Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 15 mai 2000)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)

4 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour. Madame la Greffière peut-elle

5 annoncer l'affaire, s'il vous plaît?

6 Mlle Lauer: Affaires IT-96-23-T, IT-96-23/1-T, le Procureur contre

7 Dragoljub Kunarac, Dragomir Kovac et Zoran Vukovic.

8 Mme la Présidente (interprétation): Nous avons reçu une requête du

9 Procureur pour un témoin supplémentaire. Maître Ryneveld?

10 M. Ryneveld (interprétation): C'est exact. L'accusation a fait une requête

11 pour la Chambre où l'on demande à ajouter le témoin 105 sur la liste des

12 témoins du Procureur. Nous croyons que vous avez sous vos yeux cette

13 requête. Si j'ai bien compris, mes collègues souhaitent s'exprimer au

14 sujet de cette requête et je propose, avec l'accord de la Chambre, que Mme

15 Kuo fasse cette requête. Il y a aussi un sujet que nous souhaitons

16 soulever.

17 Mme la Présidente (interprétation): Maître Prodanovic?

18 Est-ce que je peux d'abord entendre M. Prodanovic ou y a-t-il un problème

19 préliminaire?

20 M. Prodanovic (interprétation): Madame le Présidente, nous souhaitons

21 d'abord nous exprimer au sujet de la requête, mais avant nous souhaitons

22 dire à la Chambre que nous ne pouvons pas être au complet. Tous les

23 membres de la défense ne sont pas ici aujourd'hui. Mon confrère de la

24 défense va dire pourquoi.

25 Mme la Présidente (interprétation): D'accord.

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1 Mme Lopicic (interprétation): Maître Jovanovic, le défenseur principal de

2 M. Vukovic, n'a pas pu venir à La Haye parce qu'il y a eu des problèmes à

3 l'ambassade hollandaise concernant son visa à Belgrade. Nous souhaitons

4 que ces problèmes puissent être réglés le plus rapidement possible pour

5 qu'il puisse venir. Nous souhaitons en informer l'accusé Zoran Vukovic.

6 Nous souhaitons qu'il puisse s'exprimer à ce sujet.

7 Je souhaite aussi dire à la Chambre que le témoin ne devrait pas être

8 entendu en l'absence du conseil principal de l'accusé Zoran Vukovic.

9 Mme la Présidente (interprétation): Pourquoi? C'est pour cette raison

10 précise qu'il existe un coconseil. Le coconseil doit prendre la relève

11 pendant que le conseil principal n'est pas là. Vous êtes là pour cela;

12 c'est pour cela que nous avons un coconseil. Pourquoi devons-nous attendre

13 Me Jovanovic?

14 Mme Lopicic (interprétation): Je propose que l'accusé, Zoran Vukovic,

15 s'exprime là-dessus, qu'il explique cela à la Chambre.

16 (Les Juges se consultent.)

17 Mme la Présidente : La Chambre considère que l'accusé ne doit pas

18 s'exprimer ici puisqu'il a un conseil et le coconseil peut en discuter

19 avec l'accusé et, éventuellement, informer la Chambre de la position de

20 l'accusé. C'est pour cela que nous souhaitons considérer à travailler avec

21 le coconseil de l'accusé. C'est pourquoi nous avons deux conseils pour

22 chacun des accusés. Si vous souhaitez vous consulter avec votre client,

23 vous pouvez le faire, bien entendu.

24 Mme Lopicic (interprétation): L'accusé Zoran Vukovic est d'accord pour

25 continuer la procédure.

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1 Mme la Présidente (interprétation): D'accord. La procédure continuera donc

2 avec vous-même, Maître Lopicic. Vous allez défendre les intérêts de

3 l'accusé. En ce qui concerne les problèmes concernant le conseil

4 principal, ils seront résolus. J'ai fait la demande au Greffe pour qu'il

5 intervienne pour que ce problème soit résolu le plus vite possible.

6 Concernant la requête de l'accusation, pourriez-vous dire quelle est la

7 position de la défense?

