Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Mercredi 24 mai 2000

2 (Audience publique)

3 TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-98-33-T

4 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

5

6 L'audience est ouverte à 9 heures 40.

7

8 M. le Juge RIAD. - Bonjour, Mesdames et Messieurs. Je salue

9 les personnes présentes dans le prétoire ainsi que les personnes dans la

10 galerie du public.

11 (L’accusé est introduit dans le prétoire)

12 M. le Juge RIAD.- Je voudrais m’excuser aujourd’hui encore pour ce

13 retard de dix minutes. Une certain nombre de tâches urgentes doivent être

14 réglées, le matin, en arrivant au Tribunal.

15 Monsieur Harmon, vous avez la parole.

16 M. HARMON.- Ce matin, Monsieur le Président, et toute la journée,

17 nous ne ferons comparaître aucun témoin. Nous avions prévu un témoin

18 aujourd’hui mais, à cause d’un problème d’obtention de visa ou de

19 passeport, le témoin n’a pas pu arriver à temps pour déposer.

20 M. le Juge RIAD.- Doit-elle arriver bientôt ?

21 M. HARMON.- Elle arrive aujourd’hui, et non il y a deux jours comme

22 prévu.

23 A la place, nous vous proposons de vous soumettre des séquences vidéo de

24 témoignages qui ont été donnés en 1996 au titre de l’article 61 de notre

25

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1

2 Règlement, dans le cadre des affaires Karadzic et Mladic. J’en avais déjà

3 parlé avec mes confrères de la Défense, il y a déjà un certain temps et

4 ils étaient d’accord qu’au lieu de faire comparaître les témoins qui

5 figurent sur l’enregistrement vidéo, ils accepteraient la transcription

6 écrite de la déposition et le témoignage vidéo de ces témoins.

7 Ce matin, nous soumettons les témoignages du Colonel Karremans,

8 du Lieutenant Koster et d’un Général de Bosnie, Pasaga Mesic. Nous

9 demanderons le versement au dossier de ces enregistrements vidéo réalisés

10 au titre de l’article 61 du Règlement du Tribunal.

11 Au cours des débats d’aujourd’hui, je demanderai à mon confrère,

12 M. McCloskey, de rester dans le prétoire en tant que représentant du

13 Bureau

14 du Procureur, et avec l’autorisation de la Cour, je me retirerai et

15 reviendrai en fin de journée.

16 C’est l’emploi du temps que nous proposons pour aujourd’hui.

17 M. le Juge RIAD.- Mais vous apparaissez sur la cassette

18 également.

19 M. HARMON.- Je suis sur l’enregistrement vidéo, oui.

20 M. le Juge RIAD.- Donc nous vous aurons parmi nous.

21 L’avocat de la Défense a-t-il des objections ?

22 M. PETRUSIC.- Bonjour, Monsieur le Président, chers Confrères,

23 la Défense a donné son accord concernant la proposition de l’accusation,

24 nous acceptons que les enregistrements vidéo soient versés au

25 dossier.

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1 M. le Juge RIAD.- Je vous remercie beaucoup, Monsieur Petrusic.

2 (M. Fourmy, Juriste, intervient auprès du Juge Riad).

3 M. le Juge RIAD.- M. Fourmy demande si le Colonel Karremans n’a

4 pas déjà déposé dans le cadre de cette affaire. Je n’en ai pas le

5 souvenir.

6 M. HARMON.- Il n’a pas déposé dans cette affaire.

7 M. le Juge RIAD.- Non, il n’est pas venu déposer ici.

8 M. HARMON.- Je l’ai déjà dit, j’en ai discuté avec mes

9 confrères de la Défense, et ils sont d’accord pour que le témoignage

10 u’il a déposé précédemment sous serment soit...

11 M. le Juge RIAD.- Est-ce qu’il vient ? Va-il venir ?

12 M. HARMON.- Non, il ne viendra pas.

13 M. le Juge RIAD.- Bien.

14 M. HARMON.- Cet enregistrement vidéo remplacera son témoignage

15 à la barre.

16 M. le Juge RIAD.- Cela répond à la question de M. Fourmy, peut-

17 être. Cela répond-il à vos interrogations, Monsieur Fourmy ?

18 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Harmon.

19 M. HARMON.- Je vous remercie, Monsieur le Juge.

20 Nous pouvons donc voir la première séquence vidéo du témoignage

21 du colonel Karremans. Je vais vous demander de bien vouloir m’excuser,

22 Monsieur le Juge.

23 M. le Juge RIAD.- Combien de temps cela va-t-il durer ?

24 M. HARMON.- La déposition du Colonel Karremans dure, je crois,

25 2 heures et 30 minutes, la vidéo du Lieutenant Koster 59 minutes et celle

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1 de M. Mesic 29 minutes.

2 M. le Juge RIAD.- Nous ferons donc une pause après la déposition du

3 Colonel Karremans.

4 M. HARMON.- Peut-être faudra-t-il interrompre en cours de

5 diffusion car elle dure 2 heures et 30 minutes.

6 M. le Juge RIAD.- Bien. Nous y veillerons.

7 M. HARMON.- Je vous remercie.

8 (Diffusion de l’enregistrement vidéo

9 du 3 juillet 1996)

10 (Note des sténotypistes : La transcription de l’enregistrement vidéo est

11 la

12 suivante)

13 M. le Président JORDA. - Monsieur le Procureur, le Tribunal

14 accepte comme pièces à conviction l'ensemble des documents et accepte une

15 photographie de la carte selon des dispositions techniques que vous aurez

16 l'initiative de prendre.

17 Nous venons d'introduire le Colonel Karremans. Il faudrait lui

18 donner des écouteurs. M'entendez-vous Colonel ? Pouvez-vous lire la

19 déclaration qui vous est présentée ? A-t-on donné des écouteurs au Colonel

20 Karremans ?

21 Il faudrait que l'huissier sache que, chaque fois, il faut

22 présenter les écouteurs.

23 Colonel, pouvez-vous lire la déclaration qui vous est tendue ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je déclare

25 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

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1 vérité.

2 M. le Président. - Merci, Colonel. Vous pouvez vous asseoir.

3 M'entendez-vous, Colonel Karremans ?

4 M. Karremans (interprétation de l'anglais). – Oui, Monsieur le

5 Président, je vous entends très bien.

6 M. le Président. - Colonel Karremans, l'Accusation, dans les

7 instances qui concernent l'accusation à l'égard de MM. Radovan Karadzic et

8 Ratko Mladic, a souhaité vous entendre au soutien de son accusation.

9 Je pense que c'est le Bureau du Procureur qui va vous

10 présenter. Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci Monsieur. le

12 Président.

13 Colonel Karremans, pourriez-vous nous indiquer tout votre nom

14 et l'épeler ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Mon nom de

16 famille s'épelle Karremans, mon prénom, Thomas. Jakob est mon deuxième

17 prénom.

18 M. Harmon. - Quelle est votre occupation ? Que faites-vous,

19 Colonel Karremans ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Actuellement,

21 j'ai accepté une affectation aux Etats-Unis.

22 M. Harmon. - Vous êtes membre militaire néerlandais ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.

24 M. Harmon. - Vous avez participé aux forces de maintien de

25 l'ordre des Nations Unies en Bosnie ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Où avez-vous été

3 affecté en Bosnie ?

4 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - J'ai été affecté

5 en Bosnie-Herzégovine l'année dernière, de janvier à juillet, et ce à

6 Srebrenica.

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quels étaient tout

8 particulièrement vos devoirs et vos activités ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je commandais le

10 bataillon néerlandais dans la zone de sécurité de Srebrenica.

11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quel était le mandat

12 reçu des Nations Unies pour cette affectation ?

13 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il s'agissait,

14 dans le mandat des Nations Unies, de faire en sorte que, dans des zones de

15 sécurité comme celle de Srebrenica qui avait été créée en fonction d'une

16 résolution, la résolution 819 du Conseil de Sécurité adoptée après le

17 cessez-le-feu entre le général Ratko Mladic et le général Morillon en

18 1993,

19 nous prenions nos fonctions. Nous les avons prises en 1994, c'est-à-dire

20 l'année suivante. J'étais là commandant du bataillon néerlandais. C'était

21 ma mission.

22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - L'armée des Serbes

23 bosniaques a-t-elle entravé votre mission à Srebrenica ou a-t-elle empêché

24 que vous ne l'accomplissiez ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - A l'époque, quand

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1 nous sommes arrivés non, mais au fur et à mesure que notre séjour se

2 poursuivait dans l'enclave oui. Ils ont entravé et empêché que nous

3 réalisions notre mission, disons à partir de la mi-février et pendant les

4 cinq derniers mois.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

6 expliciter un peu les choses ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, mais il

8 faudrait que je vous explique exactement quelle était la mission du

9 bataillon néerlandais. Elle était double.

10 En premier lieu, c'était une mission purement militaire, et le

11 deuxième volet était une mission humanitaire.

12 Il s'agissait, pour ce qui est l'aspect militaire, de veiller à

13 ce que le cessez-le-feu soit respecté entre les deux parties au conflit.

14 Il

15 s'agissait d'aider les autorités civiles dans l'opstina de Srebrenica à

16 poursuivre les négociations entre l'armée serbe bosniaque et le BIH et

17 d'empêcher que l'armée serbe n'attaque l'enclave.

18 Le volet humanitaire consistait à aider les réfugiés qui se

19 trouvaient dans l'enclave et de les aider, autant que faire se peut du

20 point de vue médical, en les alimentant, en les nourrissant, d'améliorer

21 l'infrastructure de l'enclave.

22 C'était le deuxième volet de la mission du bataillon. Quand

23 nous avons pris position en janvier 1995, nous étions le troisième

24 bataillon, nous n'avons pas eu de problème au départ en ce qui concerne

25 nos

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1 relations avec l'armée serbe bosniaque. Nous avons eu quelques problèmes

2 avec le BIH, c'est-à-dire l'armée bosniaque qui se trouvait dans

3 l'enclave.

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quels problèmes

5 avez-vous rencontrés, ensuite, au fur et à mesure que vous étiez dans

6 l'enclave et dans vos relations avec l'armée serbe bosniaque ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - C'est le 18

8 février. Les problèmes ont commencé lorsque le dernier convoi avec du

9 diesel et du gaz est arrivé. Nous en avions besoin pour accomplir notre

10 mission.

11 Je vais vous expliquer. Nous utilisions 4 000 à 5 000 litres de

12 carburant pour nos véhicules pour faire des patrouilles de reconnaissance

13 et pour assumer notre mission à partir des postes d'observation. Le

14 dernier

15 convoi est arrivé le 18 février. Cela veut dire que nous avons dû

16 réorganiser complètement la manière dont nous avons fonctionné parce que

17 nous avions besoin de ce carburant pour assumer notre mission.

18 Au cours du mois de février, en mars, avril et jusqu'en

19 juillet, les quantités de diesel dont nous disposions ont diminué sans

20 cesse. En fin de compte, nous avons dû patrouiller à pied. C'est un

21 exemple. Nous n'avons pas pu réapprovisionner nos postes d'observation,

22 nous n'avons pas pu continuer à patrouiller avec des véhicules motorisés.

23 Nous avons dû tout faire à pied. En fait, les problèmes de la présence de

24 mines se sont posés tout particulièrement. C'est l'exemple du manque de

25 diesel.

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1 A la fin du mois d'avril, les gros problèmes avec les convois

2 ont commencé. La "terreur de convoi", comme nous l'avons appelée. Plus

3 aucun convoi n'est arrivé. Le personnel néerlandais qui était en

4 permission

5 aux Pays-Bas n'a pas pu revenir. Ils ont été arrêtés à Zagreb. Ils n'ont

6 pas pu continuer leur route, ce qui veut dire qu'environ 180 personnes de

7 mon bataillon n'ont pas pu aller plus loin que Zagreb. Cela comprenait des

8 personnes assez importantes : mon adjoint, le commandant adjoint du

9 bataillon et d'autres personnes importantes pour le fonctionnement du

10 bataillon.

11 Cela s'est produit à partir de la fin du mois d'avril. A la fin

12 de ce mois-là, également, dans la mesure où les convois ne pouvaient plus

13 arriver, je n'ai plus reçu d'approvisionnement, dans le domaine médical en

14 particulier, et ceci, naturellement, a touché non seulement le bataillon

15 mais également la population. Pas non plus d'approvisionnement en

16 aliments,

17 pas de pièces détachées pour les véhicules, pas d'équipement d'ingénierie

18 pour aider l'opstina et la population habitant l'opstina pour réparer les

19 infrastructures. Pas d'équipement pour tester mes véhicules militaires de

20 munitions et ceci, en fait, a marqué toute la fin de notre séjour.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quel a été l'impact

22 de ces blocus de l'armée serbe bosniaque sur la population ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - 25 000 personnes

24 vivaient dans l'enclave et la plupart étaient des réfugiés. Au départ en

25 fait, il n'y avait que 8 000 habitants dans le village de Srebrenica. Vous

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1 pouvez vous imaginer la gageure pour l'administration de Srebrenica

2 d'avoir

3 25 000 personnes, alors que l'infrastructure était prévue pour 8 000.

4 C’était, ne serait-ce que du point de vue de l'alimentation, un gros

5 problème. En fait, c'était le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations

6 Unies qui était responsable de l'approvisionnement en alimentation. Celui-

7 ci rencontrait les mêmes problèmes que nous pour faire entrer

8 l'approvisionnement pour les habitants de l'enclave.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Des plaintes ont-

10 elles été adressées aux autorités serbes bosniaques en ce qui concerne le

11 blocus ?

12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, nous nous

13 sommes plaints. D'ailleurs tous les jours, à 6 heures de l'après-midi,

14 nous

15 faisions un rapport d'information à l'échelon le plus élevé à Tuzla.

16 Ensuite, cela passait à Sarajevo, au commandement de Bihac, puis à celui

17 de

18 Zagreb. Ils étaient donc au courant des problèmes que nous connaissions

19 dans l'enclave, non seulement les problèmes du bataillon, mais aussi ceux

20 que connaissait la population

21 Tous les jours, nous faisions un rapport aux échelons les plus

22 élevés de la hiérarchie et d’autre part, tous les deux jours, pendant mon

23 séjour à Srebrenica, je faisais un rapport décrivant les conditions très

24 difficiles dans lesquelles se trouvait la population, également après des

25 rencontres avec les autorités locales qui nous faisaient connaître leurs

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1 problèmes concernant la population et nous en faisions état dans nos

2 rapports quotidiens.

3 Dans les rapports que j'adressais à Zagreb et à mon état-major

4 à La Haye, je faisais mention de ces problèmes.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Vous aviez des

6 contacts avec la hiérarchie militaire et c’étaient les militaires de

7 Bratunac. Dans ce contexte, vous êtes-vous plaints du blocus ?

8 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Oui, chaque fois

9 que nous avions des rencontres avec des représentants de l’armée serbe

10 bosniaque, nous indiquions les problèmes que nous rencontrions, nous

11 fondant sur ce que nous avaient dit les autorités civiles à propos de

12 l’approvisionnement en vivres et des problèmes médicaux.

13 Au départ, nous avions apporté une aide avec Médecins sans

14 frontières, en assurant une sorte d'assistance médicale ambulatoire, en

15 donnant des médicaments, en apportant des médicaments à l'hôpital de

16 Srebrenica, en dispensant des soins soit dans l'hôpital, soit dans notre

17 base. Mais ensuite, à la fin du mois d'avril, tout cela s'est arrêté, ce

18 qui, naturellement, a rendu la vie quotidienne très difficile. Chaque fois

19 que nous rencontrions des représentants de l'armée serbe bosniaque, nous

20 leur faisions part de ces problèmes

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle a été leur

22 réaction ?

23 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Aucune.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

25 identifier certaines des personnes dans l’armée serbe bosniaque avec

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1 lesquelles vous avez eu des contacts ?

2 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Oui. La personne

3 que j'ai rencontrée la première semaine, lors de mon arrivée à Srebrenica,

4 est le Colonel Vukovic. Il était ce que l’on appelle l’officier de liaison

5 entre le Drina Corps et le bataillon néerlandais. Il était également

6 commandant d'une brigade qui se trouvait dans la partie méridionale de la

7 région de Srebrenica.

8 Le deuxième représentant de l'armée serbe bosniaque que nous

9 avons rencontré -et ce, à maintes reprises- est le major Nikolic, qui

10 était

11 le responsable officier de liaison de la brigade de Bratunac, brigade qui

12 se trouvait dans la partie nord en dehors de l'enclave. C’était à lui que

13 nous avions affaire du fait qu'il était officier de liaison.

14 Ce n'est peut-être pas sur une base quotidienne que nous

15 rencontrions ces deux personnes, mais en général deux fois par semaine, et

16 même parfois une fois par mois, lorsqu’eux choisissaient de nous

17 rencontrer. Ce n’était pas nous qui décidions de les rencontrer.

18 La troisième personne était Petar, un interprète qui était

19 employé par ces officiers.

20 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous avez eu

21 des contacts avec le major Nikolic, a-t-il exprimé une opinion en ce qui

22 concerne son attitude à l'égard de la population musulmane de Srebrenica ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, en fait lors

24 d'une des réunions -nous avions d'ailleurs toujours nos réunions soit à

25 OP Papa ou à OP Echo, une fois au sud et une fois au nord-, je me souviens

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1 que lors d'une de ces rencontres, au mois de janvier/février, il a dit -et

2 on voyait, lorsqu’il parlait, sa haine pour la population musulmane sur

3 son

4 visage, et surtout sa haine à l'égard des populations musulmanes qui se

5 trouvaient dans l'enclave- que s'il avait cette haine, c'était parce que

6 la

7 moitié de sa famille avait été assassinée pendant la deuxième guerre

8 mondiale. Par ailleurs, il nous a dit qu'à son avis, tous les Musulmans

9 devraient quitter la Bosnie-Herzégovine.

10 En repensant à ce qui s’est passé pendant ces jours-là, je

11 crois qu’il ressentait vraiment ce que l’on voyait dans ses yeux, cette

12 haine qu'il exprimait par son regard et par ses paroles.

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Colonel Karremans,

14 vous avez dit qu'un certain nombre de soldats néerlandais étaient

15 positionnés dans l'enclave de Srebrenica. Je voudrais vous montrer une

16 carte de cette enclave et vous poser certaines questions concernant cette

17 carte.

18 Nous allons remettre des exemplaires de cette carte à la

19 Chambre. L'huissier pourrait-il avoir l'amabilité d'apporter ces cartes au

20 siège ? Cette pièce doit être projetée à l'écran.

21 Pourriez-vous indiquer sur cette carte les sites où se

22 trouvaient positionnés des soldats néerlandais dans l'enclave ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, si vous

24 regardez la carte, vous pouvez voir cette ligne en pointillés avec un C en

25 haut et un B en-dessous.

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1 Nous avons repris les positions du bataillon qui nous avait

2 précédés. En fait, nous avons divisé cette partie en deux : la partie du

3 nord qui relevait de la responsabilité de notre compagnie C et la partie

4 du

5 sud qui relevait de la responsabilité du corps B.

6 En janvier, nous avons installé huit postes d'observation à

7 partir desquels il nous était possible de surveiller toute une partie de

8 cette zone. Au début, les deux compagnies disposaient de postes

9 d'observation.

10 Je commencerai en haut ici, OP Papa, le poste d’observation

11 dont je vous ai parlé tout à l’heure lorsque je vous ai dit que c’est là

12 que nous rencontrions des représentants de l'armée serbe bosniaque.

13 OP Quebec, OP Roméo, côté est, OP Novembre ici, au nord. Ces quatre postes

14 appartenaient à la compagnie C, y compris le poste d'observation Alpha. En

15 fait, nous disposions de cinq postes d'observation au départ.

16 Dans la partie sud, OP Charlie à l’ouest, OP Echo ici au sud et

17 OP Fox-Trot également dans cette partie sud. Au total, huit postes

18 d'observation lorsque nous avons pris position.

19 Ce que j'ai dit tout à l'heure, monsieur le président, c'est

20 que du fait de cette "terreur de convois", comme nous l'avons appelée, et

21 que nous n'avions plus assez de carburant, nous avons adapté notre mission

22 au jour le jour. Chaque jour, nous définissions notre mission à partir des

23 postes d'observation, avec des patrouilles entre les postes d'observation

24 et à l'intérieur de l'enclave. Nous avons travaillé plus au niveau des

25 postes d'observation qu'avec des véhicules et ensuite nous avons

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1 patrouillé

2 à pied.

3 Comme nous n'avions pas assez de carburant, nous avons décidé

4 de construire plus de postes d'observation que nous n'en avions installé

5 avec l'armée bosniaque dans l'enclave, et nous en avons discuté avec les

6 représentants de l'armée serbe bosniaque. Ils ont tous été d'accord, sauf

7 en ce qui concerne le poste d'observation qui se trouve ici, mais j'y

8 reviendrai ultérieurement.

9 Au cours de notre séjour, nous avons ouvert OP Mike et

10 OP Delta, ainsi que OP Hôtel, le plus ancien. Nous en avons ouvert un

11 autre, OP Hotel le nouveau, près de Srebrenica. Nous avons eu beaucoup de

12 problèmes avec les OP Kilo et Delta , les deux derniers, parce que nous

13 avions placé ces postes d'observation sur des routes de contrebande.

14 Nous avons remarqué pour notre part, et les bataillons qui nous

15 ont précédé l'avaient remarqué, qu'il y avait beaucoup de contrebande

16 entre

17 Zepa et Srebrenica et que différents itinéraires étaient utilisés pour

18 aller à Zepa. C'est pourquoi nous avons mis Delta et Kilo sur ces

19 itinéraires, sur ces routes.

