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1 Le mardi 21 mars 2000
2 [Audience publique]
3 [Les accusés entrent dans la Cour]
4 [Le témoin entre dans la Cour]
5 --- L’audience débute à 9 h 33
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : La Greffière
7 pourrait-elle annoncer l’affaire ?
8 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T, Le Procureur
9 contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic.
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je suppose
11 que les parties sont composées comme hier et je propose
12 qu’on poursuive.
13 Me RYNEVELD (interprétation) : Je vous remercie,
14 Madame la Présidente.
15 Mais avant de commencer, puis-je vous adresser une
16 demande formelle pour que la Chambre de première instance
17 autorise que l’on procède d’une certaine sorte avec ce
18 témoin, à savoir j’ai déjà demandé à la Défense que les
19 traits du visage soient déformés et qu’ils n’apparaissent
20 pas à l’écran ? Nous avons déjà demandé cela et nous
21 demandons à la Chambre de nous l’accorder à présent.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je m’adresse
23 à la Défense. Pouvez-vous accepter cela ?
24 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la
25 Présidente et Messieurs les Juges. J’ai déjà entendu mon
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1 collègue à ce sujet et nous sommes d’accord avec les
2 mesures de protection qui ont été demandées.
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous
4 remercie.
5 Nous pouvons continuer. Les mesures qui ont été
6 demandées sont accordées par la Chambre.
7 Me RYNEVELD (interprétation) : Je vous remercie.
8 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
9 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
10 rien que la vérité.
11 TÉMOIN : TÉMOIN 33 (ASSERMENTÉE)
12 INTERROGÉE PAR Me RYNEVELD :
13 Q. Témoin, vous allez voir un bout de papier.
14 Je voudrais que vous le regardiez.
15 R. [Signe de tête]
16 Q. Vous l’avez consulté. Votre nom et votre
17 numéro de témoin figurent-ils sur ce papier ?
18 R. Oui.
19 Q. Je m’adresserai à vous en utilisant ce numéro
20 tout au long de votre déposition et tous mes collègues,
21 lorsqu’ils vous parleront, utiliseront ce même numéro.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : Cette note a été
23 montrée à la Chambre. Je vous remercie. S’il convient de
24 le verser au dossier, ce serait la pièce 176, mais je ne
25 sais pas si vous souhaitez qu’on le verse.
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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Il est
2 sous scellé.
3 Me RYNEVELD (interprétation) : Donc, oui, sous
4 scellé. Ce serait bien le numéro 176 ?
5 LA GREFFIÈRE : Donc, le nom de ce témoin est le
6 Témoin 33 et il sera en pièce à conviction numéro 176 du
7 Procureur.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Sous scellé.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Je vous remercie.
10 Q. Vous êtes médecin et vous avez fait vos
11 études de médecine à Belgrade pour autant que je sache ?
12 R. Oui, c’est exact. Je suis médecin et j’ai
13 fait mes études de médecine à Belgrade, la médecine
14 générale, et j’ai suivi la spécialisation à Belgrade, et
15 par la suite, encore un degré de spécialisation à Zagreb.
16 Q. Et vous êtes spécialisée dans la pédiatrie ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez été élevée dans la municipalité de
19 Foca ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous vous êtes mariée là-bas et vous avez eu
22 vos enfants là-bas ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous avez travaillé comme médecin à cet
25 endroit et vous avez enseigné aux élèves en médecine à Foca
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1 dans les années qui ont précédé l’année 1992 et à partir de
2 ce moment-là pendant une brève période ?
3 R. Oui.
4 Q. Je vous remercie.
5 R. C’est moi.
6 Q. De quelle appartenance ethnique ou religieuse
7 êtes-vous ?
8 R. Je suis musulmane de religion et je suis
9 Bosniaque d’appartenance.
10 Q. Vous n’avez pas été active dans une activité
11 politique quelconque avant la guerre ?
12 R. Non.
13 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensiez
14 des relations entre les musulmans et les Serbes à l’époque
15 où vous viviez à Foca avant 1990 ? De manière générale,
16 quelles étaient les relations entre les habitants de Foca ?
17 R. Avant la guerre, ces relations étaient les
18 meilleures du monde. On n’aurait pas pu en souhaiter de
19 meilleures. Nous vivions tous de la même manière. Il n’y
20 avait pas de partage entre les Serbes, les Croates et les
21 musulmans ou d’autres. Nous vivions ensemble. Nous étions
22 très proches par un des uns ou des autres de nos enfants.
23 Il y avait environ 30 pour cent de mariages mixtes en
24 Bosnie. Nous fêtions nos fêtes religieuses ou autres
25 ensemble et nous nous rendions les uns chez les autres,
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1 chez les voisins, chez nos amis serbes ou croates pour
2 leurs fêtes religieuses. Nous nous réunissions tous.
3 C’était une vie… on n’aurait pas pu en souhaiter de
4 meilleure.
5 Q. À un moment, d’après ce que j’en sais, ces
6 relations idylliques se sont transformées : Est-ce exact ?
7 R. Oui, oui. Elles se sont modifiées
8 pratiquement du jour au lendemain, hélas.
9 Q. Pourriez-vous vous concentrer sur l’année
10 1990 ou à peu près cette période ? Un incident particulier
11 se serait-il produit à cette époque qui aurait modifié la
12 situation ?
13 R. Je ne pourrais pas préciser à quelle époque
14 exactement cela s’est produit en 1990 mais à Foca, il a
15 commencé à y avoir des séparations, des lignes de partage
16 entre les Serbes et les musulmans. Il y a eu une affaire,
17 l’affaire de Focatrans. C’est une entreprise de transport.
18 Il y a eu quelque dissension entre le directeur de cette
19 entreprise, musulman, et quelques employés qui étaient
20 d’appartenance nationale serbe, et par la suite, des partis
21 nationaux se sont constitués. Je ne sais pas si c’était en
22 1990 ou 1991. Moi, je n’ai appartenu à aucun de ces
23 partis, et à l’époque, on continuait à vivre ensemble.
24 Il y avait encore la concorde mais il a commencé à
25 se produire quelque chose qui laissait entendre qu’il
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1 fallait différencier les gens, qu’il fallait les séparer.
2 Je ne sais pas exactement comment identifier ce qui s’est
3 passé. Ce n’était pas dans la rue. Il n’y a pas eu de
4 bagarre mais entre certaines personnes, il y a eu des
5 conflits, donc des personnes d’appartenances ethniques
6 différentes, et c’est là que des partis nationaux se sont
7 constitués, le SDA et le SDS, le SDA qui était le parti de
8 la partie musulmane et le parti SDS du côté serbe.
9 Je crois que c’est ça qui a créé un terrible fossé
10 entre les gens et ça a mené à ce qui allait se produire
11 ultérieurement car en fait, en réalité, ceux qui étaient à
12 la tête de ces partis nationaux, ce qu’ils voulaient
13 c’était leurs partis, leurs états nationaux, et cela a
14 influé sur nous. Nous nous redoutions que quelque chose
15 allait se passer parce que s’il y avait eu ce partage, on
16 aurait pu continuer à vivre comme auparavant et quant à
17 nous qui ne faisions pas partie de ces partis nationaux,
18 cela nous inquiétait énormément.
19 Q. Très bien. Vous avez évoqué le SDS et le
20 SDA. Vous avez dit que c’était deux partis nationaux qui
21 ont été constitués et je suppose que c’était à peu près à
22 cette époque ?
23 R. Je crois que c’était en 1990. Je ne suis pas
24 absolument sure. Moi, je n’ai appartenu à aucun de ces
25 partis. Alors, je ne suis pas vraiment absolument sure
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1 mais je crois que c’est à cette époque-là que les partis
2 nationaux ont été constitués.
3 Q. La constitution du SDS quant à cela, vous
4 vous rappelez un incident impliquant le stade de foot de
5 Foca, un incident qui se serait produit lors de ce
6 rassemblement du SDS ?
7 R. Au stade de Foca, c’est le SDS qui a été
8 constitué. Je ne m’y suis pas rendue. C’était une
9 manifestation publique. Tout et chacun pouvait s’y rendre,
10 de quelque nationalité qu’ils soient. On pouvait venir
11 entendre quels étaient les projets et le programme du
12 parti. Donc moi, je ne m’y suis pas rendue mais les
13 personnes qui étaient à la tête du SDS sont venues :
14 Biljana Plavcic, Maksimovic, Ostojic et très semblablement
15 Karadzic. Je ne suis pas sure. Je n’y étais pas.
16 Mais après, j’en ai entendu parler à la
17 télévision, j’ai lu dans les journaux et un de mes
18 collègues est venu qui est d’une municipalité voisine,
19 Dusko Kornjaca il s’appelle, et ce qui m’a frappé moi en
20 tant que personne et en tant que médecin, en tant
21 qu’humaniste, c’était les déclarations disant que la Drina
22 coulerait de nouveau ensanglantée puisque cela a été le cas
23 pendant la Seconde Guerre mondiale, et ça, je n’arrivais
24 pas à comprendre que les gens aient pu prononcer ce genre
25 de propos. Ce n’est pas digne d’un homme et encore moins
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1 de notre profession ou lors d’un rassemblement public et
2 suite à une vie harmonieuse commune.
3 Q. Par rapport à la télévision, à la radio,
4 ainsi que ce que vous ont dit vos collègues, est-ce que
5 vous avez compris ou deviné quel devait être le sort des
6 musulmans de Foca ? Qu’est-ce qui allait leur arriver ?
7 Est-ce qu’ils allaient rester à Foca ?
8 R. L’assemblée de la République, le Parlement de
9 la République, eh bien, c’est quelque chose que nous
10 suivions à la télévision tout le temps et ces années-là,
11 des disputes, des heurts ont commencé entre ces deux partis
12 nationaux. Je me rappelle une déclaration, une déclaration
13 de Karadzic notamment. Il a dit : « Soit la Bosnie se
14 partagera le long des lignes ethniques, soit un peuple sera
15 rayé de cette région et ce peuple, ce seront les
16 musulmans. » Bien entendu que tout citoyen normalement
17 constitué a eu des craintes à partir de ce moment-là mais
18 nous espérions que cela n’allait pas se produire.
19 Q. Je vous remercie, Témoin. Pourriez-vous
20 maintenant vous reportez à la semaine qui a précédé le
21 début de la guerre à Foca ? Donc, on parle du début du
22 mois d’avril 1992. Pouvez-vous nous décrire la situation à
23 Foca pour ce qui est des détentions, l’attente et l’état
24 d’esprit des gens ? Donc, cette semaine qui a précédé la
25 guerre.
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1 R. Pour autant que je m’en souvienne, quant aux
2 relations entre les collègues, donc à l’hôpital où je
3 travaillais, les relations n’ont pas été modifiées mais ce
4 qui était un peu étonnant c’est que nos collègues serbes se
5 réunissaient un peu plus souvent entre eux dans certaines
6 pièces. Moi, j’aimais bien fréquenter les gens et discuter
7 des choses ouvertement avec tout et chacun mais quand
8 j’entrais par exemple dans une pièce comme ça, ils
9 s’arrêtaient, ils ne parlaient plus. Alors, je leur
10 disais : « Mais dites-moi de quoi parlez-vous. Est-ce que
11 vous avez des griefs à notre encontre ? » Et je ne
12 recevais pas de réponse. Néanmoins, les relations
13 restaient correctes, amicales comme avant.
14 Cependant, dans la ville… je vous le dis comme ça
15 d’après ce qui se disait. Moi, je n’étais pas membre d’un
16 parti quelconque et je travaillais, j’étais très occupée.
17 En fait, tout ce que je vous relate c’est des histoires que
18 j’ai entendues de la part des infirmières et des gens qui
19 travaillaient à l’hôpital. Donc, elles me rapportaient ce
20 qui se disait dans les foyers, dans la rue. Alors, il
21 était question de partager le SUP, donc le ministère de
22 l’Intérieur, de le partager en deux, donc une partie
23 musulmane d’une part et serbe d’autre part.
24 Donc en réalité, le peuple serait divisé en deux
25 parties dans la ville. Donc, vous avez les Serbes d’un
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1 côté et les musulmans. Si je ne parle pas de Croates,
2 c’est parce qu’il y en avait très, très peu dans notre
3 ville. Et ça, ça nous faisait très peur car partager,
4 diviser les institutions qui protégeaient les deux peuples,
5 cela ne pouvait pas mener à quelque chose de bien.
6 Pour autant que je sache, les gens qui étaient
7 employés au sein du SUP, ils n’étaient pas d’accord avec
8 ça. Ils étaient des amis. Ça faisait des années qu’ils
9 travaillaient ensemble. Ils entretenaient des relations
10 correctes et ils ne voyaient pas pourquoi il y aurait une
11 division. Mais je pense que Maksimovic, Ostojic, Cancar,
12 donc ceux qui étaient du SDS, ils insistaient sur cela et
13 je pense qu’effectivement, il y a eu cette division et le
14 chaos s’est ensuivi.
15 Q. Puis-je vous interrompre à cet endroit ? Je
16 voudrais revenir sur un quelque petit point que vous avez
17 évoqué dans votre réponse. Premièrement, vous avez dit que
18 vos collègues au travail, à l’hôpital, arrêtaient de parler
19 ou quelques-uns d’entre eux s’arrêtaient de parler quand
20 vous entriez. C’était des musulmans ou des Serbes ?
21 R. Ils n’ont pas arrêté de nous parler à nous
22 mais ils se réunissaient dans certaines pièces entre eux.
23 Ils étaient tous de même appartenance nationale et s’ils
24 étaient en train de discuter, au moment qu’un collègue
25 musulman entrait, ils s’interrompaient net. Mais pour ce
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1 qui est de nos relations de travail, elles se sont
2 poursuivies comme auparavant.
3 Donc, quand ils se trouvaient entre eux, par
4 exemple les Serbes, à discuter de quelque chose, à parler
5 de quelque chose, s’il y avait un musulman qui entrait dans
6 la pièce, ce n’était pas agréable pour nous, c’est vrai, de
7 voir les voix s’interrompre comme ça, mais au niveau des
8 relations entre collègues, cela ne s’est pas modifié.
9 C’est juste donc le fait qu’eux s’arrêtaient de parler.
10 Donc, c’est ça qui suscitait ce doute dans nos esprits que
11 quelque chose n’allait pas bien.
12 Q. Merci. La deuxième clarification s’il vous
13 plaît. Vous avez mentionné le SUP. Il me semble que vous
14 avez dit ce que c’était. C’est un autre nom pour la police
15 locale, est-ce exact ou c’est une erreur ?
16 R. Oui, oui. C’est le nom qu’on emploie pour la
17 police locale.
18 Q. Vous l’avez également appelé ministère de
19 l’Intérieur ou quelque chose comme ça ? Comment l’avez-
20 vous appelé ?
21 R. Ça s’appelait Secrétariat des Relations
22 intérieures.
23 Q. Donc, c’était la police qui était chargée de
24 mettre en œuvre les lois, d’appliquer la loi dans la
25 municipalité de Foca ?
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1 R. Oui, oui.
2 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, les
3 hommes politiques de l’époque voulaient partager donc cette
4 police entre les Serbes et les musulmans ?
5 R. Oui. C’est ce que je voulais dire. Les
6 politiciens voulaient partager donc la police pour qu’il y
7 ait une partie serbe et une partie musulmane. Les Serbes
8 travailleront donc avec les Serbes et les musulmans avec
9 les musulmans et il y aurait des contacts entre eux. Du
10 moins, c’est ça que disaient les rumeurs qui couraient dans
11 la ville.
12 Q. Et c’était de toute évidence une modification
13 par rapport à la situation d’avant ?
14 R. Oui. C’était un grand changement. Nous
15 avions vraiment très peur parce que nous ne nous attendions
16 pas à ce que quoi que ce soit se produise suite à cette vie
17 commune de qualité. Avant, nous n’avions aucune raison de
18 craindre quoi que ce soit, mais à partir du moment où on
19 commence à partager, à diviser les gens, il y avait toute
20 raison de craindre que de mauvaises choses se produisent et
21 que les relations s’enveniment.
22 Q. Vous pouviez voir ou entendre quoi que ce
23 soit vous laissant entendre que les gens réagissaient à
24 cela ? Tout le monde est resté à Foca ou bien il y a eu
25 quelques départs ?
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1 R. Eh bien nous, on se demandait – concrètement
2 mes collègues parce que c’était les gens qui m’étaient les
3 plus proches – pourquoi mettaient-ils à l’abri leurs
4 familles en Serbie, leurs enfants ou parfois leurs femmes ?
5 Donc, ils les envoyaient en Serbie ou au Monténégro, et ça,
6 on ne le comprenait pas. On ne comprenait pas ce qui
7 pouvait se passer. Mais nous, on rassemblait, on
8 réunissait nos familles. Nos enfants venaient chez nous,
9 ceux qui avaient été ailleurs, et nous ne comprenions pas…
10 en fait quant cela s’est produit, quand il s’est produit ce
11 qui s’est produit, en fait, on a vu qu’eux avaient su
12 auparavant tout cela et qu’ils ont mis en sécurité leurs
13 enfants alors que nous, comme on n’était pas au courant, on
14 n’a pas su les protéger.
15 À l’époque, c’était l’époque du Bajram musulman.
16 Les enfants qui faisaient leurs études à l’extérieur de
17 Foca, bien, ils revenaient à la maison. Moi, j’ai deux
18 enfants. Ils étaient tous les deux des étudiants. Bien,
19 tous les deux, ils sont rentrés à la maison.
20 Q. Devons-nous comprendre d’après votre réponse
21 que les gens partaient de Foca, quittaient Foca ?
22 R. Les enfants et les femmes qui ne
23 travaillaient pas partaient, quittaient Foca avec leurs
24 enfants.
25 Q. C’était les familles serbes ou les familles
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1 musulmanes qui partaient avec leurs enfants ?
2 R. Les familles serbes partaient avec leurs
3 enfants.
4 Q. Nous parlons de quelle période à présent ?
5 R. Eh bien, c’était peut-être 10 jours avant le
6 début de, comme on l’appelait, la guerre de Foca. Quand il
7 a commencé à y avoir des coups de feu et des barrages ont
8 été érigés, c’est par là… c’est le 8 avril qu’on a commencé
9 à entendre des coups de feu à Foca et ça, c’était 10 jours
10 avant. Peut-être qu’il y a eu des familles musulmanes qui
11 sont parties aussi, des familles musulmanes qui auraient
12 été au courant. Ça, je ne le sais pas mais je sais que les
13 enfants de mes collègues, leurs épouses partaient pour la
14 plupart au Monténégro et en Serbie, et puis les familles
15 aisées, ceux qui pouvaient emmener les leurs à l’extérieur,
16 bien, emmenaient leurs familles à l’extérieur de la ville.
17 Q. Auriez-vous entendu quoi que ce soit au sujet
18 des événements un peu étonnants ou étranges qui se seraient
19 produits, notamment pour ce qui est des armements ? Les
20 Serbes se seraient-ils préparés au sujet des armements ?
21 R. Eh bien, c’était à la télévision et c’était à
22 la presse. On montrait les camions qui transportaient les
23 armes de Serbie en Bosnie et on disait que la nuit, les
24 camions circulaient afin de distribuer les armes et d’armer
25 les foyers et les familles serbes. Je ne l’ai pas vu.
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1 J’ai entendu que cela se produisait également à Foca.
2 Q. À une date ultérieure, quelque chose est
3 venue confirmer ces rumeurs ?
4 R. Je dirais que c’était bien la confirmation.
5 Quand on a entendu des coups de feu, on a vu que les Serbes
6 étaient pratiquement tous armés.
7 Q. Vous avez dit que vous travailliez à
8 l’hôpital. Pourriez-vous nous parler de fournitures
9 médicales, de médicaments, donc au sujet de ce que nous
10 venons d’aborder ?
11 R. Quelques mois avant le début de la guerre,
12 trois ou quatre mois, on s’est mis à manquer de pansements,
13 de pansements par exemple aux départements de chirurgie, de
14 gynécologie, d’ophtalmologie, d’ORL, et alors les gens ont
15 commencé à se rendre compte que les solutions nécessaires
16 aux transfusions ou par exemple les pansements ont commencé
17 à manquer et j’ai entendu des gens parler à l’hôpital.
18 Certains ont vu une dizaine de camions partir
19 chargés comme ça un jour. Il s’agissait des réserves où on
20 a prélevé pratiquement tous les pansements et tout le
21 matériel servant à faire des pansements. Ils ont chargé
22 donc… c’était un entrepôt, un bâtiment qui se trouvait
23 derrière l’hôpital principal de l’hôpital et ces camions
24 portaient la plaque d’immatriculation de Trebinje, et
25 vraisemblablement, ils sont partis en direction de
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1 Trebinje. À l’époque, c’était le théâtre des opérations de
2 Dubrovnik parce qu’à l’époque, la guerre sévissait déjà en
3 Croatie.
4 Pour ce qui est de tout ce matériel de soins, de
5 médicaments et de pansements, ce que j’ai entendu c’est que
6 ce matériel était emporté dans les villages alentour où on
7 se serait mis à préparer des dispensaires de secours pour
8 avoir sous la main donc ce matériel.
9 Q. Ai-je bien compris qu’il s’agissait donc d’un
10 processus de transport de médicaments et de matériel ?
11 Est-ce que ça a commencé avant le 8 avril ?
12 R. Oui, avant, avant la guerre. Nous au début,
13 on ne prêtait pas attention mais après on s’est rendu
14 compte que c’était lié.
15 Q. Alors quant à ces fournitures, elles étaient
16 entreposées à quel endroit à Foca avant d’arriver à
17 l’hôpital ?
18 R. Où est-ce qu’on gardait ses réserves
19 médicales avant d’arriver à l’hôpital, il y avait un
20 bâtiment derrière l’hôpital à une cinquantaine de mètres
21 qui a été construit spécialement pour ce qu’on appelait les
22 réserves de guerre et ce qu’utilisait l’hôpital, cela se
23 trouvait dans la pharmacie de l’hôpital dans un des
24 bâtiments du centre hospitalier.
25 Q. Vous aviez également un entrepôt d’une
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1 compagnie pharmaceutique à Foca ?
2 R. Oui, il y avait un entrepôt. En fait, il y
3 avait un entrepôt de médicaments qui était situé pas loin
4 de Aladza, près du centre d’enseignement secondaire. Ça
5 appartenait à Vela Farmacija et c’est là qu’il y avait
6 beaucoup de réserves, de médicaments.
7 Q. Vous savez qui était le directeur de cet
8 entrepôt et de quelle appartenance ethnique était ce
9 directeur ?
10 R. Le directeur de la pharmacie de l’hôpital
11 était Vitomir Mrgud de nationalité serbe et à Vela
12 Farmacija, c’était Milka Przulj, Serbe elle aussi.
13 Q. Très bien. Et c’était les personnes qui
14 contrôlaient donc les fournitures pharmaceutiques ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce qu’il y avait éventuellement quelques
17 avertissements ? Est-ce qu’on aurait pu éventuellement
18 s’attendre qu’avant le 8 avril la guerre allait se
19 déclencher ?
20 R. Je pense que c’était le 5 avril, le soir. Il
21 y avait une manifestation pour la paix qui a été organisée
22 à Foca. Les Serbes et les musulmans ont participé à cette
23 manifestation. C’était le dimanche soir. Mes enfants
24 également étaient parmi les manifestants. Ils étaient des
25 étudiants, je l’ai dit, et ils étaient à Foca. Je n’étais
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1 pas moi-même présente. Je ne sais pas combien d’hommes,
2 combien à peu près il y en avait qui ont participé, mais il
3 y avait à la télévision un certain nombre de publicités qui
4 ont été consacrées à cette manifestation et d’après
5 lesquelles on disait : « Nous sommes pour la paix. Nous ne
6 sommes pas pour la guerre. »
7 On a pu remarquer également qu’il y avait un
8 certain nombre de déplacements des unités militaires.
9 C’est ce que nous avons pu suivre à la télévision. Moi
10 personnellement, bien évidemment, je ne l’ai pas vu ça de
11 mes propres yeux mais j’ai vu à la télévision ces
12 déplacements des troupes en direction de Sarajevo et de
13 Trebinje. C’est quelque chose qu’on a pu suivre à la
14 télévision et également dans la presse quotidienne.
15 Même à ce moment-là, on ne pouvait pas
16 véritablement croire qu’il y avait quelque chose de
17 désagréable qui allait se passer parce qu’on ne voyait pas
18 la raison. Il n’y avait pas véritablement de raison pour
19 ça.
20 Q. Entendu ! Par conséquent, vous avez passé la
21 plupart de votre temps à Foca. Vous nous avez dit
22 également qu’avant que la guerre se déclenche, il
23 s’agissait d’une communauté qui vivait en bonnes relations
24 et tout le monde était dans ces relations ?
25 R. Oui.
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1 Q. Par conséquent, je considère que vous aviez
2 beaucoup d’amis également qui appartenaient à des groupes
3 ethniques différents, n’est-ce pas ?
4 R. Oui, j’avais beaucoup d’amis qui
5 appartenaient à la communauté serbe et davantage parmi les
6 Serbes que parmi les musulmans. Ma sœur est mariée à un
7 Serbe. Le frère de ma mère est marié à une Serbe, l’autre,
8 un Français. L’autre également était marié à un Croate.
9 Par conséquent, dans notre famille, c’était en quelque
10 sorte la Yougoslavie en petit.
11 Q. Eh bien, je vais vous poser une autre
12 question maintenant. Est-ce que vous avez été avertie
13 éventuellement par vos amis vous-même ou bien
14 éventuellement, est-ce que vos voisins vous ont dit
15 qu’éventuellement la guerre allait se déclencher ? Est-ce
16 qu’on vous a prévenue ? Est-ce qu’on vous a dit qu’il
17 fallait que vous quittiez la ville ?
18 R. Mais c’est une question qui est très
19 douloureuse que vous me posez et qui me fait beaucoup de
20 peine et c’est ce qui me fait beaucoup de peine en tant
21 qu’être humain, comme amie, et c’est de la part de mes
22 amis, de mes collègues, que je n’ai jamais reçu aucun
23 avertissement. J’avais deux enfants. J’ai travaillé à
24 Foca. J’ai travaillé pratiquement 29 ans. Trois mois a
25 manqué pour 29 ans. J’ai aidé pratiquement tout le monde
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1 et en dehors de mes heures de travail, je recevais plein de
2 monde chez moi et personne ne m’a jamais rien payé. Je
3 suis vraiment… ça me fait beaucoup de peine mais je suis
4 désolée d’être obligée de vous dire que personne, personne
5 ne m’a jamais dit quoi que ce soit au sujet de ce qui
6 allait se passer. Excusez-moi mais ça me fait beaucoup de
7 peine et c’est la raison pour laquelle je réagis comme ça.
