous les avez entendu appeler "Nurko! Nurko!
24 Nurko!"?
25 Réponse: Eh bien, la deuxième moitié du mois de juin en 1992.
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1 Question: Et d'où venaient ces voix au moment où vous les avez entendues,
2 au moment où vous avez entendu ces voix appelaient "Nurko! Nurko! Nurko!"?
3 Réponse: Il s'agissait de la pièce n°2 sans doute.
4 Question: Vous voulez dire que les passages à tabac se sont déroulés là-
5 bas, c'est cela?
6 Réponse: Oui. Oui, je pense à cette pièce-là, à la pièce se trouvant dans
7 le bâtiment administratif.
8 Question: Et donc au moment où vous avez entendu ces voix appelaient
9 "Nurko! Nurko! Nurko!", est-ce qu'en même temps avez-vous entendu des
10 bruits de passage à tabac?
11 Réponse: Oui, je les ai entendus.
12 Question: Etiez-vous en mesure de reconnaître les voix des gardiens qui
13 appelaient comme cela?
14 Réponse: Non je ne peux pas affirmer cela, mais je pense bien qu'il s'agit
15 de Dragan Obrenovic, mais je n'en suis pas certain.
16 Question: Avez-vous appris plus tard qu'il est mort ou bien qu'il est
17 toujours porté disparu? Je veux dire: avez-vous parlé avec des membres de
18 sa famille?
19 Réponse: Dans la prison, j'ai parlé avec un gardien qui m'avait dit que
20 Nurko était décédé des suites du passage à tabac, au cours du passage à
21 tabac plutôt.
22 Question: Pourriez-vous nous donner les noms de ces gardiens ou bien ne
23 souhaitez-vous peut-être pas révéler son identité?
24 Réponse: Je préfère ne pas le faire, pas encore.
25 Question: Et pourquoi cela, pourriez-vous nous expliquer cela?
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1 Réponse: Parce qu'il se trouve à une place où il pourrait éventuellement
2 avoir des problèmes.
3 Question: Connaissez-vous Bico Hamed? Il s'agit du C19 et 5.127, il s'agit
4 donc de Bico Salem. Connaissez-vous cette personne?
5 Réponse: Oui, je connais Bico Salem qui était policier à Foca. Je l'ai vu
6 au KP Dom. Il se trouvait dans le bâtiment n° 1. Je l'ai vu avec des
7 ecchymoses, des yeux gonflés injectés de sang. Il avait été manifestement
8 battu, passé à tabac et il faisait partie de ce groupe de gens qu'on a
9 fait sortir au cours de la deuxième moitié du mois de juin 1992.
10 Question: Est-ce que vous avez entendu quoi que ce soit à ce sujet après
11 qu'il ait été emmené à deux reprises apparemment?
12 Réponse: Moi, je ne le connaissais pas très bien. Et donc, je ne peux pas
13 dire, je ne suis pas sûr d'avoir reconnu sa voix.
14 Question: Mais au moment où on l'a amené, avez-vous entendu les bruits des
15 passages à tabac en même temps?
16 Réponse: J'ai entendu des bruits de passage à tabac mais je n'ai pas
17 entendu sa voix et je ne suis pas en mesure de reconnaître sa voix.
18 Question: Monsieur le Président, cette personne se trouve sur la liste
19 C2D5.
20 Et Halim Konjo, le connaissez-vous?
21 Réponse: Je connais Halim Konjo. Il était au KP Dom. Il fait partie du
22 groupe des personnes qu'on a fait sortir vers la fin du mois de juin 1992.
23 Question: Et l'a-t-on fait sortir une seule fois ou bien l'avez-vous vu en
24 train d'être amené à plusieurs reprises?
25 Réponse: Je pense qu'on l'a interrogé à plusieurs reprises.
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1 Question: Quand vous dites qu'on l'a interrogé, est-ce que vous pensez à
2 ces passages à tabac que vous venez de nous décrire ou bien à autre chose?
3 Réponse: Je pense qu'au début nous pensions qu'il s'agissait des
4 interrogatoires, c'est pour cela que j'ai utilisé ces termes. Et au début,
5 les gardiens dans le camp, quand ils faisaient sortir des gens, ils
6 disaient que c'était pour des interrogatoires.
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président, il est 13
8 heures.
9 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons procéder à une
10 pause jusqu'à 2 heures 20, plutôt que 2 heures 30 et nous allons
11 travailler jusqu'à 3 heures 20, donc de 2 heures 20, en fonction de ce
12 qu'indique l'horloge du prétoire, jusqu'à 3 heures 20.
13 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 22.)
14 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, c'est à vous.
15 (Questions relatives à la procédure.)
16 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, tout d'abord, je
17 souhaiterais présenter mes excuses à Mme Uertz-Retzlaff car j'interromps
18 son interrogatoire principal. Cependant, je souhaiterais que l'on précise
19 une question qui me paraît être assez urgente. Nous avons reçu un message
20 d'un psychologue que nous souhaitions faire venir en tant que témoin
21 expert, Mme Ana Najman. Elle ne sait pas exactement la manière dont elle
22 doit présenter ses conclusions. Est-ce qu'il doit s'agir de conclusion
23 qu'elle tire elle-même et qu'elle doit envoyer au représentant du Bureau
24 du Procureur? Ou bien elle voudrait savoir si elle est censée travailler
25 de concert avec les représentants du Bureau du Procureur, à savoir la
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1 personne qui sera présente pendant l'interrogatoire de l'accusé?
2 Elle m'a demandé d'obtenir des éclaircissements à ce sujet afin qu'elle
3 puisse rendre ses conclusions aussi vite que possible.
