Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 5 novembre 2000.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 20.)

4 (Interrogatoire principal du témoin, M. Radinovic, par Me Visnjic.)

5 (Le témoin, M. Radovan Radinovic, se trouve déjà dans le prétoire.)

6 M. le Président: Bonjour, Mesdames, Messieurs. Bonjour, cabine technique.

7 Bonjour, interprètes.

8 Interprète: Bonjour, Monsieur le Président.

9 M. le Président: Bonjour, Bureau du Procureur; je vois que vous êtes tous

10 présents, de même que les conseils de la défense. Bonjour, Professeur.

11 Bonjour, témoin.

12 Nous allons reprendre votre témoignage. Je vous rappelle que vous

13 continuez sous serment et que vous allez continuer à répondre aux

14 questions que Me Visnjic vous posera.

15 Vous avez la parole, Maître Visnjic, s'il vous plaît.

16 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

17 Général Radinovic, nous allons maintenant continuer là où nous nous étions

18 arrêtés hier et je demanderai à M. l'huissier de présenter au témoin la

19 pièce à conviction 425 de l'OTP et de préparer les pièces 426 et 427 pour

20 la suite.

21 (L'huissier s'exécute.)

22 Je demanderai maintenant à M. l'huissier de bien vouloir nous faire voir

23 le paragraphe 4 de la page 6 en version BCS.

24 Général Radinovic, vous nous avez parlé hier du grand nombre d'opérations

25 qui sont citées dans les directives, dont bon nombre ou la plupart n'ont

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1 pas été réalisées. Sur cet exemple de décision prise par le commandant

2 suprême de l'armée de la VRS, bien entendu, pouvez-vous nous expliquer de

3 quoi cela a l'air dans ce document 7?

4 M. Radinovic (interprétation): Eh bien, au point 4, lorsqu'il s'agit de la

5 doctrine, cette conception fondamentale dont il est question au point 4 du

6 document relatif au commandant, cela nous présente l'idée fondamentale du

7 document destiné à faire œuvre de commandement. Au point 4 de la directive

8 émise par le commandant suprême, on énumère les opérations susceptibles

9 d'être réalisées. Cela se situe sur cette partie-là.

10 Il y est question d'opérations stratégiques "Sadejstvo 95", "Prozor 95",

11 "Spreca 95" en sa qualité d'opération au niveau opérationnel. Aucune de

12 ces opérations n'a été réalisée. Elles n'ont été ni planifiées ni

13 réalisées.

14 Question: Je vous demanderai maintenant de passer à la page 8 de la même

15 directive à la partie qui concerne le Corps d'armée de la Drina.

16 Réponse: Oui.

17 Question: Il s'agit là de la version anglaise. Je vais demander à M.

18 l'huissier de nous présenter la page appropriée.

19 (L'huissier s'exécute.)

20 Et sur la version anglaise, il s'agit de la page 10. Merci. Et une partie

21 de la page 11 aussi, que vous pouvez préparer, je vous prie.

22 Réponse: Oui, je vois cela.

23 Dans cette partie-ci concernant le Corps de la Drina...

24 Question: Je vous prie de passer à la page suivante, Monsieur l'huissier.

25 Réponse: Donc cette page suivante, au niveau du point de la directive

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1 relative au Corps de la Drina, on énumère ce qui pourrait le concerner

2 pour ce qui est des opérations. On mentionne "Spreca 95", "Zvijesda 95",

3 mais aucune de ces opérations n'a été planifiée, pas plus que réalisée.

4 Par conséquent, comme je vous l'ai déjà dit hier, dans les documents de ce

5 type qui établissent un plan de principe et qui annoncent des activités

6 éventuelles dans les périodes à venir au cours d'une année, cela nous

7 présente une analyse de la situation stratégique; il y a évaluation des

8 parties en présence et l'on y expose ce qui pourrait représenter une

9 prospection fiable des événements et ce que l'on souhaiterait réaliser au

10 cours de l'année.

11 Dans ces documents, le commandement suprême procède par étapes, dans une

12 période déterminée et conformément à des circonstances déterminées au

13 niveau des champs de bataille, pour prévoir un ordre des opérations de

14 combat. C'est du moins ce que j'ai pu constater en étudiant la

15 documentation relative à "Krivaja 95". Et "Krivaja 95" ne se fonde pas sur

16 ces documents: j'entends par là qu'elle ne découle ou ne dérive pas

17 directement de ces documents.

18 En effet, cette directive est réalisée de façon à représenter un cadre

19 pour la plupart des activités sur les champs de bataille. C'est la raison

20 pour laquelle ce n'est pas concret et ce n'est pas direct. Cela ne peut

21 pas constituer une corrélation directe avec l'opération "Krivaja 95".

22 Et lorsque j'essaie de répondre à la question que je me pose de savoir

23 qu'est-ce qui a servi comme fondement pour la réalisation de cette

24 opération, il me semble que ni le commandant du corps ni quelqu'un d'autre

25 ne saurait planifier par lui-même une opération, c'est-à-dire que les

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1 opérations doivent faire partie d'un système intégré au niveau des champs

2 de bataille et sous le contrôle du commandement suprême, à savoir sous

3 l'autorité des pouvoirs civils ou militaires suprêmes.

4 Dans cette introduction ou ce préambule de la directive, il y a une phrase

5 qui pourrait nous dire, nous indiquer ce qui a servi de fondement pour la

6 réalisation de cette opération. J'espère qu'on y arrivera, mais je pense

7 qu'il est tout à fait certain que l'opération a été réalisée partant de la

8 situation concrète prévalant à l'époque. Cette situation concrète,

9 lorsqu'il s'agit du Corps d'armée de la Drina, c'est notamment toute une

10 série d'activités intenses en provenance des enclaves et dans le cadre de

11 ces opérations de sabotage appelées "Skakavac" ou en traduction

12 "Sauterelle".

13 Question: Je voudrais qu'on présente au témoin, sur le rétroprojecteur, la

14 pièce à conviction 426 du Bureau du Procureur.

15 (L'huissier s'exécute.)

16 Je crois qu'il s'agit de la page 3.

17 Réponse: Mais je n'ai que le courrier d'accompagnement. Je n'ai ici que

18 l'acte d'accompagnement, directive 7.1.

19 Question: La pièce était censée être celle qui porte la cote 426.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 Il s'agit de la directive 7.1 ou plutôt 7/1, qui a été délivrée par le

22 grand état-major de la VRS. Je n'ai plus d'exemplaire sous les yeux, mais

23 je vous prie de retrouver le segment qui concerne le Corps d'armée de la

24 Drina. Je crois qu'il s'agit de la page 3 ou 4.

25 Réponse: Il s'agit de la page 3.4. C'est la partie où le commandement

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1 suprême, la partie conceptuelle où le commandement suprême définit ou

2 décide des actions qui devraient être entreprises.

3 Dans ce point-ci, dans ce point 4, concernant le corps de la Drina, on

4 prévoit expressément ce qui suit: les forces du Corps d'armée de la Bosnie

5 de l'Est et du Corps de la Drina, renforcées par des troupes de

6 l'Herzégovine et du Corps de Sarajevo Romanija, doivent réaliser au plus

7 vite les tâches prévues par l'opération "Spreca 95", à savoir couper et

8 détruire les forces ennemies à l'est de la ligne Vis Stolice et créer

9 ainsi les conditions pour la continuation de l'attaque en direction de

10 Tuzla et Zivinice. C'est tout à fait en dehors de la zone de

11 responsabilité et des enclaves. C'est la pointe, ici, au nord-ouest de

12 Zvornik. Il n'est pas du tout question dans cette directive, dans cette

13 directive 7.1 qui était censée constituer une concrétisation de la

14 directive du commandant suprême, énumérer des missions précises ainsi que

15 des devoirs concrets ou qui seraient à considérer comme des devoirs

16 concrets, donc il n'y a rien dans cette directive qui nous indiquerait

17 quoi que ce soit en corrélation avec "Krivaja 95".

18 Question: Je vous prie maintenant de passer au paragraphe qui concerne

19 directement le Corps de la Drina.

20 Réponse: "Tâches des unités, Corps de la Drina"; c'est le point 5.3.

21 Parmi les tâches du Corps de la Drina, dans ce point 5.3, on dit: "C'est

22 au moyen de la défense et des activités de combat au nord et autour des

23 enclaves: empêcher la percée des troupes ennemies". Donc on dit "empêcher

24 la percée des troupes ennemies".

25 On dit ensuite "A. Mesures de camouflage tactique et activités de

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1 diversion: attacher un maximum de troupes sur sa propre tâche". Il s'agit

2 donc d'activités défensives et non pas offensives. Et c'est en

3 collaboration avec le Corps d'armée de la Bosnie de l'Est. "Réaliser au

4 plus vite les tâches prévues par l'opération "Spreca 95". Donc une

5 opération dont je ne suis pas du tout au courant, qui n'a jamais du tout

6 été réalisée; je ne sais même pas ce que cela sous-entendait. Mais ceux

7 qui ont élaboré cette directive devaient savoir de quoi il s'agissait;

8 mais moi, je n'ai pas appris de quoi il s'agissait, car je sais que cette

9 opération n'a pas planifiée et n'a pas été non plus réalisée.

10 Mais au cours de cette première étape de l'opération, sortir sur l'axe Vis

11 Kalesija, donc en dehors de cette zone en direction de Tuzla, et ensuite

12 procéder au regroupement des forces; en deuxième et troisième étapes de

13 l'opération, en appliquant des manœuvres appropriées, introduire des

14 forces vers les arrières de l'ennemi par intervention des troupes blindées

15 et procéder à une attaque sur l'axe Kalesija/Tuzla.

16 C'est donc tout à fait en dehors du contexte dans lequel se situait

17 l'opération "Krivaja 95", et tout ce qui était censé se passer dans la

18 zone de responsabilité du Corps de la Drina depuis le début du mois de

19 juillet jusqu'à la fin des opérations.

20 Question: Général Radinovic, dans le document précédent, à savoir la

21 directive n°7, il y a une phrase où il est fait état des enclaves; c'est

22 dans la partie qui concerne le Corps de la Drina. Par contre, dans la

23 directive 7.1, dans la même partie concernant le Corps de la Drina, on ne

24 mentionne plus les enclaves.

25 Compte tenu de la corrélation entre les directives, comme vous nous l'avez

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1 expliqué, à savoir que la directive 7.1 était censée être l'élaboration de

2 la directive n°7, comment nous expliquez-vous la chose?

3 Réponse: Eh bien, j'interprète cela de plusieurs façons. D'abord, ce que

4 j'ai souligné hier lorsque j'ai parlé de la structure organisationnelle de

5 la VRS et du commandement suprême: si vous vous rappelez, j'ai dit hier

6 que le positionnement du grand état-major, en sa qualité de commandement

7 suprême parallèle, donc il s'agit d'attribution de commandement et non pas

8 d'attribution technique et professionnelle, comme cela se pratique dans le

9 monde entier, cela peut, dans certaines circonstances, générer certaines

10 forces de dualité de pouvoir ou dualité de commandement.

11 Sur l'exemple de ces deux directives, la chose vient à être confirmée de

12 façon très claire; nous suivons ce qui concerne le Corps de la Drina.

13 Ce qui importe le plus pour ce qui est de la situation opérationnelle dans

14 la zone de responsabilité du Corps de la Drina, c'est précisément le

15 comportement des forces armées de la Bosnie-Herzégovine dans les enclaves

16 ainsi que les activités à l'encontre de la VRS. Dans cette directive 7,

17 émise par le commandant suprême, à savoir le Président de la Republika

18 Srpska, il y a une phrase qui se rapporte aux enclaves. Bien entendu, moi,

19 je ne l'aurais pas rédigée et je pense qu'il n'aurait pas dû la rédiger

20 lui non plus. Mais il n'y a pas une seule lettre dans cette directive 7.1

21 relative à cette phrase qui se rattachait au Corps de la Drina.

22 Par conséquent, le commandant du grand état-major de la VRS et le système

23 militaire dans son ensemble avaient estimé nullement obligation de

24 réaliser l'idée contenue dans cette phrase ainsi que dans la directive

25 7.1. Comme on a pu le voir, la phrase ne figure plus; je dois vous dire

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1 que j'ai étudié la chose en détail et cette phrase n'est plus reprise.

2 Ce qu'il convient également de mettre en valeur ici, c'est que la

3 directive du Président, du commandant suprême, à savoir le chef civil de

4 l'Etat, est une directive plus générale, alors que la directive du grand

5 état-major doit être plus précise, plus concrète à l'intention de ceux qui

6 sont appelés à la réaliser.

7 La directive 7.1 est en effet plus courte, plus menue ou plus précise; il

8 n'y a plus d'évaluation de la situation, elle traite juste ce qui est

9 considéré comme étant important.

10 Si l'on parle maintenant de l'ordre selon lequel les choses se réalisent,

11 eh bien, le commandant suprême émet une directive à l'attention du chef

12 d'état-major, et le chef d'état-major en émet une autre pour ce qui est de

13 la responsabilité relative au comportement de ses troupes. Comme je l'ai

14 dit hier, dans mon témoignage concernant la réalisation des ordres et la

15 façon dont ces ordres sont réalisés, on ne réalisait pas les ordres qui

16 sous-entendaient une violation de la loi ou une violation des principes du

17 droit humanitaire. Le commandant du grand état-major, dans sa directive,

18 n'a pas repris un texte qui pourrait d'une façon quelconque impliquer ou

19 induire un comportement de ce type.

20 Question: Général Radinovic, combien de temps faut-il pour bien préparer,

21 organiser, planifier une opération de ce type?

22 Je demanderai à M. l'huissier de préparer à l'intention du témoin la pièce

23 à conviction du Bureau du Procureur n°427.

24 Réponse: Je répondrai à votre question de la même façon que l'a fait le

25 Gal Dannat dans son rapport d'expert et je suis tout à fait d'accord pour

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1 dire que, s'agissant de ce niveau d'opération, il suffit largement de

2 disposer de 72 heures pour sa planification. Selon nos normes à nous, le

3 temps nécessaire ou alloué à une planification, préparation des opérations

4 faite en temps utile et selon les normes voulues, il faut trois à cinq

5 jours. Cela, bien entendu, dépend de la situation, des circonstances sur

6 le territoire où l'opération est appelée à être réalisée. Ou alors,

7 lorsqu'il s'agit de diriger des troupes vers des terrains insuffisamment

8 connus, dans des circonstances méconnues, comme c'est le cas, par exemple,

9 des grandes manœuvres opérationnelles lorsqu'on entreprend des activités

10 en dehors des zones de responsabilité.

11 Mais dans le cas concret, lorsqu'il s'agit de la zone de responsabilité

12 qui fait partie du système de commandement du Corps de la Drina et que ce

13 dernier connaît fort bien, 72 heures suffisent largement pour préparer une

14 opération de ce type.

15 Question: Général Radinovic, vous avez la pièce à conviction cotée 427 du

16 Bureau du Procureur. Il s'agit d'un ordre portant n°1 du 2 juillet 1995.

17 Dans le contexte du temps nécessaire pour la planification, comme cela est

18 d'ailleurs indiqué au dernier paragraphe de l'ordre en question, pouvez-

19 vous nous dire quel serait votre commentaire au sujet du temps investi

20 dans la préparation et planification de l'opération "Krivaja 95"?

21 Réponse: Eh bien, au dernier paragraphe de ce document et au dernier

22 alinéa de ce dernier, en page 2, ou plutôt à la page suivante, le

23 commandant du Corps ordonne que toutes les activités à venir, lorsqu'il

24 s'agit de la planification des activités de combat, et ce, s'agissant de

25 toutes les variantes et de l'élaboration de tous les documents afférents,

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1 doivent être terminées jusqu'au 3 juillet 1995. Alors que la remise des

2 documents à l'intention des unités chargées de la réalisation de ces

3 activités de combat devrait se plier à ses ordres à lui.

4 Si nous revenons maintenant à la page 1 de ce document où l'on voit la

5 date du document, à l'angle gauche, la date qui y figure c'est le 2

6 juillet 1995. Par conséquent pour toutes les activités de préparation, de

7 planification et d'organisation, acheminement des unités aux endroits

8 voulus, tout ceci avait été approuvé par le commandant du Corps. Ce

9 dernier a prévu pour tout cela une seule journée. D'après ma profonde

10 conviction, j'estime que ce temps est très court, insuffisant pour une

11 planification sérieuse de l'opération. Ce qui fait que, concernant

12 l'opération "Krivaja 95", si j'ai ce renseignement en vue, ce fait-là, eh

13 bien, je rangerais cette opération dans un panier d'opérations préparées

14 ou planifiées à la va-vite, et ce qu'on appellerait une opération préparée

15 sous la contrainte ou bâclée. Et il peut arriver que, dans des situations

16 pareilles, bien des éléments de l'opération ne soient pas réalisés

17 convenablement.

18 Question: Je demanderai maintenant à M. l'huissier de présenter la pièce à

19 conviction 428 du Bureau du Procureur.

20 Monsieur le témoin, Général, quels sont les objectifs ou quels sont les

21 ordres pour ce qui est des activités de combat dans ce document?

22 Réponse: Je n'ai pas ce document.

23 Question: Patientons un peu.

24 (L'huissier s'exécute.)

25 Réponse: Eh bien, à la page 2 de cette version en langue serbe -et je me

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1 réfère au point 4-, c'est la partie conceptuelle de la décision et l'idée

2 principale du commandant où il décide que le gros des forces du Corps de

3 la Drina continue à procéder à une défense tenace et active. Et que ce

4 n'est qu'une partie de l'effectif disponible qui doit attaquer pour

5 dissocier les enclaves de Zepa et Srebrenica.

6 Par conséquent, dans la partie conceptuelle de la décision qui est le

7 fondement même de la planification et de l'ordre donné aux unités pour

8 leurs activités, il n'y a guère de libération ou conquête de Srebrenica.

9 Il spécifie, il dit ce qu'il en est du détail de la mission ou des tâches;

10 on parle des activités tactiques. Alors on peut planifier, mais ne pas

11 avoir à réaliser. Pour ce qui est des tâches plus précises, il s'agit

12 d'aboutir.

13 Et si vous me le permettez, j'aimerais bien me servir du pointeur pour le

14 montrer. Je ne sais pas si cela était fait.

15 Question: Je crois qu'on nous l'a montré.

16 Réponse: Je pourrais vous le montrer sur la carte.

17 Question: Il suffit de l'indiquer puisque nous connaissons les lieux.

18 Réponse: De Predol, Divljakinje, Banja Guber, Zivkovo Brdo, Alibegovac,

19 Kak, ça c'est le détail de la mission et la suite, c'est Bojna et Siljato

20 Brdo. Et parmi ces objectifs détaillés, qui sont énumérés par le

21 commandant du Corps, dans la planification de l'opération, il n'est pas

22 fait état d'une attaque éventuelle sur la ville. Il s'agissait donc de

23 maîtriser les points dominants qui étaient susceptibles de désactiver

24 -militairement parlant- l'enclave et de permettre pratiquement l'entrave

25 de toutes les activités militaires que l'armée musulmane pouvait déployer

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1 en provenance de la zone protégée de Srebrenica pendant tout le temps, et

2 ce, notamment, dans le cadre de l'opération Srebrenica.

3 L'objectif est plus spécifié, précisé davantage encore; on dit: "Objectifs

4 des activités: attaquer par surprise; séparer et réduire les dimensions de

5 Srebrenica et Zepa -non pas les occuper, mais les réduire-; améliorer la

6 position tactique en profondeur de la zone et créer des conditions pour

7 l'élimination des enclaves".

8 Alors, je vous prie maintenant de me permettre de commenter cette partie-

9 là du texte. Le fait même de parler d'occuper certains sites, d'atteindre

10 certains sites, eh bien, cela signifie que le commandant assure des

11 opérations tactiques pour que, dans le dénouement de la situation, on

12 puisse éliminer les enclaves. Militairement parlant, cela pouvait être

13 fait de façon simple, si nécessaire.

14 Mais la phrase, telle que rédigée, ne signifie pas et ne doit pas être

15 interprétée comme la nécessité de procéder à une attaque sur la partie

16 urbaine de la ville même. Il s'agissait de mettre en place des conditions

17 pour éliminer une ou les enclaves, si l'évolution de la situation

18 militaire venait à le nécessiter.

19 Et, dans le cadre de cette opération 95 et des activités autour de

20 l'enclave, il s'agissait d'atteindre les sites énumérés ici. En effet, il

21 y a d'autres éléments de cet ordre qui n'ont aucune pertinence pour le

22 sujet qui nous intéresse ici.

23 Question: Donc, c'étaient les idées fondamentales du plan d'engagement des

24 forces ou des effectifs pour la réalisation de "Krivaja 95"?

25 Réponse: Ce segment militaire…

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1 Question: J'aimerais retirer cette question. Laissez-moi vous en poser une

2 autre.

3 Quels sont les documents afférents à la planification que vous avez

4 retrouvés et utilisés dans votre élaboration de l'analyse que nous avons

5 sous les yeux?

6 Réponse: Eh bien, nous avons eu les documents relatifs aux préparatifs des

7 activités.

8 C'est une chose que l'on prépare à chaque fois qu'on envisage de passer

9 d'un type d'activité à un autre. Si un corps d'armée avait certaines

10 missions à accomplir et s'il devait intervenir de façon active sur un

11 autre segment ou dans un autre domaine, il s'agissait d'élaborer des

12 documents.

13 J'avais, par exemple, l'ordre du commandant du Corps pour la prise

14 d'actions à ce sujet et certains documents du plan des transmissions; je

15 n'avais pas l'ensemble des plans de transmission pour ce qui est des

16 communications entre les postes de commandement et pour la participation

17 de toutes les unités. Mais j'avais des documents de planification qui

18 avaient trait aux communications radio.

