Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 22 mars 2000

2 [Audience publique]

3 [Les accusés entrent dans la Cour]

4 [Le témoin entre dans la Cour]

5 --- L’audience débute à 9 h 31

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : La greffière

7 pourrait-elle annoncer l’affaire ?

8 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-96-23-T, Le Procureur

9 contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bonjour,

11 Madame le Témoin. Nous continuons donc le contre-

12 interrogatoire.

13 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

14 Présidente, est-ce que je peux commencer s’il vous plaît ?

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

16 TÉMOIN : TÉMOIN 33

17 (SOUS LE MÊME SERMENT)

18 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me

19 JOVANOVIC (interprétation) :

20 Q. Bonjour, Madame le Témoin. Est-ce que vous

21 vous êtes reposée un petit peu ?

22 R. [Signe affirmatif]

23 L’INTERPRÈTE : Le Maître lui-même, il dit qu’il

24 peut poursuivre et que maintenant c’est le moment donc

25 d’abord de dire qu’il est indispensable d’avoir une copie

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1 en langue que vous comprenez, Madame.

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Est-ce que

3 l’huissier peut nous aider s’il vous plaît ?

4 Madame la Présidente, est-ce que le témoin peut

5 disposer d’une copie de sa déclaration en langue B/C/S ?

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

7 vous pouvez décrire le document s’il vous plaît ? Est-ce

8 que vous voulez d’abord décrire le document et puis ensuite

9 nous expliquer quelles sont les raisons pour lesquelles

10 vous référez à ce document ?

11 Me JOVANOVIC (interprétation) : Excusez-moi,

12 Madame la Présidente, je n’ai pas vraiment entendu ce que

13 vous avez dit. Est-ce que vous voulez bien m’excuser et

14 répéter ce que vous avez dit ?

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je viens de

16 dire qu’avant donc de montrer le document au témoin, vous

17 voulez bien donc donner la description du document,

18 informer la Chambre également quel est le document et

19 éventuellement nous dire également si une copie avait déjà

20 été remise au Bureau du Procureur.

21 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui. Le document

22 que j’ai remis au témoin est le document que le témoin

23 avait déjà dans ses mains hier. C’est la déclaration donc

24 qu’elle a déjà donnée mais en langue B/C/S, langue que

25 comprend aussi bien le témoin que moi-même.

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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

2 Me Ryneveld.

3 Me RYNEVELD (interprétation) : J’aimerais dire en

4 ce moment ce que j’ai déjà dit hier mais bien évidemment

5 sous un autre aspect.

6 Déjà hier, j’ai été quelque peu inquiet de voir

7 que le témoin a été contre-interrogée sur quelques parties

8 de sa déclaration alors que l’interrogatoire principal

9 n’était pas porté sur ces paragraphes et puis il y avait

10 également un certain nombre de pièces à conviction qui ont

11 été remises au témoin alors qu’on n’en a pas parlé lors de

12 l’interrogatoire principal.

13 Je pense qu’on a donné un peu trop de liberté au

14 conseil et il me semble qu’afin de pouvoir donc continuer à

15 discuter sur ce document qui n’est pas versé au dossier que

16 ce document nous soit remis et voir également si le témoin

17 est d’accord dans l’intégrité avec la déclaration en

18 question et que cette pièce est considérée comme pièce à

19 conviction, par conséquent, dans son intégrité.

20 Ce qui m’intéresse c’est de voir avant que mon

21 collègue poursuive, nous pourrions éventuellement verser ce

22 document. Sur cette base, ce qui me préoccupe, je ne sais

23 pas si j’étais tout à fait clair hier mais j’ai essayé d’en

24 parler hier.

25 [La Chambre discute]

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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

2 Jovanovic, nous sommes d’accord que la déclaration donc

3 soit admise. C’est sa propre déclaration. Vous pouvez

4 poursuivre les questions. Vous avez entendu ce qui

5 préoccupe le Procureur. Si véritablement il s’agit de sa

6 propre déclaration, si elle l’avait signée ou non, ce qui

7 figure dans ses déclarations, donc vous lui posez de telles

8 sortes de questions et ensuite vous pouvez vous référer à

9 ses déclarations.

10 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, je

11 comprends, Madame la Présidente, mais en une phrase, je

12 vais tout simplement dire quelles étaient mes raisons pour

13 ne pas verser au dossier comme pièces à conviction ses

14 déclarations.

15 Mon confrère vient de le proposer, le Procureur.

16 Bien évidemment, je ne peux qu’abonder dans son sens et je

17 suis parfaitement d’accord également que si nous

18 identifions ce document comme un document qui correspond au

19 Règlement de Procédure et de Preuve, nous allons y

20 procéder.

21 Hier, je ne l’ai pas fait tout simplement parce

22 que le document dont je dispose et qui a été remis au

23 témoin nous a été remis par le Bureau du Procureur. Il

24 s’agit des pièces à conviction qui sont des pièces à

25 conviction qui sont les leurs.

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1 Par conséquent, je voulais tout simplement essayer

2 d’examiner le témoin et de poser la question de

3 crédibilité, et ceci conformément à la Règle 90 du

4 Règlement de Procédure et de Preuve. Sinon, je n’ai bien

5 évidemment absolument rien contre que ceci figure dans le

6 dossier.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vais

8 demander à la greffière de nous donner la cote s’il vous

9 plaît pour ce document.

10 LA GREFFIÈRE : [Non interprétée]

11 [La Chambre discute]

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous avons

13 tout simplement parler de deux versions, donc version

14 anglaise et version B/C/S. Les deux doivent être versées

15 au dossier.

16 Est-ce que vous pouvez s’il vous plaît vérifier si

17 nous avons les deux versions s’il vous plaît, anglaise et

18 B/C/S ?

19 LA GREFFIÈRE : Non. Le greffe n’est pas en

20 possession de la traduction B/C/S de cette déclaration de

21 témoin. En revanche, dans cette déclaration de témoin

22 figure également une lettre qui elle est traduite. Donc,

23 le greffe souhaiterait avoir une version B/C/S de cette

24 déclaration de témoin.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : [Non

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1 interprétée]

2 Me RYNEVELD (interprétation) : Moi, je n’ai pas

3 auprès de moi cette copie. Nous avons probablement dans le

4 Bureau du Procureur une copie.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Écoutez, je

6 vais essayer de m’expliquer. Les déclarations du témoin

7 bien évidemment doivent être remises en lange serbo-croate

8 pour ceux qui parlent le B/C/S et ensuite c’est traduit

9 vers l’anglais. Tous les documents donc qui sont versés au

10 dossier doivent avoir des cotes dans les deux versions.

11 C’est la raison pour laquelle la Chambre souhaite avoir les

12 deux versions, anglaise et B/C/S.

13 Me RYNEVELD (interprétation) : Si j’ai bien

14 compris, l’original dans le cas concret était en langue

15 anglaise, ensuite est traduit vers le B/C/S.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par

17 conséquent, l’original est en anglais et la traduction

18 c’est le B/C/S ?

19 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. C’est comme

20 ça que j’ai compris.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par

22 conséquent, 37A sera version anglaise et 37B pour B/C/S.

23 Je pense que nous pouvons nous attendre d’une copie en

24 langue B/C/S.

25 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Nous allons

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1 vous procurer la copie tout de suite.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par

3 conséquent, nous pouvons poursuivre.

4 Me RYNEVELD (interprétation) : Excusez-moi mais

5 je pense que la Défense dispose des copies en langue B/C/S,

6 si j’ai bien compris, de cette traduction. Est-ce que la

7 greffière peut en disposer ?

8 Me JOVANOVIC (interprétation) : Nous avons des

9 copies en B/C/S, grâce au Bureau du Procureur. Nous les

10 avons. Nous les avons ces copies mais je pense que tout le

11 monde n’en dispose pas. C’est tout.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bon

13 d’accord, mais on va voir pour les copies tout à l’heure.

14 Est-ce qu’on peut contre-interroger ? Est-ce

15 qu’on peut continuer le contre-interrogatoire ?

16 Me JOVANOVIC (interprétation) :

17 Q. Madame le Témoin 33, je suis désolé d’être

18 obligé de vous appeler comme ça. Ça n’a pas l’aspect

19 humain mais c’est comme ça. C’est indispensable.

20 Est-ce que vous pouvez s’il vous plaît d’abord

21 voir s’il s’agit de la même déclaration que vous aviez hier

22 dans vos mains ? Si vous pouviez vérifier ça d’abord.

23 R. Oui, absolument.

24 Q. Est-ce que vous pouvez maintenant voir la

25 dernière page de cette déclaration et tout simplement voir

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1 s’il y a votre signature qui y figure ? C’est marqué

2 « certifié » et la signature.

3 R. Il n’y a pas de signature mais effectivement,

4 c’est marqué que c’est ma propre déclaration.

5 Q. Oui, absolument.

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que c’est bien votre déclaration ?

8 R. Oui.

9 Q. Je vais maintenant vous demander si vous

10 restez sur cette déclaration que vous avez donnée les 3, 4

11 et 5 juillet 1995.

12 R. Oui.

13 Q. Merci. Est-ce que maintenant vous pouvez

14 regarder la page 6 ?

15 Est-ce que vous voyez bien la page 6 ?

16 R. Oui mais je pense que j’y suis.

17 Q. Je pense qu’en bas de la page, il y a un

18 numéro également ?

19 R. Oui.

20 Q. Quatrième paragraphe, s’il vous plaît. Est-

21 ce que vous voyez ?

22 R. Oui.

23 Q. Le paragraphe commence : « Depuis le début de

24 la guerre… » Est-ce que vous le voyez ?

25 R. Oui, je vois.

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1 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

2 Présidente, étant donné que vous n’avez pas sous vos yeux

3 donc cette copie, ma question en fond concerne l’événement

4 qui a eu lieu après le conflit qui a commencé dans la ville

5 elle-même et au moment où le témoin se retrouvait dans la

6 cave. C’est de ça qu’il s’agit donc dans le paragraphe en

7 question et c’est à ce sujet-là que j’aimerais poser

8 quelques questions.

9 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Est-ce que

10 vous pouvez s’il vous plaît nous dire comment et par quoi

11 commence ce paragraphe ? Comme ça, nous allons trouver

12 dans notre version le paragraphe.

13 Me JOVANOVIC (interprétation) : Chez nous dans la

14 version B/C/S, ça commence : « Depuis le début de la

15 guerre, 8 avril… »

16 Q. Quand est-ce que le conflit a commencé dans

17 la ville même ?

18 R. J’ai bien dit : « C’est le 8 avril » et c’est

19 ce que j’ai marqué.

20 Q. Entendu ! Quand le conflit s’est déclenché,

21 vous êtes partie dans la cave comme quelques autres

22 voisins ?

23 R. Oui.

24 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît nous dire

25 quelque chose à ce sujet-là parce qu’il paraît qu’il y a eu

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1 quelques appels téléphoniques que vous avez reçus au cours

2 de cette période ? Pourriez-vous nous préciser le temps ?

3 Si par exemple, nous disons que vous êtes partie à la cave

4 tel et tel jour, quelle est la période pendant laquelle

5 vous avez reçu ces appels téléphoniques ?

6 R. Je ne peux pas malheureusement parce que je

7 suis sortie quelques fois de la cave et je...

8 Q. Ça ne fait rien. Ça suffit. Est-ce que vous

9 pouvez expliquer aux Juges, à nous autres également dans ce

10 prétoire qui ne connaissons peut-être pas tout à fait bien

11 la configuration du terrain que vous connaissez, quelle est

12 la distance entre Foca et Gorazde ?

13 R. Trente-cinq kilomètres.

14 Q. Gorazde est la ville qui à l’époque et

15 aujourd’hui également faisait partie de quelle entité, s’il

16 vous plaît ?

17 R. De la Fédération de Bosnie-Herzégovine. À

18 l’époque, elle faisait partie de l’État de Bosnie-

19 Herzégovine mais maintenant, elle fait part de l’entité et

20 de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

21 Q. Entendu ! Entendu ! Est-ce que vous

22 pourriez nous dire maintenant : Ces collègues, ces

23 collègues qui vous ont appelée – bien évidemment, vous ne

24 devez pas nous dire leurs noms et vous n’êtes pas obligée

25 de nous le dire – est-ce que vous pouvez nous dire de

Page 611

1 quelle nationalité ces collègues étaient-ils ? Est-ce que

2 vous vous souvenez ?

3 R. Oui, je m’en souviens mais je ne me souviens

4 pas exactement au bout de huit ans qui m’avait appelée

5 parce qu’il y en avait beaucoup parce qu’à ce moment-là, le

6 service de santé fonctionnait, il y avait encore les

7 malades qui se rendaient à l’hôpital à Foca. C’était le

8 début de la guerre.

9 Q. Excusez-moi. Comment vous savez que les

10 malades se rendent à l’hôpital de Foca alors que vous étiez

11 à la cave de votre bâtiment ?

12 R. Mais je sortais de temps en temps. Je l’ai

13 déjà dit. Je l’ai déjà précisé. J’ai dit que je suis

14 allée tout simplement pour faire de la cuisine, pour

15 préparer la nourriture, et cætera.

16 Q. Mais vous préparez la nourriture, vous faites

17 de la cuisine, mais pendant ce temps-là vous savez

18 également que les malades de Gorazde pendant qu’il y a eu

19 des opérations de combat sont transportés à Foca, c’est à

20 35 kilomètres plus loin par rapport à l’endroit où vous

21 vous trouvez et vous savez que… et en plus, c’est là

22 également qu’il y a des opérations de guerre. Est-ce que

23 vous ne trouvez pas c’est illogique ?

24 R. Non, ce n’est pas illogique. Si par exemple,

25 mon collègue m’appelle de Gorazde, on dit qu’il y a des

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1 malades qui vont être transportés à l’hôpital, tu dois

2 prendre les membres de ta famille et puis venir avec nous à

3 Gorazde, pour moi, c’est logique.

4 Q. Pour moi, ce n’est pas logique.

5 R. Pour moi, c’est logique.

6 Q. Mais si en pleine guerre…

7 R. Mais c’était tout le début de la guerre et

8 les ambulances encore se déplaçaient.

9 Q. Entendu ! Nous allons poursuivre. Nous

10 allons passer au paragraphe qui est plus bas et c’est le

11 paragraphe qui commence : « Le 14 avril 1992… » C’est le

12 jour où vous avez été capturée, comme vous l’avez

13 d’ailleurs précisé dans votre déclaration, n’est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Nous ne sommes pas pressés bien évidemment.

16 R. Oui, tout à fait. Tout à fait.

17 Q. C’était à 6 h 30 le matin ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce qu’au moment où vous êtes sortie du

20 bâtiment, il y avait des opérations de combat dans la

21 ville ?

22 R. Non. Je ne sais pas.

23 Q. Dans votre déclaration, vous précisez que ces

24 personnes qui étaient en tenue militaire, enfin qui

25 portaient des uniformes, cagoules, criaient et qui

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1 demandaient à vos voisins de se retirer le plus tôt

2 possible car il y a des tirs et des échanges de tirs et des

3 tireurs d’élite ?

4 R. Oui mais moi, je n’ai pas entendu les tirs.

5 Q. Mais les tireurs d’élite appartenaient à quel

6 groupe ethnique ?

7 R. Ce n’est pas à moi.

8 Q. Mais Madame, dans votre déclaration hier, on

9 a déjà parlé. Vous avez tout simplement déduit, vous avez

10 conclu, et puis je ne vais pas énumérer plein de choses.

11 Est-ce que vous pouvez me dire ce que vous en avez conclu ?

12 R. Mais comment voulez-vous que je sache ? Ceux

13 qui nous ont accompagnés, ils savent très bien qui étaient

14 les tireurs d’élite. Ça pouvait être aussi bien des

15 tireurs d’élite d’un côté que de l’autre.

16 Q. Je m’excuse. Je vais juste vous poser une

17 question. Est-ce que d’après vous il serait logique que

18 les tireurs d’élite serbes tirent sur les soldats serbes ?

19 R. Non, pas bien évidemment sur les soldats mais

20 sur les civils, oui. Pourquoi pas ?

21 Q. Mais il y a quand même des civils qui sont

22 escortés par les soldats serbes ?

23 R. Non. Je ne pense pas.

24 Q. Mais est-ce que vous êtes spécialiste, expert

25 en balistique ?

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1 R. Non. Je le suppose et j’ai dit ce que je

2 supposais, moi personnellement. Je maintiens ce que j’ai

3 dit. Je ne retire rien.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld.

5 Me RYNEVELD (interprétation) : Madame la

6 Présidente et Messieurs les Juges, j’avoue que cette

7 approche me préoccupe quelque peu. Je l’ai également

8 remarqué hier et j’ai en effet une observation. C’est

9 presque une dispute entre le conseil et le témoin. Je sais

10 que vous avez déjà averti le conseil et le témoin de la

11 manière dont il mène le contre-interrogatoire mais je pense

12 que mon collègue peut-être pourrait axer ces questions sur

13 les faits et ne pas parler de la logique parce que si

14 jamais on se lance dans ce type de discussion, à ce moment-

15 là, on aurait plein de choses à discuter. Par conséquent,

16 il s’agit d’un témoin de faits, factuel. S’il vous plaît.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous avez

18 bien compris ce que Me Ryneveld a dit. Il s’agit d’un

19 témoin factuel. Par conséquent, vous vous tenez aux faits

20 s’il vous plaît.

21 Ensuite, il y a un deuxième point sur lequel je

22 voulais attirer votre attention. Aussi bien le Procureur

23 que les conseils de la Défense se sont bien mis d’accord

24 sur le fait qu’il y avait un conflit armé. Par conséquent,

25 ce n’est pas indispensable d’essayer de poser des questions

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1 à ce sujet-là au témoin parce qu’il ne faut pas aller dans

2 les détails. Nous savons qu’il y avait ce conflit armé.

3 Me JOVANOVIC (interprétation) : D’accord. Merci,

4 Madame la Présidente.

5 Est-ce que je peux poursuivre, Madame la

6 Présidente ?

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

8 prie.

9 Me JOVANOVIC (interprétation) :

10 Q. Nous sommes toujours sur la même page.

11 Avant-dernier paragraphe et dernier paragraphe. Je pense

12 que ceci, vous n’allez pas comprendre cette question comme

13 une question de logique et de la sémantique, mais ce qui

14 m’intéresse c’est de savoir et de l’entendre dire par le

15 témoin : Quelles étaient les raisons pour lesquelles elle

16 considère… se trouvait dans le camp si elle est relâchée,

17 libérée et si elle a la possibilité d’aller passer la nuit

18 chez ses propres amis ? Pourquoi ? Quel est ce type de

19 camp d’où on peut sortir pour aller passer la nuit

20 ailleurs ?

21 R. J’ai déjà dit ce que je pensais à ce sujet-

22 là. Je ne pense pas du tout que nous, on était

23 parfaitement conscient. Nous avons été amenés à Livade.

24 Personne ne nous a dit quelles étaient les raisons pour

25 lesquelles on nous a amenés là-bas, ce qui allait se passer

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1 par la suite avec nous…

2 Q. Excusez-moi, Madame le Témoin, je vais vous

3 interrompre.

4 R. Mais moi, je maintiens ce que j’ai dit dans

5 ma déclaration et j’avoue que je ne suis absolument pas un

6 témoin qui fixe une personne ou une autre.

7 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre. Je

8 suis bien obligé.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur le

10 Conseil, il serait quand même utile de ne pas interrompre

11 le témoin, de la laisser finir ce qu’elle a commencé à

12 dire.

13 Je vous en prie, vous poursuivez, posez la

14 question, ménagez la pause, attendez la réponse et ensuite

15 posez une deuxième question. C’est comme ça qu’il faut

16 procéder.

17 Me JOVANOVIC (interprétation) :

18 Q. Je ne sais pas ce qui s’est passé à Foca à ce

19 moment-là. Je ne sais absolument pas ce qui s’est passé

20 avec vous-même, ce qui vous est arrivé. Tout ce que je

21 sais c’est ce que vous m’avez dit.

22 R. Ce que j’ai dit c’est ce qui s’est passé.

23 Q. Vous avez dit qu’il n’y avait pas

24 suffisamment de place pour tous les prisonniers, tous les

25 détenus dans le camp ?

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1 R. Oui, dans cette pièce.

2 Q. C’est la raison pour laquelle je vous pose la

3 question : Comment peut-on parler d’un camp si les

4 prisonniers peuvent sortir la nuit et passer la nuit chez

5 des cousins dans la famille ?

6 R. C’est à moi que vous posez la question ? Il

7 faudrait poser la question à ce Monsieur Nedjo qui était le

8 principal et qui nous a permis d’aller passer la nuit.

9 C’était tout à fait à côté de ce camp. Moi, j’ai précisé

10 que je connaissais une famille et eux, ils étaient par

11 conséquent d’accord que je vienne passer la nuit chez eux.

12 C’est à lui de poser la question. Moi, je n’ai absolument

13 rien à dire de plus mais on nous a demandé de revenir le

14 lendemain matin sur place.

15 Q. Je vous comprends. Je vous comprends

16 parfaitement mais vous utilisez quand même un certain

17 nombre de termes. Vous utilisez le terme « détenus » et le

18 terme « camp ». Quand on me parle d’un détenu, d’un

19 prisonnier, à ce moment-là, je pense tout à fait à autre

20 chose.

21 R. Mais c’était la première nuit. C’était le

22 premier jour où nous avons été amenés.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

24 Jovanovic, le témoin vient de vous décrire ce qui lui est

25 arrivé. Elle a dit où elle a été amenée. Elle a dit ce

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1 qui s’était passé sur les lieux. Elle a utilisé le terme

2 « camp ». Il est possible que c’est un terme qui vous dit

3 autre chose mais elle nous dit ce qui s’est passé sur place

4 et comment on les a traités. Par conséquent, elle parle de

5 cet endroit comme d’un camp. Il ne faut pas contester ce

6 qu’elle avait dit. Cessez de contester.

7 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, j’ai

8 compris. Merci, Madame la Présidente. Est-ce que je peux

9 poursuivre ?

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

11 prie.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) :

13 Q. Pourriez-vous nous donner la description de

14 cette pièce ou de ce bâtiment où vous avez été détenue ?

15 R. Si je me souviens bien, j’ai déjà donné la

16 description.

17 Q. Mais est-ce que vous pouvez une fois de plus

18 nous le dire ?

19 R. Bien évidemment, je peux donner lecture de ce

20 que j’ai dit. C’était il y a huit ans. C’était les

21 hangars. C’était les entrepôts de la société Perucica, le

22 béton en bas, les murs en béton, une petite fenêtre

23 également avec des stores. On ne voyait pas grand-chose…

24 excusez-moi, je tousse. Il y avait un couloir, un couloir

25 assez grand, et puis les deux pièces. Il y avait une

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1 pièce.

2 Moi, j’étais dans une pièce avec les membres de ma

3 famille. Il y avait quelques autres personnes également.

4 Nous étions 29 au total. La pièce était trois sur trois.

5 La fenêtre, comme j’ai dit, était couverte. C’était des

6 stores en bois. On pouvait voir à peine la lumière.

7 Nous avons trouvé dans le couloir un certain

8 nombre de cartons et nous avons posé ce carton par terre et

9 la nuit, on était couché sur ce carton. La pièce était

10 toute petite. On ne pouvait pas rester coucher sur le dos

11 mais sur le côté et chacun devait en tenir compte.

12 Dans la pièce où nous étions, il n’y avait pas des

13 conditions hygiéniques, pas d’eau, pas de toilettes. Si

14 jamais on avait besoin d’eau, on demandait aux gardes de

15 nous les apporter dans les bouteilles. Je pense que je

16 l’ai précisé hier. C’est sur le grenier qu’on allait

17 uriner et souvent ça coulait. Si jamais il fallait aller à

18 la selle, à ce moment-là, c’est le garde qui nous

19 accompagnait pour aller à l’extérieur. Il y avait des

20 toilettes qui s’y trouvaient. Voilà ! C’est ça.