20 De leur côté, les militaires bosniaques ont rencontré pas mal

21 de problèmes au moment où nous avons établi ces deux postes d'observation,

22 mais finalement nous les avons quand même installés.

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de soldats

24 aviez-vous positionné dans ces différents postes d'observation ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Au début, en

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1 janvier, on a commencé avec 10 soldats par poste d'observation. Par la

2 suite, à la fin du mois d'avril, lorsque le convoi d'aide n'a pas pu

3 rentrer à Srebrenica, nous avons dû réaménager nos patrouilles ; nous

4 avons

5 changé les plans, c'est-à-dire l'approvisionnement et le nombre de

6 personnes stationnées dans les postes. Nous avons eu des postes

7 d'observation avec 10 personnes qui observaient et assuraient les

8 patrouilles. Par la suite, nous avons eu seulement 6 postes qui étaient

9 destinés uniquement aux activités d'observation.

10 A la fin de notre séjour dans la région, il y avait un total de

11 12 postes. Quelque 9 200 soldats y travaillaient.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Normalement, combien

13 de soldats se trouvaient dans ces différents postes ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Le bataillon lui-

15 même se composait de 780 soldats. 180 se trouvaient dans la région de

16 Tuzla. Une compagnie, un régiment... Un régiment c'est très grand.

17 600 soldats, y compris 50 des postes sur le terrain, dans le cadre de

18 l'enclave, donc cela faisait dans les 600 et un peu plus. Puis 150 à

19 180 n'étaient pas rentrés. Par conséquent, je pense que nous avions

20 quelque

21 400 soldats à la fin du mois d'avril et entre le mois d'avril et le mois

22 de

23 janvier.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - En effet, la moitié

25 se trouvaient dans les postes d'observation, quelques centaines

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1 s'occupaient des patrouilles spéciales, le long des lignes de démarcation

2 de l'enclave et assuraient la garde des deux campements. Les 200 autres

3 soldats étaient postés dans le cadre du bataillon, ils assuraient la

4 logistique et gardaient les postes sur le terrain.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Donc vous aviez près

6 de la moitié de vos soldats, de vos effectifs disponibles au cours de ce

7 mois de juillet. Pourriez-vous décrire à la Cour le type d'armements que

8 vous aviez dans le cadre de votre bataillon ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Notre

10 gouvernement avait choisi les armements que nous avions sur le terrain. A

11 l'époque, il s'agissait de petites pièces d'armement (pistolets ou

12 automatiques légers, fusils). Ensuite, nous avions des automatiques légers

13 dans le cadre des postes d'observation et dans les deux campements. Des

14 automatiques lourds, des armes personnelles, des transporteurs d'armes

15 personnelles, 6 mortiers de 81 millimètres qui étaient dans certains de

16 ces

17 postes d'observation. J'avais à ma disposition des armes antichars de

18 moyenne et longue portée, dont un transporteur de systèmes antichars et de

19 petites pièces antichars. Enfin, c'était à peu près l'armement dont

20 disposait notre bataillon.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que le

22 blocage des Bosniaques serbes de Srebrenica en avril était dû au manque de

23 munitions ou à la qualité de votre armement ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, cela se

25 passait déjà lorsque nous étions dans l'enclave, parce que nous avons dû

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1 faire certaines choses. Nous avons dû opérer grâce à nos armes

2 personnelles

3 et nous avons repris tout cela au premier bataillon. Il s'agissait de

4 petites pièces d'armes. On les utilisait, on les entretenait de jour en

5 jour et on les utilisait. Ensuite, les systèmes antichars que j'avais et

6 les fusils et les tanks que nous avions pouvaient être utilisés, mais

7 évidemment je n'avais pas l'équipement de testing nécessaire pour assurer

8 le bon fonctionnement de ces armes.

9 La situation a changé lorsqu'est arrivé le premier bataillon.

10 J'avais seulement 16 % de l'armement dont nous étions sensés disposer.

11 Evidemment, ceci était dû aux circonstances qui prévalaient sur place.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que le

13 Général Mladic avait des renseignements sur ce qui se passait dans

14 l'enclave ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui. D'abord,

16 grâce aux troupes qu'il avait autour de l'enclave, il pouvait savoir ce

17 qui

18 s’y passait : ce que nous faisions, quelles patrouilles nous effectuions,

19 quels véhicules nous utilisions et quand étaient réapprovisionnés nos

20 postes d'observation. Et tout ceci au cours du mois de juillet.

21 Ensuite, il était parfaitement au courant des

22 approvisionnements que le bataillon recevait parce qu'il était le

23 responsable. Il avait des personnels dans son quartier-général et surtout,

24 après le mois d'avril, ceux-ci pouvaient arrêter nos convois et contrôler

25 les différents documents de chargement et de déchargement. D'après toute

Page 3312

1 cette documentation, il pouvait savoir ce que notre bataillon dans

2 l'enclave recevait en approvisionnements : vivres, pièces de rechange,

3 autres équipements.

4 Ensuite, il était parfaitement au courant de ce qui se passait

5 dans l'enclave des deux côtés, notamment dans les milieux de la population

6 civile. D'ailleurs, il m'en a parlé : au cours d'une réunion que j'ai eue

7 avec lui, il m'a indiqué qu'il était bien au courant de ce qui s'y passait

8 sur place à chaque minute, chaque jour, à chaque instant.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsque l'armée des

10 Serbes bosniaques a investi l'enclave...

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Est-ce que vous

12 pourriez reprendre la question ?

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avant qu'elle ne

14 commence à investir l'enclave, est-ce que cette même armée serbe a attaqué

15 les soldats du bataillon néerlandais ?

16 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - C'est à cette

17 période que les frappes aériennes ont repris dans le secteur de Pale.

18 C'est

19 ainsi que 300 soldats des Nations Unies ont été enlevés à cette époque. Je

20 fais référence aux problèmes -que vous connaissez- qui se sont posés dans

21 les zones de sécurité de Zepa et de Gorazde. Il y avait des problèmes avec

22 les Ukrainiens et leurs postes d'observation. Cela s'est produit également

23 au début du mois de juin.

24 Le 1er juin, j'ai dû me rendre à l'OP, au poste d'observation

25 Echo, dans le secteur sud de l'enclave. J'ai téléphoné grâce à une ligne

Page 3313

1 terrestre qui existait entre le poste d'observation Echo et l'un des

2 postes

3 d'observation de l'armée des Serbes bosniaques, ligne que nous pouvions

4 utiliser pour nos communications téléphoniques lorsque nous voulions les

5 rencontrer ou lorsqu'ils voulaient nous rencontrer.

6 J'ai donc téléphoné. J'ai eu au bout du fil un interprète,

7 Petar, et un certain Vukovic qui m'a prié d'envisager de quitter le poste

8 d'observation Echo pour des raisons dont il ne m'a pas fait part. J'ai

9 alors indiqué que nous n'avions pas l'intention de quitter le poste

10 d'observation Echo.

11 Le 3 juin, tôt le matin, vers 9 heures si je ne me trompe pas,

12 l'armée serbe bosniaque a attaqué ce poste d'observation avec des

13 grenades,

14 avec un tir de mortier, avec des chars anti-artillerie. Pris sous le feu,

15 l'équipage de ce poste d'observation a réussi à s'en tirer sans laisser

16 personne derrière, mais en abandonnant toutefois un équipement important

17 sur place (véhicules, systèmes de communication, certains effets

18 personnels, armes et un véhicule du poste d'observation). C'était le

19 premier poste d'observation que nous perdions effectivement, c'était au

20 début du mois de juin.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de soldats

22 se trouvaient dans ce poste d'observation au moment de l'attaque ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il y avait

24 10 soldats.

25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous, je

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1 vous prie, continuer et décrire ce qui s'est passé postérieurement à cette

2 attaque contre les postes d'observation ?

3 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ensuite, l'armée

4 serbe bosniaque a laissé sur place le APC* du poste Echo. Nous avons

5 préparé un rapport pour les échelons supérieurs et avons demandé une

6 réunion avec le colonel Vukovic ou le colonel Nikolic pour nous informer

7 de

8 ce qui se passait et pour situer, identifier l'objectif de cette attaque,

9 c'est-à-dire qu'on a voulu récupérer ce poste d'observation et

10 l'équipement

11 qui restait sur place.

12 La deuxième chose que nous avons faite aussitôt après avoir

13 perdu ce poste d'observation a été d'établir un poste d'observation Sierra

14 et uniforme à quelque 200 mètres au nord du poste d'observation Echo.

15 L'armée des Serbes bosniaques a eu une réaction de surprise. Ils ne

16 s'attendaient pas à une contre-offensive de notre part. Nous avions perdu

17 le poste d'observation Echo, mais nous avions deux autres postes à

18 proximité immédiate.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle a été la

20 réaction des officiers de liaison lorsque vous leur avez demandé à

21 récupérer ces différents postes d'observation ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Pendant un

23 certain temps, au moment où nous avons eu cette première réunion après la

24 perte du poste d'observation Echo -je ne me souviens pas exactement quand

25 a

Page 3315

1 eu lieu cette première réunion, disons que c'était le 3 juin-, la réaction

2 a été telle que nous n'avons pas pu reprendre le poste d'observation.

3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu d'autres

4 attaques contre des postes d'observation avant ou après l'invasion de

5 Srebrenica ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non.

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A l'occasion de

8 l'attaque contre le poste d'observation, est-ce que des soldats hollandais

9 ont été faits prisonniers ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Pas en cette

11 occasion.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Bien. Pouvez-vous

13 nous dire en quelle occasion ils ont été faits prisonniers ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, je le peux.

15 Monsieur le président, cela s'est produit disons le 6 juillet, c'est-à-

16 dire

17 déjà un mois plus tard. Dans la période allant du 3 juin, prise de OP

18 Echo,

19 au 6 juillet, il y a eu une certaine accalmie dans la région, même si la

20 situation était assez tendue, dirais-je. Mais dans les faits, le calme

21 régnait, à part en une occasion, à la mi-juin, lorsque quelque chose s'est

22 passé aux environs même de Srebrenica.

23 Le 6 juillet, vers 3 heures du matin, la guerre a éclaté. Elle

24 a commencé dans la région où nous nous trouvions, dans la base de

25 Potocari,

Page 3316

1 par des coups de feu tirés contre la base, une attaque à la roquette

2 également. L'attaque a commencé dans la partie sud de l'enclave, là où se

3 trouvait le poste d'observation Fox-trot. Le 6 juillet était un jeudi et

4 ces attaques ont duré 6 jours.

5 Le premier poste d'observation qui a subi une réelle attaque de

6 la part de soldats équipés d'armes légères et de chars a été le poste

7 d'observation fox-trot qui a été attaqué le jeudi, le vendredi et le

8 samedi. Et le samedi, vers 1 h 00, si je me souviens bien, j'ai donné

9 l'ordre de battre en retraite. Les hommes ont donc quitté le poste

10 d'observation pendant l'arrêt des combats.

11 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien y avait-il

12 d'hommes au poste d'observation fox-trot ?

13 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Sept.

14 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Très bien, continuez

15 Colonel Karremans.

16 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Le samedi après-

17 midi, alors que le poste d'observation fox-trot était attaqués déjà depuis

18 trois jours, j'ai à nouveau demandé un appui aérien, et les choses ont

19 commencé à s'accélérer car, le samedi et le dimanche, j'ai perdu plusieurs

20 postes d'observation dans le secteur sud de l'enclave, ici.

21 Il y avait deux possibilités qui s'offraient aux soldats

22 responsables des postes d'observation , il y en avait, en fait, même

23 trois : soit quitter le poste d'observation et retourner à la base,

24 deuxième possibilité, rester sur place aussi longtemps que possible, en

25 construisant des murs de défense, en utilisant tous les moyens d'abri

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1 disponibles à l'intérieur du poste, troisième possibilité, battre en

2 retraite à partir du poste d'observation en sachant que les Bosniaques

3 allaient créer des problèmes car, selon eux, il ne nous était pas permis

4 de

5 battre en retraite, il fallait que nous restions dans les postes

6 d'observation.

7 Evidement, il y avait une autre possibilité qui était

8 d'abandonner les postes et de laisser ces postes aux forces bosniaques.

9 Les postes d'observations ont été donc attaqués par les forces

10 serbes de Bosnie. Ces soldats serbes bosniaques les ont encerclés et la

11 seule chose que pouvaient faire nos soldats, c'était de remettre les

12 équipements et d'utiliser leur véhicule pour aller à Semici(?) ou à

13 Bratunac.

14 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien de soldats

15 néerlandais ont-ils été arrêtés par l'armée serbe bosniaque lors de ces

16 attaques contre les postes d'observation ?

17 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Finalement, dans

18 sept ou huit postes d'observation différents, 55 soldats ont été arrêtés.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Et tous ces 55

20 soldats étaient des soldats d'infanterie ?

21 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, ils

22 appartenaient tous à l'infanterie.

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Si je calcule bien,

24 cela faisait près de 25 % des forces d'infanterie que vous aviez à votre

25 disposition à la base ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, exactement.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Savez-vous combien de

3 soldats de l'armée serbe bosniaque ont participé à l'invasion de

4 Sebrenica ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je ne l'ai pas su

6 sur le moment.

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous pu le

8 découvrir plus tard ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui car le général

10 Mladic m'a dit finalement qu'il avait utilisé un grand nombre de soldats

11 qui étaient à sa disposition autour de l'enclave de Srebrenica. Ce

12 n'étaient pas les forces qui se trouvaient autour de l'enclave au début,

13 il

14 s'agissait bien de forces fraîches. Il a utilisé une brigade pour

15 l'attaque

16 réalisée du sud vers le nord, une autre brigade a agi de l'est vers

17 l'ouest, et il avait une brigade en réserve au nord de Bratunac. Bratunac

18 est une ville qui se trouve par là. En fait il m'a donc dit disposer de

19 trois brigades, en tout cas de trois unités de la taille d'une brigade, et

20 qu'il en avait utilisé deux.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien y avait-il

22 d'hommes par brigade ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je ne sais pas

24 mais je pense qu'il y a entre 1 000 ou 1 500 soldats dans une brigade,

25 équipés d'armements lourds différant de celui dont nous disposions nous-

Page 3320

1 mêmes à l'époque.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Maintenant j'aimerais

3 vous poser une autre question, Colonel Carremans : quelles étaient les

4 armes à la disposition des forces serbes bosniaques ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ils possédaient

6 tout l'équipement provenant de l'ancienne armée yougoslave en tout cas de

7 ce qu'il en restait, ils possédaient un grand nombre de pièces

8 d'artilleries. Nous les avions déjà remarquées aux alentours de l'enclave

9 pendant notre séjour dans cette enclave. Il leur arrivait de modifier la

10 position de ces pièces d'artillerie. Ils modifiaient également la position

11 des mortiers (mortiers légers et mortiers lourds) ; je parlerais d'un

12 grand

13 nombre de pièces d'artillerie. Ils avaient également des chars OT 55 et

14 même des chars de construction plus récente que nous avions remarqués et

15 nous les avons vu utiliser. Ils avaient également quelques pièces

16 d'artillerie antiaérienne qu'ils n'utilisaient pas contre les avions, mais

17 directement pour des tirs contre les habitations de la région. Et

18 beaucoup.d'armes antichars.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avaient-ils des

20 lances roquettes multiples ?

21 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, ils avaient

22 un certain nombre de lances roquettes multiples de petite taille, tous

23 montés sur roues. Nous en avons remarqué au moins trois au nord de la base

24 de Potocari, dans les collines. Et ils avaient un lance roquettes multiple

25 de plus grande taille dans la ville de Bratunac qu'ils ont utilisé

Page 3321

1 également pour pilonner la ville de Srebrenica.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Monsieur le

3 président, je regardais ma montre et je pensais que c'était le moment

4 approprié de suspendre la séance.

5 M. le Président.- Je partage votre avis, ainsi que mes

6 collègues ; c'est le moment approprié. Nous levons donc la séance de ce

7 jour et le tribunal reprendra ses travaux demain matin à 10 h 00.

8 L'audience est levée à 17 heures 40.

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13 Jeudi 4 juillet 1996

14 (Matin)

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16 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

17 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez-vous

18 asseoir.

19 Première question, est-ce que tout le monde m'entend ?

20 Monsieur le Procureur, nous pouvons donc continuer avec la

21 déposition du colonel Karremans et je demande à M. le greffier ou à M. le

22 Procureur de demander à l'huissier de faire introduire le témoin.

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur le

24 Président.

25 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

Page 3322

1 M. le Président. - Colonel Karremans, bonjour. M’entendez-

2 vous ? Nous allons poursuivre votre déposition en qualité de témoin cité

3 par l'accusation dans l'affaire Procureur contre Radovan Karadzic et Ratko

4 Mladic. Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur le

6 Président. Colonel Karremans, hier vous nous avez décrit le blocus par

7 l'armée de l'enclave de Srebrenica. Quel est l'impact de ce blocus sur les

8 habitants ?

9 Pourriez-vous nous décrire cela ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il y a un certain

11 nombre de choses sur lesquelles je voudrais revenir et que j'ai dites hier

12 concernant les très mauvaises circonstances pour les habitants de

13 l'enclave, ainsi que les circonstances très difficiles de mon bataillon

14 parce que ceci permettra de mieux comprendre la situation avant le

15 6 juillet.

16 Ces difficiles conditions de vie aux mois d'avril, mai et juin

17 étaient dues, comme je l'ai dit hier, au fait que l'on refusait de laisser

18 entrer des convois soit pour les réfugiés, soit pour le bataillon des

19 Nations Unies. En fait, l'enclave était en train d'être étranglée. C'était

20 un blocus total, un isolement total de l'enclave.

21 Pour la population, cela signifiait plus particulièrement

22 qu'elle se trouvait dans une situation qui ne cessait de se détériorer :

23 ? famine pour les réfugiés : un certain nombre de ces

24 réfugiés sont morts de faim,

25 ? aucune possibilité de traitement médical pour la

Page 3323

1 population : pas de médecin, pas de dentiste, pas de médicaments.

2 L'organisation Médecins sans frontière n'était pas en mesure de

3 faire son travail dans l'hôpital local. Nous ne pouvions rien faire en ce

4 qui concerne les infrastructures pour apporter notre aide aux autorités

5 civiles sur le point du logement, de l'électricité, de l'eau et du

6 fonctionnement des générateurs. Nous ne pouvions rien faire.

7 Le résultat, c'est que des centaines d'habitants de l'enclave

8 vivaient du ramassage d'ordures. Interdiction de se déplacer, interdiction

9 qui valait et pour la population et pour le bataillon et ce sur quoi l'on

10 s'était mis d'accord en 1993, à savoir que la liberté de mouvement n'avait

11 plus du tout lieu. Il n'y avait plus du tout de liberté de mouvement. Pour

12 la population de l'enclave, cette situation était une situation de

13 désespoir, inhumaine : conditions inhumaines et beaucoup de souffrances

14 pour cette population.

15 En ce qui concerne maintenant le bataillon, je voudrais bien,

16 si vous m'y autorisez, décrire la situation dans laquelle il se trouvait.

17 J'ai utilisé un certain nombre de paramètres, que d'ailleurs

18 j'ai utilisés également dans les rapports que j'adressais aux échelons les

19 plus élevés de la hiérarchie et à mes autorités. Ces paramètres

20 concernaient la logistique en premier lieu, je vous en ai parlé hier : pas

21 de diesel, pas de carburants. Nous devions vivre dans l'obscurité avec mon

22 bataillon et ce pendant quelques mois.

23 Outre qu'il n'y avait pas d'électricité, ni pour l'eau ni le

24 chauffage, les conditions climatiques étaient très mauvaises. Il a plu

25 jour

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1 après jour jusqu'à fin mai. Nous ne pouvions pas utiliser nos véhicules,

2 d'une part parce que nous n'avions pas de carburant et d'autre part parce

3 que les routes étaient impraticables.

4 Du fait du manque de diesel, nous avons dû patrouiller à pied

5 avec le problème des mines qui se trouvaient là. Nous n’avions donc pas la

6 possibilité de réapprovisionner nos postes d'observation. C'est pourquoi

7 nous avons utilisé des chevaux appartenant à des habitants.

8 Donc pas de chauffage. Or il faisait très froid, très mauvais,

9 pas de médicaments, pas de pièces détachées, pas d'équipements techniques

10 et pas de nourriture, sauf nos rations de combat sur lesquelles nous avons

11 vécu pendant pas mal de temps. Nous avons appelé cela à la fin le "régime

12 logistique".

13 De plus, je n'avais pas suffisamment de personnel parce qu'à

14 partir du 26 avril plus personne n'a pu pénétrer dans l'enclave. Le

15 personnel ne recevait plus de courrier, il n'y avait pas de liberté de

16 mouvement : on ne pouvait ni sortir de l'enclave ni y entrer.

17 Autre paramètre opérationnel : nous avons ajusté nos

18 instructions pour le bataillon à plusieurs reprises. Par exemple, je vous

19 ai dit hier comment nous approvisionnions nos postes d'observation, en

20 patrouillant à pied au lieu d'utiliser des véhicules blindés pour le

21 transport. Il a fallu tirer des plans d'urgence pour les postes

22 d'observation avec une heure de préavis, c'est-à-dire que les soldats qui

23 se trouvaient à un poste d'observation devaient le quitter une heure après

24 en avoir reçu l'ordre et ceci valait vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

25 Par ailleurs, s'agissant de l'aide humanitaire, comme je l'ai

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1 dit déjà, nous n'étions pas en mesure d'apporter cette aide à la

2 population

3 de l'enclave.