4 M. le Président (interprétation)l D'après ce que j'ai compris, et je vais
5 vérifier dans quelques instants avec l'accusation, c'est qu'il y aura un
6 examen, un interrogatoire conjoint de façon que les deux experts puissent
7 discuter, mais on attend de chacun des experts qu'ils prononcent une
8 opinion ou un avis indépendant. Est-ce que les choses sont maintenant plus
9 claires pour vous?
10 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
11 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff?
12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avons également pensé que cela
13 se passerait de la sorte et notre expert nous a d'ailleurs signalé que
14 c'est la façon dont cela se passe. Le psychologue procède aux tests en
15 présence du psychiatre et ensuite ils discutent tout deux des résultats
16 des tests.
17 M. le Président (interprétation): Oui, il ne s'agit pas pour eux d'être
18 d'accord sur les résultats, mais cela leur donne la possibilité de
19 discuter de ces questions ensemble. S'ils arrivent à un accord, tant
20 mieux. Sinon, tant pis. Nous, nous voulons avoir, de toute façon, un
21 rapport indépendant de la part de chacun d'entre eux.
22 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président, j'ai bien compris
23 ça mais ce qui m'intéresse c'est la version écrite de la chose. Qu'est-ce
24 qui doit être présenté par écrit?
25 M. le Président (interprétation): Son opinion personnelle.
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1 M. Bakrac (interprétation): De l'expert? Est-ce que notre expert doit
2 envoyer son opinion à l'expert du Bureau du Procureur ou est-ce que tous
3 deux doivent travailler ensemble à cette opinion et ensuite la défendre
4 dans le prétoire?
5 M. le Président (interprétation): Pourtant je pensais avoir été
6 suffisamment clair. Ils peuvent s'ils le veulent discuter de la chose et
7 j'espère qu'ils le feront d'ailleurs, cela est souhaitable mais chacun des
8 experts est responsable de la rédaction de son propre rapport. L'autre
9 expert pourra faire des commentaires sur le rapport du premier, mais il
10 n'a jamais été attendu d'eux qu'ils produisent un rapport conjoint ou
11 qu'ils travaillent ensemble à ce rapport. Il s'agit de deux rapports
12 indépendants que nous attendons et d'opinions indépendantes, mais on
13 espère bien entendu qu'avant de tirer leur propre conclusion ils en
14 discuteront.
15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Notre expert nous a informé du fait
16 qu'il a besoin des résultats de Mme Najman parce que les examens réalisés
17 par Mme Najman sont des examens, des tests qui sont l'apanage des
18 psychologues. Donc elle a besoin de, notre expert a besoin de ces tests
19 pour son rapport parce qu'il n'est pas en mesure de le faire lui-même.
20 M. le Président (interprétation): Je comprends, je pensais qu'au moment
21 des consultations entre les deux experts ils pourraient se communiquer
22 leur rapport conjoint, donc apparemment le psychiatre a besoin du rapport
23 du psychologue. Mais donc je vous rappelle ce que nous souhaitons avoir de
24 ces deux experts, ce que nous attendons d'eux c'est que chacun se penche
25 sur l'opinion de l'autre, mais il convient que chacun d'entre eux nous
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1 présente au bout du compte son opinion indépendante. Est-ce que c'est
2 clair?
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Et je
4 souhaite vous informer du fait que les tests, l'entretien avec l'accusé
5 ont eu lieu et que notre expert a déclaré que dès qu'elle aurait les
6 résultats des tests, il lui faudrait ensuite deux ou trois jours pour
7 rédiger son propre rapport.
8 M. le Président (interprétation): Bien et ensuite elle communiquera ce
9 rapport à Mme Najman pour que celle-ci puisse faire les observation
10 qu'elle souhaitera de façon que la psychiatre pourra faire des
11 observations au sujet du rapport produit par Mme Najman.
12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, c'est cela, Monsieur le
13 Président.
14 M. le Président (interprétation): Bien merci. Est-ce que tout est clair,
15 Maître Bakrac?
16 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président, pour moi c'est
17 clair. Donc ce que je vais faire, c'est que je vais demander à notre
18 expert de rédiger sa propre opinion et ensuite d'envoyer ce rapport au
19 Bureau du Procureur ou plutôt à l'expert du Bureau du Procureur et ensuite
20 j'imagine que l'expert du Bureau du Procureur enverra son opinion à notre
21 expert.
22 M. le Président (interprétation): C'est cela, tout à fait. Bien.
23 Poursuivons l'interrogatoire principal du témoin.
24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci.
25 J'ai beaucoup de bruit dans mes oreilles, est-ce c'est la même chose pour
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1 vous?
2 M. le Président (interprétation): Non, nous n'avons pas cette chance
3 malheureusement.
4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, avant la pause
5 nous avons parlé de Halim Konjo. Et je souhaiterais…
6 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de
7 m'excuser. Mais je n'entends absolument pas mon éminente confrère.
8 J'entends toutes sortes de bruits qui viennent apparemment d'une autre
9 pièce.
10 M. le Président (interprétation): Etes-vous sur le canal n°6?
11 M. Bakrac (interprétation): Oui.
12 M. le Président (interprétation): Eh bien, je fais appel à quelqu'un à la
13 régie technique pour que ce problème soit résolu, le plus rapidement
14 possible.
15 (Intervention d'un technicien pour régler le problème technique.)
16 Souhaitiez-vous que nous parlions pour pouvoir tester?
17 Etes-vous en mesure d'entendre maintenant l'interprétation, Maître Bakrac?
18 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
19 M. le Président (interprétation): Merci, donc à la régie technique.
20 Madame Uertz-Retzlaff?
21 (Reprise de l'interrogatoire principal de M. Berberkic par Mme Uertz-
22 Retzlaff.)
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avons parlé d'Halim Konjo,
24 Docteur Berberkic. Il a été emmené à plusieurs reprises au bâtiment
25 administratif. Je voudrais savoir si vous l'avez-vous vu parfois revenir
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1 de ce bâtiment administratif portant des traces de blessure.
