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1 (Mardi 26 juin 2001.)
2 (Audience publique.)
3 (Réquisitoire et plaidoirie.)
4 (L'audience est ouverte à 9 heures 20.)
5 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
6 M. le Président: Bonjour à vous tous.
7 Madame la Greffière, pouvez-vous annoncer l'affaire s'il vous plaît?
8 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
9 Affaire IT-98-33 T, le Procureur contre Radislav Krstic.
10 M. le Président: Le Procureur peut-il se présenter?
11 M. Harmon (interprétation): Je m'appelle Mark Harmon. Derrière ce tableau,
12 vous avez mes confrères qui m'ont aidé pendant toute la durée de ce
13 procès, vous avez M. McCloskey, Mme Keith, Mme Karagiannakis
14 M. le Président: OK. Du côté de la défense, s'il vous plaît?
15 M. Petrusic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, les
16 collègues de l'accusation. Je suis Nenad Petrusic et j'ai comparu au cours
17 de ce procès avec Me Visnjic qui fait partie de l'équipe de la défense.
18 M. le Président: Merci beaucoup.
19 Nous sommes ici aujourd'hui aux termes de l'Article 86 pour entendre le
20 réquisitoire et les plaidoiries du Procureur et de la défense. Et donc
21 dans cet objectif, Monsieur Harmon, je vous donne la parole.
22 (Plaidoirie de M. Harmon.)
23 M. Harmon (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
24 Alors que le rideau tombe sur ce procès qui a duré plus de 15 mois, et
25 avant de commencer mes observations s'agissant du procès lui-même, je
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1 voudrais ici remercier publiquement beaucoup de personnes qui ont
2 participé à ce procès. Tout d'abord, je voudrais remercier mes confrères
3 pour leur contribution, Mme Karagiannakis, McCloskey et M. Cayley qui ont
4 travaillé d'arrache-pied pour préparer, pour mettre en état ce procès et
5 vous soumettre les moyens de preuve que nous vous avons soumis, afin de
6 préparer les argumentations juridiques et les mémoires. Je remercie aussi
7 deux autres membres de mon équipe Mme Kirsten Keith et Mme Janet Stewart à
8 ma droite. Elles ont été capitales et ont joué un rôle essentiel dans la
9 présentation de chacune des pièces soumises et elles ont fait preuve de
10 compétence extraordinaire pendant toute la durée de ce procès. De
11 surcroît, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je voudrais
12 remercier ici M. Jean-René Ruez ainsi que la totalité des enquêteurs qui
13 ont travaillé à ce procès pendant de nombreuses années à mener des
14 enquêtes sur ces événements tragiques de Srebrenica. Ils ont fait un
15 travail splendide dans ce travail d'enquête. Les analystes militaires qui
16 travaillent dans mon bureau ont analysé des milliers de documents.
17 Il y a M. Richard Butler, Mme Brettell ainsi que d'autres membres de cette
18 section qui ont procédé à l'analyse des moyens de preuve que nous avons
19 soumis. Je voudrais remercier également la compétence et le
20 professionnalisme de la partie adverse de Me Petrusic et Me Visnjic qui,
21 tout du long, ont fait preuve de la plus grande compétence dans leur
22 rapport, aussi bien avec les Juges qu'avec le Bureau du Procureur. Je
23 pense qu'il faut remercier aussi tout particulièrement les personnes qui
24 travaillent dans les cabines car elles ont sans doute un travail des plus
25 difficiles, puisqu'elles essaient de traduire simultanément des avocats
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1 qui aiment parler et parlent en général très vite. Ces interprètes ont
2 très bien travaillé dans des circonstances qui n'étaient pas faciles,
3 notamment lorsque nous avons entendu certains témoignages particulièrement
4 éprouvants. Je voudrais aussi rappeler que le service de traduction des
5 conférences a traduit de nombreux documents, ce que le service a toujours
6 fait avec beaucoup de soin et d'attention. Mais j'aimerais remercier
7 également la régie technique parce que nous nous trouvons ici dans ce
8 prétoire hyper moderne où vous avez des écrans de télévision, un
9 équipement télévision, un équipement audio, moi j'ai l'habitude d'un
10 prétoire où on a simplement, pratiquement un tableau, un morceau de
11 papier, un crayon; alors que les gens qui travaillent dans la régie ici
12 ont fait un travail extraordinaire car ils nous permettent d'avoir nous un
13 équipement tout à fait au point chaque jour. Nous avons aussi les
14 sténotypistes qu'il faut remercier également car elles assurent la
15 transcription simultanée, ce qui nous aide grandement lorsque nous passons
16 en revue le témoignage des témoins. Il y a aussi les membres du Greffe qui
17 méritent -je pense- nos plus sincères remerciements, ils n'ont cesse de
18 nous aider pour la gestion de tous les documents qui passent par ce
19 prétoire. Je voudrais aussi remercier la section des témoins et des
20 victimes qui ont fait preuve du plus grand professionnalisme à l'égard des
21 deux parties. Je voudrais aussi remercier M. Olivier Fourmy qui est le
22 juriste de la Chambre et qui a toujours fait preuve de la plus grande
23 assistance pour les deux parties pendant toute la durée de ce procès qui a
24 duré 15 mois. Et enfin, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
25 Juges, je vous remercie de la patience dont vous avez fait preuve dans
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1 cette procédure et de la dignité que vous avez manifestée dans la conduite
2 de ce procès.
3 Et maintenant je vais vous parler plus précisément de mes observations et
4 de mon réquisitoire.
5 En 1993, alors que l'armée des Serbes de Bosnie menait une contre-
6 offensive sans être limitée en Bosnie orientale, les Nations Unies ont
7 adopté des résolutions qui demandaient la création de zones de sécurité
8 régies par les Nations Unies après accord des parties qui ont demandé la
9 démilitarisation de ces enclaves. Trois de ces zones sûres ont été créées:
10 il y en a une à Srebrenica, l'autre à Zepa, la troisième se trouvant à
11 Gorazde. Les Nations-Unies ont déployé de petits contingents de soldats
12 dans chacune de ces trois enclaves. En 1995, un Bataillon néerlandais a
13 été déployé dans l'enclave de Srebrenica. Cette enclave de Srebrenica n'a
14 pas été tout à fait démilitarisée. C'est le 6 juillet 1995 que l'armée des
15 Serbes de Bosnie, que je désignerai de temps à autres comme étant la VRS,
16 cette armée des Serbes de Bosnie a attaqué l'enclave de Srebrenica. On a
17 donné comme nom à cette opération celui de "Krivaja 95", et arrivé le 11
18 juillet 1995 l'enclave a été capturée.
19 Les Musulmans qui se trouvaient à l'intérieur de cette enclave ont pris
20 deux options pour ce qui est des actions qu'ils ont entreprises. Il y
21 avait environ 15.000 Musulmans, surtout des hommes en âge de servir sous
22 les armes, qui se sont dirigés vers la partie septentrionale de l'enclave
23 près de Susnjari, près de Milici. Ils étaient, je vous l'ai dit, quelque
24 15.000, des hommes et des adolescents dans ce groupe. Un tiers à peu près
25 de ce groupe était armé d'armes légères, d'armes personnelles, mais pour
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1 ce qui est des autres membres de ce groupe ils ne portaient aucune arme,
2 c'étaient des civils.
3 Dans la soirée du 11 juillet, ces hommes qui se trouvaient dans la zone de
4 Susnjari ont formé un long convoi, une longue colonne, pour essayer de
5 sortir de cette enclave en direction du nord, en direction de Tuzla qui
6 devait être leur destination ultime. Ces personnes qui se trouvaient dans
7 la colonne ont été rapidement détectées, ont été attaquées par la VRS.
8 Cette armée des Serbes de Bosnie s'est déployée le long de cette route qui
9 va de Bratunac à Konjevic Polje et à Nova Kasaba, et ont pratiquement
10 établi un rideau de fer qui a établi le passage à cette colonne. Il n'y a
11 qu'une portion congrue de celle-ci qui a réussi à percer cette ligne pour
12 finalement arriver au nord. J'en reparlerai par la suite.
13 Les Musulmans, qui sont restés dans l'enclave et faisaient partie de cette
14 colonne, ont été pour l'essentiel coincés, ici, derrière cette ligne
15 qu'ils ne pouvaient franchir. Ils ont fini par se rendre par milliers à la
16 VRS. Les personnes, qui se sont livrées, ont par la suite été exécutées.
17 Les Musulmans, qui étaient restés dans l'enclave pendant l'attaque menée
18 sur Potocari, ont pris une option différente. Au départ, ils ont cherché à
19 la compagnie B, Bravo, qui avait sa base dans la ville de Srebrenica.
20 Finalement, ils ont pris la fuite en masse, en direction de la base des
21 Nations Unis de Potocari. Et c'est finalement le 11 juillet qu'ils se sont
22 retrouvés quelque 25.000 ou 30.000 d'entre eux Musulmans de Bosnie,
23 surtout des femmes et surtout des enfants, mais il y avait aussi parmi eux
24 quelques jeunes.
25 La VRS est arrivée à Potocari le 12 juillet au matin. Aussitôt, elle a
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1 commencé des mesures d'intimidation à l'égard des réfugiés. C'est vers
2 midi, le 12 juillet, qu'un nombre important de camions sont arrivés à
3 Potocari, et avant qu'on ne permette aux réfugiés de monter à bord de ces
4 camions et de ces bus, les hommes et les jeunes gamins, les adolescents
5 qui étaient avec les réfugiés ont été séparés. On les a mis à part, on les
6 a détenus dans un endroit qu'on a appelé la "maison blanche".
7 Et par la suite, des femmes, des enfants et quelques hommes ont été placés
8 à bord de bus, ont été déportés à l'extérieur de cette enclave et emmenés
9 dans un lieu qui se trouve à proximité de la ligne de front et qu'on a
10 appelé "Luki"; c'est ainsi qu'il est connu ce lieu.
11 C'est là que des femmes et des enfants, les quelques rares hommes qu'il y
12 avait encore qui avaient réussi à monter dans ces bus, ont été sortis de
13 ces bus. Là, un autre processus de séparation a eu lieu. Les hommes ont
14 été séparés. Quant aux femmes et aux enfants, on leur a permis de franchir
15 ce no man's land pour passer en territoire libre.
16 Les hommes et les adolescents qui avaient été séparés, eux, à Potocari,
17 ainsi que les hommes et les adolescents qui avaient été séparés à Tisca,
18 ont été par la suite exécutés.
19 Nous avons accusé le général Krstic, officier de haut rang dans l'armée
20 des Serbes de Bosnie, nous l'avons accusé de la responsabilité eu égard à
21 ces événements tragiques. Il a d'abord été chef d'état-major et puis
22 commandant du Corps de la Drina au moment où ces crimes ont été commis.
23 L'Acte d'accusation contient 8 chefs d'accusation retenus contre lui, il y
24 a un chef de génocide et de façon alternative un deuxième chef, complicité
25 dans la commission de génocide:
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1 -Crimes contre l'humanité, meurtres, violation des lois et coutumes de la
2 guerre, meurtres; crimes contre l'humanité, extermination; crimes contre
3 l'humanité, persécution; crimes contre l'humanité, déportation.
4 -Et, de façon alternative, crimes contre l'humanité, transfert forcé.
5 En vertu de l'Article 7.1 de notre Statut, nous avons accusé le général
6 Krstic d'avoir planifié, instigué, ordonné ou d'avoir d'autres façons aidé
7 et contribué à la planification, la préparation et l'exécution des crimes
8 visés à l'Acte d'accusation.
9 Il est également accusé en vertu de l'Article 7.3 de notre Statut qui lui
10 attribue la responsabilité du supérieur hiérarchique pour les actes de ses
11 subordonnés, s'il savait ou avait des raisons de savoir que ses
12 subordonnés étaient sur le point de commettre des actes criminels, et
13 qu'il n'a pas pris toutes les mesures qui s'imposaient pour empêcher la
14 commission de ces actes, ou d'en punir les auteurs.
15 Toutes les guerres finissent par se terminer et c'est seulement par la
16 suite que les faits objectifs qui ont rapport aux causes et aux événements
17 qui se sont produits au cours de ces guerres -surtout s'il s'agit d'actes
18 odieux- c'est souvent à ce moment-là qu'ils sont déformés ou rejetés.
19 C'est vrai de la guerre en Bosnie; nous avons eu des échos ici, dans ce
20 procès, en cette espèce, par le témoignage de deux témoins à décharge que
21 ont utilisé des pseudonymes, les témoins DA et DC, qui tous les deux
22 étaient des Serbes de Bosnie et qui ont tous les deux servis dans le Corps
23 de la Drina au moment des événements décrits dans l'Acte d'accusation.
24 En dépit des preuves objectives écrasantes qui ont démontré que des
25 milliers d'hommes, d'adolescents musulmans ont été exécutés, ces témoins
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1 ont montré leur obstination et leur étroitesse d'esprit en acceptant ceci
2 comme étant un fait. Le témoin à décharge DA est un Serbe de Bosnie très
3 éduqué qui était journaliste avant la guerre. Il a servi dans le
4 commandement du Corps de la Drina et il s'est occupé uniquement des
5 questions d'information. A ce titre, il avait accès à des contacts avec
6 des journalistes, les médias à savoir CNN, CBS, l'agence Reuters, la
7 télévision française. Il avait accès à des informations objectives qui
8 étaient relatives aux événements qui se sont produits à l'époque à
9 Srebrenica. Nous parlons ici d'informations tierces et objectives. Il se
10 fait qu'il vivait aussi dans la région là où ont été commis tous ces
11 crimes. Il a affirmé avoir été, et là je le cite: "Etre tout d'abord, en
12 premier lieu par vocation et par choix, un humaniste".
13 Pourtant, lorsque la Juge Wald lui a posé des questions à propos de ces
14 crimes, voici comment il a répondu à sa question, je le cite: "J'ai dit
15 que je ne souhaite pas le croire et je ne peux pas non plus le croire
16 parce que je suis qui je suis. A cause de la personnalité que j'ai, je ne
17 peux pas le croire". Fin de citation.
18 Le témoin DC s'est fait l'écho de ces sentiments et je suis convaincu que
19 ces sentiments ne sont pas des sentiments qu'ils étaient les seuls à avoir
20 parmi les personnes qui habitent encore en Republika Srpska. Il y a un
21 homme du clergé de l'église baptiste américaine Harry Fosdick qui a, à
22 juste titre, observé ceci: "Je renonce à la guerre pour ses conséquences,
23 pour les mensonges qu'elle perpétue et propage, pour cette haine qui est
24 attisée et pour les famines qui rôdent dans son sillage. L'ignorance de
25 ces actes terribles et le refus de les confronter de façon responsable ne
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1 peut que nourrir un ferment de haines et de malentendus entre les Serbes
2 et les Musulmans de Bosnie. Ils ne peuvent qu'empoisonner l'avenir de ce
3 peuple de Bosnie qui mérite un répit après ces conflits ethniques qui ont
4 duré pendant tout ce conflit".
5 Les nations de ce monde ont créé ce Tribunal afin d'assurer la paix dans
6 cette région et une partie de notre mandat consiste à prouver la preuve,
7 que ces crimes sont présentés sous forme de moyens de preuve objectifs qui
8 sont testés dans un Tribunal, dans une Cour où se dit le droit, pour
9 veiller à ce que ces péchés ou ces erreurs ne soient plus commis par la
10 suite; pour que les générations à venir aient accès à une histoire
11 objective qui consignera pour la postérité tous ces événements et qu'elles
12 ne soient pas trompées et vivent dans un milieu où sévissent le
13 chauvinisme, la fierté ethnique aveugle et l’ignorance.
14 Il faut qu'il y ait une consignation précise de tous ces événements afin
15 qu'il puisse y avoir réconciliation". C’est ce qu’a dit un des témoins,
16 Mme Teufika Ibrahamefendic, le coordinateur à "Viva Jene", une clinique où
17 l'on a traité les survivants, les femmes et les enfants qui avaient
18 survécu à Srebrenica.
19 Dans le contexte du témoignage de cette femme, quand elle parlait du
20 traitement des enfants, Monsieur le Président, vous lui avez demandé si le
21 fait d'enseigner l'histoire était important pour que les gens puissent
22 récupérer, et je la cite, je cite sa réponse: "Je crois qu'il faut fournir
23 une explication sur ce qui s'est passé. Les enfants ne peuvent pas
24 comprendre ce qui s'est passé, même les adultes ne le peuvent pas,
25 beaucoup d'adultes ne le comprennent pas. Je sais que chaque fois que j'ai
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1 eu une thérapie de groupe, que j'ai essayé de donner une explication
2 historique de ces événements, il était beaucoup plus facile d'accepter
3 rationnellement ces événements et que ceci a été, grâce à la thérapie de
4 groupe, un moyen de contribuer à la convalescence de ces femmes. Il était
5 très important pour ces femmes de recevoir ces informations telles
6 qu'elles se sont véritablement produites et de rationaliser les
7 événements".
8 Je vais passer en revue, de façon circonstanciée, les moyens de preuve qui
9 vous ont été soumis sur les circonstances de ces exécutions. Je vais vous
10 montrer aussi le lien entre ces exécutions et le Corps de la Drina et les
11 conclusions tirées par les experts internationaux.
12 C'est à trois titres que je veux le faire. Tout d'abord, pour démontrer la
13 nature et l'ampleur de ces crimes odieux, de façon à ce que soit placé
14 dans le contexte qui lui revient la responsabilité pénale du général
15 Krstic. Secondement, je voudrais résumer les éléments de preuve qui
16 établissent un lien entre le Corps de la Drina et le quartier général
17 principal de la VRS avec ces crimes. Troisièmement, je voudrais vous
18 présenter de façon claire le bilan objectif de ce qui s'est passé à
19 Srebrenica afin d'aider les victimes à retrouver un sens à leur vie, afin
20 que des personnes comme les témoins DA et DC un jour -comme le disait Mme
21 Ibrahamefendic- soient en mesure de s’exprimer, afin que tous nous
22 puissions avoir un avenir et une base sur laquelle nous pourrons
23 construire ensemble une vie commune.
24 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je vais d'abord me
25 concentrer sur mes observations sur les exécutions de masse, à grande
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1 échelle, qui ont été prouvées dans cette affaire. Je ne vais pas entrer
2 dans le détail d'autres meurtres commis par la VRS, vous en avez entendu
3 parler par la voix des témoignages. Je ne le fais pas parce que, bien sûr,
4 ils sont importants mais j'ai des limitations de temps donc je vais me
5 limiter à ceux des meurtres et des tueries qui se sont produits dans le
6 cadre du génocide que nous voulons prouver ici.
7 Je vais donc commencer tout d'abord en précisant rapidement quels sont les
8 meurtres qui ont été identifiés ici dans ce prétoire et sur lesquels ont
9 porté les témoignages.
10 La première tuerie a eu lieu à Potocari le 12 ou 13 juillet. Il y a eu un
11 témoin qui s’appelait Bego Ademovic qui est venu vous dire qu'à Potocari
12 plus de cent personnes ont été décapitées et il a identifié les auteurs
13 comme étant des soldats, je le cite: "Le 13 juillet, Madame et Messieurs
14 les Juges, vous avez reçu le compte rendu, la transcription de ce qu'a dit
15 le caporal Groewegen, un témoin néerlandais qui a décrit l'exécution d'un
16 réfugié qui se trouvait à Potocari. Vous avez aussi entendu des
17 témoignages relatifs à des exécutions qui ont eu lieu le 12, le 13 et le
18 14 juillet dans des lieux servant de détention comme l'entrepôt de
19 Bratunac et l'école de Vuk Karadzic qui se trouvait aussi à Bratunac.
20 C’était le témoin N qui est venu vous le dire.
21 Vous le savez, Madame et Messieurs les Juges, ce sont des endroits qui
22 étaient très proches de l'hôtel Fontana et du quartier général de la
23 Brigade de Bratunac, dont nous savons que se trouvaient à cet endroit le
24 colonel généraux Krstic et Mladic, c'est là qu'ils avaient des réunions et
25 qu'ils séjournaient.
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1 Nous avons entendu parler de plusieurs meurtres qui se sont produits dans
2 diverses écoles utilisées comme lieu de détention dans les municipalités
3 de Zvornik. Une fois de plus, Madame et Messieurs les Juges, ces
4 témoignages émanaient des victimes qui ont survécu à divers massacres. Les
5 auteurs de ces massacres ont été décrit comme étant, je cite: "Des
6 soldats".
7 Et puis vous avez entendu le témoignage portant sur le massacre du 19
8 juillet à Nezuk; le témoin R est venu vous présenter un élément de preuve
9 important qui avait trait à l'un des auteurs de ces massacres. Il a vu
10 qu'il y avait un emblème, un badge du Corps de la Krajina à la manche d'un
11 des exécuteurs. Vous le savez, le Corps de la Krajina était extérieur à la
12 zone de responsabilité du général Krstic, mais une unité de ce Corps de la
13 Krajina avait été rattachée à la Brigade de Zvornik. Ça veut dire que les
14 membres de cette unité travaillaient avec la Brigade de Zvornik.
15 Vous avez entendu le témoignage portant sur la séparation des hommes qui
16 s’est fait à Tisca le 12 juillet. Le témoin D est venu vous le dire à la
17 barre. Il a dit qu'il avait été séparé d'un groupe d'hommes et qu'ils
18 avaient été emmenés dans un endroit qu'ils ne connaissaient pas, et c'est
19 là que ces hommes -à part lui- avaient été exécutés.
20 Vous avez également entendu des témoignages qui ont porté sur plusieurs
21 massacres qui se sont produits sur plusieurs sites où les Musulmans, qui
22 s'étaient livrés alors qu'ils se trouvaient dans la colonne, avaient été
23 détenus. On a parlé de la prairie de Sandici entre autres lieux et de
24 lieux qui se trouvaient le long de la route de Bratunac à Milici.
25 Et enfin, vous avez entendu le témoignage d'un témoin qui a décrit comment
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1 ces hommes ont été tués le long de la rivière Jadar. L'un des auteurs a
2 été identifié comme étant un membre de la police. Mais le témoignage de
3 cette exécution vous a révélé que non seulement la police avait participé
4 à ces meurtres mais qu'il s'agissait là d'actions bien coordonnées de
5 l'armée qui participait au transport, à la détention de ces personnes, de
6 ces victimes.
7 Voilà donc une série de tueries, de massacres dont je pourrais vous parler
8 plus longtemps mais, en lieu et place, je voudrais concentrer mes
9 observations sur les principaux sites connus où des milliers d'hommes, de
10 jeunes garçons ont été exécutés.
11 J'ajouterai que tous ces lieux d'exécution se trouvaient dans la zone de
12 responsabilité du Corps de la Drina, en d'autres termes une zone qui se
13 trouvait sous le commandement du Général Krstic.
14 Je vais relever sur le tableau qui se trouve derrière moi ces lieux
15 d'exécution. Parlons d'abord de l'exécution qui a eu lieu dans la zone de
16 responsabilité de la Brigade de Bratunac, ce sont les crimes qui se sont
17 produits le 13 juillet à l'entrepôt de Gravica et sur une route isolée en
18 direction de Srpska. Ces exécutions se sont produites le 13 juillet. Et
19 puis le 14 juillet, nous nous déplaçons vers le nord sur cette carte, là
20 où se trouve la zone de responsabilité de la Brigade de Zvornik, le 14
21 juillet, il y a eu des exécutions en masse à Orahovac est un lieu dont on
22 parle comme étant le barrage près de Petkovici.
23 Entre le 15 et le 17 juillet, il y a eu une exécution en masse à Kozluk et
24 puis plus au nord le 16 juillet, exécution en masse de 1200 hommes à
25 l'exploitation militaire agricole de Branjevo et puis à Pilica, 500 hommes
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1 et jeunes hommes ont été exécutés.
2 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, ces lieux ont été
3 identifiés par nos soins par plusieurs moyens et par l'intermédiaire de
4 plusieurs sources. Il y a eu tout d'abord les survivants à ces massacres
5 qui nous ont relaté les événements et ont déterminé de façon précise les
6 endroits où ces crimes avaient eu lieu. En utilisant des photos aériennes
7 fournies par les Etats-Unis, nous avons été en mesure de déterminer
8 l'emplacement de certains de ces lieux. Nous avons reçu des informations
9 de sources confidentielles. Et enfin nous avons reçu des informations
10 relatives à ces tueries de Drazen Erdemovic qui était un membre de l'armée
11 des Serbes de Bosnie, plus exactement dans la 10e Division de sabotage qui
12 faisait partie de l'état-major du Corps de la Drina.
13 Je vais commencer par la description des massacres qui se sont produits à
14 l'entrepôt de Gravica. Auparavant, je vous avais déjà décrit cette longue
15 colonne de Musulmans qui essayaient de percer en direction d'un territoire
16 libre et qui avait été arrêté le long de la route Bratunac, Sandici,
17 Konjevic Polje, Nova Kasaba.
18 Des milliers de Musulmans, je vous l'ai dit, ont été coincés dans cette
19 zone. Vous l'avez entendu, vous savez qu'il faisait particulièrement chaud
20 ces jours-là, ces personnes avaient été attaquées par l'armée des Serbes
21 de Bosnie, vous avez vu des images de DCA, de canons antiaériens qui
22 étaient dirigés sur le lieu où se trouvaient ces gens.
23 L'armée a attiré les survivants dans un guet-apens pour les sortir des
24 forêts en utilisant pour ce faire souvent des uniformes des Nations Unies
25 qu'ils avaient volés, des véhicules des Nations Unies qu'ils avaient
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1 volés, ils ont exécuté les victimes qui s'étaient livrées, ils les ont
2 forcées, ces victimes, à faire des appels en direction de ceux qui se
3 trouvaient encore dans les forêts, leur faisant croire que tout était en
4 ordre.
5 D'après les images de film que nous vous avons soumis et de l'entretien
6 d'un des membres de la police ou de l'armée des Serbes de Bosnie qui se
7 trouvait à cette ligne d'interdiction, il avait été interviewé pour savoir
8 combien de personnes ils avaient capturé. Ceci s'est passé le 13 juillet.
9 Voici ce qu'il a répondu: "De 3.000 à 4.000 personnes s'étaient livrées" à
10 lui ce jour-là même.
11 Vous avez aussi entendu l'interception en date du 13 juillet et je
12 reviendrai en détail là-dessus par la suite. Un des correspondants dit
13 qu'ils avaient capturé 6.000 personnes le 16 juillet et que ces personnes
14 se trouvaient à divers endroits comme par exemple au carrefour de Konjevic
15 Polje et Nova Kasaba. Ces personnes, lorsqu'elles sont sorties des bois,
16 étaient épuisées, elles avaient soif, elles avaient faim, elles avaient
17 peur.
18 Est-ce que nous pouvons maintenant voir un extrait d'un film? Vous allez
19 voir une partie d'une pièce à conviction que nous avons soumise qui vous
20 montre un extrait, et qu'une partie de cette colonne de personnes qui se
21 rend à la VRS. Je pense que les cabines d'interprétation ont la
22 transcription de cette interview.
23 Je vais demander aux interprètes de traduire ce qui se dit dans cette
24 interview. Nous allons d'abord avoir une diffusion du film. Vous avez ici
25 les biens qui avaient été abandonnés le long de la route.
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1 (Diffusion de l'extrait de la cassette vidéo.)
2 Vous voyez ces deux frères qu'on a identifiés. Ceci se passe le 13
3 juillet.
4 "-M: Je ne sais pas, d'une sorte de désert.
5 -Q: Mais combien de temps êtes-vous resté là-bas?
6 -M: Deux jours et deux nuits.
7 -Q: Complètement entourés… Où sont vos fusils?
8 -R: Je n'ai pas de fusil. Je suis un civil.
9 -Q: Un civil? Très bien, mais dans ce cas-là il n'y a rien à craindre.
10 Est-ce que vous aviez très peur?
11 -R: Qui n'aurait pas peur!
12 -Q: Allo, journaliste? Vous entendez le son?"
13 (Fin de la diffusion de la cassette vidéo.)
14 M. Harmon (interprétation): Comme vous le savez, Monsieur le Président,
15 Madame et Monsieur les Juges, ce jeune homme que nous avons vu a survécu.
16 C'est une des rares personnes à avoir survécu, et il a survécu uniquement
17 parce qu'il est monté dans un bus qui s'est arrêté tout à fait par hasard
18 à cet endroit.
19 Vous avez entendu également Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
20 Juges, les témoignages de deux personnes qui ont survécu.
21 M. le Président: Excusez-moi, il y a un problème avec le compte rendu.
22 D'accord, maintenant nous l'avons. Continuez s'il vous plaît.
23 M. Harmon (interprétation): Ces deux témoins ont dit qu'ils avaient été
24 emmenés sur la prairie de Sandici et ensuite soit on les a emmenés à les
25 faisant marcher de force à un entrepôt, l'entrepôt de Kravica, à environ
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1 un kilomètre de là, soit on les a transportés en bus, le 13 juillet.
2 Cet entrepôt se trouve dans la zone de responsabilité de la Brigade de
3 Bratunac.
4 Je vais maintenant demander qu'on nous montre l'image suivante, s'il vous
5 plaît.
6 (Image vidéo.)
7 M. Harmon (interprétation): Oui. Donc la zone que je vais entourer ici en
8 jaune c'est l'entrepôt de Kravica. Et cette photographie a été réalisée
9 par les enquêteurs du Bureau du Procureur, elle nous montre la dimension
10 de cet entrepôt. Ces témoins ont également raconté qu'ils avaient été
11 transportés aussi par autobus et ceci a été confirmé par une vue aérienne
12 qui a été réalisée et, en premier lieu, vous voyez des autocars, des
13 autobus ici près de la prairie de Sandici. Nous allons maintenant entourer
14 d'un cercle les détenus eux-mêmes, et vous voyez que cette photographie a
15 été réalisée le 13 juillet environ à 14 heures, ceci confirme les dires
16 des témoins. Nous allons passer à l'image suivante, il s'agit de
17 l'entrepôt de Kravica, le 13 juillet vers 14 heures et ceci confirme les
18 dires des témoins, nous voyons ici deux autocars qui sont juste devant
19 l'entrepôt. A l'entrepôt lui-même, on a fait entrer tous les Musulmans
20 dans deux grandes salles où ils étaient serrés. D'après le Témoin J qui
21 était dans l'une de ces salles, je cite: "L'entrepôt était complètement
22 plein, si on avait jeté un briquet ou une allumette à l'intérieur, il
23 serait resté sur l'épaule ou sur les genoux de quelqu'un, il n'aurait pas
24 pu atteindre le sol" fin de citation.
25 Le Témoin K qui est un autre survivant de ce massacre a dit qu'il estimait
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1 qu'il y avait environ 1000 à 1500 personnes dans la partie de l'entrepôt
2 où lui-même était détenu. Après avoir été rassemblés à cet endroit dans
3 l'entrepôt, les détenus qui se trouvaient à l'intérieur de l'entrepôt ont
4 été l'objet de tirs de la part des membres de la VRS, tirs d'arme de fusil
5 automatique, de mitrailleuses, de grenades et d'explosifs. Ensuite, les
6 membres de la VRS se sont approchés des corps et ont appelé d'éventuels
7 survivants en leur demandant de se faire connaître et ensuite ceux-ci ont
8 été exécutés. Peu après le massacre, on a vu arriver des engins qui ont
9 détruit les murs et les portes de l'entrepôt. Et ensuite on a emmené les
10 corps. Il n'y a que deux personnes qui aient survécu à cette exécution. Et
11 ça c'est un endroit devant lequel le Général Krstic est passé en véhicule
12 le 13 juillet. En apprenant par les survivants cette exécution, en premier
13 lieu le Bureau du Procureur s'est efforcé d'identifier l'endroit où cela
14 s'était passé, ensuite nous avons envoyé des enquêteurs dans l'entrepôt,
15 nous avons examiné l'intérieur, l'extérieur, les murs extérieurs et
16 intérieurs, et nous avons constaté qu'il y avait aussi bien à l'intérieur
17 qu'à l'extérieur, qu'il y avait des traces de balles très nombreuses et
18 les murs et l'encadrement de la porte d'entrée avaient disparu. Ici vous
19 voyez une vue de l'entrepôt, vous voyez les traces de balles. Ici, nous
20 avons maintenant l'intérieur même de l'entrepôt, l'une des salles où a eu
21 lieu le massacre et vous constatez une fois encore ici que les murs sont
22 criblés de balle. En inspectant l'intérieur de ces endroits où ont eu lieu
23 ce massacre les enquêteurs ont trouvé ce qu'ils pensent être des tissus
24 humains et du sang humain qui étaient collés au mur et au plafond de ce
25 bâtiment. Ici vous voyez des taches sombres sur les murs, il s'agit de
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1 sang. Passons à l'image suivante: Il s'agit d'une image qui représente le
2 plafond, et vous constatez qu'on peut y voir également des traces de sang.
3 Le 30 septembre 1996 ce que l'on pensait être du sang et des tissus
4 humains a fait l'objet d'un prélèvement de la part des experts Américains
5 du service d'enquête de la marine américaine et cela a été soumis au
6 ministère de la Justice des Pays-Bas et à l'un de ces laboratoires
7 d'analyse médico légal. Et les rapports d'expert conséquents sont les
8 pièces à conviction 181 et 150. D'autre part, en l'an 2000, nous avons
9 procédé à des exhumations au site 1 de Glogova qui se trouve environ à un
10 kilomètre de l'entrepôt. Sur ce site, on a trouvé 191 corps ainsi que du
11 béton et du pain qui était semblable à celui qui se trouvait devant
12 l'entrepôt. D'après les experts, on était intervenu au niveau de ce site,
13 de cette fosse commune. Ce site avait été pillé, par là, je veux dire
14 qu'on avait enlevé des corps du site Glogova 1. Et nous avons été en
15 mesure de retrouver des sites d'inhumation secondaire, c'est un terme sur
16 lequel je reviendrai ultérieurement plus en détail. Et c'est à Zeleni
17 Jadar qu'on a retrouvé un de ces seconds sites, sites secondaires
18 d'exhumation et on y a retrouvé 145 corps supplémentaires. Maintenant je
19 vais passer à l'exécution massive suivante , celle qui a eu lieu à le 13
20 juillet à Srpska, Srpska est un endroit qui se trouve au nord-ouest de la
21 ligne d'interdiction où se trouvait l'armée des Serbes de Bosnie et les
22 empêchait de passer. Cet endroit se trouve également dans la zone de
23 compétence qui se trouvait sous le commandement du Général Krstic et ce
24 site nous a été signalé par quelqu'un qui avait essayé de s'enfuir avec
25 une colonne. En fait, il se trouvait sur une colline, sur une route et il
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1 se demandait comment il allait réussir à traverser cette ligne et il a vu
2 des bus, trois bus qui étaient plein de Musulmans qui venaient de
3 Srebrenica et ce bus montait cette route extrêmement isolée en direction
4 de Srpska. Ils étaient suivis par un véhicule de transport de troupes avec
5 des soldats ainsi que des excavatrices, des engins d'excavation. Ensuite,
6 cette personne a entendu une série de tirs qui ressemblait aux tirs
7 d'armes automatiques et ensuite, il a vu ensuite les autobus, les trois
8 autobus revenir à vide. Ensuite ce témoin a été en mesure de traverser la
9 route, il est resté dans cette zone un certain temps et a trouvé à un
10 certain endroit beaucoup de sang sur la route et il nous a dit ce qu'il
11 avait vu et ce qu'il avait entendu. Donc, sur la base de vues aériennes de
12 cette route isolée qui nous ont été fournies par les Etats-Unis, nous
13 avons été en mesure d'identifier ce lieu et vous voyez ici cette route
14 isolée et à gauche vous avez une vue qui a été réalisée le 5 juillet 1995,
15 il n'y a absolument pas eu d'intervention, mais si vous examiner la
16 photographie de droite, elle date du 27 juillet 1995, on constate que l'on
17 a remué la terre. Ensuite, nous nous sommes rendus sur ce lieu en juillet
18 1995, il n'y a pas eu d'intervention, mais si vous examinez la
19 photographie de droite, elle date du 27 juillet 1995, on constate qu'il y
20 a eu mouvement, qu'on a remué la terre.
21 Ensuite, nous nous sommes rendus sur ce lieu, nous avons emmené le témoin
22 M avec nous et il nous a confirmé que l'endroit que l'on voit ici
23 maintenant, ou du moins cette route, c'est là qu'il a vu ces flaques de
24 sang. Donc cette image a été réalisée par les enquêteurs sur place et nous
25 montre que des engins ont été utilisés pour déplacer la terre, ici sur la
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1 gauche, et on a emmené ceci, cette partie de la route, ces talus, pour
2 transporter cette terre au-dessus de corps. Et vous allez maintenant voir
3 deux enquêteurs qui sont à droite en aval et qui sont en train d'étudier
4 le terrain.
5 Ce qu'ils ont découvert lorsqu'ils sont arrivés sur place -maintenant je
6 demande qu'on nous présente l'image suivante-, ce qu'ils ont trouvé c'est
7 la chose suivante: des dépouilles mortelles.
8 L'exhumation a été réalisée en 1996 à Srpska par une équipe d'experts
9 venant de divers pays. On a retrouvé les corps de 150 hommes. Les experts
10 en pathologie qui ont examiné ces hommes, ont déterminé que 149 d'entre
11 eux étaient morts suite à des blessures par balle. Pour beaucoup, ils
12 avaient les mains liées par des fils de fer, comme on le voit ici sur
13 cette image réalisée sur le site de la fosse commune; donc ces fils de fer
14 étaient entourés autour des poignets des victimes. On a trouvé 48 liens de
15 ce type en fil de fer sur le site.
16 Le rapport d'exhumation relatif à ce site d'exécution est la pièce à
17 conviction 206. Nous avançons que sur ces deux sites on peut conclure à la
18 planification et à la préméditation.
19 Vous savez que le 13 juillet, lorsqu'il y a eu ces déportations, les bus
20 étaient une denrée extrêmement rare et, dans le cadre de ces exécutions,
21 on a utilisé des autocars qui étaient suivis d'engins de chantier. Ceci
22 montre qu'il y a eu coordination, qu'il y a eu planification.
23 Nous avançons que c'est le cas dans ces deux exécutions dont je viens de
24 vous parler. Le 13 juillet, déjà il avait été décidé de tuer les hommes et
25 les jeunes garçons de Srebrenica aussi loin que possible de l'endroit où
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1 se trouvaient les membres du Bataillon néerlandais, et on a choisi un lieu
2 dans la zone de compétence du général Kristic; cela se trouvait tout au
3 Nord, dans la zone de la Brigade de Zvornik. Nous avons montré des preuves
4 qui montrent que, le 13 juillet, les registres d'utilisation des véhicules
5 de la Brigade de Zvornik, et qui ont été saisis par le Bureau du
6 Procureur, montrent que ces véhicules se sont rendus dans des endroits qui
7 ont plus tard été utilisés comme sites de détention et où les hommes et
8 les jeunes garçons ont été détenus avant d'être ensuite tués.
9 Maintenant, je vais parler de la première tuerie qui a eu lieu dans la
10 zone de compétence de la Brigade de Zvornik. Il s'agit d'un massacre qui a
11 eu lieu le 14 juillet à Orahovac. La première fois que nous avons entendu
12 parler de ce site, c'était par le biais de déclarations de personnes qui
13 ont survécu.
14 Et ces survivants nous ont tous raconté la même chose: ils avaient été
15 faits prisonniers le long de la route ou s'étaient livrés le long de la
16 route, ou bien on les avait séparés des autres à Potocari. Ensuite, ils
17 ont été transportés dans la zone de Zvornik, dans l'école de Grbavci, ils
18 étaient sous la garde de membres de la VRS. Certains ont été tués sur
19 place. Le 14, on les a fait sortir du gymnase où ils étaient gardés, on
20 leur a placé des bandeaux sur les yeux pour les aveugler, on leur a donné
21 un peu d'eau et on les a transportés jusqu'à Orahovac où ils ont été
22 alignés et systématiquement exécutés. Ces survivants nous ont déclaré que
23 ces exécutions avaient duré jusqu'au soir du 14. Et qu'ensuite les engins
24 de chantier ont travaillé pendant la nuit. Nous avons entendu deux
25 témoignages à ce sujet, les témoins L et N. On ne sait pas combien
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1 exactement de personnes ont été tuées à cet endroit. On a demandé au
2 témoin N de donner une estimation quant au nombre de personnes qui avaient
3 été tuées à cet endroit. Il a dit qu'il estimait qu'il y avait à peu près
4 2.500 personnes dans le gymnase et autant de personnes qui ont été tuées.
5 Nous estimons que cette estimation va un peu trop loin, nous estimons
6 qu'il y a environ 1.000 personnes à savoir des hommes et des jeunes
7 garçons qui ont été tués à Orahovac.
8 Une fois de plus, je vais utiliser des vues aériennes qui nous ont été
9 utiles pour identifier les sites en question et vous allez voir où cela
10 s'est produit. A gauche ici, une vue qui a été réalisée le 5 juillet. La
11 terre n'a pas été remuée. Mais si vous regardez maintenant l'image qui est
12 à droite et qui a été réalisée le 27 juillet, on voit deux endroits où la
13 terre a été remuée. Et c'est ce que nous appelons, nous, les fosses; là,
14 c'étaient 1 et 2. Nous sommes allés sur place et nous avons trouvé des
15 restes humains à la surface. Vous voyez ici un fémur et il y avait des
16 balles ainsi que des douilles qui parsemaient toute cette zone. Nous avons
17 également trouvé des boîtes de munitions qui étaient vides et qui se
18 trouvaient sur le site de l'exécution. En examinant ce site avec plus
19 d'attention, nous avons constaté que sur ces deux sites il y avait des
20 restes humains. En 1996, une équipe d'experts venant de nombreux pays
21 s'est rendue sur place et a procédé à une exhumation sur le site de Lazete
22 2 et on y a trouvé 165 victimes, des hommes qui avaient de 13 à 70 ans,
23 158 de ces hommes ou de ces jeunes garçons sont morts suite à des
24 blessures par balle. On a retrouvé 107 bandeaux sur le site et ainsi que
25 117 un peu plus loin à la surface. Les enquêteurs ont également déterminé
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1 que ce site avait fait l'objet d'une manipulation et que les corps avait
2 été transportés ailleurs. Trois des sites secondaires, des fosses communes
3 secondaires qui sont reliées à ce site premier, ont été identifiés; on y a
4 procédé à des exhumations et on y a trouvé 184 corps supplémentaires ainsi
5 que 90 bandeaux.
6 Mais on n'a pas procédé à des exhumations sur tous les sites secondaires
7 connus à ce jour et je reviendrai plus en détail sur les sites secondaires
8 plus tard.
9 Pendant l'été de l'an 2000, des experts internationaux sont de nouveau
10 retournés à Orahovac et ont procédé à des exhumations sur le deuxième
11 site, celui de Lazete 1. Là, ils ont trouvé 130 corps; pour 129 d'entre
12 eux, il s'agissait d'hommes. 125 d'entre eux -on a pu le déterminer-
13 étaient morts suite à des blessures par balles. Sur 100 de ces corps, on a
14 trouvé au niveau de la tête ou près des corps des bandeaux, et on a trouvé
15 38 bandeaux supplémentaires dans le site, dans la fosse.
16 Ici, vous avez une photographie qui a été réalisée sur ce site et vous
17 voyez le bandeau qui est resté sur la tête de cette victime. Dans le même
18 temps, une autre exhumation a été réalisée sur la partie du premier site
19 qui n'avait pas été exhumé et on y a retrouvé 17 corps d'hommes. On a
20 déterminé que 15 d'entre eux étaient morts suite à des blessures par
21 balles. Sur 8 de ces corps il y avait des bandeaux au niveau de la tête,
22 et on a trouvé 32 bandeaux dans la fosse qui n'étaient pas attachés à des
23 corps. La Brigade de Zvornik, c'est une brigade qui a participé
24 directement à ces exécutions; et la Brigade de Zvornik, c'était une
25 brigade qui se trouvait sous le commandement du général Krstic.
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1 Le témoin L qui a témoigné devant vous et qui est l'un des survivants, a
2 identifié l'un de ceux qui ont participé aux exhécutions, un dénommé Gojko
3 Simic.
4 Gojko Simic, nous le savons d'après les dossiers de la Brigade de Zvornik,
5 c'était quelqu'un qui était commandant de peloton au niveau du 4e
6 Bataillon d'infanterie, il avait le grade de sergent.
7 Le survivant, le témoin L, avait travaillé pendant 15 ans avec cet homme.
8 Le témoin L nous a également donné les prénoms de deux autres hommes qui
9 ont procédé à ces exhécutions. Et lorsque nous avons examiné les dossiers
10 du 4e Bataillon d'infanterie, nous avons trouvé des personnes qui
11 portaient ces prénoms, deux personnes qui portaient ces prénoms.
12 Les documents ont été saisis au niveau de la Brigade de Svornik, suite à
13 un mandat de perquisition qui a été exécuté par mon bureau, et nous avons
14 pu confirmer que le commandant de la compagnie militaire de la Brigade de
15 Zvornik et 13 autres membres de cette unité étaient à Orahovac le 14
16 juillet.
17 Ce document avait été modifié, il a été soumis à l'Institut judiciaire des
18 Pays-Bas qui l'a examiné et qui a déterminé ce qui avait été modifié au
19 niveau de ce document. Ce qui avait été essayé, c'était d'effacer toute
20 trace de la présence de cette Brigade à Orahovac. Ceci a été confirmé par
21 un rapport d'expert qui constitue la pièce à conviction de l'accusation
22 569.
23 D'autre part, le Bureau du Procureur a procédé à la saisie de registre de
24 travail de l'utilisation des véhicules et de la compagnie du Génie de la
25 Brigade de Zvornik qui montre que cette unité a utilisé des engins de
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1 chantier, des camions à Orahovac aussi bien le 14 que le 15 juillet.
2 Vous allez pouvoir le voir sur l'image que je vais vous montrer. Si l'on
3 regarde la colonne du haut -il s'agit d'un registre d'utilisation des
4 véhicules-, on voit très bien que le 14 juillet ces engins ont procédé au
5 creusement de tranchées à Orahovac pendant cinq heures, et c'est ici le
6 registre d'une excavatrice de marque Torpédo.
7 Maintenant, je vais passer à l'exécution massive suivante, celle qui a eu
8 lieu le 14 juillet. Cette exécution a eu lieu au barrage de Petkovci.
9 C'est également une zone qui se trouvait sous la responsabilité du général
10 Krstic, un certain nombre de survivants nous ont parlé de cette exécution.
11 Ils racontent tous la même chose, c'est-à-dire que soit des gens se sont
12 rendus le long de la route Bratunac-Milica et qui ont été transportés à
13 l'école de Petkovici. Ce site se trouve à seulement 100 mètres du quartier
14 général du 6e Bataillon de la Brigade de Zvornik.
15 Sur place, à l'école de Petkovci, les jeunes garçons et les hommes
16 musulmans ont fait l'objet de mauvais traitement très graves, certains ont
17 même été exécutés sur place. L'après-midi du 14 juillet et en début de la
18 matinée du 15, ces personnes ont été transportées au barrage qui était
19 tout proche. On les a alignées et exécutées sommairement.
20 Ceux qui avaient survécu à la première fusillade ont témoigné du fait
21 qu'ensuite les soldats de la VRS ont systématiquement tiré une balle dans
22 la tête à ceux qui soit étaient encore chauds, soit qui donnaient des
23 signes de vie.
24 Les deux témoins qui ont témoigné ici sont les témoins O et P.
25 D'après le témoin P, 1.500 à 2.000 hommes et jeunes garçons de Srebrenica
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1 ont été exécutés au barrage. Sur la base de ces témoignages, nous nous
2 sommes efforcés de trouver ce barrage pour nous rendre compte si
3 effectivement il y avait des traces d'exécution. Ici, vous avez une
4 photographie, une vue aérienne du barrage. En rouge, c'est l'eau. Il
5 s'agit d'un barrage où l'on déverse des effluents industriels et la zone
6 qui se trouve au-dessus de la partie, en rouge, c'est le barrage ainsi
7 qu'une partie plane où ont eu lieu les exécutions.
8 Maintenant, je vais demander à ce que l'on montre l'image suivante. Quand
9 on regarde à la verticale, le dessus du barrage, vous avez ici à gauche
10 l'eau. et ensuite le barrage. Cette première photographie a été réalisée
11 le 5 juillet. Vous constatez qu'il ne semble y avoir aucune terre qui ait
12 été remuée à la surface mais le 27 juillet nous avons repris la même
13 photographie de la même zone et là on peut constater qu'il y a de la terre
14 qui a été remuée.
15 Sur la base de ces informations, nous nous sommes rendus sur place et nous
16 avons procédé à une inspection en surface du barrage et nous avons
17 également inspecté la partie supérieure de la terre.
18 Nous avons trouvé un crâne et à la surface, la surface était parsemée de
19 centaine de douilles. Nous avons également trouvé un lien à la surface de
20 cette zone. Nous sommes revenus ultérieurement sur place avec ceux qui
21 avaient survécu à cette exécution. Ils ont confirmé qu'effectivement
22 c'était bien là qu'avait eu lieu l'exécution. En 1998, une équipe
23 internationale de spécialistes s'est rendue sur place au barrage pour
24 mener à bien une exhumation. Au départ, ce qu'ils ont fait c'est de
25 procéder à une inspection en surface, une inspection de la surface du
Page 9857
1 site. Et à la surface, je dis bien à la surface, ils ont trouvé 464
2 fragments rectangulaires et triangulaires de crânes, ce qui correspond
3 tout à fait aux dires de ceux qui ont survécu à savoir que les soldats
4 serbes de Bosnie ont tiré des balles dans la tête une fois que la première
5 fusillade avait eu lieu.
6 Les experts ont également trouvé 750 douilles à la surface. Ils auraient
7 pu en ramasser beaucoup plus mais ils en ont ramassé que 750. Lorsqu'ils
8 ont procédé à l'exhumation, ils ont constaté qu'il y avait sur place 43
9 corps.
10 Une fois encore, les experts nous ont signalé que ce site avait fait
11 l'objet d'une manipulation. D'autre part, nous avons été en mesure
12 d'identifier une fosse commune secondaire, Lipje 2, là où avaient été
13 transportés des corps qui venaient du barrage.
14 Et lors d'une exhumation qui a eu lieu en 1998, on a constaté qu'il y
15 avait sur place 191 corps et 23 liens. Mais la majorité des corps de ceux
16 qui ont été massacrés au barrage n'ont jamais été retrouvés.
17 Les rapports publiés par les experts qui ont participé à ces exhumations
18 font également partie du dossier du procès.
19 Le registre d'utilisation de véhicules de la Brigade de Zvornik confirme
20 que le jour de l'exécution, un camion Tam 75 a effectué quatre allers-
21 retours entre Petkovici et le barrage. Le registre de la compagnie du
22 génie militaire confirme que les équipements servant à remuer la terre ont
23 été envoyés à Petkovici. Les personnes qui maniaient ces équipements
24 étaient tous des membres de la brigade de Zvornik.
25 Monsieur le Président, je ne sais pas ce qui a été prévu en ce qui
Page 9858
1 concerne la pause, je suis prêt à continuer mais peut-être pourriez-vous
2 me donner quelques instructions à ce sujet-là.
3 M. le Président: Oui, Monsieur Harmon, nous allons faire à peu près une
4 heure trente car nous avions décidé de maintenir le même schéma, sauf s'il
5 y a un problème du côté du général Krstic.
6 Vous pouvez maintenant aller jusqu'à 10 heures 50.
7 M. Harmon (interprétation): Merci beaucoup.
8 Le site de l'exécution massive suivant, dont je vais parler, est le site
9 où l'exécution a été effectuée les 15 et 16 juillet 1995 à Kozluk. Il n'y
10 a pas de survivants, pour autant que nous le sachions, de ce massacre.
11 Nous avons appris que ce massacre a eu lieu d'une source confidentielle,
12 le massacre qui a eu lieu près de Kozluk. Et sur la base de ces
13 informations et des informations générales dont nous disposions, nous
14 avons encore identifié le site de ce massacre grâce à des images dont nous
15 disposons.
16 Maintenant, nous pouvons voir cela sur l'écran. Tout d'abord, nous pouvons
17 voir la rivière de la Drina, la partie claire de cette photographie. Et le
18 5 juillet, nous pouvons voir les rives de la Drina et nous pouvons
19 constater que la terre n'a pas été remuée.
20 Mais après le 17 juillet, nous pouvons voir que la terre a été remuée de
21 manière importante. Des membres de mon équipe, un membre est allé sur ce
22 site, il s'est trouvé à un endroit qui se trouve à moins d'un kilomètre de
23 la base des Loups de la Drina. Comme vous savez, il s'agit d'une des
24 unités qui avait participé à la prise de pouvoir de Srebrenica.
25 Nous pouvons voir sur cette photographie, à droite, le quartier général,
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1 et à gauche, nous pouvons voir des cartons puisque ceci se trouvait juste
2 à côté d'une usine locale produisant des bouteilles.
3 Nous sommes allés, nous avons conduit à côté de cet emplacement pour nous
4 rendre sur le site et nous avons pu constater que sur le site se trouvait
5 un dépôt de débris de l'usine locale produisant des bouteilles, et ce que
6 les enquêteurs du Bureau du Procureur ont trouvé sur place étaient des
7 dépouilles mortelles avec les ossements intacts des personnes.
8 Après avoir confirmé l'existence des dépouilles humaines sur ce site, une
9 équipe d'experts internationaux a effectué l'exhumation à cet endroit en
10 1999. Et voici ce qu'ils ont trouvé sur ce lieu.
11 Ici, nous pouvons voir une partie d'une photographie plus grande qui
12 montre des cadavres entassés et, parmi eux, nous pouvons voir les débris
13 de verre de couleur verte.
14 Nous avons trouvé sur ce site 340 cadavres, 237 des 292 cadavres intacts
15 sont morts de coups de feu, 55 portaient des bandeaux sur eux.
16 Nous pouvons constater ici que le cadavre a toujours le bandeau sur la
17 tête et les liens aux mains.
18 Nous avons trouvé 168 liens sur ce site, dont 137 se trouvaient sur les
19 victimes elles-même.
20 Nous pouvons voir une photographie de près d'un cadavre. Vous allez tout
21 d'abord remarquer les liens qui se trouvaient autour de ses mains et
22 autour de sa tête nous voyons le bandeau qui avait été placé.
23 Ce site d'inhumation a été pillé lui aussi et les cadavres ont été
24 déplacés et cachés au site secondaire qui se trouvait plus loin, en allant
25 par la route de Susnjari.
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1 Seulement un site secondaire lié au massacre de Kozluk a été exhumé en
2 1998, et nous avons trouvé 158 cadavres dont 126 masculins. En ce qui
3 concerne le reste, il n'a pas été possible de constater leur sexe. Sur les
4 35 cadavres intacts, 29 sont morts par des blessures provoquées par balle;
5 4 victimes portaient des bandeaux sur la tête et 4 autres bandeaux ont été
6 trouvés librement; 26 victimes portaient des liens sur les mains et nous
7 avons trouvé encore 11 liens librement.
8 Lorsqu'un autre site secondaire, sur la route de Susnjari, le long de la
9 route de Susnjari a été trouvé, nous y avons trouvé des dépouilles
10 mortelles et des débris. Ce site n'a toujours pas été exhumé.
11 Le registre d'utilisation des véhicules de la Brigade de Zvornik et de sa
12 compagnie de génie militaire montre qu'un buldozer de la Brigade de
13 Zvornik a travaillé pendant 8 heures à Kozluk le 16 juillet et qu'un poids
14 lourd a été à Kozluk ce même jour. Ces équipements étaient utilisés par
15 les membres de la compagnie de génie militaire de la Brigade de Zvornik.
16 Je souhaite maintenant parler du 16 juillet 1995 de la ferme de Branjevo
17 qui se trouve tout à fait au nord dans la municipalité de Zvornik. Il
18 s'agit encore une fois d'une zone qui était placée sous la responsabilité
19 du général Krstic, endroit qui est tout à fait distinct. Il s'agit d'une
20 ferme ici militaire, ferme qui était employée afin de produire des
21 aliments pour les membres de l'armée.
22 Nous pouvons voir cette route, nous allons parler des exécutions qui ont
23 été effectuées.
24 Je souhaite tout d'abord montrer la photographie suivante. Nous pouvons
25 voir ici l'un des bâtiments dont j'ai parlé et ici nous pouvons constater
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1 encore une fois que cet endroit est tout à fait isolé. Nous allons voir
2 l'endroit où les cadavres ont été enterrés. Il s'agit de l'endroit que
3 l'on est en train d'entourer.
4 Nous avons appris qu'il y a eu plusieurs survivants qui ont
5 miraculeusement survécu à ce massacre et nous ont fourni des informations.
6 La Chambre de première instance a entendu des dépositions de deux de ces 4
7 survivants, les témoins Q et I et leur récit se ressemble. Les personnes
8 qui ont été exécutées sont des personnes qui se sont rendues sur la route
9 Srebrenica/Bratunac, ou des personnes qui avaient été séparées de leur
10 famille à Potocari. On les a escortées jusqu’à l'école de Pilica qui se
11 trouve près de ce site d'exécution et c’est là où ils ont été gardés par
12 des membres de l'armée des Serbes de Bosnie. Ils étaient mal traités et
13 ont subi de mauvais traitements à cet endroit.
14 Après que l'école s'est complètement remplie et ne pouvait plus recevoir
15 de prisonniers, un bus est arrivé avec encore 20 Musulmans et ces
16 personnes ont été exécutées de manière sommaire lorsqu'elles sont sorties
17 des bus.
18 M. Ruez, l'enquêteur en chef du Bureau du Procureur chargé de ces crimes,
19 a déposé devant vous et a fourni des moyens de preuve concernant cela.
20 Le 16 juillet, les prisonniers musulmans qui avaient été à l'école de
21 Pilica ont dû monter dans les bus. Ils étaient gardés par la police
22 militaire du Corps de la Drina et on les a conduits jusqu'à la ferme
23 militaire de Branjevo. Ils ont dû descendre des bus, beaucoup d'entre eux
24 ont été maltraités, ils sont arrivés sur place, on les a alignés, ils ont
25 été exécutés de manière sommaire.
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1 Drazen Erdemovic, membre du 10e Détachement de sabotage du quartier
2 général de la VRS, a déposé devant cette Chambre de première instance et,
3 d'après M. Erdemovic, entre 10 heures du matin et trois heures de l'après-
4 midi du 16 juillet, des cars venaient l'un après l'autre transportant des
5 Musulmans non armés de Srebrenica et ces personnes étaient gardées par des
6 policiers militaires du Corps de la Drina.
7 M. Erdemovic dit que ces personnes ont été maltraitées et humiliées avant
8 d'être exécutées à un endroit où elles y ont été alignées. Ceci a duré 5
9 heures le 16 juillet à la ferme militaire de Branjevo. Nous avons donc pu
10 corroborer nos constatations par le biais des dépositions des témoins et
11 par le biais des photographies aériennes.
12 Cette photographie a été prise le 17 juillet et vous pouvez voir les
13 bâtiments qui se trouvent là et ensuite, à gauche du dernier bâtiment,
14 nous voyons un grand cercle, il y est indiqué: "Cadavres, corps". Il
15 s'agit là des cadavres des personnes qui avaient été exécutées.
16 En ce qui concerne l'emplacement, ceci est conforme à ce que nous avons
17 entendu des témoins et de M. Erdemovic.
18 Ensuite, les corps ont été transportés à un autre endroit que nous pouvons
19 voir sur cette photographie. C’est là que ces personnes ont été enterrées
20 à la fin.
21 Ensuite, les membres de mon bureau se sont rendus à la ferme de Branjevo
22 et encore une fois, ils ont sondé la surface du terrain et ce qu’ils ont
23 trouvé ce sont les dépouilles humaines, des pièces de vêtements, des
24 douilles qui indiquaient que quelque chose s'était produit à cet endroit-
25 là.
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1 Le terrain a été sondé, des dépouilles humaines ont été trouvées. En 1996,
2 des experts internationaux sont allés à cet endroit, ont effectué des
3 exhumations. Ils ont trouvé des dépouilles mortelles de 132 victimes
4 masculines âgées environ de 15 ans à 61 ans.
5 Lorsqu’ils ont creusé cet endroit, voici ce qu'ils ont trouvé. Il s'agit
6 là d'une photographie indiquant ce qu'ils ont trouvé sur place. Sur les
7 130 victimes de sexe masculin trouvées sur ce site, la mort de 130 a été
8 provoquée par balle. 76 victimes portaient des liens sur les mains, 7
9 autres liens ont été trouvés dans le site d'enterrement, 2 des victimes
10 portaient des bandeaux sur les yeux et les experts ont constaté que ce
11 site d'inhumation a été pillé lui aussi.
12 Un site secondaire a été trouvé le long de la route de Susnjari et exhumé
13 en 1998. A cet endroit, 171 individus ont été trouvés, 8 portaient des
14 bandeaux et 16 des liens.
15 Dans le cadre de ce procès, nous avons pu nous pencher sur les rapports
16 d'experts qui portent sur ces exhumations-là. Les membres de la Brigade de
17 Bratunac ont escorté les victimes de la zone de Srebrenica jusqu'à l'école
18 de Pilica. Nous avons pu constater cela sur la base des documents saisis
19 par les enquêteurs du Bureau du Procureur.
20 Tout d'abord, le registre d'utilisation des véhicules de la police
21 militaire de Bratunac du 13 juillet, nous pouvons voir que les membres de
22 cette unité ont participé au transfert des réfugiés musulmans et nous
23 pouvons également constater, nous savons que les déportations se sont
24 terminées à 8 heures du soir, le 13.
25 D'après ce registre, nous pouvons voir que les Musulmans, qui ont été
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1 escortés, ont été escortés au nord, au site d'exécution, et ceci a été
2 confirmé par un autre registre quotidien portant sur la journée du 14
3 juillet où l'on indique que, je cite: "Une patrouille de police est restée
4 à Pilica afin de sécuriser et garder les Musulmans".
5 Il s'agit de la pièce à conviction de l'accusation 404.
6 (Note de l'interprète: La date citée par le Procureur était le 14
7 juillet.)
8 Donc nous pouvons voir que ces membres ont gardé les Musulmans. Nous avons
9 également des documents concernant les activités du 10e Détachement de
10 sabotage, M. Erdemovic a déposé à ce sujet-là.
11 Le matin du 16, lui et d'autres membres de l'escadrille d'exécution, se
12 sont rendus au quartier général de la Brigade de Zvornik. C'est là qu'un
13 lieutenant colonel non identifié s'est joint à eux, avec les policiers
14 militaires de la Brigade de Zvornik. Ces personnes-là les ont accueillis,
15 ensuite ils ont été escortés par les policiers militaires de la Brigade de
16 Zvornik jusqu'au quartier général de la Brigade de Zvornik et jusqu'à la
17 ferme militaire de Branjevo. Et M. Erdemovic a déposé en disant que les
18 bus transportaient les victimes à Bratunac, au site d'exécution, et qu'à
19 ce moment-là ils étaient escortés par des policiers militaires. Nous
20 savons également, sur la base de ce que disait M. Erdemovic, que des
21 hommes de Bratunac sont arrivés et ont participé aux tueries. Après que
22 ceci a été effectué et après le meurtre de 1.200 personnes à la ferme
23 militaire de Branjevo, un lieutenant militaire non identifié est rentré à
24 la ferme avec les policiers militaires et il leur a demandé d'exécuter
25 d'autres victimes. Comme nous le savons, les équipements du Corps de la
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1 Drina, qui appartenaient à la Brigade de Zvornik, étaient utilisés par
2 leur personnel qui a enterré les cadavres à cet endroit. Ceci a été
3 confirmé par les registres d'utilisation de véhicules qui ont été saisis
4 et par des photos aériennes. Et nous savons également que le carburant
5 utilisé par ces véhicules a été autorisé par le commandant Bacevic du
6 service technique du département logistique du Corps de la Drina, et a été
7 fourni au lieutenant-colonel Popovic, c'est-à-dire une personne
8 directement subordonnée au général Krstic, et l'une des personnes que
9 Krstic a identifiée en tant que la personne responsable de ces meurtres.
10 Je vois quelle heure il est, Monsieur le Président. Peut-être que le
11 moment est opportun pour procéder à une pause?
12 M. le Président: Oui, nous allons faire une pause d'une demi-heure.
13 (L'audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures 25.)
14 M. le Président: Nous allons faire une deuxième période de travail
15 d'environ une heure et demie, sauf s'il y a besoin d'une pause. Vous
16 voudrez donc bien me le signaler, Monsieur Harmon, s'il vous plaît.
17 M. Harmon (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame et
18 Monsieur les Juges.
19 Avant la pause, j'étais en train de décrire l'exécution massive qui a eu
20 lieu à la ferme militaire de Branjevo. Maintenant, je souhaite parler de
21 ce qui s'est passé au même moment que ce meurtre à Branjevo, à savoir le
22 massacre de Pilica.
23 Il s'agit d'un endroit qui se trouve près de la ferme militaire de
24 Branjevo. La Chambre a entendu des dépositions au sujet de ce massacre et
25 qu'il n'y a pas de survivants de ce massacre. Le Bureau du Procureur
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1 n'était pas au courant de ce massacre et a appris que ceci s'est effectué
2 seulement par le biais des informations fournies par M. Erdemovic qui a
3 déposé ici devant cette Chambre au sujet des informations qu'il nous avait
4 fournies préalablement.
5 A savoir que le 16 juillet, à la fin des massacres qui avaient été
6 effectués à la ferme militaire de Branjevo, un lieutenant colonel non
7 identifié est rentré à la ferme de Branjevo avec des policiers militaires
8 de la Brigade de Zvornik et il a dit à Erdemovic et à ses collègues qui
9 avaient participé à l'exécution que le travail n'avait pas été terminé et
10 qu'environ 500 autres personnes restaient dans un village, qui se trouvait
11 à proximité dans un centre culturel et que, eux aussi, ils devaient être
12 massacrés.
13 M. Erdemovic a refusé de participer à ces exécutions, cependant ses
14 collègues, et notamment ceux de Bratunac, l'ont accepté volontiers. Et
15 donc M. Erdemovic, le lieutenant colonel et les policiers militaires et
16 les hommes de Bratunac sont allés à Pilica en voiture. Il s'agit d'un
17 endroit qui se trouve à proximité. Les exécutions se sont faites à un
18 endroit tout à fait public et, ma collègue, Mme Keith va expliquer très
19 exactement où ces exécutions ont eu lieu.
20 Vous pouvez voir ici la route principale qui traverse le village de
21 Pilica, il s’agit là d’une route principale de la Bosnie orientale partant
22 de Zvornik et Bjelina, je crois. Au sein de la Republika Srpska et dans le
23 village de Pilica, on n'a même pas fait d'effort afin de cacher ce
24 massacre. Les gens du village et des alentours savaient tout à fait ce qui
25 s'y était passé.
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1 Si nous examinons l'image suivante, nous pouvons voir le centre culturel
2 de Pilica et nous pouvons voir que ceci se trouve derrière les autobus. Il
3 s'agit là donc du site d'exécution, et lorsque nos enquêteurs l’ont
4 appris, ils se sont rendus sur ce site à Pilica. Ce qu'ils ont trouvé, et
5 je demanderai que l'on place la photographie suivante sur le
6 rétroprojecteur, il s'agit ici du centre culturel de Pilica, devant vous
7 allez voir un grand monument, il s'agit d'un monument qui a été érigé
8 récemment et qui est consacré aux soldats serbes de Bosnie qui ont été
9 tués pendant la guerre. Ceci se trouve directement devant l'un des sites
10 d'exécution massive les plus importants dont nous avons traité dans le
11 cadre de cette affaire.
12 Lorsque les enquêteurs sont allés sur place, ce centre avait la porte
13 verrouillée et était déserté. Par la suite, les enquêteurs ont réussi à
14 entrer dans ce bâtiment et ils ont pu confirmer que c’est effectivement le
15 lieu où le massacre avait eu lieu.
16 Voici ce qu'ils ont vu: les murs de l'intérieur du bâtiment portaient de
17 nombreuses traces de balles, il y avait des douilles au sol, du sang
18 humain et des tissus humains ont été prélevés à un endroit à côté du mur.
19 Ici à droite, nous pouvons voir une partie de la photographie alors que de
20 nombreuses autres photographies semblables ont été prises.
21 Vous allez voir maintenant des traces de détonation. Vous pouvez voir
22 aussi des traces de sang dans cette partie du mur. M. Erdemovic a déposé
23 au sujet de ce massacre en indiquant que non seulement les armes légères
24 mais aussi des engins explosifs ont été employés dans le cadre de ce
25 massacre.
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1 Le 2 octobre 1996, les membres du service d'enquête criminelle de la
2 marine américaine et les enquêteurs du Bureau du Procureur sont rentrés
3 dans cet endroit et ont prélevé le sang humain et les tissus humains qui
4 se trouvaient à côté des murs et du sol.
5 Ils ont également recueilli les ossements humains. Ces échantillons de
6 sang et de tissus ont été soumis au ministère de la Justice à l'Institut
7 médico-légal des Pays-Bas pour que les analyses soient effectuées et les
8 analyses ont confirmé qu'il s'agissait du sang et des tissus humains.
9 Les rapports d'experts ont été versés au dossier dans le cadre de cette
10 procédure liée notamment à ce site. Les photographies aériennes fournies
11 par les Etats-Unis ont confirmé que les corps des personnes, qui ont été
12 tuées dans le cadre de ce massacre, ont probablement été déplacés du
13 centre culturel le 17 juillet.
14 Nous pouvons voir ici la photographie aérienne représentant le centre
15 culturel et, au bas de la photographie, vous pouvez voir cela et vous
16 pouvez voir également un véhicule non identifié. Et ma collègue Mme Keith
17 y est allée. Il est difficile de voir cela directement sur cette
18 photographie, mais nous pouvons voir des traces de poids lourds qui
19 avaient fait le cercle autour du bâtiment décrit en tant que centre
20 culturel. Ceci confirme ce qu’avait dit M. Erdemovic qui était assis dans
21 un café pendant que le massacre se déroulait.
22 Sur la base d'un autre registre d'utilisation de véhicule de la brigade de
23 Zvornik, nous avons pu constater qu'un camion TAM 130 a été à Pilica le 17
24 juillet. Nous considérons que c'est justement ce qui est décrit en ce qui
25 concerne le bâtiment en question, dans le cadre de la pièce à conviction
Page 9869
1 de l’accusation 647.
2 Nous allons remplacer le panneau qui se trouve derrière moi.
3 (Intervention de l'huissier et de l'assistante juridique du Procureur.)
4 Merci de votre aide.
5 Au cours de mes observations, j'ai souvent fait allusion au pillage de
6 fosses communes primaires. Ce qu'a dit le général Krstic devant vous c'est
7 qu'il n'était pas au courant de l'ampleur de ces opérations dont nous
8 savons qu'elles se sont produites au cours du mois d'octobre 1995 alors
9 qu'il était commandant du Corps de la Drina.
10 Tous les sites secondaires que nous connaissons se trouvent dans la zone
11 de responsabilité du Corps de la Drina. Comme je vous l'ai dit, Madame et
12 Messieurs les Juges, alors que les experts menaient ces exhumations à ces
13 différents sites primaires, ils sont arrivés à la conclusion qu'il y avait
14 eu pillage de ces sites et ils l'ont constaté en examinant la
15 configuration physique de ces fosses, de ces sites.
16 Il leur a été possible de déterminer notamment qu'il y avait des traces
17 qui étaient restées dans le sol. Vous les voyez d'ailleurs ici sur cette
18 image. Voici un tel exemple puisqu’il s'agit ici d'un site à Kozluk. Après
19 que le sol en superficie, en surface ait été enlevé, il est apparu qu'il y
20 avait une série supplémentaire de tranchées en dessous. Voici une de ces
21 tranchées effectuées au moment où on a transbordé ces corps.
22 Nous avons constaté que ce processus de ré-enterrement s'était produit, ne
23 fusse qu'avec cet exemple. C'est une autre de ces tranchées creusées au
24 moment où on a ré-enterré ces hommes parce que les excavateurs ont coupé
25 les corps qui s'y trouvaient.
Page 9870
1 Ces corps sont restés à l'intérieur de la façon dont ils étaient tombés au
2 moment où ils avaient été exécutés. Des morceaux de corps avaient disparu.
3 Ce qui veut dire que ce sont là des exemples de ce qu'ont trouvé nos
4 experts dans plusieurs de ces sites primaires. On y a retrouvé ce type de
5 trace. Et dans les fosses secondaires, nous avons trouvé des parties de
6 corps, des fragments de corps qui montraient qu'il y avait des parties de
7 corps qui avaient été enlevées et qui avaient été vraiment démantelées et
8 qu'on ne retrouvait plus que des fragments de ces corps dans les sites
9 secondaires.
10 Nous nous sommes rendu compte de cette tentative de dissimulation massive
11 réalisée par l'armée des Serbes de Bosnie. Nous avons à ce moment-là
12 essayé de déterminer à quel moment ces opérations de désenterrement et de
13 ré-enterrement se sont effectuées.
14 Nous nous sommes servis, pour établir ceci, d'images aériennes. Vous les
15 avez déjà vues. Nous en reprenons une ici. Celle-ci a été prise le 17
16 juillet à la ferme militaire de Branjevo. Vous y voyez les corps ainsi que
17 l'aspect général que présentait la zone. Nous savons que ces corps ont été
18 déplacés grâce à la quantité de sol déplacé pour les extirper du sol.
19 Prenons l'image suivante, celle du 21 juillet. Ici apparemment il n'y a
20 pas eu de déplacement de sol. C'est un site indiqué par le marqueur, vous
21 le voyez. Mais si nous regardons l'image suivante -la précédente était du
22 21 septembre-, et ici celle du 27 septembre, vous voyez l'action même de
23 ces engins. A gauche, on voit une tranchée qu’on vient de creuser, et vous
24 voyez à droite, moyen encadré au milieu de l'image. C’est un
25 agrandissement, un élargissement et en fait, il y a là un engin
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1 d'excavation et une pelleteuse frontale. On sait que ce pillage de fosse
2 commune s'est fait au cours du mois de septembre 1995.
3 Je vais vous montrer d'autres exemples qui nous ont permis de déterminer
4 et de prouver où avaient eu lieu ces pillages de fosse. Nous avons ici le
5 site de Glogova. C’est là que se trouvaient les personnes, où ont été
6 enterrées les personnes tuées sur le site de Kravica. Nous sommes ici le
7 30 octobre 1995. Nous voyons grâce à cette image qu'on est en train de
8 piller les fosses primaires. Il y a là un excavateur qui est en train de
9 déterrer les corps.
10 Image suivante. Elle vous montre la zone d'Orahovac. Si l'on fait une
11 analyse par comparaison, on voit à gauche le cliché du 7 septembre.
12 Apparemment, là, il y a déjà eu des mouvements de sol. Si vous voyez
13 l'image du 27 septembre, tout apparaît clairement. On voit qu'on a
14 continué à remuer le sol. On sait dès lors que ce site d'Orahovac a été
15 déplacé et manipulé entre le 7 et le 27 septembre 1995.
16 Comme je le dis, toutes ces activités ont eu lieu alors que le général
17 Krstic était commandant du Corps de la Drina.
18 Le défi suivant qui nous attendait c’était devoir déterminer où les corps
19 qui avaient été enlevés de ces sites primaires avaient été emmenés. Une
20 fois de plus, nous nous sommes servis des images aériennes pour déterminer
21 l'emplacement éventuel de ces sites secondaires. Je vous l’expliquerai
22 dans quelques instants.
23 Ce que nous savons c'est que ces fosses communes, qui se trouvaient dans
24 la zone de Zvornik, avaient été pillées, et nous savons que, en fin de
25 compte, nombre des cadavres, nombre des emplacements se trouvaient à une
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1 grande distance de là. Ils se trouvaient notamment à Hadzici, Lipje et sur
2 la route de Susnjari.
3 Nous avons d'abord la route d'Hadzici où se trouvaient beaucoup de sites
4 secondaires: 7 pour être plus précis. Ces images vous le montrent, même si
5 elles sont de petit format. Elles vous montrent que c'est là un endroit
6 éloigné, distant. Les corps qui avaient été enlevés des sites primaires
7 ont été emmenés dans des endroits très éloignés, très isolés parce que
8 l'on voulait les dissimuler.
9 Nous avons pu identifier ces emplacements car si vous voyez les flèches
10 qui figurent sur ces images, ce n'est pas facile à voir, mais on voit là
11 qu'on a eu des déplacements de terrain.
12 Cette image-ci, voici les sites se trouvant sur la route de Lipje.
13 Difficile de voir sur cette image-ci, mais on a des terres qui ont été
14 remblayées là aussi.
15 Voici le troisième site, site de la route de Susnjari où 12 sites
16 secondaires se trouvent. Je le répète, ces trois zones se trouvent toutes
17 dans la partie nord de la zone de responsabilité du Corps de la Drina.
18 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous avons été en
19 mesure de situer l'emplacement de sites secondaires dans la partie sud de
20 la zone de responsabilité du Corps de la Drina, plus précisément au sud de
21 l'enclave de Srebrenica, à un endroit connu comme étant Zeleni Jadar.
22 Ici, on le voit une fois de plus même si c'est difficile à identifier sur
23 la photographie, on voit que la terre a été déplacée et les flèches vous
24 indiquent où se trouvent les 6 sites secondaires identifiés. Nous avons pu
25 d'abord déceler l'emplacement.
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1 Par la suite, nous avons dépêché des enquêteurs du Bureau du Procureur sur
2 ces lieux qui ont procédé à une sonde préalable de ces sites secondaires,
3 j'entends par là qu'ils ont procédé à un examen de la couche de surface du
4 sol et s'ils y avaient détecté des traces ou restes humains eh bien, on
5 fermait ces sites et par la suite des experts internationaux sont
6 retournés sur les lieux pour procéder à l'exhumation de ces sites.
7 Image suivante sur votre écran. Elle vous montre lesquels parmi les sites
8 de fosses communes tant primaires que secondaires connues ont été exhumées
9 à ce jour. Dans la colonne de gauche, vous avez une liste longue, avec des
10 dates, vous voyez par exemple "1996" au haut de cette colonne, et vous
11 constaterez que ce sont là les fosses communes qui ont été exhumées en
12 1996, et puis en 1998, en 1999 ainsi qu'en l'an 2000. Ceux qui sont
13 surlignés, ce sont des sites primaires, ceux qui ne le sont pas sont des
14 sites secondaires.
15 Examinez maintenant la colonne de droite. Elle vous montre l'emplacement
16 de sites qui ont été examinés pour y trouver des restes humains et dont il
17 a été confirmé par nos experts qu'il y a effectivement des restes humains
18 mais qui n'ont pas encore été exhumés. Ce tableau vous montre qu'il y a un
19 nombre considérable de fosses qu'il faut encore exhumer.
20 Nous avons eu recours une fois de plus aux vues aériennes qui nous ont
21 permis d'exclure dans la ligne du temps le moment où ces sites ont été
22 créés. Vous voyez la partie supérieure, le cliché pris le 7 septembre où
23 on voit qu'il n'y a pas eu de terre déplacée, alors que dans le cliché du
24 bas qui porte la date du 12 octobre 1995, on constate qu'il y a eu des
25 déplacements de terrain. Ceci est visible grâce à deux flèches ZJ5 et ZJ5.
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1 Nous savons dès lors grâce à ceci que les sites secondaires de Zeleni
2 Jadar, qui se trouvent au sud de l'enclave, ont été créés à un moment qui
3 se situe entre le 7 septembre 1995 et le 12 octobre 1995.
4 A l'évidence, puisque nous avions trouvé des sites de fosses communes sur
5 ces routes isolées, le défi qui nous attendait à ce moment-là c'était
6 d'établir un lien entre ces sites et les sites primaires. En d'autres
7 termes, il nous fallait relier ces sites secondaires où nous avions trouvé
8 des restes humains avec des lieux connus comme étant des lieux d'exécution
9 avec pillage des fosses primaires.
10 Ce problème, nous l'avons résolu avec l'aide d'experts internationaux.
11 Ceux-ci sont venus examiner plusieurs éléments ayant trait aux sites
12 primaires et secondaires.
13 Par exemple, nous avons pris ces bandeaux que nous avions trouvés dans des
14 sites primaires, et nous avons comparé le tissu de ces bandeaux avec celui
15 de bandeaux que nous avions trouvés dans des sites secondaires. Nous avons
16 aussi pu comparer ce qui avait été utilisé comme lien dans les sites
17 primaires et les sites secondaires.
18 Les rapports d'experts montrent qu'on a comparé et qu'il y a coïncidence
19 entre le matériel trouvé dans les sites primaires et secondaires. Ceci
20 vous a été présenté comme éléments de preuve. L'institut médico-légal des
21 Pays-Bas a pu effectuer ces comparaisons et établir ces relations.
22 De plus, nous avons pris les douilles utilisées, usées que nous avions
23 trouvées sur les lieux d'exécution massive primaires et nous avons mené
24 des études balistiques par comparaison avec les douilles usées que nous
25 avons trouvées sur les sites secondaires, et nous avons pu établir une
Page 9875
1 correspondance entre les douilles des sites primaires avec des douilles
2 tirées par les mêmes fusils dans les sites secondaires. La comparaison a
3 été effectuée par le Bureau ATF des Etats-Unis.
4 De plus, nous avons fait une comparaison du sol trouvé dans les sites
5 primaires et du sol dans les sites secondaires. Là aussi, il s'est avéré
6 qu'il y avait corrélation, que ce soit au niveau du sol ou au niveau des
7 pollens trouvés dans ce sol. C'est Anthony Brown spécialiste du sol, de
8 l'université Exeter au Royaume-Uni qui a mené cette analyse.
9 De plus, nous avons pu obtenir des preuves physiques établissant le lien
10 entre les sites primaires et les sites secondaires. Vous avez ici une
11 photographie sur votre écran, elle vient du site du massacre de Kozluk.
12 Vous y voyez un corps dont les mains sont liées, mais vous constatez à
13 gauche qu'il a beaucoup de tessons de verre, de bouteilles.
14 Ces personnes, avant qu'elles ne soient exécutées, ont été pratiquement
15 sur des champs de tesson. Ces corps ont été enlevés et ces corps enlevés
16 du site de Kozluk ont été replacés dans un site de la route de Susnjari.
17 Des experts, qui ont examiné ce site de Susnjari, ont trouvé ces tessons
18 de verre verts.
19 C'est difficile de le voir sur cette image, mais si vous regardez à
20 gauche, dans le coin supérieur gauche, que ma collègue va entourer d'un
21 cercle, vous retrouvez dans ce site secondaire de la route de Susnjari ces
22 tessons de verre verts, et c'est grâce à ce type d'analyse que nous avons
23 pu établir un lien entre ces sites primaires et les sites secondaires.
24 Voici maintenant un tableau qui est l'illustration des liens entre des
25 sites primaires spécifiques et des sites secondaires spécifiques, et le
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1 lien qu'il y a entre chacun d'entre eux.
2 Par exemple, la ferme militaire de Branjevo. Ce qui relie ce site au site
3 Cancari 12, c'étaient des échantillons de pollen recueillis par les
4 experts qui ont procédé à ces analyses ainsi que les bandeaux et les
5 liens.
6 Si vous parcourez la totalité de ce tableau qui fait partie de la pièce de
7 l'accusation 140, vous trouverez d'autres liens, vous verrez le verre, les
8 douilles, le sol qui montre tous ces liens.
9 Ce qui apparaît de façon manifeste à la suite de tous ces efforts, ce qui
10 nous est apparu clairement, puisque nous savions à ce moment-là où se
11 trouvaient les sites primaires et secondaires, il nous est apparu
12 clairement que les opérations de dissimulation étaient à une échelle
13 massive qui montrait qu'il y avait eu coordination, planification
14 s'étendant sur un territoire étendu qui nécessitait le transport d'engins
15 lourds sur les sites primaires.
16 Afin qu'ils soient utilisés sur ces sites, il fallait déterminer
17 l'emplacement de sites secondaires, les creuser, ces nouvelles fosses
18 communes. Il fallait pour cela transporter ces cadavres, leur faire
19 parcourir de longues distances qui se trouvaient dans la zone de
20 responsabilité du Corps de la Drina.
21 Derrière moi, vous avez un tableau, c'est la pièce de l'accusation 135,
22 elle vous montre l'ampleur, l'échelle de cette opération.
23 Regardez! Voyez la ferme militaire de Branjevo en haut, à droite. Est-ce
24 que vous les voyez, Madame et Messieurs les Juges, la ferme militaire de
25 Branjevo? Les cadavres déterrés de cet endroit ont été transportés et ont
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1 dû parcourir de longues distances pour être amenés sur 12 sites de la
2 route de Susnjari.
3 Les cadavres trouvés sur le site d'exécution massive de Kozluk ont eux
4 aussi été transportés en direction de la route de Susnjari. Les corps
5 retrouvés au barrage près de Petkovici ont eux été transportés dans la
6 zone de Lipje. Quant aux corps du site d'exécution de Orahovac, ils ont
7 été emmenés sur la route de Hadzici.
8 Prenons maintenant les massacres produits à l'entrepôt de Gravica. Ce sont
9 les corps qui avaient été enterrés sur le site de Glogova, ils ont été
10 emmenés vers le sud, en dessous de l'enclave, à 6 endroits, qui se
11 trouvaient le long de Zeleni Jadar.
12 Ce n'était pas une opération de faible envergure, Monsieur le Président,
13 Madame et Monsieur les Juges, lorsque je vous parle de ces divers cadavres
14 déterrés de plusieurs endroits. Il se peut qu'il y ait aussi d'autres
15 lieux où ces cadavres ont été ré-enterrés, ce dont nous n'avons aucune
16 connaissance. Je vous ai parlé du barrage, nous n'avons pas trouvé la
17 majorité des corps qui avaient d'abord été enterrés.
18 Pendant toute ma présentation de ce matin, je vous ai parlé des
19 exhumations. Pour qu'il y ait un dossier objectif, il faut préciser ceci.
20 Vous savez, Madame et Messieurs les Juges, que ces exhumations ont été
21 faites en 1996, en 1998, en 1999 et en l'an 2000.
22 Les équipes qui y ont participé, à ces exhumations, étaient des équipes
23 internationales multidisciplinaires composées de spécialistes en
24 anthropologie, en archéologie, en pathologie, en radiologie, en
25 dentisterie, et ces emplacements ont reçu aussi la visite d'inspecteurs
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1 judiciaires et de spécialistes médico-légaux ainsi que de photographes
2 experts.
3 Vous avez entendu plusieurs experts: le Dr Richard Wright, professeur en
4 anthropologie, originaire d'Australie, et William Haglund anthropologue
5 des Etats-Unis, Jose Baraybar, anthropologue du Pérou, le Dr Christofer
6 Lawrence, pathologiste d'Australie, le Dr John Clark, pathologiste
7 écossais, vous avez aussi les rapports d'experts de Fredie Peccerelli,
8 directeur de la Fondation de l'anthropologie médico-légale du Guatemala.
9 Tous ces experts, qui sont venus déposer devant vous, ont vu leurs propos
10 étayés par des spécialistes originaires d'au moins 24 pays.
11 Vous avez aussi reçu les rapports d'experts ayant trait au recueil et
12 analyse des moyens de preuve récupérés sur tous ces sites; ce sont des
13 rapports préparés par des experts en médecine légale du monde entier.
14 J'ai souvent parlé de l'institut médico-légal du ministère de la Justice
15 néerlandais qui a procédé à une analyse des tissus, à cette comparaison
16 des tissus, des bandeaux trouvés dans les sites primaires et secondaires,
17 des spécialistes de résidus, des spécialistes d'ADN qui ont pu examiner
18 les échantillons de Pilica Dom et de Kravica.
19 Vous avez aussi les services d'enquête judiciaire qui ont recueilli des
20 échantillons de tissus humains et de tissus du site de Pilica Dom et de
21 Kravica, vous avez le bureau de l'ATF américain qui ont fait cette étude
22 balistique, vous avez ce professeur de l'université d'Exeter, et vous avez
23 aussi un spécialiste en montre, en horlogerie, qui est venu vous parler.
24 Je veux tout d'abord insister sur ceci.
25 Vous avez, Madame et Messieurs les Juges, ces rapports qui font partie du
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1 dossier de cette audience et qui peuvent être examinés par le public, si
2 ce public veut savoir ce qui s'est passé sur ces lieux.
3 Et je vous rappelle qu'aucun de ces experts n'a le moindre lien, le
4 moindre rapport avec les parties au conflit, aucun d'entre eux n'est de
5 l'ex--Yougoslavie.
6 Ces rapports d'expert, ces témoignages d'expert nous permettent, je pense,
7 de conclure que vous avez eu une idée tout à fait précise, objective et
8 équilibrée, tout à fait impartiale du lieu de ces sites.
9 Nous voulons remercier les pays qui ont détaché ces experts, nous
10 remercions ces experts, nous remercions le gouvernement américain de nous
11 avoir procuré ces vues aériennes qui nous ont aidés dans nos enquêtes.
12 Quelles sont les conclusions de ces experts qui ont participé à ces
13 exhumations?
14 Je vous l'ai déjà dit, je vous l'ai montré, je vous ai montré cette liste
15 incomplète des sites connus où il y avait eu des exhumations.
16 Jusqu'à présent, nous savons qu'il y a une estimation tout à fait modeste
17 de 2028 corps qui ont été recueillis des sites où ont été menées ces
18 exhumations. Et pratiquement tous ces sites nous ont permis de trouver des
19 liens ou des bandeaux. Il y a 20 sites secondaires connus et 1 site
20 primaire connu où il faut encore mener ces exhumations.
21 Lorsque les exhumations seront terminées sur tous ces sites, il apparaîtra
22 clairement que le nombre des victimes découvertes dans ces sites sera bien
23 supérieur.
24 Le Dr Richard Wright a fait une estimation très modeste, il pensait qu'il
25 restait encore au moins 2571 corps dans les sites connus où il n'y avait
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1 pas encore eu d'exhumation. Des témoins à décharge ont fait quelques
2 suggestions pour dire qu'il y avait en fait des victimes de combat dans
3 ces sites et que les personnes qui avaient perdu la vie, au combat ou dans
4 le cadre des faits collatéraux, n'étaient que des victimes de combat.
5 Mais les experts qui sont venus déposer devant vous ont montré que de
6 telles affirmations sont ridicules.
7 Il est ridicule d'affirmer que des personnes dont on avait bandé les yeux,
8 dont on avait lié les mains dans le dos, que c'étaient simplement des
9 victimes de combat.
10 Il est aussi insensé de laisser entendre que l'armée des Serbes de Bosnie
11 aurait procédé à l'exhumation de victimes de combat deux mois après les
12 faits, en plein milieu de la nuit, pour les réenterrer dans des
13 emplacements beaucoup plus limités, beaucoup plus réduits, qui se
14 trouvaient dans des endroits très éloignés.
15 Si cela avait été effectivement des victimes de la guerre, s'il y avait eu
16 la moindre justification au déplacement de ces corps pour les faire sortir
17 des sites primaires, ne fusse que pour des raisons d'hygiène ou pour
18 d'autres raisons, ou s'il y avait la moindre autre explication neutre, il
19 n'aurait pas été difficile d'en apporter la preuve.
20 Mais il n'y en avait pas. Pourquoi n'y en a-t-il pas eu?
21 Parce que tout ceci était en fait une opération de dissimulation. Nous
22 estimons et nous faisons valoir que les corps, dont vous avez appris
23 qu'ils avaient été déplacés de sites primaires pour être placés dans des
24 sites secondaires, étaient la dépouille d'hommes, de jeunes hommes
25 Musulmans qui avaient été abattus par l'armée des Serbes de Bosnie à la
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1 suite de la chute de Srebrenica.
2 Nous pensons aussi que l'armée des Serbes de Bosnie a délibérément voulu
3 dissimuler ces crimes et c'est pour ça qu'il y a eu cette opération de
4 dissimulation massive, au cours du mois de septembre ou d'octobre 1995, où
5 l'on a déterré ces corps pour les enterrer ailleurs dans la zone de
6 responsabilité du Corps de la Drina.
7 A notre avis, ils l'ont fait après que Madeleine Albright, ambassadeur des
8 Etats-Unis, le 10 octobre 1995, eut informé les Etats-Unis et le public
9 qu'il y avait des vues aériennes qui montraient qu'il y avait eu des sites
10 d'exécution massive. Elle l'a dit le 10 août 1995, un mois après les
11 faits; elle a parlé de ces opérations de dissimulation massive.
12 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je vous ai fait un
13 récit assez long, assez minutieux des faits afin que ne reste plus le
14 moindre doute quant à la nature et à l'échelle de l'ampleur de ces crimes
15 qui ont été commis à la suite de la chute de Srebrenica; afin que la
16 responsabilité pénale du général Krstic soit replacée dans le contexte qui
17 lui revient.
18 J'espère que cette consignation objective des faits créée par le moyen de
19 ce procès sera utile au peuple de Bosnie, sera aussi utile pour les
20 victimes qui doivent savoir ce qu'il est advenu de leurs maris, de leurs
21 fils, de leurs frères et que ceci les aidera à retrouver une certaine
22 dignité, à oublier.
23 J'espère aussi que les conclusions objectives tirées par des experts
24 permettront à des gens tel que le témoin DA ou DC et d'autres du même
25 genre de mieux comprendre ce qui s'est passé afin qu'ils puissent faire
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1 face à ce qui s'est passé, afin qu'ils puissent gérer ce qui s'est passé
2 dans cette tragédie de façon utile. Ce qui pourra peut-être aider à la
3 réconciliation ultime entre les Musulmans et les Serbes de Bosnie.
4 Ceci met terme, Monsieur le Président, à la description que j'ai faite des
5 conclusions des experts, pour ce qui est des fosses communes et des moyens
6 de preuve que nous y avons trouvés.
7 Maintenant, j'aimerais passer à un autre sujet. Je parle ici de ce qui
8 était en litige dans ce cas: il s'agit des chefs d'accusation 7 et 8 qui
9 reprochent au général Krstic des crimes contre l'humanité. Le chef 7,
10 c'est un crime contre l'humanité, expulsion, et le chef 8 relève du
11 transfert forcé.
12 La première question qui se pose dans ce contexte, c'est de savoir si le
13 déplacement des Musulmans depuis l'enclave et depuis ses environs, les 12
14 et 13 juillet, constitue un acte d'expulsion ou de transfert forcé dans le
15 sens juridique des termes utilisés aux chefs 7 et 8 de l'Acte
16 d'accusation.
17 Nous savons, d'après les faits qui ont été présentés en l'espèce, qu'à
18 partir de midi à peu près, le 12 juillet, jusqu'à 20 heures, le 13
19 juillet, c'est-à-dire pendant 36 heures, nous savons que 25 à 35.000
20 Musulmans, des femmes, des enfants et quelques hommes, ont été expulsés de
21 l'enclave. Nous savons également que les hommes ont été séparés des femmes
22 et des enfants, et qu'ils ont également été expulsés au nord de Srebrenica
23 où ils ont été massacrés.
24 Le droit qui s'applique en l'espèce en ce qui concerne l'expulsion et
25 crime contre l'humanité est défini comme "le déplacement forcé de civils
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1 d'une zone où ils se trouvent en toute légalité sans qu'il n'y ait aucune
2 raison valable autorisée par le droit international". Aux termes de
3 l'Article 49 de la 4e Convention de Genève et de l'Article 17 du 2e
4 Protocole, le transfert forcé individuel -j'insiste: individuel- ou
5 massif, transfert donc et expulsion de civils est interdit, sauf dans deux
6 cas tout à fait circonscrits -je cite-: "Si cela est exigé par la sécurité
7 des civils ou par des raisons militaires impératives".
8 Dans l'affaire qui nous intéresse, il se pose un certain nombre de
9 questions. La première question, je pense, est de savoir si le déplacement
10 des populations musulmanes depuis l'enclave de Srebrenica, les 12 et 13
11 juillet, était justifiable aux termes du droit humanitaire international.
12 Nous avançons que cela n'était pas le cas: ni la sécurité des civils ni la
13 situation militaire qui existait n'exigeaient le déplacement forcé des
14 civils.
15 Intéressons-nous d'abord à la situation militaire. Les éléments de preuve
16 qui vous ont été présentés révèlent que, le 12 juillet, l'armée des Serbes
17 de Bosnie exerçait un contrôle serbe sur l'enclave et que les hostilités
18 au sein de l'enclave avaient cessé. Nous savons, sur la base de
19 communications radio qui ont été interceptées, que l'armée des Serbes de
20 Bosnie savait qu'il existait une colonne de 15.000 personnes qui était
21 sortie de l'enclave en direction de Tuzla. Il s'agit des pièces à
22 conviction 500 et 502.
23 A ce moment-là, au moment où la VRS est entrée à Potocari, le matin du 12,
24 ils ont pu déterminer la composition de la population de 25 à 30.000
25 réfugiés qui se trouvaient dans l'enclave ou autour. Ils savaient
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1 pertinemment que la majorité des personnes qui se trouvaient de la base
2 des Nations Unies de Potocari étaient des femmes et des enfants. Mais ils
3 savaient également qu'il existait un nombre limité d'hommes qui se
4 trouvaient là. Il était évident que ces personnes-là ne posaient aucune
5 menace militaire quelle qu'elle soit, et nous avons vu un film qui
6 montrait les conditions de vie catastrophiques dans lesquelles ces
7 personnes vivaient.
8 L'armée des Serbes de Bosnie était tellement sûre que les personnes qui se
9 trouvaient à Potocari ne représentaient aucune menace, ils étaient
10 tellement sûrs qu'il n'y avait aucune menace qui existait, de quelque
11 nature qu'elle soit, que le général Mladic a ordonné aux unités qui
12 avaient procédé à la capture de l'enclave, leur a ordonné donc de
13 retourner à Zepa pour procéder à de nouvelles opérations offensives contre
14 l'enclave de Zepa, le 14 juillet. Donc le 13 juillet, les unités qui
15 avaient participé à la prise de l'enclave se sont retirées pour aller
16 Zepa. Nous avançons donc qu'il n'y avait aucun impératif militaire qui
17 justifiait l'expulsion des réfugiés.
18 Maintenant, penchons-nous sur la question de savoir si la sécurité des
19 réfugiés justifiait leur expulsion. Vous avez entendu des victimes qui
20 étaient à Potocari, vous avez vu des films qui montraient ce qui s'est
21 passé pendant ces journées atroces, le témoignage de membres du Bataillon
22 néerlandais. Et il est clair que les conditions de vie de ces réfugiés
23 étaient catastrophiques: ils avaient peur, ils étaient épuisés, ils
24 avaient besoin d'un endroit pour s'abriter, ils avaient besoin d'eau, ils
25 avaient besoin d'assistance médicale et de nourriture. Le Bataillon
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1 néerlandais a fait de son mieux pour les aider.
2 Dans les circonstances qui existaient à cet endroit, la VRS était tenue de
3 répondre aux besoins des réfugiés qui se trouvaient à Potocari et aux
4 alentours, puisque la VRS détenait un contrôle absolu sur cette zone; ils
5 disposaient des ressources nécessaires et l'expulsion n'était pas une
6 alternative au fait de décider de ne pas aider ces réfugiés. L'autre
7 solution, la deuxième solution qui aurait pu s'offrir à la VRS, c'était de
8 laisser rentrer ces gens dans leur foyer, au sein de l'enclave même
9 puisqu'ils ne représentaient absolument pas de menace militaire. Leurs
10 maisons étaient là, elles étaient toujours là: ils auraient pu rentrer
11 chez eux, ils auraient pu trouver un toit, trouver de quoi se nourrir ou
12 du moins suffisamment de nourriture pour répondre à leurs besoins
13 immédiats.
14 Donc nous avançons, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges,
15 que la sécurité des réfugiés ne justifiait en rien leur expulsion qui a eu
16 lieu le 12 et le 13 juillet.
17 La deuxième question à laquelle il faut que nous répondions dans cette
18 affaire, c'est de savoir quelle est la définition de la force dans le
19 cadre de la définition de l'expulsion et du transfert forcé, du transfert
20 par la force. Et pour répondre à cette question, il est intéressant de se
21 référer au Statut de Rome, de la Cour pénale internationale, édicté le 17
22 juillet 1998. On peut lire la chose suivante: "L'expulsion et le transfert
23 forcé des populations signifient le déplacement forcé des personnes
24 concernées soit par mesure d'expulsion, soit par acte de nature
25 coercitive, expulsion donc à partir de l'endroit où se trouvaient ces
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1 personnes en toute légalité sans qu'il y ait aucune raison autorisée par
2 le droit international". Fin de citation.
3 Monsieur Otto Triffterer, en commentant le Statut de Rome, a déclaré la
4 chose suivante, à savoir que "l'expulsion ou autre acte de nature
5 coercitive recouvre toute la gamme des mesures coercitives qui forcent les
6 gens à quitter leur foyer, y compris des menaces de mort, la destruction
7 des foyers et d'autres actes de persécution".
8 Si l'on se place donc dans cette logique, il faut examiner les faits,
9 essayer de déterminer si, oui ou non, le déplacement de masse de 25.000 à
10 35.000 femmes et enfants depuis l'enclave s'est fait par la force et si le
11 déplacement des hommes, qui avaient été séparés du reste à Potocari ou
12 avaient été contraints de se livrer le long de la route, a été effectué en
13 utilisant la force.
14 Et nous avançons qu'effectivement, on a eu recours à la force dans ce
15 contexte et que cela correspond aux définitions que je viens de vous
16 donner.
17 Maintenant, je vais revenir un peu en arrière pour comprendre pourquoi on
18 a expulsé les Musulmans de Srebrenica en 1995. Pour cela, il faut
19 s'intéresser aux objectifs politiques et stratégiques de la Republika
20 Srpska. On peut tout à fait examiner la chose: c'est consigné par écrit.
21 Je crois qu'il s'agit d'ailleurs de la pièce à conviction de l'accusation
22 746. Ce document, le document en question, c'est une décision, une
23 décision prise en 1992, relative aux objectifs stratégiques du peuple
24 serbe en Bosnie-Herzégovine, une décision en date du 12 mai 1992. Et on
25 peut voir que les objectifs stratégiques qui ont force de loi sont au
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1 point 1 -je cite-: "Etablir les frontières de l'Etat séparant le peuple
2 serbe des deux autres communautés ethniques".
3 Point 3 de cette même décision -je cite-: "Autre objectif: établir un
4 corridor dans la vallée de la Drina, c'est-à-dire faire que la Drina ne
5 soit plus une frontière séparant les Etats serbes". Fin de citation.
6 Nous savons, bien entendu, que ces objectifs n'ont pas été atteints en
7 1993 en dépit des efforts de l'armée des Serbes de Bosnie de procéder à la
8 séparation totales des communautés ethniques en Bosnie orientale et de
9 créer un corridor. Les Nations-Unies ont mis en place des zones protégées
10 et, de ce fait, la communauté des Serbes de Bosnie avait en son sein et
11 sur son territoire une des communautés ethniques dont elle souhaitait se
12 séparer.
13 En mars 1995, le commandement suprême de l'armée de la Republika Srpska,
14 le Dr Radovan Karadzic a délivré une directive, la directive n°7 à
15 l'intention de la VRS. Dans cette directive, on peut trouver des
16 instructions des objectifs qui sont donnés au Corps de la Drina. Dans sa
17 directive, le Dr Karadzic demande l'exécution des objectifs stratégiques
18 définis en 1992. Si nous examinons ce document -c'est la pièce à
19 conviction de l'accusation 485-, on peut voir très précisément que le Dr
20 Karadzic donne instruction au Corps de la Drina –cela se trouve un petit
21 peu au-dessous du milieu de la page-, donc il leur demande -je cite-: "Par
22 le biais d'opérations de combats réfléchies et planifiées, créer une
23 situation insupportable en matière de sécurité, une situation d'insécurité
24 totale, sans que ne reste aucun espoir de survie ou de vie pour les
25 habitants de Srebrenica et de Zepa". Fin de citation.
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1 Un peu plus bas dans ce document, aux termes "appui dans le cadre des
2 opérations de combat, moral des troupes, soutien psychologique", cette
3 directive stipule ce que vont faire les organisations militaires et les
4 organisations d'Etat dans ce cadre. Il s'agit -je cite- "de réduire et
5 d'éliminer le soutien logistique fourni par la Forpronu aux enclaves et la
6 fourniture de ressources matérielles à la population musulmane". Fin de
7 citation.
8 C'est donc en mars 1995 que la VRS a commencé lentement a procédé à
9 l'étranglement de cette enclave.
10 La Chambre a entendu un grand nombre de témoignages au sujet des
11 conséquences du paragraphe 6.1 de la directive sur l’enclave et sur les
12 occupants qui s'y trouvaient.
13 Le colonel Karremans qui a témoigné dans le cadre d'une audience tenue en
14 vertu de l’Article 61 et nous avons fourni la transcription et la vidéo de
15 ce témoignage. Donc, le colonel Karremans a défini ce qui s'était passé en
16 disant qu'il s'agissait d'une erreur de convoi. Il s'agissait premièrement
17 de limiter et ensuite d'empêcher l'arrivée de toutes aides humanitaires et
18 de personnels des Nations Unies dans l’enclave et ceci a empêché le
19 Bataillon néerlandais de procéder à leur mission.
20 Chaque fois que les soldats néerlandais qui se trouvaient dans l’enclave
21 en sortaient dans le cadre du remplacement normal des effectifs eh bien,
22 ils n’étaient pas remplacés justement parce que le remplaçant n'avait pas
23 le droit d'entrer.
24 De plus, ce convoi de la terreur a donc empêché le Bataillon britannique
25 de recevoir les moyens nécessaires à son mandat, les a empêchés de
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1 recevoir les équipements, le carburant, les munitions nécessaires.
2 Autre conséquence de cette façon de faire: c'est qu'il n'arrivait
3 pratiquement plus d'aide humanitaire dans l'enclave ou en quantité très
4 limitée. Et c'est ainsi que nous avons pu le voir, les gens qui se
5 trouvaient dans l'enclave ont peu à peu commencé à mourir de faim.
6 Ici, nous avons la pièce à conviction de l’accusation 85, une photographie
7 qui nous a été fournie par un membre du Bataillon néerlandais. On y voit
8 un camion des Nations Unies, un camion de poubelle, la scène se passe en
9 décembre. On voit que les gens ont tellement fin qu'ils recherchent tout
10 ce qu'ils peuvent trouver à manger dans ces déchets pour rester en vie.
11 D'autre part, vous avez pris connaissance de pièce à conviction 898 à 904
12 qui nous viennent de l’armée de Bosnie-Herzégovine, rapports qui montrent
13 la situation qui prévalait dans l'enclave où les gens mouraient de faim.
14 Ce type de mesure coercitive a été sournois, subtil et a été prolongé et
15 l'objectif était de rendre la vie insupportable dans l'enclave. Comme je
16 l'ai dit, il convient que la Chambre est à l'esprit les objectifs
17 stratégiques de l'opération Krivaja 1995, non de l'opération militaire qui
18 avait pour objectif de mettre en vigueur la directive n° 7. L’objectif
19 c’était de réduire l’enclave à ces zones urbaines. En d'autres termes, la
20 zone urbaine de Srebrenica faisait environ un kilomètre carré et réduire
21 l'enclave à ces zones urbaines cela signifiait qu’il fallait que les
22 milliers de musulmans qui restaient dans l'enclave, il fallait les forcer
23 à vivre dans cette zone d'un kilomètre carré entraînant ainsi une
24 véritable catastrophe humanitaire.
25 Maintenant, si l'on pense à l'attaque en tant que telle, celle qui a eu
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1 lieu en 1995, le 6 juillet, une attaque qui a pris fin le 11, eh bien, on
2 peut voir que l'armée des Serbes de Bosnie a pris pour cible les civils.
3 Il y a eu des actes de violences physiques qui ont été dirigés contre des
4 civils, des actes qui ont été commis en présence de milliers d'autres
5 réfugiés qui étaient arrivés à Srebrenica ou aux alentours ainsi qu'à
6 Potocari et aux alentours. Et individuellement et globalement, tous ces
7 actes ont eu pour conséquence de terroriser les civils qui étaient encore
8 dans l'enclave. Les soldats du Bataillon néerlandais qui ont témoigné ici
9 ont déclaré que les gens, les réfugiés étaient tellement terrorisés que
10 certains se sont même suicidés. Ces soldats nous ont raconté qu'ils
11 faisaient le décompte des gens qui s'étaient suicidés à Potocari et dans
12 les environs. Vous vous souviendrez, Monsieur le Président, Madame et
13 Monsieur le juge, du témoignage d'une femme extrêmement courageuse, Madame
14 Camila Osmanovic, qui a dit qu'elle-même avait essayé de se suicider. Elle
15 avait participé à la réunion avec le général Mladic et le général Krstic
16 le 13 lorsqu’il y a eu réunion avec des représentants musulmans qui ont
17 fait l’objet de mesures d'intimidation.
18 Je vais essayer de résumer tous ces éléments de preuve relatifs à
19 l'utilisation de la force. Je vais commencer par les attaques de la VRS
20 contre les civils pendant l'offensive elle-même. Vous avez entendu le
21 témoignage du colonel Kingori, observateur militaire des Nations Unies du
22 Kenya, qui se trouverait dans l'enclave, vous avez entendu le témoignage
23 du commandant Franken du Bataillon néerlandais et vous disposez également
24 des pièces à conviction 898 à 904 de l'accusation et du témoignage du
25 général Hadzihasanovic. Il est clair, quand on examine tout cela que les
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1 tirs d'artillerie visaient non seulement les cibles militaires mais aussi
2 les cibles civiles. Le capitaine Egberts qui était membre du Bataillon
3 néerlandais a témoigné du fait que les tirs d'artillerie étaient dirigés
4 de telle façon à inciter les Musulmans civils à se rendre à Potocari. Et
5 vous avez entendu le capitaine Egberts que le Témoin B nous déclarer que
6 la base des Nations Unies à Srebrenica où les réfugiés s'étaient dans un
7 premier temps réunis a été pilonnée et qu’il y a eu de ce fait un certain
8 nombre de victimes civiles.
9 Le Témoin C, Nesib Mandzic, David Vassen un soldat du Bataillon
10 néerlandais, ainsi qu'un témoin dénommé Hajrdevic ont témoigné du fait
11 qu'un certain nombre de maisons musulmanes ont été incendiées et ceci
12 était fait devant les réfugiés musulmans qui étaient à Potocari ou dans
13 les environs. Drazen Erdemovic lui-même a témoigné qu'il a participé à
14 l'attaque et que son unité a été l'une des premières et peut-être même la
15 première à entrer dans Srebrenica le matin du 11, et a déclaré que son
16 unité est tombée sur un jeune homme musulman en âge de porter les armes.
17 Il a été capturé, il était désarmé, et Miso Pelemis qui dirigeait le
18 groupe de M. Erdemovic a donné l'ordre d'égorger ce jeune homme, le témoin
19 nous a déclaré que le corps de cette victime est resté à l'endroit où il
20 se trouvait afin que tout le monde puisse le voir.
21 Une fois que les réfugiés se sont enfuis à Potocari pour essayer d'y
22 trouver refuge et d’y trouver une certaine sécurité, la VRS les a ciblés.
23 Nous avons entendu, en l'espèce, qu'à l'entrée des unités de la VRS dans
24 Potocari même, des menaces ont été proférées et des mesures d'intimidation
25 ont été prises par les membres de la VRS à l'encontre des réfugiés.
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1 D’autre part, des soldats du Bataillon néerlandais, qui étaient censés
2 protéger ces gens qui étaient allés à Potocari, les réfugiés étaient venus
3 à Potocari pour se placer sous la protection du Bataillon néerlandais,
4 donc les soldats du Bataillon néerlandais ont témoigné du fait que
5 lorsqu’ils patrouillaient ils ont été systématiquement désarmés par les
6 Serbes de Bosnie devant les réfugiés, on leur -a sous les yeux des
7 réfugiés- enlevé leur casque bleu, leur gilet par balles, leurs armes, et
8 que finalement le commandement du Bataillon néerlandais a décidé que les
9 soldats ne sortiraient plus que désarmés. Donc les réfugiés se sont sentis
10 de plus en plus vulnérables en voyant que ceux qui étaient censés les
11 protéger étaient désarmés.
12 D'autre part, vous avez entendu des témoignages relatifs au meurtre d'un
13 certain nombre de personnes devant les réfugiés et des meurtres perpétrés
14 par les membres de la VRS.
15 Je vais capituler un certain nombre de ces actes.
16 Tout d'abord, nous avons eu le témoignage de bien des réfugiés qui étaient
17 près de Potocari et qui nous ont raconté qu'il y avait sans cesse des
18 tirs, aussi bien dans l'enclave qu'aux alentours.
19 Nous avons entendu le témoignage du caporal Groewegen qui a vu un réfugié
20 plaqué contre un mur par les soldats de la VRS, qui l'ont ensuite exécuté.
21 Ensuite, la découverte de 9 à 10 corps à deux endroits près de la rivière,
22 des gens qui avaient été assassinés.
23 Il s'agit des témoignages du soldat du Bataillon néerlandais Rutten, du
24 Témoin F et du Commandant Franken.
25 D'autre part, 100 civils Musulmans ont été décapités près d'un hangar où
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1 plusieurs milliers de réfugiés se trouvaient, c’est Bego Ademovic qui nous
2 a raconté cela lors de son témoignage. Il nous a également déclaré qu'il
3 avait vu un bébé qui a été arraché aux bras de sa mère en présence
4 d'autres réfugiés et qui a été poignardé et tué.
5 Dans ce contexte, la peur, la crainte de la mort étaient omniprésentes.
6 Ces actes consistaient, en fait, à jeter une allumette dans un bidon
7 d’essence.
8 Je souhaiterais vous rappeler ce que nous a dit le Témoin F, il nous a dit
9 qu'il avait rencontré un jeune soldat Musulman qui avait été blessé
10 précédemment dans un combat avec la VRS. Le témoin F savait de par ce
11 qu’avaient dit les hommes de ces patrouilles ce qui était arrivé.
12 Je reprends ce qu'a dit le témoin F, je cite: "Il m'a demandé: "Mais
13 qu’est-ce qui va m'arriver?" et je n'ai pas pu lui répondre directement,
14 j'aurais pu le faire, mais cela aurait été très difficile de lui dire que
15 lui, comme il était un homme, on allait l'emporter, on allait l'emmener
16 parce qu’on procédait à des séparations", donc je ne lui ai pas dit grand-
17 chose. Il m'a dit: "Vous n’avez pas besoin de me le dire, je sais ce qui
18 va m'arriver, on va m'emmener et on va me tuer".
19 Alors j'ai simplement hoché la tête et j'ai vu la peur dans ses yeux, je
20 ne pouvais pas faire grand-chose. Je suis resté là, impuissant. Et depuis,
21 je ne l’ai jamais plus revu". Fin de citation.
22 Les Juges de la Chambre ont également entendu la déposition de David
23 Vassen, un soldat néerlandais, qui a raconté de quelle manière les soldats
24 de la VRS ont violé une jeune fille en présence de nombreux réfugiés.
25 Les Juges de la Chambre sont également au courant des conditions
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1 inhumaines qui prévalaient.
2 Il n'a pas été contesté qu'il faisait extrêmement chaud à ce moment-là.
3 Or, la VRS exerçait le contrôle absolu sur Potocari et les environs. Ils
4 savaient tout à fait dans quelles conditions se trouvaient les réfugiés.
5 Et malgré le fait qu'ils étaient capables de les aider, ils leur ont
6 fourni seulement un réservoir d'eau, et peu de pain pour les 25000 à 35000
7 réfugiés, clairement ceci n'était pas suffisant et le résultat de ceci a
8 été le fait que de nombreux bébés sont morts.
9 La VRS cependant a cyniquement profité de cette situation afin de mener
10 une campagne de propagande et de montrer une image fabriquée sur les
11 événements qui se sont déroulés à Srebrenica.
12 Nous allons voir un exemple de cette propagande sous forme d'une scène
13 apparemment tout à fait anodine et rassurante où l'on voit un soldat de la
14 VRS qui donne un bonbon à un réfugié, un enfant. Je souhaite que l'on
15 montre cela rapidement. Il s'agit là d'un film tout à fait bref, il s’agit
16 d'une scène qui inspire confiance bien sûr, mais quatre témoins ont dit
17 devant les Juges de cette Chambre, quatre témoins qui ont été présents
18 pendant cette scène anodine, ont parlé de cela parmi lesquels le colonel
19 Kingori, les soldats néerlandais Rutten et Vassen, le témoin F et ces
20 quatre personnes ont dit qu'ils ont vu quand cette scène a été filmée en
21 présence du Général Mladic et d'autres membres de la VRS, et que lorsque
22 les caméras se sont éteintes ils ont tous vu ce qui s'est produit, et je
23 vais notamment citer la déposition du Témoin F à la page 1521, je cite:
24 "Après que les cameramen ont arrêté de filmer, le général s'est retourné,
25 il a ri, les soldats ont repris le bonbon, ils ont repris les cigarettes,
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1 ils ont craché sur les enfants et les femmes et celles-là ont été amenées
2 tout de suite. Je souhaite également décrire la force employée pendant ces
3 jours-là à Potocari. Comme nous le savons, les hommes ont été séparés de
4 leur femme en présence de milliers de réfugiés apeurés à Potocari ce jour-
5 là. Et la terreur et la panique étaient absolument horribles. A quel
6 point? Il m'est complètement impossible de vous décrire cela. Je ne peux
7 pas trouver des mots qui pourraient décrire cette terreur.
8 Cependant, je souhaite m'appuyer sur les paroles prononcées par le Témoin
9 DD qui a été expulsé et qui a parlé du jour où les soldats de la VRS ont
10 pris son fils âgé de 14 ans.
11 (Diffusion de la cassette vidéo)
12 "-Témoin DD (interprétation): Donc lorsque ce jeudi noir est arrivé
13 -c'était tôt le matin-, mon enfant dormait encore, mon enfant qui allait
14 être arraché à moi. Donc je l'ai réveillé, je lui ai dit qu'il fallait
15 qu'on aille vers les camions. Donc il s'est levé. Il souhaitait manger, je
16 lui ai demandé s'il souhaitait manger quelque chose, mais il ne pouvait
17 rien prendre. Il s'est plaint du fait d'avoir été sale, il portait une
18 sorte de chemise blanche.
19 Ensuite, je lui ai enlevé cette chemise, je l'ai nettoyée un petit peu.
20 J'avais d'autres vêtements dans mon sac, je lui ai donné cela. J'essayais
21 de le calmer. Je lui ai dit que bientôt nous allions être transférés à un
22 endroit où nous pourrions prendre une douche et nous laver un peu. Et
23 lorsque nous nous sommes approchés de la ligne, il y avait une sorte de
24 bande autour mais il y avait beaucoup de personnes qui ne pouvaient pas
25 traverser cet endroit. J'ai constaté que mon fils ne se sentait pas bien:
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1 il était sur le point de s'évanouir. J'ai commencé à chercher de l'eau,
2 mais il n'y en avait pas, nulle part. Il y avait un homme âgé qui était un
3 ami à moi; il a dit qu'il allait chercher de l'eau pour mon fils.
4 Donc il est parti et, lorsqu'il est rentré, son visage était complètement
5 pâle. Sa femme était là, mais il n'arrêtait pas de trembler de la tête et
6 il disait quelque chose à sa femme concernant des choses horribles qu'il
7 avait vues. Et sa femme souhaitait savoir ce qu'il avait vu en réalité,
8 mais il n'arrêtait pas de pleurer et de trembler de la tête. Il a dit:
9 "J'ai vu tout, j'ai vu des têtes et des membres partout lorsque je suis
10 allé chercher de l'eau." A ce moment-là, mon enfant a commencé à trembler
11 et, encore une fois, il était sur le point de s'évanouir.
12 Mais enfin notre tour est arrivé. Nous devions nous approcher de la corde
13 et, finalement, nous avons pu passer. Et j'ai senti un soulagement, je me
14 suis dit: Dieu merci! Après tout ce que j'ai vu, après que j'ai vu la
15 séparation entre les gens, je n'arrêtais pas de remercier Dieu parce que
16 j'avais l'impression que nous étions passés moi, mon enfant, mes enfants
17 et ces amis à nous. Cependant, plus loin, il y avait une rangée de soldats
18 qui se tenaient des deux côtés, sur notre gauche et sur notre droite. Ils
19 avaient créé une sorte de colonne, une sorte de couloir que nous devions
20 traverser. Nous ne pouvons pas voir les cars ni les camions. Nous avions
21 parcouru environ cent mètres, mais nous ne pouvions toujours pas voir de
22 véhicules. Et quand nous étions à mi-chemin, j'ai entendu une voix qui
23 disait: "Popovic, regarde celui-là!" et j'ai tout de suite compris qu'il
24 parlait de mon fils. Cependant il y avait d'autres enfants là-bas aussi:
25 il y avait l'enfant de ma belle-soeur et puis d'autres personnes.
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1 Cependant les soldats ont insisté et, à un moment, je me suis sentie
2 paralysée, mais j'ai trouvé du courage pour souffler dans l'oreille de mon
3 fils en lui disant: "Ne t'inquiète pas, fiston. Vas-y, poursuis ton
4 chemin." Nous avons marché pendant environ cinquante mètres et ensuite, de
5 la colonne gauche, un de leurs soldats a sauté et il a parlé à mon enfant.
6 Il nous a dit de nous déplacer vers la droite et il a dit à mon fils:
7 "Jeune homme, tu dois aller à gauche". Ensuite, il a dit: "Pourquoi moi?
8 Je suis né en 1981!" Mais il a répété ce qu'il avait dit: "Vous, vous
9 devez aller à droite". Il portait des sortes de sacs dans sa main et le
10 soldat lui a dit de jeter le sac à droite et d'aller à gauche. Mais moi,
11 j'ai saisi sa main et lui n'arrêtait pas de dire: "Je suis né en 1981.
12 Qu'allez-vous faire avec moi? Que voulez-vous que je fasse?" Et moi, j'ai
13 prié, j'ai imploré, j'ai dit: "Pourquoi l'emmenez-vous? Il est né en
14 1981!"
15 Mais il a répété son ordre. Je le tenais si fortement, mais il l'a saisi
16 et, à ce moment-là, mon fils a jeté ce sac et le soldat a pris le sac. Il
17 l'a jeté sur le tas sur la droite. Il a pris mon fils, il a pris sa main,
18 il l'a tiré à gauche. Et lui, il s'est retourné et m'a dit: "Maman, est-ce
19 que tu peux prendre ce sac? Est-ce que tu peux le donner?"
20 -M. le Président: Prenez votre temps, Madame, s'il vous plaît. Prenez
21 votre temps pour vous calmer. Nous sommes ici avec vous, nous vous
22 écoutons, prenez votre temps.
23 (Le témoin DD sanglote.)
24 Témoin DD (interprétation): C'était la dernière fois que j'ai entendu sa
25 voix.
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1 M. le Président: Prenez encore votre temps, Madame.
2 (Le témoin DD pleure. )
3 M. le Président: Avez-vous besoin d'une pause ou préférez-vous continuer?
4 Quand vous vous sentez disponible pour continuer, vous pouvez nous le
5 dire.
6 Témoin DD (interprétation): Oui, je peux continuer.
7 M. le Président: Nous continuons.
8 Témoin DD (interprétation): Mon autre enfant, qui était avec moi,
9 n'arrêtait pas de crier. Cet enfant est né en 1986. Il s'est emparé de mes
10 cheveux, il tirait mes cheveux, il criait, disant : "Maman, ils ont emmené
11 mon frère, ils ont emmené mon frère, notre frère". Et moi, je pensais
12 prendre cet autre enfant pour aller à l'endroit où mon fils avait été
13 emmené, mais il n'arrêtait pas de crier, il cherchait sa tante qui avait
14 été avec nous, mais je restais simplement là en me demandant ce que je
15 devais faire, mais il n'arrêtait pas de crier, il tirait sur mes
16 vêtements, mes cheveux, et j'ai commencé à le rassurer, j'ai essayé de le
17 calmer, j'ai essayé de lui dire qu'aucun mal n'allait arriver à son
18 frère".
19 (Fin de la diffusion de la cassette vidéo. )
20 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, vous avez également
21 entendu concernant le traitement brutal, que des enfants avait été
22 séparés, ont été amenés à la maison blanche.
23 Le soldat néerlandais Ratten, quand on lui a posé la question de décrire
24 les conditions qui prévalaient dans la maison blanche, a répondu: "Vous
25 pouviez voir la peur totale, et je ne pensais jamais que ceci existait
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1 réellement, mais vraiment vous pouviez même sentir l'odeur de la mort
2 parce que la peur y était totale, c'est ce qu'on voyait sur les visages
3 des hommes et des garçons".
4 Les Juges de la Chambre ont également entendu la déposition du soldat du
5 Bataillon néerlandais F qui a raconté de quelle manière il a vu les
6 membres de la VRS qui poussaient, donnaient des coups de pied,
7 tabassaient, criaient et crachaient sur les réfugiés afin de les forcer à
8 sortir des cars.
9 Si jamais un quelconque doute reste concernant les intentions de la VRS à
10 l’égard des Musulmans dans l'enclave, ceci est clairement dissipé par le
11 biais de la conversation interceptée entre le Général Mladic et une autre
12 personne, en date du 12 juillet, cette conversation a été interceptée par
13 les opérateurs de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Dans ce message, nous
14 pouvons voir que le Général Mladic est en train de parler avec quelqu'un
15 et il dit, dans la partie surlignée: "Très bien, excellent, continue à
16 surveiller la situation, ne permets pas à de petits groupes de
17 s'infiltrer, ils ont tous capitulé, ils se sont tous rendus et nous allons
18 tous les évacuer, ceux qui le souhaitent et ceux qui ne le souhaitent
19 pas". Et son interlocuteur répond: "Je comprends, mon Général". Fin de la
20 citation.
21 Finalement, je souhaite attirer l'attention des Juges de la Chambre sur la
22 déposition d'un soldat du Bataillons néerlandais Martin Van der Zwan. Il
23 décrit la conversation qu'il a eu avec un maître-chien serbe, qui
24 appartenait à l'unité de la VRS, et qui employait les chiens afin de
25 dénicher les Musulmans qui étaient restés dans l’enclave. Cette
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1 conversation a eu lieu après les expulsions. Voici ce que M. Van der Zwan
2 a dit, il a dit que le jeune maître-chien était perturbé, il était en
3 train de pleurer en racontant ce qui s'est passé dans la journée, il a
4 parlé de la manière dont son unité était à Srebrenica, et du moment où ils
5 sont tombés sur un vieux Musulman et une jeune fille qui s'étaient cachés,
6 et il parlait de quelle manière le vieil homme a été poursuivi, et à ce
7 moment-là le chef du peloton, surnommé "le bourreau", a tué le vieil homme
8 avec son couteau, ensuite "le bourreau" s'est tourné vers la jeune fille
9 et il l'a tuée. D'après le soldat Van der Zwan, voici ce que le soldat
10 serbe leur a dit, je cite: "Il l'a tuée avec son couteau, il l’a
11 complètement ouverte avec son couteau en commençant par l'endroit entre
12 ses jambes et en allant jusqu'à sa gorge". Fin de citation.
13 Il est clair qu'aucun Musulman ne devait rester dans l’enclave. Il n'y
14 avait pas d’autre choix. Tout effort de caractériser l'expulsion en masse
15 des femmes musulmanes, des enfants et des hommes âgés de Srebrenica, les
16 12
17 et 13, en tant que geste humanitaire afin d'empêcher un désastre
18 humanitaire ou d'aider les réfugiés, a été contesté par les moyens de
19 preuve versés au dossier, réfuté par les moyens de preuve versés au
20 dossier.
21 Qui plus est, toute justification juridique portant sur les expulsions des
22 hommes et des garçons qui avaient été séparés à Potocari et transportés à
23 l'extérieur de l’enclave aux sites d'exécution dans la municipalité de
24 Zvornik, est également réfutée.
25 Ces hommes et ces enfants ont été séparés de leurs familles, parfois par
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1 la force. Ils ont été maltraités dans la maison blanche. Ils ont été
2 escortés par les gardes armés au centre de détention et ils ont été
3 exécutés sur des sites d'exécution qui se trouvaient loin de l'enclave.
4 Comme l’a déclaré Mme Sadako Ogata, le Commissaire des Nations Unies pour
5 les réfugiés, il s'agissait là, je cite, "d'un des exemples les plus
6 flagrants du déplacement motivé par des critères ethniques jamais vu dans
7 une guerre".
8 D'après l'avis de l'accusation, cette force a été employée pour déplacer
9 les Musulmans de l'enclave de Srebrenica et de ses environs.
10 Peut-être le moment est opportun pour procéder à une pause avant de parler
11 du rôle de M. Krstic dans les expulsions.
12 M. le Président: Nous allons faire la pause de 50 minutes.
13 (L'audience, suspendue à 12 heures 50, est reprise à 13 heures 50.)
14 M. le Président: Avant de continuer, j'aimerais bien poser la question.
15 Je crois qu'il y a eu un malentendu par rapport à l'horaire que nous
16 avions prévu: soit nous faisons des journées normales, comme nous avions
17 l'habitude de faire, soit nous faisons une journée complète, c'est-à-dire
18 jusqu'à 17 heures, 17 heures 30.
19 Quelle est votre compréhension de cette question, Monsieur Harmon, pour
20 savoir et nous organiser?
21 M. Harmon (interprétation): Monsieur le Président, je n'avais aucune
22 compréhension particulière. Je sais que nous avons reçu deux jours pour
23 terminer le réquisitoire. Mais en ce qui concerne le nombre des heures, je
24 n'ai pas reçu d'indication.
25 M. Riad (interprétation): Deux jours, cela peut être deux jours complets
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1 ou deux jours jusqu'à 15 heures? Que croyez-vous?
2 M. Harmon (interprétation): Encore une fois, Monsieur le Juge Riad, je
3 m'apprêtais à terminer en deux jours, peut-être en moins de deux journées
4 normales de procès.
5 M. le Président: Maître Petrusic, même question?
6 M. Petrusic (interprétation): Monsieur le Président, la défense a compris
7 que les horaires étaient habituels, donc à partir de 9 heures 20 jusqu'à
8 15 heures au cours de ces quatre journées de travail.
9 M. le Président: Donc après cet éclaircissement, nous allons continuer.
10 Monsieur Harmon, vous allez continuer jusqu'à 15 heures. Si vous avez
11 besoin de dix minutes pour terminer un point, nous pouvons prolonger un
12 peu. Très bien. Vous avez la parole, s'il vous plaît.
13 M. Harmon (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame et
14 Monsieur les Juges.
15 Maintenant, je souhaite parler du rôle du Général Krstic dans ces
16 expulsions. Selon l'expert militaire de l'accusation, le Général Francis
17 Richard Dannatt, qui est un officier de carrière britannique et qui a
18 déposé en tant que témoin de l'accusation, ce que le général Dannatt a
19 dit, c'est que le mouvement de 25000 à 30000 personnes constituerait une
20 opération militaire importante et demanderait des planifications
21 importantes. Selon le général Dannatt, plus vite c'était fait, plus le
22 niveau de planification devait être élevé.
23 Au moment des expulsions des gens de Potocari, le Général Krstic était le
24 chef d'état-major du Corps de la Drina.
25 Selon le général Dannatt, une telle opération n'aurait pas pu être
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1 effectuée sans la participation ou la connaissance de l'état-major ou du
2 chef d'état-major.
3 Selon le transcript -il s'agit de la page 562526-, effectivement, nos
4 moyens de preuve montrent que le général Krstic a joué un rôle direct et
5 important dans les expulsions des Musulmans de Srebrenica.
6 Il a déposé sous serment devant cette Chambre et, lorsque mon collègue Me
7 McCloskey lui a posé des questions concernant les cars employés pour
8 déporter les réfugiés, voici ce que Krstic a dit à la page 6584 -je cite-:
9 "Est-ce que vous vous souvenez du fait que des témoins disaient que de
10 nombreux cars ont commencé à arriver à Potocari à une heure de l'après-
11 midi?"
12 Le général Krstic a répondu:
13 "-Eh bien, je ne sais rien concernant l'arrivée de ces bus.
14 -Q: Est-il exact de dire que, certainement, il y a eu beaucoup
15 d'organisations qui se déroulaient afin d'organiser ces cars et afin de
16 faire en sorte que les gens soient transportés?"
17 La réponse du général Krstic: "Je ne le sais pas, je n'ai en aucune
18 manière, je n'ai nullement et en aucune manière participé à l'organisation
19 de ces cars."
20 Mais cette déposition est contre la vérité: il a joué un rôle direct en
21 ordonnant que les cars soient organisés et, après leur départ de
22 l'enclave, il a surveillé leur route vers Tica où les Musulmans ont été
23 déchargés avant de marcher pendant six kilomètres jusqu'au territoire
24 musulman. Nous pouvons nous pencher sur un message intercepté. Les Juges
25 de cette Chambre ont reçu et vu de nombreux messages interceptés et ont
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1 entendu les dépositions des opérateurs qui ont intercepté ces messages
2 radio et les Juges ont pu comprendre la méthodologie appliquée.
3 Voici un message intercepté en date du 16 juillet 1995, le jour où les
4 expulsions ont commencé. Ceci implique deux personnes, entre autres le
5 lieutenant colonel Krsmanovic. Il s'agit ici donc d'un message intercepté.
6 Nous pouvons voir ici l'organigramme du Corps de la Drina, de sa
7 structure. Nous pouvons voir le lieutenant colonel Krsmanovic qui se
8 trouve ici; c'était la personne qui était en charge des services de
9 transport.
10 La conversation en question nous montre la chose suivante: le général
11 Krstic disant: "Allô, est-ce que c'est Krsmanovic?" Un peu plus loin, nous
12 voyons que Krstic donne l'ordre concernant les cars. Il dit un peu plus
13 tard: "Environ 50 cars au total doivent partir de tous ces endroits et se
14 trouver devant le stade de Bratunac à 17 heures". Et plus tard, il dit:
15 "Fais en sorte que ce soit fait, est-ce que c'est clair?" Krsmanovic
16 répond: "Je comprends."
17 Plus tard, environ dix heures plus tard, il y a un autre message
18 intercepté donc, c'est-à-dire à 12 heures 10. Et encore une fois, il
19 s'agit d'une conversation entre le général Krstic et le lieutenant colonel
20 Krsmanovic. Et comme les Juges de la Chambre ont déjà eu l'occasion de
21 constater parfois que les opérateurs parfois simplement résumaient les
22 conversations. Mais à 12 heures 10, peu avant le début de la déportation,
23 voici le résumé: "Krstic souhaite que les bus partent tout de suite."
24 Le message intercepté suivant -encore une fois il s'agit du 12 juillet
25 1995-, concerne deux personnes: X et Y; les personnes ne sont pas
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1 identifiées. Nous pouvons voir dans le bas de la page que X dit la chose
2 suivante: "Je sais de la part de Krstic; lui, il a donné l'ordre
3 directement et la requête est allée en haut, suivant la structure
4 hiérarchique. Je pense qu'il s'agira de 200 litres, en fait 200 tonnes."
5 Dans le dernier message intercepté de la série, encore une fois le 12
6 juillet à 13 heures 05, à ce moment-là, le général Krstic et une personne
7 répondant au nom de Sobot parlent. Krstic est en train de surveiller les
8 transports, il fait en sorte que la route vers Tisca est libre et il dit à
9 Sobot: "Mets-toi en contact avec les types du ministère de l'Intérieur, ça
10 veut dire toi et ta brigade et eux". Fin de citation.
11 Ensuite, il donne des instructions à Sobot afin que la route soit
12 sécurisée à partir du carrefour jusqu'à l'endroit qui se trouve à 12
13 kilomètres, jusqu'au tunnel. Et puis, au moment de leur désembarquement,
14 il dit : "Sois sûr que rien n'arrive à qui que ce soit. Est-ce que c'est
15 clair?" Donc ce message intercepté est une sorte d'écho d'un autre message
16 intercepté où il y a eu une conversation par la suite avec le général
17 Mladic et clairement l'expression :"Sois sûr que rien ne leur arrive" est
18 prise dans le contexte de ce qui se passait puisque la dernière chose que
19 la VRS souhaitait dévoiler, c'était leur plan d'exécuter ces gens. Les
20 femmes devaient arriver en sûreté et ils devaient ainsi couvrir leur
21 opération de tueries massives.
22 Lorsqu'on a mentionné ces messages interceptés au général Krstic, il a dit
23 que celui que Krstic mentionnait dans ses messages était un lieutenant-
24 colonel qui travaillait à la base logistique de Sokolac.
25 C'est sa déposition, à la page 6609, mais d'après l'accusation, il
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1 s'agissait d'un autre effort du général Krstic de faire porter le chapeau
2 à quelqu'un d'autre et de rejeter sa responsabilité sur quelqu'un d'autre.
3 C'est ce qu'il a fait tout au long de ce procès.
4 Et si nous nous penchons sur les connaissances du général Krstic et sa
5 participation et son rôle dans ces déportations, je souhaite également
6 attirer votre attention sur ce qui a été dit à huis clos, se trouvant à
7 la page 9157 jusqu'à 9161 du transcript. Je souhaite dire que le général
8 Krstic a dit au Bureau du Procureur en février 2000, au cours de son
9 entretien avec eux, qu'il n'était pas à Potocari à l'endroit où se
10 déroulaient ces déportations. Voici cet extrait.
11 (Diffusion de la cassette vidéo).
12 "-Q: Est-ce que vous avez eu l'occasion, à un moment donné, de savoir ce
13 qu'il en était des réfugiés?
14 -R: Non. La façon dont je suis allé à Viogora, c'était à Bratunac. Et
15 c'était une vieille mine Pribicevac, Zeleni Jadar et Viogora. Donc, je
16 répète, il s'agit d'une vieille mine à Sasca aussi à Pribicevac, Zeleni
17 Jadar et Viogora.
18 -Q: Donc vous n'êtes jamais allé à Potocari même pour voir comment se
19 présentait la situation des gens qui s'y trouvaient, pour voir s'il y
20 avait encore des hommes parmi eux?
21 -R: Non, pas du tout, pas du tout."
22 (Fin de la cassette vidéo.)
23 M. Harmon (interprétation): Voyons l'extrait suivant que je vais demander
24 de diffuser dans un instant. Voyons ce film qui nous montre l'interview du
25 général Krstic à Potocari le 12 juillet et vous verrez que, derrière lui,
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1 on voit ces autocars même qu'il avait réquisitionnés aux fins d'expulsion
2 de ces réfugiés.
3 Est-ce que la cabine des interprètes pourrait également traduire cette
4 interview du général Kirstic? Je demande la diffusion de cet extrait
5 maintenant.
6 (Diffusion de la cassette vidéo.)
7 "Cette opération a été très réussie: nous n'avons pas arrêté l'opération,
8 nous poursuivons la libération du territoire de la municipalité de
9 Srebrenica. Nous garantissons la sécurité de la population civile qui sera
10 transportée en toute sécurité là où elle veut aller.
11 -Q: Quels sont vos commentaires à la suite des attaques aériennes de
12 l'Otan sur l'armée serbe?
13 -R: Même s'il est bien connu que les Musulmans de cette ancienne enclave
14 n'ont cessé de lancer des offensives et d'infliger des pertes à des cibles
15 Serbes civils, en ce qui concerne les bombardements aériens de l'Otan, la
16 raison en est que l'Otan sait que la plupart des membres du Bataillon
17 néerlandais sont passés dans notre territoire qu'il nous ont demandé
18 d'assurer leur sécurité. Nous n'avons pas peur des avions de l'Otan, nous
19 poursuivrons jusqu'à la fin.
20 (Fin de la diffusion de la vidéo.)
21 M. Harmon (interprétation): Vous voyez, Madame et Monsieur les Juges, que
22 le général Krstic n'était pas seulement présent à Potocari le 12 juillet.
23 Il participait à un autre de ces exercices destinés à rassurer l'opinion
24 publique mondiale pour lui faire croire que les Musulmans seraient emmenés
25 là où ils voulaient aller. La déposition de nombreux témoins qui sont
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1 venus comparaître devant vous vous ont montré que ces gens ont dit avoir
2 vu le général Krstic à Potocari, ont dit qu'il l'avait vu présent au
3 moment où l'on séparait les hommes des femmes. Et d'après le témoin F, qui
4 est un membre du Bataillon néerlandais, il a dit ceci: "Au centre de tous
5 les événements autour des réfugiés, c'est là qu'il se trouvait, Krstic; il
6 était au centre, entre l'entrée principale là où se trouvaient les bus et
7 la maison blanche, autour de la base. Et il est donc resté à Potocari de 1
8 à 2 heures, le 12 juillet.
9 C'est ce que nos éléments de preuve ont apporté comme preuve. D'après le
10 colonel Kingari, observateur des Nations Unies, observateur militaire, il
11 appuyait ses soldats à Potocari. Le général Krstic n'était pas un simple
12 observateur passif. Et le film que vous avez vu il y a un instant le place
13 au cœur même de cet exercice de transfert forcé puisqu'il est au milieu
14 des bus qu'il avait réquisitionnés.
15 Nous estimons que le fait d'avoir enlevé la population civile musulmane de
16 Sebrenica correspondait et s'inscrivait dans le cadre de la décision prise
17 en 1992 qui visait à séparer les musulmans des Serbes et afin qu'il y ait
18 un corridor, un couloir installé dans la vallée de la rivière Drina. La
19 force a été utilisée par la VRS pour séparer, pour éliminer les femmes,
20 les hommes et les enfants de l'enclave, et séparer les hommes et les
21 jeunes garçons qui avaient été séparés de Potocari et des environs.
22 Nous disons que le général Krstic n'a pas dit la vérité quand il parlait
23 de cette opération concernant les bus, et que s'il a menti c'est pour ne
24 pas manifester la participation qu'il a eue à la commission de ces crimes.
25 J'aimerais maintenant parler du rôle qu'a joué le général Krstic dans les
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1 exécutions en masse.
2 Il est important, tout d'abord, de se pencher sur une question qui a fait
3 l'objet de beaucoup de polémiques et de litiges en l'espèce, la question
4 de savoir à quel moment le général Krstic est devenu commandant du Corps
5 de la Drina.
6 On peut dire de façon générale que la position du général Krstic est
7 celle-ci: il a été désigné formellement à ce poste de commandant du Corps
8 de la Drina par un décret donné le 14 juillet par le Président Karadzic,
9 et il devait entrer effectivement en fonction le 15 juillet 1995, mais il
10 n'aurait pas eu un commandement effectif du Corps de la Drina avant le 20
11 ou 21, jour de la passation de pouvoir.
12 L'accusation dit qu'il a pris le commandement du Corps de la Drina le 13
13 juillet, et que cette passation de pouvoir s'est passée à Vlasenica, au
14 quartier général du Corps de la Drina.
15 Pourquoi cette date est à ce point importante? Vous le verrez sur les
16 écrans que vous avez devant vous, ainsi que sur ce panneau, ceci va vous
17 permettre de circonscrire la question en litige, parce que le moment où il
18 devient commandant du Corps de la Drina détermine le moment précis où
19 quelqu'un avait le pouvoir d'autorité directe sur le Corps de la Drina et
20 sur les unités qui ont participé à ces exécutions massives.
21 Selon nous, le général Krstic est devenu le commandant le 13 juillet.
22 Vous voyez qu'il y a une partie rayée ou sombre. Là, nous parlons de la
23 période antérieure au commandement effectif du général Krstic.
24 Il est important de constater qu'à l'époque des tueries des 12 et 13, les
25 personnes reprises dans la partie supérieure, à ce moment-là le général
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1 Krstic était chef d'état-major du Corps de la Drina.
2 Après qu'il soit devenu commandant le 13 juillet, vous constatez qu’il y a
3 toute une série d'exécutions massives qui se sont produites, alors qu'il
4 était commandant.
5 Si vous reprenez la version que vous a donnée le général Krstic à la date
6 selon laquelle, selon lui, il est devenu commandant, cette date que vous
7 avez au bas de la page, et si vous voyez la période à laquelle selon lui
8 il était devenu commandant, toutes les exécutions massives avaient été
9 faites.
10 Il y avait plus que l'opération de dissimulation qui a eu lieu au mois de
11 septembre ainsi qu'au mois d'octobre.
12 Maître Petrusic, de la partie adverse, a dit dans ses remarques
13 liminaires, à la page 5955, que: "Le rapport sur la passation de pouvoir
14 fixe la date à laquelle le général Krstic a pris commandement du Corps de
15 la Drina". Il dit que, selon lui, cette date manque et que c'est la raison
16 pour laquelle "le général Krstic se trouve ici devant vous".
17 Alors que le professeur Radinovic, témoin à décharge, en réponse à une
18 question que vous avez posée Monsieur le Président, a dit ceci, parlant de
19 la date à laquelle le général Krstic est devenu commandant, il a dit que:
20 "Cette date était importante parce que l'établissement de la
21 responsabilité dépend de ce fait". (Fin de citation.)
22 Ceci se trouve à la page 8388 du compte rendu d'audience.
23 Voyons les éléments de preuve à l'appui du général Krstic, tout d'abord
24 dans ses affirmations lorsqu'il dit n'avoir pris le commandement du Corps
25 de la Drina que le 20 ou le 21 juillet.
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1 Sa déposition repose sur trois piliers.
2 Le premier pilier, c’est le décret présidentiel, signé de Radovan Karadzic
3 qui le nomme à ce poste.
4 Deuxièmement pilier, c’est sa déclaration sous serment au général Krstic,
5 selon laquelle à la suite de la promulgation du décret présidentiel il
6 fallait une période de transition avant qu'il ne reprenne officiellement
7 la relève du général Jovanovic.
8 Troisième pilier, c’est sa déposition sous serment selon laquelle la
9 cérémonie de passation de pouvoir s'est déroulée au restaurant Han Kram le
10 20 ou 21 juillet. C'est à ce moment-là que selon lui le général Jovanovic
11 lui aurait remis l'autorité officielle sur ce Corps.
12 Ce dernier élément, la cérémonie au restaurant Han Kram, est le seul
13 élément qui vienne à l'appui de l'affirmation du général Krstic n'a été
14 que du ouï-dire. Vous avez deux témoins qui ont dit qu'ils avaient entendu
15 parler de cette cérémonie, sans y avoir assisté.
16 Examinons les éléments de preuve apportés, notamment en ce qui concerne le
17 premier pilier du général Krstic.
18 Est-ce que nous pouvons voir cette pièce sur l'écran?
19 C’est le point de départ immuable, le plus important, ceci dans la version
20 du général Krstic, c’est la pièce n°1 puisque c'est le décret du
21 Président, qui apparemment porte la date du 14 juillet, et qui nomme au
22 commandement du Corps de la Drina le général Krstic. Ce décret nomme
23 également au poste de commandant adjoint Andric Svetovar. Et toutes ces
24 nominations doivent prendre effet le 15 juillet.
25 D'après le général Krstic, ce décret n'a pas conféré contrôle immédiat. Il
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1 fallait selon lui une période de transition, qui était rendue nécessaire
2 aussi bien par la coutume que par les règlements militaires. C'est ce
3 qu’est venu vous dire le professeur Radinovic qui a dit dans sa déposition
4 qu'avant cette date, la date du décret, le général Krstic n’était pas
5 autorisé ou n'aurait pas dû assumer ces fonctions.
6 Il est évident que l'accusation rejette cette hypothèse, tout simplement
7 parce qu'il y a connaissance, mais aussi au vu de la déposition même du
8 général Krstic et de son témoin.
9 L'affirmation selon laquelle la prise de pouvoir ne peut se faire qu'après
10 la promulgation de ce décret est illogique.
11 En effet, en période de guerre, il est inconcevable qu'un individu se
12 trouvant en situation de commandement ne puisse pas assurer ses fonctions
13 de commandement avant que ne soit promulgué un bout de papier.
14 Les conditions de guerre étant ce qu'elles sont, elles créent des
15 situations exceptionnelles, des conditions exceptionnelles lorsqu'il y a
16 des combats, des batailles. Effectivement, on pourrait avoir une campagne
17 qui est perdue parce qu'on se serait préoccupé d'un détail aussi
18 bureaucratique que la signature d'un bout de papier.
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé) Un de ces exemples était le fait qu'on
24 ne respectait pas nécessairement ce que nécessitait un plan de
25 communication qui aurait été une partie d'un plan d'attaque
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1 opérationnelle. Il a aussi dit que les désignations numériques du statut
2 des officiers n'étaient pas nécessairement respectées, étant donné la
3 prévalence de conditions de guerre.
4 Mais ce qui compte encore plus, c'est qu'il a dit dans sa déposition qu'un
5 commandant peut effectivement assumer de facto ses fonctions de
6 commandement avant qu'il ne soit désigné à ce poste de façon officielle ou
7 formelle par un décret présidentiel.
8 Examinez également la déposition du général Francis Dannatt, qui était
9 notre expert militaire au nom de l'accusation. Le Juge Rodrigues lui a
10 posé une question, à la page 5703 ainsi qu'à la page suivante, sur ce
11 point même. On lui a demandé s'il était possible, dans l'armée
12 britannique, qu'un commandant soit désigné par quelqu'un d'autre -si ce
13 n'est par la personne autorisée à le faire par la loi- à ce poste de
14 commandement; le général a répondu par l'affirmative en donnant un exemple
15 pris dans son propre commandement, au moment où il a assuré ce
16 commandement avant d'y être autorisé par la personne habilitée à le faire
17 par voie de décret.
18 Nous estimons donc, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges,
19 que dans l'armée des Serbes de Bosnie, il était possible à un officier
20 d'assurer le commandement d'une unité avant d'en être officiellement nommé
21 commandant.
22 Le pilier suivant sur lequel se repose l'accusé consiste à dire qu'il
23 n'était pas possible d'assurer ce commandement avant le 20 ou le 21. C'est
24 à cause de cette période de transition.
25 Mais qu'elle est-elle, cette période de transition nécessaire? D'après le
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1 professeur général Radinovic et aussi d'après le témoin DB, une période de
2 transition est une période qui est nécessaire pour un nouveau commandant
3 qui entre en fonction dans une nouvelle unité, dont il a besoin pour mieux
4 connaître les éléments organiques de cette unité: les officiers, les
5 opérations effectivement que cette unité doit accomplir. Il doit se
6 familiariser avec l'unité qu'il va commander avant qu'il ne puisse en
7 avoir un contrôle effectif.
8 Nous savons également que le général Krstic avait été le chef d'état-major
9 du Corps de la Drina depuis le 28 septembre 1994 et qu'il connaissait de
10 près, de l'intérieur, le personnel militaire du Corps de la Drina ainsi
11 que toutes les opérations de ce dernier.
12 D'après le général professeur Radinovic, le fait de connaître, de bien
13 connaître le Corps de la Drina permettait à un homme comme le général
14 Krstic d'avoir "une pause en matière d'opération qui constituerait sa
15 transition". En d'autres termes, quelqu'un qui connaît bien l'unité
16 n'aurait pas besoin de beaucoup de temps en guise de période de
17 transition.
18 Nous faisons valoir que, s'agissant de cette période de transition, il
19 fallait tout simplement une pause au niveau des opérations: puisque le
20 général Krstic connaissait bien cette unité, il n'avait pas besoin, en
21 guise de période de transition, du nombre de jours invoqués par le général
22 Krstic, à savoir du 14 jusqu'au 21 juillet. Puisqu'il avait été chef
23 d'état-major, il connaissait bien l'unité et le Corps de la Drina.
24 Troisième pilier sur lequel se repose le général Krstic sur ce point,
25 c'est qu'il y a eu une cérémonie officielle de passation de pouvoirs qui a
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1 eu lieu dans un restaurant qui s'appelait Han Kram le 20 ou le 21 juillet.
2 Mais qu'est-ce que c'est qu'une cérémonie de passation de pouvoirs?
3 Le témoin DB nous a éclairés sur la question, je le cite:
4 "Cette cérémonie est prévue par le règlement de service de l'armée de la
5 Republika Srpska et a pour titre "Passation de pouvoirs". En résumé, elle
6 implique que, devant une unité déployée à l'ancien commandant, le nouveau
7 commandant vienne, accompagné certainement auprès du commandement
8 supérieur en général des personnes qui leur sont supérieures en âge
9 également ou en rang." (Fin de citation.)
10 Et le général Krstic nous a dit que cette cérémonie de passation de
11 pouvoirs à Han Kram avait fait l'objet de la présence de plusieurs membres
12 haut placés de la VRS, ainsi que des haut dignitaires civils. Il a cité
13 notamment le général Boric, commandant de l'école militaire à Banja Luka,
14 le général Gavric, chef d'état-major du Corps de la Bosnie orientale, le
15 général Gavro, de l'état-major principal, le général Eskic, du l'état-
16 major ou du grand état-major, le général Tolomir, il y avait aussi le
17 commandant sortant, le général Jovanovic.
18 Pas un seul de ces hommes n'est venu déposer devant vous. Personne, Madame
19 et Messieurs les Juges. Et personne n'est venu dire quoi que soit, aucune
20 des personnes identifiées par le général Krstic n'est venue vous dire que,
21 le 20 ou le 21 juillet, il y aurait eu une cérémonie officielle de
22 passation de pouvoirs à Han Kram.
23 Le seul élément de preuve que vous avez entendu est un ouï-dire de la part
24 de, je pense, deux témoins qui ont dit avoir entendu parler de ladite
25 cérémonie. Un de ces deux témoins était le témoin DB. Je le rappelle,
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1 c'était un officier de haut rang, dans l'état-major du général Krstic du
2 Corps de la Drina. Il n'était pas présent à cette cérémonie; il en avait
3 simplement entendu parler. Il vous a dit avoir entendu dire que cette
4 cérémonie s'était déroulée le 20 ou le 21 juillet.
5 Au moment du contre-interrogatoire, il a été honnête lorsqu'il vous a dit
6 que, lorsque le Bureau du Procureur lui avait posé des questions bien
7 longtemps avant sa déposition, qu'il avait fait une recherche sur ce
8 problème, il savait qu'une question allait lui être posée sur le sujet. Et
9 lorsque le Bureau du Procureur lui a demandé à quel moment le général
10 Krstic était devenu commandant du Corps de la Drina, il avait dit aux
11 enquêteurs que ça s'était passé le 13 juillet.
12 Il avait ajouté qu'entre le moment de cette entrevue avec le Bureau du
13 Procureur et le moment de sa déposition ici dans le prétoire, il avait
14 reçu un résumé de 30 pages, résumé de ce que le général Krstic avait dit.
15 Il avait donc reçu ces 30 pages de son officier supérieur. A cet égard, la
16 qualification donnée des événements qui se sont produits à Han Kram dépend
17 pratiquement exclusivement de la crédibilité du général Krstic quant à la
18 fiabilité pensez qu'il s'agit d'un ouï-dire qui vous a été relaté. Nous
19 allons faire valoir ceci, Madame et Messieurs les Juges, que les
20 événements qui se sont déroulés à Han Kram, c'était une cérémonie en
21 l'honneur du général Zivanovic, une façon de lui dire au revoir, une
22 cérémonie d'adieu.
23 Quant à la cérémonie officielle de passation de pouvoirs, elle s'est
24 produite le 13 juillet au quartier général du Corps de la Drina à
25 Vlasenica.
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1 Permettez-moi enfin un commentaire sur un autre point mentionné par le
2 professeur général Radinovic au moment où il a parlé de cette cérémonie.
3 Il avait dit qu'un document est en général rédigé ou exécuté aussi bien
4 par le commandant sortant que par celui qui arrive à ses fonctions. Il
5 nous a dit qu'en général c'est un document qui est conservé par les
6 officiers impliqués dans une telle cérémonie.
7 En d'autres termes, le général Krstic aurait dû être en possession de ce
8 document, aurait dû le garder. S'il y a eu exécution d'un tel document,
9 s'il y a existence d'un tel document, le Général Krstic ne vous l'a pas
10 produit et il ne pouvait pas le produire.
11 Ceci représente la totalité des éléments de preuve apportés par le Général
12 Krstic. Mais j'aimerais que vous portiez votre attention Madame et
13 Messieurs les Juges sur les éléments à charge. A savoir que le 13 juillet
14 au commandement du Corps de la Drina, au quartier général du Corps de la
15 Drina, au cours de la soirée, c'est à ce moment-là que le Général Krstic
16 est devenu commandant du Corps de la Drina.
17 Examinez si vous le voulez bien la pièce suivante. Il s'agit ici de la
18 pièce de l'accusation 905, document qui a été soumis à une phase assez
19 tardive de ce procès. Vous le verrez, c'est un document qui porte la date
20 du 13 juillet 1995, c'est une notification, un avis communiqué par le
21 lieutenant colonel Jovicic qui fait partie de la section du personnel du
22 Corps de la Drina et qui est envoyé aux unités subordonnées du Corps de la
23 Drina, selon laquelle le Général Krstic est devenu commandant du Corps de
24 la Drina. Ce document dit qu'en présence du Général Mladic la passation du
25 commandement du Corps ou des obligations du Corps de la Drina s'est
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1 effectuée le 13 juillet 1995.
2 Krstic est nommé commandant et le général Zivanovic est nommé à d'autres
3 fonctions dans l'armée de Yougoslavie dans la VJ et dans la VRS et on
4 informe aussi qu'il faut informer et notifier les autres membres.
5 Vous voyez un tampon en bas du document qui montre le moment de la
6 réception, à savoir le 13 juillet, par la personne qui est censée
7 transmettre cet ordre. Ceci se passe à 20 heures, le traitement de ce
8 document s'est fait le 13 juillet, à 20 heures 35.
9 Le document original a été soumis à l'audience. Le Bureau du Procureur l'a
10 reçu du général Zivanovic après la fin de la présentation des éléments de
11 preuve. L'homme que le général Krstic dont il disait que c'était le
12 commandant du Corps de la Drina, c'était bien ce général Zivanovic.
13 A notre demande, le document original que nous avions reçu du général
14 Zivanovic, qui portait la signature de Jovicic, a été soumis à l'institut
15 médico-légal des Pays-Bas pour qu'il ait une comparaison entre la
16 signature de M. Jovicic et celle de M. Jovicic qui figurait dans d'autres
17 documents que nous avions en notre possession. Et nous avons demandé à
18 l'institut médico-légal néerlandais de faire une comparaison graphologique
19 de ce document 905 avec d'autres documents.
20 Quelle fut la conclusion de cet institut? Identité des signatures. Ce qui
21 veut dire que des documents saisis au cours de perquisitions effectuées au
22 quartier général de la Brigade de Zvornik avaient la même signature que
23 celui-ci. De plus, cet institut médico-légal a comparé les encres, ainsi
24 qu'il y a dans ce tampon du document 905, donc on a comparé ce tampon
25 même, on a comparé la police utilisée aussi, et toutes ces comparaisons
Page 9919
1 ont été positives à plusieurs degrés. Certains parlaient d'une simple
2 possibilité. Nous avons aussi comparé les signatures que l'on voit et
3 aussi dans la date du tampon en bas de ce document avec les inscriptions
4 manuscrites qu'on voit dans le premier ordre du général Krstic, dont je
5 vais parler dans un instant, qui venaient du quartier général de Vlasenica
6 quelques instants après. On a comparé ces inscriptions manuscrites et on a
7 conclu à une possibilité d'identité.
8 Il y a un autre fait qu'il faut mentionner. Le fait que la personne qui a
9 signé ce document figure sur cet organigramme, il s'agit du lieutenant
10 colonel Jovicic, chef du personnel au sein de l'état-major du Corps
11 d'armée qui est un subordonné direct du chef d'état-major qui était donc
12 sous son commandement.
13 La défense n'a pas contesté les conclusions des experts de l'institut
14 médico-légal néerlandais, conclusions quant à la validité de ce document.
15 Signalé aux unités subordonnées avant l'attaque sur Zepa et après celles
16 qui avaient eu lieu sur Srebrenica, était tout à fait logique étant donné
17 que le lendemain l'attaque devait commencer sur Zepa, étant donné qu'il y
18 avait une grande colonne qui s'était formée de personnes qui souhaitaient
19 entrer sur le territoire du nord commandé par le Corps de la Drina. Il
20 était donc nécessaire que les unités subordonnées sachent qui les
21 commande.
22 En dépit des irrégularités de ce document, il a été identifié par le
23 professeur, le général Radinovic, il a témoigné du fait qu'il ne pensait
24 pas que ce document avait été falsifié. Vous verrez d'ailleurs que ce
25 document a été confirmé par d'autres éléments que nous avons présentés à
Page 9920
1 ce sujet, d'autres éléments de preuve et, l'un d'eux c'est une
2 communication interceptée.
3 Je vous demande donc d'examiner le document suivant, il s'agit d'une
4 communication interceptée le 13 juillet à 18 heures 22. D'après la
5 notification qui avait été donnée, on savait que le général Mladic se
6 trouvait au poste de commandement avancé à Vlasenica. Ce document indique
7 qu'à 18 heures 22, il y a eu une conversation au cours de laquelle le
8 général Krstic qui devait le lendemain matin commencer l'opération de
9 Zepa, donc il y a eu la question de savoir s'il était au quartier général
10 de Vlasenica.
11 La question posée est la suivante: "Est-ce que Krstic est là?
12 Réponse: Il est dehors.
13 X: Dis-lui de venir. Les hommes ne peuvent pas attendre, la nuit tombe, il
14 faut travailler, c'est toute l'opération qui est en jeu.
15 Interlocuteur suivant: Il est avec le général Mladic." (Fin de citation.)
16 A ce stade, je souhaiterais attirer votre attention sur un témoignage qui
17 a été fait à huis clos, et je ne m'avancerai pas plus à ce sujet
18 justement, mais je voudrais juste signaler que du fait que le général
19 Krstic a déposé qu'il était à Vlasenica le soir du 13 juillet, donc il a
20 dit que le général Mladic avait assemblé tout le personnel disponible et
21 annoncer que le général Krstic allait devenir le commandant de l'opération
22 sur Zepa, et non pas celui du commandant et non pas le commandant du corps
23 d'armée.
24 Nous avançons que ce témoignage est faux sur la base de ce que je vous ai
25 dit précédemment et sur la base du fait qu'aucun témoin ne s'est présenté
Page 9921
1 pour appuyer ces dires du général Krstic relatif à ce qui c'est passé le
2 13.
3 Vous vous souviendrez du témoignage du témoin DB qui a contredit le
4 général Krstic à ce sujet. D'après le témoin DB, le général Krstic était
5 présent au quartier général de la Brigade de Bratunac déjà avant. Le
6 général Mladic était là ainsi que le général Zivanovic ainsi que le témoin
7 DB, les commandants de la brigade du Corps de la Drina étaient également
8 présents. Et c'est lors de cette réunion précise que le général Mladic a
9 annoncé aux commandants subordonnés que le général Krstic allait devenir
10 le commandant de l'opération Zepa.
11 Maintenant, nous allons examiner et comparer deux ordres. L'un, le
12 premier, c'est le dernier ordre écrit connu délivré par le général
13 Zivanovic et l'autre, c'est le premier ordre connu délivré par le général
14 Krstic en tant que commandant du Corps de la Drina. Ces deux ordres ont
15 été délivrés en date du 13 juillet.
16 Si l'on examine le premier, pièce à conviction 462, c'est un document très
17 intéressant, parce que nous estimons qu'il s'agit là du dernier ordre
18 connu, du moins c'est le dernier dont nous disposons du général Zivanovic.
19 Dans l'en-tête, on voit qu'il a été délivré au sein du commandement du
20 Corps de la Drina le 13 juillet. C'est un ordre délivré par le général
21 Zivanovic dont la signature apparaît à la deuxième page. Il s'identifie
22 comme étant le commandant.
23 Le contenu de cet ordre est également intéressant et je voudrais attirer
24 votre attention sur trois points à ce sujet.
25 Le premier point, je cite: "Les commandements de la brigade dans leur zone
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1 de responsabilité emploieront tous les hommes disponibles pour découvrir,
2 arrêter, désarmer et capturer tout groupe de Musulmans repérés et les
3 empêcher de passer en territoire musulman".
4 Point 3: "Placer les Musulmans désarmés et capturés dans des bâtiments
5 appropriés dont la sécurité peut être assurée par des hommes en nombre
6 réduit et en informer immédiatement le commandement supérieur."
7 Point 8: "Faire en sorte d'informer toutes les unités par le biais de
8 rapports intermédiaires." (Fin de citation.)
9 Ce qui est également intéressant c'est la date. On voit que ce document a
10 été reçu le 13 juillet à 16 heures. Cela a été reçu par la personne qui
11 était chargée de chiffrer cet ordre et de le transmettre. Ensuite, il a
12 été envoyé le même jour une heure vingt plus tard.
13 Maintenant, si on passe à l'ordre suivant, c'est un ordre qui est en date
14 du 13 juillet, qui vient du général Krstic et vous constaterez,
15 premièrement, qu'il a été émis au sein du quartier général du Corps de la
16 Drina le 13 juillet, ce qui correspond à la notification précédente, et
17 vous remarquerez que ceci est signé par le général major Radislav Krstic
18 en tant que commandant et non pas en tant que chef d'état-major.
19 Si vous examinez le tampon où figurent les dates et vous le comparez à la
20 pièce à conviction que nous avons vue précédemment, on voit que ce
21 document a été remis au responsable du chiffre quatre heures avant, c'est-
22 à-dire quatre heures avant le dernier ordre émis par le général Jovanovic.
23 Un autre ordre qui prouve que le général Krstic était le commandant du
24 Corps de la Drina avant la date à laquelle il prétend que cela s'est
25 produit, c'est la pièce à conviction de l'accusation 480. Ici, encore, il
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1 s'agit d'un ordre qui a été délivré depuis le commandement du Corps de la
2 Drina en date du 17 juillet et qui est relatif à la mobilisation.
3 Vous constaterez au bas de ce document -et ceci est très important- que le
4 signataire c'est le général major Radislav Krstic en tant que commandant.
5 En bas à gauche, vous avez un tampon relatif à la transmission.
6 On constate ici une certaine incohérence puisque nous avons la date du 24
7 juillet 1995. Or, cela ne correspond pas à la date à laquelle cet ordre a
8 été émis. Le général a essayé de s'en sortir en nous donnant une
9 explication relative à cet ordre. Il nous a dit, je cite: "Qu'il avait
10 très probablement signé cet ordre le 22 ou 23 juillet parce que cet ordre
11 porte un tampon relatif à sa transmission du 24 juillet". (Fin de
12 citation.)
13 Cependant, cette discordance entre le tampon relatif à la transmission et
14 la date de l'ordre, il a été expliqué par un témoin du général Krstic DB
15 qui était un expert de la communication sur le terrain au sein du Corps de
16 la Drina et que nous dit ce DB. Il nous dit et je cite: "Que les documents
17 qui ne portaient pas la mention "urgent" ou "opérationnel" pouvaient
18 parfois attendre plusieurs jours avant d'être envoyés et que c'est
19 uniquement à ce moment-là qu'ils étaient transmis." (Fin de citation.)
20 Témoignage qu'on retrouve à la page 7323 du transcript.
21 Si on examine le document, on voit premièrement que ce n'est pas un
22 document opérationnel et qu'il ne porte pas la mention "urgent". C'est
23 tout à fait le type de document qui aurait pu être délivré le 17. Mais du
24 fait que ce n'était pas un document qui avait trait aux opérations et
25 n'était pas urgent, il est très probable qu'il était envoyé plus tard.
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1 Aucun des ordres du général Krstic de ceux du 13 ou 17 juillet n'est signé
2 en portant la mention "pour le commandant". Si on remarque, si on regarde
3 la pièce à conviction 83O de l'accusation qui se trouve sur l'écran nous
4 avons entouré le mot "za". Et nous avons entendu dans le cadre de ce
5 procès que, que dans le cadre du règlement en vigueur, lorsque quelqu'un
6 signe au nom du commandant, il faut qu'il l'indique clairement sur le
7 document.
8 Voilà un exemple tout à fait classique de documents où quelqu'un a signé
9 pour ou au nom du Général Jovanovic.
10 Vous remarquerez que, sur aucun document du 13 ou du 17, il n'y a de
11 limite quant à l'autorité du signataire. En d'autres termes, aucun de ces
12 documents n'est signé pour ou au nom du commandant, aucun de ces documents
13 n'est signé par le commandant de l'opération Zepa ou par le chef d'état-
14 major, ces documents sont clairement signés par le commandant, et c'était
15 le rôle joué par le général Krstic le 13 juillet.
16 Nous allons maintenant examiner d'autres éléments de preuve qui viennent à
17 l'appui du fait que le général Zivanovic n'était plus le commandant, et
18 nous allons examiner un certain nombre d'éléments de preuve à ce sujet.
19 Premier élément: il s'agit d'une communication radio qui a été interceptée
20 et qui date du 14 juillet à 9 heures 35. C'est le général Zivanovic qui
21 dit: "Merci beaucoup. Je suis ici au poste de commandant mais je suis en
22 train de faire mon paquetage. On m'a déjà demandé d'aller ailleurs."
23 Ensuite, nous passons à la pièce à conviction suivante, 477, pièce de
24 l'accusation. Il s'agit d'un document qui a été saisi au sein de la
25 Brigade de Bratunac, qui a été délivré par la Brigade de Bratunac. Vous
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1 constatez que la date est celle du 17 juillet 1995 mais que la date de la
2 transmission, en bas à droite, est le 14 juillet 1995. Ce document a été
3 délivré le 14 juillet.
4 Vous avez reçu le document écrit à la main à partir duquel ce document a
5 été dactylographié. On voit que l'ordre en question a donc effectivement
6 été délivré le 14 juillet.
7 Donc ce document, qu'est-ce que c'est? C'est un document qui a été délivré
8 par le commandement de la Brigade de Bratunac à l'intention du
9 commandement du Corps de la Drina et qui fait référence à des
10 communications précédentes.
11 En quoi consiste ce document? Eh bien, il s'agit d'informer le
12 commandement. Je vais vous le lire, ce sera plus simple, je cite:
13 "Nous souhaitons vous informer que nous serons en mesure d'obtenir la
14 présence du commandement et des représentants des autorités municipales
15 pour la cérémonie officielle du départ du général Zivanovic qui, jusqu'à
16 présent, était commandant du Corps de la Drina, à 13 heures, le 23 juin
17 1995." (Fin de citation.)
18 Document suivant. Il s'agit d'un document du 15 juillet, il s'agit du
19 résumé d'une communication interceptée à 9 heures 52, et le colonel Beara
20 de l'état-major principal cherchait le général Zivanovic qui n'était pas à
21 cet endroit. On a donc dit à Beara d'appeler le poste 139.
22 Deux minutes plus tard, et c'est la communication suivante qui a été
23 interceptée, il s'agit d'une communication, d'une conversation entre le
24 général Zivanovic et le colonel Beara, conversation dans laquelle le
25 colonel Beara -qui, je le signale, était l'un de ceux dont le général
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1 Krstic nous a dit qu'il avait été responsable du génocide-, donc cette
2 conversation avec le colonel Beara, c'est la présentation d'un certain
3 nombre de griefs, griefs présentés par le colonel Beara, celui dont il
4 pense qu'il est encore le commandant.
5 Il lui dit: "Furtula", -il fait référence à quelqu'un qui appartenait au
6 Corps de la Drina-, il lui dit: "Furtula n'a pas envoyé des hommes à un
7 endroit donné."
8 Beara dit: "Qu'il en envoie au moins la moitié!"
9 Zivanovic répond: "Oui oui oui."
10 Beara dit: "Répétez!"
11 Zivanovic: "Il faut les envoyer immédiatement."
12 Beara répond: "Oui."
13 Ensuite, le général Zivanovic dit: "Je ne peux plus signer ce type de
14 document. Je ne peux plus décider ce genre de chose." Et il lui dit de
15 téléphoner au poste 385.
16 Quelques minutes plus tard, on a une conversation interceptée entre le
17 général Krstic et le colonel Beara, conversation qui traite exactement du
18 même problème, mais cette fois il fait part de ce problème à celui qui est
19 effectivement commandant du Corps de la Drina, à savoir le général Krstic.
20 Je ne vais pas entrer dans le détail de cette conversation interceptée,
21 j'y reviendrai plus tard.
22 Mais ici, nous avons une décision prise par le général Krstic pour aider
23 le colonel Beara. La dernière conversation interceptée nous montre que le
24 général Zivanovic n'était plus le commandant du Corps de la Drina mais que
25 c'était le général Krstic. Cela on le trouve dans la pièce à conviction
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1 181 dans la partie n°5 de cette pièce.
2 Nous avons ici un document qui a été délivré par le quartier général du
3 corps de la Drina, le 17 juillet 1995, par le général Zivanovic. Vous
4 constaterez qu'il n'y a pas de titre, il ne s'est pas identifié dans ce
5 document comme étant le commandant. Ce dont il s'agit ici, c'est d'une
6 cérémonie de départ à l'occasion du départ justement du commandant du
7 corps d'armée.
8 On y lit, je cite: "L'état-major général de l'armée des Serbes de Bosnie a
9 l'intention d'organiser une cérémonie de départ pour celui qui était
10 jusqu'à présent son commandant, le commandant major Milenko Zivanovic,
11 cérémonie qui aura lieu le 20 juillet 1995 à midi, au motel Jela, à Han
12 Kram." (Fin de citation.)
13 Cette série de documents nous montre que le commandant du Corps de la
14 Drina, le 13 juillet, était le général Krstic et pas le général Zivanovic.
15 Autre série maintenant des pièces à conviction, nous allons les passer en
16 revue assez rapidement, il s'agit de pièces à conviction qui ont trait aux
17 réponses, aux premiers ordres du commandant du Corps Krstic, le 13
18 juillet. Nous allons revenir aux documents que vous avez sur vos
19 moniteurs. Ici, il s'agit du premier ordre délivré par le général Krstic
20 le 13 juillet, et l'intitulé est: recherches sur le terrain, fouilles du
21 terrain.
22 Ce document donne pour instruction à un certain nombre d'unités du Corps
23 de la Drina de ratisser des zones qui se trouvent dans la zone de
24 Srebrenica ou autour. L’une de ces unités à qui est adressé cet ordre,
25 c’est la Brigade de Bratunac. Cela figure au premier point de cet ordre.
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1 Passons maintenant à la pièce à conviction suivante qui date du jour
2 suivant. On peut voir en examinant cette pièce à conviction que le colonel
3 Blagojevic était le commandant de la Brigade de Bratunac. Il apparaît ici
4 même où je vous l'indique dans cet organigramme.
5 Il s'agit d'une unité subordonnée dans le Corps de la Drina, et ce
6 document, pièce à conviction de l'accusation 464, nous montre que le
7 colonel Blagojevic répond directement à l'ordre délivré par le commandant
8 Krstic, il y fait référence au premier paragraphe, ensuite il donne pour
9 ordre à d'autres unités d'agir en conséquence.
10 Passons au document suivant, pièce à conviction de l'accusation n°536, en
11 date du 15 juillet 1995. Encore une fois, un document délivré par le
12 colonel Blagojevic à l'intention du commandement du Corps de la Drina, de
13 IKM, du poste de commandement avancé du Corps de la Drina, et nous savons
14 que le général Krstic dirigeait à partir de ce point l'opération contre
15 Zepa.
16 Dans sa réponse, le colonel Blagojevic fait, encore une fois, référence à
17 l'ordre du 13 juillet, de celui qui commandait le Corps, le général
18 Krstic. Vous verrez qu'il y fait référence au point 2 du document. Je
19 cite: "Nos hommes continuent le ratissage conformément à votre ordre
20 strictement confidentiel, l’ordre numéro…" etc. Il continue en donnant le
21 numéro de cet ordre.
22 Maintenant, nous allons passer à la pièce à conviction suivante, pièce de
23 l’accusation 537, document qui est émis par le colonel Ignjat Milanovic.
24 Ignjat Milanovic apparaît sur cet organigramme, je ne le trouve pas là
25 mais je vous assure qu'il est dessus, il était responsable de la Défense
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1 aérienne du Corps de la Drina.
2 Ce document est une proposition faite par le colonel Milanovic, qui est
3 adressée au poste de commandement avancé du Corps de la Drina à
4 l'intention du commandant, donc le commandant qui était le général Krstic.
5 On peut y lire, je cite le premier paragraphe: "Conformément à vos
6 ordres". (Fin de citation.)
7 Donc vous avez le colonel Milanovic, un subordonné, qui opère en fonction
8 des ordres de son commandant. Et le colonel Milanovic nous dit, un peu
9 plus bas, je cite: "J'ai ordonné", et ensuite, au point 2: "La mission que
10 vous avez donnée au commandant". Et puis, il fait une proposition, il
11 s’agit là d’un subordonné qui fait une proposition à son supérieur
12 hiérarchique. Et je vous demande de vous référer au point 2, je cite: "Si
13 vous acceptez cette proposition". (Fin de citation.)
14 Nous avons un subordonné qui se comporte comme dans n'importe quelle
15 filière hiérarchique et n'importe quelle armée, il fait une proposition à
16 son supérieur hiérarchique et cette proposition est envoyée au poste de
17 commandement avancé de Zepa.
18 Tous ces documents que je vous ai montrés -et il y en a encore beaucoup
19 d'autres que je pourrais vous montrer-, ont tous été adressés au général
20 Krstic, et ceci montre tout à fait bien que vous avez ici des unités
21 subordonnées qui obéissent à ses ordres.
22 On voit que des officiers, qui lui sont subordonnés, lui font des
23 propositions, lui communiquent des informations, le tiennent au courant de
24 ce qui passe dans sa zone de compétence.
25 Donc le général Krstic reconnaît d’autre part qu'il reçoit ces rapports et
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1 qu’il délivre des ordres sur la base des informations qui lui sont
2 communiquées. Ceci figure à la page 6699 du compte rendu d'audience.
3 Je voudrais maintenant passer en revue une nouvelle série de pièces à
4 conviction, très rapidement. Ceci va nous montrer que, pendant la période
5 où le général Krstic nous disait qu'il n'était pas au commandement, en
6 fait il exerçait une responsabilité, un contrôle sur des unités dont il
7 était clair qu'elles étaient bien au-delà de sa zone de compétences de
8 Zepa.
9 Vous vous souviendrez que, dans sa déclaration au Bureau du Procureur, le
10 18 février 2000, le général Krstic a dit qu’au moment où il est arrivé à
11 Zepa pour commander cette opération, il avait un seul contact au sein de
12 la Brigade de Zvornik, il n’avait eu qu’un contact le 14 juillet, et
13 qu'ensuite il n'avait eu aucun contact avec des unités en dehors de
14 l'opération de Zepa.
15 Il a de plus affirmé qu'il n'avait absolument pas l'autorité, d'autre part
16 pas le besoin non plus, de donner des ordres qui n'avaient rien à voir
17 avec l'opération Zepa, jusqu'à ce qu'il prenne le commandement du Corps de
18 la Drina le 20 ou le 21.
19 Nous avons maintenant trois communications interceptées, l’une est en date
20 du 17, les deux autres du 19 juillet, qui sont en contradiction directe
21 avec ce que le général Krstic a déclaré au Bureau du Procureur.
22 Première conversation interceptée, c’est la pièce à conviction de
23 l'accusation 652. Il s’agit d’une communication interceptée le 17 juillet,
24 dans laquelle le général Krstic ordonne au colonel Veletic de regagner son
25 poste ou ses unités.
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1 Vous vous souviendrez que le colonel Veletic était le commandant de la 4e
2 Brigade Zrinski, qui était une formation temporaire, qui était active dans
3 la zone située autour de Sarajevo dans le cadre de la zone de compétence
4 du Corps Romanija.
5 Donc cette conversation interceptée nous montre que le commandant du Corps
6 de la Drina demande à quelqu'un qui se trouvait en dehors de sa zone de
7 responsabilité, mais qui était rattaché au commandement principal, de
8 revenir à son point de départ.
9 Document suivant, document de l'accusation 354/2/19 juillet, intercalaire
10 n°1. Vous avez une conversation du 19 juillet où le commandant Eskic
11 appelle le colonel Cerovic, qui était chargé du moral des troupes et des
12 affaires juridiques, et nous avons ici une conversation au cours de
13 laquelle le commandant Eskic avait appelé le colonel Cerovic parce qu'il
14 avait été informé que Vinko -il s'agit de Vinko Pandurevic qui était le
15 commandant de la Brigade de Zvornik-, avait fait aller certains de ses
16 hommes jusqu’à Trnovo. Trnovo, cela se trouvait en dehors de la zone de
17 compétences du Corps de la Drina, ce n'était pas du tout à côté de Zepa.
18 Le colonel Cerovic a fait part à Eskic du fait qu'il y a un ordre qui a
19 été délivré à ce sujet. Le colonel Cerovic, à la fin de la conversation,
20 dit : « J'appellerai le général ». Cette conversation a été interceptée le
21 19 juillet à 8 heures 07.
22 Communication suivante, cinq minutes plus tard, nous avons toujours ici le
23 colonel Cerovic et son interlocuteur est Vinko, c'est-à-dire Vinko
24 Pandurevic qui était à la tête de la Brigade de ce Zvornik. Vous constatez
25 qu'en premier lieu Vinko Pandurevic dit, à un endroit qui a été surligné
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1 dans le document, deux lignes en-dessous de la moitié du texte, je cite :
2 « Je n'ai pas d'équipe pour Trnovo ». Ensuite Cerovic lui dit, un peu plus
3 bas, je cite : « Je te dis, d'après le rapport qu'il m'a envoyé, ceci est
4 impossible, c'est l'ordre de Krtstic, il n'y a pas de rotations d'équipes
5 jusqu'à un ordre différent ». Fin de citation.
6 Donc vous avez ici un ordre du commandant Krstic au sujet d'une unité qui
7 se trouve à Trnovo, c’est-à-dire très loin de Zepa, la zone dont le
8 général Krstic nous affirme que c'est le seul endroit où il avait des
9 responsabilités, où il donnait des ordres avant de devenir commandant du
10 Corps de la Drina le 20 ou le 21.
11 Vous remarquerez également, sur la base de ce document, que Cerovic dit:
12 "Oui et j'ai montré ça à Krstic, je lui ai écrit un rapport spécial sur la
13 base de tes rapports quotidiens et intérims". (Fin de citation.)
14 En d'autres termes, le colonel Cerovic informe très régulièrement le
15 général Krstic de ce qui se passe dans la zone de compétence de Vinko
16 Pandurevic en lui envoyant des rapports à ce sujet, contrairement à ce que
17 dit le général Krstic: "L'unique communication que j'ai eue avec les
18 unités à l’extérieur de ma zone de responsabilité s’est passée le 14
19 juillet", mais ce message intercepté montre le contraire.
20 Je souhaite également attirer l'attention des Juges de la Chambre de
21 première instance sur la déposition de l’adjudant Richard Butler de
22 l'armée américaine, qui est un analyste militaire ayant 19 ans
23 d'expérience, je souhaite que la Chambre passe en revue ses rapports
24 d’expert puisqu'il a passé en revue tous les documents saisis par le
25 Bureau de l'accusation de l'armée de la Republika Srpska, et, selon lui,
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1 M. Krstic est devenu le commandant du Corps de la Drina le 13 juillet.
2 Concernant ce sujet-là, finalement je souhaite également attirer votre
3 attention sur la déposition du général Francis Richard Dannatt à la
4 question posée par le Juge Rodrigues, compte rendu d'audience 5657, qui
5 était de savoir, je cite:
6 "Comment est-il possible d'expliquer le remplacement du général Zivanovic
7 par le général Krstic, si un tel remplacement a eu lieu?"
8 Voici ce que le général Dannatt a répondu, je cite:
9 "Il serait tout à fait inhabituel de remplacer un commandant au milieu
10 d'une opération et surtout de le remplacer au milieu d'une bataille, sauf
11 s'il en tombait victime. Cependant l'opération visant à capturer
12 Srebrenica a été certainement terminée le 11 et le 12, et donc c'était
13 avant l'opération qui devait commencer concernant Zepa le 13 ou le 14.
14 Si moi je devais donc remplacer le commandant du Corps, je l'aurais fait
15 entre ces deux opérations principales et compte tenu du fait que le
16 général Krstic en tant que chef d'état-major aurait été principalement
17 responsable pour la planification de l'opération concernant Zepa, cela
18 veut dire qu'il aurait été très bien informé, très bien briefé et en bonne
19 position de devenir commandant afin de prendre le contrôle de cette
20 opération.
21 En ce qui me concerne, si je me donc penche sur le côté pratique des
22 choses, une fois la décision prise de remplacer le général Zivanovic, le
23 temps -logiquement- du point de vue militaire, de nommer le nouveau
24 commandant aurait été le 13, le 14 afin que le nouveau commandant puisse
25 mener l'attaque contre Zepa. C'est ma logique militaire qui me pousse à
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1 une telle conclusion".
2 Le général Dannatt a déposé concernant le meilleur temps au moment duquel
3 le commandement logiquement devrait changer, et ceci a été confirmé par
4 des dépositions des témoins et aussi par le biais des messages
5 interceptés.
6 Le tout indique à quel moment le général Krstic a pris ses fonctions. Ceci
7 s'est passé pendant la pause opérationnelle, c'est-à-dire le jour avant le
8 début de l'opération Zepa.
9 Donc sur la base des moyens de preuve qui ont été présentés devant ce
10 Tribunal, le Bureau du Procureur déclare que Krstic a pris ses fonctions
11 de commandant tard dans l'après-midi du 13 juillet.
12 Et nous considérons également que lorsque M. Krstic a dit sous serment
13 qu'il n’était pas le commandant du Corps de la Drina le 13 juillet, il n'a
14 pas dit la vérité.
15 Je remarque l’heure qu'il est et je pense que le moment est opportun pour
16 faire une pause.
17 M. le Président: Nous allons suspendre l'audience pour aujourd'hui et
18 demain nous serons là à 9 heures 20 comme d'habitude.
19 (L'audience est levée à 15 heures 10.)
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