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1 (Vendredi 15 mars 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 11 heures.)
3 (Audience publique.)
4 (Jugement de l'accusé M. Milorad Krnojelac.)
5 M. le Président (interprétation): Peut-on donner le numéro de l'affaire?
6 Mme Chen (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-97-25-T, le Procureur
7 contre Mirolad Krnojelac.
8 M. le Président (interprétation): Je demande aux parties de se présenter,
9 à commencer par l'accusation.
10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Mme Peggy Kuo,
11 M. Bill Smith, Diana Dicklich comme assistante d'audience et mon nom est
12 Hildegard Uertz-Retzlaff.
13 M. le Président (interprétation): Très bien. La défense?
14 M. Bakrac (interprétation): C'est Me Mihajlo Bakrac et Me Vasic qui
15 défendent l'accusé comme d'habitude.
16 M. le Président (interprétation): Merci.
17 Monsieur Krnojelac, entendez-vous les débats dans une langue que vous
18 comprenez? Vous n'avez pas besoin de vous lever.
19 (L'accusé se lève.)
20 M. Krnojelac (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie,
21 mais en fait, au stade actuel, ce qui m'importe, ce n'est plus de savoir
22 si je peux suivre les débats dans une langue que je comprends. Il me
23 semble tout le moins que pour une journée comme celle d'aujourd'hui,
24 quelqu'un aurait dû prendre la peine de m'informer par écrit que c'est
25 aujourd'hui que le jugement est rendu après 1.371 jours de procès. Je vous
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1 remercie de tout coeur.
2 M. le Président (interprétation): Je m'attendais à ce que vous disiez ce
3 que vous venez de dire à un moment ou un autre, Monsieur Krnojelac. Je
4 vous prie de vous asseoir.
5 (L'accusé s'assoit.)
6 La Chambre de première instance n°II siège aujourd'hui pour prononcer son
7 jugement dans le procès de Milorad Krnojelac. Ce procès a porté sur des
8 événements survenus à Foca, au Kazneno-Popravni Dom, connu plus
9 couramment sous le nom de KP Dom, grand complexe pénitentiaire situé dans
10 la ville de Foca, dans l’est de la Bosnie-Herzégovine, où beaucoup
11 d’hommes non serbes ont été détenus pendant de longues périodes.
12 Pour cette audience, je me propose tout d’abord de résumer brièvement les
13 questions soulevées dans le cadre du procès et les constatations de la
14 Chambre de première instance à cet égard. J’insiste sur le fait qu’il ne
15 s’agit là que d’un résumé, qui n’est pas partie intégrante du jugement
16 rendu. Le seul exposé officiel des constatations de la Chambre de première
17 instance et des motifs qui les sous-tendent figure dans le jugement écrit,
18 dont des copies seront distribuées aux parties et au public à la fin de la
19 présente audience.
20 L’accusé, M. Krnojelac, était le directeur ou directeur par intérim du KP
21 Dom pendant environ 15 mois en 1992 et 1993. Dans le cadre du procès, il
22 devait répondre d’accusations de :
23 i) crimes contre l’humanité, sous forme de persécutions pour des raisons
24 politiques, raciales et/ou religieuses et de réduction en esclavage; ainsi
25 que de
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1 ii) violations des lois ou coutumes de la guerre, sous forme de torture,
2 de traitements cruels, de meurtre, et d’esclavage.
3 Initialement, l’accusé devait également répondre d’infractions graves aux
4 Conventions de Genève de 1949, sous forme de torture, du fait de causer
5 intentionnellement des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la
6 santé, d’homicide intentionnel, de détention illégale de civils, du fait
7 de causer intentionnellement de graves souffrances et des traitements
8 inhumains. L’accusation a cependant abandonné ces charges peu avant
9 l’ouverture du procès.
10 Lors des discussions relatives à l’Acte d’accusation, avant l’ouverture du
11 procès, l’accusation a concédé qu’elle n’était pas en mesure de prouver
12 que l’accusé avait personnellement participé aux événements censés s’être
13 déroulés au KP Dom. L’accusation a préféré alléguer qu’il adhérait à une
14 entreprise criminelle commune visant à commettre les actes incriminés.
