Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 [Le mardi 25 avril 2000]

2 [Audience publique]

3 [Les accusés entrent dans la Cour]

4 [Le témoin entre dans la Cour]

5 --- L’audience débute à 9 h 33

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame la

7 Greffière.

8 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T,

9 Le Procureur contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et

10 Zoran Vukovic.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : J’aimerais

12 demander à Monsieur Kunarac : Est-ce que vous entendez les

13 procédures ? Comprenez-vous ce que vous entendez ?

14 L’ACCUSÉ KUNARAC : Oui, Madame la Présidente.

15 L’ACCUSÉ KOVAC : Oui, Madame la Présidente, je

16 peux suivre.

17 L’ACCUSÉ VUKOVIC : Oui, Madame la Présidente, je

18 peux suivre.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

20 Alors, avant d’entamer les procédures, bonjour

21 Madame le Témoin. Pourriez-vous faire une déclaration

22 solennelle, s’il vous plaît ?

23 Micro, s’il vous plaît.

24 L’INTERPRÈTE : L’interprète français n’a pas

25 entendu la déclaration du témoin.

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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vais

2 demander au témoin de recommencer s’il vous plaît.

3 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare

4 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

5 rien que la vérité.

6 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Avant de

7 commencer avec les questions, j’ai une question concernant

8 les mesures protégées. En date du 5 octobre 1998, la

9 Chambre a ordonné à ce que ce témoin soit entendu en

10 session privé. Par contre, après avoir clarifié cette

11 question après la fin de semaine, le témoin ne le demande

12 plus mais trouve qu’il est suffisant de témoigner avec

13 l’altération des traits du visage et l’altération de la

14 voix. Alors, j’aimerais maintenant changer ou amender ou

15 modifier cet ordre protégé.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

17 Je crois que la Défense a compris la requête de

18 l’Accusation. Est-ce que je pourrais avoir votre réaction,

19 s’il vous plaît ?

20 Me PRODANOVIC (interprétation) : Non, Madame la

21 Présidente, nous n’avons aucune objection.

22 Me KOLESAR (interprétation) : Non, Madame la

23 Présidente, aucune objection.

24 Me JOVANOVIC (interprétation) : Non, Madame la

25 Présidente, aucune objection.

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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

2 Nous pouvons poursuivre. La requête est accordée.

3 TÉMOIN : TÉMOIN 95 (ASSERMENTÉE)

4 INTERROGÉE PAR

5 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

6 Q. Bonjour, Madame le Témoin.

7 R. Bonjour.

8 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Avec l’aide

9 de l’Huissier, j’aimerais demander de présenter la pièce à

10 conviction de l’Accusation 200. C’est une feuille de

11 papier qui devrait se trouver devant tout le monde et

12 j’aimerais à ce que l’on verse ce document au dossier.

13 LA GREFFIÈRE : Il s’agit de la pièce à conviction

14 du Procureur 200. Elle est enregistrée de façon

15 confidentielle.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

17 Q. Madame le Témoin, pourriez-vous jeter un coup

18 d’œil sur la feuille qui se trouve devant vous et pourriez-

19 vous s’il vous plaît confirmer le nom, le prénom et le…

20 voulez-vous bien confirmer que le prénom qui se trouve à la

21 deuxième ligne de cette feuille est bien le vôtre ?

22 R. Oui, c’est exact.

23 Q. Et pourriez-vous confirmer la date qui se

24 trouve à côté de votre prénom ? Est-ce que c’est bien

25 votre date de naissance ?

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1 R. Oui, c’est exact.

2 Q. Où êtes-vous née ?

3 R. À Foca.

4 Q. Êtes-vous mariée ?

5 R. Oui.

6 Q. Étiez-vous mariée avant le début de la

7 guerre ?

8 R. Oui.

9 Q. Avez-vous des enfants ?

10 R. Oui.

11 Q. Combien d’enfants avez-vous ?

12 R. Deux.

13 Q. Quel âge avaient vos enfants pendant les

14 événements ?

15 R. Ma fille avait un an et demi et mon fils,

16 trois ans.

17 Q. Quel âge aviez-vous pendant les événements ?

18 R. Vingt-sept ans.

19 Q. Quelle est votre appartenance ethnique ?

20 R. Je suis de confession musulmane.

21 Q. Où habitiez-vous avant la guerre ?

22 R. À Mjesaja.

23 Q. Est-ce que Mjesaja est un quartier mixte avec

24 des Serbes et des Musulmans ?

25 R. Non. C’était un village exclusivement

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1 musulman quoiqu’il y avait des Serbes dans les villages

2 avoisinants.

3 Q. Où était situé votre maison dans ce village ?

4 R. Ma maison était située à environ 100 mètres

5 ou 150 mètres de la route, au-dessus du hameau Buk Bijela.

6 Q. Avant la guerre, est-ce que vous

7 travailliez ?

8 R. Oui.

9 Q. Où travailliez-vous ?

10 R. À Brod. C’était une usine de meuble.

11 Q. À quel moment vous êtes-vous rendue au

12 travail pour la dernière fois avant la guerre ?

13 R. Le 7 avril.

14 Q. Est-ce que vous avez en fait travaillé ce

15 jour-là ?

16 R. Non.

17 Q. Pourquoi pas ?

18 R. Parce qu’il y avait peu d’employés et nous

19 avons reçu l’ordre de retourner à la maison car il n’y

20 avait pas de travail pour ce jour-là.

21 Q. À quel moment la guerre a-t-elle débuté à

22 Foca ?

23 R. Le 8 avril.

24 Q. Avez-vous entendu quelque chose comme des

25 sons de pilonnage ou des tirs ?

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1 R. Eh bien, nous avons pu entendre des tirs,

2 quoique je n’ai rien vu.

3 Q. Pendant les mois qui ont suivi, êtes-vous

4 demeurée dans votre village ?

5 R. Oui.

6 Q. Avez-vous vu des soldats pendant cette

7 période ?

8 R. Eh bien, dans le village, non, pas

9 jusqu’avant que le village ne soit attaqué, mais puisque la

10 route était tout proche, la route qui menait vers Gorazde,

11 nous pouvions voir des soldats défilés dans les camions.

12 Q. Quel genre de soldats étaient-ils ? Est-ce

13 que vous étiez en mesure de les distinguer ?

14 R. En fait, à l’époque, je n’y pensais pas

15 vraiment. Ils portaient des uniformes et je ne pensais pas

16 à rien de particulier.

17 Q. Les villages musulmans et les hommes qui se

18 trouvaient dans les villages musulmans, est-ce que ces

19 hommes portaient des uniformes et avaient-ils des armes ?

20 R. Il y avait quelques armes mais les hommes ne

21 portaient pas d’uniforme.

22 Q. Quel genre d’armes étaient présentes ? Est-

23 ce que c’était des fusils automatiques ? Est-ce que

24 c’était des fusils de chasse ?

25 R. Il y avait également des fusils automatiques,

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1 d’après les dires de certains, quoique j’avais de tout-

2 petits enfants et je n’avais pas vraiment le temps de

3 porter attention à cela, mais il y avait également des

4 fusils automatiques.

5 Q. Est-ce que les villages musulmans ont gardé

6 ces armes jusqu’au début de la guerre ?

7 R. D’après les dires de certains, certes,

8 quelques armes ont été remises puisque l’ordre avait été

9 reçu. Donc, certaines armes ont été remises mais peu

10 d’armes en fait. Il s’agissait de peu d’armes.

11 Q. Qui a ordonné les remises de ces armes ?

12 Est-ce que vous le savez ?

13 R. Je ne sais pas exactement, mais je sais que

14 Cosovic, Dragan venait avec eux. Je ne sais pas qui était

15 avec eux puisque les armes n’ont pas été remises tout près

16 de la maison. Donc, moi, je n’allais pas à l’endroit où on

17 remettait les armes puisque ma petite fille était beaucoup

18 trop petite pour marcher.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui,

20 Monsieur Jovanovic.

21 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

22 Présidente, j’entends une certaine distorsion. J’entends

23 mon éminente collègue de l’Accusation et au lieu d’entendre

24 la réponse du témoin, j’entends le traducteur ou

25 l’interprète. Alors, je ne sais pas si c’est possible de

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1 faire le changement et je crois qu’il s’agit d’un problème

2 technique. Est-ce qu’on pourrait le régler, s’il vous

3 plaît ? Sinon, je vais suivre la traduction de

4 l’interprète.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous

6 pourrions peut-être demander à Madame la Greffière de

7 s’occuper de cela.

8 LA GREFFIÈRE : Me Jovanovic, vous avez un bouton

9 sur votre bureau qui vous indique de tourner le volume à

10 minimum.

11 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci. Je vais

12 essayer. Je crois qu’il y a une interruption.

13 Merci, Madame la Présidente. Je suis désolé

14 d’avoir interrompu l’interrogatoire.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

16 Nous allons poursuivre.

17 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

18 Q. À quel moment votre village a-t-il été

19 attaqué ?

20 R. Le 3 juillet.

21 Q. De quelle année ?

22 R. 1992.

23 Q. Où étiez-vous à ce moment-là ?

24 R. Dans une forêt avoisinante qui se trouvait

25 juste au-dessus de ma maison.

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1 Q. Quelle est la raison pour laquelle vous étiez

2 dans la forêt et non pas dans votre maison ?

3 R. Parce que tous les gens se sentaient très

4 insécures puisque nous pouvions voir le village qui se

5 trouvait de l’autre côté de la Drina qui était incendié.

6 Nous pouvions voir la fumée et donc, on se sentait plus en

7 sécurité dans la forêt.

8 Q. Savez-vous quel était le nom de ce village

9 qui était incendié ?

10 R. Kum.

11 Q. Est-ce que c’était un village musulman ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous craigniez que Mjesaja soit

14 également attaquée ?

15 R. Oui.

16 Q. Ne donnez pas des noms, s’il vous plaît, mais

17 combien y avait-il de gens qui se cachaient dans la forêt

18 avec vous ?

19 R. Dix-neuf… pardon, 21 personnes. Dans ce

20 groupe, il y avait 21 personnes.

21 Q. Combien de femmes et d’enfants et combien

22 d’hommes : Est-ce que vous le savez ?

23 R. Eh bien, je sais mais il faudrait que j’y…

24 j’ai besoin d’un peu de temps pour les compter tous. Il y

25 avait six personnes. Il y avait six hommes, six femmes et

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1 pour le reste, c’était des enfants.

2 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît jeter un coup

3 d’œil sur la liste qui se trouve devant vous et sans nous

4 donner des noms, pourriez-vous nous dire si les noms qui se

5 trouvent sur cette liste, est-ce que c’était des gens qui

6 se trouvaient au sein de votre groupe ?

7 R. Oui, le numéro 50, 51… 50 et 51, en fait.

8 Q. À part de votre groupe à vous, y avait-il

9 d’autres villageois du village de Mjesaja cachés dans la

10 forêt ?

11 R. Oui.

12 Q. Pourriez-vous nous décrire s’il vous plaît

13 l’attaque ?

14 R. À 6 h 15 du matin, alors qu’on dormait dans

15 cette tente qui se trouvait juste au-dessus de ma maison,

16 on a entendu des coups de feu. Je ne sais pas combien de

17 temps après mais peu de temps après, mon beau-père est

18 sorti et son frère pour aller faire du café et c’est à ce

19 moment-là qu’il restait maintenant 19 personnes. On a

20 entendu des coups de feu. Nous nous sommes retirés vers

21 Grabic, c’est-à-dire en direction des maisons serbes,

22 puisqu’on pensait qu’on serait beaucoup plus en sécurité

23 dans les parages et c’est là que nous sommes restés jusqu’à

24 la nuit.

25 Q. Combien de temps est-ce que ces tirs ont

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1 duré, les coups de feu que vous avez entendus ?

2 R. Je ne sais pas exactement combien de temps

3 puisque c’était quand même il y a huit ans, mais cela

4 aurait pu durer une heure et demie ou deux heures que cet

5 échange de coups de feu a duré, donc pendant une heure et

6 demie, deux heures, et les maisons étaient incendiées

7 également.

8 Q. Est-ce que vous pourriez entendre de quelle

9 direction provenaient les coups de feu et où ils étaient

10 dirigés ?

11 R. Les coups de feu provenaient de partout et

12 ils étaient dirigés vers le centre-ville.

13 Q. C’est donc là où se trouvaient ces maisons

14 musulmanes ? C’est ce que vous avez dit au début.

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de voir les

17 soldats qui tiraient ou est-ce que vous ne faisiez

18 qu’entendre ces tirs ?

19 R. Non. Je n’ai pas vu les soldats mais je

20 pouvais entendre les coups de feu et je voyais la fumée des

21 maisons incendiées.

22 Q. Vous dites que les maisons étaient

23 incendiées. Est-ce que vous pouviez voir les maisons en

24 train d’être incendiées ou vous pouviez seulement voir la

25 fumée qui provenait de ces maisons ?

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1 R. On ne voyait que la fumée. On entendait les

2 détonations du toit. Par contre, les maisons avoisinantes

3 qui se trouvaient… qui étaient fait… des maisons qui

4 étaient tout près, on pouvait voir les flammes. Par

5 contre, les maisons qui étaient un peu plus éloignées, on

6 ne voyait que la fumée. Donc, les maisons de Trosanj

7 brûlaient. Donc, on pouvait voir les flammes.

8 Q. Est-ce que c’était des maisons sélectionnées

9 ou toutes les maisons étaient incendiées ?

10 R. Toutes les maisons étaient incendiées. Il y

11 a seulement la mienne qui était restée intacte et Cosovic…

12 la maison de Cosovic – il vivait à Dubrovnik – n’a pas été

13 atteinte. Et ma maison est encore là.

14 Q. À quel moment est-ce que votre groupe a été

15 trouvé ou détecté ?

16 R. Le lendemain.

17 Q. De quelle façon votre groupe a été repéré ?

18 R. Eh bien, tout à fait… c’est tout à fait par

19 chance. Je ne vais pas donner le nom de ce voisin

20 puisqu’il est peut-être en danger également. Il…

21 Q. Oui. Allez-y.

22 R. Il nous a vus et il a dit : « La seule chose

23 à faire est de nous rendre puisque nous serons tous amenés

24 vers le Monténégro. » C’est ce que nous avons fait. Nous

25 sommes arrivés près de la maison de Dragan Cosovic – il

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1 travaillait avec moi à l’usine de meubles – et c’est de là

2 qu’ils nous ont amenés à Buk Bijela. Ils nous ont amenés

3 dans les baraques.

4 Q. Est-ce que les 19 personnes qui étaient dans

5 votre groupe se sont toutes rendues près de cette maison ?

6 R. Non, en fait.

7 Q. Pourriez-vous nous dire s’il vous plaît qui

8 ne s’est pas rendu et la raison pour laquelle vous vous

9 êtes divisés ou séparés ?

10 R. Eh bien, puisque nous avons pensé que les

11 jeunes hommes seraient peut-être tués, les jeunes hommes

12 ont décidé de se séparer. Parmi eux se trouvaient donc mon

13 mari et son frère (expurgé).

14 Q. Ne donnez pas de noms, s’il vous plaît.

15 R. Oui. Très bien !

16 Q. Alors, au moment où vous vous êtes rendus, y

17 avait-il des hommes avec vous ?

18 R. Oui. J’avais mon beau-père (expurgé)

19 (expurgée)

20 Q. Madame, essayez de ne pas donner de noms,

21 s’il vous plaît.

22 R. Oui. Je m’excuse.

23 Q. Vous avez mentionné Dragan Cosovic. Lorsque

24 vous l’avez rencontré, est-ce qu’il portait un uniforme ?

25 Était-il armé ? Était-il seul ou y avait-il d’autres

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1 soldats avec lui ?

2 R. Il était armé. Il portait des armes et il

3 portait un uniforme. Et il y avait également deux autres

4 hommes avec lui qui s’étaient présentés comme étant membres

5 de la police serbe.

6 Q. Connaissiez-vous ces gens d’auparavant et

7 pourriez-vous nous dire de qui s’agissait-il ?

8 R. Non, je ne les connaissais pas.

9 Q. Vous avez mentionné les hommes qui étaient

10 avec vous. Que s’est-il passé ? Qu’est-il arrivé avec ces

11 deux hommes ?

12 R. Il les ont emmenés et nous n’avons plus

13 jamais obtenu d’information précise en ce qui a trait à

14 leur sort, quoique mon beau-père me disait, d’après les

15 dires des gens qui étaient au KP Dom, le 17e jour, ils ont

16 été emmenés pour un interrogatoire et on ne les a plus

17 jamais revus.

18 Q. Cela veut dire que vous n’avez plus jamais

19 entendu… vous ne savez pas ce qui leur est arrivé à vos

20 deux cousins ?

21 R. Oui.

22 Q. Donc, que pensez-vous ? Qu’est-ce qu’il leur

23 est arrivé ?

24 R. Je crois qu’il y a 90 pour cent de chance

25 qu’ils soient tués.

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1 Q. Y avait-il d’autres membres de votre famille

2 qui ont été tués pendant les événements ou qui sont

3 manquants ?

4 R. Je ne comprends pas la question. Pourriez-

5 vous répéter s’il vous plaît ? Voulez-vous dire ce jour-là

6 ou est-ce que vous parlez de la guerre en général ?

7 Q. Pendant la guerre.

8 R. Pendant la guerre, eh bien, les membres de ma

9 famille… nous avons perdu plusieurs membres de ma famille,

10 en fait, 25 personnes.

11 Q. Vous avez dit que les femmes et les enfants

12 ont été amenés à Buk Bijela. De quelle façon est-ce qu’on

13 vous y a emmenée ?

14 R. On nous a dit de les suivre. Par la suite,

15 deux ou trois hommes se sont présentés. Je ne suis pas

16 trop sûre du nombre. Ils nous ont dit de les suivre et ils

17 nous ont dit qu’un autobus viendrait nous prendre. Par

18 contre, l’autobus est arrivé seulement le lendemain.

19 Q. Quand vous dites « hommes », quand vous

20 parlez d’hommes, parlez-vous de soldats ou parlez-vous de

21 personnes portant des vêtements civils ?

22 R. Non. Ce n’était pas des hommes en civil,

23 c’était des soldats.

24 Q. À quel moment êtes-vous arrivés ? Pourriez-

25 vous nous le dire : l’heure approximative à laquelle vous

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1 êtes arrivés à Buk Bijela ?

2 R. Quelle heure ? Eh bien, je ne me souviens

3 plus exactement de l’heure mais il devait être tout près de

4 midi.

5 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Avec l’aide

6 de l’Huissier, j’aimerais que soit montrée au témoin la

7 pièce 11, la photo 7416. C’est un agrandissement de la

8 dite photo.

9 Q. Madame, pourriez-vous nous dire ce que vous

10 voyez ?

11 R. Eh bien, je vois les huttes ou baraques à Buk

12 Bijela.

13 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Monsieur

14 l’Huissier, pourriez-vous passer la pièce sur le

15 rétroprojecteur ?

16 Q. Madame, pourriez-vous nous montrer l’endroit

17 où vous avez été placée à Buk Bijela ?

18 R. J’ai quelques difficultés à m’orienter. Un

19 petit instant. Je ne suis pas sûre à 100 pour cent mais je

20 pense qu’il s’agissait de ce bâtiment-ci [indication du

21 témoin]. Effectivement, c’est bien lui.

22 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Aux fins du

23 compte-rendu d’audience, je précise que le témoin indique

24 une maison au toit blanc qui se trouve au centre de la

25 photo.

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1 Q. Est-ce que vous avez vu des soldats à Buk

2 Bijela ?

3 R. Oui.

4 Q. Combien de soldats avez-vous vus ?

5 R. Difficile de répondre à cette question. En

6 effet… attendez. Je dirais une dizaine.

7 Q. Est-ce que vous connaissiez ces soldats ?

8 Est-ce que c’était des personnes originaires de Mjesaja ou

9 bien est-ce que vous les connaissiez pour une autre

10 raison ?

11 R. Non, je ne les connaissais pas. Même si je

12 sais qu’il y a des gens qui étaient en uniforme qui

13 venaient d’un village de la région, deux d’entre eux

14 étaient originaires de là mais je ne me souviens pas de

15 leurs noms.

16 Q. Combien de temps avez-vous passé à Buk

17 Bijela ?

18 R. Une nuit.

19 Q. Alors que vous vous trouviez à Buk Bijela,

20 est-ce que vous avez été interrogée ?

21 R. Oui.

22 Q. À quel moment s’est passé cet

23 interrogatoire ?

24 R. Le 4 juillet… non, je me trompe. Je

25 m’excuse. Le 5.

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1 Q. Et qui a procédé à l’interrogatoire ? Sur

2 quoi portait cet interrogatoire ?

3 R. Tuta m’a interrogée. Je ne me souviens pas

4 de son nom véritable. Je crois qu’il s’appelait Janko

5 quelque chose. Je ne me souviens plus de son nom de

6 famille. Qu’est-ce qu’il m’a posé comme question ? Il m’a

7 demandé qui avait ordonné les tirs, qui avait emmené les

8 armes. Il m’a demandé où se trouvaient les autres, ce

9 genre de choses.

10 Q. Est-ce qu’il vous a maltraitée ? Est-ce que

11 vous avez été à cause de lui victime du sévice quelconque ?

12 R. Effectivement, c’est bien ce qu’on pourrait

13 dire.

14 Q. Et qu’a-t-il fait exactement ?

15 R. D’abord, il m’a pris l’or que j’avais, les

16 cigarettes que j’avais ainsi que l’argent. J’avais un peu

17 d’argent. Le peu que j’avais, il me l’a pris. Parce qu’on

18 faisait des échanges de devises, je ne sais pas exactement

19 combien d’argent j’avais.

20 Q. Est-ce qu’il a manifesté de l’agressivité

21 d’une façon ou d’une autre ?

22 R. Oui, il était agressif.

23 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire son

24 comportement ?

25 R. Bien sûr que je pourrais le faire mais vous

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1 savez, il m’est difficile de parler de tout cela. Il est

2 difficile de se remémorer tout ça ou en tout cas d’en

3 parler parce qu’il m’a parlé en m’insultant. Il m’a dit :

4 « Qu’est-ce que tu veux, espèce de balija ? Qu’est-ce que

5 tu fais ? » Et puis, il avait des paroles très dures à mon

6 égard.

7 Q. Est-ce que vous le connaissiez déjà avant la

8 guerre ?

9 R. Non.

10 Q. Et comment avez-vous appris que son alias,

11 son surnom c’était Tuta ?

12 R. Eh bien, par ses amis. C’est comme ça qu’ils

13 s’adressaient à lui.

14 Q. Est-ce que vous avez la seule à être

15 interrogée ou est-ce que d’autres personnes ont également

16 subi un interrogatoire ?

17 R. Les autres ont été interrogés aussi.

18 Q. Est-ce que vous les avez vus au moment où on

19 les aurait emmenés pour un interrogatoire ou bien est-ce

20 que cet interrogatoire s’est déroulé sous vos yeux ?

21 R. Non. On les a amenés dans d’autres pièces.

22 Q. Est-ce que parmi les femmes qui ont été

23 amenées dans d’autres pièces certaines ont subi des sévices

24 sexuels, des violences sexuelles ?

25 R. Oui.

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1 Q. Sans donner de noms précis, est-ce que vous

2 pourriez nous dire si parmi les femmes figurant dans la

3 liste que vous avez sous les yeux, il y en a de ces femmes

4 qui ont subi ces violences ? Quel serait le numéro qui

5 leur a été donné ?

6 R. Le numéro 50 notamment.

7 Q. Comment le savez-vous ? Est-ce que cette

8 femme-là vous l’a dit ?

9 R. Non, elle ne me l’a pas dit, mais lorsque

10 j’ai vu son visage, j’ai vu ce qui s’était passé. C’était

11 une jeune fille et à son retour, elle était en pleurs.

12 Elle vraiment faisait une impression terrible.

13 Q. Est-ce que vous avez fourni une déclaration à

14 des membres du Bureau du Procureur par le passé ?

15 R. Je ne comprends pas bien votre question,

16 Madame.

17 Q. Est-ce que vous vous êtes entretenue avec des

18 représentants du Bureau du Procureur auparavant ? Est-ce

19 que vous leur aviez fourni une déclaration préalable ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous avez parlé de ces violences

22 sexuelles infligées au Témoin numéro 50 auparavant à

23 l’occasion de ces entretiens avec le Bureau du Procureur ?

24 R. Je pense que je l’ai fait, effectivement.

25 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : J’aimerais

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1 montrer au témoin une déclaration préalable qu’elle a

2 fournie.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

4 prie.

5 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je pense que

6 le Greffe dispose de cette déclaration préalable.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :

8 Effectivement. Quelle est la date de cette déclaration ?

9 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Cette pièce

10 porte la cote 75 ainsi que la cote 76.

11 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous pourriez

12 examiner la pièce 75, tout d’abord ? Vous voyez qu’à la

13 première page est apposée une signature. Est-ce la vôtre

14 au bas de la page ? Madame, il faudrait que vous examiniez

15 la version en anglais.

16 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je précise à

17 l’intention du Greffe qu’il faudra aussi fournir la version

18 en anglais à ce témoin afin que soit vérifiée

19 l’authenticité de la signature.

20 R. Je ne la vois pas.

21 Q. C’est parce que vous avez la traduction et

22 non pas l’original, Madame.

23 R. Effectivement, c’est bien ma signature.

24 Q. Regardez vers le milieu de cette page. On y

25 voit une date : « du 9 au 11 février 1996 ». Est-ce à ce

Page 2201

1 moment-là que vous avez été interrogée pour la première

2 fois par des représentants du Bureau du Procureur ?

3 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais

4 je présume que c’est bien à ce moment-là que j’ai fourni ma

5 déclaration préalable.

6 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je

7 demanderais le versement au dossier de ladite pièce.

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous voulez

9 parler de la pièce 75 ?

10 Y a-t-il des objections de la part de la Défense ?

11 Me PRODANOVIC (interprétation) : Non.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar.

13 Me KOLESAR (interprétation) : Non, Madame la

14 Présidente.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

16 Jovanovic.

17 Me JOVANOVIC (interprétation) : Non.

18 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …la pièce 75 du

19 Procureur. Elle est enregistrée de façon confidentielle.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Poursuivez.