19 Il manquait toute une série de documents; je dirai même qu'il manquait

20 davantage de documents que nous n'en avions à notre disposition et il n'y

21 avait pas le plan de la sécurité du génie, le plan de sécurité des

22 arrières, plan de l'entretien des communications, des voies routières.

23 Question: Vous déduiriez quoi, en fin de compte?

24 Réponse: Eh bien, c'est la conséquence du fait qu'il s'agit là, à mon

25 avis, d'une opération ad hoc qui a été décidée à la va-vite, qui n'a donc

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1 pas été planifiée longtemps à l'avance, mais qui a dû être ménagée sous

2 l'influence des circonstances qui avaient prévalu en fin juin 1995. Et

3 compte tenu du fait que le préparation avait été prévue en une seule

4 journée, eh bien, les choses n'ont pas pu se faire comme cela a été prévu

5 par les règlements, mais cela a été fait dans le cadre des possibilités

6 imparties dans les délais prévus.

7 Question: Si nous gardons à l'esprit tout ce qui a été dit jusqu'à

8 présent, je vous demande quels sont les événements qui ont été à l'origine

9 de la planification et de l'exécution de l'opération "Krivaja 95". Je vous

10 demanderai de distinguer entre les événements qui ont provoqué la

11 planification de cette opération et ceux qui ont influé sur son exécution.

12 Réponse: Je crois que j'ai déjà répondu partiellement à cette question.

13 J'ai dit que dans les dix derniers jours du mois de juin, la situation

14 était devenue particulièrement complexe et difficile en raison de percées

15 des forces musulmanes à l'arrière des forces de la VRS et d'opérations de

16 commandos de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui ont créé une situation très

17 difficile pour l'armée de la Republika Srpska et des pertes très

18 importantes infligées par l'armée de Bosnie-Herzégovine, au mois de juin.

19 En effet, les 15 et 16 juin par exemple, toute une brigade de l'armée de

20 Bosnie-Herzégovine s'est infiltrée à l'arrière de la 1e Brigade de

21 Podrinje, ce qui a entraîné la mort de quarante hommes.

22 Question: Je prierai l'huissier de préparer la pièce D 67 pour le témoin.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 Réponse: Est-ce que je peux continuer et terminer? Si l'on établit un lien

25 entre ce que je viens de dire et les événements qui se déroulaient au

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1 voisinage immédiat de l'enclave de Srebrenica, donc à l'extérieur de

2 l'enclave, il est permis de conclure que l'opération "Krivaja 95" a été

3 planifiée sous l'influence directe de ces événements, c'est-à-dire avec

4 pour objectif d'empêcher que les répercussions de ces événements ne

5 s'aggravent dans le temps.

6 Dans le document que j'ai à présent sous les yeux, qui est un rapport du

7 commandant de la 28e Division adressé au commandant du 2e Corps d'armée

8 -c'est un rapport qui date du 30 juin 1995-, dans ce rapport, nous voyons

9 que le commandant de la 28e Division informe le commandant du 2e Corps

10 d'armée de l'action de ses unités et de ce qui se passe au voisinage

11 immédiat des forces serbes dans l'enclave.

12 Question: Général Radinovic, la Chambre connaît déjà la teneur de ce

13 document qui a déjà été présenté en qualité d'élément de preuve. La

14 question que je vous pose est la suivante: dans ce document, pièce à

15 conviction de la défense 67, trouve-t-on un résumé rapide de toutes les

16 activités réalisées par la 28e Division au-delà des frontières de la zone

17 protégée de Srebrenica et de Zepa?

18 Réponse: Oui, c'est précisément ce que je disais à l'instant.

19 Question: J'aimerais maintenant que vous établissiez un lien entre ce

20 document et les ordres de l'armée de la Republika Srpska que nous avons

21 soumis aux Juges de cette Chambre hier -les pièces à conviction de la

22 défense 88 et 153- et je vous en rappelle rapidement le contenu. Il s'agit

23 d'ordres du Corps de la Drina, signés par le général Zivanovic et portant

24 sur l'inspection des troupes par lui, ainsi que des ordres donnés à la

25 brigade de Milici.

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1 Réponse: Oui, oui, je me rappelle tout à fait ces documents. Dans le

2 premièer ordre dont vous venez de parler, il est question de mieux

3 contrôler le secteur; le Gal Zivanovic ordonnait donc une inspection de

4 toutes les unités et il ordonnait que les hommes responsables lui rendent

5 compte avant la date du 25 juin. Dans ce document, il est fait état d'un

6 incident lié à l'incursion d'une brigade musulmane sur les arrières de la

7 1e Brigade de Podrinje et de la 5e Brigade de Podrinje. Le Gal Zivanovic

8 demande à ses commandants de réaliser les inspections de leurs troupes,

9 d'inspecter également les positions et de vérifier si les lignes sont

10 fortifiées comme il convient, avant de lui rendre compte jusqu'à la date

11 du 25 juin. Et véritablement, il a été informé de tout ce qui s'était

12 passé sur ces lignes, à la date du 24 juin, par l'un de ses commandants;

13 les autres commandants ont sans doute fait la même chose.

14 Voilà le genre de rapport que j'ai eu à ma disposition pour préparer ma

15 question.

16 Question: Alors que vous prépariez votre analyse et votre témoignage

17 devant ce Tribunal, avez-vous trouvé la moindre indication d'une opération

18 de combats actifs qui se serait préparée à la fin du mois de juin 1995, en

19 rapport avec l'enclave de Srebrenica?

20 Autrement dit, est-ce que vous avez trouvé la moindre mention, la moindre

21 indication, le moindre document, le moindre signe permettant de penser que

22 des actions de combat se préparaient de la part de l'armée de la Republika

23 Srpska en rapport avec l'offensive de Srebrenica, à ce moment-là?

24 Réponse: J'aimerais, pour répondre à votre question, que vous ne perdiez

25 pas de vue un fait qui, pour toute armée du monde, est tout à fait

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1 capital. Toutes les armées sont, par définition, dans la meilleure

2 situation possible lorsqu'elles accomplissent des actions de combat.

3 Aucune armée n'aime ou n'apprécie d'attendre, aucune armée n'apprécie de

4 laisser l'initiative à d'autres. Cela ne correspond pas par nature à

5 l'esprit d'un soldat.

6 Mais je peux vous affirmer que je n'ai trouvé aucune preuve, aucun indice,

7 je n'ai eu aucune conversation avec les personnes impliquées d'une façon

8 ou d'une autre dans cette opération. Je n'ai rien appris, je n'ai rien

9 entendu dire, je n'ai rien vu qui permette de penser que, jusqu'à la fin

10 du mois de juin 1995, il y ait eu quiconque qui ait pensé à réaliser une

11 telle opération. D'ailleurs, il n'y avait pas les conditions permettant de

12 réaliser une telle opération parce que la situation sur le front était

13 tellement difficile, notamment dans le secteur tenu par le Corps d'armée

14 de la Drina, qu'une offensive de ce genre était impossible à imaginer.

15 M. Riad (interprétation): Une seconde, je vous prie, Général. Si je vous

16 ai bien compris, vous venez de dire qu'il n'y avait aucun moyen, que vous

17 n'avez rien trouvé dans un document ni ailleurs -enfin, excusez-moi, je

18 relis le compte rendu d'audience-, en tout cas rien qui indique qu'avant

19 le mois de juin 1995, quiconque ait pu avoir l'idée de réaliser une

20 opération de ce genre. Et vous avez parlé de personnes impliquées d'une

21 façon ou d'une autre par ces mots "d'une façon ou d'une autre". Vous

22 voulez parler des deux parties en présence, des deux parties en conflit?

23 M. Radinovic (interprétation): Monsieur le Juge…

24 M. Riad (interprétation): Vous parlez de l'armée de la Republika Srpska et

25 des Musulmans? "Des personnes impliquées d'une façon ou d'une autre",

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1 avez-vous dit: de qui s'agit-il?

2 M. Radinovic (interprétation): Je crains de ne pas avoir interprété

3 correctement en anglais. Je répondais à une question qui consistait à me

4 demander, alors que je me préparais à témoigner devant ce Tribunal,

5 lorsque je préparais donc mon rapport d'expert, j'étais tombé sur un

6 document ou sur un autre signe, une autre indication permettant de penser

7 que l'armée de la Republika Srpska, et plus précisément le Corps de la

8 Drina, préparait à cette époque-là une action offensive dans le voisinage

9 de l'enclave. C'est donc en répondant à cette question que j'ai dit que,

10 par nature, toute armée au monde est offensive; elle n'aime pas attendre,

11 elle aime avoir l'initiative, elle n'aime pas être sur la défensive. Mais

12 l'armée de la Republika Srpska et le Corps de la Drina, au mois de juin

13 1995, étaient absolument en situation défensive.

14 M. Riad (interprétation): J'ai compris tout cela.

15 M. Radinovic (interprétation): Et j'ai dit que je n'avais découvert aucun

16 document permettant de penser qu'une action militaire offensive était en

17 cours de préparation. D'autre part, j'ai dit également qu'au cours des

18 conversations que j'ai pu avoir avec des personnes impliquées dans cette

19 opération et, hier, dans mon témoignage, j'ai dit que j'avais eu des

20 entretiens avec un certain nombre de personnes, y compris impliquées dans

21 cette opération du côté serbe -malheureusement, parce que je n'ai eu

22 aucune possibilité de parler avec des gens de l'autre partie; j'aurais

23 aimé pouvoir le faire mais je n'en ai pas eu l'occasion- donc, y compris

24 après ces conversations que j'ai eues avec des personnes impliquées, je me

25 suis convaincu qu'il n'y avait pas, que les conditions en vigueur ne

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1 permettaient pas une telle opération offensive.

2 Voilà ce que je voulais dire et je ne sais pas si cela a été bien

3 interprété en anglais lors de ma première tentative d'expression.

4 M. Riad (interprétation): Donc vous ne parlez que de l'armée de la

5 Republika Srpska lorsque vous parlez des personnes impliquées d'une façon

6 ou d'une autre? Ce ne sont que des membres de la VRS?

7 M. Radinovic (interprétation): Oui.

8 M. Riad (interprétation): Merci.

9 M. Visnjic (interprétation): Général Radinovic, je ne sais pas si vous

10 avez sous les yeux la pièce à conviction de l'accusation 428, un ordre

11 relatif à des opérations de combat?

12 M. Riad (interprétation): Je vous prie de m'excuser mais je voudrais que

13 soit corrigé le compte rendu d'audience, s'agissant de ce que j'ai dit

14 tout à l'heure. Je n'ai pas dit: "des gens qui allaient dans un sens ou

15 dans un autre", "going one way or another"; j'ai parlé "de gens impliqués

16 d'une façon ou d'une autre", "involved one way or another".

17 M. Visnjic (interprétation): Dans cet ordre relatif à des actions de

18 combat, un poste de commandement avancé est prévu, n'est-ce pas?

19 M. Radinovic (interprétation): Si vous me permettez d'ajouter quelques

20 mots avant de répondre à votre question, lorsque je parlais des objectifs

21 à atteindre, je n'avais pas tout à fait terminé.

22 Dans le document du commandant qui distribue les tâches dans le cadre des

23 activités de combat, le commandant dit aux unités qu'elles ont pour tâche

24 d'obtenir la séparation des enclaves de Zepa et de Srebrenica, et de

25 rétrécir la superficie de l'enclave. Donc l'objectif est tout à fait

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1 précisé: il est question de rétrécir, de diminuer la taille de l'enclave.

2 Il convient donc de tenir compte de cela lorsqu'on parle des objectifs

3 assignés à l'opération.

4 Question: Il est mentionné dans ce document un poste de commandant avancé.

5 Je vous demande donc quel est le rôle courant d'un poste de commandant

6 avancé? Comment établit-on un poste de commandant avancé et de quelle

7 façon une opération est exécutée à partir d'un tel poste?

8 Réponse: Les postes de commandant sont à la fois des installations à

9 partir desquelles on commande des opérations militaires et un site, un

10 lieu. C'est à cet endroit que l'on trouve les installations nécessaires

11 pour travailler, pour se reposer, les installations nécessaires pour

12 abriter les forces de sécurité et la logistique ainsi que les hommes

13 veillant à la protection, à la défense du poste de commandement.

14 Les postes de commandement: on y trouve un endroit de base, qui est

15 l'endroit d'où les ordres sont donnés, et des arrières, donc un poste de

16 commandement de réserve. Le poste de commandement principal, c'est

17 l'endroit le plus développé du point de vue de la qualité des

18 installations qu'on y trouve, du point de vue de la facilité d'utilisation

19 de l'espace, du point de vue des conditions générales et du confort que

20 l'on y trouve. C'est nécessaire pour que le travail du commandement puisse

21 s'exercer dans les meilleures conditions possibles.

22 C'est là que l'on trouve un groupe d'officiers supérieurs, chacun ayant

23 une tâche précise à effectuer: certains hommes sont donc assignés au

24 commandement en tant que tel, d'autres à la défense du poste et d'autres à

25 la logistique, donc à la réserve. Bien entendu, ce sont les hommes qui

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1 sont affectés au commandement en tant que tel qui ont le rôle le plus

2 important; ils travaillent dans le secteur opérationnel du poste. C'est là

3 que sont élaborés les ordres, que sont transmis les ordres, que s'effectue

4 le travail de création du commandant qui est nécessaire pour qu'une

5 opération puisse être menée à bien, dans les meilleures conditions

6 possibles.

7 On trouve donc à cet endroit du poste de commandement les opérationnels,

8 les hommes qui sont chargés des transmissions, les hommes qui sont chargés

9 du renseignement, les hommes qui sont chargés d'aider le commandement; et,

10 bien entendu, le commandant ainsi que l'ensemble de l'état-major et des

11 officiers chargés de la protection du poste. Puis on y trouve également

12 les chefs des services de logistique et des autres aspects du

13 commandement.

14 Et à l'arrière du poste en question, on trouve les responsables de la

15 logistique et de l'appui logistique; des postes de commandement avancés

16 sont créés lorsque le poste de commandement principal n'est plus

17 entièrement utile, ne suffit pas à la tâche. En général, pour créer un

18 poste de commandement avancé, on trouve un lieu où les axes de

19 communication sont nombreux et utilisables et où les transmissions

20 pourront exister dans les meilleures conditions possibles, donc où les

21 communications pourront s'effectuer dans les meilleures communications

22 possibles.

23 S'agissant de Corps de la Drina, en particulier, et de l'armée de la

24 Republika Srpska, de façon générale, il y a un élément qui est peut-être

25 un peu contraire à tout ce que je viens d'indiquer sur le plan théorique,

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1 à savoir que les corps d'armée ont des zones de responsabilité qui leur

2 sont affectées et, dans chacune des zones de responsabilité, les corps

3 d'armée disposent d'un quartier général, donc d'un lieu à partir duquel

4 est exercé le commandement.

5 Pour le Corps de la Drina, ce lieu c'était Vlasenica. Si l'on parle de

6 l'aspect transmission, il importe de signaler que le Corps de la Drina a

7 désigné Vlasenica comme son poste de commandement, ce qui devrait

8 permettre de penser qu'il s'agit du poste de commandement de base. Or un

9 poste de commandement est toujours défini par rapport aux opérations

10 prévues. Donc il peut y avoir des endroits prévus pour les postes de

11 commandement en temps de paix et d'autres endroits pour les postes de

12 commandement en cas de combats, en cas de guerre.

13 Donc, dans le cas qui nous intéresse, Vlasenica a continué à être

14 considéré comme le lieu du poste de commandement de base du Corps de la

15 Drina. Mais ceci était contraire à la doctrine militaire parce que le

16 Corps de la Drina avait une zone de responsabilité qui a été définie de

17 façon permanente et ce qui a donc permis de conserver Vlasenica comme

18 poste de commandement de base, comme poste de commandement fondamental.

19 Mais le Corps de la Drina s'est rendu compte qu'il était possible, pour

20 certaines activités militaires, de créer un poste de commandement avancé

21 ailleurs et, notamment, pour l'opération de Srebrenica, ce poste de

22 commandement avancé a été créé à Pribicevac; pour Zepa, un autre poste de

23 commandement avancé a été créé à Krivaca.

24 Donc le commandant du Corps d'armée, lorsqu'il existe un poste de

25 commandement avancé, se rend au lieu où ce poste de commandement avancé a

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1 été créé, accompagné de son état-major, et pas nécessairement de l'état-

2 major dans son ensemble mais, en tout cas, d'un certain nombre d'officiers

3 supérieurs. Le nombre des officiers supérieurs qui accompagnent le

4 commandant n'est pas fixé de façon obligatoire; la seule obligation, c'est

5 celle qui incombe au commandement du Corps d'armée qui, lui, doit se

6 trouver au poste de commandement avancé lorsqu'il en existe un. En effet,

7 l'hypothèse de base, c'est que le commandement ne peut pas être aussi bien

8 exercé au poste de commandement fondamental qu'au poste de commandement

9 avancé, lorsqu'il en existe un.

10 Question: Qui étaient les hommes du commandement du Corps de la Drina qui

11 se trouvaient au poste de commandement avancé de Pribicevac?

12 Réponse: Vous parlez bien des hommes appartenant au commandement du Corps,

13 n'est-ce pas?

14 Question: Oui.

15 Réponse: Au poste de commandement avancé se trouvent le commandant du

16 corps d'armée, son suppléant, son assistant chargé des opérations, son

17 assistant chargé du renseignement, mais lui n'était pas là-bas tout le

18 temps; il faisait des allers et retours; son chef des transmissions, bien

19 sûr, était là-bas aussi.

20 Voilà les organes auxquels je me suis intéressés personnellement; aux

21 autres, je n'ai pas accordé une attention particulière. En tout cas, la

22 présence de ces hommes-là est tout à fait suffisante pour exercer un

23 commandement efficace à partir du poste de commandement avancé.

24 Question: Le commandant du Corps de la Drina, pendant l'exécution de

25 l'opération "Krivaja 95", était-il au poste de commandement avancé tout le

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1 temps?

2 Réponse: Moi, je n'ai pas étudié cette question pour la simple raison que

3 c'est l'affaire personnelle du commandant de savoir s'il importe qu'il

4 reste tout le temps au commandement avancé, ou bien s'il peut se rendre de

5 temps en temps auprès des unités qui combattent sur le terrain, ou bien

6 s'il faut qu'il inspecte les centres logistiques et les différents

7 endroits où sont déployées les unités du Corps d'armée.

8 Autrement dit, le commandant d'un corps d'armée n'a pas nécessité d'être

9 tout le temps au poste de commandement avancé. Mais ce qui importe, c'est

10 que le commandement fonctionne et, lorsque le commandant ne se trouve pas

11 physiquement au poste de commandement avancé, il a son suppléant qui le

12 remplace: et il est donc, en son absence, le chef qui, dans les faits,

13 dans la réalité, reprend en main le commandement. Il n'y a donc pas

14 interruption du commandement, indépendamment du fait que le commandant est

15 présent physiquement ou pas au poste de commandement avancé. Mais ce qui

16 est très important, c'est de savoir que c'est à partir du poste de

17 commandement avancé que les ordres sont adressés aux unités pour la

18 réalisation des opérations prévues et commandées par ce poste de

19 commandement avancé.

20 Question: Général Radinovic, si nous pensons le Corps de la Drina dans son

21 ensemble, je vous demande quelle proportion, quel pourcentage du Corps de

22 la Drina était engagé dans l'opération "Krivaja 95"?

23 Réponse: Dans l'ordre du commandant, au point 4 de cet ordre, la partie

24 conceptuelle de l'ordre dont nous avons parlé tout à l'heure, lorsque vous

25 m'avez interrogé à ce sujet, il est stipulé de la façon la plus claire qui

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1 soit que le gros des forces du Corps de la Drina continue à mener des

2 opérations de combat sur les fronts extérieurs de la zone de

3 responsabilité, c'est-à-dire en direction de Tuzla et de Kladanj. Il

4 s'agit donc du gros des forces du Corps de la Drina. Et seules les forces

5 qui restent sont affectées à l'exécution de l'opération "Krivaja 95";

6 d'ailleurs, même pas la totalité des forces qui restent, mais simplement

7 une portion de ces forces restantes.

8 Nous avons donc vu, dans cet ordre, quelles étaient ces forces de la façon

9 la plus explicite qui soit: il s'agissait d'un groupe de combat issu de la

10 Brigade de Zvornik, qui s'est dirigé vers Zeleni Jadar et Srebrenica;

11 puis, il y avait le groupe de combat issu de la 2e Brigade de Romanija et

12 de la Brigade de Bratunac; il y avait un groupe issu de la Brigade de

13 Milici, des Brigades de Milici et de Bratunac, qui sont en contact l'une

14 avec l'autre mais qui ne participent pas à l'offensive: elles se

15 contentent simplement de paralyser sur place les forces de la 28e

16 Division.

17 Donc, dans la pratique, n'ont participé à l'opération "Krivaja 95" que des

18 effectifs inférieurs à ceux d'une brigade. D'après moi, il s'agissait

19 d'effectifs correspondant à deux bataillons et demi, peut-être au maximum

20 trois bataillons, mais en tout cas des effectifs inférieurs à ceux d'une

21 brigade en bonne et due forme.

22 Donc, pour répondre à votre question, il est permis de dire qu'il

23 s'agissait simplement des forces qui étaient restées disponibles. Selon la

24 doctrine, on appelle cela des forces de secours au sein d'un corps

25 d'armée, des forces d'appui.

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1 Question: Quelles ont été les positions opérationnelles des forces

2 engagées dans l'opération "Krivaja 95"? Je veux parler aussi bien des

3 forces musulmanes, donc de l'armée de Bosnie-Herzégovine, que des forces

4 d'armée de la Republika Srpska.

