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1 [Le mercredi 19 avril 2000]
2 [Audience publique]
3 [Les accusés entrent dans la Cour]
4 [Le témoin entre dans la Cour]
5 --- L’audience débute à 9 h 30
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame la
7 Greffière.
8 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T,
9 Le Procureur contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et
10 Zoran Vukovic.
11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
12 Avant de commencer, j’aimerais tout simplement
13 savoir si les accusés entendent ou pas en langue B/C/S.
14 L’ACCUSÉ KUNARAC : Oui.
15 L’ACCUSÉ KOVAC : Oui, j’entends.
16 L’ACCUSÉ VUKOVIC : Oui, j’entends.
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avant
18 d’entendre la prestation du serment…
19 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Je voulais
20 tout simplement dire quelque chose.
21 Monsieur Ryneveld, j’ai suivi de très près le
22 dossier « viol » de Furundzija du point de vue médecine
23 légiste. Je voudrais vraiment savoir s’il s’agit à peu
24 près du même cas. Je ne sais pas si moi éventuellement,
25 j’ai une approche qui est quelque peu différente, mais il
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1 me semblait qu’il s’agissait véritablement d’un viol qui a
2 été produit par force. Par conséquent, il n’y avait pas de
3 consentement. C’est la raison pour laquelle on en a parlé
4 devant le Tribunal international, notamment dans l’affaire
5 Furundzija, et vous n’êtes pas sans savoir que l’Accusation
6 permettait donc cette supposition.
7 Me RYNEVELD (interprétation) : Excusez-moi, je
8 vous suis.
9 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, et bien
10 évidemment quand on parle du viol, c’est la force. Par
11 conséquent, il n’y a pas de consentement et nous pouvons
12 tout simplement prendre en considération le fait que si le
13 témoin ne le dit pas de manière expresse qu’il a été violé,
14 dans ce cas-là, on pourrait ne pas considérer du fait qu’il
15 s’agissait de quelque chose qui était fait par force.
16 C’est la raison pour laquelle je vous demande
17 d’insister auprès des témoins de le dire expressément : y
18 avait-il un consentement ou bien éventuellement c’était par
19 la force, car les termes sont extrêmement importants. Les
20 définitions ne vont pas correspondre probablement aux
21 revendications et les requêtes ainsi que les examens qui
22 seront les nôtres.
23 Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux
24 dire, mais pour moi, il est très logique que d’insister
25 auprès des témoins de vous dire au cours de la déposition
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1 s’il s’agissait donc d’un viol dans le vrai sens de ce mot
2 et dans la définition, donc qu’ils le disent expressément,
3 parce que s’il y a un consentement, ce n’est pas un viol.
4 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Monsieur le
5 Juge.
6 D’après moi, quand on utilise le terme « viol »,
7 quand le témoin prononce ce terme, ceci comprend par
8 conséquent l’absence de consentement.
9 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, quand le
10 terme anglais est utilisé. À ce moment-là, bien
11 évidemment, c’est ce que vous dites. Mais il me semble que
12 l’Accusation devrait y insister parce que nous ne devons
13 pas avoir des sous-entendus. Par conséquent, si vous avez
14 un témoin qui peut le dire expressément, il faut qu’il le
15 dise.
16 Me RYNEVELD (interprétation) : Comme je l’ai déjà
17 précisé, l’équipe du Bureau du Procureur y a réfléchi et on
18 en a parlé et nous avons justement pensé à la Règle 96.
19 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, mais
20 c’était quand même une hypothèse ou une supposition selon
21 laquelle il n’y avait pas par conséquent le consentement.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : Bien évidemment, ce
23 n’est pas difficile. Nous pouvons y insister, mais nous
24 étions quelque peu préoccupés car si jamais on pose une
25 question d’une manière aussi explicite au témoin, il est
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1 indispensable également qu’il parle des circonstances et
2 que ça pourrait également poser une question de répétition,
3 de double emploi, mais vous avez parfaitement raison.
4 Pourquoi demander à la Chambre, aux juges d’interpréter
5 alors qu’on peut carrément poser la question simple et
6 avoir la réponse simple.
7 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Bien
8 évidemment, vous avez raison. Moi personnellement, je n’ai
9 pas encore tiré la conclusion définitive, mais il me semble
10 qu’il est extrêmement utile qu’à partir du moment où on
11 parle de ce terme, de cette définition donc du terme
12 « viol », qu’il est indispensable quand même d’y penser et
13 ne pas laisser aux juges, si vous voulez, d’interpréter.
14 Me RYNEVELD (interprétation) : Nous avons pensé
15 que nous avons déjà abouti à notre objectif à travers donc
16 ces dépositions qui ont déjà été faites, mais je ne peux
17 qu’apprécier le commentaire du juge et nous allons nous y
18 conformer en tenant compte donc de cet aspect et au moment
19 où d’autres témoins viendront déposer ici.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
21 prie, la prestation de service du témoin.
22 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
23 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et
24 rien que la vérité.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Micro, s’il
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1 vous plaît.
2 TÉMOIN : TÉMOIN AS (ASSERMENTÉE)
3 INTERROGÉE PAR Me KUO (interprétation) :
4 Q. Bonjour.
5 R. Bonjour.
6 L’INTERPRÈTE : Il y a des problèmes techniques.
7 Le son n’est pas bon, le volume. Il faut éventuellement
8 faire quelque chose avec le volume.
9 Me KUO (interprétation) : Je voulais tout
10 simplement vérifier les micros.
11 Q. Bonjour, Madame le Témoin.
12 R. Bonjour.
13 L’INTERPRÈTE : C’est bon.
14 Me KUO (interprétation) :
15 Q. Est-ce que vous m’entendez?
16 R. Oui, je vous entends.
17 Me KUO (interprétation) : C’est moi qui n’entends
18 pas la réponse.
19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : On vient de
20 nous dire que le micro du témoin n’est pas éventuellement
21 bien placé.
22 LA GREFFIÈRE : Visiblement, nous avons un
23 problème d’interprétation. Donc, les techniciens vont
24 vérifier avec les interprètes s’ils peuvent bien entendre
25 le témoin.
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1 [Difficultés techniques]
2 [La Chambre discute]
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que
4 vous entendez maintenant ? Ce sont des essais, juste des
5 essais pour voir comment ça marche sur le plan technique.
6 L’INTERPRÈTE : Bonjour, Madame la Présidente.
7 Est-ce que vous entendez maintenant ? La cabine française,
8 je pense que vous l’entendez. Oui ?
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bon. Bien,
10 on va essayer de voir si on s’entend. En ce qui me
11 concerne, j’entends la cabine anglaise. La cabine
12 française, je ne sais pas si vous pouvez suivre.
13 Me KUO (interprétation) :
14 Q. Est-ce que vous m’entendez ?
15 R. Oui, je vous entends très bien.
16 Me KUO (interprétation) : Là maintenant, je pense
17 que ça va marcher. Je vais demander à l’Huissier de nous
18 aider juste pour montrer la pièce à conviction 197 au
19 témoin.
20 Q. Est-ce que vous voyez votre nom, s’il vous
21 plaît, sur cette pièce ?
22 R. Oui.
23 Q. Eh bien, à côté de votre nom, est-ce que vous
24 voyez également les initiales AS ?
25 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que vous voyez également la date de
2 votre naissance ?
3 R. Oui.
4 Q. En bas, est-ce que vous voyez également le
5 nom de votre mère ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quel est le
8 numéro qui correspond au nom de votre mère ?
9 R. 152.
10 Q. En dessous du nom de votre mère, est-ce que
11 vous voyez le nom de votre père ?
12 R. Oui.
13 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,
14 Messieurs les Juges, l’Accusation souhaite verser au
15 dossier la pièce à conviction 197.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’accord.
17 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …197 et elle est
18 enregistrée de façon confidentielle.
19 Me KUO (interprétation) :
20 Q. Madame, quel âge avez-vous ?
21 R. Vingt-sept ans.
22 Q. En 1992, en avril, vous aviez quel âge ?
23 R. Dix-neuf ans.
24 Q. En juillet ?
25 R. Dix-neuf.
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1 Q. Où est-ce que vous êtes née ?
2 R. À Foca.
3 Q. À quelle ethnicité vous appartenez ?
4 R. Je suis Musulmane.
5 Q. En 1992, vous viviez à quel endroit ?
6 R. À Miljevina.
7 Q. Avec qui avez-vous vécu ?
8 R. Avec ma mère et mon père.
9 Q. Est-ce que vous avez travaillé à cette
10 époque-là ?
11 R. Oui.
12 Q. Où est-ce que vous avez travaillé ?
13 R. J’ai travaillé dans une usine de chaussures à
14 Miljevina.
15 Q. Qu’est-ce que vous avez travaillé là-bas ?
16 R. Je travaillais dans une usine qui fabriquait
17 des chaussures.
18 Q. Quel était votre poste ? Qu’est-ce que vous
19 avez fait ? Quelles étaient vos activités ?
20 R. Je travaillais à la chaîne.
21 Q. Est-ce que vous savez quand la guerre à Foca
22 a été déclenchée ?
23 R. Le 7 avril 1992.
24 Q. Comment savez-vous que la guerre s’est
25 déclenchée ce jour-là ?
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1 R. C’était un anniversaire.
2 Q. Est-ce que vous avez vu éventuellement
3 quelque chose ou bien est-ce que vous avez appris quelque
4 chose qui était en relation avec ce conflit qui s’est
5 déclenché ?
6 R. On avait entendu que tout a été très brusque.
7 Enfin, on a entendu qu’il y avait quelqu’un qui s’est
8 rassemblé.
9 Q. Est-ce que vous avez vu éventuellement
10 quelque chose ? Est-ce que vous avez entendu des tirs ?
11 Est-ce que vous avez entendu que quelque chose a été
12 incendié ?
13 R. Oui. Des villages des alentours étaient
14 incendiés. C’est ce que nous avons vu plus tard.
15 Q. Quand vous dites « après », est-ce que vous
16 pouvez me dire également quelle est la période à laquelle
17 vous pensez ?
18 R. Un jour ou deux jours plus tard.
19 Q. Est-ce que les maisons dans votre village ont
20 été incendiées ?
21 R. Non. C’était les villages dans les environs.
22 Q. Est-ce que vous avez vu des soldats dans
23 votre village ?
24 R. Oui.
25 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu’ils ont fait,
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1 ce que vous avez vu, ce qu’ils avaient fait ?
2 R. Oui.
3 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ?
4 R. Ils faisaient sortir les gens des maisons et
5 puis ils les conduisaient dans une direction inconnue.
6 Q. Quand vous dites les « gens », le peuple, à
7 qui pensez-vous, des gens simples ? Enfin, vous avez des
8 gens très concrets que vous pouvez citer ?
9 R. Musulmans.
10 Q. Les gens qu’on nommait, est-ce qu’eux étaient
11 en tenue militaire ou éventuellement ils étaient en civil ?
12 R. Les Serbes portaient des uniformes militaires
13 alors que les Musulmans étaient en civil.
14 Q. Pour ce qui concerne les Serbes, ceux qui
15 étaient en tenue militaire, ce sont ceux que vous avez
16 décrits comme des soldats, n’est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce qu’éventuellement quelqu’un avait
19 donné des ordres dans le sens de remettre des armes ?
20 R. Je ne m’en souviens pas.
21 Q. Est-ce que vous avez continué à travailler à
22 cette époque-là ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce que vous avez été terrifiée, vous
25 aviez peur ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous vous sentiez comme un objet
3 qui fait but parce que vous étiez Musulmane ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous avez pu circuler librement en
6 ville ?
7 R. Non, non.
8 Q. Pourquoi pas ?
9 R. Parce que tout simplement on avait peur.
10 Q. Pourriez-vous nous donner la description ?
11 Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi aviez-vous peur ?
12 R. De tout.
13 Q. Est-ce qu’il y avait des soldats serbes qui
14 se sont rendus chez vous à la maison ?
15 R. Il y en avait plusieurs.
16 Q. Quand est-ce qu’ils sont venus ?
17 R. Ils venaient le matin, le soir, dans l’après-
18 midi. Ça dépendait. Enfin, ils pouvaient se rendre chez
19 moi à n’importe quel moment.
20 Q. À quelle fréquence venaient-ils ?
21 R. Chaque fois quand ils le voulaient.
22 Q. Est-ce qu’éventuellement vous avez connu de
23 ces soldats auparavant ?
24 R. Oui. Il s’agissait de nos voisins.
25 Q. Quand ils venaient chez vous à la maison,
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1 est-ce qu’ils disaient pourquoi ? Quelles étaient les
2 raisons pourquoi ils sont venus ?
3 R. Oui.
4 Q. Qu’est-ce qu’ils ont dit ?
5 R. Ils me demandaient moi-même.
6 Q. Est-ce qu’ils ont dit quelles étaient les
7 raisons pourquoi ils sont venus pour vous chercher ?
8 R. Non. Ils ont toujours demandé où je me
9 trouvais. Enfin, ils voulaient savoir où j’étais.
10 Q. Qu’est-ce que vous avez fait vous-même au
11 moment où les soldats serbes se rendaient chez vous ?
12 R. Moi, j’essayais de me cacher partout où je
13 pouvais.
14 Q. Est-ce que vos parents étaient à ce moment-là
15 à la maison ?
16 R. Oui.
17 Q. Qu’est-ce que vos parents disaient ? Qu’est-
18 ce qu’ils disaient aux soldats quand ils venaient vous
19 chercher ?
20 R. Ma mère disait toujours qu’elle ne savait pas
21 où j’étais.
22 Q. Est-ce qu’on vous a trouvée ?
23 R. Oui. Après, oui.
24 Q. Comment ils vous ont trouvée ?
25 R. Au moment où on était obligé de quitter tous
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1 nos maisons respectives.
2 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quelle date
3 c’était à peu près ?
4 R. C’était mi-août, à peu près comme ça, oui.
5 C’était mi-août, je pense.
6 Q. Comment saviez-vous que vous étiez obligée de
7 quitter la maison ?
8 R. C’est ce qu’ils ont annoncé. Ils nous ont
9 demandé de sortir. C’est par les haut-parleurs qu’ils ont
10 annoncé qu’il était indispensable que la population
11 musulmane quitte leurs lieux d’habitation.
12 Q. Est-ce que vous savez qui avait annoncé par
13 les haut-parleurs cette information ou qui en était
14 responsable ?
15 R. Non, je ne sais pas. Je ne sais pas. Peut-
16 être mais je ne sais pas.
17 Q. Qu’est-ce que vous avez fait au moment où
18 vous avez appris par les haut-parleurs qu’il fallait sortir
19 ?
20 R. Nous nous sommes préparés. On n’avait
21 absolument pas le droit d’emporter grand-chose, qu’un sac à
22 voyage et puis c’était tout.
23 Q. Est-ce que vous-même et vos parents, vous
24 avez préparé ce sac de voyage et qu’est-ce que vous avez
25 fait par la suite ?
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1 R. Oui.
2 Q. Où est-ce que vous êtes allés ?
3 R. À Foca.
4 Q. Comment êtes-vous venus jusqu’à Foca ?
5 R. En autocar.
6 Q. Est-ce qu’il s’agissait des cars qui étaient
7 organisés justement à cette intention ou bien il s’agissait
8 des cars ordinaires ?
9 R. Ordinaires.
10 Q. Ne mentionnez aucun nom, mais dites-nous,
11 s’il vous plaît : Qui était avec vous dans l’autocar ?
12 R. Vous pensez aux hommes ou quoi ?
13 Q. La question que j’avais posée était de savoir
14 s’il y avait des hommes, des femmes et des enfants.
15 C’était des villageois ? Qui était avec vous dans
16 l’autocar ?
17 R. Je ne sais pas le nombre exact, mais de toute
18 façon, il y avait deux autocars qui étaient remplis, je
19 pense, à peu près. Il y avait deux autocars.
20 Q. Eh bien, ces gens-là, ça voulait dire qu’il y
21 avait également des hommes, des femmes et des enfants ?
22 R. Il y avait trois hommes tout simplement et
23 les autres ont été déjà emmenés auparavant. Ils n’étaient
24 pas avec nous dans le car.
25 Q. Vous étiez où exactement à Foca, à quel
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1 endroit ?
2 R. À Foca.
3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
4 prie.
5 Me LOPICIC (interprétation) : [Hors microphone]
6 Au moment où le Témoin AS avait donné le nom, elle a parlé
7 de « Pero Elez » alors que dans la transcription, c’était
8 marqué « Krnojelac ».
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Où ça se
10 trouve ?
11 Me LOPICIC (interprétation) : C’était la ligne
12 12.
13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Moi
14 aussi, j’ai remarqué qu’il s’agissait de « Krnojelac ».
15 Me LOPICIC (interprétation) : Il s’agissait de
16 Pero Elez.
17 Me KUO (interprétation) : Je peux reposer la
18 question au témoin. Il y avait probablement une petite
19 erreur de traduction.
20 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui,
21 effectivement. C’est marqué « Krnojelac », ligne 2.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous pouvez
23 reposer la question si vous voulez bien.
24 Me KUO (interprétation) :
25 Q. Madame, je vous ai déjà posé la question pour
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1 savoir qui était responsable des annonces qui ont été
2 données aux haut-parleurs et ils ont dit aux Musulmans
3 qu’ils devaient sortir de chez eux et partir. Est-ce que
4 vous pouvez me dire qui en était responsable ?
5 R. J’ai entendu dire qu’il s’agissait de Pero
6 Elez, mais je ne sais pas. De toute façon, je ne sais pas
7 si c’est Pero Elez qui a demandé, a insisté qu’on me viole.
8 Je ne sais pas ce que vous voulez que je vous dise de plus.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Témoin, je
10 vais vous demander de répondre aux questions qui vous sont
11 posées par Me Kuo.
12 Me KUO (interprétation) :
13 Q. C’est tout simplement qu’on avait entendu que
14 vous prononciez un nom différent. C’est pour ça qu’on vous
15 a reposé la question. Par conséquent, je poursuis.
16 Qu’est-ce que vous avez fait au moment où vous
17 vous êtes rendue à Partizan ?
18 R. On nous a alignés et puis ensuite, on a lu
19 nos noms respectifs.
20 Q. Quand vous dites « ils », à qui pensez-vous ?
21 R. Je pense aux Serbes.
22 Q. Il s’agissait des Serbes ?
23 R. Oui.
24 Q. Qu’est-ce que vous avez fait ? Qu’est-ce que
25 vous-même, vous avez fait au moment où on avait appelé les
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1 noms ?
2 R. Rien. Nous étions sur place. Nous avons
3 attendu. Ensuite, on nous a fait rentrer à la salle de
4 Partizan.
5 Q. Qu’est-ce qui s’est passé une fois que vous
6 êtes rentrée à la salle Partizan ?
7 R. Nous sommes restés à cet endroit-là, je ne me
8 souviens plus exactement combien de temps, mais de toute
9 façon, au début, il n’y avait rien. Rien ne s’est passé.
10 Après, il y avait des soldats qui sont arrivés.
11 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ces soldats au
12 moment où ils sont arrivés ?
13 R. Ils ont d’abord pris un Musulman. Ils l’ont
14 fait rentrer dans une pièce. Ensuite, nous avons entendu
15 qu’ils le passaient à tabac. Ensuite, Misko est arrivé et
16 il m’a ordonné de sortir avec lui et il m’a dit que
17 j’allais passer à un interrogatoire.
18 Q. Est-ce que vous connaissiez Misko auparavant
19 ?
20 R. Non.
21 Q. Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?
22 Qu’est-ce qui s’est passé au moment où il est venu vous
23 chercher ?
24 R. Il m’a d’abord demandé où j’étais. Donc, il
25 a dit mon nom, il m’a appelée. Il m’a demandé donc de
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1 sortir. Il a dit qu’il fallait que je passe à un
2 interrogatoire. Je ne sais pas ce qu’ils ont pensé en
3 disant que c’est un interrogatoire que je dois passer.
4 Ensuite, ils m’ont séparée de ma mère et de mon père.
5 Q. Est-ce que ce Misko vous a éventuellement
6 conduite jusqu’à un endroit très précis ?
7 R. Oui.
8 Q. Où il vous a emmenée ?
9 R. À la maison de Karaman à Miljevina.
10 Q. Est-ce que vous connaissiez la maison de
11 Karaman ? Est-ce que vous saviez avant qu’on vous y emmène
12 ?
13 R. Oui. Je savais bien évidemment que les
14 propriétaires étaient des Karaman parce que ce n’était pas
15 loin par rapport à où moi-même, j’habitais. C’était une
16 maison qui était pratiquement à proximité.
17 Q. Est-ce que vous avez entendu éventuellement
18 quelque chose au sujet de ce qui s’est passé dans cette
19 maison de Karaman au cours de la guerre et avant que vous y
20 soyez emmenée ?
21 R. Oui, tout à fait.
22 Q. Qu’est-ce que vous en avez entendu dire et
23 parler ?
24 R. On a entendu dire que quelques filles ont été
25 enfermées dans cette maison.
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1 Q. Qui vous l’a appris ?
2 R. Il y avait quelques voisins qui nous en ont
3 parlé.
4 Q. Il s’agissait des voisins Serbes ou des
5 Musulmans ou bien il y avait des uns et des autres ?
6 R. Oui, il y avait des uns et des autres, mais
7 il y avait un peu plus de Musulmans, mais de toute façon,
8 on ne pouvait pas contacter les autres.
9 Q. Excusez-moi, mais vous n’aviez pas de
10 contacts avec qui, s’il vous plaît ?
11 R. On n’avait pas le droit de contacter avec des
12 Musulmans.
13 Q. Vous voulez dire que les Musulmans entre eux
14 n’avaient pas à se contacter les uns les autres : C’est ça
15 que vous voulez dire ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-ce qu’on vous a dit que ceci n’était pas
18 permis ou quoi ?
19 R. On n’avait pas le droit de circuler,
20 absolument pas. C’est ce que j’ai déjà précisé.
21 Me KUO (interprétation) : Avec l’aide de
22 l’Huissier, je voudrais montrer au témoin la pièce à
23 conviction 11, les photographies 7353 et 7358. Je vais
24 demander, s’il vous plaît, que la photographie 7353 soit
25 placée sur le rétroprojecteur.
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1 Q. Est-ce que vous reconnaissez cette maison qui
2 est au milieu de la photographie ?
3 R. Oui.
4 Q. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est
5 comme maison ?
6 R. C’est la maison de Karaman.
7 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, prendre le
8 pointeur et puis nous indiquer cette maison très
9 précisément et nous dire également où se trouvait votre
10 maison où vous viviez avec vos parents ?
11 R. C’est un peu plus en bas.
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avant que le
13 témoin n’indique l’endroit que vous demandez, est-ce que
14 vous voulez qu’elle identifie véritablement la photographie
15 ?
16 Me KUO (interprétation) : Je voudrais tout
17 simplement qu’elle nous montre la région approximativement
18 par rapport à cette maison où se trouvait sa propre maison.
19 R. Voilà la maison de Karaman [indication du
20 témoin], et moi, je me trouvais à peu près à cet endroit-là
21 [indication du témoin].
22 Q. Merci.
23 Me KUO (interprétation) : Je voudrais maintenant
24 vous demander de mettre la photographie 7358, de la placer
25 sur le rétroprojecteur.
Page 1999
1 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce que vous
2 voyez sur cette photographie ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que vous pouvez nous en donner la
5 description, s’il vous plaît ?
6 R. Il s’agit de l’hôtel et ensuite, il y avait
7 la rue où se trouvait ma maison, quelque peu à l’écart.
8 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous dire
9 maintenant si cette photographie avait été prise du balcon
10 de la maison de Karaman ?
11 R. Je le pense.
12 Q. Une fois de plus, est-ce que vous voyez donc
13 l’ensemble de cette zone, de ce secteur ou de cette région,
14 comme vous voulez, où se trouvait votre propre maison ?
15 Est-ce que vous pouvez nous l’indiquer également avec le
16 pointeur ?
17 L’INTERPRÈTE : Le témoin indique avec le pointeur
18 la maison, sa propre maison.
19 Me KUO (interprétation) :
20 Q. Merci. Quand Misko vous a emmenée à la
21 maison de Karaman, il était en uniforme ?
22 R. Oui.
23 Q. Au moment où vous êtes arrivée à la maison de
24 Karaman, y avait-il d’autres personnes qui y étaient déjà ?
25 R. Oui.
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1 Me KUO (interprétation) : Avec l’aide de
2 l’Huissier, je vais montrer au témoin la pièce à conviction
3 198.
4 Q. Madame le Témoin, quand vous regardez cette
5 pièce à conviction 198, est-ce qu’éventuellement vous
6 pourriez également nous citer les numéros d’un certain
7 nombre de personnes qui se trouvaient à ce moment-là à la
8 maison de Karaman ? Vous nous donnez les initiales de ces
9 personnes-là et des numéros.
10 R. Il y avait 87, 75, ensuite, AB – AB, elle est
11 venue quelque peu plus tard – ensuite, DB.
12 Q. Est-ce qu’il y a sur la liste également un
13 nom qui n’est pas accompagné des initiales ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que cette personne-là également se
16 trouvait dans cette maison ou bien on l’a emmenée plus tard
17 ?