21 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

22 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant examiner

23 la page 4, du moins dans la version en anglais ? Il s’agit

24 d’un paragraphe qui commence par les mots suivants : « Je

25 ne pense pas que l’un quelconque des Musulmans ait été

Page 2202

1 l’objet de violences physiques. »

2 Ou plutôt d’essayer de retrouver le paragraphe en

3 B/C/S. Madame le Témoin, je vais vous poser simplement

4 cette question. À la page 4, au quatrième paragraphe de

5 cette page, du moins dans la version en anglais, on dit

6 ceci (je cite) : « Je ne pense pas qu’aucun des Musulmans

7 ait fait l’objet de sévices physiques de la part des

8 soldats serbes au cours de l’interrogatoire qui s’est

9 déroulé à Buk Bijela. » Fin de citation.

10 Ma question se poursuit. Ce qui veut dire qu’ici,

11 on ne parle pas vraiment de violences sexuelles infligées

12 au Témoin 50. Est-ce que vous vous souvenez de la raison

13 qui vous a poussée à ne pas en faire état à l’occasion de

14 la déclaration préalable ?

15 R. Eh bien, si vous voulez que je sois tout à

16 fait franche, je vous dirai que c’était assez difficile

17 d’en parler parce qu’après tout, c’était une gamine.

18 Q. Est-ce que cela signifie que vous ne vouliez

19 simplement pas en faire mention à l’époque ?

20 R. Effectivement.

21 Q. Après avoir passé la nuit à Bijela, où vous

22 a-t-on emmenée ?

23 R. À l’école secondaire.

24 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Avec l’aide

25 de l’Huissier, j’aimerais montrer au témoin une autre

Page 2203

1 photographie. Il s’agit de la photographie 7418 et plus

2 exactement de son agrandissement de la pièce numéro 11.

3 Q. Que voyez-vous sur cette photographie, Madame

4 ?

5 R. Il s’agit effectivement de l’école

6 secondaire.

7 Q. Est-ce là qu’on vous a emmenée ?

8 R. Oui.

9 Q. Où précisément à l’intérieur de cet

10 établissement vous a-t-on emmenée ?

11 R. Je ne sais pas quel était le numéro de la

12 classe, mais je sais qu’elle se trouvait au dernier étage,

13 quelque part ici, à cet endroit [indication du témoin],

14 mais je ne connais pas le numéro de la classe.

15 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je ne l’ai

16 pas vu. Je n’ai rien vu sur l’écran. Je ne sais pas si

17 quelqu’un a pu voir quoi que ce soit. Manifestement, il y

18 a un problème.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce qu’on

20 peut remédier à ce problème ? Il est important que les

21 accusés voient ce qui est montré au témoin au prétoire.

22 LA GREFFIÈRE : Les services techniques sont en

23 train de s’occuper de ce problème. Je pense que nous avons

24 besoin de quelques secondes pour y remédier.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous allons

Page 2204

1 peut-être revenir plus tard à cette pièce.

2 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

3 Effectivement, nous pouvons poursuivre.

4 Q. Vous avez été emmenée dans une classe de

5 cours. Est-ce qu’il y avait déjà d’autres personnes à cet

6 endroit ou est-ce que vous avez été les premiers arrivés ?

7 R. Nous n’étions pas les premiers à arriver. Il

8 y avait des gens qui avaient été emmenés la veille et qui

9 se trouvaient à l’étage supérieur ou plus exactement, ils

10 étaient arrivés deux jours avant nous puisque nous avions

11 passé une nuit dans les bois et une autre nuit à Buk

12 Bijela, ce qui veut dire que nous étions le 5.

13 Q. D’où venaient ces personnes ?

14 R. Elles venaient de Trosanj.

15 Q. Vous les connaissiez avant la guerre ?

16 R. Oui.

17 Q. Quelle était leur appartenance ethnique ?

18 R. C’était des Musulmans.

19 Q. Est-ce que vous avez été placée dans la même

20 classe qu’eux ?

21 R. Oui.

22 Q. Combien y avait-il au total de personnes à

23 l’intérieur de cette salle de classe ?

24 R. Par la suite, un homme et une femme furent

25 emmenés. Ils s’appelaient…

Page 2205

1 L’INTERPRÈTE : Un nom a été prononcé. Je m’en

2 excuse.

3 R. Et puis il y avait une femme de Cirmetic, ce

4 qui veut dire qu’en tout, nous étions alors 72.

5 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

6 Q. Combien d’hommes y avait-il parmi ce groupe

7 de 72 personnes ?

8 R. Deux.

9 Q. Est-ce que c’était des hommes âgés ?

10 R. Oui, oui.

11 Q. Quelles étaient les conditions qui

12 prévalaient à l’intérieur de l’école ?

13 R. Affreuses, horribles.

14 Q. Sur quoi dormiez-vous ?

15 R. En fait, il y avait des matelas en mousse,

16 mais il n’y avait pas de couvertures ni d’oreillers. Les

17 conditions étaient vraiment abominables. Personnellement,

18 je n’avais rien amené. Je n’avais rien sur moi. Je

19 n’avais pas de linge de corps, je n’avais pas de bandes

20 hygiéniques, de serviettes hygiéniques. Effectivement, ce

21 que j’avais pris c’était surtout pour ma fille.

22 Q. Y avait-il suffisamment de nourriture ?

23 R. Non.

24 Q. Quelles étaient les conditions en matière

25 d’hygiène ?

Page 2206

1 R. Il n’y avait rien. Il n’y avait pas d’eau,

2 pas de savon, pas de shampooing.

3 Q. Est-ce que vous saviez qui était responsable

4 de l’école ?

5 R. Il s’appelait Mitar ou il était surnommé

6 Mitar. Je ne connais pas son nom.

7 Q. Est-ce que c’était un militaire, un policier

8 ou est-ce que c’était un homme du monde civil ?

9 R. Impossible de vous le dire.

10 Q. Quels vêtements portait-il ?

11 R. Je ne me souviens pas.

12 Q. Est-ce que vous avez vu des soldats dans

13 cette école ? Est-ce qu’ils étaient cantonnés à l’école ou

14 est-ce qu’ils y venaient ?

15 R. Oui. Je sais qu’il y avait bien quelques

16 soldats.

17 Q. Est-ce qu’on vous a autorisée à quitter

18 l’école ?

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que quelqu’un vous a interdit de

21 quitter l’école ou est-ce que vous avez pensé que ce

22 n’était pas autorisé et si c’était le cas, pourquoi ?

23 R. Je pense que c’est parce qu’à l’entrée de

24 l’établissement, il y avait un garde en uniforme.

25 Q. Est-ce que l’une quelconque des personnes se

Page 2207

1 trouvant dans votre groupe a essayé de quitter l’école ?

2 R. Non, personne n’a essayé.

3 Q. Pourquoi pas ?

4 R. Comment aurions-nous pu essayer de partir ?

5 Il est difficile de répondre à une telle question puisque

6 nous étions tous ou pour l’essentiel des femmes et des

7 enfants. Nous étions là en tant que familles. Comment

8 auriez-vous pu partir sans être repéré puisque si vous

9 partiez, vous emmeniez votre famille ?

10 Q. Est-ce que des femmes et des gamines ont subi

11 des violences sexuelles à l’école ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous-même, vous avez été victime

14 de sévices sexuels ?

15 R. Oui.

16 Q. Madame, pourriez-vous nous dire ce qui est

17 arrivé ? Pourriez-vous parler de ce qui s’est passé au

18 cours de la première nuit ?

19 R. Eh bien, la première nuit, je ne sais pas

20 exactement à quel moment ça s’est passé, l’un d’entre eux

21 est venu. Il a dit : « Vous, vous et vous, venez avec

22 moi », et parmi ces personnes se trouvaient les personnes

23 présentes : le numéro 88, BD, la personne portant le signe

24 BD, la personne portant le numéro 90, une autre, le numéro

25 87. Les autres ne sont pas reprises dans cette liste.

Page 2208

1 Nous avons quitté cette salle. Nous avons été

2 emmenées dans une autre salle de classe et là se trouvaient

3 quatre hommes.

4 Q. Madame, veuillez poursuivre votre récit.

5 R. Au moment où nous sommes entrées dans cette

6 pièce, Tuta ou plutôt chacun de ces hommes s’est emparé

7 d’une femme ou d’une gamine et Tuta m’a dit de me

8 déshabiller. J’ai refusé. Alors, il m’a donné l’ordre de

9 me déshabiller. Je me suis opposée à cela. Il m’a giflée

10 à deux reprises. Lorsque je me suis rendu compte qu’il n’y

11 avait pas d’issue pour moi, j’ai bien été obligée d’enlever

12 mes vêtements.

13 Q. Que s’est-il passé au moment où vous vous

14 êtes déshabillée ?

15 R. Eh bien, après que j’ai enlevé mes vêtements,

16 lui s’est déshabillé, uniquement son pantalon, et c’est sur

17 place qu’il m’a violée.

18 Q. Lorsque vous dites qu’il vous a violée,

19 pourriez-vous être plus précise ?

20 R. Eh bien, j’ai été obligée contre mon gré

21 d’avoir un rapport sexuel avec un homme que je ne connais

22 pas, pour lequel je n’avais aucun sentiment. C’était tout

23 à fait absurde. Comment serait-il possible d’avoir un

24 rapport sexuel normal dans ces conditions-là ?

25 Q. Vous dites qu’il a eu un rapport sexuel avec

Page 2209

1 vous. Est-ce que ça veut dire qu’il a introduit son pénis

2 dans votre vagin ?

3 R. Oui.

4 Q. Savez-vous ce qu’il est advenu aux autres

5 femmes et aux gamines qui se trouvaient dans cette même

6 pièce ? Est-ce qu’elles aussi ont été violées ?

7 R. Je suppose qu’oui, mais je ne m’étais pas

8 attendue à ce que quelque chose de ce genre m’arrive.

9 Donc, j’étais tout à fait repliée sur moi-même, tout à fait

10 isolée.

11 Q. Vous avez cité certaines des personnes qui

12 avaient été emmenées dans cette pièce avec vous cette nuit-

13 là, cette première nuit. Vous avez parlé de 90, BD, 87 ou

14 88. Êtes-vous sûre de ces noms ?

15 R. Un instant, Madame. Je vérifie. Je suis

16 certaine que la personne portant le numéro 90 ou le

17 pseudonyme BD était là, 75 aussi et 88. Je suis certaine

18 de ces noms.

19 Q. Est-ce la seule fois où on vous a fait sortir

20 de la salle de classe pour vous emmener dans une autre

21 pièce alors que vous vous trouviez à l’école secondaire ?

22 R. Je ne comprends pas bien votre question,

23 Madame. Pourriez-vous la répéter ?

24 Q. À combien de reprises avez-vous été emmenée

25 dans une autre pièce où vous avez subi des sévices sexuels

Page 2210

1 ?

2 R. Il est difficile de répondre à cette

3 question. Je dirais plus de 150 fois au cours de ces 40

4 jours.

5 Q. Ces 40 jours représentant la totalité du

6 temps que vous avez passé à cette école secondaire, mais je

7 sais qu’il y a d’autres endroits aussi où vous avez été

8 internée ?

9 R. Oui.

10 Q. Combien de temps avez-vous passé à l’école

11 secondaire ?

12 R. Je ne sais pas exactement, mais je dirais que

13 j’y ai passé 15 à 20 jours parce que pour moi, ce n’était

14 pas des journées, Madame, c’était des années.

15 Q. Au cours de ces 15 ou 20 jours de détention

16 dans l’école secondaire, combien de fois vous a-t-on fait

17 sortir de cette pièce pour vous violer ?

18 R. Vous me demandez combien de fois, Madame ?

19 Q. Oui. Est-ce que ça s’est passé toutes les

20 nuits ou bien une nuit sur deux ? Quelle était la

21 fréquence ?

22 R. Eh bien, tous les jours, toutes les nuits,

23 chaque jour, chaque nuit. Je ne peux pas vous dire le

24 nombre exact.

25 Q. Est-ce que c’était vrai aussi pour les autres

Page 2211

1 femmes ou les gamines qui s’y trouvaient et est-ce que ça

2 s’est passé de la même façon ?

3 R. Oui, mais c’était surtout vrai pour les plus

4 jeunes.

5 Q. Pourriez-vous nous dire comment les femmes et

6 les gamines, dont vous-même, vous étiez sorties de cette

7 salle ? Est-ce qu’on vous appelait par votre nom ou est-ce

8 qu’on se contentait de vous désigner du doigt pour vous

9 obliger à sortir ?

10 R. Eh bien, ça dépendait. Il y avait les deux

11 façons. Je ne me souviens plus exactement. Il y en a qui

12 sont venues à plusieurs reprises pour faire sortir les

13 mêmes gamines ou il arrivait qu’un autre vienne jeter un

14 coup d’œil dans la pièce et dire : « Toi, toi, tu sors. »

15 Q. Est-ce qu’on vous faisait sortir seule ou

16 est-ce qu’on vous faisait sortir avec d’autres femmes et

17 des gamines ?

18 R. Eh bien, au fond, il y avait une, deux, trois

19 personnes. Ça dépendait des fois.

20 Q. Où est-ce qu’on vous amenait ? Est-ce qu’on

21 vous amenait à chaque fois dans une autre salle de classe

22 ou bien ailleurs ? En ce moment, nous ne parlons que du

23 lycée.

24 R. Eh bien, dans le lycée, on m’amenait

25 seulement dans l’autre salle de classe. On ne m’amenait

Page 2212

1 pas à l’extérieur.

2 Q. Lorsqu’on vous amenait dans la salle de

3 classe, est-ce qu’à chaque fois, on vous a violée de la

4 manière que vous avez décrite tout à l’heure ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez déjà dit que vous avez été violée

7 par Tuta, mais est-ce que vous vous souvenez de certaines

8 autres personnes qui vous ont violée dans le lycée ?

9 R. Dans le lycée, bien sûr, je ne me souviens

10 pas de leurs noms puisque beaucoup de temps s’est écoulé

11 depuis, mais il y en a eu d’autres. Je ne connais pas

12 leurs noms.

13 Q. Pendant qu’on vous faisait sortir ou bien

14 d’autres jeunes filles, est-ce que parfois elles osaient

15 refuser de sortir avec les soldats ?

16 R. Non. Je suppose que la première fois… moi,

17 je ne leur ai pas parlé, donc je ne peux pas vous le dire,

18 mais je suppose qu’elles étaient giflées tout comme moi,

19 j’ai été giflée par Tuta ou quelque chose comme ça. Donc,

20 elles n’osaient pas s’opposer à cela. Moi, je me suis

21 opposée une fois et plus jamais.

22 Q. Avez-vous vu ces jeunes filles et ces femmes

23 qu’on faisait sortir ? Est-ce que vous les avez revues au

24 moment où elles rentraient dans la salle de classe ?

25 R. Oui.

Page 2213

1 Q. Elles étaient dans quel état ?

2 R. Eh bien, elles étaient tristes, en pleurs,

3 même si elles n’osaient pas pleurer. Elles ne

4 ressemblaient à rien.

5 Q. Vous avez dit que vous, on vous amenait

6 seulement dans les salles de classe et pas à l’extérieur du

7 lycée. Est-ce que vous savez si d’autres femmes ou jeunes

8 filles ont été emmenées ailleurs que dans les salles de

9 classe ?

10 R. 87, DB, 88, on les amenait à l’extérieur de

11 l’école.

12 Q. Comment le savez-vous ?

13 R. On le sait puisque nous, les femmes qu’on

14 faisait sortir et amener dans les salles de classe, on y

15 restait 10, 15, 20 minutes au maximum, alors qu’elles, je

16 ne peux pas vous dire pendant combien de temps elles

17 étaient absentes, mais pendant plus longtemps, deux, trois,

18 quatre heures peut-être.

19 Q. Donc, vous supposiez qu’on les amenait

20 ailleurs ou bien est-ce que c’est elles qui vous l’ont dit

21 ?

22 R. Non, elles ne me l’ont pas dit. C’est ce que

23 je suppose tout simplement. Je ne les ai plus revues. Je

24 ne les ai pas vues après. En ce qui concerne un grand

25 nombre de femmes dont les noms figurent sur cette liste, je

Page 2214

1 ne les ai plus revues.

2 Q. Est-ce que ces viols constants, continus ont

3 eu des séquelles sur votre état de santé ?

4 R. Bien sûr qu’oui. J’avais du mal à dormir

5 pendant très longtemps. Je prenais des médicaments, des

6 calmants, Apawin (ph.). J’ai des problèmes de règles

7 encore aujourd’hui. Je suis même tombée malade à cause du

8 stress d’une maladie que je ne peux pas du tout soigner

9 jamais.

10 Q. Est-ce que vous voulez que l’on procède à une

11 petite pause ?

12 R. Non. Il faut que je sois forte.

13 Q. Vous avez mentionné des calmants et les

14 autres séquelles. Là, vous parlez de ce qui vous est

15 arrivé après votre libération ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous prenez toujours des

18 médicaments ?

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que quelque chose est arrivé aux

21 hommes qui étaient avec vous dans la salle de classe ? Là,

22 je parle des hommes musulmans.

23 R. Oui. Un vieil homme, on le passait à tabac

24 justement dans la salle de classe, devant les enfants. Il

25 était complètement couvert de sang.

Page 2215

1 Q. Où est-ce qu’on vous a emmenée depuis

2 l’école, depuis le lycée ?

3 R. Au Partizan, un centre de sports.

4 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je

5 demanderais à l’Huissier de voir si l’on peut utiliser le

6 rétroprojecteur parce que je souhaite passer à la photo

7 suivante.

8 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …donc d’appuyer,

9 enfin, de presser le bouton vidéo moniteur pour pouvoir

10 voir.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, l’écran

12 vidéo marche.

13 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

14 Q. Avant de parler de la photo suivante, est-ce

15 que vous pouvez montrer encore une fois sur cette photo du

16 lycée l’endroit où on vous a emmenée ?

17 R. Moi, je pense que c’est là [indication du

18 témoin] que ces salles de classe se trouvaient, mais je ne

19 sais pas quel est le numéro de la classe, ici au troisième

20 étage ou bien plutôt, ça, c’était le rez-de-chaussée,

21 premier étage, deuxième étage donc.

22 Q. Est-ce que votre salle de classe donnait sur

23 la rue devant l’école, devant le lycée ?

24 R. Oui.

25 Q. Je souhaite vous montrer maintenant une autre

Page 2216

1 photo.

2 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : C’est encore

3 une fois la pièce à conviction 11, la photo 7302.

4 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il

5 s’agit sur cette photo ?

6 R. C’est le Partizan.

7 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire où on vous

8 a emmenée au sein de ce bâtiment du Partizan ? Est-ce que

9 vous pouvez montrer ça sur le rétroprojecteur ?

10 R. Je ne sais pas comment vous montrer.

11 L’entrée était là [indication du témoin], et nous, nous

12 étions dans la pièce ici à l’intérieur [indication du

13 témoin].

14 Q. Combien de femmes y avait-il au Partizan au

15 total… (l’interprète se reprend) combien de pièces ?

16 R. Nous, on était 70. On était toutes ensemble

17 et puis il y avait une sorte de remise. C’était l’autre

18 pièce, mais nous, nous n’y entrions pas. Ici [indication

19 du témoin], c’était le rez-de-chaussée du Partizan et c’est

20 là que les toilettes se trouvaient.

21 Q. Lorsqu’on vous a transférée au Partizan, est-

22 ce que quelqu’un vous a dit pour quelle raison on vous

23 transférait là-bas ?

24 R. Non, personne ne nous l’a dit. Tout

25 simplement, ils nous ont dit de nous préparer. Un camion

Page 2217

1 bâché se trouvait devant le lycée. Ils nous ont placés à

2 l’intérieur. Personne ne nous a dit où on nous emmenait et

3 nous, nous n’avons pas posé de question. Nous n’étions pas

4 capables de poser des questions puisque eux, ils étaient

5 trop désagréables envers nous.

6 Q. Les conditions au Partizan ressemblaient à

7 quoi ?

8 R. À rien.

9 Q. Lorsque vous êtes arrivée au Partizan, est-ce

10 que c’était propre là-bas ?

11 R. Non. Nous avons nettoyé puisque c’était un

12 endroit abandonné, personne ne l’utilisait plus. Avant

13 c’était utilisé comme un gymnase. Moi, je n’y étais pas

14 allée auparavant. C’était désaffecté, c’était sale. Donc,

15 nous, les femmes, nous avons nettoyé ça un petit peu et

16 nous avons jeté la poubelle et nous avons dormi sur les

17 tapis de gymnastique.

18 Q. La nourriture au Partizan, est-ce que vous en

19 receviez suffisamment ?

20 R. Non, nous n’avions pas suffisamment de

21 nourriture. Nous mangions leurs restes, ce qu’eux ne

22 pouvaient pas manger. Parfois pendant deux jours, nous ne

23 recevions rien et ce que nous recevions, c’était non pas

24 peu mais beaucoup trop peu.

25 Q. Et les conditions hygiéniques ?

Page 2218

1 R. Encore une fois, rien du tout : pas d’eau

2 chaude, pas de shampooing, pas de savon, pas de vêtements,

3 pratiquement sans rien.

4 Q. Est-ce que ces conditions-là ont affecté

5 l’état de santé, surtout en ce qui concerne les enfants ?

6 R. Bien sûr qu’oui.

7 Q. Est-ce que vous pourriez par exemple

8 expliquer quel était l’effet de cela sur votre enfant, sur

9 votre bébé ?

10 R. Après la sortie, parce qu’eux, ils nous ont

11 transportés jusqu’à Novi Pazar, et depuis cet endroit, je

12 suis allée ailleurs grâce à la Croix-Rouge, mais je ne vous

13 dirai pas où, mais là, pendant deux ans, j’avais un

14 problème avec mon enfant. Tout simplement, l’enfant

15 souffrait de la fièvre sans arrêt et n’arrêtait pas de

16 pleurer en disant : « Maman, j’ai mal au ventre. »

17 Q. Est-ce qu’on vous a permis de sortir du

18 Partizan ou bien est-ce que vous y étiez détenue ?

19 R. Moi, je ne pouvais pas partir où que ce soit

20 parce que j’avais deux enfants, deux petits-enfants. Où

21 voulez-vous que je parte ?

22 Q. Est-ce que vous étiez à même de sortir en

23 ville de temps en temps ?

24 R. Ce n’était pas permis, mais quand même, même

25 parmi eux, il y a eu certaines personnes un peu plus

Page 2219

1 gentilles et il y en avait notamment un – je ne vais pas

2 prononcer son nom pour sa propre sécurité – en fait, ils

3 étaient deux. L’un d’eux m’a porté des vêtements pour les

4 enfants et l’autre m’a donné de l’argent pour que je puisse

5 aller acheter du pain pour les enfants.

6 Q. Est-ce que vous connaissiez cette personne

7 qui vous a donné de l’argent pour acheter du pain ? Est-ce

8 que vous le connaissiez d’avant la guerre ?

9 R. Oui. C’était un camarade de classe. On

10 était à l’école ensemble.

11 Q. Est-ce que vous étiez la seule femme qui a

12 reçu l’autorisation de sortir afin d’acheter du pain ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous avez déjà mentionné les gardes. Est-ce

15 que les gardes se trouvaient constamment au Partizan ?

16 R. Ils n’étaient pas à l’intérieur mais dehors,

17 devant la porte.

18 Q. Il y avait combien de gardes ?

19 R. D’habitude, un. Il y en avait qui venaient

20 et qui partaient, mais d’habitude, il y en avait un. Et

21 puis, ils s’échangeaient, mais je ne sais pas comment. Je

22 veux dire, dans chaque relève, il y en avait un, mais je ne

23 sais pas combien de personnes ont joué ce rôle.

24 Q. Est-ce qu’ils portaient des uniformes, les

25 gardes ?

Page 2220

1 R. Oui.

2 Q. Quelle sorte d’uniforme ?

3 R. Leurs uniformes militaires.

4 Q. Est-ce que les soldats ont continué à faire

5 sortir les femmes de cet endroit ?

6 R. Oui.

7 Q. Depuis le premier jour jusqu’à la fin ?

8 R. Oui, tous les jours. C’était toujours la

9 même histoire.

10 Q. Les gardes, est-ce qu’ils ont essayé

11 d’arrêter les soldats ?

12 R. Oui. Oui. Une fois, l’un d’eux a essayé de

13 les arrêter, de les empêcher de le faire, mais eux, ils ont

14 dit qu’ils avaient reçu le certificat du chef de police.

15 Je ne sais pas en ce moment comment il s’appelait. Est-ce

16 que je peux consulter ces documents ?

17 Q. Je ne sais pas de quoi vous parlez. Moi, je

18 n’ai pas de documents. Vous parlez de la déclaration ?

19 R. Non, pas de la déclaration. Je veux

20 simplement voir le nom de ce chef de police. Je ne m’en

21 souviens pas en ce moment. Je ne me souviens pas de son

22 nom.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Peut-on

24 recevoir une explication ? Il s’agit de quel document ?

25 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je crois

Page 2221

1 qu’elle parle de ses déclarations préalables puisqu’il n’y

2 a pas d’autres documents.

3 R. Oui, tout à fait.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Vous

5 pouvez le faire.

6 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

7 Q. Oui. Vous pouvez consulter votre déclaration

8 préalable. Vous voulez dire que vous souhaitez citer le

9 nom du chef de police ?

10 R. Oui. Vraiment, je ne suis plus capable de

11 penser à cela parce que ça m’a vraiment épuisé, mais je

12 suis fière d’être venue ici. Il faut que le monde sache ce

13 qu’ils faisaient.

14 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : La Défense,

15 est-ce qu’elle aura une objection si je lui indique le nom

16 parce qu’il figure dans la déclaration ?

17 Me PRODANOVIC (interprétation) : La Défense de

18 Monsieur Kunarac n’a pas d’objection.

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

20 Q. Témoin, est-ce que vous pensez à Dragan

21 Gagovic ?

22 R. Oui. Dragan Gagovic, effectivement, puisque

23 lui, il était le chef de la police.

24 Et eux, ils avaient dit que lui, il leur avait

25 donné un certificat, mais nous, nous ne posions pas ces

Page 2222

1 questions-là. Nous devions faire ce qu’ils nous disaient

2 de faire et soi-disant sur ce certificat, il était écrit

3 qu’ils avaient besoin du sexe pour que ça leur relève le

4 moral pour qu’ils aillent sur les lignes de front avec le

5 moral renforcé.