8 Mme Lopicic (interprétation): Je souhaite informer la Chambre que c'est le

9 11 mai 2000 que la défense a reçu la requête de l'accusation où l'on

10 demande que l'on rajoute le témoin FWS105, qui a dit le 10 mai 2000

11 qu'elle était prête à venir témoigner devant ce Tribunal. L'accusation

12 propose donc que ce témoin soit entendu le 22 mai 2000 ou juste après le

13 témoignage du témoin DB.

14 La défense de l'accusé Vukovic n'est pas d'accord avec ce genre de

15 procédure puisque le 17 avril 2000 et le 9 février 1995, ce témoin n'a pas

16 mentionné l'accusé Vukovic et n'a pas mentionné cet accusé dans les

17 informations données à l'accusation. Pour la défense, il n'est pas

18 possible qu'on mentionne les accusés une fois qu'ils ont été arrêtés, et

19 seulement à ce moment-là.

20 Il est évident que ce témoin est appelé pour corroborer le témoignage du

21 témoin FWS, le témoin 48 qui n'a pas reconnu l'accusé Vukovic et qui n'a

22 jamais, dans ses témoignages, mentionné l'accusé Vukovic. C'est pourquoi

23 la défense n'accepte pas la requête de l'accusation que l'on appelle à la

24 barre, qu'on cite à la barre le témoin 105. Nous n'avons reçu par ailleurs

25 que les déclarations du témoin non rédigées, 105 et 105A en langue

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1 anglaise. Et en langue BCS, nous n'avons reçu que quelques déclarations.

2 Mme la Présidente (interprétation): Je n'ai pas compris. Vous avez donc

3 reçu les déclarations non rédigées 105, n'est-ce pas?

4 Mme Lopicic (interprétation): Oui, nous avons reçu en langue BCS des

5 déclarations expurgées 105 et 105A. Aujourd'hui, juste avant le début de

6 la procédure, nous avons reçu aussi les déclarations non expurgées 105 et

7 105A. En revanche, nous avons reçu toutes les déclarations en langue

8 anglaise.

9 Mme la Présidente (interprétation): Vous avez donc reçu les déclarations

10 non expurgées?

11 Mme Lopicic (interprétation): Oui.

12 Mme la Présidente (interprétation): Vous avez besoin de temps pour relire

13 toutes ces déclarations et pour voir la position de votre client?

14 Mme Lopicic (interprétation): Oui.

15 Mme la Présidente (interprétation): Quand vous dites que le témoin FW105

16 n'a jamais jusqu'à maintenant mentionné Zoran Vukovic, nous ne pouvons pas

17 accepter ce point de vue puisque ce témoin va venir déclarer devant ce

18 Tribunal. Il va prononcer sa déclaration solennelle et il va répondre à

19 toutes les questions posées par l'accusation. Vous allez avoir l'occasion

20 de lui poser des questions. Quelle que soit la déclaration de ce témoin,

21 il s'agit du poids qui va être attribué à ce témoignage. Nous ne pouvons

22 donc pas accepter votre objection.

23 (Les Juges se consultent.)

24 Oui, je pense que nous avons vu tout ce qui est important. Avant de

25 prendre notre décision, nous souhaitons entendre les autres conseils de la

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1 défense.

2 Maître Kolesar, c'est à vous.

3 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, Messieurs les Juges, je

4 suis entièrement d'accord avec le plaidoyer de l'accusé, de Zoran Vukovic.

5 Je sais aussi ce que mon confrère Me Prodanovic va dire.

6 Et puisque je suis debout, je souhaiterais informer la Chambre de la

7 nomination d'un coconseil. Il s'agit donc d'une décision qui a été prise

8 le 9 mai. Mon confrère, Vladimir Rajic, sera désormais mon collègue, mon

9 confrère pour la défense de M. Kovac.

10 Mme la Présidente (interprétation): Maître Rajic, bienvenue. Vous êtes

11 bienvenu.

12 Maître Prodanovic, c'est à vous.

13 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, Messieurs les Juges,

14 nous sommes d'accord avec les point de vue exprimés par la défense de MM.

15 Kovac et Vukovic. Je souhaiterais dire et ajouter que le témoin 105 n'a vu

16 qu'une seule fois l'accusé Kunarac, qu'elle l'a reconnu en tant qu'une

17 personne qui portait une barbe et une moustache.

