Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 774

  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                      AFFAIRE N° IT-98-33-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3  

  4   Lundi 20 mars 2000

  5  

  6   L'audience est ouverte à 09 heures 35.

  7  

  8   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

  9   M. le Président. - Bonjour Madame, Messieurs. Je salue la cabine

 10   technique, les interprètes.

 11   L’interprète. – Bonjour, Monsieur le Président.

 12   M. le Président. - Bonjour l'accusation et la défense, le

 13   général Krstic. 

 14   Nous allons reprendre, aujourd'hui, le Juge Wald et moi-même.

 15   Nous siégions à deux comme on vous l'avait annoncé. Nous le faisons aux

 16   termes de l'article 15 bis du Règlement, peut-être pour aujourd'hui

 17   seulement.

 18   Donc, nous allons reprendre le témoignage de M. Jean-René Ruez,

 19   est-ce cela ?

 20   Monsieur Harmon, vous avez à la parole.

 21   M. Harmon (interprétation). – Oui, bonjour, Monsieur le

 22   Président, bonjour Madame le Juge. En effet, c'est bien le cas. Et bonjour

 23   au conseil de la défense.

 24   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 25   M. le Président. – Bonjour, Monsieur. Vous m'entendez ?

Page 775

  1   M. Ruez (interprétation). - Oui.

  2   M. le Président. - Je vous rappelle que vous êtes encore sous

  3   déclaration solennelle. Vous allez continuer à nous donner votre

  4   témoignage par le biais de M. Harmon. Vous allez répondre aux questions

  5   qu'il va vous poser.

  6   M. Harmon (interprétation). – Bonjour, Monsieur Ruez. Je vous

  7   demanderai de bien vouloir vous approcher de la grande carte qui est une

  8   pièce à conviction de l'accusation et de localiser le centre de Pilica.

  9   M. Ruez (interprétation). - Je n'ai pas le micro que j'avais

 10   dans l'autre prétoire, le micro baladeur.

 11   M. Harmon (interprétation). – Monsieur Ruez, la semaine

 12   dernière, nous nous sommes séparés lorsque nous regardions le centre de

 13   Pilica, c'est exact ?

 14   M. Ruez. – Oui, c'est exact. Je vais indiquer à présent

 15   l'emplacement de cet endroit sur la carte. En haut de la pièce à

 16   conviction, nous voyons la limite Nord du secteur sous la responsabilité

 17   du Corps de la Drina.

 18   M. Harmon (interprétation). – Monsieur Ruez, je vous demanderai

 19   de prendre la pièce à conviction de l'accusation 25 A.

 20   M. Ruez (interprétation). - Cette pièce est une photocopie de la

 21   carte du secteur, au 50/1000. On y trouve l'emplacement exact du centre de

 22   la Culture de Pilica. On voit sur cette carte que cette maison de la

 23   Culture se situe à 2 kilomètres de la ferme de Branjevo à peu près, après

 24   un parcours sur une route en terre. C'est le chemin qui a été suivi par

 25   les responsables du crime ce jour-là. La pièce suivante est la pièce 25/1,

Page 776

  1   c'est une photographie aérienne de Pilica.

  2   Je vous montrerai également la pièce 25/2 qui est la même

  3   photographie sur laquelle on trouve des indications écrites. Peut-on

  4   agrandir un peu l'image ? Sur cette photographie, on voit bien la route

  5   nationale qui se dirige vers Bjelina si l'on va vers le nord, et vers

  6   Zvornik si on va vers le sud.

  7   On voit aussi l'emplacement du café, c'est-à-dire le lieu à

  8   partir duquel Drazen Erdemovic a pu être témoin des événements. Et vous

  9   voyez également sur cette photographie l'emplacement de la maison de la

 10   Culture qui est le bâtiment le plus important de ce quartier. On voit

 11   également un véhicule non identifié sur cette photographie, que l'on

 12   reverra sur une autre photographie plus tard, et j'en parlerai donc à ce

 13   moment-là. Cette photographie montre bien que le secteur est assez peuplé.

 14   Sur la pièce suivante, la pièce 25 3, on voit mieux ce quartier.

 15   Cette photographie est prise à partir d'un hélicoptère en 1999, et il a

 16   survolé la maison de la Culture ainsi que le café qui se trouve en face.

 17   Je vais tracer un cercle autour de ces deux bâtiments : ici, la maison de

 18   la Culture que j'indique par la lettre A, et ici le café que j'indique par

 19   la lettre B. On voit nettement sur cette photographie la présence d'un

 20   certain nombre de maisons, et dans le film daté de 1996 on apprenait que

 21   ces maisons étaient habitées, à l'époque.

 22   M. Harmon.(interprétation) - Donc, monsieur Ruez, ces exécutions

 23   se sont déroulées dans un lieu peuplé, n'est-ce pas ?

 24   M. Ruez (interprétation). - C'est absolument exact. La pièce

 25   suivante est la pièce 25/4. Elle nous montre encore une fois la relation

Page 777

  1   existant entre la maison de la Culture et le café. Je trace un cercle

  2   autour de ces deux bâtiments, et j'inscris la lettre A pour la maison de

  3   la Culture et la lettre B pour le café.

  4   La pièce 25/5 nous montre cette même maison de la Culture par le

  5   dessus. Ce jour-là, un autobus ressemblant à ceux qu'utilisait

  6   l'entreprise de bauxite Milici, et qui a servi à la déportation des

  7   personnes qui devaient ensuite être exécutées, se tenait devant le

  8   bâtiment. Cette photographie est datée, elle, de 1999. J'inscris une

  9   flèche pour indiquer où se trouvait la porte d'entrée à la maison de la

 10   Culture.

 11   M. Harmon.(interprétation) - J'aimerais appeler votre attention

 12   sur deux éléments que l'on voit derrière l'autobus et entre l'autobus et

 13   la maison de la Culture. Vous voyez ces deux objets, ces deux éléments en

 14   pierre, de grande taille ? Pouvez-vous dire aux Juges si votre enquête a

 15   prouvé que ces éléments étaient présents au moment de l'exécution, et si

 16   tel n'était pas le cas, nous expliquer pourquoi ?

 17   M. Ruez (interprétation). - Ces deux éléments font partie d'un

 18   monument qui a un rapport avec l'école. Mais le monument a été déplacé

 19   depuis, et à cet endroit on est en train de construire un monument

 20   religieux.

 21   M. Harmon.(interprétation) - En 1995, ces deux monuments de

 22   grande taille étaient-ils présents ?

 23   M. Ruez (interprétation). - Ils étaient présents, mais je

 24   montrerai une autre pièce, la pièce 25/7, qui montrera quel était l'aspect

 25   de ces monuments en 1996. Et aujourd'hui ces monuments sont en train de

Page 778

  1   subir des transformations.

  2   M. Harmon.(interprétation) - Merci.

  3   M. Ruez (interprétation). - La pièce 25/6 est une plaque qui se

  4   trouve sur la façade avant de la maison de la Culture et que l'on voyait

  5   dans le film. Sur cette plaque figure le nom de l'endroit, à savoir

  6   Pilica.

  7   La pièce suivante, la pièce 25/7, nous montre la façade avant du

  8   bâtiment, et on y voit les deux bâtiments, les deux monuments auxquels

  9   vous venez de faire référence.

 10   La pièce 25/8 nous montre la porte d'entrée de la maison de la

 11   Culture, donc la grande porte -en effet, le bâtiment a deux portes-, et

 12   ici, avec une flèche, j'indique l'emplacement de la porte d'entrée. C'est

 13   à partir de cette porte qu'un témoin B vu des hommes qui couraient devant

 14   le bâtiment et qui se sont faits tuer à coups de feu dans la rue. Pour

 15   autant que nous le sachions, il n'y a pas eu un seul survivant de cet

 16   événement. Nous n'avons jamais rencontré personne qui ait survécu à ce qui

 17   s'est passé à cet endroit, et personne ne nous a dit non plus connaître

 18   quelqu'un qui avait survécu. En l'absence du témoignage de

 19   Drazen Erdemovic, nous n'aurions pas eu connaissance de ce qui s'est passé

 20   ici. Drazen Erdemovic est le seul qui a fourni des informations à ce

 21   sujet.

 22   La pièce suivante, la pièce 25 /9, a un rapport avec la

 23   pièce 25/10. Ces deux pièces juxtaposées nous montrent une vue panoramique

 24   de la porte, ce qui nous permet de voir quel était l'aspect de cette porte

 25   avant notre entrée dans le bâtiment. On la voit également sur la séquence

Page 779

  1   vidéo que nous avons déjà montrée aux Juges.

  2   J'ai un petit problème avec le rétroprojecteur... Comme on le

  3   voit bien sur cette photographie, entre les deux portes en fer, on voit

  4   plusieurs nids d'araignée, ce qui semble indiquer que la porte n'a pas été

  5   ouverte depuis notre arrivée. La vidéo est datée de juin 1996, donc il est

  6   fort probable qu'entre juillet 1995 et juin 1996 personne n'ait pénétré à

  7   l'intérieur de ce bâtiment et que nous ayons été les premiers à y pénétrer

  8   immédiatement après le nettoyage, le ménage, qui a été fait en 1995.

  9   La pièce 25/11, c'est une photographie qui a été prise à partir

 10   des ouvertures que l'on trouve au premier étage. Ces ouvertures ont sans

 11   doute été faites pour le projectionniste lorsqu'il s'est déplacé à

 12   l'intérieur de ce bâtiment. On y voit également la deuxième porte dont je

 13   parlais tout à l'heure, que j'indique ici à l'aide d'une flèche.

 14   La pièce 25/12 est un gros plan qui montre les taches de sang

 15   les plus importantes que nous avons trouvées à l'intérieur du bâtiment.

 16   La pièce 25/13 montre l'un des murs du bâtiment au cours du

 17   prélèvement d'un certain nombre d'échantillons pris sur ce mur.

 18   Et la pièce 25/14 est une photographie du mur arrière du

 19   bâtiment où l'on trouve les traces les plus importantes de destruction, ce

 20   qui semble indiquer que c'est là que les gens se sont rassemblés pour

 21   tenter d'échapper à l'explosion des grenades et aux coups de feu.

 22   La pièce 25/15 nous montre le café qui se trouve exactement en

 23   face de la maison de la Culture.

 24   La pièce 25/16 est une photocopie en noir et blanc d'une

 25   photographie aérienne en noir et blanc elle aussi. Je dois dire que la

Page 780

  1   qualité de la photocopie est assez mauvaise, mais on y voit un gros plan

  2   d'une photographie aérienne que nous avons vue il y a quelques instants,

  3   celle sur laquelle on voyait un véhicule non identifié. On nous a dit

  4   qu'en fait ce véhicule non identifié était en fait un camion.

  5   Je vais à présent tracer un cercle autour de cet élément. Cette

  6   photographie est datée du 27 juillet 1995. Et l'événement dont nous

  7   parlons s'est déroulé le 16 juillet, donc cette photographie a été prise

  8   le lendemain de tous ces assassinats. Il est permis de conclure que ce

  9   camion était garé ici en vue de transporter les corps des victimes loin de

 10   la maison de la Culture.

 11   On voit un autre élément sur cette photographie, c'est-à-dire

 12   des traces de pneus que j'encercle ici, et ces traces de pneus mènent à la

 13   pièce secondaire que j'ai montrée il y a quelques instants sur une autre

 14   pièce à conviction. Ici, je trace une flèche pour indiquer l'emplacement

 15   de cette porte latérale. Il est donc fort possible qu'un deuxième véhicule

 16   soit arrivé sur les lieux pour contribuer à nettoyer les lieux plus

 17   rapidement, à moins qu'il ne s'agisse du même camion et non d'un autre

 18   camion.

 19   M. Harmon (interprétation). – Monsieur Ruez, en sommes-nous

 20   arrivés à la fin de votre déposition au sujet de la maison de Culture de

 21   Pilica ?

 22   M. Ruez (interprétation). - Oui.

 23   M. Harmon (interprétation). – Nous pouvons maintenant passer à

 24   l'école de Rocevici et je vous demanderai encore une fois d'en indiquer

 25   l'emplacement aux Juges.

Page 781

  1   M. Ruez (interprétation). - Sur la route qui va de Zvornik à

  2   Bjelina se trouve cet endroit, qui est en fait entre Kozluk et Pilica. Je

  3   vais maintenant en montrer l'emplacement exact sur la carte, donc sur

  4   cette grande pièce à conviction, l'endroit est indiqué accompagné d'un

  5   triangle.

  6   La pièce à conviction suivante est la pièce 26 A, c'est une

  7   photocopie de la carte du secteur, et le point vert indique l'emplacement

  8   de l'école. A partir de la route, cet endroit se trouve au sommet de la

  9   colline, l'école étant donc tout en haut. Nous n'avons aucune indication

 10   quant au nombre exact de personnes emmenées dans cette école ni quant à la

 11   durée de leur séjour dans cette école.

 12   La pièce 26/1 est une photographie de l'école. Peut-on reculer

 13   un peu ? Voilà, derrière l'école, il y a d'autres bâtiments, lorsqu'on

 14   fait un gros plan de l'école, voilà l'aspect qu'elle présente à partir de

 15   la route.

 16   M. Harmon (interprétation). – Parlons maintenant, si vous le

 17   voulez bien, de Kozluk. Je vous demanderai encore une fois d'indiquer

 18   l'emplacement de Kozluk sur la grande carte et puis de prendre la petite

 19   carte, pièce à conviction 27 A pour parler de Kozluk.

 20   M. Ruez (interprétation). – Kozluk est un lieu d'exécution et un

 21   lieu où on a trouvé des fosses communes primaires. Au nord-ouest de

 22   Kozluk, il faut traverser la ville et se diriger vers le sud de la ville

 23   pour atteindre une route de terre, qui nous amène en un lieu situé à côté

 24   de la vallée de la Drina. Et sur la carte, l'endroit en question se trouve

 25   ici.

Page 782

  1   (Le témoin indique l'endroit.)

  2   La pièce 27 A est une carte de ce secteur, sur laquelle je vais

  3   indiquer plus précisément l'emplacement du site d'exécution. La ligne

  4   noire qui tourne à droite pour aller vers la Drina est une route de terre,

  5   et à l'endroit où j'inscris un petit cercle, on trouve le lieu du site

  6   d'exécution.

  7   Nous n'avons trouvé aucun survivant à ce qui s'est passé à

  8   Kozluk. D'après les informations que nous avons reçues, il semblait que,

  9   parfois, il était difficile d'atteindre Zvornik et notamment le quartier

 10   général du corps de la Drina situé à Vlasenici.

 11   Mais, s'agissant des événements de Kozluk, nous avons obtenu des

 12   informations qui sont parvenues à une communauté de réfugiés en Allemagne,

 13   en provenance de ce lieu. Suite aux informations que nous avons reçues,

 14   nous avons pu exiger une vérification de ces événements par imagerie et

 15   c'est ainsi qu'a été obtenue la pièce 27/1. Donc, il y a d'abord eu des

 16   rumeurs que nous avons entendues et c'est ainsi nous avons pu avoir accès

 17   à ces deux photographies : la photographie de gauche est datée du

 18   5 juillet 1995 et la photographie de droite, datée du 17 juillet 1995,

 19   montre de la terre fraîchement remuée.

 20   Sur la photographie de gauche, on voit à l'extrême gauche de la

 21   photo une zone grise et blanche, c'est la Drina, la rivière. Un peu plus à

 22   droite, on voit un petit chemin qui croise l'inscription 5 juillet 1995,

 23   c'est le petit chemin que j'ai déjà indiqué sur une pièce à conviction

 24   précédente. Comme on le constate, il y a plusieurs endroits où la terre a

 25   été remuée, notamment le secteur que j'inscris dans un cercle

Page 783

  1   correspondant à la lettre A et on voit sur cette photographie très

  2   nettement un creux que j'indique par la lettre B. Voilà donc l'aspect d'un

  3   puits vu d'en haut, il n'a pas été utilisé en dehors du fait qu'il a servi

  4   à fournir de la terre pour couvrir les corps ailleurs.

  5   La pièce suivante est la pièce 27/2, vue aérienne de la zone où

  6   l'on voit à gauche ce secteur que nous avons indiqué par la lettre A,

  7   c'est-à-dire le secteur où se trouvent la fosse et le site d'exécution.

  8   Ici, j'inscris une flèche à l'intérieur du cercle A pour indiquer le site

  9   d'exécution. Sur cette même photographie, on voit également la ville de

 10   Kozluk, en haut et à l'extrême droite un bâtiment que j'inscris dans un

 11   cercle, c'est une usine d'embouteillage, l'usine Vitinka de Kozluk, qui a

 12   servi également de quartier général aux "Loups" de la Drina, à savoir une

 13   unité de la brigade présente sur ces lieux.

 14   Le seul moyen pour quitter le secteur consiste à passer devant

 15   l'usine et donc devant la caserne des "Loups" de la Drina.

 16   M. Harmon (interprétation). – Pourriez-vous indiquer

 17   l'emplacement de la caserne des "Loups" de la Drina et de l'usine sur

 18   cette photographie ?

 19   M. Ruez (interprétation). - Je les inscrits ici dans un cercle

 20   correspondant à la lettre B.

 21   La pièce 27/3 est une autre vue du site où l'on voit en gros

 22   plan le site d'exécution, et le site où les corps ont été enterrés.

 23   J'entoure cette zone d'un cercle et j'inscris la lettre A. De l'autre côté

 24   de la rivière commence le territoire de la République fédérale.

 25   La pièce 27/4 est une photographie du site prise au sol le jour

Page 784

  1   où nous y sommes arrivés, en juin 1998. On se rend bien compte que ce lieu

  2   est assez isolé et peu visible de la route.

  3   La photographie 27/5 nous montre un échantillonnage de ce que

  4   nous avons trouvé sur les lieux le jour de notre arrivée. Comme on le

  5   constate, les principaux éléments se composent de morceaux de verre

  6   cassés, ces tessons de verre provenant de l'usine d'embouteillage. Ces

  7   éléments sont intéressants car ils nous ont permis d'établir un lien entre

  8   la fosse commune primaire que l'on trouvait sur ce lieu et tous les autres

  9   lieux, malgré le fait que cette fosse ait été remuée par les responsables

 10   de ce crime avant les accords de Dayton, et que les corps en aient été

 11   retirés pour être cachés dans des lieux plus éloignés. Mais ces autres

 12   lieux ont été découverts et partiellement exhumés, et on y a trouvé

 13   également des fragments de verre, des douilles et des parties de corps

 14   humains, que j’encercle ici, et que nous avons sortis du sol un peu plus

 15   tard le même jour.

 16   Pièce à conviction suivante, la 27/6. C'est une photographie

 17   d'un mur qui se trouve à côté de l'usine d'embouteillage, et sur laquelle

 18   figure le nom de l'usine, usine Vitinka de Kozluk.

 19   Pièce à conviction 27/7, c'est une photographie de l'usine avec

 20   à côté d'elle la caserne des Loups de la Drina. On voit d'ailleurs un

 21   membre de cette unité des Loups de la Drina sur la photographie portant un

 22   uniforme vert. La photographie étant datée de 1998.

 23   M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, Madame le

 24   Juge, nous allons maintenant diffuser un film, c'est la pièce à conviction

 25   de l'accusation, 27/8. Pourriez-vous, Monsieur Ruez, commenter ce film au

Page 785

  1   fur et à mesure de sa diffusion ?

  2   (Diffusion du film)

  3   M. Ruez (interprétation). – Il s'agit d'une vue aérienne de la

  4   région. Nous pouvons voir ici la vallée de la Drina du côté gauche. On

  5   voit la rivière de la Drina, ainsi que le site des exécutions et la fosse

  6   commune. De l'autre côté de la rivière se trouve la République fédérale de

  7   Yougoslavie. Et voici le chemin qui mène vers Kozluk.

  8   Nous pouvons voir à présent les immeubles que j'ai désignés par

  9   la lettre B sur la pièce à conviction. Et nous voyons une vue aérienne qui

 10   nous montre bien que le site est inhabité.

 11   Nous voyons maintenant des vues du site prises sur les lieux

 12   mêmes. Puis, la zone qui se trouve juste à côté de la rivière. Nous voyons

 13   le terrain, la terre remuée, l'apparence du terrain quand nous sommes

 14   arrivés le premier jour de notre déplacement.

 15   Ici, vers le bas, nous pouvons voir des débris de verre, et ici

 16   nous pouvons voir ce qui reste d'un corps humain. Il y a plusieurs

 17   monticules de verre cassé. Nous nous trouvons en bordure d'une fosse. Nous

 18   pouvons y voir la partie d'un pied chaussé d'une chaussure encore. Une

 19   autre chaussure ici, puis des amas de verre brisé, des douilles que nous

 20   avons retrouvées en limite même de la fosse commune. Nous avons recueilli

 21   beaucoup de douilles lors de l'exhumation des corps. Les douilles étaient

 22   ensevelies de terre fort souvent et de débris de verre. Ici, on voit une

 23   vertèbre. Une autre chaussure.

 24   Nous essayons ici de sortir, de tirer du sol les chaussures. Et

 25   nous avons compris que, sous la terre, il y avait un corps. Je crois que

Page 786

  1   le terrain avait été creusé de manière assez négligée étant donné que les

  2   corps ont été retrouvés à quelques centimètres de la surface.

  3   Nous nous trouvons dans la région, à proximité du site

  4   d'exécution et de celui de la fosse commune. Il y a plusieurs monticules

  5   de détritus. La zone avait été auparavant un cimetière musulman puisque

  6   nous avons trouvé une pierre tombale.

  7   Nous pouvons voir des étiquettes en provenance de cette usine de

  8   bouteilles, d'embouteillage. Nous retournons à Kozluk, nous voyons le

  9   quartier général des Loups de la Drina, et juste à côté l'usine de

 10   Vitinka.

 11   A vol d'oiseau, entre ces deux sites-là, il y a à peu près un

 12   kilomètre. Nous voyons, ici, un emblème d'une personne portant le sigle

 13   des Loups de la Drina, on voit un loup noir en train de hurler au milieu

 14   d'un cercle bleu.

 15   Nous nous trouvons maintenant dans la localité de Kozkuk. Le

 16   véhicule que vous voyez a viré vers le site, en passant par le centre de

 17   la localité. Et selon les rumeurs qui nous ont été rapportées, les

 18   prisonniers avaient dû chanter des chansons serbes pendant qu'ils étaient

 19   transportés vers le site d'exécution.

