Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 24 juillet 2000.)

2 (La séance est ouverte à 9 heures 35.)

3 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

4 M. le Président: Bonjour Mesdames, Messieurs. Bonjour cabine technique,

5 bonjour interprètes.

6 Les interprètes: Bonjour, Monsieur le Président. M. le Président: Bonjour

7 assistants juridiques, les sténotypistes, bonjour le Greffe.

8 L'accusation; bonjour Monsieur Harmon. Bonjour Monsieur Cayley, bonjour

9 Monsieur McCloskey. Bonjour la défense, Maître Visnjic, Maître Petrusic.

10 Bonjour général Krstic.

11 Nous reprenons aujourd'hui notre affaire. Je crois qu'il y avait une

12 question de versée au dossier des documents, donc je me tourne vers

13 Monsieur McCloskey. Est-ce que nous avons des pièces à conviction à régler

14 pour le témoignage de M. Richard Butler?

15 M. McCloskey (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, bonjour

16 conseil de la défense. Oui, en effet Monsieur le Président, mais avant de

17 parler de cela, je vous demande une audience brève, à huis clos partiel

18 qui me permettra de vous apporter quelques explications relatives à la

19 dernière journée de l'audition de M. Butler qui nous pose quelques

20 problèmes.

21 M. le Président: D'accord, nous allons passer à huis clos partiel pour

22 quelques instants.

23 (Audience à huis clos partiel.)

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12 Pages 5539 à 5542 - expurgées - audience à huis clos partiel.

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10 (Audience publique.)

11 Donc, nous sommes déjà en session publique et maintenant pour continuer

12 notre affaire, Monsieur McCloskey?

13 M. McCloskey (interprétation): Oui Monsieur le Président.

14 J'ai une autre pièce à conviction, la pièce 394, qui est la liste de tout

15 les éléments de preuve auquel M. Butler a fait référence. Je fournis donc

16 cette pièce aux Juges comme étant la dernière pièce à conviction, ce qui

17 nous permettra de ne pas rappeler tous les numéros des pièces à conviction

18 précédentes. En outre, il y a également ce document de trois pages qui

19 énumère toutes les pièces à conviction qu'il convient de maintenir sous

20 scellés.

21 La pièce à conviction 394 est la liste des pièces sous scellés qui ont été

22 fournies au Greffe. Vous y trouverez donc la liste de tous les éléments de

23 preuve que nous souhaitons verser au dossier; la défense à également reçu

24 cette liste. Nous avons eu la possibilité de parler brièvement avec les

25 conseils de la défense et je demande que cette pièce 394 soit également

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1 conservée sous scellés car elle comporte des informations sensibles.

2 M. le Président: Maître Petrusic, avez-vous des objections?

3 M. Petrusic (interprétation): Monsieur le Président, compte tenu du fait

4 que la pièce à conviction 394 est la liste des éléments de preuve versés

5 au dossier par M. Butler, c'est une liste assez longue, donc la défense ne

6 tient pas à rappeler chacun des numéros des pièces à conviction, mais elle

7 a l'intention d'analyser ces éléments de preuve et elle acceptera certains

8 de ces éléments de preuve sans objection, alors qu'elle fera des

9 observations au sujet d'autres éléments de preuve figurant sur cette

10 liste.

11 J'indique ici donc la méthodologie que se propose de suivre la défense. Je

12 pense donc qu'il est opportun que la défense fasse savoir quels sont les

13 éléments de preuve en question qui feront l'objet d'une objection.

14 Je constate que la pièce 394 fait partie des éléments désormais versés au

15 dossier, vous me permettrez donc dans ces conditions de vous dire quels

16 sont les éléments de preuve figurant sur cette liste qui feront l'objet

17 d'une objection de la part de la défense.

18 Il s'agit des pièces 438 à 452, puis les pièces 470 à 480. Ensuite, les

19 pièces 500 à 531. Les pièces 551 à 565. Les pièces 598 à 608. Les pièces

20 620 à 625. Et les pièces 630 à 638. Des objections seront également

21 présentées par la défense au sujet des pièces 650 à 674 et au sujet des

22 pièces 677 à 692.

23 Excusez-moi, je vous prie de m'excuser, c'est bien cela: objection au

24 sujet des pièces 677 à 692 ainsi qu'au sujet des pièces 695 à 700/1.

25 L'objection que formule la défense au sujet de ces pièces à conviction est

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1 la même que celle qui a déjà été consignée au compte rendu d'audience, le

2 27 juin, au cours de l'audience de ce jour. Cette objection portait sur la

3 façon dont les déclarations ont été recueillies ou plutôt dont les

4 messages ont été interceptés; donc, uniquement au sujet de la façon des

5 modalités d'interception. Si les Juges de cette Chambre l'acceptent, ils

6 peuvent reprendre l'objection qui a déjà été formulée lors de l'audience

7 du 27 juin.

8 Nous avons désormais cette pièce à conviction 394 qui énumère l'ensemble

9 des pièces à conviction versées au cours de l'audition de M. Butler. Au

10 sujet des autres pièces, la défense n'a pas d'objection.

11 M. le Président: Monsieur McCloskey?

12 M. McCloskey (interprétation): Oui Monsieur le Président, ces

13 interceptions figurent sur la liste, dont il vient d'être question, pour

14 rappeler simplement les messages interceptés auxquels M. Butler a fait

15 particulièrement référence. Si je me rappelle bien, les Juges de cette

16 Chambre ont déjà rendu une décision au sujet de ces messages interceptés

17 et ils ont déjà été versés au dossier. Je crois que mon collègue de la

18 défense a parlé de cela déjà, je ne suis pas au courant de l'existence de

19 nouveaux communiqués interceptés. Je suis d'ailleurs tout à fait ferme en

20 disant que nous ne proposons pas de verser au dossier de nouvelles

21 interceptions.

22 (Les Juges se concertent sur le siège.)

23 M. le Président: Maître Petrusic, nous avons une petite question. Est-ce

24 que, par rapport à la décision antérieure de la Chambre, vous avez des

25 éléments de nature différente? Ou est-ce qu'il y a quelque chose de

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1 différent? Ou s'agit-il de la même nature de document et donc votre

2 objection c'est la même objection que vous avez déjà présentée devant la

3 Chambre pour votre décision, s'il vous plaît?

4 M. Petrusic (interprétation): Compte tenu du fait que la nature des

5 documents est la même que celle des documents au sujet desquels la Chambre

6 a déjà rendu une décision, la défense ne dit rien de nouveau. Elle évoque

7 simplement les raisons qui ont déjà été évoquées pour les documents

8 précédents.

9 M. le Président: De toute façon, nous aimerions bien revoir tous ces

10 documents pour savoir s'il y a quelque chose de différent ou non. S'il n'y

11 a pas de choses différentes, on va répéter la décision.

12 Nous aimerions réserver un peu de temps, peut-être jusqu'à la fin de cette

13 matinée, pour revoir les documents et voir s'il y a quelque chose de

14 différent ou non. Nous réservons donc la décision pour la fin de cette

15 matinée. Il n'est pas nécessaire maintenant de faire la distinction entre

16 les documents qui ont une objection et les documents qui n'ont pas une

17 décision. Nous allons réserver notre décision jusque la fin de cette

18 matinée. Okay.

19 Pour l'instant, nous sommes en condition de continuer les témoignages,

20 pour aujourd'hui.

21 M. McCloskey (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Un dernier point qui vient de m'être rappelé par Mlle Keith. J'ai parlé

23 d'une pièce comme étant la pièce 638/1A. Or, le conseil de la défense nous

24 a dit que, la semaine dernière, cette pièce devrait être la pièce 368/A;

25 sur ce point, j'en ai terminé.

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1 Et je donnerai la parole à M. Cayley.

2 M. Cayley (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

3 Madame et Monsieur les Juges. Bonjour, Maître Petrusic. Bonjour, Maître

4 Visnjic.

5 Monsieur le Président, je vous demande un instant pour faire de l'ordre

6 dans mes papiers... Très bien. Monsieur le Président, je vous remercie. Si

7 vous m'y autorisez, je peux maintenant appeler à la barre le témoin

8 suivant, le général de division Francis Dannatt.

9 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

10 M. le Président: Bonjour, général Dannatt. Vous m'entendez?

11 M. Dannatt (interprétation): Oui.

12 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.

13 l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

14 M. Dannatt (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

17 (Le témoin s'exécute.)

18 Avant tout, merci beaucoup d'être venu ici, au TPI. Pour l'instant, vous

19 allez répondre aux questions que M. Cayley, qui est à votre droite, va

20 vous poser, s'il vous plaît.

21 Monsieur Cayley, vous avez la parole.

22 (Interrogatoire principal du témoin M. Francis Richard Dannatt par M.

23 Cayley.)

24 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 Monsieur le Témoin, vous vous appelez bien Francis Richard Dannatt, n'est-

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1 ce pas?

2 M. Dannatt (interprétation): Oui, c'est exact.

3 Question: Votre nom de famille s'épelle D, A, N, N, A, T, T?

4 Réponse: C'est exact.

5 Question: Monsieur l'huissier, je vous demanderai de bien vouloir déplacer

6 un peu le rétroprojecteur, car cet objet s'interpose entre témoin et moi-

7 même, pour le moment.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 Merci, c'est parfait; très bien.

10 Monsieur le Témoin, vous êtes Britannique?

11 Réponse: Je suis Britannique.

12 Question: Vous êtes né en 1950?

13 Réponse: C'est exact.

14 Question: Vous êtes, en ce moment, général de Division au sein de l'armée

15 britannique. Vous commandez la 3ème Division du Royaume-Uni qui est basée à

16 Bulford au Royaume-Uni?

17 Réponse: Oui, le quartier général se trouve à Bulford.

18 Question: Je vous rappelle un point dont nous avons déjà parlé. Puisque

19 vous et moi, nous parlons la même langue et que nous sommes interprétés au

20 cours de cette audience, je m'efforcerai de parler aussi lentement que

21 possible, tout en maintenant un rythme raisonnable, mais je vous prierai

22 de ménager une pause entre mes questions et vos réponses, et j'agirai de

23 même à votre égard. Cela facilitera le travail des interprètes.

24 Réponse: J'ai compris.

25 Question: Général, vous avez été consulté par le Bureau du Procureur en

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1 qualité d'expert dans la présente affaire. Nous vous avons interrogé sur

2 trois domaines différents et pour chacun de ces domaines vous avez élaboré

3 un rapport qui a été remis aux Juges de cette Chambre, ainsi qu'à la

4 défense.

5 Pouvez-vous résumer à l'intention des Juges quels sont les trois grands

6 domaines sur lesquels nous vous avons demandé votre avis?

7 Réponse: Oui. On m'a d'abord demandé de parler de la doctrine militaire,

8 doctrine militaire et méthodes de commandement, de contrôle militaire, de

9 façon générale, avec des références précises à l'armée des Serbes de

10 Bosnie, l'armée de la Republika Srpska ainsi qu'au Corps de la Drina.

11 On m'a également demandé de parler des responsabilités de commandement et

12 de contrôle. Les responsabilités de commandement et de contrôle d'un

13 commandant de corps d'armée, ainsi que d'un chef d'état-major de corps

14 d'armée de façon générale, avec des références plus précises à l'armée de

15 la Republika Srpska et au Corps de la Drina.

16 Enfin, on m'a demandé de parler du commandement et du contrôle sous

17 l'angle des opérations, c'est-à-dire de la planification opérationnelle et

18 logistique des éléments tactiques et des procédures pertinentes pour

19 exercer le commandement et le contrôle au niveau d'un état-major.

20 Question: Donc d'une certaine façon, vous jetez un regard stratégique sur

21 un certain nombre de questions pertinentes dans la présente affaire?

22 Réponse: C'est ce que je vais m'efforcer de faire, en effet.

23 Question: Général, qu'est-ce qui vous habilite à donner votre avis devant

24 ce Tribunal?

25 Réponse: D'abord, je dirai que j'ai 31 ans d'expérience au sein de

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1 l'armée britannique. J'ai servi dans un certain nombre d'opérations à des

2 grades différents, depuis le grade de second lieutenant jusqu'au grade de

3 général de division. Je reviendrai sans doute sur les responsabilités que

4 cela implique. J'ai passé également un certain temps en tant qu'étudiant

5 au collège de l'état-major de l'armée britannique ainsi qu'au collège de

6 l'état-major supérieur chargé du commandement supérieur et de l'éducation

7 des cadres militaires. Ce qui signifie que l'on instruit les membres de

8 l'armée britannique en cas de guerre, on leur apprend comment se comporter

9 dans le cadre d'une campagne militaire.

10 Dans ce poste, on m'a également demandé d'élaborer une doctrine de combat

11 en cas de guerre pour l'armée britannique dans les années qui ont suivi la

12 fin de la guerre froide. Ce qui a exigé de moi des recherches importantes

13 en matière de commandement et de contrôle militaire qui m'ont permis de

14 rédiger ce document.

15 Finalement, j'ai produit deux documents: un document relatif à la doctrine

16 de combat qui est le volume un de mon travail, un deuxième volume qui

17 traite également du commandement et du contrôle et dans le cadre duquel je

18 participe à un travail collectif, tout en étant l'auteur du document.

19 Question: Général, alors que vous apportiez votre aide à l'élaboration de

20 cet ouvrage relatif au commandement et au contrôle, avez-vous étudié les

21 doctrines de commandement et de contrôle d'un certain nombre d'armées dans

22 le monde entier?

23 Réponse: Oui. Dans le cadre des études que j'ai menées au sujet des

24 états-majors dans le cadre du stage que j'ai suivi, avant de devenir le

25 directeur de ce stage qui traitait du commandement et du contrôle au

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1 niveau des états-majors, j'ai étudié les procédures de commandement et de

2 contrôle d'un certain nombre d'armées autres que la mienne. Cela m'a

3 apporté des informations très précieuses qui m'ont permis ensuite de

4 rédiger mon ouvrage sur le commandement et le contrôle.

5 Question: Général, parlons un peu de votre carrière militaire pour

6 confirmer ce que vous avez dit au sujet des commandements que vous avez

7 exercé à différents niveaux au sein de l'armée britannique.

8 Je demanderai la pièce à conviction de l'accusation 395 et je prierai

9 Monsieur l'huissier de la placer sur le rétroprojecteur à côté de M.

10 Dannatt, ce qui va l'aider à répondre aux questions qui lui seront posées

11 dans cette partie de sa déposition.

12 (L'huissier s'exécute.)

13 Général, cette pièce est donc placée sur le rétroprojecteur. Je crois

14 savoir que de façon générale -comme c'est le cas pour tous les officiers

15 britanniques- vous avez suivi de 1969 à 1971, en tant que sous officier,

16 les cours de l'académie militaire royale de Sandhurst, n'est-ce pas?

17 Réponse: Oui je suis entré dans l'armée en sortant de l'école en 1969 et

18 j'ai passé deux ans à l'académie militaire royale de Sandhurst.

19 M. le Président: Je crois que notre rétroprojecteur n'aime pas les week-

20 end! Est-il possible de faire quelque chose pour améliorer l'image?

21 M. Cayley (interprétation): M. le Président je me rends bien compte que

22 cela ne facilite pas la vision du public dans la galerie du public mais

23 vous avez un exemplaire de cette pièce, les conseils de la défense aussi.

24 Donc peut être peut-on poursuivre sans demander une pause?

25 M. le Président: D'accord.

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1 M. Cayley (interprétation): Général, la pièce à conviction 395 vient

2 d'être placée sur le rétroprojecteur. Malheureusement, l'image n'est pas

3 encore d'une très grande qualité à l'écran. Je vous demanderai de résumer

4 brièvement en vous appuyant sur cette pièce à conviction, le déroulement

5 de votre carrière depuis 1971 jusqu'au jour d'aujourd'hui.

6 M. Dannatt (interprétation): Oui, j'aurai grand plaisir à le faire. Comme

7 je viens de le dire, je suis sorti de l'Académie royale en 1971 et j'ai

8 rejoint mon commandement d'infanterie pour prendre le commandement d'un

9 peloton. Mon régiment s'appelait les Green Howards. Il y a trois pelotons

10 dans une compagnie, je commandais l'un de ces pelotons. J'ai rejoint mon

11 régiment au début d'une opération en Irlande du Nord en Août 1971 et je

12 suis resté au commandement de ce peloton pendant deux ans, pour deux

13 mandats opérationnels, à Belfast en Irlande, ainsi que dans le cadre de

14 manœuvres en Allemagne et au Canada en 1973. Je suis allé à l'Université.

15 J'ai passé trois ans à l'Université de Durham pour obtenir un diplôme

16 d'histoire et d'économie. A mon retour de l'université, j'ai rejoint une

17 nouvelle fois mon bataillon en tant qu'adjudant, c'est l'officier d'état-

18 major principal auprès du commandant de l'état-major. C'est donc ce qu'on

19 pourrait comparer au chef d'état-major au sein d'un régiment de l'armée

20 britannique. J'ai rempli ces fonctions de 1976 à 1979, après quoi, je suis

21 retourné à l'Académie royale militaire des Sandhurst en tant

22 qu'instructeur. J'ai passé deux ans à instruire des sous-officiers en leur

23 apprenant les tactiques militaires générales et ce qu'ils doivent savoir

24 dans leur travail au sein de l'armée.

25 En 1981, je suis retourné brièvement auprès de mon régiment pour prendre

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1 le commandement d'une compagnie. Il y a trois compagnies au sein d'un

2 régiment d'infanterie, j'ai donc commandé l'une de ces compagnies. Pendant

3 cette période, j'ai aussi exercé des fonctions opérationnelles à Chypre

4 avec les Nations Unies. A la fin de 1981, je suis retourné au collège de

5 l'état-major où j'ai travaillé jusqu'en 1982 en tant qu'étudiant. J'ai

6 donc quitté le collège de l'état-major en 1982 pour devenir chef d'état-

7 major de l'une des brigades blindées de l'armée britannique basée en

8 Allemagne.

9 Je montre cette brigade sur l'organigramme. Une brigade se compose de

10 trois ou quatre unités de combat de la taille d'un bataillon, comparable à

11 celles dans lesquelles j'avais servi précédemment. On y trouve les

12 responsables de l'artillerie, du génie, de la logistique en particulier.