6 Q. Si j’ai bien compris, vous avez entendu

7 cela ?

8 R. Oui. Moi, j’étais près de la porte et eux,

9 ils ne parlaient pas entre eux. Ils hurlaient. Donc, on

10 pouvait entendre.

11 Q. Qui hurlait sur qui ? En fait, qui avait

12 cette conversation ?

13 R. Je ne sais pas qui mais l’un de ces gardes

14 s’est opposé à cela, à ce qu’on fasse sortir les femmes.

15 Lui, il a dit : « Mais arrêtez de faire ça avec ces

16 femmes-là. Ça suffit maintenant. » Et eux, ils ont dit

17 qu’ils avaient besoin du sexe et que Dragan Gagovic leur

18 avait donné ce certificat, qu’ils avaient besoin de cela

19 pour améliorer leur état général.

20 Q. Lorsque les soldats sont venus afin de faire

21 sortir les femmes, est-ce que vous pouvez décrire ce qui

22 s’est produit d’habitude : le schéma ?

23 R. Est-ce que vous pouvez expliquer votre

24 question ?

25 Q. Lorsque les soldats sont venus, qu’est-ce

Page 2223

1 qu’ils ont fait ?

2 R. Eh bien, parfois, l’un d’eux venait.

3 Parfois, il y avait un groupe. Ils entraient dans la

4 pièce. D’habitude, ils disaient : « Toi, toi, toi, lève-

5 toi, sors. » Parfois, ils prononçaient les noms. Et bien

6 sûr, les personnes indiquées devaient se lever et les

7 suivre.

8 Q. Est-ce que l’une quelconque femme a jamais

9 essayé de refuser de sortir avec les soldats ?

10 R. Non.

11 Q. Et vous, est-ce qu’on vous a fait sortir de

12 cette manière ?

13 R. Oui.

14 Q. Où est-ce qu’on vous a emmenée ?

15 R. Je me demande où ils ne m’ont pas emmenée :

16 dans des maisons brûlées, dans des appartements, des

17 appartements différents. Parfois, on m’amenait à plusieurs

18 reprises dans les mêmes appartements, mais je ne me

19 souviens plus si c’était les mêmes personnes ou pas, mais

20 ils m’emmenaient vraiment partout. Dans une maison d’un

21 tailleur, c’est là qu’ils m’ont amenée deux fois. Vraiment

22 partout.

23 Q. Comment est-ce qu’on vous a amenée à cet

24 endroit ? Est-ce que vous y alliez à pied ou bien est-ce

25 qu’on vous a conduit là-bas ?

Page 2224

1 R. Surtout à pied. Seulement le dernier jour,

2 c’était le 12 août, le lendemain, nous devions être

3 échangés et c’est là qu’on m’a conduit jusqu’à Buk Bijela

4 de nouveau. En ce qui concerne le reste, c’était toujours

5 à pied qu’on allait.

6 Q. Est-ce que vous étiez seule ou bien est-ce

7 qu’il y avait d’autres femmes avec vous lorsqu’on vous

8 amenait ?

9 R. Il y avait d’autres femmes.

10 Q. Et lorsque vous arriviez à ces endroits,

11 qu’est-ce qui se passait ?

12 R. Ce qui se passait ? D’habitude, en arrivant

13 dans la maison ou bien dans le bâtiment, d’abord, les

14 femmes devaient enlever leurs vêtements, une par une, pour

15 prendre une douche, parce que je suppose qu’ils avaient

16 inconsciemment peur de maladies, mais eux, ils ne se

17 lavaient pas. Ils étaient trois, quatre, cinq, et les

18 femmes nues devaient marcher entre eux et ensuite, ils les

19 amenaient une par une dans la chambre.

20 Q. Que s’est-il passé ? Que se passait-il dans

21 la chambre ?

22 R. C’est clair : les viols de la manière

23 habituelle. Il ne s’agissait pas du sexe et de la

24 satisfaction. Ils ne défoulaient sur nous.

25 Q. Pendant que ceci se produisait, est-ce qu’on

Page 2225

1 vous frappait ? Est-ce qu’on vous a jamais frappée,

2 tabassée ?

3 R. Oui. Au Partizan, l’un d’eux l’a fait. Je

4 ne me souviens pas de la date. Il m’a donné une gifle. Il

5 m’a demandé s’il devait égorger ma fille. Moi, je ne

6 disais rien. C’est là qu’il m’a giflé. Ensuite, en

7 sortant, il s’est retourné vers nous tous, il était à la

8 porte, au seuil de la porte, et il a dit qu’il allait

9 rentrer afin de nous tuer toutes. Mais heureusement, il

10 n’est plus jamais revenu.

11 Q. Mais je voulais savoir si on vous frappait

12 pendant les viols.

13 R. Non.

14 Q. Les soldats qui vous ont fait sortir du

15 Partizan, est-ce qu’il s’agissait des mêmes soldats que

16 ceux qui vous faisaient sortir du Partizan… (l’interprète

17 se reprend) de l’école secondaire ?

18 R. Je ne comprends pas votre question. Vous

19 voulez dire s’il s’agissait des mêmes personnes ou bien

20 s’ils étaient nombreux ?

21 Q. Oui. Je veux savoir si c’était les mêmes

22 personnes ou si c’était des personnes complètement

23 différentes.

24 R. La seule différence c’est qu’ils étaient

25 beaucoup, beaucoup plus nombreux ici, et en ce qui concerne

Page 2226

1 ceux qui venaient, souvent, je les connaissais de vue, même

2 si je ne me souviens pas de leurs noms, mais je suppose que

3 je pourrais les reconnaître si je les voyais maintenant, et

4 au Partizan, ils étaient beaucoup plus nombreux que dans

5 l’école secondaire.

6 Q. Témoin, j’ai remarqué que parfois en

7 répondant à mes questions, vous riez ou presque. Est-ce

8 que vous êtes nerveuse ?

9 R. Oui, mais il y a quelque chose de plus fort

10 que moi, et moi, je suis fière d’être ici. Le monde doit

11 savoir ce qu’ils ont fait.

12 Q. Est-ce que vous savez pourquoi vous riez ?

13 Est-ce que c’est parce que vous êtes nerveuse ou bien est-

14 ce que c’est une sorte d’habitude ?

15 R. C’est une habitude que j’ai acquise dans le

16 pays dans lequel je vis actuellement, parce que pendant

17 longtemps, j’avais des problèmes à cause de mon apparence

18 physique, et chez eux, c’est normal, ils résolvent tous les

19 problèmes en riant. Même aujourd’hui, ils me disent :

20 « Donne-nous un sourire. »

21 Q. Vous avez mentionné Tuta qui vous a violée

22 dans le lycée. Est-ce que vous pouvez me dire quels sont

23 les noms ou les surnoms des personnes qui vous ont violée

24 au centre Partizan ?

25 R. Je ne me souviens pas de tous les noms.

Page 2227

1 Parmi eux, il y a Zelja, Zaga, ce monsieur qui se trouve

2 là-bas [indication du témoin], le dernier dans la dernière

3 ligne – il me regarde en ce moment – puis beaucoup d’autres

4 dont je ne me souviens pas des noms.

5 Q. Vous avez mentionné la personne dans la

6 dernière rangée. Je n’ai pas bien vu. Est-ce que vous

7 pouvez dire si cette personne est assise ? Est-ce que vous

8 pouvez nous indiquer un peu mieux en partant de droite à

9 gauche ?

10 R. Deux personnes : celui assis à gauche et

11 celui assis à droite.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Je pense que mes

13 collègues de la Défense seront d’accord avec moi pour

14 exprimer mon inquiétude, l’inquiétude de la Défense face à

15 la manière dont on procède à l’identification des accusés.

16 Si vous me le permettez, je vais vous expliquer mieux. Je

17 me base sur deux éléments.

18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Allez-y.

19 Me JOVANOVIC (interprétation) : Tout d’abord,

20 c’est parce que grâce à nos collègues de l’Accusation et

21 compte tenu des déclarations de témoins dont disposait la

22 Défense au cours de la préparation pour ce contre-

23 interrogatoire, nous avons pu constater que le témoin n’a

24 pas du tout mentionné certains des accusés.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous parlez

Page 2228

1 de sa déclaration de témoin ?

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

3 Présidente. Dans ses déclarations préalables, et pour être

4 tout à fait précis, il y en a plusieurs…

5 R. Il n’y en a pas plusieurs, il y en a deux,

6 Monsieur.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Poursuivez.

8 Me JOVANOVIC (interprétation) : Donc, ça c’est le

9 premier aspect de notre inquiétude, puisque dans certaines

10 de ses déclarations préalables, certains des accusés sont

11 seulement mentionnés et parfois seulement décrits. D’après

12 les données que nous avons reçues de la part du Procureur,

13 nous n’avons pas du tout pu constater que le témoin aurait

14 reconnu ou identifié l’un quelconque des accusés d’une

15 quelconque manière.

16 Deuxièmement, nous sommes inquiets à cause du fait

17 en ce qui concerne ce témoin, le témoin qui est présent ici

18 aujourd’hui, nous pouvons constater que d’autres témoins

19 appartenant à la même famille ont déjà été interrogés avant

20 la comparution de ce témoin. Mais ceci n’est pas une

21 objection par rapport aux juges.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais

23 attendez. Quel est le problème si d’autres témoins qui

24 appartiennent à la famille de ce témoin ont déjà été

25 interrogés ? Vous avez fait une objection, mais quel est

Page 2229

1 le sens de cette objection ?

2 Me JOVANOVIC (interprétation) : Le sens de

3 l’objection de la Défense en ce moment est le suivant :

4 c’est que le témoin connaît, c’est-à-dire que nous croyons

5 qu’on a donné des instructions au témoin concernant la

6 manière dont elle peut reconnaître, identifier certaines

7 personnes.

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous pourrez

9 parler de cela au moment du contre-interrogatoire. Vous

10 pouvez lui poser des questions directement en ce qui

11 concerne cela.

12 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Et le

14 troisième aspect ? Peut-être vous pourriez l’exprimer

15 avant que l’on poursuive.

16 Est-ce que vous pouvez attendre qu’il termine, Me

17 Prodanovic, s’il vous plaît ?

18 Me JOVANOVIC (interprétation) : Et je souhaite

19 répéter encore une fois que nous n’essayons pas du tout de

20 faire objection par rapport au travail de la Chambre de

21 première instance, mais nous considérons qu’il existe un

22 problème technique. Selon la Défense, ça peut provoquer

23 des conséquences non souhaitées. Par exemple, vous

24 demandez aux accusés s’ils comprennent, s’ils entendent

25 l’interprétation, s’ils peuvent suivre les débats dans une

Page 2230

1 langue qu’ils comprennent. Ceci permet au témoin de

2 comprendre qui est assis où et où se trouvent les accusés.

3 Encore une fois, je n’essaie pas de faire

4 objection face au travail de la Chambre de première

5 instance, mais je pense que nous pouvons l’apprendre par la

6 suite d’une autre manière, sans indiquer l’endroit où les

7 accusés sont assis.

8 R. Est-ce que moi, je peux dire quelque chose ?

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non, Madame

10 le Témoin. Attendez maintenant. Vous aurez le temps de

11 dire ce que vous voulez dire.

12 Me Prodanovic.

13 Me PRODANOVIC (interprétation) : [Non interprété]

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bon ! Alors

15 là, nous avons eu la traduction française. Je ne sais pas

16 ce qui s’est passé. Il y a eu un croisement de canaux. On

17 ne pouvait pas suivre. Alors, un instant s’il vous plaît.

18 Oui. Très bien ! Poursuivez.

19 Me PRODANOVIC (interprétation) : Donc, Madame la

20 Présidente, dans la deuxième déclaration faite par ce

21 témoin, le témoin n’était pas du tout en mesure de décrire

22 Kunarac, donc notre accusé. Elle ne pouvait pas dire de

23 quelle façon… elle ne pouvait pas le décrire. Dans la

24 première déclaration, elle l’a décrit comme personne n’a

25 décrit… comme aucun témoin ne l’a décrit.

Page 2231

1 Donc, voici les raisons pour lesquelles nous nous

2 objectons ainsi que mon collègue Jovanovic.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vois

4 Monsieur Kolesar debout. Oui, Monsieur Kolesar.

5 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

6 Présidente, Messieurs les Juges, à part de ce que mes

7 collègues viennent d’énoncer, j’aimerais simplement ajouter

8 la chose suivante. La façon dont on essaie de faire

9 l’identification présentement, donc les personnes qui ont

10 été violées et deux des trois accusés ne sont pas du tout

11 accusés, je crois qu’il n’est pas permis et que ce n’est

12 pas la façon habituelle de procéder dans aucune technique

13 criminelle quelle qu’elle soit ou dans aucune cour pénale.

14 Nous savons très bien de quelle façon on peut faire

15 l’identification des accusés.

16 [La Chambre discute]

17 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, bien sûr,

18 il est de mon point de vue de dire qu’il faut donner le

19 poids, bien sûr, à l’identification, mais cela ne doit pas

20 empêcher le témoin de faire l’identification.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Et de plus,

22 les autres points que vous avez mentionnés pourront être…

23 vous allez pouvoir faire face à ces autres points pendant

24 le contre-interrogatoire. C’est ce que vous pouvez faire

25 pendant le contre-interrogatoire : donc, poser des

Page 2232

1 questions additionnelles telles que mon collègue l’a

2 mentionné. Vous allez pouvoir en parler même dans votre

3 propre plaidoirie.

4 Je m’adresserais au Bureau de l’Accusation. Je

5 crois que nous avons dépassé notre pause prévue de six

6 minutes. Alors, nous allons continuer à 11 h 45.

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je suis

8 désolée. Je ne crois pas que ce soit le bon moment

9 d’arrêter maintenant. Le témoin vient de dire qu’elle a

10 reconnu deux des personnes qui se trouvent dans la dernière

11 rangée et je crois qu’il faudrait confirmer et demander de

12 qui elle parle.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Uertz-

14 Retzlaff, cela ne fait absolument aucune différence. Nous

15 pouvons prendre notre pause maintenant et Madame le Témoin

16 fera l’identification par la suite.

17 --- Suspension de l’audience à 11 h 07

18 --- Reprise de l’audience à 11 h 39

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le Procureur

20 poursuit son interrogatoire principal.

21 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

22 Q. Madame le Témoin, avant la pause, vous avez

23 dit que vous ne connaissiez pas les noms à part de quelques

24 témoins, mais vous connaissez le nom de vos violeurs et

25 vous avez spontanément dit que vous reconnaissez deux

Page 2233

1 personnes qui sont assises dans la dernière rangée comme

2 étant eux.

3 Pourriez-vous, s’il vous plaît, pour nous montrer

4 de qui vous parler, d’après la façon dont ils sont placés

5 dans la dernière rangée, pourriez-vous nous montrer de qui

6 il s’agit ? Pourriez-vous commencer à partir de la

7 fenêtre, donc de droite à gauche, s’il vous plaît ? Donc,

8 de droite à gauche.

9 R. Eh bien, le gardien de sécurité est assis

10 tout près de la fenêtre. Juste à côté de lui, je suis

11 certaine à 100 pour cent que c’est lui l’accusé et le

12 dernier également. Alors, si l’on compte de droite à

13 gauche, alors, ça serait la cinquième personne assise

14 depuis la fenêtre, enfin, de droite à gauche.

15 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Pour le

16 compte-rendu de l’audience, le témoin montre l’Accusé

17 Vukovic et l’Accusé Kunarac, Dragoljub Kunarac.

18 Q. Madame le Témoin, connaissez-vous le nom ou

19 connaissiez-vous à l’époque le nom de la personne que vous

20 avez montrée comme étant le deuxième assis, enfin, la

21 deuxième personne assise depuis la fenêtre ou la personne

22 assise juste à côté du gardien ?

23 R. Vous voulez dire quoi si je connaissais son

24 nom ? Est-ce que je le connaissais avant ?

25 Q. Oui, c’est exact.

Page 2234

1 R. Non, je ne le connaissais pas avant cette

2 période.

3 Q. Saviez-vous son nom pendant ou durant les

4 événements ?

5 R. Eh bien, maintenant, pour l’instant, je ne me

6 rappelle pas, mais ils se servaient de leurs surnoms la

7 plupart du temps puisqu’ils ne s’appelaient pas par leurs

8 vrais prénoms ou noms.

9 Q. Savez-vous quel est le surnom de cette

10 personne que vous avez montrée ?

11 R. Non, je ne me souviens pas. Il s’est passé

12 assez de temps depuis.

13 Q. Maintenant, vous avez également montré une

14 autre personne, en fait, la cinquième personne à partir de

15 la fenêtre. Connaissez-vous son nom, son surnom ?

16 R. Dragan, mais le nom de famille, je ne me

17 souviens pas vraiment. Je me souviens maintenant de son

18 surnom, c’était Zaga. Oui, c’est ça, c’est Zaga.

19 Q. Connaissiez-vous Zaga avant la guerre ?

20 R. Non.

21 Q. Vous rappelez-vous qu’on vous ait montré un

22 montage photographique avec des photos de plusieurs hommes

23 pendant l’interview, l’entrevue qui a eu lieu au Bureau du

24 Procureur ?

25 R. Oui, je me souviens.

Page 2235

1 Q. À l’époque, avez-vous identifié quelqu’un ?

2 À l’époque, quand on vous a montré ces photos, est-ce que

3 vous aviez été en mesure de reconnaître quelqu’un ?

4 R. Eh bien, pas vraiment personnellement, mais

5 j’ai dit simplement que je les ai vus puisque les photos

6 étaient en noir et blanc et je n’étais pas très sûre s’ils

7 ressemblent effectivement, je n’étais pas certaine si

8 c’était bien la personne que je suis en train de

9 reconnaître ou bien si cette personne me fait penser à

10 quelqu’un d’autre.

11 Q. Madame le Témoin, que reconnaissez-vous

12 maintenant ? Qu’est-ce qui fait en sorte que vous êtes en

13 mesure de les reconnaître maintenant ? Est-ce que c’est

14 plus facile de voir quelqu’un en personne que sur une

15 photographie ?

16 R. Oui. C’est bien sûr beaucoup plus facile de

17 voir quelqu’un en personne que sur une photographie puisque

18 lorsque je les ai aperçus pour la première fois, ils

19 n’étaient pas rasés, leurs cheveux étaient plus longs. Le

20 Monsieur assis à côté du gardien, donc la deuxième

21 personne, avait des cheveux un peu plus longs et Kunarac

22 apparaît comme il apparaissait à l’époque. Donc, il

23 demeure inchangé.

24 Q. Maintenant, si on revient à la personne

25 assise, la deuxième personne à partir de la fin de la

Page 2236

1 rangée, est-ce que c’était bien lui qui vous a emmenée au

2 Partizan… (l’interprète se reprend) du Partizan ?

3 R. Oui.

4 Q. [Non interprétée]

5 R. Je ne me souviens pas du tout de l’endroit,

6 ni de la date, puisque ce n’est pas arrivé seulement à une

7 reprise mais à plusieurs reprises. Donc, je ne me souviens

8 pas exactement ni de la date, ni de la maison où j’ai été

9 emmenée.

10 Q. Est-ce qu’il était seul lorsqu’il vous a

11 emmenée ou est-ce qu’il était accompagné de d’autres

12 soldats ?

13 R. Eh bien, je ne me souviens pas s’il venait

14 seul ou s’il était accompagné d’autres personnes puisque

15 pas mal de temps s’est écoulé depuis, mais pendant très

16 longtemps, j’ai eu des problèmes d’insomnie et j’ai

17 vraiment voulu oublier tous ces événements. Donc, je ne

18 peux pas vous répondre avec précision s’il venait seul ou

19 accompagné d’autres personnes. Il le sait très bien lui-

20 même.

21 Q. À combien de reprises vous a-t-il emmenée ?

22 À quelques reprises seulement ou bien pas mal souvent ?

23 R. Je ne peux vraiment pas vous répondre parce

24 que si vous voulez que je vous dise la vérité, je ne peux

25 pas vraiment vous répondre et je désire dire la vérité.

Page 2237

1 Q. Est-ce qu’il vous a agressée sexuellement ?

2 R. Oui.

3 Q. Que vous a-t-il fait ?

4 R. En détail, je ne peux vraiment pas vous le

5 décrire puisque c’est arrivé à plusieurs reprises, mais

6 j’imagine qu’il… en fait, d’après ce que je me souviens, il

7 m’a ordonné de me déshabiller et il a joui du sexe de sa

8 façon à lui.

9 Q. Contre votre volonté ?

10 R. Eh bien, écoutez, Madame, si pendant 40

11 jours, vous avez des relations sexuelles avec plusieurs

12 personnes, pensez-vous que c’est avec votre volonté, et les

13 personnes qui sont des prostituées, pensez-vous que les

14 vraies prostituées qui en font leur profession, pensez-vous

15 que même ces personnes-là, ces femmes-là le font de leur

16 gré ?

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : L’avocate

18 n’est pas là pour répondre à vos questions, mais vous devez

19 simplement expliquer ou nous parler ou nous raconter ce que

20 vous avez vécu.

21 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

22 Q. Vous avez mentionné Zaga. Pourriez-vous nous

23 dire à combien de reprises est-ce qu’il s’est présenté au

24 Partizan ?

25 R. La deuxième personne ?

Page 2238

1 Q. Non. En fait, la cinquième personne assise à

2 partir de la droite que vous avez nommée : Zaga.

3 R. Oui. Qu’est-ce que vous avez demandé ?

4 C’est quoi la question que vous m’avez posée ?

5 Q. Est-ce qu’il vous a emmenée du Partizan et à

6 combien de reprises vous a-t-il sortie du Partizan ?

7 R. Oui. Il m’a emmenée dans une maison de

8 couture, en fait, à quelques reprises, deux fois. Je le

9 sais pertinemment. Si c’est arrivé à plusieurs occasions,

10 je ne me rappelle vraiment pas, mais je me rappelle des

11 tissus, des matériels qui se trouvaient dans cette maison

12 de couture.

13 Q. Vous rappelez-vous où était située cette

14 maison par rapport à la mosquée de Aladza ?

15 R. Non loin de la mosquée de Aladza. En fait,

16 je ne pourrais pas vous dire avec précision si c’était à

17 100 ou à 150 mètres, mais c’était au maximum à 200 mètres

18 de là.

19 Q. Lorsque vous avez été emmenée dans cette

20 maison, la mosquée de Aladza, est-ce qu’elle était debout,

21 est-ce qu’elle existait à l’époque ?

22 R. La première fois, oui. La deuxième fois, je

23 ne suis pas certaine.

24 Q. Est-ce que Zaga vous a emmenée lui-même du

25 Partizan les deux fois ?

Page 2239

1 R. Je ne me souviens plus si c’était lui, s’il y

2 avait plusieurs personnes. Je ne sais pas. C’était

3 d’énormes stress. J’ai vécu beaucoup de stress sur une

4 base quotidienne, mais je peux vous dire qu’il était

5 certainement là. Ça, je peux vous le dire avec certitude

6 et c’était lui qui violait.

7 Q. Lorsque vous avez été emmenée là-bas la

8 première fois, est-ce que vous étiez emmenée seule ou y

9 avait-il d’autres femmes avec vous ?

10 R. Il y avait deux autres femmes avec moi.

11 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, jeter un coup

12 d’œil sur la liste et nous dire si leurs noms figurent sur

13 cette liste ?

14 R. Oui. Numéros 105 et 90.

15 Q. Vous rappelez-vous de quelle façon vous avez

16 été emmenée de cette maison ? Est-ce que c’était à pied ?

17 Est-ce que c’était en voiture ? Vous rappelez-vous de la

18 façon dont vous avez été emmenée ?

19 R. Je répète de nouveau : Pas une seule fois

20 pendant mon séjour à Foca ou en fait pendant que j’étais

21 dans ce centre, je n’ai jamais été emmenée par véhicule.

22 Seulement lorsque je me suis rendue à Buk Bijela, j’ai été

23 emmenée à bord d’autobus, mais pour le restant du temps,

24 c’était toujours à pied.

25 Q. Lorsque vous vous êtes trouvée dans cette

Page 2240

1 maison de couture pour la première fois, qu’est-ce qui

2 s’est passé lorsque vous vous y êtes présentée ?

3 R. Je ne me rappelle pas s’il y avait trois

4 hommes, s’ils sont venus nous chercher, si l’un d’eux s’est

5 présenté. Ça, je ne me rappelle vraiment pas, mais lorsque

6 nous sommes entrées dans cette maison, chez ce tailleur,

7 les deux autres femmes se sont dirigées vers deux autres

8 pièces et il m’a emmenée dans une autre pièce.

9 Q. Lorsque vous référez à « lui », « il », à qui

10 pensez-vous ?

11 R. Je pense à Zaga.

12 Q. Pendant que vous étiez dans cette pièce avec

13 lui, qu’est-ce qu’il a fait ?

14 R. Il m’a ordonné de me déshabiller. C’est ce

15 que j’ai fait. Il s’est déshabillé également. Il a

16 commencé à me violer.

17 Q. Est-ce que c’était douloureux ? Est-ce qu’il

18 était brutal ?

19 R. Oui, bien sûr.

20 Q. Cette première fois, est-ce que c’était le

21 seul homme qui vous a violée ou y avait-il d’autres hommes

22 qui vous ont violée cette fois-là ?

23 R. Cette fois-là, il n’y avait que lui.

24 Q. Y avait-il d’autres soldats présents dans la

25 maison ?

Page 2241

1 R. Non. D’après ce que je me souviens, il n’y

2 avait que trois hommes.

3 Q. Avez-vous vu Zaga interagir avec ces deux

4 autres soldats ? Est-ce que vous les avez vus s’entretenir

5 les uns avec les autres ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens plus.

7 Q. Lorsque vous avez parlé de la façon dont Zaga

8 se comportait avec les autres soldats, est-ce qu’il était

9 leur supérieur ou est-ce qu’il semblait être leur égal ?

10 R. Non. Je crois qu’il était un peu plus haut

11 placé. En fait, ça m’a semblé ainsi.

12 Q. Donc, cette première fois lorsque vous étiez

13 chez ce tailleur, de quelle façon est-ce que ça s’est

14 terminé ? Qui vous a ramenée ?