 20   Par la suite, nous avons procédé à une exhumation. Nous voyons

 21   le site au cours des exhumations, à savoir toute la localité où des

 22   exhumations ont été effectuées. Et ces exhumations sont achevées. Vous

 23   recevrez un compte rendu de ces travaux d'exhumation.

 24   Nous voyons ici une pente où nous avons retrouvé des corps.

 25   M. Harmon (interprétation). – Monsieur Ruez, je me propose de

Page 787

  1   vous montrer deux grandes photographies que j'ai utilisées lors de mon

  2   allocution au début du procès. Je voudrais que vous puissiez nous désigner

  3   les emplacements où ces photographies ont effectivement été prises.

  4   Monsieur Ruez, l'huissier tiendra la photo devant vous, c'est la

  5   pièce à conviction 1/A, de l'accusation.

  6   Est-ce que vous reconnaissez cette photographie ? Pouvez-vous

  7   nous dire où cela a été fait ?

  8   M. Ruez (interprétation). – La photographie a été prise au lieu

  9   d'exhumation à côté. On voit la région le plus au nord du site dont nous

 10   avons parlé tout à l'heure. C'est là que nous avons retrouvé des corps

 11   dans la même position où ces corps avaient été abandonnés après

 12   l'exécution.

 13   M. Harmon (interprétation). – Je vous propose de montrer la

 14   pièce à conviction 1/H. Je vous prie de nous l’identifier et de nous dire

 15   où elle a été prise.

 16   M. Ruez (interprétation). - Cette photographie est une

 17   photographie de l'un des 340 corps qui ont été exhumés près de Kozluk. Les

 18   340 corps ne constituent qu'une partie des corps exhumés, étant donné que

 19   la fosse a été creusée par la suite et qu’on en a trouvé d'autres dans la

 20   vallée de Cersak.

 21   M. Harmon (interprétation). – Je vous prie de laisser cette

 22   photographie ici. Je voudrais que l'on montre au témoin la pièce à

 23   conviction 27/9. Est-ce que vous reconnaissez l'objet que je vous montre ?

 24   M. Ruez (interprétation). – Oui, il s'agit d'un bandeau pour les

 25   yeux que l'on a retrouvé à Kozluk, que l'on a retrouvé sur la tête d'un

Page 788

  1   homme qui avait les bras, les poignets ligotés derrière le dos.

  2   M. Harmon (interprétation). – C'est bien la pièce à

  3   conviction 1/A ?

  4   M. Ruez (interprétation). – Oui.

  5   M. Harmon (interprétation). – Monsieur Ruez, je me propose de

  6   vous montrer une carte qui ressemble à la grande carte que vous avez sous

  7   les yeux. Je vous prie d'identifier la pièce à conviction en question et

  8   de nous dire de quoi il s'agit.

  9   M. Ruez (interprétation). – Cette pièce à conviction est

 10   effectivement la même carte que celle de tout à l'heure, en plus grand. La

 11   différence c’est qu'ici nous voyons le terrain, et cela constitue un

 12   aspect fort important pour que nous puissions bien comprendre les

 13   événements dont nous parlons, étant donné que ces régions n'ont pas été

 14   choisies par hasard. La plupart des sites se trouvent à des endroits

 15   éloignés des agglomérations. Cela vous apparaîtra clairement lorsque nous

 16   parlerons des fouilles que nous avons faites au niveau des fosses

 17   communes.

 18   Nous retrouvons les mêmes localités que sur la grande carte,

 19   mais les désignations sont différentes. Le seul élément prêtant à

 20   confusion sur ce plan-là, c’est que dans l'angle du bas, à droite, on voit

 21   la limite de l'enclave. Elle est marquée. Et les points d'observation sont

 22   marqués par une couleur jaune. Cela peut donc prêter à confusion étant

 23   donné que les fosses communes secondaires ont été utilisées avec des

 24   couleurs jaunes également mais on a utilisé des triangles jaunes. Comme je

 25   l'ai dit, sur ce plan-là, on retrouve les mêmes éléments que ceux dont

Page 789

  1   j'ai parlé lors des trois jours écoulés.

  2   M. Harmon (interprétation). - Ces points d'observation de

  3   surveillance, ce sont les petits carrés blancs avec un point à

  4   l’intérieur ?

  5   M. Ruez (interprétation). - Oui, ce sont les points

  6   d'observation des Nations Unies.

  7   M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, j'ai

  8   terminé mon interrogatoire à l'intention de M. Ruez.

  9   M. Dubuisson. - Excusez-moi de vous interrompre. Pouvez-vous

 10   m'indiquer le numéro de cette dernière pièce à conviction ?

 11   M. Harmon (interprétation). - Il s'agit de la pièce à

 12   conviction 29 ?

 13   M. le Président. - Nous allons donc commencer le contre-

 14   interrogatoire par la défense. Il serait peut-être bien de faire une pause

 15   maintenant. De cette façon, la défense peut se réorganiser ou préparer

 16   quelque chose.

 17   Maître Petrusic et Maître Visnjic, êtes-vous d'accord ? Cela

 18   vous convient une pause maintenant avant de commencer ?

 19   M. Petrusic (interprétation). – Oui, Monsieur le Président.

 20   Puisque nous devons faire des consultations avec la cabine technique, je

 21   vous serais reconnaissant de procéder à une pause.

 22   M. le Président. – Nous allons avoir une pause de 20 minutes,

 23   après on reprendra avec le contre-interrogatoire par la défense.

 24   (L'audience, suspendue à 10 heures 23, est reprise à 10 heures

 25   45.)

Page 790

  1   M. le Président. - Nous allons donc commencer le contre-

  2   interrogatoire du témoin, M. Jean-René Ruez, par la défense et donc

  3   Maître Petrusic, vous avez la parole. S'il vous plaît ?

  4   M. Petrusic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  5   Monsieur Ruez, la défense se propose de revenir au 10

  6   juillet 1995. Dans votre interrogatoire principal, vous avez dit à ce

  7   sujet que le moment clé, c'était de savoir si l'on se déplaçait vers

  8   Potocari ou vers les bois. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus, je vous

  9   prie ?

 10   M. Ruez (interprétation). - Je n'ai pas très bien entendu votre

 11   question. J'ai entendu un fait.

 12   M. Petrusic (interprétation). – Sait-on qui a pris la décision

 13   de se rendre dans cette direction ?

 14   M. Ruez (interprétation). - La réponse est négative. Nous ne

 15   savons pas qui a pris cette décision. Je pourrais vous donner une réponse

 16   plus complète, si vous me le permettez. Pour autant que nous le sachons,

 17   les décisions avaient été prises auparavant, c'est-à-dire avant le 10. Il

 18   s'agissait donc de la décision relative à une sortie de l'enclave.

 19   M. Petrusic (interprétation). - Et cette décision a-t-elle été

 20   prise par des organes civils ou militaires du pouvoir en place ?

 21   M. Ruez (interprétation). - J'entends… Enfin, je suis en train

 22   d'écouter la traduction et c'est pour cela que je fais cette pause en

 23   attendant de répondre à votre question.

 24   La décision initiale n'avait pas été prise de façon concertée.

 25   Des groupes de gens avaient pris, de façon autonome, la décision de le

Page 791

  1   faire. Ce qui est arrivé, c'est qu'en date du 11 juillet, lorsque les gens

  2   avaient été rassemblés dans la ville de Srebrenica et ils ne se sont pas

  3   rassemblés là-bas suite à des instructions. Il s'agissait plutôt d'un

  4   mouvement normal qui s'est déroulé ce jour-là. La raison en avait été que

  5   les gens avaient compris que si rien n'était fait, l'enclave allait

  6   effectivement tomber. Et ce jour-là, tout le monde s'attendait à ce qu'il

  7   y ait une attaque aérienne. Les gens se sont donc rassemblés et ils

  8   s'attendaient à ce que des avions viennent attaquer la région.

  9   Au lieu de cela, au matin du 11, lorsque la population est

 10   entrée, a accédé à la base des Nations Unies, donc la base de la

 11   Compagnie B, un obus est tombé parmi les gens et cela a occasionné une

 12   panique supplémentaire. Après cet événement, les gens s'attendaient

 13   toujours à une attaque aérienne. Cependant, les hommes se sont dirigés

 14   vers les bois. Et ce n'est qu'après avoir pu constater qu'il n'allait pas

 15   y avoir d'attaque aérienne que les gens qui étaient au sommet de la

 16   colline et qui observaient la situation… -je corrige la traduction

 17   française-, il y avait une attaque aérienne, les gens s'attendaient à

 18   cette attaque aérienne, mais cette attaque n'était pas efficiente pour ce

 19   qui est de leur point de vue.

 20   La raison de cette décision finale… Enfin, cela a été la raison

 21   de la décision au terme de laquelle les Serbes, les hommes musulmans qui

 22   n'avaient pas voulu faire face à l’armée des Serbes de Bosnie, s'étaient

 23   dirigés vers les bois.

 24   M. Petrusic (interprétation). – Monsieur Ruez, est-ce que les

 25   gens qui quittaient Srebrenica vers Potocari, vers le bataillon hollandais

Page 792

  1   de cette Compagnie B qui s’y trouvait, étaient escortés par les membres de

  2   cette Compagnie, de ce Bataillon B, qui se trouvaient à Srebrenica ?

  3   M. Ruez (interprétation). – Non, les forces de l’ONU n’ont pas

  4   escorté les gens lorsqu’ils se sont dirigés vers les bois.

  5   A ce moment-là, les forces de l’ONU, à l'intérieur de l'enclave,

  6   se sont retirées des positions de blocage qui se trouvaient au sud de

  7   l'enclave. Et à ce moment-là, les forces des Serbes de Bosnie venant du

  8   sud de l'enclave avaient un accès libre. Ce qui est arrivé, c'est que les

  9   forces musulmanes, sises à l'intérieur de l'enclave, ont renoncé, ou

 10   plutôt ont cédé la responsabilité de la défense du site aux Nations Unies.

 11   Ils ont décidé de fuir vers les bois.

 12   M. Petrusic (interprétation). – Nous sommes toujours à la pièce

 13   à conviction n° 3, la même pièce. Je prierai la cabine technique de nous

 14   faire passer le film.

 15   (Diffusion du film.)

 16   La séquence que nous venons de voir représente l'entrée des

 17   forces de l'armée serbe du général Mladic, Zivanovic et Krstic, en

 18   arrière, à Srebrenica.

 19   La transcription du texte de ce film accompagnant ce film n'a

 20   pas été soumise à cette Chambre de première instance, n'est-ce pas ?

 21   M. Ruez (interprétation). – Pour autant que je le sache, ce sera

 22   fait très prochainement, d'après ce que l'on m'a dit.

 23   M. Petrusic (interprétation). – Monsieur Ruez, seriez-vous

 24   d'accord pour dire, compte tenu du fait que vous avez probablement dû

 25   entendre le discours prononcé par le général Mladic à l'occasion de vos

Page 793

  1   enquêtes, et vous devez savoir que Mladic avait dit : "Allez, dépêchez-

  2   vous, en direction de Bratunac et Potucari !" ?

  3   M. Ruez (interprétation). – Oui, absolument, c'est bien ce que

  4   le général Mladic avait dit aux soldats lorsqu'ils avaient accédé à la

  5   ville de Srebrenica en date du 11 juillet.

  6   M. Petrusic (interprétation). – Est-ce que le général Mladic

  7   était commandant du quartier général de l'armée de la Republika Srpska à

  8   l'époque ?

  9   M. Ruez (interprétation). – Le général Mladic était à l'époque

 10   commandant de l'armée des Serbes de Bosnie.

 11   M. Petrusic (interprétation). – Mais dans la situation qui vient

 12   de nous être montrée sur cette pièce à conviction n° 3, est-ce bien le

 13   plus haut gradé dans la hiérarchie du commandement ?

 14   M. Ruez (interprétation). – Oui, absolument. A ce moment-là, le

 15   général Mladic avait le grade le plus élevé dans l'armée des Serbes de

 16   Bosnie et c'était le plus haut gradé des militaires se trouvant dans la

 17   ville à ce moment-là.

 18   M. Petrusic (interprétation). - Et les paroles que le général

 19   Mladic avait prononcées peuvent être considérées comme des ordres ?

 20   M. Ruez (interprétation). - Oui, elles peuvent également être

 21   considérées comme un encouragement à l'intention de l'armée qui se

 22   trouvait là-bas, oui, et armée à laquelle il avait rendu visite ce jour-

 23   là. Oui.

 24   M. Petrusic (interprétation). - Monsieur Ruez, est-ce que le

 25   général Mladic est entré, a accédé avec les unités de l'armée de la

Page 794

  1   Republika Srpska à Srebrenica, en cette date du 11 juillet ?

  2   M. Ruez (interprétation). – Dès que les armées de cette section,

  3   10ème Section de diversion, ont occupé la ville, oui. Alors le général

  4   Mladic et les officiers qui l'accompagnaient au poste de commandement,

  5   détaché de Pribisevac, sont descendus de ce poste de commandement déplacé

  6   et avaient visité la ville.

  7   M. Petrusic (interprétation). - De quelle partie de l'enclave

  8   les unités sont-elles entrées en ville ?

  9   M. Ruez (interprétation). - Les forces de l'armée serbe sont

 10   entrées en provenance du sud ; ce qui est en principe le terrain le plus

 11   accidenté pour la réalisation de cette opération. On pourrait s'attendre,

 12   en effet, à ce qu'une percée des forces blindées ait eu lieu en provenance

 13   du nord. Mais, en fait, l'enclave a été prise par le sud.

 14   M. Petrusic (interprétation). - Monsieur Ruez, à l'occasion de

 15   votre enquête, avez-vous pu apprendre que Mladic avait exercé le

 16   commandement immédiat sur ces unités ?

 17   M. Ruez (interprétation). - Non. Nous n'avons pas de

 18   connaissances précises à ce sujet. Nous pourrions dire qu'il avait

 19   contrôlé de fort près tout ce qui se passait. Mais, nous ne sommes pas en

 20   position de dire, d'affirmer que c'est lui qui avait délivré des ordres.

 21   J'ai dit dans le présent, j'étais en train de livrer les ordres ou de

 22   donner les ordres.

 23   M. Petrusic (interprétation). - Je voudrais demander à la cabine

 24   technique de nous visionner le prochain extrait.

 25   (Passage d'un extrait du film.)

Page 795

  1   Monsieur Ruez, voyons-nous, ici , les forces policières qui sont

  2   en train de séparer les hommes et les femmes de Potocari ?

  3   M. Ruez (interprétation). – Oui, c'est exact. Les hommes que

  4   nous pouvons voir sur ce film sont probablement les gens de la police

  5   spéciale chargée de déporter la population. Les hommes que l'on pouvait

  6   apercevoir à gauche sur la photo, ou l’homme que l’on pouvait voir à

  7   gauche n'est pas encore identifié. L'enquête est encore en cours pour ce

  8   qui a trait à son identité.

  9   M. Petrusic (interprétation). - Je demanderai à la cabine

 10   technique de nous visionner à nouveau un extrait.

 11   (Projection d’un autre extrait du film.)

 12   C'est une erreur. Ce n'est pas l'extrait en question, mais vous

 13   pouvez quand même faire un commentaire. Est-ce exact que c'est un soldat

 14   hollandais, néerlandais ?

 15   M. Ruez (interprétation). – Oui, c'est exact. L'homme portait un

 16   casque bleu, un béret bleu. C'est effectivement un représentant des

 17   Nations Unies. Nous nous trouvons à Potocari dans l'aire de stationnement,

 18   juste devant ce que l'on a appelé "l'immeuble bleu", situé au nord de la

 19   ligne de séparation, environ à 50 mètres au nord de la ligne de

 20   séparation.

 21   M. Petrusic (interprétation). - On va demander à la cabine

 22   technique de nous présenter le prochain extrait.

 23   (Diffusion d’un extrait du film.)

 24   C'est un extrait de Sandici, du film de Sandici. Est-ce bien,

 25   encore une fois, un homme, un représentant des Nations Unies ? L'uniforme

Page 796

  1   qu'il portait...

  2   M. Ruez (interprétation). – Non, négatif. Le soldat que nous

  3   voyons sur ce film ou dans cet extrait est un soldat musulman. Il porte un

  4   chandail à manches courtes, un tee-shirt avec des dessins de camouflage.

  5   Je n'ai pas de description précise sur lui.

  6   Nous avons une description très précise du dessin de camouflage,

  7   tel que nous pouvons le voir sur le film. Ce que je ne peux pas vous dire

  8   car nous n'avons pas étudié la question encore. Si ce dessin de camouflage

  9   appartient bien à l'armée néerlandaise… en fait, je ne le crois pas en le

 10   regardant comme cela. Je ne pense pas que cela soit le cas. Mais cela

 11   pourrait être une possibilité.

 12   Nous devons savoir que, dans la zone, dans le secteur en

 13   question, ce qui pouvait faire la différence entre un soldat et un civil,

 14   ce n'était pas vraiment la façon dont ils étaient habillés, mais c'est le

 15   fait d'avoir un fusil dans les mains ou non.

 16   Cela aurait pu très bien arriver que, si le tee-shirt que nous

 17   voyons sur ce film apparaît être un dessin de camouflage néerlandais, il

 18   se pourrait qu'on ait pu donner ce tee-shirt à cet homme en souvenir. Mais

 19   de nouveau je ne peux pas vous dire si c'est bien un tee-shirt de l'armée

 20   néerlandaise ou non.

 21   L'événement principal que nous pouvons voir sur cet extrait, ce

 22   que tous les témoins viendront vous dire, la plupart des soldats

 23   finalement, c'est que la plupart des soldats essayaient de se débarrasser

 24   des éléments qui pouvaient les identifier comme pouvant être des

 25   combattants.

Page 797

  1   La raison pour cela, c'est qu'ils avaient la certitude absolue

  2   qu'ils seraient immédiatement tués ou assassinés s'il s'avérait qu'ils

  3   étaient des combattants. La plupart d'entre eux qui étaient capturés tels

  4   que cet homme habillé de la façon dont cet homme était habillé étaient

  5   pris à l'écart et emmenés pour un traitement spécial.

  6   La séquence suivante, que nous ne voyons pas sur ce film, c'est

  7   qu'on a demandé à cet homme d'enlever le tee-shirt pour démontrer qu'il

  8   n'est pas fier de faire partie de l'armée. Nous ne savons pas ce qui lui

  9   est arrivé par la suite. La seule chose que nous savons pertinemment,

 10   c'est qu'il est sur la liste des personnes disparues.

 11   M. Petrusic (interprétation). - Monsieur Ruez, pourriez-vous

 12   nous dire quelle est la couleur des moyens de, la couleur de camouflage

 13   que nous trouvons sur les armes, sur les chars, et qui appartient à la

 14   Republika Srpska ou en fait au corps de la Drina, plutôt ?

 15   M. Ruez (interprétation). - Si j'ai bien compris la question, la

 16   question est donc : est-ce que je sais quel genre de camouflage est

 17   utilisé par l'armée de la Republika Srpska à l'époque ? C'était la couleur

 18   que vous vouliez savoir ?

 19   M. Petrusic (interprétation). - Oui.

 20   M. Ruez (interprétation). - Très bien. Donc, il n'y a pas de

 21   dessin spécifique pour l'armée serbe de Bosnie. L'équipement utilisé par

 22   la JNA à l'époque était bien, la couleur était vert olive. Plus tard,

 23   durant la guerre, on a pu apercevoir une variété de motifs de camouflage

 24   qui apparaissaient sur les véhicules. Il n'y avait pas en fait de motifs

 25   harmonisés, pas d'harmonisation de motifs.

Page 798

  1   Nous pourrions vous montrer des extraits d'équipement lourd que

  2   nous avons photographié en 1996, des chars, etc., et dans ces extraits

  3   nous pouvons en fait voir que cela dépendait des talents artistiques de

  4   l'équipe. Lorsque la traduction dit "extrait", je parlais de photos, de

  5   photographies.

  6   C'est concernant l'équipement lourd, mais concernant les fusils

  7   portés par les soldats ou ce que les soldats avaient sur eux, le motif de

  8   camouflage est toujours le même : c'est une variété donc de vert foncé et

  9   de vert. Mais c'est la même situation concernant les soldats également

 10   puisqu'il y a eu des vêtements qui ont été achetés ou des pardessus, des

 11   gilets, des gilets qui étaient des gilets pare-balles qui étaient achetés

 12   à l'étranger. Et donc, on pouvait voir un motif de camouflage différent

 13   porté par ces soldats. Oui.

 14   M. Petrusic (interprétation). - Parlons d'équipement lourd,

 15   monsieur Ruez. Pouvons-nous faire une différence entre l'équipement

 16   policier et l'équipement qui servait exclusivement aux soldats ? C'est-à-

 17   dire, y avait-il une différence entre l'équipement lourd policier et

 18   l'équipement lourd des soldats ou l'équipement lourd militaire, lorsqu'on

 19   parle de camouflage ?

 20   M. Ruez (interprétation). - Nous n'avons pas aperçu de présence

 21   d'équipement lourd appartenant aux forces policières. Nous n'avons pas vu

 22   sur film. Et pour ce qui a trait au reste de l'équipement, nous savons que

 23   la brigade de Zvornik, nous avons donc une liste de la brigade de Zvornik

 24   et de la brigade de Bratunac, donc nous avons une liste des équipements de

 25   ces deux brigades. Le matériel que nous pouvons voir de temps en temps

Page 799

  1   dans les extraits de films appartiennent au corps de la Drina et non pas à

  2   la police.

  3   M. Petrusic (interprétation). - Je demanderai à la cabine

  4   technique de nous faire voir un autre extrait.

  5   (Passage d'un autre extrait.)

  6   Ce char que nous apercevons ici est de couleur bleue, de couleur

  7   de camouflage bleue.

  8   M. Ruez (interprétation). - Je ne vois pas de char bleu sur

  9   cette photo. Je vois seulement un char de couleur foncée que nous

 10   pourrions appeler gris ou vert olive avec, effectivement, quelques lignes

 11   blanches sur le canon.

 12   M. Petrusic (interprétation). - Merci, monsieur Ruez. La

 13   pièce 12/5.

 14   M. Ruez (interprétation). - Oui, je vois la pièce à laquelle

 15   vous vous référez.

 16   M. Petrusic (interprétation). - C'est bien Nova Kasaba ?

 17   M. Ruez (interprétation). – Oui, c'est exact.

 18   M. Petrusic (interprétation). - Avez-vous connaissance de

 19   quelles étaient les unités qui étaient situées à Nova Kasaba ?