13 Ces groupes comportent à peu près 5.000 hommes et j'en ai été chef d'état-

14 major ou commandant de 1983 à 1984.

15 En 1985, je suis retourné au sein de mon bataillon pour commander une

16 compagnie des Green Howards, mon régiment.

17 A la fin de 1986, j'ai été posté à Londres au ministère des Forces armées

18 et de la Défense, poste que j'ai exercé pendant 3 ans, de 1986 à 1989.

19 Après quoi, j'ai été nommé au commandement de mon régiment, avec le grade

20 de lieutenant-colonel. J'ai donc commandé ce bataillon avec ce grade en

21 1989 jusqu'à la fin de 1991, avec une nouvelle tournée opérationnelle en

22 Irlande du Nord. Au début de 1992, je suis revenu au Collège de l'Etat-

23 major en tant qu'étudiant pour un cours de niveau supérieur. Et à la fin

24 de ce stage ou de ce cours de 4 mois, je suis devenu directeur de ce

25 stage, travail ou poste que j'ai occupé pendant 2 ans.

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1 C'est au cours de cette période que j'ai écrit l'ouvrage auquel j'ai déjà

2 fait référence, à savoir l'ouvrage relatif à la doctrine militaire en cas

3 de guerre.

4 Au début de 1994, j'ai été posté une nouvelle fois en Allemagne où j'ai

5 pris le commandement de l'une des quatre brigades britanniques postées en

6 Allemagne.

7 Question: Général, excusez-moi de vous interrompre, mais vous avez dit

8 semble-t-il "au début de 1984", je pense que vous parliez du début de

9 1994?

10 Réponse: Vous avez tout à fait raison, il s'agissait de 1994, date à

11 laquelle j'ai pris le commandement de la 4ème Brigade blindée, commandement

12 que j'ai conservé jusqu'au début de 1996.

13 Pendant cette période, j'ai emmené cette brigade sur le territoire de

14 l'ex-Yougoslavie où je commandais un secteur des Nations Unies, le secteur

15 sud-ouest de Gornji Vakuf, d'octobre 1995 jusqu'à la mise en œuvre des

16 Accords de Dayton en décembre de la même année.

17 A cette date, j'ai repris mon poste dans le cadre de l'armée britannique,

18 membre de l'OTAN, commandant donc de la 4ème Brigade blindée et j'ai

19 commencé à surveiller l'application de l'Accord de paix de Dayton sur le

20 terrain, dans le sud-ouest de la Bosnie, poste que j'ai occupé jusqu'à la

21 fin d'avril 1996.

22 A la mi-1996, j'ai remis le commandement de la 4ème Brigade blindée pour

23 retourner au ministère de la Défense tannique où j'ai pris la direction,

24 en tant que directeur du programme de défense applicable à l'état-major;

25 ce qui signifie que j'avais quelques responsabilités à l'égard de mes

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1 collègues fonctionnaires s'agissant de l'affectation des fonds entre

2 l'armée, la marine et les forces aériennes.

3 J'ai occupé ce poste jusqu'au début de l'année dernière, en janvier 1999,

4 date à laquelle je suis devenu commandant de la 3ème Division britannique,

5 poste que j'occupe encore aujourd'hui. La 3ème Division britannique est

6 basée à Burford, au Royaume-Uni, avec quatre brigades constituant cette

7 division, trois brigades motorisées, une brigade de reconnaissance. Les

8 effectifs totaux se montent à 20.000 hommes environ en temps de paix, ce

9 qui signifie 30.000 hommes à peu près après mobilisation en cas de guerre.

10 Voilà donc le poste que j'occupe actuellement.

11 Question: Général, donnons une idée des chiffres aux Juges. Quand vous

12 commandiez un peloton, combien d'hommes commandiez-vous?

13 Réponse: Un peloton se compose environ de 35 hommes et une compagnie se

14 compose de 100 à 120 hommes. Je suppose que c'est la question que vous

15 alliez me poser ensuite. Quand à un bataillon, il comprend 600 à 800

16 hommes selon le rôle qui est affecté à un bataillon à un moment précis. La

17 brigade compte 4.000 à 5.000 hommes. Et je viens de dire que la division

18 que je commande actuellement compte à peu près 20.000 hommes.

19 Question: L'an dernier, si je ne m'abuse, vous avez été choisi et nommé au

20 poste d'adjoint du chef d'état-major général de l'armée britannique,

21 n'est-ce pas?

22 Réponse: C'est exact. Je prendrai mes fonctions à ce poste à une date qui

23 reste à préciser l'année prochaine.

24 Question: Et pour en terminer avec les détails de votre biographie, je

25 vois que vous portez la Croix militaire, vous avez donc été décoré pour

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1 courage en cours d'opération en Irlande du nord en 1993, n'est-ce pas?

2 Réponse: C'est exact.

3 Question: Et vous avez été fait commandant de l'Ordre de l'Empire

4 britannique en 1996 pour les quatre mandats que vous avez exercés sur les

5 territoires de l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas?

6 Réponse: C'est exact.

7 Question: Je crois savoir aussi que vous avez été décoré de la médaille de

8 la Reine qui est décernée pour services rendus au Kosovo, n'est-ce pas?

9 Réponse: C'est exact.

10 Je n'ai pas dit que l'année dernière, j'ai aussi commandé les forces

11 britanniques au Kosovo, dans la section centrale des opérations menées sur

12 ces territoires.

13 Question: Et en juin et juillet de l'année dernière, vous avez déployé les

14 forces que vous commandiez au Kosovo, n'est-ce pas? Vous commandiez en

15 fait les forces britanniques dans le cadre de la KFor de l'OTAN, n'est-ce

16 pas?

17 Réponse: J'étais commandant des forces britanniques et j'avais pour

18 mission d'apporter un soutien maximal aux forces de la KFor, c'est exact.

19 Question: Général, et j'en arrive là vraiment au dernier détail vous

20 concernant, vous êtes, n'est-ce pas, officier de l'armée britannique? Le

21 général Krstic est un général de la JNA et de l'armée de la Republika

22 Srpska, l'armée de la VRS. Vos carrières présentent des similitudes. Vous

23 êtes tous les deux des officiers de métier. Mais vous avez rempli vos

24 obligations dans des systèmes très différents.

25 Je demanderai que l'on place sur le rétroprojecteur la pièce à conviction

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1 de l'accusation 396. Après quoi, je vous poserai la question liée à cette

2 pièce.

3 Mais, général, compte tenu de ce que je viens de dire, qu'est-ce qui vous

4 habilite à vous exprimer au sujet des éléments que le Procureur vous a

5 demandé d'examiner plus en détails et qui viennent d'être décrits aux

6 Juges de cette Chambre?

7 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, vous avez ce document

8 sous les yeux? C'est un document très important.

9 M. Dannatt (interprétation): Je crois pouvoir dire d'abord que, dans toute

10 armée professionnelle bien entraînée, un certain nombre de principes de

11 commandement s'appliquent.

12 Et d'après l'étude que j'ai faite d'un certain nombre d'armées, j'admets

13 que dans mon armée, ainsi que dans l'armée de l'ex-Yougoslavie, ces

14 principes s'appliquent de façon plus particulière peut-être.

15 J'ai donc examiné la carrière du général Krstic et la mienne, et je dois

16 dire que ces principes, dans les deux cas, s'appliquent de façon très

17 semblable. M. Krstic et moi, avons à peu près le même âge, même si M.

18 Krstic est un peu plus âgé que moi.

19 Il a été commandant de bataillon. Il a été commandant de chef d'état-major

20 d'une brigade comme moi. Il a été commandant de brigade. Il a été promu au

21 rang de général de division, il y a 3 ou 4 ans, à peu près au même moment

22 que moi. Aujourd'hui, je commande une division et lui a commandé un corps

23 d'armée.

24 Si j'ai bien compris la structure du Corps de la Drina, du point de vue

25 des effectifs, c'est une unité qui équivaut à peu près à la division que

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1 je commande aujourd'hui.

2 Je reconnais qu'il y a une légère différence de grade, en tout cas dans la

3 dénomination des grades utilisés par l'armée de la Republika Srpska et

4 l'armée britannique. Je suis général de division, ce qu'on appelle donc un

5 général deux étoiles au Royaume-Uni. Un général de corps d'armée dans

6 l'armée britannique a trois étoiles, mais je crois que dans l'armée de la

7 Republika Srpska, quand il y a équivalence de grade l'armée de la

8 Republika Srpska, a une étoile de moins que l'armée britannique; donc je

9 crois pouvoir dire que nous avons à peu près les mêmes grades du point de

10 vue des postes que nous occupons.

11 Et cela m'habilite, je pense à exprimer un avis à l'intention de ce

12 Tribunal.

13 Question: Je demanderai au témoin qui a reçu la pièce à conviction 397

14 d'expliquer les légères différences de grades ou de hiérarchie militaire

15 qui existent entre les deux armées, afin que les Juges comprennent bien de

16 quoi il s'agit.

17 Malheureusement, le rétroprojecteur ne fonctionne pas.

18 Mais, général, pourriez-vous tout de même expliquer en quelques mots le

19 contenu de la pièce à conviction 397 aux Juges de cette Chambre?

20 Réponse: Au sein une armée britannique, un bataillon est commandé par un

21 lieutenant-colonel. Et si j'ai bien compris, au sein de la VRS, un

22 bataillon est en général commandé par un commandant.

23 Dans l'armée britannique, une brigade est commandée par un général de

24 brigade, ce qu'on appelle donc un général une étoile. Alors qu'une brigade

25 de la VRS est toujours commandée par un colonel.

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1 Dans l'armée britannique, un général deux étoiles, qui est un général de

2 division, commande donc une division, alors que la formation équivalente

3 au sein de l'armée des Serbes de Bosnie est un corps d'armée commandé par

4 un général de division. Ce qui semble correspondre à un général une étoile

5 et l'équivalent dans l'armée britannique serait un général de brigade.

6 Dans l'armée britannique, au-dessus de la division, on trouve le corps

7 d'armée qui est commandé par un général de corps d'armée, général trois

8 étoiles. Il n'y a pas d'équivalent direct, pour autant que j'ai pu le

9 constater, au sein de la VRS.

10 Et au niveau supérieur, il y a l'armée, au sein de l'armée britannique,

11 qui se compose d'un certain nombre de corps d'armée et qui est commandée

12 par un général à quatre étoiles. Et au sein de la VRS, on trouve

13 l'équivalent, l'armée qui est commandée par un général de corps d'armée.

14 Ce qui est intéressant, c'est de constater que les termes généraux de

15 brigade et général de division, très utiles, sont utilisés dans l'armée

16 française puisqu'ils représentent exactement la fonction occupée par le

17 commandant dont il est question.

18 Et au sein de la VRS, nous voyons donc à peu près le même principe qui

19 s'applique avec une équivalence possible par rapport aux généraux de

20 l'OTAN.

21 Mais dans d'autres armées les choses sont différentes.

22 Question: Vous venez de dire qu'il n'y a pas d'équivalent direct du

23 général de corps d'armée au sein de l'armée de la Republika Srpska bien

24 qu'il y ait un général des armées, n'est-ce pas, qui est un général à deux

25 étoiles? C'est exact?

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1 Réponse: C'est exact.

2 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, si durant la déposition

3 du général Dannatt vous souhaitez poser des questions d'éclaircissement,

4 je vous invite à le faire.

5 Mme Wald (interprétation): Pourrais-je vous demander si, au sein de la

6 VRS, le grade suprême pour le général d'armée est bien celui qui est

7 occupé par le général Mladic?

8 M. Dannatt (interprétation): Selon ce que j'ai compris, oui, c'est bien le

9 cas.

10 Mme Wald (interprétation): Merci.

11 M. Cayley (interprétation): Général, quels sont les documents que vous

12 avez reçus de la part du Bureau du Procureur pour tirer les conclusions

13 qui sont les vôtres et élaborer votre rapport, ainsi que votre déposition?

14 M. Dannatt (interprétation): Un certain nombre de documents ont été mis à

15 ma disposition. J'ai lu deux rapports de Richard Butler, l'un qui est

16 intitulé "Etude sur les responsabilités de commandement et de contrôle au

17 sein de la VRS", et l'autre "Rapport descriptif militaire sur l'opération

18 Krivaja 1995 de Srebrenica".

19 J'ai également vu un certain nombre de pièces à conviction versées à

20 l'appui de ces rapports. Et je connais d'autres travaux, d'autres

21 documents qui m'ont été présentés de façon sélective. J'ai examiné

22 également un certain nombre de cartes géographiques et d'autres documents

23 vidéo qui ont trait à ces questions de façon générale.

24 On m'a aussi demandé, puisque mon mandat en Bosnie ne m'avait pas mis en

25 contact avec le secteur de Srebrenica, de me rendre en divers lieux liés

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1 aux événements dont il est question devant ce Tribunal. En avril de cette

2 année, je me suis donc rendu dans les localités les plus importantes dont

3 il est question ici, dont les noms m'ont été donnés par l'enquêteur en

4 chef, M. Jean-René Ruez.

5 Question: Du Bureau du Procureur.

6 Général, vous avez pu consulter également certaines cartes, certains

7 matériels vidéo, documents que vous nous avez demandés?

8 Réponse: Oui, c'est exact.

9 Question: Et ce sont aussi des pièces que vous avez pu consulter, que vous

10 avez pu étudier, que vous avez pu voir sur place dans le Bureau.

11 Général, est-ce qu'on peut passer à la première carte, dans le cadre de

12 votre rapport qui parle des principes fondamentaux du commandement du

13 contrôle. Cela se trouve à la page 4 de votre rapport.

14 Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges, général, ces principes de

15 base de commandement de contrôle qui sont, selon vous, d'une application

16 universelle dans le contexte militaire?

17 Réponse: D'abord il s'agit d'un principe global et c'est un principe

18 évident. Les commandants supérieurs donnent des ordres à leurs subordonnés

19 qui sont tenus de les exécuter, de les mettre en œuvre.

20 Evidemment, la procédure de mise en œuvre d'exécution exige plus ou moins

21 d'interprétation d'après la doctrine de commandement, qui est en usage

22 dans le contexte d'une armée particulière.

23 Dans le contexte de la VRS, la chaîne de commandement, la hiérarchie est

24 nettement retracée dans un certain nombre de documents, notamment en ce

25 qui concerne ces principes et ces principes sont bien définis.

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1 Donc le commandement va vers les haut gradés pour pouvoir informer les

2 haut gradés de leur progrès, pour qu'ils puissent savoir et être informés

3 de ce qui se passe, et pour qu'ils puissent enfin adopter leurs propres

4 décisions sur les actions consécutives à prendre.

5 Dans certaines armées, cette procédure est bien formulée. Il n'y a pas

6 besoin d'avoir des rapports à l'infini. Mais les subordonnés ont cette

7 tâche fondamentale de faire communiquer leurs informations vers le haut,

8 vers le sommet de la hiérarchie afin que cette information, ce

9 renseignement, puisse être évalué, jugé. C'est un principe qui régit

10 presque toutes les armées.

11 Question: Général, dans votre document écrit, vous identifiez deux

12 doctrines principales de commandement qui sont appliquées dans le contexte

13 des armées à l'échelle mondiale.

14 Est-ce que vous pourriez nous présenter un bref synopsis? Est ce que la

15 doctrine du "Auftragstaktik", permettez-moi ce terme en allemand, et là je

16 donne un exemple d'une armée qui a retenu cette doctrine comme étant la

17 sienne?

18 Réponse: Nous avons tendance, en quelque sorte, à utiliser ces deux

19 termes pour décrire, pour définir ces deux différentes doctrines. La

20 "Aufragstaktik" est une doctrine selon laquelle le commandement supérieur

21 décide de ce que sera sa mission. et présente ses intentions à ses

22 subordonnés leur laissant assez de liberté pour la procédure de

23 l'exécution de leur mission. Evidemment, le commandement supérieur assure

24 certaines ressources estimées correspondantes d'après lui, donc ressources

25 destinées à ses subordonnés logistiques et autres, mais laisse aux

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1 subordonnés la latitude d'utiliser différents moyens pour l'exécution de

2 ses tâches. Par exemple, une mission pourrait se résumer à capturer la

3 montagne A pour traverser la rivière B. Eh bien le subordonné doit

4 capturer l'objectif A et ensuite voir comment traverser la rivière.

5 Par conséquent, quand sur place, face à la situation, la montagne A peut

6 ne plus être pertinente, il usera de son initiative pour trouver un

7 meilleur moyen pour traverser la rivière B. Dans le contexte de l'armée

8 britannique, c'est une doctrine qu'un certain nombre d'armées de l'OTAN

9 mettent en œuvre Il s'agit de cette latitude au commandement qui découle

10 de cette "Aufragstaktik".

11 Par contraste, en revanche, la doctrine des "Befehlstaktik" est une

12 doctrine bien plus spécifique de commandement de contrôle. Les ordres sont

13 émis par le commandement supérieur à ses subordonnés. Les ordres sont

14 détaillés, les subordonnés sont tenus de les remplir tels que spécifiés.

15 S'il faut capturer la montagne A, eh bien, la montagne A devrait être

16 capturée et l'initiative suivante serait consécutive, serait de progresser

17 vers la rivière B et de la traverser. Cela devra être fait. Les armées qui

18 adoptent telle ou telle méthode, commandement, sont caractérisées par le

19 fait qu'il s'agit d'armées professionnelles ou armées composées d'appelés

20 sous des drapeaux, de recrus, de conscrits. Ces deuxièmes ont tendance à

21 limiter la formation, ont tendance à suivre la tactique "Befehl".

22 Par exemple, dans l'armée britannique, dans la deuxième partie de la

23 deuxième guerre mondiale quand l'armée britannique a dû s'épanouir,

24 devenir une armée grande par rapport à ce qu'elle a été dans les années

25 1930 par un appel massif sous les drapeaux, dans ce temps-là, par exemple,

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1 le Général Montgomery , en 1942, suivait cette "Befehlstaktik" prescrivait

2 exactement ce que les différentes unités devaient faire. Il ne laissait

3 pas beaucoup de choses au hasard de la chance ou au hasard de ce qui se

4 passe sur-le-champ de bataille.

