Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-98-33-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3

4 LE PROCUREUR

5 C/

6 Radislav KRSTIC

7

8 vendredi 31 mars 2000

9

10

11 L'audience est ouverte à 9 heures 35.

12

13 M. le Président. - Bonjour, mesdames, messieurs. Je

14 salue la cabine technique, les interprètes.

15 L'Interprète. - Bonjour, Monsieur le Président.

16 M. le Président. - Je salue l'accusation, la défense,

17 le général Krstic. Nous allons reprendre notre affaire. Pour le

18 compte rendu, la situation des présents est la même aujourd'hui

19 qu'hier et nous allons continuer avec le témoin qui est déjà

20 dans le prétoire.

21 Je vous salue aussi. Bonjour. Vous allez continuer à

22 répondre aux questions que le Procureur, M. Cayley, va vous

23 poser. Merci beaucoup.

24 M. Cayley (interprétation) - Bonjour, Monsieur le

25 Président, bonjour, Monsieur le Juge Riad. Bonjour, messieurs

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1 les avocats.

2 Capitaine Van Duijn, je tiens à vous rappeler que vous

3 êtes encore sous déclaration solennelle. Il s'agit donc de

4 continuer à dire la vérité.

5 Pour vous rafraîchir la mémoire quant à l'endroit où

6 nous étions arrêtés hier, vous étiez en train de nous parler du

7 général Mladic, de son arrivée à Potocari ; vous aviez dit

8 qu'une propagande avait été mise en place. Et il s'agissait de

9 passer au deuxième séjour du général Mladic. Je vous prie de

10 dire aux Juges ce qui s'est passé.

11 M. Van Duijn (interprétation). - Il s'est approché de

12 moi, il voulait s'entretenir avec le commandant des forces de

13 l'ONU -c'était en l'occurrence moi-même. Nous nous sommes

14 entretenus par le biais de mon interprète musulman qui avait

15 été l'interprète de la compagnie Bravo, initialement. Nous nous

16 sommes entretenus de bien des choses qui n'avaient rien à voir

17 avec ce qui s'était passé : nous avons parlé de football et

18 d'autres choses.

19 A un moment donné, il a mentionné la composition

20 multiethnique de mon unité, étant donné qu'il y avait des

21 soldats qui étaient des gens de couleur. Par le biais de mon

22 interprète, il a dit : "Dans dix ans, l'armée des Serbes de

23 Bosnie sera aux Pays-Bas pour protéger les Néerlandais contre

24 les Musulmans."

25 Je lui ai dit, via toujours l'interprète, que je

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1 n'étais pas d'accord avec cette opinion et, par la suite, il a

2 commencé à essayer d'effrayer l'interprète musulman. Il m'avait

3 demandé qui il était, ce qu'il faisait là, pourquoi il était

4 là. Et j'ai expliqué au général Mladic qu'il était interprète

5 et qu'il avait un laissez-passer de l'ONU. A ce moment-là, il a

6 commencé à faire peur à cet interprète.

7 M. Cayley (interprétation) - Est-ce que vous vous

8 souvenez à peu près de l'époque où cela s'est situé ?

9 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, cela devait

10 se situer dans la journée du 12 juillet 1995, vers 2 heures de

11 l'après-midi.

12 M. Cayley (interprétation) - Vous avez dit qu'il avait

13 essayé de faire peur à l'interprète. Est-ce que vous pouvez

14 dire aux Juges ce qui est arrivé à cet interprète musulman ?

15 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, le général

16 Mladic l'avait enlacé, et ensuite il a commencé à s'adresser à

17 moi via, bien sûr, ou par l'intermédiaire de l'interprète : il

18 a commencé à faire l'auteur. Il avait affirmé qu'il était

19 interprète lui-même, qu'il était un homme bon, que lui-même

20 était musulman et que, l'interprète étant serbe, désormais, il

21 était un homme bon et qui lui plaisait.

22 Il l'avait enlacé mais serré fermement. Le laissez-

23 passer qui avait été confié à l'interprète avait été confisqué

24 par les gardes du corps du général Mladic ; donc j'ai dû

25 m'entretenir avec les gardes du corps pour récupérer le

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1 laissez-passer. Bien entendu, l'interprète avait été terrifié

2 étant donné que c'était le seul laissez-passer qu'il ait eu à

3 sa disposition, et qui lui garantissait la possibilité de

4 rester avec les forces de l'ONU.

5 M. Cayley (interprétation). - Pendant combien de temps le

6 général Mladic est-il resté sur vos positions à Potocari ?

7 M. Van Duijn (interprétation). - Je pense qu'il est resté là-bas

8 environ une heure. L'entretien avec lui avait duré de 15 à 20 minutes.

9 Cependant, il est resté dans les arrières à s'entretenir avec des soldats

10 serbes.

11 M. Cayley (interprétation). - Pendant que le général Mladic

12 était là-bas, le processus des transports de gens avait continué, n'est-ce

13 pas ?

14 M. Van Duijn (interprétation). - Oui.

15 M. Cayley (interprétation). - Vous souvenez-vous d'un incident

16 qui aurait eu lieu pendant la présence du général Mladic concernant le

17 transport des Musulmans de Potocari ?

18 M. Van Duijn (interprétation). - A un moment donné, une femme a

19 commencé à paniquer. Je crois qu'elle était devenue hystérique. Nous

20 l'avons mise de côté d'un grand groupe de réfugiés. Nous lui avons

21 demandé, en passant par l'interprète bien entendu, ce qu'il se passait.

22 Elle nous a répondu qu'ils avaient déjà embarqué ses cinq enfants sur un

23 camion et qu'elle venait de les perdre dans cette foule, dans ce chaos qui

24 régnait tout autour. A un moment donné, elle les avait aperçus sur un

25 camion qui a commencé à quitter l'emplacement où elle se trouvait elle-

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1 même.

2 Par le biais de l'interprète, j'ai compris qu'il me fallait

3 essayer de la faire monter sur ce camion qui était déjà en train de

4 commencer à rouler. Il y avait beaucoup de réfugiés. Nous étions entre les

5 réfugiés et les Serbes. Ce qui fait que, de cet emplacement-là, pour aller

6 jusqu'aux autobus, nos soldats ne pouvaient pas se déplacer étant donné

7 qu'il y avait beaucoup de soldats serbes. Je me suis adressé à

8 l'interprète pour lui demander d'essayer de m'aider étant donné que le

9 général Mladic était là et qu'il était en train de s'entretenir avec un

10 soldat serbe.

11 Je lui ai dit d'aller voir le général Mladic, de lui expliquer

12 ce que j'allais faire, que je me proposais d'emmener la femme jusqu'au

13 camion. Je ne sais pas comment les soldats serbes allaient réagir lorsque

14 je franchirais cette espèce de ligne de frontière qui était installée.

15 Je n'ai pas attendu sa réponse. J'ai commencé à courir avec

16 cette femme vers le camion. Lorsque je l'ai fait monter sur ce camion où

17 il y avait déjà ses enfants et lorsque j'avais fait volte-face, j'ai vu

18 que l'interprète était allé jusqu'au général Mladic pour essayer de lui

19 expliquer ce qui se passait. Il a précisément fait ce que je lui avais

20 demandé de faire.

21 Alors je me suis approché du général Mladic. Et, à ce moment-là,

22 il était terriblement en colère. Il m'a dit, par le biais de l'interprète,

23 que dans le cas où j'enverrais de nouveau un interprète vers le général

24 Mladic sans qu'il soit clair qu'il est en train de traduire mes paroles à

25 moi, eh bien, qu'il l'abattrait sur place. L'interprète à ce moment-là

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1 avait tellement peur qu'il tremblait de tout son corps. Je l'ai

2 raccompagné jusqu'à la base de l'ONU.

3 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que le général Mladic vous

4 a expliqué ou vous a dit pourquoi il se proposait de tuer l'interprète ?

5 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, rien que par le fait

6 qu'il s'est adressé à lui en sa qualité d'interprète musulman sans pour

7 autant qu'il soit clair qu'il était en train de parler en mon nom, à moi.

8 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

9 combien de temps le général Mladic est encore resté à Potocari ?

10 M. Van Duijn (interprétation). - Non. A compter de ce moment-là,

11 je ne l'ai plus revu.

12 M. Cayley (interprétation). - Et suite au départ du général

13 Mladic, une fois que vous l'avez perdu de vue, est-ce que vous vous

14 souvenez de ce que vous avez vu dans Potocari et aux alentours de

15 Potocari ?

16 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, comme je vous l'ai

17 déjà expliqué, nous nous sommes efforcés de calmer les réfugiés musulmans.

18 Et par l'intermédiaire de Mane, j'ai compris combien il y avait d'autobus

19 et combien de gens on pourrait faire monter sur ces autobus. Nous voulions

20 les faire monter par petits groupes afin qu'ils ne se piétinent pas les

21 uns les autres en courant vers les autobus. Donc nous voulions exercer un

22 contrôle quelconque sur la situation afin que les autocars ne soient pas

23 surchargés.

24 M. Cayley (interprétation). - Et les groupes qui se dirigeaient

25 vers les autobus se composaient-ils de femmes et d'enfants ou alors,

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1 d'hommes, de femmes et d'enfants ?

2 M. Van Duijn (interprétation). – Au début, il s'agissait de

3 femmes, d'enfants et d'hommes, mais à quelque quinze mètres de l'endroit

4 où nous nous trouvions, nous, soldats de l'ONU, nous avions remarqué que

5 des hommes étaient assis sur la pelouse devant une petite maison qui se

6 trouvait à côté de l'usine et j'ai demandé à Mane qui était chargé des

7 contacts avec les soldats serbes, vu que j'avais compris qu'ils étaient en

8 train de séparer les hommes, j'avais demandé pourquoi ils le faisaient. Il

9 m'a répondu : "Nous les emmènerons à Bratunac et nous avons, quant à nous,

10 une liste des criminels de guerre du côté musulman : nous voulons comparer

11 les noms des hommes présents avec la liste des criminels de guerre. Pour

12 le cas où il s'agirait de criminels de guerre, ils seront traduits devant

13 un Tribunal. Dans le cas où il s'agirait de simples civils, nous les

14 transférerons par convoi vers Tuzla".

15 M. Cayley (interprétation). – Je prie M. l'huissier de montrer

16 au témoin la pièce à conviction 5/2 et je crois qu'il s'agit de

17 l'exemplaire qui m'appartient.

18 Pendant que M. l'huissier attend la pièce à conviction, je

19 voudrais vous demander ce qui se passait à l'intérieur de ces maisons ?

20 M. Van Duijn (interprétation). – Eh bien, au premier jour, ils

21 ont passé le reste de la journée là-bas jusqu'à la soirée et, lorsque les

22 déportations ont cessé, lorsque tous les convois ont été arrêtés, ils ont

23 été emmenés en camion. Je ne sais pas où ils ont été emmenés mais j'ai vu

24 la chose en regardant d'une distance de cent mètres. Je les ai vus faire

25 monter dans un camion et emmener.

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1 M. Cayley (interprétation). – Capitaine Van Duijn, est-ce que

2 vous vous souvenez de l'emplacement où vous aviez vu ces hommes en date du

3 12 juillet ? Il s'agissait donc de cette maison. Je vous prie de laisser

4 votre pointeur sur l'emplacement.

5 Pour le compte rendu, le témoin est en train de montrer deux

6 petites maisons du côté droit de la route menant du nord vers le sud et

7 juste en dessous de la fléchette qui montre l'usine de zinc, à 2 cm en

8 dessous de la pointe de cette fléchette.

9 Merci, Monsieur le Capitaine.

10 Est-ce que vous vous souvenez à quel moment le transport des

11 Musulmans a cessé dans cette journée du 12 juillet ?

12 M. Van Duijn (interprétation). – Il s'agissait des heures de la

13 soirée, je crois que c'était vers 6 heures ou 7 heures du soir, donc avant

14 qu'il ne fasse nuit.

15 M. Cayley (interprétation). – Et vous êtes-vous entretenu ce

16 soir-là avec Mane ?

17 M. Van Duijn (interprétation). – Il avait dit que les

18 déportations avaient cessé, que les convois étaient arrêtés et qu'ils ne

19 se poursuivraient pas jusqu'à la matinée du lendemain et que ses soldats

20 se retireraient vers Bratunac pour célébrer. Il souhaitait que la route

21 soit praticable, étant donné qu'il y avait encore beaucoup de réfugiés ;

22 il souhaitait que nous fassions quitter la route aux réfugiés afin qu'ils

23 puissent eux-mêmes se déplacer librement vers le sud.

24 M. Cayley (interprétation). – Mais vous nous avez dit qu'il vous

25 avait dit qu'il souhaitait que la route soit libérée afin qu'eux et

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1 d'autres unités puissent se servir de cette route pour aller vers le sud.

2 De quelles unités parlez-vous ?

3 M. Van Duijn (interprétation). – Je ne sais pas de quelles

4 unités il s'agissait.

5 M. Cayley (interprétation). – Est-ce que vous pensez aux unités

6 des soldats serbes de Bosnie ?

7 M. Van Duijn (interprétation). – Oui.

8 M. Cayley (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez d'un

9 autre détail important sur ce qu'il est arrivé dans la journée du 12 ?

10 M. Van Duijn (interprétation). – Vous voulez parler de la

11 journée même ou de la soirée ?

12 M. Cayley (interprétation). – De la soirée.

13 M. Van Duijn (interprétation). – Je suis rentré, le lieutenant

14 Koster m'a remplacé et il était censé rester là avec d'autres soldats

15 parmi les réfugiés. Bien entendu, j'étais très fatigué : j'arrivais de mes

16 positions du poste de blocage, il fallait que je me repose. Je suis rentré

17 au poste de l'ONU, j'ai présenté un rapport à mon commandant pour tout ce

18 qui était arrivé ce jour-là.

19 Lorsque je suis allé à la base de l'ONU, j'ai vu qu'il y avait

20 un appel en cours ; je suppose qu'on faisait l'appel des soldats serbes.

21 J'ai vu le petit homme qu'on surnommait Staline, qui était debout devant

22 une unité de l'importance d'un peloton. Cela se trouvait près de l'endroit

23 où j'allais, vers la base de l'ONU.

24 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais qu'on montre

25 maintenant au témoin la pièce à conviction n° 73.

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1 (L'huissier s'exécute.)

2 Vous pouvez vous servir de cette copie et puis me la restituer

3 pour que nous allions plus vite. Je vous prie de montrer aux Juges, étant

4 donné que nous avons mentionné cet homme-là hier, l'homme que vous avez

5 identifié comme portant le surnom de Staline.

6 Je tiens à dire que le Témoin est en train de montrer, sur cette

7 pièce à conviction 73, l'homme qui porte des lunettes et une moustache.

8 Je vous remercie, Capitaine Van Duijn. Maintenant, monsieur

9 l'huissier, je voudrais que vous me restituiez la pièce à conviction. Si

10 vous me le permettez, Capitaine Van Duijn, nous pouvons maintenant passer

11 à la journée du 13.

12 Vous souvenez-vous vers quelle heure vous vous étiez levé ce

13 matin-là ?

14 M. Van Duijn (interprétation). - Je m'étais levé vers 5 heures

15 du matin. Après avoir vu certains soldats, vers 6 heures ou 6 heures et

16 demie, j'étais de nouveau à l'emplacement où se trouvait le lieutenant

17 Koster ; ce dernier m'avait raconté ce qui s'était passé pendant la nuit.

18 Le plan consistait à me faire prendre la relève sur lui afin que lui-même

19 puisse se reposer.

20 M. Cayley (interprétation). - Et cet endroit que vous nous avez

21 montré hier, que vous avez montré aux Juges hier, sur la photographie

22 aérienne, c'est cet endroit-là ?

23 M. Van Duijn (interprétation). - Il s'agit de l'endroit qui

24 était un peu plus au sud, étant donné que, dans cette journée de

25 déportation, je m'étais entretenu avec le lieutenant Koster et il était

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1 difficile pour moi d'essayer de calmer les réfugiés. Je me suis entretenu

2 avec lui et je lui avais dit qu'il nous fallait peut-être faire une sorte

3 de tunnel constitué de blindés afin que les réfugiés puissent passer par

4 là et aux fins de réduire la distance entre eux et les soldats de l'ONU.

5 Cela nous permettrait de les calmer plus facilement.

6 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que Koster vous a parlé de

7 ce qu'il était arrivé au cours de la nuit précédente ?

8 M. Van Duijn (interprétation). - Il avait dit que plusieurs

9 incidents étaient arrivés et que le plus marquant était le fait qu'un

10 homme s'était pendu dans une usine ; il fallait descendre le corps de

11 cette corde et qu'un autre homme, complètement paniqué, se frappait lui-

12 même avec une pierre à la tête ; il voulait se blesser lui-même afin

13 d'être emmené à l'hôpital et aux fins d'être transporté lui-même avec les

14 personnes malades.

15 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous dire à Messieurs les

16 Juges de quoi vous vous souvenez quand vous avez pris la relève sur le

17 lieutenant Koster, ce matin-là ?

18 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, étant donné que les

19 soldats serbes et Mane n'étaient pas là, sur place, à ce moment-là, il

20 m'avait dit qu'il serait là aux alentours de 8 heures, mais les autobus et

21 les chauffeurs d'autobus étaient déjà là. Ce qui fait que j'ai décidé pour

22 ma part que les familles soient rassemblées et que les gens se dirigent

23 par groupes vers les autobus. Les chauffeurs savaient où ils devaient les

24 conduire puisqu'ils avaient déjà été là la journée précédente.

25 Donc nous avons commencé à faire ces transports. Cela a duré

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1 pendant une heure. Des Serbes sont arrivés ; Mane s'est chargé de nouveau

2 de la chose. De nouveau, ils ont commencé à séparer les hommes.

3 M. Cayley (interprétation) - Vers quelle heure l'armée des

4 soldats serbes de Bosnie est-elle revenue à Potocari ?

5 M. Van Duijn (interprétation). - Je pense que c'était entre

6 8 heures et 8 heures et demie du matin.

7 M. Cayley (interprétation) - Et ce processus de transport a-t-il

8 duré toute la journée ?

9 M. Van Duijn (interprétation). - Cela s'est arrêté vers 4 heures

10 de l'après-midi, étant donné que la plupart des grands groupes de réfugiés

11 étaient déjà partis jusqu'à 4 heures de l'après-midi.

12 M. Cayley (interprétation) - Pouvez-vous nous décrire la scène

13 une fois que les réfugiés avaient été évacués de Potocari ? Qu'avez-vous

14 vu dans la base de l'ONU, autour de la base de l'ONU, autour des usines et

15 des entrepôts ?

16 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, autour des usines, il

17 y avait beaucoup d'effets personnels que les gens tentaient d'emporter :

18 il y avait des sacs de pommes de terre, des couvertures, des effets

19 personnels que les gens avaient essayé d'emporter avec eux au moment où

20 ils prenaient la fuite. Donc cet espace autour de l'usine était couvert

21 d'effets personnels. Il y avait des photographies qui traînaient, enfin,

22 des affaires que les gens avaient prises avec eux.

23 M. Cayley (interprétation) - Mais est-il resté des Musulmans sur

24 place ?

25 M. Van Duijn (interprétation). - Cette deuxième journée,

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1 lorsqu'on avait séparé les hommes, il y a des hommes qui ont été emmenés

2 vers la maison que nous avions désignée par "maison blanche" et qui se

3 trouvait juste face à l'entrée, à la base de l'ONU.

4 M. Cayley (interprétation) - Je vais vous interrompre pour un

5 moment et je voudrais que M. l'huissier vous montre la pièce à conviction

6 n°5/17. Il s'agit d'une photographie que je vous avais montrée avant-hier,

7 je pense. Est-ce que vous la reconnaissez ?

8 M. Van Duijn (interprétation). - Oui. Il s'agit bien sûr de

9 cette maison blanche. Bien entendu, lorsque nous étions là-bas, il y avait

10 beaucoup plus de verdure, d'arbres, de végétation, et cet espace devant la

11 maison blanche était entièrement vert.