 20   M. Ruez (interprétation). - La question est à deux volets. Il y

 21   avait des unités qui étaient en permanence à Nova Kasaba. L'unité qui

 22   était là en permanence était un élément du 65ème Régiment de protection

 23   qui, comme vous le savez, est une unité qui est spécialement attachée au

 24   quartier général. Ce que vous avez aussi dans cette zone, ou cette région,

 25   est la Brigade de Milici, qui se trouvait très près, à environ 10 à

Page 800

  1   15 kilomètres de là. Il y avait les quartiers-généraux du Corps de la

  2   Drina, à Vlasenici.

  3   A moins de 10 kilomètres au nord de cet endroit, au carrefour de

  4   Konjevici, nous pouvions apercevoir le 5ème Régiment du génie. Il y avait

  5   donc plusieurs unités constamment situées en permanence dans cet

  6   environnement, dans cette zone. Et en plus, au moment de l'événement, on

  7   avait également l'aide, c'est-à-dire il y avait également la Brigade de

  8   Zvornik qui venait en aide. C'étaient des renforts de la brigade de

  9   Zvornik. Merci.

 10   M. Petrusic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quelle

 11   est l'unité qui se trouve sur la photo ?

 12   M. Ruez (interprétation). - Je ne sais pas à quelle unité cela

 13   appartient. Nous ne savons pas à quelle unité ces maîtres-chiens

 14   appartiennent. Ils se trouvaient sur le terrain de foot, la première

 15   journée lorsque nous nous sommes rendus, nous avons pénétré dans la

 16   Republika Srpska pour y faire notre mission. Donc le jour de notre

 17   arrivée, nous avons donc entendu parler de la part de soldats néerlandais.

 18   Vous entendrez un soldat néerlandais qui vous en parlera. Il vous parlera

 19   des maîtres-chiens et expliquera de quelle façon ils se servaient de leurs

 20   chiens. Cette conversation était entendue à Bratunac. Mais nous ne savons

 21   pas si ces maîtres-chiens sont les mêmes.

 22   La photographie démontre seulement que ces gens étaient dans la

 23   zone, dans le secteur, mais nous ne savons pas si ce sont les mêmes qui se

 24   trouvaient là en juillet 1995.

 25   M. Petrusic (interprétation). - Le 65ème Régiment de protection

Page 801

  1   était sous la commande du quartier général sous le commandement du

  2   quartier général ?

  3   M. Ruez (interprétation). – Le 65ème Régiment de protection est

  4   une unité qui est conçue pour protéger le quartier général. Nous ne savons

  5   pas, à cette étape, si cette unité était ou non subordonnée au Corps de la

  6   Drina, pour qu'elle puisse participer à l'opération. Si elle a bel et bien

  7   participé, nous pourrions donc conclure que c'est, à ce moment-là, qu'elle

  8   a été mise sous l'autorité du commandement du Corps de la Drina.

  9   M. Petrusic (interprétation). - C'est bien une supposition ?

 10   M. Ruez (interprétation). – Oui, c'est seulement une

 11   supposition.

 12   M. Petrusic (interprétation). – Monsieur Ruez, vous avez parlé

 13   au cours de votre témoignage, vous avez mentionné un fait, c'est que

 14   durant votre enquête, vous avez parlé avec M. Miroslav Deronjic ?

 15   M. Ruez (interprétation). - C'est exact.

 16   M. Petrusic (interprétation). – Savez-vous que le 11 juillet, le

 17   docteur Radovan Karadzic l’a nommé commissaire civil de la municipalité de

 18   Srebrenica ?

 19   M. Ruez (interprétation). - Oui, nous le savons et c'est la

 20   raison pour laquelle nous avons interviewé M. Deronjic.

 21   M. Petrusic (interprétation). – Monsieur Ruez, est-ce que vous

 22   savez de quelle façon…, est-ce que vous êtes au courant du décret ? Est-ce

 23   que vous connaissez la teneur du décret par lequel M. Karadzic a nommé

 24   M. Deronjic en tant que commissaire civil ?

 25   M. Ruez (interprétation). - Oui, nous avons connaissance du

Page 802

  1   décret, lorsque Miroslav Deronjic a été nommé en tant que commissaire

  2   civil de Srebrenica.

  3   M. Petrusic (interprétation). - D'après ce décret, c'est à

  4   partir du 11/7 qu'il devient commissaire ?

  5   M. Ruez (interprétation). – Oui, c'est exact.

  6   M. Petrusic (interprétation). - D'après ce décret, est-ce que

  7   M. Deronjic a le droit d'organiser, d'acquérir la compétence pour

  8   organiser ?

  9   M. Ruez (interprétation). - …

 10   M. Petrusic (interprétation). - D'après ce décret, et vous dites

 11   que vous avez connaissance de la teneur du décret. M. Karadzic a-t-il

 12   donné la compétence à M. Deronjic d'organiser le pouvoir civil de la

 13   municipalité de Srebrenica de concert avec certains droits et devoirs ?

 14   M. Ruez (interprétation). - Oui, bien sûr, effectivement.

 15   C'était la tâche et la mission qui était donnée à Miroslav Deronjic, par

 16   son président, Radovan Karadzic.

 17   M. Petrusic (interprétation). - Est-ce que l'endroit de Potocari

 18   appartient à la municipalité de Srebrenica ?

 19   M. Ruez (interprétation). – Potocari, effectivement, appartient

 20   à la municipalité de Srebrenica. L'ancienne municipalité de Srebrenica

 21   depuis… Puisqu'il est de ma connaissance que lorsque l'enclave a été

 22   reprise, la municipalité de Srebrenica a disparu, elle a été intégrée dans

 23   la municipalité de Skelani. Mais, effectivement, Potocari appartient à la

 24   municipalité de Srebrenica.

 25   M. Petrusic (interprétation). – Monsieur Ruez, dans la

Page 803

  1   municipalité de Potocari -quand je parle de la municipalité, je parle

  2   d'une distance de 10 à 20 kilomètres- y a-t-il plusieurs entreprises de

  3   transport, de transport de passagers dans les environs ?

  4   M. Ruez (interprétation). - Oui, il y a plusieurs entreprises,

  5   et en fait deux principales, Vihor Transport basé à Bratunac et, également

  6   à Bratunac, la mine de bauxite qui a des véhicules pour transporter les

  7   ouvriers, pas nécessairement les civils ou la population.

  8   Oui, mais j'aimerais dire pour la traduction française que je

  9   n'ai pas dit Bratunac mais Milici. Bratunac et Vihor, et pour Milici c'est

 10   la ligne de transport des mines de bauxite.

 11   Il y a également d'autres compagnies dont les noms

 12   apparaissaient sur les autobus, qui étaient Drina-Trans, Centro-Trans, des

 13   entreprises qui opéraient dans le pays avant la guerre. Et, par la suite,

 14   les autobus étaient utilisés par ceux qui les avaient en leur possession.

 15   M. Petrusic (interprétation). – Donc les autobus peuvent se

 16   rendre relativement rapidement de leur endroit à Potocari ?

 17   M. Ruez (interprétation). – Les autobus qui appartiennent à ces

 18   entreprises, oui. Mais, pour cette opération-ci, il était nécessaire

 19   d'avoir plus de moyens de transport. L'armée a réquisitionné du matériel,

 20   les autorités civiles ont fait une demande par radio, ou par les

 21   ondes radios, afin de demander aux gens qui avaient des véhicules de venir

 22   les transporter, donc on a demandé aux personnes qui avaient des véhicules

 23   de venir et d'offrir leur véhicule en aide pour participer au processus.

 24   M. Petrusic (interprétation). – Monsieur Ruez, dans votre

 25   témoignage, lorsque vous avez parlé de la pièce à conviction 2, j'aimerais

Page 804

  1   vous rappeler que c'était la carte de la Brigade de Zvornik, vous avez dit

  2   que vous alliez entrer plus en détail et que vous alliez parler de

  3   l'accord qui a eu lieu entre la Brigade de Zvornik et la 28 ème Division ?

  4   M. Ruez (interprétation). – Je ne suis pas certain que je sais

  5   de quelle pièce vous parlez. Est-ce que vous parlez de la grande carte ?

  6   M. Petrusic (interprétation). – Oui, c'est exact.

  7   M. Ruez (interprétation). – Je pense, oui, effectivement, j'ai

  8   dit exactement le contraire. Ce que j'ai dit à l'époque, à ce moment-là,

  9   c'est que je n'allais pas en parler plus longuement. La raison de cela

 10   c'est que l'enquête pénale se concentre sur la chaîne des massacres qui

 11   constituent l'extermination de ces prisonniers, la complète extermination

 12   de ces prisonniers. L'enquête ne s'est pas concentrée sur les aspects

 13   militaires de la bataille.

 14   J'ai mentionné cet événement, pour la raison suivante : à

 15   l'époque, il y avait des combats intenses qui avaient lieu dans

 16   l'entourage, dans le voisinage de Zvornik, il y avait un manque de forces

 17   pour protéger Zvornik. La raison de cela, c'est que les forces se

 18   trouvaient plus près de Srebrenica pour se charger de l'offensive de

 19   Srebrenica.

 20   Cette situation a eu deux conséquences.

 21   Première conséquence, tous les personnels valides ont été

 22   réquisitionnés dans le but de faire face à la colonne qui se trouvait dans

 23   les bois et qui créait des embuscades en chemin.

 24   La deuxième conséquence, c'est que les forces serbes qui

 25   essayaient de combattre, de s'opposer à cette colonne, ont subi un nombre

Page 805

  1   important de victimes.

  2   Lorsque vous regarderez la pièce n° 2, qui est la carte des

  3   opérations d'extermination, et que vous la superposerez à la carte qui a

  4   été saisie au quartier général de la Brigade de Zvornik, vous constaterez

  5   rapidement et facilement qu'au moment où des gens se faisaient tuer en

  6   combat dans les forêts, des forces qui auraient pu être utilisées pour

  7   combattre cette colonne également, étaient dirigées vers d'autres lieux

  8   pour procéder aux exterminations sur les lieux d'exécutions.

  9   Voilà le côté paradoxal de la situation qui s'est déroulée à ce

 10   moment-là en cet endroit.

 11   M. Petrusic (interprétation). – Je n'ai pas d'autres questions,

 12   Monsieur le Président.

 13   Merci, Monsieur Ruez.

 14   M. le Président. - Juge Wald, vous avez la parole.

 15   Excusez-moi, Monsieur Harmon, c'est encore à vous d'avoir le

 16   droit de réplique. Allez-y, excusez-moi.

 17   M. Harmon (interprétation). – Je n'ai pas de questions

 18   supplémentaires, Monsieur le Président, merci.

 19   M. le Président. - De toute façon, il était important de dire

 20   cela.

 21   Juge Wald ?

 22   Mme Wald (interprétation). – Monsieur Ruez, je me demandais si

 23   vous pourriez, en vous servant de ce que vous avez déjà dit dans votre

 24   déposition et en vous appuyant sur les pièces à conviction que nous avons

 25   déjà vues, résumer les différents points sur la carte qui est à vos côtés,

Page 806

  1   où se trouvaient visiblement des éléments du Corps de la Drina ou d'autres

  2   éléments de la VRS, de l'armée de la Republika Srpska, après le départ de

  3   la colonne de Srebrenica vers Tuzla, et après le départ des convois de

  4   Potocari ?

  5   Très brièvement, n'est-ce pas, en nous indiquant simplement les

  6   endroits.

  7   M. Ruez (interprétation). – Oui, je peux le faire, tout à fait.

  8   En fait, c’est le cas de tous les points, absolument tous les

  9   points mais, les détails vous seront fournis par les témoins qui vous

 10   diront qui gardait ces points et ceux qui se trouvaient dans les environs.

 11   Mais partons du sud pour aller vers le nord. A Sandici, on a vu

 12   des forces militaires. Et comme vous avez pu le constater dans le film, on

 13   a vu également des équipements lourds, des chars et des blindés transports

 14   de troupes. Dans le secteur de Nova Kasaba, c'était la même chose. Des

 15   témoins ont également évoqué la présence de forces armées. Et si l'on

 16   remonte vers les sites d'exécutions principaux, on voit que les hommes qui

 17   gardaient et exécutaient les prisonniers, ici, sont des éléments du Corps

 18   en question.

 19   Mme Wald (interprétation). – Quel est le lieu dont vous venez de

 20   parler ?

 21   M. Ruez (interprétation). –L 'école de Grbavci à côté du site

 22   d’exécution de Orahova. Un grand nombre des éléments qui permettent

 23   d'établir un lien entre ces crimes et les auteurs de ces crimes

 24   proviendront de l'analyse militaire qui a été réalisée sur la base des

 25   documents saisis au quartier général de la Brigade de Zvornik et de

Page 807

  1   Bratunac en janvier 1998.

  2   Cette série de documents constituent donc la base de toutes les

  3   connaissances détaillées que nous avons au sujet de l’identité des

  4   participants à ces opérations.

  5   La situation est la même au niveau du barrage, ainsi qu'à

  6   l'école de Pilica où des éléments du corps de la Drina avaient des hommes

  7   contrôlés par elle. Et puis, Drazen Erdemovic nous a appris que le

  8   10ème détachement de sabotage était l'élément principal présent à Branjevo

  9   et que ces éléments ont été rejoints ensuite par des hommes de Bratunac.

 10   Nous savons que ce sont les mêmes hommes qui ont commis les

 11   exécutions dans la maison de la Culture, ainsi que sur le site de Kozluk

 12   au sujet duquel des détails supplémentaires seront fournis. Il vous sera

 13   dit, puisque nous le savons, que des hommes ont été amenés dans des

 14   camions de l'armée aux abords de cette caserne des Loups de la Drina.

 15   Donc, sur tous les lieux du crime, nous avons des témoins qui

 16   parlent de présence de l'armée de la Republika Srpska à un moment ou à un

 17   autre.

 18   Mme Wald (interprétation). - Merci. Ma deuxième question est la

 19   suivante : disposez-vous d'une estimation fiable quant au nombre des

 20   hommes qui ont quitté Srebrenica dans la colonne qui s'est dirigée vers

 21   Tuzla ? Je vous demande simplement une estimation.

 22   M. Ruez (interprétation). - Oui, ce sera une estimation

 23   grossière. Le nombre que nous citons toujours est une évaluation

 24   correspondant à 15 000 hommes.

 25   Mme Wald (interprétation). - Et combien de ces hommes, d'après

Page 808

  1   ce que nous savons, ont survécu ?

  2   M. Ruez (interprétation). - Nous n'avons pas de nombre précis.

  3   Nous savons qu'environ 6 000 hommes ont atteint la zone de Tuzla où, pour

  4   la plupart, ils ont été intégrés au 2ème Corps de l'armée de Bosnie-

  5   Herzégovine. Le chiffre devrait être précisé car il ne devrait pas être

  6   trop difficile d'obtenir confirmation de ce chiffre par les autorités

  7   bosniaques et l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  8   Mme Wald (interprétation). - Mais la deuxième partie et la

  9   dernière partie de ma question est la suivante : disposons-nous également

 10   d'une estimation quant au nombre d'hommes qui sont restés à Potocari, qui

 11   sont donc monté à bord des autobus ou ont été emmenés dans le convoi, donc

 12   dans une direction différente ?

 13   M. Ruez (interprétation). - Nous avons une estimation à ce

 14   sujet. En effet, un chiffre nous a été fourni dans le rapport de situation

 15   élaboré à ce moment-là, et l'auteur de cette partie du rapport était le

 16   major Kingori. Selon lui, l'estimation du nombre d'hommes présents à

 17   l'époque était de 3 000 hommes présents à Potocari. Ce chiffre aurait

 18   besoin d'être vérifié, confirmé, pour une raison simple, à savoir que le

 19   système de comptage n'était pas très fiable. Donc je considère ce chiffre

 20   comme une estimation grossière.

 21   Si nous regardons les films tournés pendant ces journées,

 22   principalement les 12 et 13, il est tout à fait manifeste qu'il y a encore

 23   un grand nombre d'hommes présents à Potocari. Mais savoir si le chiffre en

 24   question est exact, je ne me risquerais pas à l'affirmer aujourd'hui.

 25   Mme Wald (interprétation). - Dernière partie de ma question :

Page 809

  1   avons-nous une estimation fiable quant au nombre de ces hommes présents à

  2   Potocari, qui ont fait partie des convois, séparément des femmes et des

  3   enfants ou avec les femmes et les enfants, d'après l'estimation, combien

  4   ont survécu ?

  5   M. Ruez (interprétation). - Nous savons simplement ce qui est

  6   arrivé à un de ces hommes qui a survécu et qui a été embarqué à bord d'un

  7   autobus. Il a survécu, d'ailleurs, parce qu'il connaissait le chauffeur de

  8   cet autobus et il est arrivé au dernier barrage routier où le chauffeur

  9   connaissait l'officier de faction. Donc il a demandé que cet homme puisse

 10   traverser, ce qui a été fait immédiatement. Nous n'avons pas d'autre

 11   exemple de cette nature.

 12   Si nous regardons la séquence vidéo où nous voyons les hommes

 13   arrivés à Kladanj le premier jour des déportations, on y trouve quelques

 14   hommes. Donc apparemment, certains hommes ont pu embarquer à bord des

 15   autobus, mais c'étaient des hommes âgés.

 16   Nous avons également appris de tous les témoins que, tout à fait

 17   au début du processus de déportation, des hommes ont pu monter à bord des

 18   autobus mais, très, très peu de temps après -et notamment après l'arrivée

 19   de Mladic à Potocari-, cette possibilité a disparu et les hommes ont

 20   systématiquement été séparés des femmes et des enfants.

 21   Mme Wald (interprétation). - Mais savons-nous si des hommes sont

 22   arrivés à Kladanj avec les femmes et les enfants ?

 23   M. Ruez (interprétation). - Pour autant que nous le sachions,

 24   seuls des hommes très âgés ont réussi à franchir le barrage routier. Tous

 25   les hommes en âge de combattre ou de porter les armes -et la fourchette,

Page 810

  1   la tranche d'âge est très étendue car elle va de 15 à 16 ans, jusqu'à

  2   60 ans sinon plus-, eh bien, tous les hommes appartenant à cette tranche

  3   d'âge ont systématiquement été séparés.

  4   Mme Wald (interprétation). - Merci, monsieur Ruez.

  5   M. le Président. - Monsieur Ruez, en allant un  peu dans le sens

  6   de préoccupation de synthèse, j'aimerais bien vous poser deux questions :

  7   j'ai compris que l'objectif initial de l'armée serbe de Bosnie n'était pas

  8   de prendre Srebrenica mais de raccourcir les frontières. Est-ce que j'ai

  9   bien compris ?

 10   M. Ruez (interprétation). - Oui, absolument. En fait, il n'y

 11   avait pas de frontières à cette enclave. Les limites de l'enclave n'ont

 12   jamais été déterminées de façon très fixe. Ce qui marquait la limite de

 13   l'enclave, c'était l'emplacement des postes d'observation. Donc,

 14   l'intention de l'armée des Serbes de Bosnie à un certain moment a été de

 15   réduire la dimension de l'enclave pour la réduire en fait à la dimension

 16   de la ville et ce, parce que, dans ce cas, des petits groupes provenant de

 17   l'intérieur de l'enclave n'auraient plus été en mesure de lancer des

 18   opérations armées en tirant profit de la grande étendue de zones

 19   vallonnées.

 20   Et l'armée des Serbes de Bosnie avait l'intention, en fait, de

 21   créer ce que j'appellerai entre guillements "des camps de concentration"

 22   de grande taille, à l'air libre, où les gens vivaient dans des conditions

 23   épouvantables afin de contraindre les Nations Unies à prendre la décision

 24   d'évacuer l'ensemble de la population.

 25   Si l'on replace tout cela dans son contexte, on se rappelle que

Page 811

  1   toute évacuation de victimes d'un secteur particulier à ce moment-là

  2   conduite par les Nations Unies était immédiatement interprétée comme de

  3   l'aide au nettoyage ethnique, et c'est ce qui créait une situation

  4   difficile pour tout le monde.

  5   M. le Président. - Ma première question est donc celle-ci :

  6   l'armée avait un objectif de raccourcir, pas de conquérir, d'entrer à

  7   Srebrenica. Cela veut dire que l'organisation était préparée pour un

  8   objectif. Donc, il y a eu un changement d'objectif. Est-ce que vous êtes

  9   en condition de nous dire quels ont été les changements d'organisation,

 10   dans le plan de l'organisation, devant ce changement d'objectif ?

 11   M. Ruez (interprétation). - Le changement principal, selon ce

 12   que nous avons pu observer, a consisté à abandonner la décision de

 13   capturer la ville sur le plan militaire pour réduire la taille de

 14   l'enclave. Mais, en fait, le changement n'a pas été tout à fait essentiel,

 15   l'élément important étant le rôle joué par la Forpronu, la réaction de la

 16   Forpronu.

 17   Mais, dès lors qu'il est apparu clairement que les Nations Unies

 18   n'allaient pas réagir d'une façon très spectaculaire par rapport à cela,

 19   le facteur le plus important que l'armée des Serbes de Bosnie-Herzégovine

 20   a dû prendre en considération à partir de ce moment-là a été le sort à

 21   réserver aux prisonniers. Et c'est un fait qu'à ce moment-là l'armée des

 22   Serbes de Bosnie ne pouvait pas prévoir de capturer un nombre d'hommes si

 23   important sans avoir à livrer combat.

 24   Donc, c'est cet élément-là qui est le plus important dans le

 25   cadre de la planification de la partie de l'opération que l'on ne trouve

Page 812

  1   pas dans les archives de l'armée serbe de Bosnie, mais que l'on trouve sur

  2   la pièce à conviction n° 2. C'est là que l'on voit le moment où toutes ces

  3   questions ont commencé à se poser, où des décisions ont commencé à être

  4   prises par les responsables de ces décisions.

  5   M. le Président. - Donc, on peut dire que l'organisation de

  6   l'évacuation d'un aussi grand nombre de personnes n'était pas prévue. Mais

  7   je vous demande donc dans tout le processus, que nous pouvons voir

  8   notamment sur cette carte : est-ce que vous avez eu la possibilité de voir

  9   quand même des éléments qui vous montrent qu'il y a eu une organisation,

 10   même à la dernière minute ou non ?

 11   M. Ruez (interprétation). - Oui, absolument. Nous pouvons

 12   apporter la preuve de ces éléments mais, malheureusement, je crois qu'il

 13   est un peu tôt pour moi, à ce stade du procès, de divulguer ces éléments,

 14   mais nous avons des indices très précis qui nous démontrent que le

 15   13 juillet 1995, toutes les décisions étaient déjà prises s'agissant de ce

 16   qu'il convenait de faire avec ces hommes. Et que des personnels

 17   spécialisés étaient présents dans le secteur de Zvornik, qu'ils

 18   inspectaient pour trouver les lieux les plus appropriés à la détention de

 19   tous ces prisonniers ; sans aucun souci pour des besoins comme

 20   l'alimentation de ces prisonniers.