5 Réponse: Les forces de la 28e Division étaient déjà sur les positions

6 qu'elles occupaient à ce moment-là depuis pas mal de temps, depuis le mois

7 de mai 1993. Bien entendu, en 1993, les forces présentes étaient moins

8 nombreuses qu'en 1995 mais, en tout cas, elles étaient à cet endroit

9 depuis 1993. Donc elles étaient déjà, elles occupaient les mêmes positions

10 depuis deux années entières.

11 Que les hommes dont je parle aient été présents pendant toutes ces deux

12 années ou que certains d'entre eux soient arrivés un peu plus tard, en

13 tout cas, il est permis de dire qu'ils avaient eu amplement le temps de

14 préparer leurs positions défensives, autrement dit, les tranchées et les

15 fortifications nécessaires pour défendre leurs positions. Ils avaient donc

16 tous les moyens nécessaires du point de vue de la défense de leurs lignes

17 et de la possibilité d'agir sur un plan offensif; ils avaient aussi tous

18 les moyens issus des études de reconnaissance du terrain, toutes les

19 méthodes leur permettant de se défendre de façon très dynamique; ils

20 avaient eu le temps aussi de se préparer à cette défense.

21 Je ne sais pas avec quelle constance ces forces ont défendu Srebrenica

22 mais, en tout cas, elles ont été sur la défensive à partir d'un certain

23 moment, étant encerclées. Cela oui, effectivement, c'est une situation

24 défavorable.

25 La présence de la Forpronu, quant à elle, donc la présence du bataillon

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1 néerlandais a été un facteur positif s'agissant de définir la situation

2 opérationnelle des forces de la 28e Division. Une action constante des

3 unités du 2e Corps d'armée de l'armée musulmane, sur les axes extérieurs

4 partant de Kladanj et de Tuzla, ainsi que des pressions constantes

5 exercées sur la zone de responsabilité du Corps de la Drina ont obligé les

6 forces de ce corps d'armée à tenir le gros de leurs forces sur des

7 positions défensives et à se déployer vers l'extérieur de la zone de

8 responsabilité, ce qui a été un autre facteur avantageux, même si -je le

9 répète- le fait d'être encerclé était une situation défavorable.

10 Question: Et les positions du Corps de la Drina?

11 Réponse: S'agissant des positions tenues par le Corps de la Drina, il y a

12 un certain nombre d'aspects qui peuvent être considérés comme positifs et

13 d'autres négatifs. Ce qui était positif, c'était que les forces du Corps

14 de la Drina se trouvaient sur les limites externes de l'enclave et

15 encerclaient les forces de la 28e Division de l'armée Bosnie-Herzégovine.

16 L'espace qui était situé entre les enclaves n'était pas contrôlé par

17 l'armée de la Republika Srpska, ce qui était en revanche un élément

18 défavorable s'agissant de définir, de décrire les positions tenues par le

19 Corps de la Drina.

20 Un autre élément défavorable pour l'armée de la Republika Srpska réside

21 dans le fait que le Corps de la Drina ne pouvait pas disposer de forces de

22 manœuvre ou de forces susceptibles de se lancer dans une action offensive,

23 puisque l'intégralité des forces participait à la défense des lignes

24 tenues à l'extérieur des enclaves.

25 Question: Quel était le rapport de forces entre l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine, donc celle de la 28e Division, d'une part, et les autres

2 forces ayant participé à l'opération "Krivaja 95", d'autre part?

3 Réponse: Moi, j'ai analysé ce rapport de forces à Srebrenica. Dans les

4 documents, les chiffres varient beaucoup d'un document à l'autre; certains

5 document stipulent que la 28e Division disposait de 8000 hommes à peu près

6 et, dans les documents opérationnels, on trouve des chiffres plus précis.

7 Il y a aussi des renseignements, des informations provenant du service de

8 renseignements qui ont été utilisés par le Corps de la Drina, dans ses

9 messages communiqués par radio.

10 Et puis, il y a également des conclusions que l'on peut tirer de la

11 lecture de documents musulmans qui parlent de quatre formations présentes

12 à Srebrenica, à partir de l'automne 93 et jusqu'au printemps 95, donc

13 avril 1995 à peu près. Lorsque je prends tous ces chiffres et que je les

14 confronte, j'en arrive à la conclusion qu'à Srebrenica, il y avait à peu

15 près 10000 hommes du côté musulman, dans les formations militaires

16 musulmanes, et peut-être 8000 hommes portant les armes. Ce nombre dépasse

17 de loin le nombre des hommes présents dans les unités autour de Srebrenica

18 et, si l'on compare les effectifs d'un côté et de l'autre, les effectifs

19 des unités musulmanes et de la VRS ayant participé à l'opération "Krivaja

20 95", j'en arrive à la conclusion que le rapport de forces s'établit à 2,8

21 par rapport à 1 à l'avantage des forces de la 28e Division de l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine. Donc 2,8 par rapport à 1 et ce pourcentage, ce

23 rapport, on peut le vérifier en constatant, en ajoutant que l'armée de la

24 Republika Srpska, la VRS était mieux équipée, mieux armée; elle avait donc

25 une puissance de feu supérieure aux forces de l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine, l'armée de Bosnie-Herzégovine étant plus faible de ce point

2 de vue là. Mais du point de vue numérique, du point de vue des effectifs,

3 ils étaient plus nombreux du côté musulman.

4 Question: Y a-t-il des normes, dans la théorie militaire, concernant le

5 rapport de forces entre les positions qui se trouvent à l'extérieur

6 d'endroits habités et l'intérieur d'endroits habités?

7 Réponse: Oui, certainement. Dans la doctrine à travers le monde, il existe

8 de tels rapports et dans la nôtre également. En principe, dans la nouvelle

9 doctrine, il faut essayer d'éviter d'attaquer les endroits habités pour

10 deux raisons: la première raison étant celle que les endroits habités

11 doivent être préparés pour une défense à long terme, c'est-à-dire on parle

12 des habitations, des immeubles, des endroits qui se trouvent dans le sous-

13 sol, qui peuvent être préparés et pourvus de feu à plusieurs étages. Les

14 endroits habités sont des centres nerveux très importants; en principe, la

15 tendance est d'essayer de ne pas les attaquer.

16 Je vais vous rappeler, je vais vous parler de l'agression qui a eu lieu

17 sur le Liban en 1982. Lorsqu'Israël a attaqué le Liban, Israël a bloqué

18 Beyrouth mais ne l'a pas attaquée; donc personne n'a eu l'idée d'attaquer

19 la ville en question. Donc on n'attaque pas les villes, d'après les

20 nouvelles doctrines, pour les raisons que ce sont des endroits très

21 sécurisés -il faut les préparer pour une défense à long terme- et ceci est

22 la première raison; et la deuxième raison est qu'en attaquant les villes

23 avec des systèmes dont nous disposons, nous aurions des pertes absolument

24 dramatiques, et ces pertes du côté de la défense. Ce ne serait pas

25 efficace au point de vue militaire et c'est une raison sérieuse pour

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1 laquelle les villes ne sont pas attaquées.

2 Mais, dans le cas où on attaquerait une ville, le rapport de force de

3 l'attaquant, du côté qui attaque pourrait être sûr; il faudrait donc

4 s'assurer que ce rapport de forces soit prédominant, c'est-à-dire de 7 à

5 10 fois supérieur. C'est la raison pour laquelle… C'est la raison: parce

6 que les villes sont très difficiles à conquérir.

7 Lorsqu'on parle de région déjà bien établie, à l'extérieur des endroits

8 habités, c'est-à-dire sur le territoire qui se trouve dans les environs,

9 si l'on parle de territoire de manœuvre qui ne se trouve pas du côté du

10 défenseur, qui n'a pas d'installations dominantes, supérieures, élevées et

11 même plus élevées que l'endroit qui est attaqué, le rapport de force est

12 de 5 par rapport à 3; et de 3 par rapport à 1 pour l'armée qui attaque.

13 Mais sur un territoire qui est difficile à traverser, il est donc

14 difficile pour le défenseur d'organiser sa défense; donc, par contre, le

15 ratio devrait être de 10 par rapport à 7 pour l'attaquant sinon l'armée

16 qui attaque n'a aucune chance de conquérir la ville.

17 Question: Et ma dernière question avant la pause serait la suivante: est-

18 ce que vous pouvez nous dire si le rapport de forces qui existait pouvait

19 garantir le succès du combat de Srebrenica? Y avait-il un plan de

20 conquérir Srebrenica ayant en tête ce rapport de forces qui existait déjà?

21 Réponse: Lorsqu'on parle du rapport de forces, il ne fallait pas…, on ne

22 pouvait pas planifier la conquête de Srebrenica, aucune personne du

23 commandement du Corps de la Drina n'aurait pu planifier un plan -si vous

24 me permettez ce mot- si fou dans un tel rapport de forces. C'était

25 impossible de faire une attaque sur Srebrenica si l'on prend en

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1 considération les effectifs qu'avait le Corps de la Drina le 6 juillet

2 1995.

3 Question: Monsieur le Président, je proposerais maintenant à ce que l'on

4 procède à une pause.

5 M. le Président: Oui, c'est une bonne proposition et nous allons revenir à

6 11 heures.

7 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

8 (L'audience, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures.)

9 M. le Président: Maître Visnjic, nous allons poursuivre jusqu'à 12 heures

10 et 10 minutes. Donc Allez-y!

11 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Général Radinovic, pouvez-vous nous dire brièvement, car la Chambre a déjà

13 entendu plusieurs témoins là-dessus, nous dire quel était le cours

14 principal de l'opération "Krivaja 95" et, étant donné la structure interne

15 des combats, d'après la doctrine militaire, de quelle façon pourriez-vous

16 caractériser cette opération?

17 M. Radinovic (interprétation): D'après les ordres donnés par le commandant

18 du Corps de la Drina, après la percée principale ou le but principal des

19 combats, c'était Zeleni Jadar, Srebrenica. Donc c'était cette direction-

20 là, c'est l'axe Zeleni Jadar/Srebrenica. L'installation principale ou le

21 but, la cible qu'il fallait atteindre, c'était Zivkovo Brdo qui se trouve

22 en direction, qui en fait a dû être fait par le 2e Groupe de combat, qui

23 fait partie de la Brigade Romanija et de Bircani.

24 J'ai donc donné une réponse aux questions précédentes. J'ai déjà dit que

25 la Brigade de Bratunac, ce n'étaient pas des membres de la Brigade de

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1 Bratunac mais de la Brigade de Bircani. Donc l'installation principale ou

2 l'objet principal qu'il fallait atteindre, c'était Alibegovac. Et il y

3 avait également l'installation de Kak, c'est-à-dire l'installation de la

4 cible Kak.

5 L'attaque a commencé au matin, le 6; il a plu toute la journée, la

6 température était très mauvaise, donc il n'y a pas eu d'attaque. Les

7 unités avaient simplement procédé à des opérations de reconnaissance, mais

8 elles n'ont pas attaqué ce jour-là.

9 Je m'excuse auprès des interprètes, j'ai perdu le fil de mes idées. En

10 fait, ce que je veux dire, c'est que la dynamique était très lente. Cette

11 première journée, qui était le 6, donc il n'y a presque pas eu de succès.

12 Par contre, lors de cette opération, au lieu de décrire le tout, je crois

13 qu'il serait préférable de donner une note, c'est-à-dire d'évaluer le

14 tout. En fait, le 9 déjà, objectivement parlant, les unités des Corps de

15 la Drina ont pu réaliser la cible de l'opération, c'est-à-dire entre la

16 journée du 9 et du 8, c'est-à-dire d'atteindre les installations de

17 Zivkovo Brdo et Alibegovac. Le but de l'opération, pratiquement parlant,

18 était donc terminé en atteignant ces cibles.

19 Donc, avec le rétrécissement de l'enclave et avec l'établissement de

20 l'espace, entrecoupant les espaces entre les enclaves, ce but était donc

21 d'établir cette coupure pour qu'on ne puisse pas communiquer entre les

22 deux enclaves;, c'était donc le but de l'opération du 9 et du 10, et cela

23 a été atteint. Maintenant plus loin, lorsqu'il y avait cette opération de

24 Srebrenica, sous les ordres du commandant du Corps, les attaques actives

25 sont presque arrêtées. Tout ce qui est arrivé par la suite a été fait en

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1 se basant sur la décision d'entrer dans Srebrenica. Pour cela, il a fallu

2 un mandat, un nouveau mandat au commandant du Corps d'armée de la part de

3 ses supérieurs.

4 Lorsque nous parlons de l'intensité des combats, cette opération, je la

5 catégoriserais dans le groupe d'opérations avec une intensité très basse,

6 donc une intensité très basse. Et sur quoi est-ce que je me base lorsque

7 je dis cela? C'est sur la façon, la dynamique des combats, c'est-à-dire

8 qu'il s'agissait de quelques kilomètres par jour: c'est une intensité très

9 basse d'activité. Un tout petit nombre de pertes des deux côtés a eu lieu.

10 Des documents que j'ai étudiés, je n'ai pas pu trouver de pertes plus

11 importantes des deux côtés des belligérants qui se sont rencontrés dans

12 l'enclave; je parle du côté de l'opération militaire, de l'opération de

13 Srebrenica. Ensuite, il y a eu un nombre très faible de destructions

14 également. C'est clair quand nous pensons au fait que les combats, la

15 puissance de feu était très basse et donc les combats très restreints. Si

16 le Corps de la Drina avait voulu conquérir Srebrenica, le groupe

17 d'artillerie aurait agi mais, dans notre cas, cela n'a pas eu lieu.

18 J'ai donc pu rencontrer certaines données concernant le nombre d'obus

19 lancés lors de cette attaque, de cette opération. Selon certaines sources,

20 il est dit qu'il y avait plus de 200 obus d'artillerie lancés sur la

21 ville; s'il s'était agi effectivement de 200 obus, la destruction aurait

22 été beaucoup plus importante. Sur les vidéos que nous avons vues, lorsque

23 la VRS est entrée à Srebrenica, je n'ai pas vu, je n'ai pas pu constater

24 une destruction aussi importante, s'il y avait eu un tel nombre de

25 grenades, d'obus lancés.

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1 Ce sont des données que j'ai lues dans des documents se trouvant dans

2 toutes sortes de documents qui émanaient des observateurs des Nations

3 Unies. Ils se trouvaient probablement tout près des installations, ils ne

4 sont pas allés sur place, ils n'ont pas pu constater les dégâts

5 directement. Les données, ce qu'ils consignaient dans leurs documents, ce

6 sont des données qu'ils recevaient des membres de l'armée musulmane. Bien

7 sûr, il est tout à fait certain qu'il y a eu de l'exagération, car un

8 nombre d'obus tel aurait occasionné beaucoup de destructions, une grande

9 destruction dans cette zone urbaine. Je voudrais également dire que ce qui

10 a été dit de la part des soldats de la Forpronu, d'après les documents

11 émanant du Bataillon néerlandais, était beaucoup plus juste, c'est-à-dire

12 que, selon eux, il y avait un nombre d'obus inférieur.

13 Je crois que, d'après la structure de cette opération, nous pouvons dire

14 qu'il s'agissait d'une opération avec une cible établie avec une intensité

15 très basse. Dans cette opération, il manquait certains éléments dont toute

16 opération militaire dispose, c'est-à-dire que, lorsque nous voulions

17 préparer les attaques sur une cible établie, il a fallu nous attendre à ce

18 que les positions de la 28e Division, d'après les deux années pendant

19 lesquelles il s'agissait d'une zone protégée, et il faudrait dire que

20 l'attaque aurait été beaucoup plus longue et beaucoup plus intense, c'est-

21 à-dire cette étape-là, cette partie-là qui s'appelle "Krivaja 95" ne l'a

22 pas. Il y en avait bien sûr, il y avait une attaque avec des armes de

23 soutien, mais il s'agissait plutôt de lance-roquettes qui provenaient des

24 bataillons qui participaient activement dans les combats. Mais je crois

25 qu'il s'agit de combats: c'étaient des chars qui étaient comme des poings

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1 et il y avait aussi de l'artillerie de grand calibre, car la destruction

2 aurait été beaucoup plus importante. Cet élément d'artillerie et de

3 préparation d'artillerie manque; or, on ne peut faire une opération

4 d'attaque en s'attendant à du succès, sans avoir une préparation

5 d'artillerie importante.

6 De plus, il faut dire qu'il n'y a pas non plus de plus grande incursion

7 sur la ligne, il n'y a pas de manœuvre de part et d'autre, il n'y a pas de

8 manœuvre de côté; donc il n'y a pas eu de dynamique. Cette opération

9 manque de dynamique et chaque opération intensive est dotée de cette

10 dynamique. C'est en me basant sur cela que je peux conclure qu'il

11 s'agissait de sortes de combats qui avaient une cible tout à fait

12 délimitée et qui bénéficiaient d'une structure assez simplifiée avec les

13 éléments qu'elle possédait.

14 Question: Général Radinovic, si nous comparons l'attaque qui a lieu sur

15 Srebrenica, c'est-à-dire l'attaque de l'armée de la VRS, en 1993, lorsque

16 la cible était la prise de Srebrenica, et si l'on compare avec l'opération

17 "Krivaja 95", quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer en

18 comparant ces deux opérations?

19 Réponse: Eh bien, nous pouvons tirer les conclusions qui confirment tout

20 ce que j'ai déjà dit auparavant et jusqu'à présent, en parlant de

21 l'intensité, en parlant du territoire que l'opération devait conquérir.

22 Lorsqu'on parle de l'opération de Srebrenica en 1995, les forces qui

23 étaient engagées étaient les forces sous une brigade, alors que, lorsque

24 nous parlons de Srebrenica 1993, les forces engagées étaient équivalentes

25 à près de quatre brigades; c'étaient des forces jusqu'à quatre brigades.

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1 Donc il faut mentionner qu'il y avait deux brigades de gardes, la 1e

2 Brigade de garde nationale -et il y avait presque deux bataillons- et la

3 Brigade de Milici. Toutes ces brigades, nous pouvons les mettre sous

4 l'équivalent de quatre brigades. Donc c'étaient tous les effectifs qui

5 s'assuraient que Srebrenica, en tant que lieu d'habitation préparée pour

6 la défense, pouvait être conquise.

7 C'est le rapport de forces dont j'ai parlé. J'ai dit qu'il est important

8 d'avoir ce rapport de forces de 10..., de 7 par rapport à 1. Donc

9 Srebrenica, à ce moment-là, était la cible: la VRS avait l'intention de

10 libérer Srebrenica, d'établir et de contrôler la zone de Podrinje.

11 Hier, nous avons parlé de la raison pour laquelle cette opération n'a pas

12 été terminée, quelles étaient les circonstances qui ont mené à cela. Mais,

13 à votre question aujourd'hui, je réponds qu'il s'agissait d'effectifs qui

14 pouvaient garantir que cette cible pouvait être faite, c'est-à-dire qu'on

15 aurait pu prendre la ville à ce moment-là. Lorsqu'on parle de l'opération

16 "Krivaja 95", les effectifs ne pouvaient garantir absolument aucune

17 possibilité de conquérir la ville. De ce point de vue, j'estime que

18 personne n'a même eu l'idée de conquérir la ville, de prendre la ville.

19 Nous pouvons également nous baser sur les documents qui sont confectionnés

20 pour cette opération, préparés pour cette opération, c'est-à-dire les

21 ordres pour les combats.

22 Question: Général Radinovic, avec quelle ténacité la 28e Division a-t-elle

23 défendu Srebrenica?

24 Réponse: Eh bien, c'est une histoire tout à fait à part. Je pense que

25 c'est avec une très faible ténacité qu'elle l'a fait. Il y a eu des

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1 possibilités de le faire sur le plan opérationnel et tactique, pour ce qui

2 était de défendre Srebrenica, avec une ténacité de très haut niveau. Je

3 suis au courant de certains témoignages à ce sujet. Je me suis penché

4 notamment sur les documents émanant du secrétariat général des Nations

5 Unis qui disaient que les forces de la 28e Division n'étaient pas en

6 mesure de défendre Srebrenica, moyennant ténacité et endurance.

7 Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela; je pense même pouvoir

8 contester cette affirmation de façon très aisée. Je sais notamment que le

9 secrétaire général de l'ONU avait tiré ses conclusions des rapports qui

10 lui avaient été présentés par ses propres experts.

11 Mais je viens de parler tout à l'heure de la façon dont la ville, une

12 ville est censée se préparer pour la défense. Srebrenica aurait pu se

13 préparer à la défense avec les effectifs de la 28e Division et ce,

14 moyennant toutes les limitations relatives à l'armement et aux équipements

15 en armes lourdes.

16 Je tiens à dire que pour la défense de Srebrenica, il aurait suffi de ce

17 dont l'armée de la 28e Division disposait déjà. Il s'agissait d'armes de

18 combat rapproché, d'armes de soutien rapproché et les moyens antichars.

19 Donc il ne s'agissait pas d'opérations de grande intensité, il ne

20 s'agissait pas d'opérations où il y aurait de l'aviation, des

21 hélicoptères, des systèmes lance-roquettes. Il s'agissait plutôt de

22 conflits de petite dimension, à des distances rapprochées, avec une faible

23 intensité des activités de combat, avec en plus des armes

24 technologiquement peu évoluées. La 28e Division aurait très certainement

25 pu défendre Srebrenica longtemps, si longtemps -je tiens à le répéter-, si

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1 longtemps, en attendant l'intervention imminente des effectifs

2 internationaux ou du système des Nations Unis, qui auraient pu donc par la

3 suite empêcher l'escalade des conflits.

4 Maintenant si, post festum, je puis parler d'une partie de la

5 responsabilité de ce qui s'est passé, je tiens à dire que le commandement

6 suprême ou plutôt le système de commandement à Srebrenica des Musulmans

7 avait beaucoup de responsabilité à porter sur ses épaules parce que

8 l'opération aurait pu être interrompue moyennant un engagement plus

9 important.