18 R. Elle était déjà sur place.
19 Q. Y avait-il d’autres personnes éventuellement
20 qui étaient pendant le temps pendant lequel vous y étiez ?
21 Est-ce qu’éventuellement vous connaissez des noms de
22 quelqu’un qui s’y trouvait alors que les noms ne figurent
23 pas sur cette liste ?
24 R. Non, je ne pense pas.
25 Q. Y avait-il des soldats également sur place ?
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1 R. Oui.
2 Q. Il y avait à peu près combien de soldats
3 d’après votre estimation ?
4 R. Au moment où je suis arrivée, ils étaient
5 deux au total, peut-être deux ou trois. Je ne me souviens
6 plus exactement.
7 Q. Qu’est-ce qui s’est passé avec vous au moment
8 où vous êtes arrivée à la maison de Karaman ?
9 R. On m’a violée. On m’a violée.
10 Q. Qui vous a violée ?
11 R. Il y en avait deux ou trois. Je ne me
12 souviens pas.
13 Q. Vous dites « ils » et quand vous le dites,
14 vous pensez exactement à qui ? Est-ce qu’il s’agissait des
15 soldats ou éventuellement des personnes que vous
16 connaissiez ?
17 R. C’était des soldats.
18 Q. Où on vous a violée ?
19 R. Ils m’ont demandé, ils m’ont ordonné plutôt
20 de monter dans la chambre.
21 Q. Quelle chambre ?
22 R. C’était une chambre au deuxième étage.
23 Q. Est-ce qu’ils vous ont ordonné de faire autre
24 chose ?
25 R. Après, j’ai été obligée de descendre dans la
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1 cuisine, et dans la cuisine, il y avait d’autres filles qui
2 s’y trouvaient.
3 Q. Vous avez dit qu’on vous a violée, qu’il y
4 avait deux soldats ou éventuellement trois qui vous ont
5 violée ?
6 R. Je pense que c’était deux, peut-être trois.
7 Je ne me souviens pas parce que j’étais sous le choc.
8 Q. Est-ce que vous connaissiez leurs noms ?
9 R. Il y en avait un qui répondait au nom Nikola
10 et je ne me souviens plus de l’autre.
11 Q. Quand vous avez dit le terme « viol »,
12 excusez-moi, je suis obligée de vous poser cette question,
13 qu’est-ce qu’ils ont fait exactement ? Ça, c’est
14 indispensable que je vous pose cette question.
15 R. Ils m’ont détruite. Ils m’ont détruite
16 complètement.
17 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre, s’il vous
18 plaît, pour que les juges soient au clair – c’est
19 indispensable que ceci figure dans la transcription – est-
20 ce qu’ils ont placé leur pénis dans votre vagin ?
21 R. Oui.
22 Q. C’était contre votre propre volonté ? Vous
23 n’étiez pas consentante ?
24 R. Oui, contre ma volonté.
25 Q. Par la suite, ils vous ont ordonné de
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1 descendre, n’est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Qu’est-ce qui s’est passé une fois quand vous
4 êtes descendue en bas ?
5 R. Ensuite, c’est Pero Elez qui est venu et puis
6 il m’a demandé ce que j’y cherchais et puis il riait. Il y
7 avait deux autres soldats. Je ne me souviens pas qui
8 encore était avec eux.
9 Q. Est-ce que vous connaissiez Pero Elez ? Est-
10 ce que vous le connaissiez auparavant ?
11 R. Oui.
12 Q. Comment vous le connaissiez ? D’où vous le
13 connaissiez ?
14 R. Je le connaissais de vue. C’est comme ça.
15 On se saluait quand on se rencontrait, on se croisait.
16 Q. Est-ce qu’il y avait d’autres soldats, un
17 autre soldat éventuellement qui a fait une réflexion ?
18 R. Je ne me souviens pas.
19 Q. Est-ce que qui que ce soit vous a menacée ?
20 Est-ce qu’on vous a dit ce qu’ils allaient vous faire ?
21 R. Non, non, non. Je ne me souviens pas.
22 Q. Comment vous sentiez-vous ce premier jour à
23 la maison de Karaman ?
24 R. Je pleurais, je les suppliais de me laisser
25 sortir, de partir.
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1 Q. Quelle était leur réponse ?
2 R. Tout le monde riait.
3 Q. Vous êtes restée combien de temps à la maison
4 de Karaman ?
5 R. Je ne me souviens pas. Peut-être un mois,
6 peut-être deux, trois. Je ne sais pas.
7 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît nous donner la
8 description et nous dire ce qui s’était passé par la suite
9 avec vous dans la maison de Karaman, parce que vous êtes
10 restée plusieurs mois ?
11 R. Il y avait plusieurs soldats, et chaque fois,
12 on nous a ordonné qu’on les accompagne. On était obligé
13 également de laver leurs vêtements, de cuisiner, de faire
14 le ménage à la maison.
15 Q. Est-ce que ces soldats également vous
16 violaient, vous attaquaient, abusaient de vous
17 sexuellement ?
18 R. Oui.
19 Q. À quelle fréquence, s’il vous plaît ?
20 R. Une cinquantaine de fois, soixante fois, je
21 ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire.
22 Q. Est-ce que vous connaissiez quelqu’un de ces
23 soldats ?
24 R. Oui.
25 Q. Qui c’était ?
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1 R. Ils habitaient sur place. Il y en avait deux
2 ou trois qui habitaient dans cette maison.
3 Q. Ils s’appelaient comment ?
4 R. Il y en avait un qui répondait au nom Nikola.
5 Il y avait l’autre… je ne me souviens pas.
6 Q. Outre ces soldats que vous venez de décrire
7 comme des soldats qui vivaient, est-ce qu’il y en avait
8 d’autres éventuellement qui se rendaient à la maison, qui
9 vous violaient ?
10 R. Oui.
11 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît nous dire qui
12 était responsable de ces soldats, qui était celui qui
13 contrôlait, qui veillait, qui surveillait la maison ?
14 R. Je ne me souviens pas exactement. Vraiment,
15 Je ne sais pas. Je ne peux pas me souvenir exactement si
16 c’était un certain Stankovic, Pero Elez. Je ne sais pas.
17 Vraiment, je ne me souviens pas exactement.
18 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît me dire d’où
19 venaient ces soldats ?
20 R. Ils étaient de Miljevina, de Foca, du
21 Monténégro.
22 Q. Est-ce que vous savez ou vous rappelez-vous
23 d’un nom, d’un homme qui s’appelait Zaga ? S’est-il jamais
24 présenté dans cette maison ?
25 R. Je me souviens vaguement, mais je ne l’ai
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1 jamais vu. Je ne me souviens pas. Je crois qu’on m’avait
2 entraîné vers une chambre, mais je ne sais plus.
3 Q. Est-ce qu’on vous a dit qu’il viendrait dans
4 cette maison un moment donné ?
5 R. Oui. On se parlait entre nous.
6 Q. Quand vous dites « nous », à qui pensez-
7 vous ?
8 R. Nous, les filles qui étions là dans cette
9 maison.
10 Q. Est-ce qu’un soldat vous a dit que quelqu’un
11 du nom de Zaga allait venir dans cette maison ?
12 R. Oui… enfin, je ne me souviens pas.
13 Q. Est-ce que les filles vous ont dit qu’un
14 dénommé Zaga se présenterait à la maison ?
15 R. Oui.
16 Q. Qu’est-ce que les filles vous ont dit ?
17 R. Elles m’avaient dit qu’elles avaient très
18 peur de lui.
19 Q. Vous rappelez-vous de quelles filles il
20 s’agit, et si oui, donnez-nous son nom s’il vous plaît ou
21 son numéro ?
22 R. 75.
23 Q. Est-ce qu’elle vous a dit la raison pour
24 laquelle elle avait peur de Zaga ?
25 R. Non. Elle ne m’a pas fait part des détails,
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1 seulement…
2 Q. Pardon ? Elle a seulement quoi ?
3 R. Je pense qu’elle avait été violée, qu’il
4 l’avait violée.
5 Q. Mais vous vous-même n’avez jamais vu Zaga,
6 n’est-ce pas ?
7 R. Non.
8 Q. Pendant que vous étiez dans la maison de
9 Karaman, vous ou d’autres filles, aviez-vous le sentiment
10 que vous pouviez quitter librement ?
11 R. Non.
12 Q. Comment vous sentiez-vous séquestrée dans
13 cette maison ?
14 R. Je me sentais de toutes façons et en aucune
15 façon.
16 Q. Vous pourriez peut-être essayer d’expliquer à
17 la Cour comment vous vous sentiez ?
18 R. Enfin, cela avait été pénible pour nous, du
19 moins pour moi.
20 Q. Est-ce qu’on vous a emmené de la maison de
21 Karaman un moment donné ?
22 R. Oui.
23 Q. Qui vous a emmené ?
24 R. Tuta.
25 Q. Vous a-t-il dit les raisons pour lesquelles
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1 il vous emmenait ?
2 R. Non. Il nous avait dit qu’il nous amenait à
3 Foca, sans plus.
4 Q. Où exactement à Foca vous a-t-il emmené ?
5 R. Excusez-moi ?
6 Q. Où exactement à Foca vous a-t-il emmené ?
7 R. Il nous a emmenées dans un appartement.
8 Q. Qui d’autre était emmenée avec vous ?
9 R. Le numéro 87, je me souviens d’avoir été avec
10 elle.
11 Q. Vous rappelez-vous si 75 était emmenée avec
12 vous également ?
13 R. Je sais que AB avait été emmenée, mais je ne
14 me souviens plus.
15 Q. Donc, lorsque que Tuta vous a emmenée,
16 c’était en compagnie de 87 et de AB, d’après votre
17 souvenir : Est-ce que c’est exact ?
18 R. Oui. Je sais… pour le numéro 87, je suis
19 sûr.
20 Q. Que s’est-il passé lorsque vous avez été
21 emmené par Tuta dans cet appartement à Foca ?
22 R. Il nous a présenté deux soldats.
23 Q. Lorsque vous dites « présenté », que voulez-
24 vous dire ?
25 R. Il nous a dit que nous allions être avec eux.
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1 Q. Qu’aviez-vous compris que cela voulait dire ?
2 R. Qu’il nous fallait être avec eux puisque nous
3 n’avions aucune autre issue.
4 Q. Vous voulez dire que vous n’aviez pas de
5 choix et vous deviez obéir à ce qu’ils disaient ?
6 R. C’est cela.
7 Q. Qu’est-ce que ces deux soldats vous ont
8 fait ?
9 R. Ils nous ont amenées dans un appartement de
10 cet immeuble.
11 Q. Que s’est-il passé par la suite ?
12 R. Ils nous ont amenées là-bas et Jagos Kostic
13 m’a donné l’ordre de l’accompagner vers l’extérieur. Il
14 fallait que je me promène et le numéro 87 est restée.
15 Q. Permettez-moi juste de revenir un peu en
16 arrière. Donc, les deux soldats qui vous ont amenées au
17 bloc de Lepa Brena, connaissez-vous leurs noms ?
18 R. Oui.
19 Q. Qui sont-ils ?
20 R. Radomir Kovac et Jagos Kostic.
21 Q. Connaissiez-vous également leurs surnoms ?
22 R. Klanfa et Jago.
23 Q. Klanfa était Radomir Kovac : Est-ce que
24 c’est exact ?
25 R. Oui.
Page 2010
1 Q. Les connaissiez-vous avant la guerre, l’un ou
2 l’autre ?
3 R. Non.
4 Me KUO (interprétation) : J’aimerais demander à
5 Monsieur l’Huissier de présenter au témoin la pièce à
6 conviction 11, la photographie cotée 7401.
7 Q. Reconnaissez-vous ce qui apparaît sur cette
8 pièce à conviction ?
9 R. Oui.
10 Q. De quoi s’agit-il ?
11 R. C’est l’immeuble où nous avons été.
12 Q. Seriez-vous en mesure d’identifier de quel
13 appartement vous avez été emmenée, à partir de cette
14 photographie ?
15 R. Je pense que cela devait se trouver par ici
16 [indication du témoin], quatrième ou cinquième, voire
17 sixième. Je ne me souviens pas exactement de l’étage.
18 Q. Donc, vous nous indiquez le quatrième, le
19 cinquième ou le sixième étage à partir du rez-de-chaussée ?
20 R. Je ne me souviens pas de l’étage.
21 Q. Merci. Madame le Témoin, vous avez dit que
22 lorsqu’on vous a emmenée dans cet appartement et que
23 Kostic… vous nous avez raconté qu’il vous a emmené à
24 l’extérieur : C’est exact ?
25 R. Oui.
Page 2011
1 Q. Qu’a-t-il fait lorsqu’il vous a emmenée à
2 l’extérieur ?
3 R. J’ai dû me promener avec lui en ville.
4 Q. Lorsque vous dites : « Il a fallu que vous
5 vous promeniez avec lui en ville », pourriez-vous nous
6 décrire que s’est-il passé, comment ça s’est passé ?
7 R. Il fallait que le prenne sous le bras.
8 Q. Il vous a pris par le bras : Est-ce que
9 c’est exact ?
10 R. Non. C’est moi qui l’ai pris sous son bras.
11 Q. Comment saviez-vous que c’est ce qu’il
12 fallait faire ?
13 R. Il m’a dit de le faire.
14 Q. De quelle façon était-il vêtu Kostic à ce
15 moment-là ? Est-ce qu’il portait un uniforme ou il était
16 habillé en habit de civil ?
17 R. Je ne m’en souviens plus. Je ne m’en
18 souviens plus.
19 Q. Vous rappelez-vous s’il portait une arme ?
20 R. Non, je ne m’en souviens pas.
21 Q. Où vous a-t-il emmenée ?
22 R. Dans un café.
23 Q. Qu’avez-vous fait au café ?
24 R. Nous étions assis là et puis il m’a ramenée
25 jusqu’à l’appartement.
Page 2012
1 Q. Est-ce que vous, vous aviez l’impression que
2 vous aviez le choix ou est-ce que vous vous sentiez obligée
3 d’aller au café avec lui ?
4 R. Mais j’ai dû y aller.
5 Q. Vous a-t-il dit quelque chose ? Vous a-t-il
6 menacé ?
7 R. Au début, non. Après, oui.
8 Q. Comment vous sentiez-vous lorsqu’il vous a
9 sortie ou emmenée à l’extérieur de l’appartement pour vous
10 emmener au café ?
11 R. J’avais peur.
12 Q. Une fois à l’extérieur, est-ce que vous aviez
13 vu des gens que vous connaissiez ?
14 R. Oui.
15 Q. De quelle façon ont-ils réagi de vous voir là
16 avec la présence de Kostic ?
17 R. Ils n’ont fait que regarder, sans plus.
18 Q. Avez-vous essayé de leur dire quoi que ce
19 soit, de leur indiquer que vous aviez peur ou est-ce que
20 vous leur avez demandé de vous venir en aide ?
21 R. Non. Je ne pouvais pas leur demander de
22 l’aide puisque c’était aussi des Serbes.
23 Q. Qu’a fait Kostic avec vous après qu’il vous
24 ait emmenée au café ?
25 R. Il m’a ramenée à l’appartement.
Page 2013
1 Q. Est-ce que Kovac s’y trouvait encore ?
2 R. Je pense qu’oui. Oui.
3 Q. Savez-vous ce qu’il faisait ?
4 R. Non, je ne m’en souviens pas.
5 Q. Savez-vous ce qui s’est passé avec le numéro
6 87 pendant que vous étiez à l’extérieur avec Kostic ?
7 R. Je pense qu’il l’avait violée.
8 Q. Pourquoi le pensez-vous ?
9 R. Elle me l’a dit par la suite. Elle me l’a
10 dit.
11 Q. Qu’a fait Kostic avec vous après qu’il vous
12 ait ramenée dans l’appartement ?
13 R. J’ai dû l’accompagner jusqu’à la chambre.
14 Q. Quelle chambre ?
15 R. Eh bien, la chambre, la chambre qu’il y avait
16 dans cet appartement.
17 Q. Que s’est-il passé plus tard dans cette
18 chambre avec vous ?
19 R. Il m’a violée.
20 Q. Lorsque vous dites « viol » – vous vous
21 servez de ce mot – est-ce que vous voulez dire ce qui s’est
22 passé plus tôt dans la maison de Karaman ?
23 R. Oui.
24 Q. Savez-vous si Kovac s’y trouvait pendant que
25 Kovac… (l’interprète se reprend). Est-ce que vous savez si
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1 Kovac était là pendant que Kostic vous violait ?
2 R. [Signe négatif de la tête] Je ne m’en
3 souviens pas. Non, je ne m’en souviens pas.
4 Q. Pendant combien de temps étiez-vous
5 séquestrée dans cet appartement ?
6 R. Peut-être un mois, peut-être deux.
7 Q. Est-ce que vous savez de l’appartement de qui
8 il s’agissait ?
9 R. Nous avons appris qu’un docteur ou un
10 professeur quelconque avait vécu là, mais je ne sais pas
11 exactement.
12 Q. Mais pendant tout le temps que vous vous y
13 trouviez, est-ce que vous étiez en mesure de dire qui avait
14 le contrôle de cet appartement ?
15 R. Klanfa.
16 Q. Sur quoi vous basez cette conclusion que
17 c’était Klanfa qui avait le contrôle de l’appartement ?
18 R. Je pense que c’était lui qui était à la tête
19 des autres.
20 Q. À quelle fréquence Klanfa se présentait à
21 l’appartement ?
22 R. Ils étaient là tout le temps en attendant de
23 partir sur le front.
24 Q. Quand vous dites « ils », vous parlez de
25 Klanfa et de Kostic ?
Page 2015
1 R. Oui.
2 Q. Vous rappelez-vous si la porte de
3 l’appartement était fermée à clé ?
4 R. Oui.
5 Q. Savez-vous qui avait les clés ?
6 R. Non. Je ne m’en souviens pas.
7 Q. Est-ce que les filles avaient la possibilité
8 de venir et de partir librement ?
9 R. Non.
10 Me KUO (interprétation) : J’aimerais demander à
11 Monsieur l’Huissier de montrer au témoin la pièce à
12 conviction de la Défense D37.
13 Q. Reconnaissez-vous ce schéma ?
14 R. Oui, je m’en souviens vaguement.
15 Q. Pourriez-vous nous montrer à l’aide du
16 pointeur ce que c’est et nous le décrire, s’il vous plaît ?
17 R. Je m’en souviens. Ici [indication du témoin]
18 se trouvait l’entrée. Je me souviens de cette pièce-ci
19 [indication du témoin]. Je ne me souviens plus exactement
20 si c’était dans cette pièce-ci ou dans la cuisine. Dans
21 l’une des pièces, il y avait des meubles, un canapé, une
22 table. Je ne me souviens pas exactement de l’emplacement
23 de la cuisine. Il y avait, je crois, ici [indication du
24 témoin] une salle de bain. Je ne sais plus.
25 Q. Donc, ça représente le plan de l’appartement
Page 2016
1 de Klanfa : Est-ce que c’est exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous voyez la pièce qui était
4 décrite comme « toilette » ?
5 R. Oui.
6 Q. Elle se trouve à droite sur le plan : C’est
7 exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que c’était l’emplacement de la salle
10 de bain, tel que vous vous rappelez ?
11 R. Je ne me souviens vraiment pas. Je ne peux
12 pas vous le dire.
13 Q. Bien ! Maintenant, au-dessus de ce plan,
14 nous voyons deux chambres qui sont intitulées « chambre » :
15 Est-ce que c’est exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Et la chambre qui se trouve à la droite est
18 un peu plus petite que la chambre de gauche : Est-ce que
19 c’est exact ?
20 R. Non. Je pense que c’était plutôt une chambre
21 d’enfant là.
22 Q. La plus petite, n’est-ce pas ?
23 R. C’est ça.
24 Q. Dans quelle pièce est-ce que vous avez été
25 violée par Kostic cette première journée ?
Page 2017
1 R. Ici [indication du témoin].
2 Q. Celle que vous avez décrit comme étant la
3 chambre d’enfant qui se trouve à droite : Est-ce que c’est
4 exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Y avait-il des portes qu’on pouvait fermer ou
7 fermer à clé ?
8 R. Oui. Il y avait des portes, une porte.
9 Q. Est-ce que vous nous diriez que c’était un
10 grand appartement ou un petit appartement ?
11 R. Bien, moyennement grand.
12 Q. Savez-vous quelle était la superficie de cet
13 appartement ?
14 R. Non. Je ne m’en souviens pas.
15 Q. Merci. Maintenant, cette chambre que vous
16 avez décrit comme étant la chambre d’enfant, qui dormait
17 dans cette chambre-là pendant que vous étiez séquestrée
18 dans cet appartement ?
19 R. C’est moi qui m’y trouvais.
20 Q. Quelle est la raison pour laquelle vous
21 dormiez dans cette chambre-là ?
22 R. Il fallait que je reste là avec Jagos.
23 Q. Est-ce que vous aviez un libre choix en ce
24 qui a trait à cela ?
25 R. Non.
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1 Q. Y avait-il quelqu’un qui dormait dans la plus
2 grande pièce ?
3 R. Oui.
4 Q. De qui s’agissait-il ?
5 R. Le numéro 87 et Klanfa.
6 Q. Est-ce que vous savez si elle avait un
7 choix ?
8 R. Non.
9 Q. Non, elle n’avait pas de choix ou non, vous
10 ne savez pas ?
11 R. Non, nous n’avions pas le choix, ni l’une ni
12 l’autre.
13 Q. Est-ce que c’était évident que Kovac savait
14 que Kostic se trouvait dans la plus petite chambre avec
15 vous ?
16 R. Oui.
17 Q. Savez-vous si les deux hommes étaient
18 d’accord en ce qui a trait à cette façon de faire les
19 choses ? Est-ce que vous le saviez ?
20 R. Je pense qu’oui.
21 Q. Est-ce que Kostic portait des armes ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que Kovac avait des armes ?
24 R. Oui.
25 Q. De quel genre d’armes il s’agit ?
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1 R. Des couteaux, des fusils, un revolver.
2 Q. Où gardaient-ils leurs armes ?
3 R. Je sais que Jagos gardait son arme sous le
4 coussin : un revolver et un couteau, là où je devais passer
5 la nuit.
6 Q. Est-ce que Kostic vous a violée de nouveau
7 après cette première fois ?
8 R. Oui.
9 Q. À quelle fréquence ?
10 R. Chaque fois qu’il le voulait.
11 Q. Aviez-vous un choix ?
12 R. Non.
13 Q. Je suis désolée de nouveau mais je dois vous
14 poser la question et c’est très important pour le Tribunal.
15 Lorsque vous dites « viol », voulez-vous dire qu’il a mis
16 son pénis dans votre vagin contre votre volonté ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce qu’il est arrivé qu’il place son pénis
19 dans votre bouche également à quelques reprises ?
20 R. Oui.
21 Q. Lorsque Jagos Kostic vous a violée, est-ce
22 que Kovac se trouvait dans l’appartement également ?
23 R. Des fois, oui. Des fois, non.
24 Q. Pensez-vous que Kovac savait que Kostic vous
25 violait ?
Page 2020
1 R. Oui.
2 Q. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous le
3 pensez ?
4 R. Eh bien, ils vivaient là ensemble.
5 Q. Est-ce qu’ils semblaient avoir de bons
6 rapports l’un avec l’autre ? Est-ce qu’ils se parlaient ?
7 Est-ce qu’ils semblaient bien s’entendre ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que Kostic vous a battue ?
10 R. Oui.
11 Q. Pourriez-vous nous le décrire, s’il vous
12 plaît ?
13 R. Une fois, il m’avait traîné dehors, il m’a
14 mis le couteau sous la gorge, il m’a battu avec ses bras et
15 ses pieds et il m’avait mis le couteau sous la gorge, il
16 m’avait tiré vers l’escalier de cet immeuble en me disant
17 qu’il allait m’égorger.
18 Q. Vous rappelez-vous de quand est-ce que c’est
19 arrivé ?
20 R. Non.
21 Q. Étiez-vous malade avant qu’il ne vous batte ?
22 R. Oui.
23 Q. De quelle façon ? Qu’aviez-vous ? Quelle
24 était la maladie dont vous souffriez ?
25 R. J’avais une très forte grippe. Il faisait
Page 2021
1 très froid dans cet appartement.
2 Q. Est-ce que Kostic vous a donné la raison pour
3 laquelle il vous a battue ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que Kovac vous a battu à quelque
6 moment que ce soit ?
7 R. Non.
8 Q. Vous a-t-il jamais violée ?
9 R. Non.
10 Q. Savez-vous si Kovac violait quelqu’un d’autre
11 dans cet appartement ?
12 R. Oui, le numéro 87.
13 Q. Comment vous le savez ?
14 R. Eh bien, j’étais là.
15 Q. [Non interprétée]
16 R. Oui.
17 Q. Kovac a-t-il fait quoi que ce soit d’autre
18 avec vous ou quelqu’un d’autre dans l’appartement ?
19 R. Pas à moi.
20 Q. Y avait-il un moment où Kovac vous a forcée
21 vous et l’autre fille ou les autres filles de vous
22 déshabiller ?
23 R. Oui, oui.
24 Q. Pourriez-vous nous décrire ce qui s’est passé
25 cette fois-là ?