 21   Et ils cherchaient également, sans doute, des lieux d'exécution

 22   cachés et éloignés. La date la plus précoce que nous puissions donner pour

 23   ce genre d'action est celle du 13 juillet 1995. C'est ce que, d'ailleurs,

 24   M. Richard Butler, notre analyste militaire, va vous évoquer plus en

 25   détail au cours du procès ultérieurement.

Page 813

  1   M. le Président. - Une autre question, monsieur Ruez : à

  2   plusieurs reprises, vous avez mentionné qu'un peloton d'exécution

  3   attendait les prisonniers. Donc, je ne sais pas si je suis correct quand

  4   j'ai compris qu'il y avait déjà sur place un peloton d'exécution qui

  5   devait exécuter les prisonniers. Comment, dans une perspective encore de

  6   synthèse de votre témoignage, comment voyez-vous ce fait dans le plan ou

  7   dans l'organisation d'évacuation de Srebrenica ? Avez-vous compris ma

  8   question, monsieur Ruez ? Merci beaucoup.

  9   M. Ruez (interprétation). – Oui, je crois, Monsieur le

 10   Président.

 11   S'agissant du plan élaboré pour l'enclave, ceci n'apparaît nulle

 12   part. Ceci apparaît en tant qu'élément d'organisation de la phase

 13   d'extermination mais, pour tous ces lieux de détention et d'exécution,

 14   l'élément le plus important sur lequel il importe de se concentrer, c'est

 15   l'identité de ceux qui transportaient les gens jusqu’à ce site, l'identité

 16   de ceux qui les gardaient sur le site, et puis l'identité de ceux qui les

 17   exécutaient.

 18   Mais le fait qu'il y ait eu une organisation très claire, une

 19   répartition très claire des rôles, parce que tous les hommes n'avaient pas

 20   les mêmes rôles ; certains gardaient les prisonniers pendant le voyage,

 21   d'autres gardaient les lieux de détention comme les écoles et, pendant

 22   tout ce processus, effectivement, les pelotons d'exécution attendaient

 23   leurs victimes sur des sites d'exécution choisis à l'avance. C'est le cas

 24   de l'école de Grbavci, avec le site annexé à cette école de Grbavci, qui

 25   était le site de Orahova. C'est également le cas à Petkovci. C'est le cas

Page 814

  1   de l'école de Pilici avec la ferme de Branjevo et c’est sans doute le cas

  2   à Kozluk.

  3   Comme je l'ai déjà dit, pour Kozluk, nous n'avons reçu aucune

  4   information ni des auteurs du crime ni des victimes. Nous ne savons pas

  5   exactement quel a été le scénario mis en oeuvre à Kozluk. Mais il y a une

  6   exception et cette exception est la maison de la culture de Pilica où le

  7   peloton d'exécution, qui avait agi à la ferme de Branjevo, s’est ensuite

  8   déplacé pour agir à la maison de la Culture où un nombre atteignant

  9   500 personnes étaient censées être détenues.

 10   M. le Président. - Ma dernière question, monsieur Ruez : vous

 11   avez mentionné le fait de soldats de l'armée serbe de Bosnie qui a utilisé

 12   les uniformes notamment de l’UN qu'ils avaient capturés aux soldats

 13   hollandais. Est-ce que cette procédure, de votre point de vue, peut être

 14   vue comme étant une expression de certaines difficultés de l'armée serbe

 15   de Bosnie pour mener toute cette procédure et donc pour faciliter ses

 16   tâches en utilisant des uniformes, des armes et d'autres choses qui

 17   pouvaient convaincre les prisonniers à se comporter d'une autre façon ?

 18   Quelles sont vos vues sur cette question, monsieur Ruez ?

 19   M. Ruez (interprétation). – La raison principale qui explique

 20   l'utilisation de ces équipements réside, à nos yeux et sans l'ombre d'un

 21   doute, dans la volonté de tromper les gens pour les amener à se rendre

 22   sans avoir à livrer un combat, donc dans le but de les capturer plus

 23   facilement.

 24   La façon dont la situation a évolué est d'ailleurs, sans doute,

 25   très intéressante de ce point de vue. En effet, le commandant néerlandais

Page 815

  1   a obtenu un accord pour que des soldats des Nations Unies escortent les

  2   autobus et les camions pleins de prisonniers jusqu'à Kladanj de façon à

  3   garantir qu'ils arrivent à destination. Ce qui signifie que, pendant tout

  4   le voyage, ils pouvaient voir ce qui se passait.

  5   Evidemment, un chèque en blanc avait été donné, un chèque en

  6   blanc permettant de tuer, et les soldats néerlandais ont pu assister à

  7   tout ce qui s'est passé sur la route des déportations.

  8   Comme nous l'avons montré sur la carte, certains sites -ceux que

  9   nous appelons des sites d'exécutions modestes- n’ont permis de tuer que

 10   quelques personnes mais il y avait également des sites d'exécutions

 11   massives où une centaine de personnes étaient tuées à la fois. Tous les

 12   corps se voyaient donc à partir de la route.

 13   Nous n'avons pas dit un mot au sujet du nombre des corps que les

 14   gens ont pu voir des fenêtres des autobus lorsqu'ils se déplaçaient dans

 15   le secteur, et il est clair qu'aucune des personnes qui arrivait sur la

 16   route asphaltée n'avait la moindre raison de tourner une arme contre qui

 17   que ce soit. Donc, la mort était instantanée.

 18   Donc soit ceci a été fait pour commettre un suicide et mourir

 19   honorablement si l'on peut parler ainsi, mais la plupart n'ont pas été

 20   tués sur les lieux. Cela a produit un certain nombre de témoins dans la

 21   région. Il y avait un besoin absolu de toute façon pour les Serbes de

 22   Bosnie de se débarrasser de tous ces témoins des Nations Unies.

 23   Donc ces équipements ont été un moyen de se retirer du secteur,

 24   de retirer les prisonniers de ce secteur pour les placer dans des sites de

 25   détention, tel le siège du 65ème Régiment de protection de Nova Kasaba, où

Page 816

  1   des choses intéressantes ont été vues et entendues.

  2   Une fois que tout cela a été fait, les équipements ont été

  3   envoyés ailleurs pour que les gens croient que l'opération était toujours

  4   contrôlée par les Nations Unies. C'est ainsi que les équipements ont été

  5   utilisés alors que des commandants passaient juste à côté.

  6   Nous n'avons pas montré cette séquence vidéo. Mais, dès le

  7   11 juillet, des équipements des Nations Unies ont été enlevés, ont été

  8   dérobés dans les postes d'observation. Et il y a une séquence de film où

  9   l'on voit le général Mladic et le général Krstic debout, à côté d'un char

 10   de l'armée serbe de Bosnie et d'un soldat de l'armée serbe de Bosnie avec

 11   un béret bleu à la ceinture.

 12   M. le Président. - Nous sommes à l'ouverture du procès. Nous

 13   allons avoir beaucoup de questions. Mais, pour l'instant, je vous remercie

 14   beaucoup de votre témoignage. On va continuer avec un autre témoin.

 15   C’est le bon moment de faire une pause. Nous allons avoir un

 16   témoin protégé, Monsieur Harmon ?

 17   M. Harmon (interprétation). – Mais j'ai des pièces à conviction

 18   que j'aimerais présenter avant que l'on entre dans la procédure des

 19   témoins protégés. J'aimerais beaucoup, si vous me le permettez, le faire

 20   avant la pause, mais je peux attendre la pause si vous le souhaitez.

 21   M. le Président. - Vous voulez faire cela avec M. Ruez ?

 22   M. Harmon (interprétation). – Non, non, cela peut se faire en

 23   l'absence de M. Ruez.

 24   M. le Président. - Je crois que M. Ruez peut-être peut se

 25   retirer de la salle. Nous, nous allons vous donner l'opportunité de

Page 817

  1   présenter ces documents, et après on fera la pause. De combien de temps

  2   plus ou moins vous avez besoin, Monsieur Harmon ?

  3   M. Harmon (interprétation). – Dix minutes, Monsieur le

  4   Président.

  5   M. le Président. - Je vais renverser ce que j'étais en train de

  6   décider. Il est préférable de faire la pause et après on recommencera.

  7   Monsieur Ruez, nous vous remercions beaucoup de votre témoignage

  8   ici devant le Tribunal et bon travail pour vous.

  9   Nous allons avoir une pause de 20 minutes et après on va

 10   reprendre.

 11   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 12  

 13   (L'audience, suspendue à 11 heures 55, est reprise à

 14   12 heures 25.)

 15   M. le Président. - Nous reprenons l'audience avec Me Harmon.

 16   Monsieur le Procureur, vous avez la parole s'il vous plaît.

 17   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 18   M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, je voudrais

 19   d’abord porter au dossier des documents qui ont été mentionnés par mes

 20   soins ou par M. Ruez.

 21   Je voudrais donc présenter les pièces 1a et 1b. Il s’agit des

 22   petites cartes où l'on voit la communauté de la municipalité de

 23   Srebrenica. Ce serait le n° 2 et les sites des trois enclaves. Ensuite, il

 24   y a un document 1e qui représente une grande carte qui a fait l’objet des

 25   références de M. Ruez très souvent ; puis 1ebis, la légende qui suit cette

Page 818

  1   carte ; puis 1i, une photo où l'on voit ces squelettes dans la tranchée ;

  2   puis 1h, la photographie à laquelle je me suis référé à l'occasion de mon

  3   discours d'introduction. La pièce n° 2, la pièce n° 3 qui est le film

  4   utilisé par M. Ruez et les pièces à conviction 4 à 27. Ce sont deux

  5   dossiers avec des photographies, ainsi que les vidéos que nous avons

  6   entendues dans le témoignage de M. Ruez. Il y a la pièce à conviction 16/6

  7   où il s’agit des fils, et la pièce 27/9, qui est en fait un bandeau ; la

  8   pièce 29, la grande carte qui a été montrée à la fin du témoignage de

  9   M. Ruez où l'on voit les contours des emplacements principaux. Je voudrais

 10   que toutes ces pièces-là soient versées au dossier.

 11   En outre, Monsieur le Président, je voudrais vous remettre à

 12   vous-même et aux collègues de la défense trois pièces à conviction

 13   distinctes. Il s’agit des pièces 30 et 30a. Le rapport du Secrétaire

 14   général conformément à la résolution du Conseil de sécurité. Il s'agit de

 15   la chute de Srebrenica. Puis, le n° 30, version anglaise et 30a, version

 16   française de ce même rapport.

 17   En plus, Monsieur le Président et Madame le Juge, nous avons des

 18   pièces jointes à ces rapports qui figurent dans les pièces à conviction

 19   portant la référence 31 de l'accusation.

 20   Et pour finir, chose que M. Dubuisson va vous distribuer, je me

 21   propose de passer par la suite aux pièces à conviction suivantes.

 22   (M. Dubuisson s'exécute.)

 23   La dernière pièce à conviction est celle de l'accusation qui

 24   porte n° 33a jusqu'à 38b. Je me propose d’identifier chacune de ces

 25   pièces, une à une. Ces pièces à conviction englobent des textes en anglais

Page 819

  1   et en français. Il s'agit de rapports sur les Droits de l'homme sur le

  2   territoire de l’ex-Yougoslavie. Il s’agit du rapport de M. Mazoviecki, le

  3   rapporteur spécial de la commission chargée des Droits de l’homme. Il

  4   s'agit de toute une série de rapports qui ont été présentés par

  5   M. Mazoviecki.

  6   Nous pouvons commencer avec la pièce à conviction 33a. Il s'agit

  7   d'un rapport du 28 août 1992. Il y a toute une série de six rapports et le

  8   dernier en date est celui présenté par M. Mazoviecki, en date du

  9   22 août 1995. Il s'agit du rapport final périodique pour ce qui est de la

 10   situation des Droits de l'homme sur le territoire de l’ex-Yougoslavie

 11   soumis par M. Mazoviecki, rapporteur spécial de la commission chargée des

 12   Droits de l'homme des Nations Unies.

 13   Nous allons verser ces rapports également au dossier. C'est tout

 14   ce qui concernerait les rapports concernant la situation à Srebrenica et

 15   je me propose, Monsieur le Président, de passer la parole à mon collègue,

 16   M. McCloskey, qui va interroger le témoin. Je voudrais que nous passions

 17   en séance à huis clos.

 18   M. le Président. - Y a-t-il des objections pour ces pièces à

 19   conviction ?

 20   M. Petrusic (interprétation). – Nous avons une objection à

 21   formuler lorsqu’il s'agit des pièces à conviction portant le n° 14 qui

 22   concerne Nova Kasaba et le n° 17 Konjevic Polje et le n° 18 qui concerne

 23   Retaljalj.

 24   En effet, pendant le témoignage de M. Ruez, l'accusation a versé

 25   au dossier ces pièces à conviction. M. Ruez en a parlé. Mais si l'on

Page 820

  1   considère l’acte d'accusation et, je crois que nous devons nous en tenir,

  2   pour ce qui est de l’état de fait et de fond, ces sites, ces localités ne

  3   sont pas citées aux points 24 à 26 de l'acte d'accusation que nous sommes

  4   en train d'examiner. C'est la raison pour laquelle la défense estime que

  5   ces pièces à conviction ne sauraient faire l'objet de présentation de

  6   quelque pièce à conviction que ce soit pendant cette affaire.

  7   Je vous remercie.

  8   M. le Président. – Monsieur Harmon ?

  9   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président,

 10   l'accusation au paragraphe 24 indique toute une liste de sites qui ne sont

 11   pas exclusifs. On dit au paragraphe 24 que les assassinats massifs

 12   d’hommes musulmans qui ont eu lieu autour de l'enclave de Srebrenica du

 13   11 au 18 juillet 1995 englobent ce qui suit. Donc les emplacements ne sont

 14   pas limités. C'est la raison pour laquelle nous estimons que ces

 15   emplacements sont pertinents. Et je pourrais ajouter, en plus, que le site

 16   de la rivière de Jadar est un site dont la défense a été informée et nous

 17   avons un survivant qui a l'occasion de présenter son témoignage.

 18   Et pour ce qui est de l'emplacement de Nova Kasaba, Monsieur le

 19   Président, je crois qu’il y a des vues aériennes de cet emplacement qui

 20   ont été montrées à la défense avant même le début du procès, conformément

 21   à nos obligations découlant de l'article 70b.

 22   Pour ce qui est de l'emplacement relatif à Konjevic Polje, nous

 23   pensons également, concernant ce site, que ce dernier est pertinent, vu

 24   les termes du paragraphe 24 de l'acte d'accusation.

 25   M. le Président. - Monsieur Harmon, j'ai reçu la traduction que

Page 821

  1   les sites indiqués aux paragraphes 24 à 26 ne sont pas exclusifs. Peut-

  2   être vous vouliez dire exhaustifs, non ? Il s'agit simplement d'une

  3   simplification, c'est cela ?

  4   M. Harmon (interprétation). – C'est cela, Monsieur le Président.

  5   Mme Wald (interprétation). - Monsieur Harmon, pour que nous

  6   comprenions bien : est-ce que la défense savait que les pièces à

  7   conviction, à savoir celles qui concernent les différents sites, les

  8   pièces 14, 17 et 18 feront partie des pièces à conviction ? Je crois que

  9   vous avez mentionné plusieurs emplacements, mais je ne sais pas si vous

 10   avez mentionné tous les sites dont nous parlons. Est-ce que la défense, en

 11   d'autres termes, savait que des preuves allaient être présentées

 12   concernant ces sites ?

 13   M. Harmon (interprétation). – Oui, c'est cela. Il s'agit du

 14   point 14 qui est relatif à Nova Kasaba. Juste un petit moment pour que je

 15   vérifie, je vous prie.

 16   Je me propose de revenir à Nova Kasaba pour un moment,

 17   paragraphe 17. Ce paragraphe traite de Konjevic Polje. Ces renseignements

 18   avaient été connus de la défense. Il en est de même pour ce qui est du

 19   point 18 qui concerne Jadar. Nous avons soumis ici des déclarations d'un

 20   témoin qui a survécu. Et pour ce qui est des fosses communes, nous avons

 21   présenté des rapports concernant les exhumations relatives à toutes les

 22   fosses communes.

 23   (Mais Mme Wald a parlé hors micro et M. Harmon a également parlé

 24   hors micro, dit l'interprète.)

 25   Oui, Madame le Juge Wald, concernant les fosses communes de Nova

Page 822

  1   Kasaba, les détails ont été communiqués à la Défense. Et nous avons

  2   également soumis les vues aériennes et les rapports relatifs aux

  3   exhumations qui ont été effectuées.

  4   Mme Wald (interprétation). - Je vous remercie.

  5   M. le Président. - Par rapport aux pièces à

  6   conviction 14, 17, 18, nous avons l'explication de l'accusation. Donc, on

  7   doit voir cela plus en détail. Après, la Chambre décidera de cette

  8   question. Pour l'instant, on n'a pas besoin d'une décision pour continuer

  9   le procès, on doit vérifier tout cela et, après, on rendra la décision

 10   demain. On va pour l'instant recommencer la présentation des moyens à

 11   charge par l'accusation. M. McCloskey ? M. Harmon ?

 12   M. Harmon (interprétation). – Oui Monsieur le Président, nous

 13   allons poursuivre avec le témoin suivant en séance à huis clos.

 14   M. le Président. - La défense est-elle d'accord avec les mesures

 15   de protection pour ce témoin, Maître Petrusic ?

 16   M. Petrusic (interprétation). - Oui, M. le Président, nous

 17   sommes au courant et nous sommes d'accord pour ce qui est de cette façon

 18   de procéder.

 19   M. le Président. – Donc, Monsieur Harmon, nous pouvons prendre

 20   toutes les mesures pour commencer le témoignage. A l'intention du public,

 21   je dois dire que nous allons avoir un témoignage avec des mesures de

 22   protection et donc nous allons passer à huis clos.

 23   (L'huissier s'exécute).

 24   (L'audience se poursuit à huis clos total.)

 25   [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

Page 823

  1   M. McCloskey (interprétation). – Monsieur le Président, Madame

  2   le Juge, nous attendons une confirmation pour le huis clos. J'espère ne

  3   pas me tromper à quelque endroit, puisque tout ceci est bien nouveau pour

  4   moi.

  5   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

  6   M. le Président. - Oui et nous attendons le témoin qui vient

  7   d'être introduit. Le témoin est introduit dans le prétoire. Donc voilà.

  8   Vous m'entendez, monsieur ?

  9   Témoin B (interprétation). - Oui.

 10   M. le Président. - Vous allez lire la déclaration solennelle que

 11   M. l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît ?

 12   Témoin B (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 13   dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

 14   M. le Président. – Vous pouvez vous asseoir maintenant.

 15   (Le témoin s'exécute.)

 16   Donc vous allez voir une petite pièce avec votre nom, vous allez

 17   seulement dire oui ou non s'il s'agit de votre nom.

 18   Témoin B (interprétation). - Oui.

 19   M. le Président. - Vous savez que pour des raisons de votre

 20   sécurité le Tribunal a pris des mesures de protection sur votre identité.

 21   Je crois que nous allons vous appeler le témoin B -oui, c'est le

 22   témoin B-, donc vous allez témoigner. Merci d'être venu, et vous allez

 23   répondre pour l'instant aux questions que le Procureur va vous poser et

 24   après, à un moment donné, vous allez faire la même chose pour la défense.

 25   Maintenant, donc c'est à vous, Monsieur le Procureur, de

Page 824

  1   commencer le témoignage. Merci beaucoup.

  2   M. McCloskey (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  3   Pouvez-vous nous donner votre profession actuelle, monsieur ?

  4   Témoin B (interprétation). - Vous pensez à l'emplacement où je

  5   travaille ?

  6   M. McCloskey (interprétation). - Non, à votre profession.

  7   Témoin B (interprétation). - Je travaille à l'armée hollandaise,

  8   je suis officier et je travaille dans le département du Renseignement.

  9   M. McCloskey (interprétation). - Est-ce que vous vous déplacez

 10   souvent pour des raisons de services qui ne sont pas sûres, et c'est la

 11   raison pour laquelle vous avez demandé des mesures de sécurité ?

 12   Témoin B (interprétation). - Oui.

 13   M. McCloskey (interprétation). - Vous avez participé à la

 14   mission en Bosnie 95  ?

 15   Témoin B (interprétation). - Oui, j'étais là-bas avec la

 16   Forpronu.

 17   M. McCloskey (interprétation). - Quelle était votre position ?

 18   Témoin B (interprétation). - J'étais officier de deuxième classe

 19   et j'étais officier de liaison et conseiller du commandant du Bataillon

 20   hollandais.

 21   M. McCloskey (interprétation). - Où se trouvait ce bataillon

 22   en 1995 ?

 23   Témoin B (interprétation). - Je suis parti le 3 janvier et

 24   j'étais à Potocari dans l'enclave de Srebrenica.

 25   M. McCloskey (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire

Page 825

  1   brièvement quelle était la mission de sauvegarde de la paix de l'ONU quand

  2   vous êtes arrivé là-bas ?

  3   Témoin B (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés, nous

  4   étions supposés protéger les gens qui étaient dans l'enclave, aider les

  5   organisations non gouvernementales et le Haut Commissariat aux Réfugiés,

  6   approvisionner la population en vivres et, enfin, entretenir des points

  7   d'observation...

  8   M. le Président. - Excusez-moi de vous interrompre. Il faut

  9   imaginer, et pas imaginer parce que c'est la réalité, qu'il y a un

 10   interprète toujours entre vous. Je parle pour vous et pour le témoin. Il

 11   faudrait donc, il est convenable de faire de petites pauses entre la

 12   question et la réponse pour que les interprètes puissent vous suivre,

 13   sinon ils vont avoir des difficultés. Merci de votre attention.

 14   M. McCloskey (interprétation). - Nous vous remercions,

 15   Monsieur le Président. Je reviens à la question. Quelles étaient vos

 16   responsabilités, monsieur le Témoin, concernant la situation au niveau de

 17   l'armée musulmane dans cette enclave ?

 18   Témoin B (interprétation). - Eh bien, il fallait que nous

 19   négocions en notre qualité d'équipe de liaison avec les autorités civiles

 20   et militaires musulmanes. Des fois, cela était mixte étant donné qu'il n'y

 21   avait pas de véritable armée que nous ayons pu contacter dans l'enclave

 22   même.

