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1 Le jeudi 23 mars 2000
2 [Audience publique]
3 [Les accusés entrent dans la Cour]
4 [Le témoin entre dans la Cour]
5 --- L’audience débute à 9 h 30
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez
7 annoncer le numéro de l’affaire.
8 LA GREFFIÈRE : IT-96-23-T, IT-96-23/1-T, Le
9 Procureur contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran
10 Vukovic.
11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bonjour,
12 Monsieur le Témoin.
13 LE TÉMOIN (interprétation) : Bonjour.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Aujourd’hui,
15 nous poursuivons le contre-interrogatoire et deux conseils
16 de la Défense vont vous poser des questions de manière
17 semblable à la procédure d’hier, et puis nous finirons
18 ensuite.
19 Me RYNEVELD (interprétation) : Excusez-moi, je
20 souhaite soulever un point avant le début. J’attendais le
21 moment opportun afin de parler de cela. Peut-être le
22 moment n’est pas encore venu.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
24 c’est quelque chose qui a trait à ce témoin ?
25 Me RYNEVELD (interprétation) : Non. Ceci
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1 concerne la requête de la Défense et puis également le
2 programme, l’ordre de comparution du Témoin AS.
3 Aujourd’hui, je me demandais si les Juges peuvent me dire à
4 quel moment nous pourrions discuter de ce point.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je souhaite
6 que l’on termine avec ce témoin et puis nous pourrons
7 discuter de cela avant le témoin suivant.
8 Me RYNEVELD (interprétation) : C’est tout ce que
9 je voulais savoir : quand vous voulez que l’on en discute.
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
11 Me Kolesar, s’il vous plaît.
12 Me KOLESAR (interprétation) : Merci,
13 Madame la Présidente.
14 TÉMOIN : SAFET AVDIC
15 (SOUS LE MÊME SERMENT)
16 CONTRE-INTERROGÉ PAR Me KOLESAR
17 (interprétation) :
18 Q. Bonjour, Monsieur Avdic.
19 R. Bonjour.
20 Q. Votre état de santé est stable et nous
21 pouvons parler, je suppose. Dans mon contre-
22 interrogatoire, je vais tout d’abord poursuivre là où nous
23 nous étions arrêtés hier.
24 Dans votre déclaration préalable au cours de
25 l’interrogatoire d’hier, vous avez dit que vous avez vu des
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1 soldats portant des uniformes vert olive et vous avez dit
2 qu’il s’agissait à chaque fois de soldats serbes.
3 Me KOLESAR (interprétation) : Avant de répondre à
4 ma question, je souhaite que l’on remette au témoin
5 aujourd’hui, tout comme on l’a fait hier, sa déclaration
6 préalable donnée aux enquêteurs de ce Tribunal pour qu’il
7 puisse me suivre plus facilement. Il s’agit de la
8 déclaration FWS-65.
9 LA GREFFIÈRE : Il s’agissait de la pièce de la
10 Défense D6.
11 Me KOLESAR (interprétation) :
12 Q. Est-ce qu’il s’agit de la déclaration que
13 vous aviez devant vous hier ? Est-ce que vous êtes
14 d’accord pour dire qu’il s’agit de votre déclaration ?
15 R. Oui.
16 Q. Vous avez entendu ma première question. Est-
17 ce que vous voulez que je la répète ou est-ce que vous
18 pouvez répondre ?
19 R. C’est ma déclaration.
20 Q. Oui, mais avant cela, je vous ai posé une
21 question que je vais répéter sans problème. Ma question
22 était la suivante : Dans votre déclaration à plusieurs
23 endroits et puis également hier au cours de votre
24 déposition, vous avez affirmé que vous avez vu des soldats
25 portant des uniformes vert olive et vous avec donc conclu
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1 qu’il s’agissait des soldats serbes. Ai-je raison ?
2 R. C’était des Serbes portant des uniformes vert
3 olive. Pour moi, ce sont des soldats serbes.
4 Q. Pendant longtemps, vous étiez directeur de
5 l’organisation du travail associé ? Je crois que j’emploie
6 la terminologie de l’époque.
7 R. Forestière.
8 Q. Très bien. Et est-ce que vous étiez
9 également membre de la Ligue des Communistes ?
10 R. J’ai dû devenir membre en 1970 afin de
11 pouvoir devenir directeur.
12 Q. Vous en tant que directeur de cette
13 organisation de travail et membre de la Ligue des
14 Communistes, vous connaissiez certainement… ou bien c’est
15 ma question : Est-ce que vous connaissiez le concept de la
16 Défense territoriale et de la protection civile ?
17 R. Je n’ai jamais fait mon service militaire.
18 J’y ai passé seulement 57 jours parce que j’ai été dispensé
19 à cause de ma maladie. Donc, je ne connaissais pas la
20 défense nationale. Tout ce que je connaissais un peu
21 c’était la protection civile.
22 Q. Très bien. Est-ce que vous pourriez nous
23 dire donc quelque chose liée à la Défense territoriale ?
24 Qu’est-ce que ceci représente ?
25 R. Je n’ai pas eu des documents à ce sujet. Je
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1 ne sais pas.
2 Q. Est-ce que vous savez que dans le cadre de la
3 défense nationale et de la protection civile, il y avait
4 une partie prévue qui s’appelait la Défense territoriale ?
5 R. Moi, tout ce que je sais c’est qu’il y avait
6 la protection civile.
7 Q. Mais est-ce que vous êtes d’accord avec moi
8 pour dire que la Défense territoriale faisait partie de la
9 protection civile ?
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez
11 attendre pour que les interprètes puissent vous suivre, Me
12 Kolesar.
13 Me KOLESAR (interprétation) :
14 Q. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour
15 dire que la protection civile fait partie de la Défense
16 territoriale ?
17 R. En ce qui concerne la protection civile dont
18 je faisais partie, il s’agissait d’une protection où les
19 armes n’étaient pas employées où il était envisagé de faire
20 face au feu dans notre entreprise, d’entraîner le personnel
21 à pouvoir faire face au feu. Donc, nous avions un
22 département de pompier et la protection civile servait à
23 aider éventuellement cette unité, ce service anti-incendie.
24 Q. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait le
25 service militaire ni de connaître la doctrine militaire
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1 afin de savoir – et je suppose que vous le savez – qu’une
2 partie des hommes ayant servis leur service militaire,
3 après la fin du service militaire, recevaient un
4 déploiement au sein de la protection civile ?
5 R. Je le sais.
6 Q. Quels étaient les groupes ethniques
7 représentés dans cette protection civile ? Juste les
8 Serbes ? Juste les musulmans ?
9 R. Tous : et les Serbes et les musulmans.
10 Q. Ensuite, ces gens-là qui servaient au sein de
11 la protection civile qui était reliée à des éventualités, à
12 des dispositifs de défense en cas d’une guerre, est-ce que
13 ces départements disposaient des uniformes, des masques à
14 gaz et d’autres équipements ?
15 R. Oui.
16 Q. Très bien. Et si tous les groupes ethniques,
17 et les Serbes et les Croates et les musulmans et tous les
18 autres étaient représentés au sein de la Défense
19 territoriale, s’ils recevaient tous des équipements
20 militaires – et là il s’agissait entre autre justement de
21 ces uniformes SMB vert olive; il s’agissait à l’époque des
22 uniformes de la JNA – donc s’ils recevaient tous ce genre
23 d’uniforme, comment est-ce que vous pouvez conclure que les
24 soldats portant ce genre d’uniforme étaient des soldats
25 serbes puisque les membres du groupe ethnique musulman
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1 disposaient de mêmes uniformes ?
2 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Kolesar,
3 vous avez basé votre question sur plusieurs hypothèses que
4 vous n’avez pas prouvées. Si vous voulez prouver ces
5 hypothèses par le biais de ce témoin, tout d’abord, vous
6 devez lui demander si ces uniformes vert olive avaient été
7 distribués à tout le monde et il n’a pas encore répondu à
8 cela, n’est-ce pas ?
9 Me KOLESAR (interprétation) :
10 Q. Témoin, est-ce que vous maintenez encore que
11 les gens portant des uniformes vert olive étaient des
12 Serbes, des soldats serbes, des combattants serbes ?
13 R. Oui.
14 Q. Et est-ce que les combattants musulmans
15 étaient vêtus d’uniformes vert olive aussi ?
16 R. Ce que je sais c’est que les uniformes ont
17 été retirés et les armes ont été retirées, les armes et les
18 uniformes appartenant à la Défense territoriale, et ceci
19 s’est produit avant le début de l’agression.
20 Q. Est-ce que vous savez qui a donné l’ordre de
21 faire ça ?
22 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas actif sur le
23 plan militaire. Je n’ai pas fait partie d’aucune formation
24 militaire, donc je ne sais pas.
25 Q. Est-ce que vous savez qui était à l’époque le
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1 commandant de la Défense territoriale pour la ville de
2 Foca ?
3 R. Je ne m’en souviens pas.
4 Q. Est-ce que vous permettez qu’il s’agissait de
5 Sulejman Pilav ?
6 R. C’est possible.
7 Q. Quelle est son appartenance ethnique ?
8 R. Musulman.
9 Q. Il était musulman ?
10 R. Oui.
11 Q. S’il était musulman, pourquoi voulez-vous
12 qu’il ait retiré ces uniformes ?
13 R. Je ne sais pas.
14 Q. Est-ce que vous savez par hasard où se
15 trouvaient ces uniformes : dans des entrepôts ou bien est-
16 ce que les hommes en âge de combattre les avaient chez
17 eux ?
18 R. Je ne sais pas.
19 Q. Dans votre déposition et dans votre
20 déclaration préalable, vous avez également mentionné la
21 police militaire. Est-ce que vous pourriez me dire de
22 quelle manière étaient vêtus les policiers militaires et
23 est-ce qu’ils portaient des insignes qui les
24 différenciaient par rapport aux autres personnes en
25 uniforme ?
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1 R. Le soldat militaire qui m’a arrêté moi ?
2 Q. Oui.
3 R. Celui qui m’a arrêté moi…
4 Q. Le 19 mai.
5 R. Oui, le 19 mai. Il portait un uniforme vert
6 olive sans insigne indiquant des grades ou d’autres
7 insignes.
8 Q. Est-ce qu’il portait d’autres insignes
9 caractéristiques pour la police militaire ?
10 R. Il portait un fusil dans sa voiture.
11 Q. Donc, il portait un uniforme et il avait un
12 fusil ?
13 R. Oui.
14 Q. Et pourquoi est-ce que vous tirez la
15 conclusion qu’il s’agissait d’un policier et non pas d’un
16 soldat, d’un simple soldat ?
17 R. C’est ce qu’il m’a dit. Il m’a dit qu’il
18 était policier militaire au moment où il m’a arrêté.
19 Q. Est-ce qu’au début du conflit jusqu’au moment
20 où vous avez été privé de la liberté le 19 mai, est-ce que
21 vous avez vu des personnes en uniforme portant des insignes
22 caractéristiques pour la police militaire ?
23 R. Non.
24 Q. Très bien. Parlons de cette armée. Vous
25 avez également mentionné qu’entre les autres, il y a eu des
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1 membres des formations d’Arkan et de Seselj, Beli Orlovi ou
2 bien les Aigles Blancs ?
3 R. J’ai dit des gens de l’extérieur. Je ne sais
4 pas s’il s’agissait des formations d’Arkan ou de Seselj
5 mais il ne s’agissait pas de personnes de Foca. Il ne
6 s’agissait pas de citoyens de Foca. Et j’ai vu des rubans
7 blancs. Je ne sais pas s’il s’agissait des formations
8 d’Arkan ou de Seselj. Ça, je ne le sais pas. Mais tout
9 simplement, c’est ce que j’ai vu.
10 Q. La seule différence entre eux ce sont ces
11 rubans blancs ?
12 R. Et leur dialecte, la manière dont ils
13 parlaient.
14 Q. Et le dialecte, d’accord. Mais donc, ils ne
15 portaient pas d’insignes caractéristiques sur leurs
16 uniformes les différenciant des autres ?
17 R. Rien de spécial. Je n’en ai pas remarqué.
18 Q. Veuillez examiner s’il vous plaît à la page 2
19 dans la version serbo-croate l’avant-dernier paragraphe, la
20 dernière phrase.
21 R. Je n’ai pas bien compris où.
22 Q. Dans la version en serbe, c’est la page 2.
23 R. Oui.
24 R. L’avant-dernier paragraphe, la dernière
25 phrase.
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1 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Comment est-ce
2 que ceci commence s’il vous plaît parce que comme ça, nous
3 pourrons trouver ça en anglais.
4 Me KOLESAR (interprétation) : C’est le paragraphe
5 qui commence : « Je n’ai pas vu moi-même mais j’ai entendu
6 dire… » et donc, la phrase, la dernière phrase de ce
7 paragraphe. « J’ai vu des armes chez les musulmans.
8 Certains musulmans disposant de l’argent achetaient des
9 armes. »
10 Q. Est-ce que vous avez trouvé cet endroit,
11 Monsieur Avdic ? Page 2. Regardez bien. À la fin du
12 texte, vous pouvez voir le numéro « 2 ».
13 R. J’ai trouvé le numéro 2.
14 Q. Donc, le paragraphe, l’avant-dernier
15 paragraphe, la phrase : « J’ai vu chez les musulmans
16 certains fusils et les musulmans disposant de l’argent
17 achetaient des armes. »
18 R. Excusez-moi. C’est le paragraphe qui
19 commence par : « Je n’ai pas vu moi-même mais j’ai entendu
20 dire… » alors que vous dites : « J’ai vu… ».
21 Q. Non. Je lis ce que vous avez dit.
22 R. Non. Le paragraphe commence…
23 Q. Excusez-moi. Moi, je vous lis simplement la
24 phrase qui est écrite dans ce paragraphe : « J’ai vu chez
25 les musulmans certains fusils et certains musulmans
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1 disposant de l’argent achetaient des armes. » L’avez-vous
2 trouvé ?
3 R. Je m’excuse, Madame la Présidente, Messieurs
4 les Juges. À la page 2, le texte, l’avant-dernier
5 paragraphe commence par les mots : « Je n’ai pas vu moi-
6 même mais j’ai entendu dire de la part d’autres personnes
7 qu’avant le début de la guerre, les civils serbes s’étaient
8 organisés eux-mêmes au sein des unités militaires et qu’ils
9 ont commencé à avoir un entraînement militaire à Vucevo. »
10 Q. Excusez-moi, ce n’était pas ma question.
11 J’ai simplement lu la phrase afin de vous rafraîchir la
12 mémoire par rapport à ce que vous avez dit, par rapport à
13 ce qui a été écrit ici, et voici ma question : De qui
14 achetaient-ils les armes ces musulmans ?
15 R. Je m’excuse mais je ne trouve pas cette
16 phrase. Elle n’est pas à la page 2.
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur
18 l’Huissier, veuillez voir dans la version du conseil de la
19 Défense où se trouve cet endroit et ensuite montrez cela au
20 témoin parce que sinon, nous sommes en train de perdre
21 beaucoup de temps.
22 Est-ce que vous pouvez lire, Témoin, ce que l’on
23 vous a montré pour que l’on puisse être sûr s’il s’agit bel
24 et bien de la même phrase ?
25 R. J’ai trouvé maintenant mais tout à l’heure,
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1 vous n’avez pas bien expliqué où ça se trouvait parce que
2 c’est la dernière phrase de l’avant-dernier paragraphe.
3 « J’ai vu chez les musulmans certains fusils.
4 Certains musulmans disposant de l’argent achetaient des
5 armes. » Vous parlez de cette phrase-là ?
6 Me KOLESAR (interprétation) :
7 Q. Oui.
8 R. Oui. J’ai vu des fusils de chasse et j’ai
9 entendu dire que certains d’eux achetaient des armes.
10 Quelles armes, ça je n’ai pas vu.
11 Q. Mais est-ce que vous savez qui vendait les
12 armes ?
13 R. Non.
14 Q. Le nom « Senid Hasimpasic » surnommé
15 « Saja », est-ce qu’il vous dit quelque chose ?
16 R. Je connais ce nom.
17 Q. Quel était son métier avant la guerre ?
18 R. Il était commerçant. Il vendait des fruits.
19 Il avait un magasin de fruits.
20 Q. Est-ce que son nom était mentionné comme nom
21 de celui qui vendait les armes ?
22 R. Je ne sais pas.
23 Q. Très bien. Je souhaite revenir maintenant au
24 début de votre déclaration, deuxième paragraphe, tout de
25 suite après l’endroit où vos données personnelles sont
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1 énoncées. Vous parlez de la création des partis nationaux.
2 Ma question est la suivante : Quel est le parti
3 national qui a été créé à Foca avant les autres ?
4 R. Le SDA. Je n’étais pas sûr s’il s’agissait
5 de 1989 ou de 1990 mais apparemment, il s’agissait de 1990.
6 Q. Si je me souviens bien, vous avez dit que le
7 rassemblement a eu lieu à l’endroit appelé Pijesak ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que vous savez… tout d’abord, vous
10 avez dit que vous avez assisté à ce rassemblement ?
11 R. Pendant très peu de temps.
12 Q. Est-ce que vous savez, d’après votre
13 estimation, combien de personnes y ont assisté ?
14 R. J’ai lu ça dans la presse.
15 Q. Qu’avez-vous lu ?
16 R. Environ 40 000 personnes.
17 Q. Est-ce que vous avez lu dans la presse
18 également qu’il y avait entre 150 000 et 200 000
19 personnes ?
20 R. Ça, je ne sais pas.
21 Q. Est-ce qu’il s’agissait d’un rassemblement
22 impressionnant ?
23 R. Écoutez, pour moi, c’était la première fois à
24 Foca que j’ai vu un nombre aussi grand de personnes
25 rassemblées à un endroit.
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1 Me KOLESAR (interprétation) : Je demanderais à la
2 cabine technique de diffuser la cassette vidéo marquée D1,
3 la pièce à conviction de la Défense.
4 [Diffusion d’une cassette vidéo]
5 Me KOLESAR (interprétation) : Je remercie la
6 cabine technique et je m’excuse de la qualité de l’image et
7 du son, la qualité plutôt mauvaise.
8 Q. Après avoir vu cela, est-ce que vous admettez
9 la possibilité qu’il y avait peut-être plus que 40 000
10 personnes ?
11 R. [Hausse les épaules]
12 Q. Très bien. Vous m’entendez ?
13 R. Oui.
14 Q. Nous avons vu l’image tous. Vous avez dit
15 que vous avez assisté, peut-être pas pendant toute la
16 période.
17 Très bien, Monsieur Avdic, je vais répéter.
18 R. J’entends maintenant. Je m’excuse mais
19 j’entendais l’anglais et non pas le bosniaque.
20 Q. J’ai dit : Vous avez assisté au
21 rassemblement. Nous avons vu cette cassette vidéo. Mis à
22 part les drapeaux que l’on a vus qui ont été représentés
23 ici, est-ce qu’il y a eu d’autres drapeaux, des drapeaux
24 officiels ?
25 R. Je ne sais pas. Je ne faisais pas attention.
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1 Q. Est-ce que vous savez qui étaient les invités
2 présents ?
3 R. Je ne sais pas.
4 Q. Vous avez mentionné que Alija Izetbegovic a
5 parlé ?
6 R. Pour moi, Alija Izetbegovic, ce n’est pas un
7 invité.
8 Q. Très bien. Sulejman Ugljanin a-t-il assisté
9 à cette réunion ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ses propos ?
12 R. J’ai dit hier que j’y suis resté très peu de
13 temps, que j’ai entendu une partie du discours de Alija
14 Izetbegovic et que je suis parti, je suis rentré chez moi.
15 Q. Est-ce que vous vous souvenez quel était
16 l’ordre de l’apparition de Alija Izetbegovic ?
17 R. Non, je ne sais pas parce que je n’ai même
18 pas attendu la fin du discours. Je suis rentré chez moi.
19 Q. Est-ce que pendant ce rassemblement, pendant
20 que vous y étiez, ou bien est-ce que par la suite par le
21 biais des médias, vous avez pu apprendre quelque chose sur
22 les projets, sur la plate-forme politique qui a été
23 proclamée lors de ce rassemblement, entre autre que Foca
24 devait devenir un centre musulman mondial ?
25 R. Non.
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1 Q. Non. D’accord. D’après vous, ce
2 rassemblement, il s’agissait d’un rassemblement permettant
3 à promouvoir les musulmans ou bien les Bosniens ?
4 R. À promouvoir les Bosniens.
5 Q. Très bien.
6 Me KOLESAR (interprétation) : Je demanderais à la
7 cabine technique de diffuser la cassette vidéo de la
8 Défense qui a reçu la cote D2.
9 [Diffusion d’une cassette vidéo]
10 L’INTERPRÈTE :
11 « Sommes-nous des Serbes ? Sommes-nous peut-être
12 des Croates ?
13 « La foule : Non.
14 « Sommes-nous des musulmans ?
15 « La foule : Oui.
16 « Messieurs, Messieurs les journalistes, chers
17 amis, Serbes et Croates, ici vous avez eu l’occasion
18 d’entendre au nom de 3 millions de musulmans comment ce
19 peuple rassemblé ici répond qui nous sommes, et ce que nous
20 sommes, nous sommes les musulmans et mettez-vous ça bien
21 dans la tête une fois pour toute.
22 « Ceci est en même temps la réponse à tous ceux
23 qui pour quelque raison politique que ce soit se déclarent
24 en tant que Serbe ou Croate alors qu’ils appartiennent à la
25 confession musulmane et qui disent que le SDA ne leur
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1 convient pas puisqu’il s’agit d’un parti trop vert. Je
2 leur réponds depuis cet endroit : Il faut bien que ce soit
3 vert parce que c’est le nôtre. »
4 Me KOLESAR (interprétation) :
5 Q. Est-ce que vous avez assisté au discours de
6 Semso ?
7 R. Non.
8 Q. Et vous n’avez pas entendu parler de ce
9 discours par le biais des médias ?
10 R. Non.
11 Q. Le nom de Sljivo Fadil vous dit quelque
12 chose ?
13 R. Je connais cette personne.
14 Q. Vous le connaissez. Et Esef Celik ? Je
15 pense que c’est Efet.
16 R. Non.
17 Q. Quel est son nom alors ?
18 R. Esef.
19 Q. Esef ?
20 R. Oui.
21 Q. Qu’est-ce qu’ils avaient comme formation ?
22 R. Je pense qu’ils étaient diplômés de
23 l’université. Je ne sais pas si tout le monde était
24 diplômé, mais Esef Celik, il était diplômé d’une faculté.
25 Q. La première page de votre déclaration,
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1 premier paragraphe, vous avez parlé du club serbe de
2 culture intitulé Prosvejta. Est-ce qu’au sein du SDA, il y
3 avait également un club des musulmans de réputation et de
4 culture, enfin, de formation, de haute formation ?
5 R. Je ne sais pas, mais je sais qu’il y avait un
6 club, un club qui était un club éducatif si on peut appeler
7 ça, mais pas des musulmans.
8 Q. Ce club, il rassemblait quel groupe
9 ethnique ?
10 R. Je pense que tous les groupes ethniques
11 auraient pu être membres de ce club.
12 Q. Est-ce que le club dont vous parlez est celui
13 où agissait Vojislav Maksimovic ?
14 R. Non. C’est un autre club. C’est un club
15 serbe.
16 Q. Alors, vous n’avez rien à nous dire au sujet
17 de ce club des musulmans diplômés universitaires ?
18 R. Non. Je ne connais même pas que ce club
19 existait et qu’ils avaient organisé une réunion dont vous
20 venez de parler.
21 Me KOLESAR (interprétation) : Je vais demander
22 l’aide de l’huissier pour remettre au témoin une pièce à
23 conviction qui est D4 de la Défense.
24 Q. Est-ce que vous pouvez trouver s’il vous
25 plaît, Monsieur le Témoin, votre nom sur la liste qui va
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1 vous être présentée ?