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1 R. Il nous avait donner l’ordre de nous
2 déshabiller complètement.
3 Q. Quand vous parlez de « eux », « ils », à qui
4 vous référez-vous ?
5 R. Radomir Kovac et Jagos Kostic et il me semble
6 qu’il y avait encore un ou deux soldats. Je ne me souviens
7 pas exactement.
8 Q. Quand vous parlez « des filles », de qui
9 s’agit-il ? Pourriez-vous nous donner leurs numéros et
10 leurs initiales, s’il vous plaît ?
11 R. 87, AB.
12 Q. Vous rappelez-vous si le numéro 75 s’y
13 trouvait également ?
14 R. Non.
15 Q. En disant « non », voulez-vous dire qu’elle
16 ne s’y trouvait pas ou vous ne vous rappelez pas ?
17 R. Je ne m’en souviens pas.
18 Q. Que s’est-il passé après qu’ils aient forcé
19 les filles et vous-même de vous déshabiller ?
20 R. Ils nous ont dit de danser.
21 Q. Est-ce que c’est effectivement ce que vous
22 avez fait ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous sentiez-vous en mesure de refuser ou de
25 dire non ?
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1 R. Nous avons dû le faire.
2 Q. Comment vous êtes-vous sentie ?
3 R. C’est pénible.
4 Q. Aviez-vous également peur ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous avez mentionné qu’il y avait d’autres
7 soldats présents. Y avait-il d’autres soldats présents à
8 d’autres moments également ?
9 R. Non, je ne m’en souviens pas.
10 Q. Y avait-il d’autres moments où les soldats se
11 sont présentés à l’appartement à part de Kovac et de Kostic
12 ?
13 R. Je ne m’en souviens pas, non.
14 Q. Après cette première journée, est-ce que vous
15 êtes ressortie, est-ce qu’on vous a ramenée à l’extérieur
16 de cet appartement ?
17 R. Non.
18 Q. Vous rappelez-vous spécifiquement précisément
19 que vous vous trouviez toujours dans l’appartement ou vous
20 ne vous rappelez peut-être pas des détails ?
21 R. Nous sommes restées là tout le temps, pour
22 autant que je m’en souvienne.
23 Q. Vous avez mentionné que lorsqu’on vous a
24 forcée à enlever vos vêtements et à danser que AB se
25 trouvait également là. Est-ce que vous savez si elle est
Page 2024
1 venue dans l’appartement avec vous et le numéro 87 ? De
2 quelle façon est-elle arrivée à cet appartement ?
3 R. Je pense qu’elle se trouvait là. Je ne sais
4 plus.
5 Q. Vous souvenez-vous de quelle façon elle a
6 quitté ou elle a été emmenée à l’extérieur de cet
7 appartement ?
8 R. Non, je ne sais pas. Je ne m’en souviens
9 pas.
10 Q. Quel âge avait AB à l’époque ?
11 R. Douze ans.
12 Me KUO (interprétation) : J’aimerais demander à
13 Monsieur l’Huissier de montrer au témoin la pièce à
14 conviction 195. Je ne voudrais pas que cette pièce soit
15 présentée ou placée sur le rétroprojecteur car il s’agit
16 d’une pièce à conviction confidentielle.
17 Q. Je vous pose la question, Madame. Est-ce
18 qu’il s’agit bien de AB sur cette photographie ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que c’est de ça qu’elle avait l’air en
21 1992 ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Pendant que vous étiez en captivité
24 dans cet appartement, est-ce qu’il fallait également faire
25 le ménage ?
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1 R. Oui.
2 Q. Quel genre de tâches deviez-vous faire ?
3 R. Nettoyer l’appartement.
4 Q. Est-ce qu’il a fallu également que vous
5 laviez des vêtements pour Kovac et Kostic ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce qu’il a également fallu que vous leur
8 serviez la nourriture ou des boissons ?
9 R. Oui.
10 Q. Étiez-vous en contact avec le monde
11 extérieur, avec votre famille, par exemple ?
12 R. Non.
13 Q. Est-ce que votre famille savait où vous étiez
14 ?
15 R. Non.
16 Q. Est-ce que vous vous sentiez comme si vous
17 étiez la propriété de Kostic et de Klanfa ?
18 R. Oui.
19 Q. Pourriez-vous nous décrire la raison pour
20 laquelle vous vous sentiez ainsi ?
21 R. Bien, nous devions faire tout ce qu’ils
22 disaient de faire.
23 Q. Seriez-vous en mesure d’identifier Radomir
24 Kovac aujourd’hui ?
25 R. C’est lui là-bas au milieu [indication du
Page 2026
1 témoin], le troisième à compter de ce côté-ci [indication
2 du témoin], premier, deuxième, troisième.
3 Q. Pouvez-vous nous décrire comment il est vêtu
4 ?
5 R. Il a un costume grisâtre avec une cravate
6 grise.
7 Me KUO (interprétation) : Pour le compte-rendu
8 d’audience, le témoin a identifié l’Accusé Radomir Kovac.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.
10 Me KUO (interprétation) :
11 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous savez si à
12 un moment donné Kovac s’est trouvé à l’hôpital ?
13 R. Je pense qu’il avait été blessé, oui.
14 Q. Vous rappelez-vous à quel moment c’est arrivé
15 ?
16 R. Non.
17 Q. Vous rappelez-vous pendant combien de temps
18 a-t-il séjourné à l’hôpital ?
19 R. Non.
20 Q. Vous rappelez-vous de quelle façon vous aviez
21 appris qu’il était à l’hôpital ?
22 R. Je ne me souviens seulement que d’une chose,
23 quelqu’un était venu à la porte amener des vêtements à
24 Klanfa en disant qu’il avait été blessé, mais je ne sais
25 plus de qui il s’agissait.
Page 2027
1 Q. Seriez-vous en mesure d’identifier ou de
2 reconnaître cette personne aujourd’hui ?
3 R. Non.
4 Q. S’agissait-il d’un soldat ?
5 R. Oui.
6 Q. À quel moment avez-vous été emmenée à
7 l’extérieur de cet appartement ?
8 R. Après un mois ou deux. Je ne sais pas
9 exactement.
10 Q. Pourriez-vous nous décrire les circonstances
11 dans lesquelles c’est arrivé ?
12 R. Eh bien, nous ne savions pas au début et puis
13 après, nous avons su, appris que nous avions été vendues
14 pour 500 marks et pour un camion de lessive, entre autres.
15 Q. Quand vous parlez de « nous », à qui pensez-
16 vous ?
17 R. Moi et le numéro 87.
18 Q. Qui vous a emmenées ?
19 R. Misko.
20 Q. Ce Misko était-il seul ou était-il accompagné
21 de quelqu’un ?
22 R. Je pense qu’il y en avait encore un.
23 Q. Est-ce qu’il s’agit du même Misko que vous
24 avez mentionné auparavant, pendant que vous étiez encore à
25 Miljevina ?
Page 2028
1 R. Non, pas celui-là. Un autre.
2 Q. Savez-vous d’où venaient ces deux hommes ?
3 R. Du Monténégro.
4 Q. Vous avez dit que vous avez appris que vous
5 aviez été vendues pour 500 DM. De quelle façon l’avez-vous
6 appris ?
7 R. Eh bien, ils riaient entre eux et ils
8 disaient : « Vous voyez combien vous valez. »
9 Q. Quand vous dites « qui », à qui pensez-vous…
10 (l’interprète se reprend). Quand vous dites « ils », à qui
11 pensez-vous ?
12 R. Les Monténégrins rigolaient entre eux.
13 Q. Est-ce qu’ils vous ont dit quel était le
14 montant qu’ils ont payé pour vous et le numéro 87 ?
15 R. Oui, 500 marks et une camionnette de lessive.
16 Q. De quelle façon vous ont-ils emmenées ? Est-
17 ce qu’ils se sont servis d’un véhicule ?
18 R. Oui, une petite voiture.
19 Q. Y avait-il autre chose dans cette voiture ?
20 R. Je ne sais plus. Je ne m’en souviens pas.
21 Q. Plus précisément, s’agissait-il également
22 d’armes cachées dans la voiture ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce que les Monténégrins ont parlé de ces
25 armes ?
Page 2029
1 R. Par la suite, lorsque nous sommes arrivés sur
2 un petit chemin, ils ont ouvert les portes de la voiture en
3 nous disant qu’il fallait qu’on souffle un peu. 87 et moi,
4 nous étions assises. Ils nous ont dit : « Relevez-vous. »
5 Il y avait beaucoup de bombes et d’armes.
6 Q. Pourriez-vous nous décrire ces deux
7 Monténégrins… (l’interprète se reprend). Est-ce que vous
8 êtes parties volontairement avec ces deux Monténégrins ?
9 R. Non.
10 Q. De quelle façon est-ce que vous vous êtes
11 retrouvées avec eux ? Est-ce que quelqu’un vous a dit
12 qu’il a fallu que vous le fassiez ?
13 R. Je ne m’en souviens pas.
14 Q. Où est-ce que les Monténégrins vous ont
15 emmenées ?
16 R. Nous avons été à Niksic et Titograd.
17 Q. Que vous ont-ils fait à Niksic ?
18 R. Il a fallu que nous travaillions dans un
19 café.
20 Q. Vous a-t-on jamais payées ?
21 R. Non.
22 Q. Avez-vous également été violées ?
23 R. Oui.
24 Q. Qui vous a violées ?
25 R. Ceux qui nous gardaient à la maison.
Page 2030
1 Q. Est-ce qu’il s’agissait d’un des deux hommes
2 qui vous y ont emmenées ?
3 R. Oui.
4 Q. Où vous a-t-on emmenées après Niksic ?
5 R. Ils nous ont emmenées à Titograd.
6 Q. Est-ce que Titograd est le même endroit que
7 Podgorica ?
8 R. Oui.
9 Q. Que vous est-il arrivé à cet endroit ?
10 R. Nous sommes restées là-bas je ne sais plus
11 combien de temps et nous avons été violées aussi.
12 Q. Pendant combien de temps étiez-vous restée en
13 captivité à Titograd ?
14 R. Huit, peut-être dix jours. Je ne m’en
15 souviens plus.
16 Q. Vous rappelez-vous de quelle façon vous avez
17 été en mesure de quitter Titograd ?
18 R. Non. Je sais que quelqu’un m’avait emmenée à
19 une gare routière, je ne sais plus qui et il m’a montré la
20 route vers une localité habitée par des Musulmans.
21 Q. À quelque moment que ce soit, est-ce que vous
22 avez été en mesure de contacter votre famille ?
23 R. Oui, un ou deux mois plus tard.
24 Q. Où êtes-vous arrivée après qu’on vous ait
25 placée sur cet autobus ?
Page 2031
1 R. À Rozaje.
2 Q. Lorsque vous êtes rentrée en contact avec
3 votre famille, est-ce que vous avez parlé avec votre mère ?
4 R. Oui.
5 Q. Avez-vous également parlé avec votre père ?
6 R. Non.
7 Q. Avez-vous raconté à votre mère les détails de
8 ce qui vous était arrivé ?
9 R. Nous en avons parlé, mais nous ne sommes
10 jamais rentrées dans les détails.
11 Q. À quel moment avez-vous revu votre mère de
12 nouveau ?
13 R. Cinq ans après.
14 Q. Avez-vous dit à votre mère à quelque moment
15 que ce soit ce qui vous était arrivé ?
16 R. Non.
17 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
18 R. Non. C’est trop dur.
19 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,
20 Messieurs les Juges, j’aurais encore quelques questions,
21 mais je vois qu’il est déjà 11 h 00. Nous pourrions peut-
22 être continuer après la pause.
23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, très
24 bien. Nous allons prendre la pause et nous allons ajourner
25 à 11 h 15… (l’interprète se reprend) nous allons reprendre
Page 2032
1 à 11 h 30.
2 --- Suspension de l’audience à 11 h 00
3 --- Reprise de l’audience à 11 h 30
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous pouvons
5 poursuivre avec l’interrogatoire principal.
6 Me KUO (interprétation) : Avant de poursuivre,
7 j’aimerais tout simplement vérifier si la photographie 195,
8 la pièce à conviction, a été versée au dossier, ainsi que
9 la pièce à conviction 198.
10 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Il serait
11 peut-être plus utile si vous pouviez non seulement parler
12 du chiffre du document mais de parler de la pièce à
13 conviction avant de la verser au dossier.
14 Me KUO (interprétation) : Oui, mais excusez-moi,
15 Monsieur le Juge, je pensais tout simplement qu’il
16 s’agissait d’une pièce à conviction qui a déjà été versée
17 au dossier.
18 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Entendu !
19 Me KUO (interprétation) :
20 Q. Madame le Témoin, une fois arrivée à Rozaje,
21 vous avez vu le médecin ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce qu’en résultat de tout ce qui vous est
24 arrivé, après toutes les épreuves éventuellement que vous
25 avez eues, vous avez subi un certain nombre de conséquences
Page 2033
1 ?
2 R. Oui.
3 Q. Quelles séquelles avez-vous ressenties ?
4 R. J’avais des infections. Au niveau des reins
5 également, j’ai eu des problèmes. J’avais des problèmes de
6 dos. Donc, j’ai souffert de plein d’autres choses et j’ai
7 été opérée également des polypes.
8 Q. Est-ce que sur le plan psychologique
9 également, vous avez des problèmes à cause de toutes ces
10 épreuves ?
11 R. Oui.
12 Q. Pourriez-vous nous donner également la
13 description, nous dire comment vous souffrez ?
14 R. C’est du point de vue psychique que j’ai des
15 problèmes.
16 Q. Est-ce que vous souffrez encore sur le plan
17 psychique ?
18 R. Oui.
19 Q. Êtes-vous également capable de nous décrire
20 et de nous dire comment ça se présente ?
21 R. Je ne sais pas comment. Comment voulez-vous
22 que je vous en parle plus concrètement ?
23 Q. Je voulais vous demander comment vous sentez-
24 vous, comment vous réagissez à tout ce qui vous est arrivé.
25 R. C’est très dur pour moi.
Page 2034
1 Q. Pourriez-vous essayer quand même de nous
2 donner plus de précisions ?
3 R. Oui, je vais essayer. J’ai des médicaments,
4 je suis sous traitement, je prends des antidépressifs et
5 puis également contre les douleurs rhumatismales, et puis
6 voilà, pour le reste également.
7 Q. Est-ce que les cachets que vous prenez
8 réagissent, ont une action sur votre mémoire et que vous
9 ayez perdu la mémoire à cause de ça ?
10 R. Non.
11 Q. Est-ce que vous savez que les enquêteurs ont
12 essayé de vous contacter ? Est-ce que vous vous en
13 souvenez ?
14 R. De quel type d’enquêteurs parlez-vous ? De
15 quels enquêteurs parlez-vous ?
16 Q. Est-ce que vous avez reçu éventuellement des
17 lettres, des lettres qui vous ont été adressées par le
18 Tribunal international et que dans ces lettres, on vous a
19 tout simplement proposé de vous citer à la barre comme
20 témoin potentiel ?
21 R. Oui, je m’en souviens.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez également des
23 dates de ces lettres ? Est-ce que vous savez à quel moment
24 ces lettres ont été datées ?
25 R. Non, je ne m’en souviens pas.
Page 2035
1 Q. Est-ce que vous vous souvenez combien de
2 lettres avez-vous reçues ?
3 R. Une seule.
4 Q. Est-ce que vous avez répondu à cette lettre ?
5 R. Non. J’avais peur.
6 Q. Au moment où vous avez pris la décision
7 définitivement de rencontrer les représentants du Tribunal,
8 est-ce que vous vous souvenez de ce moment-là ?
9 R. Oui. Au téléphone, on m’a appelée et puis
10 après, j’ai pris la décision de venir ici déposer.
11 Q. Est-ce que c’était à la mi-mars de cette
12 année ?
13 R. Oui, oui, oui.
14 Q. Est-ce que vous avez donné une déclaration
15 écrite ? Est-ce que vous avez déposé par écrit, vous avez
16 donné une déclaration écrite à qui que ce soit au Tribunal
17 ?
18 R. Non.
19 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi
20 vous avez décidé en définitive de discuter, de parler avec
21 les représentants du Tribunal ?
22 R. C’est à cause de mon avenir.
23 Q. Est-ce que vous pouvez être un peu plus
24 précise, s’il vous plaît, et nous dire des choses plus
25 concrètes ? Qu’est-ce que vous sous-entendez sous cela ?
Page 2036
1 R. Je voulais tout simplement déposer et dire ce
2 qui s’est passé.
3 Q. Comment ça peut avoir à faire avec votre
4 avenir ?
5 R. Je me sentirais mieux.
6 Q. Avant que vous soyez en sécurité à Rozaje,
7 est-ce que vous avez eu peur tout le temps, tout ce temps-
8 là ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous aviez peur éventuellement
11 qu’on aurait pu vous tuer ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que vous sentiez que vous pouviez
14 maîtriser les événements ? Est-ce qu’à un moment ou
15 l’autre, vous sentiez que vous pouviez maîtriser les
16 événements ? Je n’ai pas entendu votre réponse.
17 R. Vous parlez du contrôle des événements. Je
18 ne comprends pas.
19 Q. Excusez-moi, je vais reformuler ma question.
20 Est-ce que vous avez pu également vous-même décider où vous
21 allez vous rendre ou est-ce que vous avez vous-même eu
22 l’impression que vous pouviez vous-même décider où allez-
23 vous vous rendre ?
24 R. Non.
25 Q. Est-ce que vous avez pu également, par
Page 2037
1 exemple, décider où vous allez vous rendre et avec qui à
2 tel et tel endroit ?
3 R. Non.
4 Q. Est-ce que vous avez pu contrôler quoi que ce
5 soit qui se passe avec vous et dans le sens traitement
6 sexuel ?
7 R. Non.
8 Q. Est-ce que vous avez pu contrôler quoi que ce
9 soit, maîtriser quoi que ce soit ? Est-ce que tout ce qui
10 s’est passé avec vous, vous auriez pu vous-même le
11 contrôler ?
12 R. Non.
13 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,
14 ce sont les questions que j’avais à poser et j’ai terminé
15 mon interrogatoire principal.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous
17 remercie. Je pense que nous pouvons nous attendre au
18 contre-interrogatoire.
19 Je vous en prie, Me Prodanovic.
20 Me PRODANOVIC (interprétation) : J’ai juste deux
21 questions, Madame la Présidente, si vous le permettez.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
23 prie, vous pouvez les poser.
24 CONTRE-INTERROGÉE PAR
25 Me PRODANOVIC (interprétation) :
Page 2038
1 Q. Avant de poser la question, je voudrais vous
2 dire bonjour.
3 R. Bonjour.
4 Q. Aujourd’hui même, au moment où on vous a
5 emmenée de Partizan, vous avez dit qu’il y avait un soldat
6 qui est venu et qui répondait au nom de Misko et qu’il
7 était Monténégrin. Est-ce que vous avez eu l’occasion de
8 le voir plus tard ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que lui, il appartenait à l’armée de
11 Miljevina ?
12 R. Je ne me souviens pas de cela.
13 Q. Est-ce qu’il était en contact, est-ce qu’il
14 était copain, copain avec ceux de Miljevina ?
15 R. Je le pense.
16 Q. Merci. Vous avez cité le nombre de personnes
17 et les noms des personnes que vous avez rencontrées à la
18 maison de Karaman.
19 R. Oui.
20 Q. Vous avez dit également que vous étiez avec
21 le Témoin 87 ?
22 R. Oui, mais j’étais le plus avec 87.
23 Q. Donc, avec 87 ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce qu’éventuellement, une fois quand vous
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1 restiez l’une et l’autre, vous avez parlé ensemble ? Est-
2 ce que vous vous êtes confiées l’une à l’autre ?
3 R. Oui. C’est normal parce qu’on était resté
4 tout le temps.
5 Q. Est-ce qu’elle vous a parlé d’elle-même ?
6 Est-ce qu’elle s’est confiée à vous ?
7 R. Oui. On a parlé de tout, mais on a essayé
8 notamment d’oublier, de ne pas y penser.
9 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …d’éteindre son
10 microphone quand il a fini de poser ses questions. Merci
11 beaucoup. Et de ménager naturellement des pauses entre les
12 questions et les réponses pour faciliter le travail des
13 interprètes. Merci.
14 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la
15 Greffière, mais de toute façon, j’ai terminé, Madame la
16 Présidente. Je n’ai plus de questions à poser.
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
18 prie, Me Kolesar.
19 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la
20 Présidente, Messieurs les Juges, je voudrais poser quelques
21 questions.
22 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me KOLESAR
23 (interprétation) :
24 Q. Madame le Témoin, bonjour.
25 R. Bonjour.
Page 2040
1 Q. J’aimerais tout simplement attirer votre
2 attention sur votre séjour dans l’appartement qui se
3 trouvait dans l’immeuble appelé Lepa Brena.
4 R. D’accord.
5 Q. Vous avez dit que vous vous êtes rendue dans
6 cet appartement depuis la maison de Karaman. Est-ce que je
7 vous ai bien comprise ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous nous avez dit par ailleurs qu’à Foca,
10 vous avez été emmenée par Tuta et qu’il vous a emmenée dans
11 cet appartement. Est-ce qu’il était accompagné de
12 quelqu’un d’autre ?
13 R. Je me souviens qu’il y avait Tuta, mais je ne
14 me souviens pas des noms des autres.
15 Q. Je ne vous ai pas tout à fait bien comprise.
16 R. Il y avait Tuta qui était sur place.
17 Q. Est-ce qu’il y avait encore d’autres
18 personnes, s’il vous plaît ?
19 R. Je ne me souviens pas.
20 Q. Merci. Où est-ce que vous avez vu pour la
21 première fois Kovac et Kostic ?
22 R. Nous les avons vus dans un appartement.
23 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous situer
24 cet appartement ?
25 R. Je sais, je me souviens que nous sommes
Page 2041
1 restées dans l’immeuble de Lepa Brena.
2 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise qu’eux
3 aussi, ils se sont rendus dans l’immeuble de Lepa Brena ?
4 R. Oui. Je me souviens qu’il s’agissait de
5 l’immeuble Lepa Brena, mais malheureusement, je ne me
6 souviens pas de tous les détails.
7 Q. Avant de sortir de la maison de Karaman
8 jusqu’à cet endroit, est-ce qu’éventuellement il y avait un
9 incident auquel vous avez assisté et que c’était en liaison
10 avec un soldat serbe ?
11 R. Je ne me souviens pas.
12 Q. Je vais vous demander : Est-ce qu’il y avait
13 éventuellement quelqu’un qui a essayé de vous demander de
14 faire le signe de la croix à vous-même et aux autres filles
15 ?
16 R. Oui, mais c’était à la maison de Karaman.
17 C’était avant qu’on parte à Foca.
18 Q. Ce jour-là où on vous a emmenée ou
19 éventuellement quelques jours auparavant ?
20 R. Auparavant.
21 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom de ce
22 soldat ?
23 R. Je ne me souviens pas du nom de ce soldat.
24 Q. Quand Kostic et Kovac vous ont prise, est-ce
25 qu’eux, ils vous ont dit quelle était la raison pour
Page 2042
1 laquelle ils vous emmenaient dans leur appartement ?
2 R. Non.
3 Q. Pour que ce soit donc plus facile pour vous
4 et pour moi, il est indispensable, s’il vous plaît, de
5 ménager la pause parce que moi, il faut que je me débranche
6 pour que votre voix reste déformée. S’il vous plaît,
7 attendez un petit peu avant de répondre.
8 Vous avez donc traversé un chemin entre l’endroit
9 où vous étiez puis vous êtes restée pendant un certain
10 temps dans l’autre appartement. Eh bien, ce chemin,
11 comment vous l’avez passé ?
12 R. Comment ? Je ne comprends pas.
13 Q. Je vous demande est-ce que vous êtes allée à
14 pied ou bien en voiture ?
15 R. En voiture et pas par avion.
16 Q. On ne s’est pas compris.
17 R. Par voiture.
18 Q. Donc, de Tuta, de chez Tuta jusqu’à Lepa
19 Brena, vous avez traversé en voiture ?
20 R. Je ne me souviens pas de ce détail, mais de
21 toute façon, jusqu’à Foca, nous sommes allés en voiture.
22 Q. Ceci est logique, mais ce n’est pas ça que je
23 vous ai demandé. Je vous ai demandé comment vous avez
24 parcouru le chemin depuis l’appartement où vous étiez avec
25 Tuta jusqu’à l’appartement habité par Kovac et Kostic.
Page 2043
1 R. Je ne me souviens pas de ce détail.
2 Q. Est-ce qu’éventuellement sur le chemin, Kovac
3 vous a dit que vous resterez chez lui, que vous allez être
4 protégée, que personne ne vous toucherait, qu’il n’allait
5 emmener personne et que c’est là où vous allez rester
6 jusqu’au moment où on vous fera sortir de Foca ?
7 R. Je ne me souviens pas de ça.
8 Q. Est-ce qu’éventuellement, en cours de route,
9 on vous a maltraitée, on a proféré des injures, on vous a
10 frappée ?
11 R. Non.
12 Q. Est-ce que vous pouvez répondre une fois de
13 plus ?
14 R. Non.
15 Q. Est-ce qu’en cours de chemin, vous êtes
16 arrêtée à un magasin pour acheter de la nourriture, des
17 articles alimentaires ?