5 En revanche, l'armée allemande a dû, elle aussi, s'épanouir, s'agrandir,

6 après la "Aufragstaktik" ce système de commandement, et notamment

7 lorsqu'il s'agissait des opérations dans les déserts occidentaux au cours

8 de 1942. Les subordonnés ont déployé leurs initiatives, s'appuyaient moins

9 sur le système statique que le corps, l'armée britannique. Un exemple

10 classique de cet "Aufragstaktik", de cette tactique de manœuvre était une

11 tactique utilisée par les Allemands au début des années 1940 lorsqu'il y a

12 eu passage des forces allemandes sur la Meuse, lorsqu'ils ont pénétré en

13 profondeur dans le territoire français et évidemment, c'était

14 disproportionné par rapport à leur puissance actuelle à l'époque. Par

15 conséquent, ils avaient possibilité de faire déployer leurs initiatives et

16 de ne pas être très stricts.

17 Ici, il s'agit de la tactique "Befehl", il s'agit d'une méthode qui a été

18 traditionnellement soutenue et qui a été aussi la tactique et la méthode

19 du pacte de Varsovie, celle de l'armée de l'ex-Union soviétique qui a été

20 enseignée et développée dans les écoles militaires, donc est une tactique

21 caractéristique pour une armée de conscrits.

22 En ce qui concerne le commandement de contrôle et les tactiques suivies

23 par la JNA, par l'armée de la Republika Srpska, il s'agissait d'un

24 contrôle centralisé basé sur la tactique "Befehl". Il s'agissait donc d'un

25 commandement de contrôle centralisé au sein de la VRS et qui a été une

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1 méthode très soutenue dans le cadre de l'ancienne JNA.

2 Question: Général, dans votre rapport page 6, vous dites que par une

3 partie de cette doctrine de la "Befehl", cette tactique, vous dites que

4 les ordres ne sont pas décentralisés, qu'il s'agit plutôt de rechercher

5 l'autorité de quelqu'un d'autre, que de s'appuyer sur ses propres pouvoirs

6 et autorité. En effet, est-ce que cela veut dire que rien ne peut se

7 passer sans des ordres qui viennent d'en haut, donc quand on parle de

8 cette doctrine de "Befehlstaktik"?

9 Réponse: Oui, lorsque vous avez à faire à un système centralisé, les

10 hommes supérieurs dans la hiérarchie, ce sont ceux qui décident et qui

11 décideront aussi de la façon de laquelle ces décisions seront réalisées et

12 ensuite, leur enseignement est envoyé plus bas. Evidemment, dans ce

13 système, ces ordres peuvent être mis en œuvre s'il y a circulation de

14 renseignements et d'informations du bas vers le haut, afin que ceux qui

15 décident puissent savoir sur la base de quoi ils doivent décider.

16 Il serait évidemment erroné de penser qu'il n'y a pas d'initiative dans le

17 cadre de cette tactique des "Befehlstaktik". L'initiative reste au niveau

18 des affaires mineures. Mais ce que je dis tout à l'heure, c'est que les

19 grandes décisions sont adoptées au sommet et sont ensuite renvoyées vers

20 ceux qui doivent les exécuter.

21 Mme Wald (interprétation): Permettez-moi une question, général Dannatt?

22 Est-ce qu'il serait caractéristique pour ce système, pour ce commandement

23 de contrôle "Befehlstaktik" que les ordres venant de la base, est-ce que

24 ces ordres seraient d'habitude écrits? Est-ce qu'il y a une tradition, une

25 pratique en ce qui concerne les ordres qui sont émis oralement et les

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1 ordres qui doivent être donnés par écrit dans cette chaîne de commandement

2 supérieur subordonné?

3 M. Dannatt (interprétation): Un ordre est un ordre. L'armé a tendance

4 d'être bureaucratique. On a le sentiment assez souvent que ce qui n'est

5 pas écrit n'est pas la vérité. Mais il y a des ordres difficiles, des

6 grands ordres qui sont presque toujours écrits, et on veille à ce qu'ils

7 soient communiqués de manière adéquate.

8 Dans le cadre de la tactique "Befehl", vous pouvez trouver un ordre

9 opérationnel entrant dans les menus détails, et dans l'autre tactique,

10 celle de la manoeuvre, eh bien il y a des opérations qui sont très vastes

11 et très étendues, et qu'on réalise à l'aide d'une carte géographique ou de

12 quelque chose, en se basant sur l'expertise professionnelle, de métier,

13 des subordonnés afin qu'ils puissent interpréter. Et, dans ce sens-là, on

14 n'a pas besoin d'écrire les détails de tout. Ce qui n'est pas toujours le

15 cas dans le cadre de la "Befehlstaktik".

16 M. Cayley (interprétation): En enchaînant sur ce que vient de dire la Juge

17 Wald, la doctrine de la "Befehlstaktik" donc comprendrait aussi des ordres

18 oraux qui seraient communiqués par la suite aux subordonnés et serait la

19 procédure de communication?

20 M. Dannatt (interprétation): Oui. Peut-être qu'au commencement d'une

21 grande opération, le commandant supérieur pourrait appeler ses principaux

22 subordonnés et leur émettre des ordres oraux en précisant certaines

23 procédures, certains processus, et ensuite émettre un ordre par écrit qui

24 retracerait, mettrait en évidence tout ce qui a été dit.

25 Le processus d'ordres oraux est un processus très important permettant une

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1 communication directe, de personne à personne. Lorsqu'on peut faire valoir

2 son propre caractère, ses propres capacités de commandant, c'est peut-être

3 quelque chose de normal qu'à la fin d'une réunion de ce genre, le

4 commandant supérieur invite ses subordonnés à poser des questions afin de

5 tirer au clair certains détails qu'éventuellement ils n'auraient pas

6 compris.

7 Je ne voudrais pas insister sur les différences entre les grands systèmes.

8 La "Befehlstaktik" est une tactique plus élaborée dans le cadre de ce

9 qu'il faudrait faire, quelle procédure à suivre ainsi de suite.

10 Mais dans le cadre de la deuxième tactique, la "Auftragstaktik", là aussi

11 on pourrait dire que les subordonnés renvoient une information en feed-

12 back informant leur commandant supérieur de quelle manière ils entendent

13 réaliser une opération.

14 M. le Président: Avoir un système ou autre, est-ce que cela a quelque

15 chose à voir avec le niveau de formation des officiers? Si j'ai des

16 officiers bien entraînés, je peux choisir un système. Si j'ai des

17 officiers ou des soldats qui ne sont pas bien entraînés, est-ce que je

18 dois en choisir un autre?

19 M. Dannatt (interprétation): Je pourrais répondre en deux volets. D'abord,

20 une armée est une institution et elle est celle qui décidera au niveau

21 institutionnel quelle doctrine elle entend mettre en œuvre à un moment

22 donné. Et ce sont aussi les doctrines qui seront enseignées dans les

23 écoles militaires à différents échelons. Ce sera une doctrine qui

24 prévaudra dans l'ensemble de l'armée et ce sera la doctrine de cette

25 armée.

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1 Le deuxième volet de ma réponse, c'est que la formation, l'entraînement

2 formel, la compréhension, la façon de comprendre les doctrines dépendent

3 de l'attitude des enseignants dans les différentes écoles militaires.

4 Un lieutenant, un second lieutenant qui est commandant d'un peloton saura

5 très bien ce que fait son armée, mais ne comprendra pas toujours quelle

6 est la doctrine, au moment donné, que son armée entend mettre en

7 application.

8 Et puis, dans ce contexte, et c'est un point que j'ai soulevé, il y a un

9 instant, une armée centralisée se base sur les recrues, donc choisira la

10 première doctrine et basera ses activités sur un système centralisé.

11 Je ne voudrais pas évoquer, parler de l'histoire de l'armée britannique.

12 Il y a eu différentes étapes, différentes phases de développement.

13 Par exemple, au cours de la Deuxième Guerre, nous étions une armée de

14 conscrits, de recrues, mais nous étions tout de même bien entraînés.

15 M. Riad (interprétation): Pour que je puisse vous suivre de très près, en

16 ce qui concerne les ordres oraux dans la "Befehlstaktik", vous dites que

17 cette "Befehlstaktik" assure aux subordonnés les menus détails et les

18 ordres oraux. Vous avez dit que ce processus est un processus extrêmement

19 important.

20 Est-ce que ces ordres oraux entrent dans le menu détail? Vous avez parlé

21 du Général Montgomery, de son opération dans le désert. Est-ce que ce

22 genre d'ordres suffit, ordres oraux?

23 M. Dannatt (interprétation): Les ordres oraux peuvent suffire, mais

24 peuvent être très longs, demander pas mal de temps. Et il y a risque

25 d'erreur également.

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1 Donc en ce qui concerne la solution complète du programme de

2 planification, elle serait d'émettre, de délivrer un ordre opérationnel

3 par écrit, détaillé, qui préciserait les différentes missions, les

4 différents devoirs, les différents horaires à suivre, les différents

5 soutiens à assurer, ainsi de suite.

6 Mais il y a aussi un autre point important, c'est que c'est l'importance

7 de ce qui a été dit dans ces cessions, ces émissions de délivrance

8 d'ordres oraux. En effet, ce qui est important c'est la stature du

9 commandant. Il s'agit d'un contact humain, d'un contact de personne à

10 personne. Et le subordonné doit comprendre la force, la puissance de son

11 commandant supérieur, de ce qu'il veut par sa stature et par ce qu'il

12 précise dans le cadre de cette cession de préparation d'ordre.

13 M. Cayley (interprétation): Général, vous avez dit justement que le

14 subordonné devrait comprendre les intentions?

15 M. Dannatt (interprétation): Oui, les juniors doivent comprendre ce que

16 les seniors souhaitent.

17 Question: Vous avez dit que ce qui se passait en Bosnie se passait sur

18 l'ancienne "Befehlstaktik" de l'ex-JNA?

19 Réponse: Deux raisons pourraient être évoquées. D'abord au niveau de la

20 théorie, l'armée de la Republika Srpska a en quelque sorte généré, fait

21 générer beaucoup de ces principes, de ceux qui étaient caractéristiques

22 pour la JNA, bien que l'ex-Yougoslavie n'ait pas été membre du Pacte de

23 Varsovie, mais elle a été sous l'influence de la façon de penser de l'Est.

24 Il y a eu beaucoup d'échanges, d'échanges de personnes, militaires, entre

25 l'ex-Yougoslavie et l'ex-Union soviétique.

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1 Par conséquent, les tactiques de l'ex-JNA et celles de la Republika Srpska

2 présentaient des similitudes assez importantes, au sens général. En effet,

3 la VRS a ses origines dans l'ex-JNA.

4 Et puis au niveau de la pratique, ayant été sur place moi-même, je dois

5 ajouter qu'un certain nombre d'anciens officiers de la JNA étaient le

6 cadre commandant, le cadre officier de la VRS, de l'armée de la Republika

7 Srpska, mais aussi de la (… inaudible), de l'armée des Croates, et aussi

8 de l'armée des Musulmans de Bosnie-Herzégovine. Donc c'est un point qui

9 est essentiel pour les trois armées.

10 Sur le terrain, opérations au haut niveau du terrain, il y a eu beaucoup

11 d'aflixibilité (?).

12 Ceux qui sont à un échelon plus bas ne déploient pas leur initiative, ne

13 sont pas prêts à le faire, peuvent faire face à des situations, mais tout

14 simplement ils sont conscients du fait qu'ils n'ont pas l'autorité de

15 faire quelque chose sans se référer à un échelon plus élevé; même quand il

16 s'agit du passage d'un véhicule à travers un barrage routier ou à un point

17 de contrôle. Par exemple, il arrivait qu'un véhicule ne puisse pas se

18 déplacer de quelques centaines de mètres pour une raison ou une autre.

19 Un exemple encore un peu plus spécifique et qui pourra intéresser les

20 Juges, avant même la mise en application, la mise en œuvre des Accords de

21 Dayton, et j'étais à l'époque en Bosnie, je sais que les forces que je

22 commandais seraient opérationnelles dans le cadre de la Republika Srpska,

23 et pour la première fois. Je me trouvais en Bosnie occidentale où il y a

24 eu des opérations de défense devant l'avancée des forces musulmanes et

25 croates. Par conséquent, quand les forces de l'OTAN, quand mes propres

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1 forces sont entrées en Republika Srpska, on s'attendait à une certaine

2 opposition. J'ai essayé de me rendre compte sur le terrain, à savoir que

3 le général Talic qui commandait dans cette région... enfin que le général

4 Talic sache exactement quelles étaient mes intentions, ma mission, mes

5 plans, et qu'il puisse ensuite communiquer cela à ses subordonnés sur le

6 terrain afin qu'il sache exactement à quelle heure, dans quelle région, à

7 quel moment, les troupes de l'OTAN entreront.

8 J'ai dû me rendre à Banja Luka rencontrer le général Talic, et ce n'était

9 pas chose facile à faire. Le général Talic savait que je venais, mais il

10 ne voulait pas me recevoir en personne, parce qu'il y avait le besoin que

11 le général Mladic s'entretienne avec quelqu'un de l'OTAN. Et donc la chose

12 sensible... Il ne voulait pas me voir, il n'avait pas l'autorité de me

13 recevoir. Mais je sais que mon message a été remis au général Talic.

14 Et au commencement des opérations, le 21 décembre, quand mes troupes sont

15 passées en Republika Srpska, les soldats sur le terrain savaient qu'on

16 arrivait; donc ce message que j'ai envoyé au général Talic a été

17 communiqué à ses subordonnés.

18 Il y avait un char qui bloquait la route au moment où je progressais. Et

19 donc il a été déplacé, ce qui m'a rassuré du fait que le message était

20 passé du sommet à la base jusqu'au terrain.

21 M. Cayley (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président, je pensais

22 que vous vouliez me signifier qu'il était temps de faire une pause.

23 M. le Président: Avant que vous posiez une autre question, nous allons

24 faire une pause d'une demi-heure. Merci beaucoup de votre attention.

25 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 42.)

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1 M. le Président: Monsieur Cayley, nous avons un nouveau rétroprojecteur,

2 je vois.

3 M. Cayley (interprétation): Oui, Monsieur le Président, pendant la pause.

4 Je crois que l'ancien est décédé. Son décès a été prononcé, donc nous

5 avons un autre appareil qui fonctionne apparemment. En tout cas, cela

6 aidera le public à pouvoir voir les documents.

7 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président: Donc je crois que nous sommes en condition pour

9 continuer, Monsieur Cayley, s'il vous plaît?

10 M. Cayley (interprétation): Général, comme vous pouvez le voir, vous avez

11 maintenant, à côté de vous, une caméra vidéo. Le rétroprojecteur ne

12 fonctionnant pas, cela aidera le public à pouvoir voir les documents que

13 nous vous montrons. Nous allons peut-être devoir déplacer parfois la table

14 ou l'appareil.

15 Avant d'aborder le point suivant de votre témoignage, j'aimerais revenir

16 en arrière brièvement sur la question que vous avez abordée en répondant à

17 une question qui vous a été posée par Mme la Juge Wald, concernant l'armée

18 nationale yougoslave et sa constitution.

19 Vous nous avez dit qu'il s'agissait d'une armée non professionnelle. Est-

20 ce que ceux de rangs de sous-lieutenant et ceux de rangs supérieurs,

21 étaient conscrits ou professionnels?

22 M. Dannatt (interprétation): Je pense qu'il y avait un noyau dur de

23 soldats professionnels, d'officiers professionnels qui étaient d'anciens

24 membres de la JNA. Et à ceux-là, s'ajoutaient des officiers et des soldats

25 pour parer à l'urgence de la situation de conflit, qui ont été recrutés.

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1 Donc on n'avait d'une part un noyau dur de soldats professionnels, mais

2 une majorité de soldats et d'officiers recrutés localement, donc des

3 recrues, des conscrits des non professionnels.

4 Question: Quand vous dites "un noyau dur de soldats ou d'officiers

5 professionnels dont certains étaient anciens membres de la JNA", est-ce

6 que vous faites allusion à des officiers qui se sont ensuite joints à

7 l'armée serbe de Bosnie?

8 Réponse: Oui, effectivement. Comme je l'ai déjà dit, il y avait dans

9 l'armée des Croates de Bosnie et des Musulmans de Bosnie, un certain

10 nombre d'anciens officiers de la JNA.

11 Question: Si je me ne m'abuse, vous avez passé un certain temps en service

12 avec l'armée britannique, faisant partie des forces de l'OTAN, en ex-

13 Yougoslavie, de 1994 jusqu'à ce jour, sauf en 1998?

14 Réponse: Oui, j'ai effectivement été en poste en Bosnie-Herzégovine de

15 1994 à aujourd'hui, sauf en 1998; en février 1994 sous le commandant du

16 général Rose, c'est à l'époque que j'ai commencé à Sarajevo.

17 Question: Et je pense qu'en tout, vous avez passé un peu moins d'une année

18 en ex-Yougoslavie, au cours des six dernières années?

19 Réponse: Oui, c'est à peu près cela, en grande majorité en 1995 et 1996,

20 et quelque temps l'année passée, donc en tout à peu près une année.

21 M. Riad (interprétation): Permettez-moi de vous demander une précision.

22 Vous avez dit que la grande majorité des soldats étaient en fait des

23 conscrits. Que voulez-vous dire exactement par là?

24 M. Dannatt (interprétation): Je voulais dire que la VRS était constituée

25 en grande majorité de conscrits, de recrues, donc il s'agissait en grande

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1 majorité d'une armée de conscription; cela étant il y avait un noyau dur

2 d'officiers professionnels.

3 M. Riad (interprétation): Donc vous voulez dire des soldats sans formation

4 militaire?

5 M. Dannatt (interprétation): Chacun est avant tout civil et doit suivre

6 une formation avant d'être soldat. Je pense que la plupart des soldats de

7 la VRS étaient des civils avant que la guerre ne se déclare, et avaient

8 suivi une certaine formation, mais sans doute pas adéquate, et je dirai

9 donc qu'ils présentaient toutes les caractéristiques de conscrits.

10 M. Riad (interprétation): Mais ils étaient disciplinés?

11 M. Dannatt (interprétation): Oui, tout à fait.

12 M. Riad (interprétation): Merci.

13 M. Cayley (interprétation): Simplement pour préciser ce point, est-ce que

14 vous savez que jusqu'au démembrement de l'ex-Yougoslavie, il y avait une

15 exigence imposée à tous les hommes, d'un service militaire obligatoire?