15 Elle avait déjà allégué que l’accusé avait aidé et encouragé ceux qui
16 avaient personnellement participé à la commission des infractions en
17 question.
18 Le procès s’est donc ouvert sur la base de ces formes de responsabilité
19 individuelle de l’accusé, mais également de sa responsabilité pénale pour
20 les actes de ses subordonnés en raison de sa position de supérieur
21 hiérarchique.
22 Le principal argument soulevé par l’accusé lors du procès a consisté à
23 dire qu’en raison de la présence de l’armée dans le KP Dom, la prison
24 était divisée en deux sections, une civile et une militaire. L’accusé a
25 soutenu que, bien qu’il ait été officiellement nommé directeur du KP Dom,
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1 ses pouvoirs étaient limités à la section civile, dans laquelle il n’y
2 avait que des condamnés serbes et une unité économique.
3 Selon l’accusé, les détenus non serbes étaient sous la responsabilité du
4 commandement militaire, et aucune responsabilité ne pouvait lui être
5 imputée pour les crimes commis au KP Dom sur la personne de ces détenus.
6 La Chambre de première instance a rejeté cette version des faits. Elle est
7 convaincue que l’accusé détenait tous les pouvoirs associés à la fonction
8 de directeur du KP Dom et qu’il les a exercés dans les faits, notamment sa
9 responsabilité de supervision vis-à-vis de tout le personnel subordonné et
10 de tous les détenus du KP Dom.
11 S’agissant des allégations de persécutions, la cause de l’accusation
12 reposait essentiellement sur les mêmes actes et incidents que les autres
13 accusations portées en l’espèce. C’est pourquoi nous laisserons pour la
14 fin les remarques relatives aux accusations de persécutions.
15 Lorsque le conflit a éclaté au début de 1992, un grand nombre de civils
16 non serbes, dont la majorité écrasante était des Musulmans, ont été
17 arrêtés dans Foca et ses environs, et beaucoup des civils de sexe masculin
18 ont été transférés au KP Dom. La Défense a soutenu qu’il s’agissait de
19 prisonniers de guerre et que leur mise en détention était donc légale.
20 La Chambre de première instance a rejeté cet argument. Un petit nombre de
21 détenus avaient été des combattants, mais il ressort nettement des
22 circonstances de leur arrestation qu’ils n’ont pas été faits prisonniers
23 en cette qualité.
24 Parmi les détenus, il y avait des jeunes et des vieillards, des malades,
25 des blessés, des handicapés physiques et des personnes souffrant de
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1 troubles mentaux. Rien dans le dossier n’indique que quiconque a été
2 appréhendé en application d’un mandat d’arrêt valable. Ces personnes ont
3 été arbitrairement détenues pendant des périodes allant de quatre mois à
4 deux ans et demi. Aucune n’a été inculpée d’une quelconque infraction, et
5 il a été établi que leur détention était illégale.
6 Bien que l’accusé ait joué un rôle dans leur maintien en détention et que
7 — comme l’a constaté la Chambre de première instance — il ne disposât pas
8 du pouvoir d’ordonner unilatéralement la libération de quiconque, il
9 savait néanmoins que leur détention était illégale, et que ces actes ou
10 omissions contribuaient à la poursuite de cette détention illégale par les
11 auteurs principaux de ce crime. Cependant, la Chambre de première instance
12 n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable qu’il était animé
13 de la même intention que ces auteurs principaux. Elle a donc rejeté la
14 thèse de l’Accusation selon laquelle il adhérait à une entreprise
15 criminelle commune visant à l’emprisonnement illégal des détenus, mais
16 elle a constaté qu’il avait aidé et encouragé les auteurs principaux de ce
17 crime à le commettre.
18 Les civils non serbes détenus étaient littéralement entassés dans les
19 cellules, au point qu’ils ne pouvaient pas s’y déplacer sans entrave
20 voire, dans certains cas, y dormir allongés. Ils étaient isolés du monde
21 extérieur et privés de tout contact avec leur famille. Ils vivaient dans
22 des conditions d’hygiène déplorables. Ils étaient exposés à des
23 températures glaciales en hiver et ne recevaient que des rations de
24 famine, ce qui a occasionné des amaigrissements considérables, allant de
25 vingt à quarante kilos. Beaucoup de détenus ont été privés de soins
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1 médicaux qui leur étaient pourtant disponibles, et les patients devant
2 être pris en charge d’urgence n’ont pas été soignés correctement.