 23   M. McCloskey (interprétation). - De quelle sorte d'armée

 24   s'agissait-il ?

 25   Témoin B (interprétation). - Il s'agissait du 8ème Groupe

Page 826

  1   opérationnel de l'armée musulmane qui se trouvait dans l'enclave, mais il

  2   ne s'agissait pas d'un véritable groupement. Nous avions à communiquer

  3   avec le chef du groupe, l'officier Naser Oric, ainsi qu'avec le chef de

  4   l'état-major Ramiz (les interprètes s'excusent, ils n'ont pas entendu le

  5   nom de l'intéressé.). Mais il ne s'agissait pas d'une véritable armée.

  6   M. McCloskey (interprétation). - Y avait-il des armements

  7   lourds ?

  8   Témoin B (interprétation). - Non. Ils avaient des armes, mais

  9   pas d'armement lourd. Et les bataillons qui avaient été dans l'enclave

 10   avant nous les avaient désarmés, ce qui fait que la plupart des pièces

 11   lourdes avaient été collectées et placées dans un centre.

 12   M. McCloskey (interprétation). - Où cela se trouvait-il ?

 13   Témoin B (interprétation). - Cela se trouvait au siège de la

 14   compagnie Bravo à Srebrenica. Il y avait deux chars, des mortiers, des

 15   mitrailleuses lourdes et pas mal de petites armes.

 16   M. McCloskey (interprétation). - Y avait-il des armes légères

 17   qui n'avaient pas été entreposées dans cet entrepôt et qui se trouvaient

 18   toujours parmi la population musulmane ?

 19   Témoin B (interprétation). - Oui. Pendant les six mois que nous

 20   avons passés là-bas, nos soldats ont vu des Musulmans avec des armes, et

 21   dans la plupart des cas, ils ont réussi à les désarmer. Et cela avait été,

 22   d'ailleurs, l'un de nos objectifs.

 23   M. McCloskey (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire

 24   brièvement quelles avaient été vos tâches pendant que vous étiez là-bas et

 25   quel avait été votre grade à l'époque ?

Page 827

  1   Témoin B (interprétation). - J'étais officier de deuxième classe

  2   et, en ma qualité d'officier de liaison, j'étais censé être en contact

  3   avec les représentants des autorités civiles musulmanes à l'intérieur de

  4   l'enclave et, bien entendu, avec les populations à l'extérieur de

  5   l'enclave. Il s'agissait notamment, à l'extérieur de l'enclave, de l'armée

  6   de la Republika Srpska.

  7   M. McCloskey (interprétation). - Aviez-vous des fonctions liées

  8   à la sécurité et au renseignement ?

  9   Témoin B (interprétation). - Non, pas véritablement pour ce qui

 10   était de mes devoirs d'officier de liaison. Mais j'étais aussi conseiller

 11   en second du commandant du Bataillon hollandais, ce qui fait que je devais

 12   lui dispenser des conseils pour ce qui était du personnel, du matériel,

 13   des informations et ainsi de suite.

 14   M. McCloskey (interprétation). - Et jusqu'à la chute de

 15   l'enclave, à savoir le 11 juillet, est-ce que vous avez pu connaître des

 16   responsables de l'armée de la Republika Srpska et d'autres qui se

 17   trouvaient sur le terrain ?

 18   Témoin B (interprétation). - Oui. La première fois que j'ai

 19   connu des gens de l'armée de la Republika Srpska, c'est-à-dire des Serbes

 20   de Bosnie, c'était le 6 janvier lorsque nous avons tenu une réunion à

 21   l'hôtel Fontana et lorsque nous avions pris en charge nos tâches, notre

 22   mission du bataillon précédent.

 23   M. McCloskey (interprétation). - Qui avez-vous connu là-bas ?

 24   Témoin B (interprétation). - Il faudrait que je me penche sur

 25   mes notes. Je crois que nous avons rencontré le général Zivanovic, puis le

Page 828

  1   colonel Vukovic qui était officier de liaison ; ensuite, le major Sarkic

  2   ou Sakic, il travaillait dans la partie ouest ; et ensuite, il y avait le

  3   major Nikolic de la brigade de Milici et un interprète qui s'appelait

  4   Petar.

  5   M. McCloskey (interprétation). - Vous avez dit que le major

  6   Sarkic avait travaillé dans la brigade de Milici, mais je ne sais pas si

  7   je vous ai bien compris ?

  8   Témoin B (interprétation). - Il m'a dit qu'il avait été affecté

  9   à la brigade de Milici.

 10   M. McCloskey (interprétation). - Fort bien. Et le colonel

 11   Vukovic, savez-vous d’où il était venu ?

 12   Témoin B (interprétation). - Je me souviens qu'il avait

 13   travaillé dans la partie sud de la brigade de Skelani et que l'une de ses

 14   tâches avait été d’être officier de liaison avec le Bataillon hollandais ;

 15   donc quand il s'agissait de s'entretenir sur des sujets, c'était la

 16   personne justement à contacter. Mais nous contactions généralement avec le

 17   major Nikolic et non pas Zivkovic, parce que Zivkovic était rarement

 18   disponible.

 19   M. McCloskey (interprétation). - Comment avez-vous compris la

 20   position du major Nikolic dans cette brigade de Bratunac ?

 21   Témoin B (interprétation). – Si j’ai bien compris, il avait été

 22   chef du QG de la brigade de Bratunac et non pas de Milici. Et suite à

 23   quelques mois, il nous a dit que le colonel Vukovic n'était plus

 24   disponible et qu'il s'agissait maintenant de la personne qui était notre

 25   officier de liaison pour toute l’enclave. Donc il s'agissait de Bratunac

Page 829

  1   et de Skelani.

  2   M. McCloskey (interprétation). – Est-ce qu'il se présentait

  3   comme chef du QG de la brigade de Bratunac ? Est-ce ce que vous avez

  4   conclu ?

  5   Témoin B (interprétation). – C’est ce que je pensais mais je ne

  6   sais pas s'il était, lui, chef du QG de la brigade.

  7   M. McCloskey (interprétation). – Pouvez-vous décrire les

  8   événements importants qui ont eu lieu en 1995 et qui ont mené à la chute

  9   de l'enclave en date du 11 juillet ?

 10   Témoin B (interprétation). – Oui, je devrais me repencher sur

 11   mes notes. Il est évident que la situation était très tendue. Il y avait

 12   énormément de problèmes. Nous avions des problèmes pour ce qui était des

 13   approvisionnements en carburant, en vivres. Pour nous-mêmes, nous avions

 14   des problèmes pour nos congés. Il y avait énormément de problèmes et la

 15   partie serbe nous créait ces problèmes. Ils avaient dit qu'ils

 16   souhaitaient nous aider mais il n'y avait pas eu de coopération effective

 17   puisque nous n’avons pas bénéficié d'un soutien quelconque de leur part.

 18   Quand nous souhaitions contacter l'officier de liaison, le

 19   major Nikolic, il y avait toujours des problèmes pour le contacter. En

 20   effet, quand il ne voulait pas s'entretenir avec nous, il n'apparaissait

 21   pas aux réunions et nous n'avions pas de véritables contacts avec eux.

 22   Nous n’avions pas la possibilité de nous servir de téléphone, nous

 23   n’avions pas la possibilité de discuter par téléphone pour demander des

 24   réunions. Nous avons dû, à chaque fois, avoir recours aux soldats, aux

 25   points de contrôle du pont jaune. Il y avait un certain Jovo qui

Page 830

  1   arrangeait ces rencontres.

  2   M. McCloskey (interprétation). - Avant de continuer, pouvez-vous

  3   nous décrire la chaîne de commandement au sein du Bataillon hollandais à

  4   l'époque ? Qui était en charge ?

  5   M. McCloskey (interprétation). - Il s'agissait du colonel

  6   Karremans, qui était commandant du Bataillon le major Franken, qui était

  7   son second. Puis il y avait Mer, Boering et Van Alphen, qui étaient

  8   officiers de liaison. Quand nous sommes venus, il est parti. Je suis

  9   devenu moi-même, à mon tour, officier de liaison à la place du

 10   major Boering et il y avait le capitaine Melchers.

 11   M. McCloskey (interprétation). – Pouvez-vous nous décrire la

 12   situation ?

 13   Témoin B (interprétation). - Nous avions tout le temps

 14   l'impression d'être des prisonniers ou des otages dans cette enclave et

 15   que c'était à eux de décider si nous allions rester ou partir. En date

 16   du 31 mai, le colonel Vukovic a demandé qu'une réunion soit tenue. Il nous

 17   a dit que l'armée musulmane avait attaqué la partie serbe à plusieurs

 18   emplacements ; qu'ils avaient des problèmes concernant l'usage des routes

 19   où se trouvaient les points d'observation de l’ONU, appelés Echo, c'est-à-

 20   dire de Milici vers le sud, en direction de Han Pijesak.

 21   M. McCloskey (interprétation). - Pouvez-vous, pour le moment,

 22   dire ou plutôt montrer aux Juges où se trouvait ce point d'observation

 23   Echo? Je crois que vous avez dit que cela n'était pas bien indiqué sur la

 24   carte ?

 25   Témoin B (interprétation). – Oui, vous avez raison. Cela devrait

Page 831

  1   se trouver à ce carrefour-ci. Et l'armée serbe, c'est-à-dire les Serbes

  2   n'avaient pas la possibilité de passer à côté de ce point de contrôle, car

  3   il ne leur avait pas été permis de traverser cette route. Ils souhaitaient

  4   l'utiliser. Pour eux, c’était la raison principale pour laquelle ils nous

  5   avaient demandé de quitter ce point d’observation afin qu’ils puissent

  6   commencer à utiliser cette route.

  7   M. McCloskey (interprétation). – Qu’est-il arrivé par la suite ?

  8   Témoin B (interprétation). – C’est devenu légèrement tendu et

  9   nous avons dit au colonel Vukovic que nous n'allions pas quitter le point

 10   d'observation Echo, car nous allions rester là. Je crois qu’il nous a dit

 11   qu’il allait prendre le point d’observation avec les forces et nous lui

 12   avons dit, par la suite, que s'il utilisait la force, nous allions

 13   demander de l’aide aérienne et que c’était mieux pour lui de ne pas

 14   demander ou ne pas prendre possession du point d’observation. La situation

 15   est devenue tendue.

 16   Le 2 juin, nous avons obtenu l'information que, dans la partie

 17   sud, la voisinage du point d'observation Echo, il y avait plusieurs

 18   soldats qui étaient vus, qu'il y avait beaucoup de chars dans la partie

 19   sud dans le voisinage de Vukova Glava et de Jasenovac, qui se trouvaient

 20   au sud du point d'observation d’Echo, dans la partie serbe.

 21   Et le chef des Musulmans nous a dit qu'il avait l'information

 22   que le point d’observation fox-trot allait être pris.

 23   M. McCloskey (interprétation). – Par la suite, qu'est-il arrivé

 24   d'important ?

 25   Témoin B (interprétation). - Le 3 juin, il y a eu une attaque

Page 832

  1   qui a eu lieu à 8 heures 30 ; une attaque sur le point d'observation écho.

  2   Il y a eu beaucoup de grenades, de mortiers d’utilisés, des grenades à

  3   main et ils ont pris le contrôle du point d’observation.

  4   M. McCloskey (interprétation). – Y avait-il des soldats

  5   néerlandais blessés ?

  6   Témoin B (interprétation). – Non, ils avaient pu se sauver.

  7   M. McCloskey (interprétation). – Donc les soldats néerlandais

  8   avaient pu quitter ?

  9   Témoin B (interprétation). – Oui.

 10   M. McCloskey (interprétation). – Et par la suite, que s'est-il

 11   passé d'important ?

 12   Témoin B (interprétation). - Eh bien, plusieurs choses sont

 13   arrivées en même temps. Les Musulmans nous ont demandé d'attaquer le BSA,

 14   puisqu'ils ne voulaient pas permettre aux BSA de se servir de la route.

 15   Ils ont dit : "Vous n'êtes pas là pour nous protéger alors, s’il vous

 16   plaît, prenez possession du point d'observation de nouveau". Ils nous ont

 17   demandé si on pouvait donner des armes du point de connexion, ce que nous

 18   avons refusé puisque nous leur avons dit que les Serbes n'étaient pas

 19   entrés dans l’enclave et que ce n'était pas le bon moment de rendre la

 20   situation encore plus tendue en donnant ou redonnant les armes.

 21   Un nouveau point d’observation a été créé ; le point

 22   d’observation uniforme qui n'était pas là auparavant. C'était un nouveau

 23   point d'observation. Le 8 juin, nous avons eu l'information que…

 24   Ramiz nous a dit qu'il avait obtenu des renseignements de ses

 25   soldats, que le général Mladic a ordonné de prendre possession de tous les

Page 833

  1   points d'observation dans l'enclave. Rien ne s'est passé mais, à la fin du

  2   mois de juin, la situation est devenue d’abord plus tendue et, par la

  3   suite, nous avons obtenu de plus en plus de renseignements qu'un grand

  4   nombre d’hommes, d'équipements, de chars se trouvaient dans les environs

  5   de l'enclave. Par la suite, le 16 juin, une roquette…

  6   M. McCloskey (interprétation). - Le 6 quoi ?

  7   Témoin B (interprétation). – Le 6 juillet une attaque a eu lieu

  8   sur le triangle de Bandera. Il y avait énormément de luttes, de batailles

  9   qui se passaient là.

 10   M. McCloskey (interprétation). – Pourriez-vous tracer un cercle

 11   autour du point à l'est du point d'observation Bravo ? En fait, pourriez-

 12   vous mettre un B pour Bravo ?

 13   Témoin B (interprétation). - Le triangle de Bandera se trouve

 14   ici ; c'est cette partie-ci et c'est là que les batailles ont eu lieu.

 15   M. McCloskey (interprétation). - Donc, entre les points

 16   d'observation B, C et S de Srebrenica , c'est bien cela ?

 17   Témoin B (interprétation). - Oui, c'est cela. Beaucoup de coups

 18   de feu ont eu lieu autour du point d'observation fox-trot et il y a eu de

 19   nouveaux points d'observation créés qui n'étaient pas là. Vers 1 heure, le

 20   6 juillet, le premier, le char a attaqué le mur de défense. Du point

 21   d'observation de fox-trot, le 7 juillet, toute la journée, il y a eu des

 22   coups de mortiers, des roquettes lancées tout autour de l'enclave.

 23   M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous nous dire qui

 24   tirait ? Est-ce que c'étaient les Serbes de Bosnie ?

 25   Témoin B (interprétation). - J'étais à Potocari à ce moment-là,

Page 834

  1   et le soir, j'ai vu en fait qu'il y avait des lanceurs de roquettes

  2   multiples et nous avons eu les renseignements suivants nous disant qu'il y

  3   avait eu énormément de blessés autour de Potocari et Srebrenica. J'ai vu

  4   l'impact dans le voisinage de notre base de Potocari.

  5   M. McCloskey (interprétation). - Qui était blessé ?

  6   Témoin B (interprétation). - Les civils. Nous avons obtenu les

  7   renseignements du service militaire de Srebrenica et des MSF, médecins

  8   sans frontières de l'hôpital.

  9   M. McCloskey (interprétation). – Quelles étaient les maisons que

 10   l'on avait attaquées ?

 11   Témoin B (interprétation). – C'étaient des maisons tout à fait

 12   ordinaires, un tout petit village qui s'appelait Budak dans lequel les

 13   gens habitaient et ils étaient là.

 14   M. McCloskey (interprétation). - Qu'est-ce qui s'est passé par

 15   la suite ?

 16   Témoin B (interprétation). - Pendant toute la nuit, il y a eu

 17   énormément de coups d'artillerie, de mortiers.

 18   M. McCloskey (interprétation). - Et le jour suivant ?

 19   Témoin B (interprétation). - Vers 3 heures, il y a eu énormément

 20   de… A 2 heures, il y a eu trois rondes sur le point d'observation fox-trot

 21   et à 3 heures le commandant a donné l'ordre de quitter la compagnie Bravo.

 22   Et il a donné l'ordre de quitter le point d'observation fox-trot, de

 23   retourner à la base.

 24   Quand les gens l'ont quitté, ils se sont rendus sur le chemin de

 25   terre vers Srebrenica, des Musulmans ont essayé d'arrêter le point

Page 835

  1   d'observation Echo, il y avait donc un transporteur blindé qui était du

  2   côté… en fait un de nos soldats a été blessé, à la fin de la journée, il

  3   est mort. A cause de cet incident, durant cette même journée nous avons eu

  4   beaucoup de rencontres avec les Suisses pour garantir une liberté de

  5   mouvements, puisque l'un des problèmes que nous avions tout le temps, sur

  6   le point d'observation Echo, chaque fois que l'on voulait reculer, et par

  7   la suite avancer ailleurs, ce qui est en fait une stratégie militaire tout

  8   à fait normale, ils nous bloquaient et nous ordonnaient d'avancer, de

  9   seulement avancer et de défendre l'enclave. Ils nous disaient : "Défendez-

 10   vous des ennemis qui se trouvent devant vous, n'allez jamais en arrière,

 11   mais toujours devant".

 12   C'était un de nos problèmes principaux, on n'avait pas de

 13   liberté de mouvements à l'intérieur de l'enclave.

 14   Cette même journée, samedi le 8 juillet, entre 6 heures et

 15   7 heures du soir, l'armée des Serbes de Bosnie, donc les gens n'avaient

 16   qu'une possibilité : aller de l'avant et se livrer, parce qu'ils avaient

 17   peur de reculer et de se faire arrêter par les Musulmans. Donc, nous avons

 18   eu cet incident le même jour. C'était la journée où notre soldat a été

 19   tué.

 20   M. McCloskey (interprétation). - Combien de soldats néerlandais

 21   se trouvaient à ce point d'observation qui s'est livré à l'armée serbe de

 22   Bosnie ?

 23   Témoin B (interprétation). – Je crois qu'il y a eu environ

 24   10 personnes.

 25   M. McCloskey (interprétation). - Et où sont-ils allés ?

Page 836

  1   Témoin B (interprétation). - Ils se sont livrés et sont allés au

  2   sud et ensuite ils ont tiré du côté est de la route de Bratunac.

  3   M. McCloskey (interprétation). - Ensuite que s'est-il passé ?

  4   Témoin B (interprétation). - Il y a eu beaucoup de coups de feu,

  5   d'artillerie qui ont eu lieu dans le voisinage de Potocari et dimanche,

  6   le 9…

  7   M. McCloskey (interprétation). - A part votre installation

  8   militaire qui se trouvait à Potocari, est-ce que vous aviez connaissance

  9   qu'il y avait des installations musulmanes dans le voisinage où ces coups

 10   de feu avaient lieu ?

 11   Témoin B (interprétation). - Lorsque l'attaque sur le point

 12   d'observation uniforme et fox-trot ont débuté, les Musulmans, dans la

 13   plupart des cas, se trouvaient dans le voisinage de nos points

 14   d'observation et ils tiraient sur l'armée serbe de Bosnie et essayaient

 15   d'obtenir un contact avec eux dans le but que, par la suite, les Nations

 16   Unies seraient forcées à attaquer parce que l'armée serbe de Bosnie

 17   protégeait les Nations Unies.

 18   M. McCloskey (interprétation). - Et autour de Potocari, vous

 19   avez mentionné que des coups de feu ont été également été tirés sur

 20   Potocari. Y avait-il des installations musulmanes autour de Potocari ?

 21   Témoin B (interprétation). – Non, pas du tout. Il n'y avait rien

 22   à Potocari, il n'y avait que des civils qui se trouvaient dans le

 23   voisinage, dans le village de Budak, dans le village de Potocari.

 24   M. McCloskey (interprétation). - Et par la suite, que s'est-il

 25   passé ?

Page 837

  1   Témoin B (interprétation). - La situation était encore tendue.

  2   Le corps de Van Alphen était emmené samedi, le 7. Comme j'ai dit

  3   auparavant, nous avons demandé la permission, ils l'ont refusée à

  4   plusieurs reprises et on l'a refaite de nouveau. La première fois que le

  5   corps a pu être enlevé de l'enclave, il était 9 heures du matin, et après

  6   de longues négociations, nous avons pu sortir le corps finalement vers

  7   3 heures.

  8   M. McCloskey (interprétation). - Avec qui parliez-vous ? Savez-

  9   vous qui était la personne avec qui votre commandant parlait de l'armée de

 10   la Republika Srpska pour pouvoir négocier de sortir le corps ?

 11   Témoin B (interprétation). - C'était avec Jovo, il était en

 12   communication téléphonique avec ses commandants ; la plupart du temps,

 13   c'était avec le major Nikolic.

 14   M. McCloskey (interprétation). – Cet homme que vous avez nommé

 15   Jovo, quel était son rang, son grade ?

 16   Témoin B (interprétation). - Je crois que c'était un soldat, je

 17   crois que l'homme était toujours là au point d'observation.

 18   M. McCloskey (interprétation). – C'était parce que c'était plus

 19   simple de communiquer avec lui, parce que vous aviez développé un contact

 20   avec lui ?

 21   Témoin B (interprétation). - Oui.

 22   M. McCloskey (interprétation). - Que s'est-il passé par la

 23   suite ?

 24   Témoin B (interprétation). - Cette même journée, le 9 juillet,

 25   le point d'observation avait dû se livrer, ils ont fait la même chose que

Page 838

  1   les hommes au point d'observation uniforme, ils devaient avancer, ils

  2   n'avaient pas de liberté de mouvements. Ils se sont également livrés aux

  3   Serbes et ils ont été emmenés à Bratunac.

  4   M. McCloskey (interprétation). - Par la suite, que s'est-il

  5   passé ?

  6   Témoin B (interprétation). – A ce moment-là, le projet suédois

  7   qui se trouvait dans le voisinage du point d'observation Kilo. Il y avait

  8   environ 4000 réfugiés musulmans, ils n'avaient aucune protection et ces

  9   réfugiés ont commencé à avancer vers Srebrenica.

 10   M. McCloskey (interprétation). - A quel moment est-ce arrivé ?

 11   Témoin B (interprétation). - Le 9 juillet. Par la suite, nous

 12   avons obtenu le renseignement qu'il n'y avait plus de protection suédoise

 13   et donc que la population a dû fuir vers Srebrenica. Bien sûr, c'était

 14   l'une des préoccupations des dirigeants serbes de Srebrenica parce qu'ils

 15   allaient se trouver avec 4000 réfugiés dans la ville de Srebrenica et ils

 16   allaient avoir un grand problème.