2 LA GREFFIÈRE : Cette pièce à conviction n’avait
3 pas été admise au titre des pièces à conviction. Elle
4 avait reçu une cote D4 pour identification seulement.
5 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, c’est tout à
6 fait cela.
7 Q. Je vais vous demander, s’il vous plaît, de
8 chercher la version en B/C/S. De toute façon, vous avez
9 d’abord la version anglaise, ensuite en B/C/S. Si vous
10 voulez bien jeter un coup d’œil, parcourir cette version en
11 B/C/S. Il y a d’abord donc une feuille de route. C’est le
12 programme des activités. Ensuite, il y a la liste qui suit
13 cette feuille de route.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : On pourrait
15 peut-être demander également à l’huissier d’aider le témoin
16 de regarder le document de Me Kolesar, de lui montrer par
17 la suite où ça se trouve. Comme ça, on ne perd pas de
18 temps.
19 Me KOLESAR (interprétation) : Voilà, c’est ici à
20 cet endroit-là.
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : J’ai juste vu le
23 document.
24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld,
25 je ne vous ai pas compris. Est-ce que vous pouvez répéter
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1 ?
2 Me RYNEVELD (interprétation) : Est-ce que nous
3 pouvons voir les documents, s’il vous plaît, pour être sûr
4 de quels documents s’agit-il ?
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui,
6 d’accord.
7 Me RYNEVELD (interprétation) : Nous venons de le
8 trouver.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, vous
10 voulez bien montrer au témoin l’endroit où ça se trouve,
11 s’il vous plaît ? Est-ce que vous pouvez également montrer
12 le même document au Bureau du Procureur ? Comme ça, ils
13 vont être sûrs qu’il s’agit du même document.
14 Me KOLESAR (interprétation) :
15 Q. Pourriez-vous me dire : sous le numéro 13, il
16 y a un nom. Est-ce que vous pouvez nous lire ce nom ?
17 R. Ce n’est pas tout à fait lisible, mais je
18 pense que c’est marqué Safet Avdic.
19 Q. Diplômé de la faculté des eaux et forêts ?
20 R. Oui.
21 Q. Par conséquent, il s’agit de la liste des
22 personnes présentes diplômées, éducatives, appartenant à la
23 communauté ethnique musulmane qui assistaient à cette
24 réunion organisée par le club à Foca ?
25 R. C’est vrai.
Page 770
1 Q. Vous avez dit que vous n’étiez pas au
2 courant.
3 R. C’est vrai, je ne suis pas au courant.
4 Q. Vous maintenez cela ?
5 R. Oui.
6 Me KOLESAR (interprétation) : Étant donné que le
7 Procureur a déjà dit qu’il disposait de ce document, que le
8 témoin l’avait identifié, est-ce que nous pouvons
9 maintenant le verser au dossier comme une pièce à
10 conviction ?
11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Y a-t-il des
12 objections de la part du Bureau du Procureur ?
13 Me KUO (interprétation) : Il est vrai que nous
14 avons ce document mais en B/C/S et pas en langue anglaise.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,
16 est-ce qu’il y a la traduction en anglais ?
17 Me KOLESAR (interprétation) : Oui.
18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
19 c’est auprès du greffe que la traduction a été faite ?
20 Me KOLESAR (interprétation) : C’est notre
21 traduction. C’est nous qui avons traduit vers l’anglais.
22 [La Chambre discute]
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
24 vous avez vu la traduction anglaise ? Je m’adresse bien
25 évidemment à l’Accusation.
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1 Me KUO (interprétation) : Nous n’avons pas
2 toujours cette version anglaise.
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,
4 je vous en prie.
5 Me KOLESAR (interprétation) : [Hors microphone]
6 Madame la Présidente, d’après mes collègues qui étaient
7 dans le procès avant moi, en ce qui concerne la coopération
8 avec le Procureur, au moment où nous présentons les
9 documents en langue B/C/S, normalement, on présente
10 également la traduction, notre propre traduction bien
11 évidemment en langue anglaise.
12 Par conséquent, le document dont je parle en ce
13 moment et que je propose également de verser au dossier a
14 été reçu par le Procureur le 31 mai 1999 et aussi bien
15 version B/C/S que version anglaise. C’est tout simplement
16 au greffe que nous n’avons pas donné une copie version
17 anglaise et aux Juges, mais sinon, le Procureur dispose de
18 ce document, de la version.
19 Me KUO (interprétation) : Oui effectivement, on a
20 eu un certain nombre de traductions de documents mais
21 j’avoue que je ne vois pas ce document.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,
23 au moment où vous avez présenté tous ces documents, est-ce
24 qu’éventuellement, il y avait quelqu’un qui avait signé
25 tout ce qu’il avait reçu parce que ceci arrive souvent et
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1 il y a énormément de personnes qui travaillent dans la même
2 affaire au Bureau du Procureur et ceci est arrivé également
3 dans d’autres affaires. Par conséquent, il est
4 indispensable que vous ayez la signature pour avoir la
5 preuve par la suite que tous ces documents ont été remis.
6 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, j’ai la
7 signature. Sinon, bien évidemment, je n’aurais pas parlé
8 de ça mais je ne pense pas que maintenant, il est
9 indispensable de perdre beaucoup de temps.
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je parle de
11 la signature, de la signature de la personne au Bureau du
12 Procureur qui avait reçu le document. L’huissier peut-il
13 m’apporter le document pour que je puisse voir la signature
14 ou le greffe ? Non, ce n’est pas moi qui souhaite
15 identifier la signature. Je ne sais même pas qui signe.
16 C’est Madame Kuo qui va le faire.
17 Bon. C’est un document qui a été signé
18 véritablement et il appartient à votre équipe ?
19 Me KUO (interprétation) : Oui, effectivement.
20 Nous disposons de ces documents, mais comme je l’ai dit,
21 nous n’avons pas la traduction anglaise. Nous sommes bien
22 évidemment prêts pour poursuivre car là maintenant, j’ai la
23 version anglaise. J’ai le temps pour parcourir le
24 document.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
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1 vous avez une objection pour que ce document soit versé au
2 dossier ?
3 Me KUO (interprétation) : Non.
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,
5 ce témoin vient de déclarer qu’il n’était pas au courant au
6 sujet de ce document.
7 Me KOLESAR (interprétation) : C’est vrai, Madame
8 la Présidente, mais quand on lui a remis le document, quand
9 il a examiné le titre, il a pu constater qu’il s’agissait
10 de la liste de ceux qui ont été présents à la réunion et il
11 y a le nom de Monsieur Avdic qui y figure. Lui, il dit
12 qu’il ne sait rien à ce sujet-là. Je ne sais pas si on
13 pouvait véritablement justifier cela pour refuser le
14 versement au dossier.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : On va voir
16 un petit peu. Par conséquent, il y a la liste des
17 personnes qui étaient présentes à une réunion. De quoi
18 s’agit-il ?
19 Me KOLESAR (interprétation) : Il s’agit par
20 conséquent d’une réunion qui a été organisée par des
21 musulmans, musulmans de réputation qui appuyaient la
22 politique du Parti SDA qui avaient été présents ensemble
23 avec d’autres représentants du comité municipal du SDA de
24 Foca pour discuter des choses différentes.
25 Donc, il y a cette liste et en bas de la colonne,
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1 il est marqué si on est membre du Parti SDA, s’il a payé ou
2 non la cotisation. Pour Monsieur Avdic, il est marqué
3 qu’il n’était pas membre du SDA et par conséquent je
4 voulais tout simplement vérifier s’il avait été présent ou
5 non à cette réunion. Je ne vérifie pas s’il était membre
6 ou pas du SDA car il n’en était pas.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le témoin
8 doit répondre tout simplement à la question que vous lui
9 posez.
10 Est-ce que vous étiez présent ou non à la
11 réunion ?
12 R. Personnellement, je ne suis pas au courant de
13 cette réunion. Il y a la liste des musulmans intellectuels
14 qui existent et n’importe qui peut l’établir et il y a une
15 liste des intellectuels serbes, des Croates, et cætera.
16 Par conséquent, je maintiens que je ne suis pas au courant
17 d’une telle réunion et que je n’ai jamais assisté à une
18 réunion de tel type.
19 Mais s’il s’agit de l’organisation, à ce moment-
20 là, je peux dire que j’étais au comité d’initiative qui
21 avait été à l’origine de la création d’une société
22 culturelle. Ça devait être une société donc conjointe des
23 Serbes, des musulmans et des Croates et moi, j’ai été
24 membre du comité d’initiative qui était à l’origine de la
25 mise en place de telles sociétés et il y avait une autre
Page 775
1 société qui a été créée et qui était purement serbe et
2 après cela, nous avons donc souhaité mettre en place cette
3 société mixte.
4 Par conséquent, en ce qui concerne le document, il
5 y a effectivement mon nom et mon prénom, mais comme je l’ai
6 déjà précisé, cette liste aurait pu être établie par
7 n’importe qui, le programme de travail également. Ceux qui
8 étaient présents, on ne voit pas la date, on ne sait pas
9 quand cette réunion a eu lieu et moi, je ne suis pas au
10 courant.
11 Moi, je maintiens, et je l’ai déjà dit, que j’ai
12 été membre du comité d’initiative pour la création d’une
13 association culturelle qui aurait dû rassembler les
14 musulmans mais les Serbes également et les Croates. Nous
15 avons eu l’intention de créer une association culturelle
16 qui aurait été mixte et qui aurait couvert la municipalité
17 de Foca. Sinon, le document que j’ai, moi, je ne suis pas
18 au courant.
19 [La Chambre discute]
20 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Kuo, est-ce
21 que l’Accusation accepte l’authenticité du document ?
22 Me KUO (interprétation) : Nous contestons le
23 contenu.
24 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Par
25 conséquent, vous n’acceptez pas l’authenticité du document.
Page 776
1 Me Kolesar, comment pouvez-vous prouver que le
2 document est ce que vous affirmez qu’il est ?
3 Me KOLESAR (interprétation) : Monsieur le Juge,
4 il n’y a pas de signature sur la liste.
5 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Excusez-moi,
6 Me Kolesar. Je pense que vous n’avez pas bien compris la
7 question. Il s’agit d’un document. Ce document aurait pu
8 être dactylographié hier, par exemple hier soir. Comment
9 pouvez-vous affirmer que ce document a été établi au moment
10 où vous le dites, qu’il s’agit de quelque chose
11 d’officiel ?
12 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
13 Présidente, est-ce que je peux dire quelque chose parce que
14 je suis quelque peu plus au courant ?
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
16 prie, allez-y.
17 Me PRODANOVIC (interprétation) : Tous les
18 documents que nous avons eu l’intention de présenter, nous
19 les avons mis à la disposition au Bureau du Procureur et
20 dans le cadre de ces documents, il y avait également ce
21 document. Il s’agit, par conséquent, des documents qui ont
22 été pris dans le bureau du SDA et c’était confisqué dans le
23 bureau du SDA. Par conséquent, dans le cadre de ces
24 documents se trouvait également ce document.
25 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Dans ce cas-
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1 là, l’Accusation devrait accepter ce document, mais si je
2 comprends bien, ils ne l’ont pas accepté. Supposons un
3 instant qu’il s’agit véritablement d’un document qui a une
4 valeur juridique, par conséquent, supposons qu’il était
5 membre du SDA, mais quel est l’objectif outre la question
6 politique que vous posez ?
7 Me KOLESAR (interprétation) : Ce n’est absolument
8 pas une question politique que je pose. Je voulais tout
9 simplement vérifier la crédibilité du témoin étant donné
10 que sur la page numéro 2 de sa propre déclaration, premier
11 paragraphe, il parle de la création des partis nationaux.
12 Il l’a répété lors de la déposition hier également. Il a
13 tout simplement avancé une phrase, il a cité une phrase de
14 Radovan Karadzic qui allait à l’encontre des musulmans et
15 une autre phrase du discours de Alija Izetbegovic qui
16 allait plutôt en faveur des musulmans.
17 Par conséquent, dans ce paragraphe, le témoin
18 parle du centre culturel Prosvjeta serbe et par conséquent
19 je lui pose la question si au sein du SDA également, il y
20 avait une société de tel type parce qu’il s’agissait tout
21 simplement d’une réunion des intellectuels, des gens qui
22 étaient de grande réputation, musulmans, donc les cerveaux
23 de Foca et qui tout simplement avaient appuyé le programme
24 du SDA.
25 La première page avant la liste, il y a le
Page 778
1 programme, le programme des activités du club qui a été
2 donc signé. Bien évidemment, je ne sais pas si on va une
3 fois de plus contester l’authenticité de ces signatures
4 mais cette liste fait partie intégrante du programme des
5 activités du club et je voulais tout simplement soulever
6 cette question.
7 Ça n’a rien à voir avec l’aspect politique. Le
8 témoin, dans sa déclaration, signale ce que Ostojic avait
9 dit, ce que Maksimovic avait dit, alors qu’il n’a
10 absolument pas répété ce que les dirigeants du SDA avaient
11 dit à la même époque.
12 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : En d’autres
13 termes, c’est tout simplement la crédibilité que vous posez
14 parce que dans sa déclaration, il n’a pas tout simplement
15 parlé d’un certain nombre de faits concernant le SDA parce
16 qu’il aurait dû en parler ?
17 Me KOLESAR (interprétation) : Non. Je n’ai pas
18 dit qu’il était membre du SDA mais il était sympathisant.
19 Il était intellectuel. Il était habitant de Foca. Par
20 conséquent, il était au courant. Il avait suivi un certain
21 nombre de rassemblements par la télévision, par les masses
22 médias. Il aurait pu apprendre un certain nombre
23 d’informations car les partis nationaux figuraient, on en
24 parlait dans tous les journaux, alors qu’il ne parle pas du
25 tout du SDA. Il ne sait strictement rien alors qu’il sait
Page 779
1 tout sur le SDS. C’est la raison pour laquelle je pose la
2 question de sa crédibilité et de sa fiabilité.
3 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Par
4 conséquent, outre un certain nombre de commentaires, il y a
5 bien évidemment cette crédibilité que vous mettez en cause,
6 mais la question que je me pose, c’est la question
7 d’authenticité.
8 Je pense qu’il faudrait absolument que vous vous
9 mettiez en contact avec l’Accusation et que vous voyiez si
10 l’Accusation accepte ou non ce document.
11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : En d’autres
12 termes, Me Kolesar, ce document ne peut pas être en ce
13 moment même versé au dossier. Il faudrait éventuellement
14 citer votre propre témoin pour verser au dossier ce
15 document et maintenant, vous pouvez poursuivre si vous
16 voulez bien.
17 Me KOLESAR (interprétation) : Merci. Je vais
18 tout simplement demander au témoin ou à l’huissier de bien
19 vouloir me remettre ce document.
20 R. Madame la Présidente, est-ce que je peux dire
21 quelque chose ?
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, je vous
23 en prie.
24 R. J’affirme et il est parfaitement sûr quand Me
25 Kolesar dit sympathisant du SDA, vous pouvez constater que
Page 780
1 la plupart n’était pas membre du SDA. Il en ressort de ce
2 document. En ce qui me concerne, moi, j’étais contre la
3 création des partis nationaux car moi, je n’ai jamais
4 épousé cette idée, un parti national.
5 Moi, j’ai toujours vécu ensemble avec les Serbes,
6 avec les Croates, avec les musulmans, et en ce qui me
7 concerne, les intellectuels de tout groupe ethnique se
8 rendaient chez moi et davantage de ceux qui me voyaient
9 étaient des Serbes que d’autres.
10 Par conséquent, je peux même si vous voulez vous
11 citer les noms de tous ceux qui étaient nos collaborateurs
12 en tant qu’ingénieur des eaux et des forêts, beaucoup plus
13 donc avec les professionnels serbes qu’avec les musulmans.
14 La majorité des intellectuels à Foca étaient contre la
15 création des partis nationaux d’un seul groupe ethnique.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
17 le Maître peut poursuivre, s’il vous plaît, Monsieur le
18 Témoin ?
19 Me KOLESAR (interprétation) :
20 Q. Je voudrais tout simplement que vous reveniez
21 quelque peu à ce que vous avez dit dans votre déclaration.
22 Nous restons sur la page 2, quatrième paragraphe qui débute
23 avec les termes (je cite) :
24 « Le SDS a bloqué les activités d’un certain
25 nombre d’autorités politiques, les Serbes ont obstrué les
Page 781
1 activités au sein du Parlement municipal et c’est pourquoi
2 on n’a jamais pu voter quoi que ce soit parce qu’il n’y
3 avait pas du quorum. »
4 Est-ce que c’est bien marqué dans votre
5 déclaration en B/C/S ?
6 R. Oui.
7 Q. Après les élections pour les autorités
8 municipales en 1991, d’après vous, quelle était la
9 composition en fonction des membres du parti ? Combien de
10 députés, des élus qui étaient membres du SDS, du SDA ou
11 autres partis qui ont été créés à ce moment-là ?
12 R. Je ne suis pas au courant.
13 Q. Comment vous affirmez que le SDS a paralysé
14 le fonctionnement des institutions ?
15 R. C’était des rumeurs.
16 Q. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi qu’il
17 y avait 69 députés au total et 35 membres du SDA ?
18 R. Je ne connais pas la structure du Parlement
19 de Foca.
20 Q. S’il est vrai ce que je viens de dire, si 34
21 membres sont des musulmans membres du SDA sur 69, comment
22 le SDS peut-il paralyser leurs activités ?
23 R. Je ne sais pas, mais je sais que souvent le
24 Parlement ne pouvait pas siéger tout simplement parce qu’il
25 n’y avait pas du quorum.
Page 782
1 Q. Est-ce que vous êtes au courant qu’en ce qui
2 concerne des postes de responsabilités au niveau de
3 l’assemblée, il y avait une parité entre les musulmans et
4 les Serbes ?
5 R. À ma connaissance, il y avait effectivement
6 la parité qui était respectée. Par conséquent, si le maire
7 est musulman, à ce moment-là, dans l’exécutif, c’est les
8 Serbes et l’inverse.
9 Q. Par conséquent, il y avait un équilibre,
10 n’est-ce pas ?
11 R. Oui, tout à fait.
12 Q. Conviendrez-vous avec moi qu’en ce qui
13 concerne le Parlement également, il y avait un équilibre
14 qui était maintenu ?
15 R. Est-ce que c’est moi qui peux vous poser la
16 question ? Si les députés serbes, par exemple,
17 considéraient qu’il y avait des choses qui ne convenaient
18 pas, qui ne leur convenaient pas, à ce moment-là, ils ne se
19 rendaient pas à la réunion du Parlement et c’est la raison
20 pour laquelle le Parlement était pratiquement paralysé.
21 C’est ça que j’ai entendu dire par un certain
22 nombre de députés parce que tout simplement, s’il y avait
23 des sujets qui étaient à l’ordre du jour et qui ne
24 convenaient pas aux Serbes, ils ne venaient pas.
25 Q. Nous le savons, vous et moi, mais nous allons
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1 apprendre également aux Juges que chez nous, il est
2 indispensable que la moitié des députés soient présents
3 pour que les activités soient organisées au sein du
4 Parlement. Donc, il n’est pas indispensable que tout le
5 monde y soit ?
6 R. C’est ce que moi, je connais. C’est ce qu’on
7 m’avait dit.
8 Q. Par conséquent, vous l’avez appris par
9 d’autres ?
10 R. Oui.
11 Q. J’ai encore une autre question. Vous avez
12 dit hier à la fin de votre déposition que vous avez été
13 détenu le 19 mai et que vous êtes resté jusqu’à quelle
14 date ?
15 R. Jusqu’au 5 octobre 1994.
16 Q. Que s’est-il passé ensuite ?
17 R. Ensuite, nous avons été transportés jusqu’à
18 Kula à Sarajevo et le lendemain dans la matinée, nous avons
19 été échangés sur les ponts Bratstvo et Edinstvo, Fraternité
20 Égalité.
21 Q. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que voulez-
22 vous dire quand vous dites que vous avez fait l’objet d’un
23 échange ?
24 R. La Croix-Rouge Internationale.
25 Q. D’accord.
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1 R. Donc, ils nous ont transportés de l’autre
2 côté et l’échange, le terme « échange », je n’ai jamais vu
3 un Serbe qui a été donné en échange de moi, par exemple.
4 Q. Est-ce que cela veut dire que des musulmans
5 ont été échangés contre des Serbes ?
6 R. Excusez-moi, je ne sais pas car la Croix-
7 Rouge Internationale nous avait pris à Kula à Sarajevo.
8 Q. Oui. Cela, je le comprends, mais je ne vois
9 pas contre qui vous avez été échangé, en échange de qui.
10 R. On nous a dit à Foca, les policiers nous ont
11 dit de prendre nos affaires parce que nous allons faire
12 l’objet d’un échange et nous n’avons pas reçu d’autres
13 explications.
14 Q. Est-ce que votre groupe de musulmans a été
15 échangé contre un autre groupe de musulmans ?
16 R. Je ne vous ai pas compris.
17 Q. Est-ce que votre groupe, le groupe de
18 prisonniers de Foca, a été échangé contre un autre groupe
19 de musulmans ?
20 R. Je ne sais pas car les policiers du KP Dom
21 nous ont dit que nous allons faire l’objet d’un échange.
22 Q. Est-ce que vous acceptez la possibilité que
23 des prisonniers musulmans ont été échangés contre des
24 prisonniers civils de nationalité serbe ?
25 R. Au sein du KP Dom, jusqu’à ce moment, il y a
Page 785
1 eu un certain nombre de groupes d’hommes qui ont été
2 appelés par des gardiens…
3 Q. Excusez-moi, je vous pose une question
4 concrète.
5 R. Je vous donne une réponse concrète.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : S’il vous
7 plaît, Maître, laissez le témoin terminer sa réponse et
8 s’il répond à côté, si je puis dire, la Chambre va le dire
9 au témoin.
10 R. Voilà ! Moi, je veux vous expliquer ce que
11 j’entends par échange. Il y a eu un certain nombre de
12 groupes qui devaient partie du KP Dom. Alors, à cette
13 occasion-là, un gardien venait dans la pièce, il appelait
14 un certain nombre de détenus, il leur disait : « Prenez vos
15 affaires personnelles, vous allez faire l’objet d’un
16 échange. » Le 5 octobre 1994, nous avons entendu cette
17 même phrase et rien d’autre.
18 Q. Le dernier point qui m’intéresse : Vous avez
19 dit que vous étiez directeur de la branche forestière de
20 votre entreprise ?
21 R. Oui, pendant 10 ans.
22 Q. Et vous m’avez dit que vous étiez membre du
23 parti communiste yougoslave, de la Ligue communiste depuis
24 1982 puisque c’était la raison, c’était la condition pour
25 devenir le directeur. (L’interprète se reprend) C’était
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1 l’année 1970.
2 Combien de temps êtes-vous resté à cette
3 position ?
4 R. Je suis resté à ce poste pendant une dizaine
5 d’années et vers la fin, il y a eu deux grèves à Celebici,
6 ensuite dans un autre endroit. Quatre-vingt-dix pour cent
7 des personnes qui étaient employées étaient des Serbes.
8 Les directeurs étaient aussi des Serbes. Ensuite, ces
9 grèves se sont élargies sur le territoire de Vrbnica et
10 encore plus loin. La raison de ces grèves était les
11 salaires qui étaient très bas, mais moi, je ne pouvais pas
12 décider de la hauteur de ces salaires. C’était le
13 directeur général qui décidait du montant des salaires.
14 Pendant ces grèves et vers la fin des grèves, le
15 personnel technique au sein de l’entreprise à Foca… si vous
16 voulez, je peux énumérer ces personnes. C’était des
17 personnes de nationalité serbe exclusivement qui m’ont
18 appelé. Ils m’ont convoqué dans leurs bureaux pour me dire
19 que je devais démissionner : Milojica Damjanovic, Milorad
20 Popovic.
21 Q. Vous deviez démissionner de quelle fonction ?
22 R. De la fonction du directeur de la branche
23 forestière à Foca alors que mon mandat n’arrivait pas à la
24 fin.