16 M. Dannatt (interprétation): Oui, j'en suis tout à fait conscient, et

17 c'était d'ailleurs le fondement de toute la philosophie de défense de

18 l'ex-Yougoslavie, en tant que politique nationale pour sauvegarder son

19 indépendance; donc un service militaire obligatoire. C'était le principe

20 pour sous-tendre cette théorie défensive grâce à une formation militaire

21 de grande envergure. Donc le fait d'être recruté dans l'armée de la VRS

22 n'aurait pas pris autant les gens au dépourvu qu'en Grande-Bretagne par

23 exemple.

24 Question: En 1991, en effet, la plupart des hommes en âge de combat, qui

25 avaient plus de 18 ans et qui ont servi dans la VRS, auraient suivi une

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1 formation, une forme de service militaire dans le cadre de l'armée

2 nationale yougoslave?

3 Réponse: Oui, une grande majorité en effet s'ils étaient aptes à le faire

4 et s'ils n'étaient pas dans des professions qui les excluaient du service

5 militaire.

6 Question: Général, pour revenir sur la période que vous avez passée en ex-

7 Yougoslavie, pourriez-vous donner aux Juges brièvement votre opinion

8 concernant l'armée serbe de Bosnie? Qu'avez-vous pu observer quand vous y

9 êtes arrivé en 1994 et 1995?

10 Réponse: D'après mon expérience personnelle, la VRS l'armée serbe de

11 Bosnie... Enfin, je n'ai pas vraiment eu de contacts rapprochés avant la

12 mise en oeuvre des Accords de Dayton en décembre 1995. La majorité des

13 soldats de l'ONU étaient en poste dans les zones contrôlées par les

14 Musulmans et les Croates. C'est donc là où je me trouvais, donc mes

15 contacts avec la VRS n'ont débutés qu'un peu plus tôt, alors que j'ai

16 tenté de communiquer avec le général Talic.

17 Mais par la suite, j'ai eu des contacts réguliers avec la VRS, alors que

18 nous avons mis en œuvre afin de mettre en œuvre les dispositions de

19 l'Accord de paix.

20 En décembre 1995, j'ai eu l'impression suivante. C'est une armée qui me

21 paraissait avoir une structure logique, cohérente, qui s'est battue

22 vigoureusement pendant de longues années, surtout en Bosnie occidentale,

23 là où j'ai eu une expérience directe et personnelle. C'était une armée à

24 bout de souffle, épuisée. Je ne dirai pas forcément qu'elle était vaincue,

25 mais elle avait en tout cas été mise à mal par toute une série d'attaques

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1 croates et musulmanes pendant l'opération Storm, l'opération Tempête.

2 Et donc les forces à Banja Luka étaient certes épuisées. Il y avait une

3 structure cohérente, une structure de commandement cohérente, mais ils

4 avaient fort besoin de repos.

5 Un des problèmes auxquels l'armée serbe de Bosnie a été confrontée pendant

6 la guerre, c'était que comme ils avaient utilisé l'équipement de la JNA,

7 leur équipement était très bon, mais ils étaient en nombre insuffisant. Au

8 contraire, l'armée musulmane disposait d'équipements insuffisants, mais

9 était en grand nombre; donc il y avait là une situation tout à fait

10 différente. La VRS donc manquait toujours d'hommes et cela leur a rendu la

11 tâche bien difficile.

12 Les opérations qui ont eu pour but de réduire l'enclave de Srebrenica et

13 de Zepa, en 1995, à l'été 1995, donc Gorazde et Zepa, ont été menées avec

14 l'intention de ne plus devoir garder ces deux enclaves afin de libérer des

15 soldats qui puissent participer à des opérations ailleurs. Et cela revient

16 toujours à ce manque d'effectifs.

17 Je crois qu'au niveau du commandement principal. La VRS savait qu'une

18 offensive croate et Musulmane se préparait, une offensive à l'occident et

19 ainsi pour diminuer leur responsabilité à l'est, ils ont entrepris ces

20 opérations afin de pouvoir redéployer des hommes à l'occident.

21 Effectivement, c'est ce qui a été fait à l'automne 1995.

22 Question: Avançons maintenant pour nous pencher sur la section suivante de

23 votre rapport qui est intitulé: les responsabilités de commandement et de

24 contrôle, les rôles et responsabilité d'un commandant de corps et chef

25 d'état-major de corps, de manière générale, avec référence spécifique à la

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1 VRS et au corps de la Drina. Vous-même, avez été chef d'état-major, dans

2 une brigade de l'armée britannique. Vous avez à l'heure actuelle un chef

3 d'état-major, un colonel dans votre division, pouvez-vous expliquer aux

4 Juges, selon les principes généraux, quel est le rôle d'un chef d'état-

5 major à votre niveau au sein d'une division sur la base de votre

6 expérience personnelle dans une brigade?

7 Réponse: De manière générale, la répartition des responsabilités entre un

8 commandant et son chef d'état-major est la suivante: le commandant exerce

9 un pouvoir personnel, général assume la responsabilité de tout ce qui

10 est…de tous ses subordonnés, donc il commande au sens large du terme. Le

11 chef d'état-major aide le commandant à exercer ce commandement en

12 contrôlant les activités du corps de la division de la brigade. Il a une

13 fonction de coordination de toutes les activités des subordonnés.

14 Lorsqu'on parle du processus de commandement et de contrôle, le commandant

15 exerce la fonction de commandement et le chef d'état-major exerce la

16 fonction de contrôle et de coordination. C'est en tout cas la manière dont

17 j'ai procédé en tant que chef d'état-major de brigade, lorsque j'étais

18 commandant de brigade. Par la suite, c'est ce que j'attendais de mon chef

19 d'état-major. J'attends de mon chef d'état-major actuel qu'il m'apporte

20 son soutien de cette façon. Aujourd'hui par exemple, puisque je suis ici,

21 mon chef d'état-major est au quartier général. Si une décision urgente

22 doit être prise, je lui ferai une confiance pleine et entière pour prendre

23 ces décisions parce qu'il me connaît assez bien pour connaître ma réaction

24 hypothétique dans de telles circonstances.

25 Le chef d'état-major a un rôle vraiment fondamental. Si par contre, la

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1 décision était spécialement importante, il me contacterait certainement

2 par téléphone.

3 Question: A la page 13 de votre rapport, vous dites que même si d'autres

4 ont peut-être un rang similaire au commandant, il est primus inter pares,

5 donc le commandant principale, est-ce que vous pouvez nous expliquer cela?

6 Réponse: Oui je peux. Je parle évidemment du système que je connais le

7 mieux, le commandement et le contrôle britannique, le système britannique.

8 Mon chef d'état-major est colonel. Il y a cinq autres colonels du même

9 rang mais puisque ce colonel a été nommé chef d'état-major il est

10 effectivement primus inter pares même s'ils sont tous de même rang, il a

11 un rang supérieur car il est effectivement premier parmi des égaux. Donc

12 ils ont tous le même rang mais le chef d'état-major à un poste plus

13 important même si les grandes sont les mêmes, il est premier parmi ses

14 pairs.

15 Question: Général, vous vous êtes penché sur divers document que nous vous

16 avons soumis concernant le Règlement général de la JNA. Nous vous avons

17 soumis le Règlement de protocole de la JNA et le Règlement concernant le

18 corps de l'armée terrestre en temps de paix, pièce à conviction 402

19 intercalaire 3.7 et pièce à conviction 410. Je ne vais pas vous les

20 soumettre de nouveau mais d'après votre lecture de ces documents, comment

21 définissez-vous le rôle d'un chef d'état-major dans un corps d'armée dans

22 la VRS?

23 Réponse: Le rôle d'un chef d'état-major au sein de la VRS à maints égards

24 ressemble au rôle du chef d'état-major que je connais dans l'armée

25 britannique avec une exception notable que je devrais peut-être aborder

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1 tout de suite, j'ai donc étudié le Règlement de la VRS et de la JNA le

2 chef d'état-major est en même temps commandant adjoint. Il a deux rôles.

3 En l'absence du commandant, qu'il soit, qu'il ait été blessé ou qu'il soit

4 en permission, le chef d'état-major devient commandant et cela au terme du

5 règlement. Ce n'est pas le système adopté par l'armée britannique en ce

6 sens qu'un autre officier, autre que le chef d'état-major est nommé

7 commandant adjoint, et donc assumerait les responsabilités de commandant

8 si le commandant devait être absent.

9 Le chef d'état-major a un rôle différent au sein de la VRS puisqu'il est

10 aussi en même temps commandant adjoint. En tout cas au sein d'un corps

11 d'armée, sinon les ressemblances sont nombreuses entre les tâches qui

12 incombent au chef d'état-major dans l'armée britannique et celles qui

13 incombent au chef d'état-major dans l'armée serbe de Bosnie. Le succès

14 d'un chef d'état-major dépend en fait, de la qualité de la relation entre

15 lui-même et son commandant. S'ils travaillent bien en tant qu'équipe, ils

16 se comprennent bien, il y a toutes les chances que le chef d'état-major

17 soit très efficace. Si les rapports ne sont pas bons, il y a peu de chance

18 que le chef d'état-major puisse mener à bien sa tâche et à ce moment-là,

19 il vaut mieux que le commandant fasse appel à quelqu'un d'autre et trouve

20 un autre chef d'état-major plutôt que de perpétuer de mauvais rapports.

21 Question: Au paragraphe 38 de votre rapport, vous dites que le rôle du

22 chef d'état-major au sein de la VRS est une position privilégiée qui

23 instaure, qui donne au chef d'état-major des responsabilités

24 particulières. La relation entre le chef d'état-major et le commandant est

25 particulièrement proche, particulièrement étroite, est-ce que vous pouvez

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1 élaborer?

2 Réponse: Tout d'abord, le chef d'état-major est effectivement premier

3 parmi ses pairs. En deuxième lieu, il doit exercer le commandant en

4 l'absence du commandant Il doit savoir tout, il doit être au courant de

5 tout ce qu'il se passe. Il doit savoir tout ce que sait le commandant. Il

6 doit coordonner les tâches de toutes les équipes et c'est vraiment lui qui

7 est au centre de toutes les opérations. Donc, il faut vraiment une

8 personne particulièrement compétente, particulièrement bien formée pour

9 pouvoir mener ces tâches à bien, de manière efficace. Puisque c'est par

10 l'intermédiaire du chef d'état-major que le commandant peut assurer

11 l'exécution de ses ordres. C'est vraiment un poste qui implique des

12 responsabilités particulièrement lourdes. Il faut vraiment qu'il y ait un

13 rapport de confiance entre le commandant et le chef d'état-major et que le

14 commandant puisse compter sur son chef d'état-major pour que ces ordres

15 soient exécutés, donc des tâches de coordination des commandants adjoints,

16 notamment.

17 Question: Général, passons maintenant au commandant de corps ou de

18 division, vous êtes général de division, vous commandez une division de

19 l'armée britannique, vous avez déjà décrit aux Juges l'unité militaire que

20 vous dirigez, que vous commandez. Maintenant dans votre rapport, vous

21 dites et je cite: "le commandement est une question personnelle en ce sens

22 que le commandant assume une responsabilité personnelle pour tout ce qui

23 est fait, tout ce qui est exécuté par ses subordonnés", c'est une

24 déclaration tout à fait limpide mais est-ce que vous voudrez bien élaborer

25 un petit peu?

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1 Réponse: Oui le commandement, la tâche de commandement, c'est tout à fait

2 personnel, en ce sens que chaque commandant reçoit lui même ses ordres de

3 ses propres supérieurs hiérarchiques.

4 Il a la responsabilité de les exécuter afin d'assurer la réussite de la

5 mission et de mettre en œuvre l'intention de son supérieur hiérarchique.

6 Donc il a une grande responsabilité personnelle pour la mise en œuvre des

7 ordres qu'il reçoit et il doit assurer que tous ses subordonnés exécutent

8 ses propres ordres de la façon qu'il a exposée. Et, si une erreur est

9 commise, il doit en assumer la responsabilité personnelle.

10 Dans toute l'histoire militaire, on a vu des exemples de commandants en

11 chef qui ont été destitués et cela était souvent en raison d'une erreur

12 commise à un niveau. En général, c'est le commandant en chef qui doit en

13 assumer la responsabilité individuelle. C'est ce qui caractérise vraiment

14 le caractère personnel de ce commandement.

15 Question: Est-ce que c'est un principe qui vaut uniquement pour l'armée

16 britannique?

17 Réponse: Non, pas du tout, c'est un principe qui vaut dans de nombreuses

18 armées de par le monde. Quand une opération, une campagne est une

19 réussite, un général recevra des insignes, des médailles, mais s'il y a un

20 échec c'est considéré comme un échec personnel individuel et il est donc

21 destitué.

22 J'hésite à dire que ce serait de toutes les armées, mais dans la grande

23 majorité des cas c'est le cas; quand il y a un échec, on considère que

24 c'est une question de responsabilité individuelle et personnelle, et donc

25 le commandant en chef est destitué.

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1 Question: Dans votre rapport, vous abordez le temps qui doit être consacré

2 à la planification d'opérations et, en résumé, plus le rang est élevé plus

3 la formation, plus la section est grande, plus il faut de temps pour

4 planifier. Plus le grade est élevé, plus la planification demande de

5 temps.

6 Réponse: J'ai déjà expliqué qu'une division est faite dans l'armée

7 britannique de plusieurs brigades, qu'un corps d'armée est composé de

8 plusieurs divisions. Il ne s'agit pas là simplement d'un amalgame de

9 petites formations, mais à chaque niveau, à chaque grade, il y a des

10 fonctions différentes qui doivent être accomplies.

11 Aux rangs inférieurs, aux grades inférieurs, les bataillons et les

12 brigades sont engagés dans les batailles tactiques, alors qu'au quartier

13 général de la division il y a des activités de planification d'opérations

14 subséquentes, d'opérations qui seront menées dans les deux à trois jours à

15 venir. Donc au quartier général, on contrôle ce qui se passe sur le

16 terrain, ce que font les brigades et les bataillons, mais en même temps le

17 quartier général planifie l'opération future.

18 Et c'est ce qui se passe au niveau encore supérieur, au quartier général

19 du corps. Il y a les tâches de contrôle des divisions et des brigades qui

20 combattent sur le terrain, mais qui planifient à plus long terme encore,

21 peut-être quatre jours à l'avance, la stratégie future.

22 Donc il faut toujours qu'il y ait un délai suffisant avant que la bataille

23 soit menée, délai de planification. Typiquement, il faut quatre jours de

24 planification au niveau du corps et deux jours au niveau de la division,

25 alors qu'au niveau de la brigade tout se fait dans un délai de 24 heures à

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1 peu près.

2 Question: Général, vous parlez là de l'armée britannique, des structures

3 de l'OTAN, est-ce que ce principe vaut également de façon universelle de

4 par le monde? La période de planification est d'autant plus longue que la

5 formation est grande, que le grade est élevé?

6 Réponse: Oui, ce principe s'applique sur le plan universel. En toute

7 bonne logique, on ne peut pas mobiliser une force de 15 à 20.000 hommes et

8 les amener à exécuter des ordres du jour au lendemain. Il faut une période

9 de planification, une période préalable, c'est une question de pure

10 logique.

11 Et plus le grade est élevé, plus la planification se fait à long terme.

12 Une armée ne pourrait simplement pas mener à bien ses opérations si tel

13 n'était pas le cas. Quand les grades les plus élevés ne font pas de telles

14 activités de planification, c'est qu'il y a urgence, une grande pression,

15 sous la contrainte du temps, et cela en général est précurseur de défaite

16 quand on ne planifie pas suffisamment à l'avance.

17 Question: Maintenant abordons la manière dont vous, en tant que commandant

18 de division, vous prenez des décisions. Votre prise de décision, sur

19 quelle base prenez-vous des décisions au sein de votre division?

20 Réponse: Je me fonde sur plusieurs éléments. En premier lieu, les

21 conseils que je reçois, les conseils qui me sont donnés par mon état-

22 major, et par état-major je me réfère à toute une série de postes, de

23 fonctions: enseignement, équipe état-major opérationnel, logistique; donc

24 toute une série de fonctions et donc de conseils de différents types,

25 notamment par le biais du chef d'état-major en ce qui concerne la

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1 logistique, et les conseils me viennent du chef d'état-major en ce qui

2 concerne les renseignements et les opérations, et le chef d'état-major

3 adjoint pour les autres questions.

4 Je tiens compte de ma propre expérience, de mon jugement personnel aussi

5 avant de prendre une décision, et je me base aussi sur les rapports et les

6 opinions de mes commandants subordonnés, sous commandants, comment ils

7 interprètent la situation.

8 Question: Est-ce que vous recevez des briefings réguliers de la part de

9 votre état-major concernant une opération en cours?

10 Réponse: Oui, tout à fait. Quand je suis au quartier général, ce qui

11 n'est pas toujours le cas, je suis informé formellement deux fois par

12 jour, normalement à 8 heures du matin et à 8 heures du soir. Et tous les

13 officiers principaux se réunissent et me donnent les informations les plus

14 récentes, les plus à jour sur ce qui se passe selon leur responsabilité et

15 leur fonction, et aussi selon des critères géographiques. Cela dépend de

16 la région dont je suis responsable. Donc il y a deux briefings formels par

17 jour, à 8 heures du matin et à 8 heures du soir.

18 Il arrive aussi que je demande d'autres rapports, des rapports

19 supplémentaires. Ou alors le commandant adjoint qui veut me faire part

20 d'un point important peut me contacter à tout moment, et je peux moi-même

21 le contacter à tout moment si j'ai une question à lui poser. Il y a un

22 processus officiel, formel, auquel s'ajoutent des contacts officieux à

23 chaque fois que c'est nécessaire.

24 Question: Vous dites dans votre rapport, que vous considérez qu'il vous

25 incombe d'avoir des contacts réguliers à l'extérieur avec vos officiers et

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1 vos sous-commandants, est-ce exact?

2 Réponse: Oui. Je pense qu'une des clefs de la réussite d'un commandant en

3 chef, c'est d'être toujours au bon endroit au bon moment.