 17   M. McCloskey (interprétation). - Par la suite, que s'est-il

 18   passé ?

 19   Témoin B (interprétation). - Cette même journée, il y a eu

 20   énormément de coups de feu entendus autour de Srebrenica, (hors micro)

 21   situés autour de l'immeuble ont dû quitter parce que ce n'était plus

 22   sécuritaire pour eux de rester. Je n'ai reçu l'information du colonel

 23   Karremans que la Forpronu avait reçu un ultimatum, mais je ne sais pas si

 24   la Forpronu de Zagreb... je crois que c'était de Zagreb ou de Sarajevo.

 25   M. McCloskey (interprétation). - D'abord, pourriez-vous dire à

Page 839

  1   M. le Président ce que c'est qu'un "AMO" ?

  2   Témoin B (interprétation). - C'est un observateur militaire des

  3   Nations Unies.

  4   M. McCloskey (interprétation). - Quelle est la différence avec

  5   la Forpronu de votre mission ?

  6   Témoin B (interprétation). - Nous étions armés et nous avions

  7   également la possibilité de répondre, de répliquer aux attaques, à

  8   l'enclave. Les MO étaient là seulement pour l'observation et écrire des

  9   rapports directement au quartier général ; ils n'étaient pas armés, ils

 10   n'avaient pas les mêmes installations que nous, les mêmes possibilités.

 11   M. McCloskey (interprétation). - Les MO, où étaient-ils dans

 12   l'immeuble de Srebrenica ? Est-ce que c'est au centre de Srebrenica ?

 13   Témoin B (interprétation). - Oui, c'est exact.

 14   M. McCloskey (interprétation). - Et qui sont les UNMO ?

 15   Témoin B (interprétation). - A ce moment-là, je connais que

 16   c'était le major Andre de Han, le major Josef Kingori, le capitaine

 17   Tetee ; et les autres UNMO avaient déjà quitté l'enclave pour se faire

 18   relayer, donc de nouveau ils devaient revenir mais ils n'étaient pas en

 19   mesure de rentrer ou de venir.

 20   M. McCloskey (interprétation). - Puisque vous parlez de la

 21   situation d'UNMO de Srebrenica, pouvez-vous revenir un peu en arrière et

 22   nous parler de la situation des UNMO à Srebrenica ?

 23   Témoin B (interprétation). - Eh bien, en fait avant d'en parler,

 24   ils ont dû quitter l'immeuble des PTT où ils étaient en sécurité et ils se

 25   sont dirigés vers Potocari et ils sont restés dans notre base jusqu'à la

Page 840

  1   fin du séjour.

  2   Comme je vous ai dit, il y avait eu un ultimatum de la Forpronu

  3   donné à l'armée serbe de Bosnie de faire une attaque sur les..., et que

  4   les procédures de blocage auraient lieu et qu'il y aurait des tirs

  5   d'avion.

  6   M. McCloskey (interprétation). - Que voulez-vous dire par les

  7   "positions de blocage" ? Je ne comprends pas.

  8   Témoin B (interprétation). - Comme je vous ai dit, il est

  9   d'usage que, lorsque nous devons quitter un poste d'observation, nous

 10   devons nous diriger en arrière pour essayer de trouver une nouvelle

 11   position, pour prendre une nouvelle position. Le commandant du DutchBat a

 12   ordonné de prendre les positions de blocage au sud de Srebrenica. Comme

 13   vous pouvez le voir, ce qui passait dans le sud et l'armée serbe de Bosnie

 14   avançait et attaquait Srebrenica.

 15   M. McCloskey (interprétation). - Donc combien de positions de

 16   blocage aviez-vous établies à ce moment-là ?

 17   Témoin B (interprétation). - Au moins deux positions de blocage.

 18   M. McCloskey (interprétation). - Et cet ultimatum que la

 19   Forpronu avait livré à l'armée serbe de Bosnie, c'était quel jour ?

 20   Témoin B (interprétation). - C'était le 9 juillet.

 21   M. McCloskey (interprétation). - Savez-vous à quelle heure ?

 22   Témoin B (interprétation). - Je crois que c'était, cela a

 23   commencé vers 21 heures. Par la suite, lorsqu'il y a eu une attaque sur

 24   les positions de blocage, nous allions... lorsque nous savons que le

 25   soutien aérien allait être utilisé, ils allaient attaqué l'armée serbe de

Page 841

  1   Bosnie...

  2   M. McCloskey (interprétation). - Qu'est-ce qui s'est passé ?

  3   Témoin B (interprétation). - Eh bien, par la suite, rien ne

  4   s'est passé. En fait, ils ont commencé à tirer vers la ville de Srebrenica

  5   et près de nos positions de blocage. Je ne sais pas si le soutien aérien

  6   de très près a été demandé, je sais que cela a été fait le jour suivant,

  7   le 10 juillet.

  8   M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous poursuivre ? Que

  9   s'est-il passé le 10 juillet ?

 10   Témoin B (interprétation). - Le 10, nous avons pris une position

 11   de blocage dans la partie sud de Srebrenica, tel que je vous ai dit, pour

 12   bloquer la route qui mène vers Srebrenica et voir ce qui se passait et,

 13   éventuellement, essayer d'arrêter l'armée serbe de Bosnie.

 14   Encore une fois, il a fallu négocier avec Ramiz pour une liberté

 15   de mouvements. C'était un grand problème et, parce que l'armée serbe de

 16   Bosnie avançait, nous avons demandé l'aide du soutien aérien, mais ce

 17   n'était pas disponible à ce moment-là. Ils nous ont dit que ce n'était pas

 18   disponible, nous n'avons pas obtenu un support aérien.

 19   M. McCloskey (interprétation). - Où étiez-vous le 10 ?

 20   Témoin B (interprétation). - Le 10, tout ce temps-là j'étais en

 21   route entre Potocari et Srebrenica puisque les UNMO se sont rendus à

 22   Potocari. Ils ne pouvaient pas retourner à leur bureau à Srebrenica et

 23   quelqu'un devait s'occuper des civils. Donc, l'équipe de liaison du

 24   bataillon a dû se rendre fréquemment de Potocari à Srebrenica et faire le

 25   va-et-vient toute la journée.

Page 842

  1   M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous décrire la

  2   situation à Srebrenica le 10, dans la ville, au centre ville de

  3   Srebrenica ?

  4   Témoin B (interprétation). - La situation était très tendue,

  5   bien sûr. Un grand nombre de gens sortaient des maisons et ils prenaient

  6   tout ce qu'ils pouvaient bien prendre avec eux, leurs effets personnels.

  7   Ils étaient comme des réfugiés, ils se trouvaient dans la rue. Et même

  8   s'il n'y avait pas vraiment une vraie attaque à ce moment-là, à

  9   Srebrenica, mais il y avait quand même des rondes d'artillerie et de

 10   mortiers et il y a eu des répercussions dans la ville de Srebrenica.

 11   M. McCloskey (interprétation). - Le 10 ?

 12   Témoin B (interprétation). - Oui, le 10.

 13   M. McCloskey (interprétation). - Et le soir ?

 14   Témoin B (interprétation). - Nous devions aller avec le

 15   commandant du bataillon. Nous nous sommes rendus à l'immeuble des PTT,

 16   c'était le soir, et la situation était la suivante : il n'y avait plus de

 17   lumière, il n'y avait pas d'électricité et il y avait énormément de coups

 18   de feu et d'artillerie et de mortiers ; il y avait des gens dans la rue

 19   et, bien sûr, des femmes et les enfants, tout le monde avait très peur.

 20   Les gens étaient anxieux et les rues étaient occupées, en fait

 21   surpeuplées, il y avait énormément de gens dans les rues.

 22   M. McCloskey (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une

 23   idée du nombre de personnes qui se trouvaient dans les rues de Srebrenica

 24   cette nuit du 10 ?

 25   Témoin B (interprétation). - C'est très difficile de le dire.

Page 843

  1   Tout près de la compagnie Bravo et de l'immeuble PTT, il y a environ deux

  2   ou trois mètres. Dans les alentours de la compagnie Bravo il y avait à peu

  3   près des centaines de personnes, ils avaient bloqué la route avec des

  4   arbres, des troncs d'arbre, puisqu'on leur avait donné la garantie que la

  5   compagnie Bravo n'allait pas quitter. Ils avaient peur que la compagnie

  6   quitte et n'allait plus les protéger, donc ils voulaient garder la

  7   compagnie Bravo là où elle était.

  8   Nous avons dû passer par-dessus ce tronc d'arbre et, dans les

  9   environs de l'immeuble PTT, il y avait énormément de gens,

 10   particulièrement des hommes. Lorsque nous sommes arrivés à 11 heures du

 11   soir, il y avait plutôt des hommes.

 12   M. McCloskey (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des

 13   hommes musulmans armés à ce moment-là ?

 14   Témoin B (interprétation). - Oui, à ce moment-là, à l'extérieur

 15   de l'immeuble des PTT, il y avait beaucoup d'hommes armés : ils portaient

 16   des fusils, des lanceurs de roquettes, des grenades à main. Lorsque nous

 17   sommes entrés dans l'immeuble des PTT il y avait également des civils et

 18   des dirigeants militaires, ils étaient tous là et ils portaient des

 19   uniformes mais ils avait également des armes.

 20   M. McCloskey (interprétation). - Qu'est-il arrivé durant cette

 21   réunion ?

 22   Témoin B (interprétation). - Le colonel Karremans leur a dit

 23   que, le lendemain matin, le 11 à 6 heures du matin, lorsque l'armée serbe

 24   de la Bosnie, si l'armée serbe de Bosnie ne se retirait pas, il y aurait

 25   une attaque aérienne et qu'une partie du terrain serait détruite.

Page 844

  1   Bien sûr, les dirigeants militaires, les civils ne le croyaient

  2   pas, puisque très souvent nous leur avons promis que nous voulions et

  3   allions obtenir de l'aide aérienne rapprochée, mais jusqu'à ce moment-là

  4   rien ne s'était passé. Alors ils ont eu des doutes que cela arrive cette

  5   fois-ci de nouveau.

  6   M. McCloskey (interprétation). – Que s'est-il passé par la

  7   suite ? Est-ce qu’il y a eu une entente ? Est-ce que quelque chose s'est

  8   passé après la réunion ?

  9   Témoin B (interprétation). – Eh bien, pas vraiment. On les a

 10   informés que le lendemain matin, à 6 heures du matin, l'ultimatum

 11   prendrait fin et qu'après cela les problèmes allaient être réglés ou

 12   résolus par les forces aériennes.

 13   M. McCloskey (interprétation). – Et par la suite que s'est-il

 14   passé après la fin de la réunion ?

 15   Témoin B (interprétation). – A la fin de la réunion, nous sommes

 16   sortis. De nouveau, il y avait beaucoup d’hommes dans l'entourage de

 17   l’immeuble des PTT, il y avait beaucoup d’hommes qui quittaient la ville

 18   également. Nous avons entendu par la suite qu'ils ont pris la direction du

 19   nord-ouest, ils ont pris la route qui se trouvait tout près du bâtiment

 20   des PTT. Le colonel Karremans est retourné à Potocari. Je suis resté à la

 21   base de la compagnie Bravo à Srebrenica.

 22   M. McCloskey (interprétation). – Y avait-il quelqu'un d'autre

 23   avec l’équipe de liaison, avec vous, dans la base de Srebrenica ?

 24   Témoin B (interprétation). – Oui, le major Boering était là

 25   également.

Page 845

  1   M. McCloskey (interprétation). – La nuit du 10, aux petites

  2   heures du matin, est-ce que quelque chose est arrivé ? Avez-vous remarqué

  3   que quelque chose a eu lieu aux petites heures du matin le 11 ?

  4   Témoin B (interprétation). – Oui, on en entendait des coups de

  5   feu sur la ville. J'ai rencontré le lieutenant, un lieutenant qui se

  6   trouvait dans la partie sud, je crois, qui faisait partie de l'une des

  7   positions de blocage, je l’ai rencontré à 1 heure du matin le 11, et il

  8   m'a dit qu'il avait vu que l'armée serbe de Bosnie nettoyait les maisons

  9   dans la partie sud de l'enclave.

 10   M. McCloskey (interprétation). – Est-ce que vous savez ce qu'il

 11   voulait dire par cela ?

 12   Témoins A (interprétation). – Non, pas spécifiquement, ils ont

 13   pénétré dans les maisons, ils ont commencé à mettre le feu aux maisons et

 14   à tirer, c'est ce qu'ils m’ont dit.

 15   M. McCloskey (interprétation). – Quel était son nom de ce

 16   lieutenant ?

 17   Témoin B (interprétation). – C’était le lieutenant Versteerg.

 18   M. McCloskey (interprétation). – Pouvez-vous l'épeler ?

 19   Témoin B (interprétation). – V, e, r, s, t, e, e, r, g.

 20   M. McCloskey (interprétation). – Et par la suite, que s'est-il

 21   passé ?

 22   Témoin B (interprétation). – Durant cette nuit, l'hôtel occupé

 23   par le point d’observation, cet hôtel-ci, était également… Il y avait des

 24   coups de feu tirés sur cet hôtel. Et donc l’hôtel était pilonné. Et le

 25   lendemain matin, vers 6 heures, nous avions dû essayé d’obtenir la

Page 846

  1   confirmation que l'armée serbe de Bosnie ne s'est pas retirée.

  2   Nous avons envoyé le commandant, en fait le commandant de la

  3   compagnie Bravo a envoyé une demande, et à ce moment-là il a envoyé un

  4   APC, mais l’APC a été blessé, donc en fait à ce moment-là on a envoyé un

  5   blindé transport de troupes, l'attaque ne l'a pas tué.

  6   M. McCloskey (interprétation). – Par la suite, que s'est-il

  7   passé ?

  8   Témoin B (interprétation). – Rien ne s’est passé par la suite.

  9   Nous avons obtenu beaucoup de demandes pour un rapport aérien rapproché,

 10   mais rien ne s’est passé. Beaucoup de pilonnages ont eu lieu. La panique

 11   s'est installée chez la population de Srebrenica. Ils se sont entassés

 12   devant la compagnie Bravo et ils leur ont demandé de l'aide, ils voulaient

 13   pénétrer ou entrer sur la base car ils croyaient que c'était un endroit

 14   sécuritaire pour eux.

 15   M. McCloskey (interprétation). – Quel était le climat cette

 16   journée-là, comment les gens se sentaient ?

 17   Témoin B (interprétation). – Ils étaient anxieux, criaient,

 18   pleuraient, les femmes, les enfants, avec tout leurs effets personnels,

 19   couraient à gauche à droite et ne savaient pas trop où aller, nous ne

 20   savions pas ce qui se passait puisque nous n'avions aucune possibilité de

 21   faire quoi que ce soit nous-mêmes.

 22   Je crois que le matin, à 10 heures du matin ou peut-être vers

 23   11 heures du matin, nous avons obtenu la demande de Médecins sans

 24   frontières de nous aider à sortir les blessés des hôpitaux, alors nous

 25   avons préparé des camions pour aider Médecins sans frontières afin de les

Page 847

  1   aider à sortir les blessés de l'hôpital et également les réfugiés ont

  2   brisé la clôture de la compagnie Bravo et ont essayé de venir à la base.

  3   M. McCloskey (interprétation). – Combien y avait-il de gens

  4   autour et à l'intérieur de la base Bravo ?

  5   Témoin B (interprétation). – Eh bien, il y avait des milliers de

  6   personnes.

  7   M. McCloskey (interprétation). – Que s'est-il passé par la

  8   suite ?

  9   Témoin B (interprétation). – Les patients sont sortis de

 10   l'hôpital, nous n'avions aucune possibilité de leur donner des soins, nous

 11   les avons simplement mis dans des camions, nous les avons séparés, nous

 12   les avons gardés sur la base et les autres réfugiés sont allés à bord des

 13   camions.

 14   Vous allez voir sur le film, il y avait énormément de personnes

 15   dans ces camions.

 16   M. McCloskey (interprétation). – Est-ce qu'il y a eu des

 17   pilonnages sur la base ?

 18   Témoin B (interprétation). – Oui, je ne sais pas à quelle heure

 19   exactement, mais nous avons eu des tirs sur la base, il y avait plusieurs

 20   blessés, j'en ai vu au moins trois ou quatre qui étaient emmenés vers la

 21   compagnie, qui étaient emmenés à l'intérieur.

 22   M. McCloskey (interprétation). – A ce moment-là, qu'avez-vous

 23   fait ?

 24   Témoin B (interprétation). – Nous n'avions aucune possibilité de

 25   faire quoi que ce soit, nous avons simplement essayé de faire en sorte que

Page 848

  1   les gens se dirigent vers Potocari, parce que c’était peut-être le seul

  2   endroit sûr. Nous pensions que Srebrenica allait être prise par les Serbes

  3   de Bosnie. Nous avons demandé aux gens d’aller vers Potocari. Il y avait

  4   un problème. Les gens ne voulaient pas quitter la base parce qu’ils se

  5   sentaient en sécurité dans cette base.

  6   Je crois qu'à 2 heures 10 nous avons obtenu un support aérien

  7   rapproché, et il y a eu des attaques menées par les forces aériennes, et

  8   nous avons peut-être obtenu un peu de confiance de la part de la

  9   population. Je crois que les gens ont commencé à sentir qu'on essayait de

 10   les aider. A ce moment-là, les gens voulaient quitter… et allait donc vers

 11   Potocari.

 12   M. McCloskey (interprétation). – Est-ce qu'il y avait une raison

 13   à cela ?

 14   Témoin B (interprétation). – Pendant 10 ou 15 minutes, cela a eu

 15   lieu, par la suite cela s’est arrêté, mais donc il n’y a pas eu de suite,

 16   les avions sont partis.

 17   M. McCloskey (interprétation). – Et par la suite, qu’est-ce que

 18   vous avez fait ?

 19   Témoin B (interprétation). – En fait, je suis resté à

 20   Srebrenica, je crois jusqu'à 3 heures de l'après-midi, et après cela nous

 21   ne pouvions plus faire quoi que ce soit, et je suis donc entré dans une

 22   jeep, j'ai pris tous les réfugiés que je pouvais prendre et me suis dirigé

 23   vers Potocari. Il y avait énormément de personnes sur la route, il y avait

 24   des coups de feu et des obus tombés autour de nous.

 25   M. McCloskey (interprétation). – Comment avez-vous réagi à ces

Page 849

  1   obus qui tombaient à côté de vous ?

  2   Témoin B (interprétation). – Eh bien, nous nous sommes habitués,

  3   je crois, puisque ces obus tombaient pendant plusieurs jours, ça venait

  4   juste d'arriver, mais j'avais l'idée, je croyais qu'ils lançaient des

  5   obus, que la route était pilonnée pour s'assurer que les gens allaient

  6   vraiment quitter vers le nord et se dirigeait vraiment vers Potocari, car

  7   je crois qu’ils voulaient en fait que la population quitte Srebrenica.

  8   M. McCloskey (interprétation). – Mais les obus n'avaient pas

  9   blessé les réfugiés ?

 10   Témoin B (interprétation). – Non, pour l'instant c'est moi qui

 11   conduisait, et je n'ai pas vu de blessés sur la route, je n’ai vu aucun

 12   mort sur la route, la seule chose qui restait sur la route ce sont les

 13   effets personnels, les valises et les autres… Les gens avançaient et se

 14   dirigeaient vers Potocari, particulièrement les personnes âgées, les

 15   femmes et les enfants.

 16   M. McCloskey (interprétation). – Vers quelles heure êtes-vous

 17   arrivé à Potocari ?

 18   Témoin B (interprétation). – Je me suis trouvé vers 5 heures,

 19   entre 4 et 5. A ce moment-là, le lieutenant Koster était déjà sur les

 20   lieux. Et la répartition des réfugiés dans les diverses usines et les

 21   divers bâtiments de notre base avait commencé, parce qu’il y avait déjà 6

 22   ou 7 000 réfugiés en cet endroit, il était impossible d’en accueillir de

 23   nouveaux.

 24   Il m'a dit que, selon certaines informations, l'armée des Serbes

 25   de Bosnie n'autorisait pas les réfugiés à venir à la base et menaçait,

Page 850

  1   s'ils y venaient, de pilonner la base.

  2   M. McCloskey (interprétation). – Donc quand vous êtes retourné à

  3   Potocari, pouvez-vous estimer à peu près le nombre des Musulmans qui se

  4   trouvaient dans la base ?

  5   Témoin B (interprétation). – Eh bien, 10 000, peut-être 15 000.

  6   M. McCloskey (interprétation). – Pouvez-vous décrire la

  7   situation qui régnait à cet endroit ?

  8   Témoin B (interprétation). – Cela dépendait un peu du lieu, mais

  9   les réfugiés se composaient de personnes âgées, d'enfants, de malades, de

 10   femmes avec leurs enfants. Toutes ces personnes étaient terriblement

 11   anxieuses, elles ne savaient pas où elles allaient, et elles cherchaient

 12   une défense, une protection auprès des Nations Unies et la seule chose que

 13   nous pouvions leur offrir c’était de s’adresser à Médecins sans frontières

 14   qui était représenté à cet endroit, et de nous efforcer de leur trouver un

 15   lieu où s’abriter dans les usines du voisinage.

 16   M. McCloskey (interprétation). – Quelles étaient les tâches qui

 17   vous étaient assignées ?

 18   Témoin B (interprétation). – A ce moment-là, je me suis organisé

 19   avec le lieutenant Koster pour que de nouvelles usines soient ouvertes

 20   afin d’abriter un nombre plus important de personnes, et à 7 heures, si je

 21   ne m’abuse, je me suis rendu à la base de Potocari.

 22   M. McCloskey (interprétation). - Que s'est-il passé à ce moment-

 23   là ?

 24   Témoin B (interprétation). – J'ai reçu l'ordre du colonel

 25   Karremans de l'accompagner avec le commandant Boering à une réunion qui

Page 851

  1   devait se dérouler dans les locaux de l'hôtel Fontana à Bratunac, il m’a

  2   demandé d’être à cet endroit à 8 heures.

  3   M. McCloskey (interprétation). – Aviez-vous des informations au

  4   sujet du but de cette réunion, savez-vous à quoi vous attendre ?

  5   Témoin B (interprétation). – Non, absolument pas, je savais

  6   simplement qu’il y avait une rencontre avec les représentants de l'armée

  7   des Serbes de Bosnie, et nous nous attendions à ce que l'on nous demande

  8   de nous rendre et que l'on nous propose des dispositions précises, parce

  9   qu’à ce moment-là je crois que... car notre idée c’était que nous avions

 10   perdu la guerre.