4 Un autre paramètre : l'effet psychologique non seulement sur

5 les soldats, mais aussi sur la population. Le moral au sein du bataillon

6 et

7 parmi la population est un des paramètres utilisés.

8 Les conditions sur le terrain étaient très mauvaises et les

9 conditions météorologiques étaient pires encore. Le 25 mai, dans un très

10 long rapport, j'ai informé tous les niveaux de la hiérarchie et mes

11 autorités que je n'étais plus en mesure d'accomplir ma mission et

12 d'exécuter mes ordres. En fait, cela signifiait la fin de ma mission. Nous

13 avons alors commencé à nous débrouiller, à improviser. Ce faisant, nous

14 avons réussi à tenir encore jusqu'au 6 juillet dans le cadre de notre

15 mission

16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Colonel Karremans,

17 le blocus de l'armée serbe et la capture des cinquante cinq soldats, tout

18 ceci vous a-t-il quand même donné l'impression que vous pouviez continuer

19 à

20 accomplir votre mission ?

21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, au début

22 j'étais en mesure de le faire, compte tenu du mandat que j'avais reçu et

23 du

24 fait que j'avais encore du personnel, de l'équipement, du fait aussi que

25 des convois arrivaient encore. Mais à la fin de mon séjour, je n'étais

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1 plus

2 en mesure d'accomplir ma mission.

3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais

4 maintenant tourner mon attention sur l'invasion. Quel fut l'effet sur la

5 population de l'enclave quand l'invasion a commencé ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Vous savez que

7 l'invasion a commencé le 6 juillet, s'accompagnant d'hostilités très

8 violentes dans la partie Sud de l'enclave, autour du poste d'observation

9 Fox-trot. Elle a commencé par un pilonnage même de Srebrenica et de la

10 base, ainsi que de certains autres postes d'observation.

11 En fait, les hostilités ont débuté dans la partie Sud, partie

12 où il y avait également un projet d'abri suédois, c'est-à-dire qu'un

13 certain nombre de logements avaient été construits par les autorités

14 suédoises où vivaient environ 3 000 réfugiés. Etant donné que l'invasion a

15 commencé dans le Sud, tous ces réfugiés se sont enfuis dans toutes les

16 directions et vers Srebrenica. Vous pouvez alors imaginer la panique, le

17 chaos qui régnaient. Je vous ai déjà dit tout à l'heure qu'il n'y avait ni

18 nourriture ni possibilité de loger ces gens à Srebrenica. C'était la

19 panique la plus totale.

20 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Où ces gens se sont-

21 ils enfuis après le début de l'offensive ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - A Srebrenica.

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais) . - Sur la base des

24 Nations Unies de Srebrenica ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, pas au

Page 3327

1 début. Ce n'est que le lundi 10 et le dernier jour, le mardi 11.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de réfugiés

3 y avait-il à l'intérieur et en dehors de la base des Nations Unies à

4 Srebrenica ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je ne sais pas,

6 mais des centaines sur la base...

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien de réfugiés y

8 avait-il à l'intérieur et en dehors de la base des Nations Unies à

9 Srebrenica ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je ne sais pas.

11 Mais des centaines sur la base et probablement des milliers autour.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Alors que s'est-il

13 passé avec ces réfugiés qui s'étaient réfugiés sur la base et autour de la

14 base de Srebrenica ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Vous parlez du 11,

16 du dernier jour ?

17 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Oui.

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ce jour-là et

19 d'ailleurs dans les jours précédents, il y avait déjà eu pilonnage de

20 Srebrenica -un pilonnage assez violent- et le 11, alors que tous ces

21 réfugiés avaient été rassemblés là, l'armée serbe bosniaque a commencé à

22 pilonner la ville et la base de Srebrenica.

23 Le résultat a été qu'un grand nombre de personnes ont été

24 blessées, cela a entraîné un grand nombre de morts et, le matin du 11,

25 nous

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1 avons évacué l'hôpital local en n'emmenant que les blessés à la base de

2 Potocari. L'après-midi, pendant les raids, tous les réfugiés se sont

3 enfuis

4 vers la base de Potocari, c'est-à-dire vers le Nord.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Les obus tirés par

6 l'artillerie de l'armée serbe bosniaque ont touché la base de Srebrenica ?

7 Est-ce bien exact ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Y a-t-il eu des

10 victimes civiles ?

11 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Vous avez dit qu'il y

13 avait eu un grand nombre de personnes, un véritable exodus, vers Potocari.

14 Ceux qui se sont enfuis vers Potocari sont-ils venus se réfugier à la base

15 de Potocari ? Est-ce-que ceux qui s'étaient réfugiés à la base des Nations

16 Unies de Srebrenica se sont réfugiés à la base des Nations Unies à

17 Potocari ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Combien de personnes

20 à peu près se sont retrouvées à Potocari sur la base et autour de la base

21 ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- C'est difficile à

23 évaluer. Nous avons dû diviser les groupes de réfugiés parce qu'ils

24 étaient

25 des milliers et des milliers, ils étaient trop nombreux. Je dirais que

Page 3330

1 nous

2 avons invité 4 à 5 000 réfugiés à entrer sur notre base à Potocari. La

3 base

4 a alors été complètement pleine, remplie totalement de la foule des

5 réfugiés et du personnel.

6 Il y avait encore 15 à 20 000 personnes qui se trouvaient en

7 dehors de la base de Potocari. Nous avons utilisé des bâtiments d'usines

8 qui avaient été bombardés autour de la base.

9 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Quelle est la

10 proportion d’hommes par rapport aux femmes dans ces près de 25 000

11 réfugiés

12 qui se trouvaient autour de la base ?

13 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Sur ces 25 000

14 réfugiés, je dirais que la plupart étaient des femmes, des enfants, et des

15 personnes âgées. Comme je l'ai déjà dit, il n'y avait peut-être que 2 à 3

16 %

17 d’hommes dans cette masse de réfugiés entre 15 et 65 ans.

18 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Pourriez-vous

19 décrire un peu les conditions dans la base et autour de la base ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Là aussi, les

21 conditions dans lesquelles se trouvaient les réfugiés -ce que j’ai déjà

22 dit

23 tout à l'heure- ne cessaient de se détériorer. Ils n'avaient pas été

24 alimentés, ils n'avaient pas eu d'eau pendant les 6 jours des hostilités,

25 de l'invasion, et ils étaient en très mauvais état.

Page 3331

1 En ce qui nous concerne, nous n'avions aucun moyen de leur

2 donner quoi que ce soit d'autre, que le peu d'eau qui nous restait, un peu

3 de nourriture et les quelques médicaments que nous avions encore. L'état

4 général, les conditions dans lesquelles se trouvaient ces personnes

5 étaient

6 épouvantables.

7 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Sur ces 25 000

8 personnes, y avait-il des femmes enceintes qui ont accouché ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, plus tard

10 cinq femmes ont accouché. Et j’ai entendu qu’un homme s’était suicidé en

11 se

12 pendant. La vie a continué pendant les deux jours où nous avons eu tous

13 ces

14 réfugiés autour de nous.

15 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Je voudrais en venir

16 maintenant aux frappes aériennes. Pourriez-vous décrire ces frappes

17 aériennes à la Cour ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Comme tout le

19 monde le sait, c’est bien connu, j'avais demandé à plusieurs reprises

20 l'appui des forces aériennes. J'avais réclamé à plusieurs reprises ces

21 frappes.

22 Compte tenu du mandat qui avait prévu au départ l'établissement

23 des trois zones de sécurité -Gorazde, Zepa et Srebrenica- on avait demandé

24 dans ce mandat que l'approvisionnement des soldats soit assurée. Puis le

25 mandat a été modifié en incluant l'appui des frappes aériennes si cela

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1 s'avérait nécessaire, si les conditions n'étaient pas respectées.

2 Le 6, étant donné qu'un des postes d'observation a été attaqué,

3 qu'il y avait eu pilonnage de Srebrenica, il n'y avait pas d'appui aérien

4 proche. Ce n’est que le dernier jour, le mardi 11, que très tôt le matin,

5 à

6 6 heures -j’avais eu une réunion dans la nuit du lundi au mardi avec les

7 autorités locales- nous avons décidé de demander l'appui aérien très tôt.

8 Il n'y a pas eu cet appui aérien, ce n'est que plus tard que les frappes

9 aériennes ont commencé en début d'après-midi : pas d'effet pour la

10 population, pas d'effet pour notre mission, parce que tout le monde sait

11 qu'en fait ces frappes aériennes sont venues trop tard et ont été trop

12 faibles. Par contre, cela a eu un effet sur la réaction du Général Mladic.

13 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Avant d'arriver à

14 cela, pourriez-vous clarifier un point ? Lorsque vous commandiez le

15 bataillon néerlandais à Srebrenica, que l'appui des forces aériennes

16 devait

17 constituer un élément très important de l'appui dont vous aviez besoin et

18 dont avait besoin la population, vous avez parlé de ces frappes aériennes,

19 et vous avez dit qu'elles ont été trop faibles et trop tardives.

20 Quel a été l'effet de ces frappes aériennes sur le Général

21 Mladic ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Du fait que des

23 soldats avaient été pris en otage, avaient été enlevés à Bratunac et

24 qu'ils

25 se trouvaient dans une caserne de l'armée serbe bosniaque, celle-ci avait

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1 utilisé l'équipement de communication et les véhicules de notre mission et

2 a demandé que j'interdise immédiatement les frappes aériennes.

3 Il m'a fait savoir que si je n'arrivais pas à arrêter les

4 frappes aériennes, il utiliserait toute son artillerie pour pilonner et

5 bombarder la base de Potocari, pour pilonner et bombarder les réfugiés sur

6 la base et en dehors de la base, et qu'il tuerait les trente soldats pris

7 en otage.

8 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Avait-il la capacité

9 pour faire cela ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, parce qu’ils

11 avait gardé beaucoup de canons et d'autres armes sur les collines qui

12 entouraient la base, comme des mortiers, deux canons, deux chars, et comme

13 je l'ai déjà dit hier, des systèmes de lance-roquettes multiples, de

14 différents types, et tout cela en ligne de mire directe sur la base. Il

15 pouvait donc utiliser ces armes.

16 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - C’est ce qu'il avait

17 fait d'ailleurs en ce qui concerne la base des Nations Unies, à

18 Srebrenica ?

19 Je voudrais maintenant en venir à un autre thème : les

20 rencontres que vous avez eues avec le Général Mladic. Pourriez-vous nous

21 décrire les circonstances dans lesquelles votre première rencontre a eu

22 lieu avec le Général Mladic ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ma première

24 rencontre avec le Général Mladic a eu lieu le mardi soir, à 8 heures et

25 demi. On m'a dit qu'on avait reçu un message, toujours par le même système

Page 3334

1 de communication, m’ordonnant de venir à Bratunac pour une réunion. Je ne

2 savais pas du tout de quoi il s'agissait, mais je m'attendais à ce que ce

3 soit quelqu'un de l'armée serbe bosniaque, Nicolic ou Vukovic.

4 Je n'étais jamais allé à Bratunac, mais mon officier de liaison

5 s’y était rendu un certain nombre de fois et avait déjà discuté des

6 options

7 militaires avec l'armée serbe bosniaque. Deux officiers de liaison sont

8 venus avec moi dans cet hôtel à Bratunac. Il y avait là foule de

9 militaires, tous en treillis, en tenue de combat, et c'est là que pour la

10 première fois j'ai rencontré le général Mladic.

11 Je ne l'avais jamais rencontré personnellement. Il y avait là

12 également le général Zivanovic, le co-commandant de la Drina Corps. Tout

13 le

14 monde était là, à 8 heures et demi. Il y avait également beaucoup de

15 représentants de la presse, de la télévision, et le général Mladic a

16 commencé par m'accuser de tous les maux et de tout ce qui s'était passé

17 dans les derniers six jours. Il a dit que j'étais responsable de l'appui

18 des forces aériennes qui avaient tué certains de ses soldats et de ses

19 gens, que mes soldats avaient essayé de le tuer parce qu'ils avaient tiré

20 sur lui. Il m'a accusé de ne pas être en mesure de désarmer les forces de

21 Bosnie-Herzégovine dans l'enclave, etc.

22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsqu’il parlait

23 avec vous, est-ce qu’il était calme ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, il hurlait.

25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Que s'est-il passé

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1 ensuite ?

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ensuite, nous

3 avons reçu le verre d'eau classique.

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - C'est tout ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, on nous a

6 mis un verre de quelque chose dans la main. On n'a pas bu à la santé de

7 qui

8 que ce soit, mais vous pouvez vous imaginer que la situation était très

9 mauvaise. Nous n'avions pas dormi depuis cinq nuits. Nous n'avions ni eau,

10 ni nourriture. Nous avions vécu dans des abris, dans des bunkers. On ne

11 peut pas dire que nous étions en très bonne forme et certainement pas très

12 en forme pour ce type de réunion.

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce qu’il y avait

14 des cameramen ?

15 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Oui, et tout a

16 été enregistré, photographié et filmé.

17 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous avez eu

18 ce verre dans la main, on vous a filmé ainsi que les autres officiers

19 néerlandais ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Combien de temps a

22 duré la réunion ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). – Oh, pas

24 longtemps. Peut-être trois quarts d’heure. J'ai essayé d'expliquer la

25 situation misérable dans laquelle se trouvaient les réfugiés. Je lui ai

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1 demandé de faire en sorte qu'on les approvisionne en eau, en nourriture et

2 en médicaments et il m'a dit : "Vous devez revenir pour une deuxième

3 réunion, à 11 heures et demi, donc juste avant minuit, et vous amènerez là

4 des représentants des réfugiés", il m'a dit que je devais amener des

5 représentants des réfugiés et, si possible, un représentant des autorités

6 civiles de l'administration de l'opstina.

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Qu'est-ce que vous

8 avez fait alors ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Nous sommes

10 rentrés. Nous avons quitté l'hôtel à Bratunac. Nous sommes rentrés dans la

11 base et la première chose que j'ai faites alors a été d'avoir une brève

12 conversation avec mon adjoint. Nous nous sommes efforcés désespérément de

13 trouver un représentant des réfugiés.

14 L'un de mes officiers connaissait la personne en question. Il

15 s'agissait du directeur de l'école secondaire de Srebrenica. Il se

16 trouvait

17 parmi les réfugiés et se trouvait Potocari. Nous l'avons retrouvé et lui

18 avons expliqué la situation. Nous l'avons informé de notre réunion avec

19 Mladic et lui avons dit qu'il nous avait été pratiquement ordonné de

20 l'amener avec nous, c'est-à-dire pas lui explicitement, mais un

21 représentant des réfugiés. Nous lui avons donc demandé s'il consentait à

22 venir avec nous.

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Ensuite vous êtes

24 rentrés à Bratunac, le même soir ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, le même

Page 3337

1 soir, aux alentours de minuit, avec mes deux officiers de liaison, les

2 mêmes et M. Mandzic qui était le représentant.

3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Qui était du côté de

4 l'armée bosniaque serbe. Qui participait à ces réunions ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Plus ou moins les

6 mêmes personnes que j'avais rencontrées lors la première réunion : le

7 Général Mladic, le général Zivanovic, un interprète dont j'ai déjà parlé

8 hier, il s’agit de Petar, quelques officiers de l'armée bosniaque serbe et

9 un ou deux civils que je ne connaissais pas.

10 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Au cours de cette

11 deuxième réunion…

12 (Interruption de la diffusion de l’enregistrement du

13 4 juillet 1996)

14 M. le Juge RIAD.- Nous pouvons peut-être faire une pause. Nous

15 en sommes à un point où nous pouvons peut-être nous interrompre. Est-ce le

16 bon moment, maintenant ?

17 M. McCLOSKEY.- Oui, Monsieur le Juge, je pense que c’est bien.

18 M. le Juge RIAD.- Je vous remercie. Nous reprendrons dans une

19 demi-heure, à 11 heures 30.

20 La séance est interrompue à 11 heures,

21 et reprise à 11 heures 35.

22

23 M. le Juge RIAD.- Nous pouvons continuer.

24 M. McCLOSKEY.- Oui. Nous sommes prêts à voir l’enregistrement

25 du témoignage du colonel Karremans.

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1 M. le Juge RIAD.- Bien.

2 (Reprise de la diffusion de l’enregistrement vidéo du 4 juillet

3 1996)

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Au cours de cette

5 deuxième réunion, avez-vous demandé une autorisation pour les convois qui

6 transportaient des aides différentes pour les réfugiés ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, monsieur.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

9 décrire cette deuxième réunion ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - La deuxième

11 réunion a été un peu plus amicale que la première, si j'ose dire. On

12 pourrait le dire. J'ai été en mesure d'expliquer une nouvelle fois la

13 situation déplorable qui régnait au sein de la base et en dehors de celle-

14 ci, notamment en ce qui concerne les réfugiés. De nouveau, j'ai sollicité,

15 l'aide, l'assistance pour les médicaments et les vivres. Nous avions une

16 centaine de personnes blessées, toutes casées dans différents abris. Des

17 notes ont été prises en ce qui concerne mes demandes, sans réponse en vue

18 d'une aide concrète.

19 Ensuite, il a posé ses demandes. Une sorte de monologue,

20 dirais-je. Il m'a demandé, ainsi qu'au représentant des réfugiés,

21 M. Mandzic que tous les soldats bosniaques déposent leurs armes et les

22 remettent aux soldats de l'armée serbe bosniaque.

23 Ensuite, il nous a parlé de son attitude claire et nette à

24 l'égard des soldats de la Bosnie-Herzégovine, ceux qui étaient portés

25 disparus ou qui n'étaient plus en vie.

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1 Ensuite, il a demandé que nos représentants reviennent le

2 lendemain matin à 10 heures, pour une troisième réunion. Il a promis un

3 cessez-le-feu, celui même que j'avais demandé moi-même, et ce à partir de

4 10 heures le lendemain matin.

5 Si l'armée de la Bosnie-Herzégovine n'assurait aucun soutien

6 pour la remise des armes, eh bien les pilonnages, les bombardements et les

7 attaques reprendraient sur et autour de la base.

8 Il nous a également parlé de M. Itzetbegovic, du Président de

9 la population musulmane en indiquant qu'il avait tué beaucoup plus de

10 Serbes au cours des années passées. Il a indiqué également qu'il n'était

11 pas prêt à utiliser quelque force que ce soit contre les femmes et les

12 enfants.

13 Il m'a demandé de voir si l'un des commandants de l'armée de

14 Bosnie-Herzégovine, Naser Oric pourrait se présenter. Nous lui avons

15 expliqué que nous ne l'avions pas vu depuis le mois d'avril, qu'il n'était

16 pas de retour dans l'enclave.

17 Ensuite, il a indiqué qu'il était prêt à reprendre les 100 ou

18 110 personnes blessés que nous abritions et que s'il les reprenait, il

19 leur

20 garantirait un traitement équitable, égal, comme il est d'ailleurs prévu

21 pour tous les blessés conformément aux Conventions de Genève.

22 A nouveau, il a indiqué qu'il nous demandait de revenir le

23 lendemain matin avec une délégation de réfugiés et nous a demandé de voir

24 s'il était possible d'avoir également des représentants des autorités

25 militaires, politiques et administratives de l'enclave.

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1 Une autre demande était que la remise des armes par l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine signifierait la survie de ces gens. Une fois celles-ci

3 déposées, il n'y aurait plus de tués, plus d'exécutions. S'ils déposaient

4 leurs armes, ils seraient traités conformément aux conventions de Genève.

5 Il nous a fait savoir que la destinée de la population musulmane se

6 trouvait entre ses mains.

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A-t-il fait quelques

8 commentaires ou déclarations concernant l'OTAN et les garanties de l'OTAN

9 pour la sécurité de la population civile ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il a effleuré ce

11 sujet. Il en a parlé même au cours de notre première réunion. Quand je dis

12 réunion, il faudrait mettre des guillemets. Il a parlé de l'incapacité des

13 forces des Nations Unies d'exécuter les accords découlant des négociations

14 sur les cessez-le-feu et des Résolutions des Nations Unies, notamment

15 portant sur la démilitarisation de l'enclave en question. C'est ce qu'il a

16 soulevé au cours de la première réunion, et répété au cours de la seconde

17 réunion à savoir que les Nations Unies n'étaient pas en mesure de

18 s'acquitter de leur mission.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Après cette deuxième

20 réunion, y en a-t-il eu une troisième ?

21 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Cela se passait

22 aux alentours de minuit, elle a duré environ une heure et demi au total.

23 Ensuite, nous sommes rentrés à notre base et nous avons parlé avec nos

24 préposés en les informant de la teneur de ces deux réunions, de la demande

25 du général Mladic. Ensuite, nous nous sommes efforcés de trouver ces gens

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1 qui devaient représenter les réfugiés. Nous voulions faire en sorte qu'ils

2 soient préparés pour la réunion.

3 Puis, je me suis longuement entretenu avec mon député et nous

4 avons essayé de trouver des personnes très précises pour la prochaine

5 réunion. Nous avons enfin réussi à trouver la personne voulue ; il

6 s'agissait d'un blessé et d'une autre personne. Puis, nous avons recueilli

7 un petit groupe de trois personnes qui a formé ce petit comité de

8 réfugiés.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Par conséquent, le

10 lendemain matin, il y a eu une troisième réunion, colonel. Où a-t-elle eu

11 lieu ?

12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Elle a eu lieu à

13 nouveau à Bratunac, dans le même hôtel.

14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A quelle heure ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - 10 heures 30.