21 Q. Merci. Ce qui m’intéresse c’est quelque

22 chose qui concerne encore cette pièce où vous étiez. Est-

23 ce que…

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais c’est

25 justement la pièce qu’elle vient de décrire. Elle vient de

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1 décrire la pièce où elle était ensemble avec les membres de

2 sa famille.

3 Me JOVANOVIC (interprétation) : Mais je voulais

4 tout simplement demander s’il y avait des meubles.

5 R. Non, absolument pas. Il n’y avait que le

6 béton, que des murs en béton, que cette fenêtre, comme j’ai

7 dit, avec un store en bois, et ensuite, nous avons emmené

8 des boîtes en carton que nous avons défaites pour les

9 mettre sur le plancher et dormir.

10 Q. Mais est-ce que les gardes vous ont permis

11 d’ouvrir la porte et les fenêtres ?

12 R. La fenêtre ne pouvait pas être ouverte. La

13 porte n’était pas fermée mais le garde était devant et bien

14 évidemment, on ne pouvait pas sortir. Mais la porte n’a

15 pas été fermée à clé.

16 Q. Vous avez dit également qu’il y avait 28

17 personnes au total avec vous dans cette même pièce ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourriez-vous nous dire maintenant : Est-ce

20 que vous connaissez quel était l’âge des personnes qui

21 étaient avec vous ?

22 R. Il y avait des enfants de six mois jusqu’à

23 l’âge de 70 ans.

24 Q. Est-ce que les gardes vous laissaient dans

25 cette pièce et au moment où on vous laissait pendant la

Page 621

1 nuit, vous étiez restés enfermer pendant toute la nuit ?

2 R. Oui.

3 Q. Et au bout de quatre jours, il y avait

4 quelqu’un qui est décédé ?

5 R. Personne.

6 Q. Mais vous, vous êtes médecin ?

7 R. Oui.

8 Q. Maintenant, je dois vous poser une autre

9 question. S’il s’agit d’une pièce trois sur trois et vous

10 avez dans cette pièce 29 personnes enfermées pendant la

11 nuit toute entière, vous n’ouvrez pas la fenêtre, vous

12 n’ouvrez pas la porte, est-ce que vous en votre qualité de

13 médecin vous pouvez nous dire combien de temps l’homme peut

14 tenir sans oxygène ?

15 R. Oui. Je connais bien évidemment et ce que

16 moi, j’ai décrit c’est comme ça.

17 Q. Madame…

18 R. Mais je n’ai rien d’autre à dire.

19 Q. Mais c’est une question qui concerne la

20 physique.

21 R. Mais on ne respectait pas les lois de

22 physique.

23 Q. Vous continuez à affirmer que vous avez

24 survécu au nombre de 29 toute la nuit dans une pièce de

25 dimension trois sur trois ?

Page 622

1 R. Oui, mais pas sans arrêt.

2 Q. Toute la nuit ?

3 R. De nuit, mais après, ils laissaient les

4 personnes âgées et les femmes partir, rentrer chez eux.

5 Q. Merci. J’ai une autre question. En 1995

6 lorsque vous avez fait votre déclaration, est-ce que vous

7 viviez toujours dans la région de l’ancienne Yougoslavie ?

8 R. Est-ce important ?

9 Q. Veuillez me répondre.

10 Q. Je ne dois pas répondre.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, Me

12 Ryneveld.

13 Me RYNEVELD (interprétation) : J’ai l’impression

14 que nous abordons maintenant un sujet où il faut faire

15 très, très attention puisque mon collègue de la Défense a

16 reçu une copie complète, donc non expurgée de la

17 déclaration. Donc, il sait très bien où le témoin vit

18 après avoir quitté Foca et donc j’ai quelques soucis

19 concernant les mesures de protection tout simplement.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

21 Me Jovanovic, vous avez compris les inquiétudes du

22 Procureur ?

23 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui,

24 complètement, Madame la Présidente. Je ne demande pas au

25 témoin de donner une réponse précise en indiquant de

Page 623

1 quelque manière que ce soit l’endroit où elle se trouve ou

2 sa famille. Devant ce Tribunal, nous avons vu la pièce à

3 conviction qui était l’autorisation de quitter la ville de

4 Gorazde.

5 R. C’était la ville de Foca.

6 Me JOVANOVIC (interprétation) : Les noms de

7 plusieurs villes en ex-Yougoslavie y figurent, mais

8 maintenant, il n’est pas nécessaire de mentionner quelque

9 ville que ce soit. Je souhaite simplement savoir si elle

10 vivait, si elle se trouvait dans cette région.

11 Pour clarifier, cet ancien État avait des

12 dimensions de 1 500 sur 1 000 kilomètres à peu près. Donc

13 tout simplement, je souhaite savoir si elle se trouvait

14 dans cet espace-là et je ne souhaite pas du tout créer des

15 problèmes pour ce témoin ou sa famille.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : À quel

17 moment ?

18 Me JOVANOVIC (interprétation) : Au moment où elle

19 a fait cette déclaration, c’est tout, donc le mois de juin

20 1995.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est ce que

22 le Procureur dit, qu’il est clair d’après la déclaration où

23 elle a été prise.

24 Me RYNEVELD (interprétation) : Dans la version en

25 anglais, à la fin de la page 11, nous voyons un indice

Page 624

1 indiquant où elle se trouvait à l’époque.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Continuons,

3 Me Jovanovic. Nous perdons beaucoup de temps sur ce genre

4 de détail.

5 Me JOVANOVIC (interprétation) : Très bien ! Je

6 vais poursuivre.

7 Q. Donc cette page 11, hier dans votre

8 déclaration, dans votre déposition d’hier, vous avez dit

9 que vous avez dû signer une sorte de document avant d’avoir

10 quitté Foca. À la page 11, je crois qu’il s’agit du

11 premier ou du deuxième paragraphe.

12 R. Oui.

13 Q. Veuillez s’il vous plaît nous clarifier une

14 chose. Hier au cours de votre déposition, vous avez dit

15 que vous avez signé un document sans savoir vraiment de

16 quoi il s’agissait et que votre seul but était de sortir.

17 R. Oui, mais avant cela, on nous a dit que nous

18 devions signer des papiers sur lesquels il a été écrit que

19 nous laissions toute notre propriété à la Republika Srpska,

20 mais de toute façon, pour moi, ceci n’était pas important

21 du tout. Ce qui m’était important, c’était de quitter

22 Foca. C’est malheureux qu’au bout de 29 ans, j’ai dû

23 quitter ma ville natale et la ville dans laquelle j’ai

24 pratiquement passé toute ma vie et toute ma carrière.

25 Donc, ceci était le moins important pour moi. Mon

Page 625

1 intérêt, c’était de gagner la liberté, d’aller vers la

2 liberté.

3 Q. Merci. Je sais mais je dois vous demander

4 cette question. Vous ne savez pas ce que vous avez signé ?

5 R. Est-ce qu’on nous a dit ? On nous a dit :

6 « C’est ça » et « Vas-y, signe. » Vous croyez que moi,

7 j’ai eu le temps, que ça m’intéressait de lire le papier où

8 quelque chose était écrit ?

9 Q. Donc, vous ne savez pas ce que vous avez

10 signé ?

11 R. Si vous voulez, je ne sais pas, mais de toute

12 façon, on nous a dit : « Vous devez signer ça » et on m’a

13 dit que c’était ça et si on m’a dit ça, moi, je suppose que

14 c’est ce qui avait été écrit sur ce papier. Par exemple,

15 en ce qui concerne l’autorisation, il était écrit que je

16 quittais Foca tel jour, et cætera.

17 Q. Vous croyez vraiment tout ce qu’on vous dit ?

18 R. Excusez-moi ?

19 Q. Vous croyez vraiment tout ce qu’on vous dit,

20 qui que ce soit ?

21 R. Écoutez, des gens que je connaissais très

22 bien y travaillaient parce que moi, j’ai travaillé pendant

23 toute ma carrière là-bas. C’est là-bas que j’ai fait mes

24 études, l’école et tout. Moi, je connaissais très bien les

25 personnes qui travaillaient dans le SUP. J’ai signé ça.

Page 626

1 Il est sûr que je n’ai pas signé une peine de mort pour

2 moi-même. C’était écrit. Il était écrit que je laissais

3 ce que j’avais.

4 Je veux préciser autre chose. Je vivais pendant

5 toute cette période dans un appartement de quelqu’un

6 d’autre, j’étais habillée dans des vêtements de quelqu’un

7 d’autre et en sortant, j’avais de l’argent que j’ai

8 emprunté à quelqu’un d’autre. Mes amis s’étaient

9 rassemblés pour nous donner des vêtements à moi et à ma

10 famille.

11 Q. Est-ce que vous-même, vous avez reçu un

12 exemplaire de ce document que vous avez signé ?

13 R. Non. Tout ce que j’ai reçu, je l’ai remis au

14 Procureur, aux enquêteurs de l’Accusation.

15 Q. Très bien ! Maintenant, en ce qui concerne

16 la fin de votre déclaration, ici, je vois 15 noms, 16.

17 Connaissez-vous toutes ces personnes personnellement ?

18 R. Non.

19 Q. S’il est vrai que le 26 juin 1999 [sic] …1992

20 donc, vous avez quitté Foca ce jour-là, comment savez-vous

21 que ces personnes-là étaient membres de la police militaire

22 de Foca pendant la guerre ? Là, vous parlez de la période

23 que vous avez passée là-bas ou de la guerre ?

24 R. En ce qui concerne les noms qui figurent sur

25 la liste, je les ai reçus. Je ne les connaissais même pas.

Page 627

1 Je ne savais pas qui était membre de quoi. Je ne les

2 connais pas. Aucune de ces personnes ne m’a soumise aux

3 mauvais traitements, c’est ce que j’ai déclaré, ni dans le

4 camp, ni après le camp. Personne n’est venu me voir.

5 Personne de ces personnes donc n’est venu me voir pendant

6 que j’étais dans l’appartement de mon collègue. Je n’ai

7 incriminé qui que ce soit.

8 J’ai tout simplement cité les noms d’après la

9 liste que j’avais reçue.

10 Q. Qui vous a remis la liste ?

11 R. Un ami.

12 Q. Où est-ce qu’il vous a donné cette liste ?

13 R. Pendant que j’étais encore à Foca.

14 Q. Avant votre départ de Foca ?

15 R. Oui, avant mon départ de Foca.

16 Q. Un ami à vous est venu et il vous a donné la

17 liste de ces noms ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourquoi ?

20 R. Je ne sais pas pourquoi. Je suppose que

21 c’était pour savoir quelles étaient les personnes

22 présentes.

23 Q. Vous voulez dire que depuis le mois de juin

24 1992 jusqu’au mois de juillet 1995, vous avez gardé cette

25 liste sur vous ?

Page 628

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que nous pouvons voir cette liste

3 maintenant ?

4 R. La liste n’est pas ici.

5 Q. Est-ce que vous vous souvenez quelle était

6 l’appartenance ethnique de cet ami à vous qui vous a donné

7 ça ?

8 R. Oui.

9 Q. Dites-nous.

10 R. Il était serbe.

11 Q. Très bien ! Est-ce que vous pouvez supposer

12 les raisons pour lesquelles ou plutôt est-ce que vous savez

13 s’il a donné cette liste à qui que ce soit d’autre ?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce que vous pouvez supposer pourquoi il

16 vous a choisie, vous ?

17 R. C’était un ami à moi.

18 Me RYNEVELD (interprétation) : Excusez-moi.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

20 Me RYNEVELD (interprétation) : Les questions

21 posées concernent un appel au témoin de spéculer sur ce qui

22 s’est passé dans l’esprit de quelqu’un d’autre. Je pense

23 que mon collègue la pousse à procéder par spéculations et

24 ceci m’inquiète.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous avez

Page 629

1 compris les inquiétudes du Procureur, Me Jovanovic ?

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui. Mon

3 collègue de l’Accusation a raison d’avoir fait cette

4 objection. Effectivement, j’ai demandé au témoin de

5 spéculer. Effectivement, j’ai eu tort, mais excusez-moi.

6 Moi-même, j’ai été surpris de la réponse du témoin.

7 D’après la déclaration préalable, je ne pouvais pas du tout

8 m’attendre au fait qu’il s’agissait là d’une liste qu’elle

9 avait gardée pendant trois ans.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Posez votre

11 question, s’il vous plaît.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) :

13 Q. Vous savez, j’ai encore une question. Je ne

14 sais pas si je vais sortir du champ de l’interrogatoire ou

15 pas, si je vais respecter la procédure ou pas, mais je veux

16 savoir si vous avez proposé vous-même de comparaître comme

17 témoin.

18 R. Ceci m’a été proposé.

19 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci.

20 Je n’ai plus de questions à poser.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci, Me

22 Jovanovic.

23 Vous avez des questions supplémentaires, Me

24 Ryneveld ?

25 Me RYNEVELD (interprétation) : Pas du tout.

Page 630

1 Merci.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous n’avons

3 pas de questions pour vous, Témoin.

4 Merci beaucoup d’être venue déposer ici à La Haye.

5 Vous êtes libre de disposer maintenant.

6 LE TÉMOIN (interprétation) : Merci beaucoup.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Elle doit

8 attendre pour assurer sa sécurité avant qu’elle parte.

9 [Le témoin se retire]

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, le

11 Procureur.

12 Me KUO (interprétation) : Notre témoin suivant

13 est le Témoin 65 qui n’a pas demandé de mesures de

14 protection.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, nous

16 n’avons pas besoin de store ni de l’écran.

17 Me PRODANOVIC (interprétation) : Le Procureur

18 nous a dit hier qu’aujourd’hui, c’est le Témoin numéro 52

19 qui allait être interrogé. Donc, nous nous sommes préparés

20 pour ce témoin et non pas pour le Témoin numéro 65 puisque

21 nous avons l’intention de verser au dossier certaines

22 pièces à conviction concernant le Témoin 65 et en ce qui

23 concerne ces pièces à conviction, nous les avons annoncées

24 pour demain justement en supposant que le Procureur allait

25 procéder comme il l’avait proposé auparavant.

Page 631

1 Me KUO (interprétation) : Nous avons dit au

2 conseil de la Défense qu’il s’agissait soit du Témoin 52 ou

3 65, que nous n’étions pas sûrs et qu’il devait être prêt

4 pour les deux.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le conseil a

6 un bout de papier qu’il souhaite montrer au Procureur ?

7 Me PRODANOVIC (interprétation) : Nous avons reçu

8 ceci de votre part et il est indiqué que le premier témoin

9 devait être le numéro 52.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le nom d’un

11 autre témoin y est indiqué aussi ?

12 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui, mais au

13 numéro 2, et au numéro 3, le Témoin 93.

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc,

15 d’après ce papier, le premier témoin est le numéro 52 ?

16 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Et le

18 deuxième témoin est 65 ?

19 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ensuite, 92

21 ?

22 Me PRODANOVIC (interprétation) : 93.

23 Me RYNEVELD (interprétation) : Permettez-moi

24 d’expliquer. En ce qui concerne le papier dans la main de

25 mon collègue de la Défense, effectivement, il s’agit là du

Page 632

1 papier que j’ai préparé avec le conseil de la Défense qui

2 parle anglais, mais à midi hier, je dois dire que nous

3 avons eu l’impression que nous allions peut-être changer

4 l’ordre de la comparution des témoins à cause de quelques

5 changements et pour être tout à fait sûr, par précaution,

6 je leur ai dit que je n’étais pas sûr si le Témoin 52

7 n’allait pas devoir commencer à déposer dès hier puisque je

8 ne savais pas si nous allions poursuivre le contre-

9 interrogatoire du Témoin 33 ou pas, mais après, nous avons

10 quand même continué avec 33 et je m’attendais à ce que le

11 Témoin 52 vienne aujourd’hui.

12 J’espère que nous pourrons en faire plus que ne

13 l’était notre intention hier, mais cela dit, quand j’ai

14 marqué les trois numéros hier, on m’a demandé d’indiquer la

15 priorité et j’ai indiqué ceci vers midi hier. J’ai marqué

16 les numéros 1, 2, 3, mais à la fin de ceci, j’ai quand même

17 dit que peut-être l’ordre changerait.

18 Je suis désolé si je les ai induits en erreur.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous avez

20 dit ça à qui ?

21 Me RYNEVELD (interprétation) : À la dame qui est

22 assise à côté de Me Jovanovic.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

24 vous pouvez confirmer cela ?

25 Me LOPICIC (interprétation) : Oui. Je peux

Page 633

1 confirmer que pendant la pause de l’après-midi hier, il me

2 l’a dit, mais sur le bout de papier, il est écrit que le

3 numéro un allait être 52.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais il

5 a dit qu’à la fin de la journée hier, il vous a dit que

6 l’ordre allait peut-être changer.

7 Me LOPICIC (interprétation) : Moi, j’avais

8 compris que 52 allait être le premier, ensuite 56 et

9 ensuite 93.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Où est le

11 numéro 52 ?

12 Me RYNEVELD (interprétation) : Il n’est pas ici

13 au Tribunal mais je suppose qu’il pourra être ici pour la

14 session suivante.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

16 Donc, ce que nous pouvons faire, c’est… quel est ce numéro

17 ?

18 Me RYNEVELD (interprétation) : 65.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

20 Donc, vous pouvez procéder à l’interrogatoire principal.

21 Me Prodanovic, vous êtes inquiet à cause de

22 certains documents que vous avez à l’égard de ce témoin ?

23 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui. Nous avons

24 souhaité verser ces documents au dossier et nous avons

25 annoncé trois documents pour demain puisque nous avons été

Page 634

1 induits en erreur.

2 [La Chambre discute]

3 Me RYNEVELD (interprétation) : Permettez-moi de

4 faire un autre commentaire. Je m’excuse à mes collègues si

5 ceci leur a créé des problèmes mais il faut savoir que

6 parfois l’ordre de comparution de témoins a changé à cause

7 des problèmes de santé de l’un des témoins. Je suis

8 désolé. Nous aurions voulu accélérer la procédure mais à

9 cause des problèmes de santé concernant ce témoin, il est

10 nécessaire de terminer sa déposition le plus vite possible.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci, Me

12 Ryneveld.

13 [La Chambre discute]

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ce que nous

15 allons faire c’est que vous pouvez terminer

16 l’interrogatoire principal maintenant et ensuite, nous

17 allons procéder à l’interrogatoire de l’autre témoin.

18 Ensuite, nous aurons la pause et puis soit après la pause-

19 déjeuner, soit demain matin, la Défense pourra apporter les

20 pièces à conviction nécessaire pour le contre-

21 interrogatoire. Donc ainsi, nous ne perdrons pas beaucoup

22 de temps.

23 Me PRODANOVIC (interprétation) : Effectivement,

24 c’est la meilleure solution.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pour

Page 635

1 résoudre ce problème, je propose que le Procureur donne à

2 nous tous, tous les jours, la liste des témoins concernant

3 toute la semaine puisque, comme vous l’avez dit, parfois un

4 témoin déposera pendant toute la journée, parfois pendant

5 moins longtemps. Donc, veuillez nous faire ceci pour que

6 la Défense puisse se préparer pour tous les témoins, 3, 4,

7 5, quel que soit leur ordre de comparution.

8 Me RYNEVELD (interprétation) : Très bien ! Je le

9 ferai.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

11 [Le témoin entre dans la Cour]

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le témoin

13 peut-il prêter serment ?

14 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare

15 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

16 rien que la vérité.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

18 Veuillez vous asseoir.

19 TÉMOIN : SAFET AVDIC (ASSERMENTÉ)

20 INTERROGÉ PAR Me KUO (interprétation) :

21 Q. Bonjour, Monsieur. Veuillez nous dire quel

22 est votre nom.

23 R. Je m’appelle Safet Avdic. Est-ce que je dois

24 vous dire d’autres données, la date de naissance, le reste

25 ou bien juste le prénom et le nom ?

Page 636

1 Q. Je vous demanderais de nous fournir d’autres

2 informations spécifiques. Répondez à mes questions. Quel

3 est votre âge ?

4 R. J’ai autour de 60 ans, plus de 59.

5 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire avant de

6 poursuivre si vous avez des problèmes cardiaques en ce

7 moment ?

8 R. Je suis très ému parce que ceci est la

9 première fois que je comparais devant ce Tribunal de

10 quelque manière que ce soit.

11 Q. Est-ce qu’il y a deux jours, vous avez dû

12 être emmené à l’hôpital en ambulance à cause de cela ?

13 R. Oui. Vers minuit, une ambulance m’a amené à

14 l’hôpital à cause des conséquences de la maladie dont

15 j’étais atteint au mois de novembre et j’ai passé 15 jours

16 à l’hôpital de Maastricht.

17 Q. Est-ce que vous vous sentez bien ce matin ?

18 Si vous avez besoin d’une pause, veuillez nous l’indiquer.

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges où

21 vous êtes né ?

22 R. Je suis né à Cajnice le 10 août 1940.

23 Q. Quel est votre groupe ethnique ?

24 R. Mon appartenance ethnique est bosnienne de

25 confession musulmane.

Page 637

1 Q. Est-ce que vous préférez vous décrire en tant

2 que bosnien plutôt que musulman en ce qui concerne votre

3 appartenance ethnique ?

4 R. J’ai l’habitude de dire musulman. C’est ce

5 que nous avions adopté auparavant par le biais de la

6 constitution de l’ex-Yougoslavie. On disait musulman.

7 Q. Où avez-vous vécu jusqu’à la guerre ?

8 R. À Foca.

9 Q. Vous êtes marié ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez des enfants ?

12 R. Oui.

13 Q. Combien ?

14 R. J’ai un fils de 28 ans et une fille de 25

15 ans.

16 Q. Quel était votre travail pendant que vous

17 avez vécu à Foca ?

18 R. J’ai terminé les études forestières et ceci

19 était mon domaine et j’ai travaillé pendant 28 ans à Foca

20 dans ce domaine.

21 Q. Pour qui avez-vous travaillé ?

22 R. Dans la société Maglic à Foca, une société

23 industrielle qui était active dans le traitement de bois et

24 la production de produits en bois.

25 Q. Quel était votre poste dans la société Maglic

Page 638

1 ?

2 R. Au début, j’étais ingénieur. Ensuite, j’ai

3 été l’adjoint du directeur et à la fin, j’étais le

4 directeur du département forestier et vers la fin de

5 l’année 1988, j’ai quitté le poste du directeur forestier

6 et j’ai fait partie du conseil d’administration comme la

7 personne chargée toujours du domaine forestier.

8 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était

9 la taille de la société Maglic ?

10 R. Maglic employait au début environ 2 500

11 personnes. Après, avec les progrès technologiques, il y a

12 eu de moins en moins d’employés et vers la fin, ceci

13 variait mais d’habitude, il y avait environ 2 000 employés.

14 Q. Est-ce qu’il s’agissait là d’une société

15 mixte du point de vue des groupes ethniques ?

16 R. Oui.

17 Q. Étiez-vous membre d’un quelconque parti

18 politique ?

19 R. Non.

20 Q. Mis à part votre service militaire

21 obligatoire au sein de la JNA, aviez-vous d’autres

22 obligations militaires ?

23 R. Non.

24 Q. À quel moment avez-vous fait votre service

25 militaire ?

Page 639

1 R. Je suis parti en septembre 1964 après avoir

2 terminé mes études.

3 Q. En ce qui concerne la constitution des partis

4 nationalistes à Foca, est-ce que vous savez si le SDA a eu

5 une assemblée constitutive en avril 1989 ?