18 R. Non, non, je ne me souviens pas.
19 Q. Vous ne vous souvenez pas ou bien vous n’êtes
20 pas passée par le magasin ?
21 R. Je ne me souviens pas.
22 Q. Est-ce que plus tard éventuellement, vous
23 sortiez de l’appartement, descendiez dans une boutique pour
24 faire des courses ?
25 R. Non.
Page 2044
1 Me KOLESAR (interprétation) : J’aimerais demander
2 l’aide de l’Huissier pour montrer une pièce à conviction,
3 la photographie 407401 qui a été versée au dossier comme
4 pièce du Procureur 11, numéro 11.
5 Q. Est-ce que vous vous souvenez… je pense que
6 tout à l’heure, le Procureur nous a montré cette
7 photographie, et lors de l’interrogatoire principal, vous
8 avez dit qu’il s’agissait de l’immeuble de Lepa Brena et
9 vous avez également montré où se trouvait l’appartement où
10 vous étiez ensemble avec Kovac et Kostic. Est-ce que vous
11 vous souvenez ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que vous maintenez ce que vous avez
14 dit : qu’il s’agit des balcons aux quatrième, cinquième,
15 sixième étages ?
16 R. Oui.
17 Me KOLESAR (interprétation) : J’aimerais demander
18 à l’Huissier de m’aider et de placer sur le rétroprojecteur
19 la photographie. Il y a suffisamment d’exemplaires aussi
20 bien pour le Greffe que pour la Chambre, pour le Procureur
21 également. L’original est chez moi.
22 LA GREFFIÈRE : Il s’agira de la pièce à
23 conviction de la Défense D38.
24 Me KOLESAR (interprétation) :
25 Q. J’aimerais vous demander de regarder
Page 2045
1 attentivement la photographie et de nous dire si vous
2 pouvez identifier quel est le bâtiment dont il a été
3 question tout à l’heure.
4 R. Je pense qu’il s’agit du même immeuble.
5 Q. Mais si je vous ai bien compris, vous avez
6 dit qu’il s’agissait de l’immeuble de Lepa Brena ?
7 R. Je ne me souviens pas véritablement de tous
8 les détails.
9 Q. Je vais vous demander s’il vous plaît de
10 faire la comparaison entre les deux photographies : celle
11 que je vous ai donnée et l’autre que vous avez vue tout à
12 l’heure, et puis de nous préciser s’il s’agit véritablement
13 de l’immeuble de Lepa Brena.
14 R. Ce n’est pas l’immeuble qui m’a violée. Ce
15 n’est pas ça ce qui m’intéresse. C’est à l’époque. Je ne
16 sais pas.
17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais
18 éventuellement, Madame le Témoin, vous pourriez tout
19 simplement dire que cette photographie ressemble à l’autre,
20 si vous pouvez en conclure ?
21 R. Oui. C’est peut-être… ça ressemble, mais je
22 ne me souviens pas.
23 Me KOLESAR (interprétation) : [Hors microphone]
24 Je vais demander à l’Huissier de m’aider et de montrer
25 l’autre photographie au témoin.
Page 2046
1 LA GREFFIÈRE : Cette deuxième photographie est
2 cotée D39 des pièces de la Défense.
3 Me KOLESAR (interprétation) :
4 Q. Reconnaissez-vous cet immeuble ?
5 R. Mais tous ces immeubles se ressemblent. Je
6 ne sais pas. Écoutez : Je n’habitais pas Foca. J’ai été
7 capturée à Foca, rien d’autre. Par conséquent, je ne peux
8 pas me souvenir de tous les détails. Impossible.
9 Q. Mais la toute dernière photographie qui vous
10 a été montrée, est-ce que c’est l’entrée de l’immeuble qui
11 conduit vers l’appartement où vous étiez ?
12 R. Je ne me souviens pas.
13 Q. Pourriez-vous me dire s’il vous plaît :
14 Quand on vous a montré la première photographie, vous avez
15 dit que vous avez reconnu l’immeuble de Lepa Brena ?
16 R. Je me souviens de la couleur. Je me souviens
17 à peu près de la manière dont ressemblait… à quoi
18 ressemblait le balcon. C’est un petit peu comme un rêve.
19 Q. Est-ce que vous voulez jeter un coup d’œil
20 sur la première photographie et puis la dernière
21 photographie ? Est-ce que vous pouvez également me donner
22 la différence sur le plan couleur, sur le plan présentation
23 du balcon ? Quelle est la différence ?
24 R. Je sais qu’il y avait des arbres. Non, mais
25 non, je ne peux pas me souvenir de tous les détails. Ce
Page 2047
1 n’est pas l’immeuble qui m’a violée. Est-ce que vous me
2 comprenez ? Moi, je n’ai jamais vécu à Foca. Je ne sais
3 pas si vous me comprenez.
4 Q. Je vous comprends parfaitement bien, mais…
5 R. Mais je ne me souviens pas de cet immeuble.
6 Ces immeubles se ressemblent pratiquement. Je sais que
7 c’était à peu près comme ça. Si je me rends sur place à
8 Foca, dans ce cas-là, je vais peut-être pouvoir reconnaître
9 les photographies. Non, non.
10 Q. Est-ce que vous pouvez me dire également
11 comment les meubles étaient disposés ?
12 R. Il y avait un canapé. Il y avait des
13 meubles. Je ne sais pas de quoi vous parlez.
14 Q. Mais qu’est-ce qui se trouvait dans la salle
15 de séjour et dans les chambres ?
16 R. Il y avait deux chambres, il y avait une
17 salle de bain, il y avait un couloir, il y avait une salle
18 de séjour.
19 Q. Qu’est-ce qu’il y avait comme meubles dans la
20 salle de séjour ?
21 R. Il y avait un canapé, il y avait une table,
22 puis il y avait également un meuble.
23 Q. Est-ce que vous vous souvenez comment était
24 la table ?
25 R. Elle était blanche.
Page 2048
1 Q. Comment ?
2 R. Bien, elle était blanche.
3 Q. Au moment où vous êtes venue dans cet
4 appartement, qu’est-ce que vous aviez comme vêtements ?
5 R. Je ne sais pas. Je n’avais rien. Ce qui
6 était sur moi.
7 Q. Entendu ! Mais est-ce qu’on vous a dit que
8 vous pouviez utiliser les vêtements qui étaient dans les
9 placards, dans les vêtements et que vous pouviez mettre ?
10 R. Mais on n’a pratiquement rien trouvé.
11 Q. Est-ce qu’il y avait dans la salle de bain un
12 lave-linge ?
13 R. Mais il n’y avait pas d’électricité, il n’y
14 avait pas d’eau, donc, pourquoi le lave-linge.
15 Q. Et comment vous avez cuisiné ?
16 R. Comment on a cuisiné ? On mangeait des
17 conserves. On mangeait trois ou quatre jours et il y avait
18 des jours où on n’avait rien.
19 Q. Et d’où venait les conserves ?
20 R. Mais on nous rapportait… on nous ramenait les
21 conserves.
22 Q. Mais quand il y avait le courant et quand on
23 pouvait faire de la cuisine, vous l’avez fait ?
24 R. Quoi alors, parce qu’on n’avait rien.
25 Q. Vous avez dit que vous étiez enfermée à clé,
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1 que vous ne pouviez pas sortir de l’appartement ?
2 R. Oui.
3 Q. Si c’est vrai, comment les soldats en
4 question ont pu pénétrer dans l’appartement et emmener
5 l’équipement de Kovac au moment où il a été blessé ?
6 R. Je ne sais pas comment il est rentré. Je ne
7 me souviens pas. Je ne l’ai pas vu. Moi, j’étais dans une
8 autre pièce et il n’est pas impossible qu’on lui a donné la
9 clé. De toute façon, on était enfermé à clé. Moi
10 également, je me pose la question.
11 Q. Est-ce que vous êtes allée chez les voisins
12 pour demander du café, pour faire du café également chez
13 cette voisine qui avait une cuisinière ?
14 R. Non. On n’est pas sorti.
15 Q. Est-ce que les voisines se rendaient chez
16 vous ?
17 R. Non.
18 Q. Vous souvenez-vous que dans cette même
19 entrée, il y avait également une parente très proche, une
20 cousine de Kovac qui habitait donc le même immeuble ?
21 R. Oui. Oui, oui. Il y avait une femme
22 effectivement. Oui.
23 Q. Est-ce qu’elle, elle se rendait chez vous ?
24 R. Non, non.
25 Q. Est-ce qu’elle vous a donné de la nourriture
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1 d’une façon ou d’une autre ?
2 R. Oui. Une fois, j’étais malade et elle m’a
3 envoyé de la nourriture. On n’avait ni l’eau ni à manger,
4 et une fois, c’est vrai.
5 Q. Une seule fois ?
6 R. Oui, si mes souvenirs sont bons.
7 Q. Et comment elle l’a fait ?
8 R. 87 a fait passer un sac par la fenêtre et
9 c’est là-dedans qu’elle a mis du potage, des cigarettes.
10 Je ne me souviens pas. J’avais beaucoup de fièvre et je ne
11 me souviens pas vraiment du reste.
12 Q. Eh bien, pendant qu’eux, ils n’étaient pas
13 sur le front, vous le dites, et quand on a préparé la
14 nourriture, est-ce que vous étiez ensemble à table ou bien
15 vous mangiez séparément ou bien ils étaient à table avec
16 vous ?
17 R. Je ne me souviens pas de ça.
18 Q. Par conséquent, vous maintenez que vous ne
19 vous êtes jamais rendue chez des voisins pour demander du
20 café ou du sucre, ni les voisins ne se rendaient jamais
21 chez vous ? Ça, vous le maintenez ?
22 R. Oui, je le maintiens, si mes souvenirs sont
23 bons encore. Non.
24 Q. Mais dites-moi s’il vous plaît si
25 éventuellement la mère de Kovac s’était rendu chez vous
Page 2051
1 dans l’appartement de temps à autre.
2 R. Non. Je ne me souviens pas. Non.
3 Q. Le premier jour quand vous êtes arrivée, vous
4 avez dit que Kostic vous a fait sortir en ville ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce qu’éventuellement il y avait d’autres
7 moments où vous, vous êtes allée en ville avec Kovac et la
8 personne qui correspond au numéro 87 ?
9 R. Je ne me souviens pas.
10 Q. Mais est-ce que le café intitulé Linea vous
11 dit quelque chose ?
12 R. Non.
13 Q. Leonardo ?
14 R. Leonardo ? Non, absolument pas.
15 Q. Oui. Ça vous dit quelque chose ?
16 R. Non.
17 Q. Et Han ? H-A-N.
18 R. Non, je ne me souviens pas.
19 Q. Vous ne vous souvenez pas non plus de tels
20 cafés à Foca ?
21 R. Non. Je ne sais même pas si ces cafés
22 existent.
23 Q. Et vous affirmez que vous ne vous êtes jamais
24 rendue dans ces cafés ?
25 R. Non.
Page 2052
1 Q. Est-ce que vous êtes allée chez leurs amis ou
2 éventuellement chez leurs cousins pour les visiter ?
3 R. Non.
4 Q. Vous nous avez dit le temps que vous avez
5 passé dans l’appartement. Pourriez-vous nous dire combien
6 de fois Kovac est resté dans cet appartement, combien de
7 nuits à peu près ?
8 R. Je ne sais pas.
9 Q. Est-ce que vous vous souvenez quel était le
10 moment où il a été blessé, à quelle période à peu près ?
11 R. Non.
12 Q. Je vais essayer de rafraîchir votre mémoire.
13 Est-ce que vous vous souvenez qu’au moment où on a fêté St-
14 Nicholas, il y avait une attaque qui a été organisée sur
15 Foca ?
16 R. La fête St-Nicholas ? Non, non, je ne me
17 souviens pas. S’ils avaient respecté St-Nicholas et la
18 fête, ils n’auraient pas déclenché la guerre.
19 Q. Je vous pose les questions, Madame le Témoin.
20 Je vais vous demander s’il vous plaît de me répondre. Moi,
21 je ne fais pas de commentaire. Enfin, je vais vous prier
22 de ne pas faire de commentaire.
23 R. Oui, oui, d’accord.
24 Q. Est-ce que vous avez entendu parler du
25 village Josanica ?
Page 2053
1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous avez entendu également parler
3 du massacre à Josanica quand 51 civils ont été tués et
4 brûlés, 17 ont été capturés, et c’était la brigade
5 musulmane de Foca ?
6 R. Non, je ne me souviens pas, et combien
7 d’hommes de chez nous ont été tués ?
8 Q. Mais vous savez quand même qu’il y avait
9 cette opération militaire à côté de la station balnéaire,
10 Josanica ?
11 R. Non, je ne m’en souviens pas.
12 Q. À l’époque de la blessure de Kovac, vous
13 rappelez-vous d’un incident particulier qui a eu lieu la
14 veille de Noël – c’est donc la veille du Noël orthodoxe –
15 moment où un soldat a essayé de pénétrer dans l’appartement
16 par force où vous vous trouviez vous et le numéro 87 ?
17 R. Non, je ne me souviens pas.
18 Q. Pour rafraîchir votre mémoire, ne vous
19 rappelez-vous pas que vous êtes descendue en bas pour voir
20 la cousine pour vous venir en aide ?
21 R. De quelle façon voulez-vous que j’aille, que
22 je descende ou que je sorte de l’appartement, puisque
23 j’étais enfermée à clé ?
24 Q. Pendant votre séjour dans cet appartement,
25 vous souvenez-vous ou avez-vous connaissance du fait que
Page 2054
1 Kovac aurait pu passer quelques jours en prison ?
2 R. Non, je ne me souviens pas.
3 Q. C’est très intéressant de voir que vous ne
4 vous rappelez d’absolument rien.
5 R. Je ne peux pas mentir. Je ne me rappelle
6 vraiment pas.
7 Q. Je ne vous demande pas de mentir.
8 R. Il y a eu tellement d’événements, je me
9 rappelle exactement ce qui m’est arrivé à moi. Je me
10 rappelle des souffrances que j’ai vécues mais je ne me
11 souviens pas des autres événements.
12 Q. Vous avez dit qu’un moment donné, Kovac et
13 Kostic vous ont demandé de vous dévêtir nue et de danser ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous rappelez-vous dans quelle pièce est-ce
16 que cela a eu lieu ?
17 R. Dans la salle de séjour, c’est-à-dire dans…
18 je crois qu’il s’agissait d’une salle de séjour. C’était
19 la pièce qui était plus grande.
20 Q. Et où est-ce que vous étiez là en train de
21 danser ?
22 R. Eh bien, dans cette salle, dans cette
23 chambre, dans cet appartement.
24 Q. Oui, d’accord. Bien sûr, j’ai bien entendu,
25 mais vous étiez dans l’appartement où : sur un lit, sur le
Page 2055
1 plancher, où ?
2 R. Non. On était debout sur le plancher.
3 Q. Et où étaient-ils assis ces deux hommes et où
4 étaient assis les deux autres soldats que vous avez
5 mentionnés ?
6 R. Je ne sais pas. Je crois qu’ils étaient
7 assis sur le canapé, sur des chaises.
8 Q. Pourriez-vous nous décrire l’endroit où ils
9 étaient assis ?
10 R. Eh bien, vous voulez des descriptions ? Ils
11 étaient assis sur le canapé dans l’appartement.
12 Q. Donc, je vous répète : Je sais très bien
13 qu’il s’agissait de l’appartement, je sais très bien que
14 c’était dans la chambre, je sais très bien qu’il y avait un
15 canapé et qu’il y avait également un lit et il y avait
16 également des chaises, des tabourets. Alors, je vous
17 demanderais de nous dire…
18 R. Si vous vous en souvenez, vous pouvez le
19 décrire. Moi, je ne le sais pas.
20 Q. Je ne me rappelle pas de quoi que ce soit, je
21 n’y étais pas. Je sais seulement… je vous demande
22 seulement de vous demander à quel endroit ils étaient
23 assis.
24 R. Je ne me rappelle vraiment pas des détails.
25 Je sais qu’ils étaient assis de cette façon-là [indication
Page 2056
1 du témoin]. Nous, nous étions de côté, nous étions là et
2 il a fallu qu’on se mette nues. Que voulez-vous que je
3 vous dise de plus ?
4 Q. Vous avez mentionné plus tôt qu’au début,
5 vous ne saviez pas que vous étiez vendue et par la suite,
6 vous avez entendu parler ou vous avez entendu dire des deux
7 autres hommes que vous avez été vendue et qu’ils vous aient
8 dit en riant que vous été vendue pour 500 marks allemands ?
9 R. Quand est-ce que j’ai dit que je ne le savais
10 pas ?
11 Q. Mais c’est aujourd’hui que vous avez dit :
12 « Au début, je ne savais pas que j’avais été… ou nous ne
13 savions pas que nous avions été vendues. Nous l’avons
14 appris par la suite des Monténégrins qui nous ont vendues
15 pour 500 marks allemands et un camion de détergent. »
16 R. Je ne me rappelle pas avoir dit de ne pas le
17 savoir au début. J’ai simplement dit que je savais que
18 nous avons été vendues pour 500 marks allemands, qu’ils
19 riaient entre eux et qu’ils nous ont dit : « Voilà !
20 Voici ce que vous valez : 500 marks allemands et un camion
21 plein de détergent. » Et voilà ! C’est ce que j’affirme
22 avec certitude.
23 Q. À quel moment est-ce qu’ils vous l’ont dit ?
24 R. Eh bien, déjà lorsque, en fait, quand on
25 était un peu plus loin de Foca, c’est-à-dire lorsque nous
Page 2057
1 nous sommes arrêtés pour nous reposer.
2 Q. C’est à ce moment-là que vous avez entendu
3 dire pour la première fois que vous avez été vendue pour
4 500 marks allemands ?
5 R. Mais Monsieur, c’est eux qui nous l’ont dit.
6 Q. Lorsque vous êtes arrivés à Niksic, est-ce
7 que vous êtes allés voir Kostic et Kovac ?
8 R. À qui voulez-vous que je dise que je suis
9 là ? On n’avait pas le droit de parler.
10 Q. Ne soyez pas fâchée contre moi : Je vous
11 pose des questions.
12 R. Je ne suis pas fâchée contre personne.
13 Q. Ne vous fâchez pas contre moi, je ne fais que
14 faire mon travail. Est-ce que le nom de Panta vous dit
15 quelque chose ?
16 R. Panta ? Bof ! Non, non.
17 Q. Est-ce que vous avez envoyé une lettre par
18 l’intermédiaire de ce Panta, de ce café à Niksic où vous
19 travailliez ?
20 R. Non, jamais.
21 Q. Vous et le numéro 87, vous n’avez pas envoyé
22 une lettre avec deux cœurs à la fin, signée avec deux
23 cœurs ?
24 R. Non.
25 Me KOLESAR (interprétation) : Merci beaucoup,
Page 2058
1 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, je n’ai plus
2 d’autres questions.
3 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Monsieur
4 Kolesar, simplement pour le compte-rendu, pourriez-vous
5 s’il vous plaît nous donner la date de la fête de St-
6 Nicholas ?
7 Me KOLESAR (interprétation) : La fête du St-
8 Nicholas a lieu le 19 décembre, d’après le nouveau
9 calendrier.
10 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Merci. Est-ce
11 que c’est exact ?
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avant de
13 vous asseoir, les pièces à conviction ou les documents
14 cotés 38 et 39, voulez-vous qu’ils soient versés au dossier
15 puisqu’ils ont été simplement cotés pour l’instant ?
16 Me KOLESAR (interprétation) : Merci beaucoup,
17 Madame la Présidente, de me l’avoir fait penser ou de
18 l’avoir souligné. J’aimerais à ce que ce soit versé au
19 dossier.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Y a-t-il des
21 objections ?
22 Me KUO (interprétation) : Non, Madame la
23 Présidente.
24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !
25 Alors, les pièces à conviction sont versées au dossier.
Page 2059
1 Voulez-vous qu’on garde les mêmes cotes ?
2 Pourriez-vous confirmer, Madame la Greffière.
3 LA GREFFIÈRE : Les pièces de la Défense ont reçu
4 les numéros D38 et D39. Elles sont à présent enregistrées
5 au dossier.
6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur
7 Kolesar, avant de terminer, à quel moment ont-elles été
8 prises ces photographies, à quelle date ?
9 Me KOLESAR (interprétation) : La photographie D38
10 et D39, ces deux photographies ont été prises entre la
11 pause des sessions, c’est-à-dire c’est la semaine dernière.
12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc,
13 c’était au mois d’avril de l’an 2000 ?
14 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la
15 Présidente.
16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
17 Monsieur Jovanovic, est-ce que vous avez un
18 contre-interrogatoire ?
19 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la
20 Présidente. J’aurais quelques questions, avec votre
21 permission.
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.
23 Poursuivez.
24 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci.
25 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me JOVANOVIC
Page 2060
1 (interprétation) :
2 Q. Bonjour.
3 R. Bonjour.
4 Q. J’aimerais vous demander pour commencer si
5 vous pourriez nous décrire : Vous avez mentionné aux
6 lignes 23, 24 et 25, à la page 9 du compte-rendu, au début
7 du conflit, vous avez continué à travailler. Pourriez-vous
8 nous expliquer comment se fait-il que pendant la guerre,
9 vous avez travaillé et vous vous sentiez comme cible ?
10 R. C’était tout au début. Ils nous ont dit de
11 ne pas abandonner nos maisons et ils nous ont dit que ceux
12 qui travaillaient devaient continuer de travailler et qu’il
13 ne nous arriverait absolument rien, et c’est après cela,
14 deux mois plus tard, qu’ils ont commencé à faire avec nous
15 absolument ce qu’ils voulaient, car on avait espoir que
16 cela allait se terminer.
17 Q. Si je vous ai bien compris, après le début de
18 la guerre, vous avez poursuivi votre travail pendant deux
19 autres mois ?
20 R. Peut-être un mois et demi, je ne suis pas
21 tout à fait certaine.
22 Q. Merci. Je ne vais pas abuser de votre temps
23 encore longtemps.
24 R. Il fallait travailler. On était obligé de
25 travailler. Je n’avais pas… de quelle façon vouliez-vous
Page 2061
1 que je m’occupe de ma famille ? Mon père était malade, de
2 toute façon.
3 Q. Donc, j’imagine que vous étiez payée pendant
4 cette période-là ?
5 R. Non, non. Ils ne nous ont pas payés.
6 Finalement, à la fin, ils nous ont dit que tous les
7 Musulmans qui travaillaient devaient abandonner ou devaient
8 quitter, devaient partir de l’usine.
9 Q. Très bien ! Dites-moi maintenant :
10 J’aimerais que l’on revienne à votre départ de la maison de
11 Karaman à Foca.
12 R. Oui.
13 Q. Pouvez-vous vous rappeler combien de
14 personnes se trouvaient dans ce véhicule avec vous ?
15 R. Je ne me souviens pas.
16 Q. Vous souvenez-vous du moment où vous êtes
17 arrivée dans cet appartement pour lequel vous affirmez que
18 Kovac… dans lequel Kovac habitait ? Est-ce que cet
19 appartement était déjà vide ou y avait-il quelqu’un qui y
20 habitait ?
21 R. Je crois que quelqu’un devait y habiter
22 avant. Je ne sais pas, mais c’était là que nous avons
23 séjourné.
24 Q. Je crois que vous ne m’avez pas compris.
25 Lorsque vous avez pénétré dans cet appartement, dans
Page 2062
1 l’appartement, y avait-il quelqu’un d’autre ?
2 R. Eh bien, il y avait Kovac et Jagos. Ils
3 étaient présents.
4 Q. Pourriez-vous nous dire qui avait pénétré
5 dans l’appartement à ce moment-là ?
6 R. Qu’est-ce que vous voulez dire par : « qui
7 avait pénétré dans l’appartement ? »
8 Q. Je sais que vous ne pouvez pas nous dire les
9 noms, mais c’était vous-même et qui d’autre avec vous ?
10 S’il y avait quelqu’un de la liste des gens qui porte un
11 numéro, vous pouvez nous le dire. S’il y avait une tierce
12 personne, vous pouvez nous donner le nom. Donc, qui a
13 pénétré dans l’appartement ?
14 R. Eh bien, moi-même, 87, AB, et je ne me
15 souviens pas de quiconque autre.
16 Q. Très bien ! Maintenant, vous souvenez-vous
17 du moment où vous avez vu pour la dernière fois le témoin
18 qui est indiqué sous le chiffre 75 ?
19 R. Non, je ne me souviens pas.
20 Q. Pouvez-vous nous dire ou pouvez-vous vous
21 rappeler de l’endroit ou de l’emplacement où vous avez vu
22 cette personne pour la dernière fois ?
23 R. Non.
24 Q. Est-ce que le témoin qui est indiqué sous le
25 numéro 75 se trouvait avec vous dans cet appartement ?
Page 2063
1 R. Non, je ne pourrais pas vous le dire.
2 Q. Combien de personnes y avait-il dans cet
3 appartement si vous ne vous souvenez pas… ou plutôt, je
4 reprends ma question. Lorsque vous avez rencontré le
5 Témoin 75… ou à quel moment l’avez-vous rencontrée ?
6 R. Dans la maison de Karaman.
7 Q. Combien de temps avez-vous passé dans la
8 maison de Karaman en compagnie du Témoin 75 ?
