Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 15 mai 2003.)

2 (Procédure d'appel relative au Jugement.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures, sous la présidence de M. le Juge

4 Jorda.)

5 (Audience publique.)

6 M. le Président: Veuillez vous asseoir.

7 Madame la Greffière, faites entrer l'accusé.

8 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

9 Nous allons reprendre les travaux. Est-ce que les interprètes m'entendent?

10 L'interprète: Oui, Monsieur le Président.

11 M. le Président: Bien. Je souhaite une bonne journée à tout le monde.

12 Je vais me tourner maintenant vers la défense, puisqu'il s'agit maintenant

13 d'entendre la défense.

14 Nous ferons une pause au bout d'une heure et demie. Je ne sais pas qui

15 commence. Vous aurez droit à deux heures et demie; il sera interrompu au

16 bout d'une heure 30 par une pause. Je vous demande, au nom de mes

17 collègues, d'essayer de vous concentrer sur les arguments essentiels. Je

18 vous rappelle -comme je le rappelle au Procureur, d'ailleurs- que nous

19 avons toutes vos nombreuses et très riches écritures. Ce qui est

20 important, c'est que vous mettiez l'accent sur les points qui vous

21 paraissent les plus importants.

22 Voilà. Ecoutez, nous vous écoutons, Maître Bakrac.

23 M. Bakrac (interprétation): Messieurs les Juges, je vous remercie.

24 Je tiens d'abord à m'excuser à l'intention des interprètes pour la journée

25 d'hier où ils ont eu du mal à réussir à interpréter.

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1 M. le Président: Mes collègues me signalent… Est-ce qu'il y a d'autres

2 participants au débat que les parties qui étaient identifiées hier? Je

3 n'ai pas l'impression. Je crois que nous pouvons reprendre dans le même

4 ordre.

5 Monsieur Staker?

6 Ecoutez, là, vraiment, je ne saisis pas. Nous avions une audience qui est

7 reprise. J'ai considéré qu'hier, l'audience était suspendue. Nous

8 continuons donc l'affaire aujourd'hui avec les mêmes parties, sauf s'il y

9 a un changement.

10 Monsieur Staker?

11 M. Staker (interprétation): Monsieur le Président, aux fins du compte

12 rendu d'audience, je dirai que notre collaboratrice s'appelle Lourdes

13 Galicia; ce n'est pas la même que nous avions à nos côtés hier.

14 M. le Président: Je suis désolé auprès de votre collaboratrice de ne pas

15 l'avoir remarquée immédiatement. Qu'elle veuille bien m'excuser et que ce

16 soit inscrit au transcript. Je suis habitué, personnellement, lorsque les

17 audiences sont reprises, même s'il y a une interruption d'une journée, à

18 ce que l'on ne se re-présente pas. Mais vous avez raison et mes collègues

19 également. Donc maintenant, nous pouvons commencer.

20 Maître Bakrac?

21 (Réplique de la Défense relative aux motifs d'appel du Procureur, par Me

22 Bakrac, suite.)

23 M. Bakrac (interprétation): Messieurs les Juges, il n'y a pas eu de

24 modification au sein de la nombreuse équipe de la défense, aussi n'y a-t-

25 il guère besoin de faire les présentations à titre répétitif.

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1 Je voulais donc, disais-je, m'excuser auprès des interprètes pour la

2 journée d'hier, parce que les interprètes avaient du mal à rattraper pour

3 interpréter tout ce que j'ai dit. Je vais m'efforcer de répondre aux trois

4 conditions nécessaires, donc dire ce que j'estime indispensable sans pour

5 autant me répéter, et faire en sorte que cela se fasse dans un délai de

6 temps raisonnable pour que les interprètes puissent le traduire.

7 Donc le premier des moyens d'appel de la défense est un élément de fait

8 très important. C'est une question afférente à la position de l'accusé

9 Krnojelac pour ce qui est des points de jure et de facto au sein du KP

10 Dom, dans les circonstances qui prévalaient au KP Dom, pour la période

11 pertinente, eu égard à l'Acte d'accusation.

12 En présentant ce moyen d'appel, la défense a estimé que le grand nombre

13 d'éléments de preuve et de faits qui ont été versés au dossier, ainsi que

14 leur importance relativement grande, constituaient un fondement de taille

15 ou un fondement dramatique partant duquel il devrait être affirmé

16 qu'aucune Chambre de première instance ne saurait raisonnablement conclure

17 du fait que l'accusé Krnojelac se trouvait occuper une position conforme à

18 celle qui est avancée par la Chambre de première instance.

19 Dans ses écritures, le Procureur a peut-être omis de reprendre cette

20 formulation. Il se peut, d'ailleurs, que cela soit dû à des raisons

21 terminologiques, pour ce qui est du terme notamment de "raisonnable". Pour

22 ce qui est de la langue maternelle du défenseur, cela peut avoir une

23 connotation offensante. C'est la raison pour laquelle nous avons préféré

24 parler d'erreurs commises par la Chambre de première instance.

25 Or ces erreurs, si l'on se réfère à la terminologie habituelle utilisée

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1 dans ce Tribunal, à notre avis, ce sont là des faits qui ont -comme nous

2 allons le souligner ici- influé sur la Chambre de première instance pour

3 ce qui est de la prise de décision, qui se sont soldés par des erreurs ou

4 interprétations erronées des faits.

5 Quand nous parlons du fait de voir la Chambre de première instance faire

6 une erreur, concernant cet élément crucial pour la détermination des faits

7 afférents à la responsabilité de l'accusé, nous estimons que s'agissant

8 des points sur lesquels l'accusé a été jugé coupable, la substance sur le

9 plan formel et factuel influe sur la position de l'accusé qui doit d'abord

10 être déterminée; donc cela doit être déterminé en premier lieu pour que

11 nous puissions déterminer par la suite s'il y a responsabilité pénale

12 conformément aux différents Chefs de l'Acte d'accusation.

13 Pour ce qui est de son premier moyen d'appel, la défense l'a réparti ou

14 subdivisé en plusieurs sous-moyens d'appel ou plusieurs motifs qui

15 pourraient être résumés de la façon suivante, en avançant une

16 argumentation au fur et à mesure de l'avancée des faits.

17 Nous estimons que la Chambre de première instance s'est fourvoyée, pour ce

18 qui est de la structure inchangée du KPD après l'éclatement du conflit. Et

19 il y a eu erreur pour ce qui est de la nomination d'un gérant, d'un

20 directeur au sein de ce KPD.

21 En effet, nous estimons que, compte tenu de toutes les circonstances dont

22 a traité la Chambre de première instance, compte tenu de toutes les

23 circonstances de la période concrète et du poste concret occupé par

24 l'intéressé, la défense estime qu'il serait tout à fait logique en soi de

25 conclure que les circonstances de fonctionnement du KP Dom en temps de

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1 paix, avant l'éclatement des conflits et par la suite, ne sauraient avoir

2 été les mêmes. Il y a certainement eu des divergences. Nous estimons donc

3 en tant que défense que l'on ne nous a pas convaincus, que l'on n'a pas

4 convaincu la Chambre de l'inexistence de modifications au sein du KP Dom

5 après l'éclatement du conflit.

6 Nous avons essayé dans nos écritures d'illustrer les éléments de preuves

7 nombreux qui démontrent, qui illustrent ces faits-là pour établir que la

8 Chambre de première instance n'a pas adopté une conclusion raisonnable

9 pour ce qui est d'affirmer que les circonstances n'ont pas été modifiées

10 et qu'elles sont restées les mêmes.

11 L'argumentation de la Chambre de première instance, disant que le

12 ministère de la Justice a nommé l'accusé au poste de directeur sans limite

13 aucune, est erronée. Cela est une façon unilatérale de voir les choses. La

14 Chambre de première instance a estimé que l'accusé était nommé par le

15 ministère de la Justice au poste de directeur, la chose n'est pas

16 contestée. Mais dans cet acte de nomination -en une phrase- on ne

17 détermine pas de plus près, on n'élabore pas de plus près quels sont ses

18 droits et ses attributions.

19 Or la défense, précisément pour cette raison-là, avance un grand nombre

20 d'éléments de preuve qui, de façon directe et indirecte, définissent la

21 circonscription des attributions et des responsabilités qui avaient été

22 celles de l'accusé. Il est des éléments de preuve clairs disant que

23 l'accusé a été nommé au poste de directeur de ce KP Dom par le ministère

24 de la Justice. Donc non pas par les autorités militaires ou par les

25 autorités policières, mais par le ministère de la Justice de la Republika

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1 Srpska.

2 Quand cet élément-là est mis en corrélation avec ce que la Chambre de

3 première instance a constaté et établi, à savoir que dans cet acte de

4 nomination il n'y a pas de définition concernant la circonscription des

5 tâches et responsabilités de l'intéressé, la défense -pour illustrer ce

6 qui vient d'être dit- se réfère dans son argumentation à des éléments de

7 preuve, à un élément de preuve du Bureau du Procureur qui est celui qui

8 porte la cote P2 et la pièce à conviction de la défense D85.

9 Je dois reconnaître, si vous me permettez de faire une digression, que

10 cela constituerait une réponse à la question posée par le Juge Güney qui

11 concernait les attributions positives qui étaient celles de l'accusé. Je

12 me réserve à cet effet le droit de répondre à cette question ainsi qu'à la

13 question posée par le Juge Schomburg concernant ce que le Bureau du

14 Procureur a fourni comme explications au sujet d'un document concret dans

15 ses réponses.

16 Quand nous parlons du document, du document qui porte la cote P2, document

17 qui a été fourni par le Bureau du Procureur, il est dit sans ambiguïté et

18 de façon tout à fait claire ce qui suit, je pense qu'il s'agit là d'une

19 information pour les besoins du Tribunal. Le directeur qui a remplacé

20 Miroslav Krnojelac a rédigé cet explicatif aux fins de répondre à des

21 besoins de ce Tribunal. On confirme qu'une partie du KP Dom… on cite la

22 décision et la date de la décision prise qui avait auparavant servi et on

23 parle de ce qui s'était passé auparavant. Donc logiquement, il y a

24 interruption d'une continuité déterminée: on dit que cela avait auparavant

25 servi pour l'installation de personnes, y compris la cuisine et

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1 l'infirmerie qui ont été rétrocédées aux autorités militaires de Foca.

2 Ce qu'il importe de dire c'est que, dans le texte qui suit dans le

3 rapport, on précise bien que, partant de ce contrat, le commandement du

4 Groupe tactique de Foca a désigné les réalisateurs de certaines tâches,

5 qui n'avaient rien à voir avec les personnes civiles qui étaient engagées

6 pour l'accomplissement de certaines tâches au sein de ce KP Dom. Il

7 découle, de ce fait-là, qu'il y a un dédoublement du fonctionnement du KP

8 Dom. Cet élément de preuve -en une phrase- avance le fait qu'on a loué aux

9 autorités militaires, que ces autorités militaires désignaient les

10 exécutants de telle ou telle tâche; et en se référant à d'autres éléments

11 de preuve, il s'avérera qu'il s'agit précisément de gardiens qui assurent

12 le gardiennage des détenus -chose qu'il importe de dire pour le système de

13 responsabilité-, et ces militaires-là n'avaient rien à voir avec les

14 personnes civiles qui étaient engagées pour l'accomplissement de certaines

15 tâches au sein du KP Dom. Le rapport en question indique donc qu'en plus

16 de ces militaires, il y a des civils qui accomplissent certaines tâches,

17 mais qui n'ont rien à voir avec les premiers.

18 Nous estimons que cet élément de preuve est absolument suffisant et apte à

19 nous indiquer qu'il y a une dualité de l'aspect du fonctionnement du KP

20 Dom, tel que cela a été souligné par l'accusé au début du procès et tel

21 que l'affirment les autres éléments de preuves qui illustrent cet état de

22 fait.

23 Aux fins d'appuyer, d'étayer cette constatation ou plutôt cette

24 constatation de la défense -et j'ajouterai que c'est là une réponse

25 également à la question qui a été posée hier pour ce qui est de la

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1 valorisation, de la valeur de la pièce à conviction D85 avancée par la

2 défense- cette pièce D85 constitue un rapport du directeur, à savoir de

3 l'accusé Milorad Krnojelac, à ses supérieurs au ministère de la Justice.

4 Il s'agit donc des tâches, d'un rapport concernant les tâches qui ont été

5 réalisées. Il convient donc de constater que cela nous permet de

6 déterminer sans équivoque quels sont les devoirs, quelle est l'autorité

7 positive que l'accusé avait exercés.

8 On peut voir donc, partant de la teneur de ces documents, que le

9 directeur, à savoir l'accusé qui a signé le rapport en question, fait une

10 distinction entre les employés du KP Dom -qui sont cités d'abord au

11 rapport, chose qui a été confirmée par les témoignages d'un grand nombre

12 de témoins, même ceux qui ont été présentés et cités à comparaître par

13 l'accusation-, il était déterminé donc que quelque 27 personnes du groupe

14 ethnique serbe et musulman continuent à séjourner à l'intérieur du KP Dom

15 en leur qualité de personnes qui se sont trouvées là en train de purger

16 leur peine et qui n'ont pas profité de l'occasion de l'éclatement des

17 conflits pour quitter le KP Dom, pour s'en aller de là-bas. Par

18 conséquent, il est 27 personnes qui sont en train de purger leur peine, et

19 c'est la raison pour laquelle l'établissement a été mis sur pied. Cela

20 avait été un établissement correctionnel où des personnes condamnées

21 étaient présentes pour purger leur peine.

22 Donc, là aussi, nous voyons qu'il y a un certain nombre de personnes qui,

23 de façons régulières, sont chapeautées par le ministère de la Justice.

24 Dans son interview, l'accusé l'indique, et bon nombre d'autres éléments de

25 preuve l'indiquent également, qu'il était compétent, qu'il avait des

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1 attributions pour ces personnes-là qui étaient chapeautées par le

2 ministère de la Justice. Et précisément, le rapport auquel se réfère la

3 défense indique bien le fait que l'accusé a des compétences à ce niveau-

4 là. Et les autres personnes, les autres détenus du groupe ethnique

5 musulman font partie des attributions, des autorités militaires du

6 commandement militaire. Cette affirmation est étayée par un autre nombre

7 d'éléments de preuve que je ne vais pas citer dans le détail, compte tenu

8 du temps qui est mis à ma disposition, mais tout est cité dans les

9 écritures en appel de la défense.

10 En sus de ce courrier à l'intention du ministère de la Justice qui nous

11 permet de voir quelles sont les personnes pour lesquelles l'accusé

12 Krnojelac a des attributions, il est permis de voir ou cela nous permet de

13 voir quel est l'autre segment de ses attributions, de ses compétences et

14 qui est, lui, afférent au soin à apporter quant aux biens de ce KP Dom qui

15 sont la propriété du ministère de la Justice. C'est ce deuxième segment de

16 ses attributions qui consiste à veiller sur les biens et les personnes qui

17 travaillent au sein de ce KP Dom; il convient donc de le préciser pour la

18 détermination de la peine. Il convenait donc, pour lui, de veiller à

19 sauvegarder la propriété du ministère de la Justice dont il est l'employé.

20 Il a été déterminé sans équivoque aucune qu'avant l'éclatement des

21 conflits dans le secteur de Foca, ce KP Dom disposait d'une unité

22 économique qui s'appelait "Drina". Cette unité économique avait constitué

23 un élément ou un intervenant économique de taille dans la région

24 concernée; et ce, même en temps de paix. Nous verrons, partant des

25 éléments de preuves nombreux avancés, que l'une des tâches de l'accusé

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1 Krnojelac consistait à sauvegarder cette unité économique, à réparer les

2 dégâts occasionnés lors des bombardements de ce KPD, et la préservation de

3 cette unité économique de "Drina" qui était le seul intervenant productif,

4 qui, en ces temps de conflit armé, était à même de permettre d'alimenter,

5 de nourrir, d'approvisionner en vivres les détenus et les habitants de

6 cette région.

7 Lorsque nous aurons analysé ce rapport, on verra bien que les personnes

8 mises en détention ou les personnes qui étaient là pour purger leur peine

9 se trouvaient pour la plupart dans le cadre de la ferme économique et des

10 exploitations économiques; c'est-à-dire pas dans l'enceinte du KP Dom,

11 mais dans le cadre de ces exploitations. Or, en tant que personne nommée

12 par le ministère de la Justice, l'accusé a été responsable de cette

13 exploitation. Le rapport permet de voir clairement que, dans l'enceinte,

14 demeurent six personnes parfaitement problématiques qui avaient été déjà

15 jugées, qui, pour des délits –alcoolisme, toxicomanie et autres choses- ne

16 pouvaient pas être dans le cadre de la ferme, dans le cadre de

17 l'exploitation.

18 Est-il normal de voir qu'en temps de guerre, en temps de dénuement

19 général, l'accusé se voit obligé d'organiser une partie, un secteur à part

20 du KP Dom à l'intention de ces six personnes qui sont, d'une façon ou

21 d'une autre, là pour purger leur peine? Il était tout à fait logique de

22 voir ces six personnes installées dans le cadre de l'enceinte du KP Dom

23 sous contrôle de l'armée. Etant donné qu'il n'y avait pas un service de

24 sécurité particulier qui s'en occupait, il n'y avait pas une cuisine

25 spéciale à leur intention. Parce que pour délit d'alcoolisme et de

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1 toxicomanie, ils se trouvaient là. Voilà d'où vient la confusion peut-être

2 -avec tout le respect que nous avons pour la Chambre de première instance-

3 lorsqu'on disait toujours qu'il y avait un service unique de sécurité.

4 Or grâce aux dépositions faites par des gardes en question, membres de ces

5 services, nous avons pu prouver que c'est l'armée qui a envoyé tous les

6 gens au KP Dom pour purger leur peine. Or dans l'une de ces parties, le

7 Jugement de la Chambre de première instance en parle, c'est-à-dire parmi

8 ces gens-là il y avait des gens dont la fonction se trouvait mixte:

9 pendant un certain temps, ils devaient se faire gardes au KP Dom et

10 pendant une autre période de temps ils devaient se rendre sur le front de

11 la défense.

12 C'est une bonne position bien fondée de la défense, lorsque nous disons

13 que ces gens-là ne relevaient pas de la compétence du ministère de la

14 Justice, et par conséquent ne concernent guère la personne accusée ici.

15 Avec cela, le conseil de la défense a offert d'autres pièces à conviction

16 additionnelles pour corroborer ce qui vient d'être dit, à savoir un

17 courrier par lequel on demande au comité exécutif du matériel de

18 couverture de la toiture et d'autres matériels. Voilà tout ce qui prouve

19 comment se présentaient les attributions de l'accusé, ce dont il

20 s'occupait en temps de travail qui était le sien, pendant les horaires de

21 travail qui étaient les siens, de 7 heures du matin à 15 heures. Soit

22 horaire de travail pour un directeur et non pas horaire de travail d'un

23 commandant ou de quelqu'un qui, en temps de guerre, devait s'occuper de

24 ces Musulmans mis en détention. Voilà ce qui prouve, encore une fois,

25 l'inadmissibilité d'une telle attitude de la Chambre de première instance.

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1 Le conseil de la défense fait entrer dans ces pièces à conviction une

2 bonne quantité de feuilles de route et de mandats de voyage signés par

3 Krnojelac, en qualité de directeur de cette ferme, de cette exploitation,

4 où, entre autres, nous voyons la description des missions à accomplir et

5 ce dont devait s'occuper l'accusé. Voilà la raison de tous ces nombreux

6 voyages qui ont été les siens également. Car, de concert avec les autres

7 pièces à conviction, en voilà une pièce à conviction qui traite de

8 l'attribution qui était la sienne, en sa qualité de directeur.

9 Lorsque toutes ces pièces à conviction sont mises en parallèle, en

10 corrélation avec le Jugement porté par la Chambre de première instance,

11 qui dit que la structure n'a pas à être changée et que par conséquent le

12 directeur a été compétent; eh bien, quant à nous, nous considérons qu'une

13 telle conclusion n'aurait pas dû être prise de façon tout à fait

14 raisonnable par une Chambre de première instance.

15 Ces mandats de voyage et feuilles de route, que le conseil de la défense

16 fait entrer dans le lot de ses pièces à conviction, traitent de

17 différentes périodes, pour parler des activités de Milorad Krnojelac et de

18 la fonction remplie par lui au KP Dom.

19 En annexe, le conseil de la défense se réfère à la pièce à conviction à

20 charge P3, où nous lisons une liste de personnes ayant à remplir une

21 obligation de travail au KP Dom, laquelle liste des noms nous permet de

22 voir -chose encore évoquée par des témoins à charge et de nationalité

23 musulmane, personnes qui avaient travaillé au KP Dom- que, jusqu'à

24 l'éclatement des hostilités, le KP Dom avait un directeur en la personne

25 de Miljenko Simovic; il s'agissait de sujet économique "Drina".

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1 Or la pièce à conviction P3 permet de voir qu'à partir du mois d'août

2 1993, à nouveau Radojica Tesovic qui, depuis le mois de mais, devient le

3 directeur de l'unité KP "Drina", se trouve sur place. Or dans cette

4 période-là, depuis l'éclatement des hostilités jusqu'au moment du départ

5 de Milorad Krnojelac du KP Dom, il n'y a pas de directeur de cette unité

6 économique, de cette exploitation économique. Or tous ces mandats et

7 ordres de voyage avec description des missions à remplir, où on parle de

8 directeur de l'unité économique "Drina", nous voyons que tout est clair:

9 soit un nouvel élément de preuve qui permet de prouver que, dans cette

10 période pertinente selon l'Acte d'accusation, Milorad Krnojelac devait

11 accomplir cette catégorie de tâches.

12 Je voulais mettre en relief tout cela parce que cela me semble d'un

13 intérêt absolu -je dirais- et majeur, lorsque nous traitons de tous les

14 chefs d'accusation suivant un certain ordre chronologique ou hiérarchique,

15 et lorsque nous devons voir où on pouvait trouver un moyen corroborant les

16 actions commises par les agents de délit. Or le temps passé au KP Dom par

17 l'accusé nous semble essentiel également lorsque nous voulons traiter de

18 ce qui a été évoqué par le Procureur comme étant des informations

19 alarmantes qui devraient avoir un intérêt tout particulier selon les chefs

20 d'accusation contestés par le conseil de la défense.

21 Donc pour tous ces motifs -et le tout vu dans l'optique d'un conflit de

22 guerre dans le cadre d'une petite localité, dénuée, à tout point de vue

23 appauvrie-, nous devons dire que la structure n'était plus la même et que

24 Milorad Krnojelac, l'accusé ici, à cette époque-là, en tant que directeur,

25 n'avait pas à remplir les mêmes tâches, n'avait pas à exercer les mêmes

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1 attributions que le directeur en temps de paix.

2 Ensuite, il a été dit que, de son plein gré, l'accusé a accepté cette

3 fonction de directeur du KP Dom. Nous avons parlé de la nature des

4 attributions qui étaient les siennes, et nous considérons qu'à cet égard,

5 à l'égard de ce fait-là, la Chambre de première instance a fait une

6 erreur.

7 Concluant ainsi, la Chambre de première instance traite de deux fondements

8 sur lesquels elle se base pour en déduire ainsi.

9 En effet, un premier fondement. Il y avait deux personnes qui avaient

10 refusé cette fonction sans courir aucun risque. Il s'agit de Radojica

11 Tesovic et de Veselin Cancar. Quand nous parlons de ces deux personnes-là,

12 nous considérons que la Chambre de première instance ne saurait se fier

13 sur de tels éléments de preuve. En effet, d'après le document offert par

14 le Procureur, soit la pièce à conviction P3, nous pouvons voir clairement

15 que, depuis le mois de mai, Radojica Tesovic se trouve au KP Dom, mois de

16 mai 1992, lorsque le directeur a été déjà nommé.

17 Et un des témoins à charge permet de voir que Radojica Tesovic part de

18 Foca en direction du Monténégro avec un certain nombre de personnes de

19 nationalité musulmane; c'est-à-dire au temps où on avait déterminé les

20 obligations de travail. Or indubitablement, Radojica Tesovic, cette

21 première personne, ne se trouve plus à Foca.

22 Pour ce qui est de l'autre personne, à savoir nommée Veselin Cancar, la

23 Chambre de première instance, lorsqu'il s'agit de l'aspect bénévole,

24 c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de voir que cette personne refuse

25 d'embrasser cette fonction, eh bien, la Chambre de première instance s'est

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1 fiée à la déclaration faite par cette personne devant la cour cantonale de

2 Sarajevo. Le conseil de la défense se proposait de citer à la barre ce

3 témoin pour le contre-interroger, pour le confronter à cette situation-là

4 notamment; mais cette personne-là n'y a pas consenti, la personne ne

5 voulait pas se faire citer à la barre, étant donné qu'il y a eu une

6 modification au niveau du code de procédure criminel.

7 Or la nouvelle loi en Bosnie, elle, se fonde sur le code criminel de la

8 RSFY. Le conseil de la défense voulait que, d'après la loi nouvellement

9 proclamée, l'accusé puisse avoir la possibilité de se défendre devant le

10 Tribunal; c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'un témoin qui dépose sous la

11 foi du serment. Le conseil de la défense, parlant de cela, n'a pas

12 vraiment offert tout le lot de ces actes juridiques, à savoir ces codes

13 pénaux, etc. Mais je crois que l'essence même de la nature de bénévolat ou

14 de manque de bénévolat doit se voir dans le fait si l'accusé Milorad

15 Krnojelac, en date du 16 avril 1992, savait que Radojica Tesovic devait

16 être là, et Veselin Cancar; les deux ayant refusé la nomination à cette

17 fonction sans encourir aucune conséquence.

18 Bien entendu, ainsi procédant, pouvons-nous conclure et mettre en

19 corrélation la nature de bénévolat qui est la sienne par rapport à ces

20 deux autres personnes? La condition primordiale nous semble être le fait

21 qu'au moment où il a été nommé à cette fonction, il devait savoir ce dont

22 nous parlions.

23 En fin de compte, si on devait mettre en application le principe prôné par

24 le Procureur lorsqu'il traite de la nature du bénévolat, alors, pouvons-

25 nous peut-être embrasser le même argument? A l'appui, le conseil de la

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1 défense se réfère à la pièce à conviction offerte déjà à cet effet-là, à

2 savoir: qui dit obligation de travail, dit une affectation de guerre en

3 temps d'hostilité, en temps de guerre. Affectation de guerre, je pense

4 bien, comme c'est le cas dans la plupart des pays de ce monde, c'est

5 quelque chose qui a force d'obligation, qui est contraignant et qui,

6 évidemment, suppose une sanction au cas où on s'y soustrairait. Dans ce

7 sens-là, le conseil de la défense a offert une pièce à conviction pour

8 prouver qu'il s'agissait d'une obligation de travail, qui n'est autre

9 chose qu'une affectation de guerre dans les circonstances des hostilités,

10 c'est-à-dire des combats qui ont été menés à cette époque-là.

11 De même, mettre en corrélation et faire une espèce de parallélisme entre

12 ces faits-là pour dire qu'en 1993 l'accusé avait réclamé le droit de

13 redevenir enseignant, professeur -chose qu'il a faite toute sa vie-,

14 d'après le conseil de la défense, serait inadmissible. Car on ne saurait

15 faire un parallèle entre le moment où éclatent les hostilités et le moment

16 où une affectation vous a été assignée en 1993, ou comme le Procureur a

17 fait une espèce de décompte pour dire qu'il s'agissait de parler de 15

18 mois postérieurement. Les circonstances avaient bien modifiées et elles

19 n'ont pas été sans influer l'état d'esprit ou la possibilité de réfléchir

20 d'une façon logique si, sans courir un risque quelconque, on pouvait

21 chercher un autre emploi; chose qui avait été demandée par l'accusé, lui,

22 réclamant son droit de redevenir professeur de mathématiques; ce qui,

23 toute sa vie, avait été sa profession.