8 Q. Maintenant, je vais vous poser encore une
9 question mais buvez tranquillement votre verre d’eau. Je
10 sais que ceci vous pose beaucoup de problèmes mais je vais
11 être obligé de vous poser les questions au sujet du 8 avril
12 1992.
13 Dites-nous s’il vous plaît, relatez-nous par vos
14 propres paroles ce qui s’était passé ce jour-là et ce qui a
15 changé complètement votre vie.
16 R. Le 8 avril 1992, comme toute autre personne,
17 je suis partie à 7 h 00 pour me rendre travailler mais il
18 n’y avait pas de car qui normalement nous transportait à
19 l’hôpital et nous étions quelques-uns et nous nous sommes
20 dirigés vers l’hôpital. Il y avait les deux barrages sur
21 lesquels nous sommes tombés. Il y avait des personnes qui
22 avaient des cagoules sur les têtes et qui étaient auprès
23 des barrages. Je ne pouvais pas reconnaître bien
24 évidemment ces personnes, ni moi, ni mes collègues, ni les
25 infirmières qui étaient avec moi. On n’avait aucun
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1 problème.
2 Nous nous sommes rendus jusqu’à l’hôpital tout à
3 fait librement et c’est à ce moment-là que les gens ont
4 commencé à se rendre à l’hôpital. Enfin, je parle bien
5 évidemment des employés de l’hôpital. Leurs familles sont
6 restées à Foca et ils se sont rendus à l’hôpital. Ils ont
7 amené leurs enfants à l’hôpital parce qu’ils se disaient
8 qu’il y avait quand même quelque chose qui allait se
9 passer. Il y avait des barrages qui ont été dressés, la
10 police également. Comme je l’ai dit, le ministère des
11 Affaires intérieures a été déjà séparé et ils trouvèrent le
12 refuge à l’hôpital.
13 Avec un collègue, je suis partie en ville. J’ai
14 une voiture pour amener les membres de ma famille, et puis
15 lui également, il voulait amener ses propres membres de sa
16 famille, mais ma famille est restée et ils sont restés
17 seuls.
18 Q. Excusez-moi s’il vous plaît, je vais vous
19 demander de ne pas parler si rapidement pour que les
20 interprètes puissent suivre la dynamique, le rythme dont
21 vous parlez.
22 Vous nous avez par conséquent relaté quel était
23 l’état à peu près ce jour-là. Est-ce que vous vous êtes
24 rendue à l’hôpital – je ne suis pas sûr que je vous ai
25 compris tout à fait – ou bien vous êtes restée chez vous ?
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1 R. Non. Je suis restée chez moi car ma famille
2 ne voulait pas quitter la maison. Donc, les membres de ma
3 famille ne voulaient pas quitter la maison.
4 Q. Merci. Est-ce que vous vous êtes rendue
5 quand même à l’hôpital à un moment donné ?
6 R. Non. Pendant ce temps-là, non. J’étais dans
7 la cave du bâtiment où j’habitais normalement avec d’autres
8 voisins. À ce moment-là, on a commencé à tirer dans la
9 ville de plus en plus. On est resté dans la cave
10 pratiquement la journée entière mais quand les tirs
11 s’arrêtaient, moi, je suis sortie une ou deux fois mais
12 j’étais pratiquement obligée de ramper dans l’appartement
13 parce qu’il y avait des balles qui venaient de toutes les
14 parties.
15 Q. Et votre bâtiment se trouvait à quel endroit
16 à Foca ?
17 R. C’est juste en face de l’hôtel de Zelengora.
18 C’est un quartier qui n’appartenait ni à Aladza ni à Donje
19 Polje, juste en face de Zelengora.
20 Q. Tout à l’heure, je vais vous montrer la
21 carte. Mais pour le moment, donc vous êtes chez vous.
22 Est-ce que c’était une maison particulière ou
23 éventuellement c’était un bâtiment d’habitation ?
24 R. C’était un bâtiment avec 27 appartements. Il
25 y avait des Serbes et des musulmans. Nous étions tous
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1 ensemble dans la cave. Il y avait un certain nombre de
2 membres de familles serbes qui ne sont pas descendus dans
3 la cave mais la majorité se trouvait parmi nous.
4 Q. Par conséquent, je suppose que les habitants
5 ont essayé donc de s’abriter dans la cave. C’est ça ce que
6 vous vouliez dire ? Les musulmans et les Serbes ?
7 R. Oui.
8 Q. Et vous vous êtes cachés pourquoi ?
9 R. Mais on a commencé à tirer dans la ville. Je
10 ne sais pas d’où les tirs venaient mais de toute façon, les
11 fenêtres également étaient percées par les balles et il y
12 avait des meubles qui ont été détruits le soir notamment.
13 Moi, je ne comprends pas ce qui se passait tout à fait
14 parce que je ne connais pas les types d’armes qu’ils
15 utilisaient. Nous étions dans la cave mais de toute façon,
16 on sentait que les balles arrivaient, puis on sentait
17 l’intensité également qui a monté. En fait, les tirs
18 étaient de plus en plus violents.
19 Q. Eh bien, comment vous vous êtes nourris
20 pendant ce temps-là ?
21 R. J’ai déjà dit qu’au cours de la journée, je
22 suis sortie à quelques reprises de la cave, même la nuit,
23 mais j’ai rampé pratiquement. On mangeait du pain et puis
24 tout ce qu’on pouvait manger sans vraiment faire de la
25 cuisine. On avait quelques charcuteries à la maison. On a
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1 préparé des sandwichs.
2 Q. Entendu ! Je vois bien. Par conséquent, en
3 sortant de la cave, avez-vous pu voir s’il y avait des
4 dégâts éventuellement dans votre département ?
5 R. Oui. On a pu voir que les vitres ont été
6 brisées. Il y avait également quelques meubles qui ont été
7 abîmés. Probablement, ce sont les balles qui ont déchiré
8 par exemple des tissus, des canapés, ou bien dans la
9 vitrine, il y avait un certain nombre d’objets qui ont été
10 abîmés.
11 Q. Entendu ! Je comprends. Vous êtes restée
12 combien de temps dans la cave avec les voisins ?
13 R. Entre le 8 et le 14 avril.
14 Q. Est-ce que vous avez pu voir pendant ce
15 temps-là ce qui se passait dans d’autres quartiers de la
16 ville ?
17 R. Nous n’avons pas séjourné longtemps dans
18 l’appartement. Nous étions au quatrième étage. Mais je me
19 souviens, il y avait quand même un soir où c’était plutôt
20 calme. Je pense que c’était le 12 avril. On ne tirait pas
21 beaucoup et je me souviens que la ville était illuminée.
22 On a regardé d’un côté et on a pu voir qu’il y avait un
23 quartier de la ville qui a été incendié.
24 À l’époque, on l’appelait centre-ville, Carsija,
25 et c’est un quartier de la ville où il y avait des
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1 boutiques typiques, toutes petites comme avant la Deuxième
2 Guerre mondiale. En général, il s’agissait des boutiques
3 qui ont été construites en bois, en poutre. C’est un style
4 de construction oriental et cette partie de la ville a été
5 incendiée et c’est la raison pour laquelle on a vu que la
6 ville pratiquement était illuminée.
7 Me RYNEVELD (interprétation) : On pourrait peut-
8 être montrer maintenant au témoin ce que nous avons montré
9 comme pièce à conviction 12/1. C’est une carte qui a été
10 remplacée, la carte de remplacement.
11 Q. Est-ce que je peux voir si véritablement il
12 s’agit de la carte dont il était question ?
13 R. Oui, absolument.
14 Me RYNEVELD (interprétation) : C’est donc la
15 pièce à conviction 12/1. Il serait peut-être utile de
16 placer sur le rétroprojecteur la carte. L’huissier peut-il
17 mettre la carte sur le rétroprojecteur ?
18 Je pense qu’il serait utile également que le
19 témoin puisse avoir sa carte directement sous ses yeux
20 étant donné que nous possédons tous cette carte, peut-être
21 pas tout à fait sur le rétroprojecteur. Ça dépend
22 également des Juges. S’ils le demandent, on peut la placer
23 sur le rétroprojecteur. Mais il y a également une légende
24 avec les numéros. Je ne sais pas si c’est bon pour le
25 témoin de placer sur le rétroprojecteur.
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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais je
2 pense qu’il est mieux quand même de la placer sur le
3 rétroprojecteur parce que de toute façon, on ne voit pas le
4 témoin. Par conséquent, il ne faut pas non plus cacher ce
5 qui se trouve sur le rétroprojecteur. À mon avis, c’est
6 mieux.
7 Me RYNEVELD (interprétation) :
8 Q. Madame, est-ce que vous pouvez reconnaître ce
9 qui se trouve sur cette carte ?
10 R. Oui, je peux.
11 Q. Mais est-ce que vous reconnaissez que la
12 carte comme la carte de Foca ?
13 R. Oui. Je vois que c’est la carte de Foca. Il
14 s’agit du quartier industriel de la ville.
15 Q. Un petit moment s’il vous plaît. On va juste
16 attendre un petit moment. Est-ce que vous avez aidé le
17 Bureau du Procureur pour préparer la carte et de la manière
18 à identifier un certain nombre de secteurs qui sont marqués
19 par les chiffres ici ?
20 R. Oui.
21 Q. Entendu ! Par conséquent, il y a un certain
22 nombre de données que vous avez mis à la disposition du
23 Bureau du Procureur, n’est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous avez acquiescé ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous voulez s’il vous plaît
3 répondre ? Ça c’est utile également.
4 R. Oui.
5 Q. Vous reconnaissez par conséquent qu’il s’agit
6 de la carte. Est-ce que vous pouvez utiliser le pointeur
7 et montrer ce que vous avez eu l’intention de nous montrer
8 au moment où je vous ai interrompu ?
9 R. Eh bien, ici tout au début, c’est donc la
10 rive de la Drina, de la rivière Drina. À droite, c’est
11 Brod, un quartier industriel. Ensuite donc en aval, en
12 direction de Foca.
13 Q. Mais pour le compte rendu, vous avez montré à
14 gauche en bas un quartier qui était intitulé « Brod ».
15 Maintenant avec le pointeur, vous descendez la rivière de
16 Drina et qu’est-ce que c’est ?
17 R. Le numéro 1 c’est le hall de sport, enfin le
18 Centre sportif Partizan. Ensuite, vous avez le SUP, le
19 ministère des Affaires intérieures. Ensuite, numéro 3, la
20 mairie. Ensuite, le numéro 4, un bâtiment.
21 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Ryneveld,
22 l’authenticité de ce document a été déjà confirmée, n’est-
23 ce pas ?
24 Me RYNEVELD (interprétation) : Mais je n’essaie
25 pas de prouver quoi que ce soit. Je voulais tout
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1 simplement poser la question au témoin.
2 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Mais vous avez
3 déjà posé la question. Vous avez dit qu’elle vous a aidé
4 pour écrire ce document.
5 Me RYNEVELD (interprétation) : D’accord. Merci,
6 Monsieur le Juge.
7 Q. Madame le Témoin, vous nous avez dit qu’il y
8 avait ce quartier qui a été incendié. Si j’ai bien
9 compris, il s’agissait par conséquent d’un quartier qui a
10 été construit après la Deuxième Guerre mondiale et qu’il
11 s’agissait des maisons qui étaient en bois. Est-ce que
12 vous pouvez nous décrier sur la carte ou plutôt nous
13 montrer sur la carte où se trouvait ce quartier ?
14 R. Il faudrait que je me rapproche un petit peu
15 pour voir.
16 Q. Mais je ne sais pas si on peut pousser un
17 petit peu le siège. Mais il paraît que ce n’est pas
18 possible.
19 R. Il s’agit par conséquent d’une agglomération
20 qui était en face de la route. Il y avait des maisons
21 particulières musulmanes, et en contrebas par rapport à la
22 route, il y avait donc de ces HLM qui étaient habités aussi
23 bien par les Serbes que par les musulmans et d’autres
24 groupes ethniques. Cette partie de la ville a été
25 pratiquement incendiée. Je ne peux pas dire que c’est tout
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1 le quartier qui a été incendié mais en majorité, oui.
2 Q. Entendu ! Par conséquent, vous parlez d’un
3 secteur que vous montrez avec le pointeur. C’est le 12
4 avril que vous avez pu remarquer que ce secteur a été
5 incendié ?
6 R. Non.
7 Q. Mais c’est le chiffre numéro « 7 », n’est-ce
8 pas ?
9 R. Non, mais c’est le centre-ville qui a été
10 incendié. Le 12, c’est Carsija, mais ce n’est pas sur la
11 carte et c’est la partie qui se trouvait en haut par
12 rapport au Centre sportif Partizan et du côté du centre-
13 ville, là où se trouvait… je ne sais pas comment
14 m’expliquer. C’est un quartier qui appartenait à Gornje
15 Polje. Par conséquent, il ne s’agit pas du tout du
16 quartier qui a été incendié le 12 avril.
17 C’était Prijeka Carsija qui ne figure pas sur la
18 carte et ce Prijeka Carsija, ce centre donc qui a été
19 appelé comme ça, se trouve par rapport à l’hôtel Zelengora
20 à l’opposé. Je ne peux pas véritablement localiser
21 exactement. Je me souviens qu’il y avait une mosquée mais
22 la mosquée a été détruite également. Ensuite, il y avait
23 un marché et c’est à partir du marché qu’il y avait un
24 chemin qui allait vers ce Prijeka Carsija. Mais ce Prijeka
25 Carsija ne figure pas sur la carte ici.
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1 Q. Entendu ! Merci. Je pourrais peut-être vous
2 demander maintenant de nous dire s’il y avait
3 éventuellement quelque chose qui s’est passé le 14 avril et
4 si c’était le cas, à ce moment-là, de nous relater cet
5 événement.
6 R. Le 14 avril, il y avait quelques-uns de mes
7 amis serbes, connaissances serbes qui m’ont appelée et qui
8 m’ont prévenue et qui m’ont dit que la police militaire
9 allait se rendre dans l’appartement pour voir si
10 éventuellement il y a des armes et qu’ils allaient tout
11 simplement rassembler les armes et que de toute façon, il
12 ne fallait pas craindre quoi que ce soit, qu’ils allaient
13 se rendre très tôt le matin, et bien évidemment, nous
14 étions tous à la porte du bâtiment vers 6 h 00, 6 h 30.
15 Il y avait quelques personnes qui sont venues et
16 ils nous ont demandé de sortir. Les Serbes et les
17 musulmans ensemble sont sortis et nous nous sommes donc
18 cachés derrière une partie du bâtiment. Ils nous ont
19 demandé de remettre les armes. Tous ont remis les armes
20 mais c’était des armes avec des autorisations que les
21 personnes en question disposaient et qu’ils ont obtenu
22 auprès du ministère des Affaires intérieures. Mon mari
23 également a remis cette arme mais il y avait une
24 autorisation.
25 Ensuite, il y avait une école qui se trouvait pas
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1 loin. On nous a demandé de traverser la cour et de nous
2 diriger vers un dispensaire qui était dans le quartier, et
3 à un moment donné, je me suis souvenue que j’avais une
4 trousse avec des médicaments pour mon mari qui était malade
5 et j’ai demandé tout simplement qu’on me permette de
6 retourner chercher ma trousse. Il y avait une personne qui
7 était présente. Moi, je ne l’ai pas reconnu mais lui, il
8 m’avait appelé « Docteur » et il m’a permis de retourner
9 pour chercher cette trousse avec les médicaments.
10 Au moment où je suis retournée… cette personne
11 portait une cagoule mais de toute façon, je ne l’ai
12 toujours pas reconnue, mais ce n’était pas important pour
13 moi parce que ce qui était important c’est d’avoir la
14 trousse avec les médicaments. Mon mari en avait
15 véritablement besoin. Donc, je suis retournée vers
16 l’appartement, j’ai pris la trousse et lui, il m’a dit :
17 « Docteur, si vous souhaitez, vous pouvez rentrer dans
18 votre appartement. Prenez tout dont vous avez besoin et
19 tout ce qui a une valeur. » Alors moi, je lui ai dit :
20 « Tout a une valeur parce que moi, j’ai travaillé 30 ans
21 pour avoir tout ce que j’ai actuellement dans mon
22 appartement. » Par conséquent, j’ai tout simplement fermé
23 la porte, j’ai pris ma trousse et ensuite, il m’a
24 accompagné.
25 Nous nous sommes rendus jusqu’au dispensaire du
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1 quartier. Il y avait un certain nombre d’autres voisins,
2 de citoyens également. Il y avait des Serbes et il y avait
3 des musulmans. On nous a dit que c’était l’endroit où on
4 était en sécurité. C’est la raison pour laquelle nous
5 sommes restés à cet endroit-là. Il y avait une certaine
6 personne qui répondait au nom Nedjo. Je ne sais pas quel
7 était son nom de famille mais il paraît qu’il travaillait
8 dans une banque commerciale. Il nous a dit par la suite de
9 nous aligner et d’aller deux par deux et de nous rendre
10 dans une prairie, ce qui a été fait.
11 Nous nous sommes dirigés vers ce pré. Sur la
12 carte d’ailleurs, on peut très bien voir. C’est au niveau
13 du centre secondaire et c’est marqué par le chiffre numéro
14 « 9 ». Juste devant le bâtiment de cette école secondaire,
15 il y avait beaucoup de soldats qui portaient des couvre-
16 chefs noirs, des bérets également, des brassards blancs,
17 des uniformes, des insignes différents.
18 Nous sommes restés quelque peu de temps sur place
19 et ensuite, nous avons continué en prenant cette route.
20 Sur la carte, c’est le chiffre « 10 ». Ce sont les prés
21 dont je parle. À l’époque, c’était des entrepôts
22 militaires qui étaient stationnés, ensuite les entrepôts
23 d’une société industrielle.
24 Nous avons été escortés par des soldats mais tous
25 ne portaient pas des armes. Il y avait un soldat qui
Page 474
1 n’avait pas de cagoule et je l’ai reconnu. C’était
2 quelqu’un que je connaissais parce qu’il était à l’école
3 infirmière et j’ai plaisanté même un petit peu : « Si je
4 savais, je n’aurais pas été aussi gentille avec toi quand
5 tu étais à l’école. » Alors lui, il m’a dit : « Mais
6 Docteur, je vais vous aider parce qu’il ne faut pas vous
7 rendre à l’endroit, enfin dans cette prison, parce que là-
8 bas, on pourra vous passer à tabac. Il vaut mieux donc que
9 vous restiez sur Livade et pas à Velecevo. »
10 Dans les prés, il y avait des hangars. C’était
11 les grands entrepôts qui étaient là-bas. Il y avait un
12 espace dégagé également entre les deux hangars et nous
13 sommes restés à cet endroit-là pendant un certain temps.
14 Ensuite, ce Nedjo est arrivé et quelques autres
15 personnes également qui étaient en tenue… enfin qui
16 portaient des uniformes vert-olive, qui n’avaient pas des
17 uniformes de camouflage et qui sont arrivées vers nous.
18 Ils nous ont tout simplement pris nos noms et nos prénoms.
19 En ce qui nous concerne, moi-même, mon mari et les autres
20 membres de ma famille, on ne nous a pas demandé les noms.
21 Probablement qu’ils nous connaissaient mais je sais qu’ils
22 avaient tout simplement établi deux listes, d’un côté une
23 liste où ils ont marqué les noms des Serbes et l’autre les
24 musulmans. C’était un petit peu vexant. Nous sommes tous
25 sortis d’un même bâtiment et nous étions des voisins et
Page 475
1 tout d’un coup, on nous a séparés et on a inscrit nos noms
2 sur deux listes séparées.
3 Au bout d’un certain temps, au bout d’une heure ou
4 deux heures éventuellement, les Serbes sont partis pour
5 regagner leurs maisons alors que nous, on est resté sur
6 place.
7 Q. Excusez-moi, attendez. Vous avez dit que les
8 Serbes sont retournés vers leurs maisons. Est-ce que vous
9 parlez des personnes qui, comme vous, sont arrivées jusqu’à
10 l’endroit où vous étiez emmenés ?
11 R. Oui.
12 Q. Par conséquent, vous avez acquiescé. Est-ce
13 que nous pouvons nous arrêter ici ? Est-ce que vous
14 pourriez maintenant nous relater qui était rassemblé à
15 l’endroit et qui étaient ces personnes dont les noms
16 figuraient sur les deux listes différentes ?
17 R. Je ne sais pas. Je ne connaissais pas. Tout
18 simplement, j’ai vu ce Nedjo. Je ne le connaissais pas
19 auparavant mais on m’a dit qu’il s’appelait Nedjo et qu’il
20 travaillait dans la Privredna Banka. Il y avait trois ou
21 quatre personnes qui portaient des uniformes militaires et
22 ces personnes-là ont dressé les listes, d’une part des
23 listes pour les musulmans et d’autres, les listes des
24 Serbes. Donc, il y avait des listes où figuraient des noms
25 des musulmans et une autre liste où figuraient des noms des
Page 476
1 Serbes. Nous étions au nombre d’une centaine, peut-être
2 120.
3 Q. Arrêtez-vous s’il vous plaît. Je m’excuse si
4 ma question n’était pas suffisamment claire. Justement, je
5 suis en train de parler de ces 100 à 120 personnes qui
6 étaient rassemblées là-bas. Est-ce que toutes ces
7 personnes ont été amenées à ce même endroit comme vous et
8 vos voisins ?
9 R. Oui. Ces gens qui étaient là-bas habitaient
10 dans des immeubles voisins par rapport au bâtiment dans
11 lequel moi, je vivais.
12 Q. Je vois. Et après que ces listes ont été
13 constituées, vous avez dit que les Serbes sont rentrés chez
14 eux. De qui parlez-vous : de ces 100, 120 personnes qui
15 étaient rassemblées là-bas ?
16 R. C’était des Serbes qui faisaient partie de ce
17 groupe de personnes. C’était donc nos voisins, les gens
18 qui vivaient dans ces immeubles.
19 Q. Donc, les gens qui se trouvaient sur les
20 listes serbes ont reçu les instructions de rentrer chez
21 eux ? C’est ce que vous voulez dire ?
22 R. Oui. C’est ce que je voulais dire.
23 Q. Merci. Je m’excuse de ne pas avoir compris
24 ceci auparavant. Est-ce que vous pouvez nous dire
25 maintenant ce qui est arrivé aux gens dont les noms
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1 figuraient sur les listes musulmanes ?
2 R. Nous étions nombreux, il n’y avait pas
3 beaucoup de place là-bas et ce dénommé Nedjo – tout le
4 monde l’appelait Nedjo de toute façon – il a dit : « S’il y
5 a quelqu’un que nous connaissons dans ce groupe, la
6 personne peut rentrer et revenir le lendemain. »
7 Moi, je connaissais la famille Bojat. La femme de
8 cet homme travaillait dans l’hôpital, j’ai soigné ses
9 petits enfants et j’ai dit que je pouvais aller chez eux.
10 Il leur a téléphoné et il a demandé si nous pouvions venir.
11 Ils ont été d’accord et donc nous, nous sommes partis,
12 escortés par un jeune homme qui portait un uniforme
13 militaire et moi, je connaissais cet homme très bien. Il
14 avait travaillé à l’hôpital et c’est lui qui nous a
15 escortés jusqu’à la maison Bojat. Lui aussi, il était l’un
16 des membres de cette famille.
17 Donc, nous avons passé la nuit là-bas et le
18 lendemain, nous sommes rentrés à cet endroit où se
19 trouvaient des hangars.
20 Q. À Livade de nouveau ?
21 R. Oui, à Livade, conformément aux consignes que
22 nous avions reçues.
23 Q. Que s’est-il produit lorsque vous êtes
24 rentrée à Livade ?
25 R. À ce moment-là, ils nous ont placés dans des
Page 478
1 pièces différentes. Dans ce hangar se trouvaient deux
2 salles et un long couloir. Il y avait environ une centaine
3 de personnes qui ont été amenées pendant la nuit et dans
4 les deux pièces se trouvaient pratiquement tous ces gens-
5 là.
6 Dans une pièce, il y avait moi, ma famille et
7 environ une trentaine d’autres personnes. C’était une
8 pièce de trois mètres sur trois et nous étions assez
9 nombreux et dans l’autre pièce, il y avait encore plus de
10 personnes. Je ne peux pas vous dire le nombre exact parce
11 que je ne sortais pas de ma pièce et je ne voulais pas me
12 mettre en contact avec des gens, poser des questions. Moi,
13 je me préoccupais de ma famille et de ce qui allait nous
14 arriver.
15 Dans l’autre hangar qui se trouvait à une
16 vingtaine de mètres du nôtre, l’une des personnes en
17 uniforme m’a dit que plusieurs de mes collègues qui avaient
18 travaillé dans le dispensaire y avaient été placés et il
19 m’a amenée là-bas et c’est là que j’ai trouvé mon collègue,
20 Dr Sadinlija, le Dr Karovic, Selimovic, et ensuite, il y
21 avait également trois chauffeurs qui avaient travaillé pour
22 le même dispensaire.
23 Q. Merci. Peut-être je peux vous arrêter à ce
24 point-là pour vous poser la question de savoir combien de
25 temps vous avez été détenue à Livade.
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1 R. Nous avons passé quatre jours à Livade. Ils
2 relâchaient des femmes et des enfants et également des
3 personnes âgées et malades et lorsque c’était notre tour,
4 nous avons dû attendre. Nous avons dit : « Est-ce que nous
5 pouvons partir, nous aussi ? », mais au moment où il
6 fallait sortir, ils disaient par exemple que moi et ma
7 fille, nous pouvions sortir et que mon mari et mon fils ne
8 pouvaient pas sortir. Ceci se reproduisait le premier, le
9 deuxième, le troisième jour et moi, j’ai dit à ce moment-là
10 que je ne quitterais ces lieux sans eux qu’une fois morte.
11 Q. Merci. Dites-nous très brièvement, s’il vous
12 plaît, pendant que vous étiez à Livade, quelle était
13 l’appartenance ethnique de gens qui y étaient avec vous
14 dans ces hangars ? Étaient-ils tous des musulmans ?
15 R. Ils étaient tous des musulmans, sauf un
16 voisin à moi qui était serbe et un autre voisin, lui aussi,
17 il était serbe et un troisième qui est reparti dès le
18 lendemain, lui aussi, il était un serbe. Je crois qu’il
19 était de Serbie. Les deux autres, je les connaissais.
20 L’un d’eux travaillait dans la société Maglic. Je pense
21 qu’il était un technicien forestier. Il y en avait un
22 autre qui travaillait à l’agence d’assurances.