9 R. Un mois, deux mois. Je ne me souviens pas
10 exactement. Je n’ai pas compté les jours.
11 Q. Vous pourriez reconnaître le Témoin 75 si
12 vous le revoyiez ?
13 R. Oui, immédiatement.
14 Q. Mais alors à ce moment-là, comment ne vous
15 souvenez pas si la personne était présente avec vous dans
16 l’appartement ?
17 R. Je ne me rappelle pas. Je sais simplement
18 que j’étais avec la personne 87. Je ne me rappelle pas
19 vraiment de tous les détails puisque j’ai passé le plus de
20 temps avec le Témoin numéro 87. Nous avons resté ensemble
21 la plupart du temps… la majorité du temps (se reprend
22 l’interprète).
23 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la
24 Présidente. Je n’ai pas d’autres questions.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
Page 2064
1 Est-ce qu’il y a des questions supplémentaires de
2 l’Accusation ?
3 Me KUO (interprétation) : Très brièvement.
4 RÉINTERROGÉE PAR Me KUO (interprétation) :
5 Q. Monsieur Kolesar vous a posé une question
6 concernant une salle de séjour dans l’appartement de
7 Monsieur Kovac. Est-ce que c’est la même pièce que vous
8 avez indiquée sur le plan comme étant la plus grande
9 chambre ?
10 R. Oui, c’est cela.
11 Q. Il s’agissait bien de la même pièce dans
12 laquelle Kovac dormait avec le Témoin numéro 87 : Est-ce
13 que c’est exact ?
14 R. Je crois qu’oui.
15 Q. Donc, le sofa que vous avez décrit comme
16 étant dans cette chambre, est-ce que ce sofa se dépliait
17 pour devenir un lit ?
18 R. Je ne me souviens pas.
19 Q. Donc, il n’y avait pas d’autre chambre ? Il
20 s’agit bien de la même pièce que vous avez décrit comme
21 étant celle où vous avez été forcée de danser nue ? C’est
22 bien la même pièce dans laquelle Kovac dormait : Est-ce
23 que c’est exact ?
24 R. Oui.
25 Q. Et Monsieur Kolesar vous a également posé une
Page 2065
1 question concernant Kovac et s’il vous a dit qu’il allait
2 vous protéger. Est-ce que vous vous sentiez protégée par
3 lui à quelque moment que ce soit ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que vous sentiez que votre situation
6 dans l’appartement de Kovac était améliorée comparativement
7 à la situation dans laquelle vous étiez dans la maison de
8 Karaman ?
9 R. Pour moi, non.
10 Q. Y avait-il une différence quelle qu’elle soit
11 entre ces deux endroits ?
12 R. Non.
13 Me KUO (interprétation) : Je n’ai plus d’autres
14 questions.
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
16 Merci beaucoup, Madame le Témoin, d’être venue
17 donner votre témoignage au Tribunal. Vous êtes libre de
18 partir.
19 [Le témoin se retire]
20 LA GREFFIÈRE : Le Greffe souhaiterait savoir si
21 pour le prochain témoin, nous avons besoin d’une
22 déformation de la voix.
23 Me RYNEVELD (interprétation) : Je n’avais pas mes
24 écouteurs pendant que vous parliez. Est-ce que vous vous
25 adressiez à moi ? Non. Bon, très bien.
Page 2066
1 En fait, je voulais faire une demande concernant
2 le Témoin 87… (l’interprète se reprend). Il s’agit du
3 Témoin 78.
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pourriez-
5 vous nous donner simplement une minute ?
6 [La Chambre discute]
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Très
8 bien, Monsieur Ryneveld.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Madame la
10 Présidente.
11 Maintenant, concernant ce témoin, notre prochain
12 témoin, le Témoin numéro 78, je crois que je vais faire une
13 demande à ce moment-ci pour une déformation des traits du
14 visage seulement pour ce témoin. Je ne crois pas que la
15 demande a déjà été faite en ce qui a trait à cela
16 concernant ce témoin, mais pendant la consultation avec le
17 témoin, nous l’avons consulté et il a simplement demandé de
18 faire une déformation des traits du visage, à moins que
19 vous n’ayez une objection.
20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Simplement
21 pour préciser pour le compte-rendu, donc le Témoin 78
22 demande seulement d’avoir une déformation des traits du
23 visage à part de porter un pseudonyme ?
24 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Bien sûr,
25 j’ai simplement présumé qu’en l’appelant « Témoin 78 », je
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1 pensais que bien sûr le pseudonyme serait appliqué et de
2 plus, en plus de la déformation des traits du visage, donc
3 on appliquerait un pseudonyme, mais nous ne demandons pas
4 la déformation de la voix.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : J’aimerais
6 demander si les avocats de la Défense ont une objection.
7 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’ai pas
8 d’objection concernant cette suggestion de mon éminent
9 confrère.
10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
11 Me Kolesar.
12 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la
13 Présidente, nous n’avons pas d’objection.
14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur
15 Jovanovic.
16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la
17 Présidente, nous n’avons aucune objection.
18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
19 LA GREFFIÈRE : Est-il possible de faire une
20 petite pause de cinq minutes aux fins donc de débrancher le
21 système de déformation de la voix ?
22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous allons
23 prendre une pause de cinq minutes.
24 --- Suspension de l’audience à 12 h 20
25 --- Reprise de l’audience à 12 h 30
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1 [Le témoin entre dans la Cour]
2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : [Non
3 interprétée]
4 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare
5 solennellement que je vais dire la vérité, toute la vérité
6 et rien que la vérité.
7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.
8 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Madame la
9 Présidente.
10 TÉMOIN : TÉMOIN 78 (ASSERMENTÉ)
11 INTERROGÉ PAR Me RYNEVELD
12 (interprétation) :
13 Q. Monsieur le Témoin, l’Huissier va vous
14 montrer un morceau de papier avec un nom et un numéro qui y
15 apparaissent. Pouvez-vous nous dire s’il s’agit bien de
16 votre nom ? Ne le lisez pas à haute voix, s’il vous plaît.
17 Avez-vous besoin de vos lunettes pour le voir ?
18 R. Oui.
19 Q. Il s’agit bien de votre nom et simplement
20 pour vous indiquer, le numéro qui est indiqué sous votre
21 nom, nous allons vous appeler par ce numéro. Est-ce que
22 vous comprenez ?
23 R. Oui.
24 Me RYNEVELD (interprétation) : Je crois qu’il
25 s’agit maintenant de la pièce à conviction 199 des pièces à
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1 conviction de l’Accusation. J’aimerais que ça soit versé
2 au dossier, s’il vous plaît.
3 LA GREFFIÈRE : Ce document sera coté 199 des
4 pièces du Procureur.
5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : [Non
6 interprétée]
7 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …enregistrée de
8 façon confidentielle.
9 Me RYNEVELD (interprétation) : Alors, c’est un
10 témoin de contexte.
11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, très
12 bien.
13 Me RYNEVELD (interprétation) :
14 Q. Si je comprends bien, Monsieur, vous êtes né
15 dans un village dans la municipalité de Foca sous le nom de
16 Jelec : Est-ce que c’est exact ?
17 R. [Inaudible]
18 Q. J’aimerais maintenant que l’on parle du début
19 de la guerre en 1992. Si je comprends bien, au début donc
20 de cette guerre, vous avez déménagé de Jelec et vous avez
21 emménagé dans la ville de Jelec où vous avez vécu dans la
22 municipalité de Foca, en fait, pendant 20 ans avant 1992 :
23 Est-ce que c’est exact ?
24 R. Oui.
25 Q. Pendant que vous viviez à Foca, vous étiez
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1 marié et aviez des enfants : Est-ce que c’est exact ? En
2 fait, c’est-à-dire avant de déménager à Foca.
3 R. J’avais un enfant à Jeleca… (l’interprète se
4 reprend) à Jelec, et par la suite, j’ai eu un enfant à
5 Foca.
6 Q. Très bien ! Merci. Maintenant, pendant que
7 vous étiez un jeune homme et pendant que vous grandissiez
8 ou que vous étiez dans l’ex-Yougoslavie, est-ce qu’il vous
9 a fallu faire le service militaire ?
10 R. Oui.
11 Q. Effectivement, est-ce que vous avez reçu de
12 l’entraînement militaire et à quel moment ?
13 R. J’ai fait mon service militaire en 1966-1967
14 dans la ville de Nis.
15 Q. Très bien ! Maintenant, à ce moment-là,
16 l’armée de l’ex-Yougoslavie était connue sous le nom de la
17 JNA : Est-ce que c’est exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Après avoir complété votre service militaire
20 obligatoire, que faisiez-vous, quelle était votre
21 profession ?
22 R. Pendant un certain temps, j’ai travaillé dans
23 les mines, et par la suite, j’ai travaillé à Maglic pendant
24 trois à cinq ans, et par la suite, j’ai commencé à
25 travailler sur un bateau qui s’appelait Ozren et c’est là
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1 que j’ai travaillé jusqu’au début de la guerre… c’est-à-
2 dire (l’interprète se reprend) j’ai fait un travail de
3 maintien à Brod.
4 Q. Est-ce que le Maglic dont vous vous référez,
5 est-ce qu’il s’agit bien d’une entreprise de Foca ?
6 R. Oui, avec plusieurs succursales.
7 Q. Donc, vous avez parlé de Ozren. Vous y avez
8 travaillé dans les années qui ont précédé la guerre.
9 Qu’est-ce que c’est Ozren ?
10 R. Ozren était une entreprise de restauration
11 combinée avec du commerce.
12 Q. Est-ce que cette entreprise avait des
13 véhicules de la compagnie, pour m’exprimer ainsi ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous donniez vos services
16 concernant ces véhicules ?
17 R. Oui. Nous entretenions nos véhicules sur une
18 base régulière.
19 Q. Vous êtes mécanicien automobile ? Est-ce que
20 c’était bien votre profession ?
21 R. Oui, oui.
22 Q. Eh bien, Monsieur, si j’ai bien compris, le
23 Ozren dont vous avez parlé se trouve à Brod. Par rapport à
24 Foca, où se trouve Brod ? Est-ce que c’est loin ? Est-ce
25 que c’est près ?
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1 R. Il fallait prendre le chemin de Scepan Polje
2 à partir de Foca. C’était de trois à cinq kilomètres
3 environ et c’est là que se trouvait Brod.
4 Q. Vous nous avez dit que vous habitiez à Foca,
5 dans la ville de Foca. Est-ce que c’est exact ?
6 R. Oui, c’est exact.
7 Q. Est-ce qu’il y a un voisinage aux alentours
8 de Foca ? Y a-t-il un voisinage ou y a-t-il un quartier
9 dans lequel vous habitiez, Monsieur ?
10 R. Nous l’appelions Mahala ce quartier. Il y
11 avait Codor Mahala, Aladza, le centre Gornje Polje, Donje
12 Polje, Zukcici, ainsi de suite. C’était les noms des
13 quartiers.
14 Q. Très bien !
15 R. J’habitais à Gornje Polje.
16 Q. Donc, Gornje Polje. Donc, cet endroit où
17 vous habitiez, est-ce que c’était un quartier mixte, était-
18 ce un quartier plutôt musulman, plutôt serbe ou bien est-ce
19 qu’il y avait d’autres membres d’autres ethnies ?
20 R. La population était plutôt mixte. Il y avait
21 plus de Serbes, mais c’était pas mal mixte.
22 Q. Très bien ! Maintenant, de quelle façon est-
23 ce que vous vous rendiez au travail de Gornje Polje à Brod
24 ? Est-ce que vous vous rendiez en voiture, en bicyclette ?
25 Y avait-il un service de transport établi par l’entreprise
Page 2073
1 pour laquelle vous travailliez ?
2 R. Nous avions notre propre autobus d’ouvriers
3 qui nous conduisait au travail. Il arrivait des fois que
4 quelqu’un prenait sa propre voiture.
5 Q. Maintenant, je vais vous poser la question
6 suivante et je vais vous demander de vous concentrer sur
7 les jours qui ont suivi le début de la guerre à Foca et
8 j’aimerais vous demander de vous pencher sur la matinée du
9 15 avril 1992. Vous rappelez-vous si vous vous rendiez au
10 travail ce matin-là comme d’habitude, et si oui, qu’est-ce
11 qui s’est passé ?
12 R. Oui. Au cours de la nuit entre le 4 et le 5,
13 un groupe de personnes a essayé d’organiser un meeting de
14 protestation, un meeting de paix. Je m’étais joint à ce
15 meeting et lorsque l’heure était arrivée d’aller
16 travailler, je suis rentré chez moi pour me préparer au
17 travail, pour me changer notamment, et des collègues
18 étaient déjà arrivés et l’autobus ne pouvait pas passer à
19 côté de l’immeuble de la municipalité, du siège de la
20 municipalité où le meeting avait commencé, et je n’ai pas
21 pu me rendre au travail de ce fait.
22 Q. Pour que les choses soient tout à fait
23 claires, ce que vous venez de nous dire témoigne-t-il de
24 votre intention d’aller au travail et que le bus ne pouvait
25 pas passer à cause du meeting et c’est la raison pour
Page 2074
1 laquelle vous n’êtes pas allé au travail ?
2 R. Oui.
3 Q. En résultat, qu’avez-vous fait puisque vous
4 n’avez pas pu vous rendre au travail ?
5 R. Eh bien, ne pouvant pas aller au travail, je
6 suis resté un certain temps au meeting et j’ai observé ce
7 que ce meeting allait nous apporter. En écoutant les
8 exposés des uns et des autres, j’ai remarqué à ce meeting
9 qu’il y avait fort rarement des Serbes et que ceux qui
10 étaient rassemblés étaient essentiellement Musulmans.
11 Un peu plus loin, plus bas vers le grand magasin,
12 il y avait beaucoup de gens de nationalité serbe par
13 groupes, mais ils ne s’approchaient pas de la foule qui
14 était rassemblée pour le meeting et cela était clairement
15 apparent. Ils n’avaient pas donc accepté ce meeting, la
16 tenue de ce meeting de paix et de vie commune.
17 Q. Peut-être devrais-je vous poser quelques
18 questions préalables. Avant que la guerre n’éclate, un an
19 avant ou deux ans avant l’éclatement de ce conflit,
20 sauriez-vous nous dire quelque chose au sujet des relations
21 entre les Serbes et les Musulmans dans cette communauté ou
22 municipalité de Foca ?
23 R. Trois ans ou cinq ans avant, les relations
24 étaient fort bonnes, et par la suite, ces relations se sont
25 détériorées, et ce au travers de la tenue des différents
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1 meetings. Je ne sais pas si cela avait été intentionnel.
2 On avait essayé de faire tenir des meetings dans les mines
3 de charbon puis dans Maglic même et la conséquence en avait
4 été la création de certaines tensions et ces tensions sont
5 arrivées à culmination au travers de la tenue de grèves
6 dans Foca et Focatrans et on a pu constater une division du
7 personnel par appartenance ethnique pour ce qui est donc de
8 ces relations.
9 Q. Je comprends. Le meeting dont vous venez de
10 parler, vous avez dit que c’était un meeting de la paix.
11 C’était vraiment l’appellation qu’on lui avait donnée ?
12 R. Oui. C’est l’appellation qu’on lui avait
13 donnée : meeting de la paix.
14 Q. Au cours de la journée avant celle du 5 avril
15 et la tenue de ce meeting de la paix, y a-t-il eu un besoin
16 clairement exprimé de tenir un meeting de ce genre ? Est-
17 ce que l’on parlait d’autres choses plutôt que du meeting
18 de paix qui devait se tenir le 5 avril ?
19 R. Eh bien, le 4, j’étais avec quelques
20 personnes dans la terrasse du café Bor et des gens sont
21 arrivés. Je suis arrivé jusqu’à la porte et j’ai vu que la
22 télévision de Sarajevo faisait passer déjà des images
23 concernant le début de la guerre à Sarajevo. On voyait un
24 vieillard avec une canne à la main marcher dans la rue et
25 quelqu’un lui tirer dessus et je crois que tout le monde a
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1 compris à ce moment-là que la guerre était en suspension,
2 qu’elle n’allait pas tarder à nous frapper. Alors, nous
3 avons essayé d’amortir un peu le choc de cette information,
4 mais je crois que sans cela, rien ne serait arrivé.
5 Q. Si je vous ai bien compris, il y avait une
6 certaine préoccupation auprès de vous quant à la guerre qui
7 se propageait tout autour de vous et ce meeting de la paix
8 devait empêcher la guerre à Foca ?
9 R. Oui.
10 Q. Plutôt que de nous aventurer vers des détails
11 concernant ce meeting, je voudrais vous poser plusieurs
12 questions. Vous nous avez dit tout à l’heure que vous
13 aviez un voisinage mixte dans Gornje Polje. Est-ce que
14 vous pourriez nous dire si vous êtes Musulman ou autre
15 chose ?
16 R. Oui, je suis Musulman.
17 Q. Aviez-vous beaucoup de voisins serbes ?
18 R. Dans l’immeuble où j’habitais, nous avions 24
19 appartements. Il y avait huit Musulmans. Le reste était
20 des Serbes. Enfin, je ne sais pas si c’est un hasard ou
21 pas, mais je n’avais pas relevé la chose, à chaque étage,
22 il y avait un Musulman et deux Serbes.
23 Q. Je vois ! Avez-vous remarqué concernant vos
24 voisins serbes ce qu’ils faisaient dans les journées qui
25 ont précédé la guerre ? Est-ce que tous sont restés ou
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1 certains sont partis ?
2 R. Eh bien, cela se mijotait et on sentait cela
3 dans l’air. Quand j’ai vu que ce meeting de la paix, il
4 n’y aurait pas de paix et si un peuple ou un groupe
5 ethnique voulait la paix et que l’autre ne la voulait pas,
6 il n’en serait rien. Je suis rentré chez moi. Je me suis
7 entretenu avec ma femme et mes enfants et entre-temps, j’ai
8 regardé par la fenêtre vers les magasins. J’ai vu quelques
9 personnes de nationalité serbe faire monter leurs enfants,
10 enfin, leurs familles dans les voitures et les amener.
11 J’ai été pris de panique suite à tout cela. J’ai vu ce
12 comportement, j’ai vu des enfants que l’on faisait monter
13 en voiture et je me suis dit qu’il ne nous restait plus
14 rien d’autre à faire que de prendre des mesures. J’ai fait
15 mes bagages et je suis allé vers Ilidza.
16 Q. Je suppose, Monsieur, que vous vouliez
17 emmener votre famille de Foca par mesures de précaution ?
18 R. Oui, précisément.
19 Q. Où êtes-vous allé ?
20 R. Je suis allé à Jelec. C’est là que je suis
21 né.
22 Q. C’est le même jour, enfin, à la date de la
23 tenue du meeting, à savoir le 5 avril 1992 ?
24 R. Oui. C’est cet après-midi-là.
25 Q. Étant donné que je ne sais pas où se trouve
Page 2078
1 Jelec, est-ce que vous pourriez nous dire à quelle distance
2 Jelec se trouvait de Foca et si à proximité, il y a une
3 grande localité quelconque ?
4 R. De Foca vers Miljevina, en passant par la
5 vieille voie ferrée, c’est à côté que passe une route, il y
6 a à peu près 18 kilomètres et ensuite, à deux kilomètres à
7 gauche, on prend à gauche plutôt pour aller à Jelec et de
8 cette bifurcation, à deux kilomètres.
9 Q. Donc, il s’agit de quelques 22 kilomètres de
10 Foca et quelques kilomètres seulement de Miljevina ?
11 R. Oui.
12 Q. Je vous remercie. Je crois que vous nous
13 avez dit que vous avez été marié, que vous avez eu un
14 enfant avant d’arriver à Foca et que vous avez eu un enfant
15 une fois arrivé à Foca. Est-ce que votre femme et vos deux
16 enfants ont été emmenés par vos soins vers Jelec ?
17 R. Oui.
18 Q. Quel âge avaient vos enfants à l’époque ?
19 R. Mon fils avait 21 ans et ma fille devait
20 avoir 18. Elle devait avoir son bac technique à l’école,
21 enfin, au lycée de sciences techniques.
22 Q. Fort bien ! Donc, vous et votre famille,
23 vous vous êtes rendus à Jelec. Est-ce que vous avez
24 continué à travailler à Brod ?
25 R. Oui. Le lendemain, tout de suite, donc dès
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1 le 6, je n’ai pas pris ma voiture, mais j’ai pris les
2 transports en commun de la ville, et ce jour-là, j’ai
3 travaillé. J’ai été un peu surpris, arrivé à mon poste de
4 travail, de voir que beaucoup de Serbes, de mes collègues
5 qui étaient toujours plus nombreux que les Musulmans,
6 étaient absents et on m’a confié la tâche de mon collègue
7 Drasko Novica. Mon chef, Simo Filipovic, m’a confié les
8 tâches de Drasko Novica à accomplir puisque lui n’était pas
9 venu.
10 Q. Quand vous parlez de travail, vous parlez de
11 mécanique auto ?
12 R. Oui, tout à fait.
13 Q. Vous avez fini votre équipe de travail et
14 vous êtes rentré vers votre famille à Jelec ?
15 R. Oui. J’ai repris l’autobus pour rentrer à
16 Jelec, en effet.
17 Q. Qu’est-il arrivé le jour d’après, le 7 avril
18 1992 ?
19 R. Le jour d’après, je m’apprêtais à partir au
20 travail, et dans la localité, nous appelons ça Carsija,
21 c’est-à-dire les lieux communs – il y a deux petits cafés,
22 deux petits magasins sur cette place, c’est pour cela que
23 nous appelons ça ainsi – il y avait beaucoup de gens
24 rassemblés qui attendaient le bus, mais le bus n’arrivait
25 pas et certains étaient descendus un peu plus bas et
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1 avaient vu qu’il y avait un barrage routier en terre qui
2 avait empêché le bus d’arriver jusqu’à Jelec et c’est la
3 raison pour laquelle nous ne sommes pas partis au travail
4 ce jour-là.
5 Q. Est-ce qu’à ce moment-là, vous avez pu
6 apprendre ou entre-temps qui avait posé ce barrage et
7 pourquoi ?
8 R. Certains étaient arrivés à pied de Miljevina
9 et cette nuit-là déjà, Pero Elez avec plusieurs personnes
10 que je ne connaissais pas avaient attaqué le poste de
11 police où il y avait des policiers musulmans. On les avait
12 désarmés et ils ont pris le poste de police.
13 Q. Pour que les choses soient tout à fait
14 claires, à ce moment-là, ai-je bien compris que le poste de
15 police de Miljevina avait embauché, avait engagé des
16 policiers serbes et musulmans à l’époque ?
17 R. Oui.
18 Q. Qui est Pero Elez ?
19 R. Pero Elez est un ex-employé, un gardien
20 plutôt dans un centre de détention. Il avait pris sa
21 retraite. Il est parti relativement tôt en retraite,
22 probablement pour des raisons de santé ou des raisons
23 psychologiques.
24 Q. En tout état de cause, Monsieur, vous avez
25 appris que Pero Elez avec d’autres personnes encore avaient
Page 2081
1 attaqué le poste de police à Miljevina et avaient pris le
2 contrôle de ce poste de police. Je vous ai bien compris ?
3 R. Oui, tout à fait.
4 Q. Quand vous dites qu’il avait pris ce poste de
5 police, est-ce que vous entendez par là qu’à ce moment-là,
6 il avait pris le contrôle de ce poste de police de
7 Miljevina ?
8 R. Oui. C’est ainsi qu’il faut le comprendre.
9 Q. Par conséquent, les gens qui se trouvaient
10 encore dans ce poste de police de Miljevina, il y avait
11 encore des Musulmans parmi eux ou il s’agissait seulement
12 de Serbes ?
13 R. Eh bien, dès qu’ils ont pris le poste de
14 police, ils ont désarmé les Musulmans et les Musulmans
15 n’avaient plus rien à voir, ni à chercher là.
16 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Jelec,
17 Monsieur ?
18 R. Eh bien, je suis resté à Jelec, je ne suis
19 pas sûr, peut-être jusqu’au 29 ou au 30 avril. Je pense
20 que c’était plutôt le 30 que le 29 avril.
21 Q. Pendant ce temps-là, est-ce que vous avez
22 continué à voyager de Jelec à Brod pour vous rendre à votre
23 poste de travail ?
24 R. Je n’ai pas compris votre question.
25 Q. Entre le 5 avril et le 30 avril, si tant est
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1 qu’il s’agit bien de cette date, vous avez dit tout à
2 l’heure que vous étiez resté à Jelec et vous êtes parti le
3 6 avril pour travailler et puis le 7, vous n’avez pas pu
4 passer, mais après le 7, est-ce que vous avez continué vos
5 déplacements entre Jelec et Brod, et sinon, pourquoi ?
6 R. Non. Jusqu’au 29 ou 30 avril, je ne me suis
7 plus déplacé vers Brod, étant donné qu’il y avait ce
8 barrage routier. On avait posé des rampes devant l’hôtel
9 et le passage était interdit, les déplacements étaient
10 interdits.
11 Q. Est-ce que quelque chose est arrivé vers le 8
12 avril au sujet de Foca ?