3 Les détenus non serbes ont également été victimes d’un épuisant
4 harcèlement psychologique pendant leur détention au KP Dom. Ils
5 entendaient les cris de leurs compagnons de détention qui subissaient des
6 sévices et des tortures, et craignaient d’être les prochaines victimes.
7 Chaque fois que des prisonniers ont tenté d’améliorer leurs conditions de
8 vie, ils ont été durement punis par des passages à tabac et par
9 l’isolement cellulaire. Du fait de ces conditions, la santé physique et
10 mentale de nombre des détenus non serbes s’est dégradée, parfois
11 fatalement. Un détenu est effectivement décédé parce qu’il a été privé de
12 soins médicaux, et dix-neuf autres ont conservé de graves séquelles
13 physiques et psychologiques suite aux conditions de détention au KP Dom.
14 La plupart ont souffert d’amaigrissement grave et beaucoup ont été
15 hospitalisés après leur libération, certains ayant encore besoin
16 constamment de soins médicaux et de médicaments. Presque tous continuent
17 de souffrir d’une forme ou d’une autre de troubles psychologiques,
18 notamment de crises d’angoisse, d’insomnies, de cauchemars, de dépression
19 ou autre.
20 L’accusé avait connaissance des conditions de détention des prisonniers
21 non serbes et de l’effet de celles-ci sur leur santé physique et mentale.
22 Il savait également que son manquement à agir en tant que directeur
23 contribuait considérablement au maintien de ces conditions, en
24 encourageant les principaux responsables de ces conditions de vie.
25 Cependant, la Chambre de première instance n’est pas convaincue au-delà de
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1 tout doute raisonnable qu’il partageait l’intention des auteurs principaux
2 de ce crime. Elle a donc rejeté la thèse de l’Accusation selon laquelle il
3 adhérait à une entreprise criminelle commune visant à imposer ces
4 conditions de vie, mais elle a constaté qu’il avait aidé et encouragé les
5 auteurs principaux du crime contre l’humanité consistant à imposer
6 lesdites conditions.
7 Toujours à raison de l’imposition de ces conditions de vie, la Chambre de
8 première instance a également conclu à la culpabilité de l’accusé pour
9 traitements cruels en tant que violation des lois ou coutumes de la
10 guerre, là encore pour avoir aidé et encouragé ceux qui ont
11 personnellement participé à la création desdites conditions.
12 La Chambre de première instance s’est demandé si l’accusé devait dans le
13 même temps être déclaré coupable des deux crimes issus de l’imposition de
14 ces conditions de vie, cette fois en sa qualité de supérieur hiérarchique.
15 La Chambre est convaincue qu’il savait que ses subordonnés avaient
16 participé à la création de ces conditions de vie, qu’il n’a rien fait pour
17 les empêcher de les maintenir et qu’il ne les en pas puni ses subordonnés
18 pour avoir maintenu ces conditions. Elle estime cependant qu’il serait
19 malvenu, sous le même chef d’accusation, de déclarer l’accusé coupable des
20 deux formes de responsabilité dues à des mêmes actes, et la Chambre juge
21 que son comportement criminel relève davantage de celui d’une personne qui
22 a aidé et encouragé les auteurs à commettre leur crime. La Chambre a
23 cependant tenu compte de sa position de supérieur hiérarchique, en
24 considérant qu’il s’agissait d’une circonstance aggravante.
25 Lors de leur détention au KP Dom, les civils non serbes étaient aussi
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1 systématiquement battus et maltraités par les gardiens de cette prison,
2 ainsi que par les soldats et les membres de la police militaire qui
3 venaient au KP Dom de l'extérieur. Si l’accusé n’était pas responsable des
4 actes de ces hommes, il l’était en revanche de ceux des gardiens du KP Dom
5 qui les laissaient pénétrer dans la prison pour y maltraiter les détenus.