12 M. Cayley (interprétation) - Est-ce que vous pouvez dire aux

13 Juges ce que vous avez vu à côté de cette maison blanche ?

14 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, cette maison blanche

15 était pleine à craquer d'hommes d'âges variés. Il y avait plusieurs

16 réfugiés devant, mais la plupart se trouvaient entassés à l'intérieur de

17 cette maison. J'étais, pour ma part, devant cette maison blanche et

18 j'essayais de voir ce qui se passait à l'intérieur, mais je ne suis pas

19 allé voir derrière pour constater ce qui s'y trouvait.

20 M. Cayley (interprétation) - Pouvez-vous décrire l'état de ces

21 hommes qui se trouvaient dans la maison blanche ?

22 M. Van Duijn (interprétation). - Ils étaient entassés. Etant

23 donné qu'il faisait très chaud, les gens transpiraient beaucoup. Ils

24 avaient très peur. Certains d'eux tremblaient de peur, d'autres parlaient

25 seuls et pour eux-mêmes. On voyait donc que les gens étaient terrifiés.

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1 M. Cayley (interprétation) - Avez-vous vu encore autre chose en

2 sus des hommes qui s'étaient entassés dans cette maison blanche et des

3 quelques hommes qui étaient devant ?

4 M. Van Duijn (interprétation). - Eh bien, lorsque je suis arrivé

5 là-bas, vous pouvez voir vous-mêmes qu'il y a une espèce de pelouse

6 devant : cet espace-là avait été couvert d'effets personnels, de

7 passeports, photographies et autres pièces d'identité, cartes d'identité

8 et ainsi de suite.

9 M. Cayley (interprétation) - Lorsque vous avez vu cela, est-ce

10 que vous vous êtes entretenu sur le sujet avec qui que ce soit ?

11 M. Van Duijn (interprétation). - Oui. Je me suis entretenu de

12 nouveau avec Mane car, la première journée de la déportation, lorsque j'ai

13 vu que l'on séparait les hommes, je lui ai posé la question de savoir

14 pourquoi. Il m'avait expliqué qu'il voulait faire la distinction entre les

15 criminels de guerre et les autres. Je lui ai reposé la question parce que

16 j'avais vu tous ces passeports, toutes ces cartes d'identité. Je lui ai

17 demandé pour ces gens-là n'avaient pas eu l'autorisation d'emporter cela,

18 étant donné que cela se trouvait sur le sol et que les hommes n'avaient

19 plus leurs documents personnels. Il m'a répondu : "Ils n'en auront plus

20 besoin".

21 Alors je lui ai demandé de m'expliquer comment parce que, s'il

22 souhaitait déterminer qui était criminel de guerre, comment voulait-il le

23 faire sans les papiers d'identité de chacun ? Et si quelqu'un avançait une

24 identité fausse, eh bien le nom en question ne serait pas sur la liste des

25 criminels de guerre. Donc la personne serait autorisée à regagner le

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1 convoi.

2 Mon interlocuteur a alors rigolé et il a dit : "Ne nous embête

3 pas avec cette histoire, ils n'ont plus besoin de leur passeport."

4 M. Cayley (interprétation) - Et qu'avez-vous pensé à ce moment-

5 là ?

6 M. Van Duijn (interprétation). - J'ai compris que l'histoire

7 qu'on m'avait racontée auparavant n'était pas vraie et que, depuis le

8 début, il s'agissait d'une histoire montée de toutes pièces. J'ai compris

9 que quelque chose de très mal allait arriver à ces hommes-là. J'avais

10 pensé aux choses que j'avais vues à la télévision. Avant d'être parti en

11 Bosnie, j'avais vu des camps de concentration, j'avais vu des gens emmenés

12 dans ces camps de concentration. Et je savais, pour ma part, qu'ils ne

13 seraient pas envoyés en convois vers Tuzla.

14 M. Cayley (interprétation) - Pour ce qui est des transports et

15 du processus de transport que vous avez vus se dérouler, y a-t-il des

16 images ou des souvenirs que vous avez gardés en vous après toutes ces

17 années écoulées ?

18 M. Van Duijn (interprétation). - Oui, en particulier un incident

19 concernant une famille qui était composée de six à huit femmes ; il y

20 avait notamment une femme âgée, dans les 70 ou 80 ans. Et puis, il y avait

21 une toute jeune fille de 12 ans à peu près. Donc on voyait là plusieurs

22 générations rassemblées. Et les accompagnant, il n'y avait qu'un seul

23 homme qui avait entre 45 et 50 ans, mais il avait l'air en bonne forme sur

24 le plan physique.

25 Pendant les expulsions, chaque fois qu'un homme était séparé

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1 -Mane m'ayant expliqué qu'ils voulaient les criminels de guerre

2 potentiels-, à chaque fois qu'en fait, les hommes étaient séparés, à

3 chaque qu'ils séparaient un homme qui était soit trop âgé soit trop jeune

4 pour être un criminel de guerre, je disais à Mane que ce n'était pas

5 possible que cet homme-là soit un criminel de guerre.

6 A chaque fois que j'ai protesté, j'ai réussi à obtenir de lui

7 qu'il autorise l'homme en question à partir avec sa famille. Donc je vous

8 ai mentionné cette famille qui était composée presque exclusivement de

9 femmes. Dans ce cas-là, je n'ai pas pu protester parce qu'il y avait une

10 certaine ambiguïté : il était possible qu'il pouvait être un soldat ;

11 c'était un cas limite.

12 Et j'ai décidé, à ce moment-là, de ne pas protester et il a

13 effectivement été séparé de sa famille. Je me rends bien compte que si

14 j'avais protesté vis-à-vis de chaque homme qui était sur le point d'être

15 séparé, tous les hommes, tous les jeunes hommes étaient séparés. Je devais

16 prendre une décision. Dans chaque cas, hélas, j'ai pris la décision de ne

17 pas protester. Et ça, je pense que c'est un souvenir qui va me hanter

18 toute ma vie, cette décision-là.

19 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, retournons au mois

20 d'avril 1995. A l'époque, si je ne m'abuse, vous étiez commandant dans

21 deux postes d'observation. N'était-ce pas le cas ?

22 M. Van Duijn (interprétation). - Oui.

23 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quel poste

24 d'observation ?

25 M. Van Duijn (interprétation). - Au nord-est, secteur 4 de

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1 l'enclave, les postes d'observation "Québec" et "Roméo".

2 M. Cayley (interprétation). - Il y avait des postes

3 d'observation serbes à proximité des vôtres, en face des vôtres. Pourriez-

4 vous brièvement dire aux Juges ce que vous avez constaté en avril 1995 par

5 rapport à ces postes d'observation ?

6 M. Van Duijn (interprétation). - Nous avions un bon contact

7 depuis le poste Roméo avec les forces serbes positionnées en face de notre

8 poste. Nous appelions cela le "bunker Dragan" surnommé d'après le premier

9 commandant serbe qui y avait passé un certain temps. Nous avons vu en mars

10 et avril qu'au départ, les forces serbes étaient plutôt composées d'hommes

11 d'un certain âge avec des armes, des vêtements assez vétustes. Leur

12 attitude vis-à-vis de mes soldats était encore relativement amicale.

13 Mais à partir de mars et avril, des renforcements sont arrivés

14 chaque semaine au départ en janvier et février. Il s'agissait de remplacer

15 certaines personnes qui se trouvaient déjà dans le bunker ; mais à partir

16 de mars et avril, il s'agissait d'amener des renforts. Nous avons remarqué

17 que les troupes qui ont été amenées en renfort étaient bien mieux

18 équipées. Elles entretenaient beaucoup mieux leurs armes. Il y avait

19 différents travaux d'entretien. Donc nous avons vu une sorte de

20 progression en ce sens.

21 M. Cayley (interprétation). - Concernant les forces musulmanes

22 dans l'enclave, pouvez-vous dire aux Juges ce que vous avez pu observer

23 depuis ces postes d'observation concernant les forces musulmanes dans

24 l'enclave ?

25 M. Van Duijn (interprétation). - J'ai eu de nombreux contacts

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1 avec le commandant en second qui représentait la Brigade nord des

2 Musulmans. Il était le commandant local par rapport à mes deux postes

3 d'observation. Ils ont creusé de nombreuses tranchées, construit des

4 bunkers. Leur poste d'observation était situé directement derrière les

5 miennes. Nasir Sabanovic, le commandant que j'ai évoqué, à l'époque...

6 Moi, j'étais donc au poste "Québec". Il est venu discuter avec moi et me

7 parler de ses patrouilles quand il partait en reconnaissance avec une

8 poignée de soldats musulmans en territoire serbe. Il sortait en

9 reconnaissance ou bien il posait des mines sur les routes qui menaient à

10 l'enclave.

11 M. Cayley (interprétation). - Combien de soldats musulmans avez-

12 vous vus depuis vos postes d'observation ?

13 M. Van Duijn (interprétation). - Dans les alentours de mes deux

14 postes, j'ai dû voir entre 50 et 100 soldats musulmans.

15 M. Cayley (interprétation). - Comment étaient-ils armés ?

16 M. Van Duijn (interprétation). - Ils avaient des fusils, des

17 kalachnikovs. Un sur dix ou un sur quinze avait un lance-missiles.

18 M. Cayley (interprétation). - Vous a-t-il parlé de risques qui

19 pesaient sur vos postes d'observation de la part des forces serbes ?

20 M. Van Duijn (interprétation). - Il m'a prévenu que, puisque mes

21 postes d'observation étaient très proches des postes serbes dans

22 l'enclave, il m'a dit que les Serbes avaient l'intention d'attaquer et

23 d'occuper mes deux postes. Il m'a dit que ses patrouilles avaient posé des

24 mines, donc il m'a assuré que le risque initial était moindre mais il

25 craignait tout de même que les Serbes avaient l'intention d'attaquer mes

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1 postes d'observation.

2 M. Cayley (interprétation). - Cela s'est passé par la suite ?

3 M. Van Duijn (interprétation). - Oui, cela s'est passé par la

4 suite.

5 M. Cayley (interprétation). - Pouvons-nous maintenant passer au

6 mois de juillet 1995 ? J'arrive à mes dernières questions. Vous êtes

7 capitaine dans l'armée néerlandaise. Est-ce que vous entreprenez

8 régulièrement des exercices d'entraînement militaire ?

9 M. Van Duijn (interprétation). - Oui, je l'ai souvent fait.

10 M. Cayley (interprétation). - A quel niveau d'entraînement de

11 formation militaire ?

12 M. Van Duijn (interprétation). - Au niveau d'un peloton, d'une

13 compagnie, d'un bataillon, même une large brigade ou une division, tant au

14 Danemark qu'en Allemagne.

15 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous vous souvenez de ce

16 que vous avez pu observer dans l'enclave de Srebrenica, en juillet 1995,

17 est-ce que vous pouvez évaluer, apprécier selon votre expérience en la

18 matière, à quel niveau cette opération se situait, avec du recul ?

19 M. Van Duijn (interprétation). – Bien sûr, j'ai beaucoup lu sur

20 les événements qui se sont déroulés à l'époque au sujet du nombre de

21 soldats serbes qui ont participé à cette opération, quand on voit le

22 terrain, les conditions du terrain très difficiles : il n'y avait qu'une

23 seule route bétonnée. A mon avis, il s'agissait certainement, à tout le

24 moins, d'une opération menée au niveau d'une division.

25 M. Cayley (interprétation). – Précisions selon les normes de

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1 l'Otan, bien sûr. D'après vos souvenirs, est-ce que vous vous souvenez

2 quelle était la formation militaire au sein de l'armée serbe de Bosnie qui

3 était responsable des opérations dans l'enclave de Srebrenica ?

4 M. Van Duijn (interprétation). – Je me souviens de l'unité que

5 l'on appelait le "Corps de la Drina" ou les "Loups de la Drina" et, selon

6 les conversations que j'ai eues avec Mane qui m'a dit qu'il était membre

7 d'une unité de police militaire qui constituait en fait une unité de

8 liaison avec les "Loups de la Drina", je suppose que les "Loups de la

9 Drina" étaient impliqués.

10 M. Cayley (interprétation). – Vous parlez de l'unité, les "Loups

11 de la Drina", mais je m'intéresse à une entité plus large. Vous avez

12 également mentionné le "Corps de la Drina". Quel était selon votre

13 souvenir la plus grande entité, formation militaire dans l'enclave ?

14 M. Van Duijn (interprétation). – Je pense : le "Corps de la

15 Drina".

16 M. Cayley (interprétation). – C'est ce dont vous vous souvenez ?

17 M. Van Duijn (interprétation). – Oui, j'ai utilisé le terme les

18 "Loups de la Drina" parce que c'est le surnom que l'on utilisait pour

19 qualifier le "Corps de la Drina".

20 M. Cayley (interprétation). – Je n'ai plus de question. J'offre

21 le témoin pour le contre interrogatoire.

22 M. le Président – Merci, monsieur Cayley. Maître Petrusic ?

23 Capitaine, maintenant vous allez répondre aux questions que Me Petrusic va

24 vous poser des questions au nom de la défense du Général Krstic.

25 M. Petrusic (interprétation). – Bonjour, monsieur le Président.

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1 Je salue également les collègues de l'accusation et je dis bonjour au

2 capitaine, notre témoin de ce matin.

3 Capitaine, après le 13 juillet, combien de temps, vous-même et

4 votre unité, êtes restés à Potocari ?

5 M. Van Duijn (interprétation). – Quelques jours ; je pense que

6 nous sommes retournés à Zagreb le 20 juillet. Je ne peux pas me souvenir

7 de la date exacte à l'heure actuelle.

8 M. le Président – Maître Petrusic, excusez-moi de vous

9 interrompre, mais je vois dans le transcript qu'il a été fait mention du

10 témoin H. Nous sommes avec le témoin capitaine Van Duijn et pas avec le

11 témoin H. Je vois cela à la page 22, ligne 6. Il faut corriger cela.

12 Excusez-moi de vous interrompre, Maître Petrusic ; vous pouvez

13 poursuivre.

14 M. Petrusic (interprétation). – Capitaine, pendant cette

15 période, êtes-vous allé à Srebrenica ?

16 M. Van Duijn (interprétation). – Non.

17 M. Petrusic (interprétation). – Capitaine, vous avez répondu aux

18 questions du collègue de l'accusation, Me Cayley, et parlé de l'unité

19 serbe qui agissait sur le territoire de l'enclave de Srebrenica. Pouvez-

20 vous nous dire si, entre l'unité militaire que vous désignez sous le nom

21 des "Loups de la Drina" et la formation que vous désignez sous le nom du

22 "Corps de la Drina", étant entendu que le "Corps de la Drina" est censé

23 être une formation plus importante, est-ce qu'entre les deux, il y avait

24 une autre formation intermédiaire qui aurait elle-même fait partie du

25 Corps de la Drina, subordonnée au Corps de la Drina ?

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1 M. Van Duijn (interprétation). – La seule formation plus petite

2 que je connaisse, c'est l'unité de la police militaire dont Mane était

3 membre, qui était attachée au Corps de la Drina ou aux "Loups de la

4 Drina".

5 M. Petrusic (interprétation). – Merci, Capitaine. Monsieur le

6 Président, Monsieur le Juge, je n'ai pas d'autre question.

7 M. le Président – Monsieur Cayley, avez-vous des questions

8 supplémentaires ?

9 M. Cayley (interprétation). – Monsieur le Président, je n'ai

10 plus de question. Je vous remercie.

11 M. le Président – Monsieur Riad ?

12 M. Riad (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

13 Capitaine Van Duijn, bonjour. Simplement en me référant à la fin de votre

14 déposition, le conseil de la défense vous a posé la question : vous êtes-

15 vous rendu à Srebrenica ? Hier, au début de votre déposition, vous avez

16 mentionné que vous avez vu des scènes à Srebrenica de pilonnage, des

17 maisons incendiées, la panique de la population. Vous avez vu cela à

18 Srebrenica même ou depuis une certaine distance ?

19 M. Van Duijn (interprétation). – A l'époque, j'étais au sud de

20 Srebrenica, dans une position au sud, mais j'ai vu que tout cela se

21 passait dans la ville elle-même, depuis ma position au sud et j'avais une

22 bonne vue de l'ensemble de la ville. Je voyais bien les maisons

23 incendiées, les maisons frappées de tirs d'obus. A ma connaissance, le

24 conseil de la défense m'avait posé une question concernant une période

25 ultérieure à la chute de la ville.

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1 M. Riad (interprétation). – Donc vous avez vu tout cela ?

2 M. Van Duijn (interprétation). – Oui.

3 M. Riad (interprétation). – Nous avons votre description, donc

4 nul besoin de s'appesantir là-dessus.

5 Vous nous avez parlé d'une conversation que vous avez eue avec

6 Mane, quand vous lui avez demandé pourquoi, s'il voulait identifier des

7 criminels de guerre, ils n'auraient plus besoin de leur carte d'identité ;

8 et cela sur un ton moqueur. Qu'en avez-vous conclu ? Qu'est-ce que cela

9 signifiait pour vous, en tant que responsable des Nations Unies, officier

10 responsable ?

11 M. Van Duijn (interprétation). - J'ai pensé que l'histoire qu'il

12 m'avait racontée sur le fait qu'il essayait d'identifier des criminels de

13 guerre n'était qu'un mensonge et qu'il allait en fait infliger les mêmes

14 traitements affreux à tous les hommes. A ce moment-là, j'ai communiqué par

15 radio au quartier général pour dire : "Nous, nous devons organiser un

16 transport, nous devons envoyer des véhicules pour pouvoir transporter ces

17 hommes. Nous devons absolument être sur place, quoi qu'il arrive."

18 J'ai moi-même essayé de monter dans un bus, mais Mane m'en a

19 empêché. J'ai été menacé par des soldats armés qui ont fait obstruction.

20 M. Riad (interprétation). - Vous vous êtes référé au Corps de la

21 Drina et aux Loups de la Drina qui vous semblaient à peu près représenter

22 la même chose. Pouvez-vous être plus précis ? Que savez-vous sur ce Corps

23 de la Drina ?

24 M. Van Duijn (interprétation). - Je connais seulement les

25 renseignements que j'ai pu avoir avant. Avant d'avoir été sur place en

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1 Bosnie, on nous avait dit que le Corps de la Drina y était positionné. On

2 a dû nous donner quelques cours concernant leurs divers grades et leurs

3 insignes. Franchement, je ne me souviens plus. Mais j'y ai seulement

4 repensé quand j'ai parlé avec Mane qui m'a dit qu'il était membre, avec

5 son unité militaire, du Corps de la Drina.

6 M. Riad (interprétation). - Il était membre du Corps de la

7 Drina ?

8 M. Van Duijn (interprétation). - Il a dit que oui, plus ou

9 moins, il en était membre.

10 M. Riad (interprétation). - Et M. Staline était-il aussi membre

11 du Corps de la Drina ?

12 M. Van Duijn (interprétation). - Il était le commandant de Mane,

13 donc je suppose que oui.

14 M. Riad (interprétation). - Y avait-il des comportements, des

15 lignes de conduite qui ont justifié le fait qu'on a surnommé la personne

16 en question "Staline" ?

17 M. Van Duijn (interprétation). - Non, je ne sais pas.

18 M. Riad (interprétation). - Vous savez ce que Staline a dit ?

19 M. Van Duijn (interprétation). - Oui.

20 M. Riad (interprétation). - Est-ce que cela avait un rapport

21 avec ce qu'il a fait ?

22 M. Van Duijn (interprétation). - J'ai demandé à Mane quel était

23 son vrai nom, mais Mane ne me l'a pas dit. Il m'a juste dit que son surnom

24 était Staline ; c'est tout ce que je savais.

25 M. Riad (interprétation). - Avait-il un haut rang ?

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1 M. Van Duijn (interprétation). - Il avait en tout un rang

2 supérieur à celui de Mane. Mane m'a dit qu'il était capitaine, je présume

3 donc qu'il était au moins commandant.

4 M. Riad (interprétation). - Mais il avait donc des pouvoirs

5 supérieurs à ceux de Mane ?

6 M. Van Duijn (interprétation). - Oui.

7 M. Riad (interprétation). - Mais Staline n'était pas le

8 commandant en chef ?