4 Au stade de la planification, le commandant devrait se trouver où

5 l'équipe, l'état-major se trouve parce que c'est là où tous les

6 renseignements sont rassemblés, où on peut les évaluer et, sur cette base,

7 planifier une stratégie. Il appartient donc au commandant en chef d'être

8 au quartier général. Mais lorsqu'une opération est en cours, il est fort

9 probable que le commandant en chef ferait bien de ne pas être au quartier

10 général, mais d'être sur le théâtre des opérations, peut-être là où… donc

11 discuter avec le commandant adjoint pour avoir vraiment une impression

12 directe de ce qui se passe sur le terrain. Je parle ici du commandant.

13 Les Allemands, encore une fois, ont un terme très intéressant et très

14 précis pour ce genre de concept que l'interprète ne peut pas prononcer

15 mais qui signifie "une évaluation à la pointe des doigts". Autrement dit,

16 le contrôle s'exerce de façon tout à fait précise et détaillée par des

17 sensations recueillies au bout des doigts, c'est un terme qui définit très

18 bien la situation d'un commandant qui doit décider ce qu'il doit faire à

19 tel ou tel moment, qu'il soit au quartier général ou qu'il soit en poste

20 de commandement tactique avancé, ou encore en train de visiter ses hommes

21 auprès des unités pour leur remonter le moral et les encourager.

22 Question: Général, même si au niveau du détail il y a des différences

23 d'une armée à l'autre, êtes-vous en train de dire que le principe de

24 commandement s'applique de façon universelle à toutes les armées du monde?

25 Réponse: Oui. Je ne pourrais pas imaginer une armée bien entraînée et

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1 bien formée où un commandant pourrait travailler en respectant des

2 principes différents. De nos jours, la technologie peut permettre à un

3 commandant, en fait, de passer davantage de temps à son quartier général,

4 car grâce à la technologie il reçoit l'information d'une façon encore plus

5 efficace. Mais ce que j'affirme, c'est que même quand l'information est

6 reçue dans des conditions aussi parfaites à son quartier général, le

7 commandant doit néanmoins de temps en temps sortir de son quartier général

8 pour aller obtenir une impression sur le terrain auprès de ses hommes.

9 Question: Passons si vous le voulez bien à l'examen de l'armée des Serbes

10 de Bosnie. Je répète que vous allez lu les règlements que je vous ai

11 montrés, et d'après ce que vous pensez de ces règlements, pouvez-vous

12 expliquer aux Juges quelle est votre définition du rôle du général Krstic

13 en tant que commandant du Corps de la Drina?

14 Réponse: Moi, je considère que M. Krstic a opéré d'une façon assez

15 semblable à celle que je viens de décrire. Si je comprends bien la façon

16 dont le Corps de la Drina a été conçu, je considère que sa structure est

17 assez semblable à celle de ma division. A savoir qu'il comportait un

18 quartier général principal, dans lequel je pense que la plupart des hommes

19 de l'état-major étaient présents la plupart du temps, et ensuite il y

20 avait un commandement avancé qui se trouvait à un autre endroit, dans

21 lequel le général Krstic pouvait se rendre pendant une période déterminée

22 s'il avait à suivre une opération particulière. Tout cela revient à ce que

23 j'ai dit tout à l'heure, à savoir qu'une partie de l'art du commandement,

24 c'est ce que l'on enseigne à l'école militaire; on parle d'art et pas de

25 science. Une partie de cet art consiste à savoir où se trouver, à quel

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1 moment. A quel moment, il convient d'être post-avancé tactique? A quel

2 moment, il faut être au quartier général? A quel moment, il faut être

3 ailleurs?

4 Si j'ai bien compris, la séquence des événements historiques qui se sont

5 déroulés dans la période dont il est question ici, en rapport avec le

6 général Krstic, il était à certains moments à son quartier général, à

7 d'autres moments à son poste avancé. C'est ce qui me paraît opportun dans

8 des événements de ce genre.

9 Question: Au paragraphe 31 de votre rapport, page 11, à partir de la fin

10 de la première ligne, vous dites, je cite: "Le commandant de corps est

11 entièrement et personnellement responsable de la conduite de toutes les

12 opérations militaires menées dans la zone de responsabilité de son corps.

13 Par ailleurs, il est chargé précisément de veiller à la circulation

14 ininterrompue d'informations et de rapports de situation, à partir de son

15 quartier général et vers son quartier général. En bref, il lui faut rester

16 en contact avec ses supérieurs et tous ses subordonnés à tout moment."

17 (Fin de citation.) Sur quoi fondez-vous cette déclaration?

18 Réponse: Je fonde cette déclaration après avoir lu un certain nombre de

19 règlements afférents au 4ème Corps d'armée de l'ex-JNA qui, d'après ce que

20 j'ai compris, est devenu ensuite au sein de l'armée des Serbes le Corps de

21 Romanija-Sarajevo. Et je pense que ce corps d'armée est assez typique du

22 fonctionnement de l'ensemble des corps de la VRS. Je n'ai pas lu les

23 règlements précisément afférents au Corps de la Drina, vous les avez peut-

24 être en votre possession, moi je ne les ai pas vus. Mais je n'ai aucune

25 raison qui me pousserait à penser que ce que j'ai lu au sujet du Corps de

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1 Romanija-Sarajevo serait différent des textes régissant le Corps de la

2 Drina. D'après ce que j'ai lu, ces textes regroupent l'ensemble des

3 dispositions qui régissent les responsabilités des commandants. Si l'on

4 additionne les unes aux autres toutes ces responsabilités, on arrive à la

5 déclaration que je viens de faire. Je pourrais vous parler plus en détail

6 des tâches précises assignées à un corps d'armée, mais… je peux le faire

7 puisque je les ai sous les yeux.

8 Question: Je crois qu'on les voit stipulées de façon détaillée aux pages

9 10 et 11 de votre rapport, donc je ne crois pas qu'il soit indispensable

10 de les énumérer, même si la défense peut sans doute avoir quelques

11 questions à vous poser à ce sujet. Nous y reviendrons plus en détail, un

12 peu plus tard, au cours de votre déposition, mais pour l'instant je me

13 contente de vous demander si vous avez lu les rapports que l'accusation

14 vous a fournis et qui traitent du Corps de la Drina et des brigades

15 subordonnées de ce corps d'armée. A la lecture de ces documents, quel est

16 votre avis au sujet de la procédure qui permettait, à l'intérieur du Corps

17 de la Drina, de rendre compte d'un niveau de responsabilité à un autre?

18 Réponse: J'ai lu un certain nombre de documents qui proviennent de

19 plusieurs des brigades subordonnées de ce corps d'armée. Ce sont des

20 rapports de combats journaliers qui permettent de rendre compte, à partir

21 de la brigade, au commandement du corps d'armée. Ces rapports de combat

22 journaliers sont élaborés selon un format préétabli et on les trouve dans

23 toutes les brigades, donc ce que cela m'apprend c'est qu'il existe des

24 ordres et des règlements au niveau du corps d'armée qui indiquent aux

25 unités subordonnées, c'est-à-dire aux brigades, de quelle façon celles-ci

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1 doivent rendre compte au corps d'armée et selon quelles modalités. Si ces

2 informations sont fournies quotidiennement, elles prennent le nom de

3 rapport de combat journalier, c'est-à-dire qu'elle couvre une période de

4 24 heures en général.

5 Quant aux ordres journaliers que j'ai pu lire relatifs à l'attaque de

6 Zepa, il y est établi que toutes les brigades doivent rendre compte de la

7 situation à 17 heures, chaque jour, ce rapport devant arriver avant 18

8 heures, le même jour, au commandement du corps d'armée. Cela m'apprend que

9 nous sommes ici en présence d'une formation militaire efficace et

10 organisée dont il est possible de s'attendre que le commandant de corps

11 donne des instructions très précises aux niveaux subordonnés, afin de

12 faire ce que je viens de dire, à savoir assurer le flot de circulation

13 ininterrompu des niveaux supérieurs aux niveaux inférieurs et des niveaux

14 inférieurs aux niveaux supérieurs. Les rapports que j'ai lus indiquent

15 précisément que c'est cette circulation ou ce flux d'informations qui

16 existait.

17 Question: Passons maintenant à un domaine de commandement précis avant

18 d'en arriver au troisième chapitre de votre rapport. Savez-vous qui, au

19 sein du Corps de la Drina, était le commandant adjoint chargé de la

20 sécurité?

21 Réponse: Oui, nous parlons du colonel Popovic.

22 Question: Oui, c'est exact général. Est-ce que dans vos états-majors, vous

23 avez un officier chargé de la sécurité au niveau de l'état-major de la

24 division?

25 Réponse: Dans ma division, les fonctions de renseignement et de sécurité

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1 sont celles d'un officier qui est responsable auprès du chef d'état-major

2 vers le haut, et vers le bas. Ce commandant a sous ses ordres deux

3 capitaines dont l'un est précisément chargé de la sécurité dans un état-

4 major de taille plus restreinte, et l'assistant du premier toujours au

5 sein de cet état-major de taille restreinte.

6 Question: Monsieur l'huissier, je vous prierai de remettre au témoin la

7 pièce à conviction de l'accusation 418.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 Général, je vous demande de regarder plus précisément les paragraphes 16

10 et 18. Vous avez lu bien sûr l'intégralité du document, je vous pose au

11 sujet de ce document une question simple qui est la suivante: le colonel

12 Popovic au sein de la VRS était sous le commandement de qui précisément?

13 Réponse: Le colonel Popovic qui faisait partie de l'état-major du Corps

14 de la Drina était sous le commandement du commandement du corps de la

15 Drina. Il n'y a aucun doute sur ce point.

16 Question: Quels rapports le colonel Popovic entretenait-il avec l'officier

17 chargé de la sécurité auprès du grand quartier général?

18 Réponse: Ah, cela est une autre question. Je sais que dans mon armée le

19 même système existe. A savoir qu'au niveau supérieur du niveau ou l'on se

20 trouve soi-même, il y a des hommes au grand quartier général qui exercent

21 les mêmes fonctions, les mêmes responsabilités.

22 Question: Général, je vous interromps parce que vous venez de recevoir une

23 pièce à conviction mais je pense que la pièce 398 pourrait vous aider

24 également. Je demande qu'on remette cette pièce au témoin.

25 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, cette pièce est un

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1 schéma, un organigramme dans lequel on voit la structure…

2 Monsieur l'huissier, j'ai cette pièce ici, je peux vous la remettre. Peut-

3 on la placer sous la caméra?

4 (L'huissier s'exécute.)

5 Je demanderai à la régie de faire le point sur l'image générale. Ce sera

6 peut être un peu difficile pour vous de lire ce diagramme mais nous avons

7 un petit problème technique.

8 On voit ici l'organigramme qui caractérise votre organisation, où se

9 trouve votre commandement précisément ?

10 M. Dannatt (interprétation): Le commandement de la division se trouve ici.

11 Question: Au-dessus de vous?

12 Réponse: Normalement, il s'agit du commandement du corps d'armée que l'on

13 voit ici avec son commandant.

14 Question: Ce commandant est un général de corps d'armée n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Sous le niveau qui vous représente, vous avez inscrit les

17 initiales qui représentent le chef d'état-major et l'initiale G2?

18 Réponse: J'aimerais m'expliquer. Dans la rubrique chef d'état-major, il y

19 a un certain nombre de groupes. La dénomination G2 est une dénomination de

20 l'OTAN qui indique l'officier chargé du renseignement et de la sécurité.

21 A mon quartier général, ce poste est celui d'un commandant, d'un homme qui

22 a le grade de commandant. En dessous de lui, on trouve un capitaine

23 responsable de la sécurité et un autre capitaine responsable du

24 renseignement. Ensuite on a toute sorte d'autres cases dans cet

25 organigramme qui vont de G1 à G9 et qui indiquent les différents postes

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1 des personnes traitant du renseignement et de la sécurité. Mais le

2 capitaine chargé de la sécurité responsable devant le commandant qui lui-

3 même est responsable devant le chef d'état-major situé au-dessus de lui

4 qui lui est responsable devant moi. Je pense que la question que vous me

5 posiez, il y a quelques instants, portait sur le rapport entre le

6 commandant de la division et le commandant du corps d'armée s'agissant de

7 la fonction de sécurité.

8 Question: J'aimerais vous poser une question pour que tout soit clair: le

9 commandant du corps d'armée au sein des structures de l'OTAN a également

10 un chef d'état-major et il a une section G2 qui sont toutes deux

11 responsables de la sécurité.

12 Réponse: En effet, le fonctionnement se déroule de cette façon à ces

13 niveaux différents. Maintenant la façon dont fonctionnent les personnes

14 responsables de la sécurité est la suivante: il y a à l'état-major le

15 responsable des hommes, le responsable des opérations, et d'autres

16 responsables qui font leur travail au quotidien et qui ont leurs

17 équivalents au niveau supérieur. Les informations vont toujours du niveau

18 le plus général qui est sans doute le niveau le mieux informé, le niveau

19 supérieur vers les niveaux inférieurs. Le chef d'état-major a sous ses

20 ordres un responsable de la sécurité s'il veut lui poser des questions au

21 niveau de la sécurité, il le fait. Il est logique que celui-ci occupe un

22 rôle supérieur que les responsables de sécurité au niveau hiérarchiques

23 inférieur. Moi, je me situe au niveau de la division.

24 Donc, le niveau supérieur c'est le niveau du corps d'armée et le

25 responsable de la sécurité à mon quartier général à quelqu'un qui lui est

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1 supérieur au niveau du corps d'armée et quelqu'un qui lui est inférieur

2 dans les niveaux inférieurs que vous trouvez sur cet organigramme. On a

3 dans un sens une ligne pleine et dans l'autre sens une ligne en pointillé.

4 Quand on voit une ligne en pointillé ici sur cet organigramme, ici, c'est

5 une ligne qui indique qu'il y a un rapport entre les deux formations

6 figurant dans les deux cases sans qu'il y ait subordination hiérarchique

7 au niveau du commandement. C'est-à-dire que les ordres ne vont pas d'une

8 des ces cases à l'autre, si tel devait être le cas, je ne serai pas très

9 content.

10 Question: Vous avez lu le règlement régissant la VRS et les organes

11 chargés de la sécurité au sein de la VRS, vous avez passé en revue un

12 grand nombre de documents à cet égard ainsi que plusieurs communiqués

13 radios interceptés, quel était le rapport existant entre le lieutenant

14 colonel Popovic et le général Krstic au moment où le général Krstic

15 commandait le corps de la Drina?

16 Réponse: D'après certains documents que j'ai pu lire, je décrirai cette

17 relation comme une relation normale. Le colonel Popovic commande ou dirige

18 l'une des fonctions les plus importantes au sein du quartier général de

19 l'état-major du Corps de la Drina, je vois donc un certain dialogue établi

20 entre les deux hommes, des questions et des réponses échangées entre le

21 général Krstic et le colonel Popovic, exactement de la même façon qu'il

22 peut m'arriver à moi d'interroger les supérieurs du quartier général au-

23 dessus de moi, à qui je peux poser des questions et à qui je peux

24 également fournir des informations.

25 Question: Quelle aurait pu être la relation existant entre le lieutenant

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1 colonel Popovic et les responsables de la sécurité auprès du grand

2 quartier général de la VRS? Je ne vous demande pas de répéter tout ce que

3 vous venez de dire.

4 Réponse: Cette relation était sans doute une relation consistant à

5 demander des conseils, à demander des réponses à certaines questions, dans

6 le but sans doute de veiller à ce qui se passait au sein du Corps de la

7 Drina dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina du point de vue

8 de la sécurité correspondait bien à ce qui se passait au niveau supérieur.

9 Donc, il fallait veiller à ce qu'il y ait intégration, harmonisation entre

10 ces fonctions au niveau supérieur et ces fonctions au niveau inférieur.

11 C'est le but d'un tel dialogue, c'est le but normal d'un tel dialogue qui

12 doit se dérouler normalement.

13 Question: Le colonel Beara était-il le commandant du lieutenant-colonel

14 Popovic?

15 Réponse: Non, je crois comprendre que le colonel Beara était chargé de la

16 sécurité auprès du grand quartier général. Donc, selon ce que je viens de

17 décrire, il devait y avoir un dialogue naturel compte tenu de l'identité

18 de leur fonction, à savoir la fonction de sécurité avec le colonel

19 Popovic. Mais s'agissant de la délivrance d'ordres je ne répondrai pas par

20 l'affirmative à cette question.

21 Question: Peut-on remettre au témoin les pièces à conviction 622 et 661?

22 M. Riad (interprétation): Vous avez demandé si le colonel Beara était le

23 commandant du lieutenant Popovic. Popovic était-il lieutenant ou

24 lieutenant-colonel?

25 M. Cayley (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Juge, si j'ai fait

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1 une erreur sur ce point, il était lieutenant-colonel.

2 M. Riad (interprétation): S'agit-il du même grade? C'est la question que

3 je pose.

4 M. Cayley (interprétation): Je pose la question au témoin.

5 M. Dannatt (interprétation): Popovic était lieutenant-colonel et Beara...

6 J'essaie de me rappeler s'il était colonel ou lieutenant-colonel... Je ne

7 me rappelle pas exactement. Mais ce que je veux dire, c'est que je ne

8 reconnais pas Popovic, quel que soit son grade, comme ayant été un

9 subordonné de Beara, quel que soit le grade de Beara.

10 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup.

11 (L'huissier s'exécute.)

12 M. Cayley (interprétation): Général, vous avez sous les yeux deux

13 communiqués radio interceptés qui s'ajoutent aux autres que vous avez lus.

14 Mais s'agissant de ces deux-pièces à conviction particulières, pouvez-vous

15 dire brièvement aux Juges ce qu'elles représentent?

16 M. Dannatt (interprétation): La première pièce... Je regarde d'abord la

17 plus longue des deux.

18 Question: Il s'agit de la pièce 622.

19 Réponse: On voit là le colonel Popovic qui demande à être mis en rapport

20 avec le général Krstic, à Zlatar, et j'ai cru comprendre que Zlatar était

21 le nom de code désignant le quartier général du Corps de la Drina. On lui

22 répond que le général Krstic n'est pas présent, donc il demande à être mis

23 en rapport avec une autre personne.