6 R. Je sais.

7 Q. Où est-ce que ceci s’est produit ?

8 R. Ceci a eu lieu à l’envergure de deux

9 rivières, à l’endroit qui s’appelait Pijesak. C’est comme

10 ça qu’on l’appelait chez nous.

11 Q. C’était à Foca ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez assisté à ça ?

14 R. Oui, un peu. Pas pendant tout le temps.

15 Q. Quelle était très brièvement la plate-forme

16 politique ?

17 R. J’étais loin sur la route et ceci ne

18 m’intéressait pas excessivement, la plate-forme politique,

19 mais une partie du discours de Alija Izetbegovic, qui à

20 l’époque était le Président du SDA, et je me souviens très

21 bien d’une phrase lorsqu’il a dit : « Ce qui s’est produit

22 à Foca en 1941 ne peut plus se reproduire. »

23 Q. Est-ce que vous savez de quoi il parlait, à

24 quoi il se référait ?

25 R. Il parlait des souffrances, des pertes

Page 640

1 musulmanes.

2 Q. Le SDS, est-ce qu’il a eu une assemblée

3 constitutive en été 1989 ?

4 R. La même année, le SDS, je suppose que c’était

5 1989 ou 1990, mais en fait, les deux événements ont eu lieu

6 en 1990. Après l’assemblée constitutive du SDA,

7 l’assemblée constitutive du SDS a eu lieu au stade de Foca,

8 au stade de football.

9 Q. Afin de clarifier les dates, vous voulez dire

10 que ces deux assemblées ont eu lieu en 1990 ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous avez assisté à l’assemblée du

13 SDS ?

14 R. Oui. J’ai assisté pendant peu de temps là-

15 bas aussi, tout comme je l’ai fait pendant l’assemblée du

16 SDA.

17 Q. Est-ce que vous avez entendu parler Radovan

18 Karadzic ?

19 R. Pendant quelques instants mais lui aussi, je

20 me souviens d’une phrase qu’il a prononcée. Il a dit qu’on

21 ne pouvait pas vivre ensemble avec les musulmans.

22 Q. Est-ce que vous avez entendu parler un

23 certain Vojislav Maksimovic ?

24 R. Non, parce que comme je vous ai dit, je

25 n’étais pas présent pendant très longtemps et ensuite, je

Page 641

1 suis parti.

2 Q. Est-ce que quelqu’un d’autre vous a dit ce

3 qu’il avait dit lors de cette réunion ?

4 R. De qui parlez-vous ? Radovan Karadzic ?

5 Q. Maksimovic.

6 R. Non, non, pas lors de cette manifestation qui

7 s’est tenue à l’occasion de la fondation du SDS, mais en ce

8 qui concerne votre question, j’ai une autre question. En

9 ce qui concerne Monsieur Maksimovic, lors de l’assemblée

10 constituante de la Société des Arts et de la Culture serbe

11 à l’école Alazda, il a dit à ce moment-là que les musulmans

12 étaient les plus grands ennemis des Serbes.

13 Q. Quel était le poste occupé à l’époque par

14 Monsieur Maksimovic ?

15 R. À l’époque, il était actif au sein du SDS.

16 Il était également membre de l’assemblée des députés.

17 Q. En 1992, où habitiez-vous ?

18 R. J’habitais à Foca dans la rue Mosa Pijada

19 numéro 6.

20 Q. Quelle était l’ethnicité des gens qui

21 habitaient dans votre immeuble ?

22 R. Six musulmans, six familles musulmanes et

23 quatre familles serbes.

24 Q. À quel étage habitait votre famille ?

25 R. Au deuxième ou au troisième étage parce qu’il

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1 y avait trois étages si on comptait le rez-de-chaussée. En

2 fait, il y avait le rez-de-chaussée, le premier et deuxième

3 étage, et moi, j’habitais au dernier étage. J’avais un

4 appartement dans cet immeuble.

5 Q. Et à partir de votre appartement, qu’est-ce

6 que vous voyiez de la ville de Foca ?

7 R. À travers la fenêtre, je voyais la partie

8 nord de Foca, depuis la cuisine et la salle à manger, et

9 puis depuis le salon et la chambre, on voyait le sud de la

10 ville.

11 Q. Quels étaient les quartiers que vous étiez en

12 mesure de voir depuis chez vous ?

13 R. Le centre-ville où il y avait la société

14 Maglic, le centre de l’armée Dom Armije, la zone qui

15 entourait l’hôtel, l’hôtel également, le bas de l’hôtel, et

16 je pouvais voir ça depuis le balcon de la salle à manger,

17 et puis on voyait également le KP Dom, Donje Polje, Gornje

18 Polje également, le quartier de Mahala et le nouveau

19 quartier qui se trouvait dans ce coin au-dessus de

20 l’ancienne maison des jeunes, le quartier de Careva Mahala

21 et une partie de la rue Hadzivukovic.

22 Me KUO (interprétation) : Je vais demander l’aide

23 de l’huissier pour montrer la pièce à conviction 12/1. Je

24 vais vous demander de la placer sur le rétroprojecteur et

25 de fournir au témoin un pointeur.

Page 643

1 Q. Pouvez-vous nous indiquer où se trouvait

2 votre appartement ?

3 R. Mon appartement se trouvait là [indication du

4 témoin]. C’est ça mon immeuble, l’immeuble « G », ces

5 trois bâtiments que l’on voit, et le dernier, le plus

6 petit, c’est le mien [indication du témoin].

7 Q. Est-ce que cet appartement se trouvait à

8 proximité de l’hôtel Zelengora ?

9 R. Oui. C’est le premier bâtiment qui jouxte

10 l’hôtel.

11 Q. Merci. Vous avez mentionné un certain nombre

12 de quartiers. Je voudrais que vous nous disiez quelle

13 était la composition ethnique si vous la connaissez de ces

14 quartiers. Je vais commencer par Donje Polje. Pouvez-vous

15 nous dire quelle était la composition ethnique de la

16 population qui habitait dans ce quartier ?

17 R. Donje Polje c’était un quartier exclusivement

18 musulman, en fait disons 80 pour cent des habitants étaient

19 musulmans et 20 pour cent étaient Serbes.

20 Q. Si on considère les maisons individuelles qui

21 se trouvaient à Donje Polje, pouvez-vous nous donner les

22 pourcentages, toujours en parlant de Donje Polje ?

23 R. Eh bien, en ce qui concerne les maisons

24 individuelles, je dois dire qu’environ 90 pour cent de ces

25 maisons appartenaient à des musulmans et 10 pour cent à des

Page 644

1 Serbes. Je parle des maisons individuelles. C’est mon

2 estimation personnelle. Je ne connais pas les chiffres

3 exacts, bien entendu.

4 Q. En ce qui concerne le quartier de Cohodor

5 Mahala, êtes-vous en mesure de nous donner la composition

6 ethnique de ce quartier ?

7 R. Cohodor Mahala, vers la fin, c’est un

8 quartier où il y avait peut-être 50 pour cent… 50-50.

9 Q. Oui, mais moi, je parlais du début de la

10 guerre. Vous nous dites « à la fin ».

11 R. Oui, au début de la guerre… de cette guerre.

12 Q. Et Prijeka Carsija ?

13 R. Prijeka Carsija, c’est un quartier à

14 prédominance musulmane avec le Careva Mahala.

15 Q. En ce qui concerne le quartier Aladza, quelle

16 était la composition ethnique ?

17 R. C’était un quartier qui était majoritairement

18 musulman.

19 Q. En ce qui concerne le centre-ville

20 maintenant, quelle était la composition ethnique de cette

21 zone où vous habitiez ?

22 R. Le centre-ville était à majorité serbe du

23 fait du nombre d’habitants.

24 Q. Pouvez-vous maintenant nous parler d’une zone

25 qui s’appelle Dub ? Il y avait là un chalet, un pavillon

Page 645

1 de chasse. Où se situait cet endroit dans la ville ?

2 R. Le pavillon de chasse se trouvait au-dessus

3 du KP Dom sur une colline qui s’appelait Dub.

4 Q. Et connaissez-vous bien cette partie de la

5 ville ?

6 R. J’y suis allé déjà pour pique-niquer ou pour

7 me promener. Je suis déjà allé dans ce pavillon de chasse.

8 Q. Étiez-vous en mesure de voir cet endroit

9 depuis votre appartement ?

10 R. Oui.

11 Q. Un peu avant la guerre, avez-vous constaté

12 qu’il y avait dans cette zone particulière des préparatifs

13 militaires en cours ?

14 R. Bien, il faut dire qu’avant la guerre, juste

15 avant la guerre, je n’ai pas tellement fait attention. Je

16 n’ai jamais vraiment regardé dans cette direction mais j’ai

17 entendu des gens dire, des gens de Donje Polje dire que là-

18 haut, les Serbes étaient en train de s’organiser, qu’ils

19 avaient pris le contrôle de cette zone et qu’ils étaient

20 armés.

21 Q. Et est-ce que vous-même, vous avez été en

22 mesure de voir de vos yeux ce genre d’activité ?

23 R. Moi, je n’ai vu ce genre d’activité militaire

24 que pendant la guerre, au moment où la guerre a commencé.

25 J’ai vu depuis mon appartement avec des jumelles. Depuis

Page 646

1 chez moi, je regardais ce qui se passait dehors.

2 Q. Et qu’est-ce que vous avez vu ?

3 R. Eh bien, j’ai vu des nids de mitrailleurs, de

4 tireurs embusqués. Il y avait des gens qui se déplaçaient.

5 Ils se trouvaient sur la terrasse de ce pavillon de chasse.

6 Ils étaient là assis ou en train de se déplacer. Enfin, il

7 y avait quand même pas mal de mouvement dans cette zone.

8 Q. Étiez-vous en mesure de voir quelle était la

9 tenue vestimentaire de ces gens ?

10 R. Eh bien, ils n’étaient pas habillés en civil.

11 Ils portaient sans exception des vêtements de couleur gris-

12 olive ou vert-olive du genre de ceux qu’on portait dans

13 l’ex-JNA.

14 Q. Avez-vous vu des armes ?

15 R. Oui, oui. J’ai vu une mitrailleuse qui était

16 pointée sur Foca.

17 Q. Est-ce qu’un peu avant de la guerre, vous

18 avez vu des gens se déplacer dans Foca avec des armes ?

19 R. Oui, effectivement, et comme l’ont expliqué

20 mes voisins, il s’agissait de gardes mixtes, conjointes.

21 Q. Et pour vous, qu’est-ce que cela signifiait ?

22 R. Mon voisin m’a demandé de garder l’entrée de

23 notre immeuble mais moi, j’ai dit : « À quoi ça sert ?

24 Pourquoi faire ? » En tout cas, lui mon voisin, il le

25 faisait et j’allais parfois lui tenir compagnie sans porter

Page 647

1 aucune arme, mais j’allais lui tenir compagnie.

2 Q. Quelle raison vous a-t-on donnée pour la

3 nécessité que certains voyaient de garder les immeubles ou

4 d’autres ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. Est-ce que vous avez vu dans la rue des gens

7 qui étaient armés avant la guerre ?

8 R. J’ai dit que j’ai vu des personnes

9 individuelles, pas des groupes, et c’était uniquement la

10 nuit, jamais pendant la journée.

11 Q. Et ces personnes, est-ce qu’elles portaient

12 des uniformes ?

13 R. Très rarement encore à l’époque. Très

14 rarement.

15 Q. Et ces personnes, quels types d’armes

16 portaient-elles ?

17 R. Des fusils. Certains avaient des fusils de

18 chasse s’ils en avaient chez eux et d’autres avaient des

19 carabines ou des choses qui y ressemblaient. D’autres

20 portaient des armes qui ressemblaient aux armes de l’armée

21 mais pour la plupart, ils portaient des fusils de chasse.

22 Q. Pouvez-vous nous dire si vous êtes en mesure

23 de le faire quels types d’armes portaient les musulmans et

24 quels types d’armes portaient les Serbes ?

25 R. Eh bien, généralement en ce qui concerne les

Page 648

1 Serbes, ils avaient des armes qui ressemblaient aux armes

2 que l’on utilise dans l’armée, des carabines, plus que les

3 musulmans.

4 Q. Et savez-vous où les Serbes se procuraient

5 les armes qu’ils portaient ?

6 R. Non, je ne sais pas. On ne pouvait faire que

7 des suppositions.

8 Q. Saviez-vous d’où les Bosniens tenaient leurs

9 armes ?

10 R. Bien, ces gens, ils avaient leurs propres

11 fusils de chasse, leurs propres armes de chasse.

12 Q. Donc ça, c’est les Bosniens. Les armes

13 qu’ils portaient c’était des armes utilisées pour la

14 chasse : C’est ça ?

15 R. Oui.

16 Q. À votre connaissance – et une fois encore, si

17 vous ne le savez pas, ne faites pas de supposition – donc à

18 votre connaissance, est-ce que les Serbes avaient déjà

19 commencé à s’organiser du point de vue militaire avant le

20 début de la guerre ?

21 R. Je n’ai rien vu moi-même mais je l’ai entendu

22 dire par des gens qui se trouvaient dans les champs, et

23 moi, je connaissais beaucoup de gens partout, des gens du

24 fait de mon travail dans l’industrie forestière ou des gens

25 qui travaillaient dans cette industrie, des gens qui

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1 venaient de la zone de Tjentiste. Ils m’ont dit que dans

2 la région de Vucevo, ils avaient vu des choses un peu

3 bizarres, des gens qui s’entraînaient et qui portaient des

4 armes, choses assez inhabituelles.

5 Q. À votre connaissance, est-ce que les

6 musulmans eux s’organisaient du point de vue militaire ?

7 R. Moi, je n’ai rien entendu à ce sujet.

8 Q. Savez-vous si des civils serbes ont quitté la

9 zone avant l’offensive ?

10 R. Oui, je sais. Uniquement les femmes et les

11 enfants.

12 Q. Comment le savez-vous ?

13 R. Moi, j’étais dans la cour et j’ai vu des

14 docteurs qui emmenaient des femmes et des enfants, et

15 devant l’office du tourisme près du centre de l’armée, de

16 l’immeuble de l’armée, j’ai vu des autocars qui partaient,

17 et d’après les informations que j’ai eues à l’office du

18 tourisme, ils savaient bien de quoi il retournait, ils

19 m’ont dit que c’était uniquement des Serbes qui allaient

20 soit vers la Serbie, soit vers le Monténégro, des femmes et

21 des enfants uniquement.

22 Q. Vous nous dites que vous étiez dans la cour.

23 Pouvez-vous nous dire de quoi vous parlez exactement ?

24 R. Je parle de la cour de Lepa Brena. Il y a

25 juste une barrière entre mon appartement et ces immeubles,

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1 les immeubles Lepa Brena.

2 Q. Donc, c’était des bus, des autocars de

3 tourisme qui quittaient Foca avec des enfants et des

4 femmes ?

5 R. Je ne sais pas si c’était des autocars de

6 tourisme. En tout cas, il n’y avait pas d’autocollants

7 spéciaux sur ces bus.

8 Q. Est-ce que depuis votre appartement, vous

9 avez vu ces bus qui emmenaient des femmes et des enfants ?

10 R. Oui. Je pouvais le voir depuis mon

11 appartement et je les ai vus. Je les ai vus ces bus qui

12 étaient garés devant l’office du tourisme parce que je

13 pouvais les voir depuis ma fenêtre, depuis les fenêtres de

14 mon salon et de ma chambre.

15 Q. Et avez-vous reconnu certaines de ces

16 personnes ?

17 R. Je n’ai pas vraiment fait attention. Moi, je

18 n’ai pas pensé qu’ils fuyaient la ville, j’ai juste pensé

19 que c’était une excursion comme une autre, une excursion

20 scolaire que les enfants des écoles participaient à une

21 excursion. C’est ce que j’ai pensé. J’ai pensé cela

22 jusqu’à ce que j’obtienne des informations supplémentaires.

23 Q. Savez-vous si des civils musulmans ont quitté

24 Foca peu avant l’attaque ?

25 R. Eh bien, il y a un couple, un couple mari et

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1 femme, c’était des enseignants, et la femme était du

2 Monténégro et l’homme lui était musulman, donc un mariage

3 mixte. Ils sont partis avec leurs enfants. Ils habitaient

4 à Donje Polje, mais avant que tout ce qu’on sait se

5 produise, ils ont quitté Foca et cet homme… enfin l’homme

6 qui m’a raconté cela, il était au KP Dom avec moi.

7 Q. Ultérieurement ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous-même, avez-vous quitté Foca avant

10 l’offensive ?

11 R. Non.

12 Q. Pourquoi pas ?

13 R. Je ne pensais pas que quoi que ce soit

14 pouvait se produire.

15 Q. Le 7 avril 1992, est-ce que vous êtes allé au

16 travail ?

17 R. Eh bien, j’étais sur le chemin du travail,

18 enfin je suis même arrivé mais on m’a dit : « Personne ne

19 travaille. Il faut rentrer chez soi. » Donc, c’est ce que

20 j’ai fait.

21 Q. Mais est-ce que ça s’est passé au moment où

22 vous êtes arrivé à votre travail ou quand vous étiez en

23 route ?

24 R. C’était en chemin, et devant l’immeuble,

25 devant l’entrée de l’immeuble, on m’a dit : « Bien, ce

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1 n’est pas la peine de venir travailler aujourd’hui. »

2 Donc, je suis rentré chez moi.

3 Q. Et qui vous a dit de rentrer chez vous ?

4 R. Des gens qui se trouvaient là. Je ne me

5 souviens pas exactement de leurs noms maintenant. Enfin,

6 c’était des gens qui se trouvaient là. Il y avait un

7 certain nombre de gens qui se trouvaient devant l’immeuble

8 et ils disaient à ceux qui se présentaient de rentrer chez

9 eux.

10 Q. La nuit du 7 avril, est-ce que vous vous

11 souvenez de ce qui s’est produit ? Pouvez-vous nous le

12 dire s’il vous plaît ?

13 R. La nuit du 7 avril, tout d’abord, il y a eu

14 une période de calme et puis ensuite on a senti quelque

15 chose dans l’air. On a senti qu’il se passait quelque

16 chose et les gens ont pris peur.

17 Q. Mais de quoi parlez-vous exactement ? Quel

18 genre d’activité ? Qu’est-ce qui se passait ?

19 R. Bien, il y avait beaucoup de mouvement mais

20 en fait, il y avait très peu de monde qui était dans la

21 rue.

22 Q. Pouvez-vous nous décrire le début de

23 l’attaque ?

24 R. Le matin du 8, j’allais voir ma mère à Donje

25 Polje – elle a une maison là-bas – mais depuis une fenêtre

Page 653

1 de l’ancien immeuble de l’armée, quelqu’un a crié dans ma

2 direction, un homme, je me suis retourné, j’ai regardé et

3 j’ai vu une mitraillette à la fenêtre. Cet homme portait

4 un uniforme militaire. Il m’a dit : « Ne va pas par là.

5 Rentre chez toi. » Et c’est ce que j’ai fait.

6 Q. Avez-vous vu des barrages, des barricades ?

7 R. Dans cette zone, non.

8 Q. Mais dans d’autres quartiers, dans d’autres

9 zones ?

10 R. Bien, je ne me suis pas déplacé, hein. Je

11 suis allé nulle part après ça. Donc, je n’ai rien pu voir.

12 Q. Pouvez-vous nous décrire le début de

13 l’offensive, le moment où les tirs ont commencé ?

14 R. Les tirs ont commencé pendant la journée.

15 Q. Et vers quel endroit étaient-ils dirigés ces

16 tirs, si vous le savez ?

17 R. D’après moi, au début, les tirs étaient

18 dirigés sur Gornje Polje.

19 Q. Et où vous trouviez-vous à ce moment-là ?

20 R. Dans mon appartement.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pouvons-nous

22 faire une pause, Madame Kuo, maintenant, ou peut-être une

23 dernière question ?

24 Me KUO (interprétation) : En fait, le moment est

25 bien choisi pour s’arrêter. Nous recommencerons

Page 654

1 ultérieurement.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Eh bien,

3 nous allons maintenant faire une pause de 30 minutes et

4 l’audience reprendra à 11 h 30.

5 --- Suspension de l’audience à 11 h 00

6 --- Reprise de l’audience à 11 h 30

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous pouvons

8 poursuivre, s’il vous plaît, Madame Kuo ?

9 Me KUO (interprétation) : Oui. Madame la

10 Présidente et Messieurs les Juges, on nous a dit que le

11 Témoin 52 peut être à notre disposition après la pause-

12 déjeuner.

13 Q. Monsieur Avdic, avant la pause, on a parlé du

14 début de l’attaque sur Foca. Où vous vous trouviez à cette

15 époque-là ? Vous étiez dans votre appartement ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que votre épouse et les enfants

18 étaient avec vous également ?

19 R. Mon épouse et ma fille. Mon fils était à

20 Mostar.

21 Q. Est-ce que vous êtes resté dans votre

22 immeuble pendant ces premiers jours de l’attaque ?

23 R. Oui.

24 Q. Pourquoi n’avez-vous pas quitté l’immeuble ?

25 R. On n’avait pas de possibilité. Il n’y avait

Page 655

1 pas de véhicule. Il n’y avait pas de voiture. On ne

2 savait pas comment quitter et puis on a commencé à tirer et

3 puis on a commencé à pilonner également.

4 Q. Est-ce que votre épouse et votre fille sont

5 parties par la suite quelques jours plus tard ?

6 R. Oui.

7 Q. Quand est-ce que c’était ?

8 R. Il y avait une accalmie entre les combats,

9 entre le pilonnage et puis les tirs qui ont été échangés et

10 puis elles sont parties en voiture avec mon gendre. La

11 sœur de mon épouse, son mari puis mon épouse et ma fille

12 sont partis dans cette même voiture en direction de

13 Gorazde.

14 Q. Est-ce que vous-même, vous êtes parti avec

15 eux ?

16 R. Non.

17 Q. Pourquoi ?

18 R. Je pensais qu’il n’y avait pas de problème

19 pour moi et que ceci ne va pas durer longtemps, deux jours,

20 trois jours et que par conséquent les tirs allaient

21 s’arrêter, que toutes ces activités militaires allaient

22 s’arrêter.

23 Q. Est-ce que vous avez vu des soldats au cours

24 de l’attaque ?

25 R. Quel jour, s’il vous plaît ?

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1 Q. Au début, le premier jour.

2 R. Ce premier jour, je n’ai pas vu véritablement

3 des soldats dans la rue, devant mon appartement.

4 Q. Par la suite, est-ce que vous avez vu des

5 soldats les jours qui ont suivi ?

6 R. Oui. Plus tard, oui.

7 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner la

8 description et nous dire comment ils étaient habillés ?

9 R. Ils étaient en tenues militaires. C’était

10 l’ex-JNA, les uniformes de l’ex-JNA et ils étaient armés.

11 Chaque soldat portait des armes.

12 Q. Quel type d’armes ?

13 R. Dans la rue, en général, ils avaient des

14 fusils et puis des fusils mitrailleurs. Moi, je n’ai pas

15 fait mon service militaire. Par conséquent, je ne connais

16 pas véritablement toutes les armes et je ne peux pas vous

17 donner le terme exact.

18 Q. Les soldats se trouvaient où ?

19 R. Les soldats étaient stationnés en partie à

20 l’hôtel et devant l’immeuble de l’ex-JNA.

21 Q. Quand vous dites l’hôtel, vous pensez à

22 l’hôtel Zelengora, je pense, n’est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Pourriez-vous nous dire ces soldats

25 appartenaient à quelle communauté ethnique, quelle était

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1 leur nationalité ?