24 Le fait même que, durant toute sa vie, il avait été professeur de

25 mathématiques nous permet de voir qu'il s'agit d'une personne ayant acquis

Page 221

1 le stage de professeur qu'il a eu, pour être une personne tout à fait

2 valable pour embrasser la fonction de directeur d'une unité économique.

3 Pour ce qui est du moyen sous C), nous considérons que la Chambre de

4 première instance a commis une erreur pour ce qui est de la ligne

5 hiérarchique prévalant au KP Dom. Sans équivoque, indubitablement, il a

6 été prouvé qu'il s'agissait là d'un contrat en vertu duquel il y a eu

7 cession du KP Dom. Peut-être ne s'agit-il pas d'un contrat de type

8 classique, mais il s'agit tout simplement d'un accord, je dirais "bon

9 affide", entre deux parties. Si, suivant une quelconque ligne de

10 commandement ou suivant une ligne hiérarchique en corrélation avec des

11 autorités militaires, Milorad Krnojelac devait agir ici, il n'aurait pas

12 été en situation de faire un contrat avec un commandant. Tout simplement,

13 il n'avait qu'à recevoir un ordre suivant lequel il devait remettre sur

14 pied tel ou tel secteur du KP Dom.

15 Par conséquent, le contrat, cet accord entre les deux parties supposent

16 tout simplement un compromis entre les deux parties; il ne s'agit pas de

17 parler de hiérarchie. Voilà ce qui prouve "sui generis" que l'autorité sur

18 les personnes mises en détention au KP Dom se trouvait prise en charge par

19 l'armée. Cet accord qui n'est pas très long, qui n'est pas très

20 volumineux… si on le lit, on peut voir que l'armée a pour obligation

21 d'exploiter les locaux du KP Dom, de veiller sur le bon état et de

22 remettre en bon état les locaux du KP Dom une fois l'exploitation achevée.

23 Ensuite je ré-évoque la pièce à conviction du Procureur P2, suivant

24 laquelle nous pouvons voir que les locaux du KP Dom, c'est-à-dire là où

25 les personnes ont été mises en détention, ont été loué, tout comme la

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1 cuisine et le centre médical. Ce qui n'est pas sans intérêt quand il

2 s'agit de traiter de la culpabilité de l'accusé.

3 Une telle conclusion s'impose, de toute évidence, au conseil de la

4 défense. Faudra-t-il l'appuyer? Voilà pourquoi nous avons offert la pièce

5 à conviction D39 qui pourrait être utilisée par analogie. Il s'agit d'une

6 pièce à conviction qui constitue un rapport sur les prisons au sein du

7 ministère de la Justice de la Republika Srpska, où il a été dit que dans

8 la prison de district de Doboj la situation qui prévalait était presque

9 identique. Car, dans le rapport dressé par le ministère de la Justice, il

10 a été dit que la prison de district de Doboj a été cédée à l'armée en vue

11 d'y installer des prisonniers de guerre, mention faite que la sécurisation

12 de cette partie de la prison devrait être prise en charge par l'armée.

13 Voilà donc, dans et parmi les pièces à conviction, le rapport du ministère

14 de la Justice que nous avons offert qui, cette fois-ci, concernait une

15 prison dans le nord du territoire de la Bosnie, Doboj. Il s'agissait de

16 traiter d'un établissement du même genre et/ou suivant les mêmes

17 principes. Des locaux de ce KP Dom ont été loués pratiquement à l'armée,

18 l'armée étant obligée de sécuriser les locaux.

19 Maintenant, pour faire économie de temps et puis pour faire ressortir tout

20 l'intérêt de ce point de fait, je voudrais tout simplement aborder la

21 déposition de l'un des témoins à charge, laquelle prouve indubitablement,

22 de façon limpide, qu'outre ce que nous avons dit parlant de droit de jure,

23 nous avons pu également traiter de l'autorité mise en place et cela de

24 fait, qui avait cette autorité de fait au KP Dom.

25 Or le témoin FWS-86, témoin à charge, dans sa déposition devant le

Page 223

1 Tribunal dit comme suit: "De fait, l'autorité sur les personnes mises en

2 détention a été exécutée par un groupe militaire représenté par des gens

3 d'Uzice, du Bataillon d'Uzice et plus tard de la Compagnie de Livade."

4 Donc le témoin FWS-86 dit que dès le début même de l'éclatement du

5 conflit, au moment où il a été emmené au KP Dom, jusqu'à la venue de

6 Milorad Krnojelac, il avait demandé la permission de sortir du KP Dom.

7 Or, ce qui découle de la déposition de ce témoin; ce qui est le point fort

8 de cette déposition, c'est que Milorad Krnojelac ne pouvait pas trancher

9 sur cette question. Il devait en demander la permission, pour y être

10 autorisé, au commandement militaire. Or, la condition à tout cela était de

11 voir Milorad Krnojelac suivi, escorté par son propre fils.

12 Voilà de quoi parle cette déposition de ce témoin à charge. Car, si nous

13 sommes d'accord pour dire qu'en temps de paix le directeur n'a pas

14 toujours cette attribution pour mettre en détention ou relâcher, d'une

15 manière ou d'une autre, avait-il eu la possibilité ou la permission de

16 permettre à tel ou tel détenu de partir pour telle ou telle destination?

17 A l'appui, nous apportons une autre déposition du témoin à charge. Il

18 s'agit du directeur de la compagnie "Maglic", Dzevad Lojo de nom et de

19 prénom, qui de façon sans équivoque a dit -mot à mot- étant donné qu'il

20 avait connu l'accusé avant la guerre, il dit avoir demandé la permission

21 de le rencontrer. Un soldat l'y a emmené, au lieu de cette rencontre.

22 Après quoi, nous voyons que lors de cette conversation, en uniforme de

23 camouflage, ce même soldat entrait et sortait pour interrompre les deux

24 interlocuteurs, en leur précisant que cette conversation n'a pas été

25 permise et qu'elle devait être arrêtée le plus tôt possible.

Page 224

1 Or la question qui se pose maintenant est de voir quel est ce directeur

2 qui en temps de paix, ayant les compétences qui sont les siennes, aurait

3 pu ou peut supposer une telle situation, à savoir: voir un soldat, un

4 garde en uniforme de camouflage entrer chez le directeur pour dire que

5 cette conversation était telle que et qu'elle devait être arrêtée le plus

6 tôt possible. Etant donné… Les attributions qui sont celles d'un directeur

7 en temps de paix supposent que si, déjà, il ne peut pas mettre en

8 détention pas plus que relâcher les personnes qui s'y trouvent, il aurait

9 pu au moins parler avec qui il voulait parler.

10 Est-ce que vous pouvez imaginer une situation où un quelconque soldat

11 pourrait venir chez le directeur, lui dire que cette conversation n'a pas

12 été permise et qu'il devait l'interrompre la conversation, etc.? Voici

13 donc une preuve directe du fait de l'absence de l'autorité de fait de

14 Milorad Krnojelac. Et je crois que nous n'avons guère besoin d'autres

15 éléments de preuve à l'appui.

16 Par conséquent, pour ce qui est de la hiérarchie, la Chambre de première

17 instance a conclu, à titre erronée, que le chef des gardes, Mitar Rasevic,

18 et l'adjoint du directeur, Savo Todovic, continuaient à être responsables

19 devant le directeur, et que le directeur exerçait les attributions qui lui

20 permettaient d'entreprendre des mesures disciplinaires à l'égard de ses

21 subordonnés qui ne se comportaient pas de façon appropriée à l'égard des

22 détenus.

23 A ce sujet, la défense souhaite attirer votre attention sur la pièce à

24 conviction de l'accusation P3 qui, suite peut-être à une erreur de la

25 Chambre de première instance, a omis de faire comprendre que Savo Todovic

Page 225

1 est devenu adjoint du directeur chargé des questions juridiques et

2 financières à compter du mois d'août 1993. Partant donc de cet élément de

3 preuve-là, il apparaît clairement qu'il a exercé des fonctions d'adjoint

4 ou de suppléant, mais à compter du mois d'août 1993 seulement. Et ceci,

5 nonobstant le fait qu'il séjourne là depuis mai 1992.

6 Dans le rapport qui a été présenté par le Bureau du Procureur, il apparaît

7 clairement que l'on ignore ses fonctions jusqu'en août 1993; on constate

8 seulement qu'il a séjourné au KP Dom. Mais il devient suppléant du

9 directeur en août 1993, date à laquelle Milorad Krnojelac, lui, quitte le

10 KP Dom.

11 Lorsque cet élément de preuve matériel, à savoir ce rapport comportant des

12 renseignements sur les personnes travaillant au sein du KP Dom, et mis en

13 parallèle, parce qu'il est comparé à ce qu'a dit le témoin entendu ici, à

14 savoir M. Dolas, qui, de façon implicite et explicite, parle de ses

15 connaissances directes, de ses connaissances de première main sur ce qu'il

16 avait fait en travaillant dans le commandement du corps d'armée de

17 l'Herzégovine, sur ce qu'il avait vu de ses yeux lui-même…

18 Ce témoin de première main nous dit que Savo Todovic lui-même lui a dit,

19 en une occasion, qu'il était commandant pour ce qui est des détenus du

20 groupe ethnique musulman séjournant ou incarcérés au KP Dom. Ce témoin,

21 Dolas Radomir dit qu'en travaillant dans le département chargé du

22 personnel auprès du commandement de la Brigade de Foca, il a trouvé et a

23 vu un document montrant clairement le fait que le général Paprica, à

24 savoir le commandant de la Brigade, avait envoyé…

25 M. le Président: Je voudrais seulement vous rappeler que nous ne refaisons

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1 pas le procès ici! Nous en sommes bien d'accord. Ne re-plaidez pas ce qui

2 a déjà été plaidé devant la Chambre. Il faut plaider le caractère

3 éventuellement déraisonnable de certaines conclusions. Je reconnais que la

4 frontière est très sensible. Mais je vous demande d'y faire très

5 attention, la Chambre y est très sensible. C'est la raison pour laquelle

6 j'ai rappelé hier les conditions de droit qui encadrent les travaux d'une

7 Chambre d'appel qui n'est pas une Chambre d'instance. Voilà. Merci.

8 M. Bakrac (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je m'excuse. En

9 effet, je voulais juste rapprocher certains faits de la Chambre en

10 présentant les éléments de preuve matériels présentés par la défense à

11 l'occasion du procès. Je m'efforcerai de l'éviter à l'avenir.

12 Parlant de ces éléments de preuve, comme nous l'avons déjà dit dans nos

13 écritures en appel, nous estimons que l'accusé n'a pas exercé d'autorité

14 factuelle et même pas d'autorité de jure. C'est la raison pour laquelle

15 nous estimons qu'il a été présenté à tort comme étant le supérieur

16 hiérarchique pour ce qui est des personnes détenues au sein du KP Dom, y

17 compris les gardiens de la prison.

18 La défense tient à rappeler, et je ne me propose pas d'analyser cela

19 précisément en raison de l'observation qui vient de m'être faite par M. le

20 Président de la Chambre, je dirai seulement que la défense a présenté un

21 grand nombre d'éléments de preuve illustrant que les listes de détenus

22 pour les échanges signées par Marko Kovac, le commandant, déterminaient

23 qui serait relâché et qui serait échangé. Donc il y avait des ordres de

24 libération qui étaient signés par le commandant du groupe tactique.

25 Nous avons donc présenté des éléments de preuve disant que ce même

Page 227

1 commandant du groupe tactique donnait des autorisations pour ce qui est

2 des visites à effectuer au centre de détention. Il n'y a donc aucun

3 élément de preuve déterminant ou prouvant qu'il y avait des ingérences,

4 des attributions, un pouvoir réel exercé par Milorad Krnojelac à l'égard

5 de ces personnes du groupe ethnique musulman. Il n'y a pas un seul élément

6 de preuve illustrant un contrôle effectif ou pouvoir effectif le

7 concernant pour ce qui était de faire quoi que ce soit en ce sens.

8 Lorsque nous parlons d'autorité factuelle et formelle, pour ce qui est de

9 Milorad Krnojelac au sein du KP Dom, je pense nécessairement -je tiens à

10 dire d'avance que je n'y reviendrai pas, je vais juste faire un

11 commentaire qui serait le mien au sujet de ce que nous estimons avoir

12 démontré de façon étoffée à l'occasion de la rédaction de nos écritures en

13 appel-, à savoir qu'un grand nombre de témoins du groupe ethnique musulman

14 qui ont été détenus au KP Dom et qui ont été cités à la barre par le

15 Procureur, partant de leurs observations immédiates, de leurs impressions

16 directes, s'étaient servis d'expressions pour traduire les impressions qui

17 étaient les leur partant de tous ces faits; et ils ont affirmé que Milorad

18 était directeur sur papier ou que Milorad Krnojelac était de facto, mais

19 que l'autorité, le commandement étaient assurés par Savo Todovic, à savoir

20 par le commandement militaire.

21 Je me reprends: je voulais dire "de jure" et pas "de facto", tout à

22 l'heure. Donc que le commandement, ces fonctions étaient assurées à titre

23 de jure et que le commandement et l'autorité de facto étaient assurés par

24 le militaire.

25 Donc la défense ne conteste pas le fait que Milorad Krnojelac ait eu le

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1 titre ou l'appellation de "directeur", mais cela ne suffit pas pour

2 permettre à l'accusation d'établir qu'il avait exercé un contrôle de fait

3 ou une autorité de fait, s'agissant des prisonniers, des détenus

4 musulmans.

5 Maintenant, pour ce qui est des personnes au sujet desquelles il a été

6 considéré coupable en vertu des dispositions du 7.3 et du 7.1, nous

7 estimons devoir dire qu'il est des éléments de preuve qui devaient être

8 pris en considération par toute Chambre de première instance pour indiquer

9 qu'il n'y avait pas cette supériorité hiérarchique, étant donné les ordres

10 que nous avons pu voir, que ces personnes-là étaient désignées par des

11 autorités militaires et que ces gardiens, ces soldats étaient subordonnés

12 à une autorité militaire. Je ne vais donc pas me référer à tous ces

13 éléments de preuve, que nous avons indiqués de façon suffisamment étoffée

14 dans nos écritures.

15 Ce qui est indicatif, c'est que ces personnes détenues du groupe ethnique

16 musulman, dans le courant du procès, ont souligné elles-mêmes que les

17 informations qui circulaient étaient plutôt maigres et que l'on ne

18 connaissait pas la vraie situation, le vrai état des choses. Mais, partant

19 de leurs observations, ils ont quand même compris que Milorad Krnojelac

20 était un directeur sur papier et que la véritable autorité était exercée

21 par quelqu'un d'autre. Cela devait constituer une information suffisamment

22 alarmante à l'intention de la Chambre de première instance, pour ce qui

23 est de l'établissement ou de la situation de fait d'une façon autre, d'une

24 façon différente.

25 Maintenant, Messieurs les Juges, si vous n'avez pas de questions à

Page 229

1 soulever sur ces segments-là, je me propose d'en terminer par ces dires,

2 et je me référerai, une fois de plus, à nos écritures en appel où tous les

3 éléments de preuves dont j'ai fait état ici sont repris dans le détail.

4 Nous estimons en effet que la totalité de ces éléments de preuve pris à

5 part et pris dans leur totalité ne sauraient nous conduire qu'à une seule

6 conclusion raisonnable, à savoir celle de dire que Milorad Krnojelac

7 n'était pas compétent, n'était pas la personne qui avait des compétences

8 et attributions pour tout ce qui se passait au KP Dom de Foca.

9 Je me propose à présent de passer au moyen d'appel 2, pour ce qui est des

10 écritures en appel de la défense, s'il n'est point nécessaire d'apporter

11 d'autres explications à titres complémentaires.

12 M. Schomburg (interprétation): Je crois comprendre que votre position

13 disant qu'aucune Chambre de première instance ne saurait raisonnablement

14 déduire ou conclure de la responsabilité véritable de Krnoljelac dans ce

15 centre de détention; il n'était que directeur sur papier.

16 Pouvez-vous nous expliquer quelle devrait être la conclusion raisonnable

17 d'une Chambre de première instance qui aurait prononcé cette sentence,

18 partant des éléments de preuve présentés par les deux parties pendant le

19 procès? Quel était donc le rôle réel? Est-ce que vous êtes en train de

20 contester le fait qu'il a passé là-bas 15 mois? Et quel avait été, à votre

21 avis, la tâche qui était la sienne dans le courant de ces 15 mois passés

22 au KP Dom? Et à quoi vous attendriez-vous en guise de conclusion de la

23 part d'une Chambre de première instance, à titre raisonnable?

24 M. Bakrac (interprétation): Messieurs les Juges, avec tout le respect que

25 je vous dois, mon opinion, c'est précisément cette totalité d'éléments de

Page 230

1 preuve qui dit que s'agissant du KP Dom, il y avait notamment des segments

2 qui avaient vaqué à des occupations économiques. Et le KP Dom avait, sous

3 sa juridiction ou sous son autorité, 27 personnes qui étaient en train de

4 purger leur peine.

5 Donc c'est partant de ces éléments de preuve là que ces tâches-là auraient

6 dû être celles qui permettaient de déterminer que le directeur, ici

7 accusé, n'avait pas d'attributions ou d'autorité, s'agissant des

8 personnes, partant des éléments de preuve auxquels nous avons fait

9 référence.

10 Au contraire, les éléments de preuves avancés disent que son obligation

11 première était de gérer cette unité économique, de diriger les activités

12 de cette unité de production qui, même avant l'éclatement des conflits

13 armés, avait été un intervenant économique de taille dans la région de

14 Foca. Donc en sus de la nécessité de veiller au fonctionnement de cette

15 unité économique et à la propriété du KP Dom qui a été confié, au terme du

16 contrat, à l'armée, mais qui était la propriété du ministère…, donc sa

17 tâche avait consisté à veiller à ce qui se passait avec les personnes qui

18 étaient sous l'autorité du ministère de la Justice avant l'éclatement des

19 conflits. Je crois que c'était là la circonscription des tâches qui

20 devaient être celles de l'accusé dans le courant de ces 15 mois. Et tous

21 ces éléments de preuve avancés fournissent un fondement raisonnable qui

22 est à même d'adopter une conclusion de cette nature.

23 M. le Président: Monsieur le Juge Shahabuddeen?

24 M. Shahabuddeen (interprétation): Vous avez dit, en vous penchant sur les

25 éléments de preuve, qu'il serait raisonnable pour une Chambre de première

Page 231

1 instance de conclure que votre client ne disposait pas du pouvoir dont

2 vous avez parlé. Mon éminent confrère, le Juge Schomburg, vous a fait

3 remarquer que telle n'était pas la question. La question n'était pas de

4 savoir si la Chambre de première instance avait eu raison de conclure

5 comme elle l'a fait, mais si une Chambre de première instance aurait pu en

6 conclure autrement.

7 Si l'on examine les éléments de preuve concernant par exemple un soldat

8 qui dirait à un directeur qu'il n'avait pas le droit de s'entretenir avec

9 des détenus et qu'il fallait mettre un terme à cet entretien, on pourrait

10 en déduire que votre client ne bénéficiait pas de cette autorité. Mais

11 est-ce qu'il incombait à la Chambre de première instance d'en conclure

12 autrement?

13 La Chambre de première instance aurait pu conclure que le soldat ne

14 donnait pas un ordre au directeur, en fonction duquel ce directeur devait

15 mettre un terme à la conversation. En fait, le soldat rappelait tout

16 simplement au directeur quelle était la position qui était la sienne. En

17 fait, on aurait pu en conclure ainsi, ou du moins une Chambre de première

18 instance aurait raisonnablement pu conclure ainsi.

19 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

20 avec tout le respect que je vous dois, il s'agit là simplement de la

21 position de la défense et il vous incombe d'apprécier les éléments dont

22 vous disposez. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici réunis.

23 Je pense qu'il serait également illogique et quelque peu inusuel pour un

24 garde de rappeler, d'une certaine manière, à un directeur ce qu'il a fait.

25 Je pense que ceci montre l'absence de tout contrôle réel, de pouvoir réel

Page 232

1 ou de pouvoir hiérarchique réel à l'égard de cette personne, de ce soldat.

2 Et si vous me le permettez, j'aimerais également ajouter que je ne me

3 repose pas uniquement sur une seule pièce à conviction. Bien au contraire,

4 j'ai suggéré que toutes les pièces à conviction soient examinées en

5 association. Et il s'agissait là d'une remarque qui avait été évoquée par

6 l'accusation, selon laquelle une pièce à conviction ne peut pas apporter

7 la preuve de la situation des faits. C'est la raison pour laquelle j'avais

8 demandé à ce que l'on examine l'intégralité des éléments.

9 M. Shahabuddeen (interprétation): Je vous remercie.

10 M. le Président: S'il n'y a pas d'autres questions de mes collègues, je

11 pense que nous pouvons donc passer à l'annonce que vous nous avez faite du

12 deuxième moyen d'appel.

13 M. Bakrac (interprétation): Le deuxième moyen d'appel évoqué par la

14 défense concerne la responsabilité individuelle de l'accusé découlant de

15 l'Article 7.1 du Statut de ce Tribunal pour s'être rendu complice du crime

16 de persécution, à savoir un crime contre l'humanité, à raison

17 d'emprisonnement et d'actes inhumains concernant les conditions de vie.

18 Nous pensons que la Chambre de première instance s'est trompée lorsqu'elle

19 a appliqué la législation et lorsqu'elle a conclu que l'accusé était

20 individuellement responsable, en application de l'Article 7.1, pour avoir

21 aidé et encouragé la persécution qualifiée de "crime contre l'humanité" à

22 raison d'emprisonnement et d'actes inhumains concernant les conditions de

23 vie.

24 Dans son Jugement, la Chambre de première instance a évoqué les conditions

25 de la responsabilité, à la fois au titre de l'Article 7.1 du Statut et de

Page 233

1 la responsabilité individuelle au titre de l'Article 7.3 du Statut. La

2 défense ne tient pas à réitérer les critères qui ont été retenus par la

3 Chambre de première instance dans son Jugement.

4 Nous pensons pour notre part que lorsque la Chambre de première instance a

5 conclu, elle a commis une erreur, étant donné qu'elle a fait reposer son

6 analyse sur un des éléments essentiels de ce crime, à savoir que la

7 Chambre de première instance s'est appuyée sur le fait que l'accusé

8 Krnojelac ainsi que toutes les autres personnes au sein du KP Dom devaient

9 avoir compris que les principaux auteurs de la détention des Musulmans et

10 des autres civils non serbes avaient l'intention d'infliger des actes de

11 discrimination à l'encontre de ces personnes sur une base religieuse ou

12 politique.

13 Toutefois, la défense soulève une objection, à savoir que la Chambre de

14 première instance n'a pas précisé, de façon très claire, que l'accusé

15 avait connaissance du fait que ces actes ont contribué à la perpétration

16 de l'acte criminel. En fait, le critère qui devrait être retenu afin de

17 pouvoir statuer quant à la responsabilité de ce Chef d'accusation, à

18 savoir la complicité, requiert l'existence d'actes ou d'omissions

19 constitutifs d'éléments d'aide ou d'appui à l'auteur de ce crime.

20 La participation et l'implication à tous ces événements, de l'avis de la

21 défense et d'après les critères qui sont appliqués par ce Tribunal, un

22 participant ou un partisan, c'est-à-dire la personne qui aide ou qui

23 encourage, doit exercer une influence importante sur la perpétration du

24 crime. Et sa complicité doit être réelle, effective, pour que le crime ait

25 lieu.

Page 234

1 Par ailleurs, s'agissant de la référence à la mens rea, il importe

2 également que l'on puisse dire qu'il y ait une prise de conscience ou

3 volonté d'accepter que la perpétration du crime aurait pu être une

4 conséquence des actes d'une personne ou des omissions de celle-ci.

5 Nous pensons que ces critères qui permettent de conclure à la complicité,

6 dans le cas de l'accusé, n'ont pas été clairement identifiés et que les

7 conditions permettant de déterminer la responsabilité criminelle au titre

8 de ce Chef n'ont pas été rassemblées. Par conséquent, quels sont les actes

9 et les omissions qui auraient pu avoir une importance au niveau de la

10 personne qui a commis le crime?

11 Outre cela, nous pensons également qu'il est fondamental de déterminer

12 l'intention et la volonté de venir en aide à l'auteur. Nous pensons qu'il

13 est nécessaire pour la Chambre de première instance d'identifier, de façon

14 très claire, les actes ainsi que les omissions de l'accusé qui ont

15 contribué à la perpétration d'un acte criminel pour des raisons

16 discriminatoires. Nous parlons des actes criminels constitutifs de

17 l'emprisonnement.

18 Dans la jurisprudence établie par ce Tribunal, d'aucuns acceptent que,

19 s'agissant de l'intention délictueuse, de la mens rea, un certain état

20 d'esprit de l'accusé…, une prise de conscience de l'accusé doit être

21 démontrée. Si l'on fait référence à la jurisprudence, nous pensons par

22 ailleurs que l'arrêt Kupreskic a montré que le fait d'aider et

23 d'encourager à la perpétration d'un crime constitutif de persécution

24 nécessite la preuve que l'accusé a commis un acte spécifique en vue de

25 commettre ce crime ou pour aider la commission de ce crime. Cet acte doit

Page 235

1 avoir une influence fondamentale sur la perpétration du crime de

2 persécution. Et l'accusé doit, en outre, avoir connaissance et être

3 conscient que ses actes ont contribué à des actes de persécution.

4 Compte tenu de ce moyen d'appel et compte tenu de la responsabilité de

5 l'accusé qui a aidé et encouragé la commission des actes de persécution

6 qualifiés de crime contre l'humanité, la Chambre de première instance n'a

7 pas établi de façon indubitable la responsabilité de l'accusé.

8 Nous pensons, pour notre part, qu'une personne qui a été déclarée comme ne

9 faisant pas preuve d'un pouvoir, d'un état d'esprit discriminatoire, ne

10 peut pas être à la fois un complice d'un acte discriminatoire.

11 Par conséquent, il importe de répondre à une question. La défense estime

12 que le jugement rendu par la Chambre de première instance ne précise pas

13 que l'auteur de ce crime, en l'occurrence Milorad Krnojelac, a influencé

14 de façon significative en précisant quels étaient les actes ou les

15 omissions. Notamment, si nous gardons à l'esprit le fait que la Chambre de

16 première instance a accepté que l'accusé n'a pas participé à l'acte

17 constitutif d'emprisonnement.

18 M. Agius (interprétation): Avant de poursuivre, parce que je crois qu'il

19 faut revenir à la question du Jugement rendu par la Chambre de première

20 instance, je vous renvoie aux paragraphes 318 et 319 de ce Jugement.

21 La Chambre de première instance a établi une distinction très claire entre

22 certains gardiens du KP Dom à propos desquels votre client était

23 responsable, ainsi que les autres gardes qui ne relevaient pas de la

24 structure hiérarchique immédiate et pour lesquels il n'était donc pas

25 responsable.

Page 236

1 Et si l'on examine à présent le paragraphe 318 de ce Jugement, vous

2 verrez, au quatrième alinéa, en chiffres romains, de I à V. On voit qu'il

3 est précisé quelles sont les raisons particulières pour lesquelles la

4 Chambre de première instance a décidé que votre client était responsable

5 d'avoir aidé et encouragé les gardes à propos desquels il était

6 responsable, s'agissant du crime présumé d'emprisonnement.

7 M. Bakrac (interprétation): Monsieur ou Messieurs les Juges, bien entendu

8 que j'ai pris connaissance de ce qui a été constaté par la Chambre de

9 première instance. L'opinion de ce conseil de la défense ici présent,

10 c'est que, partant des critères dont j'ai déjà parlé, ce type de

11 constatations, de l'avis du conseil de la défense, ne sont pas suffisantes

12 pour pouvoir proclamer ou déclarer l'accusé coupable d'avoir aidé et

13 encouragé la perpétration de ce type de crime, précisément pour la raison

14 suivante. Il s'agit, en effet, de délit de "Persécutions" où le mens rea

15 doit être prouvé, l'intention délictueuse doit être prouvée, à savoir que

16 toute personne aidant et encourageant devrait plus ou moins considérer ces

17 actes délictueux comme étant les siens et avoir la même intention

18 discriminatoire que celle de l'auteur. C'est donc l'avis, le modeste et

19 humble avis de ce conseil de la défense que d'estimer que ce que la

20 Chambre de première instance a constaté notamment pour ce qui est du Chef

21 de "Persécutions", cela ne suffit pas pour déclarer que l'accusé se trouve

22 être coupable de ce Chef-là.