9 M. Van Duijn (interprétation). - Non.

10 M. Riad (interprétation). - Donnait-il des ordres ?

11 M. Van Duijn (interprétation). - Non.

12 M. Riad (interprétation). - Savez-vous qui donnait des ordres à

13 l'époque dans cette région, mis à part Mladic ?

14 M. Van Duijn (interprétation). - Là où j'étais situé en poste,

15 c'était Mane. Et parce que l'homme était surnommé Staline, j'ai présumé

16 que Staline donnait aussi des ordres à Mane concernant une zone plus

17 large. Mais je ne sais pas du tout qui donnait les ordres de manière plus

18 générale.

19 M. Riad (interprétation). - Pour ce qui est de la maison

20 blanche ?

21 M. Van Duijn (interprétation). - Oui, c'est là où j'étais.

22 M. Riad (interprétation). - Et Staline et Mane ?

23 M. Van Duijn (interprétation). - Oui.

24 M. Riad (interprétation). - Et vous avez fait la connaissance de

25 Mladic ? Avez-vous rencontré le général Krstic ?

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1 M. Van Duijn (interprétation). - Non, je ne crois pas.

2 M. Riad (interprétation). - Il n'était pas là, il ne donnait pas

3 d'ordres ?

4 M. Van Duijn (interprétation). - Je ne me souviens pas.

5 M. Riad (interprétation). - Quand vous avez eu cette

6 conversation très importante avec Mladic, je n'ai pas très bien compris :

7 à un moment donné, vous avez dit qu'il avait enlacé un interprète et qu'il

8 vous avait dit qu'il était serbe. Ensuite, il a dit qu'il allait le tuer.

9 Est-ce vrai ?

10 M. Van Duijn (interprétation). - Il a joué un jeu, comme si lui-

11 même était... Il a embrassé l'interprète, il l'a enlacé, il a fait

12 semblant de croire que le Musulman était un Serbe et que lui-même était un

13 Musulman pour se moquer de l'interprète musulman.

14 M. Riad (interprétation). - C'était donc une sorte de jeu ?

15 M. Van Duijn (interprétation). - Oui, pour gêner, pour mettre

16 l'interprète dans l'embarras.

17 M. Riad (interprétation). - Et puis il a dit qu'ils viendraient

18 bientôt défendre les Pays-Bas contre les Musulmans ?

19 M. Van Duijn (interprétation). - Il a vu certains de mes

20 soldats, il a vu qu'il y avait plusieurs soldats de couleur. Je lui ai

21 expliqué que nous avions une société très multiethnique aux Pays-Bas, et

22 le général m'a répondu que ce n'était pas une bonne chose et qu'en

23 l'espace de dix ans, l'armée musulmane de Bosnie serait là pour chasser

24 les Musulmans.

25 M. Riad (interprétation). - Que voulait-il dire par là ?

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1 M. Van Duijn (interprétation). - Je n'en suis pas sûr.

2 M. le Président. - J'aimerais aussi vous poser quelques

3 questions. Vous avez parlé d'avril 1995 et des changements que vous aviez

4 observés des postes d'observation Q et R. Vous avez parlé aussi de

5 propagande faite par le général Mladic. Ma question est simplement celle-

6 ci : est-ce qu'avant ces événements, il y avait de la propagande faite par

7 les Serbes dans l'enclave de Srebrenica, si vous connaissez quelque chose

8 à propos de cela ?

9 M. Van Duijn (interprétation). - Non, non, pas d'après ce que je

10 me rappelle. Non.

11 M. le Président. - Une autre petite précision, je voudrais

12 rester bien sûr de cette réalité. Est-ce que "Drina Corps" et "Drina

13 Wolves" c'est la même chose ou ce sont des choses différentes ? Parce que

14 j'ai cru comprendre que vous avez dit que "Drina Wolves" était le petit

15 nom du "Drina Corps".

16 M. Van Duijn (interprétation). - A ce que je sache,

17 effectivement, les "Loups de la Drina" sont le surnom donné au "Corps de

18 la Drina". Donc cela revient au même, c'est la même chose d'après mes

19 connaissances.

20 M. le Président. - Pour terminer, vous avez dit qu'à côté ou

21 devant la maison blanche, il y avait des documents, des passeports, des

22 affaires personnelles de personnes qui étaient dans la maison blanche.

23 Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à toutes ces choses ?

24 M. Van Duijn (interprétation). - Dans les jours qui ont suivi

25 les événements dont nous avons parlé, lorsque nous sommes retournés à la

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1 base des Nations Unies, nous avons vu de nombreuses personnes venant de

2 Bratunac qui pillaient tout ce qui pouvait être utile, qui pillaient

3 toutes les maisons. Nous avons vu également autour de la maison blanche

4 que l'on avait rassemblé toute une série d'effets personnels que l'on a

5 ensuite brûlés. C'est là où je me souviens que les passeports, les papiers

6 ont tous été brûlés.

7 M. le Président. - Excusez-moi. Qui a brûlé tous ces documents,

8 tous ces passeports ?

9 M. Van Duijn (interprétation). - Je n'en sais rien.

10 M. le Président. - Merci beaucoup, Capitaine. Vous nous avez

11 donné beaucoup d'éclaircissements. Avant de terminer, il n'y a pas de

12 documents à régler, madame la Greffière ?

13 Mme la Greffière. - Il s'agirait de connaître le sort des pièces

14 à conviction du Procureur n°71, 72, 73 et 74.

15 M. le Président. - Monsieur Cayley, s'il vous plaît ?

16 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, il s'agit

17 de quatre clichés que le témoin a reconnus. Cela justifie que ces clichés

18 soient versés au dossier. Je vous demande qu'ils puissent être versés au

19 dossier.

20 M. le Président. - Maître Petrusic ou maître Visnjic, avez-vous

21 des objections ?

22 M. Visnjic (interprétation). - Monsieur le Président, nous

23 n'avons pas d'objection. Puisque j'en ai l'occasion, je ne sais pas si

24 vous allez décider une pause à l'instant ou si nous allons poursuivre nos

25 travaux. Mais à la fin de la déposition du capitaine et avant le début de

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1 l'audition du témoin suivant, nous vous demanderions, monsieur le

2 Président, de nous accorder 10 à 15 minutes. Nous avons deux requêtes à

3 vous présenter ; nous demandons la possibilité de le faire, si cela vous

4 convient.

5 M. le Président. - D'accord. Donc les documents sont versés au

6 dossier.

7 Capitaine, nous vous remercions beaucoup au nom du Tribunal

8 Pénal International d'être venu. Nous reconnaissons que, dans votre

9 jeunesse, vous avez passé des jours et des situations difficiles. Nous

10 espérons que vous pourrez profiter du calme et de la multiethnicité de

11 votre pays. Merci beaucoup d'être venu.

12 Monsieur l'huissier va vous raccompagner.

13 M. Van Duijn (interprétation). - Je vous remercie.

14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire).

15 M. le Président. - Je dois dire que la Chambre a un compromis

16 vers 11 heures. Je crois que nous ne pourrons pas reprendre avant

17 11 heures 10. Donc il serait mieux de traiter les questions que la défense

18 a à traiter. Après, nous pourrions faire une pause et nous recommencerions

19 avec le témoin.

20 Si nous n'avions pas ce compromis nous pourrions le faire tout

21 de suite, mais peut-être est-il bien de régler les choses pour que la

22 pause inclut 11 heures, heure à laquelle nous avons un compromis.

23 Maître Visnjic, vous pouvez présenter vos requêtes, s'il vous

24 plaît.

25 M. Visnjic (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

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1 Les demandes que va présenter la défense sont liées entre elles

2 mais nous les avons tout de même séparées. Je les présenterai donc

3 individuellement en commençant, bien sûr, par la première.

4 La défense souhaiterait que la Chambre de première instance

5 rende une ordonnance pour résoudre un problème de principe qui a surgi au

6 moment de l'audition des témoins du Procureur.

7 Avant de vous décrire ce problème, j'aimerais rappeler aux Juges

8 de cette Chambre que la défense et le Procureur, au cours des deux mois

9 qui ont précédé le début du procès, ont réalisé un important travail lié à

10 l'examen des éléments de preuve et à la communication de ces éléments. De

11 sorte qu'à l'ouverture du procès, la défense avait reçu un très grand

12 nombre d'éléments de preuve de la part du Procureur, et notamment des

13 déclarations préalables de témoins.

14 Ces documents lui ont été communiqués en anglais et en serbo-

15 croate. Certaines des déclarations préalables de témoin ont été

16 communiquées à la défense à l'ouverture même du procès.

17 Pour des raisons bien connues de tous, étant donné l'existence

18 de résumés de déclaration et la nécessité donc de les rédiger, ces résumés

19 ont été communiqués à la défense une semaine avant le début du procès.

20 Par ailleurs, il y a eu des modifications dans le calendrier des

21 audiences, modifications dues à la force majeure. Ce qui a empêché la

22 défense, dans la période d'investigation dans laquelle elle se trouve, de

23 vérifier de façon approfondie l'ensemble des éléments de preuve reçus du

24 Procureur.

25 Bien entendu, nous nous efforçons tous de faire coïncider le

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1 principe de la nécessité de l'économie avec le principe de la nécessité de

2 respecter le droit. Nous sommes aujourd'hui dans une situation nouvelle,

3 car certains témoins que nous venons d'entendre, des témoins de

4 l'accusation, décrivent des événements qui ne figurent pas dans leurs

5 déclarations écrites. Cela créée donc une situation inédite, nouvelle pour

6 la défense puisque celle-ci n'a pas pu, à la lecture des documents

7 communiqués par le Procureur, réaliser certaines investigations dans ces

8 domaines.

9 Compte tenu de l'ensemble de la situation et s'agissant des

10 témoins déjà entendus, ainsi que des témoins dont nous avons entendu les

11 déclarations préalables dans les 60 jours à peu près qui ont précédé le

12 procès, nous aimerions demander aux Juges de la Chambre de première

13 instance de rendre une décision destinée à autoriser la défense, au cas où

14 ces investigations complémentaires devaient le justifier, qu'un témoin

15 déjà entendu puisse être réentendu. Mais ceci devrait être le cas sur la

16 base d'une décision ponctuelle de la Chambre.

17 Autrement dit, nous présentons aujourd'hui une demande de

18 principe pour qu'éventuellement, si nous avons nécessité de présenter une

19 demande spécifique pour une nouvelle audition de tel ou tel témoin, cela

20 nous soit permis ; bien entendu, si la Chambre de première instance est

21 d'accord avec le principe que nous exposons aujourd'hui.

22 La défense appuie la présentation de sa requête actuelle sur

23 l'article 65 ter du Règlement, sur l'article 66 a, 32, ainsi que sur les

24 articles 21 4 a et 21 4 b des Statuts du Tribunal. Voilà donc notre

25 première requête.

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1 Pour l'article 65 ter, il s'agit de l'article 65 ter e 4.

2 M. le Président – Maître Visnjic, vous avez dit que les requêtes

3 sont liées entre elles, mais vous avez souhaité les présenter séparément.

4 Peut-être peut-on les traiter séparément si vous voulez, donc on pourrait

5 entendre l'avis du Procureur. Après ça, vous pouvez reprendre votre

6 deuxième requête. Etes-vous d'accord ?

7 (Maître Visnjic a un geste d'agrément)

8 M. le Président – Quelles sont vos vues à propos de cette

9 requête ? Mais avant -excusez-moi, Monsieur Harmon-, avez-vous parlé avec

10 le Procureur à propos de cette requête ?

11 M. Visnjic (interprétation). – Non, Monsieur le Président.

12 M. le Président – Nous allons entendre… Mais de toutes façons,

13 comme nous avions établi cette règle, avant de présenter une requête, les

14 parties devaient entendre l'autre partie pour savoir quelle est la

15 version. S'ils ont un accord, très bien, s'ils n'ont pas d'accord, nous

16 allons décider. Donc nous allons entendre les vues du Procureur et nous

17 allons faire une pause ; pendant la pause, il est tout à fait possible de

18 faire des échanges.

19 Je vous rappelle que, comme la Chambre n'est pas au complet, on

20 ne peut pas décider. C'est pour cela que la Chambre n'a pas encore rendu

21 la décision que vous attendez. Nous attendons la présence du Juge Wald :

22 nous avons traité, nous avons discuté, nous attendons sa présence pour que

23 la Chambre puisse décider au complet.

24 Donc on peut prendre toutes ces informations et, après, la

25 Chambre va discuter et prendra la décision. Aujourd'hui, nous ne pouvons

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1 pas décider parce que nous n'avons pas la présence du Juge Wald.

2 De toutes façon, j'aimerais bien entendre les avis de M. Harmon.

3 M. Harmon (interprétation). – Bonjour, Monsieur le Président.

4 Bonjour, Monsieur le Juge Riad. Bonjour, conseil de la défense.

5 La première observation que je ferai consistera à parler dans le

6 même sens que vous, Monsieur le Président. Si la deuxième requête est liée

7 à la première, je pense qu'elles devraient être examinées ensemble, car il

8 est possible qu'il y ait un lien entre les deux, qui puisse influer sur ma

9 réponse. Donc j'aimerais peut-être entendre, si vous le voulez bien,

10 Monsieur le Président, la deuxième partie de ces demandes. Et j'aurai

11 grand plaisir à répondre aux deux.

12 M. le Président – Je vous remercie de la suggestion, Monsieur

13 Harmon. Donc, Maître Visnjic, je reviens sur mon point et peut-être sera

14 t-il préférable de présenter les deux pour qu'elles soient traitées

15 ensemble.

16 Excusez-moi, Maître Visnjic, vous pouvez nous présenter votre

17 deuxième requête ?

18 M. Visnjic (interprétation). – Monsieur le Président, nous avons

19 présenté une requête liée à la formulation utilisée dans l'acte

20 d'accusation et nous avons entendu les objections du Procureur à propos

21 desquelles vous avez rendu une décision sur laquelle je n'ai aucun

22 commentaire à faire. Mais, par la suite, après cela, nous avons reçu un

23 certificat du greffe dans lequel il nous est expliqué que le texte en

24 serbe de l'acte d'accusation, celui dont nous disposions, Me Petrusic et

25 moi-même, comporte une erreur de traduction ; je parle de cette erreur

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1 dans le contexte de la requête que nous avons présentée précédemment.

2 En application de l'article 18.4 du Statut du Tribunal, il est

3 prévu que, lorsque le Procureur estime que des éléments de preuve

4 suffisants existent pour procéder au procès, il rédige un acte

5 d'accusation dans lequel il décrit brièvement les faits, les crimes prévus

6 au Statut du Tribunal et qui justifient ce procès. Ce qui signifie que,

7 pour chacun des chefs d'accusation retenus contre l'accusé, il

8 conviendrait de citer un article particulier du Statut.

9 Par ailleurs, l'article 21 garantit à l'accusé que l'acte

10 d'accusation lui permettra d'être informé en temps utile et dans une

11 langue qu'il comprend, de ce qui est retenu contre lui.

12 Nous avons également l'article 47 g qui stipule que, si l'accusé

13 ne comprend aucune des langues officielles du Tribunal, l'acte

14 d'accusation est traduit dans une langue que l'accusé comprend et que

15 cette traduction fait partie intégrante de l'acte d'accusation retenu

16 contre l'accusé.

17 Tout cela a pour but que l'accusé soit bel et bien informé des

18 accusations retenues contre lui ainsi que des préparatifs auxquels sa

19 défense doit procéder. Les éléments de preuve qui seront pertinents au

20 cours du procès sont également évoqués dans ce texte.

21 Dans le cas qui nous intéresse, nous nous trouvons aujourd'hui

22 dans la situation suivante : le Procureur a réalisé son travail de la

23 meilleure manière qui soit. L'acte d'accusation a été rédigé en anglais et

24 en français. Ces deux versions ont donc été rédigées selon les souhaits de

25 l'accusation. Par ailleurs, il est tout à fait clair que, pour ce que je

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1 qualifierais de raison technique, la défense et donc l'accusé ont été

2 privés de l'un de leurs droits fondamentaux -si vous me permettez

3 d'utiliser cette expression.

4 Monsieur le Président, nous avons mis cartes sur table, nous

5 avons discuté et, suite à un examen sérieux de la situation, nous

6 considérons que l'accusé a tout de même été lésé d'une certaine façon.

7 Comment remédier à cela ? La défense estime que, si elle se voit

8 octroyer un délai supplémentaire pour mener des investigations dans les

9 trois lieux qui ont surgi comme lieux non encore évoqués après l'audition

10 des récents témoins, ce serait une manière de régler le problème. Je n'ai

11 aucune intention de m'ingérer dans la détermination du calendrier de nos

12 travaux. C'est une tâche qui revient à la Chambre de première instance,

13 mais nous demandons donc du côté de la défense un délai supplémentaire

14 dont nous aimerions disposer à la fin de l'audition des témoins du

15 Procureur.

16 D'ailleurs, nous avons déjà annoncé, il y a quelque temps, que

17 nous pourrions demander un tel délai. Donc, sur le fond, notre deuxième

18 requête doit s'entendre comme suit : nous aimerions d'abord que la

19 situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement soit explicitée.

20 Deuxièmement, qu'il soit fait droit à la requête de la défense qui demande

21 un délai supplémentaire pour compléter ses investigations.

22 Véritablement, si nous nous appuyons sur le texte de l'acte

23 d'accusation en serbo-croate, le seul dont nous disposions, il y est dit

24 de la façon la plus claire qu'il soit que seuls les lieux cités dans cet

25 acte d'accusation peuvent faire l'objet d'accusations contre l'accusé.

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1 Merci, Monsieur le Président.

2 M. le Président. - Je crois que le moment est venu pour la

3 pause. Avant, j'aimerais savoir ce que nous allons avoir comme témoin et,

4 s'il y a des mesures de protection, lesquelles ? Maître Harmon ?

5 M. Harmon (interprétation). - Notre témoin suivant est le

6 colonel Kingori. Il n'a demandé aucune mesure de protection, Monsieur le

7 Président.

8 M. le Président. - Comme je vous l'ai dit, nous avons un

9 compromis vers 11 heures. Peut-être pouvons-nous faire une pause d'une

10 demie heure ? Les parties peuvent quand même parler un peu une fois que le

11 Procureur connaît maintenant la requête de la défense. Avant de faire

12 entrer le témoin suivant, on peut parler aussi et faire des échanges pour

13 savoir quel est le point de vue du Procureur si vous êtes d'accord. Ou

14 non. Si vous ne l'êtes pas, la Chambre prendra la décision sur la requête

15 de la défense.

16 Pour l'instant, nous allons faire une pause d'une demie heure.

17 Nous reprendrons à 11 heures 20.

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20 L'audience est reprise à 11 heures 40.

21 M. le Président. - Bonjour, vous m'entendez ? Merci d'être venu.

22 Veuillez lire la déclaration solennelle que M. l'huissier va vous tendre,

23 s'il vous plaît.

24 M. Kingori (interprétation). - Je déclare solennellement que je

25 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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1 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

2 Vous vous sentez confortable, monsieur ? OK ?

3 Donc, pour l'instant, Monsieur Harmon, nous avons changé un peu

4 l'ordre du jour, je vous expliquerai après.

5 Donc, merci d'être venu. Vous allez répondre pour l'instant aux

6 questions que M. le Procureur, Me Harmon, va vous poser.

7 Maître Harmon, vous avez la parole, s'il vous plaît.

8 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

9 vais d'abord demander à M. l'huissier de bouger un peu le rétroprojecteur

10 afin que je puisse voir le témoin. Je vous remercie.

11 Colonel Kingori, pouvez-vous me donner votre nom et prénom. Je

12 vous prie d'épeler votre nom de famille pour le compte rendu d'audience.

13 M. Kingori (interprétation). - Je m'appelle Josef Michuri

14 Kingori. Mon nom de famille s'épelle K-I-N-G-O-R-I.

15 M. Harmon (interprétation). - Colonel, vous êtes soldat de

16 carrière ?

17 M. Kingori (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes de nationalité kényane ?

19 M. Kingori (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Depuis combien de temps êtes-vous

21 membre de l'aviation kényane ?

22 M. Kingori (interprétation). - Je suis dans l'aviation

23 depuis 1977, ce qui fait que j'y ai passé plus de 23 ans, maintenant.