16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous

17 décrire un peu les circonstances qui entouraient cette troisième réunion ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, plus ou

19 moins. C'était une répétition de la deuxième. Les mêmes personnes étaient

20 présentes, ou la plupart que j'avais eu l'opportunité de connaître au

21 cours

22 de la deuxième réunion. C'était pour ainsi dire les mêmes personnes que

23 lors de la deuxième réunion. Celles que je ne connaissais pas m'ont été

24 présentées, mais je ne me souviens pas de leur fonction. Il s'agissait de

25 personnes venant de Bratunac.

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1 Le général Mladic nous a d'abord salués, nous souhaitant la

2 bienvenue, à moi-même et à mes officiers de liaison.

3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quand vous parlez de

4 "il", vous parlez du général Mladic ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui. Ensuite,

6 nous avons présenté les deux nouvelles personnes que nous avions amenées

7 avec nous. Il s'agissait d'une femme qui s'est adressée au général Mladic

8 en quelques phrases pour lui parler de la situation et des conditions

9 déplorables des réfugiés, que ceux-ci n'étaient pas responsables de ce qui

10 s'était passé dans cette enclave au cours des deux ou trois années passées

11 et, finalement, que les femmes et les enfants n'étaient pas du tout

12 responsables des événements dans l'enclave.

13 Elle parlait au nom de toutes les femmes et de tous les enfants

14 de l'enclave, de tous ceux qui étaient non-militaires, non-politiciens.

15 L'homme qui était avec nous s'est également présenté. Il a

16 demandé que l'aide soit assurée et qu'il ne faudrait pas en vouloir aux

17 réfugiés indiquant qu'ils avaient besoin de beaucoup de choses telles que

18 médicaments, aliments, toute sorte d'approvisionnement.

19 En effet, il a indiqué que lui-même, moi-même, l'équipe du

20 bataillon n'étaient pas en mesure de trouve qui que ce soit au cours de

21 cette nuit pour organiser une réunion ultérieure, mais évidemment il ne

22 pouvait pas s'appuyer sur les mandats, autrement dit il n'était pas en

23 mesure d'expliquer parfaitement les choses au général Mladic, en ce moment

24 précis.

25 Après ces quelques informations fournies par ces personnes

Page 3344

1 présentes, le général Mladic a insisté pour nous informer de certaines

2 choses et à en quelque sorte repris son monologue de la journée précédente

3 C'était à nouveau un monologue très long. Il a commencé par

4 nous donner un petit cours d'histoire, puis il nous a parlé de l'année

5 1992

6 pour nous indiquer que l'armée bosniaque, les soldats bosniaques étaient,

7 eux, coupables de la mort de nombreux soldats, de nombreux civils, de

8 nombreuses familles du côté des Serbes ; qu'ils étaient également

9 responsables des attaques perpétrées sur les villages entourant le secteur

10 de Srebrenica, qu'ils étaient également coupables des dévastations causées

11 dans ces différents villages. Et, conformément à tout cela et à tout ce

12 qui

13 a dû se passer en 1993, c'était quelque chose qui se rattachait à ces

14 événements et que désormais, les maîtres de la situation devraient être

15 les

16 Serbes.

17 Personne ne pouvait donc apporter quelque soutien que ce soit

18 et personne ne pouvait s'attendre à une aide de quelque sorte que ce soit

19 du côté des Bosniaques.

20 Ensuite, il a parlé des événements des années écoulées, des

21 forces de la Bosnie-Herzégovine qui étaient présentes dans l'enclave et

22 qui

23 ont commis beaucoup d'actes criminels et de sévices quand ils se

24 trouvaient

25 dans les enclaves et qu'ils recherchaient de la nourriture ou autres

Page 3345

1 choses. Il a indiqué qu'il voulait bien porter secours aux réfugiés, mais

2 pour ce faire il avait besoin de l'appui et du soutien des autorités

3 locales.

4 Personnellement, je lui ai expliqué que ces gens-là n'étaient

5 pas disponibles au sein de ce groupe des 25 000 réfugiées qui se

6 trouvaient

7 dans l'enclave.

8 Ensuite, il a parlé de l'armée de Bosnie Herzégovine, de ceux

9 qui ont survécu ou ceux qui sont disparus. Encore une fois, il a sollicité

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine de déposer les armes et que même les

11 criminels dans les rangs de cette armée devaient et pouvaient le faire.

12 Un deuxième sujet sur lequel il s'est étendu était que la

13 population au sein et autour de la base pouvait choisir entre rester à

14 Srebrenica et être évacuée vers la Serbie ou encore vers les territoires

15 bosniaques autour de Tuzla ou d'être évacuée à l'étranger.

16 En effet, il a dit que l'ensemble de cette ancienne zone de

17 sécurité était encerclée et se trouvait sous le siège de ses propres

18 forces

19 et qu'au cours de la nuit, on avait d'ailleurs pu entendre les coups de

20 feux qui retentissaient. On pouvait entendre les échos des combats qui se

21 déroulaient tout autour de l'enclave de Srebrenica. Il a précisé qu'il ne

22 pouvait pas porter secours et aide aux réfugiés, sauf dans le cas où les

23 combats s'arrêteraient. En conséquence, les forces de la Bosnie

24 Herzégovine

25 devraient remettre leurs armes.

Page 3346

1 Quand il parlait des forces des Nations Unies, de la FORPRONU,

2 à mon sens, il pensait au bataillon néerlandais. En effet, il s'est

3 expliqué pour dire qu'il voudrait bien nous porter aide et concours en vue

4 de l'évacuation et c'est pour la première fois, au cours de cette

5 troisième

6 réunion, qu'il a utilisé ce terme "d'évacuation".

7 En effet, on a parlé de cette vie qui existait jadis dans

8 l'enclave même et autour de l'enclave de Srebrenica ; il a dit à quel

9 point

10 il souhaitait que cette belle vie d'avant 1992 reprenne, revienne et dans

11 l'enclave et dans la région autour de l'enclave.

12 Un autre point soulevé a été qu'en récapitulant les choses et

13 en s'appuyant à nouveau sur ce petit cours d'histoire qu'il nous a fait au

14 commencement, il a précisé qu'il n'aimait pas du tout les événements

15 de 1992 et 1993 et que lui, en tant que militaire professionnel, il ne se

16 réjouissait absolument pas des souffrances tant des civils que des

17 militaires. Encore une fois, il nous a offert son assistance, son aide. Il

18 nous a sollicités de repenser ou plutôt il les a sollicités de repenser à

19 ses offres et de songer à la possibilité d'évacuation dans ce contexte .

20 Il a demandé de quoi nous avions besoin pour répondre aux

21 besoins élémentaires, a voulu savoir ce dont les réfugiés avaient besoin

22 comme médicaments et appui logistique. Enfin, il a voulu savoir ce dont

23 avaient besoin ces 25 000 réfugiés qui se trouvaient dans l'enclave.

24 Le Comité des réfugiés a indiqué que la plupart des réfugiés

25 aimeraient rejoindre leurs parents, leurs familles et on a même parlé de

Page 3347

1 regroupement des familles. Ils ont précisé que personne ne devait être

2 contraint, forcé à l'évacuation et qu'en cas de frappe aérienne, un appui

3 aérien devrait être assuré même pour les autres régions de Bosnie et qu'il

4 faudrait donc déployer les armes nécessaires pour parer à ces frappes

5 aériennes éventuelles.

6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce qu'il s'est

7 expliqué ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il a dit à peu

9 près la même chose qu'au cours de la première réunion, à savoir que s'il y

10 avait frappe aérienne, ils bombarderaient, ils tireraient sur la base et

11 sur les réfugiés qui se trouvaient dans la base même et autour.

12 Il a dit qu'il voulait voir tous les hommes âgés de 17 à 60 et

13 quelques années. Le Comité des réfugiés a répondu que ce ne serait pas

14 possible. Il a dit il y avait pas mal de gens qui pouvaient être qualifiés

15 de criminels de guerre et qu'il voulait les voir.

16 Il a voulu savoir si nous étions en mesure d'entrer en contact

17 avec des soldats que Mladic connaissait. Il a fait référence à Naser Oric,

18 que je connaissais, et à d'autres personnes que je connaissais, aux

19 personnes dont j'ai parlé tout à l'heure, mais nous lui avons indiqué que,

20 dans l'enclave, il n'y avait pas pour le moment de soldats de l'armée de

21 Bosnie-Herzégovine. Nous étions avec les réfugiés, nous étions tous

22 comprimés pour ainsi dire dans une base très petite et avions en quelque

23 sorte perdu toutes nos capacités de voir ou d'entendre, d'être vus ou

24 d'être entendus ; nous ne pouvions donc pas entrer en contact avec des

25 représentants de militaire quels qu'ils soient.

Page 3348

1 Puis, il a ajouté que les soldats de l'armée bosniaque avaient

2 seulement 72 heures pour rendre les armes. Ensuite, il a exigé que des

3 conditions très spécifiques soient remplies et a indiqué que, si c'était

4 possible, il s'occuperait des malades, des faibles, des vieillards, des

5 femmes et des enfants, précisant que personne ne devait être blessé ou

6 touché et qu'évidemment tout se ferait en coopération avec la FORPRONU et

7 le bataillon néerlandais, que ce point était l'une de ses priorités.

8 Il a parlé également des besoins en diesel pour l'évacuation,

9 ce qui m'a fait rire en quelque sorte, parce que je savais très bien qu'il

10 n'y avait plus de carburant, qu'il n'y avait plus de diesel sur place, que

11 nos réserves étaient à zéro et que je ne pouvais donc pas répondre à cette

12 demande.

13 Il a précisé aussi que les forces de l'armée bosniaque serbe

14 accompagneraient le convoi d'évacuation. J'ai répondu par la négative,

15 indiquant que s'il y avait évacuation, c'était notre propre bataillon qui

16 devrait s'occuper de ce convoi d'évacuation, puis je lui ai expliqué

17 comment j'allais faire.

18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous proposé

19 au général Mladic ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ma proposition

21 était de placer un soldat à bord de chaque véhicule, alors même que je ne

22 savais pas quel en serait le nombre. Lorsque l'évacuation a commencé, le

23 jour même, vers 3 heures -nous reviendrons sur ce point un peu plus tard-,

24 je n'étais pas tout à fait en mesure de protéger chacun des véhicules du

25 convoi.

Page 3349

1 Ensuite, il a employé une formule pour dire que Allah ne

2 pouvait pas aider, mais que Mladic pouvait le faire. Il leur a demandé de

3 ne pas avoir peur et de faire passer ce message à leurs compatriotes

4 réfugiés dans la base.

5 J'ai également demandé quand cela pourrait se passer, ce qui

6 pourrait se passer pour les gens âgés de 17 à 60 ans. Il nous a reparlé

7 des

8 criminels de guerre qui se trouvaient au sein de ce groupe de gens et nous

9 a dit qu'il les interrogerait individuellement pour savoir ce qu'ils

10 avaient fait et voir de qui il s'agissait.

11 A la fin de cette réunion, soudainement, il s'est mis à nous

12 parler de l'évacuation et il a proposé, pour reprendre ce terme, Kladanj

13 comme point d'évacuation, il s'agit d'un petit village qui fait office de

14 frontière entre le territoire serbe et le territoire bosniaque, c'est-à-

15 dire celui de la région de Tuzla. Kladanj est la première ville musulmane

16 dans cette région.

17 Il a réitéré que c'est dans un délai de vingt-quatre heures que

18 tous les soldats de l'armée bosniaque serbe, portant ou non l'uniforme,

19 même s'il y avait ou non des crimes de guerre, devaient remettre leurs

20 armes. Il a dit quelque chose que j'ai essayé d'expliquer hier, à savoir

21 qu'une nouvelle information devait lui être fournie sur ce qui se passait

22 dans l'enclave et que quelqu'un devrait le tenir au courant de ce qui se

23 passait dans l'enclave afin qu'il puisse en être informé.

24 A ce moment-là, à la fin de la réunion, il nous a montré un

25 livre provenant de l'opstina dans lequel étaient enregistrés les mariages.

Page 3350

1 Le dernier mariage s'était produit le 29 juin. Et je suppose qu'à titre

2 d'aide-mémoire, il conservait cet ouvrage où étaient inscrits les mariages

3 auxquels il avait été procédé dans l'opstina. Il a alors précisé qu'il

4 avait quelque chose à dire à la femme membre de la commission, à savoir

5 que

6 c'était une femme très ouverte du point de vue des déclarations qu'elle

7 avait faites à Mladic et il n'a rien dit aux deux représentants hommes. Et

8 enfin, et ce n'était pas le moins important, il nous a instamment demandé

9 d'établir des contacts avec les forces bosniaques aux fins de les

10 convaincre d'accepter de restituer leurs armes dans les vingt-quatre

11 heures. Et je crois que c'était là la teneur de la réunion.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quand la réunion

13 s'est- elle terminée ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je crois me

15 rappeler que c'était autour de midi, car à 12 h 30, j'avais une réunion

16 prévue à la base avec les membres du Comité.

17 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- A quel moment le

18 premier transport est-il arrivé pour faire sortir les réfugiés de la base

19 ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Au cours de la

21 troisième réunion, il avait déclaré que l'évacuation devrait commencer

22 vers

23 1 heure. Mais le début de l'évacuation n'a pas été bien organisée, elle

24 n'a

25 pas été organisée de manière efficace, si bien qu'elle a commencé vers 3

Page 3351

1 heures.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Trois heures après la

3 fin de votre réunion avec le général Mladic, les transports sont arrivés

4 pour évacuer les réfugiés ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Exactement.

6 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quel type de

7 transport est arrivé ?

8 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Un grand nombre

9 d'autobus ; je crois pouvoir dire qu'il y en avait vingt ou trente. Il y

10 avait également des gros camions et des petits véhicules motorisés. Je

11 crois me rappeler que la première évacuation a fait intervenir quarante à

12 cinquante véhicules. Les dispositions ont été modifiées, c'est-à-dire

13 qu'au

14 départ, il y avait une personne escortant chaque véhicule, et ensuite une

15 personne pour deux véhicules.

16 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Etant donné le nombre

17 de véhicules, ils ne disposaient donc pas de suffisamment de soldats pour

18 placer à bord de chaque véhicule un soldat servant d'escorte, est-ce bien

19 cela ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- C'est cela.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous formulé une

22 autre solution ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Effectivement.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quelle était cette

25 solution ? Pouvez-vous nous décrire ?

Page 3352

1 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- La solution a

2 consisté à proposer que nous escortions chaque convoi avec deux véhicules,

3 des jeeps en l'occurrence, un officier ou un sous-officier ainsi qu'un

4 chauffeur étant à bord de chacune de ces jeeps équipées de systèmes de

5 communication. Ces véhicules devaient se rendre à Kladanj pour ensuite

6 revenir et servir d'escortes à l'évacuation suivante.

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Qu'est-il arrivé à

8 ces véhicules ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Lors de la

10 première évacuation, j'ai placé l'un de mes officiers -un capitaine- ainsi

11 qu'un de mes officiers de liaison à bord de ces véhicules escorteurs, et

12 ils sont parvenus à faire en sorte que toutes les personnes à bord de ces

13 autobus passent la ligne et arrivent effectivement à Kladanj.

14 Les véhicules sont donc partis en convoi, puis sont revenus à

15 Srebrenica et le même phénomène s'est produit lors de la deuxième

16 évacuation. Au total, quatorze autocars ont été interceptés sur le chemin

17 du retour, soit par les forces serbes bosniaques, soit par les forces

18 bosniaques.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Je voudrais bien

20 comprendre. Le premier véhicule escorteur est arrivé jusqu'à Kladanj.

21 C'est

22 bien cela ? Il est tout au moins arrivé tout près de Kladanj ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, il est arrivé

24 à 6 kilomètres de Kladanj, car une barricade était érigée à cet endroit

25 qui

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14 pagination anglaise et la pagination française

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1 servait de frontière. Et tous les réfugiés, y compris les personnes

2 blessées, ont été contraintes de marcher, même au prix de très grandes

3 difficultés, jusqu'à Kladanj.

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- D'autres véhicules

5 escorteurs sont arrivés au même point ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Certains d'entre

7 eux, oui, au début, mais ils ne sont pas revenus.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Qu'est-il arrivé à

9 ces véhicules ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ils ont été

11 interceptés, volés.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Et qu'est-il arrivé à

13 l'équipement utilisé par les soldats servant d'escorte ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Leurs armes

15 personnelles, leur casque, leur gilet pare-balles, leurs effets personnels

16 ont tous été volés.

17 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quelle a été la

18 conséquence de la perte de véhicules escorteurs après leur départ de la

19 base ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je crois pouvoir

21 dire que les conséquences ont été triples :

22 Premièrement, nous avons dû, une fois encore, modifier le mode

23 d'escorte accordé aux convois, en plaçant sur la route, longue de

24 50 kilomètres, quatre points que j'appellerai des points de contact, si

25 bien que les soldats présents dans ces points de contact pouvaient

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1 vérifier

2 que les véhicules passaient bien devant eux ; ils pouvaient compter le

3 nombre de personnes à bord de ces véhicules et, dès qu'un convoi

4 s'embarquait sur la route partant de la base, nous en comptions les

5 passagers, nous transmettions le nombre de ces passagers au premier point

6 de contact et demandions que ce point de contact vérifie bien que le

7 nombre

8 de personnes présentes à bord, lors du passage devant le point de contact,

9 correspondait bien au nombre de personnes embarquées à la base.

10 La deuxième conséquence était la suivante : j'ai demandé aux

11 troupes qui se trouvaient devant la base d'agir en groupe et de veiller

12 avec attention à leurs casques et à leurs gilets pare-balles alors que je

13 demandais aux soldats qui se trouvaient seuls de ne porter qu'un tee-shirt

14 de ne pas porter de casque ni de gilet pare-balles.

15 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pourquoi avez-vous

16 fait cela ?

17 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Parce qu'au

18 départ, notamment pour ce qui concerne les gens qui travaillaient au sein

19 du groupe des réfugiés, il y avait eu pas mal de vols de la part des

20 soldats de l'armée serbe bosniaque. Ils volaient les gilets pare-balles,

21 les casques, les armes, en pointant simplement leurs armes sur la personne

22 en question et en ordonnant à cette personne de remettre ces divers

23 objets.

24 Et cela se produisait moins fréquemment lorsque les soldats étaient en

25 groupe.

Page 3356

1 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous revu le

2 général Mladic, le 12 juillet ?

3 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- C'était un

4 mercredi, oui. Au moment où le premier convoi est arrivé, je parle là des

5 véhicules vides qui arrivaient à la base, au moment où le premier groupe

6 de

7 réfugiés a été escorté vers les autobus pour y prendre place, le général

8 Mladic est arrivé à bord de son véhicule personnel, entouré d'un certain

9 nombre d'officiers et de gardes du corps bien entendu. La presse était

10 également présente. Ils ont pris de jolies photos de lui, ont pris des

11 photos de ce qui se passait, et lui ont fait beaucoup de publicité.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Avez-vous eu une

13 conversation avec le général Mladic lors de cette quatrième rencontre avec

14 lui ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - J'ai eu une brève

16 conversation avec lui au sujet de l'évacuation et au sujet de ses

17 déclarations du matin, à savoir que la première priorité devait être

18 accordée aux blessés. Lorsque nous lui avions parlé de cela, il avait dit

19 :

20 Oui, effectivement, il faut faire quelque chose à ce sujet, il faut les

21 emmener à l'hôpital de Bratunac. Ce à quoi j'avais rétorqué : non, nous ne

22 ferons pas cela, ils resteront à la base, sous notre contrôle, à moins

23 qu'ils soient envoyés à Tuzla -qui était placée sous le contrôle d'une

24 compagnie norvégienne- "et ce, sous escorte de la Croix Rouge

25 internationale ou sous escorte des Norvégiens".

Page 3357

1 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quelle a été sa

2 réaction ?

3 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Il n'a pas eu de

4 réaction.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Pouvez-vous

6 maintenant nous décrire votre quatrième réunion avec le général Mladic ?

7 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Il était tellement

8 impressionné par la présence de la presse, il avait tellement envie

9 d'impressionner les officiers et les représentants de la presse qui se

10 trouvaient autour de lui et il souhaitait tellement s'adresser aux

11 réfugiés, que je n'ai guère eu le temps de parler avec lui. Je crois que

12 notre conversation n'a pas duré plus de cinq minutes.

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Quel a été votre

14 contact suivant avec le général Mladic ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Mon contact

16 suivant avec lui a eu lieu le lendemain matin, le jeudi matin.

17 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Où ce contact a-t-il

18 eu lieu ?

19 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Là encore devant

20 la base, juste en face du portail principal. Là encore, il s'est agi d'une

21 brève rencontre ; la presse n'était pas présente, n'étaient présents que

22 le

23 colonel Jankovic et le major Nikolic avec lui, ces deux hommes étant tous

24 deux officiers de l'armée serbe bosniaque et, bien sûr, il était également

25 accompagné de son interprète Petar et de quelques gardes du corps.

Page 3358

1 Ce jeudi matin, il m'a proposé de quitter la base avec nos

2 véhicules, après l'évacuation de tous les réfugiés ou pendant cette

3 évacuation.

4 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- En d'autres termes,

5 le bataillon néerlandais pouvait-il être évacué ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, c'est exact,

7 c'est bien cela.

8 M. Harmon (interprétation de l'anglais).- Que lui avez-vous

9 dit ?

10 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Je lui ai dit que

11 l'idée de quitter la base ne me plaisait pas pour un certain nombre de

12 raisons.

13 L'idée de quitter la base ne me plaisait pas pour un certain

14 nombre de raisons, la première étant que j'avais encore des soldats postés

15 au poste d'observation Alpha. Les officiers et les soldats qui

16 participaient à l'escorte des convois la veille étaient toujours en

17 activité.