24 Et je vois en lisant la transcription de cette conversation, qu'il est

25 fait mention du fait qu'un rapport intermédiaire a été envoyé. En fait, on

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1 voit que le colonel Popovic est en train d'essayer de transmettre un

2 rapport à son commandant, au général Krstic, pour l'informer de

3 l'achèvement d'une action particulière qui avait cours à ce moment-là.

4 Il dit, en fait: "Je reviendrai demain, dites au général que j'ai terminé

5 le travail". Donc manifestement, il s'agit de quelque chose que le colonel

6 Popovic avait reçu pour mission d'accomplir et il estime qu'il est

7 responsable de dire au général Krstic, quelle que soit la nature de cette

8 tâche, qu'elle a été achevée. Donc cela me paraît quelque chose de tout à

9 fait normal, il est normal qu'un subordonné membre d'un état-major

10 souhaite informer son supérieur de l'achèvement d'une telle mission.

11 L'autre communiqué intercepté est tout à fait comparable, nous avons ici

12 une conversation à la lecture de laquelle je constate, car je lis les

13 mots: "Trouvez ce type, Popovic", qu'il est aussi question de rapport.

14 Autrement dit, le colonel Popovic semble impossible à joindre ou absent,

15 donc il lui est impossible d'entrer en contact avec le poste de

16 commandement où, je suppose, se trouvait le général Krstic pour soit

17 apporter des éclaircissements sur son rapport, soit recevoir des

18 instructions ultérieures.

19 A la lecture de cela, je pense qu'il s'agit d'une relation tout à fait

20 normale entre un subordonné et un commandant, qui correspond tout à fait à

21 ce que je peux attendre dans un cas de ce genre.

22 Question: Monsieur l'huissier, je vous demanderai de me restituer ces deux

23 pièces, car il s'agissait de copies appartenant au Procureur. Merci.

24 Monsieur le Président, je ne sais pas si les Juges souhaitent poser des

25 questions dans ce domaine immédiatement ou si vous souhaitez que je passe

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1 à la troisième partie du rapport du général Dannatt?

2 (Les Juges se concertent sur le siège.)

3 M. le Président: Monsieur Cayley, je crois qu'il est convenable de faire

4 une pause parce que le général Krstic doit bouger sa jambe. On va faire

5 une pause de 15 minutes.

6 (L'audience, suspendue à 12 heures 40, est reprise à 13 heures 03.)

7 M. le Président: Monsieur Cayley, nous allons continuer en tenant compte

8 que plus ou moins vers 2 heures moins le quart, on fera une autre pause.

9 D'accord?

10 M. Cayley (interprétation): Oui, merci Monsieur le Président.

11 Général, nous aimerions passer maintenant à la partie la plus longue et la

12 troisième partie de votre déposition qui traite des opérations de

13 commandement et de contrôle, à savoir: planification opérationnelle et

14 logistique, action tactique, procédure des commandements et de contrôle du

15 quartier général pertinent à la présente affaire. Cela commence à la page

16 13 de votre rapport. Vous avez la pièce à conviction d'accusation 425 sous

17 les yeux, il s'agit d'un document que vous avez déjà vu, qui émane du

18 commandement suprême des forces armées de la Republika Srpska.

19 Général, vous avez déjà lu ce document, et je vous demande maintenant

20 précisément de vous rendre en page 10 de ce document où l'on trouve les

21 instructions faites au Corps de la Drina eu égard au sort que devait vivre

22 l'enclave et l'enclave de Zepa.

23 Si vous lisez l'ensemble de ce chapitre, notamment les mots suivant, je

24 cite : "Grâce à des opérations planifiées et réfléchies en détail, créer

25 une situation insupportable caractérisée par une insécurité totale

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1 excluant tout espoir de survie ultérieure ou de vie ultérieure pour les

2 habitants de Srebrenica et de Zepa." (Fin de citation.)

3 Quelle est cette instruction générale?

4 M. Dannatt (interprétation): C'est une directive, en tous cas la partie

5 d'une directive extrêmement surprenante qui, pour moi, n'est pas

6 totalement claire. Je ne vois pas très bien, à la lecture de ces mots, ce

7 que souhaitent les autorités supérieures. Je serais enclin à lire ce qui

8 précède pour voir quelle est la conversation qui a lieu au début du texte,

9 de façon à essayer de définir de façon plus précise ce que l'on demande de

10 moi. Je lis les mots "grâce à des opérations planifiées et réfléchies dans

11 le détail, créer une situation insupportable caractérisée par l'insécurité

12 totale excluant tout espoir de survie ou de vie ultérieure pour les

13 habitants de Srebrenica et de Zepa"; moi, ces mots-là me semblent trop

14 larges et très ambigus et, en tant que militaire, je ne serais pas très à

15 l'aise à la lecture de ce texte.

16 Question: N'oublions pas que vous venez de dire que ce libellé est trop

17 vague et que vous demanderiez des éclaircissements complémentaires, mais

18 quel est le genre d'opération qui est envisagée dans cette expression?

19 Réponse: Il me semble que l'intention ici consiste à obtenir la capture

20 de Srebrenica et de Zepa. Et je supposerais que la référence faite à

21 l'exclusion de tout espoir de survie ou de vie pour les habitants de

22 Srebrenica et de Zepa signifie que ces deux villes doivent non seulement

23 être prises mais que les habitants qui y habitent actuellement doivent en

24 être déplacés. Et compte tenu de mon commentaire antérieur, dans lequel je

25 disais que les effectifs étaient insuffisants pour l'armée des Serbes de

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1 Bosnie, s'il n'y avait plus d'enclave musulmane à Srebrenica, s'il n'y

2 avait plus d'enclave musulmane à Zepa, et donc plus d'éléments de l'armée

3 musulmane à ces endroits, il n'y aurait plus nécessité de maintenir une

4 ligne de confrontation avec des hommes autour de ces deux enclaves; ce qui

5 permettrait bien entendu d'économiser des effectifs nombreux pour l'armée

6 des Serbes de Bosnie. Donc ma façon de comprendre cette instruction

7 consisterait à penser qu'il s'agit d'une opération raisonnable, une

8 opération que je qualifierai d'opération d'économie destinée à déployer

9 les effectifs disponibles ailleurs. Comme je l'ai déjà dit, d'après les

10 renseignements obtenus, de nombreux signes indiquaient l'éminence d'une

11 l'éminence d'une attaque à l'ouest de la Bosnie, donc les éléments de

12 réserve qui étaient susceptibles d'être déployés pouvaient être retirés de

13 la Bosnie orientale pour être envoyés vers Prijedor, Sanski Most, Banja

14 Luka, et autres localités à l'ouest. Je pense qu'ici, ce qui est demandé,

15 c'est une réduction complète des enclaves de Srebrenica et de Zepa.

16 Question: Je demanderai que l'on soumette au témoin les pièces à

17 conviction de l'accusation 427 et 428.

18 (L'huissier s'exécute.)

19 Général, il s'agit d'un ordre de préparation d'un ordre de préparation et

20 d'un ordre de combat relatifs à l'opération Privaja 1995 qui a un rapport

21 direct avec l'enclave de Srebrenica. S'agissant simplement de la forme de

22 ces ordres, est-ce que vous vous attendriez à recevoir un ordre de

23 préparation au combat et un ordre de combat sous cette forme? Et si tel

24 est le cas, pouvez-vous apporter quelques explications à ce sujet?

25 Réponse: Oui. Ce qu'il est normal et classique de faire lorsqu'on prépare

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1 un ordre de cette nature, c'est d'émettre d'abord un ordre avertissant les

2 unités qui pourraient avoir à participer à l'opération, des grandes lignes

3 de ce que ces unités vont avoir à faire et du moment auquel elles vont

4 avoir à le faire, de façon à ce que "la procédure de combat" comme on

5 l'appelle dans l'armée puisse commencer.

6 Le document principal ici est un document dans lequel je vois un ordre

7 d'opération émanant du Corps de la Drina et concernant une opération

8 importante. La définition de la mission du commandement subordonné y est

9 définie, comme je peux m'y attendre, ainsi que les éléments des actions

10 nécessaires pour assurer l'exécution réussie d'une opération.

11 Question: Pour le compte rendu d'audience, j'indique que la pièce 427 est

12 l'avertissement, l'ordre préparatif au combat et que la pièce 428 est

13 l'ordre de combat. Je ne voudrais pas que nous lisions l'intégralité de

14 l'ordre de combat, mais je vous invite à vous rendre en page 3, Général,

15 et à placer cette page sur le rétroprojecteur à côté de vous.

16 Nous voyons d'abord le paragraphe 2 où nous lisons ce qui suit, je cite:

17 "Le commandement du Corps de la Drina, suite à la directive opérationnelle

18 n°7 et 7/1 du GS de la VRS, c'est-à-dire du grand quartier général de la

19 Republika Srpska." (Fin de citation.) Vous êtes d'accord que nous faisons

20 référence à un document signé par le Président Karadzic, pièce à

21 conviction de l'accusation n°425, n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui, c'est bien le document auquel il est fait référence ici.

23 Question: Donc, pour l'essentiel l'opération militaire, dont il est

24 question ici, envisage de reprendre la planification dont il était

25 question dans la pièce à conviction 425 destinée à supprimer l'enclave et

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1 à obtenir les déplacements de la population civile, vous êtes d'accord

2 avec cela?

3 Réponse: Oui. Il est tout à fait normal au début d'un ordre opérationnel

4 de rappeler quelle est la situation et également de rappeler les ordres

5 qui ont déjà été délivrés au niveau supérieur pour autoriser cette

6 opération, opération qui va ensuite être décrite dans le corps du texte,

7 cela pour le contenu.

8 S'agissant maintenant des subordonnés, cela montre aux subordonnés quelle

9 est autorité qui préside à l'organisation de cette planification.

10 Question: Le document signé par le Président Karadzic peut-il être

11 mentionné par les responsables supérieurs, par les officiers supérieurs,

12 lorsqu'il décide de l'objectif ultime d'une telle opération, Krivaja 1995?

13 Réponse: Je ne vois pas de raison pour qu'il n'en soit pas ainsi, c'est

14 tout à fait raisonnable d'agir de cette façon, Monsieur.

15 Question: Je vous demande maintenant de vous rendre en page 5 de ce

16 document, et de nous parler plus précisément du paragraphe que vous voyez

17 au milieu de l'écran, où l'on a un alinéa qui commence par: "forces de

18 réserve", que pouvez-vous dire de ce paragraphe, général?

19 Réponse: J'aurais deux commentaires à faire à ce sujet. Premièrement, un

20 commentaire qui concerne la séquence des éléments décrits dans cet ordre.

21 Quand nous examinons cette séquence qui aboutit à cet alinéa, nous voyons

22 une série de tâches et de missions assignées aux brigades subordonnées qui

23 sont plusieurs. Et à ce moment-là, on arrive à cet alinéa où il est

24 question des forces de réserve.

25 Selon la doctrine classique dans l'armée, les commandements subordonnés,

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1 qui font partie d'un commandement supérieur, voient d'abord définies les

2 tâches assignées aux brigades, et une fois que les tâches assignées aux

3 brigades ont été décrites, on en arrive à la description des tâches

4 affectées aux forces de réserve.

5 Donc il me semble que les forces de réserve se situent à l'endroit normal

6 où je me serais attendu à les trouver dans la séquence classique des

7 ordres stipulés dans ce document.

8 Ensuite on trouve les ordres de l'artillerie, qui logiquement doivent se

9 situer après ordres donnés aux forces de réserve. Je dirai donc qu'ici

10 l'emplacement dans le texte des forces de réserve est tout à fait

11 approprié.

12 Deuxième commentaire, si on lit le passage réservé aux forces de réserve,

13 on constate qu'elles se composent de trois ou quatre compagnies de troupes

14 du ministère de l'Intérieur et d'une compagnie de la 1ère Brigade

15 d'infanterie légère de Vlasenica.

16 Je ne sais pas exactement combien d'hommes cela fait à ce moment-là, mais

17 je me crois que nous parlons d'effectifs égaux à 100 ou 200 hommes, c'est-

18 à-dire de forces relativement limitées. Ce sont des effectifs qu'il est

19 tout à fait possible pour un commandant de garder en réserve afin de

20 répondre à une situation d'urgence.

21 Et dans la planification militaire, les forces de réserve sont exactement

22 cela, c'est-à-dire des forces que l'on garde sous la main pour répondre à

23 une situation imprévue ou inattendue, des forces qui n'ont donc pas

24 d'affectation au départ et qui peuvent réagir en fonction des événements.

25 Ce qu'il est intéressant de constater ici c'est que le Corps de la Drina

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1 émet des ordres destinés à une unité de la Brigade de Vlasenica, mais

2 également à des unités du ministère de l'Intérieur qui classiquement sont

3 mises à la disposition de l'armée en cas de nécessité, c'est ce qui est

4 fait ici par le Corps de la Drina dans le cadre de l'opération.

5 Question: Général, j'aimerais à présent vous montrer deux communiqués

6 radio interceptés, que vous avez déjà vus; pièces à conviction de

7 l'accusation 504 et 529. Je ne crois pas que vous les avez sous les yeux,

8 Monsieur l'huissier va vous les remettre à l'instant.

9 (L'huissier s'exécute.)

10 Puisque vous parliez il y a quelques instants des forces du ministère de

11 l'Intérieur, du MUP, j'aimerais que vous nous disiez ce que nous indiquent

12 à cet égard ces deux documents. Il serait utile que vous les placiez sur

13 le rétroprojecteur. Nous parlons maintenant de la pièce à conviction 504.

14 Que pouvez-vous dire de ce document, général?

15 Réponse: Ce que ce document m'apprend correspond tout à fait à ce que je

16 viens de dire au sujet de l'ordre opérationnel, à savoir que nous avons

17 ici une unité de la police militaire, à l'intérieur de la structure

18 complète d'organisation du Corps de la Drina, destinée à l'exécution de

19 cette opération. Donc elle fait partie manifestement du commandement et du

20 contrôle. Elle est tout à fait satisfaite de recevoir des ordres du

21 commandement du Corps de la Drina.

22 Comme je l'ai dit, des ordres peuvent lui être donnés par l'intermédiaire

23 du commandement du Bataillon du génie, c'est ce qui est écrit dans ce

24 texte. C'est donc la filière normale pour la transmission d'ordres à cette

25 unité de la police. Ces ordres doivent passer par le Bataillon du génie et

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1 son commandement.

2 Question: La date de ce communiqué intercepté est celle du 12 juillet,

3 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.

4 Passons maintenant au communiqué suivant, général, une conversation qui se

5 déroule entre l'accusé, le général Krstic, et comme vous le savez déjà M.

6 Borovcanin, qui est le commandant adjoint de la Brigade du MUP. Qu'est-ce

7 que vous nous démontre cette conversation?

8 Réponse: Elle démontre la même chose, à savoir qu'il existe un rapport de

9 commandement tout à fait déterminé liant le général Krstic au commandant

10 de cette force de police. Ils discutent d'un certain nombre d'aspects de

11 l'opération, exactement de la même façon que je m'attendrais à les voir

12 discuter par un commandant et son subordonné, c'est-à-dire que des

13 instructions sont données.

14 Question: Général, vous avez déjà dit que vous aviez lu le règlement,

15 pièce à conviction de l'accusation 420. Je ne vais pas vous montrer ce

16 texte maintenant, mais la défense va peut-être vouloir vous le montrer

17 plus tard.

18 Est-ce que dans ce règlement vous trouvez quoi que ce soit qui ne

19 correspondrait pas à la conclusion déjà tirée par vous, à savoir que ces

20 unités du MUP étaient sous le commandement du corps d'armée à la période

21 qui nous intéresse. Vous avez à présent ce texte sous les yeux, pièce à

22 conviction de l'accusation 420 article 14.

23 Réponse: Il y a un aspect intéressant que l'on trouve au troisième

24 paragraphe de l'article 14. Les unités de la police sont détachées auprès

25 de l'armée de la Republika Srpska dans une certaine zone. Elles seront

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1 utilisées uniquement pour des opérations de combat déterminées à l'avance

2 par le commandant en chef du ministère de l'intérieur. Ceci semble

3 m'indiquer qu'il est légitime pour le Corps de la Drina -compte tenu des

4 circonstances- d'avoir employé ces compagnies du MUP alors que des combats

5 se déroulaient. Cela étant dit, ce que nous avons vu se dérouler sur le

6 terrain dans cette période au mois de juillet indique que les opérations

7 de combat ont duré un certain temps. Notamment s'agissant des opérations

8 de combat contre la colonne musulmane qui faisaient partie de la 28ème

9 Division, sortie de Srebranica cette colonne constituait une menace

10 importante pour la sécurité du Corps de la Drina. J'aurais personnellement

11 que des opérations contre cette colonne étaient sans aucun doute des

12 opérations de combat tout à fait caractéristique d'opérations confiées à

13 des compagnies du MUP compte tenu des hommes disponibles.

14 Donc si on l'avait pu s'attendre à ce que les forces du MUP ne soient plus

15 la disposition du corps de la Drina après l'attaque de Srebrenica, il me

16 semble que ces combats ont continué pendant un certain temps contre la

17 colonne et par conséquent, je suppose que le ministère de l'intérieur,

18 donc de la police a maintenu ses forces sous le commandement du Corps de

19 la Drina jusqu'à la fin de l'opération contre la colonne. Je pense que

20 c'est ce que l'on peut conclure à la lecture de ce texte, c'est-à-dire que

21 ces combats ont duré jusqu'à la fin du moi de juillet, sans doute.

22 Question: Revenons brièvement à la pièce à conviction 428 si vous le

23 voulez bien. J'aimerais que nous revenions sur deux paragraphes qui se

24 trouvent page 7 de la traduction anglaise de ce texte. On y voit un

25 paragraphe qui traite des prisonniers de guerre et de la population

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1 civile: "à l'égard des prisonniers de guerre et de la population civile,

2 conformez-vous, en tout état de cause conformément aux Conventions de

3 Genève" fin de citation.

4 Général, est-ce que c'est le genre d'instruction que vous auriez inclus

5 dans un ordre destiné à l'une de votre brigade? A votre avis, quelle est

6 la signification de cette déclaration?