6 Plus de cinquante des passages à tabac constatés ont été suffisamment
7 graves pour constituer des actes inhumains et des traitements cruels. Il y
8 a eu également onze séances lors desquelles des tortures ont été infligées
9 à quatorze prisonniers, dans le but de leur soutirer des informations ou
10 des aveux, de les punir ou de leur faire subir une discrimination.
11 La Chambre de première instance est convaincue que l’accusé savait que des
12 détenus non serbes subissaient des sévices et étaient en général
13 maltraités. Elle estime cependant que la preuve n’a pas été rapportée de
14 ce qu’il adhérait à une entreprise criminelle commune visant à faire subir
15 des sévices aux détenus non serbes.
16 Cependant parce qu'il était au courant des sévices infligés et qu'il n'a
17 pas pris aucune des mesures qu'il était tenu de prendre en sa qualité de
18 directeur de la prison, l'accusé a encouragé ses subordonnés à commettre
19 ces actes. La Chambre de première instance considère que dans ce cas
20 précis, il est plus judicieux de le déclarer coupable des sévices en sa
21 qualité de supérieur, que coupable d’avoir aidé et encouragé les auteurs
22 principaux de ces crimes.
23 En revanche, et nonobstant le fait que l’accusé a été témoin du passage à
24 tabac infligé à Ekrem Zekovic pour le punir d’avoir tenté de s’évader du
25 KP Dom (incident qui ne compte pas au nombre des faits incriminés), la
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1 Chambre de première instance n’est pas convaincue que l’accusé savait que
2 les autres sévices étaient infligés dans l’un des buts prévus dans les
3 textes prohibant la torture, plutôt que de manière purement arbitraire.
4 C’est pourquoi il a été déclaré non coupable de torture.
5 La Chambre de première instance est convaincue qu’aux mois de juin et
6 juillet 1992, les gardes du KP Dom ont fait sortir de leur cellule des
7 détenus le soir, pour les conduire au bâtiment de l’administration afin de
8 les battre. Les sévices duraient tard dans la nuit, et les autres détenus
9 du KP Dom entendaient clairement le bruit des coups et les cris des
10 victimes. Par la suite, des coups de feu ont parfois été entendus. Les
11 gardes du KP Dom ont été vus alors qu’ils prenaient part aux sévices, et
12 du sang et des instruments ensanglantés ont été vus dans les pièces où
13 avaient eu lieu les sévices. Malgré les efforts déployés par les familles,
14 de la Commission d’Etat bosniaque pour la recherche des personnes
15 disparues et du Comité international de la Croix-Rouge, on n’a jamais revu
16 aucune de ces personnes après leur détention au KP Dom.
17 La Chambre de première instance a constaté que vingt-six personnes ont été
18 tuées de cette manière au KP Dom. Bien qu’aucun cadavre de ces personnes
19 n’ait été retrouvé, la Chambre de première instance est convaincue au-delà
20 de tout doute raisonnable qu’elles sont décédées après avoir été battues à
21 mort, abattues, ou en raison des suites de blessures infligées lors des
22 sévices corporels au KP Dom. Cependant, la Chambre n’est pas convaincue
23 que l’accusé savait que ses subordonnés prenaient part aux meurtres des
24 détenus, ni qu’il aurait dû le savoir. Rien ne permettait donc de conclure
25 que l’accusé était responsable de ces meurtres.
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1 S’agissant des chefs d’esclavage et de réduction en esclavage fondés sur
2 le fait que les détenus auraient été soumis à des travaux forcés, la
3 Chambre de première instance a demandé à l’Accusation de montrer que les
4 détenus n’étaient pas libres de choisir de travailler ou non pendant leur
5 détention au KP Dom. Le travail forcé n’a pas été accepté, quand
6 l’Accusation s’est uniquement fondée sur le fait qu’un détenu estimait,
7 subjectivement, qu’il n’avait pas le choix, sans quelque base factuelle
8 étayant ce sentiment, ou sur sur le fait que le détenu croyait que s’il
9 travaillait, il aurait droit à de la nourriture supplémentaire, ou à être
10 autorisé à sortir de sa pièce de détention pour quelque temps.