15 R. Je ne me souviens plus qui c’était, mais

16 c’était l’un d’eux. Je ne sais pas si c’était lui ou l’un

17 de ses amis. Lui le saurait mieux, mais moi, je ne me

18 souviens plus.

19 Q. Savez-vous si les numéros 99 et 105 étaient

20 également violées cette fois-là ? Numéro 90 (se reprend

21 l’interprète).

22 R. Non. Je n’ai pas parlé avec ces autres

23 femmes. Je ne sais pas si c’était le cas puisque je ne les

24 ai plus revues par la suite.

25 Q. Qu’est-ce que cela veut dire, vous ne les

Page 2242

1 avez plus revues par la suite ? Vous voulez dire après la

2 libération, après avoir été libérée ?

3 R. Non. Oui. En fait, après avoir été libérée,

4 pendant un certain temps, j’ai gardé les contacts avec la

5 personne numéro 105, mais par la suite, nous avons perdu

6 contact et c’est très difficile pour moi d’en parler.

7 C’est très, très difficile pour moi d’en parler parce que

8 c’était un stress énorme. Même quand on m’en parle, c’est

9 très difficile.

10 Q. Vous avez mentionné que vous avez été emmenée

11 une autre fois chez ce tailleur. Vous rappelez-vous quand

12 est-ce que cette deuxième fois a eu lieu ?

13 R. Non, je ne me souviens pas.

14 Q. Est-ce que vous avez été emmenée seule ou y

15 avait-il d’autres femmes avec vous cette fois-là ?

16 R. Eh bien, je ne me souviens pas qui était avec

17 moi la deuxième fois, mais je n’ai jamais été emmenée

18 seule.

19 Q. Vous rappelez-vous de qui vous a emmenée

20 cette fois-là à la maison ?

21 R. Non, je ne me souviens pas.

22 Q. Est-ce que Zaga était présent chez le

23 tailleur lors de ce deuxième événement ?

24 R. Oui.

25 Q. Que s’est-il passé lorsque vous êtes arrivée

Page 2243

1 dans la maison ?

2 R. De nouveau, en fait, ils nous ont placées

3 dans plusieurs différentes pièces. Je sais que j’étais

4 seule avec la personne. Qui c’était, je ne me souviens

5 plus. Il m’a ordonné d’aller dans la pièce et lorsque je

6 suis entrée dans la pièce, il m’a dit de me déshabiller.

7 Il s’est déshabillé lui-même et il a commencé à faire sa

8 besogne.

9 Q. C’est-à-dire ?

10 R. Le viol.

11 Q. Outre les deux accusés que vous avez déjà

12 mentionnés, qui d’autre vous a emmenée du Partizan ?

13 R. Tuta. Je ne me souviens plus des noms des

14 autres personnes.

15 Q. Vous rappelez-vous la première fois qu’on

16 vous a fait sortir, quand est-ce que c’était ?

17 R. À qui pensez-vous et d’où pensez-vous ?

18 Pensez-vous du lycée, pensez-vous du centre Partizan ?

19 Pourriez-vous m’expliquer ?

20 Q. Du Partizan, lorsqu’on vous a fait sortir la

21 première fois, vous rappelez-vous de cet incident ?

22 R. Je ne peux pas vous le décrire en détail

23 vraiment pour vous dire de quelle maison il s’agissait. Je

24 ne pourrais pas vous le décrire précisément.

25 Q. Est-ce que vous vous rappelez qu’on vous a

Page 2244

1 fait sortir avec un autre témoin qui apparaît ici sur cette

2 liste sous le numéro 48… sous le numéro 38 (se reprend

3 l’interprète) ? (L’interprète se reprend) : C’est le

4 numéro 48.

5 R. Oui.

6 Q. De qui il s’agissait ?

7 R. Je ne sais pas. Nous étions deux et lorsque

8 nous sommes revenues de cette maison incendiée, nous étions

9 complètement recouvertes de suie, plus particulièrement

10 moi. Nous étions complètement toutes recouvertes de suie

11 puisqu’il restait une seule pièce qui n’avait pas été

12 complètement incendiée. En ce qui a trait au reste, toute

13 la maison était incendiée et c’était quelque part à Gornje

14 Polje. Je ne me souviens pas exactement de la maison avec

15 précision.

16 Q. Vous rappelez-vous du dernier événement,

17 c’est-à-dire de la fois où on vous a fait sortir la

18 dernière fois ? Vous rappelez-vous de ce qui s’est passé ?

19 R. Eh bien, bien sûr que je me souviens. C’est

20 un des pires moments de tous ces incidents. Moi-même et le

21 numéro 90, nous avons été emmenées. Lorsque nous avons été

22 emmenées au stade, il y avait beaucoup, beaucoup d’hommes

23 et ils se sont changés, c’est-à-dire ils s’énuméraient, et

24 par la suite, ils nous ont emmenées par autobus à Buk

25 Bijela. L’autobus était stationné devant le cinéma.

Page 2245

1 Q. À quel moment est-ce que cela s’est passé ?

2 R. Le 12 août.

3 Q. Comment vous faites pour vous rappeler de la

4 date avec une telle précision ?

5 R. Eh bien, c’était l’avant-dernière journée.

6 En fait, c’était le dernier jour parce que le 13 août, nous

7 avons été libérées ou c’est-à-dire emmenées à Novi Pazar.

8 C’était le moment le plus douloureux de toute cette

9 séquence d’événements. Il y avait énormément d’hommes et

10 il y avait beaucoup de personnes au stade. Donc, ils se

11 sont tous énumérés. Donc, je ne me rappelle pas exactement

12 du nom, du prénom de la personne. Ils nous ont emmenées

13 vers Buk Bijela. Je croyais que je ne sortirais plus

14 jamais vivante de là, mais une chance, nous avons été

15 échangées.

16 Q. Est-ce que c’est des soldats qui vous avaient

17 emmenée au stade ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous avez reconnu l’un quelconque

20 de ces soldats ?

21 R. Non.

22 Q. Est-ce que c’était des soldats du coin ou

23 est-ce qu’ils venaient de régions plus éloignées ?

24 R. Vous voulez parler du stade ou est-ce que

25 vous parlez de façon générale ? Est-ce que vous demandez

Page 2246

1 s’il y avait des soldats qui venaient de plus loin ? Je

2 n’ai pas tout à fait compris. Est-ce que vous pourriez

3 préciser votre question ? Est-ce que vous demandiez si

4 c’était simplement des soldats de la localité qui venaient

5 ou s’il y en avait d’autres qui venaient d’ailleurs ?

6 Q. Maintenant, vous parlez de cet incident qui

7 s’est d’abord produit au stade et puis vous parlez de Buk

8 Bijela. Donc, c’est à cela que se réfère ma question.

9 Ces soldats qui se trouvaient au stade, est-ce que

10 c’était des soldats de la localité, du coin, ou est-ce

11 qu’ils venaient d’autres endroits ?

12 R. Je ne m’en souviens vraiment pas. Je ne sais

13 pas s’ils étaient de la région ou s’ils venaient, par

14 exemple, du Monténégro ou de la Serbie. Je ne m’en

15 souviens vraiment pas. Cependant, il y a une chose que je

16 sais : c’est que ceux qui m’avaient violée, il y en avait

17 parmi eux qui avaient des accents du Monténégro ou de

18 Serbie. Quant à savoir qui ils étaient ou s’ils étaient au

19 stade, je ne sais pas.

20 Q. Combien de soldats pouvait-il y avoir dans ce

21 stade ? Pourriez-vous nous donner une estimation ?

22 R. Combien il y en avait ? Il y en avait

23 beaucoup.

24 Q. Cette fois-là, est-ce qu’on vous a violée en

25 plein air à l’extérieur ou est-ce qu’on vous a emmenée vers

Page 2247

1 des vestiaires ?

2 R. Non. En plein air au stade, sur des gradins.

3 Q. Est-ce que c’est un soldat après l’autre qui

4 vous a violée ou est-ce que vous avez été violée par

5 plusieurs soldats en même temps ?

6 R. Voilà comment ça s’est passé. Ils se sont

7 répartis en groupes. Certains voulaient avoir des

8 relations sexuelles orales. D’autres voulaient nous

9 prendre par derrière. Il y en avait toujours au moins deux

10 en même temps.

11 Q. Tout ceci a duré combien de temps, Madame ?

12 R. Je ne sais pas exactement combien tout ceci a

13 duré. Une heure et demie, deux heures peut-être.

14 Q. Qu’est-il arrivé à la femme reprise en liste

15 au numéro 90 ?

16 R. La même chose. Je ne peux que supposer que

17 la même chose est arrivée. Elle était un peu plus grande

18 que moi. Je n’ai pas pu vraiment suivre ce qui lui

19 arrivait parce que moi-même, j’étais tout à fait

20 impuissante et je me demandais ce qui allait m’arriver

21 après tout cela.

22 Q. Vous avez dit que par la suite, vous avez été

23 emmenée à Buk Bijela. Est-ce qu’on vous a violée là aussi

24 ?

25 R. Oui.

Page 2248

1 Q. Par de nombreux soldats ou par un seul ?

2 R. Par quatre soldats.

3 Q. Qu’en est-il de la personne répondant au

4 numéro 90 ?

5 R. La même chose. Je ne sais pas combien de

6 fois elle a été violée, mais elle a été emmenée dans une

7 autre pièce elle aussi.

8 Q. Lorsqu’on vous a ramenée, comment vous

9 sentiez-vous ?

10 R. Très mal.

11 Q. Vous avez dit avoir été libérée le 13 août.

12 Que s’est-il passé ce jour-là, le 13 août ? Comment avez-

13 vous été emmenée ?

14 R. Est-ce que votre question consiste à me

15 demander comment nous avons été transportées depuis Foca ?

16 Q. Oui, c’est bien la question que je vous pose.

17 R. Le matin, la veille, le 12 août donc, on nous

18 a dit que nous allions aller en Macédoine. Ils nous ont

19 dit qu’un bus allait venir se garer devant le centre du

20 Partizan, mais en fait, ce ne fut pas le cas. Je ne sais

21 pas d’où ils venaient mais je peux vous dire que parmi ces

22 personnes, il y en avait aussi, bon, des braves. Il y a un

23 homme qui a trouvé un bus. Beaucoup de temps s’est écoulé

24 avant qu’il trouve un conducteur, un chauffeur pour ce bus.

25 Finalement, on a trouvé un chauffeur. Ceci s’est passé

Page 2249

1 dans l’après-midi. Janko, qui était un chauffeur de bus de

2 Maglic, je ne me souviens plus de son nom de famille, en

3 tout cas, c’est lui qui nous a emmenés vers cet endroit qui

4 devait être notre destination.

5 Q. Pourquoi la Macédoine ? Est-ce que c’était

6 un lieu que vous aviez choisi ? Est-ce que vous avez pu

7 dire où vous voudriez être emmenée ?

8 R. Non, parce que la frontière était proche.

9 Nous ne pouvions pas la franchir. Le premier bus a été

10 renvoyé sur Novi Pazar et c’est en route que nous avons

11 rencontré ce bus puisque nous, nous étions partis l’après-

12 midi. Nous avons trouvé ce bus ou rencontré ce bus quelque

13 part au cours de l’après-midi. On nous a dit qu’on ne

14 pouvait pas nous emmener en Macédoine. Ils nous ont

15 emmenés à Novi Pazar où nous sommes restés.

16 Q. Est-ce que toutes les personnes qui se

17 trouvaient au centre de Partizan ont été emmenées ce jour-

18 là ?

19 R. Non, non, ce ne fut pas le cas. Trois jeunes

20 filles – un instant, mais je voudrais examiner la liste –

21 ont été emmenées auparavant parce qu’il y a une journaliste

22 dont je ne me souviens plus du nom, en tout cas, elles ont

23 été emmenées après avoir fourni une déclaration préalable.

24 Lorsqu’on leur avait demandé si des femmes avaient subi des

25 sévices sexuels, des viols, elles avaient répondu par

Page 2250

1 l’affirmative. Elles ont disparu pendant très longtemps.

2 Elles n’ont pas été échangées. Il s’agissait du numéro 75,

3 DB et du numéro 87. Elles sont restées alors que toutes

4 les autres sont parties.

5 Q. Vous avez parlé d’un incident concernant une

6 journaliste. Lorsque cette journaliste est venue parler à

7 ces filles, à ces jeunes filles, est-ce que vous étiez

8 présente ?

9 R. Pas la première fois.

10 Q. Est-ce que ça veut dire que cette personne,

11 cette journaliste est revenue une seconde fois ou plusieurs

12 fois ?

13 R. Elle est venue deux fois.

14 Q. La première fois, vous n’étiez pas présente.

15 Alors, comment se fait-il que vous sachiez que ces jeunes

16 femmes ou ces jeunes filles s’étaient entretenues avec la

17 journaliste ?

18 R. Ce sont les femmes qui me l’ont dit, les

19 femmes qui elles étaient là. J’ai posé la question parce

20 que c’était le soir, lorsqu’on m’a ramenée de Gorazde. Les

21 femmes ont dit que des journalistes allaient venir de Radio

22 Sarajevo. Par la suite, plusieurs journalistes sont venus,

23 ont emmené ces trois femmes et qui ne sont jamais revenues

24 à Partizan.

25 Q. Donc, vous avez parlé à la journaliste à une

Page 2251

1 autre occasion. Quand l’avez-vous fait ?

2 R. Je ne sais pas exactement mais sans doute

3 deux ou trois jours plus tard. Ce jour-là, je suis allée à

4 Gorazde. C’est ce jour-là que la journaliste est revenue

5 pour une deuxième fois et puis ça a été deux ou trois jours

6 plus tard.

7 Q. Pourriez-vous décrire cette journaliste ?

8 R. Non, non. Je ne me souviens plus de son

9 aspect. Évidemment, si je la voyais, la revoyais ou si je

10 la rencontrais dans la rue, je la reconnaîtrais, mais pas

11 comme ça.

12 Q. Est-ce que vous lui avez raconté ce qui se

13 passait au bâtiment Partizan ? Est-ce que vous lui avez

14 parlé des viols notamment ?

15 R. Non.

16 Q. Est-ce que vous avez jamais essayé de dire à

17 la police qu’il y avait eu ces viols ?

18 R. Oui.

19 Q. Quand avez-vous essayé de le faire et à

20 combien de reprises ?

21 R. À deux reprises mais je ne me souviens plus

22 des dates où je l’ai fait. Et la femme numéro 48 et la

23 femme numéro 51 sont venues avec moi.

24 Q. Est-ce que vous avez parlé à des policiers ?

25 R. Pas la première fois, et la deuxième fois, la

Page 2252

1 femme numéro 48, oui, elle en a parlé.

2 Q. Vous souvenez-vous de la personne à qui elle

3 a parlé ?

4 R. Oui. Je me souviens, mais comme je suis

5 quand même dans cette situation-ci, dans cet état-ici

6 maintenant, les noms m’échappent. Je vais essayer de me

7 souvenir. Un instant, s’il vous plaît. C’était le chef de

8 la police mais je ne me souvenais plus de son nom il y a un

9 instant.

10 Q. Est-ce que c’était Dragan Gagovic ?

11 R. Oui. Oui, c’est bien cela.

12 Q. Madame, vous ne vous sentez pas bien ? Vous

13 dites que… vous n’avez pas achevé votre phrase d’ailleurs.

14 Vous avez dit que vous étiez dans un tel état. Est-ce

15 qu’il y a un problème, Madame ?

16 R. Non, non, non. Ça va, mais je ne veux pas

17 qu’il y ait d’interruption de toute façon.

18 Q. Est-ce que vous avez entendu les propos qu’a

19 tenu la femme numéro 48 à Dragan Gagovic ?

20 R. Non.

21 Q. Et après cette visite, est-ce que la

22 situation s’est améliorée au bâtiment Partizan, et par

23 exemple, est-ce que les viols ont cessé ?

24 R. Non. Les viols n’ont pas cessé. C’est resté

25 la même chose. Ça a peut-être même empiré.

Page 2253

1 Q. Est-ce que vous avez revu Dragan Gagovic

2 après que vous vous êtes rendue chez lui ?

3 R. Oui.

4 Q. Quand l’avez-vous revu et que s’est-il passé

5 à cette occasion-là ?

6 R. Je crois que c’était le lendemain ou peut-

7 être deux jours plus tard, je ne sais plus exactement,

8 parce que je ne sais pas comment ça s’est fait. En tout

9 cas, il a dit… je ne sais pas s’il est venu en personne ou

10 s’il a envoyé quelqu’un. Il a dit que moi et la femme

11 numéro 48 devraient sortir à l’arrière du bâtiment du

12 Partizan. Nous étions censées être là à une heure précise,

13 laquelle je ne me souviens plus. Nous sommes donc sorties

14 comme il l’avait dit. Il est venu et il nous a amenées

15 dans un appartement qui était à Gornje Polje. C’était un

16 bâtiment, un édifice. Ce n’était pas une maison privée.

17 Je ne pourrais pas vous décrire ce bâtiment aujourd’hui.

18 Nous avons été amenées à l’un des étages.

19 Q. Est-ce qu’il vous a dit la raison de tout

20 cela ?

21 R. Je ne me souviens pas qu’il ait dit quoi que

22 ce soit.

23 Q. Et à votre arrivée dans ce bâtiment, que

24 s’est-il passé ?

25 R. Il m’a dit de m’asseoir. Lui et la femme

Page 2254

1 numéro 48 sont entrés dans la pièce.

2 Q. Et combien de temps y sont-ils restés dans

3 cette pièce ?

4 R. Dix ou 15 minutes.

5 Q. Est-ce qu’ils sont sortis de cette pièce

6 ensemble ?

7 R. Oui.

8 Q. Et quel était l’aspect qu’avait alors la

9 femme portant le numéro 48 ?

10 R. Elle avait le visage tout rouge. Elle avait

11 des larmes aux yeux. Elle était en piteux état.

12 Q. Est-ce que vous vous souvenez de l’aspect

13 qu’avait à ce moment-là Dragan Gagovic ?

14 R. Non, je ne me souviens vraiment pas.

15 Q. Et savez-vous ce qui s’est passé dans cette

16 autre pièce où se trouvait la femme numéro 48 et Dragan

17 Gagovic ?

18 R. Eh bien, je suppose qu’elle a été violée à en

19 juger par son aspect, aussi ce que disait son visage.

20 Q. Est-ce qu’elle vous l’a dit qu’elle avait été

21 violée : soit ce jour-là même ou plus tard ?

22 R. Je ne sais pas si c’est ce jour-là ou plus

23 tard qu’elle me l’a dit, mais elle a fini par me le dire.

24 Q. Et alors que vous vous trouvez dans ce

25 bâtiment, à cet endroit, avez-vous entendu des bruits

Page 2255

1 venant de la pièce où ils se trouvaient ?

2 R. Je ne me souviens pas.

3 Q. Et est-ce que Dragan Gagovic vous a ramenées

4 vous et la femme numéro 48 au bâtiment Partizan ?

5 R. Non, pas à Partizan mais à proximité. Il

6 nous a dit de poursuivre notre chemin seul et je ne sais

7 pas où lui est allé.

8 Q. Vous avez dit que lorsque cette journaliste

9 était venue à première fois à Partizan, vous, vous étiez à

10 Gorazde. Comment se fait-il que vous ayez été à Gorazde ?

11 R. Deux soldats serbes avaient été capturés à

12 Parpevici (ph.) peut-être – je ne me souviens pas – ou

13 Blagovici. Je ne me souviens plus des noms. En tout cas,

14 leur cousin est venu à Partizan. Il a dit qu’il allait y

15 avoir des négociations et que si ces négociations

16 aboutissaient, nous allions pouvoir être échangés. La

17 femme numéro 48 est partie. Elle n’est pas revenue. Elle

18 est restée à Jabuka. Quant à la femme numéro 51… je ne

19 sais pas qui se trouvait dans le second groupe. En tout

20 cas, j’étais la seule à aller à Gorazde. Les autres sont

21 allés à Jabuka.

22 Q. Et que deviez-vous faire à Gorazde ?

23 Pourquoi vous ont-ils envoyée à Gorazde ?

24 R. Eh bien, ils m’ont envoyé aux négociations

25 afin que l’échange puisse avoir lieu pour ces deux soldats.

Page 2256

1 Q. Est-ce que vous aviez une lettre sur vous ?

2 R. Oui. Il m’a conduite à la gare et là, il m’a

3 donné une lettre fermée, une enveloppe.

4 Q. Vous dites : « il ». À qui pensez-vous ?

5 R. Il s’agissait de Bojat. Comment le dire ?

6 C’était son cousin, le fils de son oncle.

7 Q. C’était un soldat serbe ?

8 R. Il portait l’uniforme.

9 Q. Et c’est lui qui vous a amenée à la gare ou

10 au poste de police ? Que voulez-vous dire exactement ?

11 R. Il m’a conduite en voiture à Osanice, non pas

12 Stanica mais à Osanice, et dans l’intervalle, il était

13 passé quelque part. Je ne sais pas par où il était passé.

14 Je ne sais pas s’il était allé au poste de police. Je ne

15 sais pas si c’est là qu’il avait pris cette lettre. En

16 tout cas, il m’a conduite en voiture à Osanice.

17 Q. Osanice, est-ce qu’à l’époque, c’était la

18 ligne de front séparant l’armée musulmane de l’armée

19 serbe ?

20 R. Oui.

21 Q. Et lorsque vous êtes arrivée à Osanice, que

22 s’est-il passé ? Que vous fallait-il faire ?

23 R. On m’a donné un chiffon tout petit et un

24 bâton ainsi que cette lettre et ils m’ont dit que je

25 pouvais partir, mais je n’ai franchi qu’une distance très

Page 2257

1 faible. Déjà depuis les côtés, les Serbes ont commencé à

2 tirer et puis ils m’ont dit de revenir sur mes pas

3 lentement. C’est ce que j’ai fait. Et ils ont sans doute

4 fait rapport de la visite que je devais faire, et peu de

5 temps après, ils m’ont dit : « Voilà ! Tu peux partir.

6 Nos hommes ne vont pas te tuer si les Musulmans ne te tuent

7 pas. »

8 Q. Et lorsque vous avez essayé de vous déplacer

9 une deuxième fois, est-ce qu’on a tiré sur vous ?

10 R. Non.

11 Q. Nous parlons maintenant de la première fois

12 où vous avez essayé d’aller du côté musulman. Vous avez

13 dit avoir rebroussé chemin parce que les Serbes avaient

14 ouvert le feu. Lorsque vous avez essayé une seconde fois,

15 est-ce que les tirs ont repris ? Est-ce que cette fois-ci,

16 c’était d’autres qui tiraient sur vous ?

17 R. Oui. Juste devant le pont, les Musulmans ont

18 commencé à tirer. Ils ont crié : « Qui vient ? » J’ai

19 donné mon nom. Je leur ai dit mon nom, et étant donné que

20 j’avais agité ce bâton au bout duquel il y avait ce petit

21 chiffon, ils se sont rendus compte de quelque chose. Ils

22 m’ont demandé ce que j’avais en main et j’ai répliqué :

23 « Une lettre. » Ils m’ont demandé pour qui elle était et

24 je me suis demandée si je devais donner le nom ou pas.

25 Q. Vous pouvez donner ce nom.

Page 2258

1 R. J’ai dit que la lettre était adressée à Dzemo

2 Mujezinovic. Et comme ils pensaient que Dzemo occupait un

3 poste au sein du commandement et que son fils Amer avait

4 été capturé, il était au KP Dom, or, ils ont pensé que la

5 lettre lui était adressée.

6 Q. Et est-ce que vous avez réussi à voir ce

7 Dzemo Mujezinovic ?

8 R. Oui. Ça s’est passé à proximité de Gorazde

9 mais pas au centre. Ils étaient cantonnés dans une école.

10 Toutefois, Dzemo n’était pas vraiment attaché à l’armée,

11 intégré à l’armée. Il était chez lui. Toutefois, on lui a

12 fait savoir que je disposais d’un message concernant son

13 fils. C’était la première fois qu’il apprenait que son

14 fils était encore en vie.

15 Q. Et que vous a-t-il dit, Dzemo ?

16 R. Il m’a pris dans ses bras, il a commencé à

17 pleure et il m’a dit : « Tu est la première à me donner

18 des nouvelles de mon fils Amer. »

19 Q. Et est-ce qu’il vous a donné un message que

20 vous étiez censée amener, acheminer du côté serbe ?

21 R. Oui.

22 Q. Auparavant, vous avez dit que le Témoin 88

23 était restée lorsqu’elle est arrivée du côté musulman.

24 Pourquoi est-ce que vous, vous êtes retournée du côté

25 serbe ?

Page 2259

1 R. Parce que j’avais deux enfants en bas âge.

2 Que leur serait-il arrivé si je n’étais pas retournée, et

3 je me suis dit à ce moment-là : « Et s’ils tuent mes

4 enfants et qu’ils me tuent moi aussi, pourquoi est-ce que

5 je continuerais à vivre ? »

6 Q. Est-ce la seule fois où vous vous êtes rendue

7 à Gorazde ou est-ce que vous êtes retournée à Gorazde par

8 la suite ?

9 R. Oui. Je suis retournée une fois.

10 Q. Était-ce plus tard ? Que s’est-il passé à ce

11 moment-là ?

12 R. Je ne sais pas exactement quand je suis

13 retournée. C’était peut-être deux ou trois jours plus

14 tard.

15 Q. Est-ce que vous étiez une fois de plus

16 porteuse d’une lettre et est-ce que vous avez reçu une

17 lettre pour le voyage du retour ?

18 R. Oui.

19 Q. Et lorsque vous avez franchi et traversé les

20 lignes de front, est-ce que vous avez été la cible de tirs

21 des deux côtés une fois de plus ?

22 R. Non.

23 Q. Ces négociations entre l’armée serbe et

24 l’armée musulmane, ces négociations ont-elles abouti ?

25 Est-ce qu’elles ont abouti à un échange ?

Page 2260

1 R. Je ne sais vraiment pas. Après tout, ce qui

2 me préoccupait surtout c’était le sort de mes deux petits

3 enfants. Le reste ne m’intéressait pas vraiment.

4 Q. Vous avez dit avoir été libérée le 13 août.

5 Quand avez-vous revu votre mari ? Combien de temps s’est-

6 il écoulé entre la dernière fois où vous l’aviez vu à

7 Mjesaja et le moment où vous avez été réunis ?

8 R. Quatre ans et quatre mois.

9 Q. Est-ce que vous avez gardé des contacts ou le

10 contact avec d’autres témoins qui sont venus déposer ici ?