24 M. Harmon (interprétation). - En 1994, étiez-vous au service de

25 l'ONU en tant qu'observateur de l'ONU ?

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1 M. Kingori (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Et en cette qualité, vous avez

3 séjourné en ex-Yougoslavie ?

4 M. Kingori (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire à MM. les Juges

6 quel avait été le rôle des observateurs militaires des Nations Unies ?

7 M. Kingori (interprétation). - Nous avons été appelés UNMO,

8 Mission d'observation de l'ONU, et nous étions là-bas pour observer les

9 violations des accords de cessez-le-feu ; il s'agissait d'être neutres et

10 d'amener les factions belligérantes à une table de négociation ; il

11 s'agissait de tenir des réunions avec toutes les parties en présence et il

12 s'agissait d'informer toutes les parties en présence sur ce que disait

13 l'autre, la partie adverse, afin de rapprocher leurs positions.

14 Même s'il s'agissait de transmettre quelque chose de la part de

15 l'état-major de l'ONU, on passait par nous. Ainsi, toutes les informations

16 que nous recevions des parties belligérantes étaient censées être

17 transmises à l'état-major par nos filières normales.

18 M. Harmon (interprétation). - Votre rôle principal consistait-il

19 en l'observation des affaires militaires et de la surveillance des cessez-

20 le-feu ?

21 M. Kingori (interprétation). - Oui.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que vous passiez par

23 une chaîne habituelle. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendiez

24 par "chaîne habituelle d'information" ?

25 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président,

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1 Messieurs les Juges, notre chaîne habituelle consistait en la présence de

2 secteurs d'observation : nous rédigions des rapports et nous les envoyions

3 à l'état-major de l'ONU. Par exemple, pour Srebrenica, le quartier général

4 se trouvait à Tuzla ; nous envoyions donc des rapports à Tuzla.

5 Par la suite, ce que j'ai serait retransmis au siège des

6 observateurs militaires qui se trouvait à Zagreb. Par la suite, cela était

7 transmis à New York au siège des Nations Unies.

8 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Colonel. Pouvez-

9 vous nous expliquer la différence entre l'UNMO -c'est-à-dire les

10 observateurs militaires- et les soldats qui avaient servi en ex-

11 Yougoslavie en tant que membres de la Forpronu ?

12 M. Kingori (interprétation). - Messieurs les Juges, comme je

13 l'ai dit au sujet des observateurs militaires de l'ONU, leur rôle avait

14 donc été d'observer et de noter toute violation des cessez-le-feu et de

15 traiter des questions militaires. Nous avions à nous consacrer également à

16 des questions humanitaires, assistance aux blessés et aux personnes âgées,

17 analyse des cratères suite à explosion d'obus, donc suite à tirs

18 d'armement lourd.

19 Puis nous envoyions les résultats de ces analyses par la chaîne

20 habituelle. Et comme je l'ai dit, je voudrais mentionner que la Forpronu

21 était armée. Ils avaient des armes et ils se trouvaient au sein de

22 bataillon, de QG et de différents postes d'observation, comme cela avait

23 été imposé par les règlements en vigueur.

24 Et la différence est la suivante : nous, observateurs

25 militaires, n'avions pas à utiliser des armes. Nous n 'avions pas d'armes

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1 du tout. Mais la Forpronu, dans le cas concret, pouvait se servir de ces

2 armes et c'est la différence entre nous. Nous, en tant qu'observateurs

3 militaires sommes complètement neutres. Nous devions nous efforcer d'être

4 neutres au maximum. C'est la raison pour laquelle nous avons dû séjourner

5 parmi la population, dans le village.

6 M. Harmon (interprétation). - Mais quand vous étiez observateur

7 militaire et que vous étiez donc officier chargé de cette mission, vous

8 vous trouviez aux mêmes endroits que les soldats de la Forpronu ?

9 M. Kingori (interprétation). - Oui, nous étions à des sites

10 différents, en effet.

11 M. Harmon (interprétation). - Et la Forpronu avait-elle un

12 mandat différent du vôtre ?

13 M. Kingori (interprétation). - Oui, monsieur le Juge, nous

14 avions des mandats différents.

15 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous pouvez décrire

16 leur mandat pour faire la différence entre le leur et le vôtre ?

17 M. Kingori (interprétation). - Messieurs les Juges, leur mandat

18 satisfaisait aux exigences du QG de la Forpronu. Il s'agissait également

19 de surveiller, d'observer. Mais ils rapportaient, ils faisaient des

20 comptes rendus des activités militaires. Ils étaient censés faire ce qu'on

21 leur demandait de faire.

22 Par exemple, si telle partie belligérante intervenait, ils

23 pouvaient être conviés à riposter au feu que l'on avait ouvert, d'une

24 partie ou d'une autre, et nous ne pouvions pas le faire.

25 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que la Forpronu avait un

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1 rôle plus important à jouer pour ce qui est de l'aide humanitaire à faire

2 parvenir dans différentes régions de l'ex-Yougoslavie ?

3 M. Kingori (interprétation). - Est-ce que vous pouvez réitérer

4 votre question ?

5 M. Harmon (interprétation). - A la différence de votre rôle qui

6 était exclusivement militaire, est-ce que la Forpronu avait un rôle

7 quelque peu différent puisqu'il s'agissait pour eux d'assurer

8 l'acheminement de l'aide humanitaire dans différentes parties de l'ex-

9 Yougoslavie ?

10 M. Kingori (interprétation). - Oui, tout à fait.

11 M. Harmon (interprétation). - En votre qualité d'observateur

12 militaire, combien de temps avez-vous passé en ex-Yougoslavie ?

13 M. Kingori (interprétation). - Messieurs les Juges, j'y ai passé

14 un an et ce, six mois dans la Krajina de l'est, donc dans le secteur est ;

15 puis quatre mois à Srebrenica et le reste du temps, je me suis trouvé dans

16 le secteur sud, à Kinin*.

17 M. Harmon (interprétation). - Quand vous a-t-on confié la

18 mission de vous rendre à Srebrenica ?

19 M. Kingori (interprétation). - Cela se situe en fin mars 1995.

20 M. Harmon (interprétation). - Et quand êtes-vous arrivé à

21 Srebrenica ?

22 M. Kingori (interprétation). - Je suis arrivé à Srebrenica, je

23 pense, le 4 ou le 5 ; je ne suis pas sûr.

24 M. Harmon (interprétation). - Mais le 4 ou 5 de quel mois ?

25 M. Kingori (interprétation). - Il s'agissait du mois d'avril

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1 1995.

2 M. Harmon (interprétation). - Où étiez-vous installé lorsque

3 vous êtes arrivé ?

4 M. Kingori (interprétation). - Notre QG se trouvait au bâtiment

5 de la Poste, au sein de la ville de Srebrenica.

6 M. Harmon (interprétation). - Et quand vous êtes arrivé, combien

7 d'observateurs militaires y avait-il à Srebrenica ?

8 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, il y avait encore cinq

9 observateurs militaires et avec moi, nous étions six.

10 M. Harmon (interprétation). - D'où venaient ces autres

11 observateurs militaires ?

12 M. Kingori (interprétation). - Je me souviens qu'il y en avait

13 un du Canada, un d'Ukraine, un du Ghana, un des Pays-Bas et encore un...

14 M. Harmon (interprétation). - Du Brésil peut-être ?

15 M. Kingori (interprétation). - Oui, tout à fait.

16 M. Harmon (interprétation). - A l'époque de la chute de

17 l'enclave, en juillet 1995, combien d'observateurs militaires y avait-il

18 dans l'enclave de Srebrenica ?

19 M. Kingori (interprétation). - Il y avait à cette époque...

20 Enfin, je dois d'abord vous dire qu'en notre qualité d'observateurs

21 militaires, nous étions censés passer un mois à un endroit, puis partir en

22 congé de six jours, puis nous étions censés revenir sur le terrain pour

23 continuer notre mission.

24 A l'époque, il y avait trois observateurs militaires qui

25 devaient être relevés. L'un d'entre eux avait passé là-bas quatre mois. Au

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1 jour venu, on ne l'a pas laissé quitter l'enclave. L'autre, qui devait

2 partir un mois plus tard, n'a pas reçu l'autorisation de quitter l'enclave

3 de la part des Serbes. Cela est arrivé à encore un observateur.

4 Cela signifie qu'avant le début de la guerre, trois personnes

5 avaient obtenu l'autorisation de quitter l'enclave. Malheureusement, les

6 Serbes n'ont pas autorisé l'accès à l'enclave des gens qui devaient les

7 relever. Il ne restait donc que moi du Kenya, David Tetteh du Ghana et

8 Andryk des Pays-Bas.

9 Il convient de faire remarquer qu'Andryk avait été hospitalisé

10 dans l'hôpital du Bataillon néerlandais. Il ne restait que deux personnes

11 à Srebrenica.

12 M. Harmon (interprétation). - Donc vous étiez censés avoir des

13 contacts avec les parties belligérantes, n'est-ce pas ?

14 M. Kingori (interprétation). - Oui, c'est cela.

15 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais que vous concentriez

16 votre attention sur les activités et les contacts au niveau de l'armée des

17 Serbes de Bosnie. Pouvez-vous dire aux Juges quels étaient vos contacts

18 avec ces Serbes de Bosnie ?

19 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, nous appelions cela la

20 BSA, l'armée des Serbes de Bosnie. Nous avions des contacts directs avec

21 le commandant Nikolic et, de temps en temps, avec le colonel Vukovic. Et

22 ce, par l'intermédiaire de notre interprète qui s'appelait Petar.Il

23 conviendrait de noter que, lorsque nous allions en réunion avec le

24 commandant Nikolic, cet interprète était toujours présent.

25 M. Harmon (interprétation). – Comment le commandant Nikolic

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1 était-il vêtu ?

2 M. Kingori (interprétation). – Le commandant Nikolic portait

3 toujours un uniforme de combat, c'est-à-dire un uniforme de camouflage de

4 couleur verte.

5 M. Harmon (interprétation). – Et le colonel Vukovic ?

6 M. Kingori (interprétation). – Le colonel Vukovic était vêtu de

7 la même façon.

8 M. Harmon (interprétation). – Pouvez-vous dire à Messieurs les

9 Juges que pensiez-vous de la position occupée par le commandant Nikolic ?

10 M. Kingori (interprétation). – Le commandant Nikolic, d'après ce

11 que nous savions, avait été chargé de l'une des unités de combat des

12 Serbes de Bosnie.

13 M. Harmon (interprétation). – Et sauriez-vous nous dire quelle a

14 été sa formation militaire supérieure, c'est-à-dire celle à laquelle il

15 avait été subordonné ?

16 M. Kingori (interprétation). – L'armée des Serbes de Bosnie

17 avait été organisée : il y avait bien sûr des officiers de plus haut rang

18 que lui. Cette chaîne de commandement allait jusqu'au niveau du général

19 Mladic.

20 M. Harmon (interprétation). – Pouvez-vous me dire quelques mots

21 au sujet du colonel Vukovic ? Comment s'était-il présenté à vous ?

22 M. Kingori (interprétation). – Le colonel Vukovic était

23 commandant de l'une des brigades en présence, je ne me souviens plus de

24 laquelle. Il était le supérieur direct du commandant Nikolic, c'est du

25 moins ainsi qu'il s'était présenté.

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1 M. Harmon (interprétation). – Donc, selon vous, le comandant

2 Nikolic et le colonel Vukovic venaient des brigades qui se trouvaient au

3 sein et autour de l'enclave de Srebrenica ?

4 M. Kingori (interprétation). – Oui, c'est cela.

5 M. Harmon (interprétation). – Je voudrais que vous décriviez à

6 Messieurs les Juges la position que vous avez remarquée au niveau du

7 colonel Vukovic, compte tenu des Musulmans résidant au sein de l'enclave.

8 M. Kingori (interprétation). – Eh bien, Messieurs les Juges, le

9 Colonel Vukovic… Je ne saurais vous donner un terme exact, mais il était

10 un peu violent pour ce qui est de son attitude à l'égard des Musulmans.

11 Lors d'une réunion que nous avons eue, il avait déclaré que les Musulmans

12 devaient quitter l'enclave de Srebrenica et tous devaient le faire ; il ne

13 voulait pas les voir là-bas. S'il en restait, il se pourrait que certains

14 d'entre eux viennent à périr. Je crois qu'il avait été plutôt violent à

15 leur égard.

16 M. Harmon (interprétation). – Je voudrais attirer votre

17 attention sur le côté musulman, maintenant. Pouvez-vous dire à Messieurs

18 les Juges quels avaient été les représentants des formations militaires

19 musulmanes avec lesquelles vous aviez eu des contacts ?

20 M. Kingori (interprétation). – Messieurs les Juges, nous avions

21 eu des contacts avec le chef d'état major, il s'appelait Ramiz Becerovic*,

22 si mes souvenirs sont bons. Puis il y avait un officier du renseignement

23 qui s'appelait Ekrem Salikovic* ou quelque chose de ce genre ; ensuite, il

24 y avait le maire et l'adjoint du maire. Ce sont les principales personnes

25 que nous avions à contacter.

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1 M. Harmon (interprétation). – Suite à vos contacts avec ces

2 représentants musulmans, pouvez-vous nous dire quelle avait été leur

3 attitude vis-à-vis des Serbes qui se trouvaient à l'extérieur de

4 l'enclave ? Comment se prononçaient-ils à leur égard ?

5 M. Kingori (interprétation). – Messieurs les Juges, les

6 Musulmans, à chacune des réunions que nous avons eues avec eux,

7 redoutaient toujours ce que les Serbes autour d'eux allaient faire d'eux.

8 Ils étaient dans une appréhension permanente au terme de laquelle les

9 Serbes pourraient écraser l'enclave, voire même les soumettre à de mauvais

10 traitements. Mais pour ce qui était des activités militaires, il y avait

11 fort peu d'activités militaires ; il y en avait lorsqu'ils allaient

12 chercher des vivres à l'extérieur de l'enclave, ils redoutaient ce qui

13 pouvait leur arriver à l'extérieur, parce qu'il n'y avait pas assez de

14 vivres dans l'enclave même.

15 M. Harmon (interprétation). – Vous avez décrit l'attitude

16 brutale ou violente du colonel Vukovic. Avez-vous remarqué une attitude

17 analogue auprès des représentants de la communauté musulmane que vous avez

18 eu l'occasion de contacter ?

19 M. Kingori (interprétation). – Je n'ai rien remarqué de ce

20 genre.

21 M. Harmon (interprétation). – Colonel Kingori, je me propose de

22 vous poser plusieurs questions concernant la mission que vous aviez à

23 accomplir. En cas de violation de cessez-le-feu, qu'étiez-vous censé

24 faire ?

25 M. Kingori (interprétation). – D'abord ce que nous avions à

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1 faire, c'était d'obtenir un maximum d'informations concernant

2 l'emplacement où a eu lieu tel cessez-le-feu, puis de se rendre sur place,

3 de constater si oui ou non il y a eu violation de ce cessez-le-feu, -

4 quand je dis, "se rendre sur place pour constater", on pouvait voir tel

5 obus, telle roquette tombée sur un site et analyser le cratère pour

6 déterminer la provenance du projectile en question.- Ensuite, au moyen de

7 cartes géographiques, nous déterminions la provenance des tirs, et cela

8 nous permettait de noter les cotes sur les plans que nous avions à notre

9 disposition. Puis nous informions le quartier général de l'ONU par le

10 canal habituel. Mais lorsqu'il s'agissait de simples tirs de la part des

11 Serbes de Bosnie, je m'entretenais avec les gens, les habitants ; je leur

12 posais des questions sur ce qui était arrivé, qui est-ce qui s'était

13 infiltré dans telle ou telle région ; je leur demandais quel était leur

14 avis sur ce que voulaient obtenir les gens qui avaient ouvert le feu.

15 Après avoir recueilli toutes ces informations, je les transmettais aux

16 autres observateurs militaires et au quartier général.

17 M. Harmon (interprétation). – Mais lorsque vous êtes arrivé à

18 l'enclave, Colonel Kingori, et jusqu'à la chute de cette enclave, vous

19 avez passé pas mal de temps sur le terrain, n'est ce pas ?

20 M. Kingori (interprétation). – Oui, tout à fait exact.

21 M. Harmon (interprétation). – Et lorsque vous étiez sur le

22 terrain même, avez-vous pu remarquer ou faire des évaluations potentielles

23 des parties en présence ?

24 M. Kingori (interprétation). – Oui, tout à fait.

25 M. Harmon (interprétation). - Et s'il y avait des violations du

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1 cessez-le-feu, et s'il y avait des incidents, des pilonnages, vous avez

2 dit que vous faisiez des rapports. Ces rapports-là avaient-ils été rédigés

3 par vous-même ou par des gens de votre équipe, ou les deux ?

4 M. Kingori (interprétation). - Messieurs les Juges, ces rapports

5 avaient été rédigés soit par moi, soit par un autre observateur militaire,

6 et des fois nous les rédigions ensemble. Il nous arrivait ce qui suit.

7 Lorsque l'on se retrouvait sur le terrain, on rentrait avec des

8 informations et les renseignements recueillis ; d'autres venaient d'autres

9 zones. Et les autres observateurs militaires qui se trouvaient sur place,

10 au bureau, nous collections toutes ces informations, nous rédigions un

11 rapport unique et nous envoyions cela au quartier général de l'UNMO. Il

12 s'agissait donc d'une combinaison de nos activités respectives.

13 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie. Nous allons

14 revenir tout à l'heure sur les rapports. Mais je voudrais vous demander au

15 préalable la chose qui suit : quand les Serbes de Bosnie voulaient entrer

16 en contact avec vous, comment faisaient-ils ?

17 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, Messieurs les Juges, ces

18 Serbes de Bosnie contactaient notre interprète, à savoir Petar, et, étant

19 donné qu'il avait un poste émetteur-récepteur sur notre fréquence, il nous

20 contactait nous-mêmes et il avait l'habitude de nous dire que quelqu'un

21 souhaitait nous rencontrer, soit à un endroit convenu ou ailleurs. Nous

22 confirmions la réunion, nous nous rendions sur les lieux.. C'est ainsi que

23 cela se passait.

24 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais que M. l'huissier

25 place sur le rétroprojecteur la pièce à conviction n° 42.

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1 Colonel, vous voyez là l'image, la photo d'un individu.

2 Reconnaissez-vous cette personne ?

3 M. Kingori (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Qui est-ce ?

5 M. Kingori (interprétation). - Notre interprète, M. Petar.

6 M. Harmon (interprétation). - C'était votre premier contact avec

7 les Serbes. Les Serbes passaient par lui pour prendre contact avec vous.

8 M. Kingori (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Dans les réunions que vous avez

10 eues avec les représentants de l'armée des Serbes de Bosnie en avril,

11 quand vous êtes arrivé dans l'enclave, jusqu'à la chute de l'enclave, les

12 Serbes de Bosnie se sont-ils plaints auprès de vous d'attaques faites,

13 menées par des unités musulmanes armées depuis l'intérieur de l'enclave,

14 attaquant à l'extérieur de l'enclave ?

15 M. Kingori (interprétation). - Non, je ne me souviens pas avoir

16 entendu des plaintes de la part de l'armée serbe de Bosnie concernant des

17 tirs venant de l'intérieur de l'enclave. Peut-être une fois, mais il ne

18 s'agissait pas du tout d'une opération militaire : il s'agissait de

19 personnes qui voulaient aller à Zepa pour chercher des vivres.

20 M. Harmon (interprétation). - Les Serbes de Bosnie se sont-ils

21 plaints de victimes serbes, soit militaires soit civiles, résultant

22 d'attaques par des soldats musulmans au sein de l'enclave ?

23 M. Kingori (interprétation). - Non, je ne me souviens d'aucune

24 occasion de la sorte.

25 M. Harmon (interprétation). - Pour passer à la partie adverse,

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1 pouvez-vous dire aux Juges : est-ce que les représentants musulmans se

2 sont plaints auprès de vous d'attaques émanant des Serbes, donc d'attaques

3 sur l'enclave, soit par des formations d'infanterie, soit par des tirs

4 d'artillerie ?