7 Réponse: C'est le genre de déclaration que je n'aurais pas jugé utile

8 d'introduire dans un ordre d'opération. J'aurais estimé que c'était

9 implicite dans un ordre émanant de ma division. Il m'aurait semblé sous-

10 entendu que mes subordonnés agiraient en tout état de cause conformément

11 aux conventions de Genève. Dans des procédures opérationnelles standards,

12 il me paraît tout à fait évident que l'on va se comporter en application

13 des conventions de Genève. Cependant, ceci est spécifié dans les textes

14 que nous avons sous les yeux, donc je pense que pour une raison ou pour

15 une autre, l'auteur de cet ordre a jugé nécessaire de rappeler aux

16 personnes auxquelles il s'adresse que le fait de respecter dans ses

17 actions, les dispositions et les normes des conventions de Genève est une

18 obligation.

19 Question: J'aimerais maintenant que nous passions à la dernière page de ce

20 texte, page 9. Je vous demanderai de mettre cette page sur le

21 rétroprojecteur. Très bien. D'abord au paragraphe 11, on trouve une

22 référence aux cibles IKME du DK; je pense qu'il s'agit du poste de

23 commandement avancé dont vous avez déjà parlé, n'est-ce pas?

24 Est-ce que c'est l'endroit où, pour l'essentiel, les combats sont dirigés?

25 Est-ce que c'est à partir de ce poste que les combats de Srebrenica

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1 étaient dirigés?

2 Réponse: Oui. Comme je l'ai déjà dit, une opération de cette nature

3 implique, en toute probabilité, une planification au niveau du grand

4 quartier général. Après quoi, l'exécutif se met en œuvre, c'est-à-dire que

5 les responsables de la mise en œuvre des combats interviennent au niveau

6 du poste de commandement avancé dont il est fait état ici. Et c'est

7 l'endroit où doit se trouver le commandement la plupart du temps, bien

8 qu'il puisse aussi souhaiter se rendre au quartier général d'une des

9 formations subordonnées pour voir exactement ce qui se passe sur les

10 terrains, en tout cas, c'est d'ici que le commandement et le contrôle

11 tactiques s'exercent.

12 Question: Vous avez aussi parlé de la nécessité pour un commandant de

13 rester en contact, de maintenir des communications avec ses unités

14 subordonnées, et nous voyons dans ce texte le dernier paragraphe qui exige

15 exactement cela. Est-ce que cela confirme ce que vous avez déjà dit au

16 sujet des procédures permettant de rendre compte à l'intérieur d'un corps

17 d'armée?

18 Réponse: Oui, il est nécessaire et obligatoire de rendre des rapports

19 quotidiens avant 18 heures, jusqu'à 18 heures. Je ne comprends pas très

20 bien le mot "until" qui figure en anglais dans le texte, qui signifie

21 "jusqu'à", compte tenu du fait que les rapports de situation doivent être

22 rédigés avant 17 heures. Mais ce qu'il me semble comprendre, c'est que

23 toutes les brigades doivent envoyer un rapport de situation à 17 heures et

24 que ces rapports de situation doivent arriver au commandement du corps

25 d'armée avant 18 heures, et que des rapports intermédiaires doivent

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1 également être envoyés le cas échéant.

2 J'ai dit précédemment que cela faisait partie des procédures standards,

3 mais dans un ordre comme celui-ci, cela peut être stipulé une nouvelle

4 fois de façon à ce que chacun puisse également exactement savoir à quel

5 endroit doivent arriver les rapports de situation. Je pense que c'est

6 quelque chose de tout à fait normal dans un fonctionnement régulier.

7 Question: Général, l'ordre est signé par le général Zivanovic, mais qui

8 est responsable de la rédaction d'un ordre de combat de cette nature?

9 Réponse: Un ordre de combat aussi volumineux que celui-ci est rédigé un

10 certain nombre temps à l'avance, un jour ou deux à l'avance ou même

11 davantage par un certain nombre de l'état-major sous la coordination du

12 chef d'état-major. C'est le chef d'état-major qui vérifie l'ensemble de la

13 rédaction du texte et une fois qu'il est satisfait quant à la nature

14 complète de l'ordre, quant au fait que l'ordre décrit bien ce que souhaite

15 le commandant, il montre l'ordre au commandant et il lui demande de le

16 signer. Donc, je crois comprendre que le général Zivanovic a effectivement

17 signé cet ordre.

18 Dans mon armée, en tout cas, il est assez fréquent de voir un chef d'état-

19 major signer un tel ordre au nom du commandant, et là nous revenons au

20 fait qu'il existe une relation entre le commandant et le chef d'état-

21 major, et que le chef d'état-major à bien des égards a la même autorité

22 que le commandant, qu'il exerce donc l'autorité dévolue au commandant.

23 Mais c'est l'état-major, les hommes de l'état-major qui rédigent les

24 textes sous la direction du chef d'état-major.

25 Question: Merci général. Nous allons maintenant avancer. Je vous ai déjà

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1 montré une séquence vidéo montrant les événements qui se sont déroulés au

2 quartier général de la Compagnie Bravo à Srebrenica, les 9 et 10 juillet

3 1995. Il s'agit d'une pièce à conviction donc un élément de preuve. La

4 défense possède une copie de cette séquence vidéo, je vous ai également

5 montré certaines des dépositions d'officiers de métier du Bataillon

6 néerlandais qui était présent sur les lieux, à ce moment là, c'est-à-dire

7 au siège de la Compagnie Bravo et dans ses alentours ou au centre

8 opérationnel de Potocari où étaient reçus des rapports traitant des

9 événements de Srebrenica. Il s'agit de nombreuses dépositions, je ne vais

10 en choisir que trois, dont je vais lire brièvement quelques extraits. Ces

11 extraits vous ont déjà été montrés.

12 Le premier extrait émane du commandant Robert Franken, commandant du

13 Bataillon néerlandais. Voici ce qu'il dit au sujet des événements de

14 Srebrenica: il rend compte à partir du centre des opérations pour

15 expliquer quels sont les événements. Il dit, je cite:

16 "Voici ma question, je cite: dans votre souvenir, si vous vous rappelez le

17 mois de juillet 1995, avez-vous le moindre souvenir du nombre d'obus qui

18 sont tombés sur la ville, ce jour-là?

19 Réponse: Oui, je me rappelle que je commandais la Compagnie Bravo et

20 lorsque le nombre des obus a atteint 120.

21 Question: Et je vous repose la question: à votre avis, quelle était la

22 raison d'un pilonnage aussi important?

23 Réponse: Il pouvait y avoir deux raisons, mais les faits étaient les

24 mêmes: tuer les gens ou tenter de semer la panique en tuant des gens.

25 Lorsque je parle de gens, je parle de civils: de femmes et d'enfants."

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1 (Fin de citation.)

2 Pour la défense, j'indique qu'on trouve cela à la page 2018 du compte

3 rendu d'audience, lignes 3 à 17.

4 (Les interprètes indiquent qu'ils n'avaient pas le texte sous les yeux.)

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20 (Fin de citation.)

21 Et j'en arrive au dernier extrait de déposition, émanant d'un homme qui

22 s'appelle capitaine Egbers, il était capitaine au moment de sa déposition

23 mais commandant d'un peloton à Srebrenica présent sur les lieux:

24 "Question: Vous avez dit que vous aviez vu des chars entrer et

25 tirer.

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1 Réponse: Oui Monsieur.

2 Question: Pouvez-vous dire de quelle direction provenaient les tirs?

3 Réponse: Oui Monsieur. Ils tiraient sur la ville de Srebrenica.

4 Question: Y avait-il des cibles militaires pour autant que vous en ayez eu

5 connaissance, dans la ville de Srebrenica?

6 Réponse: Non Monsieur, simplement des réfugiés et une base des Nations

7 Unies.

8 Question: Aviez-vous un avis à l'époque, quant à l'objectif de ces tirs,

9 des tirs dus aux chars, notamment sur la ville de Srebrenica?

10 Réponse: Je pense qu'ils voulaient effrayer les réfugiés qui étaient dans

11 la ville de Srebrenica, de façon à ce qu'ils se dirigent vers le nord vers

12 Potocari et que, eux, puissent pénétrer dans la ville. Ils les effrayaient

13 et, bien sûr, ils faisaient des blessés et des morts parmi eux."

14 (Fin de citation.)

15 Général, je ne vous demande pas votre commentaire sur la fiabilité de ces

16 dépositions, mais je vous demande, en fonction de observations et sur la

17 base des extraits des dépositions des trois officiers présents dans la

18 région, quelle conclusion vous tirez au sujet de l'artillerie qui tirait

19 sur Srebenica ce jour-là?

20 Réponse: Il me semble que l'artillerie ne tirait pas principalement sur

21 des cibles militaires, je crois comprendre qu'à ce moment-là la 28ème

22 division musulmane s'était retirée de Srebenica, donc il n'y avait

23 pratiquement plus de cibles militaires contre lesquelles l'artillerie

24 aurait pu utilement être employée, aucun objectif ne pouvant être la cible

25 de cette artillerie. Par conséquent, il semble et cela nous ramène sans

Page 5615

1 doute au paragraphe précédent de l'instruction politique que vous m'avez

2 montrée, il y a 30 à 40 minutes, il semble que l'artillerie a été utilisée

3 afin de créer la peur et probablement de forcer la population civile à

4 quitter la ville et de se diriger dans ce cas précis vers une autre base

5 des Nations Unies à Potocari.

6 Si l'intention n'était pas uniquement de prendre la ville au sens

7 militaire du terme, de prendre la ville de Srebenica, mais aussi de la

8 vider de sa population, j'aurais pensé que l'usage indiscriminé ou en tout

9 cas relativement indiscriminé de l'artillerie était une bonne tactique à

10 cette fin. Bien entendu, il n'est pas nécessaire de tuer un grand nombre

11 de personnes pour atteindre cet objectif, un ou deux obus qui tombent au

12 milieu de la population peuvent provoquer des blessés en nombre tout à

13 fait suffisant pour atteindre cet objectif, me semble-t-il.

14 Les gens les plus sensés, notamment s'ils sont terrorisés, quand un ou

15 deux obus ont atterri tout près d'eux, vont comprendre le message très

16 vite et courir ailleurs pour être en sécurité, c'est-à-dire dans la

17 direction de Potocari qui semblait une destination raisonnable, puisque

18 c'était une base des Nations Unies. Donc cela n'a pas été, me semble-t-il,

19 une action aléatoire mais bien une action visant précisément la population

20 civile et destinée à la faire partir.

21 Question: Général, vous êtes officier de carrière, à votre avis est-ce que

22 c'était un moyen légitime de le faire notamment quand il s'agit de ce

23 bombardement, de ce pilonnage de Srebenica par la VRS?

24 Réponse: Si l'objectif, et c'est de cela que cela dépend, a été de faire

25 essuyer un échec à l'armée musulmane à Srebenica en utilisant l'artillerie

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1 et des objectifs militaires de concert avec les différents autres volets

2 de l'opération, y compris les blindés, eh bien l'artillerie avait pour

3 dessein de semer la peur parmi la population civile et ce serait une

4 utilisation illégitime de l'artillerie, contraire aux conventions de

5 Genève notamment en ce qui concerne l'imposition au commandement,

6 commandement de ne pas faire souffrir la population civile et ceci est

7 également exactement ce qui a été fait dans ce cas, dans les circonstances

8 telles qu'il était sur le terrain. Et à mon avis, c'est quelque chose qui

9 est inacceptable. Mais évidemment c'était une tactique efficace à mon

10 avis.

11 Question: Général, passons aux pièces 445 et 614.

12 Donc 445, une communication interceptée, identifiée comme une conversation

13 entre le général Mladic et un homme de sexe masculin non identifié. Ce qui

14 m'intéresse tout particulièrement dans ce message c'est une phrase au

15 milieu de ce document, je vous prie de le placer sur l'elmo, Mladic dit:

16 "Ils ont capitulé, ils seront tous évacués, ils ont rendu leurs armes,

17 ceux qui veulent et ceux qui ne voudront pas, seront évacués. X répond:

18 "Je comprends général." Et Mladic dit qu'il ne faudrait pas parler, il ne

19 faudrait pas faire de déclarations ainsi de suite, mais quelle est

20 l'importance de ce message grosso modo pour l'opération de Srebenica?

21 Réponse: En effet, il s'agit de quelque chose qui pourrait corroborer ce

22 que nous avons déjà dit. En effet, il s'agissait d'une intention de faire

23 aboutir l'opération et aussi de déplacer la population et la population,

24 ils seront tous évacués, ceux qui le veulent et ceux qui ne veulent pas.

25 Par conséquent, il s'agissait d'une intention d'utiliser une certaine

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1 contrainte, donc il n'y avait pas option de rester ou de partir, donc la

2 référence serait que Srebenica sera vidée de sa population musulmane.

3 Question: Général, une dernière pièce à ce propos 6.1.4. Il s'agit d'un

4 rapport de combat intérimaire du 16 juillet, si vous voulez bien le passer

5 sous le rétroprojecteur.

6 Il s'agit d'un document signé par Vinko Pandurevic, lieutenant-colonel et

7 on dit que: "Je considère que l'opération Krivaja 1995 n'a pas été

8 complétée et été menée à terme et ne le sera aussi longtemps qu'un seul

9 soldat ennemi et un seul civil reste derrière les lignes de front." Quelle

10 a été l'application de cela pour l'opération de Srebrenica, la prise de

11 Srebrenica?

12 Réponse: On pourrait le comparer à l'ordre signé par général Zivanovic

13 que nous avons vu tout à l'heure. Ceci a été compris par les subordonnés,

14 par le lieutenant-colonel Pandurevic qu'il ne considérait donc pas cette

15 opération comme menée à terme jusqu'à ce qu'un seul soldat reste au-delà

16 ou derrière les lignes de front. Et le même s'applique aux civils qui

17 seraient restés derrière les lignes de front.

18 Question: Dans une communication radio, le général Mladic a dit que tout

19 le monde devrait partir. Et nous avons un autre commandant de brigade du

20 Corps de la Drina qui indique que l'opération ne sera pas achevée aussi

21 longtemps que tout le monde quittera les lieux.

22 Est-ce que cela n'implique pas que ce document fait partie de cette chaîne

23 de commandement?

24 Réponse: En effet, ceci est un message clair qui est compris par les

25 commandants subordonnés qui devaient le savoir et évidemment qui devaient

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1 le respecter. Par conséquent, il s'agit d'une opération militaire qui a

2 été menée à bien et l'intention a été de communiquer cela, c'est-à-dire

3 d'indiquer la fin, la terminaison, l'achèvement de l'opération militaire

4 en question.

5 Question: En ce qui concerne cet ordre, ces différentes directives dans le

6 cadre de la Krivaja 1995, quelle a été la situation que la VRS a crée sur

7 le terrain par ces ordres et directives?

8 Réponse: Je vous renvoie à certains de mes commentaires antérieurs. Il y

9 avait des résultats au niveau de l'ensemble de l'opération, de l'ensemble

10 de la campagne militaire, et aussi des résultats au niveau de la VRS.

11 Globalement parlant, commandement supérieur également, déplacement de la

12 population Srebrenica, Zepa en tant qu'enclaves musulmanes donc

13 disparition de celles-ci dans le cadre du territoire serbe permettant un

14 redéploiement des forces ailleurs. Ceci a été évident, ceci a été un

15 objectif très positif.

16 D'autre part, il ne s'agissait pas seulement de s'occuper de l'armée

17 musulmane dans l'enclave de Srebrenica mais aussi d'assurer l'effacement,

18 la disparition de ces différentes poches musulmanes dans le cadre du

19 territoire serbe, partie serbe de la Bosnie. Par conséquent c'était

20 quelque chose qui avait des avantages pour la VRS.

21 Mme Wald (interprétation): Est-ce que je pourrais vous poser une question:

22 parlant de ces résultats positifs, de ce bénéfice de l'opération, est-ce

23 qu'on pourrait l'accomplir, est-ce que cela aurait pu être rendu d'une

24 moindre importance si l'ensemble des civils et des éléments restant de la

25 28ème Division Bosnie-Herzégovine, est-ce que ces résultats auraient été

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1 bien plus importants si on leur avait permis de passer la frontière. Est-

2 ce que cela aurait fait provoquer quelques différences matérielles au

3 niveau des objectifs?

4 Réponse: Je pense que la démarche clé a été d'assurer qu'il n'y aurait

5 plus de population musulmane dans la région parce que cette population

6 renfermait des combattants potentiels et pourrait constituer un effectif

7 solide qui pourrait attaquer les forces serbes, notamment en ce qui

8 concerne les garnisons en dehors de l'enclave. Par conséquent, ils

9 recherchaient un avantage que j'ai mentionné déjà et ceci sans devoir

10 remettre les enclaves.

11 Mme Wald (interprétation): Avec cet ajout que vous venez d'apporter avec

12 le raisonnement des militaires, pourquoi donc ils ne les laissaient pas

13 passer?

14 M. Dannatt (interprétation): Je pense qu'il y a deux aspects qui se

15 trouvent dans votre question : si on voulait contrôler ces hommes, voir

16 qui sont ceux qui pourraient être considérés coupables pour des actes

17 criminels ou des crimes de guerre, en effet on a essayé même dans le cadre

18 des opérations précédentes de nettoyer l'enclave de Srebrenica et Naser

19 Oric et les autres attaquaient pour leur part les villages serbes. Par

20 conséquent, toute cette procédure n'est pas une procédure surprise.

21 Deuxième volet, séparer les hommes des enfants c'est quelque chose qui ne

22 me surprend pas parce que nous avons des preuves au cours des guerres

23 civiles de ces échanges de prisonniers d'un côté ou de l'autre.

24 Par exemple, si le général Krstic, si le général Mladic avait sous leur

25 contrôle quelques milliers ou quelques centaines de gens, d'hommes en âge

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1 de combattre, ils pourraient les échanger contre des prisonniers qui se

2 trouvaient de l'autre côté. Et puis dans ce contexte séparer les hommes

3 des femmes aurait aussi pu avoir un double objectif mais c'est une logique

4 plutôt non raisonnable qui a prévalu à cette époque.

5 M. le Président: Nous allons faire une pause de 15 minutes c'est-à-dire

6 que nous allons reprendre à 14 heures 03.