10 Question: Est-ce que ce commandement musulman de l'armée de Bosnie-

11 Herzégovine...

12 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, je tiens à faire

13 objection. Avant que de passer aux questions qui concernent davantage le

14 matériel relatif à cette affaire, je tiens à dire que le général donne son

15 opinion: ses déclarations ne sont pas appuyées de fondements spécifiques

16 pour ses opinions. Il nous a dit qu'il avait pris appui sur des documents,

17 qu'il s'était entretenu avec un certain nombre de personnes; il a

18 mentionné des pièces à conviction de la défense.

19 Mais lorsqu'il dit que la 28e Division avait suffisamment d'équipements

20 pour défendre l'enclave, est-ce que, pour les besoins du Bureau du

21 Procureur, il pourrait nous dire ce qui lui a permis de faire cette

22 conclusion? Par exemple, il peut dire: "pièce à conviction D57" ou "pièce

23 à conviction du Procureur untel". Donc au lieu de présenter des

24 déclarations assez vagues, à moins que d'avoir été là-bas et d'avoir

25 compté les munitions et les armes à la disposition des Musulmans, je ne

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1 vois pas partant de quoi il présente des telles opinions.

2 M. le Président: Maître Visnjic, vous avez entendu cette demande

3 d'éclaircissement. J'aimerais bien demander, et vous pouvez encadrer le

4 témoin, si cette opinion est une opinion ou une conclusion à laquelle le

5 témoin arrive après les événements, ou si l'opinion existait déjà avant

6 les événements.

7 C'est facile de dire, après avoir vu, quelle est la conclusion. Mais le

8 problème, c'est que nous sommes ici, si je puis dire, pour faire un effort

9 de nous placer dans l'endroit et à l'époque. C'est un peu cela. Donc il

10 faut quand même, quand ces opinions viennent, qu'elles viennent clairement

11 du point de vue du temps, des circonstances et des fondements parce que

12 c'est un témoin expert. Il faut donc voir quels sont les fondements des

13 conclusions.

14 Vous avez donc compris, Maître Visnjic? Le témoin a aussi écouté. On va

15 donc peut-être essayer. C'est tout, Monsieur Cayley?

16 M. Cayley (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Enfin je tiens à

17 dire que le témoin a été très clair jusqu'à présent, mais nous voudrions

18 connaître les fondements pour ce qu'il a dit. Comme l'a dit, l'a fait M.

19 Butler, il a tiré certaines conclusions, mais il avait apporté des

20 documents à l'appui de ses conclusions. C'est la chose que nous

21 souhaiterions obtenir.

22 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, si vous me permettez

23 une brève réponse à l'intention de M. Cayley, il sera peut-être satisfait

24 de l'obtenir. Je ne puis répondre maintenant à la place du témoin, mais je

25 sais que les conseils de la défense ont présenté au témoin toute une série

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1 de documents concernant l'armement à la disposition de l'armée de la

2 Bosnie-Herzégovine, dans le cadre de la zone protégée de Srebrenica. Par

3 conséquent, je suppose que ce sont ces sources-là dont s'est servi le

4 témoin pour fonder ses conclusions.

5 D'autre part, je n'ignore pas qu'à l'époque où le général avait rédigé son

6 expertise, nous avons eu pas mal de difficultés. Nous avons travaillé en

7 parallèle, à savoir que certains documents avaient été versés ici au

8 dossier et, en parallèle, le général avait fait son expertise de l'autre

9 côté. Il se peut qu'un certain nombre de malentendus en découlent.

10 Pour être tout à fait concret, pour ce qui concerne les armements, une

11 partie des documents n'avait toujours pas été versée au dossier. La

12 question était en suspens, bien entendu, mais cela n'avait pas été remis à

13 la Chambre, juste au moment où le témoin était en train de rédiger son

14 expertise. Mais je suis convaincu que le témoin pourra nous dire le détail

15 de ses sources.

16 Général Radinovic, est-ce que les forces concernant les positions tenues

17 par la Forpronu avaient fait l'objectif des attaques de la VRS?

18 Ou plutôt je retire ma question. Est-ce que vous pouvez d'abord nous

19 préciser quelles sont les sources qui vous ont permis de tirer les

20 conclusions que vous avez faites concernant les armements ou la puissance

21 de feu des effectifs de la 28e Division?

22 M. Radinovic (interprétation): Eh bien, tout d'abord, je n'ai pas fondé

23 mes opinions seulement sur les documents que j'ai étudiés, seulement pour

24 cette occasion-ci.

25 Tout d'abord, il faut dire qu'il y a une chose qui relève des normes:

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1 lorsqu'on crée une armée, on sait ce qu'un peloton, ce qu'une compagnie,

2 un bataillon, un régiment, une division doivent comporter; on sait de

3 quels types d'armement tel type d'unité dispose ou doit disposer. Et si

4 quelqu'un est soldat, sous les armes, donc dans une composition armée, il

5 est certain que ceux qui portent des armes portent des armes individuelles

6 donc au moins un fusil, qu'il s'agisse du fusil M48 ou d'un fusil

7 automatique ou semi-automatique. Cela, c'est une question qui doit être

8 analysée ultérieurement et à titre complémentaire.

9 Mais il est tout à fait certain qu'une brigade, dans sa composition

10 organisationnelle, devait sous-entendre un appui de puissance de feu avec

11 des mortiers et avec des explosifs d'un certain calibre. Donc, si l'on ne

12 s'était défendu qu'avec ces armes-là, donc des armes portatives, des armes

13 individuelles et avec peu de soutien de puissance de feu, eh bien, ils

14 auraient pu résister en attendant l'intervention de la communauté

15 internationale pour faire cesser le conflit.

16 Et je tiens à vous dire que les documents n'ont pas un grand poids

17 spécifique lorsque j'ai consulté. Mais, dans mon expertise, j'ai cité le

18 fait qu'il y a une photographie où l'on peut voir le type d'uniformes et

19 le type d'armements à la disposition des soldats musulmans à Srebrenica.

20 Croyez-moi bien que ce type d'armes; eh bien, l'armée de la Republika

21 Srpska n'en disposait pas. Il s'agissait de fusils automatiques tout à

22 fait modernes, il s'agissait de gilets pare-balles et ainsi de suite. Mais

23 soyez assurés que c'est un type d'armes qui inspirent la crainte.

24 Question: Général Radinovic, est-ce que les forces et les positions tenues

25 par la Forpronu avaient fait l'objectif d'attaques des forces serbes?

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1 Réponse: Non, pas du tout. Dans les documents que j'ai pu consulter pour

2 la rédaction de mon expertise, les positions de la Forpronu n'avaient pas

3 fait l'objet d'attaque. J'ai même pu voir, dans les documents des

4 commandements supérieurs à l'intention du Corps de la Drina, des ordres

5 explicites pour ce qui était de l'interdiction de faire l'objet d'attaque

6 de ces points de contrôle tenus par la Forpronu. Il est un fait que les

7 effectifs de la Forpronu et du Bataillon néerlandais avaient traversé les

8 lignes avancées des formations de combat du Corps d'armée de la Drina et

9 c'est derrière ces lignes serbes que ces effectifs ont trouvé abri pour ne

10 pas subir de pertes. Nous savons qu'un membre de ce Bataillon néerlandais

11 avait trouvé la mort, malheureusement, à Srebrenica. Heureusement, nous

12 n'avons aucun renseignement et aucun fait qui viendrait nous dire qu'il y

13 a eu d'autres victimes du côté du Bataillon néerlandais, occasionnées par

14 les effectifs serbes; et je dis heureusement.

15 Question: Comment évaluez-vous l'efficience de l'activité de la Forpronu

16 pour ce qui est des activités de combat?

17 Réponse: La Forpronu n'est pas intervenue au niveau des activités de

18 combat et c'est un fait; il n'est point besoin d'en parler davantage. Ses

19 unités ne sont pas intervenues contre les forces du Corps de la Drina qui

20 avaient lancé les attaques en direction de Srebrenica.

21 Toutefois, je crois qu'il faut souligner le fait que les autres forces de

22 la Forpronu non plus n'avaient pas été actives dans le sens d'une

23 obstruction éventuelle qui aurait pu relever le niveau de la crise autour

24 de Srebrenica. Je crois que, dans la réalisation de "Krivaja 95", le

25 système de la Forpronu aurait dû intervenir pour empêcher l'évolution,

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1 c'est-à-dire l'évolution, la conduite des activités par la suite; donc ils

2 devaient faire intervenir ces mécanismes qu'il avait à sa disposition pour

3 empêcher l'une et l'autre partie musulmane, et la partie serbe, de

4 poursuivre les combats. Mais comme on l'a dit, c'est une évaluation poste

5 festum. Je pense que la Forpronu avait à sa disposition des moyens

6 suffisants permettant d'empêcher le déroulement de l'opération en

7 question.

8 Question: Quelle avait été l'attitude de l'armée de la Bosnie-Herzégovine

9 à l'égard de la Forpronu ou plutôt à l'égard de la 28e Division? Quelle

10 était l'attitude de la 28e Division vis-à-vis de la Forpronu?

11 Réponse: Eh bien, la 28e Division avait une attitude ambiguë à l'égard de

12 la Forpronu. Je ne sais pas si c'est à juste titre ou pas, ils

13 s'attendaient que la Forpronu les protège à part entière, mais ils

14 n'étaient pas préoccupés du tout par le fait d'avoir eux-mêmes opéré des

15 actions de sabotage et de diversions dans les arrières du Corps de la

16 Drina.

17 Alors "Krivaja 95", en fait, est une conséquence directe des activités de

18 sabotage et de diversion à l'extérieur de l'enclave. Si cela n'avait pas

19 été le cas, il n'y aurait pas eu de "Krivaja 95"; tous les documents

20 l'indiquent d'ailleurs comme raison principale. Et puisque ces activités

21 de combat ont déjà eu lieu, les forces armées de la 28e Division musulmane

22 s'attendaient à ce que les armes sous contrôle de la Forpronu leur soient

23 remises. Il est probable que, dans l'évaluation des rapports ou de

24 l'attitude des forces musulmanes à l'égard de la Forpronu, il convient de

25 ne pas perdre de vue le fait que ces forces-là s'attendaient de la part de

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1 la Forpronu à bien plus que la Forpronu n'était en mesure de leur

2 accorder; ce qui a occasionné une certaine frustration au niveau des

3 forces musulmanes.

4 Je pense que cela est la conséquence et c'est peut-être la raison ou un

5 concours de circonstances malheureux qui a occasionné la perte de la vie

6 d'un soldat néerlandais. Mais il apparaît avec évidence que cette attitude

7 de la 28e Division à l'égard de la Forpronu avait été négative, à savoir

8 qu'il y a des traces écrites qui nous indiquent que des Musulmans avaient

9 même arraché des armes aux membres du Bataillon néerlandais de la

10 Forpronu. En d'autres mots, nous pourrions dire que l'attitude de la 28e

11 Division à l'égard de la Forpronu n'avait pas aménagé le type de relations

12 que l'on pourrait s'attendre à avoir d'une zone protégée. Et les membres

13 de la 28e Division n'ont pas respecté le régime mis en place et la

14 Forpronu ne les a non plus pas obligés à le faire.

15 M. le Président: Oui, Monsieur Cayley?

16 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, je m'excuse

17 d'interrompre le cours du témoignage. Je pense que vous devez savoir quel

18 est le type d'objection je vais faire.

19 Le témoin est en train de parler de la relation entre la 28e Division et

20 le Bataillon néerlandais. Il avait dit que les Musulmans s'attendaient à

21 être protégés, que ce type de relations n'avait pas été ce qu'il aurait dû

22 être.

23 Est-ce qu'il pourrait nous dire sur quoi il se fonde? Est-ce qu'il peut

24 identifier le témoignage ou les documents spécifiques qui pourraient nous

25 le démontrer?

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1 M. le Président: Oui, Professeur Radinovic. Oui, nous sommes à différent

2 niveaux d'analyse, de conclusion, comme vous pouvez imaginer. Conclusion,

3 supposez que nous avons une analyse derrière nous, est-ce que vous pouvez

4 au moins préciser quels sont les documents ou les faits ou les résultats

5 d'observations ou de conversations que vous avez faits, qui vous

6 permettent de tirer cette conclusion?

7 M. Radinovic (interprétation): L'assassinat de ce membre du Bataillon

8 néerlandais est, à mon avis, un fait qui témoigne de l'attitude

9 inacceptable de la 28e Division à l'égard du Bataillon néerlandais de la

10 Forpronu. C'est un fait qui nous illustre suffisamment la chose.

11 Je ne sais pas ce que vous vous voudriez de plus fort comme argument, si

12 ce n'est la mort d'un soldat qui est tout à fait innocent, qui est venu

13 pour protéger cette zone protégée et qui n'est pas venu là pour perdre sa

14 vie.

15 M. le Président: Témoin, mais les mauvaises relations dont vous avez parlé

16 entre la 28e Division et les forces de la Forpronu existent avant et

17 justifient la mort de ce soldat? Ou c'est à cause de la mort de ce soldat

18 que les mauvaises relations s'installent?

19 Comme vous le voyez, nous avons ici beaucoup de choses à éclaircir. Au

20 moins, je vous pose cette question.

21 Pour établir, pour dire que les relations entre la 28e Division et les

22 forces de la Forpronu étaient mauvaises ou n'étaient pas bonnes, il faut

23 avoir des raisons. C'est cela que M. Cayley vous a demandé. Quelles sont

24 les raisons, quelles sont les bases de connaissance ou d'expertise qui

25 vous permet de conclure cela? La mort de ce soldat, comme je vous ai

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1 expliqué, ne le démontre pas parce que votre réponse n'établit quand même

2 pas une relation d'avant ou après.

3 Je vois que M. Cayley est debout: il a quelque demande à faire, une

4 objection?

5 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, vous avez en fait

6 articulé le fond de ma pensée. Je n'ai donc plus rien à rajouter.

7 M. le Président: Donc, Témoin, vous avez entendu nos discussions. Est-ce

8 que vous pouvez répondre, s'il vous plaît?

9 M. Radinovic (interprétation): Oui. L'obligation fondamentale du Bataillon

10 néerlandais, en sa qualité de partie du mécanisme de la Forpronu, avait

11 consisté à assurer à un régime de zone protégée au sein de Srebrenica.

12 L'obligation principale de la 28e Division avait consisté à un respect de

13 ce régime. La 28e Division, comme on vient de le voir et de le prouver par

14 une série de documents, ici dans ce procès, n'a pas respecté ce régime.

15 Pour moi, c'est l'indicateur principal d'un comportement inacceptable de

16 la part de la 28e Division vis-à-vis de la tâche principale du Bataillon

17 néerlandais, qui consistait à assurer l'application du régime de la zone

18 protégée. En d'autres termes, il s'agissait de ne pas autoriser des

19 activités militaires en provenance de la zone protégée de Srebrenica vers

20 l'armée de la VRS. Donc l'attitude de ces forces-là à l'égard de la

21 Forpronu n'est pas ce qui importe dans cette situation-ci, mais je tiens à

22 dire que leur l'attitude n'avait pas été correcte vis-à-vis de leur

23 obligation principale pour ce qui concerne le respect du régime de la zone

24 protégée, conformément aux accords signés en avril et mai de l'année 1993.

25 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je me propose

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1 maintenant de poser quelques questions au témoin et d'abonder dans le sens

2 d'une réponse à ce sujet. Je voudrais aussi apporter une brève explication

3 à la Chambre.

4 Général Radinovic, est-ce que votre expertise se base entre autres sur le

5 briefing tenu par le ministère de la Défense néerlandais, à Srebrenica, au

6 niveau de son Bataillon de la Forpronu?

7 M. Radinovic (interprétation): Oui.

8 Question: J'ai ici le point 16.14 de ce document: est-ce qu'il est

9 question dans ce document de l'attitude de l'armée de la Bosnie-

10 Herzégovine à l'égard du Bataillon néerlandais, si vous en souvenez?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Monsieur le Président, je puis, si vous le permettez, citer le

13 document qui a déjà été d'ailleurs versé au dossier comme une pièce à

14 conviction du Bureau du Procureur. C'est pour illustrer ce que M. Cayley

15 avait demandé au témoin et le témoin n'arrive pas à se rappeler le

16 document.

17 Monsieur Butler avait été un témoin très précieux parce qu'il avait en

18 tête toute une série de renseignements. Je pense que notre témoin ici

19 présent s'est également préparé pour les témoignages, mais il y a deux

20 raisons pour lesquelles il ne peut répondre à toutes les exigences de M.

21 Cayley. A savoir d'abord, parce qu'il ne dispose pas de toutes les sources

22 utilisées auprès de soi et la deuxième raison, c'est qu'il n'arrive

23 probablement pas à se souvenir de mémoire, tout de suite, de tous les

24 renseignements ou de toutes les sources. Je sais par expérience qu'il

25 n'arrive pas toujours à se resituer d'où il a puisé un renseignement.

Page 7932

1 Si le Bureau du Procureur est d'accord, nous pouvons le faire

2 ultérieurement, par voie écrite, et appuyer certaines insertions par les

3 sources d'informations. Nous pouvons donc apporter une confirmation

4 ultérieure à toutes les assertions afin qu'il n'y ait pas affirmation sans

5 tout ce qui est logistique de cette assertion, si je puis m'exprimer

6 ainsi.

7 M. le Président: J'aimerais quand même bien ouvrir ce débat ici. De toute

8 façon, je vais demander la position de M. Cayley. Je crois qu'il y a une

9 façon de réagir si le témoin exprime son opinion, mais dit quels sont les

10 pas qui l'amènent à arriver à cette conclusion; après, nous aurons le

11 contre-interrogatoire du Procureur qui peut quand même prendre un peu plus

12 de temps parce qu'il faut éclaircir ce point. De toute façon j'aimerais

13 bien que M. Cayley réponde à cette proposition de la défense?

14 M. Cayley (interprétation): J'ai eu l'opportunité, Monsieur le Président,

15 de consulter M. Harmon, ce qui fait que le Bureau du Procureur parle d'une

16 seule voix. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé la chose et

17 nous ne voulons pas soulever le problème, mais nous demandons cela, tout

18 simplement, pour nous faciliter le contre-interrogatoire de façon

19 efficiente.

20 Parce que, si nous ne savons pas sur quoi le témoin fonde son opinion, il

21 nous sera extrêmement difficile de procéder au contre-interrogatoire parce

22 que nous allons avoir à demander ou à rechercher les sources

23 d'informations nous-mêmes, pour savoir en fonction de quoi le témoin a

24 tiré certaines de ses conclusions.

25 C'est la raison pour laquelle nous estimons que c'est une façon qui ne

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1 pourrait pas être acceptée pour ce qui est de la présentation de ce type

2 de ce témoignage. Parce que le témoin vient, témoigne, il est contre-

3 interrogé et, par la suite, la défense nous introduit un document écrit

4 qui vient abonder dans le sens des affirmations du témoin, en se référant

5 à certains documents. C'est ce qu'il faudrait faire à présent, pendant que

6 le témoin est ici; sinon, tout le procès devient inapproprié.

7 Mme Wald (interprétation): Je voudrais peut-être ajouter ce qui suit. Nous

8 devons quand même adopter, avoir une dose de souplesse pour ce qui est

9 d'un témoin expert. Comme vous le savez, dans certaines juridictions, y

10 compris la nôtre, le témoin expert ne doit pas toujours concrètement

11 indiquer de quelle façon il est arrivé à certaines conclusions et

12 présenter tous les documents.

13 En effet, je comprends votre position; il faut en effet que vous ayez une

14 idée de la façon dont le témoin est arrivé à certaines conclusions, mais

15 je crois me rappeler un ou deux exemples où nous avons posé des questions.

16 Les témoins, M. Butler et M. Ruez, avaient émis des opinions en fonction

17 de leurs enquêtes.

18 Je crois qu'il faut que nous disposions d'une certaine dose de souplesse.

19 Je crois que la crédibilité concernant l'opinion du témoin expert sera

20 jugée également en fonction des assertions concrètes qu'il a présentées.

21 Et plus les choses seront concrètes, plus je crois que le contre-

22 interrogatoire sera qualitativement meilleur.

23 Je ne voudrais pas dire que cela nous éloigne un peu de notre attention.

24 Il ne faut donc pas qu'à chaque fois qu'il dit une phrase, nous ayons à

25 nous pencher sur le rapport ou l'expertise. Ce que je souhaite entendre,

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1 c'est ce que veut dire ce témoin. Je crois que nous avons fait preuve de

2 suffisamment de souplesse lorsque ce sont les témoins de l'accusation qui

3 se sont présentés à la barre.

4 M. Riad (interprétation): Permettez-moi d'ajouter quelques mots à ce qui

5 vient d'être dit par le Juge Wald.

6 Bien sûr, les déclarations générales ont un poids, ont une valeur devant

7 ce Tribunal et, d'ailleurs, devant tout autre tribunal. Ce point doit être

8 apprécié par les Juges, mais il peut être difficile pour vous de procéder

9 au contre-interrogatoire d'une déclaration générale, sauf dans certaines

10 circonstances. Vous pouvez vous appuyer sur cette déclaration générale,

11 qui est disponible déjà actuellement, et, si vous le voulez, vous pourrez

12 demander que cette déclaration soit étayée par un document écrit par la

13 suite, si cela vous convient.

14 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je peux

15 répondre?

16 M. le Président: Vous parlez la même langue et les interprètes ont dû mal

17 à vous suivre. Vous parlez la même langue: donc les interprètes ont des

18 difficultés à vous suivre si vous ne faites pas de pause entre deux

19 conversations.

20 Maintenant, je crois qu'on peut reprendre. Excusez-moi, Monsieur Cayley,

21 allez-y!