11 R. Non.

12 Q. S’agissant de ces débats, est-ce que vous

13 avez suivi les débats portant sur cette affaire-ci, la

14 présente affaire ?

15 R. Non.

16 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

17 Présidente, Messieurs les Juges, j’en ai terminé de

18 l’interrogatoire principal.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Passons au

20 contre-interrogatoire.

21 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me PILIPOVIC

22 (interprétation) :

23 Q. Bonjour.

24 R. Bonjour.

25 Q. Aujourd’hui, vous avez dit que vous avez

Page 2261

1 donné des déclarations préalables aux enquêteurs de ce

2 Tribunal.

3 R. Oui.

4 Q. S’agit-il des déclarations qui se trouvent

5 devant vous ? Veuillez les consulter, s’il vous plaît.

6 R. Un instant, s’il vous plaît. Je suppose

7 qu’oui.

8 Q. L’une de ces déclarations a été faite du 9 au

9 11 février 1996 ?

10 R. Oui.

11 Q. La deuxième, vous l’avez donnée les 25 et 26

12 avril 1998. En ce qui concerne cette deuxième déclaration,

13 vous avez confirmé qu’il s’agit de votre déclaration et de

14 votre signature ?

15 R. Un instant. Je vais consulter la version en

16 anglais. Non. Ça, non. J’ai regardé seulement l’une de

17 ces déclarations. Un instant. Oui, effectivement, il

18 s’agit de ma signature et de mes initiales.

19 Q. Donc, c’est votre déclaration, ce sont vos

20 déclarations ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous avez donné d’autres

23 déclarations à quelqu’un d’autre ?

24 R. Seulement aux journalistes parce que je ne

25 cachais pas la vérité et puis aussi à ce Tribunal.

Page 2262

1 Q. Vous avez dit les journalistes ?

2 R. Oui. Pourquoi pas ?

3 Q. Quand est-ce que vous l’avez fait ?

4 R. Pour les journalistes ?

5 Q. Oui.

6 R. Je ne m’en souviens pas.

7 Q. Est-ce que vous savez de quel journal il

8 s’agissait ?

9 R. Ça ne m’intéressait pas du tout de savoir qui

10 étaient ces journalistes, ni quel journal. Je souhaitais

11 que le monde sache ce qui avait été fait, mais quant à la

12 question de savoir quel est le journal, à qui il

13 appartenait, à quel camp il appartenait, ça ne

14 m’intéressait pas du tout.

15 Q. En ce qui concerne ces deux déclarations que

16 vous avez données…

17 R. Oui.

18 Q. Quand est-ce que vous avez donné votre

19 déclaration aux journalistes ?

20 R. Je ne me souviens pas du tout. J’en ai donné

21 plusieurs. Des gens venaient d’un peu partout dans le

22 monde parce que moi, j’étais dans un état très mauvais, en

23 piteux état, Madame. Pendant deux mois, j’ai saigné sans

24 arrêt.

25 Q. Je m’excuse, mais moi, je suis obligée de

Page 2263

1 vous poser des questions.

2 R. Poursuivez, et moi, je vais être courageuse.

3 Q. Les journalistes, comment est-ce qu’ils vous

4 ont trouvée ?

5 R. Parce que mon médecin, celui qui m’a reçue,

6 qui m’a accueillie lorsque je suis venue le consulter à

7 cause de mon état, c’est lui qui a rendu publique cette

8 information et ensuite, plusieurs journalistes ont essayé

9 de me consulter.

10 Q. Est-ce qu’il s’agit de votre médecin, de

11 celui que vous avez consulté à Novi Pazar, lorsque vous

12 êtes venue à Novi Pazar ?

13 R. Oui.

14 Me PILIPOVIC (interprétation) : Madame la

15 Présidente, la Défense dispose d’une déclaration de ce

16 témoin qui a été filmée. Nous avons reçu cette déclaration

17 de la part du Procureur. Il s’agit d’une déclaration

18 expurgée et nous avons demandé aux collègues de

19 l’Accusation de recevoir ça. Je suppose qu’il existe un

20 exemplaire en anglais puisque chez nous, c’est marqué

21 « traduction ».

22 Donc, nous souhaitons avoir l’original pour que

23 ceci soit versé au dossier et nous avons fait savoir notre

24 intention au Procureur avant les débats d’aujourd’hui.

25 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

Page 2264

1 Présidente, j’ai reçu cette demande ce matin. J’ai essayé

2 d’y faire face, mais moi, je ne pouvais pas le faire

3 puisque j’étais dans la salle d’audience. Je me suis

4 adressée à mon collègue, mais je n’ai pas encore reçu de

5 réponse. Tout simplement, je n’ai pas pu le faire, pas

6 encore.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous voulez

8 dire la traduction en anglais ?

9 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je n’ai même

10 pas pu vraiment trouver le document puisque le document

11 était en B/C/S, mais je suppose qu’il s’agit d’une

12 transcription d’un document en anglais que nous avons

13 communiquée à la Défense et en ce qui concerne les

14 expurgations, nous avons barré les noms et les numéros.

15 Donc, je n’ai pas pu trouver le document.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : L’Huissier

17 peut-il nous aider ? L’Huissier peut-il prendre le

18 document de la Défense et le montrer au Procureur ?

19 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je l’ai déjà

20 fait.

21 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : J’ai vu le

22 document, mais je n’ai pas pu trouver la version en anglais

23 parce que tout simplement, j’étais ici dans la salle

24 d’audience et je n’avais pas le temps et mon collègue qui a

25 reçu cette tâche, il ne m’a pas encore fourni de réponse.

Page 2265

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je veux

2 savoir si c’est un document qui émane de l’Accusation, que

3 l’Accusation avait communiqué à la Défense.

4 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, quel

6 est votre problème ?

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Pour le

8 moment, je ne pouvais pas trouver la version anglaise et si

9 j’ai bien compris, la Défense demande la version anglaise

10 pour la verser au dossier.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Peut-être

12 après la pause-déjeuner, vous pourrez trouver cela.

13 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui,

14 effectivement. Ceci ne pose pas de problème, mais

15 simplement, mon collègue ne m’a rien dit et je ne sais pas

16 où elle se trouve en ce moment.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’accord.

18 Nous allons attendre et le faire après la pause-déjeuner.

19 Me Pilipovic, veuillez poursuivre et vous pourrez

20 continuer avec ce document après la pause-déjeuner. Je

21 suppose que les juges ne disposent pas encore de ce

22 document et ceci leur serait utile.

23 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Le problème

24 c’est que nous avons appris seulement ce matin qu’ils ont

25 l’intention d’utiliser ce document alors que nous sommes

Page 2266

1 dans la salle d’audience. Si je ne me trompe, ce document

2 doit faire partie du classeur des documents, mais je ne

3 suis pas sûre, je ne pouvais pas le vérifier.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous

5 allons vérifier tout cela pendant la pause-déjeuner.

6 Me PILIPOVIC (interprétation) : Madame la

7 Présidente, merci. Il n’y a pas de problème. Nous pouvons

8 poursuivre après la pause et au pire, si aujourd’hui nous

9 terminons, mon collègue pourra s’en occuper. Mais de toute

10 façon, cette déclaration ne figure pas dans le classeur que

11 nous avons reçu du Procureur, mais ça ne pose pas de

12 problème. Moi, je peux poursuivre.

13 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Apparemment,

14 mon collègue a trouvé le document et l’a remis alors que

15 moi, je ne le savais pas. Donc, le document est disponible

16 en ce moment. Je m’excuse, je ne le savais pas.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est en

18 anglais ?

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : En anglais

20 et en B/C/S.

21 [La Chambre discute]

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Vous

23 pouvez poursuivre, mais les juges souhaitent disposer d’une

24 version en anglais afin de pouvoir suivre les débats.

25 Me PILIPOVIC (interprétation) : Madame la

Page 2267

1 Présidente, merci.

2 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : À l’avenir,

3 je souhaite dire qu’il n’y aura pas de problème et qu’il

4 n’y aura pas de délai si la Défense indique au moins la

5 veille quels sont les documents dont ils ont besoin parce

6 que pour nous, il est vraiment difficile de suivre

7 l’audience ici et de pouvoir organiser cela en même temps.

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

9 Madame Pilipovic, veuillez tenir compte de cela.

10 Me PILIPOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

11 Présidente. Justement, c’est aujourd’hui que nous avons

12 remis une demande au Procureur où les documents dont nous

13 aurons besoin sont indiqués. Merci.

14 L’INTERPRÈTE : La cabine française indique

15 qu’elle ne dispose pas du document. C’est seulement la

16 cabine anglaise qui l’a reçu.

17 Me PILIPOVIC (interprétation) : La Défense

18 propose que cette déclaration soit versée au dossier. Il

19 s’agit de la déclaration donnée les 25 et 26 avril 1998.

20 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …Défense D40.

21 Le Greffe tient à signaler également qu’il n’a pas reçu

22 copie de ces documents ainsi que les deux autres cabines

23 d’interprétation, c’est-à-dire la cabine B/C/S et la cabine

24 française. Ils souhaiteraient naturellement que ce

25 problème soit remédié pour la suite aux fins d’éviter toute

Page 2268

1 confusion au niveau des pièces à conviction. Je vous

2 remercie.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

4 vous avez beaucoup de questions au cours de votre contre-

5 interrogatoire ? Peut-être vous pouvez commencer avec

6 d’autres questions et ensuite, après la pause, nous

7 pourrons poursuivre parce que les interprètes n’ont pas le

8 document. Donc, si c’est possible, veuillez poser les

9 autres questions maintenant et poursuivre avec les

10 questions concernant ce document après la pause.

11 Me PILIPOVIC (interprétation) : C’est justement

12 ce que j’allais proposer. J’ai proposé que la déclaration

13 du témoin, identifiée par le témoin datant d’avril 1998

14 soit versée au dossier maintenant. Il s’agit là de la

15 déclaration dont tout le monde dispose, et en ce qui

16 concerne cette déclaration dont nous venons de parler, je

17 vais poser des questions concernant cette déclaration-là

18 après la pause.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

20 Poursuivez.

21 Me PILIPOVIC (interprétation) :

22 Q. Dans votre déclaration donnée en 1996, la

23 déclaration qui figure devant vous, vous avez dit que vous

24 avez vécu dans le village de Mjesaja ?

25 R. Oui.

Page 2269

1 Q. Où alliez-vous à l’école ?

2 R. Au lycée.

3 Q. À Foca ?

4 R. À Foca.

5 Q. Votre mari, où allait-il à l’école ?

6 R. En fait, moi aussi, j’y ai passé un an à

7 Medzurjecje et c’est mon mari qui allait à cette école-là.

8 Q. Donc, vous avez terminé le lycée tous les

9 deux ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez dit que vous avez travaillé dans

12 une usine de meubles ?

13 R. Oui.

14 Q. Votre mari, où travaillait-il ?

15 R. La même chose.

16 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que le 8

17 avril, lorsque vous êtes allée au travail… peut-être ce

18 serait plus facile pour vous de suivre si vous prenez votre

19 déclaration.

20 R. Un instant, je vais trouver la traduction.

21 Est-ce que vous pouvez me dire où cela se trouve ?

22 Q. À la page 1 de votre déclaration, vous avez

23 dit que vous êtes venue au travail le 8 avril.

24 R. Non. Je crois que le 7 avril était le

25 dernier jour parce que le 8 avril, les tirs ont commencé à

Page 2270

1 Foca.

2 Q. Excusez-moi, mais ici, il est écrit le 8

3 avril. Donc, aidez-nous à établir de quelle date il

4 s’agissait.

5 R. Je suppose qu’ici, les souvenirs étaient plus

6 frais parce que huit ans se sont écoulés.

7 Q. Vous voulez dire qu’au moment de cette

8 déclaration, vos souvenirs étaient beaucoup plus frais ?

9 R. Oui.

10 Q. Puisqu’il s’agissait de 1996 ?

11 R. Oui.

12 Q. Donc, c’était quand même le 8 avril et pas le

13 7, comme vous l’avez dit aujourd’hui ?

14 R. Oui.

15 Q. Merci. Vous avez dit que lorsque vous êtes

16 venue au travail, il n’y avait que 20 personnes, 20

17 employés ?

18 R. Il y avait peu de personnes. Je ne sais pas

19 très exactement combien, mais de toute façon, pas beaucoup.

20 Q. Est-ce que vous pouvez me dire en ce qui

21 concerne ces 20 employés quelle était leur appartenance

22 ethnique ?

23 R. Madame, je ne me souviens même pas qui est

24 venu ce jour-là parce que moi, avant la guerre et même

25 pendant la guerre, peu m’importait qui était qui. Ma

Page 2271

1 meilleure amie (expurgé). Je ne me

2 posais jamais la question de savoir qui appartenait à quel

3 groupe ethnique. Je ne choisissais jamais mes amis en

4 fonction de cela parce que, de toute façon, il y avait très

5 peu de Croates à Foca, mais ça ne m’intéressait pas de

6 savoir qui était qui. Moi, je choisissais les gens en

7 fonction d’autres critères.

8 Q. Est-ce que vous vous souvenez – vous avez dit

9 tout à l’heure que votre chef n’était pas au travail – quel

10 était le nom de votre chef ? Est-ce que vous vous en

11 souvenez ?

12 R. Il y avait un chef de département sur place

13 et je ne me souviens pas de son nom, mais Miletic, le grand

14 chef – je ne me souviens pas de son prénom – lui, il

15 n’était pas là ce jour-là, au moment où moi, j’y étais.

16 Q. Si j’ai bien compris, il était le chef chargé

17 de votre département à vous ?

18 R. Oui, mais un autre chef de département était

19 sur place.

20 Q. Très bien ! Qui était le directeur de Sipad

21 Maglic, là où vous travailliez ?

22 R. Vraiment, je ne me souviens pas en ce moment.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

24 vous pourriez faire des pauses entre les questions et

25 réponses ? Est-ce que le témoin peut faire la même chose

Page 2272

1 afin que l’on puisse suivre ?

2 Me PILIPOVIC (interprétation) : Oui. Merci,

3 Madame la Présidente.

4 Q. Vous venez de dire que les rapports… en fait,

5 que personne ne faisait attention à l’appartenance ethnique

6 des gens ?

7 R. Moi, je n’y prêtais pas attention.

8 Q. À quel moment les rapports se sont-ils

9 détériorés entre les Serbes et les Musulmans ? Je dois

10 employer cette expression-là. Excusez-moi.

11 R. Moi, en ce qui concerne le pays dans lequel

12 je vis, peu importe de quel pays il s’agit, mais vous

13 pouvez trouver ça dans les papiers, je souhaite dire que ma

14 meilleure amie aujourd’hui est une Serbe. Elle vient, elle

15 me rend visite régulièrement. Peu m’importe quelle est

16 l’appartenance ethnique de quelqu’un si la personne est

17 bonne et gentille.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire à quel

19 moment les rapports se sont détériorés dans la municipalité

20 de Foca ?

21 R. Je ne vois pas de quoi vous parlez.

22 Q. Ce refroidissement entre les gens, je

23 souhaite savoir à quel moment ceci a eu lieu et est-ce que

24 vous vous souvenez de certains événements qui ont précédé

25 cela ?

Page 2273

1 R. Je ne comprends pas. Le refroidissement des

2 rapports ? Vous voulez dire entre deux groupes nationaux ?

3 Q. Moi, j’ai dit entre les Serbes et les

4 Musulmans. Je dois m’exprimer ainsi.

5 R. Ceci ne pose pas de problème, mais je n’ai

6 pas très bien compris ce que vous voulez dire. Je vous

7 redis, moi, encore une fois, mon amie, elle est serbe parce

8 qu’elle, elle n’est pas de Foca. Un Serbe de Gacko ou de

9 je ne sais pas où ne m’a pas fait de mal. C’était les gens

10 de Foca parce que sans eux, même ces gens de Serbie

11 n’auraient pas pu venir, ni d’ailleurs.

12 Q. Très bien ! Merci.

13 R. Je vous en prie.

14 Q. Vous avez dit qu’à partir du 8 avril, vous

15 êtes restée dans votre village ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous avez dit également que vous avez

18 commencé à vous cacher dans des toiles de tentes ?

19 R. Oui.

20 Q. Quand est-ce que ceci s’est produit par

21 rapport à l’attaque contre votre village ? Quand est-ce

22 que vous avez commencé à vous cacher ?

23 R. Quand est-ce que nous avons commencé à le

24 faire ? À partir des premiers tirs que nous avons entendus

25 à Foca, à partir du moment où nous avons entendu les

Page 2274

1 nouvelles concernant Sarajevo, concernant Foca, c’est à ce

2 moment-là que les gens ont commencé à se cacher.

3 Q. Rien de particulier ne se passait dans votre

4 village, n’est-ce pas ?

5 R. Non.

6 Q. Vous avez dit dans votre déclaration

7 préalable à la page 1 que vous avez vu le village Hum

8 brûler ?

9 R. Oui, de l’autre côté de la Drina.

10 Q. Quand est-ce que ceci s’est passé par rapport

11 à l’attaque contre votre village ?

12 R. Je ne me souviens pas très exactement.

13 Q. Est-ce que ceci s’est produit avant le dépôt

14 d’armes dans votre village ou après ?

15 R. Je pense que c’était quand même avant, mais

16 encore une fois, je ne suis pas tout à fait sûre.

17 Q. En ce qui concerne cette reddition d’armes

18 qui a eu lieu dans votre village, est-ce que vous avez

19 assisté à cela ?

20 R. Non. J’étais dans le village, mais je

21 n’étais pas sur place à ce moment-là parce qu’ils ne

22 passaient pas par toutes les maisons pour rassembler les

23 armes, mais ils ont dit que ça devait être rendu à un

24 certain endroit.

25 Q. Votre mari possédait-il une arme ?

Page 2275

1 R. Non. Mon mari, non.

2 Q. Pendant cette période avant l’attaque contre

3 votre village, au mois de juin, est-ce que vous avez

4 entendu parler du fait que sur la route qui passe au-

5 dessous de votre village, puisque vous avez dit que votre

6 maison se trouvait à 150 mètres de la route, qu’il y avait

7 plusieurs embuscades et que des civils serbes ont été

8 blessés dans ces embuscades ?

9 R. Vraiment, je ne me souviens pas.

10 Q. Est-ce que vous avez entendu parler du fait

11 qu’un camion est tombé sur une mine antipersonnel et que

12 huit Serbes ont été tués et plusieurs civils ont été

13 blessés et ont subi des séquelles durables ?

14 R. Écoutez, en ce qui concerne la politique,

15 cela ne m’intéressait pas du tout. J’avais des petits-

16 enfants âgés d’un an et demi et de trois ans et vraiment,

17 je ne communiquais pas avec les gens concernant ce genre de

18 choses. Moi, j’étais suffisamment occupée en train de les

19 garder.

20 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de ces

21 incidents ?

22 R. Vraiment, je n’y prêtais pas attention.

23 Q. Vous avez dit que vous étiez cachée avec vos

24 voisins sous des toiles de tentes ?

25 R. Oui.

Page 2276

1 Q. Il y en avait combien de ces toiles de tentes

2 ?

3 R. C’était à Trosanj. Je ne sais pas combien de

4 personnes y avait-il à Trosanj. Les gens qui ne

5 connaissent pas le village, ils appellent toute la région

6 Trosanj, mais en fait, nous étions plus prêts de la route

7 dans la partie appelée Mjesaja et là, il y avait une toile

8 de tente sous laquelle on était 21 et ensuite, deux

9 personnes sont parties. Donc, 19 personnes sont restées à

10 l’intérieur au moment où les tirs ont commencé.

11 Q. Qui vous a donné ces toiles de tentes ?

12 R. Je ne me souviens pas. Je ne sais pas si

13 c’était les hommes qui avaient des terres dans des

14 montagnes. Je ne suis pas sûre en ce qui me concerne

15 vraiment, en ce qui concerne ma toile de tente.

16 Q. Donc, vous avez dit qu’au début, vous étiez

17 21, ensuite, 19, ensuite 16, deux personnes sont allées au

18 KP Dom, et vous, au nombre de 14, on vous a emmenés à Buk

19 Bijela ?

20 R. Écoutez, 21 personnes ont dormi dans la toile

21 de tente. Au moment de l’attaque contre le village,

22 puisque deux personnes sont sorties et après, on les a

23 emmenées au camp, elles sont sorties afin de préparer un

24 café. Donc, maintenant, ça laisse 19 personnes. Qu’est-ce

25 que vous avez demandé d’autre ?

Page 2277

1 Q. Vous étiez 14 à Buk Bijela ?

2 R. Oui, puisque les hommes plus jeunes sont

3 partis. Au moment de l’attaque contre le village, les

4 hommes se sont séparés des femmes et des personnes âgées et

5 des enfants.

6 Q. Vous avez dit que vous êtes partie de Buk

7 Bijela le 5 en prenant un minibus et que vous êtes allée à

8 l’école secondaire ?

9 R. Je ne sais pas si on peut l’appeler minibus

10 ou car, autocar, mais de toute façon, il s’agissait d’une

11 sorte d’autobus.

12 Q. Page 4 de votre déclaration, tout simplement

13 puisque vous avez dit qu’à ce moment-là, vos souvenirs

14 étaient meilleurs, troisième paragraphe, vous dites :

15 « Nous, tous les 14… » La dernière ligne de ce paragraphe.

16 Le troisième paragraphe qui commence par : « Je pense… »

17 R. Le troisième ou le quatrième ?

18 Q. Troisième.

19 R. Vous avez dit quatrième.

20 Q. Non. J’ai dit le troisième.

21 R. C’est moi qui m’excuse dans ce cas-là.

22 Q. Ça va, ça va.

23 R. Un instant.

24 Q. La dernière ligne de ce troisième

25 paragraphe : « Nous, tous les 14… »

Page 2278

1 R. Oui.

2 Q. Veuillez lire l’ensemble de ce paragraphe :

3 « Je pense que pendant l’interrogatoire… » Le troisième

4 paragraphe à la page 4. Page 4, troisième paragraphe.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame

6 Pilipovic, nous allons accélérer les choses si vous lisez

7 le paragraphe au témoin et ensuite, vous pourrez lui poser

8 la question.

9 Me PILIPOVIC (interprétation) : Pas de problème,

10 Madame la Présidente.

11 Q. Donc, il s’agit de la déclaration qui a été

12 versée au dossier par le Procureur avec la cote 75. Je

13 vais lire la dernière phrase : « Nous, tous les 14, y

14 avons été emmenés en minibus. »

15 R. Je ne sais pas, un petit autobus, si ça

16 s’appelle comme ça ou pas. Pour moi, les deux s’appellent

17 autobus. Moi, je veux dire un véhicule.

18 Q. Un autobus peut contenir une trentaine de

19 personnes et un minibus, peut-être 14 ou 15. Simplement,

20 je voulais vérifier les données que vous avez dites et les

21 comparer aux données qui figurent dans vos déclarations.

22 R. Vous pouvez le faire sans problème pendant

23 des jours si vous voulez.

24 Q. Dans le minibus en allant jusqu’au lycée,

25 est-ce que vous avez parlé avec quelqu’un ?

Page 2279

1 R. Non. Si je me souviens bien, non.

2 Q. Vous avez dit que vous avez été placée dans

3 une salle de classe une fois arrivée au lycée ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce qu’il y avait une autre salle de

6 classe à côté de la vôtre où il y avait des gens à

7 l’intérieur ?

8 R. Non.

9 Q. Donc, vous dites qu’il y avait une seule

10 salle de classe ?

11 R. Au moment où nous, nous sommes arrivées, il

12 n’y en avait qu’une, mais à un certain moment, il y a eu

13 des femmes de Srnetici qui sont venues. On les a placées

14 dans la salle de classe à côté de la nôtre et ensuite, ils

15 les ont transférées dans notre salle de classe.

16 Q. Donc, vous étiez tous dans la même salle de

17 classe ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous étiez combien ?

20 R. Je sais qu’il y avait des femmes, des hommes

21 aussi. Au total, on était 72 au Partizan, mais moi, je

22 parle du lycée. C’est les mêmes gens, les mêmes gens qui

23 avaient été au lycée étaient au Partizan également.

24 Q. À la page 4 de votre déclaration, vous avez

25 dit qu’il y avait environ 55 ou 57 détenus musulmans ?

Page 2280

1 R. Oui. Qu’est-ce que vous avez dit : 50 ?

2 Q. Cinquante-cinq.

3 R. Ici, je parle des gens de Mjesaja, mais

4 ensuite, les gens de Srnetici ont été emmenés et là, ça

5 fait 72 personnes.

6 Q. Dans cette pièce dans laquelle vous vous

7 trouviez tous, combien de femmes de votre âge y avait-il et

8 combien de jeunes filles y avait-il ?

9 R. Un instant que je consulte… même si là, il

10 s’agit d’une question un peu plus difficile puisque les

11 noms de toutes ces femmes ne figurent pas sur ces listes

12 que j’ai devant mes yeux. Il y avait cinq jeunes filles et

13 en ce qui concerne les femmes dont les noms figurent sur

14 cette liste, cinq jeunes filles, quatre, cinq avec moi en

15 ce qui concerne les noms figurant sur cette liste, mais il

16 y en avait d’autres dont les noms ne figuraient pas sur

17 cette liste.

18 Q. Donc, cinq jeunes filles ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous avez dit cinq femmes ?

21 R. Oui.

22 Q. En parlant de cette liste ?

23 R. Oui, y compris moi-même.

24 Q. Combien d’autres femmes de votre âge y avait-

25 il ?

Page 2281

1 R. Vous parlez des femmes violées ? Je crois

2 encore trois.

3 Me PILIPOVIC (interprétation) : Madame la

4 Présidente…

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous

6 allons faire une pause-déjeuner maintenant et nous allons

7 poursuivre le contre-interrogatoire cet après-midi à 14 h

8 30.

9 --- Suspension de l’audience à 13 h 00

10 --- Reprise de l’audience à 14 h 30

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le contre-

12 interrogatoire se poursuit.

13 Me PILIPOVIC (interprétation) :

14 Q. Ma dernière question avant la pause portait

15 sur les femmes de votre âge qui se trouvaient à l’école.