7 (L'audience, suspendue à 13 heures 49, est reprise à 2 heures.)

8 M. le Président: Monsieur Cayley, vous pouvez continuer, s'il vous plaît.

9 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président, jusqu'à 2 heures

10 30, n'est-ce pas.

11 On devrait présenter la pièce 404/1, tableau 20.

12 Général, il s'agit d'un rapport d'information du Gouvernement néerlandais

13 après Srebrenica. Je vous prie de lire rapidement les paragraphes 5-14 et

14 5-15, et de placer ensuite le document sur le rétroprojecteur, pour nous

15 donner vos commentaires sur ces deux paragraphes particuliers de ce

16 document?

17 M. Dannatt (interprétation): Un paragraphe plutôt malheureux,

18 malheureusement. Ce qui m'apparaît que M. Akashi, représentant spécial du

19 Secrétaire Général sur les lieux, a accepté le fait que la situation à

20 Srebrenica a changé, et qu'il lui paraissait raisonnable pour lui, l'ONU,

21 de proclamer cette zone "zone de sécurité", alors que dans le même temps

22 c'était une enclave musulmane. La situation sur le terrain a changé.

23 La VRS a donc mené à bien une opération militaire pour capturer

24 Srebrenica, ce qui était son objectif. Et par conséquent, elle n'était

25 plus entre les mains des militaires musulmans. Il était donc clair que

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1 l'intention des Serbes a été d'expulser la population civile de Srebrenica

2 dans la direction de Tuzla, comme on le dit dans les lignes 7, 8.

3 Par conséquent, l'ONU a reconnu cela comme un changement de situation sur

4 le terrain et a essayé de protéger la population civile de la meilleure

5 manière possible pour la diriger sur Tuzla, ensuite évacuer le Bataillon

6 néerlandais. Donc c'est un paragraphe assez triste.

7 La décision internationale de faire de cela une enclave de sécurité

8 n'était plus quelque chose de réel. Il s'agissait donc de protéger, et

9 uniquement de protéger, la population civile de ce secteur.

10 Question: Je vous prie de lire le paragraphe 5-15. Le Bataillon a été

11 surpris cependant surpris par la vitesse avec laquelle la BCA a commencé

12 l'évacuation des réfugiés de Potocari dans la direction de Kladanj. D'une

13 manière imprévue, la BCA avait un très grand nombre d'autocars et de

14 camions. Qu'est-ce que cela pourrait indiquer, général?

15 Réponse: Que cela n'a pas été une surprise, d'abord! Nous en avons parlé

16 plus tôt ce matin. L'intention de cette opération a été de faire déplacer

17 la population civile de Srebrenica. Et pour le faire, on avait besoin d'un

18 grand nombre d'autocars qui ont été regroupés, rassemblés, afin de

19 faciliter ce déplacement de la population et évidemment la réaction du

20 Bataillon néerlandais a également été une surprise parce qu'on ne savait

21 pas ce qu'ils pouvaient faire pour évacuer la population au-delà des

22 lignes musulmanes.

23 Réaction rapide, ceci a été planifié, un regroupement assez rapide

24 d'autocar et de camions, et ceci est absolument quelque chose à quoi on

25 peut s'attendre dans le cadre d'un corps aussi grand qu'a été le Corps de

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1 la Drina. Evidemment, ce n'était pas une surprise, cela a été fait avec

2 efficacité.

3 Question: Le document 404/2, tableau 73. C'est un rapport du Président de

4 la présidence bosniaque à Srebrenica, Osman Sulic. Il s'agit d'un rapport

5 d'une réunion qui s'était tenue dans la municipalité, le 9 juillet.

6 En lisant ce document, général, qui était adressé à Izetbegovic à

7 Sarajevo... Comment vous interprétez cette dépêche qui a été envoyée à

8 Hasim Delic à Sarajevo? Qu'est-ce que cela pourrait représenter?

9 Réponse: C'est la le problème de la même question. Le président de la

10 municipalité de Srebrenica entre en contact avec ses propres représentants

11 nationaux à Sarajevo pour leur indiquer ce que la 28ème Division pouvait

12 faire, c'est-à-dire qu'elle ne pouvait plus prévenir les forces serbes,

13 les forces d'agression, les prévenir d'entrer dans la ville. Il s'agissait

14 d'un chaos, d'une panique. Et ils demandaient l'ouverture d'un corridor

15 afin que cette population civile puisse être déplacée dans une zone sûre

16 au-delà des lignes musulmanes le plus tôt possible.

17 Et par conséquent, le président avait déjà reconnu la situation telle

18 qu'elle se présentait sur le terrain, et c'est ce que nous pouvons voir à

19 la fin du document: "Nous avons besoin d'une réponse d'urgence, au plus

20 tard vers minuit, vers 24 heures le même jour".

21 Question: Est-ce qu'on peut montrer au témoin les pièces à conviction 432

22 et 433? Il y a des preuves qui démontrent que le 9 et 10 juillet il y

23 avait une brigade de l'état-major principal de l'armée serbe de Bosnie.

24 La pièce à conviction 432 indique que le général Kvero de l'état-major

25 principal aurait été présent, mais nous ne le voyons pas sur ce document.

Page 5623

1 Nous n'avons pas d'image qui corrobore cela, mais le document indique

2 qu'il y aurait été.

3 La pièce 433 indique que le général Mladic, le général de division

4 Zivanovic et le général de division Krstic étaient dans la brigade de

5 Bratunac. Le général Mladic était présent sur le terrain à Srebrenica à

6 l'époque. Il y a aussi des preuves qui indiquent que le colonel Jankovic

7 également du quartier général principal était présent à Srebrenica à

8 l'époque de ces événements.

9 Est-ce que vous trouvez insolite que des officiers du quartier général

10 principal étaient présent à Srebrenica pendant cette opération?

11 Réponse: Non, ce n'est pas insolite, ce qui se passait pendant cette

12 période à Srebrenica constituait l'opération militaire l'a plus

13 importante, qui se déroulait à l'époque dans la Republika Srpska, et donc

14 il n'est pas du tout étonnant que le général Mladic ait été présent, que

15 le chef d'état-major du quartier général principal y ait été pour

16 surveiller les opérations, et d'ailleurs pour les influencer.

17 Pour aborder un point plus général, l'armée décrit souvent l'opération

18 militaire la plus importante, donc l'opération centrale, comme l'effort

19 principal, et en conséquence il est tout à fait logique qu'un commandant

20 haut placé tente d'être sur le terrain pour surveiller et influencer

21 l'issue de l'opération.

22 Comme je l'ai dit, c'était vraiment l'opération la plus importante qui se

23 déroulait dans la Republika Srpska à l'époque, et donc il est tout à fait

24 normal et logique que le général Mladic, le commandant suprême, le chef de

25 l'état-major principal se rendent sur le terrain non seulement pour

Page 5624

1 surveiller mais également pour influencer l'opération. Il apportait ainsi

2 son appui à l'effort central.

3 Et le fait que le général Krstic ait été aussi, ainsi que le général

4 Zivanovic, cela aussi je m'y serais attendu.

5 Je ne sais pas quelle est la date de la pièce à conviction 433, je pense

6 que c'est sans doute le 10 juillet, et je vois que le général Zivanovic,

7 en tant que commandant du corps, le général Krstic en tant que chef de

8 l'état-major, général de division, et le général Mladic y étaient, donc

9 ils étaient les responsables.

10 C'est une opération du Corps de la Drina, cela tombe sous la

11 responsabilité du corps et cela me paraît tout à fait cohérent que le

12 commandant en chef, le général Mladic, y soit pour influencer les

13 opérations; c'est tout à fait ce à quoi je me serais attendu.

14 Laissez-moi vous donner un exemple. En janvier février 1996, à l'ouest de

15 la Bosnie, dans une zone dont j'étais responsable, nous avions une

16 situation où un village peuplé de Croates, dans une zone serbe, avait été

17 libéré, donc cela avait été permis grâce à l'avance de l'armée croate,

18 donc le village peuplé de Croates faisait de nouveau partie d'une partie

19 peuplée par les Croates, évidemment les gens étaient ravis, lorsque

20 l'Accord de paix de Dayton a été dévoilé, on a vu que le village allait de

21 nouveau tomber sous contrôle serbe. Alors évidemment la population croate

22 a été très déçue, très déprimée par cela.

23 La population croate a d'abord voulu quitter le village. Mais étant donné

24 que cette population croate avait été sur place pendant au moins 300 ans,

25 nous avons estimé que c'était d'une très grande importance pour le succès

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1 du processus de paix que ces 300 personnes restent dans leur village. Et

2 je me suis personnellement engagé à cette fin, je me suis rendu plusieurs

3 fois dans ce village pour mener les négociations avec la population,

4 tenter de les persuader de rester, donc je me suis engagé personnellement

5 parce que c'était d'une telle importance.

6 Donc j'ai pris le commandement du bataillon dans cette zone, et j'ai

7 tenté, je me suis personnellement engagé afin d'apporter tout le poids de

8 mon autorité pour convaincre la population d'y rester, à l'époque le

9 village concerné était l'effort principal, ce qui était le plus important,

10 et donc il était logique que je m'y rende; de la même manière que le

11 général Mladic s'est rendu à Srebrenica.

12 Question: Passons maintenant à la partie suivante de votre témoignage qui

13 concerne le déplacement de la population de Potocari vers la zone

14 contrôlée par les Bosniens à Kladanj et à Tuzla.

15 En tant que principes généraux, en tant que commandant militaire, si vous

16 pénétrez dans une zone avec une force militaire et qu'un groupe, un large

17 groupe de civils se rassemblent sur un site en raison de cette avancée

18 militaire, quelles sont vos obligations en tant que commandant vis-à-vis

19 de cette population civile?

20 Réponse: Aux termes des Conventions de Genève, il incombe à l'armée de

21 respecter certaines obligations vis-à-vis des civils qui ne peuvent plus

22 protéger eux-mêmes, qui ne sont plus protégés par les structures publiques

23 étatiques; donc il appartient à l'armée, aux militaires d'assurer un

24 minimum des vivres, de l'eau potable, un logement et des soins médicaux si

25 nécessaire.

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1 Question: Vous déclarez dans votre rapport que vous auriez également en

2 tant que commandant militaire une obligation de prendre soin de cette

3 population civile. Est-ce qu'une obligation qui aurait été applicable dans

4 la situation à Potocari?

5 Réponse: Tout à fait. Ces civils avaient le statut en vertu de la

6 Convention de Genève de personnes protégées et donc, qu'on le veuille ou

7 non, il incombe aux militaires aux termes des Conventions de Genève de

8 prendre soin, de protéger ces personnes, en ce sens qu'il faut leur

9 fournir des vivres, des soins médicaux, protéger leurs droits de l'homme

10 fondamentaux, et notamment les protéger de tout harcèlement.

11 Question: Monsieur l'huissier, veuillez soumettre au témoin l'organigramme

12 qui décrit la structure du Corps de la Drina? Et je vous demande, général,

13 de nous expliquer que faut-il, quel effort faut-il pour déplacer entre 25

14 et 30000 personnes au juste sur une distance d'environ 75 kilomètres?

15 Dans votre rapport, je sais que vous avez utilisé les références

16 afférentes à l'OTAN. Mais j'aimerais que vous vous penchiez sur cette

17 structure du Corps de la Drina et que vous nous disiez quelque chose sur

18 la planification nécessaire, les effectifs qui ont été nécessaires dans la

19 planification et dans la mise en œuvre, l'exécution d'une telle opération?

20 Vous pouvez vous servir du pointeur, général.

21 Réponse: Madame et Messieurs les Juges, pour déplacer entre 25 et 30000

22 personnes, c'est une opération de militaire de taille, qui requiert une

23 planification importante, je pense l'avoir déjà dit. Cela a été exécuté

24 assez rapidement. Plus on doit agir rapidement plus la planification doit

25 être bonne au préalable.

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1 Sur cet organigramme de la structure du Corps de la Drina, je verrais de

2 nombreux organes de l'état-major impliqués. Encore une fois, on veut

3 déplacer 25 à 30.000 personnes dans une zone ravagée par la guerre, donc

4 il fallait choisir avec soin le parcours, que ce ne soit pas un parcours

5 en plein milieu d'une zone de combat, donc les opérations, l'organe des

6 opérations devait participer pour s'assurer que les personnes déplacées ne

7 soient pas mises en danger plus qu'elles ne l'étaient déjà.

8 Donc un très grand nombre d'organes seraient impliqués pour fournir des

9 vivres et de l'eau, ensuite l'organe transport pour les déplacer, service

10 médical qui aurait dû établir assurer les premiers soins lors de ce

11 déplacement.

12 Ensuite, des deux côtés, il y aurait eu des organes qui auraient été

13 impliqués, qui répondaient tous donc au chef d'état-major, le chef aurait

14 eu la responsabilité de tout contrôler, de concert avec les chefs de

15 départements, les chefs des différents organes.

16 Donc vraiment c'était un effort qui impliquait tous les organes, un effort

17 global. Il est inconcevable de déplacer sinon de 25 à 30.000 personnes

18 dans une période de temps aussi brève.

19 Question: Général, vous avez pour l'essentiel déjà répondu à cette

20 question, mais je la réitère. Aurait-il été possible que l'opération ait

21 lieu sans que le chef d'état-major et le commandant en ait connaissance?

22 Réponse: Non, je ne peux pas imaginer qu'une opération d'une telle

23 envergure ait lieu sans que le commandant et le chef d'état-major en aient

24 conscience. La zone était... Il y avait beaucoup de choses qui se

25 passaient dans cette zone pendant cette période, l'assaut de Srebrenica,

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1 une autre attaque lancée qui avait été lancée sur Zepa, la 27ème Division

2 musulmane se dirigeait aussi vers cette zone.

3 Donc il y avait vraiment au sein du Corps de la Drina beaucoup

4 d'activités, il fallait une coordination, qui était difficile, et sans

5 cette coordination la situation aurait tourné au chaos.

6 Le seul moyen de coordonner toutes ces activités c'est par le biais du

7 quartier général principal pour assurer la réalisation, le succès de

8 toutes ces missions et de toutes ces activités.

9 Alors je ne peux pas imaginer un tel déplacement d'une telle envergure

10 sans la participation active du quartier général principal.

11 Question: Veuillez soumettre au témoin la pièce à conviction de

12 l'accusation 435, conversation interceptée entre le général Krstic et le

13 lieutenant-colonel Krsmanovic. Je crois qu'il était dans ce département

14 responsable des services à l'arrière. Que représente cette conversation,

15 quelle est votre opinion sur cette conversation?

16 Réponse: Eh bien cela confirme ce que je viens de dire, nous avons devant

17 nous le général Krstic qui s'exprime, qui donne de manière très claire

18 l'ordre que 50 bus doivent se trouver au stade de Bratunac à 17 heures

19 parce qu'il fallait déplacer un grand nombre de personnes.

20 Je ne sais pas quel était le grade exact du général Krstic à l'époque,

21 mais manifestement il jouait un rôle important dans ce processus, dans la

22 coordination, pour qu'il y ait suffisamment de véhicules pour assurer le

23 succès de ce déplacement.

24 Question: Veuillez soumettre au témoin la pièce à conviction de

25 l'accusation n°459 qui correspond au stade final du déplacement. Il s'agit

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1 là d'un ordre donné par le colonel Jankovic, officier du grand quartier

2 général déjà évoqué. Comment interprétez-vous ce document, général?

3 Réponse: Il s'agit pour l'essentiel d'un rapport au commandement du Corps

4 de la Drina, au terme duquel la déportation, l'expulsion avait été

5 complétée, l'évacuation de toute la population musulmane de l'enclave de

6 Srebrenica a été exécutée.

7 Donc un subordonné, qui était partiellement responsable de l'opération,

8 informe son supérieur hiérarchique, le quartier général principal que la

9 mission qui avait été ordonnée avait été menée à bien avec succès; donc

10 cela confirme ce que j'ai dit. Il s'agissait là d'une opération très

11 importante qui était sous le contrôle du quartier général principal du

12 commandement supérieur.

13 Question: Général, encore un dernier point que vous avez abordé dans votre

14 rapport, la question de l'interrogatoire qu'ont subi les hommes qui ont

15 été séparés à Potocari.

16 D'après les documents que vous avez pu lire et les rapports de M. Butler,

17 comment est-ce que vous interpréteriez en tant que commandant militaire ce

18 type d'activité?

19 Réponse: Très franchement, je n'ai pas vu beaucoup d'éléments de preuve,

20 de nombreux éléments de preuve à cet égard. Plutôt comme je l'ai évoqué

21 précédemment, cela pourrait paraître raisonnable de séparer les hommes, de

22 leur faire subir un interrogatoire pour savoir s'ils avaient peut-être

23 commis des délits, des infractions.

24 Mais ce genre d'activité requiert une certaine organisation, coordination.

25 Déjà pour établir avec certitude le nom, l'identité d'une personne, cela

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1 requiert un certain temps. Et pour mener à bien de nombreux

2 interrogatoires, il faut plusieurs équipes. Cela requiert une organisation

3 assez complexe au préalable.

4 Et sur la base des documents, des pièces que j'ai pu lire et des images

5 vidéo que j'ai pu voir, je n'ai pas l'impression qu'il y ait eu un effort

6 vraiment global, exhaustif, pour mener à bien un interrogatoire en bonne

7 et due forme. C'est vraiment la seule raison légitime qui aurait pu

8 justifier la séparation des hommes et des femmes.

9 Au contraire, plutôt que de vouloir établir l'identité des personnes

10 concernées, les militaires ont plutôt soustrait les pièces d'identité,

11 donc cela ne correspond pas du tout au but qui aurait été d'interroger, de

12 faire un interrogatoire systématique afin de vérifier, les identifier et

13 de voir s'il y avait des personnes coupables de délits.

14 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, peut-être serait-il

15 opportun de suspendre l'audience pour aujourd'hui.

16 M. le Président: Pour faire la pause.

17 La Chambre peut rendre sa décision à propos de verser les dossiers au

18 document, demain, pour ne pas retarder aujourd'hui, donc au début de la

19 session on peut prendre la décision.

20 On va donc se retrouver ici demain à 9 heures 30. Je lève la séance.

21 (L'audience est levée à 14 heures 32.)

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