18 Nous craignons que l'arrivée de ces témoins va apporter plus de détails

19 concernant Kunarac, et nous craignons que ces témoins ne soient

20 influencés, en quelque sorte, quand ils donnent plus de détails. Il est

21 étonnant que, au moment où ils ont fait leur déclaration il y a cinq ans,

22 ils ne se rappelaient pas de tous ces détails alors que, maintenant, huit

23 ans plus tard, ils se rappellent de bien plus de détails. Bien sûr, c'est

24 notre point de vue et la décision vous appartient entièrement.

25 Mme la Présidente (interprétation): Bien sûr. Comme je l'ai déjà indiqué à

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1 votre confrère de la défense, ce sont les questions qu'il faut poser au

2 témoin pendant votre contre-interrogatoire. Si vous avez des preuves que

3 vous souhaitez présenter à la Chambre, vous pouvez bien sûr le faire.

4 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, je voudrais juste

5 rafraîchir votre mémoire. Il y a une quinzaine de jours, le témoin 48 est

6 venue témoigner ici. Même si la défense a essayé de rafraîchir la mémoire

7 du témoin au sujet de la déclaration qu'elle a faite devant les autorités

8 à Sarajevo, ce témoin a refusé de se rappeler de cette déclaration.

9 Après, quand la défense a fini son contre-interrogatoire, l'accusation

10 n'avait besoin de dire qu'un mot pour que le témoin se rappelle de cette

11 déclaration. Avec ceci, je souhaite dire que nous nous trouvons dans une

12 situation très désagréable puisque le témoin ne se souvient pas quand on

13 lui pose des questions, quand on lui pose les questions, et pourtant elle

14 est sous serment, elle se souvient des détails quand elle fait sa

15 déclaration

16 M. Hunt (interprétation): Maître Prodanovic, il me semble que vous

17 insinuez qu'un témoin, quand il vient témoigner, que vous pensez que les

18 Juges, à l'avance, acceptent un témoignage. Nous sommes ici pour en

19 décider. Nous ne prenons pas de décision à l'avance.

20 Vous dites qu'elle a refusé, vous dites que le témoin a refusé de répondre

21 à des questions. Et le fait que le témoin a réussi à répondre à certaines

22 questions de l'accusation, ceci contribue à sa crédibilité.

23 Bien sûr, vous devez nous faire confiance, vous devez nous faire confiance

24 quant à notre capacité de juger de la crédibilité et du témoignage, la

25 valeur à donner au témoignage de chaque témoin.

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1 Vous, vous êtes dans la position de poser des questions, d'interroger le

2 témoin; nous, aujourd'hui, nous ne traitons que de la question de

3 l'identité du témoin.

4 M. Prodanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Juge.

5 Mme la Présidente (interprétation): Je souhaiterais voir avec l'accusation

6 un détail, c'est-à-dire je voudrais savoir à quel moment la déclaration

7 non expurgée en langue BCS a été fournie à la défense.

8 Mme Kuo (interprétation): Cette déclaration non expurgée a été donnée

9 pendant le week-end, mais Me Prodanovic avait eu une déclaration expurgée

10 il y a deux ans. D'ailleurs, le nom de ce témoin avait été mentionné par

11 d'autres témoins car elle était, de toute évidence, elle figurait sur la

12 liste des témoins puisque son nom, son numéro ont été mentionnés.

13 M. Hunt (interprétation): Ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu

14 d'enquête au sujet de ce témoin, s'ils savaient qui était ce témoin, si on

15 leur a dit il y a très peu de temps qu'elle allait venir témoigner.

16 Mme Kuo (interprétation): C'est exact.

17 M. Hunt (interprétation): Vous demandez qu'elle vienne témoigner le 22

18 mai, et c'est vrai que cela ne donne pas la possibilité à la défense de

19 faire des enquêtes éventuelles sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

20 Mme Kuo (interprétation): Oui, c'est vrai, c'est un vrai problème. Nous ne

21 prévoyons pas de la faire venir le 22 mai. Elle peut venir à la fin des

22 témoins de l'accusation.