22 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je me

23 permettrais, si vous le voulez bien, Monsieur le Président, de répondre

24 aux commentaires qui viennent d'être faits par les Juges de cette Chambre.

25 Je ne pense pas une seconde que chacune des affirmations du témoin doit

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1 être absolument appuyée par un document écrit ou par une référence à un

2 témoignage oral, mais nous en arrivons, nous le savons bien maintenant, à

3 des éléments qui vont être tout à fait importants par rapport à l'affaire

4 qui nous occupe. Donc, dès lors que le témoin parle d'un élément qui va au

5 cœur même de l'Acte d'accusation, j'aimerais, si cela est possible, qu'il

6 nous donne tout de même une référence documentaire à l'appui de ses

7 affirmations.

8 Par ailleurs, Monsieur le Président, je crois qu'au total, il y a quarante

9 notes en bas de page dans le rapport d'expertise de ce témoin. Si vous

10 regardez l'expertise de M. Butler, vous trouvez des centaines, des

11 centaines et des centaines de notes en bas de page à l'appui ce que dit

12 l'expert.

13 Pour ma part, je tiens à éviter d'irriter qui que ce soit dans ce prétoire

14 en intervenant de façon trop fréquente, mais je dis simplement que,

15 s'agissant d'affirmations tout à fait fondamentales, qui ont une

16 importance capitale dans le présent procès, il importe tout de même que ce

17 témoin nous apporte un fondement de sa déclaration. Sinon, il peut dire

18 simplement: "C'est une déduction personnelle que je fais, c'est une

19 conclusion personnelle que je tire".

20 Lorsqu'il a parlé, par exemple, des rapports de la 28e Division, il

21 s'agissait apparemment d'une conclusion qu'il avait tirée simplement d'un

22 fait unique; c'est sur la base de ce seul fait qu'il nous a dit tout ce

23 qu'il nous a dit au sujet de la relation entre la 28e Division et le

24 Bataillon néerlandais.

25 M. le Président: Oui, je crois que M. Cayley a amené un argument

Page 7936

1 important: c'est que, jusqu'à maintenant, c'était un peu l'encadrement de

2 toute cette histoire et nous arrivons au cœur de la question. Là, il faut

3 vraiment faire la distinction: ou le témoin donne son opinion personnelle,

4 ou le témoin donne son opinion d'expert. C'est-à-dire qu'il faut dire:

5 "J'ai manipulé, j'ai observé, j'ai vu ces documents et, de la lecture, de

6 l'analyse de ces documents, je tire cette conclusion".

7 Car là où nous allons avoir beaucoup de difficultés, c'est si nous allons

8 permettre au Procureur d'interrompre toujours la défense. C'est vrai que

9 le Procureur peut le faire dans le contre-interrogatoire, mais la base et

10 le principe pour son interrogatoire, c'est d'avoir l'information pour

11 tester son information sur la crédibilité du témoin.

12 Il faut dire -je fais une parenthèse- que, quand nous parlons de

13 crédibilité du témoin, c'est une question technique. Nous ne doutons pas

14 de vous, c'est seulement notre travail de tester la crédibilité du témoin.

15 Ce n'est pas une question personnelle.

16 Peut-être, Maître Visnjic, si vous guidez, il y a ici quelque chose

17 d'analogue aux questions inductrices. Nous sommes tous d'accord que nous

18 pouvons induire le témoin dans des zones, dans des matières qui ne sont

19 pas au cœur de la discussion et où il s'agit de faits, si je puis dire,

20 instrumentaires.

21 D'une certaine façon, ici, il faudrait que Me Visnjic prenne un peu la

22 direction de l'interrogatoire principal, c'est-à-dire aller aux questions

23 importantes et conduire le témoin peut-être. Car là, c'est vrai, si vous

24 laissez le témoin parler et parler et parler, bon, peut-être que le témoin

25 peut se situer dans ses positions personnelles et ne pas expliciter la

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1 base de sa connaissance.

2 Peut-être que, si Me Visnjic peut intervenir un peu plus maintenant, une

3 fois que nous sommes arrivés au cœur, notamment après une conclusion que

4 le témoin a donnée, vous pouvez demander: "Oui, merci beaucoup. Mais

5 dites-moi d'où tirez-vous votre conclusion?" Là, je crois que nous allons

6 éviter que M. Cayley… Je dois peut-être corriger: Monsieur Cayley, ce

7 n'est pas irritant que vous interveniez, non, c'est même toujours

8 bienvenu, mais nous allons éviter que M. Cayley ait besoin d'interrompre

9 fréquemment.

10 Etes-vous d'accord avec cette orientation d'aller peut-être un peu plus

11 aux côtés du témoin?

12 Mme Wald (interprétation): Je me sens dans l'obligation d'ajouter encore

13 quelques mots. Je crois qu'il importe que nous maintenions bien la

14 différence entre un témoin de fait et un témoin expert.

15 Un témoin factuel nous produit un certain nombre de documents; un témoin

16 expert, pour sa part, est cité ici précisément, car on estime qu'il

17 dispose de l'expérience et des connaissances académiques nécessaires pour

18 lui permettre d'exprimer un point de vue particulièrement intéressant.

19 Alors, supposons que le témoin ait dit: "En m'appuyant sur les événements

20 survenus à Srebrenica avant la prise de la ville, en m'appuyant donc sur

21 ces événements, j'ai acquis l'avis personnel… Après avoir étudié tous les

22 éléments de la guerre, que le rapport entre telle et telle formation

23 militaire était de telle et telle nature…", eh bien, si le témoin avait

24 dit cela, nous n'aurions peut-être pas été d'accord avec lui. Mais je

25 pense qu'il s'agirait d'une déclaration tout à fait crédible et légitime

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1 de la part d'un témoin expert qui n'est pas dans l'obligation de produire

2 des documents.

3 M. Cayley (interprétation): Je suis d'accord.

4 Mme Wald (interprétation): Oui, je ne suis pas irritée, mais je tenais à

5 souligner cette différence.

6 M. Cayley (interprétation): J'attends quelques instants pour les

7 interprètes.

8 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, c'est exactement ce

9 que je voulais dire. Si le témoin s'était exprimé dans ces termes, je ne

10 me serais jamais levé pour intervenir. S'il avait simplement dit: "En tant

11 que général, en tant que soldat de métier, sur la base de mon expérience

12 qui s'étend sur plusieurs années… Je n'ai pas de document particulier à

13 signaler, mais c'est mon avis d'expert", alors, tout aurait été parfait.

14 M. Riad (interprétation): Monsieur Cayley, j'aimerais vous rassurer.

15 J'aimerais que vous fassiez confiance au jugement de cette Chambre: quand

16 certaines choses ont une implication, nous connaissons l'implication en

17 question et, quand le témoin dit, par exemple, "que la 28e Division était

18 hostile vis-à-vis du Bataillon néerlandais, car un soldat a été tué", nous

19 savons de quoi il s'agit exactement. Nous savons quelle est la

20 conséquence, la répercussion de tout cela. Donc n'insistez pas sur les

21 répercussions.

22 M. Cayley (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Juge,

23 si je fais votre travail à votre place, mais c'est un fait qui a été

24 souligné par le Président de cette Chambre. Le fait constitué par le décès

25 de ce soldat a été évoqué par le Président de la Chambre qui a interrogé

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1 le témoin à ce sujet. Avant, apparemment, la chose ne s'appuyait sur rien.

2 L'affirmation du témoin ne s'appuyait sur rien.

3 M. Riad (interprétation): Nous pouvons tirer les mêmes conclusions.

4 M. Cayley (interprétation): Merci.

5 M. le Président: Il faut tenir compte que nous sommes vraiment devant un

6 témoin expert, ce que Mme Wald a dit, cela veut dire que, d'une certaine

7 façon, l'objet du témoignage n'est pas le fait mais c'est l'évaluation que

8 le témoin fait des faits. Etre un expert signifie cela à mon avis. Donc,

9 souvent, il est difficile de parler de l'évaluation sans avoir les faits

10 rattachés. Je crois que nous pouvons peut-être faire une solution de

11 compromis, si nous allons arriver à une affaire, un moment important du

12 point de vue de l'affaire. Donc il y a des opinions, oui. C'est l'objet du

13 témoignage, c'est l'évaluation, mais comme nous sommes ici pour juger des

14 faits, peut-être qu'il faut appuyer le jugement, si je peux dire,

15 l'évaluation sur les faits. Je demande donc à Me Visnjic de faire

16 attention à cela.

17 Je crois que nous avons dix minutes pour voir comment les choses vont se

18 passer. D'accord, allez-y donc, merci.

19 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le

20 permettez, j'aimerais dire encore quelques mots au sujet d'un aspect dont

21 il a été prouvé qu'il avait de l'importance par rapport à l'appréciation

22 de l'expertise de M. Radinovic.

23 Je me félicite d'avoir entendu M. Cayley évoquer l'expertise de M. Butler

24 et peut-être aussi de M. Dannat, même si celle de M. Dannat n'était pas

25 aussi détaillée que celle de M. Butler. Mais je dois dire que le Greffe de

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1 ce Tribunal n'a admis que 60 heures de travail pour la réalisation de la

2 présente expertise et je sais que le témoin que vous avez devant vous a

3 consacré beaucoup plus de 60 heures de travail à l'élaboration de ce

4 document. Excusez-moi, j'ai dit 60 heures et, en fait, je voulais dire 80

5 heures.

6 Compte tenu du nombre de documents transmis au témoin et du rythme de leur

7 arrivée entre les mains du témoin, il aurait fallu, pour obtenir

8 l'expertise que vous entendez actuellement, deux ou trois mois à M. Dannat

9 pour réaliser la sienne.

10 Donc il est difficile de répondre aux exigences du Procureur, compte tenu

11 de nos moyens matériels limités. Je comprends bien la situation du

12 Procureur, mais j'estime qu'il faudrait aussi que le Procureur tente de

13 temps en temps de voir la situation depuis notre perspective. Donc compte

14 tenu du grand nombre de documents et du rythme de transmission de ces

15 documents, j'estime pouvoir dire que le témoin que vous avez devant vous a

16 déployé des efforts tout à fait importants pour répondre aux exigences qui

17 lui étaient imposées par la Chambre et au délai qu'il était demandé de

18 respecter.

19 Je n'ai pas ici aujourd'hui l'intention de parler des possibilités qu'a ou

20 n'a pas le témoin de vous citer une source à l'appui de ses dires et de

21 vous citer cette source immédiatement. C'est pourquoi j'ai dit tout à

22 l'heure que, si nous ne pouvons pas obtenir la source immédiatement, je

23 vous demande tout de même d'aider le témoin à satisfaire aux exigences en

24 fournissant la source éventuellement un peu plus tard.

25 M. le Président: Je crois que nous avons besoin d'une pause maintenant: il

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1 est midi et ça tombe très bien, même dix minutes avant. Nous allons donc

2 faire une pause et, après, nous allons reprendre cette question.

3 M. Radinovic (interprétation): Monsieur le Président, puis-je dire

4 simplement deux phrases pour répondre aux remarques du Procureur?

5 M. le Président: Après la pause. D'accord?

6 M. Radinovic (interprétation): Peut-être serait-ce plus productif si je

7 pouvais dire ces phrases maintenant, si vous m'y autorisez. Je vous en

8 prie, Monsieur le Président.

9 M. le Président: Après la pause d'accord?

10 Nous allons revenir à 13 heures.

11 (L'audience, suspendue à 12 heures, est reprise à 13 heures.)

12 M. le Président: Professeur Radinovic, vous avez manifesté l'intention de

13 dire deux petits mots. Je m'excuse, mais je devais vraiment faire la pause

14 pour des raisons qu'il ne faut pas dire, c'était donc pour cela et je

15 conviens avec vous que c'était peut-être plus économique, pour maintenir

16 l'économie avant de recommencer.

17 Vous aviez quelque chose à dire à propos de la discussion que nous étions

18 en train de tenir?

19 M. Radinovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. C'est dans le

20 but d'éviter qu'une telle situation se reproduise que je vous demande à

21 présent l'autorisation de vous dire comment j'ai compris le rôle qui m'est

22 imparti dans la présente procédure.

23 Cette explication est sans doute indispensable. Je suis un expert

24 militaire qui s'occupe de synthèses stratégiques. Bien entendu, celles-ci,

25 je ne les élabore pas de ma propre initiative, mais en utilisant des

Page 7942

1 documents divers et variés que je compare les uns aux autres. Et j'appuie

2 mon analyse sur l'expérience que j'ai acquise au cours de nombreuses

3 années de spécialisation dans ce domaine.

4 Je ne suis pas un témoin du même type que l'était M. Butler. M. Butler

5 cite un nombre très important de documents dans son expertise, mais moi,

6 je ne suis pas un expert analyste comme il l'était. Je suis un expert qui

7 correspond davantage au type d'expert qu'était le général Dannat; c'est

8 ainsi que j'ai compris mon rôle.

9 Pour chacune des choses que je dis, je dispose bien sûr d'arguments

10 étayant mon propos, mais j'ajoute que, pour réaliser les synthèses qui me

11 sont demandées, il est absolument impossible d'appuyer chacune des

12 affirmations proférées sur un document particulier.

13 J'ai dit ici, dans ce prétoire, que j'avais acquis le sentiment qu'entre

14 la 28e Division et la Forpronu à Srebrenica, régnaient des relations qui

15 n'étaient pas satisfaisantes. Je suppose qu'il est suffisant pour moi

16 d'illustrer mon propos mais peut-être ne l'ai-je pas fait suffisamment.

17 Mais, bien sûr, j'ai des arguments à l'appui de mon propos, je dispose du

18 plan documenté de l'attaque prévue par le commandement musulman contre le

19 camp de la Forpronu, en novembre 1994. Je dispose également de tous les

20 éléments mentionnés au cours du debriefing où il est question des

21 relations qui existaient entre la 28e Division et le Bataillon néerlandais

22 de la Forpronu. Je dispose par ailleurs du témoignage d'un certain nombre

23 d'officiers néerlandais qui ont dit ignorer quelles étaient les forces en

24 présence, comment elles étaient structurées, quelle était leur

25 composition, de quelles armes ces forces disposaient. Il y avait deux

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1 armées sur ce territoire; or les soldats du Bataillon néerlandais ne

2 connaissaient pas les rapports entre ces deux armées, ce qui implique de

3 la façon la plus claire que les relations avec le Bataillon néerlandais

4 n'étaient pas satisfaisantes.

5 J'ai donc tiré de tout cela certaines conclusions. Mais je partais du

6 principe qu'ici, chacun était informé de la méthodologie que j'appliquais

7 pour tirer mes conclusions. Cette méthodologie est tout simplement

8 différente de celle qui a été utilisée par d'autres participants au

9 présent procès.

10 Donc, à partir de ce que je viens de dire, je me pose en faux par rapport

11 à ce qu'a dit Me Visnjic tout à l'heure. Je n'ai pas manqué d'éléments

12 pour mon expertise, j'ai eu suffisamment de temps à ma disposition en tout

13 cas. Donc je ne confirme pas ce qu'a dit la défense.

14 Les problèmes qui se posent ici, dans mon expertise, ne sont pas dus à un

15 manque de temps, mais sans doute au fait que les éléments étaient

16 particulièrement complexes à analyser. Je n'ai peut-être pas disposé des

17 éléments matériels suffisants.

18 M. le Président: Oui, Professeur Radinovic, nous avons bien entendu vos

19 explications. On va essayer de fonctionner dans ce schéma. Je crois, oui,

20 c'est vrai que vous avez eu beaucoup de temps; le problème c'est, selon Me

21 Visnjic, que le greffier ne vous a pas payé tout le temps que vous avez dû

22 dépenser. Mais de toute façon, vous êtes ici. Maître Visnjic va essayer

23 de…

24 Non, excusez-moi?

25 M. Visnjic (interprétation): Non, Monsieur le Président, peut-être ne nous

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1 sommes-nous pas bien compris: le problème n'était pas le paiement.

2 M. le Président: Quel est le problème maintenant si ce n'est pas un

3 problème de paiement? Allons-y. J'étais un peu… j'ai essayé… Non, ce n'est

4 pas un problème de paiement donc. Continuez.

5 M. Visnjic (interprétation): Non, Monsieur le Président, ce n'était pas là

6 que résidait le problème. Le problème était plutôt le nombre d'heures

7 nécessaires; en tout cas, c'est de cette façon que j'avais considéré le

8 problème. Mais le général vient de corriger ce que j'ai dit et il est sans

9 doute mieux à même de connaître la nature exacte du problème de son point

10 de vue.

11 M. le Président: Nous sommes en train de nous accorder sur un schéma. Vous

12 allez conduire, interroger le témoin dans l'interrogatoire principal.

13 Essayez, si possible, d'expliciter un peu quelle est la base de sa

14 connaissance, de ne pas perdre de vue que l'objet du témoignage, c'est

15 l'opinion, la révélation, car ce n'est pas un témoin de fait, et que le

16 Procureur aura l'opportunité dans son contre-interrogatoire de contre-

17 interroger le témoin, même sur la base de la connaissance.

18 Mais pour que le Procureur puisse au moins avoir, si je puis dire, le coin

19 du voile, il faut lui donner au moins quelques bases pour que le Procureur

20 puisse voir ce qu'il en est.

21 Allez-y maintenant. Vous pouvez continuer.

22 M. Riad (interprétation): Monsieur le Président, puis-je me permettre

23 d'ajouter quelques mots?

24 Général Radinovic, vous êtes professeur et la méthode que vous appliquez

25 vous appartient. D'ailleurs, je ne suis pas en train de dire que vous ne

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1 suivez pas une méthode particulière, mais quand on vous écoute, puis-je

2 vous demander de nous faciliter la tâche en nous disant où vous établissez

3 la ligne de démarcation entre les faits et vos déductions personnelles?

4 Par exemple, quand vous parlez de la 28e Division, vous connaissez un

5 certain nombre de faits et, quand vous dites qu'elle était hostile à la

6 Forpronu, moi, je considère qu'il s'agit d'un fait.

7 Ensuite, Me Visnjic vous a demandé d'élaborer un peu en donnant les motifs

8 de cette hostilité et vous avez dit que la 28e Division avait tué un

9 homme. Ce n'est plus un fait, c'est votre déduction personnelle. Je

10 l'admets tout à fait, mais pouvez-vous nous dire à ce moment-là: "Je

11 considère que ce fait était dû à la mort d'un homme"; dans ce cas-là, nous

12 savons exactement quel est le fait, la réalité et quelle est votre

13 déduction personnelle. Et nous n'avons plus à faire le travail de

14 distinction entre les deux.

15 M. Visnjic (interprétation): Général Radinovic, à quel moment les forces

16 du Corps de la Drina ont-elles réalisé les objectifs contenus dans le plan

17 "Krivaja 95"?

18 Réponse: Les forces du Corps de la Drina ont réalisé l'objectif contenu

19 dans le plan de l'opération "Krivaja 95" quand elles ont atteint l'axe

20 Kak/Alibegovac/Zivkovo Brdo, c'est-à-dire au moment où elles se sont

21 emparé des côtes en surplomb, des hauteurs qui surplombaient l'enclave. En

22 tout cas, c'est l'opinion que j'ai acquise à la lecture des documents qui

23 m'ont été soumis et en jugeant les événements survenus entre le 9 et 10

24 juillet.

25 Question: Quand la décision a-t-elle été prise d'étendre les objectifs de

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1 l'opération, c'est-à-dire de lancer une nouvelle opération destinée à

2 s'emparer de Srebrenica? Et qui a pris cette décision?

3 Réponse: Cette décision a été prise par la seule personne habilitée à

4 prendre une telle décision, c'est-à-dire le commandant suprême, à savoir

5 le Président de la Republika Srpska, qui agissait en tant que commandant

6 suprême des forces armées.

7 Question: Il s'est appuyé sur quoi?

8 Réponse: Il l'a fait sur la base de documents qui ont été transmis par

9 l'un des adjoints du grand quartier général de l'armée de la Republika

10 Srpska et qui annonçait que le Président de la République était d'accord

11 pour que les opérations se poursuivent jusqu'à l'entrée dans la ville de

12 Srebrenica. C'est un document qui date du 9 juillet au soir et qui émane

13 du grand quartier général à l'intention du commandement du Corps de la

14 Drina.

15 Question: C'est la pièce à conviction de l'accusation 423; je le dis à

16 l'intention de mes collègues du Bureau du Procureur.

17 Général Radinovic, combien d'effectifs de l'armée de la Republika Srpska

18 ont pénétré dans Srebrenica et que savez-vous de cet événement?

19 Réponse: Je suis dans l'incapacité de dire avec une totale exactitude quel

20 est le nombre des effectifs qui ont pénétré dans Srebrenica. Mais j'ai eu

21 la possibilité de voir une séquence vidéo où l'on montre des images du

22 commandant du grand quartier général, accompagné d'un certain nombre

23 d'officiers supérieurs qui pénètrent dans la ville de Srebrenica. A ce

24 moment-là, le nombre des soldats présents était limité.

25 On ne voit tout simplement aucune image de soldats armés, on ne voit pas

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1 d'équipements de combat. Donc je dis que je ne connais pas le nombre exact

2 des effectifs qui ont pénétré dans la ville mais, au vu de ces images,

3 j'en conclus que le nombre est limité et qu'il y en avait peut-être

4 quelques dizaines.

5 J'ai eu l'occasion de lire le livre du général Sefer Halilovic, qui a été

6 commandant en chef des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Dans son

7 ouvrage, il réagit à la situation qui prévalait à Srebrenica à ce moment-

8 là et il exprime le point de vue selon lequel le nombre de soldats serbes

9 qui ont pénétré dans Srebrenica était inférieur au nombre des responsables

10 de la sécurité du général Delic au congrès ou plutôt au séminaire organisé

11 par le parti SDA, à Tuzla. Il a dit, en toute responsabilité, que le

12 nombre des soldats qui ont pénétré dans Srebrenica était inférieur à 200.