23 Q. Pendant que vous étiez à Livade, avez-vous vu
24 des blessés ?
25 R. Oui.
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1 Q. De quelle sorte de blessures s’agissait-il ?
2 Combien de fois les avez-vous vues ?
3 R. Les frères Selimovic ont été amenés. Ils
4 avaient été tabassés. L’un d’eux avait pratiquement perdu
5 l’œil. Il ne pouvait pratiquement pas bouger. Je ne sais
6 pas très exactement de quelle sorte de blessures il
7 s’agissait puisqu’ils étaient dans l’autre pièce et moi, je
8 n’étais pas à même de les examiner. Personne ne me l’a
9 demandé d’ailleurs et je ne pouvais pas le faire de mon
10 propre gré.
11 Une autre personne, Uzunovic, Enis, qui faisait
12 partie du personnel médical, lui aussi, il avait été passé
13 à tabac. Il était gravement blessé. Je ne sais pas très
14 exactement de quelle sorte de blessures il s’agissait mais
15 il ne pouvait pas respirer et puis je sais qu’il y en a eu
16 d’autres dans la même situation.
17 Q. Est-ce que vous avez vu ces personnes avant
18 leur passage à tabac et ensuite après ou juste au moment où
19 elles ont été amenées dans cet état-là ?
20 R. Je les ai vues juste dans cet état-là.
21 Q. Pendant que vous étiez à Livade pendant ces
22 trois ou quatre jours, est-ce que vous avez reçu de la
23 nourriture, est-ce que vous avez pu vous laver, est-ce
24 qu’il y a eu des possibilités de faire tout cela ?
25 R. Non. Il s’agissait de hangars où la
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1 marchandise devait être stockée. Il n’y avait pas de
2 toilettes. Mais par exemple, pour déféquer – je m’excuse
3 de l’expression – il fallait sortir escorté de deux soldats
4 et puis pour uriner, il fallait monter dans le grenier, et
5 parfois, il y avait des fuites du haut vers la pièce en bas
6 où nous étions.
7 Q. Je vois. Pendant… c’est-à-dire votre séjour
8 à Livade a pris fin au bout de quatre jours. Est-ce que
9 vous pouvez nous dire dans quelles circonstances ceci s’est
10 produit et vous, où avez-vous été amenée ensuite ?
11 R. Un soir, il faisait très noir, il pleuvait.
12 Des camions sont venus. Ils nous ont chargés dans des
13 camions et ils nous ont amenés jusqu’au KP Dom, c’est-à-
14 dire la prison qui était connue à Foca auparavant déjà.
15 Q. Je vois. Lorsque vous dites : « Nous, nous y
16 avons été amenés », vous parlez de toute votre famille ?
17 R. Toute ma famille et tous les gens qui se
18 trouvaient dans le hangar ont été amenés dans ce KP Dom,
19 cet établissement pénitentiaire, ce soir-là.
20 Q. Que s’est-il produit ensuite ?
21 R. C’était la nuit. Ils nous ont placés dans
22 des pièces. Moi, j’étais dans une pièce avec ma famille et
23 quelques autres personnes. Il y avait huit lits et nous
24 étions au nombre de 12. Dans l’autre pièce, il y avait
25 environ 50 lits pour 75 personnes. Dans la troisième
Page 482
1 pièce, je ne sais pas quel était le nombre. Je sortais de
2 la pièce où moi, j’avais été détenue seulement si je devais
3 le faire, mais nous pouvions disposer des toilettes, de
4 l’eau, des couvertures. Il s’agissait des équipements qui
5 faisaient partie de l’établissement pénitentiaire
6 auparavant déjà.
7 Q. Pendant que vous étiez là-bas, est-ce que
8 vous avez vu certains de vos anciens collègues ?
9 R. J’ai vu encore une fois le Dr Sadinlija, le
10 Dr Karovic également, Dr Selimovic et par la suite, ils ont
11 amené le Dr Torlak. Moi, je croyais qu’il était venu afin
12 de procéder à un examen de quelqu’un. Ils l’ont amené de
13 l’hôpital et il portait l’uniforme blanc médical et donc,
14 c’était un chirurgien. J’ai vu certains autres membres du
15 personnel médical dont je ne me souviens pas les noms.
16 Q. Vous venez d’énumérer les noms de ces
17 docteurs. Est-ce que vous savez quelle était leur
18 appartenance ethnique ?
19 R. Oui. Il s’agissait de mes collègues. Ils
20 travaillaient à Foca. Nous nous connaissions bien. Je
21 pense qu’aucun d’eux, sauf Karovic peut-être, n’était
22 membre d’un quelconque parti nationaliste.
23 Q. Je voulais savoir si vous saviez s’ils
24 étaient des Serbes ou des musulmans.
25 R. Je sais qu’ils étaient des musulmans.
Page 483
1 Q. Tous ?
2 R. Excusez-moi, je n’ai pas entendu votre
3 question.
4 Q. Tous ces gens, ces docteurs que vous avez
5 mentionnés, dont vous avez mentionné les noms, est-ce
6 qu’ils étaient tous des médecins musulmans ?
7 R. Ils étaient tous des médecins musulmans.
8 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ils
9 y étaient, dans quelle capacité ? Est-ce qu’ils y ont été
10 amenés de force comme vous ou bien est-ce qu’ils y avaient
11 été envoyés pour d’autres fins ?
12 R. Lorsque nous, nous avons été amenés à Livade,
13 dans une partie de ce camp se trouvait déjà le Dr Karovic,
14 Sadinlija… [Note de l’interprète : Un troisième dont
15 l’interprète n’a pas entendu le nom] …et puis trois
16 chauffeurs qui avaient été emmenés du dispensaire.
17 Q. Est-ce qu’ils avaient été emprisonnés ou bien
18 est-ce qu’il s’agissait simplement des médecins qui
19 exerçaient leur métier vis-à-vis des personnes emprisonnées
20 dans le KP Dom ?
21 R. Non, ils n’exerçaient pas leur métier. Ils
22 étaient des prisonniers tout comme moi.
23 Q. Je vois. Pendant que vous étiez détenue là-
24 bas, donc dans le KP Dom, est-ce que vous avez vu des
25 personnes blessées, et si oui, est-ce que vous pouvez nous
Page 484
1 dire dans quelles circonstances avaient-ils été blessés ?
2 R. J’ai vu plusieurs personnes blessées à KP Dom
3 qui ont été amenées après avoir été blessées parce que,
4 pour autant que je m’en souvienne, des gens n’étaient pas
5 passés à tabac sur place là-bas. Je me souviens très bien
6 de deux personnes gravement blessées. L’un d’eux était
7 Kuno Marinovic, un Croate, dont, entre autres choses, la
8 mâchoire était cassée, et puis un autre, Munib Beco,
9 c’était un commerçant, il avait été violemment passé à
10 tabac. Son dos était couvert de bleus. Je l’ai vu une
11 seule fois et puis plus jamais.
12 Q. Est-ce que l’on vous a demandé de soigner
13 l’un d’eux ?
14 R. Non.
15 Q. Combien de temps est-ce que vous êtes restée
16 dans KP Dom ?
17 R. Au total, si je compte le camp et le KP Dom,
18 je peux dire que mes deux enfants et moi, nous y avons
19 passé dix jours et mon mari y est resté encore deux jours.
20 Nous, nous sommes sortis le 24 et mon mari le 26 avril.
21 Q. Pendant que vous étiez toujours emprisonnée
22 dans le KP Dom, est-ce que vous avez entendu ce qui était
23 arrivé dans votre appartement ? Là je parle de
24 l’appartement dans lequel vous avez vécu entourée de vous
25 voisins avant votre arrestation et détention.
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1 R. J’ai entendu de la part de personnes qui sont
2 venues par la suite que mon appartement a été incendié le
3 jour où nous, nous avons été amenés au camp. Ceci s’est
4 produit le 14 avril vers 2 h 00 de l’après-midi.
5 Q. Lorsque vous êtes partie le 24 avril, est-ce
6 que vous avez eu l’occasion de rentrer chez vous afin de
7 vérifier si tel était effectivement le cas ?
8 R. Vous parlez de mon appartement ?
9 Q. Oui. Je m’excuse si je n’étais pas
10 suffisamment clair.
11 R. Pendant quelques jours, je n’y suis pas
12 allée. Je suis allée dans l’appartement de mon collègue
13 Sadinlija. J’ai été dans son appartement pendant toute la
14 période avant de quitter Foca.
15 Q. Vous êtes allée dans l’appartement de votre
16 collègue puisque votre appartement à vous avait été
17 incendié. Est-ce exact ?
18 R. Oui. Il a été complètement détruit. Par la
19 suite, j’y suis allée avec un collègue du personnel médical
20 et une personne de la police. Nous y sommes allés et j’ai
21 pu voir qu’il a été complètement détruit et que rien n’est
22 resté intact dans l’appartement.
23 Q. Après la libération de vous et votre famille
24 du KP Dom, est-ce que vous êtes restée à Foca pendant une
25 certaine période ?
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1 R. Oui, pendant deux mois.
2 Q. Pendant ces deux mois, est-ce que vous êtes
3 rentrée au travail à un moment en tant que médecin ?
4 R. Dès ma sortie du camp, donc le 25, je suis
5 allée à l’hôpital et j’ai travaillé, mais je ne faisais
6 plus le même métier. Il n’y avait plus tellement de
7 patients dans l’hôpital. Il y avait encore deux collègues
8 qui étaient restés. Il s’agissait des collègues serbes.
9 La situation était plus avantageuse pour eux que pour moi.
10 Il y avait des tensions dans l’air.
11 Je ne sais pas, peut-être les gens leur faisaient
12 plus confiance qu’à moi tout d’un coup, mais moi, de toute
13 façon, j’avais été médecin et je suis restée médecin dans
14 mon fort intérieur. J’ai continué à aller au travail
15 jusqu’au 20 mai. Donc, j’allais au travail mais je n’ai
16 pas reçu de salaire.
17 Au moment où je devais recevoir le salaire,
18 c’était déjà après notre départ de l’hôpital puisqu’on nous
19 a dit qu’on ne pouvait plus y travailler et je suis allée
20 voir un ami serbe. C’était quelqu’un qui était un bon ami,
21 c’était un collègue. Je suis allée dans son appartement.
22 Je lui ai dit : « Qu’est-ce qui arrive avec notre salaire »
23 et il a répondu : « Nous, nous avons reçu notre salaire de
24 Trebinje et vous, vous allez recevoir le vôtre de
25 Sarajevo. » J’ai trouvé ça bizarre puisque ce n’était pas
Page 487
1 possible que l’on reçoive notre salaire de Sarajevo.
2 Q. Donc, vous dites que vous avez travaillé
3 jusqu’au 20 mai et ensuite, vous dites quelque chose comme
4 on vous a dit que vous ne pouviez plus venir travailler.
5 Est-ce que quelqu’un vous a dit cela directement ?
6 R. Non. Ils nous ont dit, je ne sais pas qui a
7 donné ces ordres, quels étaient les hauts fonctionnaires
8 qui ont émis les ordres, mais ils ont dit que les médecins
9 musulmans ne pouvaient plus travailler dans l’hôpital. Il
10 y avait quatre médecins hommes. Moi, j’étais l’unique
11 femme médecin et on nous a dit qu’on ne pouvait plus
12 travailler, ni les médecins, ni les infirmières, ni
13 d’autres membres du personnel médical.
14 Q. Donc, on vous a empêchée de travailler après
15 le 20 mai ?
16 R. Il nous était interdit de travailler.
17 Q. Très bien ! Dites-nous, pendant ces deux
18 mois que vous avez passés à Foca après votre libération le
19 24 avril, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous avez
20 pu observer dans la ville de Foca ? Est-ce que vous pouvez
21 nous dire ce qui est arrivé aux foyers musulmans ?
22 R. Je sais quelle était la situation à Donje
23 Polje, par exemple, parce que je pouvais voir bien ce
24 quartier depuis l’endroit où j’habitais. Les foyers
25 musulmans dans cette partie étaient incendiés. La plupart
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1 des maisons, peut-être deux tiers des maisons qui faisaient
2 partie de cette agglomération appelée Donje Polje étaient
3 incendiées.
4 Q. Il s’agissait d’une agglomération musulmane ?
5 R. C’était pour la plupart une agglomération
6 musulmane. Il y avait parfois par-ci, par-là une maison
7 serbe ou croate, mais la grande majorité était des maisons
8 musulmanes.
9 Q. Et en ce qui concerne les mosquées de la
10 ville ?
11 R. Toutes les mosquées de la ville ont été
12 détruites et incendiées.
13 Q. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à la
14 mosquée Alazda ?
15 R. Bien sûr que oui. Alazda, c’était l’une des
16 plus vieilles mosquées. Je crois qu’elle a été construite
17 environ en l’an 1555. Elle avait bénéficié de la
18 protection de l’UNESCO et j’étais à Foca au moment où le
19 minaret a été détruit et après mon départ de Foca, le reste
20 a été détruit également. C’est la dernière mosquée qui a
21 été détruite.
22 Q. Pendant que vous étiez là-bas avant votre
23 départ, est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose sur
24 ce qui arrivait à la population musulmane à Foca ? Est-ce
25 que cette population-là est restée en ville ou bien est-ce
Page 489
1 que vous pouvez nous dire ce qui est arrivé ?
2 R. La partie de la population qui est restée
3 dans la ville ne pouvait pas quitter la ville avant de
4 recevoir l’autorisation indiquant que nous pouvions sortir
5 avec des laissez-passer, mais la plupart des hommes
6 musulmans ont été amenés au camp.
7 Q. Vous parlez de combien de personnes ?
8 R. Je ne peux pas vous donner le nombre exact.
9 Je ne peux pas préciser. Je dis la plus grande partie. Je
10 ne sais pas combien de gens sont restés dans la ville. Je
11 ne sais pas combien de personnes ont été amenées, mais je
12 sais que je connais beaucoup de familles dont des membres,
13 des maris ou des fils ont été amenés au camp.
14 Q. Vous avez dit que les gens ne pouvaient pas
15 quitter la ville sans une autorisation, sans un laissez-
16 passer. Je suppose qu’à la fin, vous et votre famille,
17 vous avez obtenu ces autorisations. Est-ce exact ?
18 R. Oui, c’est exact. Personnellement, je suis
19 allée à l’assemblée municipale. Je suis allée également au
20 comité de crise et j’ai demandé… j’ai vu que la situation
21 se détériorait de plus en plus. Il y avait des
22 restrictions aux déplacements des hommes. Les femmes
23 pouvaient sortir pour acheter des vivres de base. Nous ne
24 pouvions pas nous rassembler. Il n’était pas possible
25 d’enterrer des gens dans des cimetières mais autour des
Page 490
1 maisons. Les lignes téléphoniques étaient coupées. Les
2 avis de décès ne pouvaient pas être publiés et une telle
3 vie était insupportable.
4 Moi personnellement, je suis allée au comité de
5 crise. Tout d’abord, j’ai dû y aller pour obtenir des
6 documents puisque tous mes documents ou tous les documents
7 appartenant à ma famille avaient brûlé dans l’appartement.
8 Nous n’avions ni de carte d’identité, ni de passeport.
9 J’ai dû demander qu’un photographe prenne nos photos pour
10 que l’on puisse obtenir des documents.
11 Ensuite, j’ai demandé qu’ils nous laissent sortir
12 de la ville, qu’ils nous laissent vivre comme des êtres
13 humains ou bien qu’ils nous tuent parce que c’était une vie
14 très, très difficile. Il est très difficile de vivre
15 constamment dans la peur.
16 Nous n’avions plus de travail. Nos déplacements
17 étaient restreints. Nous ne pouvions pas nous rencontrer
18 entre nous. Il est très difficile de vivre ce genre de
19 vie.
20 Q. Est-ce que vous savez si les musulmans
21 avaient le droit de recevoir des médicaments ou un
22 traitement médical pendant cette période avant votre
23 départ ?
24 R. Tout dépendait de la personne qui travaillait
25 dans le dispensaire. Je connais plusieurs cas, plusieurs
Page 491
1 exemples. Par exemple, Beco Zuko, un homme âgé, il avait
2 été relâché du KP Dom, il était malade, il souffrait d’une
3 pneumonie, mais le Docteur qui travaillait dans le
4 dispensaire ne souhaitait pas lui prescrire
5 d’antibiotiques. Moi, j’en disposais encore à l’époque.
6 Donc, je lui en ai donné.
7 Je connais plusieurs autres personnes qui sont
8 allées au dispensaire et qui n’ont pas pu recevoir de
9 médicaments, mais par exemple, en ce qui concerne les
10 collègues de l’hôpital que je connaissais depuis des
11 années, ils m’ont envoyé, par exemple, personnellement à
12 moi des médicaments pour mon mari et moi, je considérais
13 cela plutôt normal.
14 Me RYNEVELD (interprétation) : Je vois quelle est
15 l’heure. Je peux vous dire, Madame et Messieurs les Juges,
16 qu’il me reste environ 20 minutes. Si le moment est bon
17 pour procéder à la pause puisque je vais aborder un autre
18 sujet, je propose que l’on fasse le nécessaire pour que le
19 témoin puisse sortir.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous
21 aurons une pause maintenant jusqu’à 11 h 30.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : Veuillez rester
23 dans la salle d’audience jusqu’à ce que les Juges ne
24 sortent, s’il vous plaît, Madame le Témoin. Merci.
25 --- Suspension de l’audience à 11h 00
Page 492
1 --- Reprise de l’audience à 11 h 30
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez
3 poursuivre.
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Je vous remercie.
5 Q. Témoin 33, avant la pause, nous avons terminé
6 un sujet et nous étions sur le point d’en aborder un autre.
7 Pourriez-vous remonter vers le mois de juin, la mi-juin
8 1992 ? Quelque chose s’est-il passé ou auriez-vous entendu
9 parler de quelque chose qui se serait produit à Cohodor
10 Mahala ?
11 R. Oui.
12 Q. Il s’agissait de quoi ?
13 R. J’ai entendu que vers la mi-juin – je ne
14 connais pas précisément la date – un massacre s’était
15 produit. Il me semble qu’il y avait environ 27 personnes,
16 majoritairement des femmes et des enfants. Je ne sais pas
17 s’il y a eu des hommes ou non. Il paraît que toutes ces
18 personnes se trouvaient dans une maison parce que c’était
19 plus facile et un groupe est alors arrivé, un groupe qui
20 les a tuées de diverses manières. C’est ce que j’ai
21 entendu. Je ne sais pas comment cela s’est passé
22 exactement, je ne sais pas qui l’a fait, mais j’ai entendu
23 parler de 27 femmes et enfants, peut-être quelques hommes.
24 Q. Cet endroit, Cohodor Mahala, est-ce une
25 partie de Foca, est-ce dans le voisinage de Foca ? Où est-
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1 ce que cela se trouve ?
2 R. C’est une partie de Foca le long de la
3 rivière Cehotina. Quand on s’achemine vers Livade, c’est à
4 gauche de Cehotina. C’est un quartier résidentiel où il y
5 avait surtout des maisons particulières, mais c’était un
6 peu mixte. Il y avait à la fois des maisons serbes et des
7 maisons musulmanes.
8 Me RYNEVELD (interprétation) : Je demanderais
9 l’aide de l’huissier pour qu’on présente au témoin la pièce
10 12/1.
11 Q. Pourriez-vous nous montrer à peu près
12 l’endroit à Foca où se situe Cohodor Mahala ?
13 R. C’est Cohodor Mahala.
14 Q. Cohodor Mahala. Je vous remercie.
15 R. C’est en face de Livade. Non. C’est sur
16 l’autre rive de la rivière Cehotina à gauche par rapport à
17 moi. Donc, Livade est sur la droite et Cohodor Mahala à
18 gauche. Donc, pour moi, à gauche, là [indication du
19 témoin] je suis en train de le montrer.
20 Q. Livade, c’est numéro 10 ?
21 R. Oui. J’ai montré Livade et en face, c’est
22 Cohodor Mahala.
23 Q. La zone que vous montrez à l’aide du
24 pointeur, c’est à peu près à un pouce à droite, donc une
25 quinzaine de centimètres par rapport au bord de la carte en
Page 494
1 bas à droite ?
2 R. Oui, oui. C’est marqué sur la carte, environ
3 15 centimètres. C’est marqué en grandes lettres « Cohodor
4 Mahala ».
5 Q. Je vous remercie.
6 R. On ne voit pas de chiffre attribué à ce site
7 mais c’est marqué.
8 Q. Oui, je vois, mais si je vous le demande
9 c’est parce que je souhaite savoir autre chose. Quel
10 impact a eu cette rumeur concernant ce massacre, quel
11 impact sur vous, sur votre famille par rapport à vos
12 préoccupations concernant votre sécurité ?
13 R. Eh bien, c’était la peur généralisée parmi
14 les familles musulmanes, donc qui s’est emparée des
15 familles musulmanes. C’est normal. Quand il y a un
16 massacre qui se produit dans la ville, donc dans le
17 quartier où vivaient ces gens, il arrive qu’on connaît
18 beaucoup de gens qui ont été tués, donc on s’attend à ce
19 que cela arrive également à notre propre famille. Moi et
20 ma famille, on vivait dans une grande peur.
21 Q. Vous nous avez dit que vous avez entendu
22 parler de la mort de ces 27 personnes, que ces personnes
23 auraient été tuées. Vous savez si ces personnes étaient
24 des Serbes ou des musulmans ?
25 R. Toutes ces personnes étaient des musulmans.
Page 495
1 Pour la plupart, c’était des femmes et des enfants, du
2 moins pour ce que j’ai entendu.
3 Q. Est-ce qu’il y a eu d’autres avertissements
4 ou d’autres inquiétudes donc qui auraient été communiqués à
5 vous ou à votre famille, quelque chose qui vous aurait
6 incitée à quitter Foca ? S’il vous plaît, ne donnez pas de
7 noms de personnes qui vous auraient parlé de cela.
8 R. Non, je ne le souhaite pas. Moi
9 personnellement, je l’ai appris de la part du fils d’une
10 amie serbe. Il m’a dit qu’ils allaient venir un soir tuer
11 mon mari. Quand je lui ai demandé pourquoi, la réponse
12 était… j’ai dit : « Mais pourquoi ? Pourquoi ? Il n’a
13 rien fait. » La réponse était : « Eh bien, à cause de la
14 purification ethnique parce qu’il est musulman. »
15 Q. Votre mari a été libéré le 26 avril 1992. Il
16 était en liberté. Est-ce qu’on lui a demandé pendant ce
17 moment-là de venir se présenter quelque part ou de rester
18 en contact avec les autorités ?
19 R. Il devait se présenter deux fois par jour à
20 la station de police compétente à une heure précise dans la
21 matinée et dans l’après-midi. Là il a subi des
22 humiliations de tout genre ainsi que des mauvais
23 traitements physiques.
24 Q. Vous nous avez déjà relaté votre tentative
25 auprès des autorités d’obtenir l’autorisation de partir,
Page 496
1 n’est-ce pas ?
2 R. Oui, c’est exact. Je m’y suis rendue.
3 Q. Enfin, vous avez reçu l’autorisation de
4 quitter Foca ?
5 R. Oui.
6 Q. Pendant ce processus, vous avez obtenu des
7 certificats, des documents où il était indiqué que vous et
8 votre famille avez reçu l’autorisation de partir ?
9 R. Nous avons reçu des attestations de la part
10 du poste de police compétent que nous avions l’autorisation
11 de quitter Foca. Chaque membre de notre famille a reçu
12 cette attestation à titre personnel et nous avons été
13 obligés de signer un document disant que nous laissions nos
14 biens à la Republika Srpska.
15 Q. Vous n’avez pas été autorisée à emmener vos
16 biens ?
17 R. Mais nous n’avions rien. Tout ce que nous
18 avions, c’était de l’argent emprunté et des vêtements
19 empruntés aux autres parce que notre appartement a été
20 incendié quand nous sommes partis au camp. Donc, nous
21 n’avions rien.
22 Q. Toutefois, vous avez été obligée de signer un
23 certificat ou un document, quel qu’il soit, disant que vous
24 aviez laissé tous vos biens à la Republika Srpska ?
25 R. Oui. À Foca, je possède une maison familiale
Page 497
1 qui appartient à moi-même et à ma sœur. Cette maison n’a
2 pas été incendiée. Elle est située dans un quartier de
3 Donje Polje. J’ai une maison en construction. Nous avons
4 lancé la construction, je ne me rappelle plus l’année.
5 Donc, cette maison se trouve dans le quartier de Alazda et
6 les travaux n’étaient pas terminés. Il y avait juste le
7 toit et il y avait pas mal de matériel de construction
8 dessus. Pour autant que je le sache, ça a été emmené, mais
9 la maison est toujours au même endroit et nous avons un
10 garage que nous utilisions nous-mêmes. Nous y habitions.
11 Q. Vous avez dû signer ce document donc pour
12 tous ces biens, si j’ai bien compris ?
13 R. Nous avons signé un papier. Alors, quant à
14 ce qui était écrit sur ce papier, je dois vous dire que
15 cela ne m’intéressait pas particulièrement parce que ma
16 seule préoccupation, c’était de partir au plus vite et de
17 me retrouver en liberté.
18 Q. Sans donner de nom de localité, est-il vrai
19 que vous et votre famille, vous avez quitté Foca et vous
20 vous êtes rendus dans un pays tiers à l’étranger ?
21 R. Oui, c’est exact.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : J’aurais besoin de
23 l’assistance de l’huissier.
24 Q. Je souhaite vous présenter quelques
25 documents. Ce que je vous demande, c’est de les identifier
Page 498
1 et si vous parvenez à les identifier, nous allons leur
2 attribuer des numéros.
3 Me RYNEVELD (interprétation) : En premier lieu,
4 donc j’ai deux exemplaires d’un document que je vous
5 demanderais de distribuer, un document pour le témoin et un
6 document pour la greffière d’audience, s’il vous plaît. Ne
7 placez pas cela sur le rétroprojecteur puisque cela
8 contient des informations permettant l’identification.
9 Nous souhaitons que ces informations restent
10 confidentielles.
11 Q. Pouvez-vous tourner la page, s’il vous plaît ?
12 Donc, la page que vous regardez ne porte pas de numéro,
13 mais s’agit-il de votre mari ? S’il vous plaît, ne donnez
14 pas son nom.
15 R. Oui, c’est exact. C’est cela.
16 Q. Très bien ! Est-ce le document qui dit qu’il
17 était obligé de se présenter quotidiennement au poste de
18 police de la municipalité serbe de Foca ?
19 R. Oui.
20 Q. C’est le document qui montre qu’il a été
21 libéré du KP Dom où il a été détenu du 16 au 26 avril 1992.