2 M. Berberkic (interprétation): Je l'ai vu deux fois, je crois. Il avait
3 des hématomes au visage. Il semblait avoir reçu des coups, puisque l'on
4 pouvait voir qu'il avait des hématomes, qu'il était gonflé sous les yeux,
5 etc.
6 Question: Quand on l'a fait sortir pendant toute cette période, avez-vous
7 entendu les bruits de passage à tabac, de hurlements?
8 Réponse: Oui. Oui, j'ai entendu des choses mais je ne peux pas affirmer
9 avec exactitude si c'était lui.
10 Question: Et quand vous l'avez vu pour la dernière fois, a-t-il ensuite
11 disparu?
12 Réponse: Oui, il faisait partie d'un groupe de prisonniers qui a été
13 emmené à la fin juin 1992. Il n'est jamais revenu. Je n'ai pas
14 d'informations, je ne sais pas ce qui lui est arrivé. J'ai entendu que
15 certaines personnes du groupe de travail auraient vu son cadavre à
16 l'hôpital, à la morgue.
17 Question: De quel membre du groupe de travail parlez-vous?
18 Réponse: FWS-210.
19 Question: Il s'agit d'une personne qui est mentionnée avec les références
20 C13 et B33.
21 Question: Kruno Marinovic, est-ce que vous l'avez vu au KP Dom?
22 Réponse: Je ne l'ai pas vu personnellement, plutôt je ne le connaissais
23 pas avant, mais on m'a dit qui c'était. Il a été passé à tabac à plusieurs
24 reprises, je l'ai vu par la fenêtre, il était dans la salle n°1. Ses
25 blessures étaient très semblables à celles des autres détenus que l'on
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1 faisait sortir. Il avait le visage enflé, il avait des hématomes, il avait
2 les yeux gonflés.
3 Question: Et donc, après la dernière fois où vous l'avez vu sortir, a-t-il
4 disparu comme les autres dont vous nous avez parlé précédemment?
5 Réponse: Il a disparu avec ce groupe de personnes. Il n'est jamais
6 réapparu ensuite, on ne l'a jamais revu depuis juin 1992.
7 Question: Les interprètes ont traduit qu'il était dans la salle n°1. Je
8 pense que vous voulez parler de l'immeuble n°1, n'est-ce pas?
9 Réponse: Oui, c'est ce que je voulais dire.
10 Question: Il s'agit de C17 et 5.27.
11 M. le Président (interprétation): Merci.
12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Connaissez-vous un certain Zulfo
13 Veiz?
14 M. Berberkic (interprétation): Je le connais bien, il était policier à
15 Foca, il appartenait à ce groupe de personnes, je l'ai vu à plusieurs
16 reprises au KP Dom . Il a été passé à tabac à plusieurs reprises, on l'a
17 fait sortir, on l'a emmené jusqu'au portail. Il avait des hématomes et je
18 crois que son œil droit était pratiquement fermé.
19 Question: Et où était-il dans le bâtiment?
20 Réponse: Il était dans le bâtiment n°1.
21 Question: Il s'agit du n°C29 et de 5.27.
22 M. le Président (interprétation): Merci.
23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Connaissez-vous Munib Veiz?
24 M. Berberkic (interprétation): Je connais Munib Veiz, je le connaissais
25 avant. Il était dans le bâtiment n°1. Je crois qu'il était dans une salle
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1 située au premier étage, mais je n'en suis pas sûr. En tout cas, il était
2 dans l'immeuble n°1, ça, j'en suis sûr, je l'ai vu plusieurs fois. Il
3 avait perdu beaucoup de poids alors qu'il n'avait passé qu'un mois en
4 prison. A plusieurs reprises, on l'a fait sortir pour le passer à tabac.
5 Il portait un blouson en cuir, il travaillait dans un magasin qui
6 appartenait à Visoko. Il vendait des produits en cuir.
7 La dernière fois qu'on l'a fait sortir avec un groupe d'autres détenus,
8 c'était à la fin juin 1992. Je me souviens très bien des coups qui lui ont
9 été portés, parce que cela donne un bruit particulier quand une matraque
10 frappe du cuir. Le son produit est un son que l'on entend très bien et qui
11 est un son assez doux -si je puis dire-, mais je n'ai plus eu de nouvelles
12 de lui. Il n'est jamais revenu, je ne l'ai plus revu dans la prison après
13 cela.
14 Question: Vous nous dites qu'on l'a fait sortir à plusieurs reprises. Est-
15 ce que, lorsqu'il est revenu après qu'on l'ait fait sortir, l'avez-vous vu
16 à ce moment-là? Avez-vous vu s'il était blessé?
17 Réponse: Je l'ai vu. Je crois qu'il avait été blessé au niveau du visage
18 et des lèvres.
19 Question: Il s'agit de C28 et B59, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Merci.
21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Kemo Dzelilovic, le connaissez-vous?
22 M. Berberkic (interprétation): Oui, je connais Kemo Dzelilovic. Il était
23 au KP Dom dans le bâtiment n°1. Il fait partie du groupe d'hommes qui ont
24 disparu à la fin juin 1992. Je n'ai pas remarqué de blessures sur sa
25 personne.
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1 Question: Est-ce qu'il vous est arrivé à plusieurs reprises de constater
2 qu'on le faisait sortir pour le passer à tabac? Ou bien, cela ne s'est-il
3 passé qu'une fois lorsqu'il a disparu?