13 C'est donc l'opinion exprimé par le général Halilovic et je suppose qu'il

14 avait la capacité de connaître le nombre exact de ses soldats.

15 Question: Les forces du Corps de la Drina ont trouvé qui dans Srebrenica,

16 quand elles y sont entrées?

17 Réponse: D'après les images de cette séquence vidéo que j'ai vue, j'ai

18 tiré la conclusion que les forces du corps de la Drina n'ont trouvé

19 personne a Srebrenica, à savoir Srebrenica était déserte.

20 Question: Où était, à ce moment-là, la population civile et où était la

21 Division d'infanterie, la 28e Division à ce moment-là? Avez-vous des

22 éléments à ce sujet?

23 Réponse: La population civile s'était regroupée dans la base de la

24 Forpronu à Potocari. Quant aux membres de la 28e Division, ils se

25 trouvaient aux alentours du village de Susnjari et du village de Jaglici;

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1 je vais le montrer ici, sur la carte, si vous le voulez bien.

2 (Le témoin s'exécute.)

3 Question: La retraite et le regroupement des forces de la 28e Division,

4 une fois qu'elles ont battu en retraite, comment se sont-ils effectués aux

5 environs du village de Susnjari? Et que pensez-vous de la façon dont cela

6 s'est fait?

7 Réponse: Ma conclusion, c'est que le retrait des forces de la 28e Division

8 hors de Srebrenica a commencé bien avant le regroupement de ces forces aux

9 alentours du village de Susnjari et de Jaglici, c'est-à-dire au niveau de

10 ce cercle bleu sur la carte. Donc c'est la conclusion que j'ai tirée. Mais

11 je demanderai aux Juges de cette Chambre de m'accorder leur confiance

12 quant à ce jugement, puisque je m'appuie sur la façon classique dont les

13 choses se font dans de telles circonstances.

14 Les parties en présence essaient de se séparer; elles essaient de créer

15 une situation dans laquelle la partie adverse ne va pas pouvoir s'emparer

16 de leurs positions de combat. A ce moment-là, pour obtenir, pour atteindre

17 cet objectif, elles doivent organiser une ligne de regroupement en

18 empêchant toute possibilité de contact entre les deux forces. C'est

19 seulement à partir de ce moment-là que les forces musulmanes pouvaient

20 partir vers Susnjari et Jaglici. Il s'agit d'un processus qui dure un

21 certain temps. C'est déjà un élément.

22 Le deuxième élément à prendre en compte, c'est que tout cela s'est passé

23 sur un territoire qui, à partir de la ligne de contact entre les deux

24 armées, et jusqu'à Susnjari, s'étend sur une dizaine de kilomètres.

25 Par ailleurs, il ne s'agissait pas d'une retraite de soldats individuels

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1 mais d'une retraite organisée d'un groupe important d'hommes. Et puis, les

2 lieux d'où venaient ces hommes étaient très divers. Donc il fallait les

3 regrouper en provenance de différentes positions, de différents endroits.

4 Un autre élément qui, à mon avis, est très important, un autre élément qui

5 me permet de dire que tout cela a commencé bien avant, c'est le fait qu'il

6 n'y a pas eu de prise de prisonniers parmi les membres de la 28e Division

7 à Srebrenica ou aux alentours immédiats de Srebrenica. Ce qui signifie que

8 la 28e Division a commencé sa retraite un jour, ou un jour et demi avant.

9 Donc il est tout à fait certain que c'est le 10 que la retraite de la 28e

10 Division a commencé.

11 D'ailleurs, il y a encore un fait qui me conduit à tirer cette conclusion;

12 je pense que ce fait est important. Le 9 juillet, nous voyons la première

13 initiative des représentants de la population civile de Srebrenica qui

14 demandent à entrer en contact avec les représentants de l'armée de la

15 Republika Srpska pour parler de la sortie de la population civile de

16 Srebrenica. Je ne pense pas que les représentants de la population civile

17 de Srebrenica auraient demandé un tel contact avec les membres de la VRS

18 si la Division qu'ils représentaient, c'est-à-dire la 28e Division, était

19 au contact et était capable de se battre avec toute la fermeté nécessaire

20 pour défendre les abords immédiats de Srebrenica à ce moment-là.

21 Voilà donc les faits sur lesquels je fonde ma conclusion.

22 Question: Cette retraite de la 28e Division aurait-elle pu s'effectuer le

23 jour même de la capture de la ville?

24 Réponse: Non, elle n'aurait pas été possible à ce moment-là pour une

25 raison très simple: à savoir que, compte tenu de la dimension de l'espace

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1 encerclé et si cette décision n'avait pas été prise à l'intérieur de la

2 28e Division, ce qui serait arrivé, c'est que certains éléments de la 28e

3 Division, c'est-à-dire les éléments qui étaient directement au contact de

4 la partie ennemie, adverse se seraient vus eux-mêmes encerclés ou

5 détruits. Et puisque cela n'a pas eu lieu, je suppose que cette retraite a

6 été réalisée dans les délais nécessaires, de façon organisée, c'est-à-dire

7 qu'elle a eu lieu dans la journée du 10.

8 Et voilà les éléments qui me permettent de penser que cette opération de

9 retraite a duré un jour ou un jour et demi.

10 Question: Général Radinovic, passons maintenant, si vous le voulez bien, à

11 un autre aspect des événements puisque, d'après les événements survenus,

12 nous pouvons déterminer un certain nombre de thèmes a discuter.

13 A partir du moment où les unités du Corps de la Drina pénètrent dans la

14 ville de Srebrenica, un certain nombre de problèmes opérationnels se

15 posent du point de vue militaro-stratégique. Pouvez-vous nous dire quels

16 étaient ces problèmes?

17 Réponse: Oui. Pour la partie musulmane, cela impliquait la nécessité de

18 retirer les membres de l'unité d'infanterie de la 28e Division de

19 l'endroit où ils se trouvaient. Autrement dit, il fallait regrouper ces

20 soldats, il fallait vérifier quelle était la situation du moment, dans

21 quel état étaient les forces en question, et décider de ce qu'il convenait

22 de faire par la suite et de la direction à prendre. Donc il fallait

23 trouver un système de commandement, un système de direction qui devait se

24 regrouper à un certain endroit pour décider de la suite des événements.

25 La question qui se posait devrait être de déterminer si les éléments

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1 suivants à mettre en œuvre, dans le cadre du plan, pouvaient être mis en

2 œuvre ou pas. Mais en tout cas, il fallait que les niveaux supérieurs de

3 la hiérarchie du commandement puissent avoir un rapport avec les

4 commandements des éléments de niveau hiérarchique inférieur, de façon à

5 s'entendre sur une direction physique à prendre et un certain nombre de

6 décisions. C'était donc un problème tout à fait important que les

7 dirigeants de la partie musulmane ont dû prendre à Srebrenica, après la

8 pénétration des éléments de l'armée de la Republika Srpska à l'intérieur

9 de la ville.

10 Et puis il y avait un problème encore plus grave qui consistait à

11 déterminer ce qu'il fallait faire de la population civile regroupée aux

12 abords de la base de la Forpronu à Potocari et même à l'intérieur de la

13 base de la Forpronu. C'était donc là un problème humanitaire multiple

14 présentant des aspects très divers et qu'il fallait également régler.

15 Pour la partie serbe maintenant, le problème qui se posait consistait,

16 compte tenu des exigences du représentant du pouvoir civil de Srebrenica,

17 à déterminer comment garantir et organiser le départ de la population

18 civile.

19 En effet, certains civils mais aussi des représentants des Nations Unies

20 avaient déjà entamé l'organisation du départ de la population. Nous avons

21 le télégramme de M. Akashi, envoyé le 11 aux Nations Unies et qui traite

22 du problème du départ de la population civile de Srebrenica. Le commandant

23 du Bataillon néerlandais, lui aussi, lors de la réunion à l'hôtel Fontana,

24 demande aux représentants de l'armée de la Republika Srpska d'organiser le

25 départ de la population. Donc le départ de la population civile de

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1 Srebrenica était un problème.

2 Et le deuxième problème consistait à déterminer où se trouvaient les

3 éléments de la 28e Division et quelles étaient leurs intentions et que

4 devait faire le Corps de la Drina par rapport à ces éléments de la 28e

5 Division avec lesquels, à l'évidence, le Corps de la Drina n'avait plus de

6 contact direct sur le plan militaire, n'était plus en contact sur le plan

7 militaire.

8 Question: Général Radinovic, le déplacement de la population civile était-

9 il un élément prévisible dans cette opération?

10 Réponse: D'après ma façon de voir la situation, le déplacement de la

11 population civile n'était pas un élément prévisible.

12 Question: Le déplacement de la population civile était-il un objectif

13 opérationnel souhaité par l'armée de la Republika Srpska?

14 Réponse: Le déplacement de la population civile de Srebrenica ne pouvait

15 pas être un objectif opérationnel souhaité par l'armée de la Republika

16 Srpska. Et sur quoi est-ce que je m'appuie pour dire cela? Toute armée, si

17 elle souhaite se comporter de façon rationnelle, elle utilise tous les

18 moyens autorisés à sa disposition pour limiter le potentiel géographique

19 de l'adversaire. Ce qui signifie que ce n'était pas bon pour l'armée de la

20 Republika Srpska de voir arriver une dizaine de milliers de combattants

21 supplémentaires sur le front de Tuzla. Cela, à l'évidence, aurait été tout

22 à fait contraire à la rationalité, à la raison.

23 Donc ce qui aurait été le plus satisfaisant pour les représentants de

24 l'armée de la Republika Srpska, c'était que la population civile reste

25 dans Srebrenica, mais ne puisse pas agir sur le plan militaire. C'était

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1 cela qui était souhaité et, d'ailleurs, je pense que l'objectif limité

2 consistant à établir un contrôle sur la ville de Srebrenica était associé

3 à l'objectif de désactiver la population civile.

4 Question: Je demanderai à l'huissier de montrer au témoin la pièce à

5 conviction de l'accusation 404; il s'agit des notes en bas de la page 73.

6 Je demanderai également à ce qu'il prépare la pièce à conviction de

7 l'accusation n°39A et B.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 Général Radinovic, d'après votre connaissance des choses, qui était le

10 premier à prendre l'initiative du déplacement de la population civile de

11 la base du Bataillon hollandais de Potocari?

12 Réponse: D'après mon évaluation, la première personne ayant commencé cette

13 initiative de déplacement de la population civile était le Président,

14 c'est-à-dire la personne qui a signé le document, c'était le Président

15 Osman Suljic. Il s'agissait d'un document émanant du 9 juillet 1995 et il

16 a été signé à 19 heures.

17 Le président Suljic, le président de la présidence, M. Suljic s'est

18 adressé et je vais essayer de paraphraser le document: "Puisque l'armée

19 des agresseurs était entrée vers 18 heures à l'intérieur de la ville,

20 depuis le Zeleni Jadar, et que notre commandement était en démantèlement,

21 ainsi que les membres de la 28e Division n'étaient plus en mesure de faire

22 quoi que ce soit pour empêcher les agresseurs de pénétrer à l'intérieur de

23 la ville, étant donné qu'il y a un chaos et que la panique totale règne,

24 alors la seule chose qui pouvait être faite, c'est de sauver la population

25 urbaine et qu'au niveau des organes de la Bosnie-Herzégovine, il est

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1 absolument important d'arranger une réunion avec le côté des agresseurs

2 serbes dans le but de trouver un corridor afin de pouvoir déplacer la

3 population civile jusqu'au premier territoire libre de Bosnie-Herzégovine

4 sous le contrôle des facteurs internationaux. Nous demandons donc une

5 réponse urgente et, au plus tard, jusqu'à 24 heures". C'est le document

6 qui a été signé par le président de la présidence.

7 Question: Si l'on place le document dans le contexte lorsque l'attaque sur

8 la ville Srebrenica a été faite?

9 Réponse: Ce document avait été confectionné avant que l'ordre ne soit

10 donné à ce qu'il y ait pénétration dans la ville de Srebrenica.

11 Question: Je demanderai à l'huissier de montrer au témoin la pièce à

12 conviction de l'accusation 39;, il s'agit de la page 9 pour le texte en

13 BCS et le texte en anglais.

14 Monsieur le Président, il s'agit d'une transcription de la bande vidéo que

15 nous avons vue ici à plusieurs reprises. Il s'agit de cette première

16 réunion qui a eu lieu entre le général Mladic et le commandant Karremans.

17 Général Radinovic, je demande à l'huissier de placer la page n°9 sur le

18 rétroprojecteur, c'est-à-dire ici. En fait, il s'agit d'une traduction

19 combinée entre la langue BCS et la langue anglaise. Il s'agit de la page 8

20 et de la page 9 en l'occurrence. Vous pouvez peut-être donner à la Chambre

21 un petit survol de la conversation qui a eu lieu entre ces deux personnes?

22 Réponse: Il s'agit de la conversation qui a eu lieu entre le lieutenant-

23 colonel Karremans et le général Mladic. Le colonel Karremans a dit, par

24 l'entremise des interprètes, qu'il y avait beaucoup d'armes à l'intérieur

25 de l'enclave. Par la suite, il dit que ces armes ont été passées en

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1 contrebande à l'extérieur de l'enclave; et il dit que cette information

2 avait été donnée à plusieurs reprises aux supérieurs de Tuzla et de

3 Sarajevo. Il a essayé de communiquer cette information. Il dit que c'est

4 parce que le Bataillon néerlandais ne se sentait pas en mesure de fermer

5 l'enclave ni de contrôler l'enclave complètement, d'assurer le contrôle

6 entier de l'enclave…

7 C'est un peu difficile à suivre puisqu'il s'agit d'une traduction

8 combinée, donc bilingue, sur la page. Donc la population: il représente la

9 population; il dit qu'il n'est pas en mesure parce qu'il y a eu beaucoup

10 de demandes faites. Il dit qu'il n'est pas en mesure de demander quoi que

11 ce soit. Le commandement de Sarajevo a dit que l'enclave a été perdue,

12 donc il s'agirait de suivre la demande de déplacement de la population

13 civile et le lieutenant-colonel Karremans demande à ce que cela soit fait.

14 Question: Général Radinovic, est-ce qu'il vous est arrivé, à quelque

15 moment que ce soit, dans quelque document ce que ce soit, dans la VRS ou

16 dans quelque activité que ce soit avant le 11, c'est-à-dire avant les 23

17 heures du soir, est-ce que vous avez trouvé quelque trace que ce soit

18 qu'il y avait eu un plan afin d'évacuer la population civile de

19 Srebrenica?

20 Réponse: Non, je n'ai vu aucune trace d'un tel document, qui pourrait

21 démontrer qu'un tel plan aurait été planifié. Donc quiconque du

22 commandement de la VRS du quartier général ne s'attendait à ce que cela

23 n'arrive.

24 Question: Si jamais il y avait eu une planification, si jamais on avait

25 planifié le déplacement de la population civile de Srebrenica, est-ce

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1 qu'on aurait pu avoir, est-ce qu'on aurait pu entrevoir des éléments de ce

2 plan dans le cadre de "Krivaja 95"?

3 Réponse: Je serais tout à fait d'accord avec les conclusions du Gal

4 Dannat: il s'agit donc de la partie de son expertise où il parle du fait

5 que le déplacement ou l'évacuation de la population civile était une

6 action compliquée et qu'elle comprenait un plan généralisé, depuis le

7 déplacement, la sécurisation c'est-à-dire la sécurité d'établir également

8 des installations sanitaires pour ces personnes. Donc c'est un plan

9 généralisé. Je suis tout à fait d'accord avec lui à ce niveau-là.

10 Par contre, j'ajoute qu'un tel plan aussi général, aussi large n'aurait

11 pas pu être élaboré ni fourni au Corps de la Drina pour que ce dernier

12 soit mis en place sans que ces documents ne sortent à la surface. C'est-à-

13 dire que je trouve qu'il est complètement incompréhensible, je ne peux pas

14 croire que cela peut être un plan aussi détaillé, avec un nombre de

15 documents assez important. Et il aurait été très important d'inclure un

16 grand nombre d'intervenants pour cette opération et que le tout demeure

17 complètement caché des personnes ou des yeux des personnes qui auraient dû

18 savoir cela.

19 Cela veut donc dire, en ce qui est des documents d'élaboration de plan

20 pour "Krivaja 95", qu'on aurait dû trouver quelque chose, quelques

21 éléments de cela dans la condition où c'était une action planifiée et que

22 cela aurait été une conséquence de l'opération "Krivaja 95".

23 Personnellement, je n'ai rien trouvé de la sorte et, en me basant sur

24 cela, je peux conclure que les personnes qui ont planifié "Krivaja 95"

25 -cela veut dire le commandement du Corps de la Drina- ne s'attendaient

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1 donc sûrement pas à ces conséquences.

2 Question: Je demanderais à l'huissier de montrer au témoin, c'est-à-dire

3 de préparer la pièce à conviction D154 du Bureau du Procureur, la pièce

4 404. Il s'agit des notes en bas de page 45, des notes en bas de la page

5 125, 126, 127 et 128.

6 Général Radinovic, ces premières actions qui auraient pu être considérées

7 comme étant les premières activités de déplacement de la population civile

8 de Potocari, à quel moment pouvons-nous placer ce mouvement?

9 Réponse: D'après les documents que j'ai pu lire, j'ai trouvé les premières

10 traces qui se rapportent au déplacement de la population civile, je les ai

11 trouvées dans les documents qui dataient du 11 au soir; c'était donc après

12 la rencontre à l'hôtel Fontana qui a eu lieu entre les représentants du

13 Bataillon néerlandais et les représentants de la VRS. Donc les documents

14 qui se rapportent à cette action ont été intensifiés ou se sont

15 intensifiés plutôt le 12; je parle ici de la demande du commandant du

16 Corps de la Drina d'avoir des véhicules.

17 Question: Je crois que l'huissier va vous montrer les documents?

18 (L'huissier s'exécute.)

19 Réponse: Le commandement du Corps de la Drina en date du 12 juillet 1995,

20 le commandant s'adresse à ses subordonnés, ses brigades subordonnées:

21 d'abord la Brigade Zvornik, ensuite à la 1e Brigade de Bratunac, à la 2e

22 Brigade de Romanija, la 1e brigade de Bircani, à la 1e Brigade de Milici

23 et à la 5e Brigade de Podrinje. Dans cette demande, il ordonne que tous

24 les autobus disponibles et tous les minibus disponibles, qui appartiennent

25 aux unités de l'armée de la VRS, soient placés à l'utilisation du

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1 commandement du Corps de la Drina, en date du 12 juillet 1995. Ces autobus

2 doivent être donc emmenés au centre sportif de Bratunac, au plus tard à 16

3 heures 30. Ces autobus doivent donc passer par Vlasenica, c'est-à-dire

4 qu'on doit les emmener par la station d'essence de Vlasenica.

5 Question: Je ne voudrais pas entrer dans les détails mais j'aimerais que

6 vous nous fassiez un commentaire sur le document 154, qui est le même

7 document, mais qui nous provient d'autres sources. Il s'agit de la pièce à

8 conviction de l'accusation 404: des notes en bas des pages 125, 126, 127

9 et 128. Je demanderais à l'huissier de montrer l'un de ces documents qui

10 se ressemblent, en fait qui ont un contenu assez semblable, de nous

11 montrer ce document sur le rétroprojecteur, simplement pour pouvoir

12 comparer ou donner un exemple.

13 (L'huissier s'exécute.)

14 Réponse: J'ai déjà lu ce document. Il s'agit du même document: "Zivanovic

15 donne l'ordre pour le 12 juillet". En fait, c'est un document complètement

16 identique.

17 Question: Pourriez-vous seulement nous apporter quelques commentaires sur

18 les deux autres documents? Il s'agit en fait de trois documents qui

19 émanent du Bureau du Procureur -404- et il s'agit des notes en bas de

20 pages 126, 127 et 128.

21 Réponse: Oui, il y a le secrétariat de la défense de Zvornik qui, en se

22 basant sur la demande du grand quartier général de la VRS, en date du 11

23 juillet, concernant la mobilisation des autobus, s'adresse et demande que

24 tous les autobus soient mobilisés, tous les autobus disponibles de la

25 municipalité de Zvornik soient mobilisés, les autobus de Visegrad,

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1 Vlasenica, Milici, Bratunac également; et s'il est nécessaire, il faudrait

2 également mobiliser les autobus des autres municipalités. Il y a une

3 demande pour que tous les autobus avec leurs chauffeurs se présentent à

4 Bratunac, au centre sportif. C'est donc la demande du ministère.

5 Nous avons donc la demande faite par le commandant du Corps de la Drina

6 envers ces brigades, que tous les autobus qui appartiennent à l'armée

7 soient mobilisés. Nous avons également la demande du secrétaire du

8 ministère de la Défense qui s'adresse aux organes municipaux et demande

9 une mobilisation de ces autobus, en s'appuyant sur la demande du grand

10 quartier général de la VRS.

11 C'est-à-dire que, ce jour-là avant midi, de plusieurs différentes sources

12 -si vous permettez que je m'exprime ainsi-, c'est donc une question de

13 panique presque qu'on a demandé que les autobus soient mis en

14 disponibilité pour procéder au déplacement de la population civile.

15 Question: A quel moment est-ce que ce déplacement de la population civile

16 a débuté?

17 Réponse: D'après les documents militaires, le commandant Zivanovic, le

18 commandant du Corps qui émane également du ministère de la Défense, nous

19 pouvons conclure que le déplacement de la population a commencé le 12,

20 dans l'après-midi. En nous basant sur le document que j'ai voulu examiner,

21 cette action s'est terminée le 13, donc avant 19 heures 30.

22 Question: Quelles étaient les activités du mécanisme des Nations Unies

23 concernant le déplacement de la population civile?