11 La question est de savoir si le témoin concerné a perdu le choix de
12 consentir ou non au travail qu’il faisait. La Chambre de première instance
13 a conclu que cette accusation n’avait été établie qu’à l’égard de deux
14 détenus. Ceux-ci ont été obligés de travailler au déminage, mais la
15 responsabilité n’a pu en être imputée à l’accusé, parce qu’il n’a pas été
16 démontré qu’il savait ou aurait dû savoir que ces détenus avaient été
17 contraints d’effectuer ce travail. Pour ces raisons, la Chambre de
18 première instance n’a pas eu à rechercher si ce travail forcé constituait
19 une réduction en esclavage, au sens de l’exercice délibéré des pouvoirs
20 conférés par le droit de propriété sur ces deux hommes.
21 On l’a vu, le dossier de l’Accusation relatif aux persécutions était en
22 grande partie fondé sur les mêmes actes et événements que ceux qui
23 fondaient d’autres accusations en l’espèce. À ce stade, par conséquent, il
24 est nécessaire de ne se référer qu’au chef de persécutions en ce qu’il
25 était fondé sur les accusations qui ont déjà été démontrées, et à une
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1 question supplémentaire, à savoir celle de persécutions à raison de la
2 déportation et de l’expulsion alléguées des détenus non serbes du KP Dom.
3 La Chambre de première instance est convaincue que l’emprisonnement des
4 détenus non serbes, ainsi que les conditions de vie au camp qu’ils ont
5 subies (qui constituaient des actes inhumains et des traitements cruels),
6 ont été organisés avec une intention discriminatoire à leur encontre pour
7 des motifs religieux ou politiques. Par conséquent, la persécution à
8 raison de ces crimes a été considérée comme démontrée, et l’accusé a été
9 jugé individuellement responsable en tant que complice des auteurs
10 principaux qui ont commis les crimes sous-jacents. En vertu de son pouvoir
11 d’appréciation, la Chambre de première instance n’a pas déclaré l’accusé
12 coupable, également en tant que supérieur hiérarchique, des conditions de
13 vie, constituant des actes inhumains et des traitements cruels, qui ont
14 été commis de manière discriminatoire.
15 La Chambre de première instance est convaincue que deux détenus seulement
16 ont subi des sévices corporels pour des motifs discriminatoires, qui
17 constituent des persécutions. L’un des sévices corporels constituait un
18 acte inhumain et un traitement cruel. L’autre constituait une torture,
19 mais l’accusé n’a pas été déclaré coupable de torture. Sa responsabilité
20 pour ces deux événements en tant qu’actes de persécution est donc, à
21 chaque fois, une responsabilité en tant que supérieur hiérarchique, pour
22 persécution à raison d’actes inhumains et de traitement cruel.
23 S’agissant de la question supplémentaire soulevée, à savoir la persécution
24 du fait de la déportation et de l’expulsion de détenus non serbes du KP
25 Dom, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que les détenus
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1 qui avaient été transférés du KP Dom avaient traversé une frontière
2 nationale ou, lorsqu’elle a considéré que tel était le cas, elle n’a pas
3 été convaincue que la déportation avait été forcée. Par conséquent, les
4 allégations de déportation et d’expulsion n’ayant pas été démontrées,
5 elles ne pouvaient justifier une accusation de persécution.
6 Seront donc prononcées contre l’accusé les déclarations de culpabilité
7 pour les crimes de:
8 i) persécution, un crime contre l’humanité, à raison de—
9 a) emprisonnement et actes inhumains (à savoir les conditions de vie),
10 dont il est individuellement responsable, et de
11 b) sévices corporels, en tant que supérieur hiérarchique;
12 ii) actes inhumains, un crime contre l’humanité, à raison des sévices
13 corporels, en tant que supérieur hiérarchique;
14 iii) traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre,
15 à raison des sévices corporels, en tant que supérieur hiérarchique, et
16 iv) traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre, à
17 raison des conditions de vie, dont il est individuellement responsable.
18 Dans ces déclarations de culpabilité de persécutions en vertu de la
19 responsabilité individuelle, sont comprises, sans faire l’objet d’une
20 double déclaration de culpabilité, les constatations selon lesquelles
21 l’accusé était individuellement responsable pour emprisonnement et actes
22 inhumains en tant que crimes contre l’humanité.