18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Autrement dit, ils

19 n'étaient toujours pas revenus ?

20 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Effectivement,

21 ils étaient toujours portés disparus et à ce moment-là j'avais

22 cinquante cinq civils blessés à la base. Je lui ai donc rappelé la

23 conversation que nous avions eue précédemment, à savoir mon désir

24 d'emmener

25 ces blessés avec l'aide de la Croix Rouge Internationale ou avec l'escorte

Page 3359

1 des soldats norvégiens.

2 Par ailleurs, j'avais également un certain nombre de Bosniaques

3 employés par nous sur la base : des interprètes servant aux militaires,

4 aux

5 observateurs militaires des Nations Unies qui travaillaient sur la base.

6 Il

7 y avait également tous les représentants de MSF -Médecins sans Frontières-

8 qui se trouvaient avec moi à la base. Je proposais donc que nous partions

9 tous ensemble, mais seulement après que des dispositions particulières

10 aient été prises au sujet des blessés.

11 Il a accepté. C'est pourquoi je suis resté à la base.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu d'autres

13 sujets discutés pendant la réunion ?

14 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non cela a été la

15 fin de la réunion.

16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A la fin du

17 13 juillet, tous les réfugiés avaient-ils été déportés de la base de

18 Potocari ?

19 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur. Je

20 regarde mes notes, si vous le voulez bien. A 16 heures, le jeudi, le

21 dernier réfugié avait quitté la base et, à ce moment-là a commencé

22 l'évacuation des 4 000 à 5 000 réfugiés qui avaient eu l'autorisation de

23 rester sur la base.

24 Cette évacuation a débuté à 16 heures pour se terminer vers

25 19 heures.

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1 Elle a donc duré trois heures.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A la fin de cette

3 phase, il n'y avait donc plus aucun réfugié sur la base de Potocari ou aux

4 alentours ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Il n'y avait plus

6 aucun réfugié à Srebrenica sur la base ou aux alentours.

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Quelle a été votre

8 rencontre ultérieure avec le général Mladic ?

9 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Elle a eu lieu le

10 jour de notre départ, le 21 juillet. C'était un vendredi matin. Huit jours

11 nous avaient été accordés pour préparer notre départ, huit jours de repos.

12 Le vendredi, lendemain de l'évacuation, tout d'un coup, un convoi

13 transportant beaucoup de vivres et du fuel pour les véhicules diesels a

14 été

15 autorisé à rentrer sur la base de Potocari. A partir de ce jour, nous

16 avons

17 disposé d'une quantité suffisante de vivres, de fuel et de médicaments et

18 nous avons pu nous remettre des événements qui s'étaient déroulés la

19 semaine précédente.

20 Le vendredi le général Mladic m'a transmis une invitation par

21 le général Jankovic, si je me souviens bien, à moins que ce ne soit par

22 Petar, l'interprète. Il me faisait savoir qu'avec mon officier de liaison

23 j'étais invité dans cet hôtel de Bratunac où avaient déjà eu lieu les

24 trois réunions précédentes avec lui.

25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Que s'est-il passé ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Nous nous sommes

2 rendus à bord d'un véhicule dans cet hôtel. J'étais accompagné de mon

3 officier de liaison. Là se trouvait le général Mladic entouré d'une foule

4 d'officiers dont je connaissais la majorité en raison des réunions que

5 j'avais eues avec lui précédemment.

6 Le chef d'état-major des forces bosniaques, le général Nikolic,

7 était là. Il y avait également un général néerlandais et son adjoint. Ils

8 nous ont offert le petit déjeuner et ont proposé de discuter d'un certain

9 nombre de choses, notamment de la situation des armements. Je lui ai

10 redemandé ce qui s'était passé avec mes armes. J’ai dit que je souhaitais

11 les récupérer. Je savais déjà que nous étions sensés partir vers midi du

12 territoire serbe pour poursuivre notre chemin par la suite vers Zagreb.

13 Je lui ai reposé la question de savoir où se trouvaient mes

14 véhicules. J'ai dit que j'aimerais qu'ils me soient rendus. Il m'a dit à

15 ce

16 moment-là, après avoir parlé d'un certain nombre de généralités que je

17 n'ai

18 plus en mémoire, qu'il aimerait visiter la base, jeter un coup d'oeil sur

19 nos convois, voir comment nous organisions nos véhicules. Il m'a demandé

20 de

21 discuter avec les soldats et a proposé que cela se fasse aux alentours de

22 11 heures, dès que possible.

23 Mais étant donné l'horaire prévu, cela semblait impossible.

24 J'ai donc dit au général Mladic que cela ne me semblait pas une bonne idée

25 qu'il y ait cette discussion avec les soldats, cela ne me semblait pas une

Page 3362

1 bonne idée qu'il visite la base. Mais il a insisté pour visiter cette base

2 et m’a dit : « bon, très bien ! je ne serai pas là à 11 heures, mais

3 j’arriverai à 11 heures 30 escorté par le chef d'état-major des forces

4 bosniaques.

5 J'ai eu d'autres conversations pour organiser notre voyage et

6 m'occuper de toutes les questions qui restaient encore en suspens. J'ai

7 demandé à mon adjoint s'il pensait que nous pourrions démarrer à midi. Il

8 m'a dit oui et à ce moment-là je lui ai annoncé la visite prévue du

9 général

10 Mladic. Il a dit : « très bien ». Nous sommes repartis vers le portail. En

11 fait, il se trouvait au portail bien avant 11 heures 30 et il a été arrêté

12 par le commandant des gardes qui était un sergent de très grande taille ;

13 il n'a donc pas pu passer outre les instructions de ce sergent.

14 Nous nous sommes approchés du général Mladic. Nous avons eu une

15 brève conversation avec lui. 11 heures et demi est arrivé. Je l’ai à ce

16 moment-là fait rentrer sur la base, dans la pièce où j'avais l'habitude de

17 me tenir. Nous avons rapidement discuté d'un certain nombre de questions

18 générales, après quoi je lui ai posé deux questions précises, la première

19 étant : « Qu'arrivera-t-il à mon équipement ? ». Je lui ai dressé la liste

20 des matériels que j’avais perdus au cours des deux semaines précédentes :

21 tous les véhicules motorisés, pas mal d'armes légères, les transports de

22 troupes, le matériel des postes d'observation. Cela, c’était ma première

23 question.

24 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Quelle a été sa

25 réponse ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Sa réponse a été

2 qu'il s'apprêtait à régler le problème. Il était en contact avec le

3 ministère de l'Intérieur et c'est en coordination étroite avec le

4 commandement des forces bosniaques qu'ils avaient l'intention de régler ce

5 problème. Il a également évoqué la présence du chef d'état-major des

6 forces

7 bosniaques.

8 La deuxième question que je me rappelle lui avoir posée a été

9 la suivante : « Pendant que les troupes des Nations Unies étaient

10 présentes

11 dans les zones de sécurité -Zepa, Gorazde et bien sûr Srebrenica- que se

12 passerait-il si ces troupes étaient complètement désarmées, complètement

13 démilitarisées ? Que se serait-il passé si des raids n’avaient pas eu lieu

14 à l'extérieur des bases militaires ? Que se serait-il passé si les

15 militaires avaient quitté la base en même temps que les civils,

16 conformément au règlement de cessez-le-feu de 1993 ? »

17 A cette question, il a répondu que l'idée d'attaquer l'enclave

18 ne lui serait pas venue à l’esprit. Il l’a dit avec quelque chose qui

19 ressemblait à un sourire. Cela a été également à peu près la fin de notre

20 conversation.

21 Nous sommes à ce moment-là ressortis pour nous diriger vers le

22 portail d'entrée principale de la base. Le garde posté à cet endroit

23 n'était plus le même, mes gardes étant retournés vers leur compagnie. Tout

24 le monde s'est placé à bord des véhicules et vers midi nous avons quitté

25 la

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1 base.

2 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Colonel Karremans,

3 merci beaucoup. Je n’ai pas d’autres questions. Monsieur le Président,

4 c’est la fin de cet exposé.

5 M. Le Président. - Merci monsieur le procureur. Je me tourne

6 vers mes collègues. Madame le juge vous avez, semble-t-il, des questions.

7 Vous avez la parole.

8 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Colonel

9 Karremans, après votre départ de Srebrenica et de Potocari, après le

10 départ

11 des réfugiés de Srebrenica et de Potocari, où les réfugiés à bord de ces

12 convois dont vous avez parlé sont-ils allés ?

13 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Comme je l’ai

14 expliqué tous les réfugiés ont quitté la zone de sécurité de Srebrenica

15 dans un temps qui était extraordinairement court. Cela s'est passé au

16 cours

17 du mercredi après-midi et de toute la journée du jeudi. Ils ont été

18 évacués

19 vers la ville de Kladanj, qui était la première ville musulmane dans la

20 région de Tuzla.

21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Sur la ligne

22 de confrontation ?

23 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, exactement.

24 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - Savez-vous ce

25 qui leur est arrivé au cours de leur voyage ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, parce qu’ils

2 sont restés à bord des véhicules. Cela d’ailleurs, c’était une des choses

3 que je voulais faire au début. Je voulais placer un soldat à bord de

4 chacun

5 des véhicules, ce qui lui aurait permis de vérifier ce qui se passait à

6 bord de ces autocars ou de ces camions.

7 Personne ne m'a informé de ce qui se passait à bord des

8 autocars, puisque nous n'avons rien pu faire à ce sujet. La seule chose

9 que

10 nous avons pu faire -et c'était notre deuxième option- a simplement

11 consisté à escorter ces groupes importants de véhicules, ces convois en

12 plaçant deux voitures dans les convois.

13 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Mais vos

14 véhicules motorisés ont été volés par l'armée serbe bosniaque ?

15 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui madame le

16 juge.

17 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Qu’ont fait

18 les soldats par la suite ?

19 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - De quels soldats

20 parlez-vous ?

21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Vous aviez des

22 soldats dans ces véhicules qui ont perdu leurs véhicules, leurs casques...

23 ils ont tout perdu. Qu’ont-ils fait à ce moment-là ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Ils ont été

25 rassemblés au cours de la nuit du mercredi au jeudi et gardés par des

Page 3367

1 membres de l'armée serbe bosniaque ou par des membres de troupes

2 irrégulières, je ne le sais pas très bien.

3 Il y avait quatorze officiers ou soldats qui les gardaient et

4 ils ont ainsi passé la nuit quelque part sur la route séparant Bratunac et

5 Kladanj.

6 Ils ont été alimentés par les soldats serbes bosniaques. On

7 leur a fourni un abri en leur annonçant qu'ils seraient protégés pendant

8 longtemps. Le vendredi ils sont revenus via Bratunac à ma base.

9 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - Vous-même ou

10 un de vos soldats a-t-il jamais vu un soldat serbe bosniaque brutaliser,

11 violer ou voler un réfugié dans les endroits que vous avez évoqués ?

12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Dans certains

13 cas, certains réfugiés ont été battus et dès qu’un de mes soldats

14 remarquait cela, on arrêtait de battre cette personne. J'ai reçu deux

15 rapports émanant d'un soldat le jeudi après avoir rencontré Mladic. Un de

16 ces rapports portait sur l'exécution d'une personne, le deuxième portait

17 sur l'exécution de neuf hommes dont mes soldats avaient trouvé les corps.

18 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - En ce qui concerne

19 les éléments de preuve de ce qui vient d'être mentionné par le colonel,

20 nous vous remettrons les pièces à conviction.

21 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez vous

22 demandé au général Mladic pendant ces rencontres ce qui s'était passé avec

23 ces réfugiés ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, parce que la

25 dernière fois que je l'ai rencontré c’est le 21, huit jours après, et à ce

Page 3368

1 moment-là nous ne savions pas ce qui s'était passé avec les réfugiés. Je

2 savais qu'ils avaient été évacués vers Kladanj et qu'ensuite ils avaient

3 été pris en charge par le bataillon pakistanais et la Croix Rouge

4 internationale entre autres, que des tentes avaient été montées, qu'ils

5 avaient prévu des points de provisions, de vivres, etc., également avec

6 l'aide du bataillon norvégien, que certains avaient été emmenés à la base

7 aérienne de Tuzla et qu’un certain nombre de réfugiés avaient été emmenés

8 ailleurs. C’est tout ce que je savais et je n'en ai pas parlé avec le

9 général Mladic.

10 Mme Odio-Benito (interprétation de l’anglais). - Colonel,

11 diriez-vous que vous avez eu l'appui que vous attendiez de vos supérieurs

12 ?

13 Au cours de ces jours très difficiles avant la chute de

14 Srebrenica, vous avez dit que vous aviez demandé un appui. Avez-vous reçu

15 ce que vous avez demandé ?

16 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Madame le juge,

17 je pourrais parler de cela pendant des jours et des jours et j'ai été très

18 content de pouvoir vous dire hier et ce matin ce qui s'est passé avec les

19 habitants, les réfugiés, les soldats qui se trouvaient dans l'enclave, et

20 en particulier avec mes soldats.

21 Nous avons fait des rapports quotidiens concernant la situation

22 dans laquelle nous nous trouvions en faisant une liste des rapports de

23 situation, et j’ai fait appel au commandement norvégien à Tuzla et à

24 Sarajevo en leur indiquant ce dont j'avais besoin pour accomplir ma

25 mission. J'ai été très précis dans cette demande. J'ai dit : « nous avons

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1 besoin de nourriture, de vivres, de carburants etc. ». J'ai demandé à un

2 grand nombre de reprises du soutien, de l'appui.

3 Je sais que l'on a beaucoup parlé à tous les niveaux, également

4 avec la population à Srebrenica, mais nous n'avons reçu aucun soutien,

5 aucun appui, aucune assistance

6 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - J'ai encore

7 une dernière question. Je voudrais vous demander votre opinion

8 personnelle,

9 colonel.

10 Rétrospectivement, si vous regardez ce qui s’est passé, pensez-

11 vous que les Nations Unies et l’OTAN ont fait tout qu’ils pouvaient faire

12 pour sauver des vies ?

13 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je dirais d'une

14 part oui. Si nous avions pu jouir de notre liberté de mouvement, qui était

15 un des points essentiels de la Résolution de 1993, si nous avions pu nous

16 déplacer et aller de zone de sécurité à zone de sécurité en toute liberté,

17 et si nous avions pu bouger de Srebrenica, pour nous et pour la Croix

18 Rouge, pour les Médecins sans frontière, nous aurions été en mesure

19 d'apporter notre assistance aux réfugiés là je dirais oui.

20 Mais compte tenu de notre isolement, du blocus, du fait que

21 nous n'avons reçu aucun appui, ma réponse est non.

22 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Isolement,

23 blocus, étranglement, du fait du général Mladic ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui.

25 Mme Odio Benito (interprétation de l’anglais). - J’ai terminé,

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1 merci.

2 M. Le Président. - Je me tourne vers mon collègue. Monsieur le

3 juge, vous avez des questions ?

4 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Colonel Karremans tout

5 au long des cinq réunions que vous avez eues avec le général Mladic, a-t-

6 il, à un moment ou un autre, pris en compte vos requêtes ou s'est-il

7 toujours agi d'un monologue et ne répondait-il pas à ce que vous disiez, à

8 vos objections et à vos demandes ?

9 M. Karremans (interprétation de l’anglais). - Je dirais que

10 j’ai eu trois « réunions » importantes avec le général Mladic. Ma

11 définition d’une réunion, c'est un dialogue, pas un monologue. Il s’est

12 agi

13 d’un monologue la première fois. La deuxième réunion, j'ai été en mesure

14 d’expliquer la situation déplorable. Il en a pas pris note, puis cela

15 s’est

16 arrêté là.

17 Troisième réunion, le mercredi matin : la femme et l'homme

18 représentant le comité des réfugiés ont pu faire une déclaration. Et cela

19 s'est arrêté là. Ma conclusion est donc qu’il ne s’est agi que de

20 monologue.

21 Il ne s’est pas agi de négociations entre deux parties. Il a

22 écouté mes demandes, mais il n’a pas apporté son soutien à quoi que ce

23 soit. Il avait sa manière de faire. C'était lui qui choisissait ce qu'il

24 voulait dire et ce qu'il souhaitait faire.

25 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Avez-vous exprimé une

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1 désapprobation à l'égard de la manière dont il faisait les choses en ce

2 qui

3 concerne la séparation des hommes et des femmes et le fait qu'il voulait

4 mettre les hommes de côté entre 16 et 65 ans ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, je l’avais

6 fait lorsqu’il avait demandé cela. J’avais dit : « mais qu’est-ce que cela

7 signifie ? pourquoi faire cela ? ».

8 Comme je l'ai dit précédemment, il voulait que les hommes entre

9 16 et 65 ans soient séparés pour voir s'il y avait des criminels de guerre

10 parmi ceux-là. Il pensait probablement que tous les soldats bosniaques

11 étaient des criminels. Il n’a pas expliqué le pourquoi, mais il a dit

12 qu'il

13 voulait leur parler à tous.

14 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Avez-vous demandé à

15 ces gens des informations pour lui donner des indications sur l'endroit où

16 ils étaient et qui ils étaient ?

17 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non.

18 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Cela veut dire que par

19 votre truchement, par votre bataillon il n'était pas possible de savoir de

20 qui il s'agissait.

21 Le vendredi matin, avez-vous dit, vous l'avez rencontré pour la

22 dernière fois. A ce moment-là vous aviez déjà eu connaissance des

23 exécutions dont vous avez parlé. Saviez-vous tout ce qui se passait et la

24 manière dont les réfugiés qui s'enfuyaient étaient traités ?

25 M. Karremans (interprétation de l'anglais). – Non, je ne savais

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1 pas tout.

2 A moment-là, les informations nous parvenaient, en particulier

3 l'aspect militaire dans le bataillon, ce qui devait être fait avant notre

4 propre évacuation. Pendant la dernière semaine où nous étions sur la base,

5 il y a eu des négociations entre certains officiers du bataillon et des

6 officiers de l'armée serbe bosniaque sur les blessés. Je suis allé à

7 Bratunac avec ces officiers pour voir à l’hôpital ce qui passait avec ces

8 blessés. On a discuté du problème des carburants, parce que le vendredi

9 après l'évacuation on nous a apporté beaucoup de carburants, du problème

10 des vivres, des médicaments. Ce sont là les sujets dont nous avons discuté

11 lors de petites rencontres, pas avec le général Mladic parce que je ne

12 l’ai

13 plus revu après l'évacuation, mais avec certains de ses officiers.

14 Et puis voilà. Cela s’est arrêté là.

15 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Avez-vous mentionné

16 ces exécutions, pas protesté mais mentionné ces exécutions lors des

17 dernières réunions que vous avez eues avec lui et quelle a été sa réponse

18 ?

19 M. Karremans (interprétation de l’anglais). – Non, je n’ai pas

20 protesté lors de la dernière réunion. En fait, je ne m’attendais pas du

21 tout à cette rencontre. C’est par un message, par notre système de

22 communication, qui me disait que je devais me présenter à l'hôtel de

23 Bratunac. Et là je me suis retrouvé dans cette foule de militaires et là

24 aussi il a plus ou moins monologué.

25 Il m'a demandé l'état dans lequel se trouvait le bataillon, si

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1 nous étions maintenant prêts à partir. En fait je n'ai pratiquement pas eu

2 l'occasion de faire le point sur ce qui s'était passé les jours

3 précédents.

4 Pour être tout à fait franc, je n'avais pas pensé à lui demander quel

5 avait

6 été le sort des réfugiés.

7 M. Riad (interprétation de l'anglais). - D'après vous il était

8 présent tout le temps et en tout cas informé de tout ce qui se passait ?

9 Il a été présent pendant ces six jours, pendant l'offensive et

10 l'invasion de l'enclave (du moins je le suppose). Et il a été présent

11 pendant l'évacuation. Il est venu à deux reprises comme je vous l'ai déjà

12 dit. Et s'il n'était pas là, il était dans l'hôtel de Bratunac qu'il

13 utilisait comme état-major ; de même qu'il utilisait la caserne de

14 Bratunac

15 comme poste de commandement pour ses autres activités concernant Zepa,

16 Gorazde et autres.

17 Après l'avoir rencontré brièvement le jeudi matin, je ne l'ai

18 plus revu, sauf que j'ai reçu des ordres des rangs les plus élevés de la

19 hiérarchie concernant notre voyage, soit vers Tuzla ou Kladanj, soit vers

20 Zagreb, parce qu'on continuait à discuter, au niveau les plus élevés de la

21 hiérarchie, pour savoir où nous allions nous rendre. Et j'ai été en

22 contact

23 avec le général Mladic pour en discuter parce que, depuis l'évacuation,

24 aucun de nous ni du haut commandement n'avait eu de contact avec lui. Je

25 lui ai donc envoyé une note par télécopie, accompagnée d'une petite lettre

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1 que j'ai envoyée à l'interprète Petar, qui habitait à Bratunac, en lui

2 demandant de la remettre au général Mladic en lui demandant d'y répondre.

3 C'est le vendredi que j'ai reçu la réponse et le même vendredi que le

4 convoi avec du carburant et des vivres est arrivé. C'est le seul contact

5 que j'ai eu par écrit. Et, dans sa réponse, il a disait ; "oui, je prends

6 en compte votre demande concernant votre départ, quel que soit le moment

7 de

8 votre départ". Et en ce qui concerne le matériel perdu ou volé (il a parlé

9 du matériel perdu), il ajoutait qu'il prendrait cela en considération. Et

10 il me demandait de faire preuve de patience, parce qu'il aurait une

11 rencontre avec le général Smith un jour (je crois que c'est le 19 juillet)

12 que cela a eu lieu, et à ce moment-là, qu'il parlerait avec le général

13 Smith du départ du bataillon néerlandais et qu'ensuite il organiserait et

14 il prendrait les mesures pour organiser notre départ.