4 Réponse: Je crois qu'en ce qui le concerne, on ne l'a pas fait sortir
5 plusieurs fois. Je crois qu'on ne l'a fait sortir qu'une seule fois et qui
6 a été également la dernière fois.
7 Question: Il s'agit de C7 et de B19, Monsieur le Président.
8 M. le Président (interprétation): Merci.
9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Mustafa Kuloglija, est-ce que vous
10 l'avez vu au KP Dom?
11 M. Berberkic (interprétation): Je le connaissais avant, Mustafa Kuloglija.
12 Il était au KP Dom dans le bâtiment n°1, il faisait partie de ce groupe
13 d'hommes qui ont disparu. Je n'ai remarqué aucune trace résultant des
14 passages à tabac sur sa personne, à ma connaissance. Je ne pense pas qu'il
15 ait été passé à tabac à plusieurs reprises.
16 Question: Quand vous dites qu'il appartenait au groupe d'hommes qui ont
17 disparu à la fin juin, faites-vous toujours référence à ce groupe d'hommes
18 qui ont été passés à tabac et qui ensuite ont disparu?
19 Réponse: J'entends par là le groupe de détenus qu'on a emmené entre la mi-
20 juin et … Je fais référence au groupe de personnes qu'on a fait sortir
21 entre la mi-juin 1992 et la fin juin de la même année. Je crois qu'à ce
22 moment-là il y a 40 personnes qu'on a fait sortir du camp. J'ai essayé
23 d'établir une liste et je suis sûr pour 37 d'entre elles. Je crois qu'il y
24 en avait plus.
25 Question: Chaque fois qu'on faisait sortir ces gens, est-ce qu'à chaque
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1 fois vous entendiez qu'ils étaient passés à tabac?
2 Réponse: Au début, on entendait des gens qui étaient passés à tabac,
3 maltraités, etc.. Mais je crois qu'à la fin juin, peut-être c'était à la
4 Saint-Guy, le 28 juin, à ce moment-là je crois aussi avoir entendu des
5 tirs. Oui, effectivement, j'ai entendu des tirs à ce moment-là.
6 La question est de savoir si c'était effectivement le 28 juin ou après,
7 mais j'affirme en tout cas que c'était à la fin juin.
8 Question: Nous avons parlé d'un certain nombre de personnes jusqu'à
9 présent et lorsqu'on les a fait sortir, y compris Mustafa Kuloglija, est-
10 ce que chaque fois qu'on faisait sortir ces personnes dont nous venons de
11 parler, vous entendiez les sons produits par des passages à tabac?
12 Mustafa Kuloglija figurent à la liste C sous le n°15.
13 Est-ce que vous connaissez, Monsieur le Témoin, Fuad Mandzo?
14 Réponse: Je connais Fuad Mandzo. Je crois qu'il a été fait prisonnier
15 alors qu'il combattait près de l'hôpital. Il a été passé à tabac à
16 plusieurs reprises, et lui aussi fait partie des membres de ceux…, des
17 membres de ce groupe qu'on a fait sortir vers la fin du mois de juin 1992.
18 Cependant, je ne suis pas en mesure de me souvenir s'il était blessé
19 quelque part, au corps ou au visage.
20 Question: Quel âge avait Fuad Mandzo et quelle était son activité
21 professionnelle?
22 Réponse: Il était de la même année que moi mais je ne sais pas quelle
23 était sa profession. Je le connaissais, on avait participé à un mouvement
24 fédéral de travail pour les jeunes il y a très, très longtemps mais je ne
25 sais pas ce qu'il faisait et quel était son métier.
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1 Question: Est-ce que vous savez où il habitait à Foca, dans quel quartier?
2 Réponse: Je ne sais pas du tout dans quel quartier de la ville il
3 habitait.
4 Question: Il s'agit, Monsieur le Président, du n°C16.
5 M. le Président (interprétation): Merci.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Enes Uzunovic, est-ce qu'il était au
7 KP Dom?
8 M. Berberkic (interprétation): Enes Uzunovic travaillait avec moi à
9 l'hôpital, je le connais bien. Je crois qu'on l'a emmené au KP Dom depuis
10 l'hôpital. Il a été passé à tabac à plusieurs reprises. On l'a également
11 fait sortir pour l'interroger. Il portait des blessures résultant de ces
12 passages à tabac. Des blessures qui sont typiques chez les personnes qui
13 sont passées à tabac; à savoir qu'elles ont le visage enflé, les yeux à
14 moitié fermés. Il fait partie également de ceux qui ont disparu vers la
15 fin juin 1992.
16 Question: Et savez-vous dans quelle salle était détenu M. Uzunovic?
17 Réponse: Lui, il est sorti du bâtiment n°1. Je ne sais pas trop. Plus
18 tard, après qu'on l'ait fait sortir par plusieurs intermédiaires, j'ai
19 obtenu son manteau qui était ensanglanté. J'ai essayé d'enlever le sang
20 mais je ne suis pas parvenu, ce n'était pas possible de laver cette veste,
21 ce manteau.
22 Question: Et comment savez-vous que c'était son manteau?
23 Réponse: Eh bien, parce que je l'ai vu le porter. Il le portait en prison.
24 Question: Et vous dites que vous l'avez obtenu par divers intermédiaires,
25 de quelle manière?
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1 Réponse: Certains des prisonniers qui étaient dans la salle où ils se
2 trouvaient, parce qu'en fait il a laissé le manteau et ensuite on me l'a
3 donné, je l'ai reconnu. On m'a dit que c'était le sien et je l'ai reconnu
4 parce que, à plusieurs reprises, je l'ai vu sortir portant ce manteau. Il
5 le portait également quand il venait travailler à l'hôpital.