23 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Pour permettre à la défense de

24 se consulter avec ses clients, la Chambre allait attribuer suffisamment de

25 temps à la défense pour que les membres de la défense puissent se

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1 consulter avec leurs clients concernant le témoignage de ce témoin et

2 concernant la venue de ce témoin.

3 Nous acceptons donc cette requête, mais ce témoin doit être cité à la

4 barre après la pause du 5 juin.

5 Et si cela va être le dernier témoin de l'accusation, cela peut être comme

6 cela.

7 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Madame la Présidente. Il y a un autre

8 point que je voulais soulever aujourd'hui, ce sont les informations

9 concernant la façon dont se déroule la procédure.

10 Tout d'abord, je souhaiterais dire que nous avons réexaminé nos moyens de

11 preuve, et nous avons décidé de ne pas citer à la barre le général Rogers.

12 Nous avons décidé de ne pas appeler le docteur Gov et de ne pas appeler le

13 docteur Raph. Autrement dit, trois experts judiciaires en moins viendront

14 témoigner puisque l'accusation considère que nous n'avons pas besoin

15 d'appeler à la barre ces experts.

16 Donc le seul expert qui va venir sera le docteur Clarins.

17 Mme la Présidente (interprétation): Avant de continuer, pourriez-vous

18 faire une déclaration dans laquelle vous allez dire que vous ne citerez

19 pas à la barre certains experts?

20 M. Ryneveld (interprétation): Oui, bien sûr. C'est pour cela que je

21 soulève ce point. Mais nous avons encore deux experts judiciaires: il

22 s'agit de Nogo et Alic, nous en avons déjà parlé. Mais moi, pour

23 l'instant, je ne me suis limité qu'à évoquer ces trois experts que nous

24 n'avons plus l'intention d'appeler à la barre pour que nous puissions

25 organiser la procédure qui suit.

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1 Je parle de cela, je soulève ce point pour essayer d'être correct vis-à-

2 vis de toutes les parties et cela, évidemment, va affecter notre

3 calendrier.

4 Mme la Présidente (interprétation): Avant de continuer, je sais que nous

5 avons toujours la déclaration préalable du docteur Clarins. Et pour les

6 deux autres?

7 M. Ryneveld (interprétation): Ce sont Nogo et Alic, et tout le monde

8 possède des copies de leur déclaration préalable. Tout le monde sait que

9 ce sont des experts militaires.

10 Mme la Présidente (interprétation): Ce sont tous des experts?

11 M. Ryneveld (interprétation): Oui, oui. Sinon, nous avons aussi parlé de

12 M. Subasic, mais il va témoigner plutôt au sujet des faits. Si nous

13 parlons des experts, strictement parlant, ce sont ces trois experts-là:

14 nous n'allons pas les appeler.

15 Mme la Présidente (interprétation): D'accord.

16 M. Ryneveld (interprétation): En ce qui concerne les circonstances comme

17 les visas, la longueur du contre-interrogatoire, etc., je pense qu'il est

18 fort probable que nous finissions, que nous terminions avec les témoins de

19 l'accusation au cours de ces trois semaines. Avant de prendre votre

20 décision, je voudrais vous donner cette information pour que vous puissiez

21 avoir une idée sur le calendrier.

22 Pour terminer, je voudrais dire que, si j'ai bien compris, la défense a

23 une copie d'une requête qui s'appelle la "requête commune de la défense"

24 pour la présence d'un expert judiciaire pendant la procédure.

25 M. Hunt (interprétation): Oui, c'est vrai. Le titre ne correspond pas à ce

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1 qui se trouve vraiment dans le contenu de la requête.

2 M. Ryneveld (interprétation): Si la Chambre accepte le contenu et non pas

3 le titre de cette requête, l'accusation n'a rien contre cela. C'est-à-dire

4 s'il s'agit d'une acceptation par écrit de mesures de protection.

5 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que, avant de nous donner votre

6 réponse, les conseils de la défense pourraient nous expliquer leurs

7 positions quant aux experts judiciaires médicaux et la requête de la

8 défense?

9 Mme Lopicic (interprétation): Le 8 mai de l'an 2000, la défense a fait une

10 requête, la requête que vient d'évoquer notre collègue, M. Dirk Ryneveld.