23 M. le Président: Poursuivez.

24 M. Bakrac (interprétation): Merci. Je pense que je pourrai en terminer par

25 ceci pour ce qui est de l'exposé des motifs qui sont à l'origine de ce

Page 237

1 moyen d'appel, pour ce qui est des conditions de détention et cet acte de

2 "Persécutions".

3 Pour ce qui est de ces conditions inhumaines, compte tenu des éléments de

4 preuve auxquels nous nous sommes référés, je pense pouvoir dire que la

5 défense a présenté dans ses écritures le rapport d'un expert qui parle de

6 ces conditions générales prévalant à Foca qui se trouvaient être à un

7 niveau très peu élevé.

8 Je m'efforce de ne pas être ironique, je ne veux pas qu'on ait

9 l'impression que je suis en train d'ironiser. Mais s'agissant de toutes

10 les souffrances des victimes, si l'on compare cela avec tous les autres

11 camp de détention, il convient de dire qu'ici il y a eu trois repas de

12 distribués. Cela peut paraître ironique, mais il convient de dire que l'on

13 s'est efforcé de fournir des vivres, d'assurer certains critères

14 d'hygiène. Et nous nous sommes efforcés de démontrer que ces tentatives

15 ont bel et bien été présentes.

16 Je pense que cette conscience de l'intention discriminatoire du point de

17 vue de l'établissement de mauvaises conditions de vie, dans ce segment-là

18 du moins, est difficile à prouver parce que nous sommes d'avis que l'on

19 n'a pas établi de façon inéquivoque pour ce qui est de la nécessité de

20 prouver le mens rea, l'intention délictueuse pour ce qui est des

21 conditions de vie et la culpabilité afférente à l'accusé. Nous ne pensons

22 pas que cela ait été établi de façon inéquivoque.

23 Si vous le permettez, je me permettrai de passer maintenant au troisième

24 moyen d'appel.

25 M. le Président: Monsieur le Juge Shahabuddeen?

Page 238

1 M. Shahabuddeen (interprétation): Maître Bakrac, j'ai examiné avec

2 attention votre proposition selon laquelle une personne qui aide et qui

3 encourage, partage l'intention de l'auteur principal, participe en fait au

4 crime lui-même. Je me demande à quel endroit vous insérez une frontière?

5 Quand faites-vous la distinction entre le complice, "aider and abettor",

6 et l'auteur principal?

7 M. Bakrac (interprétation): Messieurs les Juges, la différence doit être

8 faite certainement, elle doit exister. Quand j'ai parlé de cela, je

9 n'avais pas à l'esprit une conscience, une intention, une volonté du sens

10 où cela signifierait que cet acte doit être considéré comme sien. Mais la

11 défense insiste sur le terme de "'aider et encourager". Si vous apportez

12 votre soutien à quiconque ou si vous aidez quiconque, la supposition doit

13 être la suivante, à savoir que parlant de discrimination vous n'avez pas

14 forcément la même volonté discriminatoire que l'auteur lui-même.

15 Nous estimons qu'une différence existe certainement, mais que le critère

16 de détermination de la responsabilité en vertu de l'Article 7.1 pour ce

17 qui est "d'aider et d'encourager" doit être considéré dans un sens plus

18 restreint, avec des réserves, pour ce qui est de savoir s'il y a ou s'il

19 n'y a pas de position discriminatoire dans la personnalité de la personne

20 qui est censée avoir aidé et encouragé l'auteur.

21 M. Shahabuddeen (interprétation): Je vous remercie.

22 M. le Président: Il vous vous reste cinq minutes encore, Maître Bakrac.

23 Vous voulez qu'on arrête là ou vous pouvez commencer peut-être votre

24 troisième moyen d'appel? C'est comme vous préférez. Peut-être que c'est un

25 peu…

Page 239

1 Je vous propose peut-être de lever la séance et de reprendre dans une

2 demi-heure, d'accord? Merci.

3 (L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 11 heures 04.)

4 M. le Président: L'audience est reprise. Faites entrer l'accusé.

5 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

6 M. le Président: Maître Bakrac, c'est à vous pour une heure. N'est-ce pas,

7 Marianne? C'est une heure? Jusqu'à midi.

8 M. Bakrac (interprétation): Merci, Messieurs les Juges.

9 Je me propose à présent de passer au troisième moyen de l'appel. Et je

10 dirai ce qui suit: étant donné qu'il est bon nombre de points de

11 concordance pour ce qui est des moyens d'appel, j'estime que le temps

12 imparti me permettra d'en terminer avec une présentation concise des

13 positions de la défense.

14 La Chambre de première instance a déterminé la culpabilité pour ce qui est

15 des traitements cruels, pour les conditions de vie imposée, tant pour ce

16 qui est de sa culpabilité en vertu du point 7.1 du Statut que de l'Article

17 7.3 de ce Statut, en sa qualité de supérieur hiérarchique, pour les actes

18 de ses subordonnés au niveau des conditions de vie qui prévalaient. Donc

19 la Chambre de première instance a établi la responsabilité de l'accusé au

20 regard des Articles 7.1 et 7.3.

21 Elle s'est toutefois servie de son droit discrétionnaire pour décider

22 lequel de ces Articles était plus approprié pour ce qui est du placement

23 ou de la définition du contexte. Aussi la Chambre de première instance a-

24 t-elle décidé de le déclarer coupable du fait d'avoir aidé et encouragé,

25 en vertu de l'Article 7.1 du Statut, en précisant que son rôle de

Page 240

1 supérieur hiérarchique à l'égard des personnes qui ont été les

2 réalisateurs directs de ces délits serait considéré comme une circonstance

3 aggravante pour la détermination de la peine à prononcer.

4 Si l'on se réfère maintenant à ce qui constitue norme ou critère pour

5 définir s'il y a ou pas délit pénal ou s'il y a responsabilité en vertu de

6 l'Article 7.1, du point de vue donc de l'aide et de l'encouragement

7 apportés par quiconque, nous estimons que la Chambre de première instance

8 a conclu… s'est fourvoyée lorsqu'elle a conclu de la conscience de

9 l'intention ou de la connaissance de l'intention de ces auteurs. Et en sa

10 qualité de directeur, le fait d'avoir omis de faire quoi que ce soit,

11 conformément à la connaissance qu'il avait de ces intentions, a encouragé

12 les auteurs à commettre ces actes inhumains et ces cruautés. Il aurait

13 donc, de la sorte, encouragé les auteurs à perpétrer et à perpétuer ces

14 conditions de vie difficiles.

15 Je vais donc tenir compte de l'observation qui a été formulée à mon égard

16 pour ce qui était de paraphraser certains éléments de preuve qui ont déjà

17 été présentés à l'occasion du procès en première instance. Je me propose

18 de citer seulement le fait qu'il est des éléments de preuve susceptibles

19 de nous faire conclure que cette constatation de la Chambre de première

20 instance ne s'est pas avérée raisonnable pour ce qui est de la

21 détermination de la responsabilité de l'accusé.

22 Pour ce qui est de ce corps d'éléments de preuve, il est des éléments de

23 preuve qui remettent en question la conscience ou la connaissance de

24 Krnojelac pour ce qui est de l'existence d'une intention, et nous estimons

25 que c'est là un contexte ou des circonstances afférents à la situation sur

Page 241

1 le territoire déterminé.

2 A-t-il, en réalité, été en position d'améliorer ces conditions de vie?

3 Nous ne le pensons pas et nous estimons qu'en omettant de faire quoi que

4 ce soit, il a contribué de façon considérable à la perpétration et à la

5 perpétuation de ces délits. Nous ne pensons pas qu'il ait encouragé les

6 auteurs à perpétuer ces conditions de vie difficiles.

7 Nous voudrions dire qu'à la lumière d'une constatation de cette nature, il

8 est des éléments de preuve soulevés ou présentés par la défense. Nous

9 tenions, en effet, à préciser que les conditions de vie ont été

10 déterminées par le commandement militaire, tant du point de vue de

11 l'hébergement, des conditions d'hébergement, que de l'hygiène ou de

12 l'alimentation des détenus.

13 Ce que je voudrais dire, c'est ce que la défense a avancé au niveau du

14 premier moyen d'appel pour ce qui est des éléments de preuve écrits

15 susceptibles d'appuyer les positions avancées par la défense en ce sens.

16 Il est tout à fait clair, en effet, qu'en plus de la location de la partie

17 où les détenus ont été incarcérés, il convient de préciser que l'armée

18 s'est vu rétrocéder, au terme de ce contrat de location, tant la cuisine

19 que les autres installations, ce qui est notamment visible dans la pièce à

20 conviction P2 qui a été versée au dossier par le Bureau du Procureur.

21 En conséquence, si l'on ne perd pas de vue ces éléments de preuve, si l'on

22 tient compte de la totalité de ces éléments de preuve, la conclusion qui

23 s'impose est celle de dire que la question se pose de savoir ce que

24 l'accusé Krnojelac, dans ces circonstances, dans ces conditions-là, était

25 à même de faire.

Page 242

1 D'après les éléments de preuve que nous avons cités, il n'était pas en

2 mesure d'entreprendre quoi que ce soit, du point de vue des conditions de

3 vie des personnes qui ont séjourné dans la partie du KP Dom qui se

4 trouvait sous les attributions ou la zone de compétence ou de

5 responsabilité de ces autorités ou de ce commandement militaire.

6 Lorsque nous ajoutons à tout ceci les constatations de la Chambre de

7 première instance disant que l'accusé Krnojelac n'avait pas une conscience

8 discriminatoire, en termes pratiques, tout comme un élément de preuve qui

9 a fait partie de la totalité des éléments de preuve et qui concerne

10 l'exploration de la psychologie de M. Krnojelac qui a été donc fournie

11 tant par la défense que par l'accusation et par l'expert, il est facile…,

12 aisément visible, le fait que Krnojelac n'a, dans sa personnalité, aucune

13 intention discriminatoire. Chose qui, à mon avis, devrait servir de

14 prémisse de base pour ce qui est de parler de ce type de crime se fondant

15 sur une crise discrimination raciale, religieuse ou autres. Il n'est donc

16 pas question, concernant son caractère, d'encourager ou d'aider ce type de

17 comportement.

18 Il est visible ou il est évident que, partant de la position qui était

19 celle de Krnojelac au KP Dom, partant des fonctions qu'il a dû accomplir,

20 le fait qu'il n'avait aucune compétence pour ce qui est des conditions de

21 vie -et ceci par le biais de ses contacts avec les intervenants

22 économiques-, il s'est avéré que l'intention qu'il avait de se procurer

23 des vivres, des quantités supplémentaires de vivres. Nous avons là les

24 dires de Bozo Drakul, la pièce à conviction D107, où on peut voir qu'en

25 s'adressant à la Croix-Rouge internationale, Krnojelac fait état de Serbes

Page 243

1 qui sont en train de purger des peines. Il indique qu'il y a également des

2 ressortissants du groupe ethnique musulman. Il avait demandé des paquets

3 ou des colis de vivres supplémentaires.

4 Ces éléments-là devraient donc être à décharge pour ce qui est de sa

5 situation du point de vue pénal. Or, la Chambre de première instance les a

6 traités comme étant un élément de preuve affirmant que l'accusé avait pour

7 fonction et pour devoir de veiller à la partie du KP Dom où des non Serbes

8 se trouvaient être détenus; donc en faveur de la position avancée par les

9 conseils de la défense, pour ce qui est de l'existence ou de l'inexistence

10 d'une intention de l'accusé.

11 Donc, quoique n'ayant pas l'obligation d'intervenir pour améliorer les

12 conditions de vie de ces autres détenus, le témoin Dviljan Lazar a été

13 cité dans les écritures en appel de la défense. Et ce Dviljan Lazar, dans

14 la pièce à conviction 146, parle de tout ce qui concerne dans son journal,

15 il parle de tout ce qui concerne les vivres, l'hygiène pour ce qui est des

16 non Serbes détenus qui s'étaient trouvés sur place.

17 La question qui se pose, c'est de dire qu'au contraire, l'accusé, pour ce

18 qui le concerne, partant de la position qui était la sienne, s'était

19 efforcé de faire quelque chose en dépit du fait que cela n'a pas fait

20 partie de ses attributions; il voulait donc aider. Or il s'avère que cela

21 détériore sa position juridique sur le plan pénal et qu'on affirme qu'il

22 avait des obligations qu'il n'a pas assumées de la façon qui aurait été

23 censée être la bonne pour ce qui est de sa fonction de directeur. Cela

24 pourrait être vrai en temps de paix donc pour une période précédant les

25 conflits armés.

Page 244

1 Si l'on tient compte du fait qu'il y a eu intention de ce type, et compte

2 tenu des éléments de preuves cités auparavant, nous estimons qu'il ne

3 saurait être affirmé, au-delà du doute raisonnable, que Krnojelac était

4 conscient de tout cela, compte tenu notamment des circonstances

5 économiques, compte tenu du fait que l'employé chargé de l'entrepôt met à

6 disposition tout ce qu'il y a comme vivres et moyens d'hygiène,

7 conformément au témoignage d'un témoin; on précise bien que la partie

8 disponible de vivres est mise à disposition.

9 Donc la question qui se pose, c'est de savoir où se situe alors

10 l'intention de l'accusé Krnojelac de rendre possible la perpétration de

11 ces crimes afférents à des conditions de vie inhumaine? Où trouve-t-on

12 qu'il y a acceptation de sa part pour ce qui est de tolérer ces

13 comportements? Quel est son comportement, en substance, qui irait dans le

14 sens, qui encouragerait les auteurs principaux de ces délits pour

15 continuer à perpétrer ce même type de délit?

16 Nous estimons donc que, s'agissant de tous ces éléments de fait, de tous

17 ces éléments de preuve, aucune Chambre de première instance ne saurait

18 raisonnablement conclure à l'existence d'une contribution notable de

19 l'accusé à la détérioration ou au maintien de ces conditions de vie

20 pénibles. Et en ce sens-là, l'accusé, par la manifestation de ce qu'il a

21 fait ou par ce qu'il n'a pas fait -les omissions de faire-, aurait-il ou

22 non aidé et encouragé les auteurs principaux à poursuivre ce type de

23 perpétration, ce type de délit?

24 Je me propose donc maintenant de passer à un moyen suivant de l'appel. Et

25 en ce sens, je résumerai le moyen précédent en disant que la requête de la

Page 245

1 défense consiste à libérer, à réviser la sentence prononcée et à prononcer

2 une décision, une sentence de libération.

3 M. le Président: Simplement, de manière plus générale, Maître, regardez

4 chaque fois quand même bien le Jugement, un peu comme vous y a incité tout

5 à l'heure le Juge Agius. Vous avez vu que, sur ce point-là, votre client a

6 été reconnu coupable comme complice sur 7.1 et une circonstance aggravante

7 de supérieur hiérarchique. Et vous avez à surmonter tous les témoignages

8 et les éléments de fait qui ont été signalés par la Chambre dans de très

9 nombreux paragraphes qui débutent, je crois, dans les paragraphes 140 et

10 quelque du Jugement. Et c'est cela, en fait, le point fondamentalement…

11 Bien sûr que c'est une erreur de fait que vous signalez, mais il y a une

12 double imputation de la part de la Chambre de première instance.

13 Je vous ramène toujours à ce qui est la mission de la Chambre d'appel.

14 J'espère que, dans vos écritures, vous l'avez bien signalé.

15 Merci. Si vous n'avez rien à ajouter, vous pouvez passer… si mes collègues

16 n'ont pas d'observations particulières, vous pouvez passer au point

17 suivant.

18 M. Bakrac (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges.

20 Mais, toujours pour vous dire que j'ai en vue la remarque qui m'a été

21 faite, je voulais tout simplement traiter de la responsabilité telle

22 qu'elle incombe au titre de l'Article 7.3 du Statut, lorsque le conseil de

23 la défense a parlé notamment de cette fiabilité des pièces à conviction

24 offertes.

25 Pour ce qui est du quatrième moyen, nous considérons que la Chambre de

Page 246

1 première instance a commis une erreur lorsqu'elle a reconnu coupable M.

2 Krnojelac au titre de l'Article 7.3 du Statut pour crime de persécutions

3 et surtout sévices, passages à tabac; Chef 1er de l'Acte d'accusation.

4 Nous ne voulons pas maintenant nous lancer dans des redites pour dire

5 combien de temps il a fallu au conseil de la défense pour localiser la

6 position et la fonction de l'accusé lorsque nous avons repéré les erreurs

7 de fait et de droits qui ont été commises.

8 De même, en est-il pour dire maintenant et parler de ce moyen, lorsque

9 nous parlons de la fiabilité avec laquelle on peut traiter M. Krnojelac,

10 l'accusé, comme étant responsable des actes et délits commis par ses

11 subalternes. Alors que, dans la pratique, on s'est rendu compte que ces

12 personnes-là étaient les gardes de cette prison et qui ont pris part

13 directement à la commission de ces délits.

14 Une fois de plus, je souhaite souligner qu'il y a eu là une erreur en

15 matière d'établissement de fait, notamment en ce qui concerne d'établir la

16 nature des compétences qui étaient les siennes, le caractère commandé par

17 la hiérarchie suivant laquelle se trouvaient présents les gardes de la

18 prison.

19 Cela dit, nous renvoyons une fois de plus au moyen n°1 où, avec force

20 arguments, nous avons, grâce à des dépositions faites par des gardes de

21 prison eux-mêmes, fait valoir qu'ils ont été nommés par notamment le

22 commandement militaire et ce dont il était responsable. Par conséquent,

23 tout excès commis par ces gardes-là ne devrait pas être imputé à l'accusé

24 suivant le principe de responsabilité du supérieur ou de commandant

25 supérieur.

Page 247

1 Dans le Jugement rendu par la Chambre de première instance, on voit trois

2 exemples pour parler de fondements, suivants lesquels l'accusé Krnojelac

3 pouvait savoir et aurait dû savoir que de tels délits avaient été commis

4 par les gardes de la prison. Or les gardes de la prison ne pouvaient pas

5 fonctionner suivant la hiérarchie prévue par le ministère de la Justice,

6 ils n'ont donc pas été subordonnés à M. Krnojelac.

7 Voilà la seconde question à soulever: M. Krnojelac disposait-il de

8 suffisamment d'informations alarmantes pour prendre connaissance de la

9 commission des délits, pour pouvoir entreprendre, engager ou mener une

10 enquête pour punir notamment ou sanctionner les auteurs de ces délits?

11 Etant donné la remarque qui m'a été faite tout à l'heure par l'honorable

12 Président de la Chambre d'appel, je ne voudrais pas me répéter pour parler

13 de ce que j'ai dit tout à l'heure. Mais hier, dans son exposé, face à

14 l'Acte d'appel du Procureur, le conseil de la défense a traité déjà de ces

15 trois exemples, lesquels trois exemples la Chambre de première instance

16 avait en vue lorsqu'elle a trouvé, elle a établi que l'accusé Krnojelac

17 avait des raisons de savoir et pouvait et devait savoir que des passages à

18 tabac ont été effectués dans cette prison, dans lesquels les gardes ont

19 pris part notamment. Il s'agit de l'exemple d'Ekrem Zekovic, pour lequel

20 nous avons dit que cet incident a eu lieu notamment vers la fin même du

21 temps que l'accusé avait passé au KP Dom.

22 Avec toutes les remarques et objections que nous avons relevées sous forme

23 écrite dans notre acte d'appel, nous nous référons entre autres au témoin

24 RJ.

25 Plus particulièrement, nous avons voulu savoir s'il y a suffisamment de

Page 248

1 preuves pour que de tels passages à tabac et sévices corporels infligés à

2 des détenus soient faits sur des bases discriminatoires. En outre, ce qui

3 est fort important pour qu'il y ait une responsabilité de ce genre-là,

4 c'est qu'il convient d'établir l'existence d'un contrôle effectif exercé

5 par l'accusé sur ces personnes-là. Par conséquent, nous considérons que le

6 fait ainsi établi par la Chambre de première instance est incorrect. Par

7 conséquent, il faudrait la modifier.

8 Si vous ne voyez pas de nécessité pour fournir d'autres arguments, nous

9 nous proposons de procéder à un autre moyen.

10 M. Shahabuddeen (interprétation): Maître, vous avez parlé de la portée, de

11 l'étendue des pouvoirs dont jouissait l'intimé. Vous avez affirmé que les

12 gardes de la prison avaient été nommés par les autorités militaires et

13 que, par conséquent, ils n'étaient pas subordonnés à votre client.

14 Est-ce que votre client exerçait une fonction quelconque par rapport aux

15 gardes de la prison ou est-ce que les gardes de la prison exerçaient une

16 fonction quelconque par rapport à l'accusé? J'aimerais que vous nous

17 précisiez la situation.

18 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

19 conseil de la défense ne fait que se référer à ce qui existe dans le

20 corpus de faits de cette affaire. Il s'agit de trois ou de quatre gardes

21 qui, au cours de la période pertinente, ont séjourné au KP Dom et qui,

22 devant la Chambre de première instance, ont déclaré avoir été nommés par

23 le commandement militaire du Groupe tactique de Foca; et que c'est du

24 commandement militaire qu'ils recevaient des ordres et que,

25 sporadiquement, de temps en temps, ils montaient la garde au KP Dom et

Page 249

1 que, de temps en temps, ils se rendaient sur les lieux de front.

2 A cet effet, dans cette optique, Mile Matovic, l'un des gardes qui a

3 témoigné, a apporté un document à l'appui, document que le conseil de la

4 défense a incorporé dans ses éléments de preuve.

5 Je m'excuse. Pour ne pas perdre trop de temps, faudrait-il que je me

6 reporte à l'appel présenté ici par écrit pour vous présenter la cote, le

7 numéro de ce document?

8 Lorsque le conseil de la défense a riposté pour dire qu'on ne saurait

9 établir un contrôle effectif quelconque exercé par Krnojelac, le conseil

10 de la défense s'est référé à l'ensemble des éléments de preuve, y compris

11 ceux présentés à charge par le Procureur. C'est-à-dire, nous voulons

12 parler de ceux qui auraient pu voir ou entendre -ce qui n'a pas été le

13 cas- Krnojelac donner des ordres à des gardes au KP Dom. Or, dans

14 l'ensemble, cela représente le fondement sur lequel se base le conseil de

15 la défense pour dire que l'appelant n'avait aucune responsabilité, c'est-

16 à-dire n'était aucunement supérieur aux gardes dont nous parlons.

17 Excusez-moi. Peut-être, pour le compte rendu d'audience, pour vous dire la

18 cote de la pièce à conviction sur laquelle je m'appuyais tout à l'heure?

19 Il s'agit de la pièce à conviction D151.

20 Puis-je continuer, Monsieur le Président, Messieurs les Juges?

21 M. le Président: Vous pouvez continuer.

22 M. Bakrac (interprétation): La Chambre de première instance a fait une

23 erreur lorsqu'elle a reconnu Krnojelac coupable en qualité de supérieur

24 hiérarchique au titre de l'Article 7.3 pour crime contre l'humanité, crime

25 contre les lois et coutumes de la guerre; les deux Chefs d'accusation

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1 concernant les sévices corporels et passages à tabac.

2 Tout comme dans le cadre du moyen d'appel de tout à l'heure, cette fois-

3 ci, le conseil de la défense soulève une objection à l'égard et à

4 l'intention de la Chambre de première instance, lorsque celle-ci se fonde

5 sur trois épisodes de passage à tabac pour lesquels la Chambre était

6 d'avis que l'accusé a pu ou a dû savoir de leur existence lorsqu'il

7 exerçait ses fonctions.

8 Il s'agit d'une objection qui nous a permis de constater que, pour parler

9 de la hiérarchie, du rôle hiérarchique et de la nature de supérieur de

10 l'accusé, lorsqu'il a fallu sanctionner les gardes, nous voulons dire que

11 ces éléments-là ont déjà été mis en relief par le conseil de la défense.

12 Voilà la raison pour laquelle nous ne voulons pas gaspiller le temps qui

13 nous est précieux pour en faire une démonstration nouvelle.

14 A l'appui, il y a encore d'autres pièces à conviction sur la base

15 desquelles la Chambre de première instance a établi des faits comme elle

16 l'a fait. Il s'agit de pièces à conviction qui ont déjà été avancées par

17 le conseil de la défense lorsqu'il a fallu discuter pour savoir si

18 l'accusé avait suffisamment de connaissances et s'il était en capacité de

19 savoir, d'avoir la connaissance de tels passages à tabac, ce qui l'aurait

20 évidemment averti en vue d'une enquête appropriée à mener.

21 Pour ce qui est de sa responsabilité de commandant supérieur, tout ce que

22 nous avons dit sous forme d'objections ou de remarques parlant de la

23 responsabilité de commandement de supérieur, eh bien, nous le reprenons

24 pour souligner seulement qu'il n'y a pas de rapport de subordination, il

25 n'y a pas vraiment de contrôle effectif exercé quelconque à l'encontre de

Page 251

1 telles personnes pour que ces dernières puissent être l'objet d'une

2 enquête ou d'une sanction quelconque, notamment lorsque nous parlons du

3 rôle rempli par Krnojelac.

4 Je veux dire que l'un de ces arguments sur lesquels se fondent la Chambre

5 de première instance en rendant sa sentence, lorsqu'il s'agit du passage à

6 tabac d'Ekrem Zekovic, lequel épisode a eu lieu lorsque l'accusé était

7 survenu là-bas, prouve notamment le fait d'absence de tout contrôle et

8 d'autorité que l'accusé aurait pu avoir.

9 A titre d'exemple, le conseil de la défense a fait entrer dans le corpus

10 de ses éléments de preuve une décision rendue par le ministère de la

11 Justice en vertu de laquelle le 1er mars l'accusé a été révoqué de ses

12 fonctions alors que l'incident a eu lieu notamment en juillet.

13 Nous reprenons ce cas, cet épisode parce qu'il a fallu reprendre le

14 comportement d'un des gardes en face de l'accusé pour voir si ce dernier

15 avait un contrôle effectif quelconque, exercé une qualité de supérieur

16 quelconque, lorsque nous avons en vue la qualité de supérieur du rang qui

17 aurait dû être le sien.

18 Voilà la raison pour laquelle nous considérons que ce fait ainsi établi

19 par la Chambre de première instance n'est pas correct. Par conséquent,

20 l'accusé devait être acquitté des Chefs d'accusation de l'Acte

21 d'accusation, tel que je viens de le présenter.

22 Toujours soucieux d'éviter toute redite pour vous faire part de certains

23 points de vue que j'ai déjà évoqués...

24 M. le Président: Première question: comment surmontez-vous cette

25 contradiction qui consiste pour vous à dire que, sur l'incident d'Ekrem

Page 252

1 Zekovic, votre client n'était plus le directeur; ce qui semble indiquer

2 que quand il est directeur vous admettriez implicitement qu'il a quand

3 même une responsabilité dès lors qu'il est informé?

4 Deuxième question: avait-il un pouvoir d'enquête?

5 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

6 conseil de la défense considère -et telle est sa position- que même quand

7 il était directeur il n'était pas responsable, et cela pour des raisons

8 évoquées par nous.