15 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Vous parlez

16 d'évacuation et vous avez dit qu'à maintes reprises, il vous avait demandé

17 d'apporter votre aide à cette évacuation. Il s'agissait en fait de la

18 déportation des habitants de Srebrenica vers le territoire bosniaque ?

19 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui.

20 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Cette déportation a été

21 très organisée ; vous avez dit que des autobus étaient arrivés, que tout

22 avait été minutieusement organisé. C'est l'état-major de Mladic qui a

23 organisé tout cela ?

24 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Oui, monsieur le

25 juge, je crois que c'est lui-même qui a donné les instructions pour tout

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1 cela et, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises par le passé, tout

2 était pré-organisé à l'avance. Et ce parc impressionnant de véhicules et

3 d'autocars, qui étaient présents là en est un bon exemple. Dans les pays

4 occidentaux industrialisés, si vous voulez avoir, à un moment donné et à

5 un

6 endroit donné, une trentaine d'autocars, cela peut se faire, mais c'est

7 déjà un défi, mais alors dans un pays comme la Bosnie Herzégovine, si vous

8 voulez à voir trente ou quarante autocars un jour donné, il faut prévoir

9 cela longtemps à l'avance. Ce qui veut dire qu'il a prévu et exécuté ce

10 plan en le prévoyant et en le suivant minute par minute. C'est lui qui a

11 ordonné l'évacuation. Il a demandé l'aide du bataillon, mais pas plus

12 d'assistance qu'il n'en voulait. D'ailleurs le témoin suivant vous en

13 parlera. Notre assistance en fait consistait simplement à éviter le chaos,

14 la panique, en escortant les réfugiés pour les faire monter dans les

15 autocars, et en leur fournissant autant que possible de l'eau et des

16 médicaments dans la mesure où j'en avais encore. C'est la seule assistance

17 que j'ai été autorisé à donner.

18 M. Riad (interprétation de l'anglais).- Vous avez dit que 55

19 soldats avaient été capturés ou arrêtés le 6 juillet par les Serbes, et

20 détenus. Comment ont-il été traités ? Et combien de temps ont-ils été en

21 captivité ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais).- Ce n'était pas le

23 6 juillet que cela s'est produit. Le jeudi 6 juillet, c'est là que

24 l'offensive a commencé, l'invasion a commencé. Et les combats entre les

25 deux parties ont commencé dans la partie sud de l'enclave, accompagnés du

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1 pilonnage de la base et de Srebrenica. Et c'est deux jours et demi après,

2 le samedi, à fox-trot, que l'un de mes soldats est mort, et que les autres

3 se sont retirés du poste d'observation.

4 Ensuite, le dimanche et le lundi suivant, il a attaqué un grand

5 nombre de postes d'observation en utilisant différentes forces (les armes,

6 les soldats), en encerclant les postes d'observation, et en prenant en

7 otage les soldats du bataillon et en les emmenant avec lui.

8 Et finalement, il a ainsi capturé cinquante cinq de mes

9 soldats, et il se trouvait dans deux points à Bratunac, c'est-à-dire au

10 nord de l'enclave, et Simici, autre site où il les a gardés, au sud de

11 l'enclave.

12 Après l'évacuation, les cinquante cinq ont été réunis. J'ai pu

13 m'entretenir avec trente de ces cinquante cinq qui se trouvaient à

14 Bratunac

15 et lors de la première rencontre que j'ai eue avec le général Mladic, je

16 lui ai demandé la possibilité de m'entretenir avec ses soldats. Il m'a

17 répondu oui, vous êtes autorisé à le faire. J'ai donc eu un petit

18 entretien

19 avec les soldats, je leur ai demandé s'ils étaient bien traités. Ils m'ont

20 dit que oui, qu'ils étaient raisonnablement bien traités. Et

21 ultérieurement, alors que j'étais déjà rentré au Pays-Bas, j'ai appris que

22 les autres vingt cinq qui étaient à Simici avaient également été

23 relativement bien traités.

24 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - A plusieurs reprises,

25 vous avez dit que vous aviez soulevé ces questions au niveau le plus élevé

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1 de la hiérarchie. Quelle a été leur réponse et comment expliquent-ils

2 qu'ils vous ont laissé tout seul en face de votre destin ?

3 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Au regard de ce

4 qui s'est passé vu les circonstances qui prévalaient à l'époque, sachant

5 que les deux officiers de commandement de l'armée bosniaque et norvégien,

6 j'ai dû me passer de..., mon supérieur direct était l'officier commandant

7 à

8 Tuzla. Chaque fois que cela m'est apparu nécessaire, dans mes abris, dans

9 ma base ou dans mes propres bureaux, j'ai établi des communications avec

10 le

11 commandement soit au Nord, soit au Nord-Est de l'armée bosniaque et

12 norvégienne.

13 Tous les jours, à 6 heures, nous envoyions un rapport de

14 situation par télécopie, par fax, ce qui veut dire que mes supérieurs

15 directs à Tuzla, et également le commandement à Sarajevo, étaient tout à

16 fait informés, minute par minute, de ce qui se passait dans l'enclave et

17 ce

18 pendant toute la durée de notre séjour.

19 Là aussi, les demandes d'appui logistique, la semaine

20 précédente, ou d'appui aérien comme je l'ai dit, non. Non. Tout cela s'est

21 résumé à de belles paroles.

22 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Autre question que je

23 voudrais vous poser. Lors d'une réunion, vous avez mentionné que le major

24 Nikolic était présent et avait dit que tous les musulmans devaient quitter

25 la Bosnie. C'était une réunion officielle ?

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1 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non, pas

2 exactement. Nous avons eu toute une série de réunions. Nous avons essayé

3 de

4 réunir les deux parties autour d'une table de conférence. Au début, cela a

5 été possible une fois ou deux, mais après, cela n'a plus été possible du

6 fait des combats et des hostilités, ce qui veut dire qu'en fait, toutes

7 les

8 semaines, nous rencontrions les autorités civiles et les autorités

9 militaires au sein de l'enclave, ainsi que l'officier de commandement de

10 l'état-major de l'armée bosniaque. Nous avions prévu également une

11 réunion,

12 toutes les deux semaines, avec les représentants de l'armée serbe

13 bosniaque

14 à un des postes d'observation. Mais cela n'a pas été possible. En fait,

15 soit à Echo, soit au poste d'observation Oapa. Mais en fait, c'étaient les

16 Serbes bosniaques qui déterminaient le moment où il y aurait ces réunions.

17 C'est en février que j'ai rencontré le major Nikolic et c'est

18 lors de cette réunion qu'il a dit ce que j'ai rapporté hier, à savoir que

19 les Musulmans avaient tué la moitié des membres de sa famille pendant la

20 deuxième guerre mondiale et qu'à son avis, tous les Musulmans devaient

21 quitter la région.

22 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Merci.

23 M. le Président. - Colonel, quelques brèves questions. Vous

24 avez parlé de troupes fraîches. Quelle était leur origine ? Comment

25 étaient-elles composées ? Brièvement, s'il vous plaît. Vous avez parlé de

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1 troupes fraîches qui seraient arrivées pour la prise de l'enclave.

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur le

3 Président. Autour de la zone de sécurité de Srebrenica se trouvait trois

4 brigades :

5 - la brigade Skelani, au Sud,

6 - Bratunac au Nord,

7 - une troisième brigade à l'Ouest.

8 Ces brigades faisaient partie de l'armée régulière, de l'armée

9 serbe bosniaque, Drina corps comme on l'appelle.

10 Ces trois brigades se composaient de soldats assez âgés qui

11 venaient de la région. Le 6 juillet, lorsque l'offensive a commencé,

12 l'attaque contre l'enclave a commencé, Mladic a dit qu'il avait utilisé

13 trois nouvelles brigades : une au Sud, une à l'Est et il en avait une en

14 réserve au Nord. Ce qui veut dire qu'il n'a pas utilisé les forces

15 régulières qui se trouvaient stationnées autour de la zone de sécurité de

16 Srebrenica, mais qu'il a utilisé d'autres forces. Nous avions remarqué

17 cela

18 deux jours avant le 6 juillet.

19 A Bratunac, en effet, il y a eu beaucoup de mouvements

20 militaires, on a vu passer des chars, de l'artillerie, enfin des

21 mouvements

22 de troupes et de matériel, véhicules militaires, etc.

23 Tous ces mouvements, nous en avons fait rapport régulièrement

24 dans nos rapports de situation.

25 M. le Président. - Merci. Y avait-il à votre avis des milices

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1 dans ces forces fraîches ?

2 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Monsieur le

3 Président, d'après ce que j'ai entendu dire, moi-même je n'ai pas remarqué

4 cela, que la brigade Arkan participait également. C'était une brigade de

5 force spéciale de l'armée serbe bosniaque, mais personnellement, pendant

6 ces six jours, je ne les ai pas vus, ni pendant l'évacuation des réfugiés.

7 Mais c'est possible. C'est une possibilité.

8 M. le Président. - L'évacuation avec l'aide du bataillon

9 néerlandais était-elle comprise dans les plans possibles avec vos

10 supérieurs hiérarchiques ? Etait-ce prévu que le bataillon néerlandais

11 apporterait cette aide et sous la forme que vous aviez précisée ?

12 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Vous voulez

13 parler de l'aide pour l'évacuation des réfugiés ?

14 M. le Président. - Vous avez parlé d'une réunion avec le

15 général Mladic, la deuxième ou la troisième, je ne sais plus, où tout d'un

16 coup il a dit qu'il fallait procéder à l'évacuation. Semble-t-il, cela

17 n'avait pas été abordé dans la première ou dans la deuxième réunion, à

18 Bratunac. Donc cela ne vous a pas surpris, j'ai eu l'impression. Donc

19 c'était prévu qu'éventuellement il y aurait une évacuation, ou est-ce que

20 vous-même, en toute liberté de chef de commandant suprême de l'enclave,

21 vous avez décidé que l'évacuation aurait lieu avec votre concours ?

22 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Pendant les deux

23 premières réunions, je n'avais aucune idée de ce qui allait être la

24 destinée des réfugiés. Sachant que nous avions environ 25 000 réfugiés à

25 l'intérieur de la base et autour de la base, ma préoccupation essentielle

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1 était d'avoir autant d'aide que possible de l'armée serbe bosniaque pour

2 l'approvisionnement en vivres, médicaments, etc. Je voulais également

3 qu'on

4 s'occupe bien des réfugiés blessés, une centaine. C'est cela que j'ai

5 demandé pendant les premiers rencontres que j'ai eues avec le général

6 Mladic.

7 Lors de la troisième réunion, il a commencé parler

8 d'évacuation. J'ai été très surpris. Nous avons organisé un petit comité

9 des réfugiés pour coopérer avec eux, pour voir ce qui pouvait être fait en

10 ce qui concerne les réfugiés qui se trouvaient sur la base et à

11 l'extérieur. Il fallait qu'il y ait un petit comité pour pouvoir discuter

12 des circonstances dans lesquelles se trouvaient ces réfugiés. J'ai utilisé

13 ce comité, utilisé au sens positif du terme, parce que je me suis adressé

14 à

15 lui en demandant s'il pouvait m'apporter son aide, autant que faire se

16 peut, pour répondre aux questions. Donc les membres du comité sont venus

17 avec moi à cette troisième réunion avec le général Mladic lorsqu'il a

18 évoqué l'évacuation. Nous avons tous été extrêmement surpris du fait que

19 cette réunion avait lieu en fin de matinée le mercredi et qu'à 3 heures,

20 ce

21 mercredi, l'évacuation a commencé. J'ai donc été confronté à une situation

22 tout à fait nouvelle, à savoir évacuer 25 000 personnes.

23 M. le Président. – Excusez-moi, j'ai bien entendu cela. Ma

24 question est : à ce moment-là, devant cette surprise, vous êtes surpris,

25 le

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1 comité des réfugiés est surpris, est-ce que vous prenez le temps de

2 demander à votre hiérarchie s'il convient de procéder de cette façon-là ou

3 estimez-vous avoir la liberté entière et totale à ce moment-là ?

4 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je n'ai pas eu le

5 temps d'informer mes supérieurs hiérarchiques. Je l'ai fait dès que j'ai

6 pu. J'ai demandé à plusieurs reprises : que dois-je faire ?, comment

7 pouvez

8 vous m'apportez votre aide ? Je n'ai pas eu de réponse. Dans ce domaine,

9 rien n'avait été prévu. Donc en fait, j'ai essayé de faire ce qui me

10 semblait être la meilleure chose à ce moment-là.

11 Sachant combien peu de temps nous avions entre cette réunion et

12 une heure, une heure qui avait été l'heure que le général Mladic avait

13 indiquée comme étant le début de la vague de l'évacuation, nous avons été

14 pris par surprise, complètement par surprise. Nous ne savions

15 naturellement

16 pas que cette évacuation avait été déjà planifiée. Donc je ne pouvais rien

17 faire.

18 C'est pourquoi j'ai décidé de mettre sur chaque autocar un

19 soldat. C'était le moins que je pouvais faire à ce moment là pour essayer

20 d'aider les réfugiés autant que possible à monter dans les autobus, à

21 essayer de leur donner de l'eau, des médicaments et de surveiller ce qui

22 se

23 passerait pendant l'évacuation.

24 M. le Président. - Ma dernière question est relative à cette

25 liste. On en a parlé hier avec l'enquêteur du Bureau du Procureur. Il

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1 semble que le bataillon ait contribué ou ait donné une liste des hommes

2 dans une fourchette d'âge que je n'ai pas bien comprise. Pouvez vous très

3 rapidement nous dire ce qui s'est passé autour de cette liste des hommes,

4 leur âge et comment cela s'est fait ?

5 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Vous le savez,

6 monsieur le Président, il y avait 25 000 personnes sur la base et autour

7 de

8 la base. Presque toutes ces personnes étaient des femmes, des enfants et

9 des personnes âgées. Nous avons évalué qu'environ 2 à 3 % de ces

10 25 000 personnes étaient des hommes entre 16 et 60 ans. Grosso modo. Nous

11 ne savions pas combien d'hommes il y avait en dehors de la base.

12 Alors par le truchement des interprètes et du comité des

13 réfugiés, nous avons demandé s'il était possible de dresser une liste

14 reprenant le nom de tous les hommes entre 16 et 60 ans qui se trouvaient

15 sur la base. Mais on n'a pas eu le temps de le faire pour les autres

16 personnes.

17 Quelqu'un, par le passé, m'a dit : mais pourquoi n'avez-vous

18 pas mis le nom de tous les réfugiés sur un papier ? Vous pouvez imaginer,

19 monsieur le Président, combien c'était impossible. Ce que nous avons fait,

20 c'était reprendre sur cette liste le nom des hommes qui se trouvaient sur

21 la base. Il y avait 239 hommes sur la base, dont 70 n'ont pas voulu qu'on

22 le fasse. Nous l'avons fait parce que nous voulions ainsi être surs de

23 savoir ce qui se passerait avec ces hommes. Cette liste de noms a été

24 faxée

25 à Tuzla et à Zagreb.

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1 M. le Président. - Colonel, le Tribunal vous remercie de votre

2 témoignage.

3 La dernière question de la part du Juge Riad.

4 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Colonel, est-ce que

5 l'état-major de Mladic a mis la main sur cette liste ?

6 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Je ne suis pas

7 sûr de la réponse que je dois vous donner parce qu'il y a deux réponses

8 possibles. Mais le témoin qui va suivre pourra peut-être répondre à cette

9 question. Il y a deux réponses possibles.

10 Il a été dit que l'un de mes officiers aurait remis cette liste

11 à un des officiers de l'armée serbe bosniaque à la porte de la base.

12 L'autre réponse étant que, non, cela n'a pas été le cas. Je ne

13 sais pas si cette liste est arrivée à l'armée serbe bosniaque ni si

14 l'armée

15 serbe bosniaque a reçu ou non cette liste. Je ne sais pas.

16 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Avez-vous demandé à

17 l'officier ?

18 M. Karremans (interprétation de l'anglais). - Non.

19 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Merci.

20 M. le Président. - Monsieur le procureur, par rapport aux

21 nombreuses questions qu'a tenu à poser le Tribunal, et en remerciant

22 encore

23 le colonel Karremans d'y avoir répondu avec beaucoup de patience, est-ce

24 que votre Bureau aurait le souhait, sur les questions qu'a posées le

25 Tribunal, d'éventuellement compléter quelques questions ou pas du tout ?

Page 3386

1 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Non, monsieur le

2 juge, merci.

3 M. le Président. - Colonel, le témoignage qu'avait requis de

4 vous le Bureau du Procureur dans l'affaire Karadzic/Mladic est à présent

5 terminé. Le Tribunal suspend ses travaux jusqu'à 14 heures 30.

6 L'audience est levée.

7 L'audience est levée à 12 heures 14.

8

9 (Interruption de la diffusion de l’enregistrement vidéo du 4 juillet

10 1996).

11 M. le Juge RIAD. - Je pense qu’il est temps de faire une pause.

12 (Le Juge et le Juriste se consultent).

13 M. le Juge RIAD. – M. Fourmy a quelque chose à ajouter.

14 M. FOURMY. - Je vous remercie, Monsieur le Président.

15 Je souhaiterais faire une remarque générale à ce niveau

16 concernant le compte rendu français du témoignage du Colonel Karremans

17 versé au dossier en application de l’article 61 du Règlement. Je pense

18 contient un certain nombre d’erreurs par rapport à ce qui a éé dit, du

19 dans la version française. Je pense que lorsque le Colonel Karremans parle

20 mandement de la BH en anglais, il parle de celui de Sarajevo et non celui

21 rmée de Bosnie, ce qui change le sens de ce qu’il a dit.

22 Le Procureur pourrait peut-être nous confirmer ce point.

23 M. le Juge RIAD. – M. Harmon pourra sans doute répondre sur

24 ce point.

25 Qu’en pensez-vous, Monsieur McCloskey ?

Page 3387

1 M. McCLOSKEY. – Comme nous l’avons vu, il était présent et sera

2 probablement à même de répondre. Je ne doute pas de l’affirmation de rmy.

3 Je suis sûr qu’il y a certaines erreurs susceptibles de changer les ;

4 cela semble tout simplement inévitable. Mais nous pouvons en discuter .

5 Harmon afin de voir s’il faut apporter des modifications ou faire un um ou

6 autre chose.

7 M. le Juge RIAD. – Nous vous confions cette mission.

8 Merci, Monsieur Fourmy pour cette correction importante.

9 Je suggère que nous fassions une pause d’une demi-heure,

10 et nous essaierons d’en terminer avec la diffusion des vidéos

11 aujourd’hui, Monsieur McCloskey.

12 M. McCLOSKEY. – Nous avons également la vidéo concernant

13 M. Koster qui dure 59 minutes, aussi…

14 M. le Juge RIAD. – C’est bon. Si nous commençons à

15 13 heures 35 - 13 heures 40, nous pourrons terminer vers 14 heures 40 ?

16 M. McCLOSKEY. – Oui. Nous dépasserons un peu l’horaire prévu.

17 M. le Juge RIAD. – Je demande aux interprètes et à tout le

18 personnel de nous accorder dix minutes de plus. Je vous remercie.

19 L’audience est suspendue durant une demi-heure.

20 M. PETRUSIC. – Monsieur le Président…

21 M. le Juge RIAD. – Oui.

22 M. PETRUSIC. – Si je puis me permettre, je vous prie de m’en

23 excuser, mais dans ce cas, si nous travaillons plus tard, nous allons

24 avoir

25 le même problème qu’hier dû au traitement médical du Général Krstic. Nous

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1 aimerions proposer, si vous le permettez, que le Général Krstic quitte

2 l’audience plus tôt, comme il l’a fait hier.

3 M. le Juge RIAD. – La même solution sera appliquée aujourd’hui.

4 t soit partir maintenant ou à 14 heures 15, c’est comme il voudra. Mais

5 tes d’accord sur le fait que nous devons en terminer avec la

6 diffusion des enregistrements vidéos aujourd’hui.

7 M. PETRUSIC. – Oui,

8 M. le Juge RIAD. – Je vous en remercie.

9 M. PETRUSIC. – Je vous remercie également.

10 M. le Juge RIAD. – L’audience est suspendue durant une demi-

11 heure.

12 L’audience est suspendue à 13 heures 13,

13 Et reprise à 13 heures 50.

14 M. le Juge RIAD. – Continuez, Monsieur McCloskey.

15 M. McCLOSKEY. – Nous sommes prêts à voir le témoignage de

16 M. Koster qui dure 59 minutes. Nous avons également un autre

17 enregistrement

18 que nous pouvons garder pour plus tard et qui dure une demi-heure.

19 M. le Juge RIAD. – Ce qui signifie qu’il y a encore une

20 heure et demi d’audition.

21 M. McCLOSKEY. – Oui, pour deux témoignages. Un témoignage qui

22 dure une heure et un autre 30 minutes, mais nous pouvons le garder pour

23 le jour - si cela arrive - où nous n’aurons pas assez de témoins à

24 l’audience.

25 M. le Juge RIAD. – les deux solutions me conviennent,

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1 laquelle préférez-vous ? Qu’en pensent le Conseil de la Défense et M. le

2 Greffier ?

3 M. McCLOSKEY. – Nous en avons discuté et nous nous sommes décidés

4 avec l’accord de M. Harmon, pour l’enregistrement d’une heure.