22 Est-ce exact ?
23 R. Il y a une erreur. Du 14 au 26 puisque nous
24 avons été amenés tous ensemble le 14 avril. Nous sommes
25 sortis le 24 avril alors que lui a été libéré le 26 avril.
Page 499
1 Q. Vous ne vous rappelez pas la date de la même
2 manière que ce document mais ce document porte la date du
3 16.
4 R. Excusez-moi, mais il y a au-dessous une
5 correction où il est indiqué le 14 avril. C’est vrai que
6 cela ne porte pas de tampon mais c’est ça qui est exact, du
7 14 avril au 26 avril.
8 Q. Je vous remercie.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Je demanderais que
10 cela porte la cote 39, s’il vous plaît.
11 Q. Pendant que vous avez encore le document sous
12 vos yeux, cela a été signé par plusieurs signatures et nous
13 avons également un tampon. Pouvez-vous nous dire sous
14 l’autorité de quelle personne a été émis ce document devant
15 la cellule de crise de la municipalité serbe de Foca ?
16 R. Ça a été émis par le poste de police de Foca.
17 Q. À droite, on voit une autre signature. C’est
18 l’équipe de la cellule de crise de la municipalité serbe de
19 Foca ?
20 R. Excusez-moi. Cela concerne la libération de
21 la prison. D’une part, il y a la cellule de crise de la
22 municipalité serbe de Foca et d’autre part, nous avons le
23 responsable du poste de police serbe de Foca.
24 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Cela a déjà
25 été montré comme authentique.
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1 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui, c’est vrai.
2 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Pourquoi doit-
3 on entrer dans ceci ?
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Vous avez tout à
5 fait raison, Monsieur le Juge, mais je voulais juste
6 vérifier que ce soit correct.
7 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : [Signe de la
8 main]
9 Me RYNEVELD (interprétation) :
10 Q. Je demanderais au témoin de consulter la
11 pièce 40, s’il vous plaît.
12 Me RYNEVELD (interprétation) : J’ai deux
13 exemplaires, Monsieur l’Huissier.
14 Q. Pouvez-vous consulter la deuxième page de ce
15 document, s’il vous plaît, en B/C/S ? Est-ce que cela
16 concerne votre époux ? Ne prononcez pas son nom, s’il vous
17 plaît. Est-ce que ce document lui donne l’autorisation de
18 quitter Foca le 27 juin 1992 ?
19 R. Oui. C’est le document qui a été donné à mon
20 mari pour qu’il quitte Foca.
21 Q. Je vous remercie.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : La pièce 40, s’il
23 vous plaît. Passons à la pièce 41.
24 Q. Est-ce une autorisation semblable qui vous
25 concerne personnellement, Témoin 33 ?
Page 501
1 R. Oui. C’est l’autorisation qui a été émise à
2 mon nom. C’est la même date, la même signature, tout ça.
3 Q. Encore une fois, cela vous a permis de partir
4 au lendemain de la date où a été émis le document, donc le
5 27 juin 1992 ?
6 R. Oui.
7 Me RYNEVELD (interprétation) : C’était la pièce
8 41. Passons à la pièce 42. Monsieur l’Huissier, j’ai deux
9 exemplaires.
10 Q. S’agit-il d’une autorisation de sortie pour
11 votre fils ?
12 R. Oui.
13 Q. La même date, les mêmes personnes ? Je vous
14 remercie.
15 R. La même date, les mêmes personnes. Ça a été
16 émis le même jour.
17 Q. Je vous remercie.
18 Me RYNEVELD (interprétation) : C’était la pièce
19 42. Enfin, la pièce 43.
20 Q. S’agit-il d’une autorisation de sortie
21 délivrée à votre fille ?
22 R. Oui.
23 Me RYNEVELD (interprétation) : Peut-on marquer
24 cela sous le numéro 43, s’il vous plaît ?
25 Q. Avant la guerre, Témoin 33, connaissiez-vous
Page 502
1 Zoran Vukovic ?
2 R. Non.
3 Q. Savez-vous qui est Miroslav Stanic ?
4 R. Je le connaissais. Il était à la tête du SDS
5 local, de ce parti national.
6 Q. Parti nationaliste serbe ?
7 R. Serbe. Pour traduire, le nom complet serait
8 Parti démocrate serbe, la traduction complète.
9 Q. Vous avez dit qu’il était Président de ce
10 parti ? Vous le saviez ?
11 R. Oui. Il était Président de ce parti.
12 Q. Vous saviez qu’il était à la tête de la
13 présidence de guerre de Foca également ?
14 R. Pour autant que je le sache, il était
15 Président de la présidence de guerre aussi.
16 Q. Saviez-vous s’il occupait une position au
17 sein de la cellule de crise de Foca ?
18 R. Non, je ne le sais pas. Je ne pourrais pas
19 vous le dire.
20 Q. Ces fonctions que nous avons évoquées, la
21 présidence, c’était des fonctions civiles ?
22 R. Président du SDS, du Parti démocrate serbe,
23 eh bien, ça, c’est une fonction civile. Quant au poste de
24 Président de la présidence de guerre, si vous m’avez posé
25 cette question-là…
Page 503
1 Q. Oui.
2 R. Je pense que c’est aussi là une fonction
3 civile. Me Prodanovic, qui est expert en ce genre de
4 choses, pourra l’expliquer mieux.
5 Q. Très bien ! Vous connaissiez Cosovic ?
6 R. Qui ?
7 Q. Branislav Cosa Cosovic ?
8 R. Cosa, j’en ai entendu parler mais je ne le
9 connais pas.
10 Q. Cosa, oui.
11 R. Cosa.
12 Q. Vous ne le connaissez pas mais saviez-vous
13 quelle était sa fonction ou auriez-vous appris quelle était
14 sa fonction ?
15 R. J’ai entendu dire qu’il était Président… non,
16 qu’il était à la tête de la police militaire. C’est ce que
17 j’ai entendu, mais je n’en suis pas sûre.
18 Q. Très bien ! Vous avez mentionné dans votre
19 déposition quelques autres noms. Excusez ma mauvaise
20 prononciation. Je pense que vous avez mentionné Monsieur
21 Ostojic ?
22 R. Oui.
23 Q. Qui était-ce ?
24 R. Ministre chargé de l’information au sein du
25 gouvernement ou de l’assemblée de Bosnie-Herzégovine et il
Page 504
1 était membre du SDS de la République. Il est originaire de
2 Foca et il s’est souvent rendu à Foca pendant ces
3 événements.
4 Q. Je vois. Vous avez également mentionné
5 Monsieur Cancar ?
6 R. Il est originaire de Foca, avocat. Je le
7 connais personnellement. Il a occupé une des fonctions
8 importantes au sein de l’assemblée de Bosnie-Herzégovine et
9 il était aussi membre du SDS. Je ne sais pas exactement
10 quelle fonction était la sienne au sein du SDS.
11 Q. Vous avez également mentionné Monsieur
12 Maksimovic, me semble-t-il ?
13 R. Oui. Je le connais personnellement.
14 Auparavant, nous avons été amis. Il était professeur à la
15 faculté de lettres de Sarajevo. Sa fonction était celle du
16 Président du Club des députés au sein de l’assemblée de
17 Bosnie-Herzégovine, des députés du SDS, et il était
18 professeur universitaire à la faculté de lettres. Il s’est
19 souvent rendu à Foca également pendant ces événements mais
20 avant que cela n’arrive à Foca aussi.
21 Q. Très bien ! Avant de quitter Foca, vous nous
22 avez dit que vous avez entendu parler de toute une série de
23 choses qui se sont produites. Vous avez entendu parler de
24 bordels ou de camps de viols dans la zone de Foca ?
25 R. J’ai entendu parler de cas isolés de viols
Page 505
1 dans des maisons. J’ai également entendu parler de
2 Partizan, mais je n’en savais rien. Je ne savais ni qui se
3 trouvait là-bas, ni qui l’a ouvert. C’était des rumeurs.
4 C’est par la suite que j’en ai appris davantage dans la
5 presse, dans d’autres moyens de communication. J’ai appris
6 davantage à partir du moment où je suis sortie de Foca
7 qu’avant, pendant que j’y étais encore.
8 Q. Je vois. Ne nous dites pas où vous vous êtes
9 rendue mais vous avez eu l’autorisation donc de partir le
10 26 juin. Vous êtes restée ou vous êtes partie
11 immédiatement ?
12 R. Je suis partie immédiatement.
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’était bien
14 en 1992 ?
15 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui, tout à fait.
16 Je vous remercie. Il me reste encore juste quelques
17 petites questions supplémentaires. J’en ai terminé avec
18 les principales questions, mais ce que je souhaiterais
19 montrer au témoin, c’est un extrait vidéo qui ne dure
20 qu’une minute environ. C’est un extrait d’une émission de
21 la BBC. C’est la pièce 24, me semble-t-il, donc cette
22 bande vidéo.
23 J’aimerais avoir l’aide du témoin pour savoir
24 exactement quelle maison et quelle zone est montrée sur
25 cette vidéo.
Page 506
1 Je m’adresse à la cabine technique. Peut-on le
2 voir ? Peut-on visionner cette bande ? Il me semble que
3 la personne responsable est au téléphone.
4 [Diffusion d’une cassette vidéo]
5 R. Ça, c’est Prijeka Carsija ce que l’on a vu.
6 Q. Je vous laisserai visionner l’ensemble de cet
7 extrait et c’est pendant le deuxième « visionnage » que
8 vous allez le commenter, s’il vous plaît.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Donc, je
10 demanderais à la cabine technique de rembobiner, mais
11 permettez-moi de poser quelques questions préliminaires.
12 Q. Premièrement, avez-vous reconnu les quartiers
13 ou l’un quelconque des quartiers qui sont filmés ?
14 R. C’est un peu difficile de reconnaître les
15 maisons qui sont en flammes et peut-être que je suis aussi
16 un peu émue, mais il me semble, je vous le montrerai, ça se
17 trouve à proximité de moi, de là où j’étais, à proximité du
18 dispensaire et d’une école primaire. C’est un quartier que
19 je connaissais bien mais quant à savoir si c’est
20 effectivement cela ou non…
21 Q. Très bien !
22 R. Beaucoup d’années se sont écoulées.
23 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, visionner
24 encore une fois cet extrait et nous faire part de vos
25 commentaires pendant que vous le visionnez ?
Page 507
1 [Diffusion d’une cassette vidéo]
2 Q. Reconnaissez-vous ce quartier ? Si vous ne
3 pouvez pas, ce n’est pas grave.
4 R. Je pense que oui, mais je ne suis pas sûre.
5 Ça, je connais. Ça, c’est Prijeka Carsija. Ça, je connais
6 bien, mais là où les maisons étaient un peu plus denses,
7 c’est un peu plus difficile.
8 Q. Très bien ! Je vous remercie. Au cours de
9 votre déposition, quand vous parlez du 14 avril, quand vous
10 et votre famille, vous avez été amenés de votre appartement
11 à Livade, je ne sais pas si je vous ai demandé qui vous a
12 amenés là-bas. Quel genre de personnes était-ce, des
13 soldats, des policiers ? Pouvez-vous nous le dire ?
14 R. Je ne sais pas qui nous a emmenés. Les gens
15 portaient soit des habits vert olive militaires, soit des
16 uniformes de camouflage, mais tous portaient des cagoules
17 et nombreux s’adressaient à moi en disant « Docteur ».
18 Donc, ils me connaissaient, mais je ne sais pas qui
19 c’était. C’était vraisemblablement des gens du coin à en
20 juger d’après leur dialecte puisqu’il était le même que le
21 mien.
22 Q. Très bien ! Étaient-ils armés ? Portaient-
23 ils des armes ?
24 R. Ils avaient des fusils légers. Je ne m’y
25 connais pas très bien, mais ce n’était pas un armement
Page 508
1 lourd. Je ne m’y connais pas dans les différents types de
2 fusils, mais ils ne les ont pas utilisés. Ils avaient des
3 armes. C’était des fusils courts. Je ne sais pas comment
4 ça s’appelle.
5 Q. Je ne vous demande pas de le préciser. Vous
6 pensiez que c’était des soldats ?
7 R. Je pense que ce n’était pas des soldats. Je
8 pense qu’ils faisaient partie des unités paramilitaires.
9 La seule chose que je peux dire c’est que j’ai vu des
10 soldats parce que j’ai eu un contact direct avec quelques-
11 uns au KP Dom. C’était des soldats qui venaient du Corps
12 de Uzice, membres du Corps de Uzice.
13 Q. Puisque je ne sais pas ce que c’est,
14 pourriez-vous nous dire ce que c’est le Corps de Uzice ?
15 R. Eh bien, le Corps de Uzice, c’est une armée
16 qui venait d’une ville qui s’appelle Uzice et il a été
17 baptisé Corps de Uzice parce que ça venait de cette ville.
18 Q. Très bien ! Est-ce que cette ville se trouve
19 loin ?
20 R. Eh bien, c’est à peu près près de la
21 frontière avec la Bosnie mais en Serbie.
22 Q. Ces gens, ils se trouvaient au KP Dom de
23 Foca ?
24 R. Ils sont venus au KP Dom de Foca pour voir
25 qui étaient les détenus. Quant aux actions auxquelles ils
Page 509
1 auraient pris part dans la ville, ça, je ne le sais pas,
2 mais un jour, ils sont venus prendre nos noms et quand j’ai
3 dit que j’étais médecin, l’un d’eux s’est un petit peu
4 arrêté et il m’a demandé : « Où avez-vous fait vos études ? »
5 J’ai dit : « À Belgrade. » « Mais vraisemblablement,
6 vous connaissez beaucoup de nos médecins à Uzice » et j’en
7 connaissais effectivement beaucoup. J’ai cité ces noms et
8 il m’a dit : « Oui, vous avez raison. Ma femme est
9 infirmière. » Voilà, c’est tout. Enfin, c’est là que la
10 conversation s’est terminée, mais eux-mêmes ont dit qu’ils
11 venaient de Uzice et qu’ils étaient membres de ce corps.
12 Q. Très bien ! Quelques petites questions pour
13 préciser vos réponses antérieures. Vous avez dit que vous
14 êtes allée à Livade. Vous nous avez parlé de deux pièces
15 où vous êtes allée. Je ne vous ai pas demandé votre
16 estimation quant au nombre de personnes qui étaient
17 détenues à Livade en tout. Je pense que vous avez dit 100
18 à 120.
19 C’était des gens qui venaient de votre ensemble de
20 logements ou c’est l’ensemble des personnes que vous avez
21 vues ?
22 R. C’est l’ensemble des personnes que j’ai vues
23 à cet endroit.
24 Q. Très bien ! Quand vous êtes arrivée au KP
25 Dom, pouvez-vous nous dire à peu près combien y avait-il de
Page 510
1 personnes détenues à cet endroit ?
2 R. Ils étaient bien plus nombreux, mais c’est un
3 bâtiment immense celui du KP Dom. Les gens étaient placés
4 dans des pièces et je ne connais que ceux qui se trouvaient
5 dans la même pièce que moi. Parfois, on se croisait au
6 petit-déjeuner ou au déjeuner.
7 Il m’est arrivé de reconnaître certaines personnes
8 mais je ne peux pas vous dire combien ils étaient en tout.
9 Je sais que ce nombre grandissait de jour en jour.
10 Q. Quand vous avez été emmenée à Livade, avez-
11 vous vu quelqu’un emmené pour être passé à tabac pendant
12 votre séjour là-bas ?
13 R. Il n’y a pas eu de passage à tabac organisé à
14 Livade, mais il y avait un gardien qui était connu pour
15 faire ça et il lui est arrivé de rentrer dans une pièce, il
16 portait une cagoule, donc de prendre quelqu’un, de le
17 passer à tabac et quand d’autres personnes le voyaient, il
18 ramenait les gens dans la pièce et il a fait ça de son
19 propre chef pendant qu’il était de garde.
20 Q. Je vois. Nous avons également parlé du
21 quartier Alazda. C’était un quartier majoritairement
22 musulman, mixte ou donc, comme je le disais, à majorité
23 musulmane ?
24 R. À Alazda, il y avait aussi des bâtiments de
25 logements très grands et c’est là que la population était
Page 511
1 mixte, mais quant aux maisons particulières, les musulmans
2 y étaient plus nombreux que les Serbes. Quant à un
3 quartier qui se trouvait en face, vis-à-vis de Alazda,
4 derrière le stade, ce quartier s’appelait… je ne me
5 souviens pas exactement, ce quartier-là avait une
6 population à majorité serbe. Je n’arrive pas à retrouver
7 le nom. Ça se trouvait au-dessus du stade.
8 Q. Vous voulez dire que les musulmans habitaient
9 plutôt dans des maisons particulières et les Serbes dans
10 des bâtiments de logements appartements ?
11 R. Eh bien, comment vous dire ? Ceux qui
12 étaient en mesure de se faire construire une maison
13 particulière le faisaient, mais la plupart des musulmans et
14 des Serbes vivaient dans des appartements. Il y en avait
15 un grand nombre, cependant, d’une part et d’autre qui
16 vivaient dans des maisons particulières.
17 Q. Dans la bande que nous avons vue, nous avons
18 vu essentiellement des maisons particulières qui étaient en
19 flammes.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je ne pense
21 pas qu’il faille poursuivre le long de cette ligne.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : Je retire ma
23 question.
24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vois.
25 Merci.
Page 512
1 Me RYNEVELD (interprétation) :
2 Q. Connaissez-vous l’école secondaire de
3 Alazda ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous est-il arrivé de vous arrêter à cet
6 endroit pendant vos déplacements ?
7 R. Pendant ces événements ou avant ?
8 Q. Non. Quand vous avez été emmenée, donc à la
9 période qui va du 14 avril, donc quand vous avez été
10 emmenée au KP Dom.
11 R. Le 14 avril, quand nous avons été emmenés à
12 Livade, on nous a allongés deux par deux et sur les côtés,
13 il y avait des gardiens qui étaient vêtus d’uniformes
14 militaires et qui portaient des armes et nous sommes passés
15 par ce centre d’enseignement secondaire parce qu’il se
16 trouvait en chemin vers Livade.
17 Donc, devant ce centre d’enseignement secondaire,
18 il y avait un grand nombre de soldats qui portaient des
19 uniformes différents. Ils étaient en noir, certains qui
20 portaient des couvre-chefs de fourrure, d’autres portaient
21 des bérets, certains avaient des écharpes blanches autour
22 de leur bras, et à un moment, j’ai entendu quelque chose
23 qui m’a fait très peur. Ils ont dit : « Sélectionnez ces
24 balijas, mettez-les de côté, nous allons bientôt en avoir
25 fini avec eux et qu’ils continuent à naviguer le long du
Page 513
1 fleuve, enfin, de la rivière » et je ne sais pas de quel
2 groupe il s’agissait, ni à quelle formation ces gens-là
3 appartenaient.
4 Q. Balijas, c’est quoi ?
5 R. C’est une dénomination péjorative pour les
6 musulmans.
7 Q. Dernière question. Lorsque vous avez parlé
8 du KP Dom, vous avez dit qu’il s’agissait d’un camp.
9 Pourquoi est-ce que vous avez appelé cela un camp ? Est-ce
10 que des soldats le gardaient ? Pourquoi est-ce que vous
11 l’avez appelé camp ?
12 R. Il y avait une différence. Je ne peux pas
13 vous le dire avec précision, mais il y a une différence
14 entre le KP Dom et le camp puisque dans le camp, par
15 exemple, à mon avis, on amenait des gens qui n’ont jamais
16 été condamnés, des gens qui ont été arrêtés soit dans leurs
17 appartements ou ailleurs, des gens qui ont été arrêtés et
18 qui ont été amenés de force.
19 Quant au KP Dom, il s’agit d’un établissement
20 pénitentiaire. Donc, des gens y étaient placés, détenus
21 après une procédure judiciaire, après avoir fait l’objet
22 d’une condamnation.
23 Q. Donc, vous dites que le lieu de détention où
24 vous avez été détenue avant le KP Dom était un camp ?
25 R. Oui.
Page 514
1 Me RYNEVELD (interprétation) : Je vais juste
2 vérifier avec mes collègues pour voir si j’ai d’autres
3 questions. Non, je n’en ai plus.
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce qu’il
5 y a des questions en contre-interrogatoire ?
6 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la
7 Présidente.
8 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me
9 PRODANOVIC (interprétation) :
10 Q. Témoin 33, vous avez dit que vous avez
11 travaillé à l’hôpital qui dépendait du centre médical
12 régional. Est-ce que vous pourriez nous dire combien de
13 municipalités dépendaient de ce centre médical régional ?
14 R. Foca, Gorazde, Cajnice, Visegrad et Rudo, et
15 à la fin Kalinovik, donc six municipalités.
16 Q. Dans toutes ces municipalités ou bien dans
17 toutes ces villes, est-ce qu’il y a eu des établissements
18 médicaux qui faisaient partie de ce centre médical
19 régional ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire qui était
22 le directeur du centre médical régional ?
23 R. C’était le Dr Lovoturs.
24 Q. Quelle était son appartenance ethnique, s’il
25 vous plaît ?
Page 515
1 R. Il était musulman.
2 Q. Pourriez-vous nous dire qui était le
3 directeur du centre médical ?
4 R. De Foca ?
5 Q. Oui.
6 R. Avdo Sedinlija.
7 Q. Quelle était son appartenance ethnique ?
8 R. Musulman.
9 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire qui étaient
10 les directeurs des établissements médicaux dans les villes,
11 Visegrad, Gorazde, et cætera, si vous vous en souvenez ?
12 R. À Foca, le directeur de l’hôpital était le Dr
13 Sekul Stanic et Dusko Kornjaca à Cajnice.
14 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Donc, il
15 s’agissait de Serbes ?
16 R. Oui. Ces personnes étaient des serbes.
17 Ensuite, à Kalinovik, c’était un autre Serbe. Je ne me
18 souviens pas. À Gorazde, un musulman. Je ne sais pas son
19 prénom, son nom. À Rudo, un Serbe. Encore une fois, je ne
20 me souviens pas de son nom. Vous savez, beaucoup d’années
21 se sont écoulées.
22 Q. Peu importe les noms.
23 R. Et puis un autre endroit…
24 Q. Rogatica, Visegrad ?
25 R. Rogatica ne faisait pas partie de notre
Page 516
1 région.
2 Q. Visegrad ?
3 R. Visegrad, je ne pourrais pas vous le dire.
4 Q. Le centre régional médical couvrait également
5 le lieu où se trouvait la pharmacie de Foca ?
6 R. Oui.
7 Q. Qui était son directeur ?
8 R. Je ne sais pas.
9 Q. Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour
10 dire que le directeur était Amra Celik, le directeur de la
11 pharmacie de la ville ?
12 R. Peut-être, probablement.
13 Q. Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour
14 dire qu’elle était musulmane ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous savez combien de personnes
17 travaillaient à l’hôpital de Foca ?
18 R. Plus de 500, mais je ne connais pas le nombre
19 exact. Maintenant, vous allez me demander quelle était la
20 proportion des Serbes et des musulmans. Malheureusement,
21 ceci ne m’intéressait jamais. Je ne l’ai jamais su et je
22 ne le sais pas maintenant.
23 Q. Est-ce que vous permettez la possibilité que
24 c’était moitié-moitié en parlant de la totalité ?
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
Page 517
1 Prodanovic, je sais que vous parlez la même langue, donc je
2 comprends que vous êtes tenté de parler trop vite mais
3 veuillez attendre les réponses du témoin.
4 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je m’excuse.
5 Merci.
6 R. Je ne sais pas. Je crois qu’il y avait plus
7 de Serbes qui étaient employés, mais ceci ne m’a jamais
8 intéressée. Je n’ai jamais établi de statistiques à ce
9 sujet.
10 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quels
11 étaient les chefs de départements à l’hôpital ?
12 R. Commençons par le début.
13 Q. Je suppose que c’est une question plus facile
14 pour vous.
15 R. Oui. Le département de chirurgie, c’était un
16 Serbe. Gynécologie, musulman. Pédiatrie, musulman.
17 Département d’infections, musulman. Transfusions, Serbe.
18 Service de département interne, Serbe. Le département
19 thoracique, Serbe. Psychiatrie, musulman. Oto-rhino-
20 laryngologie, musulman. Peut-être j’ai oublié de citer un
21 autre département. Attendez. Le département de
22 réhabilitation, c’était un Serbe.
23 Q. Vous-même, étiez-vous chef de département ?
24 R. Je me suis mentionnée moi-même. J’étais chef
25 du département de pédiatrie.
Page 518
1 Q. Très bien ! Depuis quand étiez-vous le chef
2 du département de pédiatrie ?
3 R. Depuis 1976, lorsque j’ai terminé ma
4 spécialisation.
5 Q. Depuis 1976. Très bien ! Est-ce que vous
6 pourriez nous dire exactement où vous étiez au moment où le
7 conflit a éclaté ?
8 R. Comme je l’ai dit, je suis allée au travail
9 le 8. Je suis rentrée chez moi pour venir chercher ma
10 famille, pour aller à l’hôpital avec eux. Mon collègue que
11 j’ai mentionné, Relja, il est venu avec moi et Relja, il a
12 amené sa femme et son enfant à l’hôpital, alors que les
13 membres de ma famille ne voulaient pas partir.
14 Q. Je parle du moment où des coups de feu ont
15 commencé à être entendus, tirés.
16 R. Oui. J’étais à la maison. Je ne suis pas
17 sortie. Pendant toute cette période, on entendait des
18 coups de feu, entre le 8 et le 14, et je ne sortais pas du
19 tout.
20 Q. Merci.
21 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je souhaite que
22 l’huissier montre maintenant au témoin une carte – il
23 s’agit de la pièce à conviction du Procureur 12/1 – pour
24 que le témoin puisse montrer où se trouvait son immeuble.
25 R. Je crois que ceci ne figure pas sur cette
Page 519
1 carte. Ceci se trouve juste de l’autre côté de la route,
2 de l’autre côté de Cehotina, mais je crois que peut-être
3 ceci ne figure pas sur la carte.
4 L’INTERPRÈTE : [Inaudible]
5 R. L’hôtel Zelengora est numéro 5 et j’étais en
6 face de l’hôtel Zelengora, juste de l’autre côté du pont.
7 Mon bâtiment se trouvait en parallèle par rapport à ce
8 pont.
9 Q. Si vous regardez ça, est-ce que vous pouvez
10 nous montrer la route vers l’hôpital ? Quelle est la route
11 que vous prenez pour aller à l’hôpital ?
12 R. Eh bien, je traversais ce pont et j’arrivais
13 en laissant l’hôtel Zelengora à droite. Moi, je continuais
14 à gauche. C’est là que l’autobus nous attendait devant
15 Délicatesses. On repasse le pont et puis l’autobus longe
16 mon bâtiment, on passe au-dessous du KP Dom.