 11   M. McCloskey (interprétation). - Etes-vous parvenu à Bratunac

 12   avec les personnes qui vous accompagnaient ?

 13   Témoin B (interprétation). – Oui, pas de problème, je pense

 14   qu’il devait être 7 heures et demie et 8 heures quand nous sommes arrivés

 15   au pont jaune, en jeep, où nous avons trouvé Jovo à l'hôtel Fontana, et

 16   nous avons été arrêtés. Je pense que le commandant Nikolic était dans sa

 17   voiture privée, il nous accompagnait, il conduisait devant nous et il est

 18   arrivé aussi à l’hôtel Fontana de Bratunac.

 19   M. McCloskey (interprétation). - Pourquoi dites-vous "je

 20   pense" ?

 21   Témoin B (interprétation). – Eh bien, le seul homme dont je peux

 22   me rappeler était le commandant Nikolic. Je sais que nous étions escortés,

 23   il nous a ramenés à l'hôtel Fontana, donc je pense que c’est lui aussi qui

 24   nous y a ramenés.

 25   M. McCloskey (interprétation). – A quel moment êtes-vous arrivé

Page 852

  1   à l'hôtel ?

  2   Témoin B (interprétation). – Je crois qu’il était 8 heures.

  3   M. McCloskey (interprétation). – Pouvez-vous décrire la scène à

  4   votre arrivée dans les locaux de l’hôtel, qu'y avez-vous appris et qui y

  5   avez-vous vu ?

  6   Témoin B (interprétation). - Je m'y étais déjà rendu à plusieurs

  7   reprises par le passé. Nous avons eu notre première réunion le 6 dans cet

  8   hôtel. Et quand nous sommes arrivés dans la pièce, à notre droite, nous

  9   avons vu des soldats assis, il y avait beaucoup de soldats de l'armée des

 10   Serbes de Bosnie aux environs de l'hôtel et à l'intérieur également.

 11   On nous a demandé de nous rendre dans une petite pièce qui se

 12   trouvait à l'arrière de l'hôtel. C'était une pièce surpeuplée et il s'y

 13   trouvait un certain nombre de personnes que nous connaissions.

 14   Le commandant Boering est allé vers la droite à ce moment-là

 15   pour parler avec des soldats qui se trouvaient là. Je répète que la pièce

 16   était petite. Il l'a fait en dépit du fait que les gardes qui se

 17   trouvaient à cet endroit ont essayé de l'arrêter. Après quelques instants,

 18   il a dû partir et nous sommes entrés, le colonel Karremans et moi-même.

 19   M. McCloskey (interprétation). – Avez-vous pu distinguer des

 20   insignes ou emblèmes sur les vêtements des gardes qui se trouvaient là,

 21   les gardes de l'armée des Serbes de Bosnie à l'intérieur ou aux alentours

 22   de l'hôtel ?

 23   Témoin B (interprétation). – Non, je ne me rappelle que les

 24   uniformes de l’armée des Serbes de Bosnie.

 25   M. McCloskey (interprétation). - Y avait-il des signes

Page 853

  1   distinctifs sur ces soldats indiquant l’unité à laquelle ils

  2   appartenaient ?

  3   Témoin B (interprétation). – Non, je ne me rappelle rien de

  4   précis.

  5   M. McCloskey (interprétation). – Très bien. Que s'est-il passé

  6   ensuite ?

  7   Témoin B (interprétation). – Eh bien, quand nous sommes rentrés

  8   dans cette pièce, nous avons été surpris parce que nous pensions que le

  9   général Mladic s’y trouverait, au début nous ne l'avons pas remarqué, mais

 10   finalement nous avons vu qu'il était là. Le général Zivanovic du Corps de

 11   la Drina était quelqu'un que nous attendions dans cette pièce, mais nous

 12   ne nous attendions pas -en fait- au départ à ce que le général Mladic soit

 13   présent. Or, je le répète, il était présent. Il y avait aussi le

 14   commandant Nikolic, Petar l'interprète, plusieurs civils que nous ne

 15   connaissions pas, et une équipe de cameramen, ainsi que d'autres soldats

 16   que nous ne connaissions pas à ce moment-là, mais j'ai appris par la suite

 17   qu'il s'agissait du colonel Jankovic, avec lequel nous avons eu plusieurs

 18   contacts par la suite, ainsi que le lieutenant Kozaric, si je ne m'abuse,

 19   je crois qu'il était lieutenant.

 20   M. McCloskey (interprétation). - Le colonel Jankovic, savez-vous

 21   à quelle unité il appartenait ?

 22   Témoin B (interprétation). – Non, il était simplement là. Je ne

 23   connaissais pas son grade, d'ailleurs. Mais je pense qu'il devait agir en

 24   qualité de colonel parce que, quand nous sommes entrés dans la pièce,

 25   l'interprète Petar, qui avait déjà travaillé pour nous, il travaillait

Page 854

  1   pour les observateurs militaires des Nations Unies, il n'était pas dans la

  2   pièce à ce moment-là, et le colonel Jankovic était le seul homme qui

  3   parlait anglais.

  4   M. McCloskey (interprétation). - Et M. Kozaric, savez-vous à

  5   quelle unité il appartenait et d'où il venait éventuellement ?

  6   Témoin B (interprétation). – Non, je n'en ai pas la moindre

  7   idée. Il était avec le commandant Nikolic, non loin des cameramen,

  8   derrière eux. A ce moment-là, je ne savais pas de qui il s'agissait, mais

  9   deux jours plus tard je l'ai appris. A ce moment-là, je n'ai vu en lui

 10   qu'un soldat, qu’un officier.

 11   M. McCloskey (interprétation). - Y avait-il quelque chose de

 12   spécial à son sujet, quelque chose de spécial dans son apparence peut-

 13   être ?

 14   Témoin B (interprétation). – Oui, il n'avait pas un cheveu sur

 15   la tête, au sommet du crâne, il avait aussi une grande moustache et un

 16   tatouage sur le bras.

 17   M. McCloskey (interprétation). -Le général Krstic était-il

 18   présent lors de cette première réunion ?

 19   Témoin B (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas l'y

 20   avoir vu.

 21   M. McCloskey (interprétation). – Pouvez-vous décrire ce que vous

 22   vous rappelez qui s'est passé au cours de cette réunion ? Pouvez-vous

 23   décrire ce qui s’est passé quand vous avez pénétré dans la pièce ?

 24   Témoin B (interprétation). - Dans les premiers moments, la

 25   confusion était grande bien sûr, car tout le monde se disait : "Ce n'est

Page 855

  1   pas possible que le général Mladic soit là". Or, il était là.

  2   Ensuite nous avons parlé quelques instants et très rapidement la

  3   pression s'est accrue. Petar l'interprète a pénétré dans la pièce, il a

  4   commencé à interpréter les propos de Mladic.

  5   M. McCloskey (interprétation). – Qui a interprété au départ ?

  6   Témoin B (interprétation). – Je crois que c’est Jankovic qui a

  7   interprété les premiers instants de cet entretien, après quoi Petar est

  8   arrivé.

  9   M. McCloskey (interprétation). - Avez-vous pu voir une cassette

 10   vidéo qui retrace une partie de cette réunion ?

 11   Témoin B (interprétation). - Oui.

 12   M. McCloskey (interprétation). – Eh bien, nous en parlerons dans

 13   quelques instants.

 14   Mais, pour l’instant, je vous demande ce qui s’est passé

 15   ensuite. Après l’arrivée de Petar, qui a commencé à interpréter ?

 16   Témoin B (interprétation). - Les cameramen étaient très actifs,

 17   un film était tourné. Il y avait beaucoup de bruit, le général Mladic

 18   criait à l'adresse du colonel Karremans, il l'accusait d'avoir tiré sur

 19   ses soldats, il a demandé au colonel Karremans si c'est lui qui avait

 20   ordonné les frappes aériennes, s'il était responsable de ce qui s'était

 21   passé cet après-midi-là. Donc le général Mladic se comportait comme un

 22   vainqueur et, à ce moment-là, il dictait sa volonté, il dirigeait, c’est

 23   lui qui menait la danse, si je puis m'exprimer ainsi.

 24   M. McCloskey (interprétation). - S'adressait-il à quelqu'un qui

 25   était assis à côté du colonel Karremans ?

Page 856

  1   Témoin B (interprétation). - Il a demandé à plusieurs reprises

  2   au colonel Karremans si c'est lui qui avait ordonné les frappes aériennes.

  3   Le colonel Karremans lui a répondu qu'il pouvait éventuellement demander

  4   des frappes aériennes mais que ce n’était pas lui qui prenait les

  5   décisions ultimes.

  6   Ensuite, le général Mladic m'a posé la même question, et enfin

  7   il a posé la même question au commandant Boering ; et il a agi à notre

  8   égard de la même façon qu’il avait agi à l’égard du colonel Karremans,

  9   c’est-à-dire qu’il nous a demandé si c'est nous qui avions demandé les

 10   frappes aériennes.

 11   M. McCloskey (interprétation). – Quels ont été les autres thèmes

 12   de la rencontre ensuite ?

 13   Témoin B (interprétation). – Je crois qu'après cette

 14   introduction nous nous sommes assis et nous avons abordé plusieurs sujets.

 15   Le général Mladic souhaitait avoir des contacts avec les représentants de

 16   la population civile, car il désirait leur dire que les civils n'étaient

 17   pas la cible qu'ils visaient, qu'ils étaient libres de partir et qu'il

 18   ferait tout pour leur permettre de partir le plus rapidement possible. Il

 19   voulait aussi des contacts avec les dirigeants militaires de l’intérieur

 20   de l'enclave, ou en tout cas, avec des représentants militaires de

 21   l’intérieur de l’enclave. Et il a parlé spécialement de Dusinovic, de

 22   Zulfo Tursinovic. Il souhaitait avoir un contact avec M. Tursinovic.

 23   M. McCloskey (interprétation). – Qui était M. Tursinovic ? Le

 24   savez-vous ?

 25   Témoin B (interprétation). – Tursinovic était l'un des

Page 857

  1   dirigeants militaires de l'enclave ; dans la partie occidentale de

  2   l'enclave où il résidait également.

  3   M. McCloskey (interprétation). – Est-ce que Mladic était inquiet

  4   au sujet des soldats ? Qu’a-t-il dit ensuite au sujet des militaires ?

  5   Témoin B (interprétation). – Eh bien, il ne voulait qu'une

  6   chose. Lorsque nous lui avons dit que nous n'avions pas de contact avec

  7   les dirigeants militaires, il nous a rétorqué que nous devrions aller dans

  8   l’enclave pour établir un contact avec les dirigeants militaires parce

  9   qu'ils avaient déposé les armes, s'étaient rendus et que, s’ils se

 10   rendaient, cela ne poserait pas de problème. Ils seraient faits

 11   prisonniers de guerre et détenus.

 12   M. McCloskey (interprétation). – Quel autre sujet avez-vous

 13   abordé au cours de cette discussion ?

 14   Témoin B (interprétation). – Il a dit que s’il y avait de

 15   nouvelles frappes aériennes, il pilonnerait la base, c’est-à-dire

 16   l’endroit où se trouvait les réfugiés et que des otages pourraient être

 17   pris pour cibles ; les otages de Bratunac. Le colonel Karremans a demandé

 18   des vivres et des médicaments pour les réfugiés qui se trouvaient aux

 19   alentours de Potocari. Je ne me rappelle plus exactement, mais je crois

 20   que Mladic nous a promis ce jour-là de voir ce qu'il pourrait faire sans

 21   répondre très précisément à la demande.

 22   Il y a une chose que je me rappelle, c’est qu’il a demandé au

 23   colonel Karremans s’il lui serait possible d'organiser un transport par

 24   autobus pour les réfugiés afin de les emmener là où ils souhaitaient

 25   aller.

Page 858

  1   M. McCloskey (interprétation). - Mladic a demandé tout cela a

  2   Karremans ?

  3   Témoin B (interprétation). – Oui.

  4   M. McCloskey (interprétation). – Qu’a répondu Karremans ?

  5   Témoin B (interprétation). – Je ne suis pas sûr qu'il ait fait

  6   des promesses, mais je crois qu'il a promis de vérifier si la Forpronu

  7   pourrait fournir des autocars.

  8   M. McCloskey (interprétation). - D'autres sujets ont-ils été

  9   abordés au cours de cette discussion ce jour-là, notamment les réfugiés

 10   peut-être et le déplacement des réfugiés ?

 11   Témoin B (interprétation). – Rien d’autre n'a été dit que le

 12   fait que les gens étaient libres de partir et que des transports seraient

 13   réorganisés. C’est la seule chose qui a été dite au cours de cette

 14   première réunion.

 15   M. McCloskey (interprétation). – Quel a été, d’après vous, le

 16   sujet principal discuté au cours de cette réunion, d’après vos souvenirs ?

 17   Témoin B (interprétation). – Je crois que le sujet principal,

 18   c'était d'établir un contact, de montrer qui était le chef et d’essayer

 19   d’entrer en contact avec la population civile ainsi qu’avec les militaires

 20   pour informer les militaires à l'intérieur de l'enclave qu'il importait

 21   qu'ils rendent les armes et se rendent.

 22   M. McCloskey (interprétation). - Vous avez sans doute eu la

 23   possibilité de voir un certain nombre de films vidéo tournés au cours de

 24   ces réunions. D’après vous, existe-t-il une vidéo qui montre ce qui s’est

 25   passé au cours de cette réunion précise ?

Page 859

  1   Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas si j'ai vu tous les

  2   films tournés. En tous cas, je n'ai vu que ce qu'a diffusé l'émission

  3   Nova. Mais, je ne crois pas que l'intégralité de la réunion ait été saisie

  4   par la caméra.

  5   M. McCloskey (interprétation). – Vous avez vu au cours de cette

  6   réunion des vidéos que nous vous avons montrées également,.

  7   Témoin B (interprétation). - Oui.

  8   M. le Président. – Je crois qu'on ne peut pas aller jusqu'à

  9   14 heures 30. Il faut que le témoin et les interprètes se reposent un peu.

 10   On va faire une pause de 15 minutes et, après, on reprendra.

 11   (L'audience, suspendue à 13 heures 38, est reprise à

 12   13 heures 57.)

 13   M. le Président. – Monsieur McCloskey, vous pouvez continuer

 14   s'il vous plaît.

 15   M. McCloskey (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 16   Nous avons la cassette de la première réunion qui dure 40 minutes à peu

 17   près. Cela nous emmènera peut-être un peu loin. Cela fera dépasser

 18   l'horaire, mais j'aimerais tout de même que l'on diffuse cette cassette.

 19   Après quoi j'aurai une ou deux questions rapides à poser au témoin.

 20   M. le Président. - Je crois que c'est raisonnable de dépasser de

 21   10 minutes, vous êtes d'accord, tous les interprètes ?

 22   Les Interprètes. – Absolument, Monsieur le Président.

 23   M. le Président. – Merci beaucoup. Nous avons toujours des

 24   réponses sympathiques. Allez-y, Monsieur McCloskey

 25  

Page 860

  1   (Le pseudonyme du témoin B devient témoin B.)

  2   M. McCloskey (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai été

  3   informé que le pseudonyme de témoin B sera octroyé à ce témoin pour le

  4   compte rendu d'audience.

  5   Monsieur le Témoin, avant la diffusion de la cassette, pouvez-

  6   vous nous dire quelles sont rapidement les personnes dont on voit l'image

  7   dans ce film ?

  8   Témoin B (interprétation). - Eh bien, au début du film, je crois

  9   qu'on voit le général Mladic, le colonel Jankevic, le colonel Karremans et

 10   moi-même. Après quoi, on voit Petar, le commandant Boering, et après avoir

 11   bu quelque chose, on voit aussi les images du général Zivanovic.

 12   M. McCloskey (interprétation). - On le voit à la fin de la

 13   cassette ?

 14   Témoin B (interprétation). - Oui, à la fin de la cassette, après

 15   qu'on ait bu un verre.

 16   M. McCloskey (interprétation). - Qui sont les personnes qu'on ne

 17   voit pas sur les images du film ?

 18   Témoin B (interprétation). - Les civils, les cameramen et un

 19   autre homme. J'ai dit que le général Mladic, le colonel Jankovic, le

 20   général Zivanovic pouvaient être vus. Il y a aussi les cameramen et un

 21   autre homme qu'on ne voit pas.

 22   M. McCloskey (interprétation). – Donc, on ne voit pas le

 23   commandant Nikolaj.

 24   Témoin B (interprétation). – Non, je ne crois pas qu'on le voie.

 25   M. McCloskey (interprétation). – La cassette est la pièce à

Page 861

  1   conviction 39, je demande qu'elle soit diffusée. A un certain moment,

  2   j'interromprai les images pour poser quelques questions au témoin. Cela ne

  3   devrait pas prendre trop longtemps.

  4   Pour l'instant, je demande que l'on commence la diffusion de la

  5   pièce à conviction n°°39.

  6   "Les avions de l'OTAN ont bombardé à votre demande. A qui

  7   appartenaient ces avions ? Etaient-ils hollandais ?

  8   (Interprétation de l'interprète qui répète la même chose)     

  9   Colonel Karremans : Non, je pense que le général Mladic ne

 10   comprend pas bien, je ne suis pas celui qui a demandé que cette phase

 11   précise soit effectuée. Ce n'est pas moi qui l'ai demandée au commandant.

 12   Mais au cours de la situation, au fur et à mesure que la situation se

 13   développait dans l'enclave, il décidera…

 14   Interprète :  sur la base de l'évaluation de la situation

 15   existant dans l'enclave, le commandant suprême a décidé que le colonel

 16   Karremans…

 17   Cette demande a été examinée après une longue période.

 18   Interprète : "ils ont discuté d'autre chose après cette

 19   requête ?

 20   Colonel Karremans : la seule chose que je fais c'est, disons,

 21   transmettre l'information au secteur d'engagement de Tuzla, au commandant

 22   de l'armée de Bosnie Herzégovine en lui demandant ce qui se passe dans

 23   l'enclave.

 24   Interprète : ils ont reçu des informations du secteur de Tuzla

 25   au sujet de la situation dans l'enclave.

Page 862

  1   Colonel Karremans : Mais pas seulement sur le plan militaire.

  2   L'interprète : Pas seulement du point de vue militaire, mais

  3   également du point du civil.

  4   Colonel Karremans : Pour la population aussi, parce que c'est

  5   l'une de mes tâches, l'aspect humanitaire lié à la population dans

  6   l'enclave.

  7   Interprète : il avait pour tâche de s'occuper de l'aspect

  8   militaire.

  9   Colonel Karremans : pas seulement des aspects militaires, mais

 10   des aspects civils également. Et de tous les hommes des Nations Unies dans

 11   l'enclave.

 12   Interprète : il est représentant de toutes les parties de la

 13   Forpronu, de l'aspect civil et militaire.

 14   Ratko Mladic : Qui ?

 15   (L'interprète montre le colonel Karremans)

 16   Ratko Mladic : Avez-vous ordonné aux forces de la Forpronu

 17   d'agir contre mon armée dans le secteur de Srebrenica aujourd'hui ?

 18   Interprète : Est-ce à votre demande que vos avions nous ont

 19   attaqués ?

 20   Le colonel Karremans : J'expliquerai à nouveau que la demande ne

 21   vient pas de mon bataillon. La demande est faite et l'ordre est donné. Le

 22   général Mladic sait comment ces choses-là fonctionnent. L'ordre est donné

 23   par les Nations Unies à New York.

 24   Ce n'est pas de moi que cela vient, mais de l'état-major

 25   supérieur.

Page 863

  1   Ratko Mladic : Dans le secteur de Srebrenica, "vos forces de

  2   maintien de la paix"…

  3   Interprète : vos force de maintien de la paix     

  4   Colonel Karremans : Le colonel n'a pas entendu. Il dit quoi ?

  5   L'interprète répète : Vos forces de maintien de la paix...

  6   Ratko Mladic : ...ont ouvert le feu dans le secteur de

  7   Srebrenica.

  8   Interprète : ...ont ouvert le feu dans le secteur de

  9   Srebrenica...

 10   Ratko Mladic : ...sur mes unités. Est-ce vous qui avez donné cet

 11   ordre ?

 12   Interprète : ...sur nos unités, avez-vous agi sur ordre ?

 13   Ratko Mladic :  D'où est venu l'ordre ?

 14   Ratko Mladic : Traduisez cela, demandez lui si ses forces ont

 15   ouvert le feu sur mes forces dans le secteur de Srebrenica sur ses ordres.

 16   Interprète qui vient d'arriver : Vos troupes ont-elles ouvert le

 17   feu aujourd'hui sur mes forces en application de vos ordres ?

 18   Colonel Karremans : Oui, elles l'ont fait, parce que je dois

 19   expliquer cela, si je peux le faire, tout ce que je fais dans l'enclave

 20   sur le plan militaire.

 21   Interprète : ...Tout ce que je fais dans l'enclave sur le plan

 22   militaire.

 23   Colonel Karremans : J'ai demandé l'autorisation du secteur nord-

 24   est au commandement de Bosnie-Herzégovine.

 25   Interprète : C'est la raison pour laquelle je demande

Page 864

  1   l'autorisation du commandant du secteur nord-est.

  2   Le colonel Karremans : Pour ouvrir le feu ou quoi que ce soit

  3   d'autre.

  4   Iinterprète : Pour ouvrir le feu ou quoi que ce soit d'autres

  5   Le colonel Karremans : Je demande si on m'y autorise...

  6   Interprète : ...si j'ai l'autorisation...

  7   Le colonel Karremans : ...selon la situation en vigueur...

  8   Interprète : ...selon la situation...

  9   M. McCloskey (interprétation). - Je demande une interruption de

 10   la diffusion. Je demanderai aux interprètes de ne pas interpréter ce que

 11   dit le général Mladic. Je suis désolé d'interrompre à ce niveau, mais je

 12   crois que le ton du général est important pour les Juges. Merci.

 13   On peut poursuivre la diffusion.

 14   "Colonel Karremans : Et si les troupes, les forces de maintien

 15   de la paix sont attaquées par des mortiers et des chars, elles décident et

 16   je suis autorisé à ouvrir le feu si possible et je donne des ordres dans

 17   ce sens. C'est de cette façon que cela fonctionne.

 18   L'interprète répète :

 19   Colonel Karremans : En tant que force de maintien de la paix, je

 20   m'efforce de ne pas faire de victimes par coups de feu.

 21   Interprète : Donc, vous donnez des ordres à vos soldats de tirer

 22   sur mes soldats. Vous donnez l'ordre que des avions de l'OTAN soient

 23   engagés contre mes troupes.