9 Par cet exemple évoqué tout à l'heure, le conseil de la défense voulait

10 vous apporter un argument additionnel qui corrobore notamment l'idée et la

11 position qui est la nôtre, c'est-à-dire -outre ce que nous avons dit et

12 constaté- qu'il n'a pas été le directeur, qu'il n'a pas été un supérieur,

13 voilà cet exemple de garde qui, lui, pratiquement ne se trouve pas trop

14 concerné si le directeur est là pour faire ce qu'il a fait, pour être

15 éventuellement sanctionné. Nous voulons dire que même avec

16 l'accomplissement de la condition formelle, c'est-à-dire qu'il n'a pas été

17 son supérieur, le directeur n'a pas pu le punir. De fait, le comportement

18 du garde prouve qu'il s'agit d'un état d'esprit, d'un état de conscience

19 de quelqu'un qui n'est pas une personne ayant l'autorité de punir. Et le

20 garde sait fort bien qu'il ne s'agit pas de son supérieur.

21 Cela veut dire, en d'autres termes, que tout nous invite à établir qu'il

22 n'a pas disposé d'instruments nécessaires pour sanctionner ou punir les

23 auteurs de délit.

24 M. Shahabuddeen (interprétation): Maître Bakrac, pour que les choses

25 soient parfaitement claires, votre thèse est la suivante: s'agissant de

Page 253

1 l'entretien qui a eu lieu entre le gardien et votre client, vous dites

2 qu'il n'y avait pas de base réelle à partir de laquelle la Chambre de

3 première instance pourrait conclure dans le sens inverse de votre

4 proposition, à savoir que les éléments de preuve montrent que votre client

5 n'exerçait pas l'autorité et que, par conséquent, aucun Juge des faits

6 n'aurait raisonnablement pu interpréter les faits de façon différente.

7 Ainsi, aucune Chambre de première instance aurait, par exemple, pu dire

8 raisonnablement: "Eh bien, ce soldat, en fait, ne donnait pas des ordres

9 au directeur, il rappelait simplement au directeur quelle était la

10 fonction qu'il occupait". (Fin de citation.)

11 Vous dites qu'aucun juge des faits raisonnable n'aurait pu conclure ainsi.

12 Est-ce que je vous ai bien compris?

13 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Avec tout le respect

14 que je vous dois, permettez une explication, certes, pas de façon isolée.

15 Il s'agit d'un exemple bien sporadique et isolé par rapport à tant

16 d'autres éléments de preuve qu'aucune Chambre de première instance ne

17 saurait prendre tout à fait raisonnablement une telle décision.

18 Je voulais tout simplement combler la mosaïque qui permet de compléter

19 l'attitude du conseil de la défense. C'est-à-dire ces éléments de preuve

20 en corrélation les uns avec les autres nous permettent de conclure que la

21 décision portant responsabilité et existence d'une responsabilité de

22 supérieur hiérarchique n'existe pas pour reconnaître l'accusé coupable.

23 Puis-je poursuivre, Monsieur le Président, Messieurs les Juges?

24 Et le dernier moyen d'appel du conseil de la défense concerne la décision

25 à prendre relative à la peine.

Page 254

1 Je voudrais d'entrée de jeu présenter mes excuses à la Chambre d'appel si,

2 peut-être, il y a une interprétation erronée du droit discrétionnaire de

3 la Chambre d'appel lorsqu'il s'agit de traiter de la décision portant la

4 peine, car il y a lieu de signaler les spécificités des systèmes

5 juridiques. Je veux parler notamment du système qui est le mien et d'où je

6 viens.

7 Voilà donc la raison pour laquelle je m'excuse d'entrée de jeu si, de

8 temps en temps, je sors du cadre des remarques qui sont permises et que

9 l'on pourrait faire à l'adresse de la Chambre de première instance. Mais

10 qu'il me soit permis de le faire, car je crois que ce sont les raisons de

11 l'équité à réserver à l'accusé qui le commandent.

12 Peut-être faudrait-il entendre quelque chose qui va au-delà de la norme,

13 mais que le conseil de la défense considère comme allant en faveur de

14 l'accusé, pour mieux établir le degré de la responsabilité pénale qui est

15 la sienne et établir la participation qui est la sienne au titre de

16 l'Article 7.1, lorsqu'il s'agit de participation ou de complice.

17 Nous considérons que la Chambre de première instance a bien jugé de façon

18 tout à fait pertinente que, lors de la détermination de la peine, la peine

19 doit d'abord correspondre aux circonstances personnelles de l'accusé,

20 deuxièmement, correspondre également à la gravité des crimes qui lui sont

21 reprochés.

22 Pour ce qui est de prendre en compte les circonstances personnelles

23 concernant l'accusé et pour traiter de la détermination de la peine, le

24 conseil de la défense ne considère pas que la Chambre de première instance

25 a contrecarré ou transgressé le droit discrétionnaire qui est le sien, et

Page 255

1 qu'elle n'a pas vraiment pris en compte les circonstances de la vie

2 individuelles de l'accusé. Mais il s'agit de certaines circonstances pour

3 lesquelles le conseil de la défense pense humblement qu'on doit les

4 prendre en considération lors de l'établissement du tableau final de

5 l'accusé et lors de la détermination de la peine. En quel cas, nous

6 trouvons que toutes ces circonstances individuelles n'ont pas été prises

7 en considération par la Chambre de première instance.

8 Nous considérons qu'il est tout à fait juste que la Chambre de première

9 instance, rendant sa décision, ait fait un aperçu de l'âge de M. Krnojelac

10 précisant qu'il a 62 ans; mais nous considérons que la Chambre de première

11 instance, lorsqu'elle voulait mettre en corrélation trois affaires

12 généralement parlant similaires, elle a fait une omission, c'est-à-dire

13 qu'elle n'a pas pris en considération dans chacune de ces trois affaires

14 similaires l'âge de l'accusé, qui me semble être nettement supérieur et

15 plus important par rapport à ces autres personnes qui font l'objet des

16 autres procès.

17 Lorsque nous parlons de circonstances régissant la vie personnelle de

18 l'accusé, nous voulons dire que, parlant de corrélation à faire avec son

19 âge, avec la nature de la famille fort nombreuse -il s'agit de quatre fils

20 dont deux sont invalides, l'un d'eux a perdu une jambe dans ces fâcheuses

21 et malheureuses circonstances de guerre, ensuite parlons de neuf petits-

22 enfants dont l'accusé n'a aucune connaissance et qu'il n'a jamais pu

23 rencontrer ni voir pendant qu'il était en détention-, nous voulons dire

24 que toutes ces circonstances concernant la situation personnelle de

25 l'accusé n'ont pas été prises en compte suffisamment.

Page 256

1 Pour parler de la situation personnelle, le conseil de la défense

2 considère qu'il faudra y faire entrer un fait notoire, certes pas à

3 contestation: à savoir dès le début de son travail de professionnel, il

4 est prof de mathématiques et travaille dans une école élémentaire, et que,

5 au cours de cette période de 15 mois, nous pouvons dire que c'est

6 uniquement au cours de cette période-là, d'après son obligation de travail

7 qui lui a été assignée -telle son affectation de guerre-, qu'il se

8 trouvait là où il se trouvait, sans qu'il y ait eu une exception du genre

9 préalablement dans sa vie professionnelle.

10 Une seconde condition à remplir à cette occasion-là est de voir quel est

11 le poids qu'il convient de conférer au comportement pénal de l'accusé.

12 Nous considérons que la décision rendue ne prend pas suffisamment en

13 considération ce degré de responsabilité et la gravité, le poids qu'a

14 portés le comportement de l'accusé. Le tout pris en considération, la

15 situation personnelle, les circonstances dans lesquelles l'accusé se

16 trouve inculpé, lorsque nous avons notamment toutes les contributions

17 faites par lui, nous considérons que la Chambre de première instance n'a

18 pas su prendre en considération le tout de façon adéquate. Pratiquement,

19 le conseil de la défense n'est pas loin de la conclusion que, pour parler

20 de la gravité du délit de l'accusé, eh bien, ce serait le mot de la

21 Chambre de première instance que l'accusé a plutôt opté pour le

22 comportement de l'autruche lorsqu'il a tout simplement plongé sa tête dans

23 du sable.

24 Le conseil de la défense a voulu dire par là que la Chambre de première

25 instance a bien procédé lorsque, pour parler de la responsabilité pénale

Page 257

1 de l'accusé, elle a dit tout simplement, elle a cru pouvoir dire que

2 l'ensemble de ses comportements aurait pu être contenu par cette seule

3 phrase "il a plongé sa tête dans le sable". Or pour une période de 15

4 mois, pour parler de l'ensemble du corpus d'éléments de preuve, vous ne

5 trouvez pas un seul élément qui vous aurait permis de dire que l'accusé

6 aurait pu regarder de travers un non Serbe ou un Musulman sans dire qu'il

7 aurait été prêt à lui lancer un mot injurieux, etc.

8 Bien au contraire, le corpus des éléments de preuve… ainsi, en témoignage,

9 l'un des témoins à charge qui, lui, ayant même perdu un fils, est venu

10 devant ce Tribunal pour dire que l'accusé avait observé une attitude

11 amicale à l'égard des personnes mises en détention; voilà ce que nous

12 permet le corpus des éléments de preuve.

13 Or, lorsque nous parlons de l'ensemble des comportements dit criminels,

14 sans vouloir en quoi que ce soit minimaliser les victimes ou surtout pas

15 la responsabilité criminelle de l'accusé et à la lumière de la pratique

16 retenue par ce Tribunal, je crois pouvoir dire que ce minimum de

17 participation de l'accusé, lorsque nous parlons de ce geste de l'autruche,

18 c'est-à-dire sans avoir participé au délit même, serait-ce maintenant une

19 occasion où l'accusé aurait commis une omission? Voilà de quoi il est

20 coupable; il faudrait le punir.

21 La décision rendue par la Chambre de première instance lorsque, dans de

22 telles conditions, elle a établi la responsabilité pénale de l'accusé, eh

23 bien, nous la considérons comme inadéquate et de nature à être révisée.

24 Pour ce qui est de la décision rendue sur la peine, la Chambre de première

25 instance s'est servie de son droit pour procéder à des comparaisons

Page 258

1 d'affaires similaires. Le point fort qui en ressort, et repris par le

2 Procureur dans son Acte d'appel, porte la durée de la période pendant

3 laquelle Krnojelac était au KP Dom. Lorsque nous parlons de deux cas

4 similaires, c'est-à-dire de l'affaire Aleksovski et Mucic, il s'agit

5 notamment de parler respectivement de 7 ou de 15 mois, respectivement. Et

6 puis, nous avons un séjour beaucoup plus bref dans l'affaire de Kvocka. Or

7 le fait est que, pour déterminer l'appel, il ne s'agit pas de se référer à

8 la période, à la durée de la période, mais il s'agit de se référer à

9 l'intégralité des activités criminelles qui ont été perpétrées au cours de

10 la période incriminée.

11 Par respect à l'égard des victimes et pour avoir une attitude correcte

12 pour ceux qui ont travaillé dans d'autres affaires, je veux dire que

13 pendant trois mois, dans un autre camp, vous aurez pu vous rendre compte

14 de beaucoup plus de crimes qu'il n'y a en eu dans ce camp-là au cours de

15 la période de sept mois. Il s'agit de la période pertinente, bien entendu.

16 Or je crois même que, s'il y a eu beaucoup plus de crimes qui ont été

17 perpétrés pendant une période moins longue, ceci devrait être aggravant à

18 l'encontre de la personne qui est responsable de la période pertinente.

19 Permettez-moi d'ajouter une toute petite remarque du conseil de la défense

20 pour ce qui est de cette notion de durée. Si quelqu'un, pendant 15 mois de

21 son séjour dans une ambiance de non Serbes, qui se voit discriminé,

22 réussit à ne même pas lancer un regard de travers à qui que ce soit, alors

23 là, cela démontre notamment sa nature non discriminatoire, de sa nature

24 qui est loin d'être approbation de ce qui s'était passé.

25 Et je prie cette Chambre d'appel de prendre en considération, et de façon

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1 appropriée et correcte, ce qui a été évoqué par le Procureur lorsqu'il a

2 fait mention de cette notion de durée de 15 mois.

3 Ce que j'ai dit… Excusez-moi, je voudrais être bien entendu et bien

4 compris. Il s'agit tout simplement d'une tentative du conseil de la

5 défense de vous présenter la position qui est la sienne lorsqu'il s'agit

6 de donner une bonne interprétation de la durée de la période pendant

7 laquelle l'accusé se trouvait au KP Dom.

8 Par conséquent, nous nous en tenons à toutes les propositions faites dans

9 le cadre de notre Acte d'appel.

10 Si la Chambre d'appel trouve qu'il n'y a pas de responsabilité suivant

11 aucun des Chefs d'accusation, l'accusé devrait être acquitté. Et si, bien

12 entendu, la Chambre d'appel a bien établi, à la lumière de ce que nous

13 avons dit, ce qui s'était passé, alors peut-être y aurait-il une

14 atténuation de la peine, sans faire une proposition quelconque portant sur

15 atténuation de la peine, sans proposition aucune considérant qu'une peine

16 atténuée serait plus appropriée.

17 Et voilà. C'était tout ce que le conseil de la défense avait à exposer

18 devant cette Chambre d'appel. A moins que vous n'ayez, Monsieur le

19 Président, Messieurs les Juges, des questions à poser?

20 M. le Président: Des questions? Eh bien, écoutez, je vous remercie, vous

21 avez terminé dans les temps.

22 Les Juges ont décidé que la pause aurait lieu de 12 heures 30 à 14 heures

23 30.

24 Donc, Monsieur le Procureur, pour une demi-heure vous pouvez commencer

25 votre réplique qui durera deux heures environ. Donc vous pouvez commencer

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1 pour la première demi-heure jusqu'à 12 heures 30, où nous ferons le break.

2 (Réplique du Procureur relative aux motifs d'appel de la défense, par M.

3 Staker.)

4 M. Staker (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,

5 Messieurs les Juges.

6 Hier, l'accusation a présenté ses arguments dans son mémoire. Aujourd'hui,

7 nous allons présenter notre réplique.

8 L'accusation se trouve à présent dans une situation un peu étrange

9 puisque, dans le mémoire en appel de la défense, il est fait mention

10 d'aspects concernant le Jugement rendu par la Chambre de première

11 instance, à propos desquels la défense conteste la position adoptée par le

12 Procureur.

13 Hier plus particulièrement, l'accusation a fait valoir que la Chambre de

14 première instance a commis une erreur en jugeant que l'appelant était

15 personnellement responsable de certains crimes en qualité de complice,

16 "aider and abettor", la thèse de l'accusation étant qu'il devrait en fait

17 être jugé coupable de ces crimes en tant que participant à une entreprise

18 criminelle commune.

19 Aujourd'hui, la responsabilité dont il est fait mention dans le mémoire

20 d'appel présenté par la défense, l'accusation prétend que la Chambre de

21 première instance n'a pas commis d'erreur en constatant que l'appelant

22 était un complice, un "aider and abettor"

23 Cette situation n'est pas illogique dans des situations où les deux

24 parties interjettent appel contre le Jugement rendu par une Chambre de

25 première instance. D'une part, dans l'appel présenté par l'accusation, le

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1 Procureur fait valoir que la Chambre de première instance aurait dû aller

2 au-delà de ce qu'elle a fait pour déterminer la responsabilité de

3 l'appelant dans l'entreprise criminelle individuelle. D'autre part, dans

4 le mémoire d'appel de la défense, le Procureur fait valoir qu'il n'a pas

5 commis d'erreur, s'agissant de la portée dont il était question.

6 Si la Chambre d'appel ne retient pas le premier moyen d'appel invoqué par

7 le Procureur, la thèse de celui-ci serait que les condamnations doivent

8 être maintenues, s'agissant de la responsabilité de "aider and abettor",

9 donc de complice.

10 A présent qu'il répond à la défense, le Procureur fait valoir qu'il n'y a

11 pas eu d'erreur à en conclure que l'appelant était en fait un complice. Le

12 Procureur tient à répéter la position qui était la sienne hier.

13 Toutefois, afin d'éviter toute confusion, voire incohérence, la Chambre de

14 première d'appel pourrait peut-être réutiliser les thèses qui ont été

15 présentées dans la partie introductive, s'agissant de la relation qui

16 existe entre l'appel interjeté par le Procureur et la réponse du Procureur

17 au mémoire d'appel de la défense. Il y a un certain chevauchement des

18 arguments qui ont été évoqués dans ces deux appels.

19 Ainsi, par exemple, s'agissant de la responsabilité pénale individuelle au

20 titre de l'Article 7.1 à raison d'emprisonnement et de conditions de vie,

21 l'argument principal évoqué par la défense, dans son deuxième moyen

22 d'appel, est que l'accusation n'a pas pu identifier les actes spécifiques

23 ou les auteurs principaux, et n'a pas pu identifier les actes spécifiques

24 commis par l'appelant qui auraient permis de conclure qu'il avait

25 participé, encouragé les actes commis par les auteurs principaux.

Page 262

1 En réponse générale, je tiens simplement à rappeler la thèse qui était la

2 mienne et que j'ai exposée hier.

3 S'agissant de l'emprisonnement illégal, l'accusation fait valoir que, même

4 dans les cas où on prend en considération les faits tels qu'ils ont été

5 jugés par la Chambre de première instance, il est manifeste -à la lumière

6 du paragraphe 127 de ce Jugement- que la Chambre de première instance a

7 considéré que l'emprisonnement avait été effectué dans le cadre d'une

8 entreprise criminelle commune.

9 Comme je l'ai fait remarquer hier, la Chambre de première instance, dans

10 ce paragraphe, se réfère à une entreprise criminelle commune et à un

11 système illégal. Une autre question qui mérite d'être évoquée, à notre

12 avis, est que l'appelant était un participant dans cette entreprise

13 criminelle commune, qu'il était complice ou qu'il était, comme le fait

14 remarquer la défense… qu'il n'avait, en fait, aucune responsabilité

15 pénale.

16 La Chambre de première instance a jugé qu'il était complice, c'est-à-dire

17 qu'il a aidé et encouragé les auteurs d'une entreprise criminelle commune.

18 L'accusation fait valoir, dans son appel, qu'il était participant à

19 l'entreprise criminelle commune mais, comme je l'ai déjà fait remarquer,

20 nous allons mettre cela de côté pour le moment.

21 S'agissant de l'appel interjeté par la défense, une question qui incombe

22 d'être examinée est de savoir s'il y a lieu de condamner un accusé en

23 qualité de complice d'une entreprise criminelle commune, s'il est à ce

24 moment-là nécessaire d'identifier les actes spécifiques ou les

25 participants spécifiques à cette entreprise que l'accusé a aidés et

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1 encouragés.

2 Dans la deuxième catégorie d'entreprise criminelle commune, cela ne peut

3 pas être le cas. La deuxième catégorie -comme je l'ai fait remarquer- est

4 celle qui concerne les entreprises criminelles communes systématiques dans

5 lesquelles même les participants peuvent ne pas avoir connaissance de ce

6 qu'ont fait les autres.

7 Ce qui est requis est la connaissance du système, d'un plan, d'un dessein

8 ou d'un objectif commun qui vise à traduire les choses dans les faits.

9 La position du Procureur est que l'appelant a contribué, de façon

10 substantielle, au système d'emprisonnement illégal, en agissant dans le

11 cadre d'une prison, et ce, pendant 15 mois, tout en ayant les

12 connaissances requises de l'existence d'un système illégal. Il n'est pas

13 nécessaire, selon l'accusation, de montrer que les actes de l'appelant,

14 d'une certaine façon, ont montré qu'il a aidé et encouragé un gardien

15 d'une prison à commettre un acte qui consiste en des mauvais traitements

16 un jour particulier.

17 S'agissant des conditions inhumaines de vie qui prévalaient au camp, la

18 Chambre de première instance n'a pas pu conclure qu'il y avait entreprise

19 criminelle commune, voire qu'il ait pu conclure dans ce sens. Le

20 paragraphe pertinent est le paragraphe 170.

21 La Chambre de première instance peut également avoir conclu qu'il y avait

22 une entreprise criminelle commune s'agissant des conditions inhumaines de

23 vie qui prévalaient, et a constaté que l'appelant était uniquement un

24 complice à cet égard, un "aider and abettor".

25 Hier, j'ai fait allusion à un certain nombre de paragraphes qui sont

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1 repris dans le Jugement de la Chambre de première instance, dans lesquels

2 les conditions inhumaines étaient le résultat de politique délibérée.

3 Comme je l'ai fait remarquer hier, il est manifeste que les politiques

4 délibérées ont été considérées par la Chambre de première instance comme

5 n'étant pas le résultat d'actes commis par une seule personne ou par un

6 groupe de personnes diverses agissant indépendamment les unes des autres.

7 Une telle politique délibérée ne peut être que le résultat d'un certain

8 nombre de personnes agissant de concert dans le cadre d'une entreprise

9 commune.

10 Toutefois, même si l'on suppose que le Jugement de la Chambre de première

11 instance ne peut pas être lu dans ce sens, dans le sens d'une conclusion,

12 même si l'on suppose qu'il n'y a pas de conclusion qui permette de dire

13 qu'il y a eu une entreprise criminelle commune s'agissant de

14 l'emprisonnement, nous pensons que si les politiques délibérées étaient

15 mises en place de façon systématique, dans le cadre desquelles les auteurs

16 principaux de l'emprisonnement ont imposé des conditions de vie inhumaines

17 à l'égard de détenus, l'appelant, en exécutant ses fonctions en qualité de

18 directeur et en ne prenant pas les mesures nécessaires pour empêcher la

19 commission des crimes, contribuait de façon substantielle aux actes des

20 auteurs principaux en permettant l'application de ces politiques

21 délibérées. On ne peut pas prévaloir un autre argument.

22 De même, à moins que ces personnes aient été emprisonnées, elles n'ont pas

23 pu faire l'objet de politique délibérée de conditions inhumaines.

24 S'agissant des critères requis pour une personne qui aide et encourage,

25 d'aucuns ont fait valoir que, dans la jurisprudence de ce Tribunal, il

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1 n'est pas nécessaire que le complice ait connaissance du crime précis qui

2 était visé et qui a eu lieu, s'il a connaissance du fait qu'un certain

3 nombre de crimes auraient été commis et que ces crimes avaient été commis

4 et qu'il a permis la perpétration de ces crimes et que, par conséquent, il

5 est jugé coupable en tant que personne qui a contribué et facilité.

6 A cet égard, je vous renvoie au Jugement Furundzija, au paragraphe 246; au

7 Jugement Blaskic, paragraphe 27; au Jugement "Tuta" et "Stela", au

8 paragraphe 63; à l'arrêt Tadic, paragraphe 227, sous l'alinéa 2 où l'on a

9 précisé qu'il n'était pas nécessaire d'avoir connaissance de la

10 contribution des complices.

11 Par conséquent, il n'est pas nécessaire, du point de vue de l'accusation,

12 de montrer que les actes de l'appelant ont permis, d'une certaine manière,

13 d'encourager et d'aider un gardien d'une prison à commettre un acte

14 particulier de mauvais traitement à un jour donné.

15 Le Juge Shahabuddeen, lors de la présentation des arguments invoqués par

16 la défense, a posé une question au sujet de la question de savoir si le

17 fait d'avoir aidé et encouragé peut être qualifié de "participation au

18 crime lui-même".

19 Nous avons abordé cette question hier. Je ne répéterai pas la thèse de

20 l'accusation. Je tiens simplement à rappeler une fois de plus notre

21 position, à savoir qu'il y a une différence entre mobile et intention.

22 En fait, une personne qui contribue de façon significative à un événement…

23 qu'il s'agisse, par exemple, d'un système de mauvais traitements et qu'il

24 permette à ce moment-là à la machine d'être lancée, à ce moment-là, on ne

25 peut pas dire qu'il ne souhaite pas que les victimes fassent l'objet de

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1 mauvais traitements.

2 S'agissant des commentaires liminaires, le Procureur voudrait, à présent,

3 revenir sur certains moyens d'appel qui ont été évoqués par la défense.

4 Nous avons, une fois de plus, présenté un ordre de comparution des

5 différents intervenants.

6 Je voudrais, d'abord, inviter la Chambre à demander à mon confrère, M.

7 Carmona, à parler des motifs soulevés par la défense, ainsi qu'une partie

8 du moyen n°3 et du moyen n°4 qui concernent la position de l'appelant en

9 tant que directeur. Il sera ensuite suivi par Mme Rashid qui examinera les

10 moyens 2 et 3, puis par Mme Brady qui examinera les moyens 4 et 5.

11 Ensuite, je conclurai en présentant la thèse de l'accusation au sujet du

12 moyen 6 concernant le prononcé de la peine.

13 J'invite à présent mon confrère, M. Carmona, à prendre la parole.

14 (Réplique du Procureur relative aux moyens d'appel de la défense, par M.

15 Carmona.)

16 M. Carmona (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

17 je me rappelle les instructions que vous nous avez données hier, à savoir

18 la nécessité d'être concis et d'éviter de réitérer des faits qui ont déjà

19 été évoqués. Toutefois, je pense qu'il est pertinent de formuler certaines

20 observations au sujet de certains points qui ont été évoqués par mes

21 confrères.

22 La thèse de l'accusation consisterait à répondre, de façon générale, dans

23 la mesure où elle peut le faire, au sujet des points de différents pour

24 permettre aux Juges de la Chambre d'appel de se forger une opinion.

25 Abstraction faite de cela, il m'incombe de formuler certaines observations

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1 liminaires, à savoir que, comme dans Kupreskic et dans Celebici, il

2 n'incombe pas à la défense de répéter des arguments qui figurent déjà dans

3 les mémoires en clôture sans rajouter des éléments supplémentaires. Sans

4 rajouter, par exemple, qu'il s'agit d'une conclusion déraisonnable et que

5 cette décision déraisonnable s'est traduite par une erreur judiciaire.

6 Parce que, de la sorte, la Chambre d'appel ne peut pas se livrer à sa

7 tâche qui consiste à corriger les jugements et qui se traduirait par une

8 nouvelle procédure si l'on se base sur les nouveaux faits. Par conséquent,

9 je pense qu'il était bon de préciser cela.

10 Par ailleurs, je tiens à signaler que, bien que la défense soit concentrée

11 sur différents éléments de preuve pour étayer sa thèse, l'accusation dans

12 son mémoire a toujours maintenu la position suivante, à savoir que ce qui

13 est nécessaire est une évaluation globale des éléments de preuve et non

14 pas une dissémination, voire un saucissonnage de différents éléments de

15 preuve afin de se livrer à l'exercice de cet appel.

16 Je pense que mon confrère est d'accord avec moi pour dire qu'il est

17 nécessaire de procéder à une évaluation plus globale des faits de

18 l'espèce.

19 Mon intention est, toutefois -lorsque je retiens cette approche globale-

20 de dire qu'il n'incombe pas, ni que le mandat de l'accusation consiste à

21 revoir chaque moyen qui a été invoqué. C'est la raison pour laquelle j'ai

22 dit que nous allions adopter une approche globale, voire, de temps à

23 autre, une approche plus spécifique en fonction de ce qui est nécessaire

24 d'être fait.

25 Je vais commencer par revenir sur certains domaines, certains champs qui

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1 ont été évoqués par mon confrère.

2 Plus particulièrement, nous pensons que la défense n'a pas montré que la

3 Chambre de première instance s'est trompée dans ses conclusions.

4 La défense a indiqué, de façon catégorique, que la position de directeur

5 est essentielle pour apprécier la responsabilité du client. Ce point

6 particulier se situe à l'avant-plan des considérations de la Chambre de

7 première instance. Et au paragraphe 90, à la note 278, la Chambre de

8 première instance a reconnu, dès le début, que la défense attaquait les

9 conclusions qui étaient celles de la Chambre de première instance

10 s'agissant de la position de directeur qui était occupée par l'accusé.