6 Question: Monsieur le Président, il s'agit de C26.
7 M. le Président (interprétation): Merci.
8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ivancic Mate, est-ce que vous
9 connaissez?
10 M. Berberkic (interprétation): Mate Ivancic, je le connais bien. Il
11 travaillait dans le service ORL de l'hôpital de Foca. Je crois que lui
12 aussi, on l'a amené directement au KP Dom de l'hôpital. Je l'ai vu au
13 camp. Je ne peux dire avec certitude s'il a été passé à tabac ou non, mais
14 il faut dire que c'était un de ceux qu'on a fait sortir à la fin du mois
15 de juin 1992.
16 Question: Et dans quel immeuble était-il détenu?
17 Réponse: Je crois que lui aussi était dans le bâtiment n°1.
18 Question: Monsieur le Président, il s'agit du n°C11.
19 M. le Président (interprétation): Merci.
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pasalic Meho, le connaissez-vous?
21 M. Berberkic (interprétation): Je connais un certain Mehmed Pasalic, c'est
22 sans doute la même personne. Il était surnommé "Meha".
23 Il avait un commerce qui lui appartenait dans le quartier de Cohodar
24 Mahala en ville. Il était dans le bâtiment n°1. Lui aussi, on l'a fait
25 sortir du KP Dom vers la fin du mois de juin 1992.
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1 Je crois qu'il avait été passé à tabac et victime de mauvais traitements.
2 Mais je ne me souviens pas de son visage. Je ne me souviens pas des
3 blessures qu'il avait peut-être subies.
4 Question: Il s'agit, Monsieur le Président, de la personne qui figure au
5 n°B43.
6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ces personnes dont vous nous dites
7 qu'elles ont disparu pendant cette période, je voudrais savoir si Kemal
8 Tulek faisait partie de ce groupe d'hommes?
9 M. Berberkic (interprétation): Oui. Kemal Tulek faisait partie de ce
10 groupe.
11 Question: Qui était-il et que pouvez-vous nous dire au sujet de Kemal
12 Tulek et au sujet de sa disparition?
13 Réponse: Il était policier à Foca. Je le connais.
14 Je crois qu'il était en isolement dans le bâtiment n°3. On l'a fait sortir
15 à plusieurs reprises pour l'interroger. Il a été interrogé et je crois
16 également qu'il a été passé à tabac.
17 Question: Qu'est-ce qui vous pousse à dire cela? Est-ce que vous avez
18 constaté quoi que ce que soit dans son apparence?
19 Réponse: Eh bien, j'ai vu qu'il avait été blessé, qu'il avait des
20 blessures qui étaient caractéristiques de quelqu'un qui a reçu des coups.
21 Des coups de poing ou des coups assénés avec d'autres instruments. Je l'ai
22 vu à l'apparence de son visage. Il avait des hématomes, des hématomes à
23 divers stades d'évolution, si je puis dire. Et on l'a fait sortir vers la
24 fin du mois de juin 1992 et il fait partie de ce groupe qui a disparu à la
25 fin de 1992.
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1 Question: Il s'agit, Monsieur le Président, de C25.
2 M. le Président (interprétation): Merci.
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Et Ramo Dzendusic?
4 M. Berberkic (interprétation): Ramo Dzendusic était dans ma chambre,
5 chambre n°16. Je crois qu'il était retraité, retraité avant la guerre. Il
6 a été interrogé une fois. Et c'est à partir de notre chambre qu'il a été
7 sorti pour être interrogé, on l'a remmené ensuite et il a été transi de
8 peur. Il disait que probablement une prochaine fois il ne survivrait pas.
9 Lorsque je lui ai demandé les raisons, alors il a dit qu'il savait
10 tellement de choses sur lui qu'il avait peu de chance de survivre. Il fait
11 partie notamment de ce groupe de gens qui ont été enfin emmenés en juin
12 1992.
13 Question: Avant qu'il ait été emmené dans ce groupe-là, est-ce que vous
14 avez vu qu'il était de retour aussi? Avez-vous pu remarquer également des
15 lésions sur lui?
16 Réponse: Sur son visage, je n'ai pas pu vraiment constater d'après son
17 visage qu'il a subi des sévices corporels, mais il a été vraiment
18 intimidé.
19 Question: Monsieur le Président, cette personne est nommée, citée sous C8
20 et B20.
21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ces personnes que vous avez
23 mentionnées, et plus en détail, plus tard, lorsque vous avez entendu dire
24 que lorsque vous avez été une fois relâché, que ces personnes étaient
25 portées disparues, avez-vous entendu quoi que ce soit de la part des
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1 membres de leur famille respective, quelque chose sur eux ou des
2 information sur eux?
3 M. Berberkic (interprétation): Je pense personnellement que ces gens-là
4 ont dû être liquidés, qu'ils ne sont plus en vie. Pourquoi je le dis
5 ainsi? En fait, j'ai entendu le vrombissement si caractéristique d'un
6 véhicule dont le tuyau d'échappement de gaz a dû brûler, il était
7 défectueux et qui a fait trop de bruit. C'est la nuit que ce véhicule
8 pouvait être entendu pour disparaître plus tard.