11 La défense demande que l'on accepte que les experts médicaux puissent voir

12 les déclarations des témoins FW50, 55, 186 et 190 car, dans la défense

13 commune de la défense de M. Vukovic, Kunarac et Kovac, la défense a

14 demandé qu'on accepte de communiquer les déclarations préalables de ces

15 témoins aux experts médicaux.

16 Pourtant, nous n'avons reçu l'acceptation en ce qui concerne les témoins

17 FWS48, 75, 87, 101 et 205 alors que la Chambre ne s'est pas prononcée au

18 sujet des déclarations préalables des témoins que nous avons énumérés dans

19 notre requête. C'est pour cela que nous avons demandé des précisions dans

20 notre requête.

21 (Les Juges se consultent)

22 Mme la Présidente (interprétation): Vous souhaitez toujours présenter vos

23 arguments?

24 Mme Lopicic (interprétation): Oui, j'en ai terminé sur cette question.

25 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que Me Prodanovic souhaite

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1 intervenir?

2 M. Prodanovic (interprétation): Non, Madame la Présidente, je ne souhaite

3 pas répéter ce qui vient d'être dit par mon confrère.

4 Mme la Présidente (interprétation): En ce qui concerne le témoin 105 et sa

5 convocation, la Chambre de première instance fait droit à cette requête,

6 et ce témoin viendra après la pause, c'est-à-dire après le 5 juin. Il

7 s'agira sans doute du dernier témoin de l'accusation.

8 La Chambre de première instance souhaite que les accusés bénéficient d'un

9 procès équitable, qu'ils puissent consulter leurs conseils, et

10 éventuellement entreprendre des enquêtes dans l'ex-Yougoslavie au sujet de

11 l'identité du témoin.

12 Le témoin FWS105 sera donc appelé à témoigner par l'accusation après le 5

13 juin de cette année.

14 Souhaitez-vous ajouter quoi que ce soit, Monsieur Ryneveld?

15 M. Ryneveld (interprétation): Non, nous avons terminé avec les questions

16 liminaires. Et si cela vous agrée, je vous propose que nous continuions

17 avec le témoin 192. Nous en étions aux trois quarts de son interrogatoire

18 principal.

19 Mme la Présidente (interprétation): En effet, nous allons poursuivre

20 l'interrogatoire principal de ce témoin. Faites-le entrer, s'il vous

21 plaît, dans le prétoire avec, bien entendu, toutes les mesures de

22 protection qui avaient déjà été appliquées la dernière fois.

23 M. Ryneveld (interprétation): Madame la Greffière, je voudrais demander,

24 pendant que l'on fait entrer le témoin, de fournir au témoin la pièce 214:

25 il s'agit de la liste de noms.

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1 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

2 (Audience publique avec mesures de protection.)

3 (M. Ryneveld interroge le témoin 192.)

4 Mme Lopicic (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Madame la

5 Présidente, mais je viens d'examiner le compte rendu d'audience sur

6 l'écran, et j'ai parlé des écritures que nous avons faites le 8 mai 2000:

7 les numéros des témoins auxquels j'ai fait référence et sur lesquels la

8 défense souhaite que nous ayons des documents à caractère médical, on peut

9 lire F190.

10 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous donner les

11 bons chiffres, les bons numéros?

12 Mme Lopicic (interprétation) : Bien entendu. La défense souhaite que les

13 experts médicaux examinent les documents relatifs à FWS50, FWS95,...

14 Peut-être devrai-je m'exprimer en anglais?

15 Nous souhaitons les déclarations des témoins suivants du Bureau du

16 Procureur, FWS50, FWS95, FWS186, FWS191, FWS190, et FWS175.

17 Les experts médicaux que la défense entend appeler...

18 M. Hunt (interprétation): Il s'agit de FWS50, ou de FWS150?

19 Mme Lopicic (interprétation): FWS50.

20 Mme la Présidente (interprétation) : Merci.

21 Nous traiterons de la question dans notre décision écrite. Bonjour, Madame

22 le témoin, nous allons poursuivre votre interrogatoire principal. Vous

23 êtes toujours sous serment.