2 R. Quelques soldats étaient de Foca et il y en

3 avait d’autres qui sont venus de l’extérieur et eux, ils

4 étaient en tenues de camouflage et ils arboraient des

5 insignes avec un brassard blanc. Dans un premier temps,

6 moi, je ne savais pas qui c’était véritablement.

7 Q. Vous l’avez appris par la suite ?

8 R. Oui. Par la suite, j’ai appris qu’il

9 s’agissait des unités paramilitaires de Serbie. C’était

10 les Aigles Blancs de Arkan et puis une partie également est

11 venue en provenance du Monténégro.

12 Q. Pour ce qui est des soldats locaux, est-ce

13 que vous pouvez dire quelle était l’appartenance ethnique

14 de ces soldats ?

15 R. Il s’agissait exclusivement de Serbes, donc

16 des gens qui étaient de nationalité serbe.

17 Q. Est-ce que vous avez remarqué éventuellement

18 qu’il y avait des entraînements militaires en dehors de

19 l’hôtel Zelengora ?

20 R. Non. Moi personnellement, non. Moi, je n’ai

21 pas remarqué.

22 Q. Qu’est-ce que vous avez remarqué ? Qu’est-ce

23 que les soldats ont fait ? Qu’est-ce qu’ils ont fait

24 autour de l’hôtel Zelengora et puis à l’hôtel même ?

25 R. Il s’agissait du quartier général, tout au

Page 658

1 moins en partie, et ils s’alignaient, il y avait des

2 appels, il y avait des unités différentes, des pelotons

3 également dans le cadre de ces formations militaires et ils

4 ont été stationnés à Zelengora, à l’hôtel, et ensuite, ces

5 unités paramilitaires du Monténégro et de Serbie également

6 ont été hébergées à l’hôtel. C’est là où ils passaient les

7 nuits et ils se nourrissaient.

8 Q. Est-ce que vous avez pu voir quand on les a

9 appelés, quand on les a alignés et d’où ?

10 R. De mon immeuble, en fin, par la fenêtre de

11 mon appartement et du balcon également de mon appartement.

12 C’est comme ça que j’ai pu les observer.

13 Q. En ce qui concerne votre appartement, est-ce

14 que vous avez pu voir également depuis votre appartement ce

15 qui se passait ailleurs à Foca au cours de l’attaque et

16 pendant le conflit ? Est-ce que vous pouvez nous donner la

17 description ? Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous

18 avez vu ?

19 R. Moi, j’ai vu qu’on avait pilonné la ville,

20 les obus qui ont explosé, des incendies qui ont été

21 provoqués. Ensuite, j’ai vu également des mouvements de

22 l’armée de troupes de soldats qui se déplaçaient dans des

23 véhicules le long de la Drina et en direction de Gorazde.

24 Q. Quel était le type de véhicules ?

25 R. La majorité des véhicules étaient vert olive.

Page 659

1 Il y en avait qui étaient bâchés, d’autres pas bâchés, mais

2 de toute façon, des soldats y étaient.

3 Q. Est-ce que vous savez à qui appartenaient ces

4 véhicules ?

5 R. Ceux qui les conduisaient, c’est à eux qu’ils

6 appartenaient ces véhicules. Tout au moins, je le pense.

7 Q. Est-ce que vous savez qui a conduit et qui a

8 utilisé ces véhicules ?

9 R. C’est l’armée serbe.

10 Q. Comment pouvez-vous dire et sur quoi vous

11 vous basez, comment vous pouvez savoir que c’était l’armée

12 serbe ?

13 R. Tout simplement parce qu’ils passaient

14 souvent devant l’hôtel, à côté du bâtiment de Brena puis du

15 côté du pont et puis ils s’acheminaient vers Gorazde et par

16 la suite, ils descendaient également le long de la rivière

17 de la Drina et c’est de mon balcon que j’ai pu les

18 apercevoir.

19 Q. Y avait-il des avions également qui

20 éventuellement opéraient pendant cette période ?

21 R. Oui.

22 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

23 R. Les avions survolaient la rivière de Drina et

24 ils se dirigeaient vers Gorazde et au bout d’un certain

25 temps, on pouvait entendre des explosions.

Page 660

1 Q. En d’autres termes, les explosions

2 provenaient de Gorazde et non pas de Foca ?

3 R. Oui, de Gorazde parce que les avions

4 survolaient et allaient du côté de Gorazde car, comme je

5 l’ai dit, ils suivaient la rivière de la Drina vers

6 Gorazde. C’est en provenance de Gorazde qu’on entendait

7 les explosions.

8 Q. Vous avez dit que vous pouviez voir de votre

9 appartement qu’une partie de Foca était incendiée.

10 R. Oui.

11 Q. Quelle était la partie qui a été incendiée ?

12 R. C’est Gornje Polje, Prijeka Carsija, Careva

13 Mahala, une partie également de Donje Polje.

14 Me KUO (interprétation) : J’aimerais maintenant

15 demander à la cabine technique qu’ils nous diffusent la

16 cassette ou la pièce 24 et nous allons demander au témoin

17 de bien vouloir regarder la cassette qui va être diffusée,

18 visionnée.

19 [Diffusion d’une cassette vidéo]

20 Me KUO (interprétation) : Est-ce que vous pouvez

21 tout simplement laisser visionner sans le son ?

22 Q. Est-ce que vous reconnaissez la partie de

23 Foca, s’il vous plaît ? Je m’adresse au témoin.

24 R. Non. Je ne suis pas tout à fait sûr à 100

25 pour cent, mais ce groupe de maisons probablement

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1 appartient à Donje Polje, probablement.

2 Me KUO (interprétation) : Vous pouvez arrêter,

3 s’il vous plaît.

4 R. Je vous en prie.

5 Q. Nous voulions tout simplement arrêter la

6 cassette. Vous pouvez continuer.

7 R. De l’autre côté, il y a Prijeka Carsija.

8 C’est un centre commercial et c’est un centre également où

9 il y a des ateliers, des artisans. Par conséquent, vous ne

10 pouvez pas voir la flamme mais vous voyez qu’il y a un

11 certain nombre de maisons qui ont été incendiées.

12 Q. Merci. Maintenant, si vous voulez bien, nous

13 allons revenir à la cassette, à la partie donc de maisons,

14 le groupement de maisons qui ont été incendiées. Est-ce

15 que c’est à peu près comme ça que vous voyiez à partir de

16 votre appartement ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire d’où cette

19 cassette éventuellement aurait pu être enregistrée, où se

20 trouvait la caméra ?

21 R. Je pense que c’est à partir de l’immeuble,

22 enfin, de l’hôtel ou plutôt du toit de l’hôtel car une

23 partie qui est toute nouvelle de l’hôtel a le toit qui est

24 plat et c’est probablement que le cameraman se trouvait sur

25 le toit et c’est de là qu’il avait enregistré. Je ne sais

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1 pas si c’était à ce moment-là ou à une autre occasion, je

2 me souviens que j’avais vu un cameraman enregistrer. Je ne

3 peux pas bien évidemment dire que c’est bien la cassette

4 que vous venez de visionner, mais je sais que c’est à

5 partir de cet endroit-là qu’on peut enregistrer et je me

6 souviens que j’avais vu une fois un cameraman sur le toit

7 de l’hôtel de Zelengora.

8 Q. À un moment donné, vous avez dit qu’une

9 partie que l’on peut distinguer sur la cassette pourrait

10 être Donje Polje. Sur quoi basez-vous cette conclusion ?

11 R. C’est l’arrière paysage que je vois.

12 Derrière donc ces maisons, il y a une pinède. Il y a une

13 pente et une pinède.

14 Q. Vous avez reconnu cette forêt ?

15 R. Oui.

16 Q. Monsieur Avdic, est-ce que vous avez pu

17 reconnaître également les maisons qui étaient en flammes, à

18 qui elles appartenaient ?

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu à Donje Polje

21 à un moment donné, une fois que vous avez vu que les

22 maisons ont été incendiées ?

23 R. Je me suis rendu à plusieurs reprises à Donje

24 Polje mais beaucoup plus tard, fin avril… je me reprends,

25 début mai et je me suis rendu à plusieurs reprises à Donje

Page 663

1 Polje car la maison de ma mère s’y trouve, la maison

2 également des mes cousins, de mes amis, de mes voisins.

3 Q. Au moment où vous avez visité Donje Polje,

4 vous vous êtes rendu à Donje Polje, quand vous dites à

5 plusieurs reprises, est-ce que vous avez vu à qui

6 appartenaient les maisons qui ont été incendiées ?

7 R. Oui.

8 Q. Ne parlez pas de noms, ne citez pas les noms,

9 mais pourriez-vous nous dire de quelle nationalité

10 s’agissait-il ? Enfin, les propriétaires des maisons

11 étaient de quelle nationalité, s’il vous plaît ?

12 R. En ce qui concerne les maisons qui ont été

13 incendiées que j’ai vues, il s’agissait de propriétaires

14 musulmans. Tous étaient des propriétaires musulmans.

15 Q. Est-ce que vous êtes au courant, est-ce

16 qu’une maison serbe également a été incendiée dans ce

17 groupe de maisons ?

18 R. À ce moment-là, je l’ignorais mais ce n’est

19 que plus tard que je l’ai appris et quand j’étais donc à

20 cet établissement pénitentiaire, moi, je l’ai appris par un

21 certain nombre d’hommes de chez nous qui se sont rendus sur

22 place et qui sont allés réparer la maison du directeur de

23 l’établissement pénitentiaire et sa maison a effectivement

24 été incendiée. Par conséquent, c’est ces gens-là qui me

25 l’ont raconté. Ce sont eux qui ont réparé cette maison.

Page 664

1 Q. Le directeur de l’établissement pénitentiaire

2 du KP Dom était un Serbe ou un Bosnien ?

3 R. Serbe.

4 Q. Sa maison se trouvait à Donje Polje ? Elle a

5 été incendiée, n’est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Au moment où vous vous êtes rendu à Donje

8 Polje lors de ces visites, est-ce que vous avez remarqué

9 également que la mosquée était incendiée ou bien une des

10 mosquées ?

11 R. Une fois, j’y suis passé. Je pense que

12 c’était le 15 mai. La mosquée à Donje Polje à côté d’un

13 café, la mosquée était en train d’être incendiée et j’ai vu

14 les pompiers qui étaient à côté de la mosquée mais au lieu

15 donc de s’occuper des flammes et d’arrêter les flammes,

16 tout simplement, ils se sont occupés de l’herbe à côté.

17 Le 19 mai également, je me suis rendu également à

18 Donje Polje et j’ai vu la maison d’un musulman qui était le

19 long de la route. C’est plutôt un immeuble qui abritait

20 plusieurs appartements et il y avait une fois de plus des

21 pompiers qui aspergeaient le mur de cet immeuble et pas la

22 maison qui était en flammes, pas la maison d’un particulier

23 qui était en flammes.

24 Q. Revenons maintenant aux mosquées.

25 Me KUO (interprétation) : Je vais demander l’aide

Page 665

1 de l’huissier. Si vous voulez bien montrer au témoin la

2 pièce à conviction 178. Les conseils disposent déjà de

3 cette pièce à conviction et les Juges vont l’avoir tout de

4 suite. Il s’agit de la pièce à conviction que nous plaçons

5 sur le rétroprojecteur.

6 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire s’il s’agit

7 de la carte de Foca ?

8 R. Oui.

9 Q. Je pense que vous l’avez déjà vue, n’est-ce

10 pas, auparavant ?

11 R. Oui.

12 Q. Les carrés blancs ou plutôt les

13 rectangulaires blancs représentent, n’est-ce pas, les

14 mosquées à Foca ?

15 R. Oui.

16 Q. Les cercles rouges, c’est bien vous qui les

17 avez marqués sur la carte ?

18 R. Oui, effectivement.

19 Q. Qu’est-ce qu’ils indiquent ?

20 R. Des mosquées.

21 Q. Est-ce que vous connaissez également les noms

22 de ces mosquées qui figurent sur cette carte ?

23 R. Je vais essayer.

24 Q. Nous allons commencer d’abord par les carrés

25 blancs. Est-ce que vous pouvez nous dire quel est le nom

Page 666

1 de cette première mosquée ?

2 R. Cette première mosquée est Tabaci. C’est la

3 mosquée à un endroit qui s’appelle Tabaci.

4 Q. Et la deuxième ?

5 R. C’est une mosquée auprès de Sahat Kula et qui

6 s’appelle Kukavica dzamija.

7 Q. Et la troisième ?

8 R. C’est la mosquée de Careva, Careva dzamija.

9 Q. Et la quatrième ?

10 R. À droite de la rivière Cehotina, elle

11 s’appelle la mosquée Alazda.

12 Q. Est-ce que vous savez à quel moment la

13 mosquée de Alazda a été détruite ?

14 R. Cette mosquée a été détruite en juillet.

15 Moi, j’étais à l’établissement pénitentiaire. Il y avait

16 eu une explosion qui était très violente. Les vitres

17 tremblaient à tel point l’explosion a été violente car

18 c’est une mosquée qui était faite en pierres, pierres de

19 taille.

20 Q. Est-ce que vous savez la date exacte ? Vous

21 avez parlé du mois de juillet. Est-ce que vous savez

22 exactement à quel moment ça s’est passé ?

23 R. Non, malheureusement, je ne me souviens pas

24 de la date.

25 Q. À ce moment-là, vous étiez déjà capturé au KP

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1 Dom, à l’établissement pénitentiaire, n’est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Nous allons passer maintenant au cinquième

4 carré.

5 R. Le cinquième carré, c’est une mosquée qui

6 s’appelle Musluk.

7 Q. Maintenant, nous allons passer aux cercles

8 rouges de gauche à droite et nous commençons par la gauche.

9 R. La première, c’est la mosquée de Mahala.

10 C’est une mosquée en bois. Donc, le minaret également est

11 en bois. Le pilier donc vertical est en bois, mais c’est

12 une toute petite mosquée. C’est une mosquée basse.

13 Q. Ensuite, deuxième cercle rouge ?

14 R. C’est une mosquée qu’on appelait Pilav

15 dzamija, donc la mosquée de Pilav.

16 Q. Et le troisième cercle ?

17 R. Le troisième, c’est une mosquée qui se trouve

18 au-dessus de la gare de bus, mais je ne peux pas vous dire

19 exactement quel était le nom de cette mosquée, comment elle

20 était intitulée.

21 Q. Le quatrième cercle, s’il vous plaît ?

22 R. La quatrième mosquée se trouve à côté du

23 café, café intitulé Bor, qui a été détruite, incendiée le

24 15 mai au moment où je passais à côté.

25 Q. Et cinquième ?

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1 R. Il s’agissait d’une petite mosquée, une fois

2 de plus avec un minaret en bois, intitulée Hanali dzamija.

3 Donc, elle se trouvait dans une impasse qui était intitulée

4 Hanali.

5 Q. Pourriez-vous nous dire également si

6 éventuellement il y a une autre mosquée à Foca ?

7 R. Oui, effectivement, il y en a une autre.

8 Elle se trouve un peu plus loin le long de la rivière

9 Cehotina et elle s’appelle également Cohodor Mahala.

10 Q. À votre connaissance, est-ce que toutes ces

11 mosquées ont été détruites pendant la guerre ?

12 R. Oui.

13 Q. Merci.

14 Me KUO (interprétation) : J’aimerais demander que

15 la pièce à conviction 178 soit versée au dossier.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

17 la Défense a objection ?

18 Me PRODANOVIC (interprétation) : Non, pas

19 d’objection.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Excusez-moi,

21 mais je n’ai pas eu la traduction.

22 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la

23 Présidente, la Défense n’a pas d’objection en ce qui

24 concerne le versement au dossier de cette pièce à

25 conviction.

Page 669

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci. La

2 pièce à conviction est versée au dossier. Est-ce que nous

3 pouvons obtenir la cote, s’il vous plaît ?

4 LA GREFFIÈRE : Il s’agit de la pièce 178 du

5 Procureur.

6 Me KUO (interprétation) :

7 Q. Au cours du conflit armé, est-ce que votre

8 appartement a été fouillé ou perquisitionné ?

9 R. Oui. Une fois que Foca a été prise, c’est la

10 police militaire ou je ne sais pas qui encore

11 éventuellement qui a perquisitionné les appartements. Ils

12 cherchaient des armes et notamment dans les appartements

13 dont les propriétaires étaient des musulmans.

14 Mon appartement également a été perquisitionné.

15 C’est un Monsieur Zoran qui s’est rendu dans mon

16 appartement. Il m’a demandé si j’avais des armes. Moi, je

17 lui ai tout simplement répondu que je n’en avais pas et

18 puis c’est tout. Il n’y avait plus de discussion, il n’y

19 avait plus rien. On ne m’a pas interrogé par la suite.

20 Mon voisin Cemo, Osman, avait deux carabines, deux

21 fusils de chasse. On lui avait confisqué ses deux fusils,

22 son couteau également de chasse. Osman a tout simplement

23 dit qu’on lui donne un papier justement, un reçu parce

24 qu’il en était propriétaire et on lui a dit qu’il fallait

25 tout simplement qu’il s’adresse au centre scolaire et que

Page 670

1 c’est là-bas qu’on allait déposer des armes et que c’est là

2 où il recevrait le reçu.

3 Par ailleurs, sur le même étage, mon cousin Dzevad

4 Lojo également a été perquisitionné et puis on n’a pas

5 trouvé d’arme. Au premier étage, il y avait une autre

6 famille, la famille Beckovic. On n’a pas trouvé d’arme

7 chez eux non plus.

8 Q. Vous avez mentionné la police militaire.

9 Quel était le groupe ethnique des soldats ?

10 R. Serbe, exclusivement des Serbes.

11 Q. Vous avez parlé également du fait qu’à un

12 moment donné, Foca a été prise. C’est ce que vous avez

13 dit. Quelle était la date, s’il vous plaît ?

14 R. C’était mi-avril ou 20 avril, entre mi-avril

15 et 20 avril, au cours de cette période à peu près.

16 Q. Pourquoi dites-vous que c’était à cette

17 période-là ?

18 R. Parce qu’il y avait une accalmie qui s’est

19 établie. Les tirs se sont arrêtés, le pilonnage également.

20 Q. Pourriez-vous nous dire à ce moment-là qui

21 détenait le pouvoir à cette époque-là ?

22 R. Les Serbes.

23 Q. Pourquoi vous le dites et vous y croyez ?

24 R. Parce que tout simplement une partie des

25 activités économiques ont commencé à être relancées. La

Page 671

1 boutique Maglic qui contenait des articles alimentaires et

2 qui ne se trouvait pas très loin par rapport à l’immeuble

3 que j’habitais était déjà ouverte et les gens pouvaient y

4 aller et faire des courses.

5 Le chef de cette boutique était Bejdo Vukadin et

6 moi, je suis allé le voir et on m’a donné deux ou trois

7 paquets de cigarettes. De toute façon, on ne m’a pas

8 demandé de payer parce que je n’avais pas de quoi payer,

9 puis de toute façon, la boutique était restée ouverte.

10 Fin avril, début mai, je ne me souviens pas

11 exactement, à la radio de Foca, on avait dit que les

12 activités économiques allaient être relancées. On avait

13 également fait appel à la population d’y retourner. Les

14 enfants également devaient retourner pour regagner leurs

15 écoles et continuer leur éducation. Il y avait donc une

16 partie des personnes qui sont retournées. Il y a quelques

17 musulmans également qui sont retournés. Entre autres, il y

18 avait également la fille de Asim Budimir.

19 Q. Entendu ! Ne citez pas les noms en ce

20 moment, s’il vous plaît. Il y a par conséquent un certain

21 nombre de musulmans qui ont regagné la ville et c’est tout

22 simplement que, d’après ce que les autorités publiques

23 avaient annoncé, ils étaient en sécurité ?

24 R. Oui, c’est vrai, mais c’était uniquement des

25 familles qui étaient quelque sorte des familles mixtes.

Page 672

1 Par exemple, des couples où il y avait d’un côté le

2 musulman, de l’autre côté le Serbe. Par exemple, la femme

3 était monténégrine, le mari musulman, et cætera.

4 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelles

5 étaient les autorités qui avaient annoncé cette nouvelle ?

6 R. C’était les autorités serbes. La

7 municipalité a commencé à fonctionner. Les activités

8 économiques ont été relancées. Maglic, comme j’ai dit, a

9 commencé à fonctionner, d’autres sociétés également, et moi

10 également sur la base de cette information, je me suis

11 rendu chez le directeur de la société Maglic et j’ai tout

12 simplement demandé qu’on m’accorde le travail et on m’a

13 dit : « Si jamais on a besoin de toi, on va t’appeler »,

14 mais je n’ai jamais été appelé pour retourner au travail.

15 Q. Lorsque vous vous êtes présenté au travail ce

16 jour-là, est-ce que vous avez vu un quelconque de vos

17 collègues là-bas ?

18 R. Oui.

19 Q. S’agissait-il de collègues serbes ou bosniens

20 ?

21 R. Ils étaient tous des Serbes, le directeur, le

22 directeur technique, commercial, le chef comptable aussi.

23 Lui, il m’a donné un certain nombre de tickets parce qu’à

24 l’époque, il n’y avait pas d’argent, pour que je puisse

25 acheter des vivres. Il s’agissait des bons de

Page 673

1 rationnement.

2 Q. Est-ce que vous aviez l’impression d’être

3 libre de sortir durant cette période ?

4 R. Pour des raisons de sécurité, je suis allé me

5 présenter au SUP. On m’a dit que ce n’était pas

6 nécessaire. J’ai demandé d’avoir un certificat me

7 permettant de me déplacer et ils m’ont dit qu’il n’y avait

8 pas besoin de cela, que je pouvais me déplacer librement et

9 c’est pour ça que je suis allé à Donje Polje pour prendre

10 une partie de mes affaires, des objets de valeur

11 m’appartenant et appartenant à mes cousins pour les mettre

12 dans mon appartement, pour pouvoir leur rendre tout cela le

13 jour où ils devaient revenir.

14 Q. Pendant que vous étiez à l’extérieur ou même

15 dans votre appartement, est-ce que vous avez continué à

16 voir des soldats dans la rue ?

17 R. Oui.

18 Q. S’agissait-il exclusivement des soldats

19 serbes ?

20 R. Des soldats serbes, des gens locaux et aussi

21 des gens venus de l’extérieur.

22 Q. Est-ce que vous avez remarqué que des maisons

23 étaient en flammes au mois de mai ?

24 R. Tous les jours, une à deux maisons brûlaient.

25 Q. Est-ce que vous avez vu comment ces maisons

Page 674

1 étaient incendiées ?

2 R. Oui. Ceux qui incendiaient des maisons

3 portaient des jerricans d’essence. Ils aspergeaient les

4 maisons et ensuite, ils les mettaient à feu. Ceci se

5 faisait de manière systématique. Tous les jours, deux à

6 trois maisons étaient incendiées. Je l’ai vu depuis la

7 fenêtre de mon appartement, de mon immeuble.

8 Q. Est-ce que vous pouvez décrire ces personnes

9 qui incendiaient les maisons ?

10 R. Je ne peux pas reconnaître les visages. Je

11 n’ai pas pu les reconnaître même si j’utilisais les

12 jumelles, mais pour la plupart, ils portaient des uniformes

13 militaires.

14 Q. Pourriez-vous nous dire s’il y avait un

15 système suivi afin d’incendier les maisons ?

16 R. Non.

17 Q. À quel quartier appartenaient ces maisons ?

18 R. Ces maisons se trouvaient à Donje Polje, à

19 Gornje Polje, à Careva Mahala, Sukovac. C’est de l’autre

20 côté, à la rive gauche de la Drina.

21 Q. Est-ce que vous savez qui étaient les

22 propriétaires de ces maisons ?