5 M. Kingori (interprétation). - Oui, cela s'est produit à maintes

6 occasions. Les rapports que l'on pouvait recevoir, soit de formations

7 militaires, soit de la structure militaire, soit d'individus venant de

8 Srebrenica, de villages au sein de l'enclave, nous pouvions nous rendre

9 sur place et voir les résultats, voir les personnes ou les maisons qui

10 avaient été pilonnées. Nous pouvions analyser des cratères, nous devions

11 emmener les victimes à l'hôpital. Parfois, les blessures n'étaient pas

12 graves, mais il y avait certainement de nombreuses violations de la part

13 des Serbes, de l'armée serbe de Bosnie.

14 M. Harmon (interprétation). - Les Musulmans se sont-ils plaints

15 auprès de vous de victimes civiles ? Avez-vous pu confirmer l'existence de

16 telles victimes du côté musulman ?

17 M. Kingori (interprétation). - C'était presque quotidien. La

18 plupart du temps, nous avons reçu des plaintes concernant des victimes

19 civiles.

20 M. Harmon (interprétation). - Colonel Kingori, vous étiez

21 neutre. Mais pouvez-vous apprécier, pour les Juges, donner votre opinion

22 sur laquelle des parties au conflit vous semblait-elle être l'agresseur ?

23 M. Kingori (interprétation). - D'après ce que j'ai dit, ce que

24 j'ai observé sur place, la plupart des violations ont été commises à

25 l'encontre, contre les Musulmans. Je ne peux pas me souvenir de violations

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1 commises contre les Serbes par les Musulmans. Cela signifie que c'est

2 l'armée serbe de Bosnie qui était, la plupart du temps, à ma connaissance,

3 l'agresseur.

4 M. Harmon (interprétation). - Compte tenu de votre déposition

5 concernant le fait que vous étiez souvent sur le terrain dans l'enclave,

6 pourriez-vous dire aux Juges votre opinion des formations de l'armée

7 serbe ? Quel type d'équipement avaient-ils en leur possession, selon ce

8 que vous avez pu observer ?

9 M. Kingori (interprétation). - Est-ce que vous voulez dire les

10 Serbes de Bosnie ?

11 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, j'ai fait une erreur,

12 je parle des Musulmans qui étaient à l'intérieur de l'enclave. Donc les

13 Musulmans dans l'enclave, quelle formation militaire avaient-ils ? Quel

14 était leur équipement ? Je vous demande une sorte d'analyse militaire.

15 M. Kingori (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

16 les Juges, concernant donc l'armée de la Bosnie-Herzégovine, il n'y avait

17 pas de structure militaire en tant que telle, d'organisation militaire en

18 tant que telle. Ils n'avaient pas d'armes lourdes, toutes les armes

19 lourdes leur avaient été retirées et déposées auprès du Bataillon

20 néerlandais, puisqu'il s'agissait là d'une zone démilitarisée, d'une zone

21 protégée.

22 Donc toutes les armes, surtout les armes lourdes, avaient été

23 retirées et entreposées à la base militaire proche de mes quartiers, de

24 mon poste d'observation. Il faut bien reconnaître qu'ils disposaient de

25 quelques armes légères, des AK 47. On peut dire que, sur le plan

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1 militaire, ils n'étaient pas armés.

2 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu des formations de

3 soldats ?

4 M. Kingori (interprétation). - Je ne me souviens pas d'avoir vu

5 de telles formations. Parfois, je voyais une poignée de soldats avec

6 quelques armes légères. Au maximum, j'en ai vu dix rassemblés, donc très

7 peu de soldats.

8 M. Harmon (interprétation). - Comment évalueriez-vous leur

9 structure de commandement, leur chaîne de commandement ?

10 M. Kingori (interprétation). - Ce que je peux dire, c'est que

11 cette structure de commandement, on peut peut-être dire qu'elle existait

12 mais qu'elle n'était pas vraiment instituée, organisée. Ils avaient un

13 chef d'état-major, Ramiz. Je ne me souviens plus du nom d'un autre

14 personnage qui semblait avoir un haut rang, mais je ne l'avais jamais

15 rencontré. Mais on ne peut pas parler de commandement, de structure de

16 commandement en tant que telle. Ils avaient eu aussi un officier de

17 renseignement, il est vrai, mais il ne s'agit pas d'une structure

18 organisée comme on le voit d'habitude au sein de l'armée.

19 M. Harmon (interprétation). - Colonel Kingori, comment avez-vous

20 apprécié la menace que représentaient les Musulmans armés au sein de

21 l'enclave pour les alentours de l'enclave, pour les zones voisines ?

22 M. Kingori (interprétation). - Je pense qu'ils ne représentaient

23 pas la moindre menace. Ils n'étaient pas armés, pour ainsi dire, comparés

24 à l'équipement que j'ai pu observer ou dont j'ai eu connaissance par la

25 suite, l'équipement de l'armée serbe de Bosnie. Franchement, les Musulmans

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1 dans l'enclave ne constituaient pas une menace.

2 M. Harmon (interprétation). - Pour aborder maintenant ce dont

3 disposait l'armée serbe de Bosnie, pouvez-vous nous décrire cela de

4 manière plus détaillée ?

5 M. Kingori (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur

6 le Juge, je peux en tout cas dire que les Serbes disposaient d'une

7 structure organisée, d'une chaîne de commandement qu'ils respectaient. En

8 même temps, je peux dire aussi qu'ils avaient des armes lourdes, de

9 l'artillerie -j'ai bien vu qu'ils l'ont utilisée-, des mortiers, des

10 mitrailleuses, des lance-roquettes, des chars et d'autres types d'armes

11 lourdes encore.

12 M. Harmon (interprétation). - Avaient-ils des blindés de

13 transport de troupes, des jeeps ?

14 M. Kingori (interprétation). - Oui, en effet. En tout cas, par

15 la suite, ils en ont volé quelques-uns de la Forpronu, mais ceux-là sont

16 venus s'ajouter à ceux qu'ils avaient déjà.

17 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous donner une opinion sur

18 la structure, la chaîne de commandement : à votre avis, était-ce une

19 structure qui fonctionnait bien, qui était respectée, qui était efficace ?

20 M. Kingori (interprétation). - D'après ce que je sais, c'était

21 une structure qui fonctionnait bien, qui était bien organisée. On peut

22 parler d'organisation militaire tout à fait type. Parfois, quelqu'un vous

23 disait "Je ne peux pas vous donner la réponse à telle question avant de

24 consulter mes supérieurs". Cela montrait bien qu'il existait une structure

25 de commandement.

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1 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu l'impression, vous

2 est-il apparu que l'armée serbe de Bosnie était une entité, d'une part,

3 dans laquelle les rangs supérieurs émettaient des ordres et, d'autre part,

4 où les subordonnés exécutaient ces ordres ?

5 M. Kingori (interprétation). - Oui, tel était le cas : les hauts

6 responsables émettaient les ordres, les subordonnés obéissaient.

7 M. Harmon (interprétation). - Colonel Kingori, j'aimerais

8 maintenant me concentrer sur une réunion qui a eu lieu en juin 1995, à

9 l'hôtel Fontana, avec des représentants des Serbes de Bosnie. Vous

10 souvenez-vous de cette réunion ?

11 M. Kingori (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

12 M. Harmon (interprétation). - Comment cette réunion a-t-elle été

13 convoquée ?

14 M. Kingori (interprétation). - Elle a été convoquée par le

15 commandant Nikolic, toujours par l'intermédiaire de notre interprète

16 Petar. Puis, nous nous sommes réunis à l'hôtel Fontana.

17 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous personnellement assisté

18 à cette réunion ?

19 M. Kingori (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Du côté des Serbes de Bosnie, qui

21 a assisté à cette réunion ?

22 M. Kingori (interprétation). - Du côté des Serbes de Bosnie, le

23 commandant Nikolic, le colonel Vukovic, et d'autres hauts responsables.

24 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous soumettre la pièce

25 à conviction 28/4 et vous demander si l'homme que vous verrez sur ce

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1 cliché, la pièce à conviction 28/4 a assisté à cette réunion ?

2 Monsieur l'huissier, vous pouvez simplement utiliser la copie

3 que j'ai ici pour avancer plus rapidement. Placez-la sur le

4 rétroprojecteur.

5 (L'huissier s'exécute).

6 Pouvez-vous voir sur ce cliché… Est-ce que vous voyez une autre

7 personne présente ?

8 M. Kingori (interprétation). - Oui, cet individu assistait à la

9 réunion.

10 M. Harmon (interprétation). - Donc, pour le compte rendu

11 d'audience, sur la pièce 28/4, le colonel Kingori a identifié l'individu

12 au premier plan, la deuxième personne depuis la droite.

13 M. le Président. - Est-ce que le témoin serait en condition de

14 rappeler son nom ?

15 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez du

16 nom de la personne que vous avez identifiée ?

17 M. Kingori (interprétation). - Non, je ne peux pas me souvenir

18 de son nom.

19 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges quel

20 était le but de cette réunion ?

21 M. Kingori (interprétation). - L'objectif de la réunion était

22 principalement de discuter des gens qui se trouvaient dans l'enclave. Oui,

23 je crois que c'était surtout pour cela.

24 M. Harmon (interprétation). - Vous souvenez-vous de ce qui a été

25 dit au cours de la réunion concernant les personnes dans l'enclave ?

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1 M. Kingori (interprétation). - Il a été dit que les personnes

2 dans l'enclave devraient la quitter. Ils ont dit que ces gens n'y étaient

3 pas à leur place et devraient par conséquent quitter l'enclave. Et cela se

4 rapportait à toutes les personnes.

5 M. Harmon (interprétation). - Vous souvenez-vous qui au juste a

6 dit cela ?

7 M. Kingori (interprétation). - Cela a été dit par le colonel

8 Vukovic.

9 M. Harmon (interprétation). - A-t-il fait des déclarations que

10 vous avez considérées comme étant menaçantes ?

11 M. Kingori (interprétation). - Il a utilisé des termes qui me

12 paraissaient effectivement menaçants, parce qu'il a dit si les Musulmans

13 ne quittaient pas l'enclave, qu'il allait tous les tuer.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les militaires... Je me

15 reprends : est-ce d'autres militaires de l'armée serbe de Bosnie étaient

16 présents lorsque le colonel a dit cela ?

17 M. Kingori (interprétation). - Oui, comme je l'ai dit, d'autres

18 hauts responsables étaient présents.

19 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que d'autres hauts

20 responsables de l'armée serbe de Bosnie qui étaient présents avec le

21 colonel Vukovic ont exprimé leur désaccord avec l'opinion qu'il a

22 exprimée, ont essayé d'atténuer ses propos ?

23 M. Kingori (interprétation). - Si je me souviens bien, personne

24 n'a émis d'objection à ce que le colonel Vukovic a dit, personne n'en a

25 discuté. On avait l'impression qu'ils en avaient tous discuté, que le

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1 colonel Vukovic représentait un accord qui régnait parmi tous.

2 M. Harmon (interprétation). - A-t-on parlé du libre passage des

3 Musulmans pour sortir de l'enclave ?

4 M. Kingori (interprétation). - Oui, effectivement. Il a été dit

5 que si les Musulmans étaient prêts à quitter comme on leur demandait de

6 faire, on leur assurerait un libre passage pour quitter l'enclave, pour

7 réunir leurs frères à Tuzla.

8 M. Harmon (interprétation). - A la fin de cette réunion, colonel

9 Kingori, vous êtes-vous fait une opinion concernant les intentions de

10 l'armée serbe de Bosnie ? Avez-vous eu une impression particulière en

11 quittant cette réunion concernant ses objectifs ?

12 M. Kingori (interprétation). - Ce que j'ai pu ressentir,

13 l'impression que j'ai eue, c'est que quelque chose se tramait. On

14 projetait quelque chose pour s'assurer que ce que le colonel Vukovic avait

15 dit, ce dont il avait parlé serait mis à exécution. Les Musulmans devaient

16 quitter l'enclave. Le libre passage leur serait assuré, mais s'ils

17 n'étaient pas disposés à le faire, nous avions l'impression que quelque

18 chose allait être fait pour les obliger à le faire.

19 Et nous avons transmis cette impression à notre commandement.

20 M. Harmon (interprétation). - Lorsque l'attaque contre l'enclave

21 a commencé, où vous trouviez-vous exactement ?

22 M. Kingori (interprétation). - Je me trouvais dans l'immeuble de

23 la Poste -je dormais à cette heure-là-, moi-même et mon collègue.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous êtes resté dans

25 l'immeuble de la Poste depuis l'heure à laquelle l'attaque a commencé

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1 jusqu'à environ le 9 juillet ?

2 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, nous ne sommes pas

3 restés dans l'immeuble pour ainsi dire puisque nous sommes quand même

4 sortis pour vérifier, pour observer ce qui se passait. Nous sommes sortis

5 pour analyser encore une fois les cratères. Nous remplissions nos

6 fonctions habituelles en tant qu'observateurs militaires.

7 Puis nous revenions à l'immeuble pour rédiger les rapports sur

8 la situation et, pendant cette période, si d'autres choses se passaient,

9 nous répétions les mêmes fonctions.

10 En tout cas, nous nous trouvions à Srebrenica. Nous y sommes

11 restés jusqu'à ce que nous ayons quitté bien plus tard en direction de la

12 base Britbat.

13 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai maintenant à ce que

14 la pièce à conviction n°77 soit soumise au témoin. Il s'agit là d'une

15 série de rapports rédigés par les observateurs militaires de l'ONU et la

16 Forpronu entre le 6 juillet et le 18 juillet.

17 Colonel Kingori, avez-vous déjà vu ces rapports ? Est-ce que je

18 vous ai déjà montré ces rapports ? Les reconnaissez-vous ?

19 M. Kingori (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Ces rapports ont-ils été préparés

21 par vous-même ou le commandant Tetteh, l'autre observateur ? Ont-ils été

22 rédigés au moment même où les événements se déroulaient ?

23 M. Kingori (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Ces rapports contenaient-ils vos

25 observations dans ce que vous pouviez...

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1 M. le Président. - Est-ce que vous pouvez trouver une façon

2 expéditive, et efficace aussi, de présenter les rapports pour que le

3 public puisse quand même savoir ce que l'on traite ici ?

4 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'huissier voudrait

5 bien retirer le premier rapport, sous le chiffre 1 ?

6 M. le Président. - Les audiences sont publiques, on doit

7 toujours prendre cela comme principe. Les Juges voient les rapports peut-

8 être, mais le public doit aussi les voir. S'il vous plaît, monsieur

9 Harmon, merci.

10 M. Harmon (interprétation). - Oui, merci beaucoup, Monsieur le

11 Président.

12 Le rapport que l'on trouve dans la pièce à conviction 77/1, qui

13 se trouve sur le rétroprojecteur, est-ce un rapport rédigé par les

14 observateurs de l'ONU ou de la Forpronu ?

15 M. Kingori (interprétation). - Il s'agit d'un rapport rédigé par

16 les observateurs militaires ; cela se voit clairement dans la forme du

17 document. On voit donc "Quartier général des observateurs militaires-

18 Commandement de l'ONU".

19 M. Harmon (interprétation). - Y a-t-il une date sur ce rapport

20 et pouvez-vous montrer, indiquer avec le pointeur où la date figure sur le

21 rapport ?

22 M. Kingori (interprétation). - Voilà la date, c'est-à-dire le

23 6 juillet 1995.

24 M. Harmon (interprétation). - Y a-t-il eu un jour particulier où

25 vous avez envoyé plusieurs rapports à vos supérieurs hiériarchiques ?

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1 M. Kingori (interprétation). - Oui, en effet. Nous avons dû

2 envoyer un rapport de situation ; il y a eu d'autres événements et nous

3 avons donc dû mettre à jour ce rapport.

4 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'huissier voudrait

5 bien placer la pièce à conviction n°77/2 sur le rétroprojecteur ? Nous

6 allons pouvoir montrer la différence entre les différents rapports compris

7 dans la pièce à conviction 77.

8 M. le Président. - Mais je demande à la cabine technique, si

9 possible, quand le document est placé sur le rétroprojecteur, de nous

10 donner une vue d'ensemble du document ; et seulement après focalisé

11 l'aspect qui intéresse. Est-ce que la cabine technique m'entend ? Oui.

12 Vous pouvez encore montrer tout le document dans son ensemble général ?

13 OK, cela suffit. Merci beaucoup.

14 Excusez-moi, monsieur Harmon, de vous interrompre.

15 M. Harmon (interprétation). - Pour l'avenir, dans l'intérêt des

16 conseils de la défense et des Juges de la Chambre, je vous demande si le

17 rapport qui se trouve actuellement sur le rétroprojecteur est un rapport

18 des observateurs des Nations Unies ou de la Forpronu ?

19 M. Kingori (interprétation). - C'est un rapport de la Forpronu.

20 M. Harmon (interprétation). - Les observations que l'on trouve

21 dans ce rapport sont-elles le résultat du travail de membres de la

22 Forpronu ?

23 M. Kingori (interprétation). - Oui, en effet. C'est le résultat

24 du travail des membres de la Forpronu, et ces données n'ont pas grand-

25 chose à voir avec le travail des observateurs des Nations Unies.

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1 M. Harmon (interprétation). - Eh bien, pour que tout soit bien

2 clair à l'avenir, j'aimerais que nous parlions de ce que l'on peut lire à

3 la pièce à conviction du Procureur 77/6. Et je demanderais que ce document

4 soit placé sur le rétroprojecteur, je pense que cela sera utile pour les

5 conseils de la défense aussi que pour les Juges de la Chambre.

6 Colonel Kingori, ce rapport émane bien des observateurs des

7 Nations Unies, n'est-ce pas ?

8 M. Kingori (interprétation). - Oui, en effet.

9 M. Harmon (interprétation). - Eh bien, je demanderai que l'on

10 agrandisse le texte sur l'écran et que l'on voie bien le début du texte.

11 Très bien, merci.

12 Colonel, vous voyez en haut de la page le mot anglais "from" et,

13 en dessous, les lettres "DTG" suivies d'une série de chiffres et également

14 de la mention "juillet 1995". Pouvez-vous expliquer aux Juges ce que

15 signifient ces chiffres et, d'ailleurs, quelle est leur signification pour

16 ce texte-ci mais aussi pour d'autres textes que nous verrons ensuite ?

17 M. Kingori (interprétation). - "DTG" signifie "Date Heure

18 Groupe". Dans l'armée, ce numéro de référence commence par un numéro qui

19 indique la date -donc le mois d'août : 08-, ensuite l'heure

20 -14 heures 30-, ensuite la lettre B qui signifie le secteur concerné -je

21 crois qu'ici c'est le poste d'observation Bravo. Au Kenya et en Afrique

22 australe, on utilise un autre fuseau horaire. Donc le B indique le fuseau

23 horaire, et ensuite on a le mois, juillet, et l'année 95.

24 (L'interprète se reprend : le 8, c'était le jour, le 8)

25 M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, Colonel Kingori.

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1 J'espère que cela sera utile pour les Juges de cette Chambre lorsqu'ils

2 auront à examiner d'autres rapports, et utile également pour les conseils

3 de la défense chaque fois que nous examinerons un rapport de ce genre, car

4 je n'ai pas l'intention de rentrer dans tous les détails de tous les

5 rapports avec vous, Colonel Kingori. Cela nous prendrait trop de temps, je

6 pense que ce ne serait pas absolument indispensable.

7 Mais je vous demanderais si ces rapports que l'on voit dans la

8 pièce à conviction du Procureur n° 77, que vous avez déjà vus avant cette

9 audience, rendent fidèlement compte des événements tels que vous les avez

10 perçus sur le terrain ?

11 M. Kingori (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant que nous

13 parlions d'abord de l'attaque de Srebrenica et du début de cette attaque.

14 M. Kingori (interprétation). - L'attaque contre l'enclave a

15 commencé le 6 juillet 1995.

16 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie,

17 résumer les méthodes qui ont été utilisées au cours de cette attaque et

18 les éléments qui étaient la cible de cette attaque ?

19 M. Kingori (interprétation). - Ce jour-là, dans la matinée, nous

20 avons été réveillés par le bruit d'un pilonnage, ce qui impliquait donc

21 l'emploi de pièces d'artillerie lourde, obus, mortiers, etc. C'est donc

22 ainsi que nous avons été réveillés ce matin-là.