24 M. Ryneveld (interprétation) : Merci, Madame la Présidente. Madame le

25 témoin, je sais qu'il y a déjà quelque temps que vous avez commencé votre

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1 interrogatoire principal. Je voudrais vous poser quelques questions au

2 sujet d'éclaircir certains points de la déposition donnée la dernière

3 fois. Vous avez parlé d'un individu dénommé Pero Elez, au cours de votre

4 déposition. Je voudrais savoir si vous le connaissiez avant le conflit?

5 Témoin 192 (interprétation) : (inaudible).

6 Q. Je n'ai pas entendu la traduction de la réponse du témoin.

7 Mme la Présidente (interprétation) : Nous non plus. Nous n'avons rien

8 entendu.

9 Q. Je vais faire une nouvelle tentative. Madame le témoin, avant le

10 conflit de 1992, je voudrais savoir si vous connaissiez un dénommé Pero

11 Elez?

12 R. Je ne connaissais pas Pero.

13 Q. Comment en êtes-vous venue à connaître son nom?

14 R. Eh bien, j'ai appris son nom par la soeur que Pero Elez avait

15 emmenée. Plutôt, la soeur de la jeune fille que Pero Elez avait emmenée.

16 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous décrire quelle était

17 l'apparence de ce Pero Elez lorsque vous l'avez vu à Kalinovik?

18 R. Eh bien, c'était un homme grand, il avait une barbe.

19 Q. Très bien, autre domaine sur lequel je souhaiterais que vous nous

20 apportiez des précisions. Vous avez dit dans le cadre de votre

21 interrogatoire principal que vous vous êtes entretenue avec un certain

22 Zaga au sujet des attentats contre des cafés. Je voudrais savoir dans

23 quelles circonstances a eu lieu cette discussion?

24 R. Cela s'est passé parce que j'ai demandé qui était cet homme parce

25 qu'il avait emmené nos enfants. J'ai donc demandé à un policier. C'est un

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1 policier qui m'a dit comment il s'appelait. Il ne connaissait pas son vrai

2 nom, il m'a seulement dit qu'on l'appelait Zaga. J'ai posé des questions

3 au sujet de mes enfants. On a eu une discussion variée. Il m'a demandé si

4 je me souvenais des cafés qui avaient été plastiqués à Gacko. J'ai dit que

5 je m'en souvenais. C'était à la fin avril. Il m'a dit que c'était lui qui

6 l'avait fait. Puisque les premiers troubles à Gacko sont le fait des Beli

7 orlovi, des Aigles blancs, il a dit que lui aussi était là.

8 Q. Vous dites: "il". A qui faites-vous référence? Vous nous dites que

9 vous avez eu un entretien avec cet homme, qu'il vous a dit que c'était lui

10 qui était responsable. De qui parlez-vous?

11 R. Zaga, Dragan Kunarac ou Dragoljub Kunarac.

12 Q. C'est la personne que vous avez identifiée dans ce prétoire la

13 dernière fois?

14 R. Oui.

15 Q. Madame le témoin, vous souvenez-vous quand vous avez été arrêtée?

16 Etait-ce le 4 juillet 1992?

17 R. Oui.

18 Q. Et quand avez-vous été libérée ou échangée? Vous souvenez-vous de la

19 date?

20 R. Le premier septembre.

21 Q. Vous avez parlé de la situation à Kalinovik dans le cadre de votre

22 interrogatoire principal. Je vous ai posé une question au sujet de la

23 situation dans laquelle vous vous êtes retrouvée, des circonstances dans

24 lesquelles vous vous trouviez. Je crois que vous les avez qualifiées

25 d'horribles. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre si le traitement que

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1 vous avez reçu à l'école de Kalinovic est resté le même tout le temps ou

2 les choses ont-elles évolué avec le temps?

3 R. Cela a commencé plus tard, après que l'on soit venu chercher les

4 jeunes filles, quelques jours avant que l'on vienne à Kalinovik, on

5 pouvait sortir. Les femmes pouvaient aller acheter du pain, etc. C'était

6 dans les premiers jours; après, on ne nous a plus permis de sortir de

7 l'école.