13 R. Étant donné que nous ne pouvions pas nous
14 déplacer, la population civile avait essayé d’assurer des
15 communications, mais on a vite commencé à entendre des
16 détonations, des combats en provenance de Foca, et cela
17 nous a encore plus fait peur.
18 Q. Est-ce que vous avez pu entendre, capter la
19 radio ou des émissions de télévision pendant que vous étiez
20 à Jelec ?
21 R. Pendant un moment, oui, puis il y a eu des
22 coupures, les lignes téléphoniques ont été coupées. On
23 avait pu encore écouter un peu la radio, en effet.
24 Q. Est-ce qu’à la télévision ou à la radio, vous
25 avez pu entendre ou apprendre qu’il y avait eu des combats
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1 à Foca ?
2 R. Oui. Nous avons appris cela par la radio et
3 nous avons vu quelques images à la télévision aussi en
4 provenance de la région de la vieille place au-dessus du
5 marché et plus bas, nous avons pu voir des maisons
6 incendiées, brûlées. Nous avons pu voir cela à la
7 télévision, en effet.
8 Q. Dans quelle mesure vous avez reconnu ces
9 images que vous voyiez à la télévision ? Est-ce que vous
10 connaissiez les quartiers qu’on vous avait montrés ?
11 R. Oui, bien sûr, fort bien.
12 Q. Pouvez-vous nous dire quels avaient été les
13 emplacements que l’on avait incendiés ou détruits ?
14 R. Eh bien, on avait détruit systématiquement.
15 On n’a pas tout détruit d’un coup. Aujourd’hui, quelques
16 maisons, le lendemain, quelques maisons encore, et il est
17 probable qu’il y en avait eu le plus de détruites dans la
18 nuit et c’est pour ça que ça me rappelle le 30 avril parce
19 qu’il y avait le car de Foca qui brûlait, et chez nous, la
20 tradition voulait que très tôt le matin pour le 1er mai, on
21 rassemblait des bouts de bois pour faire des grands feux et
22 c’était les grands feux du 1er mai, mais cette fois-ci,
23 c’était des maisons musulmanes qui brûlaient.
24 Q. Vous avez dit des maisons musulmanes. Est-ce
25 que vous pouvez nous dire s’il s’agissait seulement de
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1 maisons musulmanes d’incendiées ou il y avait des maisons
2 serbes ?
3 R. Non. C’était certainement des maisons
4 musulmanes.
5 Me RYNEVELD (interprétation) : Madame la
6 Présidente, je n’ai pas à vous dire que j’ai toute une
7 série de questions à poser encore, mais je me demande si le
8 moment serait bon pour faire une pause.
9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. C’est
10 l’heure où nous avons coutume de lever séance pour aller
11 déjeuner.
12 Je vous prie de vous lever.
13 --- Suspension de l’audience à 13 h 00
14 --- Reprise de l’audience à 14 h 30
15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en
16 prie, nous allons poursuivre l’interrogatoire principal.
17 Me Ryneveld, je vous en prie.
18 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci.
19 Q. Excusez-moi, Monsieur le Témoin. Je pense
20 que juste avant la pause, je me suis préparé pour vous
21 poser la question si vous étiez à Jelec et pendant que vous
22 étiez à Jelec, y avait-il un soldat ou éventuellement
23 quelqu’un d’autre qui se soit rendu chez vous entre le 5
24 avril et le 30 avril ? Je peux peut-être reformuler ma
25 question. Elle n’était peut-être pas tout à fait claire.
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1 Ce que j’aimerais savoir c’est si éventuellement vous aviez
2 connaissance si les familles musulmanes à Jelec ont été
3 informées qu’il fallait faire quelque chose, disons,
4 remettre les armes, etcetera ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelque
7 chose à ce sujet-là ?
8 R. Eh bien, il y avait deux ou trois personnes
9 qui se sont réunies dans le café de Hadzimuratovic et c’est
10 là où les négociations ont eu lieu au sujet de la
11 restitution des armes. On a dit : « Bon bien, si vous
12 remettez les armes, on ne va pas vous attaquer », et
13 caetera, quelque chose dans ce sens-là.
14 Q. Qui vous l’a appris ? Comment vous l’avez
15 appris ? Vous avez dit qu’il y avait deux, trois
16 personnes. Est-ce que vous savez qui ils représentaient ?
17 R. Je ne peux pas vous le dire. Je ne sais pas
18 quel était le rôle de ces gens-là, mais de toute façon, il
19 y avait des personnes qui sont arrivées de Miljevina. De
20 toute façon, je ne sais pas quels étaient les postes qu’ils
21 occupaient. De toute façon, je me souviens qu’ils sont
22 arrivés et qu’ils nous ont demandé de restituer les armes.
23 Q. Est-ce que vous savez quelle était leur
24 appartenance ethnique ?
25 R. Ils étaient Serbes, exclusivement Serbes.
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1 Q. Eh bien, comme résultat de ces négociations –
2 je pense que c’est le terme que vous avez utilisé – qu’est-
3 ce que ces familles musulmanes ont fait et si vous êtes au
4 courant, vous nous relatez ce qui s’est passé par la suite
5 ?
6 R. Ils ont tout simplement demandé qu’on
7 restitue des armes. C’était en quelque sorte un ultimatum.
8 Ils ont dit que par la suite, on ne subira pas de
9 conséquences, mais il s’est avéré qu’il y avait des
10 attaques qui ont été organisées dans d’autres villages en
11 dehors de Jelec et c’est la raison pour laquelle les gens
12 ont pris la décision parce qu’ils ne disposaient que de
13 quelques fusils, des fusils de chasse, des carabines ou des
14 armes qui à l’époque étaient à la Défense territoriale.
15 Ils ont pris la décision de ne pas restituer les armes.
16 Q. Eh bien, quand vous dites que vous étiez
17 parfaitement conscient de ce qui allait pouvoir vous
18 arriver parce que vous avez parlé d’autres villages, est-ce
19 que vous parlez des villages qui sont dans les environs de
20 Foca et avant que les événements se produisent à Jelec ?
21 R. Nous avons pu observer avec des jumelles un
22 village, Gradjan (ph.), et nous avons vu qu’à Kozja Luka,
23 les maisons ont été incendiées et c’est comme ça que nous
24 avons compris qu’à peu près la même chose se passerait à
25 Jelec.
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1 Q. Compte tenu du fait que vous disposiez de
2 cette information, vous avez par conséquent pris la
3 décision de ne pas restituer des armes, n’est-ce pas ?
4 Est-ce que je vous ai bien compris ?
5 R. Oui, oui.
6 Q. Monsieur, je pense que vous nous avez dit
7 qu’au fond, vous êtes parti de Jelec et que vous êtes
8 retourné à Foca autour du 30 avril. Est-ce que vous pouvez
9 nous relater les événements, vous pouvez nous dire ce qui
10 s’est passé, pourquoi ça s’est produit comme ça ?
11 R. Il y avait quelques négociations. Par
12 conséquent, on a bien compris que ces négociations
13 n’allaient pas aboutir et que le chaos allait advenir et
14 puis entre-temps, ma femme est tombée malade. Elle avait
15 mal à la gorge. Elle avait une inflammation et moi, je me
16 suis dit que comme ça, je vais éviter la guerre et puis je
17 vais sauver ma femme également. Elle souffrait, elle était
18 souffrante.
19 Q. Par conséquent, vous avez décidé de partir.
20 Où est-ce que vous êtes parti, s’il vous plaît ?
21 R. Au début, on avait hésité un petit peu. On
22 ne savait pas s’il fallait s’acheminer vers Kalinovik. La
23 majorité de la population serbe à Sarajevo était quelque
24 peu loin, les opérations commençaient à Sarajevo et puis je
25 me suis considéré comme un citoyen modéré. Je considérais
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1 que c’était quand même le mieux de retourner dans mon
2 appartement.
3 Q. Votre appartement, il se trouvait à Foca,
4 n’est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Y avait-il quelque chose d’autre que vous
7 avez appris ? Est-ce qu’éventuellement il y avait des
8 appels et pourquoi vous avez décidé de partir à Foca ?
9 R. Oui. On avait organisé un certain nombre
10 d’appels. On a dit que des Musulmans pouvaient regagner
11 leurs postes de travail et c’est à cause de ça également
12 que moi, j’ai pris une décision de retourner pour
13 travailler. Ça m’a aidé un petit peu dans ma décision.
14 Q. À votre connaissance, la guerre à Foca, si on
15 peut appeler ça la guerre, s’était-elle terminée à ce
16 moment-là ?
17 R. En ce qui concerne la ville elle-même, cette
18 guerre s’est terminée. Il y avait une concentration
19 d’hommes sous les armes, qui portaient des uniformes
20 différents. Oui, ça, de ce point de vue, oui.
21 Q. Vous voulez dire qu’il y avait des uniformes
22 différents. Est-ce qu’entre autres, il y avait des
23 uniformes musulmans également ?
24 R. Non, il n’y avait pas d’uniformes musulmans.
25 Les Musulmans qui résistaient, ils se sont retirés. Il n’y
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1 avait que la population civile qui restait.
2 Q. Merci. Je comprends. Vous êtes allé un peu
3 trop en avant, plus que je ne le souhaitais. J’aimerais
4 tout simplement revenir à un certain nombre de points.
5 Vous avez dit que vous avez pu remarquer des uniformes
6 différents. Pourriez-vous décrire à la Chambre de manière
7 très détaillée quel type d’uniformes avez-vous remarqué,
8 d’où ces gens-là sont-ils arrivés si vous le savez ?
9 R. Il y avait des uniformes différents. Il y
10 avait bien évidemment des uniformes ordinaires, classiques,
11 SNB, ensuite, des uniformes de camouflage. Ensuite, il y
12 avait également des personnes qui étaient en tenue
13 militaire assez bizarre avec des gants sans doigt.
14 Ensuite, ils se bandaient également la tête. Il y avait un
15 certain nombre également d’autres objets qu’ils portaient
16 et beaucoup de ces soldats, je ne les connaissais pas et
17 (expurgée)
18 (expurgé), ils m’ont dit que ce sont des soldats qui
19 sont arrivés de Serbie. Ils s’appelaient des Aigles
20 blancs. Probablement, c’est le groupe de personnes que je
21 n’ai pas pu reconnaître, je le suppose.
22 Q. Entendu ! Nous allons revenir en arrière
23 maintenant une fois de plus, nous allons revenir à cette
24 période quand vous avez quitté Jelec. Vous étiez sur le
25 chemin de Foca et il y avait quelque chose qui vous est
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1 arrivé. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui vous a arrêté ?
2 Est-ce que vous vous êtes arrêté ? Pourquoi si c’était le
3 cas ?
4 R. Oui. Il y avait un ex-barrage qui a été
5 démantelé, et moi, j’ai pu dépasser ce barrage, mais au
6 niveau du motel Miljevo (ph.), il y avait des barrières et
7 des personnes qui gardaient donc ce point de contrôle. On
8 m’a arrêté. Ensuite, Smail Tuzluk était derrière moi, les
9 membres de sa famille et Pavle Elez s’est approché de moi.
10 Moi, je le connaissais très, très bien. Il m’avait donc
11 demandé de descendre de la voiture.
12 Q. Comment il était vêtu ?
13 R. Il portait un uniforme de camouflage et puis
14 il arborait à gauche un insigne. C’était au fond le
15 drapeau, le drapeau tricolore de la République de Serbie.
16 Puis, il m’avait donc demandé d’aller vers le
17 motel, vers la villa, et puis à l’entrée, à l’époque, il y
18 avait une réception et j’ai pu remarquer beaucoup de
19 soldats, beaucoup de personnes qui étaient en tenue
20 militaire. Il y avait également beaucoup de cartons de
21 munitions, enfin plutôt de boîtes de munitions, et je me
22 souviens que j’ai pu voir également que ces cartons, ces
23 boîtes étaient assez longues, et puis, j’ai remarqué
24 également mon collègue, Novak Stankovic. Lui également, il
25 portait un uniforme et il m’a posé la question pour savoir
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1 où je partais, puis moi, je lui ai dit que tout simplement
2 que je partais pour regagner mon appartement. J’ai dit que
3 ma femme était malade.
4 Ensuite, on m’a demandé si éventuellement j’avais
5 des armes, et si c’était le cas, de restituer les armes.
6 Ensuite, ils sont venus avec moi. J’ai ouvert le coffre de
7 la voiture et ils ont vu qu’il n’y avait que quelques
8 affaires, enfin, qu’il n’y avait pas d’armes. Et puis,
9 voilà ! C’était la rencontre que personnellement j’ai eue,
10 comme je l’ai dit, à côté du motel.
11 Q. J’ai quelques autres questions également
12 concernant cette rencontre au niveau du motel.
13 Vous avez parlé des cartons. Est-ce qu’il y avait
14 éventuellement une inscription ? Est-ce que vous avez
15 remarqué ce qui se trouvait dans ces cartons, dans ces
16 boîtes et à partir bien évidemment de votre propre
17 expérience ?
18 R. Moi, j’ai fait mon service militaire. On ne
19 peut pas bien évidemment vraiment décrire le contenu et ce
20 qui se trouvait dans ces boîtes, mais il est un fait
21 également que je pouvais envisager qu’il s’agissait
22 d’armes, des armes de types différents parce que tout
23 simplement, c’était les boîtes qui étaient de couleur vert
24 olive, donc SNB, et puis l’ex-JNA utilisaient de tel type
25 de boîtes et c’était écrit en cyrillique « SNB », donc
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1 couleur vert olive.
2 Q. À partir de votre propre expérience,
3 l’expérience une fois de plus que vous avez acquise au
4 service militaire, est-ce que les boîtes contenaient en
5 général de telle manière des armes ? Est-ce que les armes
6 étaient normalement rangées dans de tel type de boîtes ?
7 R. Oui. Je n’ai pas vu de tel type
8 véritablement de boîtes pendant que j’ai fait moi-même mon
9 service militaire. Je peux vous le dire honnêtement, non.
10 Q. Vous avez parlé des insignes de la Republika
11 Srpska et vous avez dit qu’il s’agissait d’un tricolore, du
12 drapeau tricolore. C’était quelles couleurs ?
13 R. C’est la couleur blanche, rouge et bleue, et
14 en ce moment même, j’avoue que je ne me souviens plus
15 exactement quel était l’ordre parce que j’étais un petit
16 peu paniqué parce que j’étais très surpris au départ.
17 Donc, je ne peux pas me souvenir exactement comment elles
18 étaient rangées ces couleurs.
19 Q. Est-ce que vous avez vu des insignes de tel
20 type, enfin, plutôt le drapeau tricolore serbe avant ?
21 R. Oui. À l’hôtel, il y avait un drapeau qui
22 était hissé et qui était des mêmes couleurs.
23 Q. Est-ce que j’ai bien compris : Est-ce que
24 c’était des drapeaux qui n’ont pas été utilisés par l’ex-
25 JNA, donc c’était quelque chose de nouveau ?
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1 R. Oui.
2 Q. Et ces autres soldats dont vous avez parlé,
3 vous avez parlé d’un ex-collègue avec lequel vous avez
4 travaillé comme auto mécanicien, ces autres soldats qui
5 étaient à côté de lui, est-ce que ces autres soldats
6 portaient les mêmes uniformes ou éventuellement ils avaient
7 d’autres uniformes, ceux qui étaient à Miljevina ?
8 R. Je pense qu’il y en avait qui sont arrivés
9 d’autres côtés, qui sont arrivés de l’extérieur, qui
10 portaient des uniformes militaires qui étaient en meilleur
11 état.
12 Q. Entendu ! Nous allons maintenant donc
13 jusqu’à Foca. Est-ce qu’on vous a arrêté avant que vous
14 regagniez votre appartement ?
15 R. Oui.
16 Q. Qui ?
17 R. C’est juste en traversant la Drina qu’un
18 policier m’avait arrêté. C’était la police de réserve qui
19 était en tenue bleue, bleue foncée, béret sur la tête, les
20 insignes toujours les mêmes tricolores, et on m’a demandé
21 de vérifier mes documents, ce que j’ai fait. Il m’a
22 demandé où je me rendais et puis moi, je lui ai dit que je
23 n’habitais pas trop loin et il m’a redonné les documents et
24 il m’a souhaité bonne chance.
25 Q. Sur la route vers le centre-ville, est-ce que
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1 vous avez traversé, est-ce que vous êtes passé à côté de
2 Brod ?
3 R. Non, pas à travers Brod, mais j’ai passé à
4 côté.
5 Q. En ce qui concerne donc cette région que vous
6 avez traversée pour regagner Brod et aller plus loin
7 jusqu’à Foca, est-ce que vous avez remarqué qu’il y avait
8 des choses qui ont changé par rapport à la situation qui
9 régnait le 5 avril ?
10 R. Oui. Nous avons pu remarquer ou plutôt moi,
11 j’ai pu remarquer qu’il y avait un certain nombre de
12 destructions, il y a des immeubles qui ont été incendiés.
13 Pas tout de suite, tout n’a pas été incendié et brûlé, mais
14 il y avait un certain nombre également d’immeubles, de
15 bâtiments qui ont été détruits ou bien endommagés.
16 Q. Tout à l’heure, lors de votre déposition,
17 vous nous avez parlé d’un certain nombre de soldats qui
18 étaient présents à Foca. Vous nous avez dit par ailleurs
19 également, je pense que vous avez utilisé le terme « bjeli
20 orlovi (ph.) », les Aigles blancs. C’est un groupe que
21 vous avez reconnu, n’est-ce pas ?
22 R. Oui. J’ai remarqué qu’il y avait des soldats
23 qui sont venus de l’extérieur et qui étaient en tenues
24 différentes, uniformes différents, et ce n’est que plus
25 tard que je l’ai appris. De toute façon, je suis monté
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1 dans mon appartement, mon appartement a été fermé à clé, il
2 y avait une chaîne. Je suis allé chez mes voisins et ce
3 sont mes voisins qui m’ont appris qu’il s’agissait des
4 Aigles blancs et ce sont eux qui me l’ont appris. C’est
5 comme ça que je l’ai appris. Ils m’ont confirmé donc la
6 présence des Aigles blancs à Foca.
7 Q. Est-ce que vous savez si éventuellement des
8 soldats du Monténégro se trouvaient à Foca une fois quand
9 vous êtes rentré à Foca ?
10 R. Moi, j’ai appris qu’il y en avait du
11 Monténégro, de Serbie, de Novi Sad. On m’avait demandé par
12 la suite pour travailler. Enfin, moi, j’ai travaillé,
13 c’était un travail forcé et puis j’ai eu l’occasion de
14 parler avec eux. On m’a promené un petit peu partout
15 jusqu’à Miljevina, jusqu’à ma société, et caetera. C’est
16 comme ça que j’ai parlé, j’ai su qu’ils n’étaient pas de
17 chez nous.
18 Q. Par conséquent, revenons un petit peu en
19 arrière. Vous avez dépassé un certain nombre de points de
20 contrôle. Je pense que vous avez dit qu’en arrivant
21 jusqu’à votre appartement, vous ne pouviez pas rentrer dans
22 l’appartement parce que votre appartement a été fermé à clé
23 et qu’il y avait des chaînes ?
24 R. Effectivement. J’ai remarqué tout de suite à
25 la porte d’entrée qu’il y avait une chaînette et j’ai vu
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1 également un cadenas et puis je me suis dit
2 qu’éventuellement mon appartement a été plastiqué ou je ne
3 sais pas, qu’il y avait des mines qui ont été placées.
4 C’est la raison pour laquelle je ne voulais pas y pénétrer.
5 Je suis descendu jusqu’à l’appartement de mes
6 voisins. C’est le couple Perovici qui m’ont dit que c’est
7 les Aigles blancs qui ont été dans mon appartement. Ce
8 sont eux qui m’ont d’ailleurs ouvert l’appartement, mais il
9 y avait un chaos dans l’appartement. Tout était à gauche
10 et à droite, enfin, les meubles n’importe où. Il y avait
11 mon fils qui était à la faculté à l’époque et puis ma jeune
12 fille qui avait ses livres et tout ça. Tout a été donc
13 fouillé. Il y avait des reçus, des papiers qui étaient un
14 petit peu partout. Enfin, tout a été chamboulé et enfin
15 tout a été pratiquement fouillé car chaque tiroir a été
16 jeté par terre.
17 Donc, la salle de séjour a été fouillée, la
18 chambre à coucher également, et j’ai pu remarquer qu’il y
19 avait un certain nombre également de choses qui ont été
20 emportées. Il y avait quelques montres. Il y avait
21 également un certain nombre de stylos qui avaient une
22 certaine valeur qui ont été pris, et caetera.
23 Q. Par conséquent, vous voulez dire qu’il y
24 avait un certain nombre d’objets qui ont été volés. C’est
25 ça que vous vouliez dire ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous avez appris par la suite,
3 grâce à cet entretien que vous avez eu avec vos voisins, si
4 votre appartement a été le seul qui a été fouillé ?
5 R. Non. Chaque appartement des Musulmans était
6 fouillé, fouillé jusqu’à la moindre des choses. Pour ce
7 qui concerne les Serbes et les appartements qui
8 appartenaient aux Serbes, ils rentraient dans l’appartement
9 et puis ils jetaient un coup d’oeil probablement pour voir
10 s’il y avait des Musulmans, mais ils ne les fouillaient
11 pas, ils ne les pillaient pas. En revanche, les
12 appartements des Musulmans ont été fouillés.
13 Q. Maintenant, je vais vous demander de revenir
14 à la période qui couvre le 30 avril et le 25 mai et nous
15 allons revenir au 25 mai. Au cours de cette période, est-
16 ce que vous vous sentiez libre pour circuler, et ceci en
17 fonction de votre propre choix ?
18 R. Jusqu’au moment où je suis rentré dans
19 l’immeuble, je ne pouvais plus sortir, ça m’était
20 parfaitement clair. Ma femme et ma fille pouvaient sortir.
21 En ce qui concerne mon fils et moi-même, je n’avais plus le
22 droit et je ne pouvais plus sortir plutôt car vous auriez
23 pu tomber sur les soldats, sur un soldat qui appartenait à
24 une unité paramilitaire qui était armée. Par conséquent,
25 ça me paraissait clair qu’il ne fallait pas que je sorte.
Page 2098
1 Q. Est-ce qu’il y avait un certain nombre
2 d’ordres qui ont été délivrés ou bien des instructions, des
3 communications comment fallait-il se conformer et qui
4 étaient adressés aux Musulmans ?
5 R. Oui.
6 Q. Quelles étaient donc ces communications ?
7 R. Il y avait des haut-parleurs sur les
8 véhicules et on nous annonçait que des Musulmans n’avaient
9 pas le droit de sortir de la ville, qu’on n’avait pas le
10 droit de se rassembler non plus. Par conséquent, on a pu
11 entendre ces instructions car le véhicule circulait et il
12 portait un haut-parleur. C’était un véhicule de la police.
13 Q. Eh bien, quelles étaient les conséquences de
14 cette manière de se comporter ? Comment ça s’est reflété
15 sur vous ou sur la manière de vivre ?
16 R. À partir du moment où on nous a demandé de
17 rester assignés à résidence, qu’est-ce que vous voulez que
18 je vous dise ? Il fallait tout simplement attendre, ne pas
19 faire grand-chose.
20 Q. Pendant que vous attendiez, par conséquent,
21 entre le 30 avril et le 25 mai, auriez-vous pu voir ou
22 entendre ce qui se passait dans votre voisinage ou
23 éventuellement dans le quartier qui est à côté des maisons
24 musulmanes ?
25 R. Oui. On ne pouvait pas suivre de très près.
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1 Moi, j’ai pu regarder du côté du centre, du côté également
2 de Han, du côté de Domovski Soka (ph.), et ce que j’ai pu
3 voir également, c’est du côté de Gornje Polje qu’on
4 incendiait les maisons et notamment au cours de la nuit ou
5 les heures qui précédaient la nuit.
6 En général, il y avait d’abord des sapeurs
7 pompiers qui se rendaient sur place et ensuite, on posait
8 des explosifs pour incendier la maison, et en général,
9 avant que la maison soit incendiée, il y avait des tirs par
10 rafales très violents et probablement c’est pour faire
11 peur, pour paniquer les gens, pour que les gens ne
12 regardent pas, pour qu’ils baissent les stores, pour qu’ils
13 ne voient pas ce qui s’était passé de l’autre côté.
14 Q. Juste pour apporter un peu plus de
15 précisions, vous parlez des « échanges de tirs », enfin,
16 des « rafales ». Est-ce que vous parlez des tirs
17 d’infanterie ou ceux qui détruisent un peu davantage ? De
18 quel type d’armes ?
19 R. Des armes automatiques.
20 Q. Eh bien, je vois, mais ce que j’aimerais
21 savoir maintenant c’est si éventuellement il y avait
22 également des engins de feu. Est-ce qu’éventuellement des
23 sapeurs pompiers se rendaient sur place après les incendies
24 ?
25 R. Je vous ai déjà dit tout à l’heure qu’avant
Page 2100
1 que les tirs commencent, les pompiers se rendaient sur
2 place. Par conséquent, ils étaient déjà en état d’alerte.
3 Probablement, c’est que les pompiers étaient sur place pour
4 pouvoir éteindre le feu pendant que l’autre maison a été
5 mise en flammes.