17 Q. Je crois que vous vous trompez. Vous montrez
18 Cehotina.
19 R. Oui, je montre Cehotina. Effectivement, j’ai
20 fait une erreur. Donc 5, c’est l’hôtel Zelengora. En
21 face, c’est mon immeuble. Donc moi par exemple, je
22 traversais le pont. Ensuite, je passais de l’autre côté,
23 devant Délicatesses. Toi, tu sais où était Délicatesses.
24 C’est là que le bus allant vers l’hôpital s’arrêtait.
25 Donc, on longeait la rivière Drina. On passait devant le
Page 520
1 KP Dom pour aller à l’hôpital.
2 Q. Oui. Moi, je comprends, mais pour que les
3 choses soient claires pour tout le monde ici, vous avez
4 montré la rive gauche de la Drina, mais je crois que vous
5 avez fait une erreur. Je crois qu’il faut prendre la rive
6 droite pour aller à l’hôpital.
7 R. Oui, vous avez raison. J’ai faut une erreur
8 en indiquant. Je crois que ceci n’est pas tellement
9 important. Moi, je décrivais la rive gauche et je montrais
10 la rive droite, n’est-ce pas ?
11 Q. Oui.
12 R. Eh bien, je pense que je suis simplement
13 fatiguée et que je n’ai pas fait suffisamment attention.
14 Q. Oui. Il n’y a pas de problème. Vous
15 traversiez quelles agglomérations pour aller jusqu’à
16 l’hôpital ?
17 R. Donje Polje devant le KP Dom, et puis en bas,
18 je ne sais pas comment ça s’appelait cette partie. C’est
19 la rue Proleterskih Brigada.
20 Q. Très bien. Vous avez dit que ce jour-là,
21 vous êtes partie, vous êtes allée vers l’hôpital et que
22 vous avez passé deux barrages routiers. C’est ce que vous
23 avez dit dans votre déclaration.
24 R. Oui.
25 Q. Et où est-ce que ceci se trouvait ?
Page 521
1 R. D’un côté, près du KP Dom, et l’autre était
2 près du pont de Zrinjski.
3 Q. Est-ce que vous pouvez décrire ces barrages
4 routiers?
5 R. Eh bien, il y avait deux personnes et puis un
6 camion qui bloquait la route. Sinon, de toute façon,
7 personne ne nous a arrêtés, personne ne nous demandait quoi
8 que ce soit. C’est ce que j’ai dit dans ma déclaration.
9 Q. Est-ce que ça veut dire que les voitures ne
10 pouvaient pas passer ?
11 R. Oui, je suppose puisque le véhicule bloquait
12 la route mais les passagers pouvaient passer sans problème.
13 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous
14 savez qui avait érigé ces barrages routiers, ces points de
15 contrôle ?
16 R. Non.
17 Q. Aujourd’hui au cours de votre déposition,
18 vous avez dit que cette partie de l’agglomération était en
19 majorité musulmane ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous êtes d’accord avec cela ?
22 R. Oui, sauf les immeubles d’en face où la
23 population était mixte.
24 Q. Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour
25 dire que c’était les musulmans qui les avaient érigés ?
Page 522
1 R. Écoute, je ne peux pas être d’accord ni avec
2 moi ni avec toi. Moi, je ne connaissais pas les personnes
3 qui étaient aux barrages routiers. Je ne savais même pas
4 pourquoi ces barrages routiers avaient été érigés. C’était
5 le début des événements. Moi, je rentrais. Lorsque je
6 suis rentrée, on n’a pas eu de problèmes et après, je ne
7 suis plus passée en prenant la même route. Je suis restée
8 chez moi et puis à la fin, j’ai pris ce même autobus que je
9 prenais toujours pour aller à l’hôpital.
10 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce
11 que faisaient ces personnes qui étaient au point de
12 contrôle ? Est-ce qu’ils vérifiaient les identités ?
13 R. Non. On ne nous a pas demandé de montrer nos
14 cartes d’identité. On ne nous a rien demandé. On est
15 arrivé jusqu’au barrage routier et puis on est passé sans
16 problèmes, et encore aujourd’hui, je dis que je ne sais pas
17 qui étaient ces personnes.
18 Q. Est-ce que vous savez quel était leur
19 comportement envers les gens qu’ils ne connaissaient pas ?
20 R. Aucune idée puisque nous nous allions à
21 l’hôpital. Nous allions au travail. Je suppose qu’ils
22 nous connaissaient tous. Ils ne nous ont rien demandé et
23 en rentrant, ils ne nous ont même pas arrêtés. Nous avons
24 passé, nous étions en voiture, et après, je n’ai plus
25 repris le même chemin.
Page 523
1 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, à votre
2 avis, quel était le but de leurs barrages routiers ? S’ils
3 étaient là, s’ils n’arrêtaient personne, s’ils ne
4 demandaient pas de carte d’identité ni d’autres papiers de
5 la part de qui que ce soit, pourquoi alors ?
6 R. À vrai dire, je ne sais pas. J’ai été
7 tellement étonnée que je ne réfléchissais pas du tout à ça,
8 et après, les coups de feu ont commencé et à ce moment-là,
9 je ne savais plus rien clairement. Donc, je ne savais pas
10 quel était le but des barrages routiers, ni qui les avaient
11 constitués, ni qui s’y trouvait.
12 Comme je l’ai déjà dit, à Foca, j’avais vécu une
13 vie digne d’un être humain. Quant à savoir ce qui s’est
14 passé du jour au lendemain, il est très difficile de
15 décrire cela et il est très difficile même pour nous, moi
16 et toi qui avons vécu comme des citoyens honnêtes, dans une
17 telle situation, il était très difficile de discuter d’une
18 telle situation, surtout si nous qui nous connaissions
19 tellement bien, qui fêtions nos fêtes.
20 Moi, je souhaite qu’on le refasse. Moi, je ne
21 suis pas de ceux qui ne souhaitent pas rentrer chez elle
22 dans sa ville mais je trouve ceci très, très difficile. Il
23 y a tous ces gens et toi, tu dois le savoir qu’il y a tous
24 ces gens que j’ai vraiment aidé et tous les gens de la
25 région le savent, pourquoi personne ne me l’a dit ? Mes
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1 enfants à moi sont des enfants aussi. Moi, j’aimais mes
2 enfants comme les autres aimaient les leurs. Mes enfants
3 étaient adultes.
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez
5 juste répondre aux questions posées directement. Ceci nous
6 permettra d’accélérer les choses.
7 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je comprends.
8 Q. Ce jour-là à l’hôpital, est-ce que certaines
9 choses se produisaient qui indiquaient qu’un conflit allait
10 éventuellement éclater ?
11 R. Dès que je suis arrivée, j’ai vu que beaucoup
12 de personnes sont venues avec leurs familles. Moi, je suis
13 rentrée tout de suite chez moi. Donc, je ne savais pas ce
14 qui s’est produit à l’hôpital. Je n’ai pas travaillé. Je
15 suis allée à l’hôpital, j’ai vu qu’ils sont venus avec
16 leurs familles et moi, je suis rentrée avec mon collègue
17 Dimjan. Les membres de ma famille ne voulaient pas aller à
18 l’hôpital et donc moi, je suis restée chez moi avec ma
19 famille.
20 Q. Est-ce que vous pouvez me dire combien
21 d’enfants y avait-il dans votre département ? Est-ce qu’il
22 y avait des enfants abandonnés ?
23 R. Oui, il y en a eu des enfants abandonnés. À
24 ce moment-là, je crois qu’ils étaient au nombre de quatre
25 et quant au nombre total, je crois qu’ils étaient peut-être
Page 525
1 une trentaine.
2 Q. Est-ce que vous pourriez me dire si parmi ces
3 enfants abandonnés, il y avait également des enfants
4 d’origine musulmane ?
5 R. Oui. Il y avait un petit, Dzudarija. Sa
6 mère était morte. Elle est morte pendant l’accouchement.
7 Son anniversaire était le 20 juin, son troisième
8 anniversaire, et par la suite, j’ai entendu qu’il a été
9 échangé à Gorazde en novembre ou octobre.
10 Puis, il y avait une petite fille qui est née
11 déformée avec des déformités dans sa main et son pied et sa
12 famille ne voulait plus l’accueillir de nouveau mais je ne
13 sais pas ce qui est advenu à cette pauvre enfant.
14 Q. Vous avez montré où se trouvait votre
15 appartement, votre immeuble. Est-ce que vous pouvez nous
16 dire combien d’appartements étaient musulmans et combien
17 d’appartements appartenaient aux autres ?
18 R. Je crois qu’il s’agissait du même nombre
19 d’appartements plus ou moins.
20 Q. Je vais vous rappeler ce que vous avez dit
21 dans le cadre de la déclaration que vous avez donnée aux
22 enquêteurs. Vous avez dit que les Serbes savaient très
23 bien sur quels appartements ils tiraient. Est-ce que vous
24 maintenez cette déclaration encore aujourd’hui ?
25 R. Parce que certains d’eux sont restés chez eux
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1 dans leur appartement, les femmes par exemple, elles
2 préparaient le déjeuner, les enfants étaient assis sur le
3 lit, ils lisaient les livres, et moi, ceci était une sorte
4 d’indice me disant que peut-être ils savaient où ils
5 tiraient. Au moins, ceci laisse un doute dans ma tête.
6 Q. Est-ce que vous connaissiez Vukasin
7 Skiljevica ?
8 R. Oui.
9 Q. Quelle était son appartenance ethnique ?
10 R. Musulman.
11 Q. Est-ce que vous connaissiez la famille de
12 Radovic, Jeftan Radovic ?
13 R. Ils habitaient au-dessus de moi.
14 Q. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à
15 leurs appartements ?
16 R. Leurs appartements ont été incendiés en même
17 temps que le mien puisque le feu s’est répandu. Le feu
18 s’est répandu depuis mon appartement mais leurs
19 appartements n’ont pas été détruits entièrement.
20 Q. Comment est-ce que vous l’avez appris ?
21 R. C’est ce que j’ai entendu. Lorsque j’ai
22 quitté le camp, je suis allée dans mon appartement et je
23 l’ai vu. Mon directeur et puis une autre personne, ils
24 m’ont escorté jusqu’à mon appartement. Il y a eu certains
25 dommages dans cet appartement mais dans le mien, il n’y
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1 avait absolument rien, par exemple les photos d’enfants.
2 C’est ce que je regrette le plus parce que ça, je ne
3 pourrai plus jamais les prendre. Mais quant aux
4 appartements de Jeftan et de Vukasin, ils ont été
5 endommagés mais pas complètement détruits mais je ne sais
6 toujours pas qui a incendié le mien, mon appartement à moi.
7 Q. Est-ce que l’appartement était incendié de
8 manière délibérée ou bien au cours des combats ?
9 R. Ça, je ne peux pas l’affirmer. Je ne peux
10 pas soutenir ni l’une ni l’autre hypothèse parce que
11 simplement, je ne le sais pas.
12 Q. Est-ce que vous savez que des combats se sont
13 déroulés autour de votre bâtiment ?
14 R. Pour autant que je le sache, des combats se
15 déroulaient autour de mon immeuble puisqu’on entendait
16 beaucoup de coups de feu pendant que nous étions dans la
17 cave.
18 Q. Est-ce que vous pouvez supposer ou bien est-
19 ce que vous savez où se trouvaient les positions des uns et
20 des autres ? Là, je parle des deux belligérants.
21 R. Je ne sais pas. Je ne sortais pas et je ne
22 peux pas me prononcer là-dessus.
23 Q. Dans votre déclaration, la déclaration que
24 vous avez donnée aux enquêteurs auparavant, vous avez dit :
25 « Le soir du 12 avril 1992, nous avons pu voir depuis notre
Page 528
1 appartement que la partie de la ville appelée Prijeka
2 Casija était en flammes. Cette même partie de la ville
3 avait été incendiée par les Chetniks au cours de la
4 Deuxième Guerre mondiale. »
5 Est-ce que vous vous trouviez dans l’appartement
6 ou bien au rez-de-chaussée puisque vous alliez parfois en
7 haut, parfois en bas, au moment où Prijeka Carsija était en
8 flammes ?
9 R. À un moment, les coups de feu se sont arrêtés
10 et toute la ville était illuminée, et depuis l’appartement,
11 nous avons pu voir que Prijeka Carsija était en flammes
12 mais je ne sais pas qui l’avait incendié. Je ne suis pas
13 sortie de l’immeuble, je ne sais pas qui tirait, d’où il
14 tirait, qui luttait contre qui. Donc, je peux simplement
15 dire : j’ai entendu dire ceci ou cela mais je ne peux pas
16 l’affirmer avec exactitude.
17 Q. Est-ce que vous pouvez identifier les
18 propriétaires de maison qui étaient incendiées ?
19 R. Certainement pas. Je ne regardais même pas.
20 Je pense qu’à Prijeka Carsija, il y avait surtout des
21 commerces et pas tellement de maisons. Moi, je dis que
22 Prijeka Carsija était en flammes mais je ne sais pas quels
23 étaient les bâtiments précis qui étaient incendiés.
24 Q. Est-ce que vous connaissez Simo Aganovic ?
25 R. Vous parlez de celui qui était propriétaire
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1 d’une pâtisserie ?
2 Q. Parce que je souhaite parler des commerces à
3 Prijeka Carsija. Je ne sais pas si vous savez qui étaient
4 les propriétaires des commerces qui avaient été incendiés.
5 R. Slavisa… moi, j’ai dit que j’ai vu que
6 Prijeka Carsija était en feu et que là-bas, il y a eu des
7 commerces serbes et musulmans mais je ne sais pas quels
8 étaient les commerces qui ont été incendiés. Je ne sais
9 pas qui étaient les propriétaires de ces commerces et je ne
10 suis plus jamais repassée par Prijeka Carsija par la suite.
11 Donc, je ne peux pas dire des choses que je ne connais pas.
12 Q. Est-ce que vous savez où se trouvait
13 Jugoplastika ?
14 R. Oui.
15 Q. C’était dans la même rangée de maisons, de
16 commerces ?
17 R. C’était juste en face de Muja Moco.
18 Q. Est-ce que ça aussi, ça été incendié ?
19 R. Je n’ai vraiment aucune idée. Je ne passais
20 pas par là.
21 Q. Seriez-vous d’accord avec moi pour dire qu’il
22 y a un certain nombre de bâtiments également qui ont été
23 incendiés à Prijeka Carsija et dont les propriétaires
24 étaient Asima Aganovic qui était musulmane; ensuite le
25 magasin de Jugoplastika dont le propriétaire était la
Page 530
1 famille Sunaric qui habitait au premier étage du magasin;
2 ensuite un bâtiment d’état Lovoturs dont le propriétaire
3 était un Serbe et qui avait loué donc ce bâtiment,
4 Lovoturs; ensuite une orfèvrerie dont le propriétaire était
5 Halim Brajlovic; ensuite des locaux de l’église orthodoxe
6 serbe où l’on vendait les cierges et tout l’équipement pour
7 l’enterrement; ensuite une boutique de l’état également, de
8 la société intitulée « 21 Décembre »…
9 R. C’était à l’angle.
10 Q. À proximité. Et puis également la maison de
11 Males, Mile ?
12 R. Oui. Je sais où c’est.
13 Q. Mais il était de quelle nationalité ?
14 R. Serbe.
15 Q. Ensuite, il y avait le propriétaire également
16 Colpa d’une boutique ?
17 R. Oui.
18 Q. Il était musulman ?
19 R. Oui.
20 Q. Ensuite, il y avait également un autre café
21 qui appartenait à Hadziahmetovic, Mensud, qui était
22 musulman ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi que
25 j’ai établi un ordre entre les bâtiments que nous avons vus
Page 531
1 avoir été incendiés ? Est-ce que vous le permettez ?
2 R. Je le permets. Je ne peux pas vous dire quoi
3 que ce soit. Je ne sais pas à qui ces bâtiments
4 appartenaient, à qui appartenaient ces boutiques tout
5 simplement parce que je ne l’ai pas vu, moi. J’ai vu la
6 flamme, j’ai vu que les boutiques ont été incendiées.
7 Q. Ce n’est pas pour vous que je pose la
8 question. C’est pour d’autres raisons.
9 R. D’accord. Je te comprends.
10 Q. Est-ce que vous connaissez Velizar Grusic ?
11 R. Oui.
12 Q. Bien ?
13 R. (expurgée)
14 Q. (expurgée)
15 (expurgée)
16 R. Oui.
17 Q. (expurgée)
18 R. (expurgé). Ensuite,
19 c’était numéro 4. C’était peut-être Beogradska numéro 6.
20 Q. Par conséquent, à proximité de l’immeuble que
21 vous habitiez ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous êtes au courant également que
24 la maison a été incendiée ces jours-ci ?
25 R. Oui. J’ai appris également que Kong (ph.) a
Page 532
1 été brûlé, incendié.
2 Q. Est-ce que vous connaissez Milisav
3 Kovacevic ?
4 R. Oui, bien évidemment. J’ai travaillé avec
5 lui.
6 Q. Qu’est-ce qu’il avait comme nationalité ?
7 R. Serbe. Sa maison a été brûlée, incendiée.
8 Q. Elle était quelque peu séparée sa maison ?
9 R. Elle était dans le quartier résidentiel.
10 Q. Je pense au fond à ces maisons qui étaient
11 rangées l’une après l’autre, serbes et musulmanes.
12 R. Oui. Elle était alignée dans cette rangée.
13 Q. Est-ce que le 12 avril, vous étiez au courant
14 qu’il y avait toute une série de maisons serbes qui ont été
15 incendiées à partir de Drago Plemic, Milisav Kovacevic,
16 Momo Kovac, Ilija Radovic, Milorad Krnojelac ?
17 R. Pour Milorad, je le sais. C’est lui-même en
18 personne qui me l’a dit. Pour les autres, je ne sais pas.
19 Q. Dzoja Pavlovic, Vasilije Radovic et les
20 familles Obrenovic et Drakula qui se trouvaient pas trop
21 loin ?
22 R. Je ne suis pas au courant tout simplement
23 parce que je ne suis plus restée en contact avec qui que ce
24 soit avec qui éventuellement j’aurais pu discuter, et puis
25 en définitive, ça ne m’intéressait pas, ça ne m’intéressait
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1 absolument pas quelles étaient les maisons qui ont été
2 incendiées. Ce qui m’intéressait, c’était les êtres
3 humains et leur vie car je considère qu’en ce qui concerne
4 les maisons indépendamment de ceux qui les ont incendiées
5 ou non… et je souligne une fois de plus, j’ai été visée
6 peut-être de la part du SDA parce que tout simplement, je
7 n’étais pas membre de ce parti.
8 Il faut que tu me comprennes. Je ne sais pas ce
9 qu’ils ont fait les uns aux autres. Je sais ce que moi-
10 même, j’ai pu voir et ce que j’ai vécu et c’est ce que j’ai
11 relaté. Je ne peux pas dire ce que je n’ai pas vu, ce que
12 je n’ai pas vécu. Je ne peux pas l’affirmer. Ce que je
13 peux dire, c’est tout simplement ce que moi-même, j’ai vu
14 et ce que j’ai vécu, ce que j’ai entendu dire également.
15 Vous m’énumérez les maisons. Bien évidemment, à
16 ce moment-là, je pourrais aller d’une maison pour prendre
17 un café puis entendre ce qui s’était passé et toi, tu sais
18 très bien que je ne pouvais pas circuler. Ce n’était pas
19 permis. Je pouvais bien évidemment sortir de temps à autre
20 pour faire quelques courses. J’ai peut-être rencontré ma
21 mère dans la rue, mais de toute façon, ce qui s’était
22 passé, je ne sais pas.
23 Milorad m’a dit que justement sa maison a été
24 brûlée et il m’a dit textuellement : « Si jamais j’avais ma
25 propre maison, je t’aurais emmenée chez moi. »
Page 534
1 Q. Je vous comprends parfaitement. Je sais ce
2 que vous dites, mais la Chambre et les Juges doivent
3 entendre tout ce qui doit être dit.
4 R. Ce n’est pas de moi qu’ils peuvent et doivent
5 entendre. Je n’ai pas énuméré les maisons musulmanes qui
6 ont été incendiées. J’ai dit tout simplement que mon
7 appartement a été brûlé. Je sais qu’à Donje Polje, par
8 exemple, il y avait des maisons qui ont été incendiées. À
9 qui appartenaient ces maisons, je ne sais pas parce que la
10 majorité des maisons à Donje Polje étaient musulmanes. Il
11 y avait Kovac également parce qu’il y avait une des Kovac
12 qui travaillait à l’hôpital, mais je ne peux pas faire la
13 distinction.
14 Je ne sais pas quelle est la maison qui a été
15 incendiée et qui était le propriétaire de la maison, mais
16 après tout, ce n’est pas dans mon champ d’intérêt et puis
17 je ne peux pas vous le dire. Je ne peux pas dire quelle
18 est la maison qui a été incendiée. J’ai tout simplement
19 dit quel était l’appartement qui était le mien qui a été
20 incendié. Quels étaient les autres, je ne peux même pas
21 parler d’un côté ou de l’autre, ce qui a été fait d’un côté
22 ou de l’autre.
23 Q. Je vous comprends. Est-ce que je vous ai
24 comprise également que vous avez bien dit aujourd’hui que
25 les Serbes avaient fait partir leurs membres de famille
Page 535
1 après cette séparation qui s’est produite au niveau du
2 Ministère de l’Intérieur ?
3 R. Ça, c’est exact. Je sais que Ratko, par
4 exemple, avait emmené les membres de sa famille à Gacko,
5 d’autres en Herzégovine, d’autres à Pludzine, d’autres
6 encore au Monténégro, à Titograd, Podgorica et d’autres
7 encore en Serbie. Ça, c’est un fait, c’est la vérité et si
8 moi, je n’étais pas au courant, je ne l’aurais pas déclaré.
9 Q. Vous avez dit qu’à Cohodor Mahala, il y avait
10 un massacre et que vous avez appris que ce massacre s’était
11 produit ?
12 R. Oui, je l’ai appris.
13 Q. Est-ce que vous pouvez vous souvenir qui vous
14 a raconté ça ?
15 R. À vrai dire, pour te dire vrai, même si je le
16 pouvais, je ne l’aurais pas dit parce qu’il ne faut pas que
17 tu oublies une chose, moi, j’avais à Foca des amis parmi
18 les Serbes.
19 Q. Je le comprends.
20 R. Par conséquent, je ne souhaite pas citer les
21 noms de ceux qui voulaient m’aider et qui souhaitaient
22 m’aider, qui n’ont pas pu m’aider.
23 Q. Non, je n’ai pas posé la question à cause de
24 ça. Je vous ai posé la question tout simplement parce que
25 vous avez dit qu’il y avait 27 civils qui ont été tués.
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1 R. C’est ce que j’ai appris parce que si je dis
2 que je l’ai entendu, je ne l’affirme pas. Moi, je n’étais
3 pas sur place et je ne l’ai pas vu de mes propres yeux.
4 Par conséquent, je peux dire tout simplement ce que j’ai
5 entendu et dire ce que moi, j’ai vécu et éprouvé
6 personnellement.
7 Q. C’est comme ça que je vous ai comprise.
8 R. Par conséquent, si vous avez bien lu ma
9 déclaration, je n’ai jamais dit que moi-même ou quelqu’un
10 de ma famille avait été maltraité, avait été torturé. De
11 toute façon, il y avait un certain nombre de menaces qui
12 ont été proférées à l’encontre de mon mari et c’est pour ça
13 que j’étais angoissée parce que de toute façon, lui, il
14 vient de Cndica. Il est de cette origine et je me souviens
15 qu’il y avait quelqu’un qui m’avait dit qu’il y avait
16 quelqu’un qui viendrait de Cndica pour le tuer.
17 Par conséquent, j’avais mon fils, j’avais ma fille
18 et j’avais peur que quelque chose arrive à mes enfants et
19 c’est la raison pour laquelle j’ai dit que si j’ai quelque
20 chose à reprocher à mes collègues, c’est tout simplement
21 qu’ils n’ont pas été corrects et ils n’ont pas dit :
22 « Écoute, il y a quelque chose qui va se passer, par
23 conséquent, tu peux écarter tes enfants », parce que de
24 toute façon, les enfants, c’est le plus précieux, ce qu’on
25 a. Par conséquent, ce que je ne sais pas, je ne peux pas
Page 537
1 l’affirmer.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
3 Prodanovic, est-ce qu’on peut s’en tenir, s’il vous plaît,
4 à l’interrogatoire principal ?
5 Madame le Témoin 33, vous êtes ici pour répondre
6 aux questions qui vous sont posées par Maître. Je sais que
7 vous parlez la même langue, mais ici, vous parlez pour les
8 Juges. Par conséquent, ce n’est pas un entretien qui doit
9 avoir lieu entre vous deux.
10 R. Excusez-moi, Madame la Présidente.
11 Me PRODANOVIC (interprétation) :
12 Q. Comme nous parlons de ce terme « camp », vous
13 avez dit que vous avez été détenue dans ce camp, vous avez
14 essayé également d’expliquer ce que vous sous-entendez sous
15 le terme « camp ».
16 R. Oui.
17 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise au moment
18 où vous étiez dans le camp, c’est comme ça que vous vous
19 êtes exprimée, vous avez utilisé ce terme, que vous avez eu
20 par conséquent un lit, vous pouviez vous coucher, vous
21 aviez la couverture, vous pouviez aller également aux
22 toilettes ?
23 R. C’était à l’établissement pénitentiaire.
24 Q. Oui. Par conséquent, vous avez été nourrie
25 également à l’établissement pénitentiaire ?
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1 R. Effectivement, nous avons été nourris. Ce
2 n’était pas quelque chose de très important mais on a été
3 nourri.
4 Q. C’est tout ce que je voulais vous demander.
5 Est-ce que, outre l’appartement, vous aviez également une
6 maison à Foca ?
7 R. J’avais une maison familiale.
8 Q. Elle a été incendiée ?
9 R. C’était la maison de mes parents. Elle n’a
10 pas été incendiée.
11 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
12 Présidente, je n’ai plus de questions. C’est tout ce que
13 je voulais poser comme questions. Je vais bien évidemment
14 laisser la place à mes collègues, à mes confrères.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
16 Me Kolesar.
17 Me KOLESAR (interprétation) : Je vais axer mon
18 attention dans mon interrogatoire sur d’autres sujets.