16 Si vous pouviez, vous pouvez peut-être l’inscrire pour ne

17 pas énumérer leurs noms.

18 R. Pourrais-je avoir un morceau de papier ?

19 Est-ce que vous voulez seulement que je vous parle des

20 jeunes femmes… des jeunes filles plutôt et de femmes ou

21 seulement de femmes ?

22 Q. Les deux.

23 R. Est-ce que je pourrais jeter un coup d’œil et

24 vérifier si j’ai énuméré…

25 Q. Je pensais vous demander d’énumérer les

Page 2282

1 femmes qui se trouvent hors de cette liste, s’il y en

2 avait, bien sûr.

3 R. Oui, il y en avait. Un petit instant, s’il

4 vous plaît. Il y avait trois autres femmes à part des

5 femmes qui figurent sur cette liste.

6 Q. Pourriez-vous écrire leurs noms ?

7 R. Oui. Je les ai inscrits.

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

9 nous pourrions coter ce document ?

10 LA GREFFIÈRE : Il s’agit de la pièce à conviction

11 de la Défense D41. Cette pièce est enregistrée de façon

12 confidentielle.

13 Me PILIPOVIC (interprétation) : La Défense

14 demande à ce que ce document soit versé.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Je

16 crois que c’est déjà fait puisque le document a été versé

17 au dossier sous scellé.

18 Oui ?

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Ces numéros

20 qui figurent sur cette liste, 1, 2, 3, est-ce que ça a été

21 écrit par le témoin ou est-ce que c’est vous qui avez

22 apposé ces chiffres ?

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

24 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je suis désolée,

25 je n’avais pas de traduction. Je suis désolée, je n’avais

Page 2283

1 pas la traduction pendant que mon éminente collègue

2 parlait.

3 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Les numéros

4 1, 2, 3 qui figurent sur ce papier, est-ce que c’est vous

5 qui les avez écrits ou est-ce que c’est le témoin ?

6 Me PILIPOVIC (interprétation) : C’est le témoin

7 qui a inscrit ces numéros sur cette feuille de papier.

8 J’attends de recevoir la cote, s’il vous plaît.

9 Q. Maintenant, à partir de cette liste que vous

10 avez devant vous, quelles étaient les personnes qu’on

11 faisait sortir avec vous ? Je pense à l’école secondaire,

12 bien sûr.

13 R. Bien, si vous pensez seulement à l’école

14 secondaire, c’est très difficile de dire si ces femmes ont

15 été sorties avec moi à l’école secondaire ou au Partizan.

16 Bon. D’abord, il y avait le numéro 51 qui était avec moi.

17 Les autres l’étaient toutes.

18 Q. Merci. Est-ce que vous affirmez que la

19 première fois, tel que vous avez répondu à la question de

20 mon éminente collègue, que le numéro 88, DB, le numéro 90,

21 87 et 75, ces numéros-là étaient sortis avec vous ?

22 R. Pourriez-vous répéter ?

23 Q. Le numéro 88, DB, 87 et 75.

24 R. Oui.

25 Q. Donc, lorsqu’on vous a fait sortir cette

Page 2284

1 fois-là, est-ce qu’on vous a fait sortir ensemble ?

2 R. Qu’est-ce que vous voulez dire ? Ensemble la

3 même fois ?

4 Q. Oui.

5 R. Oui. Nous avons été sorties ensemble.

6 Q. Donc, vous étiez cinq en tout et, en fait, il

7 y avait cinq femmes avec vous et avec vous, ça faisait six

8 en tout ?

9 R. Juste un instant, s’il vous plaît. Oui.

10 Q. Vous nous avez également dit que vous avez

11 pénétré à l’intérieur de cette salle de classe ?

12 R. Oui.

13 Q. Quelle était l’heure de la journée ?

14 R. C’était la nuit, en fait. Je ne sais pas

15 quelle heure il était, mais il faisait nuit.

16 Q. Est-ce qu’il y avait de la lumière à

17 l’intérieur de la salle de classe ?

18 R. Non, il n’y en avait pas.

19 Q. Vous nous avez dit qu’il y avait quatre

20 soldats avec vous ?

21 R. Bien, j’ai dit que chaque soldat avait une

22 femme pour lui. Donc, je n’avais pas compté exactement

23 combien. Je n’avais pas suivi cette liste pour pouvoir

24 vous dire. Voilà, même aujourd’hui, ça m’a pris du temps

25 pour simplement les compter.

Page 2285

1 Q. Lorsque vous êtes sortie de la salle de

2 classe, donc après ce que vous avez dit qui vous est

3 arrivé, qui est sortie la première ?

4 R. Je ne me souviens pas.

5 Q. Vous souvenez-vous que lorsqu’on vous a fait

6 sortir les trois, est-ce que vous savez si on a retourné

7 une femme ?

8 R. Je ne me souviens plus. Je ne me souviens

9 pas (reprend l’interprète).

10 Q. Vous avez dit que Tuta vous a violée ?

11 R. Oui. Il était le premier à le faire.

12 Q. Pourriez-vous décrire les trois soldats qui

13 se trouvaient dans cette salle, dans cette pièce ?

14 R. Eh bien, je ne peux pas les décrire les trois

15 puisqu’il faisait sombre ou il faisait noir. Je ne voyais

16 pas et à part de cela, chaque soldat avait une femme pour

17 lui et donc si j’ai énuméré cinq femmes, six avec moi, donc

18 il y avait cinq et six donc en tout avec Tuta.

19 Q. Donc, vous étiez tous ensemble dans cette

20 même pièce ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de voir ce

23 qui se passait avec les autres femmes ?

24 R. Eh bien, Madame, comment voulez-vous que je

25 réfléchisse ? Regardez, vous voyez comment ma mâchoire

Page 2286

1 craque ici.

2 Q. Je sais très bien que c’est douloureux, mais

3 je dois vous poser ces questions.

4 R. Oui, Madame, faites votre travail. Voulez-

5 vous continuer, s’il vous plaît ?

6 Q. J’attends simplement que vous repreniez votre

7 souffle. Est-ce que les soldats parlaient entre eux ?

8 R. Je ne me souviens pas.

9 Q. Est-ce qu’ils parlaient, est-ce qu’ils

10 mentionnaient des noms, est-ce qu’il se parlaient en

11 mentionnant des noms ?

12 R. Je ne me souviens pas.

13 Q. Vous avez dit que ça se passait à l’intérieur

14 de la salle de classe. À combien de reprises est-ce que ça

15 s’est passé ?

16 R. Je ne me souviens pas.

17 Q. Est-ce que vous vous souvenez des femmes qui

18 se trouvaient sur cette liste qui avaient été sorties ?

19 R. J’ai déjà mentionné qu’on les a fait sortir.

20 Je ne sais pas si c’était seulement là ou au Partizan

21 également, mais on les a toutes fait sortir avec moi à

22 l’exception du numéro 91… c’est-à-dire 51 (se reprend

23 l’interprète), mais dans quel intervalle, je ne me souviens

24 pas.

25 Q. Pourriez-vous me répondre et me dire combien

Page 2287

1 de temps êtes-vous restée dans cette salle de classe ?

2 R. Dix à 15 minutes à peu près, quoique cela

3 semblait comme une éternité pour moi.

4 Q. Pendant votre séjour dans cette école

5 secondaire, y avait-il des blessés dans cette salle de

6 classe ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce qu’on leur venait en aide ?

9 R. Oui. On pansait leurs blessures.

10 Q. Dans cette école secondaire, est-ce que le Dr

11 Somarakic (ph.) se présentait ?

12 R. Je ne me souviens pas. En fait, je ne

13 connais pas cet homme. Peut-être qu’il se présentait. Je

14 ne sais pas. J’étais tellement stressée. Je ne me

15 souviens pas de cela, mais je sais qu’on emmenait des gens

16 pour panser leurs blessures. Je n’ai pas mis leurs noms

17 sur cette liste. Il y avait également un enfant de trois

18 ans.

19 Q. À combien de reprises est-ce qu’on les

20 emmenait pour panser leurs blessures ?

21 R. Je ne sais pas exactement.

22 Q. Dans votre première déclaration que vous avez

23 donnée aux enquêteurs du Tribunal, à la page 4, vous nous

24 avez dit qu’à l’école secondaire, vous avez vu Petko

25 Cancar.

Page 2288

1 R. Oui.

2 Q. Êtes-vous en mesure de nous dire, par rapport

3 au moment où vous êtes arrivée dans cette école secondaire,

4 quand est-ce que ça se serait produit ?

5 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de la

6 date, mais approximativement, je pourrais vous dire que

7 c’était peut-être une dizaine de jours [hors microphone]

8 l’école, mais je ne peux pas vous donner la date exacte

9 puisque c’est une approximation.

10 Q. Donc, lorsqu’il s’est présenté dans cette

11 école secondaire, avec qui est-il venu ?

12 R. Je ne sais pas.

13 Q. Est-ce que vous l’avez vu ?

14 R. Oui.

15 Q. Où est-ce que vous l’avez aperçu ?

16 R. Dans la salle de classe.

17 Q. Est-ce qu’il a pénétré à l’intérieur de la

18 salle de classe ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce qu’il vous a adressé la parole ?

21 R. Je ne me souviens pas vraiment de cet

22 événement très bien.

23 Q. Les autres personnes qui se trouvaient avec

24 vous, est-ce qu’elles avaient pu le voir ?

25 R. Eh bien, oui. Bien évidemment qu’oui.

Page 2289

1 Q. Est-ce que vous avez vu Petko Cancar avant

2 cette journée-là, donc avant de l’avoir vu dans cette école

3 secondaire ?

4 R. Non. En fait, je ne me souviens pas.

5 Q. De quelle façon saviez-vous qu’il s’agissait

6 bien de lui ?

7 R. Quelqu’un, une des personnes qui se

8 trouvaient sur place le connaissait. Moi personnellement,

9 non, je ne le connaissais pas. Maintenant, qui a dit qu’il

10 s’agissait bien de lui, je ne le sais pas, je ne me

11 souviens pas. Ça fait huit ans de cela quand même.

12 Q. J’aimerais vous demander de prendre votre

13 déclaration, s’il vous plaît.

14 R. Quel numéro ?

15 Q. Le numéro 74. C’est votre première

16 déclaration qui porte le numéro 75.

17 R. J’ai une déclaration portant le numéro 75 et

18 c’est dans notre langue et j’ai également la déclaration

19 76, 77.

20 Q. À la première page, c’est écrit que ça s’est

21 passé en 1996 ou, en fait, qu’elle a été prise en 1996.

22 R. Je crois qu’il s’agit de celle qui est

23 énumérée 76.

24 Q. Avez-vous la version en serbe ?

25 R. Je crois qu’il s’agit de celle-ci.

Page 2290

1 Q. Est-ce que c’est écrit sur la première page

2 que ça a été pris en 1996 ? La première page que vous avez

3 devant vous.

4 R. Le 25, le 26 avril, mais l’année ne figure

5 pas.

6 Me PILIPOVIC (interprétation) : J’aimerais

7 demander au Huissier ou au Greffier, en fait, de nous

8 trouver…

9 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …de 1996 a reçu

10 le numéro de pièce à conviction du Procureur 75.

11 Me PILIPOVIC (interprétation) : Oui.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

13 l’Huissier, pourriez-vous vous assurer qu’il s’agit bien de

14 la déclaration qui a été prise en 1996 ? Merci.

15 Poursuivez, Maître.

16 Me PILIPOVIC (interprétation) : Merci.

17 Q. À la page 4 de votre déclaration, s’il vous

18 plaît, au premier paragraphe, vous mentionnez que : « À

19 l’école secondaire, j’ai vu… »

20 R. « À l’école secondaire, j’ai également vu

21 Petko Cancar. Je sais qu’il était avocat avant la guerre,

22 mais je ne sais pas quelles fonctions il occupait pendant

23 la guerre. J’ai vu Cancar dans le couloir qui menait vers

24 la salle de bain qui se trouvait à l’étage inférieur.

25 Cancar portait… »

Page 2291

1 Q. Merci. Vous nous avez dit qu’il s’était

2 rendu dans la salle de classe ?

3 R. Oui.

4 Q. Maintenant ici, vous dites que vous l’avez

5 rencontré dans le couloir ?

6 R. Écoutez, Madame, il s’agit de l’année 1996 et

7 là, on parle de l’an 2000. Alors, c’était il y a quatre

8 ans, mais il a pénétré dans cette salle de classe. Je ne

9 me souviens pas. J’ai peut-être emmené mon enfant aux

10 toilettes à ce moment-là parce que j’étais de retour et

11 c’est là que je l’ai retrouvé, il était là quand je suis

12 revenue. Maintenant, je sais très bien. Je me souviens

13 maintenant qu’il était avocat, mais cet homme, je ne le

14 connaissais pas puisque les avocats, je n’en avais pas

15 besoin.

16 Q. Est-ce que vous voulez dire que lors de cette

17 déclaration, votre souvenir était plus clair ?

18 R. Oui, bien sûr. C’est normal.

19 Q. C’est pour ça que vous avez donné cette

20 déclaration ?

21 R. Oui, bien sûr.

22 Q. Vers la fin de cette déclaration, à la page…

23 vous avez dit que vous avez également vu Velibor Ostojic ?

24 R. Oui.

25 Q. À quel moment il s’est présenté à l’école ?

Page 2292

1 R. Je ne me souviens pas.

2 Q. Est-ce qu’il venait tout seul ou avec

3 quelqu’un d’autre ?

4 R. Je ne me souviens pas non plus.

5 Q. Est-ce que vous le voyiez avant qu’il se

6 présente à l’école ?

7 R. Peut-être dans la rue, mais je ne me souviens

8 pas du tout de son visage.

9 Q. Est-ce qu’il vous adressait la parole ?

10 R. Je ne me souviens pas. Je ne pense pas.

11 Q. Lors de l’interrogatoire, est-ce qu’on vous a

12 montré sa photographie ou son image ?

13 R. Je me souviens qu’on m’a montré une

14 photographie. Je ne sais pas de qui il s’agissait, mais je

15 me souviens très bien qu’on m’avait montré à côté du

16 tableau un portrait de quelqu’un et je ne me rappelle pas

17 de quel portrait il s’agissait, du portrait de qui, mais

18 quelqu’un nous a demandé : « Est-ce que vous savez ou est-

19 ce que tu sais de qui il s’agissait ? »

20 Q. Qu’est-ce que vous avez répondu ?

21 R. Bien, je ne savais vraiment pas de qui il

22 s’agissait sur ce mur.

23 Q. À la page 5 de votre déclaration, à la

24 deuxième ligne, vous avez dit : « J’ai signé cette photo

25 et je l’ai soumise avec cette déclaration. »

Page 2293

1 R. À l’école secondaire ?

2 Q. Non. « Je signe cette photo et je joins la

3 photo avec le document. »

4 R. Eh bien, je ne me souviens pas vraiment qu’on

5 m’a apporté une photographie, mais ils l’ont peut-être

6 emmenée du Tribunal, ils m’ont peut-être emmené une

7 photographie, mais je ne me souviens pas. Ça s’est passé

8 quand même il y a quatre ans. Je l’ai probablement reconnu

9 sur cette photo, mais je ne me souviens vraiment pas

10 d’avoir fait cette déclaration puisque c’était il y a

11 quelque temps quand même de cela.

12 Q. Comment avez-vous fait pour le reconnaître

13 sur cette photo ?

14 R. Eh bien, je ne sais même pas si maintenant,

15 je serais en mesure de le reconnaître. Je ne me souviens

16 pas de l’avoir connu, quoique je vois que c’est inscrit ici

17 qu’il était enseignant, mais je ne me souviens pas vraiment

18 de cela.

19 Q. Permettez-moi de vous poser juste une autre

20 question concernant l’école secondaire. Y avait-il des

21 filles blessées pendant votre séjour à l’école secondaire ?

22 R. Je ne sais pas.

23 Q. Vous avez dit qu’après cela, vous vous êtes

24 rendue au Partizan ?

25 R. Oui.

Page 2294

1 Q. Après combien de temps vous êtes-vous rendue

2 au Partizan ?

3 R. Je ne sais pas après combien de temps. Ça a

4 duré très longtemps pour moi. Non seulement pour moi, mais

5 pour toutes les autres femmes qui étaient avec moi sur

6 cette liste, enfin, pour toutes les personnes qui se

7 trouvaient sur la liste. Ça a peut-être duré une vingtaine

8 de jours. Je ne sais pas, une quinzaine, une vingtaine de

9 jours. Je ne sais pas. Je ne suis pas certaine. Je suis

10 sûre qu’on ne savait pas le temps où ça a duré. On ne

11 dormait ni pendant le jour, ni pendant la nuit.

12 Q. Avant de partir ou avant d’aller au Partizan,

13 vous nous avez mentionné que pendant votre séjour à l’école

14 secondaire, vous avez été violée sur une base régulière,

15 tous les jours. Est-ce que vous aviez des problèmes de

16 santé ?

17 R. Vous voulez dire si maintenant, j’ai des

18 problèmes de santé ?

19 Q. Non. À l’époque.

20 R. Je ne me souviens pas, mais je sais qu’en ce

21 moment, j’en ai.

22 Q. À l’époque, est-ce que vous souffriez

23 d’hémorragies, est-ce que vous aviez des douleurs ?

24 R. Hémorragies ? Eh bien, ça a duré toute une

25 journée lorsque je suis arrivée, je ne sais plus d’où, et

Page 2295

1 après ça à Pazar, après mon arrivée à Pazar, j’ai saigné

2 pendant deux mois.

3 Q. Pendant votre séjour à l’école secondaire ?

4 R. Non. Seulement cette fois-là.

5 Q. Maintenant, quand vous êtes arrivée au

6 Partizan, est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour dire

7 qu’il s’agissait de la mi-juillet ?

8 R. Vraiment, je suppose qu’aucune de nous, nous

9 ne savons la date exacte à laquelle nous avons été emmenées

10 à Partizan.

11 Q. Est-ce que vous avez remarqué après votre

12 entrée au Partizan que quelqu’un d’autre y avait séjourné ?

13 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de

14 cela, mais d’après ce que je sache, je sais que cela a été

15 nettoyé mais maintenant, est-ce qu’il y avait quelqu’un

16 d’autre avant nous, ça, je ne me souviens vraiment pas.

17 Q. Vous êtes restée au Partizan jusqu’au 13 août

18 d’après vos dires ?

19 R. Oui.

20 Q. Pendant votre séjour au Partizan, y avait-il

21 d’autres personnes ? C’est-à-dire est-ce qu’on a emmené

22 d’autres personnes qui étaient dans la même situation que

23 vous ?

24 R. Un homme est arrivé avec une femme.

25 Q. Pendant tout le mois pendant que vous y étiez

Page 2296

1 ?

2 R. Oui, et juste avant de quitter, il s’agissait

3 du 12, quelques personnes sont arrivées, enfin, les gens

4 qui habitaient tout près et puis ils sont sortis avec nous.

5 Je crois qu’ils ont passé une nuit avec nous. En fait, je

6 ne sais pas quel était le nombre de personnes qui avaient

7 passé la nuit, peut-être cinq à six personnes avaient passé

8 la nuit et je sais qu’il y avait un enfant handicapé

9 également, c’est-à-dire une femme avec un enfant et, en

10 fait, c’était un grand enfant.

11 Q. Combien de temps ont-ils passé à cet endroit

12 ?

13 R. Peut-être une journée.

14 Q. Donc, ils sont allés quelque part, mais vous

15 ne savez pas où ?

16 R. Je sais qu’ils ont été transportés avec nous

17 à Pazar.

18 Q. Donc, leur arrivée s’est effectuée juste

19 avant votre départ si je comprends bien ?

20 R. Oui, c’est exact. Donc, un jour ou deux

21 avant le départ. Je ne suis pas certaine, mais je sais

22 qu’ils ont été transférés avec nous à Pazar.

23 Q. Pendant votre séjour au Partizan, est-ce

24 qu’on a échangé certaines personnes ?

25 R. Oui. Certaines personnes ont été emmenées

Page 2297

1 pour être échangées, mais à Cajnice, elles n’ont pas été

2 échangées. Je ne faisais pas partie de ce groupe.

3 Q. Pendant combien de temps sont-ils restés pour

4 cet échange ?

5 R. Je ne sais pas si le soir, ils sont revenus

6 ou s’ils sont revenus le lendemain, mais ce que je sais

7 c’est que… en fait, non, je ne peux pas vous donner une

8 réponse exacte, mais je ne sais pas s’ils sont revenus tard

9 le soir ou très tôt le lendemain matin.

10 Q. Est-ce que vous permettez que je vous suggère

11 qu’ils avaient peut-être passé deux jours ?

12 R. Il est possible puisque d’après les

13 déclarations que j’ai faites à l’époque, mon souvenir était

14 un peu plus frais. Maintenant, j’ai pas mal oublié.

15 Q. Est-ce que cet échange s’est fait avant votre

16 départ à Gorazde ?

17 R. Je ne me souviens pas, mais je crois que… je

18 ne sais vraiment pas. Non, vraiment, je ne peux pas vous

19 répondre à cette question. Je crois que c’était avant. Je

20 crois que c’était avant, mais je ne suis pas certaine.

21 Donc, avant mon départ à Gorazde.

22 Q. Est-ce que je peux rafraîchir votre mémoire

23 par rapport à la date à laquelle la mosquée a été détruite

24 ?

25 R. Le 2 août.

Page 2298

1 Q. Est-ce que ça s’est passé avant le 2 août ?

2 R. Pourriez-vous répéter ?

3 Q. Est-ce qu’on les a emmenés pour les échanger

4 avant le 2 août ?

5 R. Je crois que c’était avant cette date. Je ne

6 suis pas certaine, mais je crois que c’était avant, bien

7 sûr, cette date.

8 Q. Vous avez dit que la mosquée avait été

9 détruite le 2 août. Où est-ce que vous vous trouviez à

10 l’époque ?

11 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas dans

12 quelle maison j’étais, mais je sais que je n’étais plus au

13 Partizan.

14 Q. Je vous prierais de prendre votre

15 déclaration, celle que vous aviez en main il y a quelques

16 instants, et de vous rendre à la page 7, au dernier

17 paragraphe. Je vais vous aider à lire ce paragraphe :

18 « Lorsqu’on m’a fait sortir du Partizan… » Au troisième

19 paragraphe. Vous pouvez le lire, s’il vous plaît, pour

20 nous.

21 R. « Lorsqu’on m’a emmenée du Partizan, on

22 m’emmenait dans des maisons et dans des appartements et non

23 pas dans des hôtels. »

24 Q. Merci. Est-ce que vous affirmez cela

25 aujourd’hui également ?

Page 2299

1 R. Oui.

2 Q. Merci.

3 R. Puisque je n’ai pas mentionné Buk Bijela et

4 le stade, ça a dû avoir lieu après.

5 Q. Oui, je le sais.

6 R. Je n’ai pas besoin de regarder, de consulter

7 ce document, Madame, quoique je me souviens de ces détails.

8 Je suis sous un grand stress, mais vous êtes de leur côté,

9 vous comprenez, vous ne me comprendrez jamais. Allez,

10 continuez votre interrogatoire.

11 Q. Merci. Donc, une fois rendue au Partizan,

12 est-ce que vous vous rappelez quand est-ce qu’on vous a

13 fait sortir pour la première fois ?

14 R. Je ne me souviens pas, mais je crois que

15 c’était la nuit ou le soir.

16 Q. Lorsque vous êtes arrivée au Partizan, est-ce

17 qu’il y avait de la lumière au Partizan ?

18 R. Non. Il n’y avait pas du tout d’électricité.

19 En fait, il y en avait mais on ne savait pas comment

20 allumer l’électricité ou le courant, mais cette première

21 nuit, il n’y en avait pas.

22 Q. Est-ce qu’une femme de nationalité serbe

23 s’est présentée au Partizan ?

24 R. Pensez-vous à une journaliste ?

25 Q. Non. Je pense à une femme qui habitait non

Page 2300

1 loin de là.

2 R. Oui, oui. Il y avait une maison tout près.

3 Je ne me rappelle pas de son nom.

4 Q. Vous souvenez-vous si son nom était Vida

5 peut-être ?

6 R. Oui.

7 Q. Êtes-vous devenue amie avec cette femme ?

8 R. Eh bien, vous savez, mes enfants étaient tous

9 petits et lorsque je revenais, les enfants disaient :

10 « Maman, maman, où es-tu allée ? Pourquoi est-ce que tu

11 nous as laissés ? » Alors non, bien sûr, je n’ai pas eu de

12 très grands contacts avec elle. Oui, il est vrai qu’elle

13 emmenait un peu de nourriture et puis qu’elle me donnait un

14 peu de nourriture. Je n’aurais peut-être pas dû le dire

15 pour la protéger, mais pour dire que nous avons été amies,

16 je ne pourrais pas vraiment le dire parce que mes enfants

17 étaient les plus petits.

18 Q. À Partizan, vous aviez une permission de

19 votre amie d’école. Est-ce que quelqu’un d’autre a pu

20 sortir de Partizan ?

21 R. Eh bien, j’allais quelques fois acheter

22 certaines choses.

23 Q. Quelle était la situation qui prévalait à

24 Foca si vous sortiez pour aller chercher de la nourriture ?

25 R. Croyez-moi quand je vous dis que je ne me

Page 2301

1 souviens pas vraiment. Vous savez que c’était très

2 difficile pour moi. La deuxième fois ou la troisième fois

3 que je suis sortie, j’ai rencontré une camarade d’école et

4 je lui ai dit bonjour, mais elle s’est cachée. Ça m’a

5 vraiment frappée. Ça a été très dur. Je ne comprenais pas

6 comment une telle chose pouvait se produire et j’étais

7 allée chercher du pain, en fait, parce que je n’avais pas

8 d’argent pour autre chose que du pain.

9 Q. Vous avez dit avoir été sortie du centre de

10 Partizan la première nuit. Qui d’autre est sorti avec vous

11 ?