11 Ce faisant, la défense a indiqué qu'elle présenterait des éléments de

12 preuve à l'appui de sa thèse. Je me réfère à ce document plus particulier,

13 parce qu'en fait la défense a essayé de présenter des documents datés du

14 1er janvier 2000, qui émanent du ministère de la Défense; il s'agit en

15 fait d'un certificat dans lequel sont rassemblées des données et qui

16 précise que la seule responsabilité de l'accusé consistait à assurer la

17 protection des biens, la protection des biens ou de la propriété du KP

18 Dom.

19 Ainsi, par exemple, la Chambre de première instance a soulevé la question

20 du poids à accorder, et la défense a précisé qu'ils présenteraient des

21 documents pour illustrer ce point et pour le confirmer. Toutefois, la

22 défense a eu l'occasion de montrer ce certificat, or ce document n'a

23 jamais été versé au dossier ni aucun autre document.

24 Il importe de signaler que la défense, lorsqu'elle a essayé de contre-

25 interroger certains témoins au sujet de ce document, a pu constater qu'en

Page 269

1 fait ce document n'avait pas été versé au dossier. Par ailleurs, la

2 défense n'a pas pu verser certains documents au dossier et a conclu que la

3 position d'autorité et de directeur dépassait le simple cadre d'assurer la

4 protection des biens.

5 Par ailleurs, nous déposons du témoignage de la personne FWS-138 qui était

6 une personne qui jouissait d'une position particulière contrairement à la

7 plupart des détenus, puisqu'en fait il a pu donner des éléments de preuve

8 s'agissant de l'entretien qui était fait au niveau du camp. Et ceci avant

9 même que le conflit n'éclate. Parce qu'en fait, il était gardien du camp

10 avant même que le conflit n'existe. Par conséquent, il était en mesure

11 d'évaluer la structure étant donné qu'il était là auparavant et qu'il

12 était là pendant la période visée.

13 Par conséquent, la Chambre de première instance a accordé un poids

14 important aux observations de ce témoin, compte tenu du fait qu'il a été

15 un ancien gardien. Et en fait, on peut voir cela plus précisément au

16 paragraphe 102 et à la note de bas de page 302 qui parle du rôle joué par

17 l'accusé Krnojelac, s'agissant de sa responsabilité vis-à-vis des

18 gardiens. Il a précisé, de façon très catégorique, au transcript T2030 à

19 T2034 que le gardien avait l'obligation de signaler tous sévices sérieux.

20 Et en fait, lorsque l'on examine ces éléments, il ne faut pas perdre de

21 vue que ces organisations, que ces ministères, qui fonctionnaient à

22 l'extérieur du camp, reposaient sur une structure fluide. Il y avait des

23 relations entre le directeur et son supérieur hiérarchique, à savoir le

24 ministère de la Justice, les ministères de la Défense, de l'Economie, etc.

25 Il ne faut pas, à présent, créer de distinctions artificielles. Lorsqu'on

Page 270

1 examine par exemple dans le journal qu'il était mention de la nomination

2 de Krnojelac en date du 17 juin 1992, il est précisé que le directeur

3 d'une prison est responsable de la gestion interne de la prison et on

4 précise également comment cette structure organisationnelle était

5 volatile. On précise également que la sécurité de la prison est assurée

6 par des employés qui travaillent au sein de l'infrastructure, voire des

7 fonctionnaires du MUP, du ministère de l'Intérieur ou des policiers.

8 Donc en fait, toute la responsabilité de supérieur hiérarchique n'était

9 pas simplement une structure qui se limitait aux gardes eux-mêmes; une

10 fois de plus, ceci en raison de la fluidité qui caractérisait ce système.

11 Et on peut corroborer cela à la lumière du journal du 17 mai 1992.

12 Abstraction faite de ces éléments qui précisent les relations qui

13 existaient entre les différents ministères, il y a également des éléments

14 de preuve qui ont été communiqués par le truchement de plusieurs témoins.

15 Ainsi, par exemple le témoin FWS-214 ou le témoin FWS-139 qui ont indiqué

16 que lorsqu'ils se sont plaints auprès de Mitar Rasevic qui, en fait, était

17 le chef des gardiens, lorsqu'ils parlaient des conditions de vie qui

18 prévalaient dans le camp et plus particulièrement des sévices, il a

19 indiqué de façon très catégorique qu'en fait, il fallait s'adresser

20 directement au directeur à ce propos.

21 Mon éminent confrère a fait allusion à un document, la pièce P2, et a

22 précisé que ce document avait été transmis au ministère de la Justice qui

23 précisait, par exemple, que tout ce qui avait trait à la cuisine ou aux

24 lits des hôpitaux relevait directement du Groupe tactique de Foca. Mais,

25 en fait, ceci prouve que des organisations telles que, par exemple, la

Page 271

1 cuisine, l'hôpital, étaient responsables pour l'ensemble des détenus qui

2 se trouvaient dans le camp et qu'il n'y avait pas de division, de

3 répartition de la responsabilité.

4 Hormis cela, lorsqu'on l'on fait une référence à Zoran Zekovic qui était

5 le nouveau directeur de la prison, qui a pris ses fonctions après

6 Krnojelac à la fin de sa mission vers la fin du mois de juillet 1993… en

7 fait, il a été nommé à cette fonction par le ministère de la Justice; et

8 il fait allusion à Zoran Zekovic qui était une espèce d'assistant

9 juridique. En fait, on peut montrer que ce directeur ne pouvait pas

10 prendre de décisions.

11 Mais ce que montre ce document est, une fois de plus, que Todovic était un

12 subalterne et que Savo Todovic était le subalterne de Krnojelac. Oui, nous

13 avons entendu que Krnojelac n'était qu'un simple fantoche, qu'il n'était

14 pas vraiment un directeur, si je peux utiliser cette expression. Mais la

15 thèse de l'accusation est que le Jugement rendu par la Chambre de première

16 instance était qu'il était un directeur.

17 Dans la pièce D85 présentée par la défense, on mentionnait une fois de

18 plus toutes les tâches qui étaient celles du directeur. Il s'agit d'un

19 document qui parle d'un contrat de location. Dans ce contrat de location,

20 une fois de plus, on soulève un argument. Et l'accusation a répondu à cet

21 argument et ne change pas sa position à cet égard.

22 Par ailleurs, nous avons précisé dans notre déclaration liminaire,

23 s'agissant du mandat qui est confié à la Chambre d'appel…, mon éminent

24 confrère a mentionné six individus, six personnes qui ont été des

25 personnes qui étaient des drogués qui avaient été placés au KP Dom, qui

Page 272

1 ont été placés parmi les non Serbes, etc. C'est la première fois qu'on en

2 parle maintenant dans les écritures en appel; et dans le procès-verbal, il

3 n'est pas du tout question de cela. Mais quand on se penche sur le mémoire

4 en appel, c'est une déclaration en blanc.

5 Dans Kunarac, il a été précisé qu'on ne saurait présenter d'éléments de

6 fait s'il n'y avait d'établissement de corrélation avec les erreurs sur

7 les états de fait. Et ce serait là erroné que de procéder ainsi.

8 Donc, s'agissant maintenant d'un autre élément relatif au rôle et à la

9 position de l'individu, il convient de dire ce qui suit: Krnojelac,

10 d'après sa propre reconnaissance des faits, a affirmé lui-même qu'il avait

11 été directeur et à la fois directeur de cette unité économique "Drina".

12 Si vous témoignez sous serment et si vous catégorisez votre position dans

13 le contexte de deux rôles différents, n'est-ce pas là une situation où

14 vous affirmez avoir une certaine autorité à l'égard de cette unité

15 économique "Drina" et pour ce qui est de la fonction de directeur de la

16 prison?

17 Maintenant, au sujet des gardiens, il a également indiqué que ces gardiens

18 qui étaient chargés de l'unité économique "Drina" devaient également

19 monter la garde auprès des détenus non serbes, et ceci implique un double

20 type de responsabilité. Il y a deux couches de responsabilité ou

21 d'attributions qui auraient été les siennes; d'une part, il se trouvait

22 être directeur de la prison et, d'autre part, gérant de cette unité

23 économique de "Drina".

24 Mais une fois de plus, lorsqu'on se penche sur les arguments avancés par

25 mon éminent confrère, il peut être dit qu'il a mis notamment l'accent sur

Page 273

1 le fait de l'existence d'une masse de documents, de requêtes envoyées par

2 Krnojelac aux différents ministères, notamment au ministère de l'Economie.

3 Mais ce que mon confrère ne fait pas, c'est la chose suivante: il

4 n'apporte pas d'explication pour dire comment, par exemple, se fait-il que

5 vous n'affirmez être qu'un simple gardien de prison sans fonction

6 particulière, mais vous envoyez un courrier à la présidence de guerre où

7 vous affirmez catégoriquement que les mesures de sécurité doivent

8 forcément être améliorées et qu'il doit être placé des mines pour prévenir

9 toute tentative de fuite de la part des détenus. Lorsque vous envoyez ce

10 courrier, c'est là un courrier qui s'enchaîne sur un courrier daté du 1er

11 juin 1992 qui demande également de placer des mines dans certains secteurs

12 du KP Dom. Il l'envoie au ministère de l'Economie et indique qu'il a

13 besoin de 20 tonnes de gasoil pour le fonctionnement de la production et

14 le système de sécurité. Il y a des témoignages d'un nombre important de

15 témoins disant que, si ces mines ont été placées, cela a été fait par des

16 soldats en présence de Krnojelac. Cela a été posé en sa présence.

17 Et cela me fait revenir à un autre point. La Chambre de première instance

18 n'a-t-elle pas pour responsabilité d'articuler toute constatation de fait

19 pour la transposer dans le Jugement qui est le sien?

20 Donc on pourrait s'attendre à ce que cette Chambre de première instance

21 mentionne les faits variés, à savoir les 20 tonnes de gasoil, les

22 courriers rédigés à l'intention du ministère et de la Présidence de guerre

23 pour la pose de mines. En n'est-il pas là un fait qui nous permette de

24 conclure raisonnablement de tout ceci en prenant ces éléments en

25 considération?

Page 274

1 Si nous nous penchons sur la pièce à conviction de la défense 83A et la

2 pièce à conviction de la défense 39A, il est question, là, de la zone

3 d'autorité exercée par l'intéressé ou du secteur de ses attributions.

4 Mon confrère a longuement parlé du fait que Krnojelac passait son temps de

5 travail de 7 heures à 3 heures. Il est des éléments de preuve disant qu'il

6 restait jusqu'à 4 heures, donc de 7 heures à 4 heures. Il a été vu

7 également dans les heures de la soirée. Et on précise qu'il venait au

8 travail chaque jour, vraiment chaque jour. La seule période où il a été

9 absent, où il y a eu anomalie quant à sa présence, c'étaient les périodes

10 où il allait rendre visite à son fils à Belgrade; cela se situe vers le 24

11 juin 1992. Son fils a été gravement blessé et c'est là qu'il s'est absenté

12 pendant quelques jours entre le 2 et le 7 juillet.

13 Dans l'affaire Celebici, l'accusé Mucic, partant de son comportement,

14 avait été absent de la prison pendant plus de temps. Or la Chambre de

15 première instance avait estimé que cela n'était pas pertinent pour ce qui

16 est du concept de l'application de l'Article 7.3 et cela est davantage le

17 cas encore dans l'affaire Krnojelac, si l'on compare les deux éléments et

18 si l'on dit que Mucic a passé sept mois dans cette prison alors que

19 Krnojelac était présent pendant 15 mois. C'est ce qui était présent dans

20 les arguments présentés par l'accusation, et nous les maintenons.

21 Il a également beaucoup été question de la nomination de Krnojelac et de

22 son consentement pour ce qui est de la nomination en question.

23 L'accusation a…

24 M. le Président: Excusez-moi. Le moment est peut-être venu de suspendre

25 notre séance et de la reprendre à 14 heures 30. L'audience est suspendue.

Page 275

1 M. Carmona (interprétation): Merci.

2 (L'audience, suspendue à 12 heures 28, est reprise à 14 heures 48.)

3 M. le Président: L'audience est reprise. Faites entrer l'accusé, s'il vous

4 plaît.

5 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

6 D'abord, c'est la Cour qui est en retard, il faut le dire! Quand ce sont

7 les parties, nous le disons. Donc quand c'est la Cour, nous le disons donc

8 aussi.

9 Bien. Maître Carmona, vous reprenez au banc du Procureur. Je dois vous

10 dire que vous avez une heure. Nous sommes d'accord?

11 M. Carmona (interprétation): Oui.

12 M. le Président: C'est toujours à vous puisque je suis obligé de faire le

13 rappel à l'heure. Mais, allez-y, nous continuons.

14 M. Carmona (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 Permettez-moi de vous rappeler, Messieurs les Juges, que je vais également

16 aborder le motif 3, moyen 2, ainsi que le quatrième motif d'appel qui

17 constitue également le deuxième moyen. Ceci a trait à sa fonction

18 d'autorité en tant que directeur du KP Dom. C'est pratiquement une

19 approche globale que je vais vous présenter s'agissant des questions en

20 litige.

21 Au moment de la pause, j'étais sur le point de mentionner que la Chambre

22 de première instance, d'après l'intimé, avait mis l'accent sur la

23 déposition de Tesovic et de Veselin Cancar, qui devait constituer la base

24 lui permettant de dire que le caractère volontaire de la désignation à ce

25 poste de Krnojelac était quelque chose de volontaire, qu'il n'était donc

Page 276

1 pas question de mettre ceci en cause.

2 Dans nos écritures, dans notre mémoire notamment, nous avons esquissé

3 notre réponse aux arguments présentés par la défense. Nous les maintenons.

4 De surcroît, pour ce qui est de toute la question qui consiste à dire que

5 Krnojelac se sentait menacé par cette désignation, par ce poste qu'il

6 avait reçu, rien ne montre dans sa déposition non plus que le président de

7 l'assemblée de Foca, M. Mladenovic, président du conseil exécutif de la

8 municipalité de Foca, aurait proféré une quelconque menace à son encontre.

9 Pour ce qui est de la problématique posée par la modification de la

10 désignation en 1993, permettez-moi de vous rappeler, Messieurs les Juges

11 de la Chambre d'appel, la teneur du paragraphe 2.42. Je vous renvoie

12 d'ailleurs à la totalité de notre mémoire. Il y avait question en litige

13 pour ce qui est de ce contrat de l'occasion ou de bail qui, apparemment,

14 aurait été passé entre Krnojelac et la structure militaire.

15 A propos de ce contrat, nous dirons que ce n'est pas un contrat ou des

16 conditions contractuelles rigoureuses qui ont été conclues, c'est plutôt

17 une demande faite par une instance et une autre instance qui a accueilli

18 cette requête. Je vous renvoie au paragraphe 2.42 de notre mémoire. Il y

19 est fait mention de cet accord ou de ce contrat. Et là, nous rappelons

20 l'argument que nous avions soutenu à ce propos. Je pense que nous avions

21 suffisamment esquissé tout ceci dans nos écritures.

22 On a beaucoup fait de cas de la capacité qu'avait l'accusé d'avoir un

23 contrôle effectif; paragraphe 2.42. Nous mentionnons les paragraphes 46 et

24 47 du mémoire en appel de la défense, où il est allégué qu'à partir du 17

25 avril 1992 jusqu'à la conclusion officielle de cet accord au mois de mai

Page 277

1 1992, ce sont les militaires qui avaient un exercice factuel du pouvoir

2 sur les détenus musulmans du KP Dom et qu'il y avait des membres du

3 Bataillon d'Uzice -qui ont été remplacés plus tard par la compagnie de

4 Livade- qui avaient une responsabilité.

5 Rappelez-vous qu'il y avait ce témoin au KP Dom qui a dit que l'intimé

6 l'avait autorisé à quitter le KP Dom, mais qu'il avait fallu l'aval du

7 Bataillon d'Uzice, et que ceci devait être obtenu, que cet accord devait

8 être obtenu. Cette déposition est mentionnée expressément dans le Jugement

9 et concorde avec la conclusion de la Chambre qui disait qu'il y avait des

10 ramifications importantes avec la structure militaire, mais que c'était le

11 commandement militaire, le commandant Kovac et pas le ministère qui

12 décidait des détenus qui seraient parmi les non Serbes détenus au KP Dom

13 ou qui en seraient libérés.

14 La Chambre n'a pas pensé que, en tant que directeur temporaire, l'accusé

15 pouvait ordonner la détention ou le relâchement d'autres détenus. Et ceci

16 concorde également avec les moyens de preuve. Il est dit que c'est le

17 ministère de la Justice qui avait le pouvoir sur la poursuite de la

18 détention.

19 Les Juges ont également reconnu que le commandant militaire avait

20 également un certain pouvoir, une certaine influence sur les détenus non

21 serbes. Ce n'est pas comme si Krnojelac était le seul à avoir le pouvoir.

22 C'est du moins ce que les Juges de la Chambre de première instance ont

23 dit.

24 Il est fait expressément mention d'un incident concernant Dzevad Lojo.

25 Pendant qu'il était interrogé par Krnojelac, un garde est arrivé dans la

Page 278

1 pièce et a interrompu l'interrogatoire, disant en fait que Krnojelac

2 prenait trop de temps à interroger cet homme, il fallait en terminer.

3 Nous avons au point 2.44 une autre mention significative. Nous rappelons

4 que la défense ne mentionne pas que ce témoin a déclaré également dans sa

5 déposition que l'intimé a dit à cet homme de cesser de l'interrompre et de

6 laisser l'homme tranquille. Ceci se trouve au compte rendu d'audience 6411

7 jusqu'à ligne 14 de la page T626. La première page étant T624. Rien

8 n'indique qu'on aurait entamé le pouvoir de Krnojelac. Au contraire, il a

9 affiché son contrôle, le pouvoir qu'il avait puisqu'il a dit au garde:

10 "Ecoutez, ne m'interrompez pas", un point c'est tout.

11 Je crois qu'il est utile maintenant d'aborder le concept de contrôle de

12 jure. En effet, l'accusation estime, et c'était d'ailleurs la position

13 adoptée par la Chambre de première instance, que le pouvoir de jure de

14 l'accusé découlait de son poste de directeur du KP Dom. Mais il est

15 important de relever que ce n'est pas la première fois qu'une question est

16 soulevée, s'agissant de l'autorité déléguée ou de facto d'une personne qui

17 est dans un environnement très évolutif.

18 La jurisprudence de ce Tribunal a énoncé toute une série de critères qu'il

19 nous faut voir pour déterminer s'il y a existence d'un contrôle de jure

20 qui aurait été détourné par un contrôle de facto, venant d'une autre

21 source. Ces facteurs sont mentionnés, d'ailleurs, dans divers jugements,

22 notamment dans le Jugement Kunarac, paragraphe 397 et 99, ainsi que dans

23 le Jugement Kordic au paragraphe 418. On parle là des facteurs pertinents

24 pour ce qui est de déterminer qu'il y a contrôle effectif plutôt que

25 contrôle de jure: c'est la capacité de signer des ordres, la teneur des

Page 279

1 ordres, la question de savoir s'ils sont exécutés, la désignation

2 officielle à des postes d'autorité, la position occupée par l'accusé au

3 sein d'organisations et de structures militaires ou politiques, les tâches

4 véritablement exécutées, telle que la personnalité de proue de l'accusé,

5 l'autorité qu'il a sur ses subordonnés et ses devoirs.

6 La question d'une personnalité publique ou pas: rappelons-nous qu'à

7 diverses reprises il a établi des liaisons, des contacts avec le CICR à

8 propos de l'emprisonnement des détenus et de toute la question de la

9 nourriture à donner aux détenus. Ceci mis à part, comprenons qu'il donnait

10 des ordres, certes, qu'il exerçait un pouvoir qui est généralement

11 apparenté à un pouvoir militaire. Il a l'autorité permettant de prendre

12 les mesures idoines mais il y a aussi, en sus de cela, la question de la

13 sanction, de la punition et du pouvoir. C'est important. Aleksovski, dans

14 le Jugement, en parle.

15 Cette question est définie au paragraphe 78. C'est la possibilité de

16 transmettre des rapports aux autorités compétentes. Et il suffit qu'une

17 autorité civile, de par sa voie hiérarchique, soit…, qu'on attende d'elle

18 qu'elle fasse rapport chaque fois que des crimes sont commis et que, du

19 fait de ces mesures, il est probable qu'il y aura des enquêtes et des

20 sanctions imposées.

21 Examinons toute la question des sanctions et du pouvoir. Soyons réalistes!

22 Comment est-ce que ceci fonctionnait? Comme un fonctionnaire, un agent de

23 la fonction publique peut aller voir son ministère ou son ministre, mais

24 ça ne l'empêche pas d'aller voir d'autres ministres que son ministre de

25 tutelle?

Page 280

1 Krnojelac, il a écrit à son ministère, mais il a écrit à la présidence de

2 guerre, il a écrit au ministère des Finances. Il a donc fait plusieurs

3 requêtes et, par conséquent, ces ministères étaient au courant et il

4 aurait pu utiliser ces filières pour relayer ses griefs.

5 Il y avait des passages à tabac en cours. Il a été informé de leur

6 existence par plusieurs détenus. Il était donc en mesure de faire pareil.

7 Il voulait de la nourriture. Qu'est-ce qu'il a fait? Il a envoyé un mémo,

8 tout simplement, au ministère de l'Economie.

9 Il voulait du pétrole ou du carburant à des fins de sécurité. Qu'est-ce

10 qu'il a fait? Il a envoyé une lettre ou un mémo demandant 20 tonnes de

11 carburant.

12 M. Schomburg (interprétation): Excusez-moi, vous êtes en en train

13 d'effleurer une question très importante.

14 Je suppose que l'accusation pense qu'il est indifférent de savoir si

15 l'intervention éventuelle ou la tentative visant à essayer d'intervenir, a

16 la moindre chance d'être couronnée de succès. Même si ces ministres -nous

17 sommes là en théorie- devaient être considérés comme des membres de

18 l'entreprise criminelle commune, qui seraient dès lors responsables des

19 événements qui se sont produits dans ces lieux, et qu'il ne servait à rien

20 de les informer par écrit, parce qu'ils savaient ce qui se passait; à quoi

21 servirait-il d'intervenir par écrit? Est-ce que ceci aurait l'effet

22 préventif prévu par le 7.3?

23 Deuxième question: de l'avis de l'accusation, comment un directeur de

24 prison peut-il punir ces personnes que vous avez mentionnées surtout dans

25 l'Acte d'accusation, mais aussi dans le mémoire préalable au procès?

Page 281

1 J'aimerais avoir votre avis sur cette question.

2 Question sérieuse, par ailleurs, qui est de savoir comment il serait

3 possible de prévenir et de punir? Est-il nécessaire qu'il y ait

4 probabilité ou bonne chance qu'une personne réussisse dans son entreprise,

5 pour autant qu'elle la mette en branle?

6 M. Carmona (interprétation): C'est le conseil principal qui va réagir.

7 M. Staker (interprétation): Monsieur le Juge, de l'avis de l'accusation,

8 il faut chercher la réponse à ces questions dans l'objectif fondamental du

9 droit international humanitaire qui est d'empêcher la commission de tels

10 crimes, et d'y parvenir en tenant des personnes responsables. Et cet

11 objectif serait battu en déroute s'il y avait des mailles du filet par

12 lesquelles des gens peuvent passer pour échapper à leur responsabilité:

13 "Je n'aurais rien pu faire parce que tout le monde participait à ce crime,

14 je n'étais donc pas responsable, moi. Que vouliez-vous que je fasse? Je

15 n'étais qu'un rouage".

16 A notre avis, un commandant doit disposer d'un mécanisme permettant de

17 prévenir et de punir. Si vous êtes commandant, vous donnez des ordres. Il

18 se peut que ces ordres soient désobéis; ça c'est une autre question. Mais

19 le pouvoir de sanctionner et de punir peut être simplement un simple

20 rapport fait à une autre autorité qui va poursuivre l'examen de la

21 question. Mais cette obligation de faire rapport existe toujours. Si un

22 rapport est fait, et si ceux qui reçoivent le rapport ne font rien restent

23 impassibles, à ce moment-là ils seront peut-être responsables également.

24 Mais, en fin de compte –et je pense qu'il existe dans ce Tribunal une

25 jurisprudence dans ce sens-, si un commandant ne fait rien, ce que le

Page 282

1 commandant peut toujours faire c'est sortir, s'extirper de cette

2 situation: un commandant peut toujours démissionner. C'est la même logique

3 que dire que la contrainte n'est pas un moyen de défense lorsqu'il y a

4 menace sur une vie humaine. Tout le monde peut refuser. Si quelqu'un

5 refuse d'être commandant, eh bien, ces crimes ne se commettent pas.

6 M. Schomburg (interprétation): Certes, mais je sais que ces commentaires

7 se passent sur les voies hiérarchiques. Mais y échapper ou s'y soustraire,

8 en disant simplement: "Voilà, je démissionne parce que c'est

9 insupportable, c'est une position intenable", est-ce qu'à votre avis ceci

10 est une justification de non-rapport et de non-sanction? Vous l'avez dit à

11 juste titre, est-ce que ce n'est pas une façon d'échapper, de se

12 soustraire à ses responsabilités?

13 M. Staker (interprétation): Pas à notre avis. C'est un peu comme si on

14 demandait si un commandant est exonéré de sa responsabilité s'il reçoit

15 des informations alarmantes, sans pour autant diligenter d'enquête parce

16 qu'il pense que l'enquête ne donnera rien, parce qu'il sait très bien que

17 les co-auteurs sont très bons à se cacher, à dissimuler les choses.

18 C'est de la spéculation ou de la conjecture que de se demander ce qui se

19 serait passé si cela n'avait pas été le cas. Même si la personne qui

20 reçoit ce rapport -de l'avis de celui qui soumet ce rapport- ne va rien

21 faire, peu importe. Peut-être que ceci se trouve en dehors d'organisation,

22 il y aura peut-être des gens qui pourront exercer une pression sur cette

23 autorité supérieure. On peut se tourner les pouces, ne rien faire.

24 Nonobstant mon obligation légale, parce que j'estime que tout ce que je

25 vais essayer n'aura pas d'effet, donc inutile d'essayer; à notre avis,

Page 283

1 ceci est contraire au principe même du droit international humanitaire.

2 M. Schomburg (interprétation): Je vous remercie de ces explications

3 complémentaires.

4 M. Carmona (interprétation): Je vous remercie. Si l'on examine les

5 pouvoirs dont détient Krnojelac en sa qualité de directeur, on voit qu'il

6 y a certaines choses qui émanent. Nous avons Pavlovic et Krsmanovic, des

7 témoins à décharge, qui disent avoir été transférés de l'unité de l'armée

8 vers le KP Dom parce qu'il y avait les interventions de l'accusé et de

9 Djukanovic. Ceci est un rapport avec la pièce P3, en annexe aux arguments

10 présentés par la défense.

11 Plusieurs documents ont été signés par le directeur, qui illustrent bien

12 la position d'autorité qu'il occupait. Mis à part ces documents qui

13 portaient le tampon de directeur faisant fonction, se sont trouvées des

14 situations où -par exemple, il a demandé des mines antipersonnel; c'est la

15 pièce 445-, l'accusé se plaint du nombre insuffisant de gardes qu'il y a

16 pour surveiller cette population carcérale, de plusieurs personnes. Il y

17 avait des centaines de détenus non serbes. Il dit qu'il y avait eu une

18 tentative d'évasion, et ceci a été confirmé par le témoin à charge 172 qui

19 a dit que, un matin du mois de juin 1992, Mitar Rasevic a dit aux détenus

20 qu'il croyait qu'une évasion se préparait. Ce n'était pas la première fois

21 que l'intimé avait déjà formulé une requête.

22 Voyez qu'il y a en fait une collusion des esprits. Vous avez Rasevic qui

23 dit, de façon tout à fait catégorique: "Oui, je sais qu'il y a un plan

24 d'évasion qui se trame". Et puis, parallèlement, on entend qu'on demande

25 des mines antipersonnel supplémentaires pour essayer d'empêcher de tels

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1 plans d'évasion.

2 Voyons la pièce D39, document considéré comme étant litigieux par la

3 défense. Il s'agit d'une requête, d'une lettre écrite par Krnojelac à

4 propos du déplacement de l'établissement pénitentiaire de Bileca à Foca.