19 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me KOLESAR
20 (interprétation) :
21 Q. Dans une des déclarations que vous avez
22 données au Bureau du Procureur et aux enquêteurs également
23 du Tribunal, vous avez dit qu’en 1990, il y avait une
24 grande manifestation qui a été organisée et que le SDS a
25 été établi à ce moment-là à Foca. Ce qui m’intéresse,
Page 539
1 c’est de savoir si vous pouvez me dire à quel moment le
2 Parti SDA a-t-il été créé, le Parti de l’action démocrate,
3 le parti des musulmans ?
4 R. Moi, j’ai déjà dit que je n’appartiens à
5 aucun parti national. Par conséquent, je n’appartenais pas
6 au Parti du SDA. Je pense que c’est au cours de la même
7 semaine, il y avait un parti qui a été fondé au début de la
8 semaine, l’autre à la fin. De toute façon, je n’ai pas
9 assisté à ces réunions.
10 Q. Est-ce que vous vous souvenez quel était le
11 premier ?
12 R. C’est le SDA qui a été le premier qui a été
13 établi, fondé.
14 Q. Est-ce que vous vous souvenez des
15 circonstances dans lesquelles ce parti a été fondé ? Vous
16 avez dit que vous n’étiez pas membre d’aucun parti, mais
17 vous avez eu probablement l’occasion de voir que ce soit à
18 la télévision ou éventuellement d’entendre parler de ce qui
19 s’est passé lors de cette manifestation.
20 R. Non, absolument pas. Je ne pouvais pas du
21 tout voir quoi que ce soit de mon appartement et puis ça ne
22 m’intéressait pas du tout.
23 Q. Est-ce qu’éventuellement, vous savez combien
24 de personnes il y avait lors de cette réunion constituante
25 du parti ? Est-ce que vous avez un chiffre ?
Page 540
1 R. Je n’ai absolument aucun chiffre ni pour une
2 manifestation, ni pour l’autre, ni pour une réunion, ni
3 pour l’autre.
4 Q. Est-ce que vous permettez que lors du meeting
5 ou de la promotion du SDA, il y avait entre 150 et 200 000
6 personnes ?
7 R. Si je vous ai déjà dit que je n’appartenais à
8 aucun parti national et si je vous dis également que des
9 partis nationalistes ont justement emmené une telle
10 situation, ont été à l’origine d’une telle situation, à ce
11 moment-là, vous comprenez bien que je ne m’intéressais pas
12 à combien de personnes avaient été réunies lors de ces
13 réunions constituantes. De toute façon, je n’étais pas
14 contente.
15 Q. Madame le Témoin 33, vous savez que vous êtes
16 sous serment et que vous déposez sous serment. Par
17 conséquent, la Chambre n’est pas intéressée à savoir si
18 vous-même, vous étiez membre d’un parti ou l’autre, si vous
19 étiez intéressée pour un parti ou l’autre. C’est tout
20 simplement de présenter aux Juges ce que vous savez, quels
21 sont les faits que vous savez.
22 R. Je ne sais pas combien de personnes ont
23 assisté à ces meetings.
24 Q. Vous n’avez pas par conséquent regardé à la
25 télévision ce qui s’était passé, comment les réunions ont
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1 été organisées ?
2 R. Ça fait pratiquement huit ans qui se sont
3 écoulés. Je ne sais pas quelle était l’année où ces deux
4 réunions avaient eu lieu. Il y avait plein de choses qui
5 se sont passées depuis et j’avoue que j’ai perdu le
6 souvenir de toutes ces manifestations.
7 Me KOLESAR (interprétation) : Je vais demander à
8 la cabine technique de bien vouloir nous diffuser la
9 cassette vidéo numéro 1. Je vais demander à l’huissier de
10 nous aider et nous avons également des copies pour les
11 Juges, pour le greffe. Il s’agit de la cassette sur la
12 réunion, le meeting du SDA et je pense que le Procureur
13 dispose d’une copie de cette cassette vidéo.
14 L’INTERPRÈTE : Les interprètes ne disposent pas
15 de ces copies.
16 Me KOLESAR (interprétation) : Nous proposons
17 également que cette cassette vidéo soit enregistrée sous la
18 cote 9/1.
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que,
20 Me Kolesar, les interprètes disposent d’une copie du texte
21 ? Sinon, on ne peut pas faire la traduction.
22 Me KOLESAR (interprétation) : Oui.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
24 prie, Me Ryneveld.
25 Me RYNEVELD (interprétation) : Je ne sais pas
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1 quel est l’objectif que de vouloir montrer la cassette à ce
2 témoin. Si on veut tout simplement prouver devant le
3 témoin que le SDA avait organisé ce meeting, elle n’a pas
4 vu le meeting. Bien évidemment, je ne conteste pas le fait
5 de verser au dossier…
6 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Est-ce qu’elle
7 était d’accord qu’elle l’avait vu à la télévision ?
8 Me RYNEVELD (interprétation) : Si c’est la
9 cassette vidéo que nous allons diffuser, à ce moment-là,
10 oui.
11 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui. Bien, si
12 elle l’a vu, à ce moment-là, il n’y a aucune raison de ne
13 pas le voir.
14 Me RYNEVELD (interprétation) : Moi, j’ai compris
15 qu’elle ne l’a pas vu. Elle n’a pas assisté.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Moi, je
17 pense que tout simplement, elle n’a pas été présente.
18 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Je me suis
19 posé la question si c’était véritablement le témoin devant
20 lequel il fallait…
21 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …portera le
22 numéro D/1 et son transcript portera la cote D1/1.
23 [Diffusion d’une cassette vidéo]
24 L’INTERPRETE : Les interprètes ne peuvent pas
25 faire la traduction parce qu’ils ne disposent pas du texte.
Page 543
1 Me KOLESAR (interprétation) : Excusez-moi, la
2 cassette n’est pas de très bonne qualité et je m’en excuse.
3 Je voudrais donc poursuivre mon interrogatoire.
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
5 prie.
6 Me KOLESAR (interprétation) :
7 Q. Est-ce que vous étiez au courant qui étaient
8 les invités à ce meeting de Foca ?
9 R. Non. J’ai pu suivre à la télévision et à la
10 radio, mais de toute façon, ça ne m’a pas intéressée car,
11 comme je l’ai dit, je n’étais pas intéressée pour la
12 création de ce parti.
13 Q. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour
14 dire que les plus hauts fonctionnaires du SDA avec Alija
15 Izetbegovic assistaient à ce meeting, à cette manifestation ?
16 Est-ce que vous permettez cette possibilité ? Est-ce
17 que vous avez entendu la question ?
18 R. Oui, je suis au courant.
19 Q. Est-ce que vous savez qui étaient les autres
20 personnes qui accompagnaient Alija Izetbegovic ?
21 R. Moi, une fois de plus, je répète, je
22 n’appartiens pas à ce parti et je ne suis pas intéressée
23 aux activités de ce parti. J’ai suivi à la télévision ce
24 qui se passait. J’ai probablement lu également les
25 journaux et encore maintenant, je ne suis pas intéressée à
Page 544
1 ce parti.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame le
3 Témoin, je vous en prie, répondez à la question. Est-ce
4 que vous êtes au courant qui encore était présent à ce
5 meeting ?
6 R. Non.
7 Me KOLESAR (interprétation) :
8 Q. Est-ce que vous savez que lors de cette
9 promotion, ce meeting, il y avait également un certain
10 nombre de plans dont on a parlé pour l’évolution du SDA, et
11 entre autres également, que Foca devienne le centre du
12 monde islamique ?
13 R. Je suis extrêmement gênée de vous répondre à
14 vos questions. Si vous m’avez écoutée et si vous avez
15 écouté ma déposition, je vous ai bien dit comment était
16 constituée ma famille. Je suis contre tout parti
17 nationaliste et j’étais contre toute séparation, toute
18 partition. Par conséquent, tout ce qui a été dit lors de
19 la manifestation du SDA était très étrange pour moi, comme
20 toute autre, d’ailleurs, de ce type-là.
21 Q. Je m’excuse, je vous répète que vous êtes
22 sous serment. Ce n’est pas des questions que je vous pose
23 pour vérifier votre honnêteté, mais c’est tout simplement
24 pour que la Chambre puisse se rendre compte de ce qui s’est
25 passé à Foca et quelles étaient les circonstances et le
Page 545
1 contexte. C’est la raison pour laquelle je vous pose la
2 question au sujet de la réunion constituante du Parti du
3 SDA et c’est pour ça que je vous pose la question et je
4 vous prie de me répondre à ces questions.
5 R. Je ne sais absolument pas quel était le
6 programme de ce parti.
7 Q. Est-ce que vous êtes au courant que Sulejman
8 Ugljanin également parlait lors de cette réunion ?
9 R. Je l’ai appris.
10 Q. Est-ce que, très brièvement, vous savez quel
11 était le contenu de ses idées ?
12 R. Non, non.
13 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la
14 Présidente, Messieurs les Juges, nous nous approchons de
15 1 h 00 et il va falloir également voir une autre cassette
16 vidéo et poser des questions à ce sujet-là. Je vous pose
17 la question si éventuellement on pouvait faire la pause
18 maintenant et puis après continuer l’interrogatoire.
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous
20 allons lever l’audience et cet après-midi à 14 h 30, nous
21 reprenons.
22 --- Suspension de l’audience à 13 h 00
23 --- Reprise de l’audience à 14 h 33
24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous
25 poursuivons, Me Kolesar.
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1 Me KOLESAR (interprétation) : [Hors microphone]
2 Q. La dernière question que je vous ai posée
3 était la suivante : Étiez-vous au courant du discours qui
4 a été prononcé par Sulejman Ugljanin lors du rassemblement
5 organisé par le SDA ? Vous m’avez répondu que vous ne vous
6 en souveniez pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Je vous demande alors : Cette manifestation
9 de promotion ou ce rassemblement, cette réunion fondatrice
10 du SDA de Foca, c’était une réunion de musulmans ou de tous
11 les citoyens de Bosnie ?
12 R. Eh bien, je ne fais partie d’aucune vie
13 politique et encore moins dans les activités des partis
14 politiques. Ça ne m’intéressait pas quant aux musulmans et
15 aux Bosniens, quant à tout ce qui était fait afin de prôner
16 leurs objectifs. Écoutez, les musulmans et les Bosniens,
17 je ne sais pas si c’est la même chose. On dit que les
18 musulmans, ce sont ceux qui appartiennent à une religion,
19 alors que les Bosniaques, ce sont ceux qui ont la même
20 appartenance nationale.
21 Q. Je vous pose une question. J’aimerais avoir
22 votre réponse. Je ne voudrais pas entendre vos
23 commentaires. Vous évitez constamment de me répondre à mes
24 questions.
25 Je vous rappelle, dans votre déclaration préalable
Page 547
1 donnée aux enquêteurs du Tribunal, vous avez parlé d’un
2 rassemblement qui s’est tenu à un moment en 1990 lors de la
3 fondation du SDS local et vous avez dit qu’il y a eu
4 beaucoup de discours, que des menaces terribles ont été
5 proférées lors de ce rassemblement, que la rivière Drina
6 sera pleine de sang, que les musulmans disparaîtront de ces
7 régions.
8 Or, quand je vous pose des questions sur le
9 rassemblement du SDA, un parti qui, d’après vous, est un
10 rassemblement qui a réuni des membres qui vous sont
11 beaucoup plus proches d’après leur religion ou appartenance
12 nationale, à ce moment-là, vous me dites que vous n’êtes
13 pas au courant, que vous ignorez tout de cela.
14 Or, vous êtes venue ici déposer en tant que
15 témoin. Il est de votre devoir de nous dire tout ce que
16 vous savez. Je vous rappelle que vous êtes sous serment.
17 R. Ce serment m’oblige à dire ce que je sais et
18 non pas ce que je ne sais pas. Tout ce que j’ai dit à ce
19 moment-là, c’était : « J’ai entendu parler de »,
20 « Quelqu’un m’a dit quelque chose » et je ne peux pas
21 affirmer maintenant que je savais ce qui a été dit par ce
22 parti puisque je ne le sais pas.
23 Q. Vous êtes une intellectuelle, un médecin.
24 Vous avez certainement suivi l’actualité. Vous suivez
25 toujours l’actualité, je n’en doute pas. Donc, vous deviez
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1 savoir, tout comme vous saviez ce qui se passait avec le
2 SDS et ce qui touchait au SDS, donc vous deviez savoir ce
3 qui avait trait à l’actualité du SDA. Je suis convaincu
4 qu’à la télévision, dans la presse, vous étiez en mesure
5 d’entendre parler de ce qui a été dit lors de la réunion de
6 Foca.
7 R. Croyez-moi, toutes ces histoires au sujet des
8 rassemblements nationalistes, que ce soit d’une part ou
9 d’autre, cela me répugne.
10 Q. Moi aussi, je trouve ça répugnant.
11 R. Je ne peux pas vous donner de commentaires
12 sur ce que je ne connais pas. Je vous ai dit même au sujet
13 du SDS que j’en ai entendu parler et puis j’ai été frappée
14 par ce qu’a dit mon collègue Kornjaca. Si j’avais
15 l’occasion de lui dire directement, je le lui dirais. Je
16 ne peux pas vous dire à présent ce qu’a dit…
17 Q. Quelques-uns vous auraient transmis comme ça
18 des informations sur la réunion du SDA, tout comme sur
19 celle du SDS ?
20 R. Écoutez, il y a eu…
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,
22 voulez-vous attendre la réponse ?
23 Me KOLESAR (interprétation) : Excusez-moi.
24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Puisque les
25 interprètes doivent suivre et nous avons le compte-rendu
Page 549
1 d’audience à faire.
2 R. J’ai fait partie de ceux qui n’appartenaient
3 pas aux partis nationalistes. Ce qui était déclaré lors de
4 ces réunions, eh bien, ça a été commenté, mais les gens qui
5 m’entouraient dans mon groupe, on était hostile à ces
6 partis nationalistes, à leurs dirigeants et on disait que
7 cela allait mener au pire, à la catastrophe du pays.
8 Ce que disait Sulejman Ugljanin, ça, je ne le
9 suivais pas, mais ce que disaient donc eux, ça menait
10 également à l’effondrement de l’État.
11 Me KOLESAR (interprétation) :
12 Q. C’est exactement ce que je voulais que vous
13 me disiez. Si vous avez entendu dire ce qui s’est passé
14 lors de la réunion du SDS, dites-nous s’il vous plaît ce
15 qui s’est passé lors de ce rassemblement du SDA.
16 R. Croyez-moi, j’étais en déplacement ce jour-
17 là. Cela ne m’intéressait pas et parmi les collaborateurs
18 les plus proches, personne ne m’en a parlé. Ça ne m’a pas
19 intéressée et je ne sais pas ce qui s’est passé.
20 Me KOLESAR (interprétation) : J’aurais besoin
21 d’assistance technique. Je voudrais faire passer la bande
22 numéro 2 et je voudrais que ce soit enregistré comme D2.
23 Nous avons fourni la transcription en anglais.
24 LA GREFFIÈRE : Donc, cette vidéo cassette
25 portera la cote D2 et son transcript portera la cote D2/1.
Page 550
1 Me RYNEVELD (interprétation) : Je comprends tout
2 à fait que mon collègue connaît quelques difficultés avec
3 ce témoin, mais je ne suis pas sûr qu’il faille insister
4 sur les sujets que le témoin ne connaît pas. Peut-être au
5 moment de la présentation des éléments de preuve de la
6 Défense serait-il plus utile d’essayer d’aborder ces
7 points.
8 Je ne veux pas empêcher le « visionnage » de cette
9 cassette. Peut-être si le témoin dit : « Cela ne me
10 rappelle rien » ou « Oui, ça me rappelle », ce serait une
11 bonne manière de procéder. Sinon, je ne suis pas sûr que
12 ce soit [hors microphone] …passer cette cassette.
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pouvez-vous
14 nous décrire donc à l’avance cette cassette pour qu’on
15 sache si c’est pertinent ou non et s’il convient de poser
16 ces questions à ce témoin ?
17 Allez-y, Monsieur Kolesar.
18 Me KOLESAR (interprétation) : Alors, la
19 description de la cassette, nous avons une des personnes
20 qui ont pris la parole lors du rassemblement du SDA de Foca
21 et il s’agit de Semso Tankovic. C’est l’un des discours
22 caractéristiques qui devraient rappeler au témoin ce que je
23 tente d’apprendre de la part de ce témoin et je suis
24 certainement convaincu que ce témoin le sait, sinon
25 directement, alors, indirectement, tout comme il sait ce
Page 551
1 qui s’est passé lors du rassemblement du SDS.
2 [La Chambre discute]
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,
4 la Chambre estime que vous devez préciser quelles sont vos
5 intentions avec cette cassette. Vous souhaitez verser au
6 dossier cet extrait par l’intermédiaire de ce témoin ou
7 vous souhaitez seulement l’utiliser pour rafraîchir la
8 mémoire au témoin ? Quelles sont vos intentions ?
9 Me KOLESAR (interprétation) : Cette deuxième
10 option. J’essaie de rafraîchir la mémoire au témoin et
11 après, je souhaite verser cela au dossier.
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Allez-y.
13 Veuillez poursuivre.
14 Me KOLESAR (interprétation) : Peut-on visionner
15 la cassette ? Vous m’autorisez à faire visionner la
16 cassette ?
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, tout à
18 fait, pour que le témoin puisse la voir.
19 Me KOLESAR (interprétation) : Je demande à la
20 cabine technique de nous montrer la cassette.
21 [Diffusion d’une cassette vidéo]
22 L’INTERPRÈTE :
23 « Sommes-nous des Serbes ?
24 « Réponse de la foule : Non.
25 « Sommes-nous des Croates par hasard ?
Page 552
1 « Réponse : Non.
2 « Sommes-nous des musulmans ?
3 « La foule : Oui.
4 « Messieurs les journalistes, chers amis serbes et
5 croates, vous avez eu l’occasion d’entendre au nom de 3 000
6 000 de musulmans le peuple rassemblé répondre qui nous
7 sommes et ce que nous sommes. Nous sommes des musulmans et
8 mettez-le bien dans votre mémoire pour toujours.
9 « Ceci est également une réponse à tous ceux qui,
10 quelles que soient leurs raisons politiciennes, donc à tous
11 ceux qui se déclarent Serbes ou Croates alors qu’ils
12 appartiennent à la religion islamique. C’est une réponse à
13 ceux donc qui disent que le SDA ne leur convient pas parce
14 que c’est un parti trop vert. Je leur affirme ici : Il
15 doit être vert, c’est à nous qu’il appartient.
16 « La foule scande : SDA, SDA. »
17 Me KOLESAR (interprétation) : Je remercie la
18 cabine technique.
19 Q. Ce que vous venez d’entendre, est-ce que cela
20 vous a permis de vous rappeler quelque chose que quelqu’un
21 vous aurait raconté concernant ce discours ainsi que
22 d’autres discours ?
23 R. Avant tout, je n’appartiens pas au Parti SDA.
24 Je trouve répugnant ce discours. Je n’ai jamais entendu
25 parler de cet homme qui a pris la parole et je demanderai à
Page 553
1 la Chambre de me protéger de ce genre de questions. Je
2 n’appartiens pas à un parti national. Je n’étais pas
3 favorable au partage de la Bosnie.
4 J’ai assisté à la réunion de création de mon parti
5 qui était représenté par un sportif connu, par Monsieur
6 Zarko Verajic. Ne me posez pas ce genre de questions. Je
7 suis musulmane, certes, mais je ne suis pas d’accord avec
8 cela mais j’appartiens à la Bosnie, j’aime la Bosnie.
9 C’est ça mon État.
10 Ce parti-là, tout comme le SDS, je ne l’aime pas
11 parce qu’ils nous ont menés là où nous sommes et je demande
12 à la Chambre de me protéger de ce genre de questions
13 désagréables.
14 Q. J’admets que ces questions vous soient
15 désagréables. Je ne vous demande pas d’exposer vos points
16 de vue politiques. Je vous demande de me répondre.
17 R. Je n’ai jamais vu cela. Je n’ai jamais
18 entendu cela. Je n’ai jamais eu l’occasion de voir cette
19 cassette.
20 Q. Quand vous avez fait votre déclaration aux
21 enquêteurs du Tribunal, vous avez dit une chose que vous
22 avez répétée plusieurs fois aujourd’hui, à savoir que vous
23 n’étiez membre d’aucun parti national mais que vous avez
24 fait partie de l’Alliance socialiste.
25 R. Oui.
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1 Q. Pouvez-vous préciser de quelle organisation
2 il s’agit et de nous exposer brièvement son programme ?
3 R. Eh bien, l’Alliance socialiste n’était pas
4 vraiment un parti politique. C’était une alliance qui
5 réunissait un certain nombre de personnes. Enfin, dans un
6 sens, on peut dire que c’était un parti politique, mais ce
7 n’était pas une formation qui était proche d’un parti
8 politique dans le sens où l’étaient les autres.
9 Enfin, vraiment, je ne me rappelle plus très bien
10 parce que beaucoup de temps s’est passé. Enfin, je ne me
11 souviens plus très bien de son programme. J’étais membre
12 du Parti communiste et je suis venue assister à Sarajevo,
13 dans le Hall Skinderia (ph.), à la création du parti qui
14 était représenté par Zarko Verajic, qui était un grand
15 joueur de basket bosniaque et yougoslave et je ne peux
16 vraiment pas répondre aux questions sur des sujets que je
17 ne connais pas, ce que je ne connaissais pas et ce qui
18 m’était dégoûtant.
19 Q. Qui alors pouvait être membre de l’Alliance
20 socialiste du peuple travailleur de Yougoslavie ?
21 R. Toute personne salariée.
22 Q. Est-ce que cette Alliance du peuple
23 socialiste, du peuple travailleur de Yougoslavie pouvait
24 influencer la scène politique, la vie politique ?
25 R. Peu à mon avis.
Page 555
1 Q. Alors, quelle était sa raison-d’être ?
2 R. C’était plutôt un rôle de coordination, mais
3 je n’occupais pas un poste de responsabilité là-dedans.
4 Moi, je m’occupais de mon travail, de ma profession.
5 Q. Eh bien, je vais vous poser une question au
6 sujet de votre travail. Dans cette déclaration, lorsque
7 vous abordez la période immédiatement avant la guerre, la
8 semaine avant la guerre, dans le dernier paragraphe, vous
9 dites :
10 « Je n’ai pas vu de modification pour ce qui est
11 de l’ambiance qui régnait à l’hôpital, mais je dois
12 souligner que nous, docteurs d’appartenance ethnique
13 musulmane, nous n’étions pas membres de partis politiques
14 et les questions politiques ne nous intéressaient pas
15 particulièrement. »
16 Est-ce que vous maintenez toujours ce que vous
17 avez dit ?
18 R. Oui, je le maintiens.
19 Q. Vos collègues médecins, infirmiers et autres…
20 R. J’ai dit collègues.
21 Q. Donc, les musulmans, ils n’exprimaient pas
22 leurs opinions politiques ?
23 R. Je voulais dire qu’ils n’appartenaient pas
24 aux partis nationaux. Peut-être me suis-je mal exprimée.
25 Q. Donc, lors de ces rassemblements dont nous
Page 556
1 parlons, c’est étonnant alors qu’il y avait dans la
2 présidence un de vos collègues qui était aussi employé de
3 l’hôpital.
4 R. Dr Karovic, Ibrahim, était membre donc du
5 SDA. Il me semble l’avoir dit. Je ne sais rien pour ce
6 qui est des autres.
7 Me KOLESAR (interprétation) : Peut-on visionner
8 la bande numéro 3 à présent, s’il vous plaît ?
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pouvez-vous
10 la décrire, s’il vous plaît ? De quoi s’agit-il ?
11 Me KOLESAR (interprétation) : C’est un extrait de
12 l’assemblée constituante du SDA de Foca où l’on voit la
13 présidence qui est constituée d’un certain nombre de
14 personnes. Nous voyons certaines personnes qui sont des
15 collègues de ce témoin.
16 Me RYNEVELD (interprétation) : Mes préoccupations
17 sont toujours les mêmes. Je ne voudrais pas me répéter.
18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous
19 verrons la bande.
20 LA GREFFIÈRE : Y a-t-il un transcript de cette
21 bande pour les interprètes ?
22 Me KOLESAR (interprétation) : Il n’y a pas de
23 texte. Rien n’est dit. Nous ne voyons que l’image.
24 LA GREFFIÈRE : Je vous remercie.
25 [Diffusion d’une cassette vidéo]
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1 Me KOLESAR (interprétation) : Pouvez-vous
2 arrêter, s’il vous plaît ? Pouvez-vous rembobiner et nous
3 montrer image par image ces deux personnalités ? Encore un
4 petit peu. Vous pouvez rendre un peu plus claire l’image ?
5 Q. Vous reconnaissez la personne ?
6 R. C’est Dr Sosevic. Il était pneumologue et
7 physiologue et il appartenait au dispensaire.
8 Q. Quelle profession ?
9 R. Il était spécialiste des maladies
10 pulmonaires.
11 Q. C’était un médecin ?
12 R. Oui, oui.
13 Q. C’était un de vos collègues par votre
14 profession ?
15 R. Non, pas dans ma profession. Il est médecin,
16 mais il était spécialiste des maladies pulmonaires. Moi,
17 j’étais pédiatre et spécialisée dans la néonatalogie. Lui,
18 il travaillait au dispensaire alors que moi, j’étais à
19 l’hôpital et je ne savais pas qu’il était membre du SDA.
20 Par ailleurs, c’est son affaire privée. Ça ne m’appartient
21 pas de m’y intéresser.
22 Q. Il est de quelle appartenance ethnique ?
23 R. Il est musulman.
24 Me KOLESAR (interprétation) : L’image suivante,
25 s’il vous plaît.
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1 [Diffusion d’une cassette vidéo]
2 Q. Reconnaissez-vous cet homme ?
3 R. Je pense qu’il n’appartient pas à notre
4 profession, il n’appartient pas à la médecine. Je ne le
5 connais pas. Je ne le connais pas.
6 Q. Lors des élections en 1991, le Président du
7 conseil municipal de la République de Bosnie-Herzégovine,
8 en plus de Monsieur Cancar, il y avait aussi le Dr Ibrahim
9 Karovic. Le savez-vous ? Il était du dispensaire de Foca.
10 R. Oui.
11 Q. De quelle nationalité est-il ?
12 R. Il est musulman.
13 Q. Comme on peut le constater, comme vous pouvez
14 le constater, parmi vos collègues, il y en a eu un certain
15 nombre qui n’étaient pas seulement membres du SDA mais qui
16 occupaient des postes dirigeants soit au niveau de la
17 municipalité, soit au niveau de la République.
18 Alors, dites-moi pour quelle raison, dans votre
19 déclaration, vous dites que les docteurs qui sont
20 d’appartenance musulmane ne s’intéressaient pas à la
21 politique.