12 R. Je ne m’en souviens pas.

13 Q. Où vous a-t-on emmenée ?

14 R. Je ne m’en souviens pas non plus. J’en suis

15 désolée. Est-ce que je peux dire quelque chose ? Imaginez

16 que vous vous trouvez dans une toute petite ville, par

17 exemple celle de Foca, je ne sais pas d’où vous êtes

18 originaire, ça ne m’intéresse pas, mais à supposer qu’en 40

19 jours, par exemple, ne parlons pas de viol, mais qu’en 40

20 jours…

21 Me PILIPOVIC (interprétation) : Excusez-moi, mais

22 je me contentais de poser une question au témoin.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Ne

24 posez pas des questions au conseil de la Défense. C’est

25 elle qui est chargée de vous poser des questions.

Page 2302

1 Veuillez poursuivre, Me Pilipovic.

2 Me PILIPOVIC (interprétation) : Merci.

3 Q. Examinons de nouveau la page 7, celle que

4 vous avez sous les yeux. Voyons le cinquième paragraphe.

5 Un rappel de ma part car vous ne vous souvenez pas… je

6 m’excuse de devoir vous poser ces questions, mais c’est mon

7 devoir.

8 « Les viols ont commencé la première nuit. »

9 Madame, je vais vous demander de poursuivre la lecture de

10 ce paragraphe.

11 R. « Les viols ont commencé dès la première

12 nuit. On m’a fait sortir la première nuit après qu’on nous

13 ait emmenés au centre sportif de Partizan. Je ne sais pas

14 qui m’a fait sortir. Je ne me souviens pas de tous les

15 détails, mais comme je l’ai dit, je n’ai pas reconnu

16 nombreux des soldats qui se trouvaient là. L’autre femme

17 qui a été emmenée avec moi cette nuit-là s’appelait… »

18 Q. Oui, oui, fort bien ! Je vous remercie.

19 Est-ce que cette description est correcte ?

20 R. Je pense qu’oui parce qu’à ce moment-là,

21 j’avais des souvenirs bien plus précis à l’époque.

22 Q. Donc, vous aviez des souvenirs plus précis ?

23 R. Oui. De toute façon, c’était normal, quatre

24 ans.

25 Q. Vous avez passé combien de temps à cette

Page 2303

1 maison ?

2 R. Je ne me souviens plus, mais je ne suis pas

3 restée longtemps.

4 Q. Vous avez dit ici que vous étiez rentrée vers

5 3 ou 4 h 00 du matin et vous dites qu’alors vos souvenirs

6 étaient meilleurs, mais ceci est évoqué au paragraphe

7 suivant.

8 R. Non. Peut-être. Non, non, c’est même sûr,

9 j’avais des souvenirs plus précis. Vous savez que le temps

10 fait son œuvre, malheureusement, pour ce qui est de la

11 mémoire.

12 Q. Donc, vous avez oublié plusieurs choses ?

13 R. Oui, et d’ailleurs je veux les oublier.

14 Q. Pourriez-vous nous décrire cette maison dans

15 laquelle on vous a emmenée ?

16 R. Impossible.

17 Q. Un autre rappel. Vous avez dit que cette

18 maison se trouvait en direction de Gornje Polje.

19 R. Est-ce que je peux regarder ? Est-ce que

20 c’est la maison qui avait été incendiée ? Je ne me

21 souviens plus. Est-ce que vous me permettez de regarder ?

22 Q. Bien sûr.

23 R. C’est effectivement la vérité.

24 Q. C’est encore la vérité ?

25 R. C’est tout ce que j’ai dit tout du long.

Page 2304

1 Q. Dernière page de votre déclaration préalable.

2 Nous sommes à la page 12. Je vais vous demander de donner

3 lecture de ce que vous avez dit au point 4.

4 R. Est-ce que je peux mentionner mon nom ?

5 Désolée, désolée. Est-ce que mon nom peut être mentionné ?

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous

7 avais demandé de lire, Me Pilipovic, vous-même.

8 Me PILIPOVIC (interprétation) : De nouvelles

9 excuses de ma part. Je vais moi-même donner lecture.

10 Q. « …a reconnu que les faits et sujets évoqués

11 dans sa déclaration préalable sont véritables, sont

12 vrais. »

13 Maintenez-vous que tous les dires que vous avez

14 dits et propos que vous avez tenus jusqu’à présent

15 représentent la vérité ?

16 R. Oui.

17 Q. Merci. Lorsque vous étiez au centre sportif

18 de Partizan, est-ce qu’on vous a emmenée à la maison qui se

19 trouvait à proximité de la gare routière ? Vous m’entendez

20 ?

21 R. Je ne m’en souviens pas.

22 Q. Est-ce qu’on vous a emmenée dans une maison

23 située à Donje Polje ?

24 R. Je ne m’en souviens pas non plus. Je ne sais

25 plus où toutes ces maisons se trouvaient. Je suis

Page 2305

1 incapable d’autant que la lecture a été faite de mon nom de

2 famille et maintenant, il m’est impossible de me

3 concentrer.

4 Q. Puis-je poursuivre les questions ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez dit qu’au cours de votre séjour à

7 Partizan, vous aviez été chez Dragan Gagovic ?

8 R. Oui.

9 Q. Qui vous a accompagnée ?

10 R. La femme correspondant au numéro 48.

11 Q. Y avait-il d’autres personnes avec vous ?

12 R. Non.

13 Q. Aujourd’hui, vous avez dit que c’est le

14 numéro 21, la femme correspondant à ce numéro vous avait

15 également accompagnée.

16 R. Vous voulez parler de la police ou plutôt de

17 l’appartement ou il nous a emmenées ? Effectivement, si

18 vous parlez du poste de police, le numéro 51 était avec

19 nous, mais pour aller à l’appartement, il m’a emmenée moi

20 et le numéro 48.

21 Q. Parlons de la fois où vous êtes allée à la

22 police. Est-ce que vous avez trouvé là Dragan Gagovic ?

23 R. Non. Nous n’avions pas accès la première

24 fois.

25 Q. Donc, vous êtes allée une deuxième fois ?

Page 2306

1 R. Oui.

2 Q. La deuxième fois où vous y êtes allée, est-ce

3 que là aussi vous étiez seule ou avec une personne ou est-

4 ce que vous étiez plusieurs ?

5 R. Il y avait le numéro 51, le numéro 48 et moi-

6 même. Nous étions trois et la femme numéro 48 a parlé,

7 mais je ne sais pas exactement de quoi elle a parlé et ce

8 qu’ils se sont dit.

9 Q. Un rappel. Page 8 de votre déclaration

10 préalable, vous avez dit que vous et la femme numéro 48

11 étaient allées parler, que le garde vous avait dit

12 d’attendre, Dragan Gagovic était arrivé et que la femme

13 numéro 48 lui avait parlé.

14 R. 48, oui.

15 Q. Mais vous n’avez pas mentionné à ce moment-là

16 la femme numéro 51 ?

17 R. Vous voyez, nous y sommes allées deux fois et

18 je ne me souviens plus si la femme numéro 51 était avec

19 nous la première fois ou plutôt la seconde fois. En tout

20 état de cause, nous sommes allées à trois et je ne sais pas

21 si nous étions les trois aux deux occasions ou bien s’il y

22 a une fois uniquement moi-même et le numéro 48.

23 Q. Êtes-vous sûre que vous n’étiez que trois

24 cette première et cette seconde fois ?

25 R. Oui.

Page 2307

1 Q. Suite à votre visite au SUP, à la police,

2 combien de temps s’est-il écoulé avant que Dragan Gagovic

3 aille au centre de Partizan ?

4 R. Je ne sais pas si un ou deux jours s’étaient

5 écoulés. Je ne suis pas trop sûre. J’aimerais terminer.

6 Je ne suis pas trop sûre quant à la question de savoir si

7 c’est lui qui est venu au Partizan ou si c’est plutôt un

8 des hommes qui étaient avec lui. Je ne sais pas si c’est

9 lui qui a dit que nous devrions sortir. Je sais simplement

10 que nous deux et que lui seul nous sommes rendus dans un

11 bâtiment qui se trouve à Gornje Polje à un des étages

12 supérieurs, mais je ne me souviens plus maintenant du

13 bâtiment en tant que tel.

14 Q. Un autre rappel si vous me le permettez. À

15 la page 8 de votre déclaration préalable, il y est dit :

16 « Le lendemain, Dragan Gagovic est venu au Partizan. Il

17 est entré dans le local et il m’a appelée par mon nom. Il

18 nous a emmenées, une autre femme et moi, dans une maison

19 proche. »

20 Est-ce exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Pourriez-vous me dire, Madame, est-ce qu’il

23 s’agissait d’une maison ou plutôt d’un bâtiment, d’un

24 édifice ?

25 R. Eh bien, pour autant que je m’en souvienne,

Page 2308

1 c’était un bâtiment avec des appartements. Je crois que

2 maintenant, je fais une confusion entre tous ces endroits

3 où on m’a emmenée, mais étant donné que cette déclaration

4 préalable a été fournie moins de temps après les

5 événements, je pense que c’était exact.

6 Q. Pensez-vous qu’il s’agissait à ce moment-là

7 d’une maison ?

8 R. Je pense qu’oui.

9 Q. Combien de temps avez-vous passé dans cette

10 maison ?

11 R. Peu de temps.

12 Q. Combien de temps exactement ?

13 R. Impossible de vous le dire, mais enfin, pas

14 très longtemps.

15 Q. J’aimerais vous rappeler autre chose.

16 Toujours à cette page, mais au dernier paragraphe de la

17 page : « Une fois, je ne sais pas exactement, on m’a

18 emmenée de Partizan dans une maison. Un des soldats m’a

19 violée puis a allumé une cigarette qu’il a éteinte sur ma

20 main. Il l’a fait trois fois. »

21 R. Oui. Voulez-vous que je vous le montre ?

22 Q. Pourriez-vous me dire à quel moment ceci

23 s’est produit ? Combien de jours s’étaient écoulés depuis

24 votre arrivée à cet endroit ?

25 R. Je ne m’en souviens pas.

Page 2309

1 Q. Pourriez-vous nous décrire ce soldat ?

2 R. Non.

3 Q. Quel âge avait-il ? Est-ce que c’était un

4 homme jeune ou plus âgé ?

5 R. Je dirais à peu près 35 ans.

6 Q. Quel type d’uniforme portait-il ?

7 R. Je ne m’en souviens pas.

8 Q. Est-ce que vous avez toujours des cicatrices

9 sur la main ?

10 R. Je pense qu’oui. Vous voulez regarder ? Je

11 vous ai demandé.

12 Q. Il faut bien que ce soit fait. Non, non, ça

13 ne sera pas nécessaire, mais combien de cicatrices sont-

14 elles visibles à ce jour ?

15 R. Eh bien, aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une

16 parce qu’après tout, il y a quand même huit années qui se

17 sont écoulées depuis les événements.

18 Q. Est-ce que vous avez parlé à qui que ce soit,

19 disons, qui partageait votre sort à Partizan, vous leur

20 avez parlé de cela ?

21 R. Tout le monde l’a vu. Tout le monde l’a vu,

22 à l’exception des personnes qui avaient déjà été sorties

23 plus tôt après l’arrivée des journalistes, certaines

24 personnes qui ne sont jamais revenues, mais les autres sont

25 toutes au courant.

Page 2310

1 Q. Je vais vous demander de revenir à la page 7

2 de votre déclaration préalable. Pourriez-vous la reprendre

3 ?

4 R. Oui.

5 Q. Quatrième paragraphe (je cite) : « Il y en

6 avait un qui s’appelait Dragan Kunarac qu’on surnommait

7 Zaga. Il venait au bâtiment de Partizan. Je ne le

8 connaissais pas de l’école secondaire. Il avait des

9 cheveux bruns. C’était un homme grand, mince, aux cheveux

10 longs portant la barbe et la moustache. Il avait un accent

11 du Monténégro. Zaga venait toujours avec le même groupe de

12 soldats. Il avait son propre groupe de soldats. C’était

13 vrai aussi pour Tuta et Zelja. Chacun d’entre eux

14 disposait de son propre groupe de soldats. Zaga n’est pas

15 venu avec Tuta ou Zelja au bâtiment de Partizan. » Fin de

16 citation.

17 C’est bien ce que vous avez dit aux enquêteurs du

18 Tribunal ?

19 R. Oui.

20 Q. Il y a un instant, vous avez fait cette

21 déclaration ou lu la déclaration où il est affirmé que vous

22 dites la vérité dans cette déclaration préalable. Alors,

23 est-ce que vous nous dites bien la vérité ?

24 R. Oui. Normalement, je ne me souvenais pas

25 s’il venait avec un groupe. En ce moment même, je ne peux

Page 2311

1 plus me souvenir de ces détails-là, mais je pense que c’est

2 bien la vérité effectivement parce qu’à ce moment-là,

3 j’avais des souvenirs plus frais, plus récents.

4 Q. Quand avez-vous entendu parler de Dragan

5 Kunarac avant le conflit ou avant d’arriver au bâtiment de

6 Partizan ?

7 R. Eh bien, je ne le connaissais pas du tout.

8 Q. Quand l’avez-vous vu pour la première fois ?

9 R. Vous voulez une date ? Ce serait difficile à

10 vous la fournir.

11 Q. Non. Disons combien de jours après votre

12 arrivée au bâtiment de Partizan ?

13 R. Eh bien, je ne suis pas sûre. Il se peut que

14 ce soit trois, quatre ou cinq jours après. Je ne peux pas

15 vous donner une date exacte.

16 Q. Qui était avec lui à cette époque ?

17 R. Je ne m’en souviens pas.

18 Q. Est-ce qu’il a parlé à qui que ce soit parmi

19 vous ?

20 R. Je ne m’en souviens pas non plus.

21 Q. Il y a un instant, vous avez dit qu’il avait

22 un accent du Monténégro ?

23 R. Oui. C’est du moins l’impression que j’ai

24 eue.

25 Q. Je vous repose la question : Est-ce qu’il

Page 2312

1 vous a parlé à vous ou est-ce qu’il a parlé à quelqu’un

2 d’autre ?

3 R. Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre

4 question ?

5 Q. Eh bien, cette fois-là lorsque vous l’avez

6 vu, est-ce qu’il vous a parlé à vous ou à quelqu’un d’autre

7 puisque vous dites qu’il avait un accent du Monténégro ?

8 R. Il a parlé, il a dit quelque chose, mais je

9 ne sais pas avec qui il l’a fait. Vous savez, il y a

10 beaucoup de temps qui s’est écoulé depuis cela.

11 Q. Vous vous souvenez de son accent monténégrin

12 ?

13 R. Oui.

14 Q. Quand avez-vous entendu son nom prononcé pour

15 la première fois ?

16 R. Eh bien, la première fois, voyons, je pense

17 que c’est la femme numéro 90 qui me l’a dit ou plutôt la

18 personne 90 parce qu’un de ses parents était allé à l’école

19 avec lui et c’était elle qui l’avait vu. Donc, elle m’a

20 dit quelle était son identité.

21 Q. Donc, ce parent de la femme numéro 90, où

22 allait-il à l’école ?

23 R. Eh bien, à l’école secondaire sans doute à

24 Foca parce que c’est de là qu’elle est sortie.

25 Q. Est-ce qu’elle vous a dit qu’ils se

Page 2313

1 connaissaient, elle et lui ?

2 R. Je ne m’en souviens pas. En tout cas, c’est

3 elle qui m’a dit que c’était Dragan Kunarac.

4 Q. Alors, vous en avez conclu qu’il avait fait

5 l’école secondaire à Foca ?

6 R. Non, non. C’était un parent à lui qui avait

7 été à l’école avec le numéro 90 et elle les avait vus

8 ensemble, les deux parents, d’où le nom qu’elle

9 connaissait.

10 Q. Est-ce qu’ils se voyaient ou est-ce qu’ils

11 allaient à l’école ensemble ? Je parle ici de ce parent de

12 Kunarac.

13 R. Eh bien, je suppose qu’oui, sinon comment

14 aurait-elle connu son nom ou su son nom ?

15 Q. Le parent de la femme 90 allait à l’école

16 secondaire à Foca ?

17 R. Je suppose qu’oui. Je n’en suis pas sûre.

18 Sinon, comment aurait-elle appris son nom ?

19 Q. Lorsqu’il est venu au bâtiment de Partizan,

20 quelle heure était-il ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Vous avez dit qu’il avait son propre groupe

23 de soldats ?

24 R. C’est du moins ce que j’ai dit dans la

25 déclaration préalable, mais franchement, je ne me souviens

Page 2314

1 plus du nombre d’hommes qui composaient ce groupe, avec qui

2 il venait, je ne sais plus.

3 Q. Comment en avez-vous conclu que c’était son

4 groupe à lui ?

5 R. Eh bien, aujourd’hui même, je ne me souviens

6 plus de ça. Je m’en suis souvenue sans doute à l’époque

7 parce qu’il donnait des ordres, mais même ça n’est plus

8 dans mon souvenir.

9 Q. Il a donné des ordres mais quand ?

10 R. Était-ce dans la maison ou à Partizan, je ne

11 sais pas. Je ne m’en souviens plus, mais je le répète,

12 cette déclaration préalable est plus récente que ma

13 déposition d’aujourd’hui et correspond à la vérité.

14 Q. Donc, ce que vous avez dit dans cette

15 déclaration correspond à la vérité ?

16 R. Oui.

17 Q. Pourtant, nulle part dans cette déclaration

18 de 12 pages vous n’ajoutez quoi que ce soit, à part ce

19 paragraphe, à propos de Dragan Kunarac.

20 R. Je ne sais pas si j’ai dit autre chose et si

21 j’ai dit quelque chose si la personne ne l’a pas noté. Il

22 faudrait peut-être que je relise l’intégralité pour voir si

23 je le rementionne quelque part.

24 Q. J’ai parcouru la totalité de cette

25 déclaration, mais il n’est mentionné nulle part ailleurs.

Page 2315

1 R. Je suppose que les enquêteurs [hors

2 microphone] …les choses de façon générale à l’époque

3 puisqu’au moment de ma déclaration préalable en 1996,

4 Kunarac n’avait pas été arrêté, il ne s’était pas livré,

5 parce que j’ai appris qu’il s’était livré, mais à l’époque,

6 les enquêteurs ne m’ont pas posé de questions fort

7 détaillées là-dessus. C’était normal.

8 Q. Pourquoi ne pas leur avoir dit à l’époque ce

9 qui vous est arrivé ?

10 R. Eh bien, pour autant que je m’en souvienne,

11 je n’ai pas fourni beaucoup de détails, en tout cas, je

12 n’ai pas beaucoup parlé d’individus en particulier.

13 Q. Vous dites que la femme numéro 90 vous a dit

14 que c’était un ami d’un parent à elle ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce qu’elle vous a parlé de cela ? Est-ce

17 comme cela que vous avez appris l’existence de Kunarac ?

18 R. Eh bien, à plus mûre réflexion, je me dis

19 qu’il a dû venir au bâtiment de Partizan. C’est là qu’elle

20 a dû le voir et le reconnaître.

21 Q. Donc c’est elle qui vous l’a dit ?

22 R. Oui.

23 Q. Donc vous, vous ne l’avez pas vu ?

24 R. Qu’est-ce que vous voulez dire que je ne l’ai

25 pas vu ?

Page 2316

1 Q. Vous ne l’avez pas vu au bâtiment de

2 Partizan, mais c’est la 90 qui vous l’a dit ?

3 R. Ça, je ne m’en souviens pas, mais je suis

4 sûre qu’il se trouvait sur les lieux. Où l’a-t-elle vu, je

5 ne sais pas. Est-ce qu’elle l’a vu au moment où elle était

6 sortie avec moi, où on l’avait fait sortir avec moi ou bien

7 est-ce qu’il était venu à Partizan, est-ce que moi ou

8 plutôt elle, à ce moment-là, nous l’avons reconnu à cet

9 endroit, je ne m’en souviens pas. Vous savez, ça fait un

10 peu moins de huit ans, ça fait quand même beaucoup de

11 temps.

12 Q. Est-ce que la femme numéro 90 et vous-même,

13 on avait coutume de vous faire sortir ensemble pendant que

14 vous vous trouviez au bâtiment de Partizan ?

15 R. Je ne m’en souviens vraiment plus.

16 Q. Vous maintenez toujours, comme vous l’avez

17 dit dans votre déclaration préalable de 1996, que vous vous

18 êtes toujours déplacée à pied lorsque certains soldats vous

19 emmenaient à certains endroits et c’est ce que vous avez

20 confirmé aujourd’hui ?

21 R. Je pense qu’oui.

22 Q. Je vais maintenant vous demander d’examiner

23 la deuxième déclaration préalable que vous avez fournie aux

24 enquêteurs du Tribunal. Elle date de 1998, plus

25 précisément du 25 et du 26 avril 1998. Vous l’avez sous

Page 2317

1 les yeux ?

2 R. Oui.

3 Q. Je voudrais vous poser quelques questions à

4 propos de cette déclaration. Dans la première déclaration

5 fournie en 1996, vous avez dit que vous aviez de meilleurs

6 souvenirs. Pourquoi n’avez-vous pas dit que Kunarac vous

7 avait violée ?

8 R. Excusez-moi.

9 Q. Dans la première déclaration que nous venons

10 de lire ensemble, là vous l’avez décrit Kunarac portant la

11 barbe et la moustache. Pourquoi à ce moment-là, alors que

12 vos souvenirs étaient plus précis, n’avez-vous pas précisé

13 qu’il vous avait violée ?

14 R. Eh bien, si j’ai mentionné son nom ainsi que

15 le nom de toutes ces personnes, de tous ces hommes

16 mentionnés dans ces documents, c’est implicite.

17 Q. Quelles autres personnes avez-vous

18 mentionnées ? À part Kunarac et Tuta, vous n’avez fait

19 état de personne d’autre.

20 R. Ça me semble assez incroyable. Je ne peux

21 pas croire que je ne l’aie pas fait.

22 Q. Vous dites que Tuta vous a violée à l’école

23 secondaire et pour ce qui est du bâtiment de Partizan, vous

24 ne vous souveniez pas de noms précis et je vous rappelle

25 une fois de plus que vous aviez à ce moment-là meilleure

Page 2318

1 mémoire.

2 R. Certes, mais ils ne m’ont pas demandé des

3 questions ou posé des questions de détails, mais je leur ai

4 donné des noms et je pense que dans cette première

5 déclaration, il doit y avoir d’autres noms, beaucoup plus

6 de noms, les noms d’hommes que les autres femmes

7 connaissaient, pas des hommes que moi, je connaissais parce

8 que pratiquement, je ne connaissais personne parmi ces

9 hommes.

10 Q. Au moment où vous avez fourni cette première

11 déclaration, est-ce que vous avez parlé de vous-même de ce

12 qui vous est arrivé ou est-ce que quelqu’un vous posait des

13 questions ?

14 R. Eh bien, vous savez, je pleurais beaucoup à

15 l’époque. J’éprouvais de grandes difficultés à parler.

16 Des questions m’avaient été posées, questions auxquelles

17 j’ai répondu. Vous savez aussi, relater tout ce qui s’est

18 passé en l’espace de 40 jours, il faudrait pour ce faire au

19 moins dix jours si on voulait vraiment donner tous les

20 détails, alors que la prise de ma déclaration a duré peut-

21 être deux jours, peut-être trois. Je ne suis pas sûre.

22 Q. Est-ce que vous avez pris la deuxième

23 déclaration ?

24 R. Laquelle ?

25 Q. Celle de 1998. Il est marqué 25 et 26 avril.

Page 2319

1 Il s’agit de la pièce à conviction de la Défense 76.

2 LA GREFFIÈRE : Il ne s’agit pas de la pièce à

3 conviction de la Défense 76. Il s’agit du document

4 effectivement 76 du Procureur, mais qui a été enregistré

5 sous le numéro D40 des pièces de la Défense.

6 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je m’excuse.

7 Q. Page 3 de votre déclaration. Dites-moi tout

8 d’abord dans quelles circonstances vous avez donné cette

9 déclaration. Vous avez dit ici où vous avez vécu. Ça, on

10 ne va pas mentionner ça, mais dans quelles circonstances

11 avez-vous donné cette déclaration ?

12 R. Puisque ça vous intéresse, voilà, j’étais à

13 Novi Pazar et j’ai été examinée par un médecin et mon état

14 était extrêmement mauvais, extrêmement difficile et lui, il

15 a rendu publique cette information. Beaucoup de gens

16 venaient afin de prendre mes déclarations, mais j’avais

17 peur. J’ai donné une seule déclaration là-bas, une

18 déclaration brève. Ils venaient, ils ont demandé quelle

19 était mon adresse, ils voulaient savoir où j’étais. On

20 leur a dit que j’étais partie.

21 Q. Peu importe où.

22 R. Peu importe où.

23 Q. Vous avez donné une déclaration là-bas aussi,

24 vous avez dit ?

25 R. Où ?

Page 2320

1 Q. À Sandzak ?

2 R. Oui.

3 Q. À qui ?

4 R. À qui ? Moi, ça ne m’intéressait pas.

5 Q. Ces gens-là, est-ce qu’ils se sont présentés

6 ?

7 R. Oui, mais je ne m’en souviens pas. Moi, je

8 souhaitais et je continue à souhaiter que le monde sache ce

9 qui a été fait par eux.

10 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

11 Présidente, je pense qu’il y a une confusion maintenant

12 puisque la pièce à conviction de la Défense D40 concerne

13 l’entretien qui a eu lieu, l’interview qui a eu lieu à Novi

14 Pazar, mais en même temps, nous parlons de la déclaration,

15 de la deuxième déclaration que le témoin a fournie au

16 Procureur. Donc, je ne comprends pas de quelle déclaration

17 vous parlez en ce moment.

18 Me PILIPOVIC (interprétation) : Moi, j’ai demandé

19 au témoin d’examiner sa déclaration donnée au Tribunal les

20 25 et 26 avril et d’après mes notes, il s’agit de la pièce

21 à conviction de l’Accusation 76 et nous n’avons pas parlé

22 de l’autre déclaration pour le moment. En ce moment, si

23 j’ai bien compris, le témoin me parle de la déclaration

24 qu’elle a donnée à Sandzak.

25 R. Je l’ai donnée aux journalistes.

Page 2321

1 Q. C’était quand ? Tout de suite quand vous

2 êtes venue à Sandzak ?

3 R. Au bout de quelques jours.

4 Q. Vous avez donné ça aux journalistes ou à une

5 organisation ?

6 R. Moi, je continue à croire qu’il s’agissait

7 des journalistes, des journalistes étrangers. Je ne sais

8 pas très exactement qui ils étaient.