24 Réponse: Dans le pire des cas, le Bataillon néerlandais était présent; il

25 avait accepté la population civile dans la base de Potocari et aux

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1 alentours de la base également. Et, étant donné que le Bataillon

2 néerlandais avait tel rôle, avait le rôle d'assurer la sécurité dans la

3 zone de sécurité, cette responsabilité était quand même assez importante

4 pour ce dernier. Je n'essaie pas d'évaluer la façon dont ils s'y sont pris

5 mais je dis que c'est vraiment un rôle très important qu'ils avaient à

6 jouer ici.

7 Ensuite, il y avait également d'autres mécanismes des Nations Unies. Si

8 vous me permettez de m'exprimer ainsi, je crois qu'ils n'ont pas été très

9 responsables envers certaines normes problématiques qui, tout d'un coup,

10 ont surgi dans les quelques jours qui ont suivi. Je crois personnellement

11 qu'on n'aurait pas dû permettre que l'on s'en tienne au télégramme que M.

12 Akashi a envoyé à New-York, au Conseil de sécurité. Il aurait dû trouver

13 une façon de se trouver sur place et, si ce n'était pas lui, dans tous les

14 cas, il aurait fallu qu'il envoie un de ses hommes, un émissaire ou une

15 personne habilitée à le représenter.

16 De plus, je crois que M. Bildt aurait dû également se trouver sur place.

17 Cela vaut également pour le commandant de la Forpronu, pour la Bosnie-

18 Herzégovine, le général Smith. Je ne peux pas m'expliquer la raison pour

19 laquelle il ne s'est pas présenté sur place, que toute cette machine des

20 Nations Unies soit engagée autour de cet énorme problème qui a surgi au

21 moment où ce problème est survenu. Je crois que cette action aurait été

22 faite sans aucune conséquence, comme on les a vues plus tard, ou au moins

23 le tout aurait été fait d'une façon beaucoup plus organisée et en

24 subissant beaucoup moins de conséquences.

25 Question: D'après la documentation que vous avez pu examiner, qui a trait

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1 à la période qui a suivi le déplacement de la population, est-ce que vous

2 avez trouvé des passages dans lesquels on parle de l'irrégularité du

3 déplacement de la population? J'entends ici, je parle des documents des

4 Nations Unies et de certains organes.

5 Réponse: Oui, certainement. J'ai pu rencontrer des passages de ce genre-là

6 dans le document émanant du Secrétaire général des Nations Unies. Il en

7 est question, car il dit qu'il y a eu certaines irrégularités. Dans les

8 expertises des membres du Bureau du Procureur, il en est question

9 également. Il en est également question dans toutes les études que j'ai pu

10 examiner pour faire mon rapport sur Srebrenica et les auteurs de ces

11 derniers sont les Musulmans, c'est-à-dire les membres de la population

12 musulmane; donc les auteurs musulmans parlent du fait qu'il y a eu

13 également des irrégularités. Il n'y a absolument aucune raison pour que je

14 ne crois pas que ces irrégularités ont bien eu lieu.

15 Question: Général Radinovic, est-ce que vous pourriez nous dire s'il y a

16 un autre exemple de déplacement? Pouvez-vous nous parler d'un autre

17 exemple de déplacement de la population civile, par exemple, en ce qui a

18 trait à la guerre civile de Bosnie-Herzégovine, à part cet événement à

19 Srebrenica?

20 Réponse: Malheureusement, il y a un déplacement de la population civile.

21 C'est une conséquence permanente qui a découlé de la guerre civile en

22 Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire qu'à chaque fois qu'une armée établissait

23 le contrôle sur une partie du territoire, tous ceux qui ne considéraient

24 pas cette armée comme étant la sienne, quittaient le territoire ou

25 partaient. Donc le déplacement ou l'évacuation de la population,

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1 malheureusement, est toujours une conséquence, a toujours été une

2 conséquence de la guerre en Bosnie-Herzégovine, de cette guerre civile.

3 Il y a quelques exemples pour appuyer cette thèse. Par exemple, dans la

4 vallée de la Neredva, en incluant Mostar en tant que grande ville de l'ex-

5 Yougoslavie, toute la population serbe a été déplacée, de Capljina jusqu'à

6 Fojnica. Les Croates de la Bosnie centrale ont également fait l'objet de

7 déplacements, et ce, avec escorte de l'armée de la VRS. Le déplacement de

8 la Bosnie centrale était la conséquence des actions musulmanes. L'armée

9 civile a aidé la population à se déplacer sans de plus graves

10 conséquences.

11 Il y a également eu des déplacements de population musulmane en 1993:

12 depuis Srebrenica, 10000 personnes, 10000 Musulmans ont été également

13 évacués ou déplacés. Et, comme vous le savez, de Sarajevo, à la fin de la

14 guerre, toute la population serbe a quitté cette ville.

15 Donc, malheureusement, nous pouvons dire sans aucune ambiguïté, nous

16 pouvons tirer la conclusion que le déplacement d'une population civile,

17 quand il y a des activités de combat, n'est pas spécifique, n'est pas

18 propre à Srebrenica mais c'est une conséquence directe des guerres

19 civiles. Je parle encore de guerre civile comme l'était la guerre en

20 Bosnie-Herzégovine.

21 Question: A la fin, pour terminer, Général Radinovic, comment pouvez-vous

22 évaluer le déplacement qui a eu lieu le 12 et le 13 juillet 1995, à

23 Srebrenica? Pourriez-vous dire qu'il s'agissait d'une opération planifiée,

24 d'une opération ad hoc? Quel était le genre d'opération?

25 Réponse: Quand je me penche sur les initiatives qui ont été données pour

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1 le déplacement de la population, quand je regarde les documents, quand

2 j'examine les documents qui m'ont été mis à disposition pour évaluer cette

3 dernière, quand tous les documents qui démontrent que ce problème devait

4 être résolu, tous ces documents qui ont été émis le 12, au matin, je crois

5 qu'il s'agit vraiment d'une opération ad hoc, c'est un problème ad hoc qui

6 a surgi à ce moment-là. C'était vraiment une conséquence complètement non

7 planifiée de l'opération "Krivaja 95"; donc c'est une conséquence qui n'a

8 pas été planifiée préalablement.

9 C'est pourquoi cette opération n'a pas pu être planifiée auparavant,

10 préalablement, élaborée préalablement non plus. Et on n'a pas pu la mener

11 d'une façon efficace, justement parce qu'il s'agissait d'une opération ad

12 hoc. Cette opération a été menée avec de grands manquements qui ont été

13 commis; nous pouvons trouver des documents là-dessus.

14 Question: Monsieur le Président, ayant en vue notre calendrier d'hier, il

15 serait peut-être bon de procéder à une pause?

16 M. le Président: Oui, nous allons diviser en deux parties. Comme nous

17 avons déjà eu une pause de 20 minutes et une heure, nous allons faire

18 maintenant une pause d'un quart d'heure.

19 (L'audience, suspendue à 13 heures 52, est reprise à 14 heures 10.)

20 M. le Président: Oui, Maître Visnjic, vous pouvez continuer jusqu'à 15

21 heures.

22 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 Général Radinovic, devant cette Chambre, on a présenté bien des

24 témoignages et nous avons vu des éléments de preuve, des enregistrements

25 vidéo nous parlant de la séparation d'hommes en âge de combattre à

Page 7964

1 Potocari, en date du 12 et 13 juillet 1995. Pensez-vous qu'il s'agisse

2 d'un acte légitime que de vérifier l'identité des hommes en âge de

3 combattre?

4 Réponse: Oui, j'estime qu'il est tout à fait légitime de procéder à une

5 vérification de l'identité des hommes. Et pourquoi l'affirmé-je? Eh bien,

6 à Srebrenica, avait son siège la 28e Division de l'armée de la BiH, qui,

7 comme toute armée, était partie belligérante. A l'époque des débuts de la

8 guerre en Bosnie-Herzégovine, et allant jusqu'à l'opération de Srebrenica,

9 l'armée de la Republika Srpska disposait de renseignements concernant un

10 certain nombre de membres de la 28e Division ayant commis des crimes.

11 Le commandement de la Brigade de Bratunac, notamment, disposait d'une

12 liste de gens membres de la 28e Division, pour lesquels on avait affirmé

13 qu'il s'agissait de criminels de guerre. Et cette liste-là avait été

14 confiée à l'état-major, à savoir au commandement du Corps d'armée de la

15 Drina. Il était tout à fait normal donc de vérifier si, parmi cette

16 population civile de Potocari et des environs de Potocari, l'une

17 quelconque de ces personnes figurant sur cette liste de criminels de

18 guerre s'y trouvait.

19 Question: Les représentants de la Forpronu avaient été informés, lors de

20 cette activité, de cette action lors des deux réunions en date du 11 et du

21 12, ou plutôt je m'excuse du 12 et du soir du 12 et du jour suivant?

22 Réponse: Oui, le commandant du grand état-major à cette réunion avait

23 communiqué la chose directement au commandant de la Forpronu.

24 Question: Général Radinovic, je me propose de passer à un autre sujet

25 maintenant, à savoir le retrait, la percée opérée par la 28e Division.

Page 7965

1 Vous nous avez déjà dit que les effectifs de la 28e Division s'étaient

2 rassemblés au niveau du village de Susnjari et la Chambre dispose déjà de

3 suffisamment de preuves à ce sujet pour ce qui est de la date du 11. Quand

4 ces forces-là ont fait leur apparition à la périphérie de l'enclave, où

5 ces effectifs ont-ils été amenés?

6 Réponse: Il y a deux faits qu'il convient de prendre en considération pour

7 ce qui est de la date de leur apparition. Il est indubitable de dire que,

8 le 11, ces effectifs-là s'apprêtaient à opérer une percée. Partant des

9 rapports présentés par le commandant du grand de l'état-major de la

10 Brigade de Zvornik, qui remplaçait le commandant de la brigade à ce

11 moment-là -et ce commandant se trouvait à Zepa à ce moment-là-, ce rapport

12 est daté du 13 juillet. Donc, ce 13 juillet, le chef d'état-major de la

13 brigade de Zvornik, commandant par intérim, envoie un rapport au

14 commandement du Corps de la Drina où il fait savoir à celui-ci qu'il avait

15 eu des informations concernant le déplacement de cette colonne vers sa

16 zone de responsabilité. En d'autres termes, j'en déduis que s'il a envoyé

17 ce rapport le 13, c'est qu'il l'avait su au moins le 12 dans la nuit. Et

18 des contacts ont déjà forcément eu lieu ce jour-là et, déjà le 13, il y a

19 eu un contact de combat.

20 Question: Avez-vous des renseignements concernant les effectifs dont il

21 s'agissait? De quels effectifs de la 28e Division il s'agissait? Quelle

22 était l'ampleur de cette colonne, quels étaient leurs armements et quelle

23 était la composition de la colonne?

24 Réponse: Eh bien, d'une source à l'autre, cela est interprété de façon

25 différente. Les sources serbes estiment que le nombre variait entre 10 et

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1 15000, dont un tiers portait des armes. Dans le témoignage de M. Butler,

2 le nombre de personnes portant des armes est moindre, mais je pense qu'il

3 n'est guère indispensable de faire de la surenchère au niveau des nombres.

4 La colonne était très nombreuse et il y avait un nombre considérable de

5 personnes sous armes.

6 Selon mon analyse à moi, si l'on évalue les effectifs totaux de la 28e

7 Division et si l'on sait qu'il n'y avait pas eu d'emprisonnement et que

8 personne ne s'était rendu au niveau des membres de cette 28e Division, je

9 pense qu'il nous apparaît fort probable que, dans cette colonne, pour ce

10 qui est des membres de la 28e Division, il devait s'agir d'un nombre

11 allant de 7 à 10000 membres de cette dernière.

12 Question: Et dans quel alignement, dans quel ordre se sont dirigées ces

13 forces de la 28e Division? Et comment appelait-on ce type d'action dans la

14 doctrine militaire?

15 Réponse: Selon des renseignements que j'ai pu obtenir dans la

16 documentation du chef d'état-major de la brigade de Zvornik et partant des

17 rapports de ce dernier à l'intention du commandement du corps de la Drina,

18 datés du 13 et du 14, il y souligne que les premiers contacts de combat

19 avec les membres de la 28e Division ont eu lieu là où vous voyez les

20 petites flèches bleues, un peu plus bas, en contrebas de la localité de

21 Snagovo. Il est peu probable que le gros de la colonne de Susnjari et de

22 Potocari ait pu, en si peu de temps, traverser un espace aussi grand. J'en

23 déduis, partant de là, qu'il est probable que le commandement de la 28e

24 Division avait formé des avant-gardes qui s'étaient dirigées en premier.

25 Et compte tenu du fait que, dans les rapports et dans le reste de la

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1 documentation obtenus ultérieurement, je n'ai pas pu retrouver trace de la

2 mort de l'un quelconque des commandants ou des supérieurs des unités.

3 Il est question d'une exception, il s'agit du commandant Gulic. J'en

4 déduis que, dans cette avant-garde, il y avait tout le cadre de

5 commandement de cette 28e Division et que ces avant-gardes se sont

6 extraites de là, sorties de là avant le début du gros des combats entre le

7 Corps de la Drina et les forces de la 28e Division.

8 Donc ces forces qui se sont retirées avaient une espèce d'avant-garde à

9 cette colonne principale, sans communication opérationnelle entre l'avant-

10 garde et le gros de la colonne. Il me semble que cette avant-garde n'avait

11 pas pour objectif de fournir la possibilité à la colonne de se sortir de

12 là, mais plutôt d'atteindre elle-même au plus vite le territoire sous

13 contrôle des Musulmans.

14 Donc cette action entreprise par la 28e Division est appelée par la

15 doctrine militaire comme une percée de l'encerclement ou tentative de

16 percée, partant d'un encerclement. Cette activité englobe en soi également

17 des éléments d'activité ou d'action appelés marche de retraite. Ces types

18 d'activité sous-entendent un ordre particulier, une répartition

19 particulière.

20 Donc, il faudrait qu'à la tête, se trouvent des régiments de tête qui

21 entrent en contact de combat contre les forces qui empêchent la retraite,

22 donc qui opèrent une percée dans ce rideau, traversent les embuscades et

23 les lignes que l'on pose pour empêcher la retraite, élargissent l'espace

24 de passage, assurent les flancs du passage de la colonne, pour opérer une

25 marche de retraite au travers du territoire donné. Et c'est ainsi que cela

Page 7968

1 se fait à tout endroit où l'on est appelé à organiser des positions pour

2 empêcher des retraites de ce type.

3 Il est donc évident que le commandement de la 28e Division ne l'a pas

4 fait. Il n'a pas procédé ainsi pour une simple et bonne raison: c'est que

5 les renseignements et une partie des témoignages, qui figurent à ce sujet

6 au niveau de l'audition de M. Ruez, nous racontent qu'à certains endroits,

7 les effectifs musulmans se retirant étaient censés subir de très grosses

8 pertes.

9 Question: L'armée de la Republika Srpska avait-elle aussi déployé des

10 activités déterminées prévues par la doctrine militaire, pour ce qui est

11 de l'ordre de combat adopté par la 28e Division? Pouvez-vous nous dire

12 quelles sont ces activité-là?

13 Réponse: Eh bien, ces activités de combat que l'on pouvait escompter,

14 c'était de pourchasser. Précisément, c'est une activité que l'on appelle,

15 que l'on désigne par le fait de pourchasser l'ennemi. Parce qu'une fois

16 que l'on a perdu le contact de combat avec l'adversaire, avec l'ennemi, on

17 adopte une position pour poursuivre l'ennemi. Donc je ne désignerai pas

18 cela par colonne de poursuite, mais c'est une notion qui sous-entend une

19 telle activité.

20 Qu'est-ce qui est caractéristique ici? D'une manière générale, pour ce

21 processus et pour l'évaluation de ce complexe de questions désignées par

22 retraite des effectifs de la 28e Division et conséquences qui ont découlé

23 de cette activité, il est très, très inhabituel de voir le commandant du

24 Corps de la Drina ne pas organiser, ne pas avoir organisé la poursuite de

25 l'ennemi.

Page 7969

1 De là à savoir pourquoi il ne l'a pas fait, je ne saurais vous le dire,

2 mais je sais qu'il ne l'a pas fait. Il est probable que, dans cette zone

3 de responsabilité du Corps de la Drina, il y avait des effectifs en mesure

4 d'adopter une autre méthodologie pour empêcher les effectifs de se retirer

5 au travers de la zone de responsabilité du Corps de l'armée de la Drina.

6 Et la raison principale pourrait être la suivante, à savoir que tout de

7 suite après l'achèvement des opérations pour Srebrenica, le Corps d'armée

8 de la Drina a reçu l'ordre de poursuivre les opérations vers Zepa.

9 Il n'est pas naturel d'entamer une deuxième opération avant que d'avoir

10 totalement achevé de traiter toutes les conséquences qui ont découlé de

11 l'opération précédente. Mais c'est le droit du commandement et le

12 commandement peut imposer de telles tâches ou de telles missions; il s'est

13 avéré qu'en fait, il y a eu commission d'une erreur opérationnelle en

14 faisant de la sorte.

15 Si, par un hasard quelconque, le Corps d'armée de la Drina, après la fin

16 des opérations de Srebrenica, avait enchaîné avec des activités de

17 poursuite de l'ennemi qui se retirait, il est tout à fait certain que les

18 conséquences pour la 28e Division auraient été bien plus lourdes qu'elles

19 ne l'ont été effectivement.

20 Question: Quand est-ce que ce premier contact de combat a été établi entre

21 les forces de la 28e Division et l'armée de la Republika Srpska dans la

22 zone de responsabilité du Corps d'armée de la Drina? Où est-ce que cela

23 est arrivé? Quels étaient les effectifs en conflit? Et à peu près quelles

24 étaient les conséquences qui ont découlé de ce contact, tant pour l'armée

25 de la VRS que pour la 28e Division?

Page 7970

1 Réponse: Eh bien, je m'en tiens ici au témoignage de M. Ruez. A la sortie

2 même, là où se trouve la pointe de la première flèche, il se trouve une

3 localité appelée Bare. Monsieur Ruez affirme que, le 13 juillet, il y a eu

4 là un premier règlement de compte sérieux entre les effectifs de la 28e

5 Division se retirant et les forces qui tenaient ce territoire-là.

6 D'après le témoignage de M. Ruez, il devait y avoir là quelque 600 morts

7 au niveau de la 28e Division. Je pense personnellement que de telles

8 pertes pouvaient être attendues étant donné la situation dans laquelle se

9 trouvait la 28e Division et, notamment, considération faite du fait que

10 cette dernière n'avait pas été rendue apte à conduire une opération aussi

11 lourde, compliquée et risquée qui s'appelait ou que l'on appelle "retrait

12 et percée d'un encerclement dans un territoire ennemi qui fait plus de 100

13 km de profondeur", si l'on sait aussi qu'il ne peut y avoir de déplacement

14 en ligne droite et si l'on sait aussi un autre fait, à savoir que dans ce

15 sens de déplacement, il devait forcément y avoir des percées à opérer sur

16 quatre ou cinq lignes, à savoir traverser, opérer une percée au travers de

17 quatre ou cinq lignes de position.

18 Question: Je voudrais apporter une explication: il s'agit du témoignage de

19 M. Ruez du 14 mars, page 594 et 595, où vous avez dit vous-même qu'on

20 avait mentionné en 96 que 600 corps avaient été trouvés suite à une

21 opération de recherche faite par des experts de la Finlande. C'est là que

22 l'on a découvert 600 corps; on avait supposé qu'il s'agissait de soldats

23 musulmans qui étaient tombés sur le champ de bataille, étant donné que

24 nous n'avions pas d'autres informations ou d'autres détails à ce sujet.

25 Général Radinovic, pouvez-vous dire à la Chambre quelle est la profondeur

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1 du territoire que devaient traverser les forces de la 28e Division et quel

2 était le temps nécessaire pour le faire dans les conditions

3 opérationnelles en place?

4 Réponse: En finissant, en terminant ma réponse tout à l'heure, quand je

5 vous apportais des explications concernant l'importance des risques

6 qu'avaient accepté d'encourir ces effectifs quand ils avaient décidé

7 d'opérer une percée, je vous ai aussi dit qu'il s'agissait d'une

8 profondeur étant donné qu'il ne s'agit pas d'un déplacement rectiligne,

9 car les routes ne sont pas de bonne qualité -ce sont plutôt des sentiers

10 qui zigzaguent- et qu'il s'agissait d'un territoire de quelque 80 à 100 km

11 et que, dans des conditions de combat, comme cela a été le cas, c'est un

12 chemin ou une distance que l'on peut difficilement traverser en moins de

13 huit à dix jours.

14 Et, par miracle, la 28e Division a réussi à le faire plus vite.

15 Probablement, en partie parce que les unités qui se trouvaient sur son

16 passage avaient omis d'entreprendre les activités qui devraient être

17 entreprises si l'on avait agi de la façon prévue pour ce qui était

18 d'enrayer les percées de ce type.

19 Question: Général Radinovic, vous avez dit à la Chambre, en répondant à

20 l'une de mes questions, et vous avez expliqué quelles sont les activités

21 qui n'ont pas été entreprises par l'armée de la VRS pour ce qui était de

22 pourchasser l'ennemi. Mais ma question a été de savoir quelles sont les

23 actions entreprises par la VRS et de nous dire comment se déroulaient les

24 combats avec la 28e Division en retraite?

25 Réponse: La VRS a appliqué une méthode qui était à sa disposition à

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1 l'époque. Compte tenu du fait que le Corps de la Drina, tout de suite

2 après l'achèvement des opérations de Srebrenica, s'était vu assigner la

3 mission de continuer vers Zepa, ils ont appliqué la méthode des embuscades

4 sur des lignes successives, et ce, en se servant des forces qui se

5 trouvaient déjà sur le territoire.