22 R. Écoutez, moi, j’étais médecin à l’hôpital et
23 j’ai parlé de mes collègues qui travaillaient à l’hôpital.
24 Ni le Dr Karovic, ni le Dr Sosevic n’étaient employés à
25 l’hôpital.
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1 Q. Ce n’est pas ça qui est dit dans la
2 déclaration. Il est dit docteurs d’appartenance musulmane.
3 Vous n’avez pas dit ceux qui étaient employés à l’hôpital
4 où vous travailliez à Foca.
5 R. Je ne pense pas que ce soit ça l’important.
6 Ce qui est important, c’est à quel parti j’appartiens.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est
8 important, Témoin. S’il vous plaît, répondez aux questions
9 telles qu’elles vous sont posées. Si vous dites simplement
10 docteurs, cela signifie tous les docteurs musulmans.
11 R. Si vous me le permettez…
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non.
13 Attendez les questions qui vous seront posées et répondez à
14 celles-ci.
15 Me KOLESAR (interprétation) :
16 Q. Vous dites que vous n’étiez membre d’aucun
17 parti politique, mais vous étiez quelqu’un qui était
18 reconnu dans sa profession et quelqu’un qui était de renom
19 dans cette ville. Même si vous n’étiez pas membre du SDA,
20 au sein des organes de pouvoir au niveau municipal et de la
21 République, vous connaissiez des personnes ?
22 R. Lojo était Président municipal et le
23 Président du SDA. Pour ce qui est du niveau de la
24 République, originaire de Foca, c’était peut-être Saja. Je
25 n’en connais pas d’autres. Saja était épicier. Je connais
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1 Saja. Je ne sais pas exactement quelle fonction il avait
2 mais il était épicier.
3 Q. Vous ne savez pas ou vous ne souhaitez pas
4 répondre ? Permettez-moi de vous rappeler que vous avez pu
5 énumérer tous les fonctionnaires du SDA qui occupaient des
6 postes au niveau du gouvernement municipal… excusez-moi,
7 SDA, du SDA, qui occupaient des postes de responsabilité…
8 du SDS. C’est Kula, Miroslav Stanic, Spaso Cosovic ainsi
9 que d’autres personnes. Vous avez énuméré 10 ou 12 Serbes
10 qui ont occupé donc des postes de responsabilité que ce
11 soit au niveau de la municipalité ou au niveau de la
12 République.
13 Or, quand on vous pose des questions sur ceux qui
14 sont de la même religion ou appartenance nationale que
15 vous, vous mentionnez un épicier qui ne mérite même pas
16 d’être mentionné ici.
17 R. Écoutez, vous m’avez demandé d’énumérer
18 quelques personnalités serbes qui occupaient des postes de
19 responsabilité dans votre municipalité. Parmi les gens que
20 j’ai énumérés, il s’agit de gens que je connais
21 personnellement. J’ai soigné leurs enfants.
22 Je ne peux pas dire maintenant qu’au sujet du SDA,
23 je ne voulais pas le dire. Je sais que Saja y était au
24 niveau municipal… au niveau de la République (se reprend
25 l’interprète) et Lojo, le nom n’est pas très clair, mais je
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1 ne connais pas d’autres personnes.
2 Q. Vous êtes d’accord avec moi que Dr Muhamed
3 Cengic était le chef du gouvernement de Bosnie-
4 Herzégovine ?
5 R. Vice-président du gouvernement, Vice-chef du
6 gouvernement.
7 Q. Il est de quelle appartenance nationale ?
8 R. Musulman.
9 Q. Le procureur municipal, c’était Zulfer
10 Pjano ?
11 R. Vous voulez dire procureur à Foca ?
12 Q. Oui. De quelle appartenance nationale il
13 est ?
14 R. Musulman.
15 Q. Pour Saja, vous m’avez répondu. À la tête du
16 SUP était Himzo Seumhodzic ?
17 R. Peut-être lors des dernières élections.
18 Q. Si je vous pose des questions, cela concerne
19 la période après les élections.
20 R. Eh bien, je ne peux pas vous dire pour lui.
21 Q. Vous saviez qu’il était commandant de la
22 Défense territoriale, Sulejman Pilav même si, d’après les
23 statuts de la municipalité, cela devait être un Serbe.
24 Une dernière question. Quelle est la profession
25 de votre mari ?
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1 R. Il est ingénieur en foresterie.
2 Q. Après les élections de 1991, il travaillait
3 où ?
4 R. Avant et après les élections, il était dans
5 l’entreprise Maglic. Il était directeur dans la production
6 et après, il était membre du conseil d’administration.
7 Q. Vous parlez de la période au cours de
8 laquelle les OUR existaient ?
9 R. Oui. Après, il faisait partie du conseil
10 d’administration.
11 Q. L’OUR, ça veut dire l’organisation du travail
12 associé. C’était donc conformément à la législation
13 concernant le travail en vigueur en ex-Yougoslavie avant
14 l’an 1991. Est-ce que votre mari était lui aussi membre de
15 la Ligue des Communistes de Yougoslavie ?
16 R. Oui.
17 Q. Par la suite, est-ce qu’il était membre du
18 SDA ?
19 R. Certainement pas.
20 Q. Est-ce que vous savez qu’un cercle des
21 intellectuels musulmans a été créé qui acceptait le
22 programme et le statut du SDA sans en être membre ?
23 R. Je suppose qu’il s’agissait des sympathisants
24 du SDA quand même.
25 Q. Est-ce que votre mari faisait partie de ce
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1 cercle ?
2 R. Pour autant que je le sache, non. Il n’a
3 jamais opté pour une quelconque option qui était liée aux
4 partis nationaux.
5 Me KOLESAR (interprétation) : Je souhaite que
6 l’on montre au témoin une liste.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : À chaque
8 fois que vous souhaitez montrer quelque chose au témoin,
9 est-ce que vous pouvez nous donner une brève description du
10 document et nous dire quel est le but de votre question ?
11 Me KOLESAR (interprétation) : Je souhaite montrer
12 la liste des musulmans de renom de la municipalité de Foca
13 qui se sont rassemblés à une réunion des représentants du
14 conseil municipal du SDA et je souhaite rappeler au témoin,
15 rafraîchir la mémoire du témoin en ce qui concerne la
16 personne dont le nom figure au numéro 11 et dire s’il
17 s’agit effectivement de son mari.
18 Me RYNEVELD (interprétation) : Je viens
19 d’entendre un nom qui a été mentionné et je souhaite dire
20 que ceci ne peut pas être placé sur le rétroprojecteur.
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous pouvez
22 montrer ça au témoin sans placer ça sur le rétroprojecteur
23 et vous pouvez poser la question au témoin de savoir s’il
24 s’agit du nom de son mari sans qu’elle le prononce. Donc,
25 la greffière d’audience ensuite pourra obtenir cette liste.
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1 Me RYNEVELD (interprétation) : Ceci a été entendu
2 dès que je me suis levé.
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc,
4 mentionnez simplement le numéro.
5 Me RYNEVELD (interprétation) : Pendant que le
6 témoin examine le document, je souhaite savoir s’il s’agit
7 du document qui nous a déjà été montré, peut-être que oui,
8 peut-être que non. Je souhaite simplement le savoir.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur
10 Kolesar.
11 Me KOLESAR (interprétation) : Ceci n’a pas été
12 montré ni au Procureur ni à la Chambre. Mon intention
13 était, après que le témoin l’aura examiné et si la réponse
14 sera affirmative, de verser cela au dossier si les Juges
15 sont d’accord.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous ne
17 l’avez pas montré au Procureur. Ils ne savent même pas de
18 quoi il s’agit. Je croyais que simplement, vous vouliez
19 savoir quel est le nom puisque le nom, nous ne pouvons pas
20 le mentionner.
21 Me KOLESAR (interprétation) : En ce moment, après
22 la réponse du témoin, si ceci ne peut pas être versé au
23 dossier comme pièce à conviction de la Défense, nous le
24 verserons au dossier à un autre moment.
25 R. Je ne vois tout simplement pas son nom. Il
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1 n’y a pas de signature. À mon avis, si quelqu’un assiste à
2 une réunion et s’il n’appose pas sa signature, ça ne veut
3 pas dire qu’il a assisté à la réunion, peu importe qui peut
4 dactylographier son nom au lieu de lui. Moi, je ne vois
5 pas son nom.
6 Q. C’est un peu illisible, mais au numéro 11,
7 vous pouvez lire quand même son nom ?
8 R. Excusez-moi, mais je ne comprends pas ceci.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est tout.
10 Est-ce que nous pouvons obtenir le document de nouveau ?
11 R. Je ne peux pas accepter ça. Tout d’abord,
12 c’est assez illisible et ensuite, moi, je pense qu’il faut
13 qu’il y ait la signature de chacune des personnes qui ont
14 assisté parce que s’il y a une signature, dans ce cas-là,
15 on peut savoir et ici, ce n’est pas clair, ce n’est pas
16 suffisamment lisible. Peut-être quelque chose a été
17 ajouté.
18 Me KOLESAR (interprétation) : Malheureusement,
19 nous n’avons pas l’original de ce document sur nous. Si
20 mes éminents collègues sont opposés au versement au dossier
21 de ce document en ce moment, je vais le retirer maintenant.
22 Nous avons entendu la réponse du témoin.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non. De
24 toute façon, ceci ne peut pas être versé au dossier.
25 Me KOLESAR (interprétation) : Je suis d’accord
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1 avec vous. De toute façon, ceci était ma dernière
2 question. Je n’ai plus de questions pour ce témoin, mais
3 je demanderais que dans ce cas-là, l’on me rende le
4 document.
5 Puis-je m’asseoir, Madame la Présidente ?
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous n’avons
7 pas encore terminé. Ce document doit recevoir une cote
8 même s’il n’est pas versé au dossier, à moins que vous
9 souhaitiez dire que vous le retirez. Vous allez le retirer
10 effectivement ? Donc, vous ne souhaitez pas qu’une cote
11 lui soit attribuée non plus ?
12 Me KOLESAR (interprétation) : Si ceci ne peut pas
13 être versé au dossier, ça peut quand même recevoir une
14 cote, oui.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ce sera une
16 copie pour l’identification seulement.
17 LA GREFFIÈRE : La cote D/4.
18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Si comme
19 vous le dites, vous souhaiterez le verser au dossier par le
20 biais d’un autre témoin, il va falloir donner une copie au
21 Procureur d’abord pour que l’Accusation puisse mener sa
22 propre enquête.
23 Me KOLESAR (interprétation) : Compte tenu de mes
24 affirmations aujourd’hui, moi, j’ai supposé que le
25 Procureur n’allait pas s’opposer à cela, mais de toute
Page 567
1 façon, ils ont le droit de le faire et je me retire en ce
2 moment.
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
4 Me Jovanovic, avez-vous des questions pour ce
5 témoin ?
6 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui. Merci,
7 Madame la Présidente.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Et vous, Me
9 Ryneveld, est-ce que vous aurez des questions pour ce
10 témoin ?
11 Me RYNEVELD (interprétation) : Non.
12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Excusez-moi,
13 Madame la Présidente. Je n’ai pas compris la traduction.
14 Moi, j’avais compris que je n’avais pas le droit de contre-
15 interroger ce témoin.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non, non,
17 non. Je vous ai demandé si vous aviez des questions pour
18 ce témoin. Vous avez dit non.
19 Est-ce que vous souhaitez poser des questions à ce
20 témoin sur la base de sa déposition ? Vous représentez la
21 Défense du troisième accusé.
22 Me JOVANOVIC (interprétation) : Il s’agit d’un
23 malentendu. Excusez-moi. J’ai des questions pour ce
24 témoin mais des questions qui ne concernent pas cette
25 dernière partie dont nous avons discuté.
Page 568
1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, vous
2 souhaitez contre-interroger ce témoin. Allez-y, s’il vous
3 plaît.
4 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la
5 Présidente.
6 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me
7 JOVANOVIC (interprétation) :
8 Q. Bonjour.
9 R. Bonjour.
10 Q. Les questions concernant l’appartenance
11 politique qui ont été posées ici aujourd’hui et tout ce qui
12 se passait à Foca avant la guerre, tout ceci ne m’intéresse
13 pas. Ce qui m’intéresse, c’est si vous pouviez m’expliquer
14 un peu plus certaines parties de votre déclaration, de la
15 déclaration que vous avez donnée aux enquêteurs les 3, 4 et
16 5 juillet 1995.
17 Avant cela, si vous êtes d’accord, je souhaite que
18 l’on clarifie certaines expressions que vous avez employées
19 au cours de votre déposition aujourd’hui et je n’ai pas
20 très bien compris ceci.
21 Par exemple, lorsque vous dites : « Nous étions
22 pour la paix, nous ne croyions pas que quoi que ce soit de
23 mal allait se passer » ou bien « Des gens disaient que chez
24 nous, on enlevait les réserves médicales », quand vous
25 dites « on », quand vous dites « nous », de qui voulez-vous
Page 569
1 parler ?
2 R. Je parle de toutes les personnes qui étaient
3 autour de moi, les gens qui appartenaient à la même
4 profession que moi, qui appartenaient au cercle dans lequel
5 je me trouvais, je me déplaçais.
6 Q. Vous parlez des Serbes et des musulmans à la
7 fois ?
8 R. Et des Serbes et des musulmans et puis des
9 Croates qui étaient au nombre réduit parce qu’il faut
10 savoir que des trois côtés, il y avait des gens qui étaient
11 contre la guerre et qui étaient pour la paix.
12 Q. Si j’ai bien compris votre déposition de ce
13 matin, vous avez dit que mis à part les rapports de bon
14 voisinage que vous aviez avec les Serbes, que vous aviez
15 certains liens familiaux avec les Serbes aussi ?
16 R. Oui, et ceci reste le cas aujourd’hui.
17 Q. Très bien ! Voici pourquoi je vous demande
18 ceci. Il y a une chose qui m’intéresse, mais tout d’abord,
19 j’ai une autre question. Pendant cette période au moment
20 des faits, c’est-à-dire donc avant le début du conflit armé
21 à Foca, je suppose que vous suiviez les informations
22 diffusées par les médias. Est-ce que toutes les
23 communautés ethniques pouvaient bénéficier des mêmes
24 médias ?
25 R. Oui. On pouvait tous suivre par le biais de
Page 570
1 la télévision ce qui se passait dans l’assemblée. Ceci
2 était diffusé à la radio également. Quant aux disputes qui
3 éclataient entre les représentants des partis nationaux,
4 une personne honnête et normale trouvait ça complètement
5 répugnant.
6 Q. Très bien ! Donc, vous venez de dire que
7 vous avez suivi tout cela par le biais des médias ?
8 R. Par exemple, les événements en ce qui
9 concerne l’assemblée, les disputes et tout.
10 Q. D’après votre déclaration ou déposition, j’ai
11 pu déduire que vous avez suivi ce qui se passait en ce qui
12 concerne les rassemblements à Foca.
13 R. J’ai entendu cela le soir puisque c’est assez
14 tard qu’ils se sont réunis. Ils chantaient des chants de
15 guerre tout en disant : « Nous sommes pour la paix, partez,
16 nous ne voulons pas la guerre », et cætera.
17 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer dans ce
18 cas-là comment se fait-il que vous étiez étonnée au moment
19 où le conflit a éclaté à Foca ?
20 R. Je n’ai pas compris la question.
21 Q. Vous avez dit que vous aviez des amis
22 serbes ?
23 R. Oui.
24 Q. Et des Serbes dans la famille ?
25 R. Oui.
Page 571
1 Q. Et d’avoir suivi les événements par le biais
2 des médias ?
3 R. Oui.
4 Q. Et puis aussi que vous avez suivi tout ce qui
5 se passait dans le Parlement, dans l’assemblée. Comment se
6 fait-il alors que vous étiez étonnée par les événements qui
7 se sont produits à Foca ?
8 R. Écoutez, d’après votre accent, je suppose que
9 vous venez de Serbie. Est-ce que vous-même, vous auriez pu
10 croire qu’après une bonne coexistence, une guerre pouvait
11 éclater ? Je n’aurais pas pu le croire.
12 Q. Je ne vous demande pas si vous le croyez ou
13 pas. Je vous demande comment se fait-il que vous étiez
14 étonnée.
15 R. Écoutez, vous êtes juriste. Nous n’avons pas
16 la même interprétation des choses.
17 Q. Vous êtes une intellectuelle. Je suppose que
18 nous nous comprenons entre nous.
19 R. Je ne m’attendais pas à la guerre.
20 L’INTERPRÈTE : Les interprètes demandent qu’une
21 pause soit ménagée entre questions et réponses.
22 Me JOVANOVIC (interprétation) : Très bien !
23 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pour
24 quelle raison aucun de vos amis serbes ou de vos cousins
25 serbes ne vous a jamais avertie qu’un conflit armé allait
Page 572
1 éclater éventuellement puisque vous étiez tellement proche
2 d’eux ?
3 R. J’étais très proche d’eux et personne ne m’a
4 rien dit, ni ceux qui avaient des liens familiaux avec moi,
5 ni d’autres, les personnes, par exemple, qui étaient mes
6 bons amis à Foca, ni mes collègues très proches, ni les
7 gens que je connaissais.
8 Q. Très bien ! Nous avons entendu cela déjà
9 plusieurs fois. Ma question est concrète. Veuillez
10 répondre concrètement. Aucun de vos amis serbes, ni de vos
11 cousins serbes ne vous a avertie ?
12 R. Personne.
13 Q. Très bien !
14 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je demanderais
15 que l’on montre au témoin, s’il vous plaît, puisque nous en
16 avons besoin, sa déclaration préalable donnée aux
17 enquêteurs en juillet 1995 en langue bosniaque.
18 Q. Si vous ne l’avez pas sur vous, nous pouvons
19 vous remettre notre copie à nous.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le
21 Procureur, est-ce qu’il a une copie ?
22 Me RYNEVELD (interprétation) : Nous n’avons pas
23 une copie en bosniaque, en B/C/S.
24 Me JOVANOVIC (interprétation) : Pas de problème.
25 Nous pouvons remettre la nôtre.
Page 573
1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Si j’ai bien
2 compris, ce document en B/C/S fait partie de vos documents
3 déjà.
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Nous avons reçu
5 une traduction.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous l’avez
7 en anglais ?
8 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. En anglais,
9 j’ai tout ça.
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, il
11 s’agit du document du Procureur ?
12 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Je crois que
13 c’est ce dont Me Jovanovic parle, mais tout simplement, je
14 n’ai pas en ce moment une copie, un exemplaire en
15 bosniaque. Dans le classeur, il s’agit de la pièce à
16 conviction 37. Je n’ai pas versé au dossier ce document en
17 tant que pièce à conviction, mais si la Défense souhaite
18 poser des questions au témoin à ce sujet, au sujet de ce
19 document, je ne sais pas s’ils ont l’intention que ce
20 document soit versé au dossier et dans ce cas-là, la
21 version en anglais doit être versée au dossier aussi.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Tout
23 d’abord, nous entendrons quelle sera la cote aux fins
24 d’identification. Ensuite, Me Jovanovic nous dira s’il a
25 l’intention de verser ça au dossier ou pas ou simplement de
Page 574
1 poser des questions au témoin.
2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la
3 Présidente, j’ai demandé que l’on remette ceci en bosniaque
4 au témoin tout simplement pour faciliter la communication,
5 pour que le témoin puisse suivre plus facilement mes
6 questions éventuelles.
7 LA GREFFIÈRE : C’est une pièce du Procureur cotée
8 37.
9 Me JOVANOVIC (interprétation) :
10 Q. S’il vous plaît, avez-vous examiné la pièce à
11 conviction que vous venez de recevoir ?
12 R. Quelle page ?
13 Q. Première page.
14 R. Première page ?
15 Q. Oui, première page, le titre. Je crois qu’il
16 faut aller un peu plus loin à rebours. Donc, nous
17 commençons par le tout début du document qui se trouve
18 devant vous. Voilà, vous l’avez trouvé. Vous êtes la
19 personne dont le nom figure là où il est indiqué « nom » ?
20 R. Oui.
21 Q. C’est vous qui avez fait cette déclaration
22 les 3, 4 et 5 juillet 1995 ?
23 R. Oui.
24 Q. Donc, vous êtes d’accord pour dire que c’est
25 votre déclaration préalable ?
Page 575
1 R. Oui.
2 Q. Je n’ai pas bien compris. Oui ou non ?
3 R. Oui.
4 Q. Merci. Je vous demanderais que l’on commence
5 par la page 4 maintenant, s’il vous plaît. À la page 4,
6 paragraphe 3, ça commence par la phrase : « Mes collègues
7 de nationalité serbe… », et cætera, et cætera.
8 Est-ce que vous l’avez trouvé ?
9 R. Oui.
10 Q. Vers le milieu de ce paragraphe, il y a la
11 phrase commençant par : « On a commencé à dire… »
12 Est-ce que vous avez trouvé cet endroit ?
13 R. Oui.
14 Q. Je vous demanderais de lire cette partie pour
15 que les Juges puissent entendre.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Les
17 interprètes n’ont pas une copie de cela. Donc, il va
18 falloir lire cette partie.
19 Me JOVANOVIC (interprétation) : Très bien, Madame
20 la Présidente.
21 Q. « On a commencé à dire que les Serbes
22 s’armaient. À ce moment-là, nous avons entendu qu’on
23 distribuait des armes aux Serbes depuis des camions. Ceci
24 était certainement vrai puisque lorsque la guerre a éclaté,
25 ils étaient effectivement tous armés. Je n’ai pas vu cela
Page 576
1 moi-même mais je l’ai entendu dire de la part d’autres
2 personnes. »
3 C’est ce que vous avez dit ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous avez entendu qui étaient ceux
6 qui distribuaient les armes aux Serbes ?
7 R. J’ai entendu que le soir, les camions
8 transportaient des armes et que les armes étaient
9 distribuées, mais je ne sais pas qui les distribuait.
10 Q. Très bien ! Vous ne savez pas. Est-ce que
11 vous avez entendu, est-ce que vous savez peut-être qu’un
12 autre camp recevait des armes aussi ?
13 R. J’ai entendu que l’autre partie pouvait
14 acheter des armes. Je ne souhaite pas mentionner un nom
15 qui a déjà été cité plus tôt. Donc, ils ne recevaient pas,
16 ils les achetaient.
17 Q. Donc, vous ne savez pas s’ils les recevaient
18 ou s’ils les achetaient ?
19 R. J’ai entendu qu’ils pouvaient les acheter,
20 mais qu’on ne leur distribuait pas les armes.
21 Q. Donc, on ne leur distribuait pas les armes,
22 mais si j’ai bien compris les choses, les deux côtés
23 s’armaient ?
24 R. Oui, mais j’ai entendu que le camp serbe
25 était beaucoup mieux armé.
Page 577
1 Q. Pourquoi le dites-vous ? Vous êtes un expert
2 militaire ?
3 R. Non.
4 Q. Et pourquoi alors ?
5 R. Tout simplement parce qu’ils portaient tous
6 des armes.
7 Q. Qui ça tous ?
8 R. Ceux qui étaient dans la ville qui étaient en
9 tenue militaire. C’est pour ça que j’ai pu conclure cela.
10 Q. Nous y reviendrons plus tard, mais puisque
11 vous le dites maintenant, vous-même, dans la ville, est-ce
12 que vous avez vu les deux armées ?
13 R. Non.
14 Q. Donc, vous avez vu une seule armée ?
15 R. Pendant que l’on tirait, moi, j’étais dans la
16 cave. Après, j’étais dans le camp.
17 Q. Madame le Témoin, ce n’est pas ma question.
18 Ma question est…
19 R. Je n’ai vu qu’une seule armée.
20 Q. Sur la base de ceci, vous avez conclu qu’une
21 armée était armée et que l’autre ne l’était pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Donc, vous avez vu un camp, vous n’avez pas
24 vu l’autre camp et vous avez tiré votre conclusion sur la
25 base de ceci ?
Page 578
1 R. Je n’ai pas pu voir l’autre camp puisque
2 j’étais dans la cave pendant que l’on tirait.
3 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …une bonne
4 transcription des débats, le greffe souhaite que l’avocat
5 ainsi que le témoin ménagent des pauses entre les questions
6 et les réponses.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Peut-être
8 vous ne savez pas quand les interprètes parlent puisque
9 vous n’avez pas de casque sur les oreilles. Donc, vous
10 n’êtes pas conscient du problème.
11 Me JOVANOVIC (interprétation) : Vous avez raison.
12 Je ne vais pas répéter cette erreur.
13 Q. Est-ce que nous pouvons reprendre là où nous
14 nous étions arrêtés ? Vous avez vu un camp, pas l’autre,
15 et vous avez conclu qu’un camp était armé et que l’autre ne
16 l’était pas ?
17 R. Moi, je ne parlais pas du tout de l’autre
18 camp. Je n’ai pas dit qu’il n’était pas armé. Ceci est
19 bien écrit. J’ai dit que je supposais qu’ils étaient
20 armés, eux aussi.
21 Q. Tout à l’heure, vous avez dit, lorsque l’on
22 parlait des manières dont les gens se procuraient des
23 armes, qu’un camp était mieux armé que l’autre.
24 Maintenant, nous essayons de voir comment vous avez tiré
25 cette conclusion. Je crois que maintenant, c’est clair.
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1 Vous avez vu un camp et sur la base de cela, vous avez tiré
2 votre propre conclusion. Merci.
3 R. Maintenant, j’entends la traduction en
4 français. Je ne vous entends pas du tout maintenant.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Quelle est
6 la bonne chaîne ? Monsieur l’Huissier, s’il vous plaît,
7 quelle est la chaîne pour le témoin ? La chaîne 6.
8 R. Oui.
9 Me JOVANOVIC (interprétation) :
10 Q. Est-ce que nous nous entendons bien ?
11 R. Oui, tout à fait.
12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Donc, l’alinéa 4,
13 étant donné que la Chambre et puis mes confrères n’ont pas
14 de traduction, ni les interprètes, je vais très brièvement
15 dire de quoi il s’agit et nous allons pouvoir également le
16 concrétiser par la déposition elle-même du témoin.
17 Il s’agit en effet ici de la manière dont le
18 témoin a décrit que les médicaments, l’équipement, et
19 cætera, ont été sortis des entrepôts et des réserves au
20 moment critique.
21 Q. Par conséquent, si vous êtes bien d’accord
22 avec moi, Madame le Témoin, je voudrais tout simplement
23 attirer votre attention sur une partie de votre
24 déclaration.