23 R. Nous avons pu déterminer en ce qui concerne

24 certaines maisons mais je ne connaissais pas tous les

25 propriétaires des maisons, mais en ce qui concerne

Page 675

1 certaines maisons individuelles, j’ai pu établir, j’ai pu

2 déterminer quels étaient les propriétaires.

3 Q. Quelle était leur appartenance ethnique ?

4 R. Musulmans.

5 Q. Est-ce qu’à un certain moment, l’on vous a

6 arrêté ?

7 R. Avant le 19 mai, non.

8 Q. Le 19 mai, est-ce que vous pouvez décrire ce

9 qui s’est produit ?

10 R. Le 19 mai, je me suis rendu chez ma mère.

11 J’allais chez elle dans sa maison et lorsque j’ai tourné au

12 carrefour, donc lorsque je me suis écarté de la route

13 principale, j’ai été arrêté par un homme en uniforme

14 militaire. Il m’a demandé des questions concernant

15 l’appartement d’un réfugié qui était revenu. Il m’a

16 demandé où était sa maison. C’était un homme qui est sorti

17 d’une petite voiture Fiat.

18 Je lui ai expliqué où se trouvait cette maison et

19 ensuite, il m’a demandé quel était mon nom. Je lui ai dit

20 quel était mon nom et il a pris une liste qu’il avait dans

21 la voiture, il a regardé la liste, il a trouvé mon nom et

22 il a dit : « Toi, tu es untel et tel. Entre dans la

23 voiture. » Il a juré contre ma mère et puis il m’a amené

24 jusqu’au KP Dom. Ceci s’est produit le 19 mai.

25 Q. Est-ce qu’il vous a dit pourquoi il vous

Page 676

1 amenait ?

2 R. Moi, c’était un moment difficile pour moi et

3 lui, il a dit : « C’est toi qui n’a pas voulu donner

4 l’asphalte nécessaire pour Celebici. »

5 Q. Est-ce que vous avez compris de quoi il

6 parlait ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous pouvez expliquer ?

9 R. Lorsque j’étais directeur forestier, on a

10 commencé à mettre de l’asphalte sur la route allant vers

11 Celebici et, bien sûr, ils ont commencé à construire la

12 route depuis Dragocava et non pas de l’autre côté. Donc,

13 on a commencé normalement d’en bas pour permettre aux

14 camions transportant le matériel d’utiliser la partie de la

15 route terminée et la route n’a jamais été terminée jusqu’à

16 Celebici mais seulement jusqu’à un autre point et les gens

17 de Celebici avaient insisté que la route commence à

18 Celebici, qu’on commence à goudronner la route depuis

19 Celebici, ce qui aurait voulu dire que les camions

20 transportant le matériel auraient dû traverser 40

21 kilomètres de macadam avant d’arriver jusqu’à la partie

22 goudronnée. Donc, c’était la logique qui n’était pas

23 acceptable.

24 Q. Combien de temps avant s’était produit cet

25 incident ?

Page 677

1 R. Je ne comprends pas la question.

2 Q. Vous parlez du 19 mai 1992, le moment où vous

3 avez été arrêté par cette personne, mais est-ce que vous

4 pouvez nous dire combien de temps auparavant cet incident

5 concernant la route goudronnée s’était produit ? Est-ce

6 que c’était quelque chose qui venait de se produire ?

7 R. Non. Ceci s’était produit quatre ou cinq ans

8 auparavant, mais le 19 mai, au moment de mon arrestation,

9 c’est ce qu’on m’a dit.

10 Q. Après votre arrestation, est-ce qu’à un

11 quelconque moment, quelqu’un a cité cet incident concernant

12 la route goudronnée comme raison de votre arrestation ?

13 R. Non. C’est juste cet homme qui m’a arrêté

14 qui l’a affirmé.

15 Q. Cette personne qui vous a arrêté, est-ce que

16 vous pouvez nous dire quelle était son appartenance

17 ethnique ?

18 R. Il est certain qu’il était serbe et il est

19 certain qu’il était de la région de Celebici puisqu’il

20 connaissait cette situation.

21 Q. Quand vous avez dit qu’il jurait, qu’avait-il

22 dit ?

23 R. Il a proféré des jurons contre ma mère :

24 « J’encule ta mère. Entre dans la voiture », alors que ma

25 mère était déjà morte à l’époque.

Page 678

1 Q. On vous a amené au KP Dom. Est-ce qu’on vous

2 a dit que vous alliez être mis en isolement ?

3 R. Le policier militaire qui m’a amené jusqu’à

4 là-bas a dit aux gardes de m’amener dans la station.

5 Q. Vous avez été mis en isolement ?

6 R. Non, pas à ce moment-là.

7 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire le KP Dom

8 ? À quoi servait-il avant la guerre ?

9 R. Durant les périodes de paix, il s’agissait

10 d’une prison où les prisonniers étaient mis afin de purger

11 leurs peines.

12 Q. Au moment où vous y avez été amené, il

13 servait à quoi ce KP Dom ?

14 R. À ce moment-là, il servait exclusivement à y

15 placer, à y regrouper les musulmans civils et par la suite

16 aussi, afin d’y placer les Serbes qui avaient commis des

17 délits ou bien des meurtres, par exemple, des Serbes qui

18 avaient tué des Serbes ou bien qui avaient commis des vols,

19 des pillages ou bien des violations liées à la

20 mobilisation. Par exemple, des personnes qui n’avaient pas

21 répondu à la mobilisation ou bien les personnes qui ne se

22 sont pas présentées alors qu’elles étaient de garde, ce

23 genre de choses.

24 Normalement, ils y restaient un mois, pas plus,

25 sauf s’il s’agissait de crimes et dans ce cas-là, il

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1 s’agissait de peines de prison de 10 à 13 années.

2 Q. Vous avez passé combien de temps dans le KP

3 Dom ?

4 R. 897 jours.

5 Q. Est-ce que vous avez été condamné à un

6 quelconque moment ?

7 R. Non.

8 Q. Qui était avec vous dans le KP Dom ?

9 R. Dans ma chambre, plus tard, il y a eu un

10 grand nombre d’intellectuels, mais au début, il y avait

11 toutes sortes de personnes, il y avait des paysans et il y

12 avait aussi des intellectuels. Plus tard, moi et une

13 quinzaine d’autres, ils nous ont placés tous dans une pièce

14 à part.

15 Q. Vous étiez tous des hommes ?

16 R. Oui.

17 Q. Quelle était l’appartenance ethnique des

18 hommes qui ont été détenus avec vous ?

19 R. Plus tard, un Croate a été amené. En ce qui

20 concerne les autres, ils étaient tous des musulmans.

21 Q. Vous ne décrivez pas que le petit groupe

22 d’hommes qui se trouvait dans cette partie du KP Dom ?

23 Vous parlez de l’ensemble des hommes qui étaient dans le KP

24 Dom, n’est-ce pas ?

25 R. On était tous des musulmans, sauf un Croate

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1 qui est venu plus tard. En ce qui concerne l’autre partie

2 de la prison, c’était une partie où étaient détenus des

3 Serbes, mais cette partie était reliée à notre partie, mais

4 un peu plus loin, séparée.

5 Q. En ce qui concerne les gens qui étaient

6 détenus avec vous, est-ce qu’il y a eu des gens malades

7 parmi eux aussi ?

8 R. Oui. Il y avait des gens aveugles, des gens

9 qui avaient perdu leurs bras ou bien leurs jambes. Il y

10 avait des gens malades, il y avait des gens qui avaient été

11 amenés directement de l’hôpital, qui souffraient de

12 maladies pulmonaires. Il y avait même des médecins qui ont

13 été amenés directement de l’hôpital mais je ne souhaite pas

14 mentionner de noms.

15 Q. Lorsque vous êtes arrivé au KP Dom, est-ce

16 que quelqu’un a pris vos coordonnées, votre nom et prénom ?

17 R. Non.

18 Q. Est-ce qu’on vous a interrogé ?

19 R. Au bout d’environ 20 jours, l’interrogatoire

20 a commencé dans le bâtiment d’administration,

21 administratif, et on m’a soumis à l’interrogatoire moi

22 aussi. Ils m’ont demandé si j’étais membre du SDA, si

23 j’avais des armes, si j’étais un activiste militaire. Ma

24 réponse était négative à toutes ces questions. C’est

25 Marusic qui me posait des questions et il a été correct.

Page 681

1 Après, l’interrogatoire s’est arrêté.

2 Q. À ce moment-là, ils vous ont dit donc que

3 vous pouviez rentrer, mais vous pouviez rentrer où ?

4 R. Je pouvais rentrer dans la pièce, dans la

5 cellule avec d’autres prisonniers et c’est un policier, un

6 garde qui m’a escorté.

7 Q. Est-ce qu’on vous a permis de quitter le KP

8 Dom ?

9 R. Non, sauf à des moments où il fallait que

10 l’on s’acquitte de certaines obligations de travail.

11 Q. Je veux dire quand ils vous ont dit que vous

12 pouviez rentrer, ce n’était pas que vous pouviez sortir du

13 KP Dom mais rentrer simplement dans la pièce où vous étiez

14 détenu ?

15 R. Oui, c’est exact.

16 Q. Est-ce que l’on vous a dit à n’importe quel

17 moment que vous étiez prisonnier de guerre ?

18 R. Non.

19 Q. En fait, vous étiez civil ?

20 R. Oui.

21 Q. Les autres détenus, d’où venaient-ils, ces

22 gens qui se trouvaient avec vous ?

23 R. Ils venaient de la région de Foca. Il y en

24 avait de Gorazde, de Cajnice, de toute la région de Foca

25 depuis Ustikolina, Tjentiste, Miljevina, Mjesaja,

Page 682

1 Dragocava, Slatine, et bien sûr, la ville de Foca.

2 Q. Est-ce qu’il y a eu également des détenus de

3 Jelec ?

4 R. Oui. De Jelec, un groupe de 47 personnes a

5 été amené. Ils sont venus ensemble. Après l’attaque

6 contre Jelec, ces gens-là s’étaient réfugiés dans la forêt

7 et au début, ils ont trouvé refuge dans la caserne de

8 Kaonik, la caserne militaire. C’est là qu’ils ont été

9 détenus pendant une certaine période et ensuite, ils ont

10 été rendus aux Serbes, prisonniers.

11 Q. Est-ce qu’ils vous ont décrit l’attaque

12 contre leur village, contre Jelec ?

13 R. Oui. Lorsqu’ils sont venus dans le KP Dom de

14 Foca, ils me l’ont dit, ils m’en ont parlé parce qu’eux,

15 ils ont été placés dans une pièce à part et au bout de

16 quelques jours, moi, j’ai été transféré dans leur pièce.

17 J’ai été le seul à être transféré. Ils étaient très

18 silencieux parce qu’ils se disaient que peut-être j’étais

19 une sorte d’espion placé là-bas pour les interroger un peu

20 et pour informer les gardes de ce qu’ils avaient à dire.

21 Tout au début, ils étaient complètement effrayés.

22 Q. Est-ce que vous pouvez nous raconter très

23 brièvement comment ils ont décrit l’attaque de leur ville ?

24 R. Tout d’abord, la ville a été bombardée depuis

25 les avions. Ensuite, elle a été pilonnée puisque la

Page 683

1 caserne de Kalinovik ne se trouve pas loin. Donc, il était

2 possible d’employer des canons afin de pilonner la ville et

3 ensuite, une attaque d’infanterie a été lancée depuis deux

4 directions, depuis la direction du sud où des formations

5 paramilitaires ont participé, elles aussi, et ensuite, de

6 l’autre côté où les autres unités serbes ont participé, les

7 unités qui les ont encerclés.

8 Donc, leur seule issue était de trouver refuge

9 dans la forêt. Une partie d’entre eux, environ 30 à 35

10 personnes, n’ont pas réussi à s’enfuir et lorsque les

11 soldats serbes sont entrés dans la ville, tous ceux qui

12 n’avaient pas quitté leur maison auparavant étaient tués

13 sur-le-champ dans leur maison.

14 Il y avait des gens qui essayaient de s’enfuir, mais on a

15 tiré sur eux, on les a tués et toutes les maisons de Jelec

16 ont été incendiées. Même la mosquée a été incendiée.

17 Q. Quelle était la structure ethnique de Jelec ?

18 R. Musulmane.

19 Q. Parlons maintenant, s’il vous plaît, très

20 brièvement encore une fois des conditions de vie dans le KP

21 Dom. Tout d’abord, dites-nous s’il y avait beaucoup de

22 monde, si vous receviez de la nourriture, quelle nourriture

23 vous receviez et à quoi ressemblaient les conditions

24 hygiéniques.

25 R. Au début, dans la pièce où j’ai été donc au

Page 684

1 début, nous étions au nombre de 70. Dans cette pièce, il

2 n’y a pas eu de lit, il y a eu des matelas, il y a eu par-

3 ci, par-là des couvertures et nous avons été rangés les uns

4 à côté des autres comme des sardines dans une boîte. C’est

5 l’expression que j’ai tendance à employer.

6 Il y avait une partie à part où nous pouvions nous

7 déplacer. C’était une pièce plus grande où nous pouvions

8 bouger, nous déplacer, mais nous ne pouvions pas y dormir.

9 Il y avait une toilette à part. Il y avait de l’eau. Il y

10 avait de l’eau et il y avait de l’électricité également.

11 Nous n’avions rien en ce qui concerne le matériel

12 hygiénique. Nous n’avions pas de savon, ni de brosse à

13 dent, rien de ce genre. Nous n’avions pas de possibilité

14 d’employer de l’eau chaude. Je dois m’excuser en disant

15 que j’ai passé un an en employant un seul caleçon puisque

16 c’est tout ce que j’avais sur moi au moment où j’ai été

17 amené.

18 Q. Est-ce qu’il y a eu du chauffage pendant

19 l’hiver ?

20 R. En 1992, ni en 1993, il n’y en a pas eu. En

21 été, nous réchauffions de l’eau à l’extérieur grâce au

22 soleil, mais nous avons réussi à créer un moyen permettant

23 de réchauffer l’eau, mais ceci n’était pas permis et si la

24 personne qui l’employait ou qui le faisait était observée

25 par un garde, elle passait une dizaine de jours dans une

Page 685

1 cellule isolée.

2 Q. Est-ce que vous receviez de la nourriture ?

3 R. Nous recevions de la nourriture trois fois

4 par jour mais la nourriture était telle que nous avons

5 commencé à perdre entre 20 et 250 grammes par jour. Au

6 moment où j’ai été arrêté, je pesais environ 95 kilos et à

7 la fin, 85 kilos.

8 Q. Au début de votre détention, est-ce que vous

9 pouvez nous dire approximativement combien de détenus y

10 avait-il dans le KP Dom ?

11 R. Je suppose qu’ils étaient au nombre d’environ

12 500.

13 Q. Vous basez cette estimation sur quoi, sur vos

14 observations ?

15 R. Sur la base du fait que dans ma pièce, on

16 était au nombre d’environ 70. Il y avait cinq pièces, cinq

17 pièces différentes. Cinq fois 70, 350. Après, ce numéro

18 grandissait avec les gens qui venaient de Jelec, d’autres

19 régions, de Trnovace aussi. Donc à un certain moment, je

20 suppose qu’on était autour de 700. Ça a été le nombre

21 maximal.

22 Q. Au moment de votre libération, combien de

23 détenus y avait-il ?

24 R. Après mon groupe, après notre libération, il

25 y avait 57 personnes, mais les musulmans ne sont pas

Page 686

1 restés. C’est seulement les Serbes qui sont restés ensuite

2 dans le KP Dom.

3 Q. Là vous parlez des personnes qui avaient été

4 condamnées à la prison à cause de leurs crimes, ceux dont

5 vous avez parlé tout à l’heure ?

6 R. Oui.

7 Q. À un moment, vous avez dit également que l’on

8 vous amenait faire des travaux forcés. On vous amenait

9 donc à l’extérieur du KP Dom ?

10 R. À Miljevina, dans la mine de Miljevina, un

11 nombre de prisonniers y allaient afin de travailler là-bas.

12 Ils étaient au nombre de 20 à 25. Après, une fois que la

13 production à Miljevina a été lancée, un autre groupe est

14 allé faire des travaux d’agriculture à Foca puis une

15 certaine partie est allée afin de creuser les tranchées sur

16 les lignes de front de l’armée serbe et puis une autre

17 partie parmi laquelle moi-même.

18 Normalement, nous étions enfermés à clé dans la

19 pièce, sauf au moment des repas. Nous n’avions pas de

20 contacts avec les autres pièces. Ceci nous était interdit.

21 Nous ne pouvions pas avoir de contacts ni avec nos

22 prisonniers, ni avec les Serbes qui étaient détenus.

23 En ce qui concerne l’ambiance qui régnait dans la

24 prison, moi-même, afin d’éviter de devenir fou pour ainsi

25 dire, je leur ai demandé de me permettre de sortir à

Page 687

1 l’extérieur afin de faire quelque chose. Bien sûr, je ne

2 pouvais pas faire un travail difficile physiquement puisque

3 mon état de santé était déjà faible. Donc, j’ai proposé

4 cela et donc je nettoyais notre salle à manger, l’endroit

5 où nous mangions et puis je préparais du bois pour les

6 besoins de la cuisine, pour la préparation de la

7 nourriture.

8 Q. Quand les détenus sortaient du KP Dom pour

9 aller travailler, est-ce qu’ils étaient toujours

10 accompagnés d’escortes armées ?

11 R. Oui.

12 Q. Donc, on vous faisait parfois sortir pour

13 travailler, mais est-ce qu’il est arrivé à d’autres

14 reprises que vous puissiez quitter le KP Dom librement ?

15 R. Non.

16 Q. Aviez-vous des contacts avec le monde

17 extérieur ?

18 R. Non.

19 Q. Parlons brièvement des soldats ou des gardes

20 qui se trouvaient au KP Dom. Est-ce qu’il y avait des

21 gardes ?

22 R. Les gardes, ils se tenaient à l’entrée, au

23 portail, et puis il y en avait à l’intérieur, à l’intérieur

24 du complexe.

25 Q. Que faisaient les gardes ?

Page 688

1 R. Les gardes qui se tenaient au portail

2 vérifiaient les entrées et les sorties, mais les gardes qui

3 se trouvaient à l’intérieur, ils maintenaient l’ordre, ils

4 vérifiaient ce que faisaient les prisonniers. Moi, on m’a

5 envoyé deux fois au mitard parce que j’avais été près d’une

6 fenêtre pour essayer de me renseigner, pour essayer

7 d’obtenir des informations d’un parent à moi. Je voulais

8 avoir des nouvelles de ma famille et quand le garde m’a vu

9 à la fenêtre, il m’a envoyé au mitard pendant cinq jours et

10 ça s’est passé deux fois.

11 Il était strictement interdit de se montrer à la

12 fenêtre et de communiquer entre nous, enfin je veux dire

13 entre deux pièces. Chacun des occupants d’une pièce était

14 emmené tour à tour pour dîner. On n’emmenait jamais les

15 membres de deux pièces différentes en même temps.

16 Q. Quelle était l’origine ethnique des gardes ?

17 R. C’était des Serbes.

18 Q. Est-ce qu’il y avait également des soldats au

19 KP Dom ?

20 R. Parfois, mais pas tout le temps, pas très

21 souvent. On les voyait entrer. Il y avait un groupe, je

22 crois, qui venait de la zone de Nevesinje et apparemment,

23 ils étaient venus chercher un groupe de musulmans qu’ils

24 devaient emmener pour les échanger. Ils étaient armés.

25 L’un d’entre eux, du moins, était armé d’une mitraillette.

Page 689

1 Tout d’abord, les gardes étaient armés. Ils

2 avaient des fusils, des mitraillettes, des matraques et

3 tous les soirs, après le dîner, deux ou trois d’entre eux

4 venaient dans la pièce où nous étions, ils étaient armés et

5 ils faisaient l’appel.

6 Après 1994, quand ils venaient, ils n’étaient plus

7 armés. Ils étaient aussi vêtus d’uniformes. Il y avait un

8 seul type d’uniformes pour les gardes.

9 Q. Quel type d’uniformes arboraient les soldats

10 ?

11 R. Les soldats portaient des uniformes gris-

12 olive de l’armée yougoslave et quand les détenus du camp de

13 Livade ont été transférés au KP Dom, on a vu au début des

14 gardes qui venaient d’ailleurs et eux, ils portaient des

15 uniformes de camouflage.

16 Q. Les soldats dont vous venez de nous parler,

17 quelle était leur appartenance ethnique ?

18 R. Des Serbes, des Monténégrins.

19 Q. Est-il arrivé que l’on fasse sortir des

20 prisonniers en leur disant qu’ils allaient être échangés ?

21 R. Certaines personnes ont été appelées, on a

22 appelé leur nom. On leur a dit qu’elles allaient être

23 échangées, qu’il fallait qu’elles prennent toutes leurs

24 affaires parce qu’elles allaient être échangées. Il est

25 arrivé aussi qu’on entre dans une pièce, qu’on appelle des

Page 690

1 personnes en particulier, mais on ne leur disait pas qu’ils

2 allaient être échangés. Ce qu’on faisait c’est qu’on les

3 emmenait jusqu’au portail et ils ne devaient pas prendre

4 leurs affaires personnelles.

5 Il y a eu un troisième groupe, environ 35

6 personnes, ça s’est passé à la fin septembre donc, et eux

7 non plus, on ne leur a pas dit qu’ils allaient être

8 échangés. Ils ont dû partir vite, très vite et on les a

9 fait sortir du camp.

10 Si vous me le permettez, je souhaiterais dire que

11 ces groupes de cinq ou six personnes qu’on faisait sortir,

12 on les faisait sortir le soir pendant les mois de juin et

13 juillet. Donc, on appelait leurs noms après le dîner. Ils

14 étaient emmenés dans les bureaux de l’administration du

15 complexe et ils mettaient à peu près dix minutes pour

16 arriver à ces bureaux et à ce moment-là on entendait des

17 hurlements ou des gémissements et parfois, on entendait des

18 tirs qui venaient d’armes à feu.

19 Après, le calme revenait et au bout d’environ une

20 dizaine de minutes, on entendait des véhicules qui

21 démarraient. Le véhicule traversait la Drina puis

22 s’arrêtait. Les phares étaient toujours allumés et là on

23 entendait quelque chose qui tombait dans l’eau, comme un

24 sac de ciment qui tombait dans l’eau. Ça faisait ce genre

25 de son.

Page 691

1 Moi personnellement, j’ai personnellement entendu

2 ces bruits et je l’ai vu parce que de la pièce où j’étais

3 détenu, on pouvait le voir. C’était la pièce numéro 20.

4 Q. Ces hommes qu’on a fait sortir dans les

5 circonstances que vous venez de décrire, les avez-vous

6 revus plus tard ?

7 R. J’ai dit qu’en juin et juillet, cinq ou six

8 groupes de ce type qui comptaient chacun environ 35

9 personnes sont sortis, mais on ne les a pas tous emmenés

10 vers la Drina, sur le pont de la Drina, ce que je viens de

11 décrire, mais en tout cas, aucune de ces personnes, aucun

12 de ces hommes n’est plus de ce monde.

13 Q. Avez-vous personnellement été passé à tabac

14 au KP Dom ?

15 R. Non, bien qu’on m’ait mis au mitard trois

16 fois.

17 Q. Chaque fois, il s’agissait d’une sanction ?

18 R. Oui.

19 Q. La troisième fois, c’était quand ? Vous avez

20 déjà parlé de deux fois.

21 R. La troisième fois, on se préparait à l’hiver

22 1993 et moi, j’avais des pantalons d’été. J’ai dit

23 précédemment que j’avais une seule paire de caleçons.