23 Ce jour-là, l'attaque se concentrait sur le village de

24 Srebrenica, ainsi que sur le secteur de Potocari. Et pour autant que je le

25 savais, il n'existait pas de cibles militaires dans ces secteurs. A

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1 Srebrenica, ils visaient les routes, les environs de l'hôpital, des

2 maisons. Donc, à ma connaissance, leurs cibles n'étaient pas des cibles

3 militaires puisqu'il n'en existait pas dans le secteur.

4 M. Harmon (interprétation). – Pourriez-vous dire quelle était

5 l'intensité du pilonnage pendant les trois jours que vous avez passés à

6 Srebrenica, en tant que tel ?

7 M. Kingori (interprétation). – Je dirai que cette intensité

8 était très importante. Il y a eu des moments où nous avons pu compter une

9 centaine d'obus tombant en un seul et même endroit. Voyez-vous, c'était un

10 pilonnage permanent, continu, visant en permanence le même secteur, donc

11 un pilonnage très intensif, compte tenu de la dimension de ces villages.

12 M. Harmon (interprétation). – Vous avez parlé de l'hôpital.

13 Qu'est-il arrivé à l'hôpital de Srebrenica ?

14 M. Kingori (interprétation). – L'hôpital a été raté trois fois,

15 autrement dit, trois obus ont raté l'hôpital et nous en avons déduit que

16 l'hôpital était une véritable cible du pilonnage et que c'est en raison de

17 l'imprécision de leurs armes qu'ils n'ont pas atteint cet hôpital

18 puisqu'en fait, ils l'ont raté de quelques mètres à peine.

19 M. Harmon (interprétation). – L'hôpital a t-il été endommagé ?

20 M. Kingori (interprétation). – Les vitres ont été brisées par

21 les éclats d'obus mais en dehors de cela, il n'y a pas eu d'endommagement

22 grave de l'hôpital.

23 M. Harmon (interprétation). – Là où vous étiez vous-même avec le

24 commandant Tetteh dans le bâtiment des PTT, les obus ont-ils atteint ce

25 bâtiment ?

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1 M. Kingori (interprétation). – Le bâtiment de la Poste n'a pas

2 été atteint par ce pilonnage-là mais il a été atteint, frappé plus tard.

3 Il a été atteint à plusieurs reprises, c'est-à-dire qu'on a vu plusieurs

4 fois des obus tomber juste en face, sur une colline toute proche. Peut-

5 être qu'ils visaient ce secteur, mais en tout cas ils nous ont raté cette

6 fois-là. C'est seulement dans l'après-midi, quand nous nous étions déjà

7 retirés dans la base du Bataillon néerlandais, que le bâtiment a été

8 atteint.

9 M. Harmon (interprétation). – Que pouvez-vous dire, Colonel

10 Kingori, de cette attaque d'artillerie, au cours des journées que vous

11 avez passées à Srebrenica ? Quelles étaient les cibles visées directement

12 par les obus à ce moment-là ?

13 M. Kingori (interprétation). – A notre connaissance, pendant

14 cette période, la cible principale était la population des secteurs où

15 nous avions l'habitude de patrouiller, autrement dit, des civils, parce

16 qu'ils pilonnaient pendant quelque temps les maisons, les villages,

17 attendaient un moment avant de repilonner ce village. Donc, à notre avis,

18 tout cela signifiait qu'ils attendaient que les habitants sortent de leur

19 maison, ce qui leur aurait donné la possibilité de regrouper les blessés

20 et de les emmener avec eux et peut-être de fouiller les maisons. Puis,

21 ensuite, ils pilonnaient une nouvelle fois. D'après nous, tout cela était

22 destiné à faire le plus grand nombre possible de victimes parmi les

23 civils, parmi les habitants.

24 M. Harmon (interprétation). – A votre avis, pourquoi visaient-

25 ils les civils ?

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1 M. Kingori (interprétation). – A mon avis, ils avaient un motif

2 principal qui était de les contraindre à quitter l'enclave, donc ils les

3 harcelaient le plus possible parce que, comme ils l'avaient déjà dit

4 auparavant, ils ne voulaient pas que les Musulmans continuent à vivre dans

5 l'enclave, ils voulaient les forcer à partir. Je parle des Serbes. Donc ce

6 qu'ils faisaient, c'était de disséminer la peur, la panique pour

7 contraindre les Musulmans à quitter l'enclave.

8 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous fini par quitter la

9 ville de Srebrenica pour vous rendre à Potocari ?

10 M. Kingori (interprétation). – Oui. En fait, nous avons essayé

11 de rester à Srebrenica parce que nous voulions être le plus près possible

12 de l'endroit où les obus tombaient en si grand nombre, de façon à pouvoir

13 rendre compte de la façon la plus précise qui soit. Mais un moment est

14 arrivé où nous nous sommes sentis directement menacés. Nous avons vu un

15 char qui se trouvait à peine à deux kilomètres de l'endroit où nous étions

16 nous-mêmes, et qui dirigeait son canon contre nous. Donc nous avons pensé

17 que nous risquions fort de devenir une cible directe ; nous avons craint

18 pour notre sécurité et, à ce moment-là, nous avons décidé de quitter cet

19 endroit. Je ne rentrerai pas dans tous les détails, mais il est vrai qu'au

20 moment où nous sommes partis, les Musulmans ne souhaitaient pas nous voir

21 partir : ils avaient le sentiment que si nous partions, les Serbes

22 allaient tout simplement prendre le contrôle de cet endroit. Ils pensaient

23 en fait que les Serbes ne frappaient pas cet endroit aussi gravement

24 qu'ils auraient pu le faire si nous n'avions pas été présents. Quand je

25 dis "nous", je parle des observateurs des Nations Unies. Et donc les

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1 Musulmans pesaient que si nous partions, les Serbes pourraient faire tout

2 ce qu'ils voulaient dans ces villages.

3 M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, je ne sais

4 pas exactement à quelle heure vous souhaitez une pause. Je suis prêt à

5 poursuivre, mais j'aimerais avoir votre opinion sur l'heure de la pause

6 éventuelle.

7 M. le Président – Il faudrait faire une répartition du temps.

8 Peut-être il serait bien de faire une pause maintenant. Nous avons les

9 questions que nous devions traiter, donc je crois qu'il serait bien de

10 terminer pour aujourd'hui le témoignage du colonel Kingori. Vers 2 heures

11 et quart, nous aurions un quart d'heure pour discuter des questions que

12 nous avions commencé à débattre.

13 Nous allons faire une pause de 20 minutes maintenant. Nous

14 reprenons le témoignage du colonel Kingori et on ne peut pas dépasser en

15 principe 2 heures et quart parce qu'on va garder un quart d'heure pour

16 débattre des questions que nous avions soulevées.

17 (La séance est levée à 12 heures 45 et reprise à 13 heures 17)

18

19 M. le Président. - Monsieur Harmon, nous allons continuer

20 jusqu'à deux heures et quart plus ou moins, s'il vous plaît.

21 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

22 Colonel Kingori, le 9 juillet, vous êtes allé à Potocari, n'est-

23 ce pas ?

24 M. Kingori (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). - A quelle heure à peu près êtes-

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1 vous arrivés à Potocari ? Et à quel endroit précis y êtes-vous allés ?

2 M. Kingori (interprétation). - Nous avons quitté le bâtiment des

3 PTT aux alentours de 18 heures. Je crois pouvoir dire que nous sommes

4 arrivés à Potocari 10 à 15 minutes plus tard.

5 M. Harmon (interprétation). - Où êtes-vous allés précisément à

6 Potocari ?

7 M. Kingori (interprétation). - Nous nous sommes rendus dans la

8 base du Bataillon néerlandais à Potocari, c'est-à-dire l'endroit où était

9 stationné le Bataillon néerlandais.

10 M. Harmon (interprétation). - Le lendemain, le 10 juillet, avez-

11 vous tenté de prendre contact avec des représentants de la partie serbe ?

12 M. Kingori (interprétation). - Oui, nous avons essayé de le

13 faire mais nous n'avons pas réussi.

14 M. Harmon (interprétation). - Qui avez-vous contacté ? Qui

15 vouliez-vous rencontrer ?

16 M. Kingori (interprétation). - Nous voulions prendre un contact

17 avec le commandant Nikolic et nous avons essayé de le faire en recourant

18 aux services de notre interprète Petar.

19 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous réussi ?

20 M. Kingori (interprétation). - Non, nous n'avons pas réussi.

21 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais appeler votre attention

22 sur la journée du 11 juillet, un jour plus tard. Pouvez-vous me dire, et

23 dire aux Juges de la Chambre, à quel moment les réfugiés ont commencé à

24 affluer dans Potocari, aux environs le 11 juillet ? A quelle heure ?

25 M. Kingori (interprétation). - Les réfugiés ont commencé à

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1 affluer dans l'après-midi du 11 juillet.

2 M. Harmon (interprétation). - Le 11 juillet, êtes-vous en mesure

3 d'estimer le nombre des réfugiés qui se trouvaient à l'intérieur de la

4 base des Nations Unies à Potocari et aux environs de la base ?

5 M. Kingori (interprétation). - Ce que je me rappelle, c'est qu'à

6 l'intérieur de la base, il y avait environ 5000 réfugiés et qu'à

7 l'extérieur, ils étaient encore plus nombreux. Je dirai qu'ils pouvaient

8 atteindre 7, 8 et peut-être même 10.000.

9 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges de

10 quelle façon vous évaluez la composition de cette foule du point de vue du

11 sexe et de l'âge ?

12 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, peut-être les

13 pourcentages que je vais évoquer ne seront-ils pas absolument exacts, mais

14 les hommes étaient en nombre plus réduit que les femmes. Je dirais qu'il y

15 avait sans doute 90 % de femmes et 20 % d'hommes.

16 Et puis, il faut ajouter que les hommes qui se trouvaient à cet

17 endroit étaient pour la plupart assez âgés -en tout cas pas en âge de

18 combattre- ou très jeunes.

19 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il suffisamment de

20 nourriture et d'eau pour tous ces réfugiés ?

21 M. Kingori (interprétation). - Pour autant que je me rappelle

22 nous avions un problème d'eau et aussi des problèmes de nourriture. De

23 l'eau, nous n'en avions pas à distribuer aux réfugiés. Or, les gens

24 avaient très soif.

25 A l'intérieur de la base du Bataillon néerlandais, nous

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1 disposions d'une certaine quantité d'eau, mais ceux qui se trouvaient à

2 l'extérieur n'en ont reçu aucune.

3 M. Harmon (interprétation). - Vous rappelez-vous les conditions

4 météorologiques ce 11 juillet ?

5 M. Kingori (interprétation). - Le 11, il faisait très chaud

6 pendant la journée, mais la nuit il a fait très froid.

7 M. Harmon (interprétation). - Le 11 juillet, avez-vous reçu un

8 appel téléphonique d'un représentant des Serbes de Bosnie ? D'ailleurs,

9 avez-vous reçu un appel téléphonique ou avez-vous eu un contact par radio

10 ou une quelconque autre forme de communication avec eux ?

11 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, le 11 juillet, Petar a

12 essayé de communiquer avec nous pour demander qu'une réunion soit

13 organisée avec le commandant Nikolic, entre le commandant Nikolic et nous-

14 mêmes ainsi que la Forpronu. Mais lorsque nous avons demandé une

15 autorisation au quartier général des Nations Unies, nous ne l'avons pas

16 reçue.

17 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi ?

18 M. Kingori (interprétation). - A ce moment-là, les Nations Unies

19 estimaient que, puisque des raids aériens avaient été demandés, c'était

20 peut-être cette demande de raids aériens qui était la cause de cette

21 proposition de réunion.

22 Auquel cas nous aurions risqué de servir de boucliers humains

23 pour empêcher ces frappes aériennes et nous-mêmes, ainsi que le quartier

24 général des Nations Unies, craignions que de telles choses se produisent.

25 Donc nous courrions un risque, d'après eux.

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1 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous vu des combattants

2 musulmans armés, à l'intérieur ou aux alentours de la base de Potocari, au

3 cours de cette journée du 11 juillet ?

4 M. Kingori (interprétation). – Oui, il y avait de nombreux

5 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui se sont regroupés à cet

6 endroit, ce jour-là.

7 M. Harmon (interprétation). – Si j'ai parlé de soldats serbes,

8 j'ai fait une erreur. Je pensais aux combattants musulmans. Avez-vous vu

9 des combattants musulmans le 11 juillet ?

10 M. Kingori (interprétation). – Il n'y avait pas de soldats

11 musulmans à cet endroit, ce jour-là.

12 M. Harmon (interprétation). – Le 11 juillet, des pilonnages ont-

13 ils eu lieu contre la base de Potocari ou les alentours de la base ?

14 M. Kingori (interprétation). – Pour autant que je m'en

15 souvienne, les pilonnages se sont poursuivis ce jour-là.

16 M. Harmon (interprétation). – Vous rappelez-vous quels étaient

17 les secteurs pilonnés ?

18 M. Kingori (interprétation). – Potocari était une cible,

19 Srebrenica également. Nous entendions des roquettes qui nous survolaient

20 pour atteindre d'autres parties de l'enclave également mais, en tous cas,

21 Potocari et Srebrenica étaient toujours des cibles.

22 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous pu voir quels étaient

23 les endroits visés par ces roquettes ou ces obus ?

24 M. Kingori (interprétation). – Dans certains cas, oui, notamment

25 s'agissant des obus ou des roquettes qui visaient Potocari et ses

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1 environs. Mais si la cible se situait plus loin, nous ne pouvions pas voir

2 où les obus et les roquettes tombaient. En tous cas, s'agissant de

3 Srebrenica, nous avions avec nous un interprète qui venait de Srebrenica

4 et qui a pu nous dire ce qui s'y passait. Donc Srebrenica a été frappée.

5 M. Harmon (interprétation). – J'aimerais à présent que nous

6 parlions du lendemain, le 12 juillet. Avez-vous vu des soldats serbes de

7 Bosnie arriver à cet endroit, le 12 juillet ?

8 M. Kingori (interprétation). – Oui.

9 M. Harmon (interprétation). – Dans votre souvenir, ils sont

10 arrivés à peu près quelle heure ?

11 M. Kingori (interprétation). – Cela s'est passé dans la matinée,

12 je m'en souviens très bien. Oui, ils sont arrivés dans la matinée.

13 M. Harmon (interprétation). – Pouvez-vous décrire les soldats

14 que vous avez vus arriver dans le secteur de Potocari ?

15 M. Kingori (interprétation). – Je me rappelle avoir vu des

16 soldats arriver à cet endroit, qui portaient un uniforme noir. Ils avaient

17 un aspect physique différent des soldats de l'armée de Bosnie Herzégovine

18 que nous avions l'habitude de voir dans les environs.

19 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous vu d'autres soldats en

20 dehors de ceux-là ?

21 M. Kingori (interprétation). – J'ai vu arriver également des

22 soldats qui portaient un uniforme de camouflage vert, à savoir l'uniforme

23 de camouflage normal des soldats de Bosnie-Herzégovine. Il y en avait

24 aussi qui portaient un uniforme bleu, l'uniforme normal, courant de la

25 police.

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1 M. Harmon (interprétation). – Quelle a été la réaction des

2 habitants musulmans lorsqu'ils ont vu arriver les soldats serbes de

3 Bosnie ?

4 M. Kingori (interprétation). – Eh bien, leur réaction a été une

5 réaction de peur, ils ont tous eu peur quand ils les ont vu arriver. On

6 voyait la crainte dans leurs yeux, l'incertitude ; ils ne savaient pas ce

7 qui allait leur arriver puisqu'ils étaient désormais regroupés au même

8 endroit ; ils craignaient beaucoup ce qui risquait de leur arriver. On

9 lisait dans leurs yeux la peur et, lorsqu'on parlait avec eux, ils

10 exprimaient tous cette même peur.

11 M. Harmon (interprétation). – Le 12 juillet, à un moment ou à un

12 autre, les représentants de l'armée serbe de Bosnie sont-ils venus dans la

13 base des Nations Unies ?

14 M. Kingori (interprétation). – Oui.

15 M. Harmon (interprétation). – Pouvez-vous décrire aux Juges dans

16 quelles circonstances ils sont venus, et qui est venu ?

17 M. Kingori (interprétation). – Ceux qui sont venus l'ont fait

18 pour vérifier qu'il n'y avait pas de soldats musulmans à l'intérieur de la

19 base, des hommes armés en tout cas ; ils cherchaient des soldats

20 musulmans. En deuxième lieu, ils voulaient voir qui se trouvait dans la

21 base parce que, lorsque nous les avions rencontrés, nous leur avions dit

22 qu'à l'intérieur de la base, ne se trouvaient que des blessés, des femmes

23 âgées de Srebrenica et peut-être ne nous ont-ils pas entièrement crus.

24 Donc ils ont voulu vérifier cela de leurs yeux.

25 M. Harmon (interprétation). – Etiez-vous présent lorsque ces

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1 représentants de l'armée des Serbes de Bosnie sont arrivés ?

2 M. Kingori (interprétation). – Oui, j'étais là en personne.

3 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous identifié certains des

4 représentants de l'armée serbe de Bosnie qui sont entrés dans la base à ce

5 moment-là ?

6 M. Kingori (interprétation). – Je me souviens de certains

7 d'entre eux, certains.

8 M. Harmon (interprétation). – Qui étaient-ils ?

9 M. Kingori (interprétation). – Il y avait en tous cas le

10 commandant Nikolic, l'interprète Petar, le colonel Vukovic et Krstic était

11 là aussi, ainsi qu'un autre officier supérieur dont je ne me rappelle pas

12 le nom, mais je me rappelle le visage.

13 M. Harmon (interprétation). – Vous avez déjà identifié Petar et

14 vous avez mentionné le nom de Krstic.

15 M. Kingori (interprétation). – Oui.

16 M. Harmon (interprétation). - Qui était Krstic ?

17 M. Kingori (interprétation). - Il nous a été présenté en même

18 temps que les autres officiers supérieurs présents. On nous a dit qu'il

19 était l'un des officiers supérieurs de l'armée serbe de Bosnie, mais je ne

20 me rappelle pas le reste très précisément.

21 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous une photographie de

22 l'homme que vous avez identifié en tant que Krstic ?

23 M. Kingori (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Cet homme est-il présent dans le

25 prétoire aujourd'hui ?

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1 M. Kingori (interprétation). - Puis-je me lever ? Je crois que

2 c'est l'homme qui se trouve ici.

3 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous le décrire pour le

4 compte rendu d'audience ?

5 M. Kingori (interprétation). - A ce moment-là, il portait un

6 uniforme de camouflage vert, donc il m'est un peu difficile de

7 l'identifier aujourd'hui.

8 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire les

9 vêtements qu'il porte sur lui aujourd'hui ?

10 M. Kingori (interprétation). - Aujourd'hui, il porte un costume

11 noir et une chemise bleue, ainsi qu'une cravate à pois.

12 M. Harmon (interprétation). - Pour le compte rendu d'audience,

13 Monsieur le Président, je demande qu'il soit consigné que l'accusé a été

14 identifié par le colonel Kingori. Colonel Kingori, vous pouvez vous

15 rasseoir.

16 (Note de l'interprète : dans les 5 ou 6 réponses de la dernière

17 période, chaque fois qu'elle a dit "armée de Bosnie-Herzégovine", il

18 s'agissait de l'armée des Serbes de Bosnie.)

19 Je vous pose à présent la question suivante : qui vous a

20 présenté au général Krstic ?

21 M. Kingori (interprétation). - Je ne le connaissais pas comme

22 étant un général, à l'époque, mais il m'a été présenté par le commandant

23 Nikolic.

24 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps le commandant

25 Nikolic et le général Krstic, Petar et les autres hommes sont-ils restés

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1 avec vous dans la base des Nations Unies ou aux environs de la base, ce

2 jour-là ?

3 M. Kingori (interprétation). - Nous sommes restés ensemble dans

4 ce secteur, à l'intérieur de la base des Nations Unies, pendant une

5 cinquantaine de minutes.