23 La Chambre de première instance s’est conformée à toutes les exigences
24 formelles prévues pour la détermination de la peine. Elles les ont plus
25 longuement examinées dans le Jugement. Elle devait impérativement faire
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1 correspondre la peine aux circonstances personnelles de l’accusé et à la
2 gravité des crimes dont il a été reconnu coupable. La Chambre de première
3 instance a tenu compte de la vulnérabilité particulière des victimes
4 directes, de la période au cours de laquelle les crimes ont perduré
5 pendant que l’accusé était en fonction en tant que directeur du KP Dom, et
6 de l’ampleur de la souffrance physique, psychologique et émotionnelle à
7 long terme de ces victimes.
8 L’accusé n’a exprimé aucun regret pour le rôle qu’il a joué dans la
9 commission de ces crimes, et n’a fait état que de regrets infimes pour le
10 fait que ces crimes ont eu lieu.
11 Dans cette affaire, l’accusé a choisi d’adopter la politique de
12 l’autruche, et de méconnaître les responsabilités et les pouvoirs qui lui
13 incombaient en qualité de directeur du KP Dom pour améliorer la situation
14 des détenus non serbes. La peine en l’espèce vise à signaler clairement
15 aux autres personnes, qui (comme l’accusé) cherchent à éviter les
16 responsabilités du commandement dont est assortie la fonction qu’ils ont
17 acceptée, qu’un tel manquement ne restera pas impuni.
18 Néanmoins, la Chambre de première instance a également pris en compte le
19 fait que l’accusé, avant d’être nommé directeur du KP Dom, a travaillé
20 comme professeur de mathématiques pour la plus grande partie de sa vie
21 professionnelle. Il n’avait pas beaucoup d’expérience de la fonction qu’il
22 a assumée, et peut-être ne convenait-il pas à celle-ci.
23 De plus, à la différence d’autres personnes qui occupaient des fonctions
24 similaires à celle de l’accusé, et qui ont été jugées par le Tribunal,
25 l’accusé n’a participé aux crimes qu’en ce qu’il a aidé et encouragé les
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1 actes criminels d’autres personnes.
2 Et encore, il n’a encouragé les personnes qui ont pris part à ces crimes,
3 en grande partie, que par son inaction, par le fait qu’il n’a pas exercé
4 ses pouvoirs en tant que directeur, alors même qu’il savait que les crimes
5 étaient commis.
6 Ont aussi été présentés des éléments tendant à démontrer que l’accusé a
7 agi pour aider des détenus qui s’étaient adressés à lui pour des demandes
8 particulières, et qu’il a tenté d’améliorer la condition de tous les
9 détenus en obtenant davantage de nourriture pour le KP Dom.
10 L’accusé est donc déclaré coupable des crimes visés aux:
11 Chef 1: persécutions, un crime contre l’humanité (à raison
12 d’emprisonnement, des conditions de vie et des sévices corporels), dont il
13 est responsable individuellement et en tant que supérieur hiérarchique,
14 Chef 5: actes inhumains, un crime contre l’humanité (à raison de sévices
15 corporels), en tant que supérieur hiérarchique,
16 Chef 7: traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la
17 guerre (à raison de sévices corporels), en tant que supérieur
18 hiérarchique, et
19 Chef 15: traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la
20 guerre (à raison des conditions de vie), dont il est responsable
21 individuellement.
22 L’accusé est acquitté des crimes visés aux chefs 2, 4, 8, 10, 11, 13, 16
23 et 18.
24 Monsieur Milorad Krnojelac, voulez-vous vous lever, s'il vous plaît?
25 Milorad Krnojelac, vous êtes condamné à une peine unique d’emprisonnement
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1 de sept ans et demi. La durée de la période pendant laquelle vous avez été
2 placé en détention provisoire, à savoir trois ans et neuf mois, et que
3 vous passerez en détention en attendant que le Président choisisse l’état
4 dans lequel vous exécuterez votre peine, est déduite de la durée totale de
5 votre peine. Dans l’attente de cette décision, vous restez sous la garde
6 du Tribunal.
7 L'audience est levée.
8 (L'audience est levée à 11 heures 28.)
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