25 Je cite : « Je ne l’ai pas vu de mes propres
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1 yeux, mais j’ai entendu dire par d’autres collègues que des
2 médicaments étaient sortis de l’hôpital. La personne qui
3 était donc chargée de la pharmacie était serbe et il
4 s’appelait Vitomir Mrgud. Il est fort probable que lui, il
5 avait organisé le transport du matériel médical. » Fin de
6 citation.
7 Ce qui m’intéresse, c’est le terme « très
8 probablement ». Vous avez bien parlé de « très
9 probablement ». Est-ce que ceci pourrait dire également
10 que quelqu’un d’autre aurait pu organiser à la place de
11 Vitomir Mrgud ?
12 R. Si Vitomir Mrgud a été chargé de la pharmacie
13 de l’hôpital…
14 Q. Madame, je vous demande si c’est possible que
15 quelqu’un d’autre l’aurait fait à sa place parce que vous
16 parlez de très probablement. Dites-moi oui ou non.
17 R. Je pense qu’il n’aurait pas été possible que
18 quelqu’un le fasse à sa place parce que lui, il était chef.
19 Moi, j’étais chef de mon service et par conséquent j’étais
20 responsable de ce qui s’est passé dans mon service. Lui,
21 il était responsable de ce qui s’est passé dans son service
22 également.
23 Q. Dites-moi, s’il vous plaît, par oui ou non si
24 éventuellement c’était possible que quelqu’un d’autre ait
25 fait ça à sa place. Est-ce que c’est possible, oui ou
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1 non ?
2 R. Je ne peux pas vous donner la réponse parce
3 que je suppose que le chef du service ou d’une institution
4 quelconque doit être au courant de ce qui se passe dans son
5 service.
6 Q. Je ne conteste pas ce fait. Bien évidemment
7 que c’est le chef qui en est responsable, est responsable
8 de ce qu’il est chargé, mais ça ne veut pas dire que c’est
9 lui qui l’a fait. Est-ce que c’est là où nous sommes
10 d’accord ?
11 R. Ça, c’est possible, mais de toute façon, je
12 considère que celui qui en est responsable, qui est
13 responsable du service est également responsable de ce
14 qu’on avait emporté de ce service.
15 Q. Entendu ! On va poursuivre.
16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Toujours le même
17 alinéa, alinéa 4, page 4, le témoin dit (je cite) :
18 « Le camion a été conduit par les conducteurs de
19 l’hôpital. Je suppose qu’ils avaient transporté le
20 matériel dans les villages dans les alentours qui étaient
21 habités par les Serbes. » Fin de citation.
22 Q. Je voudrais vous poser donc une question,
23 éventuellement deux. Il y avait combien de conducteurs ou
24 de chauffeurs à l’hôpital ?
25 R. Il y en avait sept, huit. Je ne sais pas
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1 exactement.
2 Q. Est-ce que vous savez de quelle nationalité
3 ils étaient ?
4 R. Il y avait des musulmans et des Serbes.
5 Q. Est-ce que vous les connaissiez tous ?
6 R. Tous.
7 Q. Sur la base de quoi par conséquent vous
8 supposez que c’était bien les chauffeurs de l’hôpital qui
9 l’ont fait ?
10 R. C’est tout simplement parce que ce sont eux
11 qui conduisaient les ambulances et c’est par les ambulances
12 que le matériel a été transporté.
13 Q. Attendez, je ne vous comprends pas. Vous
14 savez que ceci a été transporté par les ambulances ?
15 R. Je suppose.
16 Q. Si je vous comprends bien, vous supposez tout
17 ce que vous venez de dire ? Vous ne savez absolument
18 rien ?
19 R. Je n’ai rien vu, mais c’est ce que j’ai
20 entendu dire.
21 Q. Non, je vous en prie. Est-ce que vous voulez
22 me répondre aux questions que je vous pose ? Je ne vous
23 demande pas…
24 R. Vous ne pouvez pas me forcer de dire ce que
25 je ne sais pas.
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1 Q. Je ne vous force pas. Je ne vous force pas.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame, si
3 vous avez compris la question, répondez de manière tout à
4 fait exacte. Écoutez les questions. Si vous pouvez
5 répondre, vous répondez. Si vous dites que vous ne savez
6 pas, vous dites non. Si vous supposez, vous dites que vous
7 supposez. Par conséquent, répondez.
8 R. J’ai dit : « Je suppose ». Si c’est mon
9 droit de dire « je suppose », à ce moment-là, je dis : Je
10 suppose.
11 Me JOVANOVIC (interprétation) :
12 Q. Est-ce que vous avez entendu ce que la
13 Présidente de la Chambre vient de dire ? Est-ce que vous
14 pouvez me répondre par un oui ou non ou bien vous me dites
15 que vous ne vous souvenez pas ? Ne me dites pas que vous
16 supposez.
17 R. La Présidente a dit que je pouvais répondre
18 par « supposer » et moi, j’ai répondu : « Je suppose ».
19 L’INTERPRÈTE : Le Président voulait intervenir
20 mais le Maître répond tout de suite que c’est lui qui
21 n’avait pas compris.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par
23 conséquent, je comprends. Il faut écouter la réponse, mais
24 la réponse du témoin correspond à ce qu’il sait ou ce qu’il
25 ne sait pas. Il suppose, il sait, il ne sait pas. C’est
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1 au témoin de répondre comme il le souhaite.
2 Me JOVANOVIC (interprétation) : D’accord, Madame
3 la Présidente. Excusez-moi.
4 Q. Madame le Témoin, est-ce que nous pouvons
5 donc voir le paragraphe suivant, s’il vous plaît ?
6 R. Oui.
7 Q. Donc, on passe au paragraphe 5, page 4.
8 Je cite : « Au printemps très tôt, mes collègues
9 et moi-même, nous avons remarqué une dizaine de camions
10 militaires immatriculés de Trebinje qui transportaient le
11 matériel tel que pansements, antibiotiques, solutions pour
12 perfusions, et cætera. »
13 Étant donné que nous sommes arrivés là au point
14 dont vous avez parlé dans votre déclaration et vous les
15 avez vus, est-ce que vous pouvez me décrire également ces
16 camions ?
17 R. Il s’agissait des camions bâchés qui se
18 trouvaient alignés au-dessus de l’hôpital et il y avait des
19 réserves de guerre et des bâtiments donc qui les
20 abritaient.
21 Q. Excusez-moi, mais pour vous-même, pour moi,
22 pour la Chambre, je pense qu’il serait beaucoup plus simple
23 si vous pouviez me donner des réponses très brèves. Dites-
24 moi, s’il vous plaît, de quelle couleur étaient ces
25 camions.
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1 R. C’était des camions militaires, enfin, des
2 camions comme tous les camions militaires.
3 Q. À quelle distance vous étiez ?
4 R. Quinze mètres à peu près.
5 Q. Est-ce que vous avez pu reconnaître les
6 plaques d’immatriculation de cette distance ?
7 R. Non, pas moi, mais il y en avait d’autres qui
8 étaient plus près.
9 Q. Je vous en prie, est-ce que vous avez vu ?
10 R. Non, moi, je ne l’ai pas vu.
11 Q. Par conséquent, cette partie de votre
12 déclaration n’est pas exacte ?
13 R. Elle est exacte parce qu’il y en avait
14 d’autres qui l’ont vu et ils ont vu que les plaques
15 d’immatriculation étaient de Trebinje.
16 Q. Est-ce que vous pouvez répéter ce que vous
17 avez dit, s’il vous plaît ? Lisez ce que vous avez dit et
18 ça commence : « Tôt le printemps… »
19 R. Je ne sais pas ce que vous voulez me dire.
20 Est-ce que vous voulez dire que c’est à 15 mètres ? Je ne
21 pouvais pas par conséquent moi-même voir les plaques
22 d’immatriculation Trebinje.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : On vous a
24 demandé de lire cette partie de la déclaration.
25 R. « Très tôt au printemps, mes collègues et
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1 moi, nous avons vu une quinzaine de camions militaires,
2 plaques d’immatriculation de Trebinje, emporter les
3 pansements, les solutions, antibiotiques, et cætera.
4 L’homme qui a organisé ça, Simo Stankovic, directeur du
5 service administratif. Étant donné que les camions étaient
6 de Trebinje, je suppose que les réserves ont été emportées
7 dans cette direction-là. »
8 Me JOVANOVIC (interprétation) :
9 Q. On va revenir au début de la phrase. Est-ce
10 que vous avez vu ou vous n’avez pas vu les plaques
11 d’immatriculation ?
12 R. Je les ai vues.
13 Q. Est-ce que vous savez quelles sont les
14 plaques d’immatriculation sur les camions militaires ?
15 R. C’était les plaques d’immatriculation de
16 Trebinje, peut-être pas militaire mais de SNB. De toute
17 façon, c’était les camions bâchés.
18 Q. Si je vous comprends bien, en ce moment même,
19 vous nous dites qu’il s’agissait des camions militaires
20 mais que les plaques d’immatriculation étaient civiles ?
21 R. Oui.
22 Q. Comment vous l’avez conclu ?
23 R. J’ai vu les plaques d’immatriculation. Par
24 conséquent, je peux conclure. S’il s’agit des plaques
25 d’immatriculation de Trebinje, je suppose que c’était un
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1 camion militaire.
2 Q. Est-ce que vous savez quelles sont les
3 plaques d’immatriculation des camions militaires ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que vous savez faire la distinction
6 entre les plaques d’immatriculation civiles et militaires ?
7 R. Non.
8 Q. Je me dois encore une fois de vous poser la
9 même question. Comment vous savez qu’il s’agissait de
10 camions militaires, Madame ?
11 R. Les chauffeurs qui conduisaient ces camions
12 étaient en uniformes militaires.
13 Q. Ça, c’est une toute nouvelle information.
14 Jusqu’à maintenant, vous n’en avez pas parlé. Ça ne figure
15 pas dans votre déclaration.
16 R. De toute façon, je ne suis pas obligée de
17 dire tout, et de toute façon, tout n’est pas dit.
18 Q. C’était les uniformes de qui ?
19 R. De SMB.
20 Q. Je ne vous ai pas demandé la couleur, mais je
21 vous demande des uniformes de qui.
22 R. Comment qui ? C’est un uniforme militaire.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
24 prie, Madame, répondez aux questions. Vous ne pouvez pas
25 poser des questions. Répondez à la question qui vous a été
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1 posée par le conseil et si vous dites que vous n’êtes pas
2 au courant, vous n’êtes pas au courant et nous allons
3 progresser. Nous n’allons pas avoir de problème.
4 R. Il s’agissait des uniformes militaires. Je
5 ne sais pas à qui appartenaient ces uniformes militaires.
6 Je ne le sais pas.
7 Me JOVANOVIC (interprétation) :
8 Q. Eh bien, vous avez parlé également de
9 l’équipement qui a été livré par Simo Stankovic. Comment
10 vous le savez ? Sur quoi vous vous basez ?
11 R. Tout simplement parce qu’il était accompagné
12 de ces gens-là qui sortaient les réserves. Je pense qu’il
13 était chargé de tout cela. Il était le principal.
14 Q. Mais vous le supposez ou vous le savez ?
15 R. Je sais que lui, il signait des papiers, je
16 sais qu’il était dans ce groupe et je suppose que c’était
17 bien lui.
18 Q. Une fois de plus…
19 R. Je suppose que c’était lui.
20 Q. Par conséquent, il n’est pas vrai ce que vous
21 avez dit dans votre déclaration ?
22 R. J’ai vu là-bas.
23 Q. Non. Je m’excuse, je vous en prie. Vous
24 dites : « L’homme qui a organisé la livraison du matériel
25 était telle et telle personne. »
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1 R. Oui.
2 Q. Maintenant, vous dites « peut-être ». Est-ce
3 que vous voulez opter pour l’un ou l’autre ?
4 R. Je dirais que c’était Simo Stankovic.
5 Q. Donc, nous le faisons par en arrière. Sur la
6 base de quoi ?
7 R. Parce qu’il était dans ce groupe de gens qui
8 chargeaient le camion, c’est lui qui coopérait avec eux.
9 C’est lui qui signait. Qui d’autre ? Ce n’est pas moi.
10 Q. Qui éventuellement à sa place ? On pourrait
11 en discuter longuement, mais de toute façon, est-ce que
12 vous tirez les conclusions très facilement ?
13 R. Non.
14 Q. Moi personnellement, j’ai l’impression que ce
15 n’est pas vrai ce que vous dites.
16 R. C’est ce que vous supposez.
17 Q. Revenons un peu à ce qui a été dit. Vous
18 savez qu’il y a une partie qui a été armée, l’autre partie
19 n’a pas été armée. Vous voyez le camion vert qui n’a pas
20 de plaque d’immatriculation militaire, mais civile mais
21 vous concluez qu’il est militaire quand même. Vous voyez
22 Simo Stankovic qui est à côté du camion et vous en déduisez
23 que c’est bien lui qui avait organisé le transport.
24 Eh bien, nous allons passer à l’autre phrase, si
25 vous voulez, étant donné qu’il s’agit des conclusions.
Page 590
1 « Étant donné que les camions étaient de Trebinje,
2 je suppose que les réserves ont été transportées sur le
3 front de Dubrovnik. »
4 Est-ce qu’éventuellement nous en déduisons à la
5 hâte ?
6 R. À ce moment-là, la guerre était très violente
7 à Dubrovnik.
8 Q. De toute façon, la guerre, malheureusement,
9 elle était très violente un petit peu sur l’ex-espace de
10 Yougoslavie. De toute façon, si ça vous est dur, moi
11 aussi, de le constater, mais la question que je vous pose
12 est différente et j’aimerais que vous me répondiez à cette
13 question. Je vous attends.
14 R. Qu’est-ce que vous attendez de moi ?
15 Q. La réponse sur la base de laquelle vous
16 déduisez que ces camions ont transporté l’équipement sur le
17 front de Dubrovnik.
18 R. Je le suppose.
19 Q. Entendu !
20 R. De toute façon, c’est ce qui a été écrit ici.
21 Q. Entendu ! Il y a beaucoup de suppositions et
22 beaucoup d’hypothèses.
23 Mais nous allons passer à la page 5. Page 5,
24 paragraphe 2. Est-ce que vous voulez le lire ou moi-même ?
25 R. Ça m’est égal.
Page 591
1 Q. C’est moi-même à ce moment-là. Je cite :
2 « Sept jours à peu près avant que la guerre éclate, Zdravko
3 Milicevic s’est pendu. Il a travaillé comme garde de
4 sécurité au portail de l’hôpital. C’était vraiment un très
5 grand choc pour tout le monde car à l’hôpital, tout le
6 monde l’aimait. Ultérieurement, après l’éclatement de la
7 guerre, nous nous sommes souvenus que lui, il répétait
8 souvent avant de mourir que jamais il ne serait capable de
9 tuer qui que ce soit ou de blesser un enfant de qui que ce
10 soit ou d’incendier la maison de qui que ce soit. Je pense
11 qu’il avait reçu des ordres qu’il ne pouvait pas accomplir
12 et que c’était la raison pour laquelle il s’était tué. »
13 Fin de citation.
14 Est-ce que vous connaissiez bien Monsieur Zdravko
15 Milicevic ?
16 R. Oui, très bien. C’était un homme
17 exceptionnel.
18 Q. Entendu ! Est-ce qu’il vous a dit… je vais
19 reformuler ma question, excusez-moi.
20 Est-ce que d’une façon ou d’une autre, vous
21 pourriez me donner des explications au sujet du terme que
22 vous avez utilisé : « Nous nous sommes souvenus » ? Est-ce
23 que ceci se rapporte à la famille, aux voisins, aux amis,
24 et cætera ?
25 R. Nous autres qui avons été de permanence et de
Page 592
1 garde à l’hôpital. Lui, il était, comme je l’ai dit, le
2 garde de la sécurité, enfin, au portail de l’hôpital.
3 Q. Excusez-moi. La guerre a éclaté. Donc, le
4 conflit armé a commencé encore un petit peu ?
5 R. Excusez-moi, mais moi, j’en ai assez.
6 Q. D’accord. Je vous comprends parfaitement.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
8 prie, est-ce que nous pouvons poursuivre s’il vous plaît
9 parce que c’est important de poursuivre ?
10 Monsieur Ryneveld, je vous en prie.
11 Me RYNEVELD (interprétation) : Bien évidemment,
12 il y a le contre-interrogatoire et je comprends
13 parfaitement qu’il s’agit d’un contre-interrogatoire assez
14 large, mais ici, il y a un certain nombre de paragraphes
15 dont il est question alors qu’on n’en a pas parlé lors de
16 l’interrogatoire principal.
17 Par conséquent, le témoin n’a pas déposé sur ces
18 paragraphes et par conséquent il s’agit pratiquement d’un
19 certain nombre de questions par lesquelles on guide le
20 témoin.
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est la
22 déclaration qu’elle avait donnée.
23 Me RYNEVELD (interprétation) : Il est vrai, mais
24 je n’ai pas posé les questions au sujet de tous les
25 paragraphes.
Page 593
1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il s’agit de
2 la crédibilité du témoin.
3 Me RYNEVELD (interprétation) : Je n’ai pas parlé
4 lors de l’interrogatoire principal de ces questions-là.
5 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Vous n’en avez
6 pas parlé, mais de toute façon, le conseil de la Défense a
7 le droit tout simplement d’en parler étant donné qu’il pose
8 la question de crédibilité du témoin car le conseil prétend
9 qu’elle avait exagéré quelque peu en déduisant un peu trop
10 rapidement.
11 Me RYNEVELD (interprétation) : Je voulais tout
12 simplement vous rappeler qu’il y a un certain nombre de
13 questions qui sont soulevées dont il n’a pas été question
14 dans l’interrogatoire principal.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld,
16 il n’est pas indispensable que le Procureur avance un
17 certain nombre de questions. Tout ce qui a été dit dans la
18 déclaration par le témoin, d’après notre interprétation
19 bien évidemment, pourrait être soulevé lors du contre-
20 interrogatoire.
21 Me RYNEVELD (interprétation) : Bien évidemment,
22 je ne le conteste pas. Je voulais tout simplement dire que
23 lors de l’interrogatoire principal, on n’en a pas parlé,
24 mais de toute façon, j’ai abusé du temps et le mieux c’est
25 de m’asseoir.
Page 594
1 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Je pense que
2 la Présidente a pris une décision. Par conséquent, s’il
3 paraît qu’il est pertinent que de soulever une telle
4 question, à ce moment-là, bien évidemment, on peut contre-
5 interroger le témoin sur ce plan-là. C’est la raison pour
6 laquelle personnellement, j’aurais arbitré de la même
7 manière comme la Présidente.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
9 prie, Maître.
10 Me JOVANOVIC (interprétation) :
11 Q. Excusez-moi un petit moment.
12 Vous avez dit une fois qu’après le déclenchement
13 de la guerre, si j’ai bien compris, vous avez passé huit
14 jours dans la cave. Ensuite, on vous a capturée et pendant
15 cette période, vous vous êtes souvenue. Est-ce que c’est
16 bien ça ?
17 R. Non, mais j’ai commencé à travailler et ce
18 n’est qu’après.
19 Q. Oui, vous avez raison. Par conséquent, c’est
20 après être relâchée, vous avez recommencé à travailler ?
21 R. Oui.
22 Q. Avec qui vous avez discuté ?
23 R. C’est dans mon service et il y avait des
24 Serbes, il y avait des musulmans, des collègues et ceux qui
25 n’étaient pas pour la guerre.
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1 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je ne sais pas si
2 je peux me conformer à la procédure. Est-ce qu’on peut
3 montrer au témoin la liste des personnes qui étaient
4 employées à l’époque dans le service parce qu’il y a une
5 contradiction ?
6 R. Il y avait les uns et les autres jusqu’au 20
7 mai. Jusqu’au 20 mai, il y avait des Serbes et des
8 musulmans qui étaient dans le service.
9 Q. Entendu ! Quand vous dites que vous vous
10 êtes souvenue du fait qu’avant sa mort, il avait répété à
11 maintes reprises, est-ce que vous-même, vous l’avez entendu
12 dire qu’il n’aurait pas été capable de tuer ou de blesser
13 un enfant ?
14 R. Oui. Lui, il était de garde souvent et quand
15 nous étions de garde, il venait, par exemple, dans notre
16 service pour prendre un café et chaque fois, il répétait :
17 « Jamais je n’aurais pu blesser ou tuer l’enfant d’un
18 voisin. Je n’aurais pas pu incendier une maison », et
19 cætera.
20 Q. Est-ce que vous trouvez que c’est normal ?
21 R. Oui, tout à fait.
22 Q. Nous allons poursuivre, je vous en prie. Il
23 faut progresser. Sur la base de quoi vous pensez qu’il
24 avait reçu un ordre de blesser ou de tuer un enfant de qui
25 que ce soit ?
Page 596
1 R. Il s’est pendu juste avant la guerre.
2 Q. Ce n’est pas ça que je vous demande. Ce que
3 je vous demande, c’est quelle est la base sur laquelle vous
4 justifiez ce que vous dites ? Est-ce que vous savez sur
5 quelle base il avait reçu l’ordre de tuer ou de blesser
6 l’enfant de qui que ce soit ou d’incendier la maison ?
7 R. Je suppose.
8 Q. Vous supposez sur la base de quoi ?
9 R. Sur la base de ce qu’il avait relaté, sur la
10 base également du fait qu’il s’était pendu parce que tout
11 simplement, il ne pouvait pas se le permettre en tant
12 qu’être humain.
13 Q. Attendez. Si je vous ai bien compris, en
14 tant qu’être humain, on ne pouvait pas facilement non plus
15 blesser l’enfant de quelqu’un ou éventuellement d’incendier
16 la maison de quelqu’un. Par conséquent, il y a quelque
17 chose qui aurait dû se passer pour que moi, je me pende,
18 n’est-ce pas ? Je pense qu’effectivement, il se comporte
19 comme un être humain normal. Je pense que vous ne me
20 contredirez pas dans ce sens-là.
21 R. Si par exemple, il a reçu l’ordre de
22 quelqu’un de le faire, à ce moment-là, bien évidemment,
23 c’est compréhensible qu’il agisse de telle manière.
24 Q. Comment pouvez-vous savoir qu’il avait reçu
25 l’ordre de quelqu’un de blesser ou de tuer l’enfant de
Page 597
1 quelqu’un ?
2 R. C’est ce que je suppose parce que c’était un
3 être normal.
4 Q. Il y avait toute une série de suppositions,
5 Madame.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Maître, est-
7 ce que vous pouvez attendre, s’il vous plaît ? Ménagez un
8 petit peu les pauses. Attendez les réponses du témoin.
9 R. Il en avait beaucoup parlé auparavant et j’en
10 ai parlé dans ma déclaration et je suppose qu’on lui avait
11 ordonné éventuellement quelque chose et que tout
12 simplement, en tant qu’être humain, il n’aurait pas pu s’y
13 conformer.
14 Me JOVANOVIC (interprétation) :
15 Q. Par conséquent, c’est une autre conclusion,
16 c’est une autre déduction que vous faites. Par conséquent,
17 s’il s’agissait d’un Serbe, à ce moment-là, c’est un autre
18 Serbe qui aurait dû lui délivrer un tel ordre. Par
19 conséquent, vous le supposez également ?
20 R. Oui.
21 Q. Je ne vous ai pas bien entendue.
22 R. Oui. Ce n’est pas moi qui aurais pu lui
23 donner l’ordre.
24 Q. Vous avez dit oui ?
25 R. Ce n’est pas moi.
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1 Q. Bien évidemment, je ne pense pas à vous.
2 R. C’est un autre Serbe qui aurait dû lui
3 délivrer un tel ordre.
4 Q. C’est bien ça, mais un musulman aurait pu
5 également lui ordonner ça ?
6 R. Oui, bien évidemment.
7 Q. Tout est possible ?
8 R. Je suppose que quelqu’un de ce groupe qui
9 voulait procéder au nettoyage ethnique dans cet espace,
10 celui qui voulait partager.
11 Q. Est-ce que vous pouvez me citer
12 éventuellement quelques membres de ce groupe qui se
13 préparaient pour nettoyer ethniquement cet espace ? Est-ce
14 que Zdravko Milicevic était avec quelqu’un qui
15 éventuellement se préparait pour procéder à un nettoyage
16 ethnique et qui éventuellement également a pu recevoir un
17 tel ordre dans le sens de blesser, tuer quelqu’un,
18 d’incendier les maisons, et cætera ?
19 R. Non. Je le suppose.
20 Q. Excusez-moi, je reviens encore une fois à la
21 question. Par conséquent, tout ce que vous avez dit, ce
22 n’est pas exact ?
23 R. C’est exact. J’ai dit que je pense, que je
24 suppose que c’est comme ça car c’est un homme intègre,
25 honnête et il ne pouvait pas se le permettre.
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1 Q. Par conséquent, il y a quelqu’un qui lui a
2 ordonné d’agir ainsi ?
3 R. Oui.
4 Q. Par conséquent, ce quelqu’un a préparé le
5 nettoyage ethnique ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous pouvez me citer un nom ou
8 plusieurs noms avec lesquels Zdravko Milicevic était en
9 contact ? Quel âge avait-il, s’il vous plaît ?
10 R. Il avait moins de 40 ans. Je ne sais pas.
11 Q. Est-ce qu’il avait appartenu à un parti
12 quelconque ?
13 R. Je ne pense pas qu’il ait été membre d’un
14 parti.
15 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la
16 Présidente, je pense qu’il y a une minute ou deux minutes
17 jusqu’à 4 h 00.
18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
19 prie, est-ce que vous avez beaucoup de questions à poser ?
20 Me JOVANOVIC (interprétation) : Beaucoup de
21 questions.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Encore une
23 question, je vous en prie. Vous avez le droit.
24 Me JOVANOVIC (interprétation) :
25 Q. Par conséquent, vous ne savez pas s’il avait
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1 reçu ou non l’ordre ? C’est votre supposition, n’est-ce
2 pas ?
3 R. C’est ma supposition.
4 Q. Merci. Un petit moment. Est-ce que vous
5 pouvez passer à la page 6 ? Le paragraphe 4.
6 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la
7 Présidente…
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
9 prie.
10 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je pense que la
11 question que j’ai l’intention de poser demandera un peu
12 plus de temps que le temps dont nous disposons. Est-ce que
13 vous pensez qu’il est véritablement opportun que de poser
14 la question ou éventuellement de laisser pour demain matin
15 la question ?
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui,
17 effectivement, il est 4 h 00. Donc, je pense effectivement
18 que c’est demain que nous pouvons poursuivre. Demain, 9 h
19 30. Nous allons lever l’audience et demain, 9 h 30.
20 --- L’audience est levée à 16 h 00
21 pour reprendre le mercredi
22 22 mars 2000 à 9 h 30
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