9 C'est à bord de ce véhicule que ces gens-là ont été emmenés. Plus tard,
10 avec le témoin FWS-210, j'ai pu parler et celui-ci m'a dit qu'il a eu
11 l'occasion de voir ce véhicule avec des traces de sang, de beaucoup de
12 sang. C'est une espèce de pick up, une marque de voiture Zastava, Crvena
13 Zastava de Kraguljevac.
14 Au sortir du camp, j'ai pu rencontrer des membres de famille de Tulek
15 Kemal. Ces derniers m'ont dit qu'ils ont eu certaines données selon
16 lesquelles ils pouvaient constater qu'il n'était plus en vvie. D'autres
17 ont depuis contacté aussi des membres de famille pour Zulfo Veiz pour
18 Bico, Munib Veiz. J'ai eu l'occasion de rencontrer quelqu'un qui devait
19 inhumer les cadavres qui ont flotté dans la Drina. Lui me disait qu'il a
20 lui-même inhumé le corps de Munib Veiz. Je ne sais pas si cela est exact,
21 mais je crois que ces gens-là ne sont plus en vie.
22 Question: Cette personne que vous avez mentionnée et qui aurait dit avoir
23 inhumé Munib Veiz de qui s'agit-il?
24 Réponse: Cette personne, je l'ai rencontrée à Sarajevo une fois que
25 j'étais sorti de la prison. Cette personne a pour nom de famille Subasic.
Page 3811
1 Je ne me souviens pas de son prénom. Pour ma part, je pense que cette
2 personne est toujours en vie.
3 Question: Savez-vous quelle était la profession de cette personne?
4 Réponse: Je crois qu'il était un canotier spécialiste de radeau de la
5 Drina.
6 Question: Vous avez mentionné le nom de Dico. Nous ne savons pas de qui il
7 s'agit... excusez-moi, il s'agit de Bico. Alors c'est peut-être que je
8 n'ai pas bien entendu.
9 Ce n'était pas un passage à tabac que vous avez décrit tout à l'heure. A
10 quelle heure commençait-il et à quelle heure il devait finir d'après vous?
11 Réponse: Une majeure partie de ces gens-là a été emmenée après le
12 déjeuner. Le déjeuner ne devait pas durer plus d'une heure ou deux. C'est
13 vers 3 heures que ces gens-là ont été emmenés en général.
14 Question: Et pendant combien de temps les passages à tabac devaient-ils
15 durer? Je ne parle maintenant que de ce groupe d'hommes passés à tabac, et
16 que vous avez décrit comme s'étant produit lors de la seconde moitié du
17 mois de juin.
18 Réponse: Je pense que ces scènes de passage à tabac devaient durer jusque
19 tard dans la nuit, peut-être jusqu'à 10 heures ou 11 heures du soir.
20 Question: Vous avez dit que le 28 aussi vous avez entendu des coups de
21 feu. Les avez-vous entendus une seule fois seulement, pendant une soirée
22 seulement, ou les avez vous entendus plusieurs fois?
23 Réponse: Je crois que c'était bien le 28. Cela devait se passer le soir,
24 je ne sais plus à quelle heure. Je crois qu'il s'agit bien de cinq coups
25 de feu tirés. Après cela, pendant les jours qui ont suivi, j'ai pu
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1 entendre de même des coups de feu tirés mais sporadiques. Mais alors, en
2 cette date du 28, je crois qu'il y avait plusieurs coups de feu tirés,
3 cinq, au moins cinq. En effet.
4 Question: A quel moment avez vous entendu ces coups de feu tirés? Pendant
5 les scènes de passage à tabac ou après?
6 Réponse: Après, au cours de la nuit.
7 Question: Vous souvenez-vous des détenus qui avaient été emmenés avant
8 d'entendre ces coups de feu tirés?
9 Réponse: Non. Je ne peux pas vous le dire avec certitude, je ne peux pas
10 me rappeler les noms.
11 Question: Oui, je vous remercie, ça va.
12 Connaissez-vous le nom de Esad Kiselica qui se trouvait parmi les détenus?
13 Réponse: Je connais Esad Kiselica, il était avec moi dans la même salle.
14 Question: Qui était-ce? Qu'est-il advenu de lui au KP Dom?
15 Réponse: Je ne peux pas me souvenir exactement de ce qu'il est advenu de
16 lui au KP Dom . Je sais qu'il était au KP Dom, on était dans la même
17 pièce, on a bavardé quelques fois, mais je ne sais pas ce qu'il est advenu
18 de lui, je ne peux pas vous le dire avec certitude.
19 Question: Qui était-ce? Savez-vous quelles étaient ses occupations et son
20 âge?
21 Réponse: C'était un homme âgé, agriculteur, il avait ses terres à lui -un
22 domaine important-, doté d'un tracteur et de machines. Un homme du
23 village, riche.
24 Question: Monsieur Kiselica était-il membre de ce groupe des gens disparus
25 lors de la seconde moitié du mois de juin? Le savez-vous?
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1 Réponse: Non, je ne pense pas qu'il ait été membre de ce groupe-là. Il a
2 dû être emmené plus tard, un mois après que ce premier groupe ait été
3 emmené. Il n'était pas dans ce groupe-là. Là, je suis certain.
4 Question: Monsieur le Président, cette personne-là est à citer sous C12.
5 Quant à Jusuf Dzamalija, le connaissez-vous et savez-vous quel était son
6 sort?
7 Réponse: Je ne connais pas personnellement Jusuf Dzamalija, mais j'ai pu
8 parler avec quelqu'un qui était détenu avec lui, mis en cellule
9 d'isolement. J'ai parlé avec Cedic Zaim qui, lui, a partagé la cellule
10 d'isolement avec lui. Zaim, pour sa part, m'a dit qu'ils étaient ensemble
11 dans cette cellule d'isolement, à savoir dans la cellule du bâtiment n°3.
12 La nuit, les gardes ou des militaires venaient pour les battre, et cela, à
13 plusieurs reprises.