5 Mais qu'est-ce qu'il indique ce document? Il déclare que, pour mettre en

6 oeuvre l'ordre du commandant du Corps de Bosnie-Herzégovine et pour

7 assurer le déplacement des détenus, il faut améliorer la sécurité. Que se

8 passait-il, en fait? Il demande davantage de personnel de sécurité pour le

9 KP Dom.

10 Examinons aussi la pièce P446. Elle montre la portée du pouvoir de jure de

11 Krnojelac sur le KP Dom. C'est un document préparé par Todovic, et signé

12 en 1992… le 23 novembre 1992, par l'accusé, en tant que directeur. Ceci

13 porte sur les listes d'hommes qui pourraient faire leur service militaire,

14 des membres de l'unité du KP Dom de Foca. On parle de 50 noms. Nous avons

15 Mitar Rasevic, Todovic qui sont les noms n°2 et n°3. Ce qui compte c'est

16 que tous les hommes de cette liste sont présentés comme soldats, à

17 l'exception de Krnojelac. Or il est capitaine; c'est dit dans la liste. Un

18 point qui est avancé par le Procureur et qui est accepté, c'est qu'au sein

19 du KP Dom, c'était lui qui avait le grade le plus élevé. Le dossier abonde

20 de moyens de preuve montrant que Krnojelac avait un rôle essentiel faisant

21 partie intégrante du système.

22 Beaucoup de témoins ont parlé de la façon dont il était habillé, dont il

23 se tenait et se comportait. Ils ont dit qu'il a participé à un

24 entraînement, a chargé de tout l'équipement nécessaire. C'est ce que dit

25 le témoin 69; je cite les pages du compte rendu T4130 à 4131. Mais, ceci

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1 mis à part, même pour l'incident concernant le témoin 86 où ce témoin

2 parlait d'une dispute qui avait surgi du fait de l'intervention de

3 Krnojelac quand le Corps d'Uzice a essayé de sortir deux détenus du camp,

4 il est significatif de lire les propos mêmes de ce témoin.

5 Voici notamment ce qu'il a dit -nous sommes en train d'examiner ce que dit

6 le témoin 86, de la page 1469 à 1473-; il dit qu'il a assisté à une

7 dispute entre le commandant du Corps d'Uzice et le directeur à propos du

8 fait d'emmener deux détenus. Le directeur a dit: "Je suis responsable du

9 KP Dom et personne ne sortira quelqu'un du KP Dom tant que je n'aurai pas

10 un bon document en bonne et due forme, signé et estampillé".

11 A part ça, il donne l'autorisation à 86 de quitter le KP Dom pour voir

12 comment se porte son vieil oncle, et il suffit qu'il ait l'accord du

13 commandant du Corps d'Uzice. Il avait la responsabilité suffisante pour

14 nommer son fils comme garde du corps au KP Dom. Quand on voit le rôle de

15 facto de l'intimé, il bénéficiait de pouvoir de jure réel en tant

16 qu'autorité dans le camp, surtout en matière de relâchement de personnes.

17 Vous avez la pièce D67, Ekrem Zekovic. Nous sommes à l'examen de la page

18 du compte rendu d'audience 1984. Le 15 mai 1992, l'accusé envoie une

19 demande à Ekrem, de la cellule de crise de Foca. Le 11 juillet 1992, il

20 écrit à Pasovic et à Sadik Demirovic. Il téléphone à la cellule de crise

21 pour demander la libération de RJ, demande relayée à Fikret Abdic pour la

22 sécurité. Il y a aussi la question des passages à tabac, la tentative

23 d'évasion notamment d'Ekrem Zekovic.

24 Nous avons beaucoup parlé de cela. On a dit que cet incident intervenait à

25 la fin de son mandat de directeur. Mais ceci s'est passé le 9 juillet,

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1 quelque trois semaines avant qu'il ne quitte le camp. Cependant, je dois

2 rappeler à la Chambre que cet incident précis est ultérieur au moment où

3 il est informé de deux morts suspectes dans le camp: la mort de Konjo et

4 la mort de Dzamalija. C'est un fait réel, c'est une question factuelle qui

5 se trouve à un degré plus élevé que le simple fait d'être roué de coups.

6 Ici, on parle de deux morts suspectes, même en 1992. L'histoire concernant

7 Ekrem Zekovic, il la vit, mais plus tard. Même auparavant, il aurait dû

8 être informé de la situation, il aurait dû avoir la responsabilité vu

9 cette application… ou le fait d'être avisé du fait des connaissances qu'il

10 avait de ces passages à tabac, il aurait dû faire ce qu'il devait faire.

11 Ces informations sont surprenantes. Effectivement, il aurait eu le pouvoir

12 de mettre un terme à cette situation. Au moment où le nouveau directeur,

13 Zoran Sekulovic, arrive, fin juillet 1992, le témoin FWS-182 est venu nous

14 dire que les conditions se sont spectaculairement améliorées; le

15 comportement des gardes a tout à fait changé lorsqu'il n'était plus

16 directeur du KP Dom. "Les gardiens étaient beaucoup plus doux", ont dit

17 les témoins. Ceci montre que ce pouvoir, qu'on peut qualifier de

18 "résiduel", qu'il a toujours eu, aurait pu être exercé. Et il a été

19 exercé, d'ailleurs, par le nouveau directeur.

20 Outre cela, nous avons aussi entendu des moyens de preuve qui ont été

21 versés au dossier, montrant qu'il avait des réunions matinales

22 quotidiennes avec les chefs de service. Des détenus l'ont vu se déplacer

23 avec Mitar Rasevic et Todovic dans l'établissement. Un témoin l'a vu

24 déjeuner régulièrement à la cantine avec Savo Todovic et Rasevic. Ce sont

25 peut-être des éléments implicites.

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1 Il est peut-être normal de voir que la Chambre n'a pas évoqué toutes ces

2 facettes. Mais en fin de compte, vu la totalité des moyens de preuve,

3 moyens de preuve cumulatifs, les Juges en ont conclu qu'il avait cette

4 responsabilité en vertu du point… de l'Article 7.3 du Statut.

5 Hier, j'ai évoqué la conduite de Burilo. Il était de réputation notoire

6 avant l'existence du camp, pendant l'existence de celui-ci, réputation

7 dont il a attesté devant l'appelant. Pourtant, rien ne montre que

8 l'appelant ait fait un rapport quelconque à ce propos.

9 On a parlé d'enquêtes rétroactives. Est-ce que cela veut dire par exemple

10 que, parce qu'un commandant apprend la survenue de l'incident trois

11 semaines avant son départ, il n'aurait pas la responsabilité d'en parler;

12 il n'aurait pas été avisé et n'aurait pas eu, du coup, l'obligation

13 d'agir?

14 En fin de compte, voici ce qu'il faut dire à propos de Krnojelac: il avait

15 le pouvoir d'intervenir directement ou directement dans un domaine précis.

16 Il exerçait ce pouvoir de jure de directeur de prison. Il a dichotomisé

17 cette responsabilité en tant que directeur de l'unité économique, de

18 l'économat, et de la prison. Et dans la mesure où il a fait cela, il était

19 conscient qu'il existait deux domaines de responsabilité.

20 Au fond, la Chambre en a tenu compte; elle a reconnu qu'il n'avait pas un

21 pouvoir omniprésent sur tous les gardes. Ceci a été dit dans le Jugement.

22 Mais en fin de compte, il avait suffisamment d'informations pour être

23 avisé et pour faire les choses nécessaires; ce qu'il n'a pas fait.

24 Il y a pléthore de moyens de preuve lorsqu'il s'agit des passages à tabac.

25 Et les informations qui sont venues de RJ, du témoin 183, du témoin 186,

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1 du témoin 66… autant de filières d'information, autant de témoins qui ont

2 ressenti l'effet du système, l'ont subi. Or il n'a rien fait, absolument

3 rien.

4 La Chambre de première instance a constaté qu'il avait joué la politique

5 de l'autruche. Mais ce que montrent de façon catégorique les moyens de

6 preuve, c'est qu'il n'était pas une autruche, qu'il avait un pouvoir

7 certain, des pouvoirs qu'il aurait pu exercer; qu'il avait des moyens

8 d'autorité, aussi des filières, des voies hiérarchiques auxquelles il

9 aurait pu s'adresser, ce qu'il n'a pas fait. Et ce qui compte encore plus,

10 c'est qu'en tant que supérieur hiérarchique, il avait la responsabilité de

11 ses subordonnés, des gardes qui travaillaient aussi bien dans l'unité

12 économique de "Drina" que dans la partie militaire.

13 Avant d'en terminer, permettez-moi de donner un autre exemple. L'accusé

14 lui-même a confirmé le fait qu'il avait fourni ce règlement intérieur à

15 une réunion du ministère quand ceci avait été demandé. Il a donc invoqué

16 auparavant des règlements, des réglementations qui existaient, qui étaient

17 en vigueur et qui faisaient partie du système. Ce que ceci tend à montrer,

18 c'est qu'il y a une continuité entre l'organisation du KP Dom avant la

19 guerre et pendant la guerre.

20 En passant, permettez-moi d'ajouter ceci: nombreux furent les exemples -je

21 pense à deux notamment- où Savo Todovic a pu obtenir la signature de

22 Krnojelac pour envoyer un document à des autorités supérieures, ce qui

23 veut dire que subsistait ce rapport hiérarchique et que ceci a fourni un

24 mécanisme, le mécanisme qu'il fallait pour exercer le contrôle.

25 Malheureusement, ceci n'a jamais été exercé.

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1 Voici donc quels sont nos arguments sur ce point. Permettez-moi de vous

2 rappeler que nous reprenons en totalité les arguments présentés dans nos

3 écritures, s'agissant des questions litigieuses.

4 M. Güney (interprétation): Monsieur Carmona, vous avez fait référence au

5 pouvoir et aux attributions de l'accusé en tant que directeur du KP Dom,

6 et vous avez surtout fait référence au poids, aux pouvoirs et attributions

7 factuelles ou résiduelles qu'il a pu exercer.

8 Est-ce que vous pouvez nous dire -toujours en relation, bien sûr, avec les

9 non Serbes, les Musulmans- quelles étaient les attributions et l'autorité,

10 le pouvoir qu'il avait et qu'il n'a pas utilisés pour des raisons, soit

11 fondées ou non fondées? Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur ce point?

12 Merci.

13 M. Carmona (interprétation): S'agissant des pouvoirs qu'il avait, il était

14 le dépositaire de griefs sans cesse présentés par les prisonniers. Des

15 prisonniers sont venus se plaindre auprès de lui; que faisait-il? D'abord,

16 ces prisonniers devaient faire rapport à un garde, lequel amenait la

17 personne au bureau. Et de nouveau, cette personne était passée d'un bureau

18 à l'autre.

19 Il a notamment, en réponse, qu'il ne pouvait pas faire grand-chose.

20 Pourtant, nombreuses ont été les tentatives qu'il a déployées pour essayer

21 de faire quelque chose, notamment au niveau des rations de nourriture.

22 Mais à part cela, il y avait certains gardes qui faisaient partie aussi

23 bien de l'unité économique de la "Drina" et faisait partie aussi des

24 gardes qui avaient la responsabilité de garder les non Serbes.

25 L'accusé l'a admis lui-même, admis lui-même au moment de sa déposition.

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1 Mais il était, lui, le directeur. Et puisqu'il était le directeur, il

2 avait la responsabilité de ces hommes-là. En plus de cela, certains des

3 gardes qui étaient là, étaient officiellement des gardes du KP Dom qui

4 avaient été ramenés au KP Dom par voie de décret, décret portant sur les

5 assignations de travail.

6 Ces hommes faisaient déjà partie du régime pénitentiaire auparavant, et

7 ont indiqué qu'il avait un pouvoir de contrôle. On lui a donné une

8 directive qui le rendait responsable des conditions intérieures, des

9 conditions prévalant à l'intérieur. Et ceci associé au fait que, quand des

10 gardes essayaient de faire sortir des détenus, ils ne pouvaient pas le

11 faire sans son autorisation expresse… Tout ceci indique qu'il avait un

12 contrôle effectif sur ces gardes.

13 Permettez-moi de vous renvoyer aux paragraphes 105 à 106 du Jugement,

14 ainsi qu'au paragraphe 103 du même Jugement.

15 M. Güney (interprétation): Monsieur Carmona, pouvez-vous nous donner un ou

16 deux exemples selon lesquels l'accusé n'a pas pu utiliser ses pouvoirs et

17 attributions, des contraintes à la suite… pour les contraintes qu'il a

18 subies à la suite de la division du KP Dom en sections militaire et

19 civile?

20 M. Carmona (interprétation): Lorsqu'on examine les éléments de preuves

21 présentés par le témoin RJ, sur lesquels la Chambre de première instance

22 s'est reposée…. En fait, le témoin RJ avait présenté plusieurs plaintes

23 s'agissant des sévices qui se poursuivaient. Lorsqu'on examine le journal

24 qui porte la référence D29, on parle des vérifications internes au sein

25 d'une prison, et plus particulièrement du fait que, abstraction faite des

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1 employés qui travaillaient dans l'institution, il disposait également

2 d'une assistance qui provenait de la part des employés du ministère de

3 l'Intérieur, de la police et du MUP. Donc il bénéficiait alors d'une

4 certaine position. Il savait qu'il existait des mécanismes qui pouvaient

5 être utilisés pour traiter ces incidents. Mais lorsqu'il était confronté à

6 la mort de Konjo, lorsque l'infirmier a, par exemple, précisé qu'un comité

7 d'enquête s'était déplacé afin d'examiner la situation, il l'a accepté. Et

8 il savait, en effet, qu'il existait des mécanismes en place au sein du

9 système pour pouvoir traiter des situations de cas d'abus.

10 Le témoin FWS-138, un garde qui travaillait avant et au cours de

11 l'incident dans le camp et qui était donc un détenu, a parlé des filières

12 de communication qui existaient entre les différentes organisations et qui

13 subsistaient encore au moment du conflit. Bien qu'il ne s'agisse pas

14 d'éléments identiques, ceci corrobore qu'il existait des mécanismes.

15 Si l'on pousse l'examen plus loin, on voit qu'il n'y avait pas de division

16 réelle, il y avait une seule structure. Ainsi par exemple si l'on examine

17 la façon dont les personnes étaient blessées, comment elles étaient

18 nourries ensemble, voire différents à certains moments, en fait, ces

19 personnes étaient hébergées ensemble; peut-être dans des pièces

20 différentes, mais il s'agissait d'une seule structure.

21 La seule réserve s'agissant de Krnojelac peut-être concerne la libération.

22 Dans une organisation ordinaire, à savoir celle où il y a une situation

23 démocratique, très souvent un directeur de prison n'a pas le pouvoir de

24 libérer des détenus.

25 M. Schomburg (interprétation): Je vous remercie. Je voudrais à présent

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1 revenir sur une question fondamentale qui couvre les deux mémoires

2 d'appel.

3 La question que je voudrais vous poser est la suivante: nous nous trouvons

4 à présent dans une situation… -et vous avez décrit la responsabilité du

5 supérieur hiérarchique qui était celle de l'accusé-, nous nous trouvons

6 dans une situation dans laquelle le Procureur a d'abord invoqué la

7 responsabilité au titre des Articles 7.1 à 7.3. Dans le deuxième cas, il y

8 a déclaration d'acquittement. Certaines déclarations de culpabilité ont

9 été contestées par la défense. Et, dans les deux cas, l'accusation demande

10 simplement l'application de la responsabilité au titre de l'Article 7.3.

11 La question que je vous pose est de savoir quelle est votre opinion. Est-

12 ce qu'il incombe à la Chambre d'appel de conclure qu'en réalité il y a une

13 responsabilité au titre de l'Article 7.1 ainsi qu'une responsabilité au

14 titre de 7.3, ou est-ce qu'il s'agit simplement de retenir la

15 responsabilité au titre de l'Article 7.3? Parce que je crois que vous avez

16 simplement évoqué la responsabilité au titre de l'Article 7.3?

17 M. Carmona (interprétation): Je pense qu'il s'agit d'une question qui

18 devra être répondue par le conseil principal.

19 M. Staker (interprétation): Monsieur le Président, je me demande dans

20 quelle mesure j'ai bien compris votre question. Vous demandez si cette

21 responsabilité est engagée à la fois au titre des Articles 7.1 et 7.3 et

22 que la Chambre de première instance a acquitté cette responsabilité pour

23 ces deux Chefs? Or l'accusation interjette à présent appel en application

24 de l'Article 7.3 alors que la Chambre d'appel estime que la seule

25 caractérisation exacte des faits serait d'appliquer la responsabilité au

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1 titre de l'Article 7.1.

2 La Chambre d'appel bénéficie de son pouvoir discrétionnaire pour conclure

3 en la sorte. Si tel est bien la question, je dois vous dire que je ne suis

4 pas préparé et que je ne suis pas en mesure de vous répondre dès à

5 présent. Si vous souhaitez que je réponde, je devrais le faire par écrit,

6 et je vous demande de bien vouloir m'accorder le temps nécessaire pour le

7 faire. Et je ne pense pas que mon confrère de la défense soit prêt à

8 contester cette question qui est une question fondamentale.

9 M. Schomburg (interprétation): Oui, en effet. Et je tiens à préciser que

10 cette question s'adresse aux deux parties parce que, dans une certaine

11 mesure, il s'agit d'une question. Je ne sais pas si, en définitive, il

12 s'agira là d'une question que nous devons trancher dès à présent.

13 Parce que, par exemple, le conseil de la défense conteste le Jugement

14 rendu par la Chambre de première instance, et vous vous reposez simplement

15 sur la responsabilité en application de l'Article 7.3, même si lors de

16 votre plaidoyer initial vous vous reposiez à la fois sur une

17 responsabilité 7.1 et 7.3. Par conséquent, cette question va dans les deux

18 sens.

19 M. Staker (interprétation): Comme je l'ai fait remarquer, Monsieur le

20 Président, il s'agissait d'une question qui a été posée. Actuellement, je

21 ne suis pas en mesure d'y répondre dès à présent. Je pourrais le faire par

22 écrit. L'accusation, malheureusement, n'est pas prête à répondre à cette

23 question. Je ne suis pas certain que mes confrères de la défense soient

24 mieux préparés que nous.

25 M. le Président: Je vous remercie. Nous reviendrons probablement plus tard

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1 sur ce point.

2 M. Carmona (interprétation): (Hors micro.)

3 Je voudrais à présent passer la parole à ma consœur, Mme Rashid, qui va

4 traiter du deuxième moyen d'appel qui concerne la détention et les

5 conditions de vie.

6 (Réplique du Procureur relative aux moyens d'appel de la défense, par Mme

7 Rashid.)

8 Mme Rashid (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 je vais répondre au deuxième moyen d'appel évoqué par la défense.

10 Mon intention n'est pas de répondre à tous les arguments qui ont été

11 soulevés, parce que la plupart ont déjà été exposés et ont reçu une

12 réponse globale dans le mémoire en réplique de l'accusation. Je vais peut-

13 être consacrer cinq minutes pour répondre très brièvement à une erreur de

14 droit qui a été soulevée et qui concerne l'intention délictueuse de celui

15 qui aide et encourage le crime constitutif de persécution.

16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'appelant a fait remarquer

17 que pour l'intimé soit responsable en tant que personne qui aide et

18 encourage la commission du crime constitutif de persécution, celui-ci doit

19 être animé de la même intention discriminatoire que l'auteur qui commet le

20 crime constitutif de persécution.

21 La Chambre de première instance, dans son jugement en l'espèce, a avancé

22 que, du point de vue du droit, conclure que l'appelant est coupable

23 d'avoir aidé et encouragé le crime de persécution de détenus non serbes,

24 l'accusation devait prouver que l'appelant avait connaissance que les

25 auteurs principaux avaient l'intention de commettre le crime sous-jacent

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1 constitutif de persécution et que, par leurs actes, ils avaient

2 l'intention d'exercer une discrimination à l'encontre de détenus non

3 serbes, et ceci en ayant connaissance qu'ils contribuaient de façon

4 substantielle à la perpétration d'actes discriminatoires commis par les

5 auteurs principaux.

6 L'accusation fait valoir qu'elle partage la conclusion de droit à laquelle

7 est parvenue la Chambre de première instance. Dans son argument,

8 l'accusation constate qu'il ne se réfère pas à simplement l'autorité,

9 exception faite de celle qui est citée aujourd'hui par la Chambre de

10 première instance de Kupreskic ou le Jugement, l'arrêt de la Chambre

11 d'appel. J'appuie cette proposition.

12 L'allégation de l'intimé n'est pas étayée par la jurisprudence qui existe

13 au niveau du Tribunal. L'appelant n'a pas tenu compte de la mens rea qui

14 est requise pour offrir, au niveau de ses écritures en appel, une

15 explication quant à la raison pour laquelle le crime de persécution doit

16 être traité différemment compte tenu de la responsabilité individuelle.

17 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en tout état de cause, nous

18 pensons que dans notre réponse nous appuyons les conclusions selon

19 lesquelles il existe une jurisprudence, tant au niveau de la Chambre de

20 première instance que des Chambres d'appel, qu'une personne qui aide et

21 encourage le crime de persécution.

22 De façon plus précise, je dois souligner que cette question a été réglée

23 par la Chambre d'appel au moins par trois Chambres d'appel et qu'aucune

24 raison précise n'a été évoquée quant aux raisons pour lesquelles la

25 Chambre d'appel devrait revoir cette question ou reconsidérer les

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1 décisions qu'elles ont rendues.

2 Je vous renvoie à l'arrêt Aleksovski qui suit l'arrêt Furundzija au

3 paragraphe 162. Je dois souligner le Jugement de Kvocka, dans lequel il

4 était fait mention des connaissances qui constituent la mens rea requise

5 pour la personne qui aide ou encourage la commission d'un acte de

6 persécution, en tant qu'intention criminelle spécifique.

7 S'agissant de la persécution, on a dit que la personne qui aide et

8 encourage la persécution doit non seulement avoir connaissance du crime

9 auquel il assiste ou qu'il autorise, mais qu'il doit également avoir la

10 connaissance de l'intention discriminatoire. Il doit avoir connaissance de

11 tous les éléments constitutifs du crime. Il ne doit pas partager cette

12 intention. La seule chose qu'il doit savoir, c'est avoir connaissance des

13 contacts discriminatoires plus larges et non pas des actes d'assistance ou

14 d'encouragement.

15 La Chambre de première instance, dans l'affaire Kvocka, a souligné

16 l'importance de faire la distinction entre la mens rea de la personne qui

17 aide et encourage et celle de co-auteur. Il est précisé qu'il n'est pas

18 nécessaire de parler d'intentions partagées, parce que si l'intention

19 était de partager, à ce moment-là, on parle d'un autre Statut. Il est donc

20 important de maintenir cette distinction.

21 Le conseil principal a fait allusion à l'arrêt Kupreskic ou au jugement de

22 première instance pour étayer son affirmation. Les seules conclusions

23 pertinentes que nous avons pu trouver, s'agissant des éléments de

24 complicité qui sont évoqués dans les conclusions juridiques de la Chambre

25 de première instance Kupreskic, à cet égard, ont été citées par la Chambre

Page 297

1 d'appel dans son arrêt; il s'agit du paragraphe 254. Il s'agit d'un fait

2 qui est énoncé dans notre mémoire en réplique pour appuyer l'argument ou

3 la thèse de l'accusation.

4 En fait, la Chambre d'appel a adopté la conclusion de la Chambre de

5 première instance selon laquelle un complice doit non seulement avoir

6 connaissance des actes accomplis par lui-même mais ne vise pas la

7 perpétration des autres actes de persécution par d'autres personnes. Par

8 conséquent, ceci n'appuie pas les allégations de la défense.

9 Voilà la thèse que je voulais défendre. Le reste des arguments qui ont été

10 évoqués par la défense ont déjà reçu une réponse adéquate. Si je peux

11 répondre à des questions, je me tiens prête. Sinon, je passe la parole à

12 ma consoeur, Helen Brady, qui va vous parler des quatrième et cinquième

13 moyens d'appel soulevés par l'intimé.

14 (Réplique du Procureur relative aux moyens d'appel de la défense, par Mme

15 Brady.)

16 Mme Brady (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges.

17 Cette introduction était beaucoup plus longue que celle que je vais faire

18 moi-même parce que, s'agissant des moyens 4 et 5 qui concernent la

19 responsabilité au titre de l'Article 7.3, à raison de sévices, qualifiés à

20 la fois d'actes inhumains et de traitements cruels, la plupart de ces

21 questions ont déjà été soulevées de façon approfondie par mon confrère, M.

22 Carmona. Et nous avons déjà également évoqué ces points hier lors de la

23 présentation de notre thèse, lorsque l'on parlait de la responsabilité du

24 supérieur hiérarchique lorsqu'il était question d'actes de torture.

25 Il semblerait qu'il y ait un commencement de questions qui concernent

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1 également le premier moyen d'appel.

2 Aujourd'hui, M. Bakrac a fait allusion à deux points qui concernent ces

3 moyens. Le premier point concerne la connaissance que l'accusé avait des

4 sévices. Tout ce que je tiens à dire à cet égard, c'est que nous avons

5 répondu de façon détaillée aux points qui ont été évoqués au chapitre 6 de

6 notre mémoire en réplique. Nous avons également avancé plusieurs arguments

7 hier. Par conséquent, je ne vais pas élaborer ces arguments plus avant,

8 parce que je pense que notre position est très claire.

9 Le deuxième point qui a été évoqué par la défense, concernant ces deux

10 moyens, est qu'il –l'accusé- n'était pas un supérieur hiérarchique par

11 rapport aux gardes et que, par conséquent, on ne peut pas lui reprocher la

12 responsabilité au titre de l'Article 7.3.

13 Une fois de plus, M. Carmona a expliqué la position concernant l'autorité

14 effective au titre de l'Article 7. 3 et montré que la Chambre de première

15 instance n'a commis aucune erreur en concluant que Krnojelac avait, en

16 fait, une relation de supérieur hiérarchique par rapport aux gardes. Non

17 seulement avait-il une autorité supérieure de jure ou de droit, mais il

18 exerçait également un pouvoir réel qui était suffisant pour lui permettre

19 de prendre des mesures préventives ou pour punir les auteurs.

20 Je ne dois rien ajouter, si ce n'est la nécessité de souligner, comme l'a

21 fait la chambre de première instance à cet égard, les conclusions qui font

22 allusion aux différentes notes de bas de page qui concernent les éléments

23 de preuves qui doivent être examinés dans un contexte global, plus

24 particulièrement les paragraphes 102, 103 et 318 du jugement. Et cette

25 analyse est une analyse à laquelle aucun juge des faits raisonnable

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1 n'aurait pu parvenir.

2 J'aimerais également ajouter un autre point, à savoir que la Chambre de

3 première instance a appliqué le critère exact s'agissant du contrôle

4 efficace: comme on peut le voir lorsqu'il s'agissait des sévices infligés

5 aux détenus, ceux qui rentraient, la police militaire, les personnes qui

6 procédaient aux interrogatoires et ceux qui venaient de l'extérieur.

7 Vous vous rappellerez que la Chambre de première instance a constaté qu'il

8 n'y avait pas de relations de supérieur hiérarchique et que, par

9 conséquent, sa responsabilité ne pouvait pas être engagée au titre de

10 l'Article 7.3 pour leurs actes, si ce n'est les actions faites par les

11 gardes et les actions des gardes qui leur ont permis de rentrer dans le

12 camp et de participer à ces crimes. Je pense qu'il s'agit là d'une analyse

13 particulièrement rigoureuse.

14 Voilà tout ce que je voulais dire.

15 Les autres aspects qui ont été soulevés dans le mémoire en appel ont été

16 présentés par écrit dans les chapitres 5 et 6.

17 S'il y a des questions, je me tiens prête à répondre; sinon, je voudrais à

18 présent passer la parole au conseil principal, M. Staker, qui examinera la

19 question du prononcé de la peine et qui prononcera les remarques de

20 conclusion. Je vous remercie.