6 Q. Est-ce que les maisons musulmanes et les
7 maisons serbes étaient mixtes ?
8 R. Les maisons musulmanes et serbes se
9 touchaient presque et c’est la raison pour laquelle les
10 pompiers devaient y être. C’était indispensable.
11 Q. Est-ce que vous avez pu voir également ce qui
12 se passait au moment où, par exemple, vous avez vu qu’une
13 maison musulmane a été incendiée, elle touchait la maison
14 serbe, et comment se comportaient les pompiers ?
15 R. Ils protégeaient les maisons serbes. C’est
16 pour ça qu’ils y étaient.
17 Q. Monsieur, je pense que vous nous avez dit que
18 vous êtes parti de Jelec le 30 avril et je pense que vous
19 nous avez dit qu’il y avait plusieurs raisons. Une des
20 raisons que vous avez citées c’est que votre épouse a été
21 souffrante et par ailleurs, vous avez eu également peur que
22 quelque chose arrive à votre village comme ceci s’était
23 produit dans d’autres villages qui étaient avoisinants.
24 Est-ce que votre village a subi quelque chose après votre
25 départ ?
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1 R. Oui. Une fois que je suis parti, quatre ou
2 cinq jours plus tard, il y avait cette attaque sur Jelec.
3 L’attaque a été très violente et ceux qui avaient des
4 fusils ne pouvaient pas résister. Ce qu’il leur restait,
5 c’est de se retirer, de rebrousser chemin, d’aller dans les
6 forêts et par conséquent Jelec a été prise sans qu’il y ait
7 une résistance. Les Serbes sont rentrés là-dedans, et en
8 rentrant, ils ont incendié tout ce qu’ils pouvaient voir.
9 Il y avait une équipe, je ne me souviens plus
10 laquelle, car moi, j’ai l’impression qu’ils sont arrivés
11 des deux directions. Il y a deux petites rivières,
12 Krupica, Gorazda (ph.), et ceux qui sont passés par
13 Krupica, ils ont détruit énormément, mais cet autre groupe
14 qui venait de Govza, ils ont capturé un certain nombre de
15 personnes et efendi (ph.) de Jelec a été égorgé.
16 Tout ce qui s’est produit le long de Krupica était
17 encore pire parce qu’ils ont été pris, incendiés, brûlés,
18 égorgés, mais ensuite, il y avait un certain nombre
19 d’étables également qui ont été brûlées. Devant ma maison
20 d’été, nous avons huit personnes qui ont habité et sur les
21 huit, il y en a sept qui ont été exécutées. Il y en a
22 d’autres également dont je ne me souviens pas, mais je sais
23 qu’il y avait beaucoup de destructions, beaucoup de maisons
24 également brûlées, beaucoup de personnes qui ont été tuées.
25 Q. Je ne vais pas entrer dans le détail, mais
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1 vous me permettrez quand même de vous poser quelques
2 questions personnelles. Pendant que vous habitiez Jelec,
3 entre le 5 et le 30 avril, vous étiez avec vos parents,
4 avec votre mère ?
5 R. Oui.
6 Q. Au moment où vous avez quitté Jelec le 30
7 avril, votre mère était encore à Jelec ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que vous avez appris par la suite ce
10 qui s’était passé avec votre mère le 4 mai 1992 ?
11 R. Le 4 avril ou entre le 4 et le 5 avril, j’ai
12 écouté la Radio Sarajevo. Ça, je me souviens. J’ai
13 écouté. On a parlé de cette attaque sur Jelec et Radio
14 Sarajevo avait cité les noms et prénoms de ceux qui ont été
15 tués. Donc, ils ont prononcé le nom de ma mère et puis
16 d’autres, six personnes. J’ai parlé de sept qui ont été
17 exécutées.
18 Q. Vous avez entendu par conséquent que votre
19 mère avec six autres personnes ont été tuées. Vous l’avez
20 appris par la radio. Je pense que vous l’avez dit et je
21 pense que vous avez parlé du 4 avril alors que la question
22 que je vous ai posée portait sur le 4 mai. Est-ce que
23 c’est par hasard que vous avez parlé du 4 avril ou vous
24 avez pensé au 4 mai ?
25 R. Oui. C’est moi qui ai fait erreur. Je
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1 pensais au mois de mai.
2 Q. Merci. Très bien ! Maintenant, les six
3 autres personnes que vous avez mentionnées ayant été
4 trouvées mortes près de votre chalet, est-ce que c’était
5 également des cousins ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous avez appris ou avez-vous eu
8 connaissance de d’autres détails à part de ce que vous avez
9 entendu à la Radio Sarajevo par la suite, lorsque vous avez
10 été détenu au centre de détention, concernant ce que vous
11 venez de dire ?
12 R. Oui. Par la suite, j’ai entendu dire que les
13 gens qui étaient emmenés de Jelec et qui ont été emmenés à
14 Kalinovik et par la suite, ils ont été emmenés à Milic et
15 par la suite, de Pilic, ils ont été ramenés à Kalinovik et
16 ensuite, au centre de détention. C’est d’eux que j’ai
17 entendu plus de précisions par la suite et comment ça s’est
18 passé.
19 Q. Vous avez entendu parler du fait de la mort
20 de votre mère et de votre parenté sur la radio. C’est
21 exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Maintenant, Monsieur, j’aimerais vous ramener
24 au 25 mai 1992. Si je comprends bien, c’était le début
25 d’un nouvel épisode de votre vie. Est-ce que c’est exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui s’est passé le
3 25 mai 1992 qui vous a emmené au Tribunal aujourd’hui ?
4 R. Puisque nous ne sortions pas, le 25 mai,
5 c’était peut-être entre 9 h 00 et 10 h 00 du matin,
6 Monsieur Zoran Vukovic s’est présenté avec trois autres
7 personnes armées. J’ai ouvert la porte. Nous nous sommes
8 salués chaleureusement puisque nous nous connaissons bien.
9 Je lui ai dit d’entrer. Il m’a demandé qui était ici avec
10 moi. Il m’a expliqué de quoi il s’agissait. J’ai répondu
11 que non, il n’y avait personne d’autre, sauf ma famille,
12 bien sûr.
13 Alors, il a dit : « Toi et ton fils, vous devriez
14 faire une déclaration. » Par la suite, il n’y a rien eu
15 d’autre. Je suis allé me préparer, apporter des vêtements,
16 certains vêtements avec moi. Ils ont emmené un autre
17 morceau de papier et je n’ai même pas regardé ce morceau de
18 papier. Par la suite, mon épouse m’a dit… avant de nous
19 quitter, elle m’a dit que ce papier lui a été remis pour
20 dire que si quelqu’un venait la voir, de montrer ce papier
21 pour démontrer qu’il n’y aurait aucun autre problème, et
22 sur ce papier, il y avait la signature de Branic Osmic… de
23 Branic Cosic (se reprend l’interprète), c’est-à-dire de
24 Brano Cosic, pardon, et c’était donc sa signature. Alors,
25 ils se sont assis, et par la suite, deux d’entre eux ont
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1 quitté avec Tapac, Izet (ph.), Tapac et son père, et nous
2 nous sommes dirigés vers deux véhicules.
3 Q. Je vous arrête un instant. Vous avez
4 mentionné le nom de Monsieur Zoran Vukovic. Si je
5 comprends bien, vous avez dit que vous le connaissiez
6 d’auparavant ?
7 R. Oui, oui, oui.
8 Q. D’où le connaissiez-vous et pendant combien
9 de temps vous le connaissiez ? Et parlez-nous de Zoran
10 Vukovic : Quelle était votre relation avec lui ?
11 R. La petite communauté de Foca n’est pas très
12 grande et les circonstances étaient telles qu’il avait
13 travaillé pendant un certain temps au centre de Pogon
14 Radjunik (ph.) Mladic et par la suite, il se servait des
15 véhicules de cette entreprise, Pogon, et il avait travaillé
16 pendant un certain temps dans mon service et c’est de cette
17 façon-là que je l’ai connu. On disait que j’étais le
18 meilleur mécanicien, j’étais un très bon mécanicien et on
19 me recherchait souvent et c’est de cette façon-là que nous
20 avons fait connaissance et c’est de cette façon-là qu’on se
21 connaissait.
22 Q. Zoran Vukovic qui est venu vous arrêter,
23 Monsieur, êtes-vous en mesure de le décrire pour nous ?
24 R. Oui. Il a des cheveux clairs, yeux clairs.
25 Il n’est pas très développé, bon, voilà, pas très costaud.
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1 Q. Pourriez-vous reconnaître ce Zoran Vukovic
2 qui vous a arrêté si vous aviez à le revoir ?
3 R. Oui.
4 Q. J’aimerais que vous jetiez un coup d’oeil ici
5 dans ce prétoire et nous dire si vous voyez quelqu’un dans
6 le prétoire qui correspond à la description de cet homme.
7 R. Oui, je le vois.
8 Q. Dites-nous où il est assis dans ce prétoire.
9 R. Juste à côté du policier, du gardien.
10 Q. Très bien ! Est-ce que vous parlez du mur du
11 fond où il y a trois gardes de sécurité habillés en
12 chemises bleues, vêtus de bleu ?
13 R. À la dernière rangée.
14 Q. Bon. Très bien ! Maintenant, si vous
15 regardez à partir de la droite et si vous comptez donc les
16 personnes de droite à gauche, donc du côté le plus
17 rapproché des fenêtres, dans quelle chaise est-il assis ?
18 R. Il est assis au deuxième siège.
19 Q. Donc, la deuxième personne à partir des
20 fenêtres dans la rangée du fond : Est-ce que c’est exact ?
21 R. Oui.
22 Me RYNEVELD (interprétation) : Alors, pour le
23 compte-rendu, le témoin vient d’identifier Monsieur Zoran
24 Vukovic, l’accusé dans cette affaire.
25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.
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1 Me RYNEVELD (interprétation) :
2 Q. Est-ce que Monsieur Vukovic était seul ce
3 jour-là ou il était accompagné de quelqu’un ? Si je
4 comprends bien, il avait été accompagné de quelqu’un
5 d’autre. Est-ce que vous connaissez cet autre individu
6 avec qui il était ce matin-là ?
7 R. Eh bien, ce matin-là, d’après ce que j’ai pu
8 remarquer, il y avait Pipovic, Zelja, et la quatrième
9 personne, je n’ai pas pu la reconnaître.
10 Q. Donc, si je comprends bien, vous avez dit
11 plus tôt qu’après avoir eu un entretien avec vous, ils sont
12 allés chercher quelqu’un d’autre. Est-ce qu’il s’agissait
13 d’un voisin qui se trouvait soit dans le même immeuble ou
14 dans un autre immeuble ?
15 R. Non. De l’immeuble voisin. C’était un père
16 et un fils.
17 Q. Est-ce que vous savez si effectivement ils
18 sont allés chercher ce père et ce fils et s’ils vous ont
19 emmenés tous les quatre ensemble ?
20 R. Oui. Nous avons été emmenés ensemble dans
21 deux véhicules.
22 Q. De quelle façon avez-vous été emmené et où
23 avez-vous été emmené ?
24 R. Alors, deux par deux par véhicule et nous
25 avons pris la direction du centre de détention.
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1 Q. Si je comprends bien, vous avez dit que vous
2 aviez un fils qui était âgé de 21 ans et il venait juste de
3 commencer l’université : Est-ce que c’est exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Il a été emmené avec vous. Est-ce que vous
6 étiez dans le véhicule conduit par Monsieur Vukovic ou par
7 quelqu’un d’autre ?
8 R. Je ne suis pas tout à fait certain, mais je
9 crois que j’étais avec Zoran.
10 Q. Lorsque vous étiez en route pour
11 l’établissement pénitentiaire, est-ce que vous avez passé
12 par le centre-ville ?
13 R. Oui.
14 Q. Avez-vous vu des soldats ou y avait-il
15 quelque chose qui se passait au centre-ville puisqu’on vous
16 a dit de rester à l’écart de cette zone ou du centre-ville
17 ? Est-ce que vous avez remarqué quelque chose pendant que
18 vous y passiez ?
19 R. Eh bien, vous savez, Foca était toujours
20 remplie de gens en tant que ville, il y avait également des
21 personnes armées. Donc, c’est tout à fait normal de voir
22 des gens armés.
23 Q. Y avait-il des personnes armées ?
24 R. Oui.
25 Q. Portaient-ils des uniformes ?
Page 2109
1 R. Oui, absolument.
2 Q. Que s’est-il passé lorsque vous vous êtes
3 rendu à l’établissement pénitentiaire ?
4 R. Eh bien, en arrivant à l’établissement
5 pénitentiaire, j’ai vu un très bon ami. (expurgé)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée),
9 c’est presque s’ils ne passaient tous les jours ensemble,
10 et lorsqu’il nous a vus, il nous a regardés et il est entré
11 au bureau à l’intérieur de l’immeuble.
12 Q. Très bien ! Maintenant, à l’intérieur de ce
13 centre pénitentiaire, est-ce que vous avez revu Zoran
14 Vukovic ?
15 R. Zoran Vukovic nous a accompagnés jusqu’à
16 cette salle d’interrogatoire.
17 Q. Très bien ! Maintenant, j’ai omis de vous
18 poser cette question plus tôt, mais je vais vous la poser
19 maintenant. De quelle façon était vêtu Monsieur Zoran
20 Vukovic ? Portait-il un uniforme ?
21 R. Il portait un uniforme de camouflage.
22 Q. Portait-il des armes sur lui ?
23 R. Oui, des fusils automatiques, des armes
24 automatiques… (l’interprète se reprend). Il portait un
25 fusil automatique.
Page 2110
1 Q. Est-ce que vous avez été en mesure de
2 reconnaître quel grade il détenait et quel était le genre
3 d’uniforme qu’il portait ?
4 R. Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne le
5 sais pas.
6 Q. Vous avez été donc emmené dans cette salle
7 d’interrogatoire. Par la suite, est-ce que vous avez été
8 emmené ailleurs après cette procédure, si on peut
9 l’appeler, d’enregistrement, si vous voulez ?
10 R. Ijat (ph.) a suivi. Par contre, dans cette
11 salle d’interrogatoire, il nous a fouillés pour voir si
12 nous avions quelque chose dans nos poches. Il a trouvé
13 deux boîtes de cigarettes sur moi. Il ne me les a pas
14 enlevées, il me les a remises, et par la suite, après nous
15 avoir fouillés tous les quatre, Zoran a dit qu’on devait se
16 rendre à la chambre numéro 16, et lorsque la porte de cette
17 chambre s’est ouverte, c’est Slavko Koroman qui nous a pris
18 en charge et c’est là que nous sommes allés.
19 Q. Lorsque vous vous êtes rendu à la chambre
20 numéro 16, est-ce que c’était une grande salle ?
21 R. La porte d’entrée de cette pièce numéro 16
22 est constituée d’un vestibule où on pouvait laisser nos
23 chaussures. Du côté droit de l’entrée, vous avez quelques
24 toilettes avec des pissoirs et c’est seulement par la suite
25 que l’on pénètre dans la salle de séjour, et à partir de
Page 2111
1 cette salle de séjour, on se dirige dans quatre chambres,
2 alors, deux de chaque côté de cette salle de séjour. Il y
3 avait une plus grande chambre d’un côté et une autre plus
4 petite de l’autre côté et c’est celle qui porte le numéro
5 16.
6 Q. Maintenant, Monsieur, si je comprends bien,
7 vous êtes en mesure de nous donner beaucoup de détails
8 concernant votre séjour au centre pénitentiaire. Je ne
9 veux pas vous poser des questions là-dessus à ce moment-ci,
10 peut-être plus tard, mais je vais vous poser des questions
11 d’ordre général concernant votre séjour dans cet
12 établissement pénitentiaire.
13 Donc, vous avez été enregistré le 25mai 1992. À
14 quel moment avez-vous quitté cette institution, c’est-à-
15 dire à quel moment est-ce que vous avez été libéré
16 finalement ? Donc, je ne parle pas d’une sortie.
17 R. C’était le 5 octobre 1994. Ils nous ont
18 emmenés par voiture jusqu’à Kula. C’est là que la Croix-
19 Rouge a pris nos noms, et par la suite, ils nous ont
20 emmenés sur le pont de l’unité Bratstvo e Jedintsvo et
21 c’est à ce moment-là que l’échange n’a pas eu lieu. Par la
22 suite, nous avons été ramenés sur Miljene (ph.).
23 Q. Par la suite, vous avez quitté au mois
24 d’octobre, n’est-ce pas ? Je veux dire vous avez été
25 libéré finalement au mois d’octobre ?
Page 2112
1 R. Oui, oui.
2 Q. Donc, si je comprends bien, vous avez passé
3 environ deux ans et demi au centre pénitentiaire à partir
4 du 25 mai 1992 jusqu’à la fin d’octobre 1994 ?
5 R. [Hochement de la tête]
6 Q. Pendant que vous y étiez, est-ce qu’on vous a
7 trouvé coupable de quelque offense que ce soit… est-ce
8 qu’on vous a reproché quelque offense que ce soit (se
9 reprend l’interprète) ?
10 R. Pendant toute cette période, j’ai été emmené
11 dans la salle d’interrogatoire, mais personne ne m’a
12 vraiment écouté, mais je n’étais accusé de rien non plus.
13 Ils n’avaient absolument aucune raison pour me charger de
14 quoi que ce soit.
15 Q. Cet établissement pénitentiaire était un
16 pénitencier à Foca avant la guerre ?
17 R. Oui. Par contre, le centre pénitentiaire, ce
18 KP Dom, était une prison.
19 Q. Ma question allait être la suivante : Est-ce
20 qu’on vous a donné quelque explication que ce soit
21 concernant la raison pour laquelle vous avez été gardé et
22 détenu dans ce centre pénitentiaire pendant deux ans et
23 demi ?
24 R. Non, jamais puisque moi, j’avais tout
25 compris. La raison était parce que j’étais Musulman.
Page 2113
1 Voilà ! C’est ma propre conclusion.
2 Q. À l’époque, étiez-vous un civil ?
3 R. Oui, pas seulement moi, mais presque tous.
4 Q. Cela me mène à ma question suivante : Y
5 avait-il d’autres hommes comme vous dans ce camp ?
6 R. Je n’ai pas très bien compris votre question.
7 Q. Je vais reprendre ma question. Donc, vous et
8 votre fils n’étiez pas les seuls détenus dans cette
9 prison : Est-ce que c’est exact ?
10 R. Non.
11 Q. Êtes-vous en mesure de nous donner une
12 évaluation en ce qui a trait au chiffre, au nombre de
13 Musulmans civils qui s’y trouvaient à n’importe quel
14 moment, en fait, pendant votre séjour ?
15 R. Je ne pourrais pas vous donner un chiffre
16 exact, mais de temps en temps, par la fenêtre, on comptait
17 comme ça lorsqu’on nous emmenait de la salle, de cette
18 pièce jusqu’à la salle de réfectoire, donc on comptait,
19 mais on ne pouvait pas vraiment savoir exactement quel
20 était l’état ou quel était le nombre précis mais notre
21 évaluation était celle qui allait de l’ordre de 550 à 600
22 personnes.
23 Q. Est-ce que, d’après vos connaissances, il
24 s’agissait d’hommes musulmans ?
25 R. Oui.
Page 2114
1 Q. D’après les entretiens avec les autres
2 détenus, est-ce que leur situation ressemblait à la vôtre,
3 est-ce qu’ils avaient été choisis et emmenés là pour aucune
4 raison précise ?
5 R. Oui.
6 Q. De nouveau, Monsieur, ce n’est peut-être pas
7 le moment opportun de vous poser des questions spécifiques
8 concernant la vie ou le séjour à l’intérieur de cet
9 établissement de détention, mais si vous pouviez nous
10 raconter brièvement quelles étaient les conditions de vie
11 dans ce centre concernant la nourriture, l’hygiène, en
12 fait, le traitement général, de quelle façon est-ce qu’on
13 vous a traité ?
14 R. Les conditions n’étaient pas très bonnes. Je
15 crois que nous avons eu de la chance d’avoir eu quelques
16 équipements des occupants précédents, c’est-à-dire on avait
17 un peu de vêtements usagés, un peu de lames de rasoir qui
18 étaient restés des autres occupants. Donc, nous avons eu
19 de toutes petites quantités de ces moyens d’hygiène, mais
20 sinon, c’est tout. On ne recevait absolument rien.
21 La nourriture était absolument épouvantable. On a
22 presque survécu sur l’eau avec très peu de pain. Je crois
23 que je pesais environ 75 ou 76 kilos lorsqu’on m’a emmené
24 et lorsque je suis sorti 40 jours plus tard, je me suis
25 pesé et j’avais 59 kilos. Maintenant, les personnes qui
Page 2115
1 étaient très, très obèses, ces gens-là, leur condition
2 physique se détériorait encore plus que la mienne. C’était
3 vraiment terrible de voir un homme obèse qui tout d’un coup
4 avait perdu tout ce poids. Sa peau pendait sur lui comme
5 un sac.
6 Q. Est-ce que l’on pourrait dire qu’à part de la
7 qualité de la nourriture que vous avez décrite, la quantité
8 de nourriture qu’on vous donnait était également
9 insuffisante ?
10 R. [Inaudible]
11 Q. Monsieur, pendant que vous vous y trouviez,
12 est-ce que vous étiez libre de sortir : de partir et venir
13 de votre propre gré ? Je sais que la question semble être
14 peut-être un peu insignifiante, mais je dois vous la poser
15 quand même.
16 R. À part de ma propre volonté, je ne pouvais
17 pas quitter ou sortir par la porte, c’est-à-dire je ne
18 pouvais pas partir. Il aurait fallu que quelqu’un ouvre
19 cette porte.
20 Q. Pourquoi pas ?
21 R. Parce que j’étais enfermé sous clé. J’étais
22 donc détenu.
23 Q. Y avait-il des gardes ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce qu’ils portaient des armes ?
Page 2116
1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous aviez peur qu’ils pouvaient
3 se servir de ces armes ?
4 R. Au début, oui, puisque au début, on avait
5 entendu pas mal de tirs. Surtout le soir sous nos
6 fenêtres, on entendait des coups de feu. Par la suite, ça
7 s’est éteint et vers la fin, les deux derniers mois, on
8 n’entendait presque plus rien… (l’interprète se reprend).
9 Quelques mois plus tard, on n’entendait presque plus rien.
10 Q. À part des portes fermées à clé, y avait-il
11 d’autres installations pour garder les gens à l’extérieur
12 ou à l’intérieur plutôt, c’est-à-dire y avait-il du fil
13 barbelé, y avait-il des murs ?
14 R. Eh bien, c’était une prison. Il y avait un
15 mur très haut. Par la suite, il y avait un fil barbelé qui
16 se trouvait sur le dessus de ce fil, et sur chacun de ces
17 murs, il y avait une petite guérite pour les gardiens qui
18 pouvaient observer les gens, et après mon arrivée à
19 l’établissement pénitentiaire, peut-être 10 jours plus
20 tard, il y a eu une unité de soldats qui se sont présentés.
21 En fait donc, ces soldats ont miné de l’intérieur jusqu’au
22 mur externe de ce centre. Donc, ils ont miné toute cette
23 région, et par la suite, à l’extérieur, il y avait un nid
24 de mitrailleuses avec des sacs de sable.
25 Q. Donc, dois-je comprendre que le périmètre
Page 2117
1 interne ou intérieur de ce mur était également miné pour
2 que les gens n’essaient pas de passer par-dessus ce mur ?
3 R. Absolument pas.
4 Q. Donc, si j’ai bien compris, c’était bien
5 l’intérieur de la cour de cette prison qui était miné et
6 non pas l’extérieur. Est-ce que j’ai bien compris ?
7 R. Oui.
8 Q. C’était simplement pour préciser.
9 Maintenant, Monsieur, vous êtes mécanicien. Vous nous avez
10 dit que vous êtes un très bon mécanicien, que vous étiez
11 très bien perçu en tant que tel. Est-ce que cela s’est
12 poursuivi pendant que vous étiez à l’intérieur du centre
13 pénitentiaire ?
14 R. Oui. Une quarantaine de jours plus tard,
15 tout le monde savait que j’étais un très bon mécanicien,
16 c’est-à-dire le meilleur dans ma ville, plus précisément
17 concernant les véhicules lourds et donc ils m’ont transféré
18 dans le département qui s’affaire aux réparations, dans le
19 département du métal.
20 Q. Qu’est-ce qu’on vous a demandé de faire
21 lorsque vous avez été transféré dans ce département de
22 maintien ?
23 R. Eh bien, ils m’ont demandé de faire tout ce
24 qu’il fallait faire, c’est-à-dire de changer l’huile, de
25 réparer, de laver les voitures, enfin, de faire tout ce
Page 2118
1 qu’il fallait faire pour assurer la maintenance de ces
2 véhicules.
3 Q. Avez-vous jamais été payé pour ce genre de
4 travail lorsque vous étiez à l’établissement pénitentiaire
5 ?
6 R. Non. C’était un travail forcé. Donc, je
7 n’étais certainement pas rémunéré.
8 Q. Est-ce que cela vous a passé à l’esprit de
9 refuser de faire du travail ?