6 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que vous ne

7 connaissiez pas le nom de certains des autres hommes, mais que vous

8 pouviez les reconnaître. J'aimerais que l'on vous soumette la pièce à

9 conviction de l'accusation 28 et j'aimerais vous demander si vous pouvez

10 identifier l'un des hommes dont le nom est mentionné dans cette pièce ?

11 L'avez-vous fait ?

12 M. Kingori (interprétation). - Oui, en effet.

13 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que la pièce 28/3.2

14 soit placée sur le rétroprojecteur. Je vous la montre, c'est celle-ci,

15 dans l'intercalaire 1. Intercalaire 1... Je vais vous donner mon

16 exemplaire.

17 Pouvez-vous identifier l'une des personnes que vous avez vues en

18 compagnie du commandant Nikolic, de Petar et du général Krstic dans la

19 base, ce jour-là ?

20 M. Kingori (interprétation). - Cet homme était présent.

21 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, pour le

22 compte rendu d'audience, le témoin a placé le pointeur sur l'homme que

23 l'on voit à gauche de la photographie.

24 A présent, monsieur le Témoin, j'aimerais vous montrer une autre

25 photographie. Pièce à conviction du Procureur 28/1. Voyez-vous ce même

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1 homme sur cette photographie ?

2 M. Kingori (interprétation). - Oui, c'est cet homme, ici.

3 M. Harmon (interprétation). - Le témoin a indiqué l'homme qui se

4 trouve à l'extrême gauche de la photographie que nous venons de lui

5 montrer. Merci beaucoup, monsieur l'huissier.

6 Colonel, après le départ de ces hommes, avez-vous eu l'occasion

7 de voir le général Mladic ?

8 M. Kingori (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire aux Juges dans

10 quelles circonstances vous avez rencontré le général Mladic ?

11 M. Kingori (interprétation). - A ce moment-là, les soldats de

12 l'armée serbe de Bosnie circulaient sur la route adjacente à la base des

13 Nations Unies. J'ai effectué une mission de routine, j'ai circulé dans le

14 secteur pour voir ce qui se passait. C'est à ce moment-là que j'ai vu un

15 groupe de soldats serbes de Bosnie qui entouraient un homme. Cela a

16 suscité ma curiosité et, lorsque je suis arrivé sur les lieux, j'ai vu le

17 général Mladic que j'ai pu identifier parce que je l'avais déjà vu à la

18 télévision. Je l'ai vu aussi en photo, etc. Donc j'ai en tout cas réussi à

19 l'identifier.

20 M. Harmon (interprétation). - Que faisait-il ?

21 M. Kingori (interprétation). - A cet instant précis, je ne me

22 rappelle plus exactement si c'est à ce moment-là qu'il distribuait... Oui,

23 oui, c'est à ce moment-là qu'il distribuait des boissons gazeuses, des

24 bonbons, des sucreries aux réfugiés qui se trouvaient à l'extérieur de la

25 base.

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1 M. Harmon (interprétation). - En dehors du général Mladic qui

2 distribuait des boissons gazeuses et des sucreries aux réfugiés, avez-vous

3 vu quelqu'un d'autre agir de même ?

4 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, il y avait d'autres

5 officiers supérieurs et d'autres soldats qui faisaient la même chose, qui

6 distribuaient aussi des boissons et des bonbons.

7 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que l'on vous remette

8 la pièce à conviction du Procureur 78, qui est une courte séquence vidéo

9 que nous avons déjà vue.

10 Pour accélérer les débats, j'ai donc demandé qu'une petite

11 portion d'un film que nous avons vu en entier soit montée sous forme de

12 séquence distincte. C'est la pièce à conviction 78. Je demanderai donc

13 qu'on la diffuse et que le témoin regarde l'écran qui se trouve devant

14 lui.

15 (Projection d'une vidéo).

16 M. Harmon (interprétation). - Colonel, avez-vous vu ces images ?

17 Ces images correspondent-elles à des scènes que vous avez vues sur place ?

18 M. Kingori (interprétation). - Oui, j'étais là quand la

19 distribution a eu lieu.

20 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous vu d'autre ?

21 M. Kingori (interprétation). - A ce moment-là, pendant que la

22 distribution se poursuivait, il y avait quelqu'un qui tenait une caméra et

23 qui a filmé tout ce qui se passait pendant cette distribution. A ce

24 moment-là, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une opération de propagande, que

25 peut-être ils voulaient montrer au monde qu'ils faisaient quelque chose de

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1 bien pour ces gens, et peut-être faire oublier à la communauté

2 internationale ce qu'ils avaient fait contre cette population.

3 A ce moment-là, j'ai vu aussi qu'à un moment déterminé, la

4 caméra s'est détournée dans une direction différente parce que certains

5 soldats ramassaient les bonbons qu'ils venaient de distribuer soi-disant

6 aux enfants. C'est quelque chose de tout à fait particulier. Je n'ai pas

7 compris pourquoi ils agissaient ainsi. C'est ce qui m'a contraint à

8 conclure que c'était sans doute une opération de propagande et qu'ils

9 voulaient montrer à la communauté internationale qu'ils n'agissaient pas

10 contre les Musulmans.

11 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas bien

12 compris ce que vous venez de dire ? Qu'avez-vous conclu quand vous avez vu

13 ces soldats ramasser les bonbons ? Qu'avez-vous conclu ? Que ce n'était

14 pas un geste dirigé contre les Musulmans ?

15 M. Kingori (interprétation). - La conclusion que j'ai tirée,

16 monsieur le Juge, c'est que s'ils ramassaient les bonbons en les enlevant

17 aux personnes à qui ils les avaient distribués, eh bien, ils n'avaient

18 distribué ces bonbons sous l'œil de la caméra que dans le but de faire

19 croire à la communauté internationale qu'ils faisaient du bien à cette

20 population, de façon que l'opinion de la communauté internationale change

21 et que celle-ci oublie les actes négatifs qu'ils avaient commis contre ces

22 personnes.

23 M. Riad (interprétation). - Merci.

24 M. Harmon (interprétation). - Colonel Kingori, avez-vous vu le

25 général Mladic une fois ou plusieurs fois le 12 juillet ?

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1 M. Kingori (interprétation). - Le 12, je l'ai vu deux fois, je

2 crois, deux fois.

3 M. Harmon (interprétation). - Dans quelles circonstances l'avez-

4 vous vu la deuxième fois ?

5 M. Kingori (interprétation). - La deuxième fois, c'est lorsque

6 je me suis rendu compte qu'il y avait un tri qui se faisait entre les

7 hommes et les femmes et les enfants. Les hommes étaient emmenés ailleurs

8 dans une maison, lorsque l'on sort de Srebrenica, une maison vers la

9 gauche lorsque l'on quitte Potocari.

10 Je ne comprenais pas pourquoi ce tri s'effectuait et la manière

11 dont les hommes étaient détenus dans ce bâtiment. C'étaient des conditions

12 difficiles, le bâtiment était surpeuplé. Franchement, ce me paraissait de

13 très mauvaises conditions, raison pour laquelle j'ai abordé le général

14 Mladic et je lui ai demandé ce qui se passait, pourquoi est-ce qu'ils

15 agissaient ainsi : réunir toutes ces personnes dans un endroit aussi

16 petit, ils étaient tellement à l'étroit.

17 Donc je lui ai demandé : pourquoi faites-vous cela ? Il m'a

18 répondu qu'ils ne faisaient rien de mal. En fait, les gens étaient très à

19 l'aise, ils se trouvaient très bien dans ce bâtiment. Il m'a prié de

20 l'accompagner, mais il y a eu une période de temps qui s'est écoulée entre

21 deux. Je l'ai donc accompagné.

22 Quelques soldats de l'armée serbe de Bosnie avaient déjà pu se

23 rendre à la maison en question. Et lorsque nous y sommes arrivés, ils

24 étaient en train de distribuer de la bière, des boissons gazeuses aux

25 hommes qui s'y trouvaient. Et il m'a dit : "Vous voyez bien ! Les

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1 conditions sont bonnes, ils sont très bien logés, ils ont des boissons."

2 Alors qu'est-ce que je pouvais lui dire ? Je ne pouvais rien

3 faire. J'avais essayé d'y aller et l'on m'a empêché d'y aller. Et là, j'ai

4 accompagné le général Mladic mais je n'ai pas été autorisé à pénétrer dans

5 la maison.

6 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que "vous avez tenté

7 de pénétrer dans la maison" ; plutôt qui vous en a empêché ?

8 M. Kingori (interprétation). - Les soldats de l'armée serbe de

9 Bosnie ; les soldats gardaient la maison. Ce sont eux qui m'ont interdit

10 d'y entrer.

11 M. Harmon (interprétation). - En conséquence, vous êtes allé

12 voir le général Mladic, je présume. Et il s'y est ensuite rendu avec vous.

13 M. Kingori (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai fait.

14 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu le général Krstic et

15 d'autres officiers supérieurs à d'autres occasions, ce jour-là ?

16 M. Kingori (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Veuillez décrire aux Juges les

18 circonstances dans lesquelles vous avez vu le général Krstic et d'autres

19 officiers supérieurs ?

20 M. Kingori (interprétation). - Monsieur le Président,

21 monsieur le Juge, lorsque j'étais avec le général Mladic ces autres hommes

22 étaient présents, dans les environs en tout cas, tout près. Et puis… Je ne

23 peux pas me souvenir de l'autre endroit où je l'ai vu.

24 M. Harmon (interprétation). - Quand vous dites "ces individus",

25 "ces personnes", est-ce que vous pouvez être plus précis ?

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1 M. Kingori (interprétation). - Je parle des officiers supérieurs

2 de l'armée des Serbes de Bosnie. Encore une fois, le commandant Nikolic,

3 le colonel Vukovic -ce sont les noms dont je me souviens-, Krstic et une

4 autre personne qui s'est présentée comme le conseil juridique... mais je

5 ne me souviens pas de son nom... Skumlic ou quelque chose de ce genre.

6 Il m'a dit qu'il était conseil juridique. Il a même noté son

7 adresse à mon intention ; je l'ai toujours cette adresse, d'ailleurs.

8 M. Harmon (interprétation). - Quelle langue parlait-il ?

9 M. Kingori (interprétation). - Il s'exprimait en anglais. Il

10 parlait bien l'anglais d'ailleurs. Raison pour laquelle nous avons pu

11 communiquer.

12 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous soumettre la pièce

13 à conviction 28-13/1.

14 Monsieur l'huissier, vous trouverez cette photo dans

15 l'intercalaire 11. Veuillez le soumettre au témoin.

16 Pouvez-vous identifier cet individu ?

17 M. Kingori (interprétation). - C'est la personne qui s'est

18 présentée en tant que conseil juridique, je me souviens bien.

19 M. Harmon (interprétation). - Celui qui parlait anglais, donc ?

20 M. Kingori (interprétation). - Oui, celui qui parlait anglais.

21 M. Harmon (interprétation). - Plus tôt dans votre déposition,

22 vous avez identifié une personne, dans la pièce à conviction 28.8/1. Vous

23 trouverez cela dans l'intercalaire 6. L'individu à gauche sur cette photo,

24 l'avez-vous revu ce jour même ?

25 M. Kingori (interprétation). - J'y étais... Oui, nous y étions

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1 avec lui, il était présent.

2 M. Harmon (interprétation). - Et la deuxième fois ?

3 M. Kingori (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également identifié un

5 individu dans la pièce à conviction 28/4. Veuillez soumettre cela au

6 témoin. L'individu que vous avez identifié précédemment dans la pièce à

7 conviction 28/4, le voyez-vous sur la photo ? Est-ce qu'elle était

8 présente ?

9 M. Kingori (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez pu voir ce

11 que l'accusé, le général Krstic, et ces autres personnes étaient en train

12 de faire ?

13 M. Kingori (interprétation). - Je me souviens qu'ils entraient

14 et qu'ils sortaient. A certains moments, ils étaient avec nous, avec le

15 général Mladic et, à d'autres moments, ils sortaient se joindre aux

16 soldats, leur parler. D'après ce que j'ai pu comprendre, je pensais qu'ils

17 leur donnaient des ordres. Puis, ils revenaient vers nous ou partaient

18 encore ailleurs. Ils allaient et ils venaient.

19 M. Harmon (interprétation). - Monsieur l'huissier, vous pouvez

20 ôter cette pièce à conviction ? Je vous remercie.

21 Avez-vous vu l'accusé et ces autres personnes près de la zone

22 dans laquelle les hommes musulmans qui avaient été séparés étaient

23 détenus ?

24 M. Kingori (interprétation). - Quand je m'y rendu avec le

25 général Mladic, ces personnes y étaient, nous y étions tous ensemble.

Page 1850

1 M. Harmon (interprétation). - Si vous voulez bien mettre sur le

2 rétroprojecteur la pièce à conviction 5/17 ? Veuillez identifier, s'il

3 vous plaît, cet endroit en particulier. Reconnaissez-vous cet immeuble ?

4 M. Kingori (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - De quel immeuble s'agit-il ?

6 M. Kingori (interprétation). - C'est l'immeuble que nous

7 appelions la "maison blanche" où les hommes étaient emmenés.

8 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il plusieurs immeubles

9 vers lesquels les hommes étaient emmenés ?

10 M. Kingori (interprétation). - La maison blanche était une des

11 maisons. L'autre était ailleurs. Mais quand j'ai vu les hommes séparés,

12 c'est vers la maison blanche qu'on les emmenait.

13 M. Harmon (interprétation). - Je vous montre une nouvelle pièce

14 à conviction [53/B]. Je prie l'huissier de mettre cette pièce sur le

15 rétroprojecteur et je demande au témoin d'identifier donc, sur la pièce à

16 conviction [53/B] le deuxième emplacement, l'endroit où d'autres hommes

17 étaient détenus.

18 M. Kingori (interprétation). - C'est difficile à dire sur ce

19 cliché, mais c'était par ici.

20 M. Harmon (interprétation). - Voudriez-vous bien montrer ou

21 entourer avec ce feutre l'emplacement exact où les hommes étaient

22 détenus ? Je vous remercie, Colonel Kingori.

23 Avez-vous vu, de vos propres yeux, les hommes séparés ? Avez-

24 vous vu ce qui leur est arrivé, ce qu'ils sont devenus lorsqu'ils

25 s'approchaient de ces deux maisons ?

Page 1851

1 M. Kingori (interprétation). - Si je peux commencer par parler

2 de la maison blanche, j'y étais personnellement et j'ai vu les hommes

3 emmenés vers cette maison, contraints de laisser derrière eux tous leurs

4 effets personnels au carrefour, sur la route, tous leurs effets

5 personnels ! J'entends par là l'argent qu'ils avaient, leur porte-monnaie,

6 leur canif, quelque effet personnel qu'ils pouvaient avoir, leur sac. Ils

7 étaient obligés de tout laisser sur la route avant d'entrer dans la

8 maison.

9 En ce qui concerne l'autre maison, celle que je viens de situer

10 sur la photo, les hommes qui y étaient emmenés, et là il s'agit de ce que

11 j'ai entendu dire -quelques soldats néerlandais me l'ont raconté-, ils ont

12 été emmenés derrière l'immeuble. Ils ne savaient pas ce qui s'y passait.

13 Alors, j'ai décidé moi-même de m'y rendre pour vérifier ce qui

14 se passait. Les soldats néerlandais n'y avaient pas accès mais, comme

15 observateur militaire, je pouvais le faire. C'était risqué, évidemment,

16 mais j'y suis allé et j'ai essayé de voir ce qui se passait derrière la

17 maison. Mais j'ai été empêché de le faire, encore une fois, par les

18 soldats qui y étaient, qui m'ont simplement fait signe de reculer, de m'en

19 aller. Ce que j'ai fait. Et puis voilà, c'est tout ce que j'ai pu

20 constater.

21 M. le Président. - J'ai vu que, dans le compte rendu, à la

22 page 92 ligne 22, on a mentionné votre pièce à conviction 53/B, et il faut

23 lire 5/3B. Il faut faire attention parce que cette numérotation peut

24 causer des problèmes. Une chose est 53, une chose est 5/3.

25 J'ai donc demandé, soit aux sténotypistes qui font un travail

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1 très important, soit aux interprètes, soit à vous de faire bien attention

2 à l'indication des pièces à conviction.

3 Excusez-moi de vous avoir interrompu, Monsieur Harmon.

4 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

5 M. Harmon (interprétation). – Colonel, veuillez vous pencher sur

6 la pièce à conviction 5/3 b, sur le rétro projecteur. Vous avez dit que

7 vous avez tenté d'entrer dans cet endroit, vous avez essayé d'aller sur ce

8 lieu. Pourquoi au juste ?

9 M. Kingori (interprétation). – Je voulais y aller parce que

10 certains soldats néerlandais ont dit qu'ils avaient vu qu'on emmenait des

11 hommes derrière cette maison et qu'ils n'avaient jamais vu des hommes en

12 revenir. Donc mon objectif était d'aller enquêter sur place. On m'avait

13 dit qu'on tirait, qu'il y avait des coups de fusil derrière cette maison

14 et j'ai voulu enquêter.

15 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous entendu des coups de

16 fusil ?

17 M. Kingori (interprétation). – Oui, personnellement, j'ai

18 entendu tirer lorsque j'ai tenté de m'approcher et de voir ce qui se

19 passait derrière la maison.

20 M. Harmon (interprétation). – Veuillez indiquer avec le pointeur

21 le site, le lieu auquel vous avez tenté d'accéder.

22 M. Kingori (interprétation). – J'ai tenté de contourner ces

23 maisons.

24 M. Harmon (interprétation). – Vous indiquez les maisons que vous

25 avez marquées au feutre. Este-ce que vous avez pu identifier d'où

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1 émanaient les coups de fusil ?

2 M. Kingori (interprétation). – C'était difficile d'identifier,

3 en tous cas, c'était un endroit proche, ce n'était pas loin. D'après ce

4 que j'ai pu entendre, j'ai pu en déduire que les coups de fusils étaient

5 tirés de près. Je peux préciser : en fait, il s'agissait de tirs

6 individuels et non pas de rafales.

7 M. Harmon (interprétation). – Vous avez dit plus tôt que vous

8 avez vu personnellement des hommes musulmans dont les effets personnels

9 ont été saisis. Est-ce que cela s'étendait également à leurs pièces

10 d'identité ?

11 M. Kingori (interprétation). – Ce n'est pas qu'on leur ôtait de

12 force des choses de leurs poches, mais on les contraignait à livrer, à

13 remettre tous leurs effets personnels, y compris les pièces d'identité.

14 Quand une personne se défaisait de tous ses effets personnels et les

15 remettait à quelqu'un d'autre ou les posait au bord de la route, un soldat

16 vérifiait qu'il n'y avait plus rien dans ses poches et s'il restait encore

17 quelque chose, on lui demandait de l'ôter et de le laisser derrière lui.

18 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous eu une conversation avec

19 un représentant de l'armée serbe de Bosnie sur le sort qu'allaient subir

20 ces hommes séparés ?

21 M. Kingori (interprétation). – Oui, j'ai posé la question et

22 l'individu qui m'a répondu… la première question que j'avais posée,

23 c'était : pourquoi, quelle était la raison d'être de ce tri ? La deuxième

24 question que j'ai posée a été de savoir quelle était l'intention de

25 l'armée serbe de Bosnie, qu'est-ce qu'ils allaient faire de ces hommes par

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1 la suite ?

2 La personne que j'ai identifiée, celle qui m'avait dit qu'il

3 était conseil juridique, m'a répondu : "On sépare les hommes pour pouvoir

4 les échanger avec leurs propres prisonniers de guerre qui étaient aux

5 mains des Musulmans".

6 M. Harmon (interprétation). – Compte tenu de ce que vous avez vu

7 -cartes, pièces d'identité, autres effets personnels laissés au bort de la

8 route-, à quelle conclusion êtes-vous parvenu ? En avez-vous déduit

9 quelque chose ?

10 M. Kingori (interprétation). – C'était difficile de juger ce qui

11 se passait exactement mais normalement, quand on veut priver une personne

12 de ses pièces d'identité, cela veut dire qu'on ne voulait pas qu'il puisse

13 s'identifier ou être identifié éventuellement par quelqu'un d'autre,

14 puisque les papiers sont la seule chose avec laquelle une personne peut

15 prouver son identité.