21 M. Staker (interprétation): Merci, Messieurs les Juges.

22 S'agissant de l'appel concernant le prononcer de la peine, on peut

23 examiner cette question de façon très rapide.

24 Le critère qui s'impose a déjà été évoqué au paragraphe 9.2 du mémoire

25 d'appel présenté par l'accusation et au paragraphe 11 du mémoire en

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1 réplique.

2 La jurisprudence est connue de tous. L'appel concernant la peine n'est pas

3 nouveau. Ce qu'il est nécessaire de montrer, c'est que la Chambre de

4 première instance a dépassé le cadre normal de son pouvoir

5 discrétionnaire, à savoir qu'une erreur a été commise au niveau du

6 prononcé de la peine, que le critère qui devait être utilisé était… qu'en

7 fait, une erreur de droit a été commise, puisque la Chambre de première

8 instance n'a pas examiné les critères qui s'imposaient.

9 A notre avis, tous les propos évoqués par les confrères de la défense ont

10 déjà été mentionnés dans le mémoire d'appel, et l'accusation y a déjà

11 répondu. Nous pensons, pour notre part, que les différents éléments ont

12 été pris en considération par la Chambre de première et on ne pense pas

13 qu'il y ait une erreur qui ait été faite, s'agissant du prononcé de la

14 peine. Et si j'ai bien compris la thèse de la défense, je pense qu'en

15 fait, il y a eu… qu'en fait, le compte rendu reflète exactement ce qui

16 s'est dit, que la défense ne pense pas que la Chambre de première instance

17 est allée au-delà de son pouvoir discrétionnaire, mais qu'ils voulaient

18 revenir sur les éléments constitutifs du prononcé de la peine. Nous

19 pensons pour, notre part, que ceci ne répond pas au critère d'un appel

20 interjeté contre le prononcé de la peine au niveau de cette juridiction.

21 Une autre question qui a été soulevée est un élément novateur, à savoir

22 qu'il y a lieu de faire une différence entre le nombre de crimes qui ont

23 été commis au cours d'une période de temps très brève. Il s'agit d'une

24 question sur laquelle je ne vais pas m'attarder. Je ne pense pas que ceci

25 doive être examiné plus avant par la Chambre de première instance. Je

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1 pense que la Chambre de première instance a examiné ces faits.

2 Et ceci étant dit, j'en ai terminé de présenter la position de

3 l'accusation s'agissant de la peine.

4 M. le Président: S'il vous plaît, Maître Staker, je voudrais vous poser

5 une question. Lorsque vous parlez de la peine, est-ce que vous considérez

6 votre position, notamment dans la révision à la hausse, par rapport à

7 l'état de l'affaire au moment où vous avez déclenché l'appel et au moment

8 surtout où le Jugement et le débat se sont liés, ou est-ce que, dans votre

9 bureau, vous considérez la peine par rapport à toutes les peines qui sont

10 prononcées dans ce Tribunal? Il y en a eu un certain nombre, certaines

11 plus spectaculaires que d'autres. Je voudrais savoir quelle est la

12 doctrine du Bureau de Procureur en matière de sentence. Est-ce que vous

13 avez bien interprété ma question, Maître Staker?

14 M. Staker (interprétation): Je crois avoir compris votre question,

15 Monsieur le Président. Je crois que le droit établit qu'il faut des peines

16 individuelles, au cas par cas. On peut examiner effectivement des

17 centaines de prononcés ailleurs, mais chaque peine sera définie par les

18 caractéristiques du procès.

19 Il n'est pas possible de dire que: "Voilà, nous avons ici un autre cas

20 impliquant un commandant de camp, donc le point de départ cela va être

21 autant d'années"; et que si nous avons quelqu'un d'autre, quelqu'un qui a

22 été condamné pour trois meurtres, on va prendre ce qui a déjà été prévu

23 comme peine dans une autre affaire".

24 Pratiquement dans toutes les affaires que connaît le Tribunal, il y a

25 plusieurs chefs d'accusation dressés contre une personne pour divers

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1 crimes; il se peut qu'il y ait acquittement pour un chef, condamnation

2 pour un autre, que ce soit la responsabilité du supérieur hiérarchique,

3 responsabilité directe, le fait d'aider ou d'encourager. Et il y a des

4 fluctuations considérables au niveau des peines.

5 Le point de départ n'est donc pas de faire une comparaison stricte par

6 rapport à d'autres peines imposées dans d'autres circonstances à d'autres

7 accusés.

8 M. le Président: Merci.

9 M. Shahabuddeen (interprétation): Monsieur Staker, dans un système

10 national que je connais, il était coutumier de penser que la Chambre ne se

11 préoccupait pas, outre mesure, d'affaires précédentes ni de peines

12 prononcées précédemment dans le cadre de ces affaires. Mais je pense que,

13 récemment, les avis ont changé et sont partis dans un sens opposé. Il

14 semblerait qu'aujourd'hui on pense qu'un Tribunal doive réagir à la

15 conscience de l'opinion publique.

16 Cette conscience publique, celle-ci n'aime pas trop voir des disparités

17 criantes au niveau des peines prononcées. L'opinion publique n'est pas

18 aisément apaisée par l'intellectualisation des arguments qui

19 présenteraient des circonstances particulières dans une affaire où on a

20 vraiment singularisé ces circonstances. Par conséquent, il se dessine une

21 tendance, telle que je la vois, qui vise à établir une espèce de barème de

22 grille de peines. Je pense que c'est bien à cela que pensait le Président.

23 Et vous avez répondu de façon tout à fait sage, vous dites qu'il faut

24 singulariser les peines, qu'il faut tenir compte des circonstances

25 particulières à chaque procès. Certes! Mais, en définitive, est-ce qu'il

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1 n'y a pas aujourd'hui une certaine mouvance qui répond à cet appel de

2 l'opinion publique et qui pense à cette conscience publique, laquelle veut

3 que soit établie une espèce de barème?

4 M. Staker (interprétation): En réponse, je dirais que tout barème dans un

5 système national est prévu par la législation. Si nous n'avons pas un tel

6 acte législatif ici dans ce Tribunal, c'est donc l'appareil judiciaire qui

7 le fournit, ce sont les Juges.

8 Je me souviens qu'il y a eu d'autres audiences en appel pour sentence et,

9 si je me souviens bien, l'accusation a avancé l'argument suivant: de

10 fortes disparités au niveau des peines soulèveraient des inquiétudes

11 effectivement.

12 Dans un système national, on est guidé au départ par le fait qu'il y a des

13 peines maximales imposées à tel ou tel crime ou infraction. Dans un

14 système national, dans pratiquement tous les systèmes, il y a une autre

15 peine pour le meurtre que pour voie de fait ou pour effraction

16 caractérisée ou aggravée. Vous savez qu'il y a toujours, si vous avez des

17 cas très graves, une peine maximum d'emprisonnement à vie.

18 Si je me souviens bien des faits et des affaires présentées, il y a

19 "singularisation" dans chaque procès ici, et la Chambre d'appel a estimé

20 qu'il n'était pas adéquat de donner davantage d'éléments permettant de

21 guider en matière de peine. On pourrait rouvrir la question, rouvrir ce

22 dossier, mais je dirais simplement que ce que je viens d'aborder comme

23 argument est dans le droit fil de la jurisprudence.

24 M. le Président: Vous pouvez terminer par vos observations finales, Maître

25 Staker, puisqu'il n'y a pas d'autres questions.

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1 (Réplique finale du Procureur, par M. Staker.)

2 M. Staker (interprétation): Merci, Monsieur le Président et Messieurs les

3 Juges.

4 Je me contenterai de dire ceci: l'appel interjeté par la défense en

5 l'espèce se fonde essentiellement sur des erreurs de faits allégués. Dans

6 ce cas, nous avons des critères d'appréciation bien établis par la

7 jurisprudence. Certains de vous, Messieurs les Juges, y ont fait référence

8 ici. Et nous avons évoqué la question au chapitre 1 de notre mémoire en

9 réplique.

10 En clôture, j'aimerais insister sur ceci: le critère applicable dans un

11 appel alléguant des erreurs factuelles, c'est de savoir si la décision

12 prise par la Chambre de première instance est une décision qu'aucun autre

13 juge des faits raisonnable n'aurait pu tirer, vu les moyens de preuves

14 présentés.

15 Pour chaque conclusion factuelle rendue dans un jugement en première

16 instance, il y a eu des moyens de preuve. Ici, en l'occurrence, il y a eu

17 beaucoup de moyens de preuve. Ceux-ci ont été évoqués en grand nombre dans

18 le Jugement en première instance. Et la Chambre de première instance n'a

19 sans doute pas évoqué dans son jugement tous les moyens entendus à

20 l'audience.

21 La défense a pour stratégie, ici, de se fonder sur des moyens de preuve

22 qui ne cadreraient pas, ne concorderaient pas avec les conclusions du

23 Jugement. Nous estimons que ce n'est pas là la démarche qui s'impose.

24 Dans tout procès que connaît ce Tribunal, lorsqu'il y a beaucoup de moyens

25 de preuve, il y aura toujours des éléments de preuve conflictuels. C'est

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1 sans doute vrai dans un système national aussi, mais il n'y aura pas de

2 jugement qui sera parfaitement en concordance avec tous les moyens

3 entendus par les Juges. Les Juges doivent soupeser des éléments

4 conflictuels pour en tirer conclusion.

5 Le fait d'indiquer qu'il y a des éléments de preuve qui ne cadrent pas

6 nécessairement avec les conclusions des Juges de première instance ne

7 suffit pas pour montrer qu'aucun autre juge des faits raisonnable n'aurait

8 pu tirer ces conclusions, à notre avis, effectivement, dans un appel

9 alléguant une erreur de fait.

10 L'accent ne se met pas sur une espèce de discordance ou conflit entre les

11 moyens présentés aux Juges, c'est plutôt de trouver les éléments de preuve

12 à l'appui des conclusions des Juges. Il faut examiner les moyens de

13 preuves sur lesquels se sont appuyés les Juges pour tirer les conclusions

14 qu'ils ont tirées.

15 Il est possible, éventuellement, d'établir une erreur de fait s'il est

16 constaté qu'il n'y avait aucun moyen apporté pour pouvoir tirer la

17 conclusion tirée; ou si on trouve que les moyens sur lesquels s'est basée

18 la Chambre n'auraient pu être acceptés par aucune autre Chambre

19 raisonnable; ou s'il est prouvé qu'aucune Chambre raisonnable n'aurait pu

20 déduire ce genre de conclusions à partir des moyens comme l'a fait la

21 présente Chambre de première instance; ou si les moyens de preuve sur

22 lesquels on se basait, si on les compare à d'autres moyens de preuve de

23 façon cumulative, ne sont pas tels qu'aucune Chambre raisonnable n'aurait

24 pu les accepter, elle aussi. Voilà les cas de figures.

25 Le danger ici, lorsqu'il y a allégation d'erreurs factuelles, c'est qu'on

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1 se concentre trop sur les conflits au niveau des moyens de preuve, ce qui

2 débouche sur un nouveau procès. L'intimé n'a pas à examiner tous les

3 moyens de preuves examinés par la Chambre pour les expliquer. Et je pense

4 que peut-être, notre audience a pris ce tournant-là de réexamen. Nous

5 estimons que l'accusation n'a pas à expliquer pourquoi les conclusions de

6 la Chambre de première instance sont justifiées.

7 La question qui se pose, c'est de savoir si la preuve a été administrée.

8 Et la charge de la preuve revient à la défense qui doit montrer qu'aucun

9 juge des faits raisonnable n'aurait pu tirer les présentes conclusions.

10 Nous estimons que ceci n'a pas été établi. Les conclusions de la Chambre

11 de première instance se maintiennent. Je parle ici des conclusions de la

12 Chambre de première instance, car le risque est présent de voir que, si on

13 rouvre un dossier, on essaie d'aller plus loin que les conclusions de la

14 Chambre de première instance pour en tirer de nouvelles conclusions. Ce

15 qui n'est pas le cas.

16 Nous estimons que, mis à part ces domaines spécifiques dont nous avons

17 interjeté appel, dans notre appel, les conclusions, les autres conclusions

18 tirées par la Chambre de première instance sont maintenues tant qu'on n'a

19 pas apporté la preuve que c'était à ce point déraisonnable qu'aucune

20 Chambre raisonnable n'aurait su tirer ces conclusions. Nous estimons que

21 ceci n'a pas été établi par l'intimé, en l'espèce.

22 Je ne sais pas si je peux vous être davantage utile, mais voilà les

23 arguments présentés en réplique par l'accusation.

24 M. le Président: Monsieur Shahabuddeen?

25 M. Shahabuddeen (interprétation): Monsieur Staker, votre péroraison m'a

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1 beaucoup intéressé; elle est d'une grande assistance.

2 Est-ce que je vous ai bien compris? Au moment de son prononcé sur la

3 question de savoir si tout juge des faits raisonnable aurait tiré les

4 conclusions tirées par la Chambre de première instance en question, il

5 faut uniquement se concentrer sur les moyens de preuve sur lesquels s'est

6 appuyée la Chambre de première instance au moment de tirer ces

7 conclusions? Est-ce que ce n'est pas là une vue trop sévère, trop

8 rigoureuse?

9 Maître Bakrac a évoqué un cas de ce genre. Est-ce qu'on ne pourrait pas

10 penser qu'il y a certains moyens de preuve sur lesquels la Chambre de

11 première instance ne s'est pas basée au moment de tirer ses conclusions,

12 mais qu'une Chambre raisonnable, si elle avait tenu compte de ces

13 éléments, aurait pu dire ou se dire qu'il n'était pas possible de tirer

14 ces conclusions, conclusions qu'a tirées la présente Chambre de première

15 instance à partir des faits, à l'appui de ses conclusions?

16 M. Staker (interprétation): Je ne sais pas si je n'ai pas été tout à fait

17 clair, Monsieur le Juge, dans les arguments que j'ai présentés.

18 Il va de soi que les moyens de preuve qu'on peut examiner dans un appel

19 alléguant une erreur de fait, c'est la totalité des moyens de preuve

20 soumis aux Juges de première instance. On ne peut pas examiner des moyens

21 qui n'auraient pas été présentés, bien sûr sous réserve de l'Article 115

22 du Règlement.

23 Cependant, ce que je dis, c'est que si on essaie de voir s'il y a eu

24 erreur de fait, le point de départ, c'est de voir ce sur quoi s'est basée

25 la Chambre de première instance. Et puis, à partir de cela, dire…, à

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1 partir de cette disparité, aucune Chambre raisonnable n'aurait pu tirer

2 les conclusions au-delà du doute raisonnable. Mais on ne peut pas se

3 contenter de regarder les éléments qui ne cadrent pas avec les conclusions

4 en ignorant ceux qui cadrent.

5 M. Shahabuddeen (interprétation): Mais c'est quelque peu différent, me

6 semble-t-il, n'est-ce pas?

7 M. Staker (interprétation): Je m'excuse si je n'ai pas été suffisamment

8 clair. J'avais pour objet de dire que le point de départ de l'analyse, ce

9 sont les arguments ou les moyens de preuve sur lesquels s'est basés la

10 Chambre de première instance.

11 M. Agius (interprétation): Pour tirer ceci au clair, je pense qu'il y a

12 deux points en question à ce stade: l'un que vient de soulever M. le Juge

13 Shahabuddeen et l'autre, vous l'avez soulevé vous-même.

14 Dois-je comprendre que la question soulevée par le Juge Shahabuddeen est

15 une question qui nous revient à nous, Juges, au moment de nos

16 délibérations en appel sur cette partie-là de l'appel? L'autre nous

17 revient également, mais renvoie plus précisément à la charge que vous

18 avez, vous, lorsque vous vous acquittez de vos tâches de Procureur,

19 lorsque vous répliquez à l'appel interjeté par la défense.

20 En d'autres termes, la question que vous avez soulevée… Et si je vous ai

21 mal compris, dites-le moi, je vous en prie. Est-ce que vous dites ceci:

22 que vous n'avez pas pour tâche, en réponse à l'appel interjeté par la

23 défense, pour tâche -disais-je- de montrer comment ou pourquoi la décision

24 rendue par la Chambre de première instance sur les faits doit être

25 maintenue ou pas; que c'est plutôt la défense qui a cette obligation, elle

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1 a l'obligation de prouver qu'il y a eu effectivement une erreur de fait.

2 Est-ce exact?

3 M. Staker (interprétation): C'est ce que nous affirmons. En l'espèce, il y

4 a appel interjeté par la défense et nous répondons à cet appel. Mais ce

5 serait pareil si c'est vice-versa. La charge revient à l'appelant; c'est

6 lui qui doit convaincre la Chambre d'appel que les critères sont remplis.

7 Et ce n'est pas l'intimé qui doit le faire.

8 M. Agius (interprétation): Et nous, nous avons pour obligation de tenir

9 compte, dans cet exercice, non seulement de ce qui est expressément

10 mentionné dans le Jugement de la première instance, mais aussi de la

11 totalité des moyens de preuve, y compris des moyens de preuve mentionnés

12 par le Juge Shahabuddeen; la question d'une Chambre raisonnable (sic) ou

13 de ce qu'elle aurait dû ou pourrait prendre en considération.

14 M. Staker (interprétation): Oui, mais je n'ai de cesse de revenir à

15 l'analyse de la Chambre de première instance.

16 Bien sûr, on examine uniquement le Jugement, on essaie de voir les

17 conclusions tirées par les Juges de première instance. Pour savoir si ces

18 conclusions étaient raisonnables ou déraisonnables, à savoir qu'aucun juge

19 raisonnable n'aurait pu les tirer, la Chambre d'appel va peut-être vouloir

20 examiner l'ensemble des moyens de preuve. Mais il revient aux parties de

21 cerner, de circonscrire les éléments déraisonnables. C'est l'appelant qui

22 porte la charge de la preuve. Et si rien n'est mentionné, si rien n'est

23 discerné, si la Chambre d'appel devait constater proprio motu que les

24 parties n'ont pas soumis d'arguments ni d'écritures, je crois que ce

25 serait peut-être aller au-delà du côté contradictoire des débats.

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1 M. le Président: Je pense que pour les Juges d'appel qui vous écoutent, ce

2 sera plein d'intérêt parce que vous avez invoqué vous-même beaucoup

3 d'erreurs de fait. Et votre critère d'essayer de nous dire qu'il ne faut

4 pas quand même chercher s'il n'y a pas… s'il y a une contradiction entre

5 tel et tel élément de preuve, car vous estimez que sur la masse d'éléments

6 de preuve qui sont fournis il peut y avoir des contradictions, cela nous

7 intéresse énormément. Mais nous regarderons cela dans votre mémoire,

8 Monsieur Staker.

9 Je crois que nous en avons terminé avec vous?

10 M. Staker (interprétation): Permettez-moi, Monsieur le Président,

11 d'apporter un autre éclaircissement.

12 Lorsque je dis que la Chambre d'appel va examiner la totalité des moyens

13 de preuves soumis, je donnerais cette précision: elle ne peut examiner que

14 les moyens que la Chambre de première instance a connus. Une situation

15 pourrait se présenter où, si des moyens de preuve demandaient à être

16 versés au dossier, s'ils étaient refusés par la Chambre, la Chambre

17 d'appel ne pourrait pas en tenir compte, à moins qu'il ne soit établi que

18 la Chambre de première instance aurait fait preuve de déraison en refusant

19 de les admettre.

20 M. le Président: En fait, la Chambre connaît très bien cela, puisque c'est

21 sa propre jurisprudence, Maître Staker. Vous avez raison de nous le

22 rappeler, quand même!

23 Monsieur le Juge Schomburg?

24 M. Schomburg (interprétation): N'est-il pas exact de dire que l'examen des

25 moyens de preuve, considérés comme recevables au moment du procès, est

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1 limité dans la mesure où l'appelant a sans nul doute l'obligation de

2 montrer les failles, les défauts?

3 La Chambre d'appel ne peut pas partir dans une expédition de recherche

4 pour trouver tous les moyens de preuve et déterminer si la Chambre de

5 première instance a versé dans l'erreur, par exemple en ne tenant pas

6 compte de l'un ou l'autre des moyens de preuve.

7 En conclusion, ceci signifierait que la tâche de la Chambre d'appel serait

8 limitée à cette fin et se limiterait à ces erreurs au moment de l'examen

9 des faits de la cause, aux faits qui ont été soumis notamment à l'appel.

10 M. Staker (interprétation): Oui, je suis assez d'accord. Dans tout système

11 juridique, le judiciaire, les juges jouent un certain rôle, l'intimé

12 également, l'appelant aussi, d'autres également. Et tout est différent

13 d'un système à l'autre. Mais, ici, dans notre Tribunal, nous avons

14 l'aspect contradictoire, l'oralité des débats où la partie qui interjette

15 va appeler, invoquer le mécanisme judiciaire par conséquent.

16 Donc la Chambre d'appel ne pourrait pas infirmer un jugement en première

17 instance s'il n'y avait pas une partie qui interjetait appel. Il ne serait

18 pas possible de déceler des erreurs de jugement quand il n'y a pas eu

19 appel interjeté sur ce point. Je crois que c'est vrai dans d'autres

20 systèmes.

21 Et les parties sont limitées également. Elles ne peuvent pas tout d'un

22 coup invoquer un nouvel élément d'appel si elles ne l'ont pas mentionné

23 dans les écritures au départ dans leur acte d'appel, à moins de demander

24 l'autorisation de le faire; et ceci contribue à l'efficacité du processus,

25 sinon cela devient incontrôlable, ce n'est plus maîtrisable. Et nous

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1 essayons ainsi de maintenir la régularité des procédures en identifiant

2 bien les parties et en demandant aux parties de préciser ce qu'elles

3 demandent. Et en fin de compte, il y a les Juges qui statuent.

4 M. le Président: Merci, mes chers collègues.

5 Nous suspendons, mais 20 minutes seulement, pour permettre à la défense

6 d'avoir le dernier mot dans sa réplique. Et puis, ensuite également, nous

7 laisserons…

8 A la demande de la majorité des Juges, donc du Juge Shahabuddeen qui se

9 fait l'interprète de mes collègues, nous allons prendre 30 minutes. La

10 défense pourra se préparer pour sa réplique finale, et puis nous donnerons

11 la parole finale à M. Krnojelac.

12 Bien, dans 30 minutes.

13 (L'audience, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 47.)

14 M. le Président: La séance est reprise. Faites entrer l'accusé, s'il vous

15 plaît.

16 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président: Maître Bakrac.

18 M. Bakrac (interprétation): Messieurs les Juges, avec votre permission,

19 pour ce qui est de la réplique, je préférerais céder la parole à mon

20 confrère, Me Vasic.

21 (Réplique finale de la Défense, par Me Vasic.)

22 M. Vasic (interprétation): Bonjour.

23 M. le Président: Alors, c'est Maître Vasic? Parfait. Nous vous écoutons.

24 M. Vasic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges.

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1 Messieurs les Juges, éminents confrères du Bureau du Procureur, la

2 défense, dans cette phase-ci et compte tenu de la présentation des plus

3 étoffées des raisons qui ont animé les appels interjetés par l'une et

4 l'autre parties en présence, se propose de se limiter à des explications

5 concernant des allégations faites par mon notre éminent confrère, M.

6 Carmona, et qui de l'avis de la défense ne découle pas du corps d'éléments

7 de preuve présentés devant la Chambre de première instance.

8 Tout d'abord, la défense voudrait tirer au clair une question qui, hier et

9 aujourd'hui, a été mentionnée ici dans le prétoire, et se trouve en

10 corrélation avec un document daté du 11 janvier de l'an 2000, que la

11 défense n'a pas utilisé dans la présentation de ses éléments de preuve

12 devant la Chambre de première instance. La raison en est la suivante…

13 M. Schomburg (interprétation): Permettez-moi de vous interrompre. Est-ce

14 que c'est le document mentionné au paragraphe 98? Est-ce que c'est à ce

15 document-là que vous faites référence?

16 M. Vasic (interprétation): Laissez-moi juste un moment pour vérifier! Oui,

17 c'est bien ce document-là.

18 M. Schomburg (interprétation): Merci.

19 M. Vasic (interprétation): La raison est la suivante, disais-je. La

20 Chambre de première instance, étant donné qu'il s'agit là d'un document

21 daté de l'an 2000, a suggéré au conseil de la défense de réfléchir et de

22 vérifier quelle pourrait être la valeur probante d'un tel élément de

23 preuve. La défense, vu qu'elle disposait de l'élément de preuve en grand

24 nombre datant de l'année 1992 et 1993 et témoignant de faits analogues ou

25 similaires, la défense a donc décidé de ne pas demander le versement au

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1 dossier de ce moyen de preuve-là à l'occasion de la procédure. Cela a donc

2 été la raison pour laquelle ceci a été fait pour ce qui est du document en

3 question.

4 Notre confrère, M. Carmona, lors de l'exposé qu'il a fait concernant la

5 position occupée de l'accusé dans le cadre du KP Dom, formulait une

6 position au terme de laquelle il se trouvait être directeur et il a

7 affirmé que la structure de la direction au sein du KP Dom n'a pas changé.

8 Il a fondé cela sur les dires du témoin FWS-138, qui avait été,

9 auparavant, gardien à l'intérieur du KP Dom -quand je dis "auparavant",

10 j'entends avant les conflits-, et qui pendant un certain temps s'était

11 trouvé incarcéré à l'intérieur de cet établissement, le KP Dom.

12 J'estime que nos confrères du Bureau du Procureur, dans le courant du

13 procès, ont argué du fait que les détenus ne sortaient pas souvent des

14 pièces où ils se trouvaient incarcérés. Et la question soulevée était

15 celle de savoir comment ils étaient alors en mesure de faire une

16 évaluation juste concernant l'organisation de la direction au moment où

17 ils se trouvaient incarcérés au KP Dom?

18 D'autre part, dans le courant du procès, nous avons eu l'opportunité

19 d'entendre un grand nombre de témoins cités à la barre par le Bureau du

20 Procureur; témoins disant que Milorad Krnojelac était un directeur sur

21 papier, un directeur de jure, ce qui pourrait s'intégrer ou s'insérer dans

22 ce qui consisterait une opinion personnelle qui aurait été la leur,

23 partant de la position qu'ils avaient occupée à ce moment-là. Mais, pour

24 ce qui est de ce même fait-là, la défense a présenté d'autres moyens de

25 preuve qui indiquent que le rôle de Milorad Krnojelac avait été tout

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1 autre. C'étaient en effet des gardiens qui ont travaillé au KP Dom pendant

2 la période concernée par le Jugement en question et l'Acte d'accusation,

3 et qui disaient, eux, que Milorad Krnojelac n'avait pas été leur

4 supérieur, qu'il ne leur avait pas donné d'ordre. Et ce sont là des

5 témoignages que nous avons également entendus de première main.

6 Une troisième catégorie de moyens de preuve afférente à la même chose sont

7 des documents; documents envoyés par Milorad Krnojelac à son ministère de

8 la Justice compétent, ministère de tutelle, où l'on voit clairement

9 quelles avaient été ses attributions à lui. Nous estimons que s'il est

10 procédé à une comparaison de ces moyens de preuve, d'une part, et, d'autre

11 part, les dires de ce témoin FWS-138, il devrait découler une conclusion,

12 à savoir celle présentée par des participants directs à ce qui avait été

13 le service de gardiennage, et les documents rédigés par Milorad Krnojelac

14 lui-même, à une période qui est celle que nous considérons comme étant

15 critique ou concernée, pertinente.

16 Mon confrère a également souligné qu'il y avait une obligation de la part

17 du directeur pour ce qui est des passages à tabac dans le cadre de la

18 prison en disant que son devoir était d'en informer le ministère de la

19 Justice. Une fois de plus, cela s'est fait à partir du témoignage du

20 témoin que nous avons mentionné tout à l'heure, FWS-138.