14 Jusuf Dzamalija a été rudement battu, prétendument à cause de son fils qui
15 était policier. Il était dans un état psychique troublé et Cedic Zaim m'a
16 dit ensuite que Jusuf Dzamalija s'est pendu une nuit, accroché aux barres
17 qui se trouvent au-dessus de la porte de la cellule d'isolement.
18 Question: Et quand est-ce que cela a eu lieu? Est-ce que vous le savez?
19 Quand avez-vous appris que Dzamalija s'était pendu?
20 Réponse: Moi, je pense que c'était au mois de juin 1992.
21 Question: Avez-vous vu vous-même quelque chose et remarqué vous-même
22 quelque chose qui serait lié à cet incident?
23 Réponse: Non, pas vraiment personnellement. Je n'ai rien pu observer.
24 Question: Jusuf Dzamalija est cité sous le C6 et B17.
25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez aussi mentionné que Zaim
2 Cedic vous a relaté tout cela. A quel moment l'a-t-il fait?
3 M. Berberkic (interprétation): Il a été relâché de la cellule d'isolement
4 peut-être au mois de juin 1992 pour être ramené dans notre salle n°16.
5 Question: Pouvez-vous nous dire où il résidait et quelles étaient ses
6 occupations?
7 Réponse: Il habitait Tjentiste, non loin de Foca. Diplômé d'une faculté,
8 je ne sais pas très exactement de laquelle, il travaillait au parc
9 national de Tjentiste. C'est là où il a été arrêté, à Tjentiste. Il m'a
10 dit qu'ils l'ont d'abord emmené au poste de police de Tjentiste. Là, il a
11 trouvé un de ses amis qui était chef du poste de police qui l'a battu le
12 plus.
13 Ensuite, plus tard, il a été transféré à l'hôtel Zelengora de Foca. A
14 cette époque-là, c'est là que l'armée serbe a été installée à cet hôtel.
15 Il y avait des Aigles blancs et d'autres formations paramilitaires. Les
16 chauffeurs qui l'ont transféré au KP Dom ont appelé les soldats de
17 l'hôtel. Ceux-ci sont sortis de l'hôtel et se sont tout de suite mis à le
18 battre. Un de ces soldats a sorti un couteau pour lui faire une large
19 entaille sur l'oreille. On lui a fait manger du sel de cuisine, après
20 quoi, ils l'ont contraint de boire de l'eau. C'est seulement après qu'ils
21 l'ont transféré au KP Dom de Foca.
22 Question: Vous avez dit qu'il était dans la cellule d'isolement du
23 bâtiment n°3. Est-ce là aussi qu'il a été passé à tabac? Vous a-t-il dit
24 quoi que ce soit lui-même?
25 Réponse: Il m'a dit, pour sa part, qu'il a été passé à tabac plusieurs
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1 fois. Il m'a dit que c'était une erreur de personne de la part des gens
2 qui l'ont battu, ils l'ont pris pour quelqu'un qui avait le même nom. A
3 plusieurs reprises, on l'avait sorti de la pièce chez Vladicic Zoran pour
4 l'interroger.
5 Ensuite, c'est Vladicic Zoran qui aurait dit que qu'il s'agissait d'une
6 erreur de personne dans son cas et pendant qu'il était dans la cellule
7 d'isolement il a été passé à tabac à plusieurs reprises. Il était éperdu
8 de peur, il ne savait pas où se trouvait sa famille qui était délogée
9 parmi les réfugiés. Il était toujours très pâle et complètement éperdu de
10 peur.
11 Question: Qu'est-il advenu de lui? A-t-il disparu lui aussi, l'a-t-on
12 emmené?
13 Réponse: Il a disparu vers la mi-juillet 1992. Et c'est depuis cette date-
14 là qu'il est considéré comme porté disparu.
15 Question: Monsieur le Président, cette personne-là était citée sous B11.
16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Connaissez-vous Esad Mezbur?
18 M. Berberkic (interprétation): Oui. Ce nom m'est connu. Il était au KP
19 Dom, il était à l'étage supérieur du bâtiment n°1, mais je ne sais pas
20 quel était son sort. Je crois que lui se trouvait dans ce groupe de gens
21 qui prétendument devaient être emmenés pour être échangés vers le 30 ou le
22 29 août 1992 lorsqu'ils étaient emmenés en direction de Rozaje. Dit-on que
23 ce car devait faire le retour au KP Dom, le lendemain on les a divisés en
24 deux groupes. Un de ce demi groupe a survécu. Pour d'autres, on n'en
25 savait plus rien. Je crois Mezbur était dans ce groupe là qui n'a pas
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1 survécu.
2 Question: L'avez vous vu au KP Dom? L'avez-vous vu passé à tabac ou
3 l'avez-vous vu ayant des blessures qui auraient pu vous faire penser qu'il
4 devait être tabassé?
5 Réponse: Je l'ai vu au KP Dom, mais je n'ai pas pu remarquer de traces de
6 sévices corporels, ne serait-ce que pour parler de son visage.
7 Question: Est-ce que vous connaissez une personne nommé Hazim Mezbur? Est-
8 il en lien de parenté avec Esad Mezbur?
9 Réponse: Je connais une personne qui s'appelle Asim Mezbur.
10 Question: Asim et Esad Mezbur s'agit-il là de deux personnes différentes?
11 Réponse: Oui, oui bien différente, mais lorsque vous avez dit Hazim ça
12 n'existe pas. Mais Asim, oui. Asim Mezbur existe.
13 Question: Bon, d'accord. Et que pouvez-vous nous dire sur Asim?
14 Réponse: Lui était au KP Dom, je le connaissais d'avant. C'était un
15 commerçant privé de Foca. On dit de lui qu'il était très riche. J'avais
16 l'occasion de le voir à plusieurs reprises. Il était au bâtiment n°1. Je
17 ne sais pas dans quelle pièce. Celui-là était à bord de ce car qui devait
18 partir pour Rozaje, c'est-à-dire à qui on a ordonné de faire le demi tour.