24 Donc, j’essayais de me préparer à lutter contre le froid.

25 J’ai coupé une vieille couverture. J’ai essayé de me

Page 692

1 fabriquer ainsi un caleçon et un policier m’a surpris et il

2 m’a envoyé au mitard pendant cinq jours et, bien entendu,

3 il m’a confisqué ce vêtement que je m’étais confectionné.

4 Q. Est-ce que vous diriez que tous les Serbes

5 vous ont infligé des mauvais traitements pendant votre

6 détention ?

7 R. Non.

8 Q. Sans nous donner de noms, pouvez-vous nous

9 donner des exemples, nous dire à quelles occasions vous

10 n’avez pas été maltraité ou que l’on vous ait traité de

11 façon correcte ?

12 R. Moi, je n’ai pas été battu, je n’ai même pas

13 reçu de gifle, mais il y a eu des provocations à mon

14 endroit pendant que je travaillais dans l’enceinte du KP

15 Dom. Même les Serbes qui étaient prisonniers me traitaient

16 de Turc et certains des gardes m’ont accusé d’être un

17 criminel, un bandit. Ils ont dit que la seule raison pour

18 laquelle je voulais travailler, c’était pour être près de

19 la cuisine et pour voler du pain, mais en fait, à part ça,

20 je n’ai pas vraiment été maltraité.

21 Ah si, je me souviens d’une chose. Moi, j’étais

22 cardiaque. Donc, il fallait que je prenne des médicaments

23 et ce qui s’est passé c’est qu’un prisonnier a tenté de

24 s’évader. Il n’y est pas parvenu. Bunda, c’était le

25 surnom de Todovic, Bunda donc a donné l’ordre suivant : Il

Page 693

1 a décidé de réduire de moitié les rations alimentaires qui

2 étaient déjà insuffisantes et il a dit que les médicaments

3 de tous les prisonniers leur seraient confisqués ainsi que

4 tous leurs biens personnels.

5 Nous devions écrire quelque chose, enfin on

6 essayait de s’occuper. Par exemple, il y avait un

7 professeur de français qui nous apprenait le français, un

8 autre qui nous apprenait l’allemand. Donc, on essayait de

9 s’occuper et toutes ces affaires qu’on utilisait dans le

10 cadre de ces activités nous ont été prises, y compris mes

11 médicaments.

12 Moi, je les avais cachés dans mon matelas et un

13 des soldats, un des gardes les a trouvés. Il a ouvert mon

14 matelas, il a trouvé ces médicaments. Il m’a obligé

15 également à me déshabiller. J’ai dû me mettre complètement

16 nu parce qu’il pensait que j’avais pu cacher des

17 médicaments quelque part sur moi. Donc, voilà le genre de

18 mauvais traitements auxquels j’ai été soumis.

19 Q. Est-ce que d’autres Serbes avec qui vous êtes

20 entré en contact pendant votre séjour au KP Dom ont fait

21 preuve de plus de gentillesse avec vous, ont fait des

22 petits gestes ?

23 R. Il y avait des Serbes qui étaient emprisonnés

24 aussi, donc des gens qui étaient de Foca et il y en avait

25 d’autres qui venaient d’ailleurs et certains d’entre eux

Page 694

1 étaient gentils, mais ils n’osaient pas tellement le

2 manifester. Moi non plus d’ailleurs, mais enfin parfois,

3 on se demandait si ça allait et puis on échangeait une

4 tranche de pain.

5 Me KUO (interprétation) : Je voudrais montrer au

6 témoin les pièces à conviction 45 et 45/1. La pièce 45/1

7 est une nouvelle pièce qui a été remise aux conseils de la

8 Défense pendant la pause et je crois que les Juges doivent

9 également recevoir un exemplaire.

10 Q. Est-ce qu’à un moment donné, votre nom a été

11 répertorié par le Comité International de la Croix-Rouge ?

12 Je parle de l’époque que vous avez passée en prison.

13 R. Oui. Le 24 octobre ou décembre, en 1993.

14 Q. Est-ce que la pièce à conviction numéro 45

15 est un certificat de la Croix-Rouge indiquant que c’est ce

16 jour-là qu’on a recensé votre nom ?

17 R. On peut lire la date du 14 décembre sur le

18 certificat, mais en fait, c’était le 24 décembre.

19 Q. C’était la première fois que vous aviez un

20 contact avec la Croix-Rouge ?

21 R. Oui.

22 Q. Examinons maintenant la pièce à conviction

23 45/1. À la deuxième page, vous trouverez la version en

24 B/C/S de ce document. S’agit-il là d’un certificat qui

25 confirme qu’effectivement, on vous a enregistré comme ayant

Page 695

1 été détenu au KP Dom du 19 mai 1992 jusqu’au 6 octobre 1994

2 ?

3 R. Il s’agit là d’un certificat qui a été

4 délivré par la Commission, oui, c’est ça, la Commission

5 d’État chargée de l’échange des prisonniers de guerre et

6 qui se situait à Sarajevo. Il y a une différence entre le

7 certificat délivré par la Croix-Rouge Internationale en ce

8 qui concernait les dates, la date de mon arrivée au KP Dom

9 et la vérité parce que la vérité en ce qui concerne mon

10 arrivée au KP Dom est reflétée dans le certificat délivré

11 par la Commission d’État chargée de l’échange des

12 prisonniers de guerre de la République de Bosnie-

13 Herzégovine.

14 Q. Donc, le jour où vous avez effectivement été

15 amené au KP Dom, c’est le 19 mai 1992, n’est-ce pas ?

16 R. Oui, c’est bien exact.

17 Q. Quand avez-vous été libéré du KP Dom ?

18 R. Nous avons été libérés du KP Dom à Foca le 5

19 octobre 1994. Nous avons été échangés à Sarajevo le 6

20 octobre 1994.

21 Q. Pendant la période de votre détention, avez-

22 vous été en mesure de prendre contact avec votre famille

23 d’une façon ou d’une autre ?

24 R. Non, non, pas jusqu’à la venue de la Croix-

25 Rouge.

Page 696

1 Q. Quand avez-vous été en mesure de revoir votre

2 famille ?

3 R. Au début janvier 1995.

4 Q. C’était la première fois que vous revoyiez

5 votre famille depuis 1992, n’est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,

8 Messieurs les Juges, je n’ai plus de questions à poser à ce

9 témoin. Je souhaiterais demander le versement au dossier

10 des pièces à conviction 45 et 45/1.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : La Défense

12 souhaite-t-elle intervenir au sujet des pièces à conviction

13 ?

14 Me PRODANOVIC (interprétation) : Non, Madame la

15 Présidente. On vient de m’informer que la pièce à

16 conviction 45, c’est une pièce que nous n’avons pas reçue,

17 bien que l’on nous ait dit de quoi il s’agit, à savoir

18 qu’il s’agit d’un certificat délivré par la Croix-Rouge,

19 mais nous n’avons pas reçu ce document. Nous n’avons pas

20 d’objection en ce qui concerne le document 45/1. Nous

21 n’avons pas non plus d’objection en ce qui concerne la

22 pièce 45, mais nous souhaiterions quand même en avoir une

23 copie.

24 La représentante du Bureau du Procureur nous dit

25 que nous avons reçu une copie de ce document pendant la

Page 697

1 pause, mais ce n’est pas exact.

2 Me KUO (interprétation) : La pièce à conviction

3 45 se situe dans le classeur du dossier du procès, mais

4 nous disposons d’exemplaires supplémentaires que nous

5 pouvons remettre à la Défense.

6 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui. Je vous

7 serais reconnaissant de me donner une copie supplémentaire.

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bien !

9 Pouvons-nous avoir, s’il vous plaît, une cote pour ces

10 nouveaux documents ?

11 LA GREFFIÈRE : Il s’agit donc des pièces 45 et

12 45/1 des pièces du Procureur.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci. Je

14 voudrais savoir la chose suivante de la part de la Défense.

15 Vous nous dites que vous n’aviez pas les documents de ce

16 témoin. Est-ce que vous pouvez vous les procurer

17 maintenant parce que ce témoin est en mauvaise santé ?

18 Donc, je voudrais vous demander de vous procurer ces

19 documents afin que l’on puisse procéder au contre-

20 interrogatoire cet après-midi.

21 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la

22 Présidente, je ne pense pas que ce soit possible

23 aujourd’hui. Je pense qu’il vaudrait mieux que l’on

24 entende le témoin demain parce que je pense que ça sera

25 trop fatigant pour lui de revenir cet après-midi.

Page 698

1 Donc moi, si j’ai bien compris, on devait passer

2 au Témoin 52 cet après-midi.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais

4 j’ai changé cela parce que nous en sommes presque à la

5 pause-déjeuner et je me demandais si vous pouviez mettre la

6 main sur les documents pendant la pause-déjeuner parce que

7 la raison que vous nous aviez donnée ce matin pour le

8 report du contre-interrogatoire c’était le fait que vous ne

9 disposiez pas des documents.

10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Permettez-moi de

11 m’entretenir avec ma collègue.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pendant ce

13 temps-là, je vais demander au témoin la chose suivante. Je

14 voudrais savoir s’il préfère se reposer cet après-midi et

15 revenir pour le contre-interrogatoire demain matin ou bien

16 s’il se sent suffisamment en forme pour revenir cet après-

17 midi.

18 LE TÉMOIN (interprétation) : Madame la

19 Présidente, je souhaiterais vous demander la chose

20 suivante. Je préférerais que l’on continue cet après-midi.

21 Si je devais revenir… enfin je veux dire, si je retombe

22 malade, tous les documents, mon dossier médical et mon

23 médecin se trouvent à Maastricht. Avant-hier donc, je me

24 suis trouvé ici à l’hôpital. Ils n’avaient aucun dossier

25 sur moi alors qu’à Maastricht, il y a tous ces documents et

Page 699

1 si quelque chose arrive, eh bien, je serai soigné beaucoup

2 mieux à Maastricht qu’ici. C’est pourquoi je me permets de

3 vous demander d’accéder à ma demande.

4 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la

5 Présidente, je ne suis pas sûr que la Défense puisse

6 terminer le contre-interrogatoire aujourd’hui parce que le

7 contre-interrogatoire va prendre au moins autant de temps

8 que l’interrogatoire au principal. Donc même si nous

9 acceptons de travailler cet après-midi, je me demande si

10 nous pourrons terminer cet après-midi. En fait, j’en suis

11 convaincu que ça ne sera pas possible.

12 [La Chambre discute]

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Même si le

14 conseil de la Défense estime qu’il ne sera pas possible

15 d’en finir avec le contre-interrogatoire cet après-midi,

16 étant donné l’état de santé du témoin, nous préférons

17 commencer le contre-interrogatoire du témoin dès cet après-

18 midi et je vous demande donc de retrouver les documents

19 dont vous aurez besoin. L’objectif est ici, bien entendu,

20 de permettre au témoin de rentrer chez lui aussi rapidement

21 que possible.

22 Nous allons donc maintenant lever l’audience et

23 nous reprendrons à 14 h 30.

24 --- Suspension de l’audience à 13 h 00

25 --- Reprise de l’audience à 14 h 31

Page 700

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bonjour,

2 Monsieur le Témoin. Les représentants du bureau de

3 l’Accusation en ont fini de votre interrogatoire principal

4 avant la pause-déjeuner. Maintenant, vous allez être

5 interrogé par les conseils de la Défense.

6 Me Prodanovic.

7 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

8 Présidente, aujourd’hui, nous souhaiterions que le conseil

9 de Monsieur Vukovic soit le premier à contre-interroger.

10 Donc, c’est moi-même qui va contre-interroger, si vous

11 l’acceptez bien, étant donné que nous sommes répartis comme

12 ça entre nous, entre les conseils. Donc, avec votre

13 permission, je souhaiterais commencer moi-même et pas Me

14 Prodanovic.

15 Voilà, c’est tout ce que je voulais vous demander,

16 Madame la Présidente. Si bien évidemment vous n’avez rien

17 contre, je commencerai en premier.

18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bien ! Vous

19 pouvez procéder de la façon dont vous vous êtes organisés.

20 Allez-y.

21 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

22 Présidente, est-ce que nous nous entendons bien ? Madame

23 la Présidente, ce matin… excusez-moi, mais je ne suis pas

24 sûr si la Présidente et les Juges m’entendent.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous vous

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1 entendons très bien. Nous attendons que vous commenciez,

2 Monsieur.

3 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

4 Présidente, je vais commencer. Avant le début ce matin,

5 nous avons proposé, plutôt qu’on cache le témoin, parce

6 qu’il y a un certain nombre de pièces à conviction que nous

7 souhaiterions donc montrer. C’est la raison pour laquelle

8 on vous a demandé, on vous a proposé donc que ce soit

9 envisagé pour demain. De toute façon, nous avons envisagé

10 un autre ordre de témoins, et si cela est possible, à ce

11 moment-là, nous vous proposons ce panel.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous voulez

13 que ce soit fait maintenant lors du contre-interrogatoire ?

14 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je vous en prie.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est

16 l’huissier qui va vous aider. Il n’y a pas de questions

17 pour lesquelles vous n’ayez pas besoin de photographies ?

18 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, bien

19 évidemment, j’en ai mais il s’agit d’un certain nombre de

20 questions, disons, protocolaires. La plupart de mes

21 questions concernant ce témoin demandent également un

22 chevalet sur lequel nous allons pouvoir déposer les photos,

23 mais de toute façon, nous pouvons commencer si vous voulez

24 en attendant.

25 CONTRE-INTERROGÉ PAR Me JOVANOVIC

Page 702

1 (interprétation) :

2 Q. Bonjour, Monsieur le Témoin.

3 R. Bonjour.

4 Q. Vous nous avez dit que vous avez des

5 problèmes assez graves du point de vue santé.

6 R. Oui.

7 Q. Par conséquent, si jamais dans un moment ou

8 l’autre, vous vous dites que vous avez besoin de vous

9 reposer ou de sortir, et cætera, vous m’interrompez. Moi,

10 je vais tout de suite m’arrêter et puis vous pourrez vous

11 reposer un petit peu.

12 Donc pour le début, j’aimerais vous poser la

13 question suivante : Est-ce que vous avez déjà donné des

14 déclarations aux enquêteurs du Tribunal ? Si c’est le cas,

15 à ce moment-là, vous voulez bien le préciser.

16 R. Oui. J’avais déjà donné une déclaration

17 auprès des enquêteurs du Tribunal International et ceci, je

18 pense que c’était il y a deux ans.

19 Q. Est-ce que c’était bien…

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Dans

21 l’intervalle, pouvez-vous remettre les photographies à

22 l’huissier de façon qu’il puisse les placer sur le tableau

23 ?

24 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, bien

25 évidemment, Madame la Présidente, mais je voulais tout

Page 703

1 simplement m’en tenir également aux questions que j’allais

2 poser, mais de toute façon, je peux déjà les remettre à

3 l’huissier. Excusez-moi, mais je pense que je ne me

4 débrouille pas tout à fait bien sur le plan technique. Il

5 y a un certain nombre de photographies dont je dispose. Je

6 pense que ceci suffirait pour les membres du Bureau du

7 Procureur, pour la Chambre et pour le témoin. Bien

8 évidemment, pour tous ceux qui en ont besoin. C’est donc

9 pour ça que j’en ai parlé.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Bien,

11 il faut les distribuer. La question suivante, c’est de

12 savoir si vous souhaitez que ces photographies soient

13 versées au dossier par le biais de ce témoin ou si vous

14 allez vous contenter de poser des questions au sujet de ces

15 photos.

16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, j’aimerais

17 les verser au dossier en passant par ce témoin, si vous

18 voulez bien, et le contre-interrogatoire.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Cela

20 dépendra de notre décision. Nous allons donc leur donner

21 un numéro. Est-ce qu’elles peuvent être distribuées, s’il

22 vous plaît ?

23 Me JOVANOVIC (interprétation) : Il s’agit par

24 conséquent de la pièce à conviction numéro 1.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il s’agit de

Page 704

1 pièces à conviction de la Défense ?

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, tout à fait,

3 des pièces à conviction de la Défense.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, la

5 greffière d’audience va leur donner une cote puisqu’elle

6 sait le numéro qu’il convient de donner maintenant.

7 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

8 Présidente, si vous me permettez…

9 LA GREFFIÈRE : La première photographie sera

10 cotée D5.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous n’avons

12 pas parlé de ce document. Je vous en prie, vous pouvez

13 parler donc de cette pièce à conviction comme de D5.

14 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

15 Présidente. Ce que je voulais tout simplement préciser

16 c’est que la déclaration du témoin qui a été donnée, je

17 voulais la verser au dossier, mais nous commençons déjà à

18 parler de la photographie. Par conséquent, il y a un petit

19 peu une confusion. C’est la raison pour laquelle j’ai

20 commencé à le contre-interroger.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

22 prie, montrez d’abord la déclaration. Faites comme il faut

23 là, une opération après l’autre.

24 Me JOVANOVIC (interprétation) : D’accord. Est-ce

25 qu’on peut d’abord montrer à Monsieur le Témoin Avdic la

Page 705

1 déclaration qui est sous la cote FWS-65, par conséquent,

2 une déclaration qui a été donnée le 16 et 17 octobre 1995 ?

3 Est-ce qu’on peut lui remettre cette déclaration dans la

4 langue qu’il parle pour que le témoin puisse dire si c’est

5 bien cette déclaration ?

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Allez-y.

7 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

8 Présidente, je pense que le témoin est en train de vérifier

9 la déclaration qui lui a été remise.

10 R. Oui.

11 Q. C’est bien votre déclaration ?

12 R. Oui.

13 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je vais demander

14 que la déclaration de Monsieur Safet Avdic soit versée au

15 dossier. C’est la déclaration qui a été donnée le 16 et 17

16 octobre 1995.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le Bureau du

18 Procureur souhaite-t-il intervenir ?

19 Me KUO (interprétation) : Non.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame la

21 Greffière, pouvez-vous donner une cote, s’il vous plaît ?

22 LA GREFFIÈRE : La déclaration du témoin fera

23 l’objet de la cote D6.

24 Me JOVANOVIC (interprétation) :

25 Q. Monsieur le Témoin Avdic, est-ce que vous

Page 706

1 avez la photographie qui est marquée comme D5 ?

2 R. Non.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vos

4 questions, s’il vous plaît.

5 Me JOVANOVIC (interprétation) :

6 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se

7 trouve sur la photographie ? Si vous reconnaissez ce que

8 vous voyez, à ce moment-là, est-ce que vous pouvez nous en

9 donner la description ?

10 R. Il s’agit de l’immeuble. L’immeuble que

11 j’habitais à gauche, c’est l’immeuble intitulé Brena.

12 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu

13 plus de précisions ? Où est-ce que vous avez habité

14 exactement ? Quel est l’appartement que vous occupiez,

15 premier ou deuxième étage ?

16 R. Deuxième étage.

17 Me JOVANOVIC (interprétation) : Monsieur

18 l’Huissier, s’il vous plaît.

19 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Vous parlez du

20 deuxième étage. Il faudrait qu’on se mette d’accord. Est-

21 ce que vous voulez dire l’étage qui se trouve juste au-

22 dessus du rez-de-chaussée ou l’étage qui se trouve à deux

23 étages au-dessus du rez-de-chaussée ?

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

25 le témoin peut nous indiquer de quoi il s’agit ?

Page 707

1 R. C’est l’appartement qui est juste en dessous

2 du toit.

3 Me JOVANOVIC (interprétation) : Est-ce que tout

4 le monde dispose de la photographie ? Il s’agit de la

5 photographie numéro 2 et je vais vous demander, s’il vous

6 plaît, également de la verser au dossier comme pièce à

7 conviction.

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous parlez

9 de la photo qu’on nous remet là ?

10 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

11 Présidente.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : En avez-vous

13 terminé avec D5 ?

14 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

15 Présidente.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous voulez

17 que celle-ci que je tiens en main soit versée au dossier ?

18 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

19 Présidente, comme pièce à conviction D5.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Y a-t-il des

21 objections ?

22 Me KUO (interprétation) : Non.

23 LA GREFFIÈRE : La deuxième photographie pourra

24 faire l’objet de la cote D6.

25 Me JOVANOVIC (interprétation) :

Page 708

1 Q. Est-ce que vous avez pu voir, s’il vous

2 plaît, Monsieur le Témoin, la deuxième photographie ? Est-

3 ce que vous pouvez nous dire également ce qui se trouve sur

4 la photographie et, si c’est le cas, de nous en donner la

5 description, enfin, de nous donner le détail ?

6 R. Cette photographie représente les

7 appartements qui sont donc les derniers appartements en

8 dessous du toit. Je ne sais pas comment on peut les

9 traiter, comme premier étage ou deuxième étage.

10 Q. Est-ce que vous reconnaissez les appartements

11 qui figurent sur la photographie ? Est-ce que vous seriez

12 d’accord avec moi qu’il s’agit de votre appartement ?

13 R. Pour ce qui est du balcon et la clôture, la

14 balustrade, les fenêtres, la porte également qui donne sur

15 le balcon, je dirais qu’il s’agirait de mon appartement car

16 mon appartement effectivement a un tel balcon avec une

17 telle balustrade. Il y a cette porte qui donne sur le

18 balcon et il y a les deux fenêtres également à gauche et à

19 droite par rapport à la porte qui donne sur le balcon.

20 Q. Si je peux vous aider, les pièces à

21 conviction D5 et D6, si on y retourne et si vous jetez un

22 coup d’œil là-dessus, à ce moment-là, vous verrez qu’il y a

23 les deux gouttières à gauche. Je parle de la pièce à

24 conviction qui a été versée au dossier sous la cote D5.

25 Est-ce que nous sommes bien d’accord qu’il s’agit des deux

Page 709

1 gouttières ?

2 R. La première photographie ?

3 Q. Oui.

4 R. Oui. Il y a les deux gouttières.

5 Q. On voit une partie de l’immeuble qui

6 s’appelle…

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : De quelles

8 gouttières parlez-vous ?

9 Me JOVANOVIC (interprétation) : Les gouttières

10 servent à évacuer l’eau du toit.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Sur ma

12 photographie, il y en a trois. Est-ce que ce qu’on voit au

13 bout, ce n’est pas la même chose ?

14 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, oui, Madame

15 la Présidente. Vous avez parfaitement raison. Je n’ai pas

16 vu. Effectivement, il y a les trois gouttières. Je n’ai

17 pas vu.

18 R. Peut-être à gauche.

19 Q. Mais ce que nous voyons, c’est tout. Je

20 voudrais préciser ce que nous voyons sur la photographie.

21 R. Je vois les deux gouttières. Je vois deux

22 gouttières, pas plus.

23 Q. Entendu ! Est-ce que sur la photographie qui

24 est la pièce à conviction D5, nous voyons également

25 l’immeuble intitulé Lepa Brena ?

Page 710

1 R. Oui.

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

3 Présidente, si j’insiste, c’est tout simplement pour

4 pouvoir localiser l’appartement habité par le témoin.

5 C’est tout. C’est la raison pour laquelle je pose autant

6 de questions.

7 Q. Vous m’aiderez peut-être également en me

8 disant combien d’années vous avez passées dans cet

9 appartement.

10 R. Cinq, six ans.

11 Q. Merci. Est-ce que vous avez habité cet

12 immeuble qui juxtapose l’immeuble intitulé Lepa Brena ?

13 R. J’ai habité effectivement cet immeuble qui

14 est à côté de Lepa Brena, de ce bâtiment Lepa Brena.

15 Q. C’est donc les deux bâtiments qui sont l’un à

16 côté de l’autre ?

17 R. Eh bien, oui. L’immeuble que je pointe avec

18 le pointeur [indication du témoin], c’est cet appartement

19 qui se trouvait là.

20 Q. C’est bien l’immeuble dont on parle qui est

21 intitulé Lepa Brena ?