5 M. le Juge RIAD. – Une heure nous mènera jusqu’à 14 heures 50.

6 M. McCLOSKEY. – Oui, approximativement.

7 M. le Juge RIAD. – Ce sera suffisant, je pense. Nous lèverons

8 nce à 14 heures 50, si les interprètes sont d’accord. Quelqu’un a-t-il une

9 ion ou une obligation à laquelle il ne peut se soustraire. Tout le monde

10 accord. Naturellement, le Général Krstic est autorisé à partir quand il le

11 tera.

12 M. PETRUSIC. – Monsieur le Président, afin que nous ne perdions

13 pas de temps, je souhaite vous demander si le Général Krstic peut quitter

14 la salle d’audience à 14 heures 15 avec les gardes de la Sécurité, bien

15 ans requérir de nouveau votre accord. Pourra-t-il alors quitter la salle

16 ence sans que j’aie à renouveler ma demande ?

17 M. le Juge RIAD. – Il ne sera pas nécessaire de me le demander.

18 L’autorisation est accordée. Je vous remercie.

19 M. PETRUSIC. – Merci, Monsieur le Président.

20 M. le Juge RIAD. – Poursuivons, Monsieur McCloskey.

21

22 (Diffusion de l’enregistrement vidéo du 4 juillet 1996)

23 M. le Président. – Vous avez la parole, Monsieur le Procureur.

24 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous voudrions

25 appeler notre témoin suivant, le lieutenant Koster.

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1 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

2 M. le Président. - Lieutenant Koster, vous m'entendez ?

3 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui.

4 M. le Président. - Vous allez prendre la déclaration qui vous

5 est tendue et la lire.

6 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je déclare

7 solennellement que je dirai la vérité, rien que la vérité et toute la

8 vérité.

9 M. le Président. - Merci, lieutenant. Vous pouvez vous asseoir.

10 C'est, je pense, à l'occasion de la première question de M. le procureur -

11 à

12 qui je donne la parole- que vous aurez l'occasion de vous présenter.

13 Monsieur le procureur, vous avez la parole.

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lieutenant Koster,

15 pourriez-vous nous dire quel est votre nom complet et l'épeler ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Mon nom de famille

17 est Koster (K-0-S-T-E-R).

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et que faites-vous

19 actuellement ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je suis officier de

21 logistique dans l'infanterie.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Dans l'armée

23 néerlandaise ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est exact.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous servi

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1 pour les Nations Unies ?

2 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous dire

4 à la Cour où et quand ?

5 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'ai servi à

6 Srebrenica de janvier 1995 à juillet 1995.

7 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quand avez-vous

8 commencé à servir ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - En janvier.

10 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Le colonel

11 Karremans était-il votre commandant en chef ?

12 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est exact.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quelle était votre

14 position au sein du bataillon, votre rôle ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'étais officier

16 responsable de la logistique au sein du bataillon.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

18 décrire dans les grandes lignes ce que cela impliquait ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'ai dû gérer tout

20 ce qui touchait à la logistique. Nous n'avions pas tellement de matériels

21 et de choses à notre disposition, donc cela impliquait une bonne

22 planification et une bonne gestion.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quel était votre

24 rang dans la hiérarchie militaire ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'étais officier et

Page 3393

1 le commandant Franken* était mon supérieure direct.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Au début de

3 juillet 1995, étiez-vous de service ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et où ?

6 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'étais sur la base

7 à Potocari.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc vous deviez

9 vous trouver à la base ? C'est cela ?

10 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, la plupart du

11 temps.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous trouviez-vous

13 sur cette base le 11 juillet 1995 ?

14 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, j'y étais à

15 cette date.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

17 dire ce qui s'est passé après la chute de Srebrenica alors que les

18 réfugiés

19 ont commencé à arriver à Potocari ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, cela c'est

21 passé le 11 juillet. On nous a ordonné de sortir et de nous mettre en

22 unité

23 pour accueillir les réfugiés et les guider vers la base. Nous avons donc

24 été postés à l'extérieur. Cela se passait à 15 heures. A ce moment-là, les

25 réfugiés ont commencé à arriver par petits groupes d'abord, la plupart des

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1 réfugiés étant des femmes, des enfants et des hommes âgés terrifiés,

2 cherchant de l'aide. Nous nous trouvions là et nous avons pu leur dire ce

3 qu'ils devaient faire à ce moment-là.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

5 vous aviez formé une unité pour accueillir les réfugiés. Qu'est-ce que

6 cela

7 impliquait ? Combien d'hommes ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Trente environ,

9 30 hommes au départ.

10 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - C'est vous qui

11 commandiez cette unité ?

12 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

14 vous aviez ouvert un accès dans la palissade. C'est par là que vous les

15 avez faits entrer sur la base ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous n'avions

17 pas le droit d'ouvrir la grille parce que c'était sur la route de

18 Srebrenica à Potocari qui était toujours visée par les armess, donc

19 c'était

20 assez dangereux. Lorsque, dans les jours précédents, nous quittions la

21 base

22 avec nos véhicules, on nous tirait dessus. Donc il valait mieux que les

23 réfugiés prennent un autre chemin. C'est comme cela qu'ils ont pu arriver

24 à

25 la base, parce que c'était un chemin qui était plus à couvert, il y avait

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1 des arbres, donc c'était plus abrité.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - C'est pourquoi vous

3 avez fait ce trou dans la clôture ?

4 (Le témoin opine de la tête.)

5 Avez-vous fait entrer tous les premiers réfugiés qui sont

6 arrivés sur la base ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, au début nous

8 n'avions pas le droit de le faire. On leur a d'abord indiqué le chemin qui

9 menait à un grand bâtiment qui était l'ancien terminus ou arrêt

10 d'autocars,

11 un atelier où les autocars étaient réparés, et nous leur avons dit de s'y

12 installer.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous dites

14 que vous n'aviez pas été autorisés, pas autorises par qui ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Par mon commandant.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et quel type d'abri

17 leur avez-vous donné ?

18 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Les anciens

19 bâtiments des autocars.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - C'était donc en

21 dehors de la base ?

22 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - A quel moment ont-

24 ils commencé à pénétrer dans la base ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Un peu plus tard ce

Page 3396

1 même jour. A un moment, la foule des réfugiés a été telle qu'on nous a

2 donné ordre de les laisser entrer par petits groupes sur la base, des

3 petits groupes de vingt à vingt-cinq personnes passant par cette ouverture

4 que nous avions faite dans la clôture.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Comment est-ce que

6 les gens sont arrivés à la base ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Comme je vous l'ai

8 dit : d'abord par petits groupes, puis, en fait, une grande masse de gens

9 sont arrivés de Srebrenica par la route qui mène à Potocari. Il y avait

10 beaucoup de bruit, les femmes pleuraient, les enfants criaient et

11 pleuraient. Les gens étaient terrorisés. Ils sont arrivés sur notre base

12 terrorisés.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - A pied ?

14 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, à pied. Et nous

15 leur avons dit, quand ils sont arrivés, de s'arrêter et de rester là. On

16 ne

17 pouvait pas leur dire ce qu'ils devaient faire parce qu'il nous disaient

18 sans cesse : "Mais qu'allons-nous faire ? Qu'est-ce qu'il faut que nous

19 fassions ? Qu'est-ce qui va nous arriver ?" Ils étaient terrorisés et on

20 ne

21 pouvait pas le leur dire, nous n'avions pas de réponse.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Etaient-ils venus à

23 pied depuis Srebrenica ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, la plupart

25 d'entre eux étaient venus à pied. Un certain nombre de véhicules ont été

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1 utilisés de la base de Srebrenica à la base de Potocari, dans lesquels

2 nous

3 avons transporté des blessés, mais les gens se sont accrochés à ces

4 véhicules comme ils pouvaient pour être transportés.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce que c'étaient

6 des véhicules des Nations Unies ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, de notre

8 bataillon.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Aucun autre moyen

10 de transport n'a été utilisé, comme par exemple des autocars ou des

11 camions

12 pour ces gens ?

13 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Quelques véhicules

14 qui ont transporté des blessés de Srebrenica à notre base.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc il y avait de

16 plus en plus de personnes qui arrivaient à la base. Compte tenu de l'heure

17 où cet afflux de réfugiés a commencé à arriver et de l'arrivée ensuite de

18 tous les réfugiés, pourriez-vous évaluer le nombre de personnes ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais). - On m'a ordonné de

20 compter approximativement le nombre de personnes. On a commencé avec 10,

21 puis 150, puis on est arrivé à des milliers de personnes. Je devais

22 essayer

23 de compter régulièrement. J'ai commencé à compter quand ils sont arrivés,

24 vers 3 heures, mais cela a commencé en début d'après-midi pour arrêter à

25 11 heures du soir.

Page 3398

1 La route faisait 6 mètres de large et elle était entièrement

2 couverte de gens, de femmes, d'enfants, de personnes âgées, etc.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lorsque vous dites

4 que vous avez commencé à compter, avez-vous compté vous-même ?

5 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, et un peu plus

6 tard dans la journée, j'ai comparé les résultats de mon comptage avec le

7 résultat du comptage de mes collègues pour avoir une estimation et nous

8 sommes arrivés à environ 15 000.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - 15 000 personnes,

10 c'est cela ?

11 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

12 Approximativement 15 000 personnes.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et combien de ces

14 réfugiés ont été autorisés à pénétrer sur la base ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - En plus des

16 15 000 personnes, 4 ou 5 000 personnes qui ont été autorisées à pénétrer

17 sur la base, c'est-à-dire qu'il faut les ajouter aux 15 000. Nous parlons

18 du 11 juillet.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et vous avez dit

20 qu'à un moment donné, le soir, il n'y a plus eu d'afflux de réfugiés ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est cela, cela

22 s'est arrêté. Quelques personnes ont continué d'arriver, mais on peut dire

23 que la grande masse des personnes était déjà arrivée. D'ailleurs, tout

24 était plein de ces gens.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'ont fait les

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1 30 soldats pour s'occuper de ces personnes ?

2 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Nous avons demandé

3 qu'on nous envoie des renforts parce que nous n'étions pas suffisamment

4 nombreux. Nous avions quelques interprètes pour leur expliquer ce qu'ils

5 devaient faire et nous faisions ce que nous pouvions, c'est-à-dire leur

6 apporter quelques soins médicaux, leur dire que nous allions les protéger,

7 les guider autant que faire se pourrait et que nous essaierions de les

8 protéger. Nous avons essayé d'apporter l'aide que nous pouvions apporter.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et tout cela avec

10 30 personnes ?

11 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. J'avais demandé

12 des renforts, alors j'espérais que nous serions plus nombreux en fin

13 d'après-midi.

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous donné

15 comme soins médicaux de première urgence ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Nous avions quelques

17 pansements à notre disposition, mais il y avait pas mal de blessés, hommes

18 et femmes. Il y avait également des femmes qui ont accouché à la base.

19 Nous

20 avons eu de l'aide de Médecins sans frontières. Nous n'avons pu apporter

21 que les tout premiers soins aux blessés parce que nous n'avions pas la

22 possibilité d'aller plus loin.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'en était-il de

24 la distribution d'eau et de vivres ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - A l'extérieur de la

Page 3400

1 base, il était impossible de faire quoi que ce soit parce qu'en fait, nous

2 disposions que de si peu de vivres que nous ne pouvions pas en distribuer

3 à

4 l'extérieur de la base. Ce que j'ai su par la suite, c'est qu'en fait, à

5 l'intérieur de la base, on a pris des rations et on les a dissoutes dans

6 l'eau pour faire une sorte de soupe et quelques personnes qui se

7 trouvaient

8 à l'extérieur sont venues à la base pour remplir des bidons parce que nous

9 avions un petit puits sur la base. N'oublions pas qu'il faisait

10 extrêmement

11 chaud ce jour-là, donc l'eau était vraiment nécessaire.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les personnes qui

13 se trouvaient sur la base ont donc pu avoir un peu de soupe à manger et un

14 peu d'eau à boire...

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais ceux qui

17 étaient à l'extérieur n'ont rien eu sauf, pour certains, un peu d'eau

18 qu'ils étaient venus chercher sur la base ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'est cela.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

21 décrire la scène lorsque la nuit est tombée ? De quoi avait l'air la base

22 et ses alentours à la tombée de la nuit ?

23 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Eh bien, c'était

24 très surréaliste. A l'extérieur, les gens ont dormi dehors et nous avons

25 mis quelques soldats à des postes de garde pour les protéger, pour les

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1 garder. Pendant la nuit, naturellement les femmes ne pleuraient plus, les

2 enfants ne criaient plus. Quelques enfants ont continué à pleurer, mais

3 enfin, il y avait moins de bruit. Je dois dire qu'être là-bas et voir tout

4 cela était très surréaliste.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

6 attaques menées par l'armée serbe bosniaque, par des unités, contre la

7 foule des réfugiés ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Pendant la journée,

9 il y a eu des tirs de mortier. En fait,, ce n'était pas dirigé vers les

10 gens, mais c'était très proche, à 50 mètres de nos positions environ.

11 L'explosion des obus de mortier à cette courte distance sur les maisons

12 était impressionnante.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais cette foule de

14 réfugiés n'a pas été visée directement ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, pas

16 directement.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

18 vous étiez trente au départ, que vous avez eu quelques renforts. Qu'en

19 était-il du reste du personnel du bataillon néerlandais ? Où étaient ces

20 personnes ?

21 Je voudrais savoir combien de soldats du bataillon étaient

22 présents à Potocari lors de ces événements lorsque tous ces réfugiés sont

23 arrivés ? Combien de ces bataillons étaient là ?

24 M. Koster (interprétation de anglais). - Approximativement,

25 deux cents hommes.

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1 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Où étaient les

2 autres membres du bataillon ?

3 M. Koster (interprétation de anglais). - Certains se trouvaient

4 aux différents postes d'observation où ils avaient été affectés. Un

5 certain

6 nombre était sur la base de Srebrenica. Mais la plupart de ces hommes et

7 de

8 ces femmes n'étaient pas des combattants, ils étaient de l'intendance.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les personnes dont

10 vous avez parlé tout à l'heure étaient des soldats ?

11 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, des soldats et de

12 l'intendance, mais la plupart du personnel était de l'intendance.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce que des

14 membres des forces dans lesquelles vous serviez ont été pris en otage ?

15 Ont-ils été attaqués d'une autre manière, le 11 ?

16 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, pas le 11.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Entre le 11 et le

18 12, avez-vous pu dormir ?

19 M. Koster (interprétation de anglais). - Entre le 11 et le

20 12 juillet de l'année dernière, personnellement, non, je n'ai pas pu

21 dormir. D'ailleurs la plupart de mes collègues n'ont pas pu dormir parce

22 qu'ils patrouillaient. Des gens patrouillaient en dehors de la base. On

23 arrivait à se reposer, vaguement à dormir une heure ou deux, mais ce

24 n'était pas vraiment du repos.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvons-nous nous

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1 concentrer sur la journée suivante ?

2 Pouvez-vous dire ce qui s'est passé le 12 juillet 1995 ?

3 M. Koster (interprétation de anglais). - Le matin, les choses

4 étaient assez calmes. Les gens se sont réveillés et ont commencé à

5 s'interroger sur le point de savoir quoi faire, sur ce qu'allaient faire

6 les Serbes, questions auxquelles nous ne pouvions pas répondre. Nous avons

7 continué d'apporter une aide médicale aux blessés. Les femmes cherchaient

8 leurs enfants car très souvent, depuis la veille, elles avaient perdu

9 leurs

10 enfants dans la foule. Les enfants qui s'étaient perdus dans la foule

11 cherchaient leur famille. Tout cela a occupé la matinée.

12 Le soleil est monté, il a commencé à faire extrêmement chaud.

13 Un peu plus tard dans la journée, à 13 heures environ, on a entendu le

14 bruit de chars et d'autres véhicules qui se dirigeaient vers la base. Les

15 gens ont alors commencé à paniquer, ils ont couru vers la partie Sud du

16 site et ont dû attendre là pour voir ce que les Serbes allaient faire.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous parlez de

18 l'armée serbe bosniaque ?

19 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, c'est exact.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous ne parlez pas

21 de l'armée ?

22 M. Koster (interprétation de anglais). - Non. Ils sont venus

23 jusqu'à nous et nous avons fait tracer une ligne de démarcation avec du

24 papier blanc en leur indiquant que les véhicules blindés de transports de

25 troupes devaient rester derrière cette bande. Je me suis présenté à

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1 l'officier de commandement de ces véhicules -je ne me souviens d'ailleurs

2 pas de son nom- et lui ai demandé : "quelles sont vos intentions ?" Il ne

3 m'a pas répondu.

4 Ensuite, il m'a tourné le dos et est retourné vers ses

5 véhicules. Il y avait alors une vingtaine ou une trentaine de soldats

6 serbes bosniaques qui avaient pris position. En fait, ils marchaient en

7 regardant les gens, les insultant, en posant des questions. J'avais un

8 interprète à mes côtés, il a donc pu traduire ce qu'ils disaient.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous donner

10 un exemple de ce qu'ils leur disaient.

11 M. Koster (interprétation de anglais). - La plupart du temps,

12 ils se moquaient d'eux. C'était une situation assez bizarre car ensuite

13 ils

14 se sont assis et ont commencé à chanter. En fait, ils n'ont plus rien fait

15 sinon de simplement rester là, derrière la bande blanche que nous avions

16 tracée comme ligne de démarcation et ils n'ont plus bougé. La seule chose

17 que nous avons pu faire était d'attendre ce qu'ils allaient faire, eux.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ensuite ?

19 M. Koster (interprétation de anglais). - Un peu plus tard, ce

20 jour-là, le major Nikolic est venu me voir, il s'est présenté.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous le

22 connaissiez ?

23 M. Koster (interprétation de anglais). - Je l'ai reconnu

24 d'après une photographie que nous avions dans nos locaux. Il voulait voir

25 les gens et traverser notre site.

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1 Les gardes du poste du Sud, c'est-à-dire les dernières unités

2 de la compagnie Bravo, m'ont fait savoir que des soldats serbes étaient

3 également arrivés à leur site. Notre officier de liaison a escorté le

4 major

5 Nikolic et il a traversé la foule.

6 Ensuite, il est revenu et les choses en sont restées à ce stade

7 pendant quelques heures.

8 Puis, un des commandants est venu me voir me disant qu'il

9 allait amener un véhicule rempli de pain pour les gens et que nous devions

10 faire en sorte que ce véhicule puisse arriver jusque là. Vraiment un

11 véhicule est arrivé avec du pain, accompagné d'une équipe de cameramen qui

12 filmaient la distribuion de pain aux gens.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Combien de

14 personnes ont eu un peu de pain ? Y avaient-ils du pain pour tout le

15 monde.

16 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, c'était une toute

17 petite camionnette. Ils jetaient du pain ou donnaient du pain. Mon

18 interprète m'a dit qu'ils insultaient les gens, se moquaient d'eux en

19 distribuant ce pain.

20 La camionnette est revenue une autre fois avec du pain, et

21 également un camion des pompiers est venu pour distribuer de l'eau. Une

22 par

23 une les femmes pouvaient remplir des récipients. Tout cela était filmé,

24 puis ce camion citerne est reparti.

25 Plus tard, ce même jour, vers 4 heures, d'autres soldats sont

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1 venus, d'autres véhicules sont arrivés, des jeeps et autres véhicules

2 civils. A un moment donné, mon interprète m'a dit qu'il avait l'impression

3 d'avoir vu le général Mladic.

4 Effectivement, il est venu voir et s'est présenté. Je me suis

5 moi aussi présenté. Il m'a demandé qui était le commandant responsable. Et

6 je lui ai demandé quelles étaient ses intentions. D'abord il n'a rien

7 répondu et il a franchi la ligne de démarcation que nous avions mise et

8 s'est dirigée vers les gens.

9 J'ai immédiatement fait rapport à mon commandant et on m'a dit

10 de faire en sorte que Mladic soit accompagné pour rencontrer le colonel

11 Karremans sur la base, mais il a refusé.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qui a refusé ?

13 M. Koster (interprétation de anglais). - Le général Mladic a

14 refusé.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Si je comprends

16 bien, vous lui avez demandé de vous rendre auprès de l'officier

17 responsable, commandant responsable ?

18 M. Koster (interprétation de anglais). - Il a dit : non, je

19 fais ce que je veux faire, c'est moi qui suis responsable ici, personne ne

20 me donne d'ordre et vous allez bien voir ce qui va se passer" Il nous a

21 dit : vous coopérerez autrement les choses iront mal. Il nous a dit qu'en

22 coopérant, les choses iraient mieux.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit : ou

24 autrement ?

25 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, qu'il valait

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1 mieux que nous coopérerions.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Je vous prie de

3 continuer.

4 M. Koster (interprétation de anglais). - Ensuite, il s'est

5 rendu auprès des gens, leur a parlé leur disant qu'il allait s'occuper

6 d'eux. Il a également parlé aux petits enfants, toujours accompagné de

7 cette équipe de cameramen. Je protestais constamment. J'insistais sur le

8 fait qu'il devait se rendre sur la base. Pendant ce temps, une autre

9 équipe

10 est arrivée, puis des autobus, des autocars. Je lui ai demandé ce qu'il

11 allait faire, mais il était toujours irrité. J'ai demandé si oui ou non il

12 allait évacuer ces gens vers un autre lieu.