19 Le lendemain, à bord de deux cars, les mêmes détenus ont quitté le KP Dom;
20 lui, se trouvait dans l'un de ces deux cars, mais je ne sais pas ce qu'il
21 est advenu de lui.
22 Question: Monsieur le Président, Esad Mezbur était cité sous B41 et à Asim
23 Mezbur n'était cité nulle part.
24 M. le Président (interprétation): Merci.
25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Et Halim Dedovic le connaissez-vous
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1 et savez-vous s'il a été tabassé au KP Dom?
2 M. Berberkic (interprétation): Ce nom m'est bien connu, celui de Halim
3 Dedovic. A cette époque-là, j'étais dans la pièce n°16, et une nuit, les
4 gardes n'ont fait que laisser le corps d'un homme. Il faisait nuit, on ne
5 pouvait pas savoir de quoi il s'agissait, mais il était tout pâle, tabassé
6 presque à mort. Il était mal rasé. Il portait les blue-jeans, une espèce
7 de jaquette et nous l'avons reconnu. Nous avons reconnu cet homme. Nous
8 avons essayé de le calmer mais il était très ému, très agité. Une fois
9 qu'il s'est calmé un petit peu, il a pu nous relater comment pendant sept
10 jours, il a été confiné dans les sous-sols du bâtiment administratif et
11 que là-bas se trouve des anneaux, amarrés dans le mur et auxquels il a été
12 ligoté pour être battu. Lorsque je lui ai demandé par qui il a été battu
13 il a dit: "Je sais par qui", mais il n'a jamais voulu nous le dire. Il a
14 été arrêté prétendument car il a essayé de maîtriser le feu lorsqu'on
15 avait mis le feu à la mosquée. Il dit qu'il sait que les Chetniks ont
16 voulu incendier la mosquée et à mesure qu'ils l'incendiaient, lui sortait
17 pour maîtriser le feu, ainsi de suite, deux fois et une troisième fois.
18 Quand il a essayé de faire le même geste, ils l'ont tout simplement arrêté
19 pour le faire venir au KP Dom. Il a disparu du KP Dom, tout court, le 11
20 décembre 1992 dans un groupe de 12 personnes il me semble.
21 Et je me souviens qu'il y avait dans ce groupe Aziz Sahimovic, ensuite ce
22 journaliste slovène. Ce qui est caractéristique pour ce groupe, c'est que
23 Aziz Sahimovic à cette époque-là était avec moi dans la pièce n°18 et
24 comme le "brico" et puis après le barbier et puis après, je me souviens
25 qu'une nuit après ils sont venus pour sélectionner un groupe donc pour les
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1 installer tous dans une chambre à part pour que l'on puisse les sortir
2 avant l'aube du KP Dom. Et je m'en souviens très bien parce que j'ai pu
3 entendre les bruits des pas des détenus au moment où ils quittaient
4 l'enceinte du KP Dom. Avant la pointe du jour. Il faisait nuit encore.
5 Mais quant à Dedovic Halim, on ne sait pas grand-chose. C'est une personne
6 considérée comme portée disparue. D'ailleurs l'ensemble de cette douzaine
7 de gens parmi eux il y avait Madlic Fahrudin. Alors j'ai voulu savoir
8 ensuite, me renseigner un petit peu parce que Gojko et Barun comme ils
9 étaient des amis Gojko aurait dit que l'autre lui a passé un coup de fil
10 depuis le Monténégro.
11 Question: Bon, voyons d'abord le cas de Halim Dedovic. A-t-il été battu
12 pendant qu'il était au KP Dom après cet incident quand vous avez dit que
13 son corps a été tout simplement projeté dans votre pièce? A-t-il été
14 sélectionné pour être tabassé à d'autres occasions pendant qu'il était au
15 KP Dom?
16 Réponse: Non, autant que je sache.
17 Question: Et à cette occasion-là, lorsqu'on l'a tout simplement projeté
18 dans votre pièce après avoir été tabassé, avez-vous pu remarquer des
19 blessures sur lui?
20 Réponse: Oui, sur le visage surtout. Et de toutes les couleurs bleu,
21 jaune, d'hématomes énormes autour de ses yeux. Lui, il était barbu, par
22 conséquent on ne pouvait remarquer que ce qui était autour des yeux.
23 Question: Merci.
24 Monsieur le Président, cette personne est citée sous le point P23 et je
25 pense que le témoin vient de parler de cet incident. La même personne
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1 étant citée sous AC6 et B13.
2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
3 Je crois que le moment est tout à fait convenable de nous arrêter.
4 L'audience demain nous devons commencer par la vidéo conférence. Combien
5 de temps faudra-t-il réserver cette partie d'audience pour permettre au
6 médecin de revenir?
7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je crois que cela devrait durer
8 pendant toute la journée et il faut faire en sorte que le conseil de la
9 défense puisse interroger le témoin.
10 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, excusez-nous
11 d'interrompre votre témoignage. Mais il est un procédé technique fort
12 complexe dont nous devions nous servir demain sous forme de
13 vidéoconférence pour entendre témoigner un témoin. Il s'agit d'une
14 vidéoconférence convoquée par conséquent, je vous prie, de revenir jeudi.
15 Nous nous reverrons jeudi.
16 Maintenant nous suspendons l'audience. Demain l'audience ne sera pas à
17 huis clos. A demain à 9 heures 30.
18 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
19 (L'audience est levée à 15 heures 21.)
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