22 R. Oui. À gauche, c’est un gratte-ciel, cet

23 immeuble qui est un peu plus grand, c’est un immeuble qu’on

24 avait appelé Lepa Brena. C’est ça que vous me demandez.

25 Q. Est-ce que vous-même, vous pouvez nous

Page 711

1 confirmer ici qu’il s’agit du bâtiment qui est intitulé

2 Lepa Brena ?

3 R. De toute façon, l’immeuble qui était plus

4 haut que le bâtiment que j’habitais s’appelait Lepa Brena.

5 Q. Est-ce que le bâtiment sur la photographie

6 D5, donc tout à fait à gauche, celui qui est plus haut,

7 est-ce que c’est un bâtiment qui est intitulé Lepa Brena ?

8 R. Je suppose que c’est le bâtiment intitulé

9 Lepa Brena, qui s’appelle Lepa Brena.

10 Q. Par conséquent, c’est le bâtiment où vous

11 aviez votre appartement ?

12 R. Oui. Dans ce cas-là, oui, mais il y a un

13 autre problème. Ce sont les antennes de satellite qui

14 m’induisaient… enfin, je suis un petit peu confus à cause

15 des antennes de satellite.

16 Q. Pourquoi ?

17 R. Oui, c’est ça.

18 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

19 Présidente, Messieurs les Juges, il s’agit des

20 photographies qui ont été faites il y a 10 jours, 15 jours

21 à peu près et c’est ce que je vous dois comme explication.

22 Il n’est pas impossible que le nombre d’antennes satellite

23 est quelque peu plus élevé et dont parle le témoin.

24 R. Pendant que j’habitais l’immeuble, il n’y

25 avait pas d’antenne. C’est la raison pour laquelle je suis

Page 712

1 quelque peu confus.

2 Q. Si vous ne pensez pas à ces antennes, à ce

3 moment-là, il s’agit bien des deux immeubles, des deux

4 bâtiments dont on parle, n’est-ce pas ?

5 R. Oui, tout à fait.

6 Me JOVANOVIC (interprétation) : Il y a une autre

7 photographie. Je vais demander l’aide de l’huissier.

8 LA GREFFIÈRE : Cette troisième photographie fera

9 l’objet de la cote D8.

10 Me JOVANOVIC (interprétation) : Est-ce que je

11 peux continuer, s’il vous plaît, Madame la Présidente ?

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, je vous

13 en prie, poursuivez.

14 Me JOVANOVIC (interprétation) :

15 Q. Monsieur, est-ce que vous reconnaissez…

16 excusez-moi, je me reprends.

17 Me JOVANOVIC (interprétation) : D’abord, je

18 voudrais m’excuser auprès des Juges, auprès de mes

19 confrères également, la qualité de la photo n’est pas très

20 bonne. Malheureusement, du point de vue technique, ce

21 n’est peut-être pas la meilleure qualité, mais nous n’avons

22 pas de possibilités techniques et on aurait aimé avoir

23 quelque chose de mieux mais ces photographies ne sont pas

24 véritablement bien présentées et nous nous en excusons.

25 Q. Monsieur, est-ce que vous reconnaissez les

Page 713

1 bâtiments qui se trouvent dans cette série de photographies

2 ?

3 Me JOVANOVIC (interprétation) : Excusez-moi, je

4 vais vous demander, s’il vous plaît, d’abord d’attribuer

5 une cote à ces photographies. Je pense que je l’ai oublié.

6 Excusez-moi une fois de plus.

7 LA GREFFIÈRE : Il s’agit de la cote D8.

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le témoin

9 n’a pas répondu à cette question. On n’a pas reçu la

10 réponse à la question qui lui a été posée.

11 R. Je ne sais pas de quelle question parlez-

12 vous.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : La question

14 vous a été posée si vous pouvez ou pas reconnaître les

15 immeubles, les bâtiments sur cette photographie. Il

16 faudrait qu’il réponde par oui ou non et pas tout

17 simplement de hocher la tête ou d’acquiescer.

18 R. Le bâtiment où on voit le balcon, on voit

19 également le parc, on voit quelques bouleaux, c’est

20 l’immeuble effectivement que j’habitais. Face à cet

21 immeuble, c’était le foyer qui abritait la JNA, l’ex-JNA.

22 Il y a ensuite le bâtiment avec les trois balcons qui

23 abritait l’office de tourisme. Je pointe donc le bâtiment

24 [indication du témoin]. Est-ce qu’il faut que je vous dise

25 également qui habitait cet immeuble ?

Page 714

1 Me JOVANOVIC (interprétation) :

2 Q. Non, absolument pas.

3 R. Ensuite, il y a l’immeuble qui jouxte Maglic.

4 Q. Votre bâtiment, il avait combien de balcons ?

5 R. Deux balcons. Les deux balcons qui donnent

6 sur la rue principale.

7 Q. Par conséquent, il s’agit du balcon qui donne

8 sur la route principale ?

9 R. Il y a un autre balcon également qui donne

10 sur le paysage arrière. Donc, il y a deux balcons. Il y a

11 un balcon qui donne sur la rue et il y en a un autre

12 également dans la salle de séjour qui donne sur la cour.

13 Q. Est-ce que vous pouvez voir l’hôtel Zelengora

14 à partir de ce balcon et quelle est la partie de l’hôtel de

15 Zelengora que vous pouvez voir à partir de votre balcon ?

16 R. On peut voir le restaurant et une partie de

17 la terrasse de l’hôtel, alors que de l’autre côté, on peut

18 voir la partie qui a été nouvellement construite puis le

19 parking de l’hôtel, et cætera.

20 Q. Entendu !

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

22 nous pouvons, s’il vous plaît, voir sur le rétroprojecteur

23 ce que le témoin a déjà montré, il avait pointé tout à

24 l’heure ? Il s’agit donc d’une partie de l’hôtel et le

25 parking également dont il a été question ?

Page 715

1 R. Oui.

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Pour la

3 précision, il est indispensable que le témoin nous montre

4 dans la série de photographies où se trouve donc la partie

5 de l’hôtel qu’il pouvait voir et le parking également.

6 R. Voilà, il y a le parking [indication du

7 témoin], il y a l’entrée, l’entrée entre les deux squares

8 et puis il y a également une partie de l’hôtel qui est

9 caché quelque peu, mais on voit une partie du restaurant,

10 de la terrasse du restaurant de l’hôtel.

11 Q. [Hors microphone] Je sais bien évidemment

12 que vous savez où se trouvent ces endroits différents, mais

13 ce qui m’intéresse c’est que vous me montriez tout ça sur

14 la photographie. Vous nous dites qu’il y a des choses qui

15 sont cachées. Ça, c’est une chose.

16 R. Si je regarde par la balustrade, à ce moment-

17 là, je peux voir si je me penche, mais sur la photographie

18 ici, on ne voit pas la partie du restaurant mais si je me

19 penche, je le vois.

20 Q. Je suis obligé de vous poser encore une autre

21 question pour qu’on soit le plus possible précis. Votre

22 appartement n’est pas le dernier appartement dans la série

23 des appartements ? Après votre appartement, il y a encore

24 un autre appartement, n’est-ce pas ?

25 R. Oui, vous avez raison.

Page 716

1 Q. Est-ce que cet appartement également donne

2 sur un balcon ?

3 R. Oui, absolument, jusqu’à la fin, enfin,

4 jusqu’au bout de l’immeuble, du bâtiment.

5 Q. Excusez-moi, mais il faudrait que vous me

6 donniez une explication plus précise.

7 R. Il ne faut pas que vous oubliez que moi, je

8 pouvais pénétrer dans les appartements, chez des voisins et

9 je circulais sans problème.

10 Q. Ça, de toute façon, c’est une autre question.

11 C’est ce que vous dites maintenant, mais ça n’existe pas

12 dans votre déclaration. Ça n’existe pas et vous ne l’avez

13 pas dit lors de votre déposition ce matin non plus. Par

14 conséquent, aujourd’hui, lors de votre déposition dans ce

15 prétoire, devant les Juges également, d’après ce que vous

16 avez dit également dans la déclaration qui est la vôtre, la

17 déclaration préalable, vous avez parlé de ce que vous avez

18 vu à partir de votre propre balcon et pas du balcon de vos

19 voisins.

20 R. Bien évidemment, comme je vous ai dit, je

21 pouvais voir des choses en me penchant par le balcon de

22 chez moi, mais j’ai eu l’occasion également de me rendre

23 dans les appartements de mes voisins. Je circulais

24 librement. J’ai vu les appartements qui étaient habités

25 par les Serbes et par les musulmans et nous étions des

Page 717

1 voisins et on se rencontrait, on se visitait et c’est la

2 raison pour laquelle j’en ai parlé comme ça.

3 Q. Merci.

4 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je demanderais

5 que Monsieur l’Huissier distribue une autre série de

6 documents, de photographies. Je propose que cette

7 photographie soit versée au dossier si mes collègues de

8 l’Accusation n’ont pas d’objection.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Peut-on en

10 avoir la cote d’abord ?

11 LA GREFFIÈRE : Ça fera l’objet de la cote D9.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le témoin

13 peut-il d’abord se familiariser avec la photo et nous dire

14 s’il la reconnaît ou pas ?

15 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

16 Présidente.

17 R. Je suppose que ceci représente l’autre côté

18 de l’immeuble.

19 Q. De quel immeuble ?

20 R. De notre immeuble.

21 Q. Vous voulez dire de votre immeuble,

22 l’immeuble que vous habitiez ?

23 R. C’est ce que je suppose mais je ne suis pas

24 sûr.

25 Q. Pourriez-vous nous préciser un peu mieux

Page 718

1 lequel des balcons que vous voyez pourrait être le vôtre ?

2 R. Sur cette photo, non.

3 Q. Très bien ! Pourriez-vous me dire depuis le

4 deuxième balcon de votre appartement que voit-on ? Par

5 exemple, si vous regardez de gauche à droite. Est-ce que

6 vous vous en souvenez ?

7 R. Vous parlez de l’autre côté de l’appartement,

8 de ce balcon-ci. Depuis ce balcon, on voit une partie de

9 l’hôtel dont le toit est plat. C’est le toit qui a été

10 ajouté par la suite.

11 Q. Que voit-on d’autre ?

12 R. On voit une partie de l’espace et puis la rue

13 menant vers Medzurace. Ensuite, on voit une maison

14 particulière qui est juste au-dessous de l’hôtel. Je pense

15 qu’elle appartenait à Ranko Vladic.

16 Q. Est-ce que l’on voit depuis votre balcon le

17 chalet dont nous avons parlé aujourd’hui ?

18 R. À Dub.

19 Q. Pardon ?

20 R. Dans la partie appelée Dub au-dessus du KP

21 Dom.

22 Q. Dub, c’est un mont ?

23 R. Oui, un mont.

24 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je demanderais à

25 l’huissier de vous montrer…

Page 719

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avant de

2 poursuivre, vous avez posé des questions concernant D8 et

3 D9. Ces deux séries de documents, vous voulez qu’ils

4 soient versés au dossier ?

5 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

6 Présidente.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le Procureur

8 a-t-il des objections ?

9 Me KUO (interprétation) : Oui, concernant D8,

10 mais je crois que le témoin n’a pas identifié la photo D9,

11 et quant à D8, nous n’avons pas d’objection.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous

13 comprenez. Donc, D8 est versé au dossier mais pas D9.

14 Donc, D9 n’est pas versé au dossier. Entendons quelle est

15 la cote d’abord.

16 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …D10.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Poursuivez.

18 Posez votre question, s’il vous plaît.

19 Me JOVANOVIC (interprétation) :

20 Q. Monsieur, reconnaissez-vous certains

21 immeubles figurant sur ces photos ?

22 R. Oui. La photo à gauche.

23 Q. Ce que vous voyez devant vous, est-ce que

24 ceci correspond à la vue que vous aviez de votre deuxième

25 balcon ?

Page 720

1 R. Du balcon d’en face ?

2 Q. Oui.

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous pourriez, s’il vous plaît,

5 nous décrire ce que vous voyez sur ces photos ?

6 R. En ce qui concerne la photo à gauche, l’on

7 voit une partie de notre immeuble tout à fait à gauche avec

8 peut-être la moitié de la fenêtre, la maison particulière,

9 maison basse qui fait l’angle et la partie nouvelle de

10 l’hôtel où on voit la partie ajoutée et la partie plate du

11 toit. On voit en blanc un immeuble qui était en face de

12 Cehotina, du côté droit de Cehotina.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

14 vous avez encore des questions ? Nous sommes en train de

15 perdre du temps.

16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Excusez-moi.

17 J’attends que le témoin termine. Il n’a dit ce qu’il en

18 est que concernant la première photo.

19 R. En ce qui concerne la photo au milieu,

20 probablement qu’elle a été filmée depuis notre immeuble,

21 depuis l’autre partie de notre immeuble. On voit une

22 partie des maisons et une partie des dépendances et puis on

23 voit plus loin des immeubles résidentiels à la rive droite

24 de Cehotina et puis on voit une partie du mont toujours à

25 la rive droite de Cehotina en haut.

Page 721

1 Q. Qu’est-ce qui figure sur la troisième

2 photographie ?

3 R. En ce qui concerne la troisième photo, l’on y

4 voit probablement une usine. Je crois que c’était une

5 usine de bas. Je ne suis pas sûr. C’est l’immeuble qui

6 est le plus proche de la cour de Lepa Brena.

7 Q. Pendant combien d’années avez-vous vécu à

8 Foca avant de quitter cette ville ?

9 R. Depuis 1945.

10 Q. Dans ce cas-là, vous connaissez certainement

11 cette région, la région sur laquelle je vous ai posé des

12 questions ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pourriez me dire si cette

15 série de photographies qui se trouvent devant vous, si cela

16 correspond à la réalité, à son aspect naturel ? Je vais me

17 clarifier. Est-ce que vous avez un doute quant à la

18 possibilité d’avoir déplacé les photographies ou bien est-

19 ce que ceci correspond à un ensemble réel ?

20 R. En ce qui concerne la dernière photographie

21 gauche, je ne la comprends pas suffisamment bien. Je ne

22 peux pas déterminer tout ce qui y figure.

23 Q. Essayons de clarifier les choses. Parfois,

24 des immeubles disparaissent. Si l’on regarde les monts

25 derrière, est-ce que les photos correspondent au relief

Page 722

1 géographique ?

2 R. Oui. Ces deux photos, oui.

3 Q. Quelles deux photos ?

4 R. La première et la deuxième.

5 Q. En partant du côté gauche ?

6 R. Droit.

7 Q. Droit. D’accord. Est-ce que sur l’une

8 quelconque de ces photos, vous reconnaissez le mont de Dub,

9 l’élévation appelée Dub ?

10 R. Pas sur ces photos-ci.

11 Q. Non ?

12 R. Non.

13 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je demanderais à

14 l’huissier…

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : En ce qui

16 concerne D10, le Procureur n’a pas d’objection ?

17 Me KUO (interprétation) : Non, Madame la

18 Présidente.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

20 LA GREFFIÈRE : La prochaine photographie fait

21 l’objet de la cote D11.

22 R. S’il vous plaît, Madame la Présidente,

23 Messieurs les Juges, est-ce que je peux encore examiner les

24 photos précédentes ?

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Quel numéro

Page 723

1 ?

2 R. Les trois photographies qui étaient reliées.

3 Je ne sais pas quelle était leur cote.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Allez-y,

5 oui.

6 Me JOVANOVIC (interprétation) :

7 Q. Je vais essayer de vous aider. La troisième

8 photo ou bien la première photo de gauche a été prise en

9 employant un film différent. C’est pour cela qu’elle est

10 plus claire que les deux autres photographies.

11 Me PRODANOVIC (interprétation) : Au moins, c’est

12 ce que le photographe m’a dit en expliquant la raison pour

13 laquelle elle était plus claire.

14 R. Excusez-moi. En ce qui concerne la photo au

15 milieu où on voit la route sinueuse…

16 Me JOVANOVIC (interprétation) :

17 Q. Je vous suis, oui.

18 R. La route sinueuse, elle est du côté gauche de

19 Dub. Donc, c’est pour cette raison que ça pourrait se

20 trouver à peu près ici sur cette élévation [indication du

21 témoin].

22 Me JOVANOVIC (interprétation) : Peut-on revenir

23 sur la dernière photographie maintenant ? Si le témoin

24 [hors microphone] la photographie, je demanderais qu’elle

25 soit versée au dossier, s’il vous plaît.

Page 724

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’abord, il

2 doit identifier ce qui se trouve sur la photographie avant

3 de pouvoir se pencher sur la question du versement au

4 dossier.

5 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

6 Présidente.

7 Q. Témoin, est-ce que vous reconnaissez certains

8 bâtiments ou bien certaines caractéristiques géographiques

9 sur la photographie devant vous ?

10 R. En ce qui concerne l’emplacement lui-même, je

11 ne peux pas l’identifier, mais en ce qui concerne une

12 partie de la forêt à pins et de l’autre forêt, je suppose

13 que ceci pourrait être la partie allant vers Dub, mais il

14 faut savoir qu’autour de Foca, souvent, il y a des petites

15 forêts à pins ou à chênes sur des petites collines qui se

16 ressemblent entre elles. Ça, il faut le savoir. Bien sûr,

17 au sommet ici, on voit un immeuble, un bâtiment.

18 Q. Est-ce que vous le reconnaissez ?

19 R. Je ne peux pas le reconnaître d’après la

20 photographie parce qu’ici, sur cette photographie, il

21 s’agit d’un simple point.

22 Q. Merci de ce point. Essayons de procéder

23 ainsi. L’élévation appelée Dub, est-ce qu’elle se

24 trouvait, si vous regardiez depuis votre deuxième balcon,

25 derrière l’hôtel Zelengora un peu à gauche ?

Page 725

1 R. À gauche ?

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Si les Juges me

3 le permettent, je demanderais que l’on revienne à la série

4 précédente de photographies cotée D10, s’il vous plaît.

5 Q. La première photo à droite, est-ce que ceci

6 est l’hôtel Zelengora, le bâtiment blanc le plus élevé ?

7 Au fond de la photographie, je crois que vous avez décrit

8 la partie ajoutée de l’hôtel.

9 R. Oui, c’est exact.

10 Q. Si ceci est cet immeuble, est-ce que le mont

11 Dub est derrière à gauche ?

12 R. À gauche ?

13 Q. Derrière l’hôtel Zelengora, en regardant

14 depuis votre balcon.

15 R. Du côté gauche au-dessus du KP Dom.

16 Q. Oublions peut-être en ce moment le KP Dom.

17 R. S’il vous plaît, vous m’avez remis comme

18 pièces à conviction deux photographies, une petite

19 photographie et une grande photographie prises séparément

20 et la première et la deuxième photographie sont identiques,

21 c’est-à-dire la deuxième photographie représente une partie

22 boisée qui figurait déjà sur la première photographie.

23 Q. Merci.

24 Me JOVANOVIC (interprétation) : Donc, nous avons

25 établi que les deux photographies sont identiques. Est-ce

Page 726

1 que dans ce cas-là, nous pouvons verser au dossier cette

2 photographie ?

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Y a-t-il des

4 objections ?

5 Me KUO (interprétation) : Non.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

7 C’est versé au dossier en tant que pièce à conviction.

8 Me JOVANOVIC (interprétation) : Puis-je

9 poursuivre, Madame la Présidente ?

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : S’il vous

11 plaît.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci.

13 Q. Pourriez-vous m’expliquer la chose suivante ?

14 Dans votre déclaration faite les 16 et 17 octobre 1995 et

15 dans votre déposition devant ce Tribunal aujourd’hui, vous

16 avez dit que depuis votre balcon, vous avez pu voir lorsque

17 les soldats s’alignaient devant l’hôtel Zelengora.

18 Maintenant, compte tenu de cette photographie, est-ce que

19 vous pouvez m’expliquer comment ?

20 R. Lorsque j’ai rendu visite à mes voisins,

21 excusez-moi, nous étions dans l’immeuble et moi, j’ai dit

22 que nous pouvions voir la partie avant depuis le balcon et

23 nous avons pu voir l’endroit où les soldats s’alignaient,

24 où on faisait l’appel des soldats. Dans la partie au

25 milieu, il y a une partie où moi, je peux voir.

Page 727

1 Q. On voit ça depuis quel balcon ?

2 R. Je peux voir ça depuis mon balcon à moi, mais

3 en ce qui concerne l’entrée de l’hôtel, je peux la voir

4 depuis le balcon de mon voisin qui avait une fenêtre et je

5 me rendais chez lui. C’est un Serbe. Nous étions dans

6 l’immeuble, dans les appartements pendant toute la période

7 avant mon arrestation. Nous nous rendions les uns chez les

8 autres et la fenêtre de ce voisin donne directement sur

9 l’hôtel, alors que depuis mon balcon, devant la partie où

10 se trouve le parking et la promenade, entre ces deux-là, on

11 pouvait voir l’alignement des soldats.

12 Q. Depuis le balcon 1 ou le balcon 2 on pouvait

13 voir lorsque les soldats s’alignaient ?

14 R. Depuis le balcon donnant sur la rue

15 principale.

16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je demanderais

17 dans ce cas-là que l’on montre au témoin encore une fois la

18 série de photos qui a reçu la cote D5… pardon D8, la série

19 longue de photographies.

20 R. Vous avez la partie, l’espace vide où étaient

21 garées les voitures. Il y a la voiture rouge, la voiture

22 verte et bleue. Vous avez toute cette partie où les

23 soldats s’alignaient. Il ne s’agissait pas de grands

24 détachements.

25 Q. En ce qui concerne les buissons que nous

Page 728

1 voyons sur la photographie, les deux arbres, est-ce que ces

2 arbres existaient aussi pendant que vous y habitiez ?

3 R. Bouleaux ?

4 Q. Oui, bouleaux.

5 R. Oui, oui.

6 Q. Ce n’est pas contesté que ceci se passait en

7 avril ?

8 R. Fin avril, mai.

9 Q. À ce moment-là, les bouleaux sont remplis de

10 feuilles, non ?

11 R. Non. Il n’y a pas beaucoup de feuilles sur

12 les arbres de bouleaux, Monsieur. Il ne s’agit pas de

13 feuilles de chênes ni de hêtres.

14 Q. Si j’ai bien compris…

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

16 Jovanovic…

17 R. Ceci est un bouleau et moi, je suis un

18 forestier.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

20 Jovanovic, est-ce que vous êtes en train de contester que

21 ce témoin a vu les soldats ?

22 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

23 Présidente, tout simplement, je suis en train de vérifier

24 la déposition de ce témoin.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il ne faut

Page 729

1 pas oublier cependant que les deux parties n’ont pas

2 contesté l’existence d’un conflit armé entre les forces

3 serbes et musulmanes. Ceci n’a pas été contesté.

4 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

5 Présidente. Je n’essaie pas non plus de contester

6 l’existence de ce conflit. Simplement, j’essaie de poser

7 des questions au témoin pour savoir dans quelles

8 circonstances il voit les choses et pour savoir s’il a

9 effectivement pu voir certaines choses conformément à ce

10 qu’il avait affirmé. Donc simplement, j’essaie de vérifier

11 le contenu de sa déposition et de sa déclaration. Puis-je

12 poursuivre ?

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, tant

14 que vos questions n’ont pas trait au conflit armé, même si

15 ça fait partie de la déposition du témoin.

16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Bien ! Je

17 voudrais dire qu’à aucun moment je n’ai souhaité et je ne

18 souhaite d’ailleurs à l’avenir remettre en question

19 l’existence d’un conflit armé puisque dans cette affaire,

20 ceci ne fait l’objet d’aucune contestation.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez

22 donc poursuivre, s’il vous plaît.

23 Me JOVANOVIC (interprétation) : Si vous me le

24 permettez, je souhaiterais que les choses soient bien

25 claires tout de suite. Il est possible qu’à l’avenir, du

Page 730

1 fait de la nature des questions et de la façon dont elles

2 seront posées, on pourra peut-être penser que je souhaite

3 remettre en question le conflit international, mais je

4 voudrais dire d’ores et déjà que ce n’est nullement mon

5 intention et que ça ne sera jamais mon intention.

6 Q. Puis-je poursuivre, Monsieur le Témoin ?

7 R. Oui. Est-ce que je peux finir ma réponse,

8 s’il vous plaît ?

9 Q. Oui.

10 R. Eh bien, je dois dire sur ma vie que depuis

11 900 jours, je me dis à moi-même que je dirai la vérité au

12 monde entier. J’ai vu ces soldats alignés ici à cet

13 endroit [indication du témoin], là où on voit des véhicules

14 sur la photo. J’ai vu des soldats serbes. Ils portaient

15 des uniformes locaux uniquement.

16 Q. Eh bien, maintenant, je vais donc vous poser

17 la question suivante. Je voudrais savoir si vous

18 conviendrez qu’entre votre balcon et cet endroit où les

19 gens se sont alignés, on peut dire que c’est une distance

20 de 50 à 100 mètres ?

21 R. Non, non, non, non.

22 Q. Trente alors ?

23 R. Non, non. Moins.

24 Q. Alors, quelle est la distance ?

25 R. Pas plus de 20 mètres et encore.

Page 731

1 Q. Peut-on examiner les photographies et à ce

2 moment-là vous pourrez me donner des explications

3 supplémentaires, Monsieur ? Moi, je n’habite pas sur

4 place. Je n’ai jamais habité sur place. Donc, j’aimerais

5 que vous essayiez de m’expliquer pourquoi vous dites que

6 c’est cette distance.

7 R. Mon appartement, c’est le troisième à partir

8 du coin à côté de l’hôtel. Donc, vous pouvez voir la

9 largeur de deux appartements et ainsi, on peut faire le

10 calcul. Prenez la largeur de deux appartements, utilisez

11 ça comme échelle et ensuite, vous pouvez calculer la

12 distance et aucun des appartements n’avait une largeur de

13 plus de dix mètres.

14 Q. Donc, ça nous donne la largeur de la maison

15 et ensuite, il y a la rue ?

16 R. Non, non, il n’y a pas de rue. Tout de

17 suite, vous avez tout de suite l’immeuble.

18 Q. Alors, il y a une rue ou pas ?

19 R. Non. L’endroit où se trouvaient les

20 véhicules, ça, c’est la rue, ça, c’est où les soldats

21 étaient alignés. Là où on voit deux personnes en civil et

22 où on voit un véhicule, c’est l’endroit dont je parle.

23 Q. Merci. Maintenant, j’aimerais que l’on

24 revienne à la photographie cotée D12, c’est-à-dire la

25 dernière… ou plutôt, je m’excuse, la photographie D11.

Page 732

1 R. La photographie numéro 11, c’est la même que

2 la précédente.

3 Q. Oui. Donc, nous avons convenu qu’il s’agit

4 des deux mêmes photos.

5 R. Bien, à ce moment-là, inutile de poursuivre

6 les commentaires à ce sujet. Je n’ai rien à ajouter.

7 Q. Oui, mais moi, j’ai quelque chose à vous

8 demander. Donc, nous sommes bien d’accord, cette colline,

9 elle s’appelle Dub. Il y a une sorte de bâtiment que l’on

10 distingue à peine et qu’à cette distance, on est incapable

11 de reconnaître. Enfin, quoi qu’il en soit, pouvez-vous me

12 dire qu’est-ce qu’on voit en haut de cette colline Dub et

13 de quel immeuble s’agit-il, qu’est-ce que c’est ?

14 R. Eh bien, en effet, il y a une construction en

15 haut de cette colline Dub et c’est le pavillon de chasse.

16 Q. Merci. Je voudrais vous rappeler que ces

17 photographies ont été prises il y a 10 ou 15 jours et donc

18 que vous avez travaillé dans les eaux et forêts. En avril,

19 la végétation est plus luxuriante qu’au moment où cette

20 photographie a été prise. Est-ce que cette colline aurait

21 le même aspect en avril qu’aujourd’hui ?

22 R. Qu’est-ce que vous voulez dire par maintenant

23 ?

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Quel est

25 l’objectif de vos questions ? La visibilité ?

Page 733

1 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

2 Présidente.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais

4 cela a trait au conflit armé.

5 Me JOVANOVIC (interprétation) : Non, non, Madame

6 la Présidente. Il s’agit de vérifier les dires du témoin.

7 Il nous dit que depuis son balcon, il a vu un certain

8 nombre de constructions qu’il a pu reconnaître, un certain

9 nombre d’immeubles et il a vu d’autres… j’ai du mal à

10 trouver mes mots, il a vu des tranchées, disons. Voilà,

11 des tranchées, des nids de mitrailleuses.

12 [La Chambre discute]

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

14 Jovanovic, si vous essayez de remettre en compte par vos

15 questions la crédibilité du témoin, je vous demande de

16 procéder beaucoup plus rapidement que vous ne le faites

17 actuellement.

18 Me JOVANOVIC (interprétation) : Bien, Madame la

19 Présidente, mais malheureusement, je dois une fois de plus

20 revenir en arrière et revenir à la question de la

21 végétation.

22 Q. Je voudrais vous demander d’examiner cette

23 photographie.

24 R. Je la vois.

25 Q. Donc, il y a des endroits qui sont verts mais

Page 734

1 il y a d’autres endroits…

2 R. Vous voulez que je vous dise de quel type

3 d’arbres il s’agit ?

4 Q. Non, ça ne m’intéresse pas.

5 R. Eh bien, je vais vous le dire. Le vert, ce

6 sont des pins et le jaune, ce sont des arbres à feuilles

7 caduques.

8 Q. Bien ! Merci. Ces arbres à feuilles

9 caduques, est-ce qu’ils ont des feuilles en avril ?

10 R. Non. À Foca, le printemps commence plus tard

11 qu’ailleurs et les feuilles poussent plus tard. Les

12 premiers bourgeons, on les voit apparaître en mai dans

13 notre région.

14 Est-ce que je peux expliquer quelque chose, Madame

15 la Présidente, Messieurs les Juges ? Cette photographie a

16 été prise très récemment. Les conifères poussent de 60

17 millimètres (ph.) en huit ans. Donc, il est possible que

18 depuis lors, depuis que j’y habitais, ces arbres aient

19 énormément grandit, énormément poussé et qu’ils bloquent la

20 vue parce que ce sont des arbres qui poussent très, très

21 vite et cela, Monsieur l’Avocat ne semble pas le savoir.

22 Q. Je sais que dans les régions montagneuses,

23 la végétation est plus tardive mais je ne savais pas si

24 c’était si tard.

25 R. Oui, mais vous n’avez aucune idée non plus de

Page 735

1 la façon très rapide dont les arbres peuvent pousser. Ça

2 peut donc bloquer la vue.

3 Q. Est-ce qu’il y avait des forêts là-bas ?

4 R. Oui. Une forêt artificielle qui a été

5 plantée par l’homme.

6 Q. Merci pour cette leçon en matière de forêts

7 et d’arbres, mais revenons à ce qui nous intéresse ici. Je

8 voudrais savoir si cet endroit qui s’appelle Dub était à

9 l’époque recouvert par une végétation quelconque.

10 R. Oui, mais il y avait des arbres donc mais des

11 arbres qui mesuraient un mètre 50 à peu près.

12 Q. Donc O.K., mettons que tous ces arbres

13 mesurent un mètre 50.

14 R. Oui, mais ici, sur la photo, ils mesurent

15 trois mètres 50.

16 Q. Donc, je ne le remets pas en question.

17 Mettons qu’aujourd’hui, ces arbres mesurent trois mètres 50

18 de haut et qu’à l’époque, ils mesuraient un mètre 50, mais

19 quoi qu’il en soit, qu’est-ce qu’un nid de mitraillettes ?

20 R. Monsieur, ces arbres, ce ne sont pas des

21 arbres qui bloquent complètement la vue. Ils ne forment

22 pas un mur, une muraille. On peut voir à travers.

23 Q. Oui, mais cette photographie, Monsieur, elle

24 a été prise depuis votre balcon.

25 R. Oui, mais il y a à peu près un mois.

Page 736

1 Q. Il y a un mois, il y a 20 jours. Ce qui

2 m’intéresse ici, ce n’est pas ça, ce n’est pas la période

3 ou le moment où ces photographies ont été prises. C’est

4 quelque chose de bien différent. Je voudrais, s’il vous

5 plaît, que vous m’expliquiez à moi ainsi qu’à Madame la

6 Présidente et Messieurs les Juges à quoi ressemble un nid

7 de mitrailleuses, s’il vous plaît ?

8 R. Eh bien, vous avez un petit muret.

9 Q. J’essaie de vous demander de nous expliquer

10 ce que vous avez vu, ce que vous avez décrit sous le terme

11 de nids de mitrailleuses.

12 R. Bien, je ne sais pas exactement quelle en est

13 la hauteur.

14 Q. Un mètre 50 ?

15 R. Peut-être.

16 Q. Donc, si ça faisait à peu près un mètre 50 de

17 haut, à ce moment-là, ça devait se trouver en dessous de la

18 cime des arbres ?

19 R. Non, non, non. Les arbres qui se trouvaient

20 en dessous du nid de mitrailleuses, eh bien, c’est des

21 arbres qui laissent passer la lumière parce que le pin

22 noir, Madame la Présidente, Messieurs les Juges, c’est un

23 arbre qui laisse passer beaucoup de lumière. Ce n’est pas

24 comme des hêtres, par exemple, qui empêchent complètement

25 la lumière de pénétrer dans les sous-bois. Sur ce type

Page 737

1 d’arbres, les branches sont assez clairsemées, on peut voir

2 à travers.

3 Q. Donc si j’ai bien compris, vous avez vu ça à

4 travers les branches ?

5 R. Non. Ce que je dis c’est qu’on peut voir à

6 travers les branches.

7 Q. Oui, mais je vous ai demandé si vous, ce que

8 vous avez vu, vous l’avez vu à travers les branches.

9 R. Moi, j’ai vu un nid de mitrailleuses.

10 Q. Oui, mais ces mitrailleuses, ces nids de

11 mitrailleuses, vous les avez vus à travers les branches

12 d’arbres ou non ? Est-ce que vous comprenez ce que je vous

13 demande ? Il y a des pins d’un mètre 50, mettons qu’ils

14 faisaient un mètre 50 en 1992 et puis vous avez des nids de

15 mitrailleuses que vous nous dites avoir vus. Moi, ce qui

16 m’intéresse est de savoir quelle était la position exacte

17 de ces nids de mitrailleuses et je voudrais savoir à quelle

18 distance vous étiez quand vous les avez vus.

19 R. Bien, vous avez sans doute mesuré la distance

20 entre le lieu où je les ai vus et mon appartement.

21 Q. Non, non, non, je n’ai rien fait. Moi, je

22 vous le demande. Je vous pose la question. Je vous

23 demande à quelle distance de votre balcon se situe le

24 sommet de la colline Dub.

25 R. Environ 300 mètres horizontalement.

Page 738

1 Q. Je vais vous demander de vous pencher de

2 nouveau sur cette photographie et de nous dire si à votre

3 avis, ici, il y a une distance de 300 mètres.

4 R. Oui.

5 Q. Donc, 300 mètres entre l’endroit où se tient

6 le photographe et le haut de la colline, le point blanc que

7 l’on y voit ?

8 R. Le photographe se trouve en dessous de la

9 colline.

10 Q. Monsieur, vous avez convenu que ces deux

11 photographies sont exactement les mêmes, du moins pour ce

12 qui concerne la partie supérieure ?

13 R. Oui. Dans la partie supérieure et cette

14 photographie a été coupée.

15 Q. Il va falloir faire appel à un expert. Bon.

16 R. Deuxièmement, on a entendu des tirs qui

17 venaient de cette colline.

18 Q. Je n’ai pas dit le contraire. Moi, je veux

19 savoir ce que vous avez vu. Je veux savoir comment vous

20 avez vu des nids de mitrailleuses.

21 R. Eh bien, je les ai vus à la jumelle. On peut

22 même voir des animaux à la jumelle. On peut voir un daim,

23 un cerf. Sans jumelle, on ne voit absolument rien. On ne

24 voit même pas les cornes de l’animal, les bois de l’animal,

25 mais avec les jumelles, on peut les voir.

Page 739

1 Q. Est-ce que vous êtes un chasseur ?

2 R. Non, non, mais j’ai les mêmes qualités du

3 fait de mon travail dans les forêts, dans les eaux et

4 forêts.

5 Q. Quel type de jumelles utilisiez-vous ?

6 R. Je ne sais pas. Elles appartiennent à un

7 membre de ma famille.

8 Q. Pouvez-vous nous donner les détails

9 techniques sur ces jumelles, le degré d’agrandissement de

10 ces jumelles ?

11 R. Je n’y connais pas grand-chose. Ça

12 appartient à un membre de ma famille qui vit dans le même

13 immeuble au même étage et on a regardé ensemble à la

14 jumelle.

15 Q. Oui, mais je voudrais avoir un détail

16 supplémentaire pour que les choses soient bien claires.

17 R. Pour moi, tout est clair.

18 Q. Pour moi aussi.

19 R. Eh bien, à ce moment-là, arrêtez de me poser

20 des questions supplémentaires.

21 Q. Donc, il y a vous, il y a votre parent, vous

22 êtes sur votre balcon, vous regardez à travers vos

23 jumelles. À travers les branches des pins noirs, vous

24 voyez des nids de mitrailleuses ?

25 R. Nous avons vu un nid de mitrailleuses,

Page 740

1 Monsieur. Ceci, je l’affirme. Ceci est sûr et certain.

2 Q. Je ne dis pas que vous n’avez pas vu de nid

3 de mitrailleuses. Moi, ce qui m’intéresse, c’est le nid de

4 mitrailleuses particulier auquel vous avez fait référence

5 dans votre déclaration.

6 R. Eh bien, ça suffit.

7 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je n’ai plus de

8 questions.

9 R. Moi, je dis que c’est suffisant. Je ne suis

10 pas un soldat. Je ne peux rien dire d’autre et c’est à

11 partir de ce nid de mitrailleuses qu’on a tiré.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

13 Présidente, avec votre permission, j’ai dit que je n’avais

14 plus de questions, mais si vous me le permettez, j’en

15 aurais une autre.

16 R. Eh bien, moi, je ne répondrai pas puisque

17 vous avez déjà dit que vous n’avez plus de questions. Si

18 vous avez dit que vous n’avez plus de questions, vous

19 n’avez plus de questions.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais

21 Monsieur le Témoin, je suis désolée, vous devez répondre

22 aux questions des conseils de la Défense et je vous demande

23 de répondre également aux questions des Juges.

24 Allez-y, Me Jovanovic.

25 Me JOVANOVIC (interprétation) :

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1 Q. Donc, est-ce qu’il y avait des soldats à côté

2 du nid de mitrailleuses ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous les avez vus également à travers les

5 branches des pins noirs ?

6 R. Oui. Ils se tenaient debout.

7 Q. Quelle était leur tenue vestimentaire ?

8 R. Ils portaient des uniformes de couleur gris-

9 olive et sur le balcon du pavillon de chasse, j’ai vu des

10 gens qui se déplaçaient.

11 Q. Vous avez vu des gens qui se déplaçaient sur

12 le balcon ? Est-ce qu’on parle de cet endroit-là du

13 pavillon de chasse ? Vous avez vu ça à travers vos

14 jumelles ?

15 R. Oui, oui, parce que le balcon se situe

16 beaucoup plus haut. Il se situe plus haut que les nids de

17 mitrailleuses.

18 Q. Pouvez-vous me dire quelle était la tenue de

19 ces gens que vous avez vus sur le balcon ?

20 R. Je vous l’ai déjà dit.

21 Q. Je suis désolé, je n’ai pas entendu.

22 R. Eh bien, j’ai dit qu’ils portaient des

23 uniformes militaires.

24 Q. Comment en avez-vous déduit que c’était des

25 soldats serbes ?

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1 R. Parce qu’ils portaient ces uniformes et parce

2 qu’ils tiraient sur les musulmans.

3 Q. Vous les avez vu tirer sur des musulmans

4 aussi depuis ce nid de mitrailleuses ?

5 R. Moi, je les ai vu tirer. Je les ai vu tirer

6 en direction de Gornje Polje et j’ai vu le soldat Abid être

7 tué.

8 Q. Vous avez vu tout ça ?

9 R. Non, je n’ai pas vu tout ça mais j’en ai

10 entendu parler. J’ai entendu dire qu’il avait été tué.

11 Q. Je vais vous dire une chose, Monsieur le

12 Témoin. Les choses iront beaucoup plus rapidement si vous

13 nous dites uniquement ce que vous avez vu vous-même. Vous

14 avez donc vu des tirs ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous avez vu un nid de

17 mitraillettes particulier tirer ou plutôt le nid de

18 mitrailleuses dont vous nous avez parlé précédemment et sur

19 quelle base pouvez-vous nous dire qu’il s’agissait de

20 Serbes ?

21 R. Parce qu’ils tiraient sur Gornje Polje.

22 Q. Si je ne me trompe pas, tout à l’heure, vous

23 nous avez dit que vous avez fait cette déduction sur la

24 base des uniformes ?

25 R. Non, non. Vous m’avez demandé quelle était

Page 743

1 la tenue de ces gens et je vous ai dit des uniformes

2 serbes.

3 Q. Oui. Excusez-moi.

4 R. Ensuite, vous m’avez demandé où ils tiraient.

5 C’est ce que vous avez dit.

6 Q. Non, je n’ai pas demandé ça. Je voulais vous

7 demander qu’est-ce qui vous avait amené à dire que c’était

8 des uniformes serbes.

9 R. Sur la base de la couleur de ces uniformes.

10 Q. Pouvez-vous nous l’expliquer ?

11 R. Eh bien, c’est la couleur gris-olive SMB très

12 connue.

13 Q. Les autres de l’autre côté, quelle était la

14 couleur de leurs uniformes ?

15 R. Quel autre côté ?

16 Q. L’autre partie du conflit. Tout le monde le

17 sait.

18 R. Je ne sais pas qui était l’autre partie au

19 conflit.

20 Q. Vous pensez que les Serbes se battaient entre

21 eux ?

22 R. Eh bien, ils tuaient des musulmans.

23 Q. Les autres avaient des uniformes aussi ?

24 R. Je n’ai rien vu de cela.

25 Q. Donc, vous n’avez vu aucun musulman en

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1 uniforme ?

2 R. Non, pas à ce moment-là.

3 Q. Eh bien, ultérieurement alors ?

4 R. Plus tard, je n’ai rien vu parce que j’ai été

5 emmené au camp.

6 Q. Est-ce que vous avez vu un soldat de la

7 Fédération pendant la guerre ?

8 R. Quand je suis sorti de prison.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

10 Jovanovic, laissez le témoin répondre avant de poser vos

11 questions.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Bien, Madame la

13 Présidente. Je vous prie de m’excuser.

14 R. Des uniformes de camouflage.

15 Q. Les personnes que vous avez vues à cette

16 occasion qui se déplaçaient sur le balcon, elles portaient

17 des uniformes de couleur gris-olive ?

18 R. Oui.

19 Q. Seuls les soldats serbes portaient des

20 uniformes de cette couleur ?

21 R. Oui, oui. D’après ce que j’ai vu à Foca,

22 c’était les seuls à porter des uniformes de ce type pendant

23 que je m’y trouvais avant d’être arrêté.

24 Q. Excusez-moi. Donc, je veux être sûr de bien

25 vous comprendre. Vous nous dites qu’à Foca, alors que vous

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1 n’aviez pas encore été arrêté, les soldats serbes portaient

2 uniquement des uniformes de type SMB, à savoir des

3 uniformes de couleur gris vert olive, des uniformes locaux

4 ?

5 R. Oui, mais uniquement les gens du coin. Ceux

6 qui venaient d’ailleurs, ils avaient des tenues de

7 camouflage.

8 Q. Vous avez également vu des soldats du coin,

9 des soldats de Foca qui portaient des uniformes de couleur

10 gris-olive ?

11 R. Oui.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci.

13 Je n’ai plus de questions.

14 LE TÉMOIN (interprétation) : Madame la

15 Présidente, je voudrais ajouter la chose suivante : Mon

16 voisin de palier, lui, il avait été incorporé dans l’armée

17 dès le premier jour, mobilisé, et il venait régulièrement,

18 il venait à la maison quand il avait une permission. Donc,

19 il amenait son fusil et son uniforme SMB. J’avais un autre

20 voisin qui habitait lui aussi dans mon immeuble. C’était

21 un garde. Il n’était pas sur le front mais lui aussi, il

22 faisait fonction de garde et il avait également un fusil,

23 et lui, il portait le même uniforme de type SMB de couleur

24 gris-olive.

25 Donc, ce sont deux personnes que je connaissais

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1 très bien qui habitaient dans mon immeuble et chez qui je

2 me rendais également, et dans la rue, quand j’ai vu ces

3 soldats alignés, eh bien, ils portaient tous sans exception

4 ces uniformes que je viens de décrire.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci. Qui

6 va poursuivre le contre-interrogatoire pour la Défense ?

7 Me Kolesar.

8 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

9 Présidente, Messieurs les Juges, je vais poursuivre le

10 contre-interrogatoire de ce témoin mais je voudrais

11 demander que vous ayez à l’esprit une chose, à savoir que

12 pendant la pause-déjeuner, nous avons été occupés et si

13 vous souhaitez… (l’interprète se reprend) nous n’avons pas

14 déjeuné pendant la pause-déjeuner. Donc, si vous entendez

15 poursuivre après 16 h 00, à ce moment-là, je voudrais

16 pouvoir avoir la possibilité de manger quelque chose, étant

17 donné mon état de santé.

18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

19 tout le monde est au courant des horaires. Tout le monde

20 le sait : ils sont immuables tant qu’on ne les change pas.

21 Donc, inutile de perdre trois ou quatre minutes à poser ce

22 genre de question.

23 Me KOLESAR (interprétation) : Merci. Je vais

24 donc poser quelques questions au témoin.

25 LE TÉMOIN (interprétation) : Je m’excuse, Madame

Page 747

1 la Présidente, mais je suis assez nerveux. Je suis

2 bouleversé à cause de la façon dont on m’a posé des

3 questions et du fait de ma tension, je voudrais demander si

4 c’est moi qui suis jugé, si c’est moi qui suis l’accusé

5 parce que j’ai réussi à survivre à ce que j’ai vécu après

6 avoir passé 900 jours dans un camp.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non,

8 Monsieur le Témoin. Non. En fait, la meilleure chose

9 serait peut-être de lever l’audience pour que vous puissiez

10 vous reposer. Demain, le contre-interrogatoire se

11 poursuivra.

12 Voyez-vous, ces trois avocats sont des avocats qui

13 représentent les accusés et ils doivent vous poser des

14 questions au sujet des réponses que vous avez données au

15 Bureau du Procureur dans le cadre de l’interrogatoire

16 principal. C’est tout ce qu’ils font et ils posent les

17 questions pour la Chambre de première instance parce que

18 nous les Juges, nous sommes intéressés par les réponses que

19 vous pouvez leur donner.

20 Nous allons suspendre nos travaux et reprendrons

21 demain à 9 h 30. Me Kolesar, vous reprendrez le contre-

22 interrogatoire.

23 J’espère, Monsieur le Témoin, que vous serez en

24 mesure de vous reposer pour pouvoir poursuivre demain.

25 --- L’audience est levée à 16 h 00

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1 pour reprendre le jeudi

2 23 mars 2000 à 9 h 30

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