13 Un des soldats serbes s'en était pris à un certain nombre de

14 mes hommes, les séparant tout simplement des civils qu'ils gardaient. Les

15 Serbes ont contraint les civils à monter dans les autobus. Nous avons

16 voulu

17 les escorter et assurer leur sécurité parce que finalement, nous étions

18 complètement responsables de la situation à l'époque

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quel est le nombre

20 de troupes serbes présentes à l'époque ?

21 M. Koster (interprétation de anglais). - Quelque quarante à

22 cinquante hommes.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais des quantités

24 de troupes nouvelles arrivaient toujours, accompagnées de chiens ?

25 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, ils étaient bien

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1 supérieurs à nous.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Continuez, s'il

3 vous plaît.

4 M. Koster (interprétation de anglais). - Ensuite, on m'a dit

5 d'escorter ces gens et d'assurer leur protection. Nous ne pouvions pas

6 faire autre chose, si ce n'est simplement les accompagner, les escorter.

7 Pendant ce temps, les Serbes continuaient à forcer les gens à monter dans

8 les autocars, qui, à un moment donné, étaient archi-combles. En effet, les

9 gens étaient bien plus nombreux que ce que les autocars pouvaient en

10 accueillir. Les autocars ont commencé à quitter les lieux; et nous avons

11 avons dû à nouveau arrêter ces gens et continuer d'attendre que d'autres

12 moyens de transport arrivent à la base.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu

14 d'autres convois ? Avez-vous envoyé quelqu'un pour accompagner ces

15 autocars ?

16 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, finalement j'ai

17 appris que nous allions pouvoir escorter les autobus. Nous avons donc

18 envoyé certains de nos hommes à bord d'une jeep qui se trouvait à la tête

19 de ce convoi, de cette colonne. Ils ont donc réussi dans cette mission,

20 c'est-à-dire qu'ils ont pu les escorter.

21 Pour ce qui est des autres moyens de transport, étant donné que

22 les jeeps nous ont été prises, nous n'avons pas pu les escorter.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

24 séparations entre les hommes et les femmes avant que ces gens aient été

25 contraints de monter dans ces autocars ?

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1 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui. On cherchait à

2 identifier tous les hommes des tireurs, des soldats, et certains étaient

3 séparés de leur famille. C'est ce qu'ils faisaient tout le temps.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Que s'est-il passé

5 avec ces hommes séparés de leur famille ? Où étaient-ils conduits ?

6 M. Koster (interprétation de anglais). - Ils ont été casés à

7 l'intérieur d'un bâtiment, d'une maison. Ils étaient là-bas assis, leurs

8 effets personnels leur ont été enlevés, mis de côté. Ils étaient là,

9 assis,

10 à attendre. Dans la mesure où nous pouvions protester, nous l'avons fait,

11 mais comme je l'ai dit, ils étaient numériquement supérieurs.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Le général Mladic,

13 était-il présent pendant tout le déroulement de ces événements ?

14 M. Koster (interprétation de anglais). - Je l'ai perdu de vue

15 quand les premiers autocars ont démarré.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ces transports de

17 gens ont commencé quand ? Ils ont commencé vers 16 heures, si je me

18 souviens bien ?

19 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui, à peu près une

20 demi-heure après que le général Mladic soit arrivé, les autocars sont

21 arrivés à leur tour.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Combien d'autocars

23 plein de gens ont-ils quitté cette base ?

24 M. Koster (interprétation de anglais). - Je n'ai pas pu les

25 compter de manière précise, mais je sais quand le chargement a commencé et

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1 quand il s'est terminé, c'était déjà la nuit.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Une moitié, un

3 tiers de ces gens ont pu quitter la base ?

4 M. Koster (interprétation de anglais). - Non, je ne peux faire

5 aucune estimation.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit que

7 tout s'est terminé aux environs de la tombée de la nuit. Il y a eu

8 également des gens qui se trouvaient au-delà, en dehors de la base.

9 Quelqu'un a-t-il été sorti de la base au cours de cette première journée ?

10 Y a-t-il des gens qui se trouvaient toujours dehors ?

11 M. Koster (interprétation de anglais). - Oui. Il y avait des

12 gens qui se trouvaient dehors et d'autres étaient à l'intérieur de la

13 base,

14 mais je ne pouvais pas le voir de ma position.

15 Puis, la nuit est tombée.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

17 dire ce qui s'est passé au cours de cette nuit-là ?

18 M. Koster (interprétation de anglais). - Les Serbes nous ont

19 ordonné de déblayer la route, enfin d'éliminer, d'écarter tous les

20 réfugiés

21 de la route.

22 La route devait être laissée libre parce qu'il se pouvait que

23 de nouveaux transports arrivent de Srebrenica. Nous avons donc rassuré les

24 gens. Nous sommes restés là, sur place, nous avons fait des patrouilles

25 pendant la nuit. Certain des Serbes sont revenus au cours de la nuit et

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1 nous ont pris nos armes, nos vestes, nos casques.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

3 dire pourquoi ils ont fait cela ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ils ont formé des

5 groupes de trois à quatre personnes. Ils se sont approchés d'un soldat des

6 Nations Unies et lui ont demandé de remettre son arme, son casque, son

7 gilet pare-balles et tout son équipement. Il a été forcé de le faire.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Comment ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Personnellement, je

10 l'ai fait à bout portant.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Etaient-ils

12 nombreux ?

13 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et nombreux de ces

15 trente ou quarante soldats que vous avez mentionnés ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc la majorité ?

18 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

19 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Il s'agissait donc

20 de la majorité ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Donc cela s'est

23 passé pendant la nuit ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Au début de la nuit,

25 ils sont allés quelque part. Puis, il y a eu le silence, ils se sont tus.

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1 Nous avons continué à faire nos patrouilles pendant la nuit, à porter

2 secours aux malades, aux blessés qui demandaient toujours une assistance

3 médicale, et comme cela jusqu'au matin.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous voici arrivés

5 au 13 juillet. Je vous prie de dire au Tribunal ce qui s'est passé à

6 partir

7 de ce jour-là.

8 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Le 13, nous avons

9 placé quatre ABC, quatre blindés transporteurs de troupes sur la route.

10 Nous avons fait une sorte de barrage artificiel et, vers 7 heures du

11 matin,

12 les autocars sont arrivés. Une demi-heure plus tard, les Serbes également.

13 Et puis il y avait toujours plus de soldats qui venaient vers cette

14 position.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

16 donner une estimation en ce qui concerne l'importance numérique de ces

17 troupes ?

18 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Ils étaient de

19 cinquante à soixante. J'ai de nouveau regroupé mes hommes pour qu'ils

20 puissent aider les gens qui montaient dans les autocars.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

22 attaques contre vous-même ou contre votre personnel ? Y a-t-il eu des

23 tirs ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui, nous avons

25 entendu des coups de feu, des tirs sur le côté ouest de la base, en

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1 provenance des maisons, des bâtiments, mais pas là où nous nous trouvions

2 précisément.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce qui les

4 séparations dont vous parliez -séparation des hommes et des femmes ou

5 séparation des familles- se sont produites à nouveau ce jour-là, ou cela

6 ne

7 s'est-il produit que le premier jour ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Par exemple, un

9 garçon de 19 ans a été séparé de sa famille. Nous avons protesté contre

10 cet

11 acte et le soldat serbe a été en quelque sorte impressionné, il l'a emmené

12 à ses supérieurs. Mais ils étaient armés.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Cela s'est-il

14 reproduit ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Oui, enfin dans la

16 mesure où j'ai pu le voir.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quand ces locaux

18 ont-ils été en quelque sorte évacués complètement ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Il faudrait que je

20 consulte mes notes, s'il vous plaît.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous parlons du

22 13 juillet. A quelle heure de la journée ?

23 M. Koster (interprétation de l'anglais).- Vers 18 h 00. J'ai dû

24 faire mon rapport sur la base même. J'ai dormi pendant 2 ou 3 heures, il

25 était déjà 16 heures. Je me suis présenté pour prendre mon service et j'ai

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1 constaté que tous les gens étaient déjà partis.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Tous les gens qui

3 se trouvaient sur la base.

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, tout le monde,

5 sauf les blessés.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les hommes qui

7 étaient séparés se trouvaient-ils encore sur place ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les avez-vous vu

10 partir ?

11 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, parce que je

12 n'étais pas sur la base, je me suis reposé entre-temps.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). -Avez-vous suivi,

14 avez-vous vu ces gens pendant qu'ils quittaient la base et montaient dans

15 les autocars ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Y a-t-il eu des

18 actes de violence au cours de cette journée du 13 juillet ? Y a-t-il eu

19 des

20 exécutions, d'autres formes de violence, d'actes de violence ?

21 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne l'ai pas vu en

22 personne. Nous avons entendu quelques coups de feu isolés qui ont été

23 tirés. Il y a eu des rumeurs. Toutefois, concernant le 12 juillet, au

24 moment où je faisais mon rapport sur la base, enfin, dans le cadre de la

25 base, il y avait un lieu où certaines personnes avaient aperçu 8 ou 9

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1 corps

2 à même le sol, et le 13 ou le 14 juillet, nous avons inspecté les lieux.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Cela s'est-il

4 produit à proximité de la base ?

5 M. Koster (interprétation de l'anglais). - C'était à quelque

6 500 ou 600 mètres de la base.

7 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous trouvé

8 sur place ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Arrivés sur place,

10 nous avons trouvé neuf cadavres ou neuf corps dans l'herbe. Nous avons

11 pris

12 des photos. Nous n'avons fait aucune enquête, mais nous avons pu constater

13 que ces gens gisaient à même le sol, face contre terre, certains avaient

14 les mains attachées dans le dos, et sept personnes avaient reçu une balle

15 par derrière. Nous avons donc pris des photos. Les vêtements sur les corps

16 étaient des habits civils.

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ces constats ont

18 été faits le 13 ou le 14 juillet. Aviez-vous entendu des tirs

19 antérieurement ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, des coups de

21 feu isolés au cours de la journée.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous remarqué

23 d'autres personnes assassinées sur place ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. Au cours de la

25 matinée, un homme s'est pendu dans un petit bâtiment et il était déjà mort

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1 lorsqu'on l'a descendu.

2 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et le soir du 13,

3 les lieux étaient vides, il n'y avait plus de réfugiés ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - A l'extérieur, non.

5 A l'intérieur, non, à part les blessés.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous eu

7 l'occasion de revoir le général Mladic à part le 12 juillet ?

8 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, dans la nuit du

9 12 au 13 juillet, j'ai remarqué le général Mladic pendant qu'il passait à

10 côté de nos positions. A bord d'une jeep, il allait dans la direction de

11 Srebrenica et il devait rentrer à Potocari.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous l'avez donc vu

13 à deux reprises au cours de cette nuit ?

14 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Mais il ne s'est

16 pas arrêté, vous n'avez pas parlé avec le général Mladic ?

17 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Lorsqu'il n'y a

19 plus eu que les blessés, que s'est-il passé ensuite ? Qu'avez-vous fait

20 les

21 jours suivants ?

22 M. Koster (interprétation de l'anglais). - En ce qui me

23 concerne personnellement, j'ai repris mes tâches habituelles. On était sur

24 le point de quitter l'enclave, on se préparait pour ce départ de

25 l'enclave.

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1 Nous ne savions pas si, oui ou non, nous pourrions quitter l'enclave avec

2 tout notre équipement, tous nos effets personnels. Par conséquent, j'ai

3 repris mes tâches habituelles.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

5 indiquer l'importance de l'équipement que vous avez perdu au cours de ces

6 quelques jours ?

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne pourrai pas

8 vous donner des chiffres exacts, mais nous avons perdu des fusils, des

9 armes, un certain nombre de véhicules, de jeeps.

10 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

11 identifier pour nous certaines de ces armes ?

12 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ces blindés pour le

13 transport des troupes, du matériel militaire, des gilets pare-balles.

14 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). -- Quand votre

15 bataillon a-t-il quitté Srebrenica ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Le vendredi

17 21 juillet, une semaine après.

18 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci. J'ai

19 terminé, monsieur le président.

20 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Avez-vous

21 des questions à poser ?

22 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Lieutenant

23 Koster, vous parlez de 15 000 personnes venues de Srebrenica à Potocari

24 chercher de l'assistance. Vous dites qu'il s'agissait essentiellement de

25 femmes, d'enfants et de personnes âgées, c'est bien cela ?

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1 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

2 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Vous

3 attendiez-vous à cet exode de gens venant de Srebrenica ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

5 répéter la question ?

6 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - A Potocari,

7 est-ce que vous-même et votre équipe vous attendiez à cet exode de gens de

8 Srebrenica ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous étions là

10 à l'extérieur pour accueillir ces réfugiés, on s'attendait à une arrivée

11 de

12 réfugiés vers nos positions.

13 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Etiez-vous

14 préparés pour les accueillir ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non. Nous étions

16 tout simplement là et nous avons fait du mieux que nous pouvions étant

17 donné les circonstances, mais nous n'avions pas suffisamment de

18 médicaments

19 et de vivres pour les accueillir.

20 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Vous êtes-vous

21 adressé à des membres du commandement supérieur de l'OTAN ?

22 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

23 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous reçu

24 un soutien complémentaire avant ou après le 11 juillet ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

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1 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Qu'est-il

2 arrivé à ces gens, ces femmes, ces enfants, ces personnes âgées au moment

3 où les soldats serbes sont arrivés ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Vous parlez des

5 blessés ?

6 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Je parle des

7 femmes, des enfants, des personnes âgées venues à Potocari, en provenance

8 de Srebrenica, au moment où les soldats serbes sont arrivés sur place.

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ils avaient peur,

10 ils n'étaient pas touchés, ils n'étaient pas attaqués par les Serbes

11 d'après ce que j'ai pu voir depuis la base, mais plus tard, pendant qu'on

12 était dehors, ils ont été amenés vers les autocars.

13 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous

14 entendu parler à l'époque des massacres qui ont été commis par les Serbes

15 contre les Musulmans à Srebrenica, Potocari et Bratunac ?

16 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Ce n'est que le

17 mercredi que j'ai pu apprendre quelques rumeurs sur les 8 ou 9 corps.

18 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Et ensuite,

19 plus tard, après ces jours-là, avez-vous entendu parler de massacres ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, seulement à mon

21 retour, dans les nouvelles.

22 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Le Colonel

23 Karremans et d'autres ont-ils opposé un refus au général Mladic lors de sa

24 visite ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne le sais pas.

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1 En effet, au moment où je faisais mon rapport, ils avaient déjà commencé

2 leurs entretiens en dehors.

3 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Mais les

4 réfugiés se trouvaient sous votre protection, sous la protection des

5 Nations Unies ?...

6 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

7 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous

8 essayé d'empêcher que l'on emmène les réfugiés de la base ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Il était impossible

10 de le faire parce qu'ils étaient numériquement supérieurs. Les Serbes se

11 sont rassemblés et ils était là à pousser, à contraindre ces gens à monter

12 dans les autocars. Etant donné qu'il était numériquement supérieurs, nous

13 ne pouvions pas réagir autrement.

14 Mme Odio Benito (interprétation de l'anglais). - C'est tout

15 pour le moment, monsieur le président.

16 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Lieutenant Koster,

17 vous avez dit qu'ils étaient numériquement supérieurs.

18 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Absolument.

19 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Que vous étiez

20 numériquement inférieurs, que vous étiez en situation d'infériorité, pour

21 ainsi dire.

22 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

23 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Cela pouvait-il se

24 transformer et devenir une menace pour vous ?

25 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Pour moi

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1 personnellement ?

2 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Non, mais pour

3 l'ensemble du groupe. Est-ce que c'était une menace pour vous et pour vos

4 collègues ?

5 M. Koster (interprétation de l'anglais). - J'ai dit à mes

6 collègues que nous devions coopérer, que c'était ce qu'il y avait de mieux

7 à faire.

8 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Donc si c'était ce

9 qu'il y avait de mieux à faire, c'est aussi que les choses risquaient de

10 tourner très mal.

11 Le général Mladic -vous l'avez dit vous-même- avait dit :

12 "Coopérez, sinon vous allez voir ce qui va se passer !" Ce seraient à peu

13 près les mots du général Mladic. Le général Mladic vous avait dit

14 nettement : "Coopérez ou vous allez voir ce qui va se passer" ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, je ne comprends

16 pas très bien votre question.

17 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Le général Mladic vous

18 a dit quoi ?

19 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, il m'a dit cela

20 et, plus tard, il a indiqué qu'il allait évacuer ces gens de Srebrenica.

21 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Et vous avez indiqué

22 avoir vu qu'il était en train de séparer les uns des autres, ceux qui

23 étaient combattants de ceux qui ne l'étaient pas. Avez-vous protesté ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui.

25 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Et quelle a été la

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1 réaction à ces protestations ?

2 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Parfois, j'ai laissé

3 les gens partir avec leurs familles, mais à certains moments, on ne

4 pouvait

5 pas protester car on ne savait pas où les choses se passaient. On ne

6 pouvait pas protester.

7 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Est-ce qu'ils avaient

8 une liste de 200 personnes ? Personne ne sait si cette liste leur a été

9 donnée ou pas. En avez-vous idée ?

10 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, j'ai une idée.

11 Cette liste a été dressée à la base. Je vous prie de m'excuser. Cette

12 liste

13 avait été dressée dans le but de montrer aux Serbes que nous les

14 surveillions, que nous les gardions sous notre contrôle, que nous

15 essayions

16 de voir ce qu'ils allaient faire des hommes, que nous vérifiions ce qu'ils

17 faisaient.

18 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Donc la liste a été

19 dressée par vos hommes, par les officiers ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, elle a été

21 dressée par le Comité des réfugiés à l'intérieur de la base.

22 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Et elle vous a été

23 transmise ?

24 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, pas à moi.

25 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Enfin, à vous, je veux

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1 dire...

2 M. Koster (interprétation de l'anglais). -A mon officier de

3 commandement ?

4 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Oui.

5 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Oui, mais pour ce

6 que j'en sais, elle n'a pas été fournie aux Serbes.

7 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Vous ne savez pas si

8 elle a été fournie au Serbes ?

9 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, pour ce que

10 j'en sais, elle n'a pas été fournie aux Serbes.

11 M. RIAD (interprétation de l'anglais). - Vous pensez qu'elle ne

12 l'a pas été. Merci beaucoup.

13 M. le Président. - D'après ce qu'on nous a dit, il semblerait

14 que quelques véhicules du bataillon -des jeeps, si j'ai bien compris- ont

15 escorté les convois, au moins au tout début, tant que vous aviez des

16 jeeps.

17 Je suppose que ces jeeps sont revenues. Pour certaines, elles sont

18 revenues. Donc vous avez rencontré vos camarades avant que nous ne

19 quittiez

20 la base. Que vous ont-ils dit de ce qui s'était passé ? Savaient-il

21 quelque

22 chose ?

23 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je n'ai entendu

24 parler de cela que quand nous avons quitté l'enclave. Avant cette date,

25 j'ai toujours été à l'extérieur jusqu'au 13. Je ne savais pas ce qui s'est

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1 passé au cours de ces escortages

2 M. le Président. - Les jeeps d'escortage ne sont pas parties de

3 Potocari ?

4 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Certaines se

5 trouvaient déjà au portail principal. C'est en tout cas ce que l'on m'a

6 dit

7 pendant que je rédigeais mon rapport.

8 Une jeep au moins, en tout cas, a traversé. Cela a été le

9 premier transport, mais c'est quelque chose que j'ai appris plus tard, à

10 mon départ de l'enclave.

11 M. le Président. - Quand vos camarades sont revenus, puisqu'il

12 y a eu un rassemblement avant que vous quittiez l'enclave, que s'est-il

13 dit

14 entre vous ? Vos camarades savaient-ils quelque chose ?

15 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

16 M. le Président. - Il ne s'est rien dit ?

17 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non.

18 M. le Président. - Ils n'ont pas parlé de ce qu'ils auraient pu

19 voir. Ils n'ont rien vu ?

20 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Non, mais de toute

21 façon, je ne leur parlais pas, j'étais trop occupé avec mes tâches. Je ne

22 sais rien de cela, j'en suis désolé.

23 M. le Président. - Le colonel vous réunissait tous les jours

24 pendant cette période-là. Vous entretenait-il de ses relations avec le

25 général Mladic, des réunions, de ce qui était décidé, ou y avait-il une

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1 cloison étanche entre les différents commandements à l'intérieur de la

2 base ?

3 M. Koster (interprétation de l'anglais). - L'interprète peut-il

4 répéter la question ?

5 M. le Président. - L'interprète ou le juge ?

6 (Interprète française). - L'interprète, monsieur le Président.

7 M. Koster (interprétation de l'anglais). - Je ne savais pas ce

8 qui se passait, je n'ai pas été tenu au courant des détails exacts des

9 réunions avec le général Mladic.

10 M. le Président. - Merci. Monsieur le Procureur, le tribunal

11 n'a pas d'autre question à poser au témoin. L'huissier peut raccompagner

12 le

13 témoin. Le tribunal, Lieutenant, vous remercie d'avoir apporté votre

14 témoignage à la demande du Bureau du Procureur.

15 Monsieur le Procureur, vous pourrez ensuite faire entrer le

16 témoin suivant.

17 (Fin de la diffusion de l’enregistrement vidéo du 3 juillet 1996)

18 M. le Juge RIAD.- Merci, Monsieur McCloskey. Ce sera tout pour

19 aujourd’hui, je pense.

20 M. McCLOSKEY.- Oui, Monsieur le Président.

21 M. le Juge RIAD.- La séance est levée ; nous reprendrons demain

22 à 9 heures 30. Je vous remercie.

23 La séance est levée à 14 heures 50 et reprendra jeudi 25 mai 2000 à

24 9 heures 30.

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