6 Par conséquent, de telles embuscades ont été posées tout de suite après la

7 sortie hors du cercle ou entourant Srebrenica; la suivante se trouvait

8 entre Kasaba et Konjevic Polje. Et là où vous voyez cette petite flèche,

9 ces deux petites flèches, c'est la localité de Snagovo et la quatrième

10 ligne se trouvait déjà dans la zone de responsabilité du 4e Bataillon de

11 la brigade de Zvornik. C'est là où on voit l'inscription 16 juillet 1995.

12 Là précisément.

13 Alors ces unités en retraite avaient dû franchir plusieurs points

14 d'obstacle qui ont été placés là par les unités se trouvant déjà sur le

15 territoire de la zone de responsabilité du Corps d'armée de la Drina.

16 Question: Je demanderais maintenant à M. l'huissier de préparer à

17 l'intention du témoin la pièce à conviction du Bureau du Procureur portant

18 la cote 540 et 550.

19 Général Radinovic, dans son avancée dans la zone de responsabilité…

20 (L'huissier s'exécute.)

21 Ou plutôt je me reprends: en se retirant de la zone de Srebrenica, la 28e

22 Division a établi un contact de combat avec des éléments, des effectifs

23 appartenant au Corps de la Drina, et il s'agissait des effectifs de la

24 brigade de Zvornik.

25 Quels sont les problèmes opérationnels qu'a été appelé à résoudre le chef

Page 7973

1 d'état-major de la brigade de Zvornik, partant du 13 juillet? Et comment

2 s'est-il efforcé de les résoudre?

3 Réponse: Je dispose d'un document que j'ai déjà mentionné, il s'agit du

4 document du 13 juillet. En effet le chef d'état-major de la Brigade de

5 Zvornik dans le rôle de commandant ou commandant par intérim...

6 Question: Je m'excuse, il s'agit juste de préciser qu'il s'agit de la

7 pièce à conviction cotée 540, et je demanderai à M. l'huissier de placer

8 sur le rétroprojecteur la pièce à conviction 540 afin que la Chambre

9 puisse suivre plus facilement l'exposé du témoin.

10 Réponse: Donc ce 13, le commandement de la Brigade de Zvornik, à savoir le

11 commandant d'intérim, informe le commandement du Corps de la Drina qu'aux

12 fins de bloquer les groupes qui se retiraient vers Tuzla en provenance de

13 Srebrenica et de protéger les unités de sa brigade, il avait entrepris ce

14 qui suit: un peloton de la police militaire a organisé une embuscade à

15 Dzafin Kamen. C'est ici.

16 (Le témoin s'est levé pour montrer sur la carte.)

17 Question: (Hors micro: il demande au témoin de prendre son micro.)

18 (Le témoin est debout.)

19 Il s'agit de cet emplacement-ci, Dzafin Kamen, c'est là que se trouvait ce

20 peloton de la police militaire et plusieurs pelotons d'intervention

21 provenant du 5e Bataillon et 6e Bataillon, et c'est là qu'ils ont organisé

22 des embuscades et c'est le secteur de Snagovo.

23 Qu'est-ce que je puis en déduire? Je puis en déduire ce qui suit: le chef

24 d'état-major de la Brigade de Zvornik, commandant par intérim dans ce cas-

25 là, n'a pas évalué la situation de façon suffisamment sérieuse et il n'a

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1 pas été conscient de l'importance des effectifs dont il s'agissait,

2 jusqu'au contact avec eux dans le secteur de Snagovo.

3 Ce n'est qu'alors, lorsque ces effectifs de la 28e Division ont facilement

4 brisé l'embuscade qui leur avait été posée, et quand elles se sont

5 dirigées vers Zvornik, ce n'est qu'à partir de ce moment-là, donc à partir

6 du 14, que de fait le chef d'état-major demande, dans la panique, le

7 retour du commandant de la Brigade et le retour de certaines parties de la

8 brigade dirigées vers Zepa aux fins d'assainir la situation opérationnelle

9 grave survenue dans la zone de responsabilité de cette brigade. Et en

10 guise de conséquence de sa requête, nous voyons que le commandement du

11 Corps ordonne à la brigade de Zvornik de retourner, de revenir à sa zone

12 de responsabilité, et dès le 15 juillet, le commandant de Zvornik arrive

13 dans la zone de responsabilité avec les effectifs ramenés vers Zepa. C'est

14 là que commence véritablement un dur et difficile règlement de compte avec

15 les effectifs de la 28e Division. Cela a été un combat à la vie, à la

16 mort.

17 Question: Je demanderai maintenant à M. l'huissier de placer sur le

18 rétroprojecteur la pièce à conviction du Bureau du Procureur cotée 550. Il

19 s'agit d'un rapport journalier de combat extraordinaire provenant du

20 commandement de la Brigade de Zvornik qui est fort illustratif lorsqu'il

21 s'agit de la situation dans laquelle s'est trouvée la Brigade de Zvornik.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 Général Radinovic, quand est-ce que le commandant de la Brigade de Zvornik

24 revient dans sa zone de responsabilité et qu'entreprend-il pour régler la

25 situation dans sa zone de responsabilité?

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1 Réponse: Dans ce rapport qui date du 14 juillet et qui émane du chef

2 d'état-major, on trouve une liste des conséquences de la tentative

3 effectuée pour briser l'encerclement dans sa zone de responsabilité. Le

4 chef d'état-major informe donc le commandement du Corps de la Drina du

5 fait que la colonne de Musulmans s'étire sur trois kilomètres de long, et

6 qu'il prévoit une tentative d'établissement de contact avec les forces de

7 sa Brigade. Il dit, en d'autres termes, qu'il est incapable de défendre

8 cette zone et demande les moyens d'une intervention prématurée des forces

9 qui doivent être engagées, donc d'une intervention dès le matin.

10 C'est donc un appel qui émane du commandant de Brigade qui demande des

11 renforts au commandement au Corps de la Drina pour réussir à évacuer les

12 forces de la Brigade de Zvornik et les diriger vers Zepa, c'est-à-dire la

13 zone de responsabilité de la Brigade. Le commandant en question tente donc

14 de régler la situation dans sa zone de responsabilité et il sera avéré

15 plus tard qu'il a été dans l'incapacité de le faire, qu'une situation très

16 complexe et tout à fait tragique a été créée et que cette situation risque

17 d'entraîner la division en deux de la zone de responsabilité de la

18 Brigade.

19 Question: Comment évaluez-vous la situation dans la zone de la

20 responsabilité de la Brigade de Zvornik, et quelles sont les conséquences

21 qu'il était possible d'attendre d'une intensification des combats?

22 Réponse: A partir du 14 et durant les journées du 15, du 16 et du 17, les

23 combats se sont intensifiés pour atteindre ce que moi, j'apprécie comme un

24 niveau d'intensité de combat très élevé. L'intensité des combats était la

25 plus élevée, les 16 et 17, dans le secteur que l'on voit ici, en haut de

Page 7976

1 la flèche, au niveau de la pointe de la flèche. Dans ce secteur, les

2 combats ont atteint une telle intensité que l'on pouvait s'attendre à des

3 pertes très importantes au sein de la 28e Division. Au cours de ces

4 opérations, la Brigade de Zvornik a subi elle aussi des pertes

5 importantes: 39 morts; 5 disparus sans doute morts également et plus de

6 200 combattants hors d'état de combattre et ayant subi des blessures plus

7 ou moins graves. Je cite ces chiffres pour illustrer l'importance de

8 l'affrontement, de la confrontation.

9 C'est le 4e Bataillon de la Brigade de Zvornik qui a été la première

10 victime de cette intensification des combats, c'est-à-dire le Bataillon

11 qui se trouvait au niveau de la pointe de la flèche sur la carte. Les

12 forces de la 28e Division ont réussi à enfoncer les positions du 4e

13 Bataillon et à s'emparer de trois tranchées en capturant des pièces de

14 batteries et trois mortiers. A ce moment-là, il était possible d'envisager

15 l'élimination complète du 4e Bataillon de la Brigade de Zvornik de ce

16 secteur.

17 Ce qui a été fait par le commandant de la brigade est tout à fait

18 inhabituel: il a réussi à ouvrir un corridor au milieu de la 28e Division

19 et ce corridor a tenu jusqu'au 17, en dépit de tout ce qui s'est passé

20 entre-temps. Le 17 donc, on peut dire que pratiquement tous les éléments

21 de la 28e Division sont sortis de la zone tenue par le 4e Bataillon de la

22 brigade de Zvornik dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina, en

23 réussissant à atteindre le secteur de Nezuk, qui était leur objectif et

24 qui était dans la zone de responsabilité du 2e Corps d'armée de la Bosnie-

25 Herzégovine.

Page 7977

1 Question: Général Radinovic, avez-vous pu obtenir des renseignements

2 relatifs au chiffrage des pertes subies par la 28e Division dans la zone

3 de responsabilité de la brigade de Zvornik à ce moment-là?

4 Réponse: Sur la base des documents et des éléments qui ont été mis à ma

5 disposition, je n'ai pas été capable d'apprécier avec une totale

6 exactitude, une totale précision, le nombre des pertes subies par la 28e

7 Division, mais l'intensité et la violence de ces opérations ont été

8 telles, elles se sont menées en profondeur et la situation de départ de la

9 28e Division était telle qu'il est réaliste de penser que ces pertes

10 étaient importantes. Moi, j'évaluerais ces pertes en milliers plutôt qu'en

11 centaines d'hommes. Je n'ai aucun document particulier sur lequel je peux

12 m'appuyer pour dire cela mais, dans les ouvrages que j'ai lus ainsi que

13 d'après les témoignages d'un certain nombre de personnes qui ont participé

14 à cette retraite, deux endroits sont mentionnés en particulier: Bare dans

15 la zone de Srebrenica et au niveau de l'indication écrite 16 et 17 juillet

16 1995 sur la carte, donc dans la partie supérieure des arrières. C'est à

17 ces deux endroits qu'à mon avis, les pertes subies de la 28e Division ont

18 été les plus importantes en nombre, après la retraite de la 28e Division

19 hors de Srebrenica.

20 Question: Général Radinovic, à partir de l'endroit où les ordres étaient

21 donnés par le commandant de la 28e Division, ordres consistant à exiger

22 une poursuite de l'avancée de la 28e Division, donc à partir de cet

23 endroit, que pouvait de façon réaliste espérer le commandement de la 28e

24 Division?

25 Réponse: Eh bien, je pense que je répondrai de façon crédible à votre

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1 question en disant que, dans les conditions dans lesquelles s'est menée

2 cette opération, la personne qui était au commandement de la 28e Division

3 avait pratiquement décidé au départ de sacrifier la 28e Division.

4 D'ailleurs, dans l'histoire militaire, des exemples de ce genre existent.

5 Bien sûr, l'armée yougoslave en 1943 dans la vallée de la Sutjeska, a elle

6 aussi sacrifié sa division de Banja dans le but de protéger 4000

7 combattants blessés par les soldats allemands. Donc cette division a été à

8 l'époque pratiquement détruite intégralement.

9 Je ne sais pas quels étaient les objectifs du commandement suprême de la

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine eut égard à la 28e Division et pourquoi les

11 ordres qui ont été donnés à la 28e Division ont été données dans les

12 conditions tactiques et les conditions stratégiques qui prévalaient à

13 l'époque. En effet, l'existence de tels ordres dans ces conditions est

14 pratiquement impensable. Il est inimaginable pour un commandement qui

15 connaît les répercussions des ordres qu'il va donner, d'ordonner une telle

16 opération. Je répète ici ce que j'ai déjà dit au début de ma déposition, à

17 savoir que les forces du Corps de la Drina, si elles étaient effectivement

18 lancées à la poursuite de la 28e Division, auraient pratiquement éliminé

19 intégralement cette 28e Division. Mais de toute façon, le Corps de la

20 Drina n'a pas agi de la sorte puisqu'il était engagé dans la direction de

21 Zepa.

22 Je ne peux pas comprendre ni croire que le commandement suprême de l'armée

23 de Bosnie-Herzégovine ait été incapable de prévoir les conséquences des

24 ordres qui ont été donnés par ce commandement; le commandement en question

25 connaissait les répercussions de ces ordres et encore aujourd'hui, je ne

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1 comprends pas pourquoi ces ordres ont été donnés.

2 Question: Des commentaires très divers ont été entendus s'agissant de la

3 composition de la 28e Division au moment où certains de ses membres ont

4 été versés dans ce 2e Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine ou, en tout cas,

5 ont atteint le territoire tenu par le 2e Corps d'armée de Bosnie-

6 Herzégovine. Pouvez-vous nous parler de cela?

7 Réponse: J'ai eu la possibilité de lire ce que le Gal Sefer Halilovic a

8 dit lui-même à ce sujet. Je crois personnellement qu'il a tout à fait

9 raison de décrire comme il le fait le comportement du commandant du 2e

10 Corps d'armée, ainsi que du commandement suprême de l'armée de Bosnie-

11 Herzégovine. Le seul comportement acceptable de la part du commandant

12 suprême de la Bosnie-Herzégovine et du commandement du 2e Corps d'armée de

13 Bosnie-Herzégovine, lorsque la 28e Division a reçu l'ordre de briser

14 l'encerclement dans lequel elle se trouvait, consistait à appliquer la

15 seule méthode acceptable, c'est-à-dire chercher des effectifs disponibles

16 pour effectuer une percée en provenance de Tuzla vers Zvornik, en avançant

17 vers les forces de la 28e Division.

18 Je suis tout de même quelqu'un qui a quelques connaissances dans ce genre

19 de domaine, et puisque cela n'a pas été fait -or la 28e Division ne s'est

20 pas retirée dans ces conditions-, la seule conclusion que je peux tirer

21 c'est que cette 28e Division a été sacrifiée. Et j'ajoute encore une fois

22 que le Corps de la Drina ne s'est pas lancé totalement à la poursuite de

23 la 28e Division sinon les conséquences négatives pour la 28e Division

24 auraient été encore plus graves.

25 Question: Général Radinovic, vous avez déjà dit être incapable d'évaluer

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1 avec exactitude absolue le nombre des pertes humaines subies par la 28e

2 Division, lorsqu'elle a tenté de briser son encerclement. Mais est-ce

3 qu'un ratissage du terrain a été effectué après ces événements, est-ce

4 qu'il s'est effectué sur tous les territoires traversés par la 28e

5 Division dans sa retraite?

6 Réponse: Parlons de cela. Je dois m'exprimer de façon critique à l'égard

7 de l'armée de la Republika Srpska et du Corps de la Drina. Il est vrai que

8 ratisser le terrain -et j'insiste bien sur le fait que je parle de

9 ratissage et non de nettoyage, donc je parle de ratissage dans le sens de

10 nécessité de découvrir tous les éléments épars de l'armée adverse qui

11 restent encore sur le terrain et de l'élimination de tous les obstacles

12 physiques qui peuvent nuire à des opérations militaires-, donc le

13 ratissage du terrain qui implique aussi d'assainir les champs de bataille

14 sont une obligation qui incombe au commandant d'une armée ou d'une unité

15 après une campagne. Lorsqu'on parle d'assainissement du champ de bataille,

16 cela implique de rechercher les cadavres, donc les cadavres des êtres

17 humains d'abord; après quoi, on recherche les cadavres éventuels d'animaux

18 et puis on les enterre.

19 Est-ce que cela a été fait ou pas? Je ne sais pas exactement, je crois que

20 cela a été fait. Mais il y a tout de même eu une erreur. En quoi a

21 consisté cette erreur? Cette erreur a consisté dans le fait qu'aucun

22 rapport n'a été rédigé qui permette de vérifier de façon sûre l'exécution

23 de cette tâche, autrement dit, je n'ai trouvé aucun rapport contenant des

24 informations relatives au nombre de cadavres découverts et enterrés dans

25 le cadre de cette action d'assainissement du champ de bataille. Ceci,

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1 c'est une insuffisance dans toute cette situation, c'est quelque chose qui

2 constitue un obstacle empêchant de déterminer avec une totale précision ce

3 qui s'est effectivement passé dans la zone de responsabilité du Corps

4 d'armée, donc sur le territoire traversé par les éléments de la 28e

5 Division, une fois qu'ils ont brisé leur encerclement et qu'ils ont battu

6 en retraite.

7 Question: Général Radinovic, alors que vous examiniez les documents à

8 votre disposition pour préparer votre témoignage ici, vous avez découvert

9 un certain nombre de documents qui prouvent que, durant la retraite de la

10 2e Division hors de la zone de responsabilité de la Brigade de Zvornik, un

11 certain nombre de prisonniers de guerre musulmans ont été faits sur ce

12 territoire. Connaissez-vous ces éléments?

13 Réponse: Oui, un rapport de combat extraordinaire émanant du commandant de

14 la Brigade de Zvornik est daté du 15 juillet.

15 Question: Nous allons discuté de ce rapport pendant quelque temps. Je vous

16 demande pour l'instant simplement si vous avez vu ce rapport?

17 Réponse: Oui, je l'ai vu. Je l'ai lu.

18 Question: Pouvez-vous nous dire s'il était dans l'intérêt de l'armée de la

19 Republika Srpska de liquider le nombre le plus important de combattants

20 ennemis ou de faire un grand nombre de prisonniers de guerre?

21 Réponse: Non.

22 Question: Pourquoi?

23 Réponse: Cela aurait été totalement contraire aux intérêts de la VRS. Je

24 ne parle même pas de l'aspect humanitaire ou juridique de la chose qui est

25 sous-entendu et coule de source. Je parle simplement d'un point de vue

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1 opérationnel pour m'exprimer sur ce point. Si la VRS avait fait un grand

2 nombre de prisonniers de guerre parmi les membres de la 28e Division,

3 c'est-à-dire parmi les Musulmans. Cela aurait contraint à un échange de

4 prisonniers. Et il aurait fallu restituer un nombre équivalent de

5 prisonniers entre les deux parties. Donc ce n'était pas dans l'intérêt de

6 l'armée de la Republika Srpska de liquider des soldats ennemis mais de les

7 faire prisonniers.

8 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je crois que nous

9 pouvons terminer pour cet après-midi.

10 M. le Président: OK. Je crois que oui. Nous avons terminé pour

11 aujourd'hui. J'aimerais bien vous demander combien de temps vous estimez

12 avoir besoin pour terminer l'interrogatoire principal, Maître Visnjic?

13 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai besoin encore de

14 peu de temps mais j'espère pouvoir terminer demain. Cela dit, je ne peux

15 pas vous dire de combien de temps exactement j'aurai besoin: une heure,

16 deux heures, trois heures peut-être mais, en tout cas, nous nous

17 efforcerons de terminer l'interrogatoire principal demain.

18 M. le Président: OK. On va voir donc. Il est sûr que nous avons terminé ce

19 témoin cette semaine? C'est ma préoccupation parce que, si le Procureur

20 prend le même temps que la défense, je crains qu'on ne puisse pas terminer

21 cette semaine. Bon, de toute façon on va voir. On verra demain. Le

22 Procureur a quelques idées pour l'instant à propos du temps qu'il aura

23 besoin?

24 M. Cayley (interprétation): Eh bien, Monsieur le Président, je dois dire

25 que nous aurons besoin au moins d'un temps égal à celui qui a été utilisé

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1 par la défense. En disant cela, je m'appuie sur mon expérience. Mais pour

2 ce qui me concerne je tâcherai de me concentrer sur les éléments les plus

3 importants dont a parlé le témoin et de ne pas le faire parler du

4 contexte. Enfin, je pense que nous aurons besoin de trois jours sans

5 doute.

6 M. le Président: Oui, parce que nous avons encore un autre témoin pour

7 cette semaine: le témoin, je crois, n'est-ce pas, le témoin qui devait

8 être ici lundi: il était encore en voyage.

9 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je pense que Me

10 Petrusic a plus d'informations que moi sur ce point.

11 M. le Président: Merci, parce qu'on essaye quand même de programmer les

12 choses pour qu'on n'arrive pas à la fin de la semaine et avoir des

13 surprises.

14 M. Petrusic (interprétation): Monsieur le Président, le témoin qui devait

15 voyager la semaine dernière a été reporté, enfin son voyage a été reporté

16 à hier pour diverses raisons. Or, hier, j'ai reçu l'information qu'en

17 raison du mauvais temps, son vol avait encore une fois été retardé. Et

18 c'est seulement aujourd'hui dans la soirée que je saurai plus précisément

19 si ce témoin a embarqué ou pas. Maintenant nous devons discuter avec le

20 Procureur pour déterminer si l'ensemble de ce témoignage ne devrait pas

21 être reporté à la semaine prochaine.

22 Je vous demande simplement, Monsieur le Président, de m'autoriser à vous

23 informer plus précisément sur ce point dans la journée de demain et, s'il

24 ne restait éventuellement que ce témoin dont nous sommes en train de

25 parler pour la semaine prochaine, peut-être pourrions-nous accepter un

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1 compromis, c'est-à-dire l'entendre au mois de janvier à la reprise du

2 procès.

3 Enfin tout ce que je vous demande, Monsieur le Président, pour le moment,

4 c'est de me laisser un petit peu de temps jusqu'à demain pour avoir des

5 informations plus précises.

6 M. le Président: Je vous pose cette question parce qu'il était possible de

7 faire tout effort pour siéger demain après-midi, si ça pourrait contribuer

8 pour terminer les deux témoins. Si l'on doit reporter, on doit reporter à

9 janvier ou éventuellement la Chambre peut passer ça à lundi? Mais demain

10 on va en parler. De toute façon je vous donne les préoccupations de la

11 Chambre et vous, demain, vous allez nous informer.

12 Donc demain, à 9 heures 20, on sera là pour continuer. Merci beaucoup et à

13 demain.

14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

15 (L'audience est levée à 15 heures 05.)

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