9 Q. Est-ce que quelqu’un d’autre mis à part vous

10 a donné une déclaration à ces personnes ?

11 R. Je ne sais pas.

12 Q. Vous l’avez fait dans quels locaux ?

13 R. Dans quels locaux ? À l’endroit où j’étais

14 logée, dans une maison particulière.

15 Q. Je vous demanderais maintenant de prendre

16 cette déclaration, la déclaration du 25 et 26 avril, celle

17 que vous avez donnée aux enquêteurs de ce Tribunal.

18 R. Oui. Elle est ici.

19 Q. Au moment où vous avez donné cette

20 déclaration aux enquêteurs du Tribunal en 1998, vous avez

21 dit que vous êtes venue afin de fournir certaines

22 informations supplémentaires. Regardez à la page 1, au-

23 dessous de l’endroit où il est inscrit : « La déclaration

24 de témoin ». Ce sera la page 2.

25 R. La page 1 ou 2 ? Oui.

Page 2322

1 Q. Sur l’invitation de qui étiez-vous prête à

2 fournir des informations supplémentaires ?

3 R. Comment ça sur invitation de qui ?

4 Q. Qui vous a appelée ?

5 R. C’est le Tribunal qui m’a appelée. Je ne

6 sais pas quelle est la personne. C’est eux qui sont venus

7 et c’est eux qui ont parlé avec moi.

8 Q. Qu’est-ce qu’ils vous ont dit au moment de

9 leur arrivée ?

10 R. Eh bien, avant de venir, ils m’ont demandé

11 s’ils pouvaient venir afin de parler avec moi, si j’étais à

12 même de parler avec eux. Moi, j’ai répondu qu’oui dans la

13 mesure dans laquelle je continuais à me rappeler de ces

14 événements.

15 Q. Est-ce qu’à ce moment-là, ils vous ont dit

16 que quelqu’un avait été arrêté ?

17 R. Oui.

18 Q. Qui a été arrêté à ce moment-là ?

19 R. La personne qui est assise en deuxième place.

20 Q. Si j’ai bien compris, on vous a contactée

21 pour que vous leur donniez des informations sur la personne

22 arrêtée ?

23 R. Eh bien, je suppose qu’ils s’attendaient à

24 beaucoup de choses. Cependant, pour moi, ceci constituait

25 une situation de stress et encore aujourd’hui, je souhaite

Page 2323

1 penser à cela le moins possible parce qu’ils ne le méritent

2 pas, ils ne méritent pas qu’on y pense, ils ne méritent pas

3 qu’on souffre à cause d’eux.

4 Q. Est-ce qu’à ce moment-là, vous leur avez dit

5 que vous avez déjà donné une déclaration préalable ?

6 R. Oui, oui.

7 Q. Est-ce que vous leur avez dit ce que vous

8 avez déclaré dans le cadre de cette déclaration préalable ?

9 R. Ils avaient cette déclaration préalable

10 devant eux. Donc, à mon avis, il n’était pas nécessaire

11 que je répète les choses. Ils le savaient suffisamment.

12 Q. Vous, est-ce que vous saviez ce que vous

13 aviez déclaré dans cette déclaration préalable ?

14 R. Oui, je le savais. Moi, j’ai dit la vérité.

15 Je dis ce que je sais même si en ce moment, j’oublie

16 certains détails. Même à l’époque, j’avais oublié certains

17 détails et entre-temps, j’ai oublié encore plus à cause de

18 tout ce temps qui s’est écoulé.

19 Q. Veuillez examiner maintenant la page 3 de

20 cette déclaration.

21 R. Oui.

22 Q. Le paragraphe commence par : « Je me

23 souviens que Zaga avec son groupe… »

24 R. Oui.

25 Q. Comment se fait-il que vous avez commencé à

Page 2324

1 dire la phrase en disant : « Je me souviens » ? Est-ce

2 qu’on vous a demandé si vous vous en souveniez, si vous le

3 saviez ?

4 R. Ça, je ne m’en souviens pas en ce moment. Je

5 ne sais pas si je l’ai dit librement comme ça ou bien si

6 c’était en réponse à une question.

7 Q. Vous avez rendu les choses plus claires ici.

8 Veuillez me lire cette partie de la déclaration qui

9 commence par : « Je me souviens que Zaga… »

10 Veuillez poursuivre.

11 R. Très bien.

12 « Je me souviens que Zaga, avec son groupe de

13 personnes, venait au centre des sports Partizan plusieurs

14 fois. Il ne venait jamais seul. Il venait toujours avec

15 certains membres de son groupe. Je pense que Zaga était le

16 leader de ce groupe puisque à chaque fois, il donnait des

17 ordres aux autres soldats alors qu’eux, ils se taisaient et

18 écoutaient. Je ne me souviens d’aucun ordre qu’il leur a

19 donné, seulement du fait qu’il le faisait. D’habitude, il

20 venait au centre sportif Partizan avec quatre ou cinq

21 hommes.

22 « Le but de leur visite était toujours de faire

23 sortir les femmes. Je ne me souviens pas très exactement

24 de l’uniforme de Zaga, ni des uniformes de ses hommes, mais

25 ils portaient tous les mêmes uniformes. J’ai appris de la

Page 2325

1 part de [nom expurgé]… (l’interprète se reprend) de la

2 personne… »

3 L’INTERPRÈTE : L’interprète indique qu’il faudra

4 expurger la version française.

5 R. « …de la part de 90 le vrai nom de Zaga.

6 Elle m’a dit qu’elle allait au lycée avec le cousin de

7 Zaga. Parfois, en ville, elle voyait son camarade de

8 classe avec Zaga. Je ne peux pas vous donner la

9 description de Zaga. »

10 Me PILIPOVIC (interprétation) :

11 Q. Merci. Ici, au bout de deux ans, vous dites

12 encore une fois que Zaga avait un groupe ?

13 R. Oui.

14 Q. Sur la base de quoi avez-vous fait cette

15 déclaration à l’époque ?

16 R. Je ne m’en souviens pas, mais j’ai dit

17 d’après cette déclaration qu’il venait avec certaines

18 personnes. En ce moment, je ne me souviens pas s’il venait

19 avec d’autres personnes ou pas, mais à l’époque, les

20 souvenirs étaient plus clairs. Donc, je suppose que

21 c’était la bonne version. Je ne sais pas si c’était dans

22 la maison qu’il donnait des ordres ou bien si c’était sur

23 le chemin. Je ne me souviens pas.

24 Q. Vous avez dit que vous êtes allée dans la

25 maison avec lui combien de fois ?

Page 2326

1 R. Deux fois. Si je m’en souviens bien, deux

2 fois dans cette maison du tailleur, mais je ne me souviens

3 pas des autres fois.

4 Q. Est-ce qu’il vous a fait sortir encore pour

5 aller à cette maison ?

6 R. Je ne m’en souviens pas. Je ne peux dire ni

7 oui, ni non parce que vraiment je ne me souviens pas. Je

8 m’excuse. Ils emmenaient tellement de personnes que je ne

9 m’en souviens plus, mais en ce qui concerne cette maison-

10 là, je m’en souviens, il y a eu des tissus et je me

11 souviens maintenant que l’un d’eux a dit qu’on pouvait

12 amener avec nous les tissus. Certaines l’ont fait. Moi,

13 non parce que je me disais que je n’avais rien à faire avec

14 les tissus puisque je ne savais même pas si j’allais

15 survivre.

16 Q. Est-ce que vous pouvez décrire la maison ?

17 R. Non.

18 Q. La disposition des pièces ?

19 R. Non. Je ne peux même pas me souvenir de la

20 disposition des pièces dans mes propres maisons, ni des

21 meubles. C’est très difficile en ce moment.

22 Q. Vous avez dit que vous étiez dans cette

23 maison deux fois ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous vous souvenez des tissus ?

Page 2327

1 R. C’est tout ce dont je me souviens.

2 Q. Où se trouvaient les tissus ?

3 R. Je ne me souviens pas dans quelle partie de

4 la pièce se trouvaient les tissus, mais de toute façon, je

5 m’en souviens puisque la personne… un instant. L’une des

6 personnes dont le nom figure sur cette liste a pris les

7 tissus la première ou la deuxième fois. Elles l’ont fait,

8 elles les ont amenés puisqu’on leur a dit de le faire.

9 Moi, je ne l’ai pas fait.

10 Q. Qu’est-ce que vous avez amené, les tissus ?

11 R. Oui.

12 Q. Il s’agissait de tissus à coudre ?

13 R. Oui, des tissus à coudre.

14 Q. Vous avez dit que la première fois, vous

15 étiez trois ?

16 R. Oui.

17 Q. Qui était avec vous ?

18 R. 105 et 90, je pense.

19 Q. Au moment où vous êtes venue dans cette

20 maison, c’était à quel moment de la journée ?

21 R. Je ne m’en souviens pas.

22 Q. Il faisait jour ou il faisait nuit ?

23 R. Je ne m’en souviens vraiment pas puisque,

24 Madame, excusez-moi mais je dois dire les choses comme ça,

25 nous, nous ne savions pas quel était le moment de la

Page 2328

1 journée puisqu’ils venaient à tout moment, le matin, à

2 midi, l’après-midi, la nuit, à tout moment et à ce moment-

3 là, dans cette situation précise, je ne m’en souviens pas.

4 Q. Je m’excuse. Vous ne vous souvenez pas des

5 détails importants alors que vous vous souvenez d’un détail

6 peu important comme, par exemple, que quelqu’un a pris le

7 tissu. Qui a pris le tissu ?

8 R. Qui ? La personne numéro 90.

9 Q. Lorsque vous êtes entrée dans la maison,

10 quelle était la disposition des pièces dans la maison ?

11 R. Je ne me souviens pas.

12 Q. C’était une maison au rez-de-chaussée ou bien

13 est-ce qu’il y a eu un étage ou plusieurs étages ?

14 R. Je ne me souviens pas.

15 Q. Il y avait combien de pièces ?

16 R. Je ne me souviens pas. Même en ce qui

17 concerne la maison dans laquelle je vivais avant la guerre,

18 il faudrait que je réfléchisse assez longuement pour savoir

19 combien de pièces il y avait et sans parler de la

20 possibilité de me souvenir du nombre des pièces de toutes

21 ces maisons. J’ai été emmenée dans environ 50 pièces.

22 Comment voulez-vous que je le sache ?

23 Q. Vous vous souvenez concernant le tissu.

24 Alors, je me suis dit peut-être vous savez ça.

25 R. Je m’en souvenais parce que j’ai trouvé ça

Page 2329

1 ridicule et en même temps, je trouvais ça triste. Je me

2 suis dit : mais qu’est-ce qu’elle a à faire avec ça ? Elle

3 aussi, elle avait un enfant de trois ans. Je ne sais pas

4 quelle était son intention lorsqu’elle a pris ce tissu.

5 Q. À ce moment-là, lorsque vous êtes venue,

6 comme vous dites, dans cette maison, qui vous y a emmenée ?

7 R. Je ne me souviens pas.

8 Q. C’était Zaga ou l’un des deux autres soldats

9 ?

10 R. Je ne me souviens pas si c’était lui, si

11 c’était tous les trois, s’ils sont venus tous les trois.

12 Je ne m’en souviens pas du tout.

13 Q. À quelle distance cette maison se trouve-t-

14 elle par rapport au Partizan ?

15 R. Eh bien, peut-être à 700, 800 mètres, mais il

16 m’est très difficile d’expliquer ça. Pas trop loin.

17 Q. Est-ce qu’il y a quelque chose de

18 caractéristique à côté de cette maison, ce qui peut

19 rafraîchir votre mémoire ?

20 R. Vous parlez de la mosquée Aladza ?

21 Q. Oui. Est-ce qu’à ce moment-là, pendant que

22 vous, vous étiez dans cette maison, est-ce que la mosquée

23 Aladza s’y trouvait ?

24 R. La première fois, oui. La deuxième fois, je

25 ne suis pas tout à fait sûre, mais je pense que non.

Page 2330

1 Q. Ceci s’est produit combien de jours avant la

2 démolition de la mosquée ?

3 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas.

4 Q. Lorsque vous êtes entrée dans la maison, est-

5 ce que vous aviez une conversation entre vous ?

6 R. Je ne me souviens pas de ça non plus.

7 Q. Est-ce que vous vous souvenez des soldats qui

8 étaient avec Kunarac dans cette maison ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire à peu près

11 quel était leur âge ?

12 R. Non plus.

13 Q. Comment étaient-ils vêtus ?

14 R. Non. Je sais tout simplement qu’ils

15 portaient tous des uniformes militaires, qu’ils étaient

16 tous vêtus de la même manière.

17 Q. Quelle était la couleur de cet uniforme ?

18 R. C’était vert et marron. C’était bariolé.

19 Q. Est-ce qu’il y a eu des insignes, quelque

20 chose de caractéristique sur les uniformes ?

21 R. Je ne m’en souviens pas.

22 Q. Est-ce que quelqu’un d’eux avait quoi que ce

23 soit de caractéristique sur lui ?

24 R. Je ne me souviens pas non plus.

25 Q. À ce moment-là, est-ce que Kunarac portait

Page 2331

1 une barbe et la moustache ?

2 R. À ce moment-là, je crois que je l’ai dit, il

3 portait une barbe, il n’était pas rasé, mais je ne sais pas

4 si je voulais parler de la barbe et de la moustache. Il ne

5 s’agissait pas d’une longue barbe, mais il n’était pas

6 rasé, de toute façon.

7 Q. Ses cheveux étaient longs ?

8 R. Un peu plus longs.

9 Q. 90 et 105, que faisaient-elles à ce moment-là

10 ?

11 R. Je ne sais pas. Comment voulez-vous que je

12 sache ce qui se faisait dans l’autre pièce ?

13 Q. Quand est-ce qu’elles ont été emmenées dans

14 l’autre pièce ?

15 R. Je ne sais pas très exactement si moi, j’ai

16 été la première qui a été emmenée dans l’autre pièce ou

17 bien si c’était d’abord elles, mais de toute façon, aucune

18 d’elle n’était avec moi dans la pièce où moi, j’étais.

19 Q. La pièce où vous étiez avec Kunarac, à quoi

20 ressemblait-elle ? Est-ce que vous pourriez me la décrire

21 ?

22 R. Je ne peux pas vous donner de description.

23 Q. Est-ce qu’il y avait des meubles dans cette

24 pièce ?

25 R. Je ne m’en souviens pas du tout.

Page 2332

1 Q. Est-ce qu’il y avait un lit ?

2 R. Je suppose qu’oui. Encore une fois, je vous

3 dis, je ne peux pas m’en souvenir, je ne peux pas décrire

4 ça parce que j’ai changé tellement de maisons, tellement de

5 personnes, je ne peux pas le savoir.

6 Q. Il faisait jour ou nuit ?

7 R. Je ne me souviens pas.

8 Q. Il y avait de la lumière dans cette pièce ?

9 R. Je ne sais pas.

10 Q. À ce moment-là, Kunarac, qu’est-ce qu’il vous

11 a dit au moment où vous êtes entrée dans la pièce ?

12 R. En ce moment, je ne m’en souviens pas, mais

13 je suppose que c’était à peu près comme tous les autres

14 jours : « Entre dans la pièce, enlève tes vêtements. »

15 Q. Excusez-moi, qu’est-ce qu’il vous a dit ?

16 R. Je ne me souviens pas ce qu’il m’a dit très

17 exactement, mais je suppose qu’il m’a dit d’aller dans la

18 pièce avec lui et d’enlever mes vêtements.

19 Q. Vous ne faites que supposer les choses en ce

20 moment ?

21 R. Tout simplement, je ne me souviens pas de ce

22 qu’il m’a dit à ce moment-là.

23 Q. Lorsque vous êtes entrée dans la pièce,

24 qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce que vous avez enlevé

25 vos vêtements ?

Page 2333

1 R. Quoi d’autre après les gifles de Tuta ? Je

2 n’avais pas d’autres choix que d’enlever mes vêtements.

3 Q. Est-ce qu’il vous a maltraitée physiquement

4 Kunarac à ce moment-là ?

5 R. Non.

6 Q. Est-ce qu’il vous a insultée ?

7 R. Je ne me souviens pas.

8 Q. Lui, est-ce qu’il a enlevé ses vêtements ?

9 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas s’il a

10 enlevé tous ses vêtements ou juste son pantalon.

11 Q. Est-ce qu’il avait quelque chose de

12 caractéristique sur lui ?

13 R. Je ne me souviens pas de ça non plus.

14 Q. Est-ce qu’il portait un foulard autour de la

15 tête ?

16 R. Je ne me souviens pas.

17 Q. Autour de son cou, est-ce qu’il portait une

18 chaîne ?

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. Est-ce que sur son uniforme, il y avait des

21 insignes ?

22 R. Non. Écoutez, pour vous dire tout à fait

23 ouvertement, en ce qui concerne tous ces détails, vraiment,

24 je ne peux pas m’en souvenir. Moi, j’étais dans une

25 situation de stress, j’avais peur. Je me demandais ce

Page 2334

1 qu’ils allaient faire, ce qui allait se passer.

2 Q. Est-ce que Kunarac ou les autres deux soldats

3 qui étaient avec vous dans la maison, est-ce qu’ils ont

4 proféré des menaces à votre encontre ?

5 R. Je ne me souviens pas.

6 Q. Est-ce que vous avez parlé avec eux ?

7 R. Je ne m’en souviens pas.

8 Q. Est-ce qu’ils se parlaient entre eux ?

9 R. Ils parlaient de quelque chose, mais je ne me

10 souviens pas de quoi.

11 Q. Est-ce qu’ils s’adressaient l’un à l’autre en

12 disant leurs noms ou leurs surnoms ?

13 R. Je ne me souviens pas de ça.

14 Q. Vous avez passé combien de temps dans cette

15 maison ?

16 R. Je ne sais pas très exactement. Je ne m’en

17 souviens pas, mais pas très longtemps.

18 Q. À peu près ? Une demi-heure, une heure ?

19 R. Au maximum une demi-heure, je pense.

20 Q. Vous êtes sortie de la maison toutes les

21 trois ensemble ?

22 R. Oui, toutes les trois ensemble.

23 Q. Où êtes-vous allée depuis cette maison ?

24 R. Vers le Partizan.

25 Q. Est-ce que vous êtes allée toute seule au

Page 2335

1 Partizan ou bien est-ce que vous avez été escortée ?

2 R. Non. L’un d’eux est allé avec nous.

3 Q. Vous, les trois, est-ce que vous avez parlé

4 de quoi que ce soit sur le chemin du Partizan ?

5 R. Comment voulez-vous qu’on parle puisque l’un

6 d’eux nous escortait ? On avait quand même peur.

7 Q. Ce soldat, puisque le numéro 90 portait le

8 tissu, est-ce qu’il a dit quelque chose ?

9 R. Je ne m’en souviens pas.

10 Q. Est-ce que vous lui avez demandé pourquoi

11 elle avait pris ça ?

12 R. Je ne me souviens pas du tout si je lui ai

13 posé cette question-là.

14 Q. Vous avez dit que ça, c’était la première

15 fois. La deuxième fois, quand est-ce que ceci s’est

16 produit lorsque vous vous êtes trouvée avec Kunarac de

17 nouveau et où ?

18 R. C’était dans la même maison. En ce qui

19 concerne la question de savoir quand, je ne m’en souviens

20 pas.

21 Q. Qui était avec vous ?

22 R. Je ne m’en souviens pas, Madame. Je m’excuse

23 vraiment, mais ceci s’est passé pendant 40 jours et on

24 changeait les personnes sans arrêt, sauf en ce qui concerne

25 le numéro 51. On a été emmené aux endroits différents et

Page 2336

1 je suis sûre que aucune des femmes dont les noms figurent

2 sur cette liste ne se souvient exactement de tous les

3 endroits où elle a été emmenée, aucune.

4 Q. Pendant votre détention au Partizan, vous

5 étiez la plus proche avec quelle personne dont le nom

6 figure sur cette liste ?

7 R. Le numéro 105.

8 Q. Est-ce qu’elle vous confiait des choses ?

9 R. Il est très difficile de parler de ce genre

10 de choses et elle, elle avait une belle-mère qui était une

11 femme âgée qui était vraiment difficile. Donc, nous ne

12 pouvions jamais vraiment discuter de cela.

13 Q. Est-ce qu’elle avait des enfants ?

14 R. Oui.

15 Q. Qui s’occupait de vos enfants ?

16 R. Quand ?

17 Q. Qui s’occupait de vos enfants pendant que

18 vous étiez au Partizan ?

19 R. Eh bien, moi, je laissais mes enfants

20 derrière moi et c’est les femmes qui restaient sur place

21 qui s’occupaient d’eux. Tout simplement, elles restaient

22 sur place et elles s’occupaient des enfants, mais je n’ai

23 jamais eu l’idée de demander à qui que ce soit de s’occuper

24 de mes enfants.

25 Q. Puisque vous étiez la plus proche du numéro

Page 2337

1 105, est-ce que c’est elle qu’on faisait sortir le plus

2 souvent avec vous ?

3 R. Oui, certainement, mais quand, où, je ne sais

4 pas.

5 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire combien de

6 fois ceci s’est produit qu’on vous a fait sortir ensemble ?

7 R. Non, je ne peux pas parce que pendant ces 40

8 jours, ils nous faisaient sortir le matin, à midi, l’après-

9 midi, une fois même à 2 h 00. Donc, je ne peux pas me

10 souvenir.

11 Q. Au cours de ces 40 jours que vous avez passés

12 à Foca et vous avez dit que 140 personnes vous ont violée,

13 est-ce que vous avez eu des problèmes de santé ?

14 R. Pas 140 mais 150.

15 Q. Je m’excuse. Est-ce que vous aviez des

16 problèmes de santé ?

17 R. Bien sûr qu’oui.

18 Q. Est-ce que vous avez essayé de consulter un

19 médecin ?

20 R. Bien sûr qu’oui.

21 Q. Pendant ces 40 jours de votre détention à

22 Foca, quel est le médecin que vous avez consulté ?

23 R. Vous voulez dire à Foca ? Non, pas à Foca.

24 Après ma libération, oui.

25 Q. Est-ce que vous vous êtes plainte auprès de

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1 quelqu’un de ces personnes présentes au Partizan ? Est-ce

2 que vous avez pu dire que c’était difficile pour vous

3 physiquement à cause de tout ce qui se passait ?

4 R. Madame, après cette journaliste, après ces

5 trois jeunes filles qui ont été emmenées, qu’on a fait

6 sortir, à qui voulez-vous que je me plaigne ? Nous et les

7 autres, on croyait qu’elles étaient tuées.

8 Q. Vous avez dit que vous aviez un ami de

9 l’école qui était au Partizan qui vous donnait de l’argent

10 et qui vous permettait d’aller acheter les vivres pour vos

11 enfants ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu’à un certain moment, vous avez dit

14 ça à lui ?

15 R. Non, parce qu’on était quand même méfiant.

16 Q. Après que vous avez quitté Partizan, vous

17 êtes venue à Novi Pazar ?

18 R. Oui.

19 Q. Quelles personnes dont les noms figurent sur

20 cette liste se trouvaient avec vous dans le même autobus ?

21 R. 105, 90, 48, 51 et 50.

22 Q. Au moment où vous êtes venue à Novi Pazar,

23 est-ce que vous-même, vous êtes allée chercher un médecin ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous avez consulté un médecin

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1 privé, dans le privé ?

2 R. Oui.

3 Q. En ce qui concerne ces autres personnes qui

4 sont venues avec vous, est-ce que vous savez si elles

5 aussi, elles ont consulté le médecin ?

6 R. Oui, puisque nous y sommes allées ensemble.

7 C’est une femme habitante de Novi Pazar qui nous a emmenées

8 là-bas.

9 Q. Vous êtes allées voir toutes les trois ce

10 médecin dans le privé ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que l’une de ces personnes était

13 enceinte ?

14 R. Non ou bien si oui, elle ne le savait pas

15 puisque le médecin a dit que aucune de nous n’était

16 enceinte.

17 Q. Quand est-ce que vous êtes allée voir un

18 médecin puisque vous, vous avez dit que vous êtes venue le

19 13 à Novi Pazar ou bien le 14 ?

20 R. Le 14 ? Eh bien, peut-être c’était quatre ou

21 cinq jours plus tard. Je ne sais pas très exactement.

22 Q. Le médecin, qu’est-ce qu’il vous a dit ?

23 R. Il m’a examinée. Moi, j’avais peur des

24 maladies, du SIDA et il m’a dit que tout allait bien et

25 moi, j’avais très peur pendant très, très longtemps.

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1 Maintenant, dans le pays dans lequel je vis, je considère

2 que tout va bien puisque j’ai pu effectuer des contrôles et

3 des vérifications là-bas aussi et j’ai pu constater que

4 tout allait bien.

5 Q. Est-ce que vous avez reçu une thérapie à ce

6 moment-là ?

7 R. Il m’a donné certains médicaments, mais je ne

8 me souviens pas des détails.

9 Q. Vous avez poursuivi avec cette thérapie

10 pendant combien de temps ?

11 R. Je ne me souviens pas très exactement, mais

12 au bout de deux mois et demi à peu près, je suis allée dans

13 un troisième pays et moi, j’ai dépensé les médicaments

14 qu’il m’avait donnés, mais là-bas, au bout d’un mois, je me

15 suis adressée à un médecin et il m’a donné des calmants que

16 je prenais pendant une certaine période.

17 Me PILIPOVIC (interprétation) : Je vois que

18 l’heure de la pause est arrivée, l’heure de la suspension

19 d’audience.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

21 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je souhaite

22 dire au témoin qu’elle ne doit pas s’inquiéter à cause du

23 fait que son nom a été lu. Je souhaite indiquer que son

24 nom n’a pas été traduit et que donc personne ne l’a entendu

25 et qu’elle ne doit pas avoir des soucis et s’inquiéter si

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1 le nom allait être rendu public ou pas.

2 Me PILIPOVIC (interprétation) : Merci.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous avez

4 entendu, Madame le Témoin ? Donc, vous ne devez pas vous

5 inquiéter puisque le nom n’a pas été entendu et n’a pas été

6 rendu public.

7 Nous allons poursuivre demain matin à 9 h 30.

8 LE TÉMOIN (interprétation) : Merci.

9 --- L’audience est levée à 16 h 03

10 pour reprendre le mercredi

11 26 avril 2000 à 9 h 30

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