10 R. Non, absolument jamais.
11 Q. Pourquoi pas ?
12 R. Eh bien, probablement parce que ça aurait été
13 ma fin puisque, de toute façon, avant cela j’avais entendu
14 dire que les gens étaient emmenés même pour un mot de
15 travers, on les emmenait et ils ne revenaient plus jamais.
16 Q. Bon. Très bien ! Maintenant, Monsieur,
17 pendant que vous travailliez à la maintenance de ces
18 véhicules, est-ce qu’il vous est arrivé de voir Zoran
19 Vukovic, cet homme que vous avez identifié dans ce prétoire
20 ?
21 R. Oui, il venait.
22 Q. Pourriez-vous nous dire à quel moment vous
23 l’avez vu pour la première fois ?
24 R. Il venait avec des véhicules lourds avec le
25 propriétaire, Sahinpasic, Senad.
Page 2119
1 Q. Reconnaissez-vous ce camion ?
2 R. Oui, absolument.
3 Q. Donc, Senad Sahinpasic, est-ce qu’il était
4 Musulman ?
5 R. [Hochement de la tête]
6 Q. Comment se fait-il que Zoran Vukovic
7 conduisait son camion ou le camion de ce dernier ?
8 R. Bien, je ne sais pas. Il avait probablement
9 quitté Foca et ce dernier aurait sûrement trouvé ce
10 véhicule et c’est la raison pour laquelle il le conduisait.
11 Q. De toute façon, Monsieur Vukovic s’est
12 présenté au centre correctionnel ou pénitentiaire avec ce
13 véhicule, n’est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous avez eu des entretiens avec
16 Zoran Vukovic à ce moment-là ?
17 R. Oui. À cette occasion-là, nous avons échangé
18 quelques paroles. Je lui ai dit : « Bon bien, très bien,
19 puisque tu m’as déjà emmené ici, essaie au moins de sortir
20 ma femme », et il a fait un commentaire et il m’a dit :
21 « Elle a déjà essayé une fois, mais elle n’a pas réussi »,
22 et c’était la fin de cette conversation.
23 Q. Maintenant, est-ce que vous savez ce qui
24 s’est passé avec votre femme pendant que vous étiez au
25 centre pénitentiaire ?
Page 2120
1 R. Pendant très longtemps, elle s’attendait à ce
2 que cette situation se résolve et elle avait, en fait,
3 envoyé ma fille avec les voisins. Elle pensait que cela
4 n’allait durer que quelques mois et que cela se résoudrait
5 par la suite et je crois qu’elle était peut-être une des
6 dernières à quitter Foca, une des dernières Musulmanes à
7 quitter Foca.
8 Q. Bon. Très bien ! Maintenant, je vais vous
9 poser la question suivante : À quel moment est-ce que vous
10 avez revu votre femme et votre fille de nouveau ?
11 R. C’était en 1995, le 15 mars.
12 Q. Très bien ! Si je comprends bien, vous
13 l’avez vue dans un pays étranger : Est-ce que c’est exact
14 ?
15 R. Oui.
16 Q. Merci. Nous allons revenir maintenant à cet
17 atelier de réparation. Vous nous avez dit tout à l’heure
18 de l’occasion du premier incident où Monsieur Vukovic était
19 venu avec son véhicule. Pourriez-vous nous dire si
20 d’autres véhicules étaient venus en réparation pendant que
21 vous travailliez là-bas ?
22 R. Oui, des véhicules de cet établissement de
23 détention et des véhicules qui auraient dû être déjà
24 réparés. Mekic Nusret et Nuav (ph.) étaient venus avec un
25 petit véhicule TAM qui devait avoir un moteur déjà réparé à
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1 la veille de la guerre, et ce véhicule-là aussi était venu,
2 enfin, avait été amené dans ce centre de détention.
3 Q. Avez-vous vu des véhicules ou plutôt un
4 véhicule qui semblait avoir des marchandises volées ?
5 R. Oui. C’est le petit véhicule TAM qui
6 appartenait à l’établissement de détention.
7 Q. Je vous remercie. Permettez-moi de
8 reformuler ma question : Est-ce que vous saviez que les
9 véhicules amenaient des marchandises volées et que ces
10 véhicules-là se rendaient à l’établissement de détention ?
11 Pouvez-vous nous dire quelque chose là-dessus ?
12 R. Oui. Dès le début, le collègue Goljanin qui
13 avait été une sorte de chef de ce département et à
14 plusieurs reprises, je ne saurais vous dire combien de fois
15 exactement, avait emmené des gens, enfin, des nôtres pour
16 démonter des machines, des machines, je crois, de
17 menuiserie qui devaient être démontées à partir d’ateliers
18 appartenant à des Musulmans.
19 Cela est arrivé à plusieurs reprises et en outre,
20 ce que vous venez de dire à propos de ces marchandises,
21 Hanalic avait une sorte de magasin de réparation, de
22 serrurier, tourneur ajusteur et il avait beaucoup
23 d’équipements chez lui et la petite TAM a dû faire
24 plusieurs navettes pour ramener ces marchandises.
25 Q. Donc, il s’agissait d’objets ayant appartenu
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1 à un Musulman, si j’ai bien compris ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous vous rappelez de quelque
4 événement au sujet d’un kiosque ?
5 R. Oui.
6 Q. Pouvez-vous nous relater la chose ?
7 R. Il s’agissait d’un kiosque qui appartenait à
8 un collègue, Olibasic, Mahmut (ph.), et sa maison se
9 trouvait près de la station d’essence et le kiosque en
10 question avait déjà été terminé avant les conflits. Il
11 avait été destiné à l’ouverture d’un petit commerce. On
12 avait trouvé ce kiosque. Ils sont allés le chercher avec
13 un remorqueur et ils l’avaient amené et cela est resté dans
14 le centre de détention après que nous ayons été échangés.
15 Q. Fort bien ! Je pense que vous nous avez
16 donné un résumé de ce que vous avez dû faire dans ce centre
17 de détention. Est-ce qu’on vous avait fait sortir à
18 quelques occasions pour vous emmener à un autre endroit
19 pour des tâches de réparation ?
20 R. Oui, on m’a fait sortir. Je me suis rendu en
21 ville, mais j’étais toujours accompagné. Quand un véhicule
22 tombait en panne, on m’emmenait jusque là-bas, jusqu’à mon
23 ex-société, mais toujours accompagné et on m’avait toujours
24 escorté pour faire ces interventions.
25 Q. Pouvez-vous nous raconter quoi que ce soit au
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1 sujet de votre départ vers Miljevina, localité que vous
2 nous aviez mentionnée sur la route de Foca ? À quelle
3 distance se trouve Miljevina de Foca, une cinquantaine de
4 kilomètres ?
5 R. Non. Quelques 18 kilomètres à peu près.
6 Q. Fort bien ! Donc, vous avez quitté le centre
7 de détention et vous avez été escorté jusqu’à Miljevina ?
8 R. Oui.
9 Q. Que vous a-t-on demandé de faire lorsque vous
10 êtes arrivé là-bas ?
11 R. On m’a demandé d’entretenir cette
12 mécanisation de travaux en surface. Il s’agissait
13 d’excavation en surface en mines et il s’agissait
14 d’entretenir cette mécanisation lourde d’excavation et
15 j’avais l’habitude d’aller entretenir ces véhicules-là à
16 l’époque où je travaillais à l’atelier d’entretien.
17 Q. Je comprends. Vous a-t-on payé pour ces
18 tâches-là à quelque occasion que ce soit ?
19 R. Non.
20 Q. Est-ce que vous avez envisagé la possibilité
21 de refuser ?
22 R. Non. Je n’en avais nulle intention.
23 Q. Aviez-vous le choix de faire quoi que ce soit
24 ?
25 R. Non, il n’y avait pas de choix. Soit on
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1 travaillait, soit on… et en une occasion, les gens avaient,
2 par exemple, des troubles à l’estomac parce que la
3 nourriture était déjà mauvaise pour midi ou au dîner et les
4 gens qui avaient l’estomac sensible avaient des diarrhées,
5 et toute la nuit, cela faisait en sorte que les gens se
6 déshydrataient. Et lorsqu’il s’agissait d’aller
7 travailler, on interpellait untel, deux ou trois personnes,
8 mais ces personnes ne pouvaient pas se lever. Alors,
9 certains disaient : « Amène-le moi, on va le faire ramper
10 jusqu’à son poste de travail, mais il ira travailler quand
11 même. » Par conséquent, donc vous pouvez voir qu’il
12 fallait aller travailler.
13 Q. Avez-vous jamais vu ce qui se passait avec
14 ces gens lorsqu’ils étaient contraints au travail ?
15 R. Je n’ai pas vu, mais je peux imaginer qu’ils
16 devaient aller à quatre pattes après ce travail.
17 Q. À combien de reprises vous a-t-on emmené vers
18 Miljevina de ce centre de détention pour travailler ?
19 R. Je ne saurais vous le dire exactement, mais
20 je crois que je suis allé là-bas trois ou quatre fois.
21 Q. À chacune de ces occasions, est-ce que vous
22 restiez un bout de temps ou vous partiez, vous passiez la
23 nuit et reveniez ?
24 R. Eh bien, on m’emmenait de ce centre de
25 détention. On me prenait comme une espèce d’outil contre
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1 un papier émis par le commandement que l’on amenait au
2 centre de détention, et partant de ce papier, on me
3 laissait sortir et en fonction des besoins à Miljevina,
4 tant qu’on avait besoin de moi, on ne me faisait pas
5 revenir ou alors, si on ne pouvait pas réparer quelque
6 chose au centre de détention, on me faisait revenir, mais
7 je devais rester 20, 25 jours, des fois plus d’un mois sur
8 place et on me gardait dans un poste de police. Certains
9 venaient me chercher et forcément quelqu’un devait me
10 raccompagner par la suite.
11 Q. On vous gardait dans une cellule de ce poste
12 de police ?
13 R. Non. J’étais dans une pièce où il y avait
14 une espèce de sofa et je crois que cela avait été
15 intentionnel parce que mon enfant se trouvait au centre de
16 détention. Donc, je n’osais rien faire, je n’osais rien
17 essayer, parce que nos forces tenaient la localité de Rogoj
18 et j’aurais éventuellement pu sauter par la fenêtre et
19 arriver jusqu’à Rogoj.
20 Q. Vous n’êtes pas parti, vous ne l’avez pas
21 fait : Pourquoi ?
22 R. Eh bien, ils avaient mon fils en otage.
23 Q. Je vous comprends. Monsieur, pendant que
24 vous étiez à Miljevina, avez-vous eu l’occasion de
25 remarquer ce qui se passait à Miljevina, en ville ou dans
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1 la région ou voire même au niveau du motel ?
2 R. Eh bien, juste après mon départ pour
3 Miljevina, les combats avaient déjà atteint une phase
4 avancée parce que je suis allée là-bas pour la première
5 fois en décembre déjà. On pouvait remarquer que la
6 population serbe amenait beaucoup de marchandises pillées
7 des localités de Leca (ph.), et enfin, ce genre de
8 marchandises.
9 Q. Quelle avait été la composition de la police
10 de Miljevina ? Vous avez dit que Pero Elez avait pris en
11 charge le poste de police et s’était débarrassé de tous les
12 policiers musulmans. Avez-vous rencontré Pero Elez à
13 Miljevina ainsi que ses hommes dans cette période ?
14 R. Moi, j’avais été emmené en date du 3 décembre
15 1992 et j’ai vu Pero Elez ce soir-là seulement. Lorsque
16 Pero m’avait emmené dans l’après-midi et le soir, il était
17 revenu, ledit Pero, l’un des frères Samardzic et Pero. Ils
18 portaient des bouteilles de bière et des assiettes avec un
19 rôti, et comme il me connaissait bien, il m’avait demandé
20 comment ça allait et il m’avait demandé où était ma
21 famille. Il m’avait proposé de manger. Je lui ai dit :
22 « Non, non, je ne peux pas manger ni boire. »
23 Il avait pris de l’embonpoint et il avait une
24 barbe de plusieurs jours. Il avait une toque monténégrine
25 avec des pendentifs et des armes et je n’ai plus revu Pero
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1 par la suite et il avait eu un accident juste après, il me
2 semble. Son revolver était tombé et puis il est mort
3 ainsi. Je crois que c’était en date du 12 ou 13 décembre.
4 D’autres personnes ont pris en charge le poste de
5 police. D’autres ont pris le commandement au niveau du
6 motel et ainsi de suite.
7 Q. Parlons maintenant du commandement au niveau
8 du motel. D’abord, le 3 décembre, lorsque vous aviez vu
9 Pero Elez, vous avez dit qu’il avait une toque monténégrine
10 avec des pendentifs. Quel était l’uniforme qu’il portait
11 et quels étaient les insignes qu’il avait ?
12 R. Eh bien, j’avais un peu peur de ces uniformes
13 bigarrés. Je n’ai pas trop prêté attention.
14 Q. Pourriez-vous nous dire quoi que ce soit
15 concernant le groupe de personnes qu’il dirigeait à
16 l’époque ? Est-ce qu’il y avait quelque chose de commun,
17 enfin, dans ce groupe et de différent par rapport aux
18 autres ?
19 R. Eh bien, dans cette localité de Miljevina, il
20 y avait une formation correspondant à un bataillon et dans
21 cette formation, il y avait une compagnie à part. Il y
22 avait donc des personnes triées qui accomplissaient des
23 tâches qu’on estimait qu’elles étaient capables de faire.
24 Ils avaient des uniformes spécifiques.
25 Q. Allez-y, allez-y, continuez.
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1 R. Ils avaient sur leurs manches une brodure,
2 enfin, un texte brodé, « Vojvoda Gingilo », et des insignes
3 que je n’ai pas reconnus.
4 Q. Vojvoda Gingilo, ça signifie quelque chose ?
5 Est-ce que l’on peut traduire ? C’est peut-être une
6 question aux interprètes. Est-ce que vous savez nous dire
7 ce que cela signifie ?
8 R. Non. C’est ce que j’ai lu. Je ne sais pas
9 ce que cela veut dire. J’ai lu ce que j’ai pu lire.
10 Q. Fort bien ! Y avait-il d’autres insignes,
11 des animaux ou des oiseaux reproduits sur ces emblèmes,
12 exception faite de cette appellation Vojvoda Gingilo ?
13 R. Eh bien, à l’époque, ils utilisaient, je ne
14 sais pas trop, pas mal d’insignes. Il y avait deux aigles.
15 Enfin, tous les insignes existant jusque là avaient disparu
16 et on voyait AP, par exemple, et on enlevait les insignes
17 précédents sur les couvre-chefs et on mettait d’autres
18 insignes, de nouveaux insignes.
19 Q. Cette étoile de l’ex-JNA, vous avez dit qu’il
20 s’agissait des uniformes de la JNA et que l’on revêtait de
21 nouveaux insignes, de nouveaux emblèmes ?
22 R. Je ne saurais vous le dire.
23 Q. Bien ! Monsieur, pendant que vous étiez à
24 Miljevina, est-ce que vous avez eu vent d’une maison qui
25 appartenait à un certain Karaman ?
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1 R. Oui.
2 Q. Il était Musulman, n’est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Quand vous êtes arrivé à Miljevina, est-ce
5 que l’on vous a raconté que Monsieur Karaman s’y trouvait
6 encore ou alors sa maison était-elle utilisée par d’autres
7 personnes à d’autres fins ?
8 R. Eh bien, à mon arrivée dans ce poste de
9 police en 1992, le 3 décembre, il faisait très beau, par
10 exemple, ce jour-là, et Nikola Rasic que je connaissais
11 bien, qui avait été policier et qui avait été mis en
12 retraite juste avant la guerre, il n’osait rien commenter
13 pendant que Pero était là.
14 Il avait demandé : « Que voulez-vous que je fasse
15 avec lui », et l’autre lui a dit : « Installe-le avec
16 Cadzo. » Il ne savait même pas qui était Cadzo. Il ne
17 savait pas où m’installer. Alors, il leur a dit :
18 « Apportez-nous à manger du motel et tous les jours,
19 quelqu’un viendra le chercher et tous les soirs, quelqu’un
20 le ramènera. » C’était l’ordre qui avait été délivré. Il
21 s’est assis dans sa Golf et il est parti.
22 Nikola avait été surpris après son départ, étant
23 donné que nous nous connaissions bien et il m’avait
24 demandé : « Comment se fait-il que tu sois là ? Où est ton
25 fils ? », parce que sa fille à lui et mon fils avaient été
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1 ensemble à l’école et j’ai commencé à lui raconter qu’il se
2 trouvait au centre de détention et le soir commençait à
3 tomber.
4 Alors, il m’a dit : « Va dans la pièce. Je vais
5 amener à manger. » Il y avait des bois à côté et il avait
6 rangé cela à côté du poste et quelqu’un l’avait suivi. Je
7 pense que c’était le Cadzo. Nous sommes entrés dans cette
8 pièce. Nikola nous a enfermés à clé et il est parti dîner
9 et nous avions échangé quelques paroles.
10 Il m’avait demandé qui j’étais. J’en ai fait de
11 même quand il m’avait dit que son père était Kurtovic et
12 que sa mère s’appelait Suljus et sa soeur avait épousé un
13 certain Zelovic. Il était une sorte de bonne à tout faire
14 dans ce poste. Il était homme, enfin, de courses et il
15 faisait des sauts jusque chez sa sœur pour se faire laver
16 des affaires et c’est lui qui m’a raconté que sa sœur lui
17 avait raconté des choses à propos de la maison de Karaman
18 et des gens qui y habitaient et qu’on y amenait des jeunes
19 filles musulmanes et dans le motel.
20 Q. Vous a-t-on raconté quelle avait été la
21 finalité de cette collecte de filles musulmanes vers cette
22 maison ?
23 R. On sait pourquoi. Il s’agissait donc de
24 mauvais traitements sexuels notamment et rien d’autre.
25 Q. Pendant que vous étiez à Miljevina, est-ce
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1 que vous avez pu apprendre ou savoir si des appartements
2 musulmans se trouvaient à proximité du poste de police de
3 Miljevina ?
4 R. Oui. Nous nous trouvions juste à côté d’un
5 immeuble où il y avait eu plusieurs logements musulmans et
6 comme on entrait dans cet immeuble du côté où se trouvait
7 la fenêtre de la pièce où je dormais, je ne sais plus si
8 c’était le deuxième et le troisième ou le troisième et le
9 quatrième étage, je n’en suis pas certain, il y avait là
10 deux frères qui vivaient, des Samardzic, qui avaient été
11 emprisonnés avant la guerre, Nikola et Nedzo, et alors, ils
12 avaient aussi chacun une jeune fille musulmane avec eux.
13 Q. Étaient-ils Serbes ou Musulmans ?
14 R. Serbes.
15 Q. Vous croyez savoir qu’il y avait des jeunes
16 filles musulmanes dans cet appartement ?
17 R. Oui. Je viens de vous dire qu’il y avait
18 deux Musulmanes avec.
19 Q. Oui, je comprends. Vous avez pu les voir de
20 là où vous vous trouviez ?
21 R. Oui. Quand il faisait beau, je n’osais pas
22 contacter par la fenêtre, mais j’ai pu les voir à la
23 fenêtre debout.
24 Q. Fort bien ! Pendant que vous étiez au poste
25 de police de Miljevina, avez-vous pu écouter la radio de
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1 temps en temps ?
2 R. Oui. Dans ce centre de détention, nous
3 n’avons pas eu l’occasion de le faire et quand on a eu
4 l’occasion de le faire, c’était en cachette parce que nous
5 étions tous artisans, nous savions faire…
6 Me RYNEVELD (interprétation) : Je ne reçois pas
7 de traduction dans mes écouteurs en ce moment.
8 Q. Pendant que vous le faisiez, est-ce que vous
9 avez appris que le nom de Foca avait été changé et que ça
10 s’appelait Srbinje désormais ?
11 R. Oui. Nikola, qui était un homme assez bon,
12 très droit et il nous apportait sa propre radio quand il
13 était de service et c’est là que nous avons pu écouter la
14 radio et apprendre, enfin, ce qui se passait et une
15 histoire a circulé. On parlait d’une interview relative à
16 l’examen de l’appellation de la ville à l’assemblée
17 municipale et beaucoup de personnes avaient accepté ce nom
18 de Srbinje et il y avait des gens qui s’y étaient opposés
19 et l’assemblée a fini par adopter ce changement
20 d’appellation, ce qui fait que Foca est devenue Srbinje.
21 Mais on remarquait bien qu’il y avait même des
22 citoyens de chez eux, enfin, des leurs qui étaient
23 révoltés. En allant vers Kosavina ou en revenant, on
24 pouvait voir que quelqu’un avait barré avec une peinture
25 noire l’inscription « Srbinje ». Donc, même eux n’étaient
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1 pas tous d’accord avec ce changement d’appellation de
2 Srbinje.
3 Q. En fait, lorsque vous reveniez vers Foca,
4 vers cet établissement de détention, suite à l’incident
5 relatif au changement d’appellation, est-ce que vous avez
6 pu remarquer les inscriptions où on a barré « Foca » et on
7 avait mis « Srbinje » ?
8 R. Non. Ils avaient changé les panneaux
9 d’inscription tout de suite.
10 Q. Lorsque vous traversiez Foca pour rentrer,
11 vous avez vu d’autres maisons incendiées aussi ?
12 R. Certes, pratiquement pendant toute cette
13 période de détention, et la chose était devenue plus rare
14 avant que nous ne partions. Mais pendant toute cette
15 détention, on pouvait voir une, deux, trois maisons
16 d’incendiées.
17 Q. D’après vos connaissances relatives à Foca
18 puisque vous y avez vécu pendant 20 ans environ, vous
19 sauriez peut-être nous dire à qui appartenaient les maisons
20 détruites, non pas par leurs noms mais du fait de
21 l’appartenance ethnique ?
22 R. Il est facile de répondre. C’était à 99 pour
23 cent des maisons musulmanes. On peut compter ça et là
24 quelques maisons serbes. On a peut-être incendié quelques-
25 unes des maisons serbes accidentellement, mais à 99 pour
Page 2134
1 cent, c’est des maisons musulmanes.
2 Q. Qu’est-il advenu des mosquées de Foca ?
3 Avez-vous remarqué ce qu’il était arrivé à ces mosquées ?
4 R. Les mosquées que j’avais pu voir moi-même, la
5 Careva (ph.) dzamija avait été incendiée avant que je n’aie
6 été emmené. Il est resté la mosquée Aladza, celle de la
7 gare routière, mais je sais que la mosquée Careva a été
8 incendiée avant que je n’aie été emmené vers
9 l’établissement pénitentiaire. Mais j’ai appris par la
10 suite qu’on avait miné les autres ultérieurement.
11 Q. Alors, la mosquée Aladza, est-ce que vous
12 savez ce qui lui est arrivé ?
13 R. Oui. Elle avait été minée. Je ne sais pas
14 exactement quand, mais en une occasion, on m’avait fait
15 sortir pour charger des affaires près du pont Cehotina et
16 j’ai remarqué à ce moment que la mosquée de Aladza
17 n’existait plus, qu’elle avait été rasée et c’est tout ce
18 que je pourrais dire à propos de cette mosquée. Les
19 matériaux de construction ont été transportés plus bas,
20 enfin, en contrebas de ce centre de détention où je m’étais
21 trouvé et ailleurs.
22 Q. Avez-vous pu voir en une occasion quelconque
23 quoi que ce soit de propre à cette mosquée Aladza à
24 proximité du centre de détention près de la rivière ?
25 R. Je sortais souvent jusqu’aux fourgonnettes
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1 garées qui se trouvaient derrière la route sur le parking
2 et c’est à peu près là que l’on déversait tous les restes.
3 Et comme il n’y avait pas assez de pièces, je devais
4 enlever des pièces détachées de vieilles fourgonnettes et
5 j’ai vu des blocs de mosquée. J’ai vu trois piliers avec
6 les reliefs, et avec Sefko Kubat (ph.), nous avons chargé
7 ces trois piliers peints en vert et les avons amenés vers
8 la cour.
9 Q. Bien !
10 Me RYNEVELD (interprétation) : Madame la
11 Présidente, je regarde la montre et je crois pouvoir vous
12 dire qu’il me faut encore 15 minutes pour l’interrogatoire
13 principal. Je propose de reprendre demain et je voudrais
14 informer les juges que nous avons envisagé deux témoins
15 seulement pour aujourd’hui et demain et il se peut que nous
16 finissions demain un peu avant l’heure.
17 Nous ne voulons pas risquer le fait d’amener un
18 autre témoin qui est victime et d’entamer pendant une heure
19 ou deux, puis de le garder quatre jours pendant les
20 journées fériées. Je m’excuse si nos calculs ont été
21 erronés pour ce qui est de la durée de l’interrogatoire et
22 du contre-interrogatoire de ce témoin, mais je pense que
23 nous allons probablement terminer dans la matinée avec ce
24 témoin et je ne sais pas quel est le temps nécessaire pour
25 nos collègues quant au contre-interrogatoire.
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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, c’est
2 votre dernier témoin ?
3 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui.
4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous allons
5 interrompre maintenant et reprendre demain à 9 h 30.
6 --- L’audience est levée à 16 h 00
7 pour reprendre le jeudi
8 20 avril 2000 à 9 h 30
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