 24   Colonel Karremans : Non, je répète que ce n'est pas moi qui en

 25   décide, je demande l'autorisation, je propose et les décisions sont faites

Page 865

  1   par d'autres sur la base des informations venant d'en bas, disons, à New-

  2   York, aux Nations Unies.

  3   Interprète : ne me menez pas en bateau, Monsieur, répondez à ma

  4   question. Avez-vous donné l'ordre à vos soldats de tirer sur mon armée ?

  5   Colonel, pouvez-vous me dire simplement si vous avez donné

  6   l'ordre à vos soldats de tirer sur les nôtres..

  7   Colonel Karremans : Je leur ai donné l'ordre de se défendre.

  8   Interprète : Mais ils se défendaient contre qui puisque personne

  9   ne les avait attaqués ?

 10   Colonel Karremans : J'ai été attaqué par des mortiers et des

 11   chars.

 12   Interprète : vous deviez, selon les accords conclus, désarmer

 13   les Musulmans de Srebrenica. Au lieu de cela, vous leur avez distribué des

 14   armes, vous avez fait du marché noir avec eux.  Vous les avez préparés à

 15   combattre les Serbes.

 16   En plus, vous avez donné l'ordre aujourd'hui à vos troupes de

 17   tirer sur les miennes.

 18   Interprète : Dites-nous ce que vous avez à dire ?

 19   Colonel Karremans : Eh bien, je peux le faire, monsieur. C'est

 20   l'armée de Bosnie-Herzégovine qui m'a demandé, depuis l'enclave, huit fois

 21   le mois dernier, de donner des armes dans les points de rassemblement.

 22   Interprète : Combien d'armes se trouvaient à ces points de

 23   rassemblement ?

 24   Colonel Karremans : Deux chars de combat, quelques mortiers, à

 25   peu près 300 fusils. J'ai rejeté ces demandes huit fois, parce qu'à mon

Page 866

  1   avis, et je l’ai expliqué aux gens de l'enclave, cela ne servait pas les

  2   intérêts de la population. Nous avons essayé, disons, d'établir un statu

  3   quo. Ce que nous avons fait avec les autorités militaires de l'enclave,

  4   c'est de recueillir les armes que nous avions vues au cours de nos

  5   patrouilles au début. Ces armes ont été rassemblées aux points de

  6   rassemblement. Et je sais bien qu'il y a de nombreuses armes dans

  7   l'enclave. Et qu’elles y ont été apportées illégalement de l'extérieur de

  8   l'enclave.

  9   J'ai transmis cette information à plusieurs reprises aux

 10   autorités militaires supérieures, et aux autorités nationales de Tuzla et

 11   de Sarajevo, parce qu'en tant que Bataillon néerlandais, avec 200 hommes

 12   aux postes d'observation, on ne peut pas défendre l'enclave. On ne peut

 13   pas, comment dit-on, encercler l'enclave. Toute personne marchant à

 14   l'intérieur de l'enclave avec une arme se voyait retirer son arme.

 15   Interprète : Que voulez-vous ? On m'a demandé une réunion, je

 16   suis prêt à entendre ce que vous voulez.

 17   Colonel Karremans : J'ai eu une discussion avec le général

 18   Nikolaj, il y a deux heures, ainsi qu'avec les autorités nationales au

 19   sujet d'une demande faite au nom de la population. C'est une demande,

 20   parce que je ne suis pas en mesure d'exiger quoi que ce soit.

 21   Nous, membres du commandement de Sarajevo, avons dit que

 22   l'enclave était perdue, et que le commandement de l'armée de Bosnie-

 23   Herzégovine m'avait ordonné de m'occuper de tous les réfugiés. Il y en a,

 24   en ce moment, à peu près 10 000, des femmes et des enfants, à la base de

 25   Potocari. Et la demande du commandement de l'armée de Bosnie-Herzégovine

Page 867

  1   consiste, disons, à obtenir des négociations ou à demander le retrait du

  2   bataillon et le retrait de tous les réfugiés et, si possible, ils

  3   demandent qu'on les aide à se retirer.

  4   Il y a des femmes qui parlent anglais, et ce que m'ont dit tous

  5   les soldats, qui s'efforcent en ce moment, disons, d'alléger les

  6   souffrances de la population très nombreuse, ont dit les femmes, c'est de

  7   faire en sorte que des autobus arrivent pour les aider à quitter

  8   l'enclave ; parce que ces personnes sont malades, épuisées, terrorisées,

  9   et le général Nikolaj m'a demandé, disons, une espèce d'appui humanitaire

 10   sous forme, par exemple, de vivres et de médicaments, parce que même dans

 11   mon bataillon, je n'ai pas d’essence. Il ne nous reste pratiquement pas

 12   d’essence, à cause du rejet de tous les véhicules au cours des quatre

 13   derniers mois. Nous sommes très pauvres depuis quatre mois.

 14   C'est pour cela que je n'ai pas pu accomplir ma tâche militaire.

 15   C'est la raison pour laquelle j'ai consacré le gros de mes efforts à

 16   apporter de l'aide, de l'aide aux soldats.

 17   Oui, je fume normalement. Je fume, j'ai beaucoup fumé ces

 18   derniers jours. Donc la partie militaire du travail du Bataillon

 19   néerlandais est achevé. Ils m'ont demandé d'aider ces réfugiés au maximum.

 20   Interprète traduisant Mladic : Avez-vous quelque chose à

 21   ajouter ?

 22   Colonel Karremans : Oui, j'ai encore une chose à dire. Cela

 23   concerne les postes d'observation. C'est une remarque personnelle.

 24   J'aimerais remercier les soldats serbes de Bosnie pour le bon traitement

 25   qu'ils ont réservé à mes soldats.

Page 868

  1   Interprète : Vous n'avez pas besoin de nous remercier. Quel est

  2   votre avis sur le résultat, sur la façon dont la situation a été résolue ?

  3   Colonel Karremans : J'aimerais, si je peux en dire quelques

  4   mots. Ce ne sera peut-être pas la même chose que ce que l'on dira à

  5   Sarajevo, parce qu'il y a ceux qui font la politique. A mon avis,

  6   l'enclave disparaîtra. Et pour le bien de la population, pas dans

  7   l'intérêt de l'armée de Bosnie-Herzégovine, je devrai aider la population

  8   au maximum à sortir de l'enclave pour se rendre je ne sais pas où, mais là

  9   où elle veut aller.

 10   Je pense que la plupart de ces réfugiés aimeraient se rendre à

 11   Tuzla. J'y suis allé moi-même il y a deux ou trois mois et, à mon avis,

 12   ils y auront de meilleures conditions de vie que celles que j'ai

 13   constatées dans l'enclave. Ils vivent une vie très difficile. Avec les

 14   très modestes moyens dont je disposais dans mon bataillon, en termes de

 15   médicament et de vivres, nous avons aidé ces personnes au maximum.

 16   Interprète interprétant Mladic : Vous les avez aidés plus que

 17   vous ne deviez le faire.

 18   Colonel Karremans : Oui, je suis là pour aider la population

 19   civile et non pas les militaires.

 20   Interprète interprétant Mladic : Vous êtes tous ici pour aider

 21   les Musulmans et les Croates. Et nous isoler, nous, les Serbes, c'est

 22   notamment le cas de ce Van Der Brook. C'est l'un de ceux qui a détruit

 23   notre rêve, le rêve d’un Etat conjoint pour nous et les Musulmans. Parce

 24   nous étions un pays heureux, une population heureuse, jusqu'à ce que les

 25   Musulmans commencent à écouter Van Der Brook, Zimmerman, Kohl et les

Page 869

  1   autres mafieux occidentaux et ce que leur disaient. Nous étions un pays

  2   très heureux, nous vivions une bonne vie à Srebrenica. J'étais devant le

  3   bâtiment de la municipalité de Srebrenica, à Srebrenica, quand des coups

  4   de feu ont été tirés par une mitrailleuse à partir de vos positions.

  5   Colonel Karremans : Quoi donc ?

  6   Interprète : Dans la municipalité de Srebrenica, vos troupes ont

  7   ouvert le feu, et ont tiré sur moi directement.

  8   Colonel Karremans : Je ne sais rien de cela. Je suis désolé. Si

  9   c’est le cas, je voudrais présenter des excuses en tant qu’être humain et

 10   en tant que militaire. Normalement, nous ne tirons pas sur des généraux.

 11   Interprète : Je ne tire pas non plus dans des circonstances

 12   normales. Quel âge avez-vous ? Quelle est votre date de naissance ?

 13   Colonel Karremans : Quoi ?

 14   Interprète : Quel âge avez-vous ?

 15   Colonel Karremans : 45 ans.

 16   Ratko Mladic : Vous avez 6 ans de moins que moi. Est-ce la

 17   première guerre à laquelle vous participez ?

 18   Colonel Karremans : Non.

 19   Ratko Mladic : Avez-vous pris part à une guerre quelconque ?

 20   Colonel Karremans : Non, j'étais au Liban en 1979, en tant que

 21   commandant de compagnie. J'étais à Zagreb en 1991 au cours de la guerre en

 22   Croatie et en Slovénie.

 23   Ratko Mladic : Vous êtes donc vraiment venu au bon endroit à

 24   Srebrenica. C'est la première guerre que je mène au cours de ma carrière.

 25   Ceci est mon pays.

Page 870

  1   Colonel Karremans : Je comprends.

  2   Ratko Mladic : Pas le vôtre !

  3   Colonel Karremans : Non, non.

  4   Ratko Mladic : Il n'y a aucune raison pour que vos soldats

  5   tirent sur moi. Ils tirent sur mon pays. Moi, je ne tire pas sur les

  6   habitants des Pays-Bas. Quoi d'autre ?

  7   Colonel Karremans : Le général Nikolaj m'a demandé, puisqu'il

  8   savait que je devais vous rencontrer à Bratunac, mais je devrais peut-être

  9   me préparer à parler de cela, c'est le général Nikolaj qui m'a demandé de

 10   demander la libération de la population civile ; ainsi que celle des

 11   membres du Bataillon parce que, comme je l'ai déjà expliqué, nous n'avons

 12   rien eu du tout depuis quatre mois. A mon avis, mes soldats aimeraient

 13   rentrer à la maison.

 14   Mais le général Nikolaj m'a demandé de dire pour quelle raison

 15   nous préférons partir, pour quelle raison je préfère partir après les

 16   négociations, sur autorisation de Pale, avec la population, en tout cas

 17   avec ceux qui veulent quitter l'enclave. C'est la raison pour laquelle ils

 18   ont demandé -je ne sais pas d'ailleurs si je peux m’attendre à une

 19   réponse- parce que je me rends bien compte que toutes ces questions

 20   devraient être posées à Pale ou à Sarajevo. Je n'y suis jamais allé, donc

 21   je ne sais pas comment cela fonctionne là-bas.

 22   Je suis, comme j'ai l'habitude de le dire, un pianiste. Oui,

 23   j'ai souvent l'habitude de dire que je suis pianiste et que l’on ne tire

 24   pas sur le pianiste.

 25   Interprète interprétant Mladic : Vous êtes un mauvais pianiste !

Page 871

  1   Colonel Karremans : C'est pourquoi le général Nikolaj m'a

  2   demandé, et le général Janvier encore plus, à Sarajevo. Les autorités

  3   nationales m'ont demandé d'arrêter ce qui a été fait dans l’intérêt de la

  4   population, d'arrêter ce qui se fait, disons, depuis six jours. Tout le

  5   monde apprécierait une situation de statu quo avant de quitter l'enclave.

  6   C'est ce que j'avais à dire au nom de la population civile.

  7   J'ai demandé, disons, qu'une zone de sécurité soit créée autour

  8   de ma base de Potocari.

  9   Interprète : Vous l'avez demandé à qui ?

 10   Colonel Karremans : A la direction du poste d'observation. J'ai

 11   demandé que la base soit une zone de sécurité, parce qu'il y a, disons,

 12   300 soldats et plus de 10 000 personnes rassemblés à cet endroit. Nous

 13   aimerions faire le maximum pour la population.

 14   Interprète interprétant Mladic : Etes-vous marié, avez-vous une

 15   femme et des enfants ?

 16   Colonel Karremans : J'ai deux enfants.

 17   Interprète interprétant Mladic : Depuis combien de temps ne les

 18   avez-vous pas vus ?

 19   Colonel Karremans : Depuis six mois.

 20   Interprète : Et vous aimeriez les voir ?

 21   Colonel Karremans : Je vous demande pardon ?

 22   Interprète : Vous aimeriez les voir ?

 23   Colonel Karremans : Oui, bien sûr !

 24   Interprète : Mes soldats aimeraient faire la même chose, je

 25   parle de ceux qui ont été tués par vous aujourd'hui.

Page 872

  1   Colonel Karremans : Je comprends bien. Je pense que le général

  2   Mladic a entendu que j'ai perdu un soldat samedi dernier aussi. Il est

  3   aujourd'hui aux Pays-Bas. Et j'ai perdu un soldat, il y a un mois ou deux,

  4   le jour de son anniversaire. C'était un casque bleu, si je puis dire, un

  5   combattant de la paix. J'ai dû parler à ses parents, c'était la première

  6   fois, et je dois dire que cela n'était pas très agréable. D'autres soldats

  7   sont également rentrés chez eux au cours des 6 derniers mois, parce qu'ils

  8   avaient sauté sur des mines, ou qu'on leur avait tiré dessus. Je parle

  9   donc ici dans l'intérêt de mes soldats aussi.

 10   J'ai une question.

 11   Mladic : Oui ?

 12   Colonel Karremans : Que puis-je dire au général Nikolaj à

 13   l'issue de notre réunion ici ?

 14   Mladic : Colonel, vous ne tirerez pas grand-chose de bon d'une

 15   conversation avec le général Nikolaj. Il ne peut pas vous aider, ni vous

 16   ni la population musulmane. Si vous insistez pour lui dire quelque chose,

 17   dites-lui ceci : les forces de la Forpronu, indépendamment des frappes

 18   aériennes, indépendamment du fait que vos soldats ont tiré sur mes

 19   soldats, ne sont pas ma cible.

 20   Interprète : Chacun d'entre vous, chacun de vous n'a qu'une

 21   seule vie, et je ne crois pas que vous vouliez la perdre ici. C'est la

 22   raison pour laquelle je demande une coopération absolue ! Mon action n'est

 23   pas dirigée contre la population civile musulmane, je veux vous aider.

 24   Même si vous ne l'avez pas mérité, ni en tant qu'être humain, ni en tant

 25   qu'officier. Mais je le ferai dans l'intérêt des enfants, des membres de

Page 873

  1   Forpronu, parce que je n'aimerais pas que leurs mères les accueillent dans

  2   des cercueils. Je vous souhaite aussi d’aider la population civile

  3   musulmane qui n'est pas responsable de ce qui s'est passé. C'est pourquoi

  4   j'aimerais vous demander la chose suivante : êtes-vous capable d'amener

  5   ici les représentants de la population civile ? Et, si oui, à quel

  6   moment ?

  7   L2B

  8   J'aimerais m'entendre avec eux. Vous pouvez tous sortir d'ici,

  9   ou bien vous pouvez tous rester ici, ou bien vous pouvez tous mourir. Je

 10   ne souhaite pas que vous mouriez.

 11   Si l'armée musulmane souhaite parler à Srebrenica, vous pouvez

 12   amener quelques-uns de leurs représentants.

 13   Colonel Karremans : J'ai compris.

 14   Interprète : Monsieur Zulfo Tursinovic devrait venir également

 15   si possible, ou la personne qui, à votre avis, a le plus de pouvoir parmi

 16   eux. Je sais que Naser Oric n'est pas ici. Dites-leurs qui j'attends de

 17   voir à cette réunion.

 18   Nous pourrons nous entendre pour que tout cela s'arrête et que

 19   le problème de la population civile, de vos soldats et de l'armée

 20   musulmane soit réglé par des moyens pacifiques.

 21   Vous avez mes assurances tant pour l'organisation de cette

 22   réunion que pour la sécurité des personnes que vous amènerez à cette

 23   réunion.

 24   Pouvez-vous faire cela ce soir ?

 25   Colonel Karremans : Si je puis me permettre, je ne sais vraiment

Page 874

  1   pas, parce que j'aimerais le faire, je ne sais pas si ces personnes sont

  2   là, si je vais les trouver. Je ne sais pas où se trouvent les responsables

  3   civils. Je ne sais pas où se trouvent les responsables militaires.

  4   Je peux poser la question par le truchement des interprètes pour

  5   voir s'il est possible d'organiser une réunion ce soir. Je suis prêt à le

  6   faire, mais je ne peux rien promettre dans l'immédiat.

  7   L'interprète interprétant Mladic : Pouvez-vous au moins amener

  8   les représentants de la population civile ? J'aimerais les entendre,

  9   savoir  ce qu'ils veulent.

 10   Colonel Karremans : Très bien.

 11   Si le général comprend bien ce que je lui dis, je répète que je

 12   dois chercher ces personnes dans une foule d'enfants, de femmes, de

 13   vieillards pour voir si ces représentants y sont. Plus de 10000 personnes…

 14   Bien sûr, les représentants civils, ce serait une bonne chose.

 15   Interprète : Si vous les amenez ici, je souhaite aider la

 16   population civile et vos forces. Je propose donc que vous reveniez, que

 17   vous retourniez d'où vous venez et que vous vous occupiez de cela.

 18   Informez-moi d'ici à 23 heures, dites-moi si quelqu'un peut

 19   venir à cette réunion. Assurez-vous de trouver les représentants de ces

 20   autorités d'ici à demain, de façon à ce que nous puissions résoudre ce

 21   problème sans autres effusions de sang ou de pertes de vie humaine.

 22   Colonel Karremans : J’ai une question. Puis-je amener avec moi

 23   le représentant de Médecins sans frontière ?

 24   Mladic : Oui, vous pouvez amener tous les représentants

 25   d'organisations internationales, ils ne sont pas la cible de mon action.

Page 875

  1   Avez-vous des soldats blessés ?

  2   Colonel Karremans : Quelques-uns.

  3   Mladic : Vous pouvez les amener avec vous, nous nous occuperons

  4   de cela. Les Musulmans ont-ils des blessés ou des morts qui n'ont pas reçu

  5   des soins ?

  6   Colonel Karremans : Ils ont tous reçu des soins. Il n'y a pas de

  7   médicaments, quelques-uns des Musulmans sont en train de mourir. Nous

  8   faisons de notre mieux pour régler la situation.

  9   Mladic : Combien y en a-t-il ?

 10   Colonel Karremans : Quand j'ai quitté la base, il y en avait au

 11   moins 82, nous avons dénombré 82 blessés.

 12   Mladic : Je suis prêt à les accepter ici pour les empêcher de

 13   mourir.

 14   Colonel Karremans : Merci pour cette aide humanitaire.

 15   Mladic : Merci. A bientôt.

 16   Colonel Karremans : Merci pour cette rencontre. Je vous

 17   informerai par l'intermédiaire du poste d'observation de l'aspect

 18   humanitaire de la situation.

 19   Mladic : Merci. Je vous remercie de cette réunion.

 20   Colonel Karremans : Je crois que nous pourrions résoudre la

 21   question avant 11 heures ce soir. Si nous rencontrons, si nous retrouvons

 22   les représentants appropriés de la population, je les amènerai avec nous à

 23   cette réunion.

 24   Mladic : Les représentants appropriés, j'espère ?

 25   Colonel Karremans : Avec les équipements aussi.

Page 876

  1   Dernière question personnelle : est-ce que je peux discuter avec

  2   les soldats ?

  3   Mladic : Lesquels ? Ceux d'ici ?

  4   Colonel Karremans : Les vôtres, non.

  5   Mladic : Je vous demande pardon ?

  6   Personne inconnue : Ils sont dans les pièces. Vous voulez que je

  7   les fasse venir ?

  8   Mladic : Oui, laissez les entrer. Nous allons vous emmener dans

  9   leur pièce à eux.

 10   Colonel Karremans : Je vous remercie.

 11   Mladic : Mais ne leur posez pas de questions.

 12   Interprète : Est-ce que vous souhaitez prendre une bière ?

 13   Colonel Karremans : Je souhaiterais quoi ?

 14   Mladic : Une bière. Vous en voulez une ?

 15   Colonel Karremans : Non merci.

 16   Interprète : Non merci.

 17   Mladic : Pourquoi pas ? Un déjeuner ?

 18   Colonel Karremans : Ce n’est pas selon les règles.

 19   Mladic : Mais je préférerais prendre une bière avec vous.

 20   Colonel Karremans : J'apprécie beaucoup. Et je vous remercie.

 21   Mladic : Alors allez nous chercher donc une bière, ou alors du

 22   vin.

 23   Interprète : Nous allons préparer des sandwiches.

 24   Mladic : Vous voyez il n'y a pas de bière, nous sommes aussi

 25   sous blocage. Je m'attends à ce que vous arriviez ici vers 23 heures, avec

Page 877

  1   la délégation. Nous allons organiser un dîner et établir un accord.

  2   Pouvez-vous demander au général Nikolaj d'envoyer des autocars ?

  3   Le colonel Karremans : Si cela était le cas, je crois que nous

  4   pourrions arranger la chose.

  5   Mladic : Nous allons entendre ce que les Musulmans auront à nous

  6   dire. Les seuls langages officiels, ici, seront le Serbe et l'anglais.

  7   (Ils trinquent.)

  8   Mladic : Viens ici.

  9   Interprète : Nous n'avons pas vu de boisson, de bière depuis

 10   longtemps. Cela fait donc véritablement que nous n'avions pas vu de bière

 11   ou de boisson. Je crois que les soldats sont déjà habitués à cela.

 12   Mladic : Vous vous réhabituerez à la chose dans une dizaine de

 13   jours, lorsque vous serez rentrés.

 14   Mladic en donnant des ordres à quelqu'un que l'on ne voit pas :

 15   Mets-moi trois bouteilles de vin, et trois bouteilles d’eau minérale.

 16   Vos soldats sont arrivés, vous pouvez vous entretenir avec eux.

 17   Quant à moi, je vous attends ici à 23 heures. Au revoir.

 18   (Fin de la diffusion.)

 19   M. McCloskey (interprétation). - Monsieur le Président, nous

 20   venons d'entendre cet enregistrement, et de voir cet enregistrement vidéo.

 21   Je proposerais que nous continuons plutôt demain avec ce témoin.

 22   M. le Président. - Nous allons donc continuer demain avec le

 23   témoin que nous avons aujourd'hui dans le prétoire. Nous nous verrons

 24   demain, à 9 heures 30.

 25   L'audience est levée à 14 heures 45.