16 M. Harmon (interprétation). – Etes-vous retourné, avez-vous

17 informé la personne qui se présentait comme conseil juridique, lui avez-

18 vous demandé pourquoi ils étaient contraints de laisser de côté,

19 d'abandonner leurs pièces d'identité ?

20 M. Kingori (interprétation). – Non, je n'ai pas posé la question

21 dans ces termes, non je ne l'ai pas formulée ainsi. La question que j'ai

22 posée était : pourquoi, quelle était la raison d'être de ce tri, mais pas

23 pourquoi on les obligeait à abandonner les pièces d'identité.

24 M. Harmon (interprétation). – Pendant combien de temps ce tri a-

25 t-il duré le 12 juillet ?

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1 M. Kingori (interprétation). – Cela a pris un certain temps, un

2 certain temps.

3 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous vu des bus quitter la

4 zone avec uniquement des hommes à l'intérieur ?

5 M. Kingori (interprétation). – Oui, j'en ai vu.

6 M. Harmon (interprétation). – D'où emmenait-on ces hommes, d'où

7 venaient-ils ?

8 M. Kingori (interprétation). – Il faut opérer ici une

9 distinction. D'une part, les hommes qu'on a emmenés depuis la maison

10 blanche, les hommes qu'on avait rassemblés dans la maison blanche, on les

11 a mis dans des bus différents que ceux qui transportaient les femmes et

12 les enfants, nous ne savions pas du tout où allaient ces bus, quelle était

13 la destination. On nous a peut-être dit qu'il s'agissait de Zvornik, je

14 crois, mais on n'a pas eu de précisions à cet égard.

15 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous eu les hommes musulmans

16 qui ont dû monter dans ces bus ?

17 M. Kingori (interprétation). – En toute franchise, c'était une

18 journée très difficile sur le plan émotionnel ; j'étais très préoccupé, il

19 y avait parmi ces hommes des hommes que j'avais côtoyés tous les jours

20 dans ce village,

21 Et je les voyais emmenés dans ces bus. Même quand ils étaient

22 alignés au bord de la route, ils criaient, ils appelaient au secours, ils

23 s'adressaient à nous en nous demandant de l'aide. Ils pouvait crier,

24 supplier : "Vous, vous savez que nous allons vers la mort !" ; et nous ne

25 pouvions rien faire dans cette situation. Pour nous, c'était vraiment très

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1 difficile sur le plan émotionnel.

2 Pour eux, on voyait la peur de ce qu'il allait leur arriver. Ils

3 pressentaient qu'ils allaient subir un sort effrayant. J'ai tenté de leur

4 dire et franchement, je ne pouvais pas très bien communiquer dans leur

5 langue, j'ai tenté de les rassurer, de leur dire : on nous a dit que vous

6 seriez emmenés à Zvornik et, par la suite, à Tuzla, et qu'ils ne devaient

7 pas avoir peur parce que l'on nous avait donné des assurances. Mais on

8 voyait bien dans leurs yeux la terreur et ils pleuraient. Imaginez ce que

9 cela peut vous faire que de voir des hommes qui pleurent devant vous, qui

10 vous supplient de les aider et l'on est impuissant.

11 Je crois que j'étais le seul observateur militaire présent. Sur

12 le plan personnel, je ne pouvais rien faire. Je n'avais pas de maîtrise

13 sur cette situation et l'on voyait ces hommes pleurer. C'était très, très

14 émouvant.

15 M. Harmon (interprétation). - Colonel, quel âge avaient les

16 hommes qui ont été séparés et regroupés dans la maison blanche ?

17 M. Kingori (interprétation). - Dans la maison blanche, il

18 s'agissait des jeunes hommes. Les autres dans la base du Bataillon

19 néerlandais étaient plutôt des personnes âgées, des personnes qui ne

20 pouvaient pas très bien se déplacer. Mais dans la maisons blanche,

21 c'étaient des hommes plus jeunes.

22 M. Harmon (interprétation). - Qui était le plus jeune homme que

23 vous avez vu séparé ce jour-là, le 12 juillet ?

24 M. Kingori (interprétation). - Je crois qu'ils séparaient de

25 très jeunes garçons, aussi jeunes que 13, 14 ans. Ils leur disaient

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1 d'aller rejoindre les autres hommes.

2 A plusieurs reprises, j'ai tenté d'intervenir. J'ai demandé aux

3 garçons : "Quel âge avez-vous ?". On m'a répondu 14 ans. Je disais après

4 aux soldats : "Il a 14 ans. Pourquoi est-ce que vous le séparez ?".

5 Parfois, les soldats permettaient aux garçons de continuer d'aller son

6 chemin. Dès que je m'éloignais, ils continuaient à rassembler les jeunes

7 hommes, les garçons. Donc j'étais débordé, je ne pouvais pas maîtriser la

8 situation. Je ne pouvais pas empêcher que tous les garçons soient séparés.

9 Donc évidemment, il y a un certain nombre de très jeunes hommes

10 qui ont été emmenés avec les hommes.

11 M. Harmon (interprétation). - Je vous demande maintenant de

12 penser à la journée du 13 juillet. Est-ce que les séparations dont vous

13 avez été témoin le 12 juillet ont eu lieu également le 13 ?

14 M. Kingori (interprétation). - Oui.

15 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire aux Juges le

16 processus de séparation de tri qui a eu lieu le 13 ?

17 M. Kingori (interprétation). - La séparation, le 13,

18 s'inscrivait tout à fait dans la même ligne que ce qui s'est passé la

19 veille. Ils ont continué à faire la même chose plus ou moins.

20 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites "on a continué

21 plus ou moins à faire la même chose", voulez-vous dire par là que les

22 hommes étaient séparés et emmenés vers l'une des deux maisons que vous

23 avez déjà mentionnées et contraints à abandonner tous leurs effets

24 personnels ?

25 M. Kingori (interprétation). - Cette fois-ci, aucun homme n'a

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1 été emmené vers la maison blanche. En tout cas, ils étaient contraints

2 d'abandonner leurs effets personnels parce que là, il s'agissait pour

3 certains d'hommes qui étaient sur la base de l'ONU.

4 M. Harmon (interprétation). - Je vais maintenant demander à ce

5 que la pièce à conviction 75 soit soumise au témoin. Il s'agit d'une

6 séquence vidéo qui dure à peu près 35 minutes.

7 Colonel, vous avez déjà vu cette séquence vidéo. Vous y figurez

8 vous-même. J'aimerais que vous visionniez cette séquence et vous pourrez

9 faire part de vos observations aux Juges.

10 Donc, s'il vous plaît, la pièce à conviction 75.

11 (Passage d'un film vidéo).

12 M. Harmon (interprétation). - C'est bien vous mon colonel ?

13 M. Kingori (interprétation). - Oui.

14 (Passage d'un film vidéo).

15 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il s'agit ici des effets

16 personnels abandonnés ?

17 M. Kingori (interprétation). - Oui, ce sont bien les affaires

18 abandonnées par ces hommes.

19 (Diffusion de la vidéo.)

20 M. Harmon (interprétation). - L'homme qui porte un tee-shirt

21 bleu, c'est un Serbe ou un Néerlandais ?

22 M. Kingori (interprétation). - C'est un Serbe.

23 M. Harmon (interprétation). - Et ces effets abandonnés sont de

24 ceux qui avaient été abandonnés ?

25 M. Kingori (interprétation). - Oui, cela faisait partie du tout.

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1 M. Harmon (interprétation). - Dernière question à laquelle vous

2 avez répondu en disant qu'il s'agissait d'un Serbe portant un gilet bleu :

3 pouvez-vous nous dire de quel type de gilet il s'agissait ?

4 M. Kingori (interprétation). - Il s'agissait d'un gilet que nous

5 portions là-bas, il s'agissait d'un gilet pare-balles. Il n'était pas si

6 résistant aux balles, mais cela était destiné à protéger le thorax pour ce

7 qui était des balles provenant d'armement léger.

8 M. Harmon (interprétation). - Qu'est-ce que vous pouvez dire à

9 MM. Les Juges, concernant cette vidéo que nous venons de voir ?

10 M. Kingori (interprétation). - Eh bien, cette partie concrète a

11 été enregistrée lorsque j'avais remarqué que l'on procédait à des

12 séparations, c'est-à-dire lorsque des hommes avaient été dissociés des

13 groupes et emmenés vers cette maison blanche. J'ai décidé alors de

14 demander l'autorisation. Je voulais exiger que l'on m'emmène jusque là-bas

15 pour que je puisse voir ce qui s'y passait. Je me suis entretenu avec des

16 soldats serbes qui se trouvaient là-bas afin d'être emmené pour voir ce

17 qui se passait là-bas. Je sentais qu'il se passait quelque chose de très

18 mal, mais on ne m'a pas permis d'aller là-bas.

19 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, vous avez

20 dit qu'à 2 heures et quart, nous devrions interrompre notre cession, et je

21 crois que l'heure serait venue de mettre un terme à cette session pour

22 pouvoir laisser le temps voulu à l'autre partie. Je vous remercie.

23 Merci, Colonel.

24 M. le Président. - Monsieur Harmon, vous n'avez pas terminé

25 encore l'interrogatoire principal, je crois ?

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1 M. Harmon (interprétation). - Oui, j'aurais besoin d'une dizaine

2 de minutes, Monsieur le Président.

3 M. le Président. - Colonel Kingori, nous devons terminer pour

4 aujourd'hui. Vous allez revenir lundi à 9 heures 30 et vous pouvez en

5 profiter pour jouir un peu de La Haye, passer une bonne fin de semaine

6 ici. Donc à lundi.

7 M. Kingori (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

8 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

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11 M. le Président. - Monsieur Harmon, je crois que c'est

12 maintenant à vous une fois que la défense a exposé ses requêtes.

13 Nous étions à l'instant en train de demander votre avis sur la

14 requête. Donc peut-être, je vais vous donner la parole pour savoir

15 quelles sont les vues sur l'ensemble des deux requêtes, s'il vous

16 plaît, ou donner d'autres informations pertinentes après les

17 discussions.

18 M. Harmon (interprétation). - Oui, nous avons eu un entretien

19 concernant cette première requête qui a été présentée par les conseils de

20 la défense. J'ai bien compris qu'il s'agissait d'une requête, ou plutôt

21 d'une question de principe. La défense voudrait bénéficier d'un laps de

22 temps supplémentaire aux fins de procéder à des investigations pour le cas

23 où il y aurait d'autres documents, de nouveaux documents dont parleraient

24 des témoins, sans pour autant que ces documents ne soient présents, dont

25 la défense a eu vent, conformément aux règles pertinentes.

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1 L'autre requête porte sur la possibilité de faire revenir

2 certains témoins pour qu'ils puissent être interrogés concernant des

3 circonstances ou des informations nouvelles, suite à l'investigation

4 effectuée par les conseils de la défense.

5 Pour ce qui est de cette requête-là, nous n'avons en principe

6 pas d'objection. Nous pensons, en effet, Monsieur le Président, que, dans

7 le cas où il y aurait une requête présentée par les conseils de la

8 défense, il s'avérerait nécessaire de procéder au cas par cas dans les

9 situations où la défense estimerait que les circonstances sont réunies

10 pour procéder ainsi.

11 Nous pensons également, qu'il s'agisse d'un laps de temps

12 supplémentaire ou d'une réapparition du témoin, nous pensons qu'il

13 s'avérerait que le document devant faire l'objet des investigations et

14 n'ayant pas été remis auparavant est supposé d'importance substantielle

15 pour la défense.

16 Suite à la preuve de la substantialité de tel ou tel document,

17 les deux parties auront l'opportunité de présenter leurs commentaires à la

18 Chambre. Et c'est la Chambre qui sera habilitée à décider.

19 Mais il y a un autre avis, une autre condition. Dans le cas où

20 la défense disposerait déjà d'un document, où qu'un document aurait déjà

21 été remis, et s'il ne s'agit pas de renseignements nouveaux qui ne

22 figureraient donc pas dans les déclarations, je ne pense pas qu'il soit

23 nécessaire de faire revenir un témoin, parce que le contre-interrogatoire

24 est le bon moment pour poser toutes les questions au niveau des

25 informations qui se trouvent déjà dans les documents.

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1 Et si, toutefois, il y a substantialité, je crois que la Chambre

2 pourrait examiner les choses au cas par cas afin que les deux parties

3 puissent être consultées lors de la prise de la décision.

4 En principe, dans ces conditions-là, nous n'aurions pas

5 d'objection, en effet.

6 M. le Président. - Avez-vous quelque chose à ajouter ?

7 M. Visnjic (interprétation). - Monsieur le Président, je

8 voudrais seulement clarifier une circonstance. Il y a une petite

9 divergence entre le point de vue de M. Harmon et le nôtre. Nous avons en

10 effet demandé de bénéficier du même traitement pour ce qui est des

11 documents, donc pour ce qui est des événements qui ne sont pas mentionnés

12 dans les déclarations préalables des témoins, autant que pour les

13 déclarations que nous avons obtenues juste avant l'audition du témoin ou

14 au cours de l'audition.

15 Nous avons donc demandé que les deux situations soient traitées

16 de la même façon pour ce qui est de la qualité des documents qui nous ont

17 été remis.

18 Maintenant, pour ce qui est des circonstances, pour ce qui est

19 de l'argumentation de toute requête, je crois que j'ai déjà indiqué dans

20 notre présentation première de la requête, à savoir qu'il s'agissait d'une

21 question de principe.

22 Donc, si vous me permettez, je voudrais élargir un peu plus la

23 partie qu'a traitée M. Harmon.

24 Nous avons demandé le même traitement, tant pour les

25 circonstances qui n'avaient pas été contenues dans les déclarations

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1 préalables des témoins que pour les déclarations faites par les témoins

2 qui nous auraient été communiquées juste avant le début du témoignage ; ou

3 alors même voire au cours du témoignage même.

4 Je voudrais intégrer la divulgation de ces documents en serbe et

5 en anglais tel que précisé par l'article 66.

6 M. le Président. - Merci, maître Visnjic. Nous allons prendre la

7 requête avec les observations qui sont arrivées après le débat. Je crois

8 que la Chambre sera en condition de décider, peut-être lundi prochain,

9 peut-être pas au début de l'audience.

10 Je vous dis cela parce que moi-même, je ne peux pas siéger le

11 mardi. Seuls le Juge Wald et le Juge Fuad Riad resteront. Le Juge Fuad

12 Riad présidera l'audience. A cause de cela, il est tout à fait convenable

13 de rendre une décision lundi.

14 Nous avons encore une autre décision, comme je vous l'ai dit.

15 Nous n'avons pas rendu cette décision parce que celle-ci doit être rendue

16 par la Chambre complète. Comme nous n'avions pas, ici, notre collègue, le

17 Juge Wald, nous devons l'attendre. Là, nous rendrons les décisions.

18 Je crois que pour l'instant, il n'y a pas d'autre chose à voir

19 mais je crois qu'il serait utile déjà de vous dire que -je n'ai pas ici

20 mon agenda- dans le programme de travaux de la Chambre, nous essayons

21 vraiment d'établir autant que possible un calendrier jusqu'à la fin de

22 l'année, y compris les mois de juillet, septembre jusqu'à la fin. Vous

23 dire quand la Chambre va s'arrêter... Je crois que c'est la dernière...

24 Mais je vous donnerai des informations précises.

25 Pour les prochains mois, nous allons continuer jusqu'à la

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1 semaine qui commence le 1er mai. Après cela, on vous donnera un temps de

2 révision, de préparation. Nous reprendrons une autre affaire et nous

3 siégerons dans l'autre affaire au moins trois semaines d'affilée.

4 Seulement, pour que le Procureur et la défense puissent

5 s'organiser, je vous donne déjà cette perspective. Mais lundi prochain,

6 peut-être serons-nous dans des conditions de vous donner des informations

7 plus précises même par rapport à juillet, septembre, octobre et novembre

8 et décembre éventuellement.

9 De toute façon, c'est toujours provisoire parce que, comme je

10 vous le dis toujours, l'organisation est un instrument de travail ; ce

11 n'est pas un objectif de travail. Donc elle doit être vue comme un outil

12 de travail. On doit et on peut changer l'organisation si l'on a besoin de

13 le faire. Et donc il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas

14 maintenant prévoir mais on laisse l'ouverture pour mener cette affaire sur

15 la fin.

16 J'ai vu que M. Harmon voudrait dire quelque chose.

17 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

18 Je n'ai pas traité la deuxième partie de la requête présentée

19 par les conseils de la défense. Il s'agissait du laps de temps

20 supplémentaire en raison des lacunes dans la traduction de l'acte

21 d'accusation modifié et amendé.

22 Nous avons une attestation concernant la nature de l'erreur qui

23 a limité mes collègues de la défense dans la compréhension, l'envergure

24 complète de l'acte d'accusation. Je crois qu'ils ont reçu ce type

25 d'attestation de la part du Greffe.

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1 Pour ce qui me concerne, dans la version française et anglaise,

2 au paragraphe 24, on dit including -et inclus. Et dans la version BCS de

3 l'acte d'accusation, ce mot a été omis. Compte tenu de cette omission, si

4 j'ai bien compris, la défense exige un laps de temps complémentaire pour

5 procéder à des investigations sur trois sites, dont a témoigné M. Ruez.

6 Il s'agit de Nova Kasaba, Konjevic Polje et la rivière de Jadar.

7 La liste sur l'acte d'accusation était exclusive, alors qu'en version

8 française et anglaise -qui sont les langues officielles de ce Tribunal- on

9 avait précisé autrement.

10 Je voudrais qu'il soit clairement dit, tant pour le procès

11 verbal d'audience qu'ailleurs -je ne me propose pas de m'attarder

12 davantage dessus-, sur ces trois sites mentionnés dessus, les faits ont

13 été soumis partant de la règle 70 b et la défense n'a pas vu dans notre

14 présentation et dans le témoignage de M. Ruez un total de 12 photographies

15 qui figurent aux pièces à conviction 13.1, 13.2, 14.5, 14.8, 14.11, 17.2,

16 17.3 et 18.1.

17 Il s'agit de photographies que la défense aurait pu voir si elle

18 avait fait demander une communication réciproque aux termes de la

19 règle 68 b et ce, avant le début du procès.

20 Donc, tout ce qui avait pu être vu avant le début du procès a pu

21 effectivement être vu. Je voudrais que l'on précise, Monsieur le

22 Président, que le temps demandé par la défense en raison de cette erreur

23 de traduction, nous ne nous y opposerions pas. Nous serions favorables à

24 ce laps de temps complémentaire, mais il faut qu'au procès-verbal, il soit

25 précisé que tous les documents leur avaient été communiqués avant cette

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1 omission.

2 M. le Président. - Je vous rappelle quand même que la Chambre a

3 déjà pris une décision en cette matière. Je ne veux pas avancer le point

4 de décision, mais je dois vous dire que la Chambre n'agit pas de façon

5 autoritaire. Elle exerce son autorité d'une façon explicative,

6 C'est à dire que, si les parties ont des raisons, on peut

7 toujours revoir le calendrier, parce que comme je vous ai dit, nous ne

8 sommes pas des esclaves d'une organisation, d'un calendrier et je

9 comprends que la défense ait besoin de temps pour se préparer et dès que

10 nous pourrons expliquer les raisons, la Chambre n'est pas autoritaire,

11 elle exerce l'autorité de façon explicative.

12 De toutes façons, je remercie M. Harmon de nous avoir rappelé,

13 mais sur le point d'inclure ou non les trois endroits mentionnés, Nova

14 Kasaba, Konjevic Polje et Jadar, la Chambre avait déjà pris une décision

15 de les considérer. De toute façon, nous prenons en considération cette

16 question comme, en général, nous prenons en considération les besoins des

17 parties. Je ne voudrais pas me répéter, donc nous allons rendre notre

18 décision. Pour l'instant, je veux seulement vous souhaiter une bonne fin

19 de semaine, si possible sans travail quoique c'est très difficile d'avoir

20 une fin de semaine sans travail !

21 A lundi matin, 9 heures 30.

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24 L'audience est levée à 14 heures 30.

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