21 Il n'est pas contesté le fait qu'en temps de paix chaque acte de violence

22 de cette nature-là constitue bel et bien une violation aux règles de

23 service et doit forcément être rapporté au ministère de la Justice. Mais,

24 dans la situation qui prévalait à Foca dans le courant des années 1992 et

25 1993, années où ce KP Dom avait été loué à l'armée pour que celle-ci

Page 316

1 incarcère une population non serbe, il est clair que ce ministère de la

2 Justice n'avait aucune attribution, aucune compétence pour cette partie-là

3 du KP Dom. Il est clair qu'il y a donc là une administration tout à fait

4 distincte qui pourrait éventuellement s'adresser au commandant de l'unité,

5 qui était chargée, quant à elle, de superviser cette prison.

6 Au moment où il a été créé des ministères et au moment où ces ministères

7 ont commencé à fonctionner, il serait difficile, malaisé d'adopter une

8 conclusion partant d'une structure fluide des institutions qui laisserait

9 entendre que les attributions, les compétences du ministère de la Justice

10 devraient être confondues ou se recouper avec celles du ministère de la

11 Défense ou du ministère de l'Economie. Je crois qu'une telle chose,

12 lorsqu'un gouvernement existe, demeure quand même impossible.

13 Aussi la défense jugerait-elle qu'une conclusion de cette nature ne

14 saurait tenir debout et que le ministère de la Justice n'avait de

15 compétence que sur un segment du KP Dom à Foca, celui où se trouvaient les

16 prisonniers qui étaient là depuis la période avant l'éclatement des

17 conflits, et un autre segment qui était l'unité économique appelée

18 "Drina".

19 Dans le cadre du gouvernement, il est normal de voir exister des moyens de

20 communication entre les différents ministères. J'estime que c'est là le

21 seul niveau raisonnable où l'on pourrait parler de fonctionnement d'un

22 gouvernement dans l'accomplissement de ses tâches.

23 Mon éminent confrère a, entre autres, mentionné aussi une pièce à

24 conviction de l'accusation -qui est la P2- pour étayer ses allégations et

25 dire qu'il n'y a pas eu de partage au niveau de la gestion de différentes

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1 parties du KP Dom. Il a fondé cette conclusion sur le fait que quoique la

2 cuisine et l'infirmerie aient été louées à ce groupe tactique appelé

3 "Foca", les locaux en question ont effectivement été utilisés par les

4 autres détenus aussi.

5 Or, si l'on se penche attentivement sur un certain nombre de pièces à

6 conviction qui se rapportent à la situation dans le segment où la défense

7 affirme que Milorad Krnojelac avait des attributions qui étaient les

8 siennes -et j'entends notamment la pièce à conviction de la défense 85, à

9 savoir le document envoyé par Milorad Krnojelac en guise de rapport à son

10 ministère de tutelle, à savoir le ministère de la Justice-, il peut être

11 conclu de là qu'il n'y avait que six prisonniers, que six détenus qui

12 -pour les raisons avancées par mon confrère, donc pour alcoolisme et

13 toxicomanie- se trouvaient être installés, hébergés dans ce KP Dom. Il est

14 donc normal que pour six détenus, il eût été superflu de construire une

15 infirmerie ou une cuisine à part. Ne tient donc pas debout non plus la

16 conclusion aux termes de laquelle la défense n'avait pas soulevé la

17 question de la présence de ces six détenus auparavant. Mais leur présence

18 découle de la pièce à conviction qui porte la cote D85; cela est indiqué

19 tout à fait clairement là-bas. Pour chacune des personnes citées là-bas,

20 il y a, à chaque fois, un énoncé des raisons, des motifs pour lesquels les

21 personnes en question étaient gardées là-bas.

22 Maintenant, s'agissant des allégations de mon éminent confrère, portant

23 sur les attributions qui étaient celles de Milorad Krnojelac en sa qualité

24 de gérant et de directeur de cette unité économique appelée "Drina",

25 occasion où il a été fait état d'une pièce à conviction de l'accusation

Page 318

1 qui est la pièce P3, la défense tient à dire qu'elle estime que cette

2 pièce à conviction montre pour le mieux dans quelle mesure le régime dans

3 la gestion de ce KP Dom avait été modifié par rapport à la situation qui

4 avait prévalu en temps de paix, notamment dans le segment où Milorad

5 Krnojelac se trouvait être le directeur de la partie civile. Et là, il n'y

6 avait guère de directeur de l'unité économique.

7 Mais après l'été 1993, cette fonction fait sa réapparition et, à ce

8 moment-là, il existe d'ores et déjà un directeur et des directeurs

9 adjoints; ce qui indique bien qu'à la période pertinente, au moment des

10 faits, il n'y avait que 27 prisonniers et cette unité économique "Drina".

11 Ce sont les seuls aspects ou où il y avait responsabilité de M. Milorad

12 Krnojelac.

13 Mon confrère a parlé de la pose de mines, chose qui a été faite pour

14 empêcher toute fuite de détenus. Partant de ce qui a été présenté comme

15 éléments de preuve, y compris la déclaration de Milorad Krnojelac, il

16 s'avère que, du point de vue du souci qu'il prenait pour les entrepôts du

17 KP Dom et pour le côté mur qui n'avait pas été sécurisé, en sa qualité de

18 directeur il se trouvait être présent lorsque les soldats plaçaient des

19 mines. Et cela n'a pas été fait en raison des prisonniers de guerre.

20 Il en est de même pour ce qui est de la demande d'approvisionnement en

21 gasoil et du système de sécurité. Une partie du gasoil a été utilisée, en

22 effet, pour les besoins de la production. S'agissant du système de

23 sécurité, on n'a pu s'en servir que pour assurer l'énergie électrique

24 nécessaire à l'éclairage; et celui qui loue le KP Dom, les installations

25 du KP Dom, est tenu d'assurer ces fournitures.

Page 319

1 Je pense que la connotation qui émane de cette demande ne saurait être

2 celle que mon éminent confrère a tenu à vous présenter, parce que je ne

3 vois pas comment on pourrait se servir, dans ce système de sécurisation,

4 du gasoil demandé, si ce n'est pour l'éclairage.

5 Maintenant, pour ce qui est des horaires de travail et de la présence de

6 Milorad Krnojelac dans le cadre du KP Dom, j'estime qu'il est moins

7 important de savoir si ces horaires de travail s'étalaient de 7 heures à 3

8 heures ou de 7 heures à 4 heures, mais l'assertion au terme de laquelle il

9 n'y a qu'une fois… la fois où il est allé voir son fils qui perdu ses deux

10 jambes est la seule fois où il s'était absenté du KP Dom.

11 En sus du témoignage des témoins qui avaient été employés dans l'unité

12 économique appelée "Drina" et qui ont parlé des tâches quotidiennes de

13 Milorad Krnojelac en corrélation avec Foca et les environs de Foca, pour

14 ce qui de ses tentatives de relancer la production dans cette unité

15 économique, la défense a versé au dossier, en guise d'éléments de preuve,

16 un grand nombre de titres de déplacement pour raison de service qui nous

17 montrent bien pour quelle raison Milorad Krnojelac s'est déplacé et à

18 quelle période.

19 L'allégation suivante au sujet de laquelle la défense se propose de parler

20 à présent, c'est l'acceptation de cette contrainte ou obligation de

21 travail que Milorad Krnojelac a accepté d'assumer pour ne pas, d'une part,

22 être emprisonné pour des motifs de violation de ce qui avait été une

23 obligation de travail, chose contestée par mon éminent confrère, en

24 prenant appui sur les cas de M. Tesovic et de M. Cancar qui, eux, auraient

25 refusé, sans conséquence aucune, d'occuper le poste qu'est venu par la

Page 320

1 suite occuper M. Krnojelac.

2 Ici, la défense tient à souligner une fois de plus que la pièce à

3 conviction P3 montre clairement que M. Tesovic avait quitté Foca dès

4 l'éclatement des conflits armés, et il avait emmené avec lui un certain

5 nombre de détenus en direction de Tuzla. Ce faisant, il a dû traverser le

6 Monténégro, la Serbie, et il est resté sur ce voyage ou sur cet itinéraire

7 jusqu'au mois de mai 1992.

8 Je tiens à vous rappeler que M. Krnojelac, lui, a été nommé directeur

9 intérimaire de cet établissement en avril 1992. Par conséquent, personne

10 ne pouvait nommer M. Tesovic à ce poste-là et lui poser la question de

11 savoir s'il voulait accepter ce poste ou pas. A son retour à Foca, un

12 directeur avait déjà été nommé au poste.

13 Pour ce qui est de M. Cancar et de sa déclaration faite auprès du Tribunal

14 à Sarajevo où il était l'accusé, en dépit de la peine élevée qui a été

15 prononcée initialement, il a fini par être relâché. Je crois que mon

16 confrère, mon coconseil dans cette affaire, a déjà parlé de la question et

17 il appartiendra à la Chambre d'appel de statuer.

18 Mon éminent confrère a également dit que c'est l'armée qui a confié le

19 pouvoir qu'elle a confié à Milorad Krnojelac. Cette conclusion s'avère

20 être tout à fait erronée. Tout d'abord, parce qu'il est des éléments de

21 preuve afférents à sa nomination, nomination prononcée par le ministère de

22 la Justice auquel il présente des rapports d'activité, et je crois que

23 cela ne devrait pas être contesté.

24 Maintenant, pour ce qui est du pouvoir de fait que Milorad Krnojelac avait

25 pu avoir à l'égard des soldats et des gardiens, autorité qui est soulignée

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1 notamment par nos éminents confrères du Bureau du Procureur, eh bien, on

2 peut les illustrer en parlant de deux événements concrets survenus et qui

3 ont été mentionnés en ce jour.

4 Le premier cas est le cas du témoin Dzevad Lojo où le gardien avait averti

5 Milorad Krnojelac du fait que cette conversation se trouvait être

6 interdite, et il l'a fait à plusieurs reprises. Cela, c'est un élément des

7 plus importants. Par la suite, Milorad Krnojelac lui a demandé, comme l'a

8 dit notre confrère, de ne pas l'interrompre. Il est difficile d'imaginer

9 que quelqu'un de subordonné au directeur se permettrait d'adopter un tel

10 comportement.

11 L'autre exemple est peut-être encore plus marquant, concernant Ekrem

12 Zekovic. En effet, en vertu du témoignage de ce témoin-là, le gardien

13 Burilo, en dépit du fait que Milorad Krnojelac se trouvait être présent,

14 l'aurait repoussé et se serait saisi de Zekovic pour le projeter contre le

15 mur. Il est difficile d'imaginer une telle attitude à l'égard d'un

16 directeur qui, formellement et de fait, se trouverait être l'homme pourvu

17 de pouvoirs, et ceci de la part d'un simple gardien.

18 Mon éminent confrère a également avancé autre chose, disant que Milorad

19 Krnojelac se trouvait être le supérieur de certains gardiens et n'était

20 pas le supérieur d'autres gardiens. Je pense qu'il aurait été équitable de

21 faire un pas de plus pour déterminer quels sont les gardiens pour lesquels

22 Milorad Krnojelac était le supérieur hiérarchique et quels sont les autres

23 pour qui il ne l'était pas. Ce faisant, il conviendrait de voir si les

24 gardiens qui avaient été placés sous ses ordres ont commis des crimes ou

25 si ce sont les gardiens qui n'étaient pas placés sous ces ordres qui ont

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1 commis des crimes. A la lumière d'une telle allégation, peut-être aurions-

2 nous pu nous pencher sur sa responsabilité en vertu de l'Article 7.3.

3 M. le Président: Monsieur le Juge Agius?

4 M. Agius (interprétation): Je commence à croire que vous n'avez pas lu le

5 paragraphe 317 du Jugement qui énumère de façon précise le nom des gardes

6 qui, d'après la Chambre de première instance, étaient directement

7 responsables de certaines des atrocités, de certains des passages à tabac

8 au KP Dom. Ce sont précisément les gardiens qui, aux yeux de la Chambre de

9 première instance, étaient redevables ou devaient rendre des comptes à M.

10 Krnojelac.

11 Nous sommes au paragraphe 317 en version française. Ce paragraphe commence

12 à la page 129.

13 M. Bakrac (interprétation): Merci, Monsieur le Juge.

14 Je me référais à ce que mon éminent confrère, M. le Procureur, a allégué.

15 Il n'a pas précisé à quoi se rapportaient ses dires; c'est la raison pour

16 laquelle j'ai estimé que la constatation avancée par mes soins se trouvait

17 être fondée.

18 Maintenant, en sus de ce que j'ai indiqué ici, pour ce qui est de ce

19 paragraphe 317 du Jugement, la défense ne voit pas sur quelle base la

20 sélection a été faite et elle ne voit pas quels sont les gardiens dont M.

21 Krnojelac n'était pas le supérieur hiérarchique.

22 Mais ce que je voulais dire concernait les allégations de mon confrère de

23 l'accusation où il n'a pas été fait référence aux différents points qui

24 figurent, eux, dans le Jugement.

25 Mon confrère a également parlé des contacts du CICR avec Milorad

Page 323

1 Krnojelac, en jugeant qu'il s'agissait là de réunions portant sur

2 l'incarcération de personnes et sur l'amélioration de la qualité de la

3 nourriture. Je ne pense pas qu'il y ait d'élément de preuve pour ce qui

4 est du contact avec Milorad Krnojelac quant à l'incarcération de

5 personnes.

6 Maintenant, pour ce qui est de l'amélioration de la qualité des vivres,

7 oui, Milorad Krnojelac s'est efforcé en effet d'améliorer l'alimentation

8 de toutes les personnes qui se trouvaient au KP Dom.

9 S'agissant des dires qui étaient censés illustrer l'autorité de fait de

10 Milorad Krnojelac, il a été dit que, suite à son intervention, les témoins

11 Pavlovic et Krsmanovic ont pu se rendre au KP Dom; et je crois que ce

12 fait-là est très bien expliqué dans les dires de ces témoins et dans la

13 déclaration de Milorad Krnojelac lui-même. Il avait demandé au

14 commandement militaire de lui accorder ces deux personnes-là pour remettre

15 en état et pour relancer le fonctionnement de cette unité économique de

16 "Drina". Ces personnes-là sont allées là-bas, ont été démobilisées pour

17 lui porter main-forte et, pendant ce temps-là, elles n'ont pas fait partie

18 d'unité militaire.

19 Maintenant, pour ce qui est de la pièce D39 dont a parlé mon confrère et

20 qui concerne l'information rédigée par Milorad Krnojelac, pour ce qui est

21 du transfert de la prison de Bileca vers Foca, je dois dire qu'il s'agit

22 là d'une information apportant des explications sur ce qu'il conviendrait

23 de faire pour que tel transfert soit possible. Mais cela n'ordonne pas que

24 transfert soit fait, cela ne réclame pas la réalisation d'un transfert.

25 On indique qu'au cas où l'on voudrait transférer la prison de Bileca vers

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1 Foca, il faudrait d'abord poser la question au ministère de la Justice,

2 signer un contrat de location, et assurer la présence de gardiens pour le

3 gardiennage des détenus. Comme suivant la logique des choses, le Groupe

4 tactique de Foca -une fois signé ce contrat de location de certains

5 segments du KP Dom- a assuré le nécessaire pour le segment dont nous

6 parlons ici.

7 M. le Président: Vous avez un oeil sur l'horloge, je suppose, Maître

8 Vasic! Vous avez un petit droit supplémentaire parce que vous avez un

9 débit de parole qui est beaucoup plus lent que celui de l'accusation.

10 Alors… Pour respecter une égalité totale, il faudrait que l'on mesure les

11 débits de parole selon les avocats. Alors, vous avez une petite

12 infériorité sur vos collègues! Mais quand même, la Chambre est gardienne

13 d'un certain équilibre, alors je voudrais savoir si vous avez encore

14 beaucoup d'éléments de réplique à ajouter?

15 M. Vasic (interprétation): Grand merci, Monsieur le Président, de la

16 compréhension dont vous faites preuve. Je n'en aurai pas pour très

17 longtemps encore; 10 minutes au plus.

18 M. le Président: Combien de minutes?

19 M. Vasic (interprétation): 10 minutes au plus.

20 M. le Président: Ecoutez, nous allons transiger: nous vous donnons 5

21 minutes. Vous avez l'esprit de synthèse et vous devez être capable en 5

22 minutes de finir de répliquer à l'accusation, sinon M. Staker va se lever

23 et va dire: "Ecoutez, ce n'est plus possible". Alors un petit effort de

24 synthèse, Maître Vasic. D'accord? Allez-y.

25 M. Vasic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

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1 regardé l'heure et je n'ai pas constaté dans quelle mesure j'étais allé

2 au-delà du temps imparti.

3 Maintenant, pour ce qui est des requêtes que M. Milorad Krnojelac

4 transmettait à la cellule de crise et le fait qu'il ait possédé le numéro

5 de téléphone de la cellule de crise, à mon avis, cela ne peut pas

6 constituer un élément de preuve disant qu'il faisait partie d'une

7 hiérarchie dont ont parlé mes confrères.

8 Nous avons déjà expliqué pourquoi ces requêtes ont été envoyées: il

9 voulait rendre service à des gens. Mais il n'était pas compétent pour la

10 partie qui était afférente à la détention des prisonniers de guerre. Or

11 les numéros de téléphone de la cellule de crise et les promenades avec

12 Rasevic ou d'autres ne peuvent pas constituer des éléments de preuve pour

13 conclure qu'il se trouvait faire partie d'une chaîne hiérarchique avec ces

14 personnes-là.

15 S'agissant de l'allégation faite au terme de laquelle il y a eu des

16 gardiens qui ont travaillé au KP Dom et dans le cadre de l'unité

17 économique "Drina", je pense que cela a été expliqué. Une fois qu'ils se

18 trouvaient dans l'unité économique "Drina", ils n'étaient plus mobilisés

19 dans l'armée. Ils étaient là des civils. Et lorsqu'ils étaient re-

20 mobilisés, ils s'adressaient à des autorités militaires.

21 Ce sont là les observations que la défense tenait à faire concernant

22 l'exposé oral de nos éminents confrères. Et je voudrais peut-être me

23 référer à un segment qui fait partie de la réponse écrite, pour ce qui est

24 des écritures en appel de la défense. Et je me réfère aux points 3 et 4

25 pour ce qui est du moyen en appel n°2, disant que le seul remède juridique

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1 auquel l'on aurait droit serait une révision du Jugement en première

2 instance et le remplacement… au cas où l'on agréerait ce que la défense

3 demande, les fondements au point 11 pour ce qui est de l'incarcération. Je

4 vous rappelle qu'il s'agit du crime de persécution.

5 La défense estime que, dans l'énoncé du Jugement de la Chambre de première

6 instance, il figure un fait à savoir que Milorad Krnojelac est acquitté du

7 point 11, et que, pour ce qui est de la décision de la Chambre de première

8 instance, il n'y a pas eu interjection de l'appel de la part du Procureur

9 pour ce qui est de ce point 11. Et si on le faisait, je pense que l'on

10 s'aventurerait à porter atteinte à l'équité de ce jugement ou de cette

11 décision.

12 Ce serait à peu près tout ce que j'avais à vous dire. Bien sûr si vous

13 avez des questions, je me tiens à votre disposition pour y répondre.

14 M. le Président: Bien. Je vous remercie, Maître Vasic.

15 Alors, nous arrivons au terme de nos audiences. Vous pouvez vous asseoir.

16 Nous arrivons au terme de nos audiences.

17 La Chambre souhaiterait que, bien entendu, conformément aux principes et

18 aux standards internationaux et nationaux d'ailleurs, nous entendions, de

19 façon finale, ce que voudra nous dire M. Milorad Krnojelac. S'il veut bien

20 se lever et peut-être venir ici, ce qui serait peut-être plus pratique,

21 avec son garde, bien sûr. Qu'il vienne ici au banc du…

22 Madame la Greffière, vous pouvez organiser…

23 Voilà. Vous pouvez venir ici, s'il vous plaît, Monsieur Krnojelac? Venez

24 ici vous installer là, en face de nous. Merci.

25 Bien. Nous vous écoutons. Vous pouvez vous asseoir, si vous le souhaitez.

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1 Sinon, allez-y.

2 (L'accusé reste debout.)

3 M. Krnojelac (interprétation): Messieurs les Juges, je suis un peu

4 surpris; et cela fait déjà deux jours que j'écoute les débats concernant

5 les appels interjetés. Mais, puisque vous m'avez déjà fourni cette

6 opportunité, je n'abuserai pas de votre temps; il me semble qu'on en a

7 déjà dit assez.

8 Je ne suis, pour ma part, pas en mesure de parler de choses pour

9 lesquelles je n'ai point fait d'études et pour lesquelles je ne suis pas

10 préparé. Ce sont là des questions juridiques. Je suis dans l'enseignement,

11 pour ma part. Je me propose de dire quelque chose quand même. Et si je

12 vous ennuie quelque peu, je ne vous en voudrais pas de m'interrompre et de

13 m'avertir de ce fait.

14 Dans ma vie, j'ai toujours été de ceux qui disaient que la vérité seule

15 était capable de se défendre par des faits véridiques. Je voudrais dire

16 que la défense, de mon point de vue à moi, a collecté un grand nombre de

17 preuves matérielles où elle s'est efforcée de démontrer, de prouver mon

18 innocence.

19 Le hasard a voulu que ce soit précisément en ce jour, à la date du 15 mai,

20 que cela fasse 59 mois que je suis ici, que je me trouve séparé de ma

21 famille que je chéris et qui est ce à quoi je tiens le plus. Mais je ne

22 vous fatiguerai pas avec ces éléments-là.

23 J'ai travaillé pendant plus de 30 ans dans une école. J'ai éduqué de

24 jeunes générations, je leur ai enseigné, comme on dirait, des matières

25 difficiles, à savoir les mathématiques et la physique. Et je leur disais

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1 toujours que "en mathématiques et en physique, il n'y a rien de difficile;

2 il n'y a que les choses que l'on sait et les choses que l'on ne sait pas".

3 Dans mon travail à moi, je me suis efforcé de faire pour le mieux pour

4 transmettre des connaissances à des générations jeunes aux fins que

5 celles-ci réalisent le plus de succès possible dans la vie. Et mon plus

6 grand plaisir et mon plus grand honneur survenaient lorsqu'ils venaient à

7 moi des informations disant que ces jeunes générations avaient eu plus

8 d'éducation que moi-même.

9 Je pense avoir adopté une attitude correcte à l'égard de mes élèves, en

10 m'efforçant de faire en sorte que l'approche soit celle d'un parent autre;

11 cette approche m'a été léguée par mes défunts parents. Et l'amour pour les

12 enfants, je l'ai hérité de mes parents. Et comme je l'ai dit tout à

13 l'heure, j'ai travaillé avec des élèves pendant 30 ans, pendant plus de 30

14 ans. Je crois que cela s'est répercuté sur les relations que j'ai eues

15 avec leurs parents et les autres citoyens.

16 Je dois vous reconnaître une chose qui est vraie: la composition des

17 élèves et la composition ethnique de leurs parents étaient toujours

18 variées, et jamais je n'ai été intéressé par le fait de savoir à quel

19 groupe ethnique l'un ou l'autre appartenait. Je voulais savoir quel type

20 d'élèves c'était, s'ils avaient de bons résultats ou de mauvais résultats.

21 Je voulais savoir s'ils pouvaient réaliser davantage dans leurs efforts.

22 Parce qu'être enseignant, à mes yeux, c'est être celui qui s'efforce de

23 mettre au service toutes ses aptitudes pour les communiquer à ses élèves.

24 Il est survenu une chose que jamais je n'avais pu m'imaginer, dans l'âge

25 qui est actuellement le mien: il est survenu cette malheureuse guerre…

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1 parce que c'était une guerre fratricide. Nous avons vécu en très bons

2 voisins, nous nous entendions très bien les uns avec les autres. Tout à

3 coup, cette espèce d'épidémie est venue de nulle part, des airs, et il est

4 devenu tout à coup important de savoir de quel groupe ethnique on était.

5 Les gens s'étaient insurgés. Je ne voudrais pas vous fatiguer davantage

6 avec ce récit.

7 Dans cette guerre, ma maison a été mise à feu. Vous avez également entendu

8 dire que mes deux fils sont des invalides graves. Et ma maison ayant

9 brûlé, j'ai d'abord été installé à l'hôtel, puis dans un appartement qui a

10 été loué par la municipalité où j'ai survécu.

11 Je n'étais pas le seul à traverser ce type de malheurs. Tant des Serbes,

12 des Croates et des Musulmans ont traversé des malheurs analogues. Je ne

13 vais pas vous énumérer toutes ces personnes-là, je ne veux pas abuser de

14 votre temps précieux.

15 Il est arrivé des choses autres encore. Je suis originaire d'une famille

16 paysanne qui a, de tout temps, vécu dans des régions montagneuses.

17 Mes défunts parents avaient, eux, 9 enfants. En raison des circonstances

18 très variées dans lesquelles ils ont vécu, région montagneuse comme je

19 viens de le dire, le malheur a fait son travail et les circonstances ont

20 voulu que, seuls 4 enfants survivent à la Deuxième Guerre mondiale.

21 Mon père est décédé en 1965. Ma mère est décédée en 1967. En 1995, j'ai

22 perdu un frère, je suis venu ici en 1998. Ma sœur est décédée. Et en

23 février de cette année-ci, j'ai perdu un autre frère. Ce qui fait que sur

24 les 9 enfants, il n'est resté que moi de vivant. Et je me trouve devant

25 cette Chambre équitable.

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1 Il s'entend que tout ceci a influé sur moi, sur mon état de santé. J'ai

2 été soumis à une intervention chirurgicale ici, au niveau de l'unité de

3 détention, en 2000; et dernièrement j'ai des problèmes avec mes vaisseaux

4 sanguins dans les jambes. J'ai des problèmes avec mes organes digestifs.

5 J'ai des problèmes de vue.

6 Il y a quelques jours seulement que je me suis adressé, pour la troisième

7 fois, pour procéder à un remplacement de mes verres parce que ma vue se

8 détériore très rapidement.

9 Je dis tout ceci parce que ces conditions… parce que ce que j'ai traversé,

10 ce que j'ai vécu, à présent encore, en dépit de toutes les difficultés que

11 j'ai connues, n'ont engendré en moi ne serait-ce qu'une miette de haine ou

12 de sentiment hostile à l'égard de quelque homme de bonne volonté que ce

13 soit, indépendamment du groupe ethnique, de sa situation sociale ou de son

14 statut autre quel qu'il soit.

15 J'ai pleinement confiance en cette Chambre d'appel pour ce qui est de la

16 voir prendre une décision juste et, à Dieu plaise, je pense l'accueillir

17 dans une situation meilleure que celle qui est la mienne aujourd'hui. Je

18 vous remercie pour cela à l'avance.

19 Je tiens à dire que je n'ai pas voulu parler du procès, des débats, parce

20 que les débats ont déjà duré deux jours. C'étaient des débats

21 professionnels, techniques, ardus; c'est pourquoi je n'ai pas voulu en

22 parler moi-même.

23 Mais je vous affirme -et j'en réponds sur ma tête- que je n'ai pas pensé

24 de mal à l'égard de quiconque parce que, notamment à mon âge -et aucun de

25 mes frères n'a vécu plus de 65 ans- j'aurai pour ma part dans quelques

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1 jours 63 ans et je ne pense pas pouvoir vivre plus longtemps que ce qu'ont

2 vécu mes frères. Je pense que cela est normal.

3 Merci une fois de plus et excusez-moi d'avoir abusé de votre temps.

4 M. le Président: Merci. Vous pouvez rejoindre votre siège, s'il vous

5 plaît.

6 A présent, nos débats sont terminés.

7 Je voudrais remercier les conseils de la défense et les conseils de

8 l'accusation pour la correction dans laquelle se sont passés ces débats,

9 la courtoisie et la correction.

10 Je voudrais remercier nos fidèles interprètes, bien sûr, toujours

11 présents.

12 L'interprète française: Merci, Monsieur le Président.

13 M. le Président: Et dans ces conditions, l'audience est levée.

14 (L'audience est levée à 17 heures 40.)

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