8 Q. Si j'ai bien compris, c'est après le 2 août, date à laquelle on est

9 venu chercher les jeunes filles. C'est après cette date que la situation a

10 empiré?

11 R. Oui. Plus tard, les choses ont empiré. A partir du 2 août, ils

12 venaient pendant la journée, ils venaient pendant la nuit. Pendant la

13 nuit, ils demandaient des lampes de poche aux gardes, ils entraient dans

14 les pièces, ils sélectionnaient, choisissaient des jeunes filles. On les

15 emmenait dans le hall. Elles étaient violées. On les emmenait dans

16 d'autres pièces. Ceci se déroulait aussi bien pendant la journée que

17 pendant la nuit.

18 Q. Comment savez-vous ce qu'ils faisaient à ces femmes lorsqu'ils les

19 faisaient sortir de la pièce? Avez-vous entendu quoi que ce soit, vu quoi

20 que ce soit? Pouvez-vous nous dire comment vous pouvez avancer ce que vous

21 venez d'avancer?

22 R. Certaines des femmes que l'on faisait sortir et que l'on violait en

23 parlaient ensuite. D'autres ne disaient rien. Une de mes belles-soeurs

24 avait 55 ans. Il était à peu près 10 heures ou 11 heures du soir. Ils sont

25 venus, des soldats sont venus. Ils ont demandé sa belle-fille qui devait

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1 donner une lettre pour un échange, soi-disant. On a compris qu'il n'y

2 aurait pas d'échange. Cela ne pouvait pas se passer la nuit. Elle avait

3 très peur, elle a commencé à pleurer.

4 Ma belle-soeur a dit : "Laissez la tranquille! Je vais emmener moi-même la

5 lettre". Ils ont fait sortir ma belle-sœur; c'est donc la belle-mère de ma

6 belle-fille. Elle est restée absente pendant une demi-heure, trois quarts

7 d'heure. Quand elle est revenue, elle pleurait. Elle m'a dit qu'elle avait

8 été violée.

9 Q. Cette belle-sœur dont vous venez de parler, je vais vous demander

10 d'examiner la pièce à conviction 214, c'est la feuille de papier que vous

11 avez sous les yeux. Pouvez-vous voir le nom de votre belle-sœur sur cette

12 feuille, en dessous du n°186?

13 Est-ce que vous trouvez le n°186 sur cette feuille?

14 R. Oui, je vois, mais ce n'est pas cette personne-là.

15 Q. Mais il y a un nom qui figure immédiatement au-dessous de cette

16 ligne: est-ce là le nom de la personne à laquelle vous venez de faire

17 référence, de votre belle-sœur?

18 R. Oui, c'est son nom.

19 Q. Vous souvenez-vous à peu près quand on a fait sortir votre belle-

20 soeur et ensuite, elle vous a dit qu'elle avait été violée?

21 R. Je ne me souviens pas de la date. C'est après que l'on est venu

22 chercher les jeunes filles. Après, ils venaient tout le temps, ils

23 emmenaient tout le temps des femmes dans les pièces, dans le hall. Tout ce

24 que je sais sur cet événement, c'est que c'était pendant la nuit.

25 Q. Pouvez-vous nous dire qui faisait sortir les femmes et les jeunes

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1 filles? Pouvez-vous nous les décrire. Etaient-ce des soldats? Est-ce que

2 vous connaissiez le nom de certains d'entre eux?

3 R. C'étaient des soldats, mais je ne connais pas leur nom. Non.

4 Q. Vous souvenez-vous du type d'uniforme qu'ils portaient?

5 R. Des tenues de camouflage.

6 Q. Vous souvenez-vous de la façon dont on choisissait les femmes?

7 Etiez-vous présente lorsqu'on procédait à ce choix?

8 R. Oui. Quand ils venaient pendant la journée, ils nous ordonnaient de

9 nous lever. Toutes. Ensuite, ils disaient: "Toi, tu viens; toi, tu sors

10 aussi". Et puis, ils les faisaient sortir par la porte. Il y avait des

11 soldats du Monténégro et de la Serbie. On pouvait le dire par leur accent,

12 en les entendant parler.

13 Q. Cela, c'était pendant la journée. Cela se produisait-il aