Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 21 novembre 2003  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   --- L'audience est ouverte à 10 heures 03.

  5   [L'appelant est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame la Greffière d'audience,

  7   veuillez, s'il vous plaît, donner le numéro de l'affaire inscrit au rôle de

  8   la Chambre d'appel.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-98-33-A, le

 10   Procureur contre Radislav Krstic.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

 12   Je veux être sûr que les interprètes sont bien là et qu'ils m'entendent.

 13   Vous m'entendez ?

 14   L'INTERPRÈTE : Oui.

 15   M. LE JUGE MERON : Bien. Merci.

 16   Je vois que l'appelant est présent dans le prétoire.

 17   Monsieur Krstic, êtes-vous en mesure de m'entendre ?

 18   L'APPELANT : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai l'impression que la Défense et

 20   l'Accusation peuvent m'entendre.

 21   Maintenant, pour le compte rendu d'audience, je vais demander aux parties

 22   de se présenter. Nous allons commencer par les représentants de la Défense.

 23   M. PETRUSIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 24   les Juges. Monsieur le Président du Tribunal, je m'appelle Nenad Petrusic.

 25   Je suis avec M. Norman Sepenuk aujourd'hui et, pendant l'audience de ce


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  1   jour, ainsi que pendant toute la procédure d'appel, nous allons bénéficier

  2   de la présence de Mme Sandra Djuric.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup.

  4   Je vais maintenant demander au Procureur de présenter son équipe.

  5   M. FARRELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

  6   Juges, pour le bureau du Procureur, M. Norman Farrell, Camille Bibles, M.

  7   Dan Moylan et notre assistante est Mme Lourdes Galicia.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

  9   Je souhaiterais maintenant expliquer la démarche que nous allons adopter

 10   pendant cette audience. Comme l'a annoncé la Greffière d'audience, nous

 11   sommes réunis pour entendre l'affaire le Procureur contre Radislav Krstic.

 12   Le général Krstic a été mis en accusation pour génocide, complicité de

 13   génocide, persécution, extermination, meurtre et transfert forcé ou

 14   déportation. L'acte d'accusation a trait au comportement de l'accusé entre

 15   juillet et novembre 1995, suite à l'attaque des forces serbes de Bosnie sur

 16   la ville de Srebrenica. Au moment de cette offensive, le général Krstic

 17   était le commandant en second et, peu après le commandant du Corps de la

 18   Drina, qui était, comme vous le savez, l'une des unités qui constituait

 19   l'armée de la Republika Srpska.

 20   Le jugement en l'espèce a été rendu par la Chambre de première instance

 21   numéro 1 le 2 août 2001. La Chambre de première instance a déclaré M.

 22   Krstic coupable de génocide au titre de l'Article 4 du statut du Tribunal.

 23   Il a été également reconnu coupable de persécution pour meurtres, cruels et

 24   traitements inhumains, pour faits de terreur contre la population civile,

 25   de transfert forcé, de destruction de biens personnels de la population


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  1   civile musulmane de Bosnie, toute infraction sanctionnée par l'Article 5.

  2   Il a été également reconnu de meurtre en tant que violation aux coutumes de

  3   la guerre, Article 3 du statut. M. Krstic, ainsi que l'Accusation, ont

  4   interjeté appel du jugement. Je développerai la nature des déclarations de

  5   culpabilité prononcées par la Chambre de première instance contre M.

  6   Krstic, ainsi que les motifs d'appel, parce que nous nous réunirons

  7   mercredi pour entendre les arguments des parties sur le fond.

  8   L'objectif de l'audience de ce jour comme, vous le savez, est tout d'abord

  9   d'entendre les dépositions des témoins, que l'on a accepté d'entendre en

 10   appel, soit en tant qu'éléments de preuve supplémentaires au titre de

 11   l'Article 115 du statut, soit en tant qu'éléments en réplique à ces

 12   éléments de preuve. Les parties, si elles le souhaitent, pourront contre

 13   interroger les témoins.

 14   Nous entendrons également la déposition d'un témoin qui a été convoqué par

 15   la Chambre d'appel proprio motu, conformément à l'Article 98 du règlement.

 16   Enfin, nous entendrons les arguments de l'Accusation et de la Défense au

 17   sujet du poids et de la crédibilité de preuves admis et des éléments admis

 18   au titre de la réplique.

 19   Je vais maintenant résumer les éléments de preuve qui ont été versés au

 20   dossier en l'espèce dans le cadre de cette procédure d'appel, et puis

 21   j'expliquerai plus en détail la manière dont nous allons procéder pour

 22   entendre les témoins, les arguments des conseils de la Défense et de

 23   l'Accusation.

 24   Tout d'abord, dans sa décision du 5 août 2003, la Chambre d'appel a accepté

 25   le versement au dossier au titre de l'Article 115 du règlement, de trois


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  1   documents et d'une déclaration de témoin présenté par la Défense. Ces trois

  2   documents étaient les intercalaires 1 à 3 de la requête présentée par la

  3   Défense au titre de l'Article 115, document déposé le 10 janvier 2003. La

  4   déclaration du témoin se trouvait à l'intercalaire 5 de la même requête. Je

  5   souhaiterais aux parties que ce témoin dont la déclaration -- dont la

  6   déposition a été acceptée, est un témoin protégé, si bien qu'il convient de

  7   ne pas donner son nom. Lorsque l'on parlera de sa déclaration, il

  8   conviendra de la désigner sous le thème suivant éléments de preuve de

  9   l'intercalaire numéro 5.

 10   Enfin, dans une décision du 19 novembre 2002, mercredi dernier, la Chambre

 11   d'appel a accepté le versement au dossier de neuf documents présentés par

 12   l'Accusation. Ces documents ont été acceptés en tant qu'éléments de preuve

 13   en réplique aux éléments présentés par la Défense que je viens de décrire.

 14   Ces neuf documents constituent les annexes 1 à 7, ainsi que 11 à 14 de

 15   l'acte -- de la notification par le Procureur du dépôt d'éléments de preuve

 16   en réplique, document datant du 3 octobre 2003.

 17   Dans la même décision, la Chambre d'appel a également déclaré admissibles

 18   en tant qu'éléments de preuve en réplique présentés par l'Accusation, les

 19   éléments de preuve donnés par deux témoins M. Momir Nikolic et M. Dragan

 20   Obrenovic, dans l'affaire Blagojevic. Ces témoins déposeront au cours de

 21   l'audience de ce jour de même.

 22   Dans cette décision, la Chambre d'appel a statué sur l'argument présenté

 23   par l'Accusation, selon laquelle les éléments de preuve présentés à

 24   l'intercalaire 5, j'en ai déjà parlé. Il s'agit de la déclaration du témoin

 25   que nous avons accepté le 5 août. L'Accusation nous dit donc que ces


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  1   éléments de preuve-là n'ont pas fait l'objet d'un examen approfondi et

  2   qu'ils ne sont donc pas crédibles. La Défense nous avait précédemment

  3   informé qu'elle n'allait pas interroger, procéder à un interrogatoire au

  4   principal de ce témoin, étant donné les arguments de l'Accusation selon

  5   laquelle la véracité des éléments de preuve contenus à l'intercalaire

  6   numéro 5 peut remis en question. La Chambre a décidé, en vertu de l'Article

  7   98, que le témoin sera présent au cours de l'audience afin d'être contre-

  8   interrogé par l'Accusation afin que l'on puisse se faire une idée de la

  9   crédibilité des éléments de preuve qu'il présente. La Chambre a été

 10   informée, cependant, que le témoin, dont la déclaration se trouve à

 11   l'intercalaire numéro 5, est actuellement hospitalisé, si bien qu'il ne

 12   sera pas présent pendant l'audience de ce jour.

 13   De même mercredi, 19 novembre, la Chambre d'appel a rendu une décision par

 14   laquelle elle convoquait proprio motu le témoin Miroslav Deronjic, que la

 15   Chambre souhaite interroger au sujet des éléments de preuve qui découlent

 16   de l'audience consacrée à la détermination de la peine dans l'affaire

 17   Nikolic. Etant donné que M. Deronjic est cité à la barre, en tant que

 18   témoin de la Chambre d'appel, en vertu de l'Article 98 du règlement, c'est

 19   la Chambre qui procédera à l'interrogatoire principal de ce témoin. Une

 20   fois que la Chambre aura interrogé le témoin, la Défense et l'Accusation

 21   auront la possibilité de lui poser des questions.

 22   Enfin, dans une décision qui a été rendue hier, 20 novembre, la Chambre

 23   d'appel a fait droit à une requête déposée par la Défense, et a accepté le

 24   versement au dossier d'une partie différente -- d'une autre partie de la

 25   déclaration faite par Obrenovic dans l'affaire Blagojevic, si bien que M.


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  1   Obrenovic déposera à ce sujet -- déposera au sujet de ces éléments

  2   supplémentaires dans l'audience qui nous intéresse.

  3   Voici le résumé de l'objet de cette audience. Je vais maintenant vous

  4   donner en bref l'ordre dans lequel nous allons procéder. Ceci se retrouve

  5   portée au calendrier, que nous avons publiée hier.

  6   Tout d'abord, nous allons entendre le témoin, Miroslav Deronjic. Il s'agit

  7   d'un témoin de la Chambre. L'interrogatoire principal de ce témoin sera

  8   donc réalisé par les Juges de la Chambre. Une fois que les Juges en auront

  9   terminé de leurs questions, je donnerai la parole à l'Accusation.

 10   L'Accusation aura une période d'une demi-heure maximum, pour interroger le

 11   témoin. Suite à quoi, je donnerai la parole à la Défense. De même, la

 12   Défense disposera de 30 minutes au maximum pour poser ses questions au

 13   témoin. Je souhaiterais rappeler au conseil de l'Accusation et de la

 14   Défense, qu'ils ne sont nullement dans l'obligation d'utiliser tout le

 15   temps qui leur est imparti. Une fois que l'Accusation et la Défense en

 16   auront terminé de l'interrogatoire du témoin, la Chambre pourra, si elle le

 17   souhaite, poser des questions supplémentaires. Le conseil de M. Deronjic

 18   sera présent pendant la déposition de ce dernier.

 19   Ensuite, nous entendrons le témoin, Dragan Obrenovic. M. Obrenovic sera

 20   d'abord cité à la barre en tant que témoin de la Défense, si bien que c'est

 21   la Défense qui procédera à l'interrogatoire principal du témoin. Ensuite,

 22   l'Accusation, si elle le souhaite, pourra contre-interroger le témoin. Les

 23   Juges pourront, bien entendu, poser également des questions à M. Obrenovic.

 24   S'ils le souhaitent, ils poseront ces questions après l'interrogatoire

 25   principal et après le contre-interrogatoire.


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  1   Ensuite, M. Obrenovic déposera en tant que témoin de l'Accusation,

  2   l'Accusation procédera à l'interrogatoire principal, puis la Défense

  3   pourra, si elle souhaite, contre-interroger le témoin. Si la Chambre a des

  4   questions supplémentaires qu'elle souhaite poser à M. Obrenovic, elle fera

  5   après le contre-interrogatoire. Le conseil de M. Obrenovic sera présent

  6   pendant la déposition de ce dernier, tant -- en tant que témoin à charge

  7   qu'à décharge.

  8   Le témoin suivant sera M. Momir Nikolic. Il comparaîtra, en tant que témoin

  9   de l'Accusation, si bien que c'est l'Accusation qui procédera à son

 10   interrogatoire principal. Ensuite, la Défense aura la possibilité de

 11   contre-interroger M. Nikolic. La Chambre pourra également si elle souhaite,

 12   poser des questions supplémentaires, ce qui se fera du contre-

 13   interrogatoire. Le conseil de M. Nikolic sera présent pendant la déposition

 14   de ce dernier.

 15   Je souhaiterais rappeler les conseils des parties que, s'ils souhaitent

 16   procéder à un contre-interrogatoire, la portée de leur question devra se

 17   limiter aux éléments de preuve qui ont été fournis par le témoin pendant

 18   son interrogatoire principal.

 19   Comme je l'ai déjà expliqué, le témoin, dont la déposition a été versée au

 20   dossier et qui se trouve à l'intercalaire numéro 5, ne comparaîtra pas

 21   aujourd'hui.

 22   Une fois que nous entendrons les trois témoins -- nous aurons entendu les

 23   trois témoins, les conseils des parties auront l'occasion de présenter

 24   leurs arguments au sujet du poids accordé, de la crédibilité des éléments

 25   de preuve versés au dossier d'appel, au titre de l'Article 115, ainsi que


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  1   des éléments de preuve présentés dans le cadre de la réplique. Chacune des

  2   parties se verra allouer 30 minutes pour présenter ses arguments. Je

  3   souhaiterais enjoindre les parties d'être aussi précises que possible dans

  4   leurs arguments.

  5   Nous ferons une pause déjeuner à 11 h 45, puis nous reprendrons nos débats

  6   à 13 h 15. Ensuite nous aurons deux pauses de 20 ou 30 minutes au cours de

  7   l'après midi. Nous observerons ces pauses si elles sont nécessaires. Je

  8   pense que nous serons en mesure d'en terminer avec la partie de cette

  9   audience d'appel consacrée à la présentation des éléments de preuve

 10   aujourd'hui; cependant, si nous avons besoin de plus de temps, nous nous

 11   réunirons à nouveau le lundi 24 novembre.

 12   Je vais maintenant citer à la barre le témoin, Miroslav Deronjic.

 13   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour, M. Deronjic. Est-ce que vous

 15   m'entendez ? J'ai l'impression que vous m'entendez.

 16   Veuillez avoir l'amabilité de lire la déclaration solennelle qui vous est

 17   présentée par l'Huissier.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

 19   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 20   LE TÉMOIN: MIROSLAV DERONJIC ; [Assermenté]

 21   [Le témoin répond par l'interprète]

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Veuillez

 23   vous asseoir.

 24   Questions de la Cour :

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous m'entendez, n'est-ce pas ? Pouvez-


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  1   vous décliner votre identité à l'intention de la Chambre. Donnez vos nom et

  2   prénom ainsi que votre date de naissance.

  3   R.  Mon nome est Miroslav Deronjic. Je suis né le 6 juin 1954.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] merci. Quelle était l'adresse à

  5   laquelle vous résidiez avant de venir à la Haye ?

  6   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'habitais à Bratunac, rue

  7   Gavrila Principa, numéro 22.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Deronjic, la Chambre vous a

  9   convoqué aujourd'hui a fin de déposer dans la procédure d'appel concernant

 10   Radislav Krstic. Etant donné que ce sont les Juges de la Chambre qui ont

 11   demandé à ce que vous déposez en l'espèce, c'est d'abord les Juges qui vont

 12   vous poser des questions. Et étant donné que je préside cette formation de

 13   la Chambre d'appel, c'est moi qui vais commencer par poser les questions

 14   des Juges, ensuite, d'autres Juges pourront vous poser d'autres questions.

 15   Ils seront ensuite suivis par l'Accusation puis par les conseils de M.

 16   Krstic.

 17   Nous allons vous poser des questions pour que vous puissiez nous dire ce

 18   qui s'est produit pendant l'opération militaire de Srebrenica au cours du

 19   mois de juillet 1995, le rôle de M. Karadzic, de M. Mladic et de M. Krstic

 20   respectivement. Le témoin s'il le souhaite peut fournir à la Chambre le

 21   contexte qu'il estime approprier, le contexte dans lequel s'inscrivent les

 22   sujets et les questions qui sont abordées aujourd'hui.

 23   M. Deronjic, si j'ai bien compris vous avez un -- vous êtes accompagné d'un

 24   avocat dans ce prétoire, n'est-ce pas ?

 25   M. CVIJETIC : [interprétation]  Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs


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  1   les Juges, je m'appelle Slobodan Cvijetic. Je suis le conseil de l'accusé,

  2   Miroslav Deronjic, qui est entendu aujourd'hui et en l'espèce en tant que

  3   témoin.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Cvijetic, comme c'est d'usage

  5   dans ce genre de pratique, vous êtes en mesure d'intervenir au sujet des

  6   droits de votre client, mais vous n'êtes pas autorisé à intervenir au sujet

  7   des faits dont il va parler pendant cette déposition.

  8   Monsieur Deronjic, bien entendu, comme vous le savez, vous avez le droit de

  9   garder le silence. Si vous avez le sentiment, à un moment quelconque, que

 10   les conseils -- questions qui vous sont posées nécessitent de vous --

 11   nécessitent que vous divulguez des informations qui risquent de vous mettre

 12   en cause personnellement, vous n'êtes pas à ce moment-là tenu de répondre à

 13   cette question. Merci beaucoup.

 14   Avant de commencer à vous interroger M. Deronjic, une chose. Si j'ai bien

 15   compris, vous avez déjà déposé dans ce Tribunal dans le cadre de la

 16   procédure consacrée à la détermination de la peine de Nikolic, le 28

 17   octobre de l'an 2003 et ceci en audience publique. Est-ce que bien exact ?

 18   R.  Votre Excellence, c'est tout à fait cela.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et vous confirmez que vous avez fait

 20   cette déclaration sous serment et que elle reflète, autant que vous le

 21   sachiez, la réalité des faits, la vérité, n'est-ce pas, Monsieur Deronjic ?

 22   R. Oui, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je verse donc, officiellement, au

 24   dossier votre déposition dans l'affaire que je viens d'évoquer, dans notre

 25   présente affaire.


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  1   J'entame maintenant l'interrogatoire M. Deronjic.

  2   Monsieur Deronjic, quelle était votre position, votre poste au début du

  3   mois de juillet 1995 ?

  4   R.  Monsieur le Président, au début de juillet 1995 j'étais président du

  5   conseil municipal du SDS pour la municipalité de Bratunac. J'étais

  6   également membre du Comité principal du SDS pour la Republika Srpska. Voilà

  7   quelles étaient les fonctions officielles que j'occupais à ce moment-là.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pouvez-vous dire à la Chambre quelle

  9   distance se trouve Bratunac de Srebrenica. 

 10   R.  Bratunac se trouve exactement à 10 kilomètres de Srebrenica, si bien

 11   que le centre ville de Bratunac est séparé du centre ville de Srebrenica

 12   par la distance de 10 kilomètres exactement.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Pouvez-vous en quelques mots

 14   dire à la Chambre quelles vos principales responsabilités en temps que

 15   président du comité exécutif du SDS de Bratunac.

 16   R.  Si vous faites référence à toute la période pendant laquelle j'étais

 17   actif, dans les années 1990, et bien, je m'occupais de l'organisation du

 18   parti, ainsi que de l'organisation des élections multipartites en Bosnie-

 19   Herzégovine au cours de l'année 1990. Ensuite, en 1995, j'avais les

 20   activités habituelles de tous partis politiques qui résultaient du résultat

 21   des élections et de la mise en place des autorités municipales de la

 22   municipalité de Bratunac.

 23   L'INTERPRÈTE : Les élections ont eu lieu en 1991.

 24   LE TÉMOIN : Ensuite, après le début de la guerre en 1992, à partir environ

 25   du 20 avril jusqu'à la mi-juin, j'ai été président de la cellule de Crise


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  1   de la municipalité de Bratunac. Il est bien connu que le Parti démocratique

  2   serbe n'a pas été actif pendant le premier mandat du premier gouvernement

  3   de la Republika Srpska sous la direction de M. Djeric, en 1992.

  4   Au cours de l'été 1992, le parti a ressuscité et j'étais coordinateur du

  5   Comité principal parce que mon prédécesseur, M. Zekic, avait été tué et il

  6   fallait trouver quelqu'un de la région pour représenter cette région au

  7   sein du Comité principal du SDS. Et mes activités s'étaient les activités

  8   habituelles de tout parti au niveau municipal. Je m'occupais donc des

  9   activités du parti dans ce domaine.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Pouvez-vous, s'il vous plaît,

 11   nous parler de votre réunion avec M. Karadzic le 8 ou le 9 juillet 1995.

 12   Quel était le poste occupé par M. Karadzic à l'époque ?

 13   R.  Votre excellence, est-ce que vous souhaitez que je place cela dans le

 14   contexte qui est que j'avais l'intention de partir le 9, ou est-ce que vous

 15   voulez simplement que je vous parle de cette réunion ?

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais que vous nous dites quelle a

 17   été l'issue de cette réunion ? Mais d'abord en introduction pouvez-vous

 18   nous dire quel était le poste officiel de

 19   M. Karadzic ?

 20   R.  A ce moment-là, Monsieur le Président, Karadzic était président de la

 21   Republika Srpska. C'était là sa position à l'époque. Je ne suis pas tout à

 22   fait sûr qu'il ait également été président du SDS. Il me semble que c'est

 23   M. Buha qui était à l'époque président du parti, mais je n'en suis pas sûr

 24   à 100 %. Si bien que quand je suis allé m'entretenir avec lui à Pale,

 25   c'était le président en exercice de la Republika Srpska.


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce qu'il était commandant Suprême

  2   également des Forces armées de la Republika Srpska ?

  3   R.  Oui, Monsieur le Président, c'est exact.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pourquoi êtes-vous allé le rencontrer

  5   ce jour-là, et où l'avez-vous rencontré ?

  6   R.  Je tâcherai de vous exposer brièvement les raisons qui m'ont incité à

  7   me rendre à Pale le 8 et le 9 mai. Je vous ai dit que je ne suis pas tout à

  8   fait certain de la date.

  9   Et bien, pendant une période plutôt brève au début des opérations

 10   militaires concernant Srebrenica, et bien j'ai passé cette période au poste

 11   de commandement avancé d'où les opérations de Srebrenica ont été menées. Il

 12   s'agit du site appelé Pribicevac. Or à Pribicevac j'ai pu m'apercevoir du

 13   fait que l'opération de Srebrenica sortait du cadre des opérations de

 14   routine qui s'étaient produites à plusieurs reprises précédemment dans la

 15   zone de Srebrenica. Et j'ai compris que le volume, la portée de cette

 16   opération sortait du cadre d'une opération de routine. Je connaissais la

 17   plupart des participants, des acteurs à ces événements et quant à l'armée

 18   présente, et bien le gros de ces unités constituait les membres de l'unité

 19   de Bratunac. J'ai compris qu'il s'agissait d'opérations très importantes et

 20   qu'il était risqué de s'y lancer avec des hommes qui, à mon sens, n'étaient

 21   pas formés à ce genre d'opérations. Je suis prêt à vous expliquer ça plus

 22   en détails.

 23   Donc je suis parti à Pale afin d'avertir le président au sujet de

 24   Srebrenica donc s'il y avait des intentions sérieuses, ce que j'ai pu

 25   constater, compte tenu du site où je me trouvais, et bien j'allais lui


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  1   demander de verser à cette opération une autre unité bien formée. Et à ce

  2   moment-là, je songeais à l'unité de police spéciale. Auprès du ministère de

  3   l'Intérieur de la Republika Srpska, il y avait une Brigade de police

  4   spéciale. Je connaissais les membres du commandement de cette unité-ci, de

  5   l'unité en question de la police spéciale et je connaissais personnellement

  6   M. Ljubisa Borovcanin qui était chef d'état major de cette unité de police

  7   spéciale. Pendant un moment, M. Ljubisa Borovcanin s'est acquitté également

  8   de la fonction du chef du poste de sécurité publique de Bratunac. Donc

  9   quelle a été mon intention. Premièrement, je souhaitais savoir quelles

 10   étaient les intentions militaires de cette opération de Srebrenica et dans

 11   un deuxième temps, je souhaitais proposer à M. le Président de verser à

 12   cette opération une unité suffisamment bien formée à cela.

 13   Je m'y suis rendu seul. Je suis donc parti seul à Pale en supposant que

 14   j'allais pouvoir rencontrer sur place le président Karadzic, car je

 15   supposais qu'il se trouvait dans les locaux de la présidence, dans le

 16   bâtiment de la présidence et le long de la route Bratunac-Konjevic Polje.

 17   Il n'y avait pas d'opérations, donc il n'y avait pas de risques encourus

 18   par moi pendant ce déplacement. Je suis donc arrivé à Pale dans l'après-

 19   midi. Je ne peux pas préciser l'heure. Je suis rentré comme d'habitude dans

 20   l'enceinte autour du bâtiment de la présidence et je suis entré dans le

 21   bâtiment afin de demander d'être reçu par le président Karadzic.

 22   Au moment où j'allais entrer dans le bâtiment, j'ai croisé

 23   M. le Président Karadzic qui était accompagné de M. Krajisnik et là je fais

 24   référence à M. Momcilo Krajisnik et il était là avec

 25   M. Jovica Stanisic. A l'époque je savais qu'il occupait le poste le plus


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  1   élevé au sein de la Sûreté d'état de la république de Serbie. Je les ai

  2   donc croisé et c'est là que nous nous sommes rencontrés. J'ai précisé au

  3   procureur que c'était sur la gauche par rapport au bâtiment de la

  4   présidence. Le président Karadzic et les autres là, je fais référence

  5   évidemment à Krajisnik, et bien m'ont reconnu. Quant à M. Jovica Stanisic

  6   et bien c'était la première fois que je le voyais de visu. Je l'avais vu

  7   naturellement dans les médias et je l'ai reconnu.

  8   Je me suis approché donc de ce groupe constitué de ces trois hommes. Nous

  9   nous sommes dits bonjour. M. le Président Karadzic m'a présenté à M. Jovica

 10   Stanisic et il l'a fait de telle manière que cela m'a permis de croire que

 11   le jour en question, l'une des questions abordées entre eux était aussi

 12   Srebrenica. Et entre autres, la phrase qu'il a prononcée était celle-là de

 13   nos hommes, nos jeunes hommes qui viennent du terrain et cela m'a laissé

 14   entendre que l'un des sujets abordés, du moins c'est ce que je supposais.

 15   Ils ont certainement eu d'autres sujets et bien donc l'un des sujets de

 16   leurs conversations était aussi Srebrenica.

 17   Le président, quant à lui, m'a posé une question à ce moment-là. Il m'a

 18   demandé pourquoi j'étais venu, donc après les présentations et je lui ai

 19   répondu, je lui ai dit que s'ils avaient encore du travail à faire que

 20   j'étais prêt à attendre, que je n'étais pas pressé, mais que j'avais donc

 21   aucune question à lui poser, que cela ne prendrait pas beaucoup de temps.

 22   Et il a supposé qu'il s'agissait des questions liées à Srebrenica car c'est

 23   à Srebrenica que des opérations militaires étaient en cours. Il m'a dit,

 24   "S'il s'agit de quelque chose qui ne nous prendra pas beaucoup de temps, on

 25   peut le faire ici," même si je lui ai proposé d'attendre la fin de leur


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  1   réunion. En fait, j'ai compris qu'il y avait une réunion et une

  2   conversation et que tout cela était déjà terminé entre eux car ils

  3   s'apprêtaient à quitter le bâtiment de la présidence et ils avançaient

  4   lentement dans la cour de la présidence qui m'a laissé croire qu'ils

  5   avaient terminé leur réunion. Donc je souhaitais attendre qu'il raccompagne

  6   M. Stanisic, mais il m'a proposé de lui poser ma question sur place donc de

  7   lui parler de ce qui m'intéressait sur place.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre un

  9   instant avant d'en revenir à M. Karadzic. Il y a quelques instants vous

 10   avez dit ou plutôt vous avez employé les mots "intentions sérieuses

 11   concernant Srebrenica" -- l'intention sérieuse au sujet de Srebrenica que

 12   vous vouliez examiner cela ou vous en assurer à Pale. Qu'entendiez-vous par

 13   là, Monsieur Deronjic ?

 14   R.  Excellence, j'ai donné plus de détails au sujet de cela au Procureur.

 15   Dans la zone de Srebrenica en 1994 et 1995, il y a eu toute une série

 16   d'opérations militaires et ce, afin d'empêcher des percées des forces

 17   musulmanes sur notre territoire afin de renforcer certaines à la position

 18   des déplacements tactiques des unités. C'étaient des opérations militaires

 19   de routine, dirais-je, dans la zone de Srebrenica.

 20   Dans la période passée, lorsque je suis allé à Pribicevac au mois de

 21   juillet 1995, au bout d'un moment, j'ai pu conclure que cette opération de

 22   Srebrenica dépassait le cadre d'opérations de routine et qu'il semblait que

 23   son objectif était que nous entrions dans Srebrenica. C'est ce que

 24   j'entendais par là.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.


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  1   Revenons à présent à votre réunion avec M. Karadzic. Je vous demanderais, à

  2   Monsieur le Témoin, de nous dire quels ont été les propos de M. Karadzic au

  3   sujet de ces intentions eu égard à Srebrenica ?

  4   R.  Pendant un bref instant, nous nous sommes mis de côté à quelques pas de

  5   distance de M. Krajisnik et de M. Jovica Stanisic, donc nous nous sommes

  6   mis à l'écart, et le président et moi-même avons engagé une conversation au

  7   sujet de la situation qui prévalait à Srebrenica. Je n'arrive pas à me

  8   rappeler, bien entendu, les propos exacts. Je ne peux pas vous citer les

  9   propos exacts qui ont été échangés au début. Il s'agissait d'informations

 10   habituellement échangées. Je lui ai dit que j'arrivais directement du

 11   terrain et qu'est-ce qui m'intéressait, c'était de savoir quel serait

 12   l'avenir des opérations au sujet de Srebrenica. Et je crois qu'au début, je

 13   lui ai dit : "Monsieur le Président, j'aimerais savoir si vous êtes prêt à

 14   me le dire, quels sont les intentions militaires s'agissant de Srebrenica

 15   ?" Et à ce moment-là, le président Karadzic m'a expliqué la chose suivante

 16   : Le plan concernant Srebrenica et l'objectif des ces opérations militaires

 17   pouvait se répartir en deux variantes. Je ne peux pas vous citer exactement

 18   ces mots mais le sens, la substance a été la suivante : "Les opérations

 19   militaires et ce, concernant la situation factuelle sur le terrain et

 20   s'agissant de la zone placée sous la protection des Nations Unies, et bien,

 21   devait être rendue conforme à la résolution des Nations Unies."

 22   Monsieur le Président, vous savez qu'il y avait des cartes qui précisaient

 23   le territoire de la zone placée sous la protection des Nations Unies au

 24   moment où cette zone a été proclamée telle.

 25   Et vous savez que nous, du côté serbe, n'étions pas satisfaits de la


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  1   situation qui prévalait sur le terrain, sur le plan factuel, donc, lorsque

  2   je dis "nous", je me réfère aux dirigeants des Serbes de Bosnie. Cette

  3   situation ne correspondait pas aux frontières telles que tracées au moment

  4   de la proclamation de la zone protégée.

  5   Donc, j'ai compris que le plan a supposé que les opérations militaires

  6   allaient permettre de rendre la situation réelle sur le terrain conforme à

  7   ce qui a été proclamé par la décision des Nations Unies. Pour l'armée

  8   serbe, ce qui constituait un problème grave, c'était le flan sud de la zone

  9   protégée. C'est là qu'il y avait une communication entre la municipalité de

 10   Skelani et la municipalité de Milici, la seule communication possible. Et

 11   cela permettait des déplacements de l'armée le long de cette route ou dans

 12   cette zone, mais les forces des Musulmans de Bosnie le contrôlaient. Donc,

 13   j'ai compris que la priorité était de libérer cette voie de communication

 14   pour que les forces des Serbes de Bosnie puissent en prendre le contrôle de

 15   cette zone, et que ceci nous permettrait d'accéder à cette zone du côté

 16   sud.

 17   Le président Karadzic m'a mentionné la variante B. Il m'a dit que c'était

 18   une variante conditionnelle et qu'il fallait l'envisager en deuxième lieu.

 19   Alors, que voulait dire "conditionnelle", à savoir, s'il s'avérait

 20   "possible" pour l'armée serbe de rentrer dans Srebrenica, que cela allait

 21   se produire, donc, du côté de la partie serbe et de l'armée serbe. C'était

 22   ça la teneur de notre conversation, et cela m'a satisfait dans la mesure où

 23   j'ai compris quelles étaient les intentions de notre armée dans la zone de

 24   Srebrenica. Et à ce moment-là, --

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Deronjic, pourriez-vous nous


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  1   dire si M. Karadzic s'est référé pendant cette conversation à la Slovanie

  2   occidentale ou aux principes qui s'appliquaient à la Slovanie occidentale ?

  3   Si oui, qu'est-ce que cela signifiait ?

  4   R.  Excellence, je voulais tout simplement vous présenter notre entretien

  5   tel qu'il s'est déroulé, dans son déroulement chronologique mais,

  6   effectivement, le président Karadzic m'a demandé à un moment ce que je

  7   pensais. Il m'a demandé : "Que pensez-vous ?" Il employait le terme "vous".

  8   Donc, "Que pensez-vous ? Que faudrait-il faire de la population des

  9   Musulmans qui vivaient à Srebrenica ?" Et il pensait là, vraisemblablement,

 10   à la fois à l'armée et à la population civile. J'ai été surpris d'entendre

 11   ce genre de questions mais j'ai répondu au président. Je lui ai dit que je

 12   ne pouvais pas absolument pas anticipé sur l'épilogue ou sur la finale, sur

 13   ce qui pourrait se produire après l'entrée de notre armée dans Srebrenica.

 14   Je lui ai dit qu'il n'y avait aucun sens de spéculer là-dessus, que je ne

 15   pouvais absolument pas prévoir ce qui pourrait se passer à ce moment-là.

 16   Et à ce moment-là, je ne savais même pas si notre armée allait réellement

 17   entrer dans Srebrenica. Donc, je savais qu'il y avait cette intention, mais

 18   je ne savais pas si cela allait se traduire dans les faits. Et j'ai répondu

 19   au président que je ne souhaitais pas spéculer, essayer de deviner et ce

 20   que je ne savais pas comment cela allait se passer. Et à ce moment-là, la

 21   phrase qu'a prononcé le président est, donc la phrase qui contenait les

 22   mots "le principe de la Slavonie occidentale" et ce principe recouvrait

 23   donc un comportement possible lors de l'entrée dans Srebrenica.

 24   J'ai précisé à l'intention du Procureur [sic] que "nous", et là, je pense

 25   en sens élargi du terme aux dirigeants des Serbes de Bosnie et bien, que


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  1   nous avions à l'esprit les événements qui se sont passés peu de temps

  2   [imperceptible] à Srebrenica, en Croatie. Il s'agit d'événements qui se

  3   sont déroulés le 1er mai, j'en suis sûr. Il s'agit d'une attaque lancée par

  4   l'armée croate, lancée sur une zone où vivait des Serbes, une zone située

  5   en Croatie. Et cette attaque s'est déroulée en Slavonie occidentale. Il y a

  6   eu pilonnage à l'époque, des colonnes de militaires et de civils qui

  7   s'enfuyaient de cette zone qui a fait l'objet de l'attaque des forces

  8   croates. Lorsque le principe a évoqué le principe de la Slavonie

  9   occidentale, je pense qu'il a fait allusion à ces événements. Nous étions

 10   au courant de ces événements et cela se référait à la manière dont,

 11   généralement, on considérait que ces événements s'étaient passés en

 12   Croatie.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez considérez que cela

 14   s'appliquait à la fois aux militaires et aux civils de Srebrenica ?

 15   R.  A l'époque, j'avais prononcé une phrase en fait : J'ai demandé au

 16   président Karadzic, puisque j'avais compris que l'allusion qu'il a faite

 17   aux évènements qui s'étaient déroulés précisément en Croatie, je lui ai

 18   demandé, "Monsieur le Président, est-ce que cela concerne les civils ?" Et

 19   il a été d'accord avec ma constatation que l'on ne pouvait pas anticiper

 20   sur ce qui allait se produire. Il m'a dit, "On verra ce qui se produira et

 21   si nous -- si cela s'avère possible, nous en parlerons." C'était la

 22   substance de ce qu'il m'a dit. Ce n'était pas -- ce n'est pas exact au mot

 23   près.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] A votre avis, à quoi pensait-il

 25   lorsqu'il vous a dit dans cette conversation, et je cite : "Ces gens


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  1   doivent être tués." C'étaient les mots de M. Karadzic.

  2   R.  Oui, c'est exact. A un moment il a prononcé cette phrase. Il a dit :

  3   "Vous devez tuer tout ce que vous pouvez." C'était ça ses mots. Monsieur le

  4   Président, Messieurs les Juges, très franchement, à ce moment-là, je ne

  5   suis pas vraiment interrogé sur le sens de ces mots, puisque moi je n'étais

  6   pas en position de commandement. Je ne pouvais pas commettre ce genre

  7   d'acte, mais je me suis néanmoins posé des questions au sujet de ces

  8   phrases. Puisque cette déclaration a été suivie de cette allusion en fait à

  9   la Slavonie occidentale, et bien d'après moi, cela devait signifier que la

 10   fuite des gens, y compris des civils, et bien qu'il s'agirait-là des

 11   colonnes qu'il conviendrait d'attaquer. De la manière dont j'ai compris les

 12   événements de la Slavonie occidentale, donc il y a eu une fuite des civils

 13   et des militaires qui s'enfuyaient ensemble et l'on les a pilonnés,

 14   bombardés en Slavonie occidentale, par l'artillerie et peut-être par

 15   d'autres armes.

 16   Donc j'ai compris que ces colonnes qui allaient s'enfuir devaient faire

 17   l'objet d'attaque par des moyens qui sont les moyens à la disposition de

 18   l'armée.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et qu'ils allaient être tués.

 20   R.  Naturellement c'est la conclusion qui s'impose, c'est le  mot qu'il a

 21   employé.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Deronjic.

 23   Après cet entretien de Pale dont nous venons de parler, vous avez été nommé

 24   à un nouveau poste. Lequel ?

 25   R.  Le 11 juillet, Excellence, j'ai été nommé commissaire civil chargé de


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  1   la municipalité de Srebrenica.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pourriez-vous nous dire en quelques

  3   mots en quoi consistait votre travail, le travail de commissaire serbe

  4   chargé de Srebrenica.

  5   R.  Oui, je peux vous expliquer de quoi il s'agissait.

  6   Le soir en question, j'ai posé la question au président dans une

  7   conversation par téléphone, car j'ignorais totalement que j'allais être mis

  8   en relation d'une manière directe avec les événements de Srebrenica. Donc

  9   le 11, dans la soirée, je lui ai demandé par téléphone quel -- par quoi se

 10   traduisait cette nouvelle fonction où j'ai été nommé par un décret de la

 11   présidence de la Republika Srpska. Et il m'a dit que j'étais chargé des

 12   civils dans la zone de Srebrenica, car d'après ces informations, il y avait

 13   une accumulation important de civils dans la zone de Potocari dans le

 14   secteur de la base de la FORPRONU, plutôt du bataillon hollandais qui se

 15   trouvait sur place.

 16   Et puis quant aux autres tâches dont je vais m'acquitter --

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez.

 18   R.  Mes autres tâches, d'après ce qu'il m'a expliqué dans cette

 19   conversation qui s'est déroulée le 11 au soir, devaient être les suivantes

 20   : Dès que les conditions seraient réunies, dès que l'évacuation des

 21   Musulmans aurait été terminée, il me fallait entrer dans la ville de

 22   Srebrenica et mettre sur pied les premières instances du pouvoir dans la

 23   ville de Srebrenica. Ma priorité devait être de protéger la propriété

 24   privée, sociale et toute forme de propriété dans la ville, et de contrôler

 25   le retour des personnes déplacées, des Serbes déplacés dans la ville. Cela


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  1   entendait également bien d'autres activités s'agissant donc de la remise en

  2   état des infrastructures dans la municipalité de Srebrenica.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Donc cette

  4   conversation par téléphone que vous avez eue avec M. Karadzic au sujet de

  5   votre nomination au poste de commissaire serbe chargé des civils de

  6   Srebrenica, cette conversation s'est donc déroulée le 11 juillet. Je vous

  7   remercie de nous l'avoir dit. Pourriez-vous me dire quand après le 11

  8   juillet vous avez eu de nouveau l'occasion de parler à M. Karadzic ?

  9   R.  Excellence, vous vous référez aussi aux conversations par téléphone ?

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 11   R.  Pendant la période qui a suivi, j'ai eu plusieurs conversations avec M.

 12   Karadzic. Je me souviens d'une conversation qui a lieu le 12, après la

 13   réunion qui s'est tenue à l'hôtel Fontana. J'ai informé le président

 14   Karadzic de ce qui s'est dit lors de cette réunion. J'ai eu cette

 15   conversation dans les locaux du SDS de Bratunac.

 16   Puis une autre conversation dont je me souviens concernait l'évolution de

 17   la situation eu égard aux détenus musulmans, et cela se reportait au 13

 18   juillet. Donc ça a pu se passer dans la soirée. Je crois que c'était vers

 19   20 heures du soir. C'était une conversation également avec le président

 20   Karadzic --

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vous référez aux Musulmans

 22   capturés, aux Musulmans de Bratunac, Monsieur Deronjic ?

 23   R.  Excusez-moi, Excellence, je me référais aux Musulmans capturés qui se

 24   trouvaient à Bratunac. Donc c'était ça la raison pour laquelle nous avons

 25   eu la conversation.


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   R.  J'ai eu cette conversation avec le président Karadzic alors que je me

  3   trouvais en commandement de la Brigade de Bratunac. Puisque le sujet était

  4   plutôt délicat et parce qu'il commandait une approche plus confidentielle,

  5   j'ai décidé d'utiliser les moyens de communication militaires, et de

  6   l'appeler depuis le commandement de la Brigade de Bratunac. Donc je suis

  7   entré en contact avec le président Karadzic et je lui ai dit que dans

  8   l'après midi, dans la soirée du 13, un grand nombre de prisonniers

  9   musulmans était arrivé à Bratunac et que certains avaient été placés en

 10   détention à divers endroits de Bratunac, y compris dans les écoles, au

 11   stade et qu'il y en avait qui étaient à bord des autocars au centre ville.

 12   Et lorsque je parle -- lorsque je dis ville, je vous prie de tenir compte

 13   du fait qu'il s'agit d'une localité qui est petite, qu'il n'y a que trois

 14   rues principales et que c'est vraiment une toute petite ville.

 15   Ceci a rendu l'ambiance très pesante et très tendue dans la ville, parce

 16   qu'il s'agit d'une ville toute petite qui n'a que -- et qu'il s'y est

 17   trouvé plusieurs milliers de Musulmans capturés, et cela a constitué un

 18   problème grave puisque la plupart des gens en age de combattre étaient déjà

 19   versés sur la ligne de front. Il y avait un risque important que ces

 20   personnes, ces détenus s'enfuient, et puis les conditions de sécurité

 21   n'étaient pas garanties, là où ces personnes étaient détenues.

 22   Il y avait déjà eu des meurtres. Et pour ce qui est du 13 dans la soirée,

 23   j'ai appris qu'il y a eu des meurtres à l'école et j'avais l'intention

 24   d'informer le président Karadzic de tout cela. Donc c'est pour cela que je

 25   me suis rendu au poste de commandement le 13 dans la soirée. Si vous


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  1   souhaitez, je peux vous donner plus de détails.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  3   R.  Je suis -- j'ai donc entré en contact avec le président Karadzic, mais

  4   notre conversation s'est déroulée de manière indirecte. J'ai expliqué cela

  5   au bureau du Procureur, mais je ne sais pas exactement comment cela s'est

  6   déroulé. Il y avait des intermédiaires entre moi et M. Karadzic. Par

  7   exemple, quelqu'un me disait : "Allez-y, Monsieur Deronjic, le président

  8   vous écoute." Puis à un moment donné, j'ai pu également entendre la voix du

  9   président s'agissant de certaines instructions qu'il m'a données.

 10   Je lui ai fait part de mon inquiétude quant à la situation qui prévalait à

 11   Bratunac, mais la conversation n'a pas été longue. Je lui ai dit que je

 12   pensais que quelques meurtres ont eu lieu et, compte tenu de la présence

 13   des forces internationales et des journalistes qui commençaient à arriver

 14   dans la zone, et compte tenu de toutes les circonstances négatives, et

 15   bien, c'était très inquiétant que ce genre de chose se produise dans la

 16   ville même. Et la détention elle-même constituait un problème puisque tous

 17   ceux qui voulaient le savoir ne pouvaient pas manquer de le savoir -- de le

 18   voir.

 19   Et le président m'a dit qu'un homme allait se déplacer. C'est ce qu'il a

 20   dit, qu'un homme allait venir et que lui connaissait les instructions quant

 21   au traitement qui devait être réservé à ses hommes. Et puis il a dit une

 22   phrase que j'ai bien mémorisée et dont je me souviens parfaitement, et je

 23   dois dire que j'ai transmis cette information bien avant de voir

 24   l'enregistrement de cette conversation. Et la phrase était la suivante

 25   précisément : "Jusqu'à l'aube, la marchandise doit se trouver dans les


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  1   entrepôts, et non pas ici, mais quelque part ailleurs." C'était ça,

  2   textuellement, la phrase qui a été prononcée par le président Karadzic.

  3   D'une certaine manière, de manière codée, il a voulu me dire qu'elles

  4   seraient les instructions que nous apporterait cet homme qui allait venir à

  5   Bratunac et, à la fin, il m'a demandé si j'ai compris le contenu du

  6   message. Et je lui ai répondu oui, même si je n'ai pas bien compris ce que

  7   signifiait le mot "ailleurs," même si je me doutais bien de ce que cela

  8   pouvait signifier.

  9   Et après cela, je suis revenu.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Comment avez-vous compris ce terme,

 11   "les marchandises doivent placées dans des entrepôts, et pas sur place mais

 12   ailleurs" ? Comment avez-vous compris cela, à ce moment-là, Monsieur le

 13   Témoin ?

 14   R. Excellence, la façon dont j'ai compris le message, je vous l'ai dit,

 15   c'est ainsi que j'ai transmis les choses à cet homme qui est arrivé, par la

 16   suite, comme étant la personne venant porteuse d'instructions. J'ai

 17   réfléchi à la signification de ces termes "ailleurs," en contrebas, et j'ai

 18   cru comprendre qu'il voulait que ces gens s'en aillent de Bratunac, et

 19   qu'aucune sorte d'activités n'ait lieu au sujet des prisonniers à Bratunac.

 20   Quand je dis activités, je comprends toute sorte d'activités. Et la

 21   conclusion que j'ai tiré pour ce qui est du terme "ailleurs," le président

 22   ne l'a pas dit, mais j'en ai déduit que la seule place logique, à proximité

 23   de Bratunac, se trouvait être la localité de Bijeljina, et une grande

 24   prison qui se trouve à proximité de Bijeljina. Il s'agit d'une prison

 25   militaire qui pouvait accueillir, je ne suis jamais allé là-bas, mais j'ai


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  1   ouï-dire que c'était une prison assez grande, et qu'il y avait là de quoi

  2   héberger toutes ces personnes-là dans des cellules de prison. Cette

  3   interprétation de la phrase prononcée par le président Karadzic a été

  4   transmise par mes soins à M. Beara, qui est arrivé au soir du 13 dans mon

  5   bureau.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que M. le colonel Beara était

  7   l'émissaire du président Karadzic ? Et si oui, que vous a, au juste, dit M.

  8   Beara lorsqu'il est venu vous voir ?

  9   R.  M. Beara, à mon avis, a effectivement été l'émissaire de M. Karadzic,

 10   ceci pour une simple raison, à savoir, personne d'autre n'a fait son

 11   apparition au soir du 13 pour communiquer des instructions concernant le

 12   comportement adopté à l'égard des Musulmans emprisonnés. J'en ai tiré cette

 13   conclusion, et je n'affirme pas qu'elle soit tout à fait exacte.

 14   Mais, lorsque M. Beara est arrivé dans mon bureau, à aucun moment, il n'a

 15   précisé qu'il venait directement de chez Karadzic. Tout ce qu'il a dit,

 16   c'est que ses ordres venaient du haut, du sommet. Je ne suis pas certain du

 17   terme. Je ne sais pas s'il est venu d'en haut ou du sommet même, mais l'un

 18   et l'autre veulent dire la même chose. J'ai cru donc comprendre que c'était

 19   lui l'homme qui venait avec les ordres et les instructions de M. Karadzic.

 20   J'ai obtenu des informations disant que, dans le courant de la nuit, une

 21   partie des prisonniers étaient acheminés depuis Bratunac en passant par

 22   Konjevic Polje en direction de Zvornik et Bijeljina -- ou plutôt Zvornik --

 23   dans la direction de Zvornik parce que l'axe Zvornik Bijeljina est le même.

 24   Je ne savais donc pas si au juste on les emmenait à Zvornik ou à Bijeljina.

 25   J'en ai tiré une conclusion logique, à savoir qu'il était venu avec


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  1   précisément avec cette mission-là pour poursuivre cette tâche

  2   d'acheminement des prisonniers musulmans, depuis Bratunac en direction de

  3   Konjevic Polje et Bijeljina. Toutefois, à l'occasion de la rencontre en

  4   question, dont j'ai décrit déjà les détails. Et je pense qu'il n'est point

  5   nécessaire de le répéter pour ce qui est de l'ambiance qui avait prévalu

  6   dans mon bureau. Mais je tiens à préciser devant vous, Messieurs les Juges,

  7   que je ne m'attendais à ce que ce M. Beara vienne nécessairement dans mon

  8   bureau à moi parce que le président Karadzic n'avait pas dit que l'on

  9   allait venir à moi, mais il avait dit dans le vague qu'un homme allait

 10   venir avec des instructions. Or je n'ai pas exclu la possibilité de le

 11   recevoir. Donc j'ai supposé qu'il pourrait venir chez moi.

 12   Et il a fait son apparition, cet homme, dans les heures tardives de la

 13   soirée. Je ne sais pas vous dire l'heure exacte, mais il me semble qu'il

 14   devait être minuit passé. Il a été dans un état d'ébriété, je dirais. Cela

 15   se voyait à l'œil nu. Et l'on voyait qu'il était sous une certaine dose

 16   d'alcool, mais pas une dose aussi forte qui rendrait impossible son

 17   aptitude à se contrôler. Mais on pouvait voir qu'il avait quand même pas

 18   mal bu. Et les autres témoins l'ont également affirmé.

 19   Son comportement dans mon bureau à moi avait constitué à mes yeux une

 20   surprise plutôt grande. A l'occasion de ses propos liminaires, ses

 21   félicitations et ses agitations, qui ont un caractère plutôt protocolaires,

 22   on a été prendre un verre. Et il m'a dit d'emblée : "qu'il venait au sujet

 23   des prisonniers." Et il a dit qu'il fallait tuer ici même à Bratunac. J'ai

 24   été surpris par la façon dont il l'a dit. Et d'autre part, cela était

 25   contraire aux instructions ou à l'interprétation des instructions que


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  1   j'avais obtenues au téléphone de la bouche du président Karadzic.

  2   J'ai donc décidé de m'adresser à M. Ljubisav Simic, qui est président de

  3   l'assemblée de Bratunac, de rentrer chez lui parce qu'il avait vraiment

  4   l'air fatigué. Et lui aussi, il devait être quelque peu sous l'emprise de

  5   l'alcool. Il a accepté. Il est sorti du bureau. Je lui ai dit de rentrer

  6   chez lui et je lui ai indiqué que j'allais au matin -- très tôt le matin,

  7   me diriger vers Pale, et qu'il fallait qu'il vienne à l'assemblée

  8   municipale pour être là parce qu'il y avait beaucoup de tâches sérieuses en

  9   cours.

 10   Je suis donc revenu vers mon bureau et j'ai précisé à M. Beara -- à la

 11   lettre quelles avaient été les instructions qui m'avaient été communiquées

 12   par le président Karadzic. Je lui ai indiqué qu'aucune exécution ou

 13   activité autre, au sujet des prisonniers, ne sauraient être effectués à

 14   Bratunac et que les instructions émanant du président étaient celles

 15   d'emmener les prisonniers vers Batkovic. Ce terme de "Batkovic", je le

 16   répète, je l'ai avancé moi-même. Cela n'était pas contenu dans les

 17   instructions émanant du président, mais j'ai déduit, moi-même, que c'était

 18   la seule localité où l'on pouvait installer, héberger les prisonniers

 19   musulmans.

 20   Suite à ces propos-là de ma part, M. Beara avait l'air surpris et m'a

 21   demandé et il m'a dit ce qui suit : "M. Deronjic" -- ou Monsieur le

 22   président, je ne sais plus au juste comment il m'avait interpellé -- il m'a

 23   dit : "J'ai des instructions venant du haut -- ou du sommet -- qui demande

 24   que l'on exécute ces gens-là à Bratunac même." J'ai continué d'insister. Je

 25   lui ai dis que j'irais au matin à Pale et que je n'avais pas, pour ma part,


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  1   des instructions de ce type et que je n'allais pas permettre ce type

  2   d'activités, y compris ces meurtres-là, ces exécutions-là à Bratunac même.

  3   Cet entretien s'est terminé au bout de quelques autres phrases prononcées

  4   et, à un moment donné, j'ai compris qu'il a fini par dire : "Bon. J'en

  5   ferai ainsi." J'ai crû donc comprendre que je l'avais persuadé, qu'il ne

  6   s'agissait pas d'exécuter ces prisonniers à Bratunac même. Il est sorti, il

  7   a quitté mon bureau. Je suis rentré chez moi dans l'intention de me rendre

  8   tôt le matin, suite à une invitation du président, à Pale pour m'entretenir

  9   à ce sujet.

 10   Ce serait, en bref, ou en plus étoffé comme vous le voulez, la conversation

 11   que j'ai eue avec le président Karadzic au 13 juillet avec le président

 12   Karadzic et pour ce qui est de la conversation que j'ai eue avec l'homme

 13   qui est venu dans mon bureau avec des instructions au soir du 13 août très

 14   tôt au matin du 14.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Donc, ce 14 juillet, vous êtes

 16   allé à Pale pour voir le président. Est-ce que cette rencontre a eu lieu ?

 17   Et que s'est-il passé ?

 18   R.  Oui, Excellence. Le matin du 14 juillet, après m'être attardé quelque

 19   peu à Bratunac même, je pense que cela a de l'importance, je vous dirais

 20   quel est le détail en question. J'ai été informé, en effet, par une

 21   personne tôt au matin -- on m'a informé que M. Beara s'était dirigé vers

 22   une entreprise à Bratunac, une compagnie locale qui s'appelle Ciglana, la

 23   briqueterie. C'est une usine de fabrication de briques. Et il m'a dit qu'il

 24   avait l'intention de faire quelque chose là-bas avec les prisonniers

 25   musulmans. Etant donné la conversation que nous avions eu la veille, j'ai


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  1   crû comprendre qu'il voulait exécuter certaines personnes -- liquider

  2   certaines personnes à Bratunac même. Je suis monté à bord de ma voiture --

  3   de mon véhicule et je suis allé vers cette usine et j'ai rencontré M. Beara

  4   à un pont qui permet de sortir de Bratunac -- sur la route de Bratunac vers

  5   Lubovija, donc vers la Serbie. Nous nous sommes disputés cette fois-là de

  6   façon brève, mais assez mouvementée. Et je lui ai expliqué que je me

  7   dirigeais précisément vers Pale, que j'allais voir le président Karadzic et

  8   que j'insistais sur la nécessité de ne rien entreprendre du tout à

  9   Bratunac, y compris ces exécutions envisagées. Il était plutôt en colère. A

 10   un moment donné, il m'a dit : "Qu'il voulait voir s'ils pouvaient être

 11   détenus là-bas." Il y avait des entrepôts là-bas et je suppose que cela

 12   aurait pu être une possibilité logique, mais moi, j'avais appréhendé la

 13   possibilité plus grave, à savoir, l'exécution des gens à Bratunac, et je

 14   lui ai dit qu'absolument, il n'était pas question ni de les détenir, ni de

 15   faire quoi que ce soit d'autre à Bratunac. Donc, très en colère, il est

 16   remonté à bord de son véhicule et on s'est quitté au niveau de ce pont.

 17   J'ai attendu encore quelque peu à Bratunac et j'ai vu que la chose était

 18   terminée plus ou moins, à savoir que les autocars s'étaient dirigés déjà

 19   vers Zvornik. Je suis allé à Pale ce jour même. J'ai rencontré le président

 20   Karadzic suite à une convocation de sa part. J'ai été dans son cabinet.

 21   Nous nous sommes entretenus, lui et moi, en date du 14 juillet. Je vous

 22   dirais à présent quelle avait été la teneur précise de nos entretiens.

 23   Le premier sujet élaboré avait été le sujet de l'évacuation des civils de

 24   Potocari. Je l'ai informé dans le détail de la conversation ou des

 25   négociations que nous avons eues à l'hôtel Fontana où j'ai pris part. Au


Page 126

  1   sujet de l'évacuation, je lui ai communiqué tous les détails qui pouvaient

  2   revêtir de l'importance au sujet du président à l'époque et je lui ai

  3   communiqué mes suppositions. J'ai inclus mes suppositions, en disant que

  4   l'on avait transféré quelque 20 000 civils, dans le courant du 12 et du 13

  5   juillet, parce que le 13 au soir, l'on avait déjà mis un terme à ces

  6   transports de civils depuis Potocari. Je lui ai expliqué de quelle façon

  7   ces transferts avaient été opérés et je lui ai indiqué que dans ces

  8   premiers transferts, dans le courant de la journée du 12 juillet, d'après

  9   les informations que j'avais obtenues moi-même, l'on avait séparé les

 10   hommes de ces convois et qu'on les avait gardé sur les lieux. Je ne sais

 11   pas vous dire le nombre exact, mais ce n'était pas un chiffre important. Et

 12   je sais qu'ils ont été détenus dans les cellules de la Police du poste de

 13   Sécurité publique de Bratunac et au niveau de la prison du commandement, et

 14   j'ai transmis cette information-là au président Karadzic.

 15   Pour ce qui est des transports de civils, je dirais que c'était le sujet

 16   traité. Je n'exclus pas que nous nous soyons entretenu sur d'autres sujets

 17   encore, à savoir, le comportement des forces de la FORPRONU mais c'est à

 18   peu près la teneur de ce que nous avons dit l'un à l'autre.

 19   Et par la suite, nous sommes passés --

 20   M. LE JUGE MERON : [Hors micro]

 21   Continuez, je vous prie.

 22   R.  Par la suite, le deuxième sujet abordé -- sujet important abordé était

 23   celui qui consistait à l'informer de ce qui s'était passé avec les

 24   prisonniers musulmans à Bratunac. J'ai dit littéralement au président

 25   Karadzic la phrase qui m'avait été communiquée sous forme d'instructions


Page 127

  1   apportées par M. Beara. Je lui ai dit à la lettre : "Monsieur le Président,

  2   Beara est venu dans mon bureau." Je lui ai décrit l'ambiance qui avait

  3   prévalu dans les locaux, la foule qu'il y avait ces jours-là dans nos

  4   bureaux, et je lui ai dit que M. Beara m'a transmis à la lettre ce qui suit

  5   : "J'ai des instructions venant du haut pour ce qui était d'exécuter ces

  6   gens à Bratunac même." Et j'ai fait une halte -- une pause pour guetter la

  7   réaction du président à ce sujet. Et le président a dit : "Ces soldats sont

  8   des fous ou des imbéciles." Je ne suis pas en mesure de vous citer avec

  9   exactitude ce qu'il a dit, mais le sens de la phrase, c'est que les

 10   militaires n'étaient pas des gens normaux. Il a dit quelque chose de ce

 11   style.

 12   Nous avons continué notre conversation et je lui ai dit que j'avais

 13   convaincu M. Beara et que des convois étaient déjà en train de se déplacer

 14   vers Zvornik et que ces hommes-là ont été transférés vers là-bas. Je lui ai

 15   également indiqué que, dès le 13, des convois sont allés vers Zvornik.

 16   Plusieurs autocars avaient été envoyés là-bas. Nous nous sommes entretenu

 17   quelque peu encore sur ces sujets-là et ce serait à peu près la teneur de

 18   la conversation. La réunion a duré, je pense, assez longtemps mais à mon

 19   avis, la substance était celle que je vous ai indiquée. Si vous êtes

 20   intéressé par d'autres détails, je puis vous les fournir.

 21   M. LE JUGE MERON : [Hors micro]

 22   Je m'excuse.

 23   Pouvez-vous m'en dire davantage au sujet des réactions du président

 24   Karadzic à ce que vous lui avez dit concernant le comportement du colonel

 25   Beara ? En d'autres termes, vous en a-t-il dit davantage au sujet de ces


Page 128

  1   exécutions ?

  2   R.  Bien entendu, j'ai informé M. le Président, j'ai omis peut-être de

  3   l'indiquer, au sujet des incidents survenus concernant les prisonniers

  4   Musulmans, au sujet de la détention desquels j'avais eu des informations

  5   jusqu'au jour du 14. Il y a eu un incident important, une tragédie

  6   notamment survenue le 13 au soir. Il y a eu des exécutions d'un bon nombre

  7   de Musulmans dans la coopérative agricole de Kravica. Ils se trouvaient là-

  8   bas des prisonniers Musulmans et se sont des informations qui me sont

  9   arrivées du terrain, et c'est là qu'étaient détenus des prisonniers, des

 10   Musulmans qui s'étaient rendus de leur gré. Et il y a un incident de

 11   survenu entre l'armée de la Republika Srpska et les membres de la police et

 12   les effectifs spéciaux de la police et ces prisonniers musulmans. Il y a eu

 13   plusieurs policiers de tuer. Je crois qu'il y en a un de tuer et plusieurs

 14   qui ont été blessés à l'occasion de conflits quelconque. Les policiers ou

 15   les militaires -- je ne sais plus qui il y avait là-bas au juste -- ont

 16   procédé à des représailles vis-à-vis de ces prisonniers et, d'après les

 17   informations qui m'ont été communiquées par M. Borovcanin, il a été exécuté

 18   là quelques 300 personnes. Je ne veux pas faire de suppositions moi-même je

 19   ne veux pas en dire davantage personnellement parce que je ne veux pas

 20   faire de conjectures ici, mais ce serait là l'information qui m'a été

 21   communiquée par

 22   M. Borovcanin.

 23   J'ai transmis l'information à M. le Président Karadzic parce que j'avais

 24   estimé que c'était là une information de taille, un incident important dont

 25   il devait avoir connaissance. Et il a dit quelques phrases au sujet de


Page 129

  1   représailles, en disant que nos effectifs avaient été provoqués par des

  2   attaques lancées contre elles et par le meurtre de ce policier à un point

  3   de contrôle. Je lui ai indiqué que cela pouvait certes être considéré comme

  4   étant des représailles, mais les représailles horribles, étant donné que

  5   l'on avait tué un grand nombre de personnes. Nous n'avons pas commenté

  6   davantage l'événement en tant que tel, mais il m'a demandé si je savais ce

  7   qui avait été fait avec les corps de ces hommes. Je ne savais rien lui dire

  8   du tout à ce sujet parce que j'ai omis moi-même de poser la question une

  9   fois que l'on m'a communiqué l'information en question.

 10   Je lui ai dit que les informations, que j'avais, disaient qu'il y a eu des

 11   exécutions dans la journée du 13 dans une moindre mesure, d'après ce qui

 12   m'a été communiqué sur le secteur de Konjevic Polje et, à savoir que

 13   certains petits groupes de prisonniers -- de soldats emprisonnés avaient

 14   été exécutés dans le secteur. Je lui ai dit que j'avais -- j'étais passé

 15   par cette route et il le savait parce que c'était la seule route que l'on

 16   pouvait emprunter et j'ai vu des groupes de Musulmans emprisonnés le long

 17   de la route. J'ai vu un groupe assez important à Kasaba, un village vers la

 18   sortie en direction de Milici, j'ai vu un groupe important au stade et, le

 19   long de la route, quelques petits groupes qui avaient été sécurisés par des

 20   membres de la police ou de l'armée. Toutes ces informations je les ai

 21   communiqués au président Karadzic. Il n'a pas commenté outre mesures les

 22   événements en tant que tel, et ce que j'ai retenu, comme réaction

 23   caractéristique, je vous l'ai dit il a peut-être prononcé quelques autres

 24   phrases, mais je n'en ai pas gardé la teneur à l'esprit.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Deronjic.


Page 130

  1   Pour finir, je voudrais vous demander quelque chose au sujet de la

  2   rencontre qui a eu lieu à l'hôtel Fontana quelques jours plus tôt. Je crois

  3   que cela s'est passé le 12 juillet vers 10 heures du matin. Est-ce que j'ai

  4   raison de dire qu'il y a eu une réunion de ce type ?

  5   R.  Oui, Excellence, vous avez raison. Cette réunion a eu lieu et ce que

  6   j'ai dit à ce sujet avait trait à la réunion du 12 juillet à l'hôtel

  7   Fontana de Bratunac vers 10 heures.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que Mladic et Krstic étaient

  9   présents à cette réunion ?

 10   R.  Excellence, je dois vous dire qu'à l'occasion de la première interview

 11   que j'ai eue, je n'ai pas mentionné M. Krstic parce que je ne l'avais pas

 12   remarqué. Par la suite, sur des enregistrements qui m'ont été montrés

 13   puisqu'il y a eu beaucoup d'enregistrements vidéo de cette réunion, j'ai

 14   constaté que M. Krstic avait assisté à cette réunion, donc je sais à

 15   présent qu'il a pris part à cette réunion. Bien entendu, M. Mladic était là

 16   et il était la personne qui avait conduit la réunion.

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous souvenez-vous de ce qui a été

 18   discuté à l'occasion de cette réunion ?

 19   R.  Bien entendu, Excellence. Je me souviens parfaitement de la substance

 20   de ce qui s'est dit. Je ne peux pas vous citer les phrases lettre pour

 21   lettre, mais il y a eu des entretiens entre les représentants des Musulmans

 22   qui sont venus à cette réunion pour présenter les positions des civils

 23   musulmans qui se trouvaient à ce moment même à Potocari, il y avait des

 24   représentants du commandement des forces hollandaises qui étaient là pour

 25   servir de témoins ou pour assurer la sécurité des représentants musulmans,


Page 131

  1   et il y avait des représentants des effectifs militaires de la Republika

  2   Srpska, y compris, nous autres ou quelques uns qui étions des civils de la

  3   municipalité de Bratunac. J'entends là le président de l'assemblée

  4   municipal, M. Simic; M. le président du conseil exécutif, à savoir,

  5   M. Davidovic; et moi-même et, à ce moment-là j'avais été commissaire civil

  6   chargé du secteur de Srebrenica.

  7   Le cours de la réunion en question avait été, je dirais, intéressant.

  8   C'était une sorte -- et je l'ai déduit par la suite seulement -- c'était

  9   une sorte de paravents qui devaient servir pour l'opinion publique parce

 10   que c'était filmé par des caméras de télévision et l'impression qui se

 11   dégageait -- c'était une impression de régularité des comportements parce

 12   que M. Mladic avait insisté énormément sur la nécessité de faire ainsi et

 13   l'évolution des événements a montré que la réunion n'a pas été si

 14   importante que cela parce que la plupart des choses -- la plupart des

 15   contacts avec les Musulmans alors que les décisions se sont faites à

 16   l'extérieur de cette réunion de 10 heures à l'hôtel Fontana.

 17   J'ai été interrogé sur les circonstances, j'ai transmis la signification de

 18   la réunion où M. Mladic avait entre autres proposé à la partie musulmane,

 19   de faire en sorte que tous ceux qui se rendraient avant midi ce jour-là ou

 20   dans le courant de cette journée-là -- je ne suis plus sûr exactement --

 21   allaient avoir la possibilité de quitter en toute sécurité la zone protégée

 22   de Srebrenica. Il avait été question là de positions avancées par les

 23   représentants musulmans et, à un petit moment -- un bref moment, j'ai

 24   profité de l'opportunité qui se prêtait pour dire quelles avaient été les

 25   instructions que j'avais obtenues du président Karadzic concernant le


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  1   traitement des civils à Potocari.

  2   Si vous le permettez, Excellence, je me proposerais de vous dire quelles

  3   avaient été les instructions que j'avais obtenues pour ce qui est du

  4   traitement à accorder à ces civils.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Allez-y, je vous prie.

  6   R.  Le président Karadzic, au soir du 11 juillet -- et je crois vous avoir

  7   déjà parlé de cette entrevue -- j'ai obtenu des instructions pour ce qui

  8   est de trois variantes que j'étais censé proposer à la partie musulmane

  9   pour ce qui était du sort qui leur serait réservé à l'avenir. La première

 10   variante était celle du fait de les voir rester sur ce terrain même, à

 11   savoir, regagner leur propre logis, la deuxième variante, et je vous le dis

 12   à la lettre c'était de faire en sorte qu'ils s'en aillent vers des

 13   territoires qui se trouvaient sous le contrôle de leurs effectifs à eux,

 14   par l'itinéraire le plus bref, je suppose; et la troisième variante était

 15   plutôt bizarre, et je l'avais commenté avec le président, avait inclus des

 16   pays tiers. C'est ce que le président Karadzic a dit, des pays tiers.

 17   Alors, je lui ai demandé : "Monsieur le Président, qu'entendez-vous par

 18   pays tiers ?" Et il a dit : "Je n'en sais rien. Il y a peut-être des

 19   possibilités qui surgiront que des pays tiers les acceptent en tant que

 20   réfugiés." Alors, j'ai dit : "Bon." Et il m'a dit de présenter ces

 21   variantes-là aux représentants musulmans. C'est ce que j'ai d'ailleurs fait

 22   à l'occasion de cette réunion dont je suis en train de parler. J'ai donc

 23   brièvement présenté ces trois variantes. J'avais l'intention de dire

 24   quelques phrases encore.

 25   J'ai communiqué une instruction émanent du président. J'ai indiqué qu'au


Page 133

  1   cas où parmi la population civile, nos instances du renseignement, tant

  2   militaires que civiles, reconnaîtraient des personnes au sujet desquelles

  3   ils auraient des informations disant qu'elles avaient perpétré des crimes à

  4   l'égard de la population serbe, que ces personnes-là allaient rester en

  5   détention. C'est ce que j'ai donné comme communiqué d'instruction. Mladic

  6   m'a interrompu de façon assez brutale. Je voulais donc dire autre chose

  7   mais il a interrompu la réunion. La réunion a, à ce moment-là, pris fin et

  8   auparavant, les Musulmans ont fait part de leurs inquiétudes, de leurs

  9   appréhensions et ont fait part de leur souhait explicite qui était celui de

 10   quitter la région au plus vite. Ils avaient insisté sur une protection et

 11   une escorte de la part des forces internationales présentes sur le terrain.

 12   J'entends par là, pour être concret, le bataillon hollandais.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avez-vous eu des contacts

 14   supplémentaires avec le général Mladic ?

 15   R.  Non, pas ce jour-là ni dans les jours qui ont suivi, je ne l'ai pas

 16   revu M. Mladic. Je ne crois pas l'avoir revu jusqu'à mon arrestation.

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais le 12 ou aux alentours de cette

 18   date, avez-vous eu des contacts avec le général Krstic ?

 19   R.  Excellence, il n'y a pas eu de contact soit pendant la réunion, soit

 20   ensuite, pas de contact entre moi et M. Krstic. Je ne me souviens pas

 21   l'avoir revu par la suite.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc pendant cette réunion, le rôle du

 23   général Krstic consistait à -- il se taisait ? Il a rien dit ? C'est bien

 24   cela qui s'est passé lors de la réunion à l'hôtel Fontana ?

 25   R.  Non, pas à ma connaissance. Je suis certain que M. Krstic n'a pas


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  1   prononcé un mot.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. J'en ai terminé de

  3   l'interrogatoire principal du témoin en ce qui me concerne personnellement.

  4   Maintenant, je vais me tourner vers les autres Juges de la Chambre d'appel

  5   qui souhaiteront peut-être vous poser d'autres questions.

  6   [La Chambre d'appel se concerte]

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Un instant. Je consulte l'horaire de

  8   cette audience. Non, nous pouvons poursuivre.

  9   A qui l'honneur ? Qui a l'honneur de commencer ? Je vais demander à

 10   Monsieur le Juge Shahabuddeen de prendre la parole en premier.

 11   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Deronjic, j'ai une

 12   question à vous poser sur la manière dont vous avez appréhendé la

 13   déclaration de M. Karadzic selon laquelle les soldats étaient des imbéciles

 14   ou quelque chose de ce genre. Comment avez-vous compris cette déclaration ?

 15   R.  Monsieur le Juge, à ce moment-là quand M. Karadzic m'a tenu ces propos,

 16   il y avait seulement deux conclusions qu'on pouvait en tirer, deux

 17   conclusions possibles, bien entendu. Je n'ai pas fait d'observations au

 18   sujet de ce que le président a dit de mon rapport. Mais il y a deux

 19   manières seulement dont on peut comprendre cela : L'une de ces manières,

 20   c'est qu'il voulait dire par là que les soldats étaient fous de faire des

 21   choses dont il n'avait pas donné l'ordre. Ça c'est une explication

 22   envisageable. La deuxième explication, c'est qu'il voulait dire par là que

 23   M. Beara agissait de manière tout à fait inappropriée, manquait beaucoup de

 24   discrétion en donnant ces instructions à haute voix. Mais je dois dire que

 25   je ne me suis pas appesanti sur l'analyse de ces propos à ce moment-là.


Page 135

  1   Mais j'y ai réfléchi plus tard. Et maintenant que vous me posez cette

  2   question, je dois vous dire que la première conclusion envisagée doit être

  3   rejetée parce que le 14, le président connaissait les intentions de l'armée

  4   et même s'il ne leur avait pas donné de telles instructions, il était

  5   cependant dans une position lui permettant de s'opposer à leurs

  6   agissements.

  7   Et je pense que ces observations avaient droit au manque de discrétion dont

  8   a fait preuve M. Beara lorsqu'il a donné ces instructions dans mon bureau.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Une autre question, une autre

 10   série de questions : Vous occupiez un poste important. Le président a fait

 11   référence à la réunion de l'hôtel Fontana à laquelle vous avez assisté. Il

 12   me semble vous avoir entendu dire que vous avez transmis la teneur de votre

 13   conversation avec le président Karadzic. Est-ce que vous estimez qu'il est

 14   important que les plus hauts responsables de l'armée opèrent en harmonie

 15   avec les opinions défendues par M. Karadzic ?

 16   R.  Votre excellence, j'étais intimement persuadé que c'était important et

 17   les soldats étaient dans l'obligation d'agir en fonction des instructions

 18   du président qui, à l'époque, était également commandant Suprême de l'armée

 19   de la Republika Srpska. J'ai oublié de dire précédemment que quelque temps

 20   à peine avant cette réunion le 12, j'avais été invité à l'hôtel Fontana par

 21   le général Mladic, à l'hôtel Fontana, et nous avons une conversation fort

 22   désagréable au sujet de la question que vous venez d'évoquer. Il s'est

 23   montré très vulgaire dans sa façon de s'exprimer et pour décrire le

 24   président ainsi que mon propre poste. J'ai compris quelle était sa

 25   position. J'ai essayé de décrire cette atmosphère, cette atmosphère


Page 136

  1   extrêmement pesant, désagréable qui règne à ce moment-là quand je me suis

  2   entretenu avec les représentants de l'Accusation.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mais quand vous dites que vous

  4   avez transmis la teneur, l'essentiel de vos conversations avec le président

  5   Karadzic, dois-je en conclure que l'essentiel de cette conversation aurait

  6   inclus la référence faite par le président Karadzic au principe de la

  7   Slavonie ?

  8   R.  Non, Monsieur le Juge. Les instructions que j'ai reçues avaient trait à

  9   ce moment-là exclusivement à la population civile qui se trouvaient à

 10   Potocari. Le président Karadzic, le 11, m'a dit qu'il disposait

 11   d'informations selon lesquelles un grand nombre de civils de Srebrenica se

 12   trouvaient à Potocari. Les instructions relatives au traitement de ces

 13   personnes avaient notamment un grand nombre de femmes et d'enfants parmi

 14   eux. Ces instructions avaient trait aux trois variantes, aux trois options

 15   que j'ai mentionnées, mais cela s'appliquait uniquement aux civils qui

 16   étaient à Potocari.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Si bien que pour vous, la

 18   référence faite par le président Karadzic, au principe de la Slavonie, se

 19   rapportait à quel groupe de personnes ?

 20   R.  Votre Excellence, je vais essayer d'expliquer ce que j'entendais par

 21   là. Bien entendu, c'est très complexe parce que ni le président ni moi-même

 22   au moment où il a donné ces instructions, en faisant allusion clairement

 23   aux événements de Croatie, ni lui ni moi donc ne savions ce qui pourrait se

 24   passer à Srebrenica. Je suppose que le président Karadzic voulait dire que

 25   l'un des dénouements possibles c'était qu'aussi bien les soldats que les


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  1   civils fuient dans la même direction, et que ces colonnes de fuyards

  2   devraient être prises pour cibles, pilonnées. Et l'armée, les soldats ont

  3   effectivement pris la route pour Tuzla en espérant y opérer une percée.

  4   Alors qu'un groupe important de civils a pris une autre direction, et est

  5   resté dans la zone de sécurité de la base de la FORPRONU. Et j'imagine que,

  6   quand le président m'a parlé du principe, de ces principes et des options

  7   qui s'offraient, il parlait des civils de Potocari, parce qu'à ce moment-là

  8   personne n'avait été fait prisonnier ou ne s'était constitué prisonnier.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Le président Karadzic, quand il

 10   s'est entretenu avec vous, a parlé de tuer des personnes. Est-ce que cela

 11   vous l'avez mentionné lors de la réunion de l'hôtel Fontana ?

 12   R.  Non pas du tout. Je n'ai absolument pas mentionné la possibilité

 13   d'assassinat et je n'ai pas non plus transmis les instructions du président

 14   Karadzic précédemment.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous n'avez pas estimé que ce

 16   point avait une importance quelconque donc.

 17   R.  On ne peut pas décrire les choses de cette manière, dire que j'ai

 18   estimé que ce n'était pas là quelque chose d'important. Mais j'ai pensé

 19   qu'il ne m'a pas tenu ces propos pour que je les transmette à qui que ce

 20   soit. Je pense qu'il m'a parlé de la sorte pour m'informer d'une issue

 21   possible et dans ces ordres, dans les ordres qu'il a donnés en tant que

 22   commandant Suprême, il a donné des instructions précises qui devaient

 23   prendre en compte toutes les issues possibles des opérations. Et je n'ai

 24   pas estimé nécessaire, je n'ai pas estimé approprié de communiquer cette

 25   information à qui que ce soit d'autre.


Page 138

  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Témoin, avant de donner la

  3   parole aux autres Juges de la Chambre, je voudrais revenir à la réponse que

  4   vous venez de faire à la dernière question de M. le Juge Shahabuddeen.

  5   D'après ce que vous nous avez dit de la réunion à l'hôtel Fontana, j'ai eu

  6   l'impression que la raison pour laquelle il n'a pas été fait référence de

  7   manière précise aux meurtres et exécutions, c'est que cette réunion devait

  8   servir d'écran de fumée pour les représentants qui se trouvaient là. Il

  9   s'agissait de les bercer d'illusions ?

 10   R.  Exactement c'est le type de conclusions à quoi je fais référence, je

 11   pense que votre conclusion est tout à fait juste. Cependant, je voudrais

 12   ajouter une autre phrase encore, la présence des forces internationales,

 13   c'est-à-dire le commandement, du commandement de la FORPRONU lors de cette

 14   réunion, ainsi que la présence des journalistes peuvent également expliquer

 15   ce comportement.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maintenant  je vais donner la parole à

 17   M. le Juge Pocar, vice-président du Tribunal. Il a des questions à vous

 18   poser.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais

 20   suite aux dernières questions qui venaient d'être posées au témoin, je

 21   constate que moi-même je n'ai pas de questions à lui poser.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

 23   Monsieur le Juge Guney.

 24   M. LE JUGE GUNEY : Vous avez déjà indiqué, au cours de votre rencontre avec

 25   le général Mladic à l'hôtel Fontana, vous avez eu un échange de lui, et


Page 139

  1   vous avez dit qu'il était vulgaire dans son comportement, dans ses propos.

  2   Est-ce que vous pouvez élaborer un peu là-dessus.

  3   R.  Votre Excellence, là je parlais d'une réunion qui avait eu lieu avant

  4   la réunion officielle de 10 heures. Nous nous sommes rencontrés à

  5   l'invitation de M. Mladic, nous nous sommes rencontrés à l'hôtel Fontana

  6   dans la matinée. Avant cette réunion, je ne saurais vous dire exactement à

  7   quelle heure, mais j'ai dit que j'ai pensé que c'était peut-être entre 7

  8   heures et 8 heures du matin. Donc, c'était en préparation à l'autre réunion

  9   et M. Mladic m'avait dit de venir à l'hôtel Fontana, sans doute pour qu'on

 10   se mette d'accord sur le cours qu'adopterait la réunion, qui avait été

 11   prévue pour la même journée un peu plus tard à 10 heures. Et d'après ce que

 12   je me souviens, on était en train de faire servir le petit déjeuner. Et

 13   pendant le petit déjeuner, j'ai vu M. Simic, président de la  municipalité,

 14   il y avait également je crois M. Vasic, qui était responsable de la

 15   sécurité ainsi que plusieurs autres personnes. Je me suis présenté parce

 16   que je n'étais jamais tellement sûr de Mladic. Je ne savais pas s'il me

 17   connaissait vraiment, je ne sais pas s'il me distinguait vraiment d'autres

 18   personnes, parce qu'on ne s'était pas rencontré très souvent. Donc je lui

 19   ai dit quel était mon poste et ses observations, en réponse à ma

 20   présentation, ont été assez vulgaires. Il m'a dit, bien entendu, je ne peux

 21   pas citer ses propos verbatim, parce que ça s'est quand même déroulé il y a

 22   huit ans cette conversation, mais il a dit : "Monsieur vous vous baladez

 23   ici en civil." Mais il faut dire que ce n'était pas nécessaire que je sois

 24   en uniforme, parce qu'il n'y avait pas combat ce jour-là, donc il a dit

 25   cela et puis il a également dit quelque chose du genre, "Où est le


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  1   président Karadzic ? Pourquoi il n'est pas venu à Srebrenica avec moi ? Je

  2   suis en train de capturer Srebrenica et vous les civils, et cetera." Donc

  3   voilà le genre d'observations qu'il a faites et moi j'ai pensé que ce genre

  4   d'observations était tout à fait inacceptable.

  5   J'ai continué à parler avec M. Mladic, j'étais assez nerveux. Je lui ai dit

  6   que je ne souhaitais pas me lancer dans une polémique avec lui à ce sujet

  7   que j'avais des instructions du président que je voulais communiquer lors

  8   de la réunion et ensuite il a été extrêmement grossier, il a injurié le

  9   président, il a dit : "Mais pourquoi est-ce qu'il n'est pas venu pour

 10   entrer dans Srebrenica," enfin des choses de ce genre. Et je suis parti

 11   très peu après. Je suis retourné dans mon bureau et j'ai dit que je

 12   reviendrais à 10:00 heures.

 13   Et sans avoir l'autorisation de M. Mladic qui présidait cette réunion, j'ai

 14   essayé de faire référence aux instructions qui m'avaient été données par le

 15   président Karadzic. Mais lui il m'a interrompu très grossièrement. Il m'a

 16   dit, "Asseyez-vous. Qu'est-ce que vous avez à parler là ?" Et c'est ainsi

 17   que la réunion s'est terminée.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je remercie mon éminent confrère, le

 19   Juge Guney.

 20   Dans quelques instants nous allons faire une pause jusqu'à

 21   13:15 heures. Je vais rapidement vous expliquer comment nous poursuivrons

 22   ensuite.

 23   D'abord il y aura des questions de mon éminent confrère, monsieur le Juge

 24   Schomburg. Et ensuite le témoin M. Deronjic sera interrogé d'abord par

 25   l'Accusation et ensuite par la Défense.


Page 141

  1   Nous allons donc maintenant suspendre l'audience et nous reprendrons à

  2   13:15 heures. Merci.

  3   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 11 heures 45.

  4   --- L'audience est reprise à 13 heures 19.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir. Nous allons

  6   reprendre l'interrogatoire de M. Miroslav Deronjic qui est notre témoin à

  7   ce jour. Nous en sommes encore au stade de l'interrogatoire mené par les

  8   Juges de la Chambre, et je me tourne vers mon éminent confrère, M. le Juge

  9   Schomburg, qui va poser des questions.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Deronjic, veuillez, je vous prie, dire à la Chambre quand vous

 12   êtes, effectivement, devenu président de la cellule de Crise de Bratunac.

 13   R.  Excellence, Messieurs les Juges, je suis devenu président de la cellule

 14   de Crise de la municipalité de Bratunac vers la fin avril 1992.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Quand pour la première fois avez-

 16   vous rencontré M. Karadzic ?

 17   R.  Excellence, je ne me souviens pas de notre première rencontre, mais la

 18   première fois que je l'ai vu, c'était lors d'un meeting à Vlasenica en

 19   1990. Il y a eu un meeting qui était tenu pour faire avancer les vues du

 20   SDS, mais, à cette occasion, je n'ai pas eu de contact direct avec le

 21   président Karadzic. Dans la période qui a suivi, en 1990, j'ai eu des

 22   contacts personnels avec le président Karadzic, en rapport avec des

 23   événements bien connus. Mais surtout en relation avec les préparatifs qui

 24   avaient lieu en Bosnie-Herzégovine en 1990, et puis la traduction dans les

 25   faits des -- dans la pratique des résultats des élections, ensuite.


Page 142

  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce que vous-même, vous avez

  2   participé à une réunion de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, le 14 et le

  3   15 octobre 1991 ?

  4   R.  Le 14 octobre 1991, si c'était vraiment l'assemblée, la réunion de

  5   l'assemblée, mais permettez-moi de réfléchir deux secondes. Que je me

  6   souvienne, j'ai participé à une autre réunion de l'assemblée, mais il me

  7   semble que c'était en décembre 1991. Tandis que le 14 et le 15 octobre, je

  8   ne pense pas avoir participé à la dite réunion, mais permettez-moi

  9   d'ajouter qu'en tant que président du conseil municipal, j'ai participé à

 10   une réunion en relation avec les événements qui ont été examinés lors de la

 11   réunion de l'assemblée. Mais, à aucun moment pendant la guerre, ni -- je

 12   n'étais député de cette assemblée.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous parlez de décembre 1991. Est-

 14   ce qu'il s'agit là de la réunion du 19 décembre 1991, qui était présidée

 15   par Radovan Karadzic ? Est-ce que à cette réunion-là que vous faites

 16   référence ?

 17   R.  Oui. C'est exactement à cette réunion-là que je fais référence.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Pouvez-vous nous parler de vos

 19   relations avec M. Karadzic et de leurs évolutions ?

 20   R.  Je vais essayer d'être bref et de vous expliquer. Vous avez à très

 21   juste titre utilisé l'expression "d'évolutions de vos relations" avec le

 22   président Karadzic. Je pense que c'est tout à fait bien choisi parce que

 23   cette relation, elle a beaucoup changé. Elle a évolué à partir de 1990. A

 24   ce moment-là, il s'agissait d'une relation que l'on peut attendre entre le

 25   président d'un parti et le président d'un petit comité local. Mais ensuite,


Page 143

  1   en 1990, la nature de nos relations a beaucoup évolué.

  2   Je vais vous expliquer pourquoi il est bien connu qu'en 1993, j'ai été

  3   choisi pour siéger au conseil principal -- ou au Comité principal. Quand le

  4   parti a repris ses activités après les avoir cessées -- ou mis en sommeil

  5   pendant environ un an, et j'ai été remplacé -- j'ai remplacé le défunt

  6   Goran Zekic, qui auparavant représentait ma région au niveau du Comité

  7   principal, j'avais déjà été membre de la commission chargé du Personnel du

  8   SDS, mais je ne me souviens d'aucune réunion de la période précédente parce

  9   que j'avais été élu en 1991 et peu après la guerre a éclaté, si bien que je

 10   n'ai pas été en mesure de participer effectivement au travaux de cette

 11   commission. Bien entendu, en 1993, quand le parti a repris ses activités,

 12   j'ai eu l'occasion -- en tant que membre du Comité principal, j'ai eu

 13   l'occasion de rencontrer les dirigeants politiques et les dirigeants

 14   officiels de la Republika Srpska. Et, souvent, lors des réunions de la

 15   commission chargée du Personnel, je voyais souvent Radovan Karadzic,

 16   président du parti et président de la république. Il n'y avait que très peu

 17   de participants à ces réunions, si bien que nous étions en mesure de passer

 18   en revue un grand nombre de questions qui sortaient même de l'ordre du jour

 19   prévu pour ces réunions.

 20   Jusqu'en 1995, cette relation a évolué pour devenir ce que je qualifierais

 21   de relation de respect mutuel entre le président et moi-même.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce que vous iriez jusqu'à

 23   qualifier cette relation de relation d'amitié ?

 24   R.  Excellence, moi je peux essayer de la décrire. Je n'irai quand même pas

 25   jusqu'à dire que j'étais un ami intime du président Karadzic parce qu'avant


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  1   je ne le connaissais nullement. Il avait beaucoup plus d'amis, de

  2   connaissances d'avant, et qui occupaient des postes de premier plan dans le

  3   parti et au sein de l'état. Je pourrais en faire une longue liste, mais, en

  4   1995, mes relations avec le président Karadzic étaient des relations qui

  5   allaient indéniablement au-delà des relations habituelles entre le

  6   président du parti et le président d'un comité local.

  7   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ai-je raison de penser que chaque

  8   fois que M. Karadzic vous donnait des instructions, vous obéissiez à ces

  9   instructions. Et ceci déjà en 1991, donc depuis cette réunion, depuis cette

 10   rencontre ?

 11   R.  Ces instructions avaient trait aux affaires courantes. Bien entendu que

 12   je les effectuais, je ne me souviens d'aucunes instructions que je n'ai pas

 13   mises en œuvre. Ça avait trait aux activités du parti, c'est à cela que je

 14   pense en premier lieu.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ce qui m'amène à ma question

 16   suivante. Comment pourriez-vous nous décrire les relations qui existaient

 17   entre les dirigeants civils et les dirigeants de l'armée. Est-ce qu'ils

 18   étaient sur un pied d'égalité ?

 19   R.  Je n'ai pas très bien compris l'interprétation de votre question. Je

 20   vous prie de m'en excuser. Le terme qui a été utilisé dans l'interprétation

 21   est quelque peu vague. Ah, oui, je vois "égal".

 22   Je ne m'avancerai pas à dire qu'il s'agissait de relation -- qu'ils étaient

 23   sur un pied d'égalité, en particulier au bas de l'échelon. Entre les

 24   organes civils et l'armée, il y avait un grand nombre de difficultés qui

 25   entravaient les bonnes relations. S'agissant de moi-même pendant la guerre,


Page 145

  1   de mon comportement, j'en ai parlé en détails et les déclarations que j'ai

  2   faites à l'Accusation montrent que ces relations étaient fréquemment

  3   remises en cause, difficiles. Personnellement, moi j'ai fait de mon mieux

  4   pour ne pas contribuer à envenimer ces relations mais les dirigeants

  5   militaires, aussi bien sur le terrain qu'au plus haut niveau, faisaient

  6   souvent la sourde oreille aux réclamations des institutions civiles.

  7   Je ne pourrais pas vous faire une liste de ces événements parce que je ne

  8   les connais pas tous, à l'exception de ce qui s'est passé au niveau où je

  9   travaillais.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-il exact que depuis 1991 et ce

 11   jusqu'en 1995, c'est la période de temps qui nous intéresse en l'espèce,

 12   est-il exact donc que vous avez appliqué les instructions, et en disant

 13   cela, je me réfère précisément aux instructions où il est expliqué, dès le

 14   mois de décembre 1991, en participant -- de la réunion où vous avez été

 15   président vous aussi donc des instructions qui -- où il est précisé quelles

 16   sont les mesures qui doivent être entreprises au sein des différentes

 17   municipalités afin d'établir le contrôle qui sera exercé par les Serbes de

 18   Bosnie ?

 19   R.  C'est exact, Monsieur le Juge. Tout comme ce que j'ai dit dans l'exposé

 20   des faits, j'ai mis en place un certain nombre de mesures dans notre

 21   municipalité. J'ai traduit dans les faits l'ensemble de ces instructions

 22   que j'ai reçues. Donc là, votre constatation est exacte.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je reviens à la question qui

 24   concerne les relations entre les dirigeants civils et les responsables

 25   militaires. Dans votre plaidoyer de culpabilité vous avez reconnu que vous-


Page 146

  1   même avez coordonné et assuré le suivi de l'attaque sur Glogova en 1992 ?

  2   R.  C'est exact, Excellence, c'est exact.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Suis-je donc en droit d'en conclure

  4   que les forces militaires ont suivi vos instructions ?

  5   R.  Excellence, il y a des différences fondamentales lorsqu'il s'agit de

  6   l'organisation de l'armée de la Republika Srpska en 1992, et l'armée qui a

  7   déjà été bien organisée en 1995. Et j'insiste sur le fait que c'est le 8

  8   mai que s'est déroulé l'événement de Glogova où la seule force armée,

  9   légale et légitime, dans l'ex-Yougoslavie et en Bosnie, à plus forte raison

 10   était l'armée populaire yougoslave.

 11   A l'époque, nous avions des unités de la Défense territoriale sans que ces

 12   unités soient insérées dans une organisation clairement structurée sur des

 13   règles clairement énoncées. Donc vous n'aviez que la défense civile selon

 14   les différentes municipalités -- ou plutôt se reprend le témoin -- la

 15   Défense territoriale. L'armée de la Republika Srpska, pour autant que je

 16   m'en souvienne, et je crois que j'ai droit d'affirmer cela, a été mise sur

 17   pied le 15 mai, sur une décision des autorités et ce, après le retrait de

 18   l'armée yougoslave de Bosnie-Herzégovine. Et la décision a été prise par M.

 19   Kostic, le commandant Suprême à l'époque, de la JNA. Et c'est à ce moment-

 20   là que l'on a engagé une réorganisation de l'armée de la Republika Srpska.

 21   On a nommé des officiers supérieurs et on a organisé les différentes unités

 22   selon les municipalités.

 23   Et dans ces circonstances là les structures locales, civiles, de pouvoir

 24   civil, n'ont reçu aucune tâche et moi-même je n'y ai pas pris part non

 25   plus. A partir de l'année 1992, il y a une séparation entre les structures


Page 147

  1   civiles et militaires.

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Il nous faudrait peut-être revenir

  3   à ce point plus tard. Mais vous ne contestez pas que ce que vous avez dit

  4   le 30 septembre de l'an 2003, lors d'une audience devant ce Tribunal, à

  5   savoir que vous-même, vous avez autorisé les soldats à pilonner les maisons

  6   de Glogova et que ces maisons ont été incendiées. Qu'au moins 65 Musulmans

  7   de Bosnie ont été tués et qu'en mai 1992, immédiatement après ces

  8   événements vous avez rencontré un certain nombre d'individus afin de

  9   célébrer ces événements. Parmi ces personnes, il y avait M. Karadzic. Est-

 10   ce exact ?

 11   R.  Je ne conteste nullement aucun des faits que vous venez d'exposer. A

 12   cette réserve près que je n'ai jamais reconnu que le 11 mai, lorsque je me

 13   suis rendu à Pale, nous avons célébré cet événement. Si je me suis rendu,

 14   c'est parce que j'ai été convoqué à cette réunion afin de faire un rapport

 15   aux dirigeants militaires et civils sur la situation qui prévalait dans la

 16   municipalité de Bratunac. Je les ai informés sur les événements de Glogova

 17   et il est exact que j'ai dit que j'ai été applaudi après avoir exposé le

 18   récit au sujet de ces événements.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Qui d'autre a été présent lors de

 20   cette réunion, en plus de M. Karadzic ?

 21   R.  Excellence, M. Mladic et M. Ostojic, qui était à l'époque le président

 22   du comité exécutif du SDS de la Republika Srpska.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-il exact de dire que lorsque

 24   les forces Serbes s'emparaient de certaines zones, ces zones étaient

 25   colorées en bleu sur la carte qui était affichée à Pale ?


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  1   R.  Oui, c'est exact et là en l'occurrence il s'agit de la zone de Bratunac

  2   et c'est -- ma déposition le confirme. C'est M. Ostojic qui a fait un

  3   commentaire à cet effet. Lors de cette réunion où à un moment ultérieur, je

  4   ne sais s'il a, effectivement, coloré ces zones en bleu.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Plus tard, avez-vous eu l'occasion

  6   de voir cette même carte et si oui, de quelle couleur était la zone de

  7   Srebrenica sur cette carte en 1995 ? Est-ce qu'on a appliqué la même

  8   procédure ?

  9   R.  Ecoutez. Je n'arrive réellement pas à me rappeler cela. Je n'ai jamais

 10   vu cette carte, qu'il s'agisse de Srebrenica ou d'une autre zone, je ne me

 11   souviens réellement pas les avoir vu coloriées et je peux affirmer, en

 12   toute responsabilité, que vraiment je n'ai pas vu cela.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] A quel moment avez-vous rencontré

 14   pour la première fois, M. Krstic ?

 15   R.  Excellence, M. Krstic, pour la première fois de ma vie, je l'ai vu

 16   début juillet à Pribicevac, à ce poste de commandement avancé. D'un point

 17   de vue géographique, c'est un plateau en aplomb par rapport à Srebrenica.

 18   Je ne peux pas vous citer la date mais il nous semble que c'était début

 19   juillet. En fait, je suis certain que c'était début juillet.

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Si je vous ai bien compris, avant

 21   le 11, le 12, le 13 juillet ? C'est exact ?

 22   R.  C'est exact. Cela s'est passé début juillet. Et dans tous les cas,

 23   c'était avant les 11 ou 12.

 24   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

 25   dire à la Chambre quelle a été la teneur de vos discussions pendant la


Page 149

  1   première réunion et jusqu'à la dernière réunion à l'hôtel Fontana avec M.

  2   Krstic. Je vous prie de nous présenter cela dans le contexte des

  3   événements.

  4   R.  Monsieur le Juge, je vais essayer d'être bref dans mes explications.

  5   L'endroit, d'où on a commandé les opérations militaires dirigées vers

  6   Srebrenica, et bien, je m'y suis rendu, début juillet puisque tout le monde

  7   venait d'être mobilisé et moi, je ne me sentais pas à l'aise sans être

  8   mobilisé. Je vous ai dit que je n'avais pas une idée précise de

  9   l'importance, de l'envergure des opérations de Srebrenica. Et c'était

 10   probablement le premier ou le deuxième jour après mon arrivée au poste de

 11   commandement. J'ai vu M. Krstic là-bas. M. Krstic s'occupait des choses

 12   militaires, des ordres qui concernaient l'opération elle-même. Du moins,

 13   c'est comme ça que je l'ai compris. Et devant ce commandement, au poste de

 14   commandement avancé, il y avait une table qui a été placée, donc à

 15   l'extérieur, à ciel ouvert et je ne peux pas l'affirmer avec certitude mais

 16   il me semble que nous nous sommes simplement dit bonjour. Je suppose que

 17   M. Krstic ne me connaissait pas. Je me suis donc présenté. Et je ne me

 18   rappelle pas un sujet dont soit peu important qu'on ait abordé. Il était

 19   occupé. Il émettait des ordres au sujet de cette opération de Srebrenica et

 20   moi, je ne voulais pas le déranger. A ce poste de commandement avancé, nous

 21   avons peut-être passé cinq ou six minutes ensemble. Je me suis éloigné.

 22   Plus tard, je l'ai revu et j'avais omis cela lorsque j'ai donné mes

 23   premières déclarations. Et bien, je l'ai vu à l'hôtel Fontana. Je n'ai eu

 24   aucun contact direct, ni aucune conversation directe avec M. Krstic à ce

 25   moment-là mais je suis sûr qu'il était là. Voilà, je n'ai pas passé plus de


Page 150

  1   temps avec lui. Je ne l'avais jamais vu auparavant dans ma vie même si je

  2   savais qu'il était l'un des commandants qui opérait dans la zone de

  3   Romanija mais nous n'avons jamais eu l'occasion de nous rencontrer.

  4   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je reviens aux questions qui ont

  5   déjà été posées et auxquelles vous avez déjà partiellement répondu. Il

  6   s'agit de questions qui vous ont été posées par mes éminents collègues.

  7   Est-il exact de considérer que la réunion, qui s'est tenue à l'hôtel

  8   Fontana, a été plus ou moins une farce, compte tenu du fait que les

  9   Musulmans y ont assisté, que les représentants de la presse internationale

 10   y ont assisté, et il était absolument impossible à qui que ce soit dans la

 11   pièce de donner des instructions ayant le moindre poids ?

 12   R.  Permettez-moi d'apporter une petite correction, Monsieur le Juge. Les

 13   représentants de la presse internationale ou des médias n'étaient pas

 14   présents à cette réunion. Il y a eu, là, une équipe de journalistes de

 15   l'état major de la Republika Srpska, si je ne me trompe pas et je

 16   connaissais l'un de ces journalistes. Les caméras tournaient, ça c'est

 17   vrai. Et on a fait un enregistrement de cette réunion et les forces

 18   internationales étaient représentées également. Le comportement de M.

 19   Karadzic, pendant cette réunion, contraire à ce qui s'est passé par la

 20   suite, contraire à ce qui est advenu des gens de Srebrenica, appuie mon

 21   idée que cette réunion n'était qu'une farce et j'apporte un complément

 22   d'informations à cela. Cette opinion, et bien, j'y suis arrivé par la

 23   suite. Le commandant Mladic, il a rencontré précédemment des représentants

 24   des Musulmans et lors de ces réunions, il a proféré des menaces à

 25   l'encontre des représentants musulmans et je n'ai appris cela qu'au moment


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  1   où le bureau du Procureur m'a montré quelques dépositions à cet effet,

  2   quelques témoignages allant dans ce sens. Et ce fait appuie donc ma thèse.

  3   Nous parlons donc d'une réunion qui s'est tenue le 10. Et bien, il s'est

  4   comporté, là, de manière contraire à ce qui allait se produire par la

  5   suite, l'épilogue tragique qui est survenu après cette réunion.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Suis-je en droit d'en conclure que,

  7   comme vous nous l'avez déjà dit précédemment, l'une des raisons de votre

  8   présence à cette réunion a été de transmettre la substance de vos

  9   conversations avec M. Karadzic, avec qui vous aviez des contacts plutôt

 10   positifs, plutôt bons à l'époque ?

 11   R.  Oui, cette constatation est exacte.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] De quelle manière avez-vous

 13   transmis ce message adressé par M. Karadzic ?

 14   R.  Excellence, j'ai parlé des instructions visant notre comportement à

 15   l'égard de la population civile qui était en train de se rassembler à

 16   Potocari. J'ai reçu ces instructions par téléphone. J'ai des témoins qui

 17   peuvent le prouver. Je les ai reçues par téléphone lorsque j'étais au

 18   commandement de la brigade. Ce sont ces instructions-là que j'ai transmises

 19   lors de cet entretien. Je n'ai pas pu transmettre, non plus, ces quelques

 20   explications fournies en plus par le président mais il me semble que j'ai

 21   pu transmettre l'essentiel. J'ai dit que, par la suite, Mladic m'a

 22   interrompu de manière plutôt brutale et que c'est de cette façon-là que la

 23   réunion s'est terminée.

 24   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ce matin, vous avez mentionné le

 25   transcript en page 26, ligne 18, page 27, ligne 20, en disant que votre


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  1   objectif était d'empêcher que les meurtres se produisent sur le territoire

  2   qui était placé sous votre juridiction, ou plus précisément, à Bratunac. 

  3   Qu'avez-vous fait afin que cet objectif soit réalisé atteint par des

  4   responsables militaires ?

  5   R.  Excellence, à l'époque j'avais zéro contact avec les responsables

  6   militaires, je n'avais aucun moyen de contacter qui que ce soit parmi les

  7   responsables de l'armée de la Republika Srpska à l'époque. Je n'avais aucun

  8   moyen de contact avec eux.

  9   En apprenant qu'il y avait des incidents, qu'il y avait aussi des actes

 10   graves qui avaient été commis dans cette collectivité agricole de Kravica,

 11   j'en ai informé le président Karadzic, y compris toutes les informations

 12   que j'avais reçu au sujet des événements à Bratunac, également pour ce qui

 13   de ces actes criminels, pour ce qui est des meurtres à l'école primaire ou

 14   peut-être à d'autres endroits, donc toutes les informations que j'avais.

 15   Quant à mes possibilités d'entrer en contact avec le commandant Mladic, et

 16   bien je n'en avais aucune. Je n'avais aucun moyen de prendre contact avec

 17   lui, car les combats, l'offensive et les combats armés entre les forces

 18   armées serbes et les forces musulmanes qui essayaient d'opérer une percée

 19   par Koljevic Polje vers Tuzla ont duré pendant ces deux jours. Je suis

 20   entré à plusieurs reprises dans le commandement pendant ces deux jours et

 21   j'ai vu qu'il n'y avait aucun des supérieurs hiérarchiques importants. Le

 22   seul que j'ai vu pendant ces deux entretiens, le seul que j'ai vu sur

 23   place, c'était un officier subalterne, et j'ignorais même qu'il était

 24   officier de la Brigade de Bratunac, c'était Milomir Stanojevic. Je n'ai vu

 25   aucun officier supérieur à ce moment-là au commandement.


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  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez presque répondu à ma

  2   dernière question, mais je vais vous la poser

  3   néanmoins : A un moment quelconque après la réunion de l'hôtel Fontana,

  4   avez-vous rencontré le général Krstic ou l'avez-vous vu ?

  5   R.  Excellence, plus jamais après cette rencontre, et je vous ai dit qu'à

  6   ce moment-là même, je ne l'avais pas remarqué. Je n'ai donc revu le général

  7   Krstic. Peu après cette réunion, j'ai appris que l'armée de la Republika

  8   Srpska se déployait vers l'enclave suivante dans cette zone, à savoir, Zepa

  9   et Gorazde. Et pour autant que je n'ai entendu parler de la bouche des

 10   gens, et bien le général Krstic était parti avec les soldats là-bas, donc

 11   je ne l'ai pas revu. Il n'est jamais venu dans mon bureau, et je ne l'ai

 12   plus jamais revu.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Un dernier éclaircissement, je vous

 14   ai peut-être mal compris ce matin. Lorsque vous avez dit, "Je ne l'ai même

 15   pas vu pendant cette réunion"; tandis que si j'en juge aux mieux de mes

 16   souvenirs, vous nous avez dit ce matin que vous n'avez vu aucune réaction

 17   et n'avez entendu rien de la bouche de M. Krstic. Comment pouvez-vous tirer

 18   cette conclusion si vous ne l'avez même pas vu là-bas ?

 19   R.  Excellence, je vois que vous ne tenez pas compte d'un fait. C'est

 20   ultérieurement que j'ai pu m'assurer du fait que M. Krstic a bel et bien

 21   assisté à cette réunion. Je me souviens précisément qui a pris la parole

 22   pendant cette réunion, et je m'en serai souvenu si le général Krstic avait

 23   pris la parole. Mais comme il ne l'a pas fait, non, donc mais ça ne

 24   s'exclut pas mutuellement, comme il n'a pas pris la parole, je ne l'ai pas

 25   remarqué. Et telle serait ma réponse à ma question. Si vous avez besoin des


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  1   éclaircissements supplémentaires, je suis prêt à vous les fournir. Mais je

  2   ne me souviens pas parfaitement qui a pris la parole pendant cette réunion.

  3   Donc je me serai souvenu de M. Krstic s'il avait pris la parole.

  4   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas

  5   d'autres questions.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge

  7   Schomburg.

  8   Et je donne la parole au vice-président, M. le Juge Pocar.

  9   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

 10   Président.

 11   Et j'ai quelques supplémentaires à poser à M. Deronjic pour ma part.

 12   Tout d'abord, et pour enchaîner sur la dernière question qui a été posée

 13   par M. le Juge Schomburg, ai-je raison de penser que le 12 juillet à

 14   l'hôtel Fontana, il y a eu, en fait, deux réunions; une réunion informelle

 15   entre 7 heures et 8 heures du matin, donc à l'heure du petit déjeuner, et

 16   une réunion officielle qui s'est déroulée entre 10 heures du matin et midi.

 17   R.  Excellence, vous avez raison a tiré cette conclusion. Excusez-moi,

 18   juste un point. J'ai dit que je n'étais pas sûr de l'heure où cette

 19   première réunion s'est tenue. Je l'ai dit aussi au moment de ma

 20   déclaration, mais c'est vrai que cette deuxième réunion s'est tenue a

 21   commencé à 10 heures.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. S'agissant de la

 23   réunion officielle, vous nous avez dit que vous n'aviez pas remarqué que M.

 24   Krstic fût présent à la réunion, et vous avez expliqué pourquoi il en est

 25   ainsi. Vous avez dit que s'il avait pris la parole, vous l'auriez


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  1   certainement remarqué, n'est-ce pas ?  Est-il également exact que vous avez

  2   appris que M. Krstic a assisté à cette réunion grâce aux enregistrements

  3   que vous avez vus à un moment ultérieur ? Est-ce que exact ?

  4   R. Excellence, vos deux conclusions sont parfaitement exactes.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si bien que ce que vous savez au fond

  6   de la participation de M. Krstic à cette réunion et ce que vous avez appris

  7   par la suite grâce aux enregistrements. Donc c'est quelque chose que

  8   n'importe qui pourrait voir ou pourrait apprendre en regardant ces

  9   enregistrements.

 10   R.  Je suis d'accord avec vous. C'est une constatation correcte.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] J'aimerais savoir si vous avez pu

 12   recueillir des informations complémentaires, d'autres sources au sujet de

 13   la présidence de M. Krstic à cette réunion ?

 14   R.  Excellence, je n'ai pas pu voir, et dont on ne m'a rien montré au sujet

 15   de la présidence de M. Krstic à cette réunion. Au sujet de son comportement

 16   à cette réunion, les informations que j'aie et qui font état de ses

 17   activités après cette réunion me laissent penser qu'il est parti avec

 18   l'armée exécuter des tâches militaires.  C'est ma constatation et c'est

 19   celle à laquelle je suis arrivé.

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] A présent, j'essaie de parler de la

 21   réunion informelle qui s'est déroulée le matin. Vous avez dit que c'est M.

 22   Mladic qui a convoqué cette réunion afin de préparer la réunion officielle.

 23   Est-ce exact ?

 24   R.  Oui. C'est exact.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] En plus de M. Mladic et vous-même, vous


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  1   avez dit que M. Simic, M. Vasic et quelques autres personnes ont assisté à

  2   cette réunion. Alors, pouvez-vous nous préciser qui étaient ces autres

  3   personnes ? Êtes-vous en mesure d'identifier qui que ce soit parmi ces

  4   autres hommes ?

  5   R.  Excellence, pour être tout à fait précis, je me souviens de M.

  6   Davidovic. Il était président du comité exécutif de la municipalité de

  7   Bratunac, et je l'ai vu à cette réunion. Et j'ai dit dans ma déclaration,

  8   si je ne me trompe pas, qu'il y avait peut-être quelqu'un d'autre parmi les

  9   présents, mais je n'ai pas pu identifier qui que ce soit d'autre. Pour la

 10   plupart des supérieurs -- des officiers supérieurs militaires, qui se sont

 11   trouvés dans la municipalité de Bratunac les 11 et 12, étaient des gens que

 12   je ne connaissais pas. Je n'ai ni remarqué, ni ai-je pu identifier d'autres

 13   personnes.

 14   M. LE JUGE POCAR: [interprétation] Pourriez-vous être plus précis en

 15   répondant à ma question ? Je vous ai, en effet, demandé de me dire à peu

 16   près combien de personnes il y avait eu à cette réunion.

 17   R.  Excellence, je suis certain de la présence de cinq personnes; M.

 18   Mladic, M. Simic, M. Vasic, M. Davidovic et moi-même. Ça, j'en suis

 19   certain.

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Donc vous n'êtes pas en mesure de nous

 21   dire combien de personnes il y avait dans la pièce, plus ou moins, 20, 30,

 22   10. Quelle était l'importance de cette réunion ?

 23   R.  Excellence, je ne puis absolument rien vous dire. Ce ne serait pas des

 24   chiffres exacts. J'ai juste dit qu'il était possible qu'il y ait eu

 25   quelqu'un d'autres, mais comme ce n'était pratiquement pas une réunion


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  1   officielle avec un ordre du jour, c'était plus une rencontre. Il rentrait

  2   là des garçons pour nous servir à boire et il se peut que des personnes

  3   chargées de la sécurité de Mladic se soient trouvées à l'intérieur. Mais,

  4   pour ce qui est des personnes pertinentes ou importantes, je n'ai remarqué

  5   personne d'autre, vraiment pas.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Je voudrais vous demander si

  7   vous aviez remarqué, à ce moment-là, la présence de M. Krstic parmi les

  8   participants à la réunion, ou pas ?

  9   R.  Excellence, j'ai fait la connaissance de M. Krstic le jour d'avant. Et

 10   j'affirme que lui n'avait pas été présent à cette réunion-là.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. C'est tout ce que je

 12   voulais savoir. Merci.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je crois bien que l'Accusation devrait

 14   être prête pour ce qui est de procéder à son contre-interrogatoire.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous remercie. Messieurs les Juges, il y a

 16   plusieurs domaines sur lesquels je voudrais poser des questions.

 17   Questions de l'Accusation, Mme Bibles :

 18   Q.  [interprétation] Je voudrais d'abord attirer votre attention sur

 19   l'action militaire en Slovanie occidentale. Je crois bien que vous avez dit

 20   que cette opération est survenue en Croatie en date du 1e mai. Êtes-vous

 21   sûr qu'il s'agissait de l'année 1995 ?

 22   R.  Oui. Pour autant que je m'en souvienne, il s'agissait d'une opération

 23   conduite en 1995.

 24   Q.  Et pour autant que vous en sachiez, nous parler de cette opération, les

 25   colonnes de personnes qui fuyaient les Serbes; elles comportaient des


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  1   hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, et même du bétail.

  2   R.  Excusez-moi, je n'ai jamais affirmé avoir -- savoir s'il y avait du

  3   bétail dans les colonnes, ou pas. Je ne puis que supposé que cela est

  4   exact. Mais j'ai dit que l'allusion du président à ces événements avait été

  5   claire pour moi dans le sens où l'on avait notoirement eu connaissance de

  6   ce qui s'était passé en Slovanie occidentale, à savoir que des colonnes de

  7   Serbes, des soldats et des civils fuyaient et qu'ils ont été pilonnés par

  8   l'armée croate.

  9   Q.  Dans la période entre le 1e mai 1995 et le 8 ou 9 juillet 1995, avez-

 10   vous à quelque moment que ce soit entendu le président Karadzic parler à

 11   propos de la Slovanie occidentale ?

 12   R.  J'ai entendu le président Karadzic se prononcer à un sujet de ce genre,

 13   à une réunion avant. Il s'agissait d'une rencontre informelle avant les

 14   événements de Slovanie occidentale. Il avait été question d'une initiative,

 15   à savoir, d'une initiative émanant du président Milosevic au terme de

 16   laquelle l'autoroute qui traverse cette région, se devait d'être débloquée

 17   pour permettre à l'armée croate de passer par cette route. Le président

 18   Karadzic a alors présenté son opinion à ce sujet. J'ai entendu cette

 19   opinion et, en somme, cela se ramenait à dire que le président Milosevic a,

 20   ce faisant, permis l'offensive des forces croates dans cette région. Et,

 21   d'après lui, cela avait été une reddition de ce territoire à l'armée

 22   croate. C'est là, que j'ai entendu pour la première fois parler de la

 23   Slovanie occidentale, et je ne puis me souvenir exactement où et quand j'ai

 24   entendu encore prononcer des commentaires au sujet des événements de la

 25   Slovanie occidentale. Et le président Karadzic avait été très en colère


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  1   pour ce qui s'était passé. Sa colère se rapportait notamment à la

  2   confirmation des doutes qu'il avait eus, à savoir que, dans cette action ou

  3   dans ces événements, il y a eu un très grand nombre de victimes parmi les

  4   Serbes, y compris de victimes civiles.

  5   Q.  J'aimerais à présent attirer votre attention sur une des questions

  6   posées par l'un des Juges au sujet de la relation qui existait entre les

  7   autorités militaires et civiles au sein de la  Republika Srpska, et ceci

  8   pour ce qui est de la période entre janvier et mai 1995. Aviez-vous connu

  9   le général Zivanovic ?

 10   R.  De quelle période avez-vous parlé ? Je n'ai pas très bien entendu.

 11   Q.  1995, jusqu'au moi de mai.

 12   R.  Oui. J'ai connu le général Zivanovic. Il avait été le commandant du

 13   Corps de la Drina avant que cette fonction ne soit confiée à M. Krstic. Il

 14   me semble qu'il avait été le premier des commandants dans cette région

 15   couverte par la zone de responsabilité du Corps de la Drina.

 16   Q.  Et, en réalité, vous étiez préoccupé en raison du général Zivanovic.

 17   Vous aviez douté de ses compétences ?

 18   R.  Oui, c'est exact. J'avais été très mécontenté par le comportement du

 19   général Zivanovic dans le secteur qui m'intéressait, moi-même, à savoir, la

 20   zone qui était couverte par la Brigade de Bratunac. Je tiens à indiquer

 21   que, dans la période qui a précédé celle dont nous parlons, dans la Brigade

 22   de Bratunac, en raison des événements ci connus de Srebrenica, il y avait

 23   déjà eu plus de 500 victimes. Je ne vais pas être plus précis pour ce qui

 24   est des chiffres mais je dirais qu'il y a eu beaucoup de victimes civiles

 25   dans la région. C'est pourquoi j'avais estimé que M. Zivanovic se trouvait


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  1   être responsable de la chose parce qu'il avait vaqué à d'autres sujets

  2   plutôt que vaquer à ce qui avait été son rôle principal, vu la position qui

  3   était la sienne.

  4   J'ai insisté, excusez-moi de devoir le dire encore, j'ai insisté.

  5   Q.  En réalité, j'aimerais attirer votre attention sur la préoccupation qui

  6   était la vôtre au sujet du général Zivanovic. Ce que je voudrais savoir,

  7   c'est si vous avez parlé de votre préoccupation au président Karadzic ?

  8   R.  Oui, à plusieurs reprises. J'ai transmis les appréhensions que j'avais

  9   au président Karadzic et à l'occasion de plusieurs réunions informelles,

 10   voir même formelles. Au cours des sessions de la commission chargée des

 11   cadres, j'ai insisté pour que le général Zivanovic soit, autant que faire

 12   se pouvait, révoqué de ses fonctions.

 13   Q.  Et vous estimez que cela se situe au mois de mai 1995, époque à

 14   laquelle le président Karadzic vous a pris de côté au cours d'une réunion

 15   et vous aurait dit à ce moment-là que votre souhait avait été exaucé ?

 16   R.  C'est exact. J'ai indiqué que cela pouvait être le mois de mai. Je ne

 17   peux pas être plus précis. Il m'a mis de côté et il m'a dit qu'il avait

 18   convenu, après plusieurs conversations avec M. Mladic, qu'il allait y avoir

 19   révocation du général Zivanovic.

 20   Q.  A l'occasion de cette même réunion, réunion à laquelle vous avez appris

 21   que le général Zivanovic allait être remplacé, le président Karadzic vous

 22   a-t-il communiqué d'autres informations encore ?

 23   R.  C'est exact, aussi. Le président Karadzic m'a, à ce moment-là, pour la

 24   première fois dit : "Qu'une opération militaire allait avoir lieu dans le

 25   secteur de la zone protégée." Nous parlons de Srebrenica. C'est tout ce


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  1   qu'il m'a dit. Il a précisé qu'il fallait être discret à ce sujet et qu'il

  2   ne fallait pas que j'aille en faire des récits autour, à gauche et à

  3   droite, mais qu'il fallait procéder, pour ce qui me concernait, à des

  4   préparatifs pour une opération de ce type. Donc, il s'agissait pour nous

  5   d'être prêt en vue d'une opération de ce type.

  6   Q.  J'aimerais apporter des éclaircissements sur ce que vous avez déjà dit

  7   au sujet de vos relations avec les militaires. Vous n'obteniez pas

  8   d'informations militaires pour [imperceptible], n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est tout à fait exact.

 10   Q.  Et votre rôle à vous avait été celui d'un responsable politique au sein

 11   de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Cela est exact également.

 13   Q.  Mais tout de même, vous étiez en mesure de vous entretenir avec le

 14   président Karadzic sur des questions militaires qu'il était à même de

 15   maîtriser lui-même ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  J'aimerais, à présent, attirer votre attention sur une réunion à Pale,

 18   qui a eu lieu en date du 8 ou 9 juillet. Tout d'abord, j'aimerais vous

 19   demander ce qui suit : Comment se fait-il que vous soyez en mesure de nous

 20   donner la date de cette réunion particulière ?

 21   R.  Vous voulez dire comment je suis en mesure de vous donner une date ou

 22   comment ai-je été en mesure de vous la donner ?

 23   Q.  Y a-t-il une corrélation entre cette date de la réunion et un autre

 24   événement, corrélation dans laquelle vous êtes à même de placer la tenue de

 25   cette réunion ?


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  1   R.  J'ai compris à présent votre question. Il est un autre événement qui

  2   m'a permis d'établir la corrélation. J'ai ménagé une possibilité en

  3   indiquant que je n'étais pas à 100 % sûr pour ce qui était de dire s'il

  4   s'agissait du 8 ou 9. Permettez-moi de dire encore que cela pourrait fort

  5   bien être le 7 ou le 10, mais toujours est-il que c'était ces journées-là

  6   et il est d'autres événements qui m'ont permis de reconstruire ou de me

  7   rafraîchir la mémoire. Le fait est que M. Borovcanin est arrivé le

  8   lendemain à Bratunac et je me suis souvenu que cela avait été la raison

  9   pour laquelle j'ai fait un déplacement sur Pale. Et c'est ainsi que j'ai

 10   établi la corrélation et en tout état de cause, l'écart entre les deux

 11   événements ne saurait excéder deux journées.

 12   Q.  J'aimerais apporter encore un éclaircissement. Donc, en sus de la

 13   raison de votre déplacement sur Pale, il y avait votre préoccupation au

 14   sujet de Borovcanin ?

 15   R.  Je ne sais pas si c'est une question de traduction. Il ne s'agissait

 16   pas d'une préoccupation à son sujet mais au sujet des soldats qui avaient

 17   pris part à l'opération de Srebrenica. Je connaissais bon nombre de ces

 18   personnes et j'avais souhaité qu'une unité bien formée, bien entraînée,

 19   vienne sur le terrain indépendamment de la nature de l'opération même à

 20   mener, parce que je n'avais pas, pour ma part, d'informations à ce sujet-

 21   là.

 22   Q.  Et quoique, étant un responsable politique, vous avez transmis vos

 23   préoccupations au niveau militaire, au niveau de l'opération militaire au

 24   président Karadzic pour que celui-ci intervienne ?

 25   R.  C'est exact. Je pouvais à tout moment lui communiquer mes réflexions


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  1   sur des questions militaires sans pour autant m'aventurer et essayer de

  2   savoir de quelle façon, par la suite, le président allait analyser la

  3   question et intervenir.

  4   Q.  Et ceci constitue un exemple de plus pour ce qui est de dire que cette

  5   préoccupation, qui était la vôtre, a eu pour résultante une action

  6   militaire ?

  7   R.  Ma préoccupation aurait résulté -- et comment cela a résulté de

  8   l'arrivée de M. Borovcanin ? Excusez-moi, vous voulez dire quelque chose ?

  9   Q.  Je voudrais que nous parlions de l'ordre dans lequel se sont tenues vos

 10   conversations avec le président Karadzic en date du 8 ou 9 juillet. Et

 11   j'aimerais que vous vous concentriez sur les propos de M. Karadzic, sur

 12   lesquels nous allons nous pencher. Le premier des sujets traités, c'était

 13   la finalité de l'opération militaire à Srebrenica, n'est-ce pas ?

 14   R.  Exact.

 15   Q.  Et le sujet suivant avait été celui des renforts militaires à amener au

 16   cas où l'opération se solderait par le succès.

 17   R.  Exact.

 18   Q.  Et ensuite, le président Karadzic vous a demandé ce que vous -- et je

 19   crois que "vous" était au pluriel -- aviez l'intention de faire avec les

 20   civils.

 21   R.  Il a parlé de "population" et je suppose qu'il entendait par là,

 22   civils.

 23   Q.  Et votre réponse a été celle de dire que vous n'étiez pas en mesure de

 24   le prévoir.

 25   R.  Oui, c'est exact.


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  1   Q.  Quels avaient été ses propres termes à ce sujet ? Et je vous demande

  2   d'essayer de vous rappeler au mieux que vous le pouvez.

  3   R.  Et bien, au meilleur de mes souvenirs, je crois avoir déjà défini ces

  4   propos. Il a dit : "Qu'il fallait abattre tout ce que l'on pourrait abattre

  5   là-bas."

  6   Q.  Et il a parlé ensuite du principe de la Slavonie occidentale.

  7   R.  C'est exact, aussi.

  8   Q.  J'aimerais, à présent, attirer votre attention sur le 12 juillet et je

  9   vous poserai juste une question au sujet de la conversation informelle que

 10   vous avez eue avec le général Mladic. Vous avez témoigné pour dire qu'il

 11   avait fait des commentaires grossiers à l'égard du président Karadzic et de

 12   vous-même.

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  A-t-il, par la suite, fait quoi que ce soit que vous auriez pu

 15   comprendre comme étant une espèce d'excuse ou de repentir à l'égard de ces

 16   commentaires ?

 17   R.  Non, il n'a rien fait de ce genre.

 18   Q.  Et par la suite, vous a-t-il envoyé un petit déjeuner ?

 19   R.  J'ai commenté pour ma part le fait que dans le bureau on m'avait

 20   apporté ou proposé un petit déjeuner. J'ai cru comprendre que c'était un

 21   geste de cette nature-là de sa part. Si je me suis trompé en considérant

 22   que c'était une façon de s'excuser soit. Mais je pense que c'était un geste

 23   par lequel il voulait en quelque sorte s'excuser, si c'est bien lui qui a

 24   envoyé le petit déjeuner.

 25   Q.  Vous avez longuement parlé de certains aspects de cette réunion à


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  1   l'hôtel Fontana. J'aimerais que nous parlions d'un sujet particulier que le

  2   président Karadzic voulait soulever à l'occasion de cette réunion. Il

  3   s'agit notamment des hommes qui se trouvaient en détention à Potocari ?

  4   R.  Oui. J'avais obtenu des instructions à ce sujet-là.

  5   Q.  Et en fait, il vous a demandé s'il y avait des hommes dans le groupe de

  6   détenus à Potocari ?

  7   R.  Je ne le formulerais pas ainsi. Il a dit plutôt ce qui suit donc, je ne

  8   cite pas, je paraphrase en disant qu'il y avait possibilité de voir parmi

  9   les civils des personnes qui ont probablement commis des crimes de guerre

 10   et essayaient de trouver parmi eux un abri quelconque.

 11   Q.  Et cela était censé être des hommes ?

 12   R.  Bien sûr.

 13   Q.  Et il vous a demandé d'insister pour ce qui était de laisser ces gens-

 14   là là-bas ?

 15   R.  C'est exact. Je vous dirais exactement ce qu'il m'a dit. Il m'a dit que

 16   : "Au cas où nos organes du renseignement civils ou militaires auraient des

 17   renseignements ou des informations sur certaines de ces personnes qui se

 18   trouveraient là ou qui auraient trouvé abri là-bas, qu'ils fallaient les

 19   garder sur place et que nous avions le droit de les garder là en vertu des

 20   conventions régissant le droit de guerre."

 21    Q.  Au sujet de toutes ces réunions -- ou plutôt de cette réunion à

 22   l'hôtel Fontana, vous avez dit que c'était une farce du cinéma. Je voudrais

 23   être certaine si j'ai bien compris, n'est-ce pas, ce que vous avez dit ?

 24   R.  Je l'ai répété à plusieurs reprises. C'est ma conviction la plus

 25   profonde.


Page 166

  1   Q.  En réalité, il n'y avait pas de choix possibles pour ces gens qui se

  2   trouvaient à Potocari, si ce n'est de quitter le secteur de Potocari.

  3   R.  Cette conclusion est une conclusion que vous avez tirée vous-même. Je

  4   vous ai parlé pour ma part de circonstances dans lesquelles ça s'est passé.

  5   Et j'ai prédit que j'avais avancé, pour ma part, trois variantes au sujet

  6   desquelles j'avais estimé qu'elles ne correspondaient pas à la réalité.

  7   Q.  Vous souvenez-vous avoir dit auparavant que la raison principale

  8   c'était qu'il n'y avait pas d'intention sérieuse -- de les faire rester que

  9   c'était fait à des fins de propagande et que la finalité réelle c'était de

 10   leur faire quitter la région et nettoyer cette région de Musulmans ?

 11   R.  Oui, je me souviens. J'ai dit que c'est exact et que c'était la

 12   conclusion et l'opinion que je m'étais faite.

 13   Q.  A présent, je voudrais que nous nous penchions sur une partie de cette

 14   réunion, à savoir, l'arrivée du colonel Beara la nuit du 13 juillet, vous

 15   avez déclaré qu'il était arrivé et qu'il avait dit avoir établi contact

 16   avec les captifs, les personnes captives et qu'il fallait les tuer.

 17   R.  De quels contacts parlez-vous. Je n'ai pas très bien compris. Il ne m'a

 18   rien dit au sujet d'un contact éventuel avec les détenus. Il a dit qu'il

 19   était venu avec des instructions au sujet des détenus

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

 21   je précise sur le prononcé de sentence dans l'affaire Nikolic, page 1548.

 22   Q.  Vous souvenez-vous avoir témoigné dans cette affaire ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et vous avez -- je pense, dit que vous -- à la Chambre que votre

 25   témoignage à ce sujet-là était tout à fait exact et conforme à la vérité ?


Page 167

  1   R.  Conforme à la vérité, exact, oui.

  2   Q.  Donc si vous avez témoigné à ce procès-là, et si selon vous il est

  3   arrivé et il a établi un contact, je paraphrase bien sûr, mais là je vous

  4   donne une citation : "Il aurait établi un contact avec les prisonniers et a

  5   dit qu'il fallait les abattre."

  6   R.  Il se peut que je me sois exprimé ainsi, mais je ne pense pas qu'il

  7   soit pertinent de dire qu'il ait eu contact avec eux. Je ne vois pas

  8   pourquoi il les contacterait. Ce qui me semble évident c'est qu'il avait

  9   été chargé de ces personnes-là ou de veiller à ces personnes-là.

 10   Q.  Celle-ci concernera à présent la partie pertinente. Vous dites qu'il

 11   est venu et qu'il a déclaré que ceux-ci devaient être tués.

 12   R.  Ça c'est exact, absolument.

 13   Q.  Et vous avez été surpris parce qu'il a parlé ouvertement d'un sujet

 14   aussi sensible, délicat.

 15   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit.

 16   Q.  En réalité, vous vous êtes trouvé si préoccuper à ce sujet, que vous

 17   vouliez que votre ami, M. Simic, quitte la pièce et ne soit pas présent à

 18   l'occasion de la conversation.

 19   R.  C'est exact, je l'ai dit également.

 20   [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

 21   Mme BIBLES : [interprétation] L'Accusation, Messieurs les Juges, je n'ai

 22   plus de questions pour ma part. Merci.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est nous qui vous remercions, Madame

 24   Bibles.

 25   Il est 14 heures 25. Je pense qu'avant que de donner la parole à la


Page 168

  1   Défense, pour ce qui est des questions qu'elle a à poser à notre témoin, il

  2   serait bon de procéder à une petite pause. Disons une pause de 20 minutes.

  3   --- L'audience est suspendue à 14 heures 26.

  4   --- L'audience est reprise à 14 heures 49.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] La Défense souhaite-elle poser des

  6   questions au témoin ?

  7   M. PETRUSIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de

  8   m'avoir donné la parole. La Défense souhaite, en effet, poser quelques

  9   questions à M. Deronjic et ce compte tenu du temps qui nous a été imparti

 10   par la Chambre.

 11   Questions de la Défense, M. Petrusic :

 12   Q.  [interprétation] Monsieur Deronjic, bonjour. Avant de commencer, je

 13   suis Nenad Petrusic et je suis le conseil du général Krstic en la présente

 14   affaire.

 15   R.  Bonjour, Monsieur Petrusic.

 16   Q.  L'impression générale, qui se dégage de votre témoignage aujourd'hui --

 17   de l'avis de la Défense, et ce compte tenu du fait que depuis 1987 ou

 18   plutôt 1988 jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à l'année 2003, à plusieurs

 19   reprises, vous avez accordé des entretiens au bureau du Procureur, donc

 20   l'impression générale qui se dégage est que vous êtes un homme extrêmement

 21   bien informé des événements qui se sont déroulés dans cette région, et ce

 22   qui m'intéresse c'est la période de l'année 1995 et, plus précisément, les

 23   événements concernant Srebrenica avant la chute de Srebrenica et aussi

 24   après celle-ci, Ai-je raison ?

 25   R.  Il me semble que vous avez parlé de l'année 1988, mais vous avez plutôt


Page 169

  1   pensé à l'année 1998, n'est-ce pas ?

  2   Q.  Oui, mais dans tous les cas depuis cette année-là jusqu'à aujourd'hui ?

  3   R.  Oui, c'est exact. A plusieurs reprises, j'ai eu des entretiens avec des

  4   représentants du bureau du Procureur, de cet éminent Tribunal et, dans la

  5   mesure où j'en ai fait état à ces représentants-là, je suis informé de ces

  6   événements. Il me semble que j'ai exposé dans le détail tout ce que je

  7   savais de ces événements et tout ce qui concerne mon implication à ces

  8   événements. Je ne peux pas, pour autant, déduire certaines conclusions. Il

  9   me reste certains événements qui m'échappent, mais j'ai dit des choses que

 10   je connaissais.

 11   Q.  Vous avez cherché à vérifier certaines choses à vous rafraîchir la

 12   mémoire en vous entretenant avec des gens, pour pouvoir parler de ces

 13   choses-là. Pouvons-nous considérer que cette constatation est exacte ?

 14   R.  Oui, dans une large mesure, vous avez raison. Je peux dire que j'ai

 15   cherché à me rafraîchir la mémoire à différents moments, lors de ces

 16   entretiens, mais je dirais que je me suis très peu entretenu avec les

 17   participants directs à ces événements. Je pense que j'aurais -- je pensais

 18   que j'aurais l'occasion de parler de ce que j'ai vu, de ce que j'ai vécu et

 19   de la manière dont j'y ai pris part, et je ne voudrais pas y impliquer des

 20   personnes tierces.

 21   Q.  Au sujet des activités qui ont été celles du général Krstic pendant

 22   cette période-là, vous avez déjà répondu aux questions posées par les Juges

 23   de cette Chambre. J'aimerais savoir si, par la suite, il vous a été

 24   possible d'apprendre des choses sur la participation du général Krstic pour

 25   employer un terme juridique, sa participation aux crimes qui ont été commis


Page 170

  1   après la chute de Srebrenica et si vous l'avez fait de manière autre, à

  2   savoir, recueillant des informations de seconde main de manière indirecte.

  3   R.  Monsieur Petrusic, dans la mesure du possible, j'ai recueilli pas mal

  4   d'informations au sujet de ces événements, et je n'ai jamais appris quoique

  5   ce soit au sujet de la participation alléguée du général Krstic aux crimes,

  6   comme vous l'avez qualifié aux crimes qui ont été perpétrés après la chute

  7   de Srebrenica.

  8   Q.  Je souhaite à présent aborder un autre sujet. Monsieur Deronjic, il

  9   s'agit de la réunion qui s'est tenue à l'hôtel Fontana le 12 juillet 1992 -

 10   - 1984 et cette réunion a commencé à 10 heures. L'instruction que vous avez

 11   reçue était celle donnée par le président Karadzic. Elle vous a été donnée

 12   la veille dans une conversation par téléphone et il a fallait, selon cette

 13   instruction, que vous présentiez trois options. L'une était que la

 14   population civile reste; la deuxième, que la population parte; et la

 15   troisième, qu'elle se rende dans les pays tiers.

 16   Ma question est la suivante : est-ce que l'application de l'une de ces

 17   trois options a résulté de cette réunion, à savoir, le fait que les civils

 18   de Potocari soient transportés, déportés ou transférés de force quelle que

 19   soit la qualification juridique que l'on emploie, et ceci appartient à la

 20   Chambre -- donc appartient à la Chambre d'en décider donc la question, que

 21   je vous pose, est de savoir si l'une des trois options a été mise en

 22   oeuvre ?

 23   R.  Oui, c'est cela. L'une des trois options a été traduite dans les faits.

 24   Q.  Si la Chambre m'y autorise et si l'Accusation n'y voit pas d'objection,

 25   Monsieur Deronjic, je souhaite une question, compte tenu de la teneur des


Page 171

  1   entretiens que vous avez donnés et compte tenu de la déposition que vous

  2   avez faite dans l'affaire Nikolic. Dans ces affaires-là ainsi

  3   qu'aujourd'hui, vous avez fait état de toute une série de conclusions

  4   auxquelles vous êtes arrivé, et je souhaite donc  vous demander, à votre

  5   avis, pour quelle raison le général Krstic n'a-t-il pas pris la parole lors

  6   de cette réunion, ce qui vous a empêché de le remarquer d'ailleurs.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Objection, il me semble que M. Deronjic a

  8   dit, dans ses dépositions, qu'il n'a vu M. le général Krstic qu'une seule

  9   fois et c'était donc à un élément très fort de spéculation.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître, je me demande si ce témoin peut

 11   réellement vous en dire plus que ce qu'il n'a déjà dit dans ses réponses et

 12   dans les réponses multiples posées par les Juges.

 13   M. PETRUSIC : [interprétation] J'accepte votre observation, Monsieur le

 14   Président.

 15   Q.  Monsieur Deronjic, dans la soirée du 13, M. le Colonel Beara arrive et

 16   l'instruction qu'il apporte est claire. Elle émane des instances les plus

 17   élevées et elle consiste à dire qu'il faut abattre les gens.

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Dans l'affaire Nikolic, où vous avez déposé, dans le compte rendu

 20   d'audience, page 5 -- page 1563, une question est posée par le Procureur si

 21   Beara vous a-t-il dit la moindre chose qui vous permettrait de savoir que

 22   c'est lui l'homme auquel a fait référence Karadzic ? Vous avez répondu :

 23   "Je n'étais pas en mesure d'arriver à cette conclusion, c'est-à-dire, que

 24   je n'étais pas en mesure d'établir un lien direct entre les deux car

 25   l'instruction du président Karadzic avait été que les prisonniers devaient


Page 172

  1   être envoyés à destination de Bijeljina ou de Zvornik. Or ce que disait cet

  2   homme-ci, c'était qu'ils allaient être tués." Et, à un moment, il a dit, je

  3   cite : "J'ai un ordre émanant des instances les plus hautes. Je ne sais pas

  4   à qui il faisait allusion, mais je crois que cette instruction ne pouvait

  5   venir que de l'état major principal ou de M. Karadzic." Est-ce que cette

  6   constatation est exacte ?

  7   R.  Oui. C'est ce que j'ai déclaré, et c'est exact, Monsieur Petrusic.

  8   Q.  Dans le même compte rendu d'audience, Monsieur Deronjic, page 1569, une

  9   question est posée par le Procureur, et vous

 10   répondez : "Si Karadzic a transmis l'ordre à Beara, alors ses intentions

 11   m'apparaissent tout à fait claires parce qu'il a parlé du fait de tuer ces

 12   gens-là. Il n'avait aucune instruction qui permettait de savoir que

 13   Karadzic, donc vous dites que vous n'aviez aucune instruction, vous

 14   laissant comprendre que Karadzic a donné cet ordre à Beara." Est-ce exact,

 15   Monsieur Deronjic ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Monsieur Deronjic, à présent, je souhaite revenir à la réunion qui

 18   s'est tenue le 8 -- ou plutôt le 9 juillet à Pale, la réunion que vous avez

 19   eue le président de l'époque, Karadzic. Et lors de cette conversation, il

 20   vous a parlé de l'application du principe Slovanie occidentale.

 21   M. PETRUSIC : [interprétation] La pièce à conviction, versée dans l'affaire

 22   le Procureur contre Radoslav Krstic, devant la Chambre de première

 23   instance, je parle de la pièce 432, je demanderai à M. 0l'Huissier de

 24   placer sur le rétroprojecteur la version en anglais, et de remettre au

 25   témoin la version en serbe.


Page 173

  1   Q.  Monsieur Deronjic, vous aurez la version en serbe.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] La cote, s'il vous plaît. Peut-on nous dire

  3   la cote de cette pièce à conviction ?

  4   M. PETRUSIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction de

  5   l'Accusation 432. Il s'agit d'un ordre.

  6   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent] 

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous voyons cette pièce à conviction, à

  8   présent.

  9   M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je poursuivre ?

 10   Puis-je poser ma question ?

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.

 12   M. PETRUSIC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Deronjic, dans le dernier paragraphe de cet ordre, il est dit

 14   : "conformément à l'ordre émanant du président de la  Republika Srpska, un

 15   ordre a été donné à l'attention de toutes les unités de combat -- à tous

 16   les soldats participant aux opérations de combat dans la zone de

 17   Srebrenica, afin d'assurer une protection maximale et la sécurité à tous

 18   les membres de la FORPRONU. Et la population civile musulmane ordonnait aux

 19   unités subordonnées de ne pas détruire des objectifs civils, à moins

 20   qu'elles y soient forcées, compte tenu d'une forte opposition résistance de

 21   la part de l'ennemi, interdisaient l'incendie des bâtiments de logements,

 22   et réservaient à la population civile et aux prisonniers de guerre le

 23   traitement qui est conforme en convention de Genève du 12 août 1949."

 24   Monsieur Deronjic, il s'agit d'un ordre qui reprend l'ordre du président

 25   Karadzic, et qui a été donné avant 23 heures 50, le 9 juillet 1995. Compte


Page 174

  1   tenu de ce dernier paragraphe, peut-on penser que, tard dans la soirée à ce

  2   moment-là, donc le président Karadzic renonce à l'application du principe

  3   Slovanie occidentale, comme vous l'avez compris dans la matinée de ce même

  4   jour, le 8 ou le 9 juillet ?

  5   R.  Oui, Monsieur Petrusic. Je suppose que l'on est en droit d'en arriver à

  6   cette conclusion-là, à savoir que les événements vont évoluer d'une manière

  7   différente, et que le président donne un ordre à cet effet.

  8   M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense n'a pas

  9   plus de questions à poser à M. Deronjic. Je vous remercie.

 10   [La Chambre d'appel se concerte]

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je tiens à remercier le conseil de la

 12   Défense. Le témoin peut-il partir ?

 13   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, au sujet de ces

 14   dernières questions, nous souhaitons reposer des questions. Tout

 15   particulièrement, ce qui nous préoccupe, ce sont les réponses que le témoin

 16   a fourni au sujet de l'état d'esprit du président Karadzic au sujet du

 17   document que l'on vient de lui présenter puisque le témoin n'a pas d'autres

 18   connaissances au sujet de ce document que ce qu'il y a lu. Nous estimons

 19   que cette réponse devrait donc être expurgée.

 20   [La Chambre d'appel se concerte]

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Bibles, je ne souhaite pas

 22   trancher immédiatement.

 23   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous remercie.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais je suppose que vous n'avez pas

 25   d'objections ou de questions quant au statut de ce document qui a été versé


Page 175

  1   au dossier dans cette affaire précédemment.

  2   M. FARRELL : [interprétation] Si vous me permettez de prendre la parole, ce

  3   document a déjà été versé au dossier. Donc, nous n'avons pas d'objections à

  4   formuler pour ce qui est du document lui-même. Bien entendu, s'il y a

  5   objection, elle se réfère au fait que ce témoin ne peut pas, n'est pas en

  6   mesure de parler de l'état d'esprit de la personne, qui est l'auteur de ce

  7   document, qu'il n'a jamais vue auparavant puisque, donc il ne l'a vue que

  8   pour la première fois, qu'aujourd'hui.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. Nous allons y revenir après

 10   la pause.Le témoin est libre de partir.

 11   Et tout d'abord, permettez-moi de remercier le témoin. Vous êtes libre de

 12   partir.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 14   M. FARRELL : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je prendre la

 15   parole ? Je souhaite m'adresser à la Chambre un instant. Ou peut-être

 16   devrais-je attendre que le témoin parte.

 17   [Le témoin se retire]

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie, vous avez la parole.

 19   M. FARRELL : [interprétation] Je tenais simplement à vous informer que Mme

 20   Bibles était ici simplement pour poser des questions à M. Deronjic et elle

 21   souhaitait demander votre autorisation à s'absenter. Et je tiens à vous

 22   informer que c'est M. McCloskey qui nous rejoint et c'est lui qui

 23   s'occupera des deux témoins suivants. Peut-il avoir l'autorisation de nous

 24   rejoindre ?

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Tout à fait. Et je tiens à remercier


Page 176

  1   Mme Bibles du travail qu'elle a fait.

  2   M. FARRELL : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pouvons-nous faire entrer le témoin

  4   suivant.

  5   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avant que le témoin n'entre dans le

  7   prétoire, j'ai recueilli l'avis de mes collègues, membres de la Chambre et

  8   je ne pense pas que nous allons expurger du compte rendu d'audience la

  9   question qui a été posée par le conseil de la Défense au sujet de cette

 10   pièce à conviction particulière.

 11   Ceci étant dit, j'attire l'attention des parties sur le fait que la Chambre

 12   réfléchit avec beaucoup d'attention au poids qu'elle accordera à la fois au

 13   transcript et à la question posée par la Défense au sujet de celui-ci.

 14   Donc, il n'y aura pas d'expurgation de cette portion-là.

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Obrenovic est notre témoin

 17   suivant.

 18   Monsieur Obrenovic, m'entendez-vous ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends, oui, Monsieur le Juge.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avant que l'on ne vous  demande de lire

 21   le texte de la déclaration solennelle, je tiens à m'assurer que vous avez

 22   bien un conseil, qui vous représente ici et qui est parmi nous dans le

 23   prétoire. Monsieur Dusan Slijepcevic, peut-il se présenter ?

 24   Vous m'entendez ?

 25   M. SLIJEPCEVIC : [interprétation] Oui.


Page 177

  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. Slijepcevic, permettez-moi de vous rappeler que vous êtes en droit

  3   d'intervenir lorsque vous souhaitez protéger les droits de votre client,

  4   mais que vous ne pouvez pas intervenir quant à l'aspect factuel de sa

  5   déposition.

  6   Et je demanderais à présent à Monsieur Obrenovic de donner lecture de la

  7   déclaration solennelle qui lui est tendue par l'Huissier.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Je déclare solennellement que je dirais la vérité, toute la vérité et rien

 10   que la vérité.

 11   LE TÉMOIN: DRAGAN OBRENOVIC [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

 14   asseoir.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Obrenovic, la Défense

 17   commencera par vous posez des questions.

 18   Et par la suite, l'Accusation vous posera peut-être elle aussi à son tour

 19   des questions. Je vous en prie, Monsieur Sepenuk, vous pouvez poursuivre.

 20   M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Allez-y.

 22   Interrogatoire par M. Sepenuk : 

 23   M. SEPENUK : [interprétation] Je suis Norman Sepenuk et je suis ensemble

 24   avec Monsieur Petrusic. Je représente ici le général Krstic. D'après ce que

 25   j'ai compris, vous avez déjà déposé dans une affaire au sujet du colonel


Page 178

  1   Blagojevic et le commandant Jokic. Est-ce exact ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Et vous avez déposé pendant plusieurs jours en octobre, si je ne me

  4   trompe pas ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Monsieur Obrenovic, si toutes ces questions, qui vous ont été posées, à

  7   ce moment-là, vous étaient posées de nouveau, est-ce que vous fournirez les

  8   mêmes réponses ?

  9   R.  C'est exact.

 10   M. SEPENUK : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître.

 12   Je suppose que sa déposition fournie précédemment fera partie de notre

 13   dossier.

 14   M. SEPENUK : [interprétation] C'est cela, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et vous ne souhaitez pas poser d'autres

 16   questions.

 17   M. SEPENUK : [interprétation] C'est exact. L'ensemble de sa déposition a

 18   été versé au dossier.

 19   M. Farrell insiste sur les aspects pertinents de certains éléments de cette

 20   déposition et nous nous estimons que d'autres éléments sont pertinents. Je

 21   pense que cela sera clair pendant l'échange oral de nos arguments.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Sepenuk.

 23   Monsieur Farrell, il en ressort de vos écritures que vous ne souhaitez pas

 24   poser de procédures au contre-interrogatoire, est-ce exact ?

 25   M. FARRELL : [interprétation] C'est exact.


Page 179

  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] A moins que mes collègues ne souhaitent

  2   poser des questions --

  3   M. FARRELL : [aucune interprétation]

  4   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  5   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

  6   M. FARRELL : [interprétation] Si je puis simplement apporter un

  7   éclaircissement. Initialement, nous avons compris que la Défense souhaitait

  8   ce versement pour les raisons qui étaient les siennes et que l'Accusation,

  9   par la suite, allait demander la comparution de ce témoin pour d'autres

 10   raisons. Compte tenu du fait que Me Sepenuk vous a déjà informé de cela, il

 11   n'y a pas lieu pour nous de poursuivre.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc les portions qui vous intéressent

 13   constituent désormais partie intégrante de notre dossier. Il n'y a pas lieu

 14   de poursuivre.

 15   M. FARRELL : [interprétation] C'est exact. Je demande simplement leur

 16   versement en application de l'Article 89(F), conformément à la décision

 17   prise dans l'affaire Milosevic. J'ai des exemplaires que je peux fournir et

 18   donc cela fera officiellement partie de notre contre rendu d'audience. Il y

 19   a des portions du transcript auxquelles nous nous sommes référées dans

 20   notre requête demandant la présentation des éléments de preuve

 21   supplémentaires.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, Monsieur Sepenuk.

 23   M. SEPENUK : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 25   M. SEPENUK : [interprétation] Nous souhaitons procéder de la même façon.


Page 180

  1   Malheureusement, lorsque nous avons présenté notre requête en l'application

  2   de l'Article 115, nous avions uniquement la partie non officielle de la

  3   transcription et, si vous l'acceptez, nous souhaitons verser le transcript

  4   officiel et le fournir au Greffe au moment où ce sera approprié.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais nous parlons de la même chose.

  6   M. SEPENUK : [interprétation] Tout à fait.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pouvons-nous laisser repartir M.

  8   Obrenovic.

  9   M. FARRELL : [interprétation] Ceci ne pose aucun problème.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Obrenovic, je vous remercie

 11   d'être venu. Vous pouvez partir.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 13   [Le témoin se retire]

 14   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous êtes je suppose Monsieur Momir

 17   Nikolic.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends, Monsieur le Juge. Oui,

 19   je suis Momir Nikolic.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si je comprends bien, M. Kirsch est

 21   votre Conseil et il est présent ici. Pouvez-vous présenter, s'il vous

 22   plaît, la Défense.

 23   M. KIRSCH : [interprétation] Je suis Stefan Kirsch. Je suis co-conseil pour

 24   M. Nikolic et j'ai ici mon interprète, Mme Vesna Anic.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie


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  1   d'être venu assister à cette audience. Monsieur Kirsch, vous connaissez

  2   notre manière habituelle de procéder, à savoir lorsqu'il s'agit des droits

  3   de votre client, mais vous ne pouvez pas intervenir au sujet des faits

  4   contenus dans sa déposition.

  5   Monsieur Nikolic, pouvez-vous s'il vous plaît donner lecture de la

  6   déclaration solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN: MOMIR NIKOLIC; [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

 12   asseoir.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Comme nous le savons Monsieur Momir

 15   Nikolic est cité ici en tant que témoin en réplique pour l'Accusation.

 16   J'invite donc l'Accusation à prendre la parole.

 17   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 18   Messieurs les Juges.

 19   Interrogatoire par M. McCloskey :

 20   Q. Bonjour, Monsieur Nikolic.

 21   Monsieur Nikolic vous rappelez-vous avoir déposé pendant plusieurs jours

 22   dans l'affaire concernant M. Blagojevic et M. Jokic ?

 23   R.  Oui, Monsieur le Procureur, je me souviens avoir déposé pendant huit

 24   jours dans ce même prétoire ou dans l'un des prétoires de ce Tribunal.

 25   Q.  Vous rappelez-vous également votre audience portant sur la


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  1   détermination de la peine, avoir apporté quelques éclaircissements sur des

  2   portions brèves de cette déposition ?

  3   R.  Oui, je me souviens de cette audience, j'ai mentionné ma déposition et

  4   entre autres choses, j'ai précisé à l'intention de la Chambre deux

  5   questions au sujet desquelles je pensais que des éclaircissements étaient

  6   nécessaires. Si vous le souhaitez je suis prêt à vous citer ces deux

  7   questions.

  8   Q.  Il ne faudrait pas le faire en détails mais vous pourriez le faire. Je

  9   voudrais simplement vous poser une question ou deux. Si on vous posait

 10   aujourd'hui les mêmes questions, est-ce que vous fourniriez les mêmes

 11   réponses qu'à ce moment-là ? Bien entendu compte tenu des éclaircissements

 12   que vous avez apportés.

 13   R.  En principe oui, Monsieur le Procureur. Dans ma déposition j'ai répondu

 14   à un certain nombre de questions et j'ai apporté aussi des

 15   éclaircissements. Et bien ces deux pris en compte ce serait -- vous

 16   fourniraient une réponse complète. Et à l'époque, j'avais présenté à la

 17   Chambre de première instance des documents, un jeu de documents que je

 18   souhaitais proposer pour appuyer la véracité de ma déposition, et je suis

 19   prêt aujourd'hui aussi à fournir ces documents à la Chambre.

 20   Q.  Je vous remercie, Monsieur Nikolic.

 21   M. McCLOSKEY : [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] La déposition précédemment faite par M.

 23   Nikolic, si je comprends bien, a été admise et ceci sera consigné au compte

 24   rendu d'audience de cette Chambre.

 25   Je suppose que vous n'avez pas d'autres questions.


Page 183

  1   M. McCLOSKEY : [interprétation] L'Accusation cesse là, Monsieur le

  2   Président.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors je me tourne à la Défense. Il en

  4   ressort de vos écritures que vous n'avez pas l'intention d'examiner ce

  5   témoin.

  6   M. SEPENUK : [interprétation] C'est exact. A la fin de sa déposition M.

  7   Nikolic vient de dire qu'il a un jeu de documents qu'il souhaite fournir à

  8   la Chambre. Je n'ai pas tout à fait bien compris s'il s'agit de documents

  9   qui ont été fournis ou qu'il souhaite fournir. Peut-être que l'Accusation

 10   pourrait nous éclairer là-dessus.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne pense pas qu'il faudrait que l'on

 12   aborde cette question, mais très brièvement si vous le souhaitez vous

 13   pouvez le faire.

 14   M. FARRELL : [interprétation] Si vous souhaitez Monsieur le Président, je

 15   peux vous dire de quoi il s'agit. La position de l'Accusation est qu'il ne

 16   s'agit pas d'éléments pertinents en l'espèce.

 17   M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Cela me satisfait. Compte tenu de la

 19   situation, je tiens à remercier M. Nikolic d'être venu déposer. Vous pouvez

 20   partir.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 22   [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je souhaite consulter les interprètes

 24   au sujet de la suite des événements. Si les interprètes sont fatigués, nous

 25   allons faire une pause. Sinon nous allons poursuivre avec l'intervention


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  1   des parties au sujet du poids accordé aux éléments de preuve versés au

  2   dossier par les deux parties. Donc tout dépend des interprètes en fin de

  3   compte. Nous en avons encore pour deux fois 30 minutes. Je n'ai pas entendu

  4   les interprètes.

  5   L'INTERPRÈTE : Oui, ils préfèrent une pause.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et bien, il en sera ainsi.

  7   L'audience reprendra à 16 heures 00.

  8   --- L'audience est suspendue à 15 heures 35.

  9   --- L'audience est reprise à 16 heures 06.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que le conseil de la Défense

 11   souhaite présenter une requête ? Ai-je bien compris ?

 12   M. SEPENUK : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Allez-y.

 14   M. SEPENUK : [interprétation] Il s'agit de la déposition de M. Butler,

 15   l'expert militaire de l'Accusation.

 16   Quelques mots d'introduction, le bureau du Procureur très récemment, le 18

 17   novembre, a déposé une requête au terme de l'Article 68 du règlement pour

 18   le versement au dossier de la déposition de M. Butler, puisque M. Butler a

 19   déposé très récemment dans l'affaire Blagojevic et Jokic, sur la question

 20   de savoir ce qui signifie l'expression "là-bas, là-haut" ? Est-ce que cela

 21   désigne la zone des combats ou bien est-ce que ceci désigne la zone autour

 22   de la ferme de Branjevo où ont lieu les exécutions.

 23   Or, comme vous le savez, M. Obrenovic a maintenant dit que "là-haut", cela

 24   désigne la zone des combats où il y avait des combats contre la colonne

 25   musulmane. Et le retard de l'arrivée avait trait à l'arrivée des troupes de


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  1   la Brigade de Bratunac, là-bas, sur la zone des combats et pas sur les

  2   sites d'exécutions. M. Butler reconnaît que c'est une bonne interprétation

  3   des éléments de preuve.

  4   Cependant, l'Accusation n'accepte pas cela dans son intégralité,

  5   puisqu'elle affirme toujours que le général Krstic a envoyé un certain

  6   nombre de troupes le jour de l'exécution et nous le contestons vivement.

  7   Mais au moins, il y a un point sur lequel nous sommes d'accord, c'est la

  8   nature de la déposition de M. Blagojevic et les conclusions qu'il faut en

  9   tirer, et M. Butler est d'accord avec cela.  C'est pourquoi nous demandons

 10   le versement au dossier de la déposition de M. Butler au terme de l'Article

 11   115 et, mercredi ou jeudi, nous souhaiterions procéder avec M. Butler de la

 12   même manière que nous avons procédé avec M. Obrenovic et M. Nikolic. Je

 13   crois que l'Accusation est d'accord.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sepenuk. Nous avons

 15   entendu votre requête déposée oralement aux fins de versement au dossier de

 16   la déposition au dossier de M. Butler, venant de l'affaire Blagojevic.

 17   Je me tourne vers M. Farrell pour confirmer que vous êtes d'accord avec

 18   cela.

 19   M. FARRELL : [interprétation] Oui. M. Sepenuk m'en a parlé. Nous en avons

 20   discuté et les deux annexes, annexe A et B ont été déposées en tant

 21   qu'éléments de preuve supplémentaires le 18 novembre. Nous n'avons pas

 22   d'objections à ce que ces deux annexes soient présentées en tant que

 23   témoignage de M. Butler dans l'affaire Blagojevic. Il viendra le confirmer

 24   de la même manière que les deux autres témoins l'ont fait aujourd'hui.

 25   Merci.


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, M. Farrell.

  2   Au nom de la Chambre, je peux vous déclarer que nous faisons droit à cette

  3   requête. Et M. Sepenuk, au début de l'audience sur le fond de l'appel

  4   mercredi matin, je souhaiterais que vous présentiez cette déposition en

  5   annonçant qu'elle est versée au dossier.

  6   M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous passons maintenant à la dernière

  8   étape de nos débats, ce jour. Il s'agit de la présentation des arguments

  9   des deux parties. Et je vais demander aux parties d'intervenir au sujet du

 10   poids accordé aux éléments de preuve ainsi que de leur crédibilité. Il

 11   s'agit des éléments de preuve supplémentaires qui ont été versés au

 12   dossier, ainsi que des éléments de preuve présentés en réplique.

 13   Je vais d'abord donner la parole au conseil représentant la Défense avant

 14   de donner la parole à l'Accusation.

 15   Je rappelle aux parties que l'Accusation et la Défense ont chacun 30

 16   minutes. Je souhaite attirer votre attention sur la chose suivante. Si vous

 17   souhaitez réserver une partie de ces 30 minutes pour répondre à la partie

 18   adverse, veuillez s'il vous plaît prendre vos dispositions dans ce sens et

 19   me le faire savoir.

 20   M. SEPENUK : [interprétation] Je souhaiterais mettre de coté dix minutes.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, vous allez parler 20 minutes.

 22   M. SEPENUK : [interprétation] Je m'excuse je croyais que l'Accusation

 23   pensait parler en premier, c'est pourquoi -- on a pris le support sur

 24   lequel je peux poser mes documents.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ici nous avons une infraction de


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  1   vol que nous pouvons constater en direct.

  2   M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez donc 20 minutes. Il est 16

  4   heures 10. Vous avez jusqu'à 16 heures 30.

  5   M. SEPENUK : [interprétation] Je vais commencer par la déposition de M.

  6   Deronjic. La Chambre de première instance a déclaré, au paragraphe 360 de

  7   son opinion, que l'Accusation faisait reposer sa thèse sur la théorie selon

  8   laquelle le plan d'exécution des Musulmans de Bosnie de Srebrenica avait

  9   été établi dans la soirée du 11 juillet et au petit matin du 12 juillet

 10   1995. Et j'avance respectivement que rien n'a  été présenté aujourd'hui qui

 11   puisse modifier les conclusions de la Chambre de première instance.

 12   Génocide est un crime trop grave pour qu'on puisse le faire dépendre

 13   uniquement de la déposition de M. Deronjic, et d'une seule  conversation

 14   ayant eu lieu le 8 juillet ou le 9 juillet, avec le président Karadzic

 15   pendant laquelle il aurait dit que "tout le monde devait être tué." Et il

 16   est inacceptable qu'à partir de cette seule déclaration d'en déduire un

 17   plan génocidaire pour tuer tous les hommes musulmans de Bosnie.

 18   Il s'agit d'une seule conversation qui était assortie de nombreuses

 19   conditions. Cela dépendait si Srebrenica était prise et on a fait une

 20   comparaison avec la Slavonie occidentale. Je ne suis pas un expert en la

 21   matière mais si j'ai bien compris, cela avait trait au fait de voir les

 22   civils et les militaires prendre la fuite ensemble vers la Slavonie

 23   occidentale. Et dans ces conditions on s'est dit que si cela devait être le

 24   cas, il faudrait procéder à des meurtres et à un pilonnage de cette

 25   colonne.


Page 188

  1   Mais c'était une des hypothèses envisagées. Rien de tel ne s'est produit

  2   puisque, dès le lendemain le 9 juillet 1995, nous avons une lettre qui nous

  3   vient du général Tolimir, et qui fait référence au fait que le président,

  4   de la Republika Srpska, Karadzic, a donné des ordres pour éviter de

  5   détruire des cibles civiles et de traiter la population civile et les

  6   prisonniers de guerre conformément à la convention de Genève de 1949, du 12

  7   août 1949.

  8   Et rien n'a été présenté qui aille à l'encontre de cette lettre. La

  9   conversation, qui nous a été rapportée, était une conversation unique, qui

 10   était assortie de nombreuses conditions. Je pense qu'il ne convient pas de

 11   lui accorder aucun poids.

 12   Ensuite nous arrivons à la réunion à l'hôtel Fontana et le président

 13   Karadzic donne trois possibilités à M. Deronjic. Trois options : les gens

 14   peuvent rester, les gens peuvent s'en aller ou les gens peuvent partir dans

 15   un pays tiers. Il est possible que cela a été un écran de fumée au départ.

 16   Quand j'ai vu la déposition de M. Deronjic, il y quelques mois, donc nous

 17   avons dit qu'elle ne nous a pas été remise, contrairement à l'Article 68.

 18   Mais la Chambre avait refusé de nous faire transmettre ces documents, ils

 19   ne nous ont été transmis qu'en vertu de l'Article 115. Nous avons estimé

 20   qu'il ne s'agissait pas là d'un écran de fumée, que c'était bien réel. Et

 21   nous avions déjà dit à la Chambre que nous n'allions pas poursuivre notre

 22   argument au sujet du transfert forcé, parce que nous respectons la logique

 23   de l'appel Delalic, qui estime que le simple fait de ne pas être d'accord

 24   avec la Chambre de Chambre de première instance ne suffit pas. Et nous

 25   avons l'impression cependant qu'il y a beaucoup d'éléments qui vont dans le


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  1   sens d'un transfert volontaire. Maintenant M. Deronjic nous dit qu'il

  2   s'agissait d'un rideau de fumée et nous l'acceptons. C'était le cas parce

  3   que les prisonniers allaient être transférés et il était manifeste que le

  4   général Mladic avait créé une situation dans laquelle les civils étaient

  5   contraints de partir. Mais il ne s'agissait pas là d'une tentative de créer

  6   une illusion pour ensuite tuer les gens. Ce n'est pas le cas parce que cela

  7   ne figure pas dans la lettre du 9 juillet. Ce plan d'assassinat, il n'a été

  8   réalisé qu'à partir de la nuit du 11 juillet ou du 12 juillet, quand il a

  9   été découvert que les hommes étaient séparés du groupe de Potocari, et puis

 10   ensuite que la colonne des Musulmans de Bosnie est parie vers Tuzla.

 11   Les faits parlent d'eux-mêmes. Les civils ont été transportés en toute

 12   sécurité sous les ordres du général Krstic qui ne voulait pas qu'on leur

 13   fasse du mal. D'ailleurs apparemment il était invisible puisque le témoin

 14   ne se souvient pas de l'avoir vu, il a fallu qu'il voie la vidéo.

 15   Ensuite on part au 13 juillet. Là s'est déroulée la visite de M. Beara.

 16   Nous avons résumé tous nos arguments à ce sujet. Nous disons que M. Beara

 17   devait venir de la part du général Mladic et pas de la part du président

 18   Karadzic. Nous avons résumé tous nos arguments à ce sujet, dans notre

 19   réponse aux arguments de l'Accusation. Je ne pense pas qu'il soit

 20   nécessaire que je lise cela à haute voix maintenant, mais nous avons déjà

 21   expliqué nos arguments. M. Petrusic a établi avec M. Deronjic qu'il ne

 22   disposait d'aucune information permettant de dire que Karadzic avait donné

 23   l'ordre à M. Beara, l'ordre correspondant. Il était manifeste que le

 24   colonel Beara était en mission et venait de la part de l'état major

 25   principal, et cela n'a rien à voir avec la conversation entre Deronjic et


Page 190

  1   Karadzic. Les ordres venaient du haut, venaient du général Mladic, et pas

  2   du président Karadzic, parce que, si le président Karadzic avait donné cet

  3   ordre à Beara, il l'aurait suivi or Deronjic a dit "non", vous ne pouvez

  4   pas tuer ces prisonniers. Beara est parti. Je pense qu'il s'agit là

  5   d'indications supplémentaires selon lesquelles c'est le général Mladic, et

  6   non pas le président Karadzic, qui donnait les ordres.

  7   Je souhaiterais maintenant passer à la déposition d'Obrenovic qui a été

  8   acceptée de l'Article 115. Il s'agit d'une partie la plus importante de

  9   notre dossier. Nous sommes convaincus que le général Krstic n'a jamais

 10   donné d'ordres pour que les membres de la Brigade de Bratunac aillent

 11   contribuer aux exécutions. Nous en sommes convaincus. Nous estimons qu'avec

 12   le témoignage d'Obrenovic et le témoignage de Butler, tous les éléments,

 13   disant le contraire, doivent être rejetés. Et M. Petrusic, je pense, va

 14   intervenir longuement à ce sujet parce que c'est le seul élément de preuve

 15   qui montre que le général Krstic avait connaissance de ce plan d'exécution.

 16   Je le répète, le seul élément dans ce sens, c'est cette conversation du 15

 17   juillet avec le colonel Beara. Et il a dit : "Pour se débarrasser de

 18   Beara"-- excusez mon langage -- "merde, je vais voir ce que je peux faire."

 19   Et le fait est qu'il n'a jamais rien fait.

 20   La déposition d'Obrenovic nous le montre. Les pièces à conviction 1, 2 et

 21   3, -- ou plutôt les intercalaires 1, 2 et 3 nous montrent que la capture et

 22   les exécutions constituaient une opération de l'état major principal et du

 23   MUP. Vasic le dit dans une des lettres : "Nous n'obtenons aucune aide de la

 24   VRS. On fait ça tout seul. On est en train de détruire tous les hommes, et

 25   on fait les gens prisonniers tout seul. On n'a aucune aide de la VRS. Ceci


Page 191

  1   se passe le 15 juillet 1995, au moment où le général Krstic, la Chambre de

  2   première instance l'a reconnu. Le général était impliqué à Zepa. Il était

  3   là avec le chef des opérations à Zepa, dans la nuit -- dans la soirée du 11

  4   juillet," comme le dit M. Obrenovic dans la déposition qui a maintenant été

  5   acceptée. Il a appelé le général Krstic, le 15 juillet, pour lui parler de

  6   la colonne des Musulmans de Bosnie. M. Obrenovic a dit que cela figure

  7   d'ailleurs dans l'une ses écritures. Il a dit que le général Krstic ne

  8   semblait pas savoir ce qui se passait. Il n'avait aucune idée de ce qui se

  9   passait ici. Quoiqu'il en soit, ces pièces à conviction 1, 2 et 3 le

 10   prouvent. Et nous reviendrons la semaine prochaine, lors de la présentation

 11   des arguments, nous reviendrons à ce sujet.

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   M. SEPENUK : [interprétation] S'agissant donc de ce témoin, je pense qu'il

 25   faut accorder au moins un poids minimum à la déposition de ce témoin. Il ne


Page 192

  1   convient pas de lui accorder trop d'importance.

  2   La teneur de sa déposition, c'était que les membres de la police militaire

  3   étaient subordonnés aux organes de sécurité de l'état major principal, et

  4   ont agi sans que le personnel du Corps de la Drina soit au courant, y

  5   compris les membres les plus éminents du Corps de la Drina dont le général

  6   Krstic, nous estimons, qu'avec la déposition de M. Obrenovic, il a été

  7   établi que les membres des organes chargés de la sécurité pouvaient choisir

  8   de ne pas informer le commandant du Corps de la Drina de ce qui se passait.

  9   Et cette instruction de 1994 du général Gladic est une pièce centrale. Je

 10   ne sais pas si la Chambre s'est prononcée à ce sujet, mais, sans le général

 11   Obrenovic qui a été exclu, donc on a décidé de ne pas entendre la

 12   déposition; sans ce général, cette logique ne tient plus. Donc, sans sa

 13   déposition, sans les instructions que je viens de mentionner, notre

 14   position change quelque peu; cependant, au minimum, il apparaît que les

 15   forces de sécurité pouvaient, si elles le souhaitaient, notifier l'état

 16   major principal ou pas.

 17   Mais nous -- et c'est essentiel pour nous, nous estimons que le général

 18   Krstic n'a jamais été informé, n'a jamais été notifié. Et nous y

 19   reviendrons en détail la semaine prochaine.

 20   Merci, Monsieur le Président, je m'excuse encore de mon faux pas d'il y a

 21   quelques minutes.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Je demanderai à M. Farrell

 23   d'intervenir.

 24   M. FARRELL : [interprétation] Si vous me le permettez, c'est M. Moylan qui

 25   va intervenir aujourd'hui. Je souhaite vous le présenter. C'est un nouveau


Page 193

  1   membre de notre équipe. C'est lui qui va intervenir pour présenter les

  2   arguments du Procureur.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Moylan. Je vous

  4   souhaite la bienvenue, et je vous demande -- je vous donne la parole.

  5   Vous avez jusqu'à 16 heures 55.

  6   M. MOYLAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

  7   souhaiterais commencer par donner une synthèse de mes arguments. Je vais

  8   diviser mon intervention en trois volets. Tout d'abord, je vais parler d'un

  9   certain nombre de questions qui sont encore restées sans réponse, très

 10   rapidement. Et puis je vais vous donner la position de l'Accusation à ce

 11   sujet, avant les arguments de la semaine prochaine. Ceci a trait à la

 12   crédibilité d'un certain nombre d'éléments de preuve essentiellement. Puis

 13   de parlerai des autres éléments de preuve avant de parler de M. Deronjic,

 14   puis des autres éléments en réplique présentés par l'Accusation, ainsi que

 15   des éléments supplémentaires présentés par la Défense.

 16   Donc, si vous me le permettez, je souhaiterais commencer par les éléments

 17   qui sont encore contestés par les parties, et les principales questions qui

 18   portent à contestation. Nous avons signalé notre position au sujet de

 19   l'intercalaire numéro 5. J'y reviens rapidement. Notre position est que des

 20   déclarations aux témoins qui n'ont pas fait l'objet de contre-

 21   interrogatoire ou d'interrogatoire, ne doivent pas être utilisés pour

 22   annuler un verdict. Surtout, lorsque ces éléments de preuve n'ont pas été

 23   soumis aux dispositions prévues par l'Article 92 bis du règlement.

 24   Et le témoin auquel se rapporte l'intercalaire numéro 5 n'était pas dans le

 25   prétoire. On n'a pas pu le contre-interroger. Nous estimons donc qu'il


Page 194

  1   convient d'accorder le moins de poids possible à ces éléments de preuve. Je

  2   souhaiterais rappeler à la Chambre nos arguments au sujet du témoin de

  3   l'intercalaire numéro 5, dans la réponse de l'Accusation, à la requête de

  4   la Défense en vertu de l'Article 115, en date du 15 août 2003. Nous avons,

  5   dans ce document, présenté nos arguments détaillés au sujet de la fiabilité

  6   et de la crédibilité de ce témoin.

  7   Le deuxième volet de mon intervention, au sujet des éléments qui portent

  8   encore à contestation, ce sont les éléments sur lesquels la Défense

  9   souhaite s'appuyer, s'agissant de M. Obrenovic, au sujet d'une écoute à

 10   laquelle la Chambre de première instance a fait référence dans son

 11   jugement. Je fais référence à l'écoute qui est visée au paragraphe 401 du

 12   jugement. Il s'agit en quelques mots d'une conversation entre le chef de la

 13   sécurité du Corps de la Drina et un membre des opérations au Corps de la

 14   Drina. Dans le jugement, on fait référence à cette écoute pour parler d'une

 15   tentative de communication avec le général Krstic pour lui rapporter un

 16   certain nombre d'événements.

 17   Notre situation est la suivante. L'interprétation de M. Obrenovic de cette

 18   écoute qu'il a fournie récemment dans le prétoire, est raisonnable. Nous

 19   acceptons son interprétation de cette écoute. Cela aurait pu constituer un

 20   facteur entraînant -- permettant à la Chambre de première instance

 21   d'adopter une interprétation différente de cette écoute. Mais, vu la

 22   globalité du jugement, nous ne pensons pas que cela aurait constitué un

 23   facteur décisif pour le verdict et pour les conclusions sur les faits

 24   quelles qu'elles soient.

 25   La semaine prochaine, d'autres membres de notre équipe reviendront plus en


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  1   détail sur ce point. Le point suivant que je souhaiterais aborder en

  2   quelques mots a trait à l'annexe 7 des documents en réplique de

  3   l'Accusation, ici la question contestée, l'authentification de la signature

  4   de ce document. Il s'agit, ou il semble qu'il s'agisse plutôt d'un rapport

  5   journalier du Corps de la Drina adressé à l'état major principal en date du

  6   13 juillet. Le Corps de la Drina fait rapport d'un certain nombre

  7   d'activités qui ont lieu dans la zone de responsabilités et qui ont trait,

  8   notamment, au ratissage du terrain pour essayer de faire prisonnier un

  9   certain nombre de Musulmans et cela a trait également à des activités

 10   d'embuscade dans la zone.

 11   L'Accusation prend note à ce sujet de la déposition de M. Obrenovic. Nous

 12   avons joint cela à notre requête ou à nos écritures au sujet de

 13   l'admissibilité de ce document, de ce rapport de combats journaliers. Page

 14   A5006, M. Obrenovic fournit des éléments qui permettent de corroborer ces

 15   points et permettent de se faire une idée sur la fiabilité de ce document.

 16   On a fourni un exemplaire de ce document à M. Obrenovic. Il a indiqué que

 17   ce type de rapports étaient produits dans les conditions suivantes : Les

 18   brigades du Corps préparaient un rapport d'informations sur ce qui se

 19   passait dans leurs zones de responsabilités. C'était communiqué ensuite au

 20   Corps de la Drina qui préparait son rapport elle-même et l'a communiqué à

 21   l'état major principal. Obrenovic a également ajouté que sur la base de ce

 22   qu'il savait, de la situation à l'époque sur le terrain, là où il était

 23   déployé lui-même, le rapport de combats journaliers est-il qu'il a été

 24   formulé, tel qu'il l'a lu, semblait refléter ce qui se passait à ce moment-

 25   là sur le terrain, d'après ce qu'il sait. Or à l'époque, il était dans une


Page 196

  1   situation idéale pour savoir ce qui se passait puisqu'il était sur le

  2   terrain lui-même.

  3   De plus, sur la base de son expérience du général Krstic, étant donné qu'il

  4   a été son subordonné, il a dit qu'il lui semblait que la signature qui

  5   figurait sur ce document paraissait être celle du général Krstic.

  6   D'autre part, l'Accusation prend note de la pièce 463 qui a été versée au

  7   dossier pendant le procès, un ordre dont il a été reconnu qu'il a été signé

  8   par le général Krstic et qui est envoyé à des unités subordonnées au sujet

  9   d'opérations de ratissage. La raison pour laquelle nous soulevons ce point,

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne vais entrer dans les

 11   détails, mais c'est que lorsque l'on regarde la pièce à conviction 463 de

 12   l'Accusation dans le contexte de la déposition Obrenovic et de l'annexe de

 13   l'Accusation, on constate que le sujet de chacun de ces documents est

 14   pratiquement le même. En d'autres termes, des opérations de ratissage sont

 15   réalisées autour de Srebrenica et implique les forces de deux unités

 16   spécifiques qui sont mentionnées dans les deux rapports, donc il s'agit

 17   d'un sujet qui se recoupe. Ce sont deux documents qui ont été établis le 13

 18   juillet et qui permettent de confirmer la fiabilité du document contesté.

 19   Nous notons que la Défense n'a pas contesté la déposition de M. Nikolic, et

 20   nous notons également que s'agissant de M. Nikolic et de M. Obrenovic, les

 21   informations qu'ils ont fournies au sujet de la thèse de l'Accusation, ces

 22   éléments sont particulièrement convainquant vu leurs positions au moment

 23   des faits. M. Nikolic était l'adjoint du commandant chargé de la sécurité

 24   et du renseignement au sein de la Brigade de Bratunac. Il a fourni des

 25   informations au sujet de la chaîne de commandement parallèle que la Défense


Page 197

  1   a contesté. Il a parlé de cette chaîne parallèle. Il a dit qu'il n'existait

  2   pas à sa connaissance. Il était en relation directe avec son officier

  3   supérieur, le commandant de la Brigade de Bratunac, et de plus, il a

  4   déclaré, s'agissant de l'établissement des rapports, que s'il y avait

  5   parfois des plis scellés qui étaient communiqués au chef du Corps de la

  6   Drina par le responsable de la sécurité au sein de la Brigade de Bratunac,

  7   c'était extrêmement rare de juillet à novembre 1995. En tout cas, cela ne

  8   s'est jamais produit pendant cette dernière période.

  9   De plus, M. Nikolic a fourni des éléments de preuve particulièrement

 10   convainquant au sujet du 12 juillet. Il se trouvait à l'extérieur de

 11   l'hôtel Fontana où a eu lieu la réunion dont on a déjà parlé. Et M. Nikolic

 12   a assuré la sécurité à l'extérieur du bâtiment où le général Krstic, le

 13   général Mladic, M. Deronjic et d'autres membres de l'armée et de la

 14   direction civile étaient réunis avec les représentants des Musulmans et les

 15   autorités du bataillon néerlandais.

 16   M. Nikolic s'est entretenu avec plusieurs officiers supérieurs qui avaient

 17   été des subordonnés au général Krstic et qui ont indiqué à M. Nikolic qu'il

 18   y avait eu un plan de séparation des hommes à Potocari et concernant

 19   l'exécution ultérieure de ces hommes-là.

 20   M. Obrenovic a fourni des informations analogues pour ce qui est de ces

 21   activités au sein de la Brigade de Zvornik quelque temps plus tard. M.

 22   Obrenovic avait été le commandant en exercice de la Brigade de Zvornik. Et

 23   une fois de plus, il avait occupé une position qui lui permettait de parler

 24   du fonctionnement des organes de sécurité, de la police militaire et des

 25   questions autres soulevées par la Défense. Son témoignage peut se résumer à


Page 198

  1   ce qui suit : Il a dit : M. Obrenovic a dit dans le procès Nikolic que le

  2   13 juillet, son chef de la sécurité était venu à lui alors que lui était

  3   commandant en exercice de la brigade de Zvornik et il lui a indiqué que sa

  4   mission avait été de transporter, de transférer les prisonniers musulmans

  5   vers Zvornik et de les exécuter.

  6   M. Obrenovic, à ce moment-là, a répondu : "Nous ne pouvons pas réaliser une

  7   opération de cette nature sans en informer, auparavant, le Corps de la

  8   Drina," ou, à savoir, le commandant de la brigade où le chef du Corps de la

  9   Drina, à savoir, le général Krstic. Et la réponse de ce chef de la sécurité

 10   avait dit : "Il n'est point nécessaire de faire des rapports. Les ordres

 11   viennent de Mladic et les commandants sont tous au courant." Et par la

 12   suite, Obrenovic nous dit de quelle façon il a prit part à cette opération

 13   aux fins d'apporter soutien à l'opération.

 14   Et ceci, une fois de plus, se réfère à la chaîne de commandement à laquelle

 15   se réfère la Défense, et il en est question dans nos pièces à conviction

 16   pour ce qui est de l'intercalaire 5 et des intercalaires 1 à 3. Nous

 17   estimons qu'il convient d'attribuer une importance, un poids très important

 18   aux intervenants qui avaient occupé des fonctions clés dans la Brigade de

 19   Zvornik pendant cette opération, tant donc, M. Nikolic que M. Obrenovic,

 20   pendant toute la durée de l'opération à Srebrenica, la chaîne de

 21   commandement classique n'avait pas existé pour ce qui concerne les

 22   opérations de Srebrenica.

 23   Messieurs les Juges, la Défense a également soulevé la question de

 24   l'intercalaire 5 et du contrôle exercé sur la police militaire. Je ne vais

 25   pas parler des éléments de preuve présentés à ce sujet par la Défense. Ce


Page 199

  1   que je souhaite dire, c'est que ce que l'Accusation a indiqué au niveau de

  2   la réplique et des éléments de preuve de réplique. M. Nikolic, une fois de

  3   plus, et M. Obrenovic avaient parlé du contrôle exercé au niveau des unités

  4   de la police militaire. L'un et l'autre ont indiqué qu'ils avaient la

  5   possibilité d'exercer leur contrôle sur la police militaire et qu'ils les

  6   avaient déployés de la façon dont ils avaient jugé nécessaire. Donc, quand

  7   le chef de la sécurité avait parlé de ce qu'il considérait devoir faire au

  8   niveau des sujets et lorsqu'il avait besoin de l'aide de la police

  9   militaire, il n'a pas pris des hommes de la police militaire mais il a

 10   demandé plutôt à M. Obrenovic. Et c'est M. Obrenovic qui a entrepris des

 11   démarches pour les démarches qu'il fallait pour que cela soit fait. Donc,

 12   partant du témoignage tant de M. Nikolic que de M. Obrenovic et ces hommes

 13   étaient en très bonne position de le savoir, il apparaît clairement que la

 14   police militaire avait été placé au sous commandement du commandement de la

 15   brigade.

 16   La question suivante porte sur les activités du MUP, à savoir, le ministère

 17   de l'Intérieur. Ces effectifs-là avaient été déployés le long de la route

 18   sur des emplacements importants, là où avait été capturé des hommes de ces

 19   effectifs musulmans. M. Vasic avait été à la tête de cette police

 20   municipale de Zvornik. Dans ces rapports, il indique que le MUP, la police

 21   déploie ses activités et ses opérations directement sous le commandement de

 22   Mladic et sans que le Grand état major de la VRS en ait connaissance.

 23   Messieurs les Juges, nous nous référons ici à un certain nombre d'éléments

 24   de preuve qui sont cités dans le jugement et nous nous référons notamment

 25   aux paragraphes 283 à 289 du jugement de la Chambre de première instance.


Page 200

  1   Et la Chambre a estimé que quoi qu'il n'y ait pas eu de lignes de

  2   commandement ou de chaînes de commandement directes, il y avait des

  3   contacts entre le Corps de la Drina et le MUP, ainsi qu'une sorte de

  4   coordination entre le MUP et les Unités du Corps de la Drina.

  5   M. Obrenovic, dans son témoignage, a parlé de toute une série de contacts

  6   qu'il a eus et lorsque -- le 12 juillet, lorsqu'on a commencé à faire venir

  7   les premiers prisonniers, qui avaient essayé de traverser la route, là où

  8   s'étaient déployées les Unités du MUP, Obrenovic a parlé de toute une série

  9   de contacts qu'il avait eus précisément avec le MUP -- pour gagner, pour

 10   économiser le temps je ne vais pas parler plus en détails, je n'en ai pas

 11   le temps d'ailleurs -- mais je voudrais indiquer qu'il y a des éléments de

 12   preuve en réplique. L'Accusation a communiqué -- a versé en date du 20

 13   octobre 2003.

 14   Je me propose, Messieurs les Juges, de me référer maintenant au témoignage

 15   de M. Deronjic, témoignage auquel s'est référé le conseil de la Défense de

 16   l'accusé -- de l'appellent. On a là indiqué que

 17   M. Deronjic, dans son témoignage, n'a jamais impliqué le général Krstic. Il

 18   est tout à fait clair qu'il a eu très peu de contacts pour sa part avec le

 19   commandement du Corps de la Drina, mais le bureau du Procureur a une

 20   interview tout à fait autre. Ce bureau du Procureur, au sujet du témoignage

 21   de M. Deronjic, a présenté la thèse suivante : ces éléments de preuve

 22   peuvent être utilisés comme une espèce de lentilles de contacts. On peut

 23   observer par le biais de cette lentille les éléments et les activités et le

 24   comportement suite à la fin de l'opération. Et cela sera utile à la Chambre

 25   pour comprendre l'évolution des événements et comment la signification de


Page 201

  1   différents éléments de ces événements, en particulier. Le bureau du

  2   Procureur estime que, lorsque ce témoignage-là est utilisé de cette façon,

  3   il devient plus clair qu'auparavant -- qu'il y avait eu une stratégie

  4   générale pour ce qui est des événements au fur et à mesure de leur

  5   déroulement dans l'enclave de Srebrenica, et l'objectif avait été celui de

  6   commettre un génocide.

  7   Et il n'y avait pas à ce moment-là un plan opérationnel tout à fait clair à

  8   cette phase initiale, comme l'a dit d'ailleurs

  9   M. Deronjic. On ne savait pas quel allait être le comportement de cette

 10   communauté de civils au moment de l'attaque. Mais il apparaît clairement

 11   qu'il y a toute une série de questions à prendre en compte. Les objectifs

 12   militaires de l'opération, d'après les conclusions formulées par la Chambre

 13   de première instance, avaient visé à créer une crise humanitaire au sein de

 14   l'enclave, qui plus elle, le 10 et le 11, et cela s'est poursuivie le 12

 15   juillet, donc tout de suite avant, et suite à la prise de Srebrenica, il y

 16   a eu des pilonnages aveugles de Srebrenica, y compris les parties de

 17   population musulmane qui se déplaçaient depuis Srebrenica vers Potocari. Il

 18   y a des indications qui montrent qu'il n'y avait pas suffisamment de

 19   vivres, d'eau et de matériels médicales pour les réfugiés. Cela n'avait pas

 20   été assuré pour assurer la réalisation du plan et qui plus -- et il y a eu

 21   toute une série d'exécutions qui se sont déroulées pendant l'opération.

 22   Nous savons comment l'opération s'est déroulée et il nous paraît plutôt

 23   ironique que d'entendre l'appelant dire que deux éléments de preuve

 24   isolées, à savoir, le document du général Tolimir et la déclaration du

 25   général Krstic, qui avaient déclaré qu'il ne fallait pas qu'il manque un


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  1   cheveu de la tête des réfugiés. Ce sont des déclarations qui peuvent être

  2   difficilement comprises et placées dans le contexte des événements dans

  3   leur ensemble.

  4   Pour mieux comprendre le dit contexte, il semble que l'opération toute

  5   entière avait été planifiée, de façon tout à fait consistante et les dires

  6   de M. Deronjic nous montrent qu'il y avait eu implication des effectifs de

  7   la FORPRONU, et il y avait l'attention des médias internationaux, et il

  8   devient tout à fait clair à nos yeux quel avait été le rôle de ces deux

  9   éléments de preuve, si on les prenaient de façon isolée. Tout d'abord, il

 10   convient de parler de la position prise par le président Karadzic.

 11   Nous savons qu'il avait eu pour rôle celui de commandant Suprême des forces

 12   armées, cela sous-entend les buts militaires et les effectifs du MUP. Le

 13   fait qu'il ait été fait référence aux principes de la Slovanie occidentale

 14   revêt de l'importance, si l'on le place dans le contexte de pilonnage des

 15   civils et des militaires qui, dans une colonne mixte, avaient essayé de

 16   fuir la Slovanie occidentale. Il s'agissait cette fois-ci de Serbes. Et si

 17   nous nous penchons sur cet aspect-là, on voit qu'il a été aveuglement

 18   procéder aux pilonnages de civils qui fuyaient en direction de Potocari.

 19   Maintenant, pour ce qui est de la prise militaire de la ville, le général

 20   Krstic a participé en personne à la planification de l'opération Krivaja 95

 21   et c'est ce qui fait qu'il avait occupé le poste de commandement avancé

 22   comme l'a indiqué M. Deronjic.

 23   La Chambre a d'ailleurs constaté qu'il avait personnellement pris part à la

 24   planification de l'opération quand Karadzic a donné l'ordre de s'emparer de

 25   l'enclave. L'ordre avait été donné de façon directe au général Kostic et le


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  1   tout s'est passé dans un délai de quelques jours, de deux ou trois jours.

  2   Et suite aux entretiens qu'a eus M. Deronjic avec le président Karadzic,

  3   donc cet intervalle de temps très bref ne vient que renforcer le point de

  4   vue au terme duquel les commentaires qui ont été faits à cette époque, y

  5   compris ce qui a porté sur le pilonnage de l'enclave et l'évolution des

  6   événements qui se sont ensuivis, cela nous indique qu'il y a un suivi des

  7   opérations et il convient de parler également de la planification

  8   opérationnelle de ce qui s'est passé à Bratunac. Il a été question de

  9   transfert des prisonniers et de la réalisation d'exécutions en masse,

 10   éléments qui ont été conçus ou planifiés entre le 11 et le 12.

 11   Comme je l'ai déjà dit, lorsque le président Karadzic a fait ses

 12   commentaires, il n'y a peut-être pas eu de plan tout à fait net et Deronjic

 13   l'a d'ailleurs indiqué au président Karadzic. Il a dit qu'il ne pouvait pas

 14   faire de conjectures pour ce qui allait se passer avec la population

 15   civile.

 16   Mais une fois de plus, lorsqu'on se réfère aux circonstances de Bratunac et

 17   lorsqu'on se réfère à la réunion de l'hôtel Fontana, nous avons parlé du

 18   commandant Nikolic et, le matin du 12, il devait y avoir un plan

 19   opérationnel qui consistait à mettre de côté les hommes et à les exécuter.

 20   Il existait également un plan opérationnel pour ce qui est du transfert des

 21   femmes et des enfants, ainsi que des personnes âgées. Vous avez entendu M.

 22   Deronjic en parler et c'est ce dont il est question dans le jugement de

 23   première instance.

 24   Mais l'année d'avant, le 11 juillet, le général Mladic a formulé un

 25   ultimatum à l'intention de la population musulmane de Potocari, en disant


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  1   qu'il pouvait soit de survivre, soit disparaître. Les officiers supérieurs,

  2   y compris le général Mladic et le général Krstic, qui avaient été présents

  3   à cette réunion et qui, suivant la thèse du bureau du Procureur, allaient

  4   vite être révoqués, ont été présents et il y avait des officiers -- des

  5   hauts officiers du MUP. La nature de l'opération avait nécessité un grand

  6   nombre de ressources, beaucoup de personnel et il y avait eu participation

  7   de l'état major de la VRS, il y avait participation des brigades

  8   subordonnées, il y avait le MUP. Et Deronjic a également joué un rôle au

  9   niveau de ce processus de planification et subordonné du général Krstic

 10   dans le Corps de la Drina et, à l'époque, ils s'agissaient de personnes que

 11   nous avons déjà mentionné, à savoir, les officiers chargés de la Sécurité

 12   et du Renseignement dans le Corps de la Drina. Et le commandant Nikolic a

 13   précisément parlé du plan qu'il y avait de mettre de coté les hommes et des

 14   les exécuter. La Chambre de première instance a également pu constater

 15   partant des éléments de preuve qui lui ont été présentés, que le 13 juillet

 16   compte tenu de la succession des événements, y compris des exécutions en

 17   masse qui se sont passées dans les zones de responsabilités du MUP, il

 18   s'est avéré que le général Krstic et le Corps de la Drina devaient

 19   forcément savoir ce qui se passait sur ce terrain. En outre le colonel

 20   Beara, qui a été en corrélation en liaison avec le général Krstic, deux

 21   jours plus tard, le 15 juillet il a été intercepté un message ou une

 22   conversation et la Chambre de première instance a agréé cet élément de

 23   preuve en tant que tel.

 24   Donc Messieurs les Juges, ce que nous voulons dire c'est que les éléments

 25   de preuve ont un poids très grand, il ne suffit pas de prendre un


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  1   témoignage à part qui est celui de M. Deronjic pour sous peser la

  2   participation et l'implication du général Krstic dans ces événements. Nous

  3   estimons pour notre part qu'il y avait un plan opérationnel qui était celui

  4   de s'emparer de Srebrenica et qu'il y avait un plan de d'exécution massive

  5   et ainsi qu'un plan de transfert par la force d'une partie de la

  6   population. Nous estimons que cela faisait partie d'un plan plus large,

  7   d'un plan stratégique qui devait forcément exister au moins à l'époque où

  8   M. Deronjic a eu cette conversation avec Karadzic.

  9   En outre la nature des contacts qui ont eu lieu au bureau du SDS, où M.

 10   Deronjic a eu une entrevue avec le colonel Beara en la nuit du 13, nous en

 11   dit suffisamment long. Les contacts qu'il y a eu avec le président Karadzic

 12   ont eu lieu quelques heures avant seulement l'arrivée du colonel Beara dans

 13   son bureau. Et là aussi, il a été question d'un grand nombre de prisonniers

 14   qui constituaient ou qui créaient un grand problème au niveau des aspects

 15   de la sécurité, et Deronjic en a parlé avec le président Karadzic. Le

 16   président Karadzic a dit quelqu'un viendra à toi avec des instructions, et

 17   veillera ou prendra soin de ces prisonniers. Et quelques heures plus tard

 18   quelqu'un a été effectivement arrivé personne d'autre n'est arrivé. Le jour

 19   d'après, lorsque le président Karadzic et M. Deronjic se sont entretenus à

 20   ce sujet, la question a été celle d'interpréter le commentaire de Karadzic

 21   qui était celui d'affirmer que les militaires étaient des imbéciles ou des

 22   fous. Et maintenant la façon, dont M. Deronjic avait parlé de

 23   l'interprétation, se ramène à dire que l'Accusation estime que son

 24   interprétation de ces propos avait été raisonnable. En effet, le président

 25   Karadzic à la position ou aux fonctions de commandant suprême de ces forces


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  1   armées n'a rien fait pour empêcher ce qui s'était passé avec les

  2   prisonniers dans les jours qui ont suivi. Et la conclusion tirée par M.

  3   Deronjic se trouve être logique compte tenu de la façon dont les choses se

  4   sont déroulées.

  5   Notre thèse c'est celle de dire que le président Karadzic avait été

  6   responsable de l'envoi du colonel Beara et de son arrivée sur les lieux.

  7   Messieurs les Juges, je tiens à en finir avec ces propos. Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je vais m'adresser à

  9   présent à la Défense pour lui demander de mettre à profit la dizaine de

 10   minutes qui est restée à sa disposition aux fins de présenter ses arguments

 11   oraux.

 12   M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 13   ne pense pas vous prendre 10 minutes. Il est intéressant de noter que, dans

 14   cette phase de la procédure après le procès -- après la mission de ces

 15   éléments de preuve additionnels le bureau du Procureur se sert -- continue

 16   à se servir des termes qui ont été utilisés jusque-là dans la Chambre de

 17   première instance, à savoir que le général Krstic devait forcément être au

 18   courant. En page 31, où je pense aux pages 30 et 31, 32 de nos écritures,

 19   nous faisons des commentaires sur la --les faits établis par la Chambre de

 20   première instance et, au sujet du fait de ce que le général Krstic devait

 21   avoir connaissance de la chose, nous voulons dire que, dans l'appel

 22   Delalic, il a été -- comme ça a été donc dit dans l'affaire Delalic, une

 23   affaire se construit avec différents niveau qui s'accumulent d'éléments de

 24   preuve indirects. Et la Chambre doit s'interroger sur la seule conclusion

 25   raisonnable qui peut être tirée des éléments de preuve présentés, et ce


Page 207

  1   doit être la seule conclusion raisonnable. Et s'il y a une conclusion qui

  2   va dans le sens de l'innocence de l'accusé, la Chambre aurait dû l'adopter.

  3   Et ceci est illustré de la manière la plus éclatante qui soit parce que je

  4   viens de vous dire que -- parce que ce que le Procureur vient de dire au

  5   sujet de la visite du colonel Beara. Nous avons déjà présenté nos éléments

  6   écrits à ce sujet pour montrer que l'ordre venait du haut, mais qu'il ne

  7   venait pas du président Karadzic, qu'il venait du général Mladic. C'est une

  8   conclusion indéniablement raisonnable sur la base des éléments de preuve

  9   présentés, mais le Procureur lui regarde les éléments par une lorgnette

 10   qu'il faudrait éclaircir et qui lui brouille la vue. Le Procureur nous dit

 11   que les éléments de preuve présentés par Deronjic nous donne une nouvelle

 12   vision des choses, mais je pense que cela contribue plutôt à déformer la

 13   réalité et qu'il convient d'accorder à cette déposition un poids le plus

 14   minime qu'il soit. Nous estimons, de manière générale, que la Chambre doit

 15   examiner doit se pencher sur la logique qui est celle de la Chambre d'appel

 16   dans l'arrêt Delalic. Et nous espérons pouvoir entrer dans plus de détail

 17   dans notre argumentation la semaine prochaine, sur la conclusion que nous

 18   demandons à la Chambre de tirer des éléments de preuve présentés, à savoir

 19   que le général Krstic n'était pas animé d'une intention génocidaire et

 20   n'avait pas l'intention de tuer ou d'exterminer le transfert forcé. C'est

 21   une question qu'il n'a pas lieu d'être ici parce que la Chambre a déposé au

 22   sujet -- a décidé au sujet de Deronjic et des éléments de preuve qu'il

 23   présente. Nous n'allons pas continuer à présenter des éléments de preuve au

 24   sujet du transfert forcé; cependant, nous allons arguer du fait qu'il n'y a

 25   pas eu d'entreprise criminelle commune, et que le général Krstic n'y pas


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  1   participé et que l'Accusation n'a pas montré au delà de tout doute

  2   raisonnable que le général Krstic avait l'intention de commettre des

  3   meurtres dans le cadre d'un plan commun.

  4   Je veux finir par la chose suivante : les seuls éléments de preuve directs

  5   qu'il y ait connaissance de l'existence de ce plan, c'est cette

  6   conversation avec le colonel Beara, du 15 juillet 1995, et nous pensons que

  7   les éléments de preuve montrent que ceci n'a pas suivi d'effet, que les

  8   hommes de la Brigade de Bratunac ne sont jamais allés apporter leur

  9   concours aux exécutions, que le général Krstic n'a jamais été animé

 10   d'aucune intention génocidaire ou meurtrière à l'encontre des hommes

 11   musulmans de Bosnie. Il n'a jamais contribué à cette opération.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sepenuk. Avec votre

 13   intervention, nous en arrivons à la fin de l'audience de ce jour. Je

 14   souhaite remercier la Défense et l'Accusation de leur contribution. Comme

 15   vous le savez, nous allons nous retrouver pour entendre les débats sur le

 16   mérite de cet appel, à 9 heures 30, le mercredi 26 novembre, et nous

 17   commencerons par la requête 115 à laquelle nous avons fait droit. Ceci ne

 18   devrait prendre que deux ou trois minutes, avant de poursuivre et

 19   d'entendre les parties intervenir au sujet du mérite de l'appel.

 20   Merci et l'audience est levée.

 21   --- L'audience est levée à 16 heures 58 et reprendra le mercredi 26

 22   novembre 2003, à 9 heures 30.

 23

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