25 Q. Est-ce que pendant votre carrière, vous avez
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1 travaillé en tant qu’adjoint au directeur général ?
2 R. Non, jamais.
3 Q. Quel était l’organigramme de votre
4 entreprise ?
5 R. Il y avait la direction générale…
6 Q. Non, non, excusez-moi. Je parle de la
7 structure nationale.
8 R. Il y avait plus de personnes de nationalité
9 serbe que de nationalité musulmane.
10 Q. Pourriez-vous nous dire quelles étaient les
11 proportions ?
12 R. Dans les dernières années, il y avait 65 pour
13 cent des Serbes au poste des dirigeants et à peu près 35
14 pour cent des musulmans. Donc, la branche de forêt avait
15 quatre subdivisions où travaillaient entre 80 et 120
16 ouvriers qui étaient tous Serbes.
17 Q. Je vais vous poser une question. Quelle
18 était la nationalité de Safet Veja ? Quelle était sa
19 fonction plutôt ?
20 R. Safet Veja – ça fait longtemps – il a
21 travaillé comme juriste. Il travaillait dans la direction
22 des affaires juridiques.
23 Q. Était-il adjoint ou directeur des affaires
24 juridiques ?
25 R. Il travaillait dans les affaires juridiques.
Page 788
1 Je ne sais pas s’il était adjoint du directeur mais il
2 était aussi directeur des services juridiques.
3 Q. Quand ?
4 R. Dans les quatre, cinq dernières années.
5 Q. Hasan Pilav ?
6 R. Hasan Pilav était dans la direction. Il
7 travaillait dans la direction. C’était des questions de
8 série et Jovo Milosevic était le directeur.
9 Q. Dzvad Lojo ?
10 R. Dzevad Lojo a travaillé dans la direction.
11 Il était coordinateur de planche.
12 Q. Et Ahmed Hasanbegovic ?
13 R. Il travaillait dans la centrale thermale.
14 Q. Quelle était sa fonction ?
15 R. Il était directeur.
16 Q. Mirsad Majstorovic ?
17 R. Mirsad Majstorovic travaillait dans la
18 comptabilité.
19 Q. Quelle était sa fonction exacte ?
20 R. Il était chef de comptabilité et le directeur
21 était Rade Miletic.
22 Q. Et Pohara Suljo ?
23 R. Pohara Suljo ?
24 Q. Êtes-vous d’accord de dire qu’il était
25 directeur de Polinka ?
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1 R. Il s’agit de la région de Rudo.
2 Q. Peu importe. Il s’agit de la compagnie de
3 Maglic.
4 R. Je ne sais pas mais Polinka Rudo a été
5 dissoute. Cette branche a été dissoute.
6 Q. Et qui était le directeur de l’organisation
7 du travail ?
8 R. C’était Sefkija Kulesman.
9 Q. La question que je voudrais vous poser c’est
10 de savoir quelle était la nationalité de ces personnes.
11 R. Si vous voulez, moi, je peux vous énumérer…
12 je peux vous poser la question : Quels étaient les Serbes
13 qui ont travaillé dans cette entreprise ?
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous ne
15 pouvez pas poser des questions au conseil. Vous êtes là
16 pour répondre aux questions des conseils.
17 Me KOLESAR (interprétation) :
18 Q. Est-il exact que toutes ces personnes étaient
19 de nationalité musulmane ?
20 R. Je ne sais pas si elles étaient de
21 nationalité musulmane. Toujours est-il qu’elles avaient
22 des noms musulmans.
23 Q. Seriez-vous d’accord avec moi pour dire que
24 ces personnes que je viens d’énumérer représentent un
25 nombre de personnes assez important pour permettre le
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1 déroulement normal des opérations d’une entreprise et vous
2 seriez d’accord avec moi pour dire que j’ai énuméré des
3 dirigeants musulmans bien qu’il y ait eu des dirigeants
4 serbes et que cette structure où il y avait des personnes,
5 des dirigeants pour des questions de forêt, des questions
6 d’investissement, des questions de comptabilité, des
7 questions de droit, de service juridique, vous seriez
8 d’accord avoir moi pour dire que c’était des fonctions
9 importantes et qu’il existait une certaine parité entre les
10 musulmans et les Serbes et que les musulmans étaient donc
11 en mesure de se confronter pour ainsi dire aux Serbes pour
12 que les Serbes n’obstruent pas le travail de l’entreprise ?
13 R. C’était des personnes qui se trouvaient à des
14 places importantes mais elles ne pouvaient pas prendre des
15 décisions concernant les conditions de travail des ouvriers
16 dans cette entreprise. Aucun de ces dirigeants, de chefs
17 de service plutôt ne pouvait décider sur le montant des
18 salaires ou les conditions de travail sans l’accord de la
19 direction générale ou du directeur principal. Donc, leur
20 champ d’action était très étroit et ils avaient des
21 questions d’organisation sur les terrains. Ils avaient
22 pour la charge l’organisation technologique et matérielle
23 mais les fonctions commerciales, de comptabilité, de la
24 répartition des moyens, ces fonctions-là relevaient de la
25 direction générale.
Page 791
1 Q. Est-ce que nous sommes d’accord pour dire que
2 les adjoints au directeur ou les adjoints étaient membres
3 du comité des directions et que des décisions étaient
4 prises de façon conjointe, et quand on parle des directeurs
5 des organisations, des unités de travail, ils travaillaient
6 en accord avec les statuts, les lois et l’organisation en
7 vigueur ?
8 R. Ces dirigeants ne pouvaient pas prendre les
9 décisions les plus importantes au sein de l’unité
10 organisationnelle dans laquelle ils travaillaient.
11 Q. Je vais vous poser la question autrement.
12 Dans l’organisation du travail, quels étaient les conseils
13 d’administration ?
14 R. Il y avait le directeur général. C’était un
15 Serbe.
16 Q. Je ne vous demande pas la nationalité. Je
17 vous demande quelles étaient les fonctions, les fonctions
18 des personnes qui étaient membres de ces conseils.
19 R. Le directeur général, le directeur technique,
20 les chefs de comptabilité, les chefs de planification, les
21 chefs de développement.
22 Q. Ce sont les personnes que je viens
23 d’énumérer ?
24 R. Ce sont les fonctions, pas les personnes.
25 Vous n’avez pas lu les noms de personnes.
Page 792
1 Q. Moi, j’ai lu les noms des personnes et les
2 fonctions.
3 Me KOLESAR (interprétation) : Je vous remercie.
4 Je n’ai plus d’autres questions.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
6 Prodanovic, avez-vous des questions ?
7 Me PILIPOVIC (interprétation) : Bonjour. Au nom
8 de la Défense de Monsieur Kunarac et en tant que co-conseil
9 de Me Prodanovic, je vais poser des questions au témoin.
10 CONTRE-INTERROGÉ PAR Me
11 PILIPOVIC (interprétation) :
12 R. Témoin, pouvons-nous continuer ? Vous avez
13 devant vous votre déclaration que vous avez donnée aux
14 enquêteurs du Bureau du Procureur le 16 et le 18 octobre
15 1995. Je voudrais attirer votre attention sur le
16 paragraphe 3 sur la deuxième page de cette déclaration.
17 Vous avez dit que sept ou huit mois avant le début
18 de la guerre à Foca, les Serbes ont essayé de prendre le
19 contrôle sur la firme Focatrans et les employés menés par
20 Jovan Vukovic ont volé des véhicules et ils ont organisé
21 une grève. Les musulmans se sont organisés également. Ils
22 ont protégé leur compagnie et c’était le début de tous les
23 problèmes à Foca.
24 Pourriez-vous nous dire quand vous avez appris de
25 ces problèmes à Focatrans ?
Page 793
1 R. Les problèmes ont commencé avec la grève des
2 ouvriers de Focatrans. C’était des ouvriers de nationalité
3 serbe principalement et ils étaient rassemblés autour de la
4 municipalité dans la région de Maglic et moi, je
5 travaillais à l’époque à cet endroit et j’ai pu le voir.
6 Q. Donc, vous dites que ce sont les Serbes qui
7 ont organisé et qui ont participé à cette grève ?
8 R. C’est ce que je sais.
9 Q. Et vous vous basé sur quoi exactement ?
10 R. C’est ce qu’on disait.
11 Q. Si je vous dis qu’il s’agissait d’une grève
12 commune, vous vous en souvenez ?
13 R. Moi, je sais qu’il y a eu deux ou trois
14 autobus qui étaient garés à côté de Maglic et que les
15 ouvriers de Focatrans se rassemblaient à cet endroit, et
16 moi, je les ai vus quand je me suis rendu à mon travail.
17 Q. Savez-vous qui était le directeur de
18 Focatrans ?
19 R. C’était un musulman.
20 Q. Savez-vous quelle était la raison de cette
21 grève ?
22 R. Pour autant que je le sache, ce que j’ai
23 entendu en tout cas, c’est que c’était à cause du
24 licenciement de Jovan Vukovic pour des raisons de
25 discipline. C’est l’information que j’ai eue.
Page 794
1 Q. Seriez-vous d’accord avec nous pour dire que
2 c’est le comité de grève qui a organisé la grève et que la
3 raison de cette grève était les salaires qui étaient très
4 bas et on demandait aussi le remplacement du directeur pour
5 lequel les ouvriers des deux côtés, les musulmans et les
6 Serbes, disaient qu’il était alcoolique et qu’il menait
7 l’entreprise vers la faillite ?
8 R. Je n’en sais rien.
9 Q. Donc, vous ne savez pas qu’il existait un
10 comité de grève et qu’au sein de ce comité, il y avait
11 quatre musulmans et quatre Serbes ?
12 R. Je ne peux pas l’infirmer ni le confirmer.
13 Q. Est-ce que je peux vous rappeler les noms des
14 membres du comité de grève ?
15 R. Je ne le nie pas, je ne l’infirme pas et je
16 ne le confirme pas. Donc, je n’ai pas besoin des noms.
17 Q. Donc, vous ne pouvez pas confirmer non plus
18 que le comité de grève demandait la hausse des salaires des
19 ouvriers ainsi que le remplacement du directeur ? Est-ce
20 que vous êtes en mesure de le confirmer ?
21 R. Non. Je ne le sais pas. Je ne connais pas
22 la situation générale.
23 Q. Mais vous avez tout de même dit dans votre
24 déclaration que c’était bien cela qui était le début de
25 tout le problème à Foca ?
Page 795
1 R. C’était mon opinion personnelle. Il s’agit
2 de ma déclaration personnelle. Si c’était mon opinion
3 personnelle, cela ne veut pas dire que c’est la même
4 opinion que l’opinion des autres.
5 Q. Pourriez-vous nous dire sur quoi vous vous
6 fondez pour le dire ?
7 R. Je l’ai entendu des autres personnes. C’est
8 ce qu’on disait autour de moi.
9 Q. Est-ce que vous avez été informé par ces
10 mêmes personnes que l’affaire de Focatrans a provoqué une
11 division dans la population de Foca ?
12 R. [Aucune réponse audible]
13 Q. Savez-vous qu’à cause de cette grève au sein
14 de la société Focatrans, la commission du travail associé a
15 siégé ?
16 R. Non.
17 Q. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour
18 dire que le comité municipal, exécutif municipal de Foca a
19 décidé de destituer les dirigeants et qu’au sein de ce
20 comité siégeaient deux musulmans et un Serbe ?
21 R. Non. Je ne suis pas au courant de cette
22 décision.
23 Q. Donc, vous savez que le conseil de la
24 municipalité a pris cette décision ?
25 R. Je sais qu’on a discuté de cela mais je ne
Page 796
1 connais pas quelles étaient les conclusions.
2 Q. Saviez-vous qu’on pouvait acheter les armes
3 par l’entreprise de Focatrans ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que le nom de « Halid Cengic » vous
6 dit quelque chose ?
7 R. Oui. Je le connais de nom.
8 Q. Savez-vous quelle était sa fonction à
9 l’époque à Foca ?
10 R. J’ai…
11 Q. S’agit-il de Halid Cengic qui travaillait à
12 Ustikolina dans le moulin ?
13 R. Oui. C’est ce que je sais de lui.
14 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je vais demander
15 à l’huissier de montrer au témoin l’interview avec Monsieur
16 Halid Cengic. J’ai déjà proposé le versement de ce
17 document.
18 Me KOLESAR (interprétation) : Nous demandons une
19 copie de ce document puisque nous ne connaissons pas ce
20 document.
21 LA GREFFIÈRE : Il s’agira de la pièce D12 de la
22 Défense.
23 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je voudrais aider
24 le témoin. Sur la version serbe, il s’agit de la page 2 de
25 l’interview, et sur la version en anglais, des pages 1 et
Page 797
1 2. Donc pour la version en serbe, il s’agit de la page 2.
2 Il est écrit : « Foca était un centre d’armements. »
3 Q. L’avez-vous trouvé ? Il est écrit : « page
4 12 ». Il y a une photo. Reconnaissez-vous ces messieurs,
5 les messieurs de la photo ?
6 R. La photo est un peu floue.
7 Q. S’agit-il de Monsieur Cengic ?
8 R. La photo est un peu floue mais il est
9 possible que cela soit Monsieur Cengic.
10 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Pourriez-vous
11 nous lire le début de ce paragraphe de sorte que nous
12 puissions le trouver en anglais ?
13 Me PILIPOVIC (interprétation) : « Foca était un
14 centre d’armements. » C’est comme cela que commence la
15 question. « Plusieurs milliers de fusils ont été
16 distribués à travers la Bosnie-Herzégovine à partir de cet
17 endroit. »
18 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Je suis
19 désolé. Je n’arrive pas à trouver cette phrase sur la page
20 1 de la traduction en anglais.
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il s’agit de
22 quelle page du texte en anglais ? Vous avez dit que cela
23 se trouvait sur la page 1.
24 Me PILIPOVIC (interprétation) : Il s’agit de la
25 page 5, paragraphes 1 et 2.
Page 798
1 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Je vous
2 remercie.
3 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je vais demander
4 au témoin, avec la permission de la Chambre, de nous donner
5 lecture de cette question et de la réponse.
6 R. Je ne sais pas si c’était vraiment un centre.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous avez le
8 document devant vous et le conseil vous demande de lire le
9 document. Elle ne vous demande pas d’être d’accord.
10 R. Dois-je lire à voix basse ?
11 Me PILIPOVIC (interprétation) :
12 Q. Non. Vous le lisez à voix haute.
13 R. « Foca était le centre d’armements et à
14 partir de Foca, plusieurs milliers de fusils ont été
15 distribués en Bosnie-Herzégovine de Ljubina à Srebrenica et
16 même Naser Oric s’était rendu pour prendre les armes. »
17 Cengic donne la réponse probablement. Donc, c’est
18 probablement une question du journaliste. Cengic répond :
19 « Je ne sais pas si c’était vraiment un centre mais nous
20 avons aidé différentes municipalités de Bosnie-Herzégovine
21 autant que nous pouvions et quand ces armes ont été
22 apportées à Foca, personne n’avait le droit de le savoir…
23 et ne parlons pas de les prendre chez soi dans sa maison.
24 Saja s’est plaint et moi, je lui ai dit : ‘Transporte-le
25 dans ma maison.’ Et c’est comme cela que cela s’est passé.
Page 799
1 Donc, le problème n’était pas les armes mais c’était la
2 conscience des personnes et l’organisation qui posaient
3 problème. »
4 Q. Dans ce même interview…
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
6 Pilipovic, il est 11 h 00. Nous allons procéder à une
7 pause et nous allons continuer à 11 h 30. Nous
8 interrompons la séance jusqu’à 11 h 30.
9 --- Suspension de l’audience à 11 h 00
10 --- Reprise de l’audience à 11 h 30
11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous
12 continuons avec le contre-interrogatoire.
13 Me PILIPOVIC (interprétation) : Oui, Madame la
14 Présidente.
15 Q. Je demanderais maintenant au témoin de
16 prendre l’interview dans ses mains et de lire à la page 3
17 de la version serbe, la page 6 de la version en anglais,
18 paragraphes 2 et 3. Vers la fin de la page 3, le
19 paragraphe commence par :
20 « C’est vous qui avez créé la première unité de la
21 Ligne patriotique PL en Bosnie-Herzégovine ? »
22 La réponse de Monsieur Cengic, je vais la lire.
23 Si le témoin peut lire la réponse.
24 R. « Dès le 1er août 1990, au moment de la
25 défense de Focatrans, nous avions un peloton armé de fusils
Page 800
1 automatiques, mitraillettes et un mortier. Ils avaient
2 tous des uniformes de camouflage et ils ont prêté serment
3 de la mosquée Ustikolina en mettant leurs mains sur le
4 Coran. »
5 Q. Merci. Je souhaite simplement vous corriger.
6 Vous avez fait un lapsus. Il est écrit « le 1er août
7 1990 ».
8 R. Il est écrit « le 1er ».
9 Q. Le 1er août 1990 ?
10 R. Oui, c’est ce que j’ai dit. Il est écrit
11 « 1. », ça veut dire le 1er.
12 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous expliquer
13 maintenant et nous confirmer que l’armement de l’armée
14 musulmane et du peuple musulman passait par le Focatrans et
15 que ceci a été la cause des dissensions dans Focatrans ?
16 R. Non, je ne le sais pas.
17 Q. Est-ce que vous serez d’accord avec moi pour
18 dire que ce journal Ljiljan est publié dans la Fédération ?
19 R. Je ne lis pas le Ljiljan.
20 Q. Est-ce que vous pouvez confirmer qu’il
21 s’agissait d’un journal de la Fédération, qui était publié
22 dans la Fédération ?
23 R. Je ne lis pas le journal Ljiljan. Je ne
24 l’achetais pas. Je ne vois pas l’en-tête ni quoi que ce
25 soit. La réponse est : peut-être.
Page 801
1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ah non !
2 Répondez à la question.
3 Me PILIPOVIC (interprétation) :
4 Q. Est-ce que le journal Ljiljan est publié dans
5 la Fédération ?
6 R. Sur la base des informations, lorsque je
7 regarde la télévision, le journal télévisé, et sur la base
8 de ces informations-là, je peux dire qu’il est publié dans
9 la Fédération.
10 Q. Donc, vous confirmez qu’il est publié dans la
11 Fédération ?
12 R. Oui.
13 Q. Merci. Veuillez m’expliquer maintenant votre
14 déclaration selon laquelle les Serbes ont essayé de prendre
15 le contrôle du Focatrans. Qu’est-ce qui vous a poussé à
16 dire ça dans votre déclaration préalable, sur la base de
17 quelles données ou bien est-ce qu’il s’agit simplement de
18 votre avis ?
19 R. C’est mon avis.
20 Q. Merci.
21 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je demanderais
22 que cette interview que nous avons remise en nombre
23 suffisant pour les collègues de l’Accusation, les Juges et
24 le greffe, qu’il soit versé au dossier en tant que pièce à
25 conviction de la Défense.
Page 802
1 Me KUO (interprétation) : Le Procureur n’a pas
2 d’objection quant à l’admission de ce document.
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien.
4 Me PILIPOVIC (interprétation) : Merci.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il est versé
6 au dossier. Est-ce que le numéro est toujours le même,
7 Madame la Greffière ou bien quelle est la cote ?
8 LA GREFFIÈRE : Ce document est coté D12 des
9 pièces de la Défense.
10 Me PILIPOVIC (interprétation) :
11 Q. Veuillez prendre votre déclaration préalable
12 maintenant, s’il vous plaît. Paragraphe 5 de votre
13 déclaration (je cite) :
14 « Je n’ai pas vu personnellement mais j’ai entendu
15 dire de la part d’autres personnes que plusieurs mois avant
16 le début de la guerre, les civils serbes se sont organisés
17 eux-mêmes dans les unités militaires et qu’ils ont commencé
18 à avoir de l’entraînement à Vucevo près de Tjentiste. »
19 Est-ce que vous pouvez nous dire la région de
20 Vucevo et de Tjentiste, où se trouve-t-elle par rapport à
21 Foca ?
22 R. C’est au sud. Vucevo est entre la rivière de
23 Sutjeska et la Drina. C’est le plateau entre ces deux
24 rivières qui est à côté du sommet le plus élevé de Bosnie,
25 c’est-à-dire Maglic. C’est à la frontière avec le
Page 803
1 Monténégro d’un côté, avec la rivière Sutjeska qui passe
2 par Tjentiste et de l’autre côté, vous avez la rivière de
3 Drina et également Piva et Tara, également ces deux
4 rivières-là.
5 Q. Merci.
6 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je demande que
7 l’huissier montre maintenant la pièce à conviction de
8 l’Accusation numéro 19, s’il vous plaît. Il s’agit d’une
9 carte.
10 Q. Veuillez examiner cette carte pour indiquer
11 où se trouve la région de Vucevo et veuillez m’énumérer les
12 villages qui se trouvent dans cette région. Ceci est à
13 droite par rapport à la carte que vous avez dans les mains.
14 Me PILIPOVIC (interprétation) : Veuillez placer
15 ça sur le rétroprojecteur, s’il vous plaît.
16 R. [Indication du témoin]
17 Q. Voilà, c’est cette partie-là, la partie que
18 vous montrez. Est-ce que vous pouvez me dire quels sont
19 ces villages si vous le savez ?
20 R. Tjentiste, Curevo, Mihoc, Popov Most,
21 Krusevo.
22 Q. D’après la manière dont vous comprenez les
23 choses et en regardant cette carte, est-ce que vous pouvez
24 me dire quel groupe ethnique était majoritaire dans cette
25 région ?
Page 804
1 R. C’était la population musulmane.
2 Q. Qui vous a dit que les Serbes avaient
3 constitué leurs unités là-bas ?
4 R. C’est justement les gens qui travaillaient
5 dans l’industrie forestière venant de Curevo, venant de
6 cette région-là. C’est ces ouvriers forestiers qui
7 travaillaient dans la région de Tjentiste et Vucevo. C’est
8 eux qui me l’ont dit.
9 Q. Vous continuez à dire qu’il s’agit là des
10 villages peuplés par la population musulmane
11 exclusivement ?
12 R. J’ai dit à majorité.
13 Q. Il s’agit de quelle majorité ? Je vois que
14 tout est marqué en vert ici et d’après l’explication que
15 nous avons reçue, cela veut dire qu’il s’agissait de la
16 population exclusivement musulmane. Donc, je ne comprends
17 pas.
18 R. Tjentiste et Popov Most, il s’agit là de la
19 population mixte, alors qu’il n’y a que trois villages qui
20 sont marqués par les points verts, mais il y a quand même
21 des petits points rouges là-bas aussi et là je parle de
22 Curevo, Mihoc et de Tjentiste et de leur structure de
23 population.
24 Q. Est-ce que vous êtes sûr que c’est là que les
25 unités serbes ont été crées ou bien vous l’avez entendu
Page 805
1 dire ?
2 R. Des gens me le disaient, des locaux de ces
3 villages, beaucoup de personnes qui travaillaient, qui
4 venaient de ces villages et qui travaillaient dans la
5 région de Vucevo.
6 Q. C’est eux qui vous l’ont dit ?
7 R. Oui.
8 Q. Ils étaient des Serbes ou des musulmans ?
9 R. Musulmans.
10 Q. Merci. J’ai une autre question concernant
11 quelque chose qui figure à la page 1, pratiquement à la
12 dernière phrase :
13 « Les musulmans ont organisé la défense. »
14 R. Dernier paragraphe ?
15 Q. Oui.
16 « Ils disposaient de certaines armes dans la
17 région de Sukovac et ils avaient également des canons. »
18 Veuillez me répondre. Qui vous a fourni ces
19 informations-là et est-ce que les musulmans qui étaient
20 organisés dans le cadre de la défense portaient des
21 uniformes et à quoi ressemblaient ces uniformes ?
22 R. Je ne l’ai pas vu puisque mon appartement se
23 trouvait dans le centre-ville. En ce qui concerne les
24 canons, c’est sur la base de la déclaration. Lorsque la
25 situation s’est calmée à Foca, Kamenko Gerincic, dès la fin
Page 806
1 du mois d’avril et début mai, je me déplaçais à travers
2 Foca et j’ai rendu visite à un ami chez lui dans son
3 appartement. Il habitait dans la même partie de l’immeuble
4 que moi, Kamenko Gerincic, il s’appelait, et Kamenko a dit
5 à moi et à un autre ami que les Serbes riaient puisque les
6 musulmans tiraient des obus depuis cette région alors
7 qu’aucun de ces obus n’avait explosé et qu’ils riaient en
8 voyant leur manque de compétence. C’est sur la base de ce
9 récit de Kamenko Gerincic que je l’ai dit.
10 Q. Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour
11 dire que les musulmans avaient fait leur service militaire
12 aussi ?
13 R. Je ne sais pas s’ils l’ont fait tous mais ils
14 ont dû le faire tout comme les Serbes.
15 Q. Est-ce qu’ils ont reçu le même entraînement
16 militaire s’ils ont fait leur service militaire ?
17 R. Comme tous les autres.
18 Q. Ces amis à vous, est-ce qu’ils vous ont dit
19 si ces musulmans qui ont été organisés comme ça dans la
20 région de Sukovac, comme vous venez de le dire, s’ils
21 avaient des uniformes et où ils se procuraient des canons ?
22 R. Non, je ne l’ai pas dit. Kamenko Gerincic,
23 il a dit ça à nous deux dans l’appartement de Mustafa
24 Hadzic. Il nous a raconté que des obus tombaient dans la
25 partie de Dukat Mahala qui se trouve au-dessus de la Mahala
Page 807
1 Careva – c’est la partie où se trouvent des maisons serbes
2 – et qu’aucun de ces obus n’avait explosé et qu’ils riaient
3 à cause du manque de compétence dont ceux qui les ont tirés
4 ont fait preuve.
5 Q. Dites-moi simplement s’il vous a dit où ils
6 se procuraient ces canons ?
7 R. Je ne sais pas. Personne ne me l’a dit.
8 Personne ne m’a même dit qu’ils avaient des canons, mais
9 sur la base de ce que Kamenko Gerincic a dit que des obus
10 avaient été tirés depuis la direction de Sukovac, c’est sur
11 la base de ceci que je l’ai dit et qu’aucun de ces obus n’a
12 explosé. Rien d’autre.
13 Q. Très bien ! Est-ce que vous pouvez me
14 montrer maintenant où se trouve la région de Sukovac ?
15 R. C’était la rive gauche de la rivière Drina,
16 un peu au nord vers le pont ferroviaire.
17 Q. Est-ce que vous pouvez nous montrer ça sur la
18 carte ?
19 R. Je n’ai pas la carte. Il est difficile de
20 voir sur cette carte parce qu’il n’y a pas de relief
21 indiqué. On ne voit pas la rivière de Drina et il est
22 difficile de trouver.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : L’autre
24 carte, on y voit la rivière de Drina. C’est aussi une
25 carte qui est la pièce à conviction du Procureur. Peut-
Page 808
1 être vous pouvez vous servir de cette carte-là.
2 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je m’excuse, je
3 ne l’ai pas sur moi.
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais la
5 greffière d’audience l’a sur elle.
6 Me PILIPOVIC (interprétation) : Merci. Si ceci
7 ne vous pose pas de problème, merci.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il s’agit de
9 quelle pièce à conviction ?
10 R. Il s’agit de la région autour de 4, 3, à peu
11 près par là [indication du témoin].
12 Me PILIPOVIC (interprétation) :
13 Q. Merci. Veuillez me dire simplement si cette
14 partie est visible depuis votre balcon.
15 R. Oui.
16 Q. Oui ? Ceci se trouve à quelle distance par
17 rapport à votre appartement, votre balcon ?
18 R. À peu près 200 mètres à vol d’oiseau peut-
19 être.
20 Q. Merci. Est-ce que c’est plus proche par
21 rapport à la région de Dub dont vous avez parlé hier ?
22 R. Oui.
23 Q. C’est plus proche que Dub ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous pouvez voir cette partie clairement
Page 809
1 depuis votre balcon ?
2 R. Oui. En utilisant les jumelles, oui.
3 Q. De quel balcon, le premier ou le deuxième ?
4 R. Depuis la salle à manger, la cuisine. Donc,
5 celui qui est tourné vers le nord.
6 Me PILIPOVIC (interprétation) : Très bien !
7 Merci.
8 Je n’ai plus de questions à poser.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
10 Le Procureur a-t-il des questions
11 supplémentaires ?
12 Me KUO (interprétation) : Non, Madame la
13 Présidente.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci,
15 Monsieur le Témoin. Nous n’avons plus de questions pour
16 vous. Nous vous remercions d’être venu déposer devant ce
17 Tribunal. Vous pouvez disposer.
18 [Le témoin se retire]
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. C’est
20 maintenant que nous pouvons discuter des autres requêtes de
21 la Défense et du Procureur avant d’entendre le témoin
22 suivant.
23 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Madame la
24 Présidente. Comme je l’ai dit déjà ce matin avant le début
25 de nos travaux, nous sommes inquiets puisque la Défense a
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1 soumis une requête conjointe de la Défense concernant la
2 présence des experts de la Défense au cours de ce procès,
3 mais nous avons besoin de plus d’informations concernant
4 les aspects différents de leur demande.
5 Je sais qu’ils demandent trois noms…
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez
7 ralentir votre débit puisque je veux que la Défense puisse
8 suivre vos propos plus facilement.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : L’on m’a dit
10 également qu’il s’agit là d’une demande, d’une requête
11 confidentielle et dans ce cas-là, peut-être il faut que je
12 fasse très attention à ce que je dis. Je ne vais pas citer
13 des noms.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ne
15 mentionnez pas qui que ce soit. Parlez de ce qu’ils
16 demandent, s’ils veulent que la personne soit assise ou
17 puisse poser des questions, et cætera.
18 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci. J’ai
19 remarqué qu’il y a trois noms énumérés. Il s’agirait,
20 d’après la Défense, de trois experts médicaux de la
21 Défense. Derrière les noms, il y a trois catégories
22 d’expertises en matière de la criminologie, de la
23 neuropsychiatrie et psychologie.
24 J’ai des inquiétudes multiples mais peut-être il
25 vaut mieux que je m’exprime sur ces inquiétudes après que
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1 la Défense aura expliqué quel est leur but et s’ils
2 souhaitent que ces personnes viennent en tant que témoins
3 ou bien s’ils souhaitent que ces personnes soient assises
4 dans le prétoire pour qu’ils puissent les consulter avant
5 le contre-interrogatoire, et cætera.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ou bien
7 s’ils souhaiteraient effectivement participer aux contre-
8 interrogatoires des témoins du Procureur.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Absolument. Une
10 fois que nous aurons compris tout cela mieux, nous pourrons
11 nous exprimer de manière plus claire.
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !
13 Donc, le Procureur parle de votre requête soumise
14 le 28 mars concernant les experts de la Défense. Donc,
15 veuillez nous expliquer ce que vous demandez, ce que vous
16 souhaitez faire, obtenir.
17 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
18 Présidente, je vais vous rappeler que nous avons déjà
19 soulevé cette question au cours de la dernière conférence
20 de mise en état avant le début du procès.
21 La raison pour laquelle nous avons proposé cela
22 est la suivante. Nous avons, par exemple, quatre
23 déclarations différentes d’un même témoin. Il y a un
24 témoin qui a donné quatre déclarations différentes. Dans
25 une déclaration qu’il a donnée dix jours après le départ de
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1 Foca, il ne mentionne pas du tout les accusés. Dans la
2 deuxième, un peu. Dans la troisième, il décrit toute la
3 situation, tous les détails des événements. C’est pour
4 cette raison que nous avons considéré qu’un expert, un
5 psychologue pourrait être présent pendant la déposition du
6 témoin pour aider les Juges à évaluer la crédibilité d’une
7 telle déposition.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.
9 Poursuivez. Expliquez tout et après votre explication,
10 après la fin de votre explication, c’est le Procureur qui
11 se prononcera et ensuite, les Juges pourront apprécier.
12 Me PRODANOVIC (interprétation) : J’ai fait une
13 pause parce que je n’étais pas sûr si ce que j’avais dit a
14 été traduit.
15 En ce qui concerne les victimes, nous partons de
16 l’hypothèse que les événements qui se sont produits ont
17 laissé des séquelles, ont provoqué des traumatismes chez
18 les victimes et, donc, afin d’établir quelle est la
19 crédibilité des dépositions de certains témoins, nous avons
20 proposé qu’un médecin légiste, un expert en médecine
21 légiste vienne parce que du point de vue médical, à notre
22 avis, certaines affirmations sont inacceptables.
23 Je vais vous citer un exemple concret. L’une des
24 témoins aurait été violée un grand nombre de fois et au
25 bout d’un mois seulement, elle a accouché d’un enfant
Page 813
1 complètement normal. Moi, je ne suis pas un expert, mais
2 je pense qu’un expert en médecine légiste pourrait
3 expliquer ça mieux, comment ça peut se faire. Il s’agirait
4 de personnes qui ne viendraient pas ici afin d’assister la
5 Défense. Il s’agirait des experts qui seraient là afin
6 d’aider la Chambre de première instance. C’est pour cela
7 que nous avons soulevé ce point.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Lorsque vous
9 dites qu’ils assisteraient la Chambre, comment est-ce que
10 vous l’envisagez ? Vous souhaitez qu’ils soient présents
11 pendant toute la procédure, qu’ils observent la procédure
12 et qu’ils fassent part de leurs commentaires après chacune
13 des dépositions ou bien est-ce que vous souhaitez qu’ils
14 soient présents pendant les dépositions pour qu’ils
15 puissent poser des questions aux témoins du Procureur ou
16 bien est-ce que vous voulez simplement qu’ils soient
17 présents et qu’ils puissent vous aider à vous au moment où
18 vous allez préparer vos plaidoiries ? C’est ça que je n’ai
19 pas bien compris.
20 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
21 Présidente, voici comment nous envisageons les choses.
22 Nous avons prévu que les témoins soient présents seulement
23 lors des dépositions de certains des témoins. Il s’agit de
24 quatre ou cinq personnes, quatre ou cinq victimes.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : En parlant
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1 de cela, parlons concrètement. Par exemple, tous les
2 témoins ont des pseudonymes. Donc, est-ce que vous
3 pourriez citer les pseudonymes de ces témoins pour que le
4 Procureur puisse noter cela également ? Donc, en ce qui
5 concerne quels témoins vous souhaitez que les experts
6 soient présents ? Donc, soyez clair quant à ce que vous
7 demandez afin de nous permettre d’arriver à notre décision.
8 Me PRODANOVIC (interprétation) : Donc, s’agissant
9 des victimes, des personnes lésées dont les pseudonymes
10 sont FWS-48, FWS-87, FWS-75, FWS-101 et FWS-205.
11 En ce qui concerne ces personnes-là, nous avons
12 envisagé que, par exemple, au cours de la déposition du
13 Témoin 48, l’expert pourrait donner une explication quant à
14 la question de savoir comment est-ce possible que les
15 quatre déclarations de ce témoin sont différentes.
16 Cet expert peut expliquer également laquelle de
17 ces déclarations est plus admissible, la dernière ou celle
18 qu’elle a donnée il y a quatre ans, par exemple. Donc,
19 c’est ça notre but, une aide quant à l’évaluation de la
20 crédibilité d’une telle déposition. Moi, je ne souhaite
21 pas nécessairement dire que les événements ne se sont pas
22 produits, les événements mentionnés par le témoin, mais ce
23 que je remets en cause c’est que c’est les accusés présents
24 ici qui ont provoqué ces faits.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, en
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1 fait, vous souhaitez que les experts déposent eux aussi sur
2 la base de leurs observations vis-à-vis des dépositions des
3 témoins ?
4 Me PRODANOVIC (interprétation) : Tout à fait.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous voulez
6 vous exprimer, vous aussi, en ce qui concerne la même
7 demande ?
8 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la
9 Présidente.
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
11 Prodanovic a-t-il terminé ?
12 Avez-vous terminé, Me Prodanovic ?
13 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la
14 Présidente. Je voulais simplement clarifier qu’il
15 s’agissait là d’une question que nous avons soulevée au
16 cours de la conférence préalable au procès. Donc, il ne
17 s’agit pas d’une surprise pour le Procureur, comme le
18 Procureur l’a indiqué. Donc, nous n’avons pas simplement
19 évoqué ce point dans notre requête mais nous avons parlé de
20 ceci également au cours de la conférence préalable au
21 procès.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, oui.
23 Excusez-moi, vous avez terminé maintenant ?
24 Me Jovanovic.
25 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la
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1 Présidente, j’aimerais apporter quelques précisions pour
2 que la Chambre puisse véritablement suivre ce que nous
3 souhaitons. En ce qui concerne les documents qui se
4 réfèrent à un certain nombre de témoins et de leurs
5 interrogatoires, il y a, par exemple, FWS-48. Par exemple,
6 ce témoin, nous avons appris qu’après tous ces événements,
7 il y a un an, ce témoin a été victime de très graves
8 troubles de santé et il s’agissait d’une hémiplégie dont ce
9 témoin a été victime.
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous voulez
11 dire qu’il y a un an, par conséquent en 1999 ou 1998, elle
12 a fait l’objet d’une attaque cérébrale ?
13 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je pense qu’il
14 s’agissait de 1999 et c’est le témoin qui avait justement
15 dit qu’elle avait subi cette attaque cérébrale et les
16 séquelles se répercutent sur la mémoire. Elle n’arrive pas
17 par conséquent à se rappeler d’un certain nombre
18 d’événements. Donc, elle est devenue amnésique et c’est la
19 raison pour laquelle nous considérons qu’il est
20 indispensable d’abord de voir cet aspect-là quand on parle
21 du témoin et notamment quand on va contre-interroger le
22 témoin.
23 C’est une des raisons pour lesquelles nous avons
24 proposé que dans un certain nombre de cas, pour quelques
25 témoins, dans des situations tout à fait concrètes données,
Page 817
1 les experts, médecins légistes, neuropsychologues et
2 d’autres puissent donc être dans le prétoire pour aider la
3 Chambre et pour aider également les membres du Bureau du
4 Procureur là où nous ne sommes pas, malheureusement,
5 compétents, nous, en tant que juristes pour agir et pour
6 vous dire quoi que ce soit.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
8 Me Kolesar, je vous en prie, si vous avez quelque
9 chose à rajouter.
10 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la
11 Présidente, au moment où nous avons avancé cette
12 proposition, donc nous avons rédigé cette requête, nous
13 avons eu également un autre aspect en vue qui nous a
14 incités à faire cette proposition. Avec le Procureur, nous
15 avons pu constater qu’il y a un certain nombre de faits qui
16 ont été découverts.
17 Par conséquent, il y a un certain nombre d’actes
18 criminels qui sont à la charge des accusés, et comme le
19 Procureur le prétend, à ce moment-là, il s’agissait par
20 conséquent de tortures, de viols, tortures qui ont été
21 infligées, viols infligés à des victimes. Donc, quand ceci
22 a été constaté, c’est une stipulation par conséquent qui
23 figure dans l’acte d’accusation.
24 Mais d’un autre côté, on a également dit qu’il est
25 indispensable que de constater ce qui s’est passé
Page 818
1 effectivement en passant par les éléments factuels sur
2 chaque victime. C’est une des raisons pour lesquelles nous
3 avons considéré qu’un certain nombre de personnes qui
4 appartiennent à des professions tout à fait spéciales
5 puissent être présentes et donner des explications
6 professionnelles, techniques au sujet de ce que le témoin,
7 la victime aurait pu vivre ou non. Donc, c’est l’aspect
8 médical.
9 Nous avons également pu constater qu’il y a un
10 certain nombre, par exemple, qu’il y avait des victimes sur
11 lesquelles on a pratiqué un certain nombre d’autres
12 tortures. C’est les mégots qu’on a par exemple essayé
13 d’éteindre sur la peau, et cætera. Par conséquent, nous en
14 tant que juristes, nous ne sommes pas capables
15 véritablement d’en juger mais un expert médical pourrait
16 bien évidemment préciser à quel moment cette blessure
17 aurait pu être infligée, et cætera. C’est mon confrère
18 Prodanovic qui en a parlé quelque peu mais c’est sur cet
19 aspect que je voulais attirer votre attention et c’est la
20 raison pour laquelle nous avons véritablement estimé qu’il
21 était indispensable que ces experts puissent être présents
22 ici.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Si je vous
24 ai bien compris, vous souhaiteriez que ces experts légistes
25 soient présents pendant que ces témoins déposent et
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1 ensuite, une fois que le Procureur par conséquent présente
2 ses moyens de preuve, vous de votre côté, vous pourriez les
3 citer et les interroger pour qu’ils puissent apporter des
4 explications et des précisions au sujet de ce qui a été dit
5 par le témoin.
6 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, si bien
7 évidemment ils ont des choses à avancer.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : En d’autres
9 termes, vous ne demandez pas que ces experts, que ces
10 médecins légistes examinent les témoins. Est-ce que nous
11 nous comprenons bien ? Est-ce que c’est bien ça ou bien
12 c’est ça que vous demandez ?
13 Me KOLESAR (interprétation) : Mais si jamais par
14 exemple la victime nous dit qu’elle a été torturée, qu’elle
15 a été victime des sévisses corporels et s’il y a des traces
16 de ces tortures, à ce moment-là, cet expert, il pourrait
17 examiner le témoin, examiner les cicatrices dans le cas
18 concret et dire ce qu’il en pense. Ça c’est une chose. Et
19 ensuite, il y a le neuropsychiatre qui assisterait
20 également. Lui de son côté pourrait également nous donner
21 des précisions du point de vue psychiatrie,
22 neuropsychiatrie.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : En d’autres
24 termes, vous dites tout ceci ayant en vue le nombre
25 d’années qui se sont écoulées depuis les événements. Par
Page 820
1 conséquent, si ces experts par exemple souhaitent examiner
2 les témoins, à ce moment-là, bien évidemment, vous ne
3 pourrez pas le faire ici. Vous êtes obligé éventuellement
4 de vous adresser à un certain nombre d’établissements.
5 Vous êtes clair là-dessus ?
6 Me KOLESAR (interprétation) : Bien évidemment
7 mais je suis sûr que le greffe peut éventuellement
8 organiser de tel type d’examen si bien évidemment le besoin
9 est, le cas échéant. Si par exemple la victime dit qu’il
10 n’y a absolument pas de séquelles, qu’il n’y a pas de
11 traces ou des cicatrices, à ce moment-là, bien évidemment,
12 on ne l’examinera pas. Mais dans ce cas-là, l’expert en
13 psychologie ou neuropsychiatrie, il pourra éventuellement
14 donner les précisions du point de vue de sa profession, de
15 son métier.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
17 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Prodanovic,
18 je pense que vous personnellement, vous avez parlé de
19 quelque chose qui m’intéresse. Il faudrait par conséquent,
20 je pense, citer ces experts pour déposer. Est-ce que vous
21 pensez qu’eux, ils doivent s’exprimer et dire s’ils font
22 confiance ou pas aux témoins ?
23 Me PRODANOVIC (interprétation) : Non.
24 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Excusez-moi
25 mais c’est Me Kolesar qui en a parlé mais j’avais pensé que
Page 821
1 c’était vous également. C’est la raison pour laquelle je
2 m’adresse à vous. De toute façon, vous ne suggérez pas de
3 les citer et de les faire témoigner ou de tout simplement
4 dire s’ils font confiance ou non au témoin ?
5 Me PRODANOVIC (interprétation) : Non. Ce n’est
6 pas leur rôle. Ce n’est pas à eux de décider de la
7 crédibilité du témoin.
8 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Mais qu’est-ce
9 qu’à ce moment-là est leur rôle ? Pourquoi sont-ils ici
10 dans le prétoire et pourquoi faut-il qu’ils suivent la
11 déposition des témoins ?
12 Me PRODANOVIC (interprétation) : Mais si le
13 témoin par exemple, dans le cas concret FWS-48, si par
14 exemple elle a fait l’objet d’une attaque cérébrale et
15 comme mon collègue Jovanovic vient de le dire, la question
16 qui se pose est : Quelle est la qualité maintenant de la
17 déposition du témoin ? Est-ce qu’elle peut vraiment se
18 souvenir de ce qui s’était passé, parce que la Défense a
19 une déclaration qui a été donnée le 15-08-92, 10 jours
20 après sa sortie de Foca ?
21 Dans cette première déclaration, déclaration qui a
22 été donnée le 15 août 1992, elle ne parle pas du tout de
23 l’Accusé Kunarac ni de l’Accusé Vukovic. Ensuite, elle
24 donne une autre déclaration devant le Centre de Sécurité à
25 Sarajevo et cette déclaration est complètement différente
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1 ou opposée par rapport à cette première déclaration qu’elle
2 a donnée à Novi Pazar. Mais là également, elle ne parle
3 pas d’un certain nombre de détails, des détails dont on
4 parle dans les chefs d’accusation à la charge de Kunarac.
5 Il y a donc par la suite les enquêteurs qui
6 l’approchent et elle donne d’autres détails, et je parle
7 bien évidemment tout à fait concrètement de l’Accusé
8 Kunarac et des chefs d’accusation à son encontre. C’est la
9 raison pour laquelle nous avons quelque doute au sujet de
10 la crédibilité du témoin en question mais nous ne voulons
11 pas, surtout pas, dire qu’elle n’a pas été victime de ces
12 actes, mais nous contestons tout simplement qu’elle ait été
13 victime des personnes qui sont accusées et qui sont ici,
14 dans le cas concret de Kunarac et Vukovic parce qu’eux, ce
15 sont les moyens de preuve à leur charge. Ils sont
16 incriminés pour ces actes.
17 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Pourriez-vous
18 s’il vous plaît m’expliquer la chose suivante ? Quelle est
19 la différence entre un citoyen simple qui donne un certain
20 nombre de… ou qui dépose, en fait donne des versions
21 différentes, et l’expert médical ?
22 Me PRODANOVIC (interprétation) : Bien évidemment,
23 nous partons du fait qu’il s’agissait des victimes qui ont
24 fait l’objet d’un certain nombre de tortures, par
25 conséquent ne sont pas des citoyens ordinaires. Moi, je
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1 maintiens par conséquent qu’elles ont été victimes de ces
2 tortures mais par le fait même qu’elles ont été victimes…
3 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Je m’excuse
4 mais je pense que vous n’avez pas compris bien ma question.
5 La question que je vous ai posée était la suivante :
6 Pourquoi par exemple un médecin est dans une position qui
7 est d’une meilleure qualité si vous voulez, meilleure que
8 nous autres citoyens ordinaires que de faire confiance ou
9 pas à ce qui a été dit par le témoin ?
10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Moi, je pense
11 que de toute façon en ce qui nous concerne, on n’est pas
12 expert en matières médicales. Moi, par exemple, je ne le
13 suis pas. Par conséquent, si vous permettez, si par
14 exemple, on dit que les mégots ont été éteints sur la peau
15 de la victime, sur les bras, par exemple, à ce moment-là,
16 il y a probablement des cicatrices et un médecin légiste,
17 il peut nous dire si ces cicatrices peuvent disparaître ou
18 pas.
19 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Prodanovic,
20 bien évidemment, je ne veux pas entrer en discussion
21 médicale et surtout pas parler d’examen médical, je suis
22 tout simplement curieux et je voudrais savoir comment un
23 médecin a-t-il le droit de témoigner et de mettre en
24 question la crédibilité du témoin. À mon avis, ce n’est
25 pas dans les prérogatives d’un expert médical.
Page 824
1 Vous, votre approche est générale, Me Kolesar
2 également. D’après vous, vous allez interroger les experts
3 et tout simplement, ces experts vont vous donner un peu
4 plus de précisions, ce qui en quelque sorte mettra en
5 question la crédibilité du témoin, mais je ne vois pas
6 pourquoi un médecin légiste, un expert, pourrait-il y avoir
7 une influence.
8 Me PRODANOVIC (interprétation) : Nous avons un
9 témoin qui va être cité à la barre et ce témoin a dit qu’un
10 mois avant d’accoucher, elle a été violée cinq, six fois et
11 d’une façon ininterrompue. Au bout d’un mois, ce témoin a
12 accouché d’un enfant normal. Moi, je ne suis pas expert
13 mais je ne sais pas si c’est possible.
14 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Excusez-moi,
15 je suis vraiment désolé mais il faut que je vous interrompe
16 une fois de plus. Mais vous n’avez toujours pas répondu à
17 mes questions. Il s’agit d’une question médicale. Ça me
18 paraît clair. Par conséquent, vous allez avoir le droit ou
19 pas de citer le témoin et de lui poser des questions, mais
20 cette proposition par laquelle vous avancez que ces témoins
21 allaient nous aider pour appuyer la crédibilité ou non,
22 crédibilité des témoins, c’est ça que je ne comprends pas.
23 Vous voulez qu’ils soient ici dans le prétoire
24 alors que nous avons demandé les mesures de protection pour
25 ces témoins. Par conséquent, il faut nous dire quelle est
Page 825
1 la valeur et pourquoi voulez-vous absolument qu’ils soient
2 présents. Il faut nous argumenter un peu davantage parce
3 que moi, je ne vois pas pourquoi et comment allons-nous
4 admettre ces experts dans le prétoire. Par exemple, ce
5 sont les témoins qui vont peut-être témoigner à huis clos
6 et eux, ils seront présents, alors que je pense qu’eux, ils
7 peuvent tout simplement être cités par la Défense au moment
8 où vous, vous allez présenter les éléments de preuve à
9 décharge.
10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Bien évidemment,
11 vous avez raison, Monsieur le Juge. Nous pouvons remettre
12 aux experts les dépositions des témoins et sur la base de
13 ces dépositions, qu’ils peuvent bien évidemment dire leur
14 point de vue d’expert. Donc, ils peuvent ne pas être
15 présents dans le prétoire.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : J’apprécie
17 bien évidemment le fait que vous comprenez les mesures de
18 protection. Par conséquent, nous allons admettre que ces
19 dépositions, même si elles sont confidentielles, soient
20 présentées aux experts mais elles vont nous aider dans ce
21 sens-là. Donc, c’est la partie de la requête.
22 Mais maintenant, nous allons entendre l’Accusation
23 et je pense que c’est déjà une explication qui était
24 suffisante.
25 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. C’était
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1 très, très utile. Mais moi, je vais essayer quand même
2 d’apporter quelques précisions.
3 En ce qui nous concerne, nous avons eu
4 l’impression que la personne qui a accouché d’un enfant
5 normal était une question qui a été soulevée mais elle va
6 donc parler d’un certain nombre d’actes criminels qui ont
7 été commis et j’ai vaguement l’impression qu’on met en
8 question ceci. Ça, c’est une chose.
9 Deuxièmement, en ce qui considère la crédibilité,
10 il y a la torture que les témoins ont subie. On a soulevé
11 également la question de l’attaque cérébrale. Bien
12 évidemment, on peut poser un certain nombre de questions à
13 ces experts – moi, je ne m’y oppose pas – mais ceci
14 pourrait être fait différemment et que ces experts ne
15 soient pas présents. C’est la raison pour laquelle je
16 considère qu’il faut véritablement se tenir aux mesures de
17 protection. Il ne faut pas porter préjudice. On peut
18 montrer, par exemple, les cassettes vidéos aux experts,
19 mais à mon avis, il ne faut pas du tout que ces experts
20 soient présents dans le prétoire.
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous
22 comprenez, par conséquent, qu’une partie de la requête
23 consiste à demander donc de réviser les mesures de
24 protection ?
25 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui, j’ai bien
Page 827
1 compris, mais nous avons donc raison d’être préoccupés.
2 C’est la raison pour laquelle nous avons demandé un peu
3 plus de précisions et de toute façon, je pense qu’il ne
4 faut pas que je me répète. Je pense que la Chambre, de
5 toute façon, elle a déjà arbitré.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
7 vous voulez dire que vous allez répondre ultérieurement aux
8 questions qui ont été soulevées ?
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui, sauf si vous
10 ne voulez pas que je répète ce que j’ai déjà dit, mais si
11 par conséquent, il faut réviser la requête et si donc ils
12 ne vont pas être dans le prétoire…
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non, mais la
14 requête, elle est encore sous nos yeux. Par conséquent,
15 nous n’avons pas encore donné la réponse. Nous sommes en
16 train d’expliquer et de donner des arguments. Nous
17 souhaiterions apprendre ce que vous y pensez au sujet de la
18 requête. Si vous avez un peu plus de temps, s’il est
19 indispensable également pour vous de rédiger une réponse à
20 la requête, à ce moment-là, nous vous donnons le temps.
21 Me RYNEVELD (interprétation) : Non. Je peux le
22 dire tout de suite. Notre attitude est la suivante.
23 Par conséquent, si les témoins doivent être dans
24 le prétoire pour poser la question de crédibilité, à ce
25 moment-là, ce n’est pas acceptable, mais si c’est pour des
Page 828
1 raisons médicales qu’ils doivent être présents, à ce
2 moment-là, il y a des approches différentes et il y a
3 d’autres façons dont il faut procéder.
4 Par conséquent, si maintenant il faut apporter
5 quelques modifications à leur requête…
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : De toute
7 façon, nous avons déjà révisé la requête parce que nous
8 sommes en train d’expliquer, d’apporter les précisions.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Est-ce que vous me
10 permettez quelques secondes pour me consulter avec mes
11 collègues ?
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.
13 [Les conseils de l’Accusation discutent]
14 [La Chambre discute]
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld,
16 je vous en prie.
17 Me RYNEVELD (interprétation) : Sur la base de ce
18 que nous avons déjà entendu, nous ne voyons absolument
19 aucune justification, aucun fondement pour que ces experts
20 soient présents dans le prétoire. Voilà ! C’est notre
21 attitude.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : J’ai posé la
23 question à Me Prodanovic et je lui ai demandé si
24 éventuellement on pouvait réviser la requête en ce qui
25 concerne donc les dépositions des témoins. Ces dépositions
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1 peuvent être mises à la disposition des experts et dans ce
2 cas-là, les experts peuvent éventuellement étudier les
3 aspects sans être dans le prétoire, n’est-ce pas ? C’est
4 quand même différent.
5 Me RYNEVELD (interprétation) : À ce propos, nous
6 n’avons absolument aucune objection.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par
8 conséquent, l’Accusation ne s’oppose pas à ce que toutes
9 les dépositions soient mises à la disposition des experts.
10 Ils peuvent en faire ce qu’ils veulent. Éventuellement, la
11 Défense peut citer ces experts et les contre-interroger.
12 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui.
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par
14 conséquent, votre objection concerne la présence des
15 experts pendant le témoignage des témoins ?
16 Me RYNEVELD (interprétation) : Exactement, parce
17 que nous ne voyons pas le fondement pour cela.
18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Y a-t-il
19 d’autres questions que vous voudriez soulever avant que la
20 Chambre se prononce ?
21 Me Jovanovic.
22 Me JOVANOVIC (interprétation) : J’aimerais tout
23 simplement apporter quelques précisions en ce qui concerne
24 ces questions qui ont été déjà débattues. Mon point de vue
25 ainsi que de mes confrères est qu’il s’agit là d’un
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1 malentendu. Nous essayons bien évidemment de nous intégrer
2 dans la procédure devant ce Tribunal.
3 Sciemment ou inconsciemment, au moment où nous
4 nous adressons au Tribunal, nous le faisons comme nous
5 l’aurions fait devant nos propres Tribunaux. Par
6 conséquent, nous n’avons absolument pas eu l’intention de
7 passer par les experts pour déterminer la crédibilité du
8 témoin. Il s’agit par conséquent d’un malentendu. Mon
9 confrère, le Procureur, vient de le dire.
10 Notre intention était justement de permettre aux
11 experts de prendre connaissance des dépositions des
12 témoins, quelques témoins, pour pouvoir donner leur point
13 de vue médical et si jamais il est indispensable, à ce
14 moment-là, de permettre à ces experts d’examiner ces
15 témoins.
16 Par conséquent, je ne pense même pas que ce serait
17 indispensable, et ceci justement pour protéger les témoins,
18 il n’est pas indispensable qu’ils soient dans le prétoire.
19 Par conséquent, c’était ça notre idée, notre fondement et
20 nous nous excusons également à la Chambre et à mes
21 confrères mais ce sont des malentendus à cause des
22 différences dans les systèmes juridiques. Nous, on est
23 habitué à un autre système juridique et la manière de
24 présenter les preuves et c’est la raison pour laquelle,
25 malheureusement, nous avons agi de la façon sans vouloir
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1 introduire ce malentendu dans le prétoire. Merci.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci. Nous
3 allons délibérer avant de prendre la décision.
4 Mais maintenant, ce que j’aimerais apprendre,
5 c’est qui est le témoin suivant ?
6 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci. J’aimerais
7 quand même soulever quelques autres questions.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, je vous
9 en prie.
10 Me RYNEVELD (interprétation) : Le témoin suivant
11 est le Témoin 52.
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par
13 conséquent, la requête ne concerne pas ce témoin ?
14 Me RYNEVELD (interprétation) : Non, mais j’ai
15 également un autre témoin qui est préparé, c’est le Témoin
16 62, mais je pense que nos collègues auront besoin de
17 contre-interroger le Témoin 52 longtemps. C’est pour ça.
18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous parlez
19 de 52 ou 62 ?
20 Me RYNEVELD (interprétation) : Je parle de 52, le
21 Témoin 52, et je pense que tout l’après-midi, nous allons
22 le contre-interroger. C’est la raison pour laquelle je
23 propose que nous ne demandions pas 62, par exemple, lundi.
24 Ensuite, 93 également, mais selon l’ordre,
25 normalement, on aurait dû d’abord citer 93, ensuite 62,
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1 mais maintenant, je vous suggère 52, 62 et 93.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par
3 conséquent, aujourd’hui, on commence 52 ?
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : De toute
6 façon, cette requête ne concerne ni 52, ni 62, ni 93.
7 Me RYNEVELD (interprétation) : Il y a une
8 troisième question que je voulais soulever. C’est une
9 question de l’ordre des témoins et la façon dont on va les
10 citer. J’aimerais tout simplement demander à la Chambre de
11 nous permettre de suivre un ordre chronologique. Quand
12 nous avons entendu la déposition du dernier témoin, mes
13 confrères ont demandé que ce témoin soit tout à fait cité à
14 la fin mais c’est resté en suspens.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Par
16 conséquent, vous voulez citer le Témoin AS après 52, 62 et
17 93 ?
18 Me RYNEVELD (interprétation) : Non. Plus tard.
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, pas le
20 mardi mais plus tard ?
21 Me RYNEVELD (interprétation) : Non, plusieurs
22 semaines plus tard.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il faut
24 quand même s’organiser. Par conséquent, il est
25 indispensable de voir également si la Défense a
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1 suffisamment de temps pour lire toutes les déclarations et
2 notamment pour que le Témoin AS, la déclaration soit
3 d’abord examinée pour que le AS puisse être invité,
4 organiser le voyage.
5 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : De toute
6 façon, n’oubliez pas qu’il y avait également quelques
7 investigations qui devaient être organisées avant que le
8 Témoin AS soit cité. Il y a une pause également que nous
9 devons respecter. Est-ce qu’elle pourrait venir après la
10 pause ?
11 Me RYNEVELD (interprétation) : Je ne sais pas,
12 mais je pense que nous sommes quelque peu plus lents que je
13 ne l’espérais. Par conséquent, si nous poursuivons ce
14 rythme, elle ne va peut-être même pas être citée trois
15 semaines plus tard, mais en ce moment, excusez-moi, ce que
16 nous proposons c’est le 5 ou le 6 avril, donc juste avant
17 la pause, mais c’est tout à fait optimiste parce qu’on ne
18 sait pas comment ça va évoluer. Peut-être après.
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : On va
20 entendre maintenant les conseils de la Défense.
21 En ce qui concerne le Témoin AS, vous disposez de
22 la déclaration. Vous avez du temps également pour procéder
23 à un certain nombre d’enquêtes. Quelle est votre attitude
24 en ce qui concerne cette première étape concernant le
25 témoignage du Témoin AS ?
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1 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
2 Présidente, en ce qui concerne mon client, et c’est au nom
3 de mon client que je veux parler, nous maintenons que le
4 Témoin AS soit entendu la semaine en 8, après la première
5 pause.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : En d’autres
7 termes, vous ne pourrez pas vous préparer pour contre-
8 interroger ce témoin au cours des trois premières
9 semaines ?
10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Non, parce qu’il
11 faudrait que je me rende sur le terrain et que je vérifie
12 un certain nombre de faits. C’est la raison pour laquelle
13 nous proposons après la pause.
14 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Nous l’avons
15 appris. Nous pensons que c’est tout à fait équitable. Si
16 bien évidemment la Chambre ne s’y oppose pas, à ce moment-
17 là, nous pouvons citer ce témoin après la pause. Ceci
18 serait tout à fait acceptable.
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Je
20 pense que, Me Ryneveld, c’est tout à fait entendu si même
21 le Règlement de procédure et de preuve l’accepte. Il faut
22 tout simplement qu’on compte le temps indispensable aux
23 deux parties respectives.
24 Me RYNEVELD (interprétation) : C’est la raison
25 pour laquelle nous avons soulevé la question et c’est la
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1 raison pour laquelle nous vous avons posé la question.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
3 prie, on peut poursuivre.
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Nous allons
5 maintenant appeler le Témoin 52, mais je pense que nous
6 avons besoin également des mesures de protection.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
8 c’est huis clos ou huis clos partiel ?
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Non. C’est tout
10 simplement les traits du visage qui doivent être déformés,
11 également l’altération de la voix. Les stores doivent être
12 baissés avant que le témoin rentre, mais sinon le huis clos
13 complet n’est pas indispensable.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
15 Jovanovic.
16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la
17 Présidente, tout à l’heure, j’ai dit que malheureusement,
18 nous avons quelques difficultés sur le plan de la
19 procédure. Chaque terme ne signifie pas tout dans chaque
20 langue. J’ai compris que nous allons obtenir la
21 déclaration du Témoin AS mais nous ne l’avons pas cette
22 déclaration. Nous n’avons que le résumé de ce que le
23 Témoin AS avait dit. C’est pour ça. Je pense que c’est
24 très important.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, oui.
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1 Je vous comprends parfaitement. J’ai posé la question déjà
2 au Bureau du Procureur et j’ai bien dit qu’il n’y a que le
3 résumé qui sera en cause et pas les déclarations.
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Si on parle du
5 Témoin AS, il est tout à fait exact qu’elle va être
6 interrogée dans le cadre du résumé en ce qui concerne bien
7 évidemment l’interrogatoire principal. En ce qui concerne
8 le contre-interrogatoire, les conseils ont toute la liberté
9 d’agir, mais nous, on va l’interroger dans le cadre du
10 résumé.
11 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je pense qu’il
12 s’agit vraiment, Madame la Présidente, d’un malentendu.
13 C’est vraiment un malentendu.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
15 prie, allez-y, allez-y. Dites de quoi il s’agit.
16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je n’ai pas pensé
17 vraiment à ce que va faire l’objet de l’interrogatoire
18 principal et le contre-interrogatoire. J’ai tout
19 simplement précisé que pour le moment, la Défense ne
20 dispose pas de la déclaration du témoin. Nous avons obtenu
21 un résumé, quelque chose qui, en quelque sorte, est une
22 déclaration succincte. Donc, on sait à peu près de quoi le
23 témoin va parler mais nous n’avons pas la déclaration
24 complète.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Je
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1 vous comprends parfaitement. Il n’y a aucun problème. Je
2 vous comprends et c’est ce que nous appelons « résumé »,
3 résumé sur la déclaration complète.
4 Ce que je viens de dire et l’Accusation vient de
5 dire que leur témoin sera limité à ce qui est contenu dans
6 le résumé. Par conséquent, il ne s’agit pas de la
7 déclaration complète du témoin.
8 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, mais je
9 maintiens que nous ne disposons pas de la déclaration.
10 Me RYNEVELD (interprétation) : La raison est la
11 suivante : Nous ne disposons pas de la déclaration
12 officielle. On avait donc des entretiens officieux et tout
13 ceci est présenté sous forme de résumé. Nous supposons que
14 c’est ce qui va être dit par le témoin. Nos enquêteurs ont
15 réussi à contacter ce témoin et ceci donc a précédé la
16 semaine du début du procès et je m’excuse, je pense que
17 c’est tout de ma faute parce que moi, je n’ai pas dit
18 clairement que nous non plus, nous ne disposons pas d’une
19 déclaration complète.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
21 prie, Me Jovanovic.
22 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je suis au clair
23 maintenant. Je sais de quoi il s’agit. Merci.
24 Me RYNEVELD (interprétation) : Maintenant, nous
25 souhaitons appeler le Témoin 52. Peut-être que l’huissier
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1 pourrait baisser les stores pour garder son entrée.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il y aura
3 aussi l’altération de la voix. Nous allons faire une pause
4 de cinq à dix minutes. Nous allons attendre à l’extérieur.
5 Levez-vous, s’il vous plaît.
6 --- Suspension de l’audience à 12 h 35
7 --- Reprise de l’audience à 12 h 40
8 [Le témoin entre dans la Cour]
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le témoin
10 peut-il prononcer sa déclaration solennelle ?
11 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
12 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
13 rien que la vérité.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci. Vous
15 pouvez vous asseoir.
16 TÉMOIN : TÉMOIN 52 (ASSERMENTÉ)
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar ?
18 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la
19 Présidente, nous ne comprenons rien. La voix est trop
20 modifiée.
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame la
22 Greffière, nous avons un problème, je crois.
23 L’INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine
24 française entendent bien.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Qu’est-ce
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1 qui se trouve sur la table du témoin ?
2 M. ZONDERVAN (interprétation) : Vous devriez
3 utiliser la console où il est écrit « audio remote
4 witness » et à partir de cette colonne, on peut entendre la
5 voix qui n’est pas modifiée.
6 Me RYNEVELD (interprétation) : Peut-être
7 pourrions-nous procéder à nouveau à la déclaration
8 solennelle. Pourriez-vous donner lecture de cette
9 déclaration ?
10 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
11 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
12 rien que la vérité.
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Les
14 interprètes peuvent-elles entendre ?
15 L’INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine
16 française entendent très bien.
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
18 Jovanovic.
19 Me JOVANOVIC (interprétation) : Les interprètes
20 ont peut-être entendu mais nous n’avons rien entendu. Nous
21 avons tout fait mais nous n’entendons pas.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le
23 technicien peut-il montrer aux conseils de la Défense la
24 façon de procéder ?
25 Me JOVANOVIC (interprétation) : Pouvons-nous
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1 essayer encore une fois ?
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pourrions-
3 nous essayer encore une fois ? Pourriez-vous à nouveau
4 prononcer la déclaration solennelle ?
5 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
6 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité,
7 rien que la vérité.
8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le canal
9 B/C/S ne fonctionne pas. Nous allons essayer encore une
10 fois.
11 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
12 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
13 rien que la vérité.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Les accusés
15 l’ont-ils entendu ?
16 LES ACCUSÉS : [Signe affirmatif]
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld,
18 nous pouvons continuer.
19 Me RYNEVELD (interprétation) : Avant de commencer
20 à poser les questions au témoin, je voudrais expliquer à la
21 Chambre à votre demande pourquoi nous avons cité ce témoin.
22 Il s’agit d’un témoin de contexte en vertu de l’Article 5.
23 Avec l’aide de l’huissier, je voudrais demander que l’on
24 donne ce papier, ce message au témoin.
25 INTERROGÉ PAR Me RYNEVELD
Page 841
1 (interprétation) :
2 Q. Témoin, voyez-vous le papier ? Votre prénom,
3 votre nom est-il inscrit sur ce papier ainsi que le numéro
4 qui vous a été attribué ?
5 R. Oui.
6 Me RYNEVELD (interprétation) : Je souhaite verser
7 au dossier ce papier. Je pense que nous avons déjà eu la
8 cote 177.
9 LA GREFFIÈRE : Le pseudonyme de ce témoin sera
10 le nombre 52 et le nom de ce témoin fera l’objet de la
11 pièce à conviction 177 du Procureur.
12 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci.
13 Q. Monsieur le Témoin, je crois comprendre que
14 vous avez vécu dans la municipalité Mjesaja qui se trouve
15 dans la municipalité de Foca ou plutôt dix kilomètres au
16 sud de la municipalité ?
17 R. Dans le village de Mjesaja, dans la
18 municipalité de Foca, à dix kilomètres de Foca.
19 Q. J’ai aussi compris que vous avez suivi des
20 études et qu’à Gorazde, vous avez suivi un cours pour
21 devenir ouvrier en construction ?
22 R. Oui.
23 Q. Après cela, vous avez commencé à travailler
24 dans la construction. Vous avez fait votre service
25 militaire en 1968, n’est-ce pas ?
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1 R. Oui, c’est exact.
2 Q. Après votre service militaire dans l’ex-Armée
3 Populaire yougoslave, n’est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Donc, après le service militaire obligatoire,
6 vous avez commencé à travailler dans la société Maglic, SIK
7 Maglic qui se trouve à Brod, c’est-à-dire à trois ou quatre
8 kilomètres de Foca ?
9 R. Oui. En 1984, à Maglic, à Foca.
10 Q. Merci. Témoin 52, vous êtes le père d’un
11 témoin qui viendra témoigner ? Ne dites pas son nom, s’il
12 vous plaît.
13 R. Oui.
14 Q. Votre épouse aussi viendra témoigner plus
15 tard ? Ne dites pas son nom.
16 R. Oui, c’est exact.
17 Q. Monsieur, je voudrais vous demander de vous
18 rappeler de l’année 1991, de cette époque. À cette époque,
19 est-ce qu’il s’est produit quelque chose, un événement que
20 nous avons appelé l’affaire de Focatrans ? Êtes-vous au
21 courant de ces événements ?
22 R. Oui, en partie.
23 Q. Je ne vais pas vous poser des questions sur
24 les détails de ces événements. Que pouvez-vous nous dire
25 au sujet des suites de ces événements, des conséquences
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1 concernant les rapports entre les Serbes et les musulmans
2 sur le territoire de Foca ?
3 R. Ces événements de Focatrans ont provoqué des
4 divergences entre les Serbes et les musulmans.
5 Q. Cette divergence des opinions était-elle
6 apparente avant les événements liés à Focatrans d’après
7 vous ?
8 R. Pas longtemps avant, mais oui.
9 Q. Avant l’affaire de Focatrans, pourriez-vous
10 nous expliquer quelles étaient les relations entre les
11 Serbes et les musulmans dans le territoire où vous habitiez
12 habitiez ?
13 R. Jusqu’à peu près en 1988, ces rapports
14 étaient parfaitement normaux.
15 Q. Quand vous dites parfaitement normaux, vous
16 voulez dire que les gens vivaient dans une paix relative ?
17 Me RYNEVELD (interprétation) : S’il y a des
18 objections quant aux questions tendancieuses, je voudrais
19 juste aller plus vite dans cette phase préliminaire.
20 R. Oui. Dans la paix et en harmonie.
21 Me RYNEVELD (interprétation) : Il me semble que
22 je dois allumer et éteindre le micro entre les questions.
23 Je vais faire de mon mieux. C’est difficile.
24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Faites de
25 votre mieux.
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1 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui, en effet.
2 C’est difficile. Je viens de l’apprendre. Si à l’avenir,
3 je fais des erreurs, je m’excuse par avance.
4 Q. Donc, Monsieur le Témoin, ai-je bien compris
5 que les événements de Focatrans ont débuté par une grève du
6 personnel qui travaillait dans cette entreprise de
7 transport ?
8 R. Oui.
9 Q. Oublions tous les détails de cette grève,
10 mais est-ce qu’on peut dire qu’à la fin de la grève, le
11 résultat était que les musulmans prenaient les autobus de
12 la compagnie Focatrans alors que les Serbes prenaient les
13 autobus de la société Viner ?
14 R. Oui.
15 Q. Maintenant, je voudrais que vous tentiez de
16 vous rappeler de la première semaine du mois d’avril 1992.
17 Vous avez dit que vous travailliez à Brod. Est-ce exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous avez travaillé le vendredi 3 avril ?
20 R. Oui. Le dernier jour. C’était le dernier
21 jour.
22 Q. D’accord. Est-ce que quelque chose s’est
23 produit le 6 avril, le lundi qui a suivi, qui était étrange
24 et, si oui, dites-nous ce qui s’est passé ?
25 R. Quand je me suis rendu à mon travail le 6
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1 avril à Brod, quand j’ai franchi le porche, j’ai remarqué
2 qu’il n’y avait que peu d’ouvriers qui circulaient et il
3 n’y avait pas de gardien à l’entrée. Il n’y avait personne
4 dans mon unité de travail. J’ai attendu un bout de temps
5 et j’ai décidé de rentrer chez moi.
6 J’ai rencontré mon supérieur hiérarchique sur le
7 chemin et je lui ai demandé ce qui se passait. Il m’a
8 répondu qu’il ne savait pas. Je lui ai demandé la
9 permission de rentrer chez moi et je lui ai dit que
10 j’allais revenir le lendemain pour travailler si tout
11 allait bien. Il m’a donné cette permission et je suis
12 rentré chez moi et ensuite, je n’ai plus eu l’occasion de
13 me rendre à mon travail.
14 Q. D’accord. Donc, nous connaissons maintenant
15 le contexte. Je vais vous poser quelques questions plus
16 précises. Quand vous êtes arrivé ce lundi dans la matinée,
17 vous avez vu très peu de personnes, vous dites. Combien
18 étaient-ils ?
19 R. Il y avait une vingtaine de personnes dans
20 cette partie où je me trouvais.
21 Q. Quel était le chiffre exact de personnes
22 présentes que vous auriez pu présenter peut-être une
23 semaine plus tôt ?
24 R. À tout moment, il y avait une centaine de
25 personnes qui circulaient par là.
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1 Q. Cette société Maglic, savez-vous combien il y
2 avait de personnes qui travaillaient pour cette société ?
3 R. Cette société avait un grand nombre d’unités
4 et je pense que dans ce complexe, il y avait 3 000 ouvriers
5 et à l’extérieur, il y en avait encore plus.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld,
7 Me Jovanovic s’est levé.
8 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la
9 Présidente, les accusés viennent d’attirer mon attention
10 sur le fait qu’ils ont des problèmes avec leurs écouteurs
11 et qu’ils ne peuvent plus suivre les questions de
12 l’Accusation ainsi que les réponses et comme il s’approche
13 l’heure de la pause, peut-être serait-il utile de régler ce
14 problème pendant la pause.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, en
16 effet, je pense que nous avons des problèmes avec la
17 technique. J’espère que ces problèmes seront résolus. Je
18 m’attends à ce que ces problèmes soient résolus pendant la
19 pause du déjeuner. Donc, nous allons recommencer à 14 h
20 30. J’espère que tous les membres vont se comprendre,
21 toutes les personnes présentes.
22 Nous interrompons la séance jusqu’à 14 h 30.
23 Levez-vous, s’il vous plaît.
24 --- Suspension de l’audience à 13 h 03
25 --- Reprise de l’audience à 14 h 30
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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous
2 continuons avec l’interrogatoire principal.
3 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Madame la
4 Présidente.
5 Q. Témoin 52, avant les problèmes techniques qui
6 ont surgi avant la pause, je crois que vous nous avez parlé
7 d’une tentative d’aller au travail, votre tentative d’aller
8 au travail le 16 avril et du fait… le 6 avril (se reprend
9 l’interprète) et vous avez dit que la situation avait
10 changé et qu’à cause de cela, vous avez demandé la
11 permission de rentrer chez vous pendant la nuit. Ce soir-
12 là, c’est ce que vous avez demandé. Vous m’entendez ?
13 R. Oui. Je suis rentré chez moi.
14 Q. Sur votre chemin de retour, est-ce que vous
15 pouvez me dire si vous aviez des problèmes de rentrer dans
16 votre village ?
17 R. Je n’ai pas eu de problème physique, mais il
18 n’y a pas eu de trafic. Les moyens de transport ne
19 fonctionnaient pas. Donc, je devais rentrer à pied.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Apparemment,
21 les accusés n’arrivent pas à suivre le débat.
22 Monsieur Kunarac.
23 L’ACCUSÉ KUNARAC : Madame la Présidente,
24 maintenant, j’entends à la fois le témoin et l’interprète,
25 mais jusqu’à tout à l’heure, je ne pouvais entendre rien du
Page 848
1 tout. J’ai déjà des problèmes d’entente et je ne pouvais
2 pas bien entendre le témoin parce que je n’arrivais pas à
3 suivre par le biais des casques. Je m’excuse, mais jusqu’à
4 récemment, je n’entendais rien du tout.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous êtes
6 sur quelle chaîne ?
7 L’ACCUSÉ KUNARAC : Je suis sur la chaîne 6. Je
8 vous entends très bien, j’entends très bien les
9 interprètes, mais je n’entendais pas ce que le témoin
10 disait. Maintenant, ça va. Maintenant, j’ai très bien
11 entendu sa dernière phrase.
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je ne sais
13 pas quel est le problème. C’est peut-être dans les
14 casques.
15 L’ACCUSÉ KUNARAC : Madame la Présidente,
16 maintenant, tout va bien mais tout à l’heure, pendant les
17 10, 15 minutes de la déposition du témoin, je n’entendais
18 rien de ce qu’il disait.
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez
20 vous asseoir.
21 Oui, Me Prodanovic.
22 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
23 Présidente, il n’est pas nécessaire de répéter les
24 questions. Nous pouvons poursuivre.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous pourrez
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1 expliquer à vos clients le début puisque, de toute façon,
2 il n’y avait rien de crucial.
3 Poursuivez, s’il vous plaît.
4 Me RYNEVELD (interprétation) :
5 Q. Lorsque vous êtes rentré dans le village de
6 Mjesaja, est-ce que vous avez entendu quoi que ce soit au
7 sujet des routes menant vers Sarajevo, Gacko ou Gorazde ?
8 R. Oui. J’ai entendu ça par le biais des médias
9 que la route vers Gacko était fermée, de même que la route
10 vers Sarajevo et aussi en partie la route vers Gorazde.
11 Q. Témoin 52, je vous demanderais maintenant de
12 vous pencher sur le 8 avril 1992. Je demanderais que vous
13 nous disiez ce que vous savez au sujet des événements qui
14 se sont produits à Foca ce jour-là, dans la région de Foca.
15 R. Personnellement, je ne sais rien mais j’ai
16 entendu que le 8 avril, le pilonnage de la ville a
17 commencé, le pilonnage de la ville de Foca. En ce qui
18 concerne tout le reste, c’est par le biais des médias que
19 j’ai suivi la situation.
20 Q. Est-ce que vous avez pu communiquer avec des
21 gens de Foca ou bien est-ce que vous avez pu communiquer
22 avec des gens, des collègues de travail à Brod, c’est-à-
23 dire juste au sud de Foca ?
24 R. Non.
25 Q. Pourquoi pas ?
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1 R. Parce que pratiquement, ce n’était plus
2 possible de se déplacer où que ce soit. Des combats se
3 déroulaient, des obus ont commencé à tomber à Foca et il
4 n’était pas sûr de se déplacer où que ce soit.
5 Q. Est-ce qu’il y a eu un quelconque signe de
6 conflit à proximité immédiate de votre village ?
7 R. À ce moment-là, non.
8 Q. Cette situation a-t-elle changé vers le 24
9 avril 1992 ?
10 R. Oui.
11 Q. De quelle manière ?
12 R. Le 24 avril, un soldat serbe ou commandant
13 est venu avec cinq soldats et ils ont demandé que les gens
14 de notre village déposent leurs armes.
15 Q. Vous dites un soldat serbe avec cinq autres.
16 Comment le savez-vous qu’il était un soldat serbe ?
17 R. Je le connaissais personnellement.
18 Q. Saviez-vous de quelle origine ethnique il
19 était ?
20 R. Oui.
21 Q. Je suppose sur la base de votre réponse qu’il
22 était serbe ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce que dans la manière dont il était
25 vêtu, il y avait quoi que ce soit qui vous poussait à
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1 conclure que c’était un soldat ?
2 R. Bien sûr. Il avait un uniforme militaire, il
3 était armé et il avait une station de radio, une radio.
4 Q. Quelle arme ?
5 R. Un fusil automatique.
6 Q. Les cinq personnes qui étaient avec lui, est-
7 ce qu’eux aussi, ils étaient en uniforme ? Est-ce qu’ils
8 étaient armés, eux aussi ?
9 R. Ils portaient des uniformes militaires. Ils
10 avaient tous les quatre, et lui, il était le cinquième, des
11 fusils automatiques.
12 Q. Oui, j’ai compris votre réponse précédente à
13 ma question. Vous avez dit que ces six personnes se sont
14 approchées des gens de votre village. À quelle partie de
15 la population de votre village ont-ils dit de se rendre ?
16 R. Aux musulmans, aux Bosniens.
17 Q. Comment est-ce qu’ils vous l’ont dit ?
18 Comment est-ce que vous saviez que c’est seulement aux
19 musulmans qu’ils demandaient de se rendre ?
20 R. La veille, ce monsieur avait envoyé un voisin
21 serbe afin que celui-ci transmette le message à nos gens du
22 village qu’ils devaient rendre leurs armes.
23 Q. Peut-être cela vous paraîtra être une
24 question stupide, mais je dois la poser. Quand vous dites
25 « nos gens », vous parlez des musulmans ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous étiez présent ou bien est-ce
3 que vous avez entendu parler de cet événement ?
4 R. Je n’étais pas présent lorsque cet homme est
5 venu, l’homme qui nous a informés de cela, mais le
6 lendemain et le surlendemain, j’ai été présent au moment où
7 nous rendions nos armes.
8 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire, s’il
9 vous plaît, l’incident au cours duquel vous-même et
10 d’autres musulmans de votre village, vous avez rendu vos
11 armes ? Est-ce que vous pouvez nous donner quelques
12 détails de plus concernant cet incident, cet événement ?
13 R. Eh bien, il n’y a pas eu d’incident du tout.
14 Lorsque certaines personnes sont venues avec leurs
15 voitures, ils se sont assis devant une maison. Plusieurs
16 personnes de notre village s’y sont rassemblées et eux, ils
17 ont dit qu’il était nécessaire que les armes des villageois
18 de ce village soient rendues et que les autres villages qui
19 longeaient la rivière de Drina devaient rendre leurs armes
20 également. Donc, ils voulaient être sûrs que personne ne
21 disposait plus d’armes.
22 Q. Est-ce qu’en effet, les habitants musulmans
23 de votre village ont rendu leurs armes en votre présence ?
24 R. Pas ce jour-là, mais le lendemain, ils ont
25 rendu leurs armes, les fusils de chasse de même que trois
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1 armes qui appartenaient à la police de réserve. Il
2 s’agissait de trois fusils automatiques.
3 Q. Nous allons revenir un peu en arrière. Je
4 crois que vous avez dit que vous avez fait votre service
5 militaire obligatoire quelques années auparavant. Est-ce
6 exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce que vous aviez le droit de garder
9 votre uniforme et les armes une fois que vous n’étiez plus
10 membre actif de l’armée ?
11 R. Je ne l’ai jamais reçu. Je ne l’ai jamais
12 eu.
13 Q. Est-ce que vous savez, en ce qui concerne vos
14 voisins musulmans, si eux, ils avaient des uniformes
15 militaires ou bien des équipements militaires après la fin
16 de leur service militaire ?
17 R. Je ne m’en souviens pas, mais je sais que ces
18 derniers temps, l’on distribuait des uniformes de policiers
19 de réserve, ce qui fait que trois hommes du village qui
20 avaient des armes automatiques avaient également l’uniforme
21 de police de réserve.
22 Q. Est-ce qu’on leur a demandé de rendre leurs
23 uniformes également ?
24 R. Non.
25 Q. Est-ce que vous étiez présent au moment où un
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1 grand nombre de ces armes ont été rendues ?
2 R. Oui, j’étais là. J’ai rendu mon pistolet
3 personnel. Dix-huit fusils et pistolets ont été rendus
4 dans notre village.
5 Q. Les gens que vous avez vus qui rendaient
6 leurs armes, est-ce que vous savez quelle était leur
7 appartenance ethnique ?
8 R. Oui.
9 Q. Pourriez-vous nous le dire ?
10 R. C’était des musulmans.
11 Q. Avez-vous vu des Serbes qui rendaient leurs
12 armes ?
13 R. Non.
14 Q. Après que vous avez rendu votre arme, est-ce
15 que vous pouviez vous déplacer ou bien est-ce que vous et
16 les autres habitants de votre village, vous avez fait
17 l’objet de restrictions ?
18 R. Ni avant la reddition des armes, ni après
19 nous n’avions le droit de nous déplacer. C’est ce qu’on
20 nous a dit auparavant déjà, qu’il ne fallait pas que l’on
21 se déplace, qu’il ne fallait pas que l’on se rassemble,
22 qu’il ne fallait pas que l’on s’écarte du village et qu’il
23 fallait qu’on accepte la loi et le règne de la municipalité
24 serbe de Foca.
25 Q. D’après vos observations, est-ce que ce même
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1 système s’appliquait aux habitants serbes de votre
2 village ?
3 R. Je ne sais pas puisque dans notre village, il
4 n’y avait que des maisons musulmanes. Il n’y avait pas de
5 maisons serbes et en ce qui concerne les autres maisons
6 serbes, nous ne pouvions pas y aller, sauf à de rares
7 occasions. Donc, nous ne pouvions pas aller chez eux pour
8 leur poser des questions.
9 Q. Est-ce que vous avez vu des barrages routiers
10 à un moment ?
11 R. Je n’ai pas vu de barrage routier, mais j’ai
12 entendu que des routes allant vers Tjentiste et Foca ont
13 été bloquées mais je ne les ai pas vues.
14 Q. Est-ce que vous avez entendu que certains de
15 vos voisins serbes portaient des uniformes militaires ?
16 R. Je n’ai pas compris la question.
17 Q. Tout à l’heure, je vous ai demandé si vous
18 avez vu que vos voisins serbes devaient respecter les mêmes
19 restrictions que les habitants musulmans du village. Vous
20 avez dit, je crois, que vous n’aviez pas vu de voisins
21 serbes. Ma question suivante est de savoir si vous avez
22 entendu dire éventuellement que certains de vos soldats
23 serbes portaient un uniforme et se déplaçaient à travers le
24 village.
25 R. Moi, j’ai vu mais je n’ai pas parlé avec ces
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1 voisins serbes qui portaient des armes. Je les ai vus en
2 uniformes avec des armes. Ils portaient donc des armes et
3 des uniformes durant cette période. Après le 8 avril
4 jusqu’au 3 juillet, je les ai vus à plusieurs reprises,
5 mais je n’ai pas parlé avec ces gens qui portaient des
6 armes.
7 Q. Je comprends. Donc, si j’ai bien compris,
8 vous n’avez pas parlé avec eux, mais vous avez observé
9 leurs déplacements. Est-ce exact ?
10 R. C’est exact.
11 Q. Connaissez-vous Buk Bijela ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges où se
14 trouve Buk Bijela par rapport à votre village ou par
15 rapport à Foca ?
16 R. Je ne sais pas comment expliquer, mais par
17 rapport à mon village, c’était au-dessous du village, juste
18 au-dessous de la route régionale de Foca Gacko et à côté de
19 la rivière Drina.
20 Q. Après le 8 avril, donc au cours de cette
21 période, après le 8 avril, après la chute de Foca, est-ce
22 que vous pouvez dire quoi que ce soit sur la question de
23 savoir si vous avez vu qui que ce soit dans la région de
24 Buk Bijela ?
25 R. On pouvait voir ça tous les jours,
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1 pratiquement tous les jours. Il y avait sans arrêt des
2 camions, des autocars qui venaient, des véhicules blindés
3 qui transportaient des soldats. Ils venaient, ils
4 partaient.
5 Q. Vous parlez de qui exactement lorsque vous
6 dites « eux, ils transportaient » ? Est-ce que vous pouvez
7 dire aux Juges quels gens avez-vous vus dans ces camions,
8 dans ces autocars, dans ces véhicules militaires ?
9 R. Il s’agissait des soldats qui portaient des
10 uniformes de camouflage. Certains étaient en uniformes
11 vert olive puis parfois, ils étaient en uniformes noirs,
12 parfois ils avaient des brassards blancs autour de la
13 manche, parfois des brassards rouges. Ils étaient tous
14 armés. Lorsqu’ils arrivaient, ils tiraient, ils faisaient
15 la fête ainsi.
16 Q. Est-ce que vous pouviez déterminer si ces
17 soldats appartenaient à une même unité ou bien à plusieurs
18 unités ? Est-ce que vous avez pu vous créer une opinion
19 personnelle sur la base de vos observations ?
20 R. J’ai simplement entendu parler de cela par le
21 biais des médias et d’après les médias, c’était des Tigres
22 de Arkan, des Aigles Blancs, la JNA et puis d’autres unités
23 paramilitaires, mais moi, je ne dispose pas d’informations
24 plus précises.
25 Q. Mis à part le fait que vous avez reçu ces
Page 858
1 informations par le biais des médias, est-ce qu’à ce
2 moment-là ou par la suite, vous avez appris quelque chose
3 de plus concernant ce genre de groupe, par exemple, les
4 Tigres de Arkan ?
5 R. On parlait toujours d’eux et moi, j’ai eu
6 l’impression qu’ils existaient effectivement là-bas.
7 Q. Ce qui m’intéresse plus particulièrement
8 c’est si vous savez si les Tigres de Arkan étaient un
9 groupe constitué des gens locaux de Foca ou bien s’ils
10 venaient d’une autre municipalité, Obctina (ph.) ou bien
11 d’une autre partie de la Bosnie-Herzégovine ou d’ailleurs ?
12 R. D’après ce que les gens disaient, c’est
13 qu’ils venaient de Serbie. Personnellement, je n’ai pas
14 d’information à ce sujet, mais d’après les médias, il
15 s’agissait de formation serbe.
16 Q. J’ai des questions semblables en ce qui
17 concerne les Belis Orlovis, les Aigles Blancs. D’après vos
18 connaissances, est-ce qu’ils étaient constitués des gens
19 locaux ?
20 R. Ma réponse est la même qu’en ce qui concerne
21 la question précédente. Je pense que non.
22 Q. Je ne sais pas de qui vous parlez en parlant
23 des Aigles Blancs. Est-ce qu’ils faisaient partie de ces
24 deux groupes ou bien est-ce qu’il s’agissait là d’un
25 troisième groupe ?
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1 R. Eh bien, il s’agit des unités. Les Belis
2 Orlovis, Aigles Blancs, c’était une sorte d’unité d’élite
3 puis les Tigres de Arkan, je crois que c’était la même
4 chose et puis en ce qui concerne la troisième, la
5 quatrième, je ne suis pas sûr.
6 Q. Je vais essayer de clarifier ma question. Je
7 crois qu’en réponse à l’une de mes questions, vous avez
8 parlé des Aigles Blancs. Moi, je souhaite savoir s’il
9 s’agissait là du nom donné à l’un de ces deux groupes, donc
10 les Tigres de Arkan et les Belis Orlovis ou bien Aigles
11 Blancs ou bien est-ce que vous êtes en train de parler d’un
12 troisième groupe ?
13 R. Je crois qu’il ne s’agissait pas là du groupe
14 de Arkan. Je crois qu’il s’agissait probablement d’un
15 autre groupe. Je ne sais pas.
16 Q. Je vois. Donc, lorsque vous dites les Aigles
17 Blancs, vous parlez des Belis Orlovis ?
18 R. Oui.
19 Q. Merci de cette clarification. Vous avez vu,
20 vous dites, tous les jours un nombre de soldats. Est-ce
21 que vous avez pu conclure qu’il s’agissait de soldats à
22 cause de la manière dont ils étaient vêtus ou bien à cause
23 de ce qu’ils portaient sur eux ? Est-ce qu’ils étaient
24 armés ? Est-ce qu’ils portaient des armes ?
25 R. Toujours, à tout moment. Non seulement ils
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1 portaient les armes, mais ils tiraient. À chaque fois
2 qu’ils passaient, qu’ils étaient près du village, ils
3 tiraient toujours.
4 Q. Est-ce qu’il y avait des raisons concrètes
5 qui provoquaient ces tirs ? Est-ce qu’il y avait des
6 cibles ou bien est-ce qu’ils tiraient à droite et à gauche
7 sans aucune raison ?
8 R. Je suppose qu’à ce moment-là, il n’y avait
9 pas de raison particulière. Ils tiraient dans l’air.
10 C’était une sorte de manière de faire la fête.
11 Q. Quel était l’effet de ces coups de feu sur
12 les habitants de la partie du village où vous avez vécu,
13 sur vous-même, votre famille, vos voisins ?
14 R. Eh bien, tout d’abord, nous n’osions pas nous
15 déplacer. Nous n’osions pas sortir. Nous n’osions pas
16 dormir chez nous. Nous dormions dans la forêt tout le
17 temps. À la fin, l’attaque a été lancée contre le village.
18 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel moment
19 cette attaque contre votre village a-t-elle eu lieu ?
20 R. L’attaque contre le village a eu lieu un
21 vendredi. C’était le 3 juillet 1992.
22 Q. Où étiez-vous au cours de la nuit entre le 2
23 et le 3 juillet ? Étiez-vous chez vous ?
24 R. Non. J’étais dans la forêt. Je dormais
25 comme tous les autres villageois.
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1 Q. Pourquoi est-ce que vous avez dormi dans la
2 forêt plutôt que chez vous ?
3 R. Parce que nous ne nous sentions pas en
4 sécurité si nous dormions chez nous à cause de cette armée
5 justement, à cause de ces gens armés que nous ne
6 connaissions pas. Nous ne nous sentions jamais en
7 sécurité.
8 Q. Que s’est-il produit le 6 juillet ?
9 R. Le 6 juillet, c’était un vendredi. Je suis
10 venu à la maison à 6 h 00 afin d’entendre les nouvelles.
11 Je les ai entendues et je suis allé vers la maison d’un
12 voisin serbe puisque la veille, il m’a dit qu’il allait
13 peut-être aller à Foca et je voulais lui demander de
14 m’apporter des cigarettes, mais la situation semblait être
15 complètement calme. Je n’entendais rien du tout. Je n’ai
16 même pas remarqué les déplacements de mon voisin.
17 Donc, je rentrais chez moi et à un moment, j’ai
18 entendu une rafale brève. Ceci s’est produit au sommet du
19 village et à ce moment-là j’ai regardé à gauche de l’autre
20 côté de la rivière Drina. J’ai vu une voiture Golf blanche
21 et il y a eu deux hommes en uniformes qui regardaient par
22 le biais des jumelles les endroits où il y a eu les tirs.
23 En même temps, des coups de feu ont éclaté un peu
24 partout. À ce moment-là, je suis allé vers ma maison, je
25 suis allé chez moi et à ce moment-là j’ai vu un soldat en
Page 862
1 uniforme vert olive, c’était un soldat que je ne
2 connaissais pas et l’autre personne était mon voisin.
3 Lorsque j’ai entendu ces coups de feu, j’ai compris ce qui
4 se passait et j’ai commencé à courir. J’ai couru vers la
5 colline du village. Je suis allé jusqu’à la maison de mon
6 frère. J’ai dit tout simplement : « Enfuyez-vous ». Je
7 l’ai dit aux femmes et aux enfants et j’ai dit : « Je vais
8 aller chercher ma belle-mère pour dire qu’il faut que nous
9 nous échappions à la forêt. »
10 L’un de ces deux soldats a commencé à tirer au
11 moment où je commençais à courir. Je ne sais pas si la
12 personne a tiré dans l’air ou derrière mon dos, mais de
13 toute façon, il ne m’a pas touché. Donc, j’ai réussi à
14 courir.
15 Lorsque je suis passé à côté de la maison de mon
16 frère, je suis allé jusqu’à l’abri où se cachaient mes
17 beaux-parents, leurs voisins et leurs deux enfants et je
18 suis arrivé au moment où ils se cachaient dans une
19 dépression profonde. Il y avait une partie boisée là-bas
20 et moi, je me suis caché, j’ai trouvé refuge là-bas aussi.
21 Les coups de feu se sont poursuivis pendant assez
22 longtemps. Des enfants et des femmes criaient. On
23 entendait le bruit de fenêtres brisées. D’abord, on
24 brisait la fenêtre et ensuite on entendait que quelqu’un
25 disait : « Il n’y a personne ici. Il faut incendier cette
Page 863
1 maison. » Ensuite, ils incendiaient la maison. On pouvait
2 entendre tout ça.
3 Nous y sommes restés cachés pendant je ne sais pas
4 exactement combien de temps et puis à un moment, un groupe
5 de soldats est arrivé jusqu’à cet abri, jusqu’à l’abri où
6 se trouvaient mes beaux-parents avec ces autres personnes.
7 Ils y sont arrivés, ils ont tiré un peu et ensuite, ils ont
8 commencé à fouiller le terrain.
9 Q. Je vais vous arrêter un peu. Je vais vous
10 interrompre pour parler de certains détails et ensuite,
11 nous pourrons poursuivre le récit.
12 Vous nous avez dit, au moment où vous avez
13 commencé à décrire ce qui s’est produit le 3 juillet, que
14 vous avez vu un nombre de soldats, deux soldats. L’un
15 d’eux, vous ne l’avez pas reconnu et l’autre, vous l’avez
16 reconnu en tant que votre voisin. Tout d’abord, est-ce
17 qu’ils portaient des uniformes tous les deux ?
18 R. Oui. Il y en avait un qui portait l’uniforme
19 vert olive. Je n’ai pas reconnu cette personne, mais mon
20 voisin portait un uniforme de camouflage. Je l’ai reconnu.
21 Q. Ce voisin, est-ce que vous savez qu’est-ce
22 qu’il était de nationalité ?
23 R. Serbe.
24 Q. Ensuite, vous avez donné la description des
25 tirs qui ont été échangés. Vous avez dit également que
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1 vous-même ainsi que vos amis et des membres de votre
2 famille, vous vous êtes caché dans cette dépression, dans
3 ce vallon et vous avez pu voir à partir de cet endroit que
4 les maisons ont été incendiées. Qu’est-ce que vous avez vu
5 et comment vous savez qu’ils ont incendié les maisons ?
6 R. Je n’ai pas vu. Je n’ai pas dit qu’ils
7 avaient mis de l’explosif ou du feu dans les maisons, mais
8 ce que j’ai entendu c’est qu’il y avait des fenêtres qui
9 ont été brisées. Par exemple, j’entendais les pas qui
10 s’arrêtaient devant la maison puis les fenêtres qui ont été
11 brisées puis ils disent : « Il n’y a plus personne là-
12 dedans », puis ensuite, j’ai entendu les échanges des
13 conversations puis également cette construction en bois qui
14 a été incendiée. Donc, on entendait plutôt que l’on
15 voyait, mais une fois que je suis sorti de la dépression,
16 je l’ai vu de mes propres yeux.
17 Q. Est-ce que vous avez vu la flamme
18 éventuellement ?
19 R. Plus tard, oui, mais pas tout de suite.
20 C’était plutôt par l’ouïe que j’ai tout entendu.
21 Q. Est-ce que vous avez vu également quelles
22 étaient les maisons qui ont été détruites, incendiées ?
23 Est-ce que c’était toutes les maisons qui ont été
24 incendiées ou uniquement dont les propriétaires étaient
25 musulmans ?
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1 R. Oui, dont les propriétaires étaient musulmans
2 donc sur une base ethnique.
3 Q. Est-ce que maintenant, vous pouvez être plus
4 précis ? Est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont les
5 maisons qui ont été détruites, serbes, croates,
6 musulmanes ?
7 R. Musulmanes.
8 Q. Vous connaissiez assez bien ces maisons dans
9 votre village. Je pense que vous le dites avec certitude ?
10 Ce n’est pas avec des réserves ?
11 R. Non, mais je connaissais bien chaque maison
12 dans mon village. C’est tout à fait avec certitude que je
13 l’affirme.
14 Q. Je vous remercie, Monsieur. Je vais
15 maintenant vous inviter à poursuivre mais sur un autre
16 sujet. Vous vous êtes préparé tout à l’heure pour nous
17 parler de quelque chose au sujet de ce qui s’est passé au
18 moment où vous étiez à Visokatrava (ph.). Je pense que
19 vous étiez avec votre famille ?
20 R. Non. C’était mes beaux-parents. C’était mes
21 amis. Il y avait les deux enfants et moi-même.
22 Effectivement, ils étaient cachés à dix mètres par rapport
23 à nous alors que nos voisins et moi-même, nous nous sommes
24 donc cachés derrière un arbre, alors qu’il y avait l’herbe
25 qui était assez haute et c’est dans l’herbe qu’ils se sont
Page 866
1 cachés.
2 Au moment où les soldats ont commencé à ratisser
3 le terrain, ils ont pu remarquer un enfant. Donc, ils ont
4 commencé à crier, hurler : « Haut les mains. » Ils
5 voulaient tirer. Donc, les enfants, ils se sont levés. Il
6 y avait deux femmes également et tout le monde s’est remis
7 donc dans les mains de ces soldats et au moment où ils
8 étaient sur le point de sortir de ce vallon, de cette
9 dépression, il y a un soldat qui a crié une fois de plus :
10 « Y a-t-il quelqu’un encore là-dedans ? Sinon, je vais
11 tirer, je vais jeter une grenade », alors que quelqu’un
12 d’autre a dit : « Non, tu n’as pas besoin. Moi, je vais
13 agir différemment. »
14 Par conséquent, il a tiré des rafales entre notre
15 direction. Heureusement, ils ne nous a pas touchés. À
16 quelques centimètres par rapport à moi, par rapport à ces
17 gens-là dans le groupe duquel j’étais, il y avait
18 effectivement une balle que nous avons trouvée et cette
19 balle a pratiquement coupé les tiges et les branches.
20 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre encore
21 une fois. Je voudrais quand même éclaircir quelques
22 points. Est-ce que j’ai bien compris que vous-même ainsi
23 que d’autres membres de votre famille, vous étiez cachés
24 dans un même secteur mais à deux endroits différents ?
25 R. Oui. Ma famille était à un endroit et mon
Page 867
1 beau-père, ma belle-mère que j’ai rejoints dans un autre
2 endroit. C’est le même terrain, c’est le même secteur,
3 mais on était à une distance de 300 mètres à peu près.
4 Q. Vous avez pu voir par conséquent ce qui se
5 passait. Il y a un certain nombre de personnes qui se sont
6 remises alors que vous, vous ne vous êtes pas remis, n’est-
7 ce pas ? C’est exact ?
8 R. Oui, c’est tout à fait exact. Moi, je ne
9 suis pas sorti de mon abri. Ceux qui se sont remis, les
10 soldats les ont escortés, ils les ont rassemblés d’abord.
11 Ensuite, ils les ont escortés jusqu’à Bijela. Il y avait
12 deux ou trois soldats qui sont restés derrière mais nous,
13 on était resté dans notre cachette et puis on n’a pas
14 parlé, on se taisait. Donc, ces deux soldats, ils ont
15 dit : « Bien, voilà, ils sont partis, alors qu’il y en a
16 quand même qui reste et il faut absolument les trouver. »
17 Moi, je sais bien que c’était les voisins. Moi,
18 je ne peux pas dire que je les ai vus, mais c’est la voix
19 que j’ai reconnue parce que depuis des années, on vivait
20 ensemble dans le voisinage. Il y avait un voisin qui
21 n’était pas véritablement le voisin direct d’un autre
22 village, mais de toute façon, j’ai pu également le
23 reconnaître.
24 Donc, sur les deux personnes, il y en avait un qui
25 était mon voisin direct et l’autre qui était venu d’un peu
Page 868
1 plus loin, mais de toute façon, je les ai reconnus par la
2 voix. C’est juste le torse que je pouvais voir et pas le
3 reste de leur corps, mais de toute façon, il y avait un
4 voisin qui portait un pantalon, un civil, quoi, qui n’était
5 pas en uniforme alors que l’autre, il était dans un
6 uniforme vert olive, mais de toute façon, j’avoue que je
7 n’ai pas vu très clair parce qu’il y avait des branches.
8 Donc, je ne voyais pas clairement, mais j’ai entendu les
9 voix et j’ai reconnu les voix.
10 Q. Je vais vous interrompre une fois de plus.
11 Excusez-moi, mais je pense qu’il faut encore une fois
12 apporter un certain nombre de précisions. Tout d’abord,
13 vous nous avez dit qu’il y avait plusieurs soldats.
14 Ensuite, vous déposez et puis vous décrivez plus que deux
15 soldats. Alors, combien de personnes étaient dans ce
16 groupe de soldats qui ont capturé, arrêté les membres de
17 votre famille ?
18 R. Trois ou quatre soldats ont demandé donc
19 d’abord à ces personnes de sortir de leur cachette. Ce
20 sont eux qui les ont escortées. Je ne sais pas, il y en
21 avait trois ou quatre avec le premier groupe. Il y en a
22 deux qui sont restés en arrière.
23 Q. On va essayer de récapituler. Par
24 conséquent, il s’agissait quand même d’un groupe de six à
25 huit soldats au total, n’est-ce pas ?
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1 R. Oui, approximativement.
2 Q. Sur trois ou quatre qui sont restés au total,
3 si j’ai bien compris, vous avez reconnu les voix de trois ?
4 Il y en avait deux qui étaient vos voisins, il y en avait
5 un troisième également que vous connaissiez, mais qui était
6 d’un autre village mais que vous connaissiez de loin ?
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce que vous savez quelle était la
9 nationalité de ces personnes, de ces soldats si c’était vos
10 voisins ?
11 R. Oui, je sais. C’était des Serbes.
12 Q. Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?
13 R. Donc, il y a d’abord ce groupe-là qui s’est
14 remis. Il y avait des enfants, il y avait des femmes, il y
15 avait ma belle-mère. Donc, j’ai dit qu’il y en avait trois
16 qui sont restés à peu près. Ils ont ratissé le terrain.
17 Ils nous ont cherchés. Ils ne nous ont pas trouvés et
18 ensuite, les autres, le premier groupe est parti vers Buk
19 Bijela. Nous avons entendu les femmes et les enfants
20 pleurer. Nous avons par conséquent compris que c’est vers
21 Buk Bijela qu’on les emmenait.
22 Nous, on est resté jusqu’à 10 h 00, 10 h 30 à peu
23 près. On se cachait, je l’ai dit, et quand nous avons
24 compris qu’il n’y avait plus personne, à ce moment-là, nous
25 avons commencé à nous acheminer vers le haut du village.
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1 Nous nous sommes donc dirigés dans cette direction et
2 pendant une heure à peu près, nous nous sommes déplacés,
3 mais nous avons également remarqué un autre abri où se sont
4 cachés quelques de nos voisins musulmans. Nous avons
5 compris qu’ils se sont retirés sans avoir de problème.
6 Personne ne les a arrêtés.
7 Au moment où nous sommes arrivés en haut du
8 village, quand nous sommes retournés, nous avons pu voir
9 les flammes, les maisons qui déjà ont été brûlées et tout à
10 fait en haut du village, il y avait une maison qui n’était
11 pas encore tout à fait incendiée, alors que l’autre était à
12 moitié brûlée parce qu’il y avait l’étable également qui
13 était à côté et qui était en flammes.
14 Ensuite, nous nous sommes dirigés vers la colline.
15 Nous sommes tombés sur la première victime. C’est un
16 musulman, un voisin.
17 Q. Je vais encore une fois vous interrompre.
18 Excusez-moi, mais une fois de plus, quelques détails pour
19 compléter ce que vous relatez. Quand vous regardez du haut
20 du village, je suppose qu’on voit le village sur le
21 plateau, n’est-ce pas ?
22 R. Quand vous regardez du haut du village, on
23 peut voir à peu près 60 pour cent du village à cause de la
24 configuration du terrain, mais si vous montez encore un peu
25 plus haut sur la côte qui est surélevée, à ce moment-là,
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1 vous voyez pratiquement tout le village.
2 Q. Est-ce que vous êtes monté sur la côte ?
3 R. Oui.
4 Q. Au moment où vous êtes monté sur cette
5 surélévation, sur cette côte, est-ce que vous avez pu voir
6 ce qui s’était passé sur le village et combien de maisons
7 ont été brûlées ?
8 R. Sur les 40 maisons musulmanes, il y en avait
9 six qui sont restées intactes. Deux ont été touchées, mais
10 n’ont pas été incendiées complètement. Plus tard, il y a
11 encore deux autres maisons qui ont été incendiées, mais les
12 deux maisons musulmanes sont restées intactes en
13 définitive.
14 Q. Une fois de plus, on va essayer d’additionner
15 quelque peu. Il s’agit par conséquent de 34 maisons
16 musulmanes qui ont été incendiées ?
17 R. Le premier jour, 34 maisons musulmanes ont
18 été incendiées.
19 Q. Vous nous avez dit, Monsieur, que votre beau-
20 père, votre belle-mère et les autres membres de votre
21 famille ont été emmenés vers Buk Bijela ?
22 R. Oui.
23 Q. Comment vous le savez ?
24 R. Je le sais parce que c’est ma belle-mère qui
25 me l’a raconté puis il y avait d’autres villageois
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1 également qui ont été arrêtés, rassemblés et emmenés à Buk
2 Bijela.
3 Q. Est-ce que vous savez ce qui s’était passé,
4 qu’est-ce qui leur est arrivé ?
5 R. Oui.
6 Q. Pourriez-vous nous dire, s’il vous plaît,
7 nous relater ce que vous savez ?
8 R. J’ai entendu pour mon beau-père qu’il a été
9 interrogé par Janko Janjic, surnom Tuta, qu’il l’avait
10 passé à tabac, qu’il l’avait frappé, qu’on l’a emmené du
11 côté de la rivière Drina. On a entendu des tirs. Il y a
12 quelqu’un qui est rentré et qui a dit : « Ce vieux s’est
13 sauvé, s’est échappé » et depuis, on n’a jamais entendu
14 parler de lui.
15 Q. Depuis, vous n’avez jamais entendu parler de
16 votre beau-père, vous ne l’avez pas vu ?
17 R. Non.
18 Q. Est-ce que vous savez ce qui s’était passé
19 également avec des femmes et des enfants ?
20 R. Pour ce qui est des femmes et des enfants, il
21 y a un certain nombre de femmes qui ont été violées tout de
22 suite sur place et il y en a d’autres qui ont été violées
23 par la suite, une fois quand elles se sont rendues au
24 centre scolaire, enfin, centre secondaire. Ensuite, on les
25 a transférées au Centre sportif Partizan. C’est là-bas
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1 qu’on a emmené les femmes. On les a violées. Elles ont
2 subi des tortures. Enfin, il y avait plein de choses qui
3 se sont passées.
4 Q. Merci. Nous allons peut-être revenir à ce
5 sujet tout à l’heure. Je m’excuse, je vous ai interrompu,
6 mais tout à l’heure, vous vouliez nous raconter quelque
7 chose au sujet de votre propre chemin. Vous étiez en haut
8 du village. Nous sommes donc le 3 juillet très tard, 3
9 juillet 1992 ?
10 R. Non. Ce n’était pas très tard le soir.
11 C’était le 3 juillet 1992.
12 Q. Excusez-moi. Vous pouvez me corriger, s’il
13 vous plaît. À quel moment c’était ?
14 R. C’était à 12 h 00, 12 h 30. C’était à peu
15 près à ce moment-là que je me suis trouvé en haut du
16 village.
17 Q. C’est moi qui ai fait l’erreur. Excusez-moi,
18 mais comme vous avez parlé de 10 h 30, vous avez
19 probablement pensé à 10 h 30 le matin et pas 22 h 30 ?
20 R. Oui. Le matin. J’ai parlé du matin et pas
21 du soir.
22 Q. C’est moi qui ai commis l’erreur.
23 R. Oui, c’était le matin.
24 Q. Dites-nous maintenant ce que vous avez fait
25 le reste de la journée. Vous vouliez dire que vous
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1 trouviez je ne sais pas quoi. Je vous ai interrompu.
2 R. Oui. Mon voisin et moi-même, nous nous
3 sommes dirigés vers la colline. Il y avait un très grand
4 abri et c’est dans cet abri que la plupart des gens
5 pouvaient s’y abriter et c’est là que nous avons trouvé sur
6 le chemin la première victime. C’est un musulman. Nous
7 l’avons vu, il était couché par terre, il a été tué. Nous
8 avons eu l’impression qu’il a été égorgé, mais de toute
9 façon, on a vu le sang sur le cou, mais il était couché par
10 terre, prostré, et c’est comme ça que nous avons vu des
11 blessures sur son cou. De toute façon, nous avons supposé
12 qu’il a été égorgé, mais c’était une supposition. On ne
13 l’a pas examiné véritablement.
14 On a poursuivi notre chemin pour regagner cet abri
15 où il y avait d’autres musulmans parce que c’était un abri
16 qui était très grand et dans la forêt, nous avons rencontré
17 encore deux autres voisins. C’était des hommes et nous
18 avons posé la question s’ils étaient au courant de ce qui
19 s’était passé. Il y en avait un qui avait dit : « N’allez
20 pas là-bas, c’est moi qui vais y aller », et une fois quand
21 il est rentré, il a dit que ces abris, ces tentes et tous
22 ces abris qui étaient de fortune, tout a été incendié et
23 que, de toute façon, il n’a trouvé personne.
24 Donc, nous nous sommes arrêtés et on s’est posé la
25 question de ce qu’il fallait faire et puis nous avons
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1 décidé d’aller, comme je l’ai dit, au sommet de la colline,
2 d’essayer donc d’aller plus loin, enfin, de nous sauver,
3 mais on a trouvé également des traces des hommes qui
4 probablement essayaient de s’échapper et on a trouvé encore
5 deux autres victimes. Il y avait d’abord un homme et puis
6 une femme qui ont été tirés sur le rocher et puis ils sont
7 tombés probablement. On a tiré sur eux, on les a touchés
8 et puis ils sont tombés probablement. Tout au moins, c’est
9 ce que nous avons pu constater étant donné qu’il y avait un
10 certain nombre de traces sur des vêtements.
11 À une trentaine de mètres par rapport à cet
12 endroit-là, nous avons trouvé un groupe de sept hommes du
13 village qui ont été frappés. Ça, on l’a vu. Ils ont été
14 passés à tabac et puis on les a tués. Ce n’est que plus
15 tard que j’ai appris par des femmes que toutes les femmes
16 et tous les hommes qui se trouvaient dans l’abri et qui ont
17 essayé de s’échapper ont essuyé des tirs.
18 On a tiré sur les enfants, on a tiré sur les
19 femmes. Il y avait un enfant, une femme et un homme qui
20 ont été tués. À Visoko également, il y a une femme sur
21 laquelle on avait tiré et on l’a tuée, mais on ne l’a pas
22 vue cette femme. On a arrêté les autres. On les a
23 rassemblés. On a expliqué aux femmes qu’il fallait
24 qu’elles prennent des enfants pour descendre vers le
25 village, alors que les hommes sont restés pour être
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1 interrogés.
2 Donc, elles étaient sur le chemin donc de descente
3 et elles ont entendu des tirs. Donc, elles ont pensé tout
4 de suite qu’on avait tué leurs hommes et la mère d’un homme
5 avait dit à une femme : « J’ai vu quelqu’un qui avait
6 frappé mon fils par une crosse, en utilisant la crosse et
7 il lui a donné un coup tellement violent que son œil est
8 sorti de l’orbite. »
9 Q. Vous avez dit que vous-même ainsi que votre
10 voisin, vous avez vu deux cadavres, un homme et une femme.
11 Vous avez dit que vous avez tout simplement déduit qu’ils
12 ont été tués par une balle de fusil et qu’ils sont tombés
13 par la suite d’un rocher. Est-ce que vous l’affirmez ou
14 vous le supposez ?
15 R. De toute façon, nous pouvons l’affirmer parce
16 qu’on voyait sur les arbres qu’il y avait des traces de
17 balles. Par conséquent, probablement que les deux
18 personnes ont question se trouvaient dans un espace dégagé.
19 Par conséquent, on les a facilement descendues, ce qui
20 n’était pas le cas avec les autres.
21 Q. Est-ce que vous avez également pu remarquer
22 des traces de balles ou bien vous n’étiez pas tout à fait
23 près ?
24 R. Non, mais je ne me suis pas approché. Je
25 n’ai pas vu.
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1 Q. Monsieur, est-ce que vous savez combien
2 d’hommes et de femmes sont portés disparus après le
3 conflit ?
4 R. Je sais qu’il y a beaucoup d’hommes et de
5 femmes qui se trouvent partout dans le monde, en Allemagne
6 jusqu’aux États-Unis et à Sarajevo et ailleurs.
7 Q. Est-ce que vous savez combien de personnes
8 ont été tuées ce jour-là ?
9 R. Vingt-huit au total.
10 Q. Il y avait des femmes, des hommes et des
11 enfants ?
12 R. Oui. Parmi eux, il y avait un enfant d’un
13 an.
14 Q. Revenons à ce qui vous est arrivé, ce que
15 vous avez vu ce jour-là, Monsieur. Est-ce que vous avez vu
16 quelqu’un perquisitionner dans votre village l’après-midi
17 le 3 juillet 1992 ?
18 R. Mon voisin et moi-même ainsi que deux autres
19 voisins que nous avons rencontrés, donc à quatre, nous
20 sommes partis vers la colline. Nous avons pu rencontrer
21 six personnes. Il y avait des femmes et des enfants parmi
22 eux. Nous avons continué jusqu’au sommet de la colline.
23 On n’a pas osé poursuivre. Nous avons décidé de passer la
24 nuit à cet endroit-là pour partir le lendemain matin dans
25 la direction de Zelengora. C’est une montagne.
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1 Vers 5 h 00 du matin, nous avons entendu quelques
2 soldats – je ne sais pas combien ils étaient au total – qui
3 circulaient dans le village, qui cherchaient les villageois
4 qui éventuellement sont restés encore dans le village. Ils
5 tiraient de fusils mitrailleurs en direction de la colline
6 probablement pour protéger ce secteur.
7 Q. Est-ce que vous avez continué avec votre
8 voisin votre chemin ?
9 R. C’est le lendemain matin à 4 h 00 du matin
10 que nous avons traversé la colline. Nous avons regagné la
11 forêt. Nous avons marché encore une heure. Ensuite, il a
12 fallu passer également quelques rochers puis en contrebas
13 par rapport au village serbe, nous nous sommes arrêtés pour
14 attendre la nuit et ce n’est que le 5 juillet que nous
15 avons regagné cette montagne qui était notre objectif.
16 Q. Quel était l’endroit que vous vouliez
17 regagner ?
18 R. Nous avons appris que tous les villages qui
19 étaient en haut de la rivière de Sutjeska se sont déplacés
20 vers Zelengora et c’est la raison pour laquelle on
21 souhaitait regagner cet endroit.
22 Q. Je suppose que vous êtes arrivé à Zelengora,
23 n’est-ce pas ? C’est à ça que vous pensiez ?
24 R. Oui.
25 Q. Au moment où vous êtes arrivé à Zelengora,
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1 est-ce que vous avez remarqué qu’il y avait d’autres
2 musulmans également qui ont été rassemblés à cet
3 endroit-là ?
4 R. Oui. Il y avait entre 1 500 et 2 000
5 musulmans qui s’y trouvaient et qui étaient des réfugiés de
6 ce secteur de Sutjeska. J’ai dit que c’était en amont de
7 la rivière de Sutjeska tous les villages.
8 Q. Je ne vous demande pas les détails, mais vous
9 avez entendu parler des villageois. Est-ce que vous pouvez
10 nous dire également ce que vous avez entendu parce qu’il y
11 a un certain nombre d’événements que vous-même, vous avez
12 relatés devant les Juges, mais vous avez entendu
13 probablement les villageois parler d’autres choses qui se
14 sont passées ?
15 R. Oui.
16 Q. Si je vous ai compris, Monsieur, vous-même
17 ainsi que d’autres personnes, d’autres réfugiés, vous avez
18 rejoint une unité de l’armée de Bosnie-Herzégovine. Est-ce
19 que c’est exact ?
20 R. Oui, tout à fait.
21 Q. À quel moment vous avez rejoint les rangs de
22 cette unité et combien de temps vous avez passé dans cette
23 unité ou cette formation ?
24 R. C’est le 5 juillet 1992 que j’ai rejoint les
25 rangs de l’unité. Je n’avais pas d’arme. Je suis resté
Page 880
1 une quinzaine de jours dans la montagne et ce n’est que par
2 la suite que nous avons fait un plan, un plan de sortir la
3 population civile de Zelengora et de les transférer vers
4 Igman et d’autres territoires libérés.
5 Moi, je me suis rendu à Igman et à partir du mois
6 d’août, j’ai été membre de l’armée de Bosnie-Herzégovine
7 jusqu’au 16 septembre 1994.
8 Q. Monsieur, si vous voulez bien, nous allons
9 revenir encore au 3 juillet. Vous avez parlé de votre
10 belle-mère, de votre beau-père, d’autres membres de la
11 famille. Vous avez une femme et une fille ?
12 R. Oui.
13 Q. Elles se trouvaient où ce jour-là ?
14 R. Je l’ai déjà précisé. J’ai dit que j’ai
15 demandé à mon frère de dire à mon épouse, à mes enfants
16 d’aller se cacher dans les forêts qui sont en haut par
17 rapport aux maisons serbes et nous avons pensé tout
18 simplement que là-bas, on ne nous cherchera pas. Il y
19 avait 17 membres également de la famille, de nos deux
20 familles, de mon frère et de moi qui sont restés là-bas
21 pendant deux jours.
22 Q. Est-ce que vous étiez présent au moment où
23 ils étaient capturés, où ils étaient arrêtés ?
24 R. Non.
25 Q. Ne nous dites pas où, mais de toute façon, ce
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1 que j’aimerais savoir, si éventuellement, vous avez revu
2 votre femme et votre fille.
3 R. Non, jusqu’à 1994.
4 Q. Donc, à partir du moment où vous les avez
5 envoyées pour leur propre sécurité jusqu’à un certain
6 moment en 1994, vous n’avez plus revu ni votre épouse, ni
7 votre fille ?
8 R. Non.
9 Q. Quand vous avez retrouvé votre famille, votre
10 épouse et votre fille – ne nous dites pas quand et où –
11 est-ce qu’elles vous ont raconté ce qui leur est arrivé ?
12 R. Oui. On m’a informé de ce qui s’est passé,
13 de tout ce qui s’est passé.
14 Q. Votre épouse est un témoin protégé qui
15 viendra témoigner devant ce Tribunal, n’est-ce pas,
16 Monsieur ?
17 R. Oui.
18 Q. Votre fille aussi viendra témoigner, on
19 s’entend à ce qu’elle vienne témoigner devant ce Tribunal,
20 n’est-ce pas ?
21 R. Oui, c’est exact.
22 Q. Que vous a dit votre épouse, Monsieur,
23 concernant ce qui lui est arrivé à elle et à votre fille ?
24 Je sais que c’est difficile mais peut-être pourriez-vous
25 commencer par nous dire où elles ont été amenées.
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1 R. Le 5 juillet, c’était un dimanche, avec mon
2 frère et un voisin et des cousins, les 17 membres de ma
3 famille, ils ont décidé tous ensemble de se rendre aux
4 autorités serbes parce qu’ils n’avaient pas de sortie, ils
5 ne savaient pas où aller. Ainsi, le 5 juillet, ils se sont
6 rendus dans la maison de notre voisin en disant qu’ils se
7 rendaient.
8 Ensuite, le voisin a fait appel à la police
9 militaire. Ils les ont escortés jusqu’à Buk Bijela et les
10 frères et les cousins ont été amenés à KP Dom. Ce n’est
11 pas ma fille qui me l’a dit car elle ne pouvait pas le
12 dire, mais elle a été violée ce jour-là à Buk Bijela.
13 De là, elles ont été amenées à Foca dans le centre
14 de l’école secondaire et ensuite à Partizan. Elles ont été
15 amenées là-bas. Elles ont été violées quotidiennement pour
16 ainsi dire, sauf que de temps en temps, il leur arrivait de
17 réussir à se cacher dans la verdure à côté du SUP, le poste
18 de police.
19 Q. Savez-vous combien de temps elles ont passé
20 en détention ?
21 R. À partir du 5 mars [sic] jusqu’au 13 août.
22 Q. Donc, vous voulez dire 5 juillet mais je
23 pense que vous avez dit 5 mars. Vous pensiez au 5 mars ?
24 R. Pour la détention, non. Elles ont été en
25 détention à partir du 5 juillet jusqu’au 13 août.
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1 Q. Est-ce que je vous ai bien compris que vous
2 avez été informé que votre fille et votre épouse, toutes
3 les deux, ont été violées ?
4 R. C’est exact.
5 Q. Je pense que vous nous avez dit qu’il y avait
6 plusieurs hommes de votre famille qui se sont aussi rendus
7 ce jour-là et ils ont été emmenés dans KP Dom, le quartier
8 pénitencier ?
9 R. Oui, c’est vrai. Le 5 juillet, ils ont été
10 amenés dans le quartier pénitentiaire du KP Dom et ils y
11 sont restés à peu près jusqu’en septembre 1995. Ensuite,
12 on leur a dit qu’on les amenait pour cueillir les prunes et
13 depuis, on a perdu toute trace de ces hommes, mais une
14 femme m’a dit qu’elle a reconnu le corps de mon frère dans
15 la rivière de Drina à 20 kilomètres plus bas. Je n’ai pas
16 reçu d’autres informations.
17 Q. Combien d’hommes membres de votre famille ont
18 disparu ou sont portés disparus depuis ce moment ?
19 R. Deux hommes de ma famille ainsi que mon beau-
20 père. Donc, ça fait trois membres de ma famille.
21 Q. Encore une fois, peut-être que je me suis
22 trompé, je n’ai pas regardé le compte-rendu, mais il me
23 semble que vous avez parlé du mois de septembre et il me
24 semble que vous avez parlé de l’année 1993. Avez-vous
25 pensé à l’année 1993 ou l’année 1992 ?
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1 R. L’année 1992. 1992, bien sûr. Il est
2 possible que je me sois trompé.
3 Me RYNEVELD (interprétation) : Je pense que
4 j’arrive à la fin de mon interrogatoire principal. Je
5 voudrais me consulter avec mes collègues, mes confrères
6 pour voir si j’ai omis de poser une question. Je vais pour
7 cela éteindre mon micro.
8 [Les conseils de l’Accusation discutent]
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci. J’ai
10 encore une question à poser.
11 Q. Je pense que vous nous avez dit en décrivant
12 les corps que vous avez trouvés, vous et votre voisin, en
13 cherchant un abri quand vous avez essayé de vous échapper
14 le 3 juillet, vous avez dit que vous avez trouvé sept
15 corps. Est-ce exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-ce que vous connaissiez les personnes en
18 question ?
19 R. Oui.
20 Q. Pourriez-vous nous dire quels vêtements, quel
21 genre de vêtements ces personnes portaient ? Était-ce des
22 uniformes ou des vêtements civils ?
23 R. Des vêtements civils, absolument.
24 Q. Quand vous dites que vous les connaissiez,
25 saviez-vous si c’était des musulmans ou des Serbes ?
Page 885
1 R. Je savais que c’était des musulmans.
2 Q. Est-ce que vous connaissiez leurs noms, par
3 hasard ?
4 R. Oui.
5 Q. Pourriez-vous nous énumérer leurs noms si
6 vous vous en souvenez toujours ?
7 R. Oui, je le dirai. Husein Barlov, Zijad
8 Barlov, Meho Barlov, Mujo Pekaz, Armin Pekaz, Adim Colo et
9 Sifet Colo.
10 Q. Merci, Monsieur le Témoin. C’était mes
11 questions. Maintenant, vous allez répondre aux questions
12 de mes confrères de la Défense.
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : La Défense
14 a-t-elle des questions ?
15 Me PRODANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la
16 Présidente.
17 CONTRE-INTERROGÉ PAR Me
18 PRODANOVIC (interprétation) :
19 Q. Bonjour, Monsieur le Témoin 52.
20 R. Bonjour.
21 Q. Avez-vous fait déjà une déclaration préalable
22 avant de venir témoigner ici ?
23 R. Oui, au Tribunal.
24 Q. Avez-vous fait d’autres déclarations et, si
25 oui, devant quelles instances ?
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1 R. Non, à personne.
2 Q. Vous souvenez-vous de la déclaration
3 préalable que vous avez donnée au Bureau du Procureur ?
4 R. Oui. Pour la plupart, oui.
5 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je vais demander
6 à l’huissier de montrer au témoin la déclaration préalable.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pouvez-vous
8 informer la Chambre de la date de cette déclaration
9 préalable ? Vous parlez de quelle déclaration exactement ?
10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
11 Présidente, la déclaration qui a été faite le 6 septembre
12 1995.
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
14 R. Que voulez-vous savoir ?
15 Me PRODANOVIC (interprétation) :
16 Q. Pouvez-vous confirmer qu’il s’agit bien de
17 votre déclaration ?
18 R. À en juger la première page, oui.
19 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je vais demander
20 de montrer la partie de la déclaration où se trouve la
21 signature du témoin pour vérifier qu’il s’agit bien de
22 cette déclaration, de la déclaration qu’il a faite car il
23 n’y a pas de signature, elle n’est pas signée. Cette
24 déclaration n’est pas signée.
25 R. Il y a une signature en bas, tout en bas.
Page 887
1 Q. Est-ce bien votre signature ?
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Ryneveld,
3 allez-y.
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Nous avons un
5 exemplaire de cette déclaration en langue anglaise et elle
6 est effectivement signée. Donc, si l’on montre la
7 déclaration préalable en langue anglaise, le témoin verra
8 la signature, sa signature.
9 R. Oui, c’est ma signature.
10 Me PRODANOVIC (interprétation) :
11 Q. Nous pouvons donc constater qu’il s’agit bien
12 de votre déclaration préalable ?
13 R. Oui.
14 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je vais demander
15 à la Chambre le versement au dossier de cette déclaration
16 préalable.
17 Me RYNEVELD (interprétation) : Je n’ai aucune
18 objection à ce que cette déclaration soit versée au
19 dossier, surtout si on va s’y référer au cours du contre-
20 interrogatoire.
21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’accord.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : C’est un document
23 coté 48, avec le numéro 48, mais moi, je n’ai pas eu
24 l’intention de le verser au dossier. Donc, ce document
25 n’est pas coté en tant que pièce à conviction.
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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est à la
2 greffière d’en décider.
3 LA GREFFIÈRE : Donc, dans la mesure où cette
4 pièce n’a pas fait l’objet d’une soumission par le
5 Procureur, elle va recevoir un numéro de cotation pièce de
6 la Défense et il s’agira du numéro D13.
7 Me PRODANOVIC (interprétation) :
8 Q. Pouvez-vous nous dire où vous êtes né ?
9 R. À Mjesaja.
10 Q. Quelle est votre éducation ?
11 R. J’ai fait les quatre premières classes de
12 l’école élémentaire. Ensuite, j’ai suivi des cours du soir
13 jusqu’à la huitième classe de l’école élémentaire et
14 ensuite, j’ai suivi des cours pour devenir un ouvrier en
15 construction en bâtiment.
16 Q. Donc, si j’ai bien compris, vous avez suivi
17 des études élémentaires ?
18 R. Oui.
19 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est la
20 composition ethnique du village de Mjesaja, le village où
21 vous avez vécu ?
22 R. La composition ethnique du village de
23 Mjesaja, ma maison était entourée de maisons serbes, alors
24 que le reste du village appartenait à des musulmans, il y
25 avait une population musulmane alors que moi, j’étais parmi
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1 la population serbe.
2 Q. Pouvez-vous nous dire combien y avait-il de
3 familles qui vivaient dans le village de Mjesaja avant la
4 guerre, des familles serbes et musulmanes ?
5 R. Soixante-dix ou 80. Évidemment, je parle du
6 village en entier avec la partie qui était sur la colline.
7 Q. Donc, en tout, il y avait à peu près 80
8 familles ?
9 R. Oui. Je ne saurais pas vous dire exactement
10 mais c’est à peu près ça.
11 Q. Ce n’est pas tellement important. Pourriez-
12 vous nous dire quelle était la composition ethnique, les
13 proportions des différentes communautés ?
14 R. Que voulez-vous dire ?
15 Q. Est-ce que c’était un rapport 50-50 ou bien
16 il y avait plus de familles musulmanes ou plus de familles
17 serbes ?
18 R. Si on regarde le village de Mjesaja et le
19 village de Trosanj, c’était à peu près pareil.
20 Q. Pour expliciter, le village de Trosanj est en
21 amont à l’extérieur du village de Mjesaja ?
22 R. Oui. C’est un village qui est dans la
23 continuité du village de Mjesaja. Je ne sais pas comment
24 m’exprimer exactement.
25 Q. Vous voulez dire qu’il y avait plusieurs
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1 hameaux autour du village de Mjesaja. C’est un village
2 dont les habitations sont éparpillées ?
3 R. En tout cas, le village Mjesaja, il y a
4 d’abord le village de Mjesaja et ensuite, il y a des
5 hameaux, Trosnjic, Trosanj. Dans le hameau de Trosnjic, il
6 y avait des Serbes, à Trosanj, des musulmans et à Mjesaja,
7 des Serbes.
8 Q. Ma question suivante, je voudrais situer
9 géographiquement le village de Mjesaja. Par rapport à la
10 route vers Foca, où se trouve ce village ?
11 R. À droite, après Buk Bijela. Donc, c’est
12 juste au-dessus de la route à droite.
13 Q. Pour être encore plus précis, est-ce que ce
14 village se trouve à droite de la route qui relie Foca et
15 Tjentiste ?
16 R. Oui.
17 Q. Pourriez-vous nous dire quels étaient les
18 rapports entre les voisins dans le village compte tenu du
19 fait que c’était un village mixte ? Est-ce que vous viviez
20 en harmonie, est-ce qu’il y a eu des problèmes ? Je pense
21 à la période d’avant.
22 R. Dans la période avant, il n’y a jamais eu de
23 problèmes, enfin, pas de gros problèmes. On prenait des
24 verres ensemble. Évidemment, il y avait des petites
25 querelles, des disputes, mais il n’y avait pas vraiment de
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1 problèmes.
2 Q. Pourriez-vous nous dire à quel moment la
3 situation s’est empirée, à quel moment les problèmes ont
4 apparu et il y a eu une séparation entre les villageois ?
5 R. Pour l’essentiel, cela a commencé avec les
6 événements de Focatrans. C’est là qu’on a commencé à voir
7 que les gens prenaient parti, se situaient d’un côté ou de
8 l’autre.
9 Q. Je suis entièrement d’accord avec vous. Vous
10 avez répondu à beaucoup de questions par rapport à ces
11 événements et je voudrais vous poser quelques questions au
12 sujet de cette affaire. À quel moment avez-vous appris
13 qu’il y avait des problèmes à Focatrans ?
14 R. Je ne me souviens pas de la date.
15 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était l’année
16 où ces problèmes ont survenu ?
17 R. Je pense que cela s’est produit vers la fin
18 de 1990 ou au début de 1991 car ces problèmes ont duré
19 plusieurs mois, deux ou trois mois avant qu’il y ait la
20 séparation au sein de l’entreprise.
21 Q. Je vais rafraîchir votre mémoire par rapport
22 à cette période. Qui vous a parlé de ces problèmes à
23 Focatrans ? Est-ce que vous les avez vécus
24 personnellement ?
25 R. Non, pas personnellement, mais on en parlait
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1 au travail.
2 Q. Donc, on parlait de l’affaire Focatrans, de
3 ce problème de la séparation ?
4 R. Oui, oui.
5 Q. Savez-vous comment tout cela a commencé à
6 Focatrans ?
7 R. Personnellement, je ne le sais pas, mais on
8 disait, mes collègues disaient et les Serbes et les
9 musulmans au travail – on était 10, 15 – au cours des
10 différentes conversations, il y avait différents
11 commentaires. Alors, les uns disaient qu’on avait essayé
12 de destituer le directeur de Focatrans de l’époque à cause
13 des malversations.
14 Alors, ensuite, cela ne s’est pas produit et à
15 cause de cela, un certain nombre de chauffeurs ont été
16 suspendus, ceux qui ont été à l’origine probablement de
17 cela, et avec la suspension d’un certain nombre de
18 chauffeurs, la situation a continué à se développer et à
19 devenir plus importante.
20 Q. Saviez-vous qu’il s’agissait d’une grève
21 commune des Serbes et des musulmans et que toutes les
22 personnes qui travaillaient à Focatrans ont commencé cette
23 grève ensemble ?
24 R. Non, je ne le savais pas.
25 Q. Savez-vous pourquoi la grève a commencé ?
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1 Vous avez dit que les Serbes voulaient créer leur propre
2 société. Voulez-vous expliciter davantage ?
3 R. D’après ce que mes collègues disaient, mes
4 collègues de travail, moi, je n’ai pas participé
5 directement à ces événements mais d’après ce qu’ils me
6 disaient, le directeur était musulman et il dérangeait
7 probablement quelqu’un et ils ont décidé de le changer.
8 Peut-être que je devrais le reformuler car ils
9 voulaient faire de Focatrans une société nationale et donc,
10 comme cela n’a pas marché, ils ont décidé de séparer cette
11 entreprise en deux par divisions et ils ont pris les
12 véhicules. C’est ce qu’ils ont fait en premier.
13 Q. Pourriez-vous nous dire qui a mené cette
14 grève ?
15 R. Je pense que ces ouvriers serbes étaient
16 représentés par Jovan Vukovic et je pense qu’il était
17 l’organisateur de cette grève.
18 Q. Vous avez dit que vous ne vous souvenez pas
19 de tous les détails puisque beaucoup de temps s’est écoulé
20 depuis. Je vais essayer de rafraîchir votre mémoire et je
21 vous demande si vous seriez d’accord avec moi pour dire que
22 le comité de grève, celui qui a initié la grève, que sa
23 composition était mixte, qu’il y avait quatre Serbes et
24 quatre musulmans dans ce comité de grève.
25 Je vais vous lire leurs noms. Il s’agissait de
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1 Jovan Vukovic qui est serbe, Celik, Halid qui est de
2 nationalité musulmane, Pljevcic, Trifko qui est de
3 nationalité serbe, Memija, Mirsad de nationalité musulmane,
4 Radovic, Slavko de nationalité serbe, Soic, Semso de
5 nationalité musulmane, Brkovic, Ilija de nationalité serbe
6 et Rifet Ozegovic de nationalité musulmane.
7 Êtes-vous d’accord avec moi et est-ce que vous
8 connaissez une de ces personnes personnellement ?
9 R. Je ne peux pas être d’accord avec vous car
10 j’ai entendu parler d’une personne, un musulman que vous
11 venez de mentionner. Je pense que vous avez dit Halid. Je
12 connais Vukovic et Ozegovic et je ne connais pas les
13 autres.
14 Q. Savez-vous quelles étaient les revendications
15 des grévistes ?
16 R. Non.
17 Q. Je vais rafraîchir votre mémoire à nouveau et
18 je vais vous demander si vous conviendrez, puisque cela
19 s’est produit il y a pas mal de temps, les revendications
20 des grévistes, donc du comité de grève qui représentait
21 tous les ouvriers de Focatrans, étaient l’augmentation des
22 salaires de 50 pour cent, ils ont demandé le changement du
23 directeur, Murid Dzuliman qui était musulman et ils ont
24 demandé aussi le changement du chef de comptabilité,
25 Markovic, Momcilo de nationalité serbe, et le chef du
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1 secteur de transport de marchandises.
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, Me
3 Ryneveld.
4 Me RYNEVELD (interprétation) : J’ai hésité à
5 interrompre mon collègue car il s’agit d’un contre-
6 interrogatoire pris au sens très large, mais je me demande
7 quelle est la pertinence de ses questions puisque nous
8 n’avons pas posé de telles questions au témoin. Il a déjà
9 dit qu’il ne savait pas grand-chose à ce sujet, mais si
10 vraiment on trouve cela pertinent, je voudrais que mon
11 collègue explique à la Chambre pourquoi il procède à un tel
12 contre-interrogatoire aussi long puisque je ne vois pas la
13 pertinence de ses questions.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me
15 Prodanovic, vous avez vu la question de l’Accusation.
16 Pourriez-vous répondre ?
17 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la
18 Présidente, je pense que le moment est venu où nous devons
19 apprendre ce qui s’est passé vraiment à Foca, quel était le
20 contexte car il est vrai que les gens, les ouvriers de
21 Focatrans ne vivaient pas dans l’amour et je pense qu’il
22 est vraiment important de voir ce qui s’est passé vraiment
23 derrière cette affaire.
24 Ces gens qui avaient des bons rapports, qui
25 vivaient en harmonie, il est intéressant d’apprendre
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1 c’était dans l’intérêt de qui de semer la dispute parmi ces
2 gens. Encore une fois, dans la déclaration du témoin, il y
3 a un certain nombre d’affirmations disant que c’était le
4 SDS, le Parti du SDS qui était derrière cette affaire et
5 c’est pour cela que j’ai posé cette question pour voir si
6 c’était vraiment le SDS qui était derrière cette affaire et
7 je pense que nous pourrions faire une pause maintenant et
8 continuer lundi.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non, Me
10 Prodanovic. Vous devez savoir qu’après tous ces événements
11 préliminaires, un conflit armé s’est produit et ceci n’est
12 pas contesté. Donc, les détails concernant l’affaire de
13 Focatrans ne sont véritablement pas pertinents.
14 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je me conforme à
15 votre décision, Madame la Présidente. Est-ce que je peux
16 continuer ?
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Il est 4 h
18 00 et c’est l’heure où nous interrompons la séance
19 d’aujourd’hui. Vous pouvez continuer lundi à 9 h 30.
20 Monsieur le Témoin, je vous remercie d’être venu
21 témoigner ici. Je crains fort que vous soyez obligé de
22 venir à nouveau lundi pour la suite du contre-
23 interrogatoire et pour les questions supplémentaires
24 éventuelles de l’Accusation. Donc, venez, s’il vous plaît,
25 lundi à 9 h 30. Levez-vous, s’il vous plaît.
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1 --- L’audience est levée à 16 h 00
2 pour reprendre lundi
3 le 27 mars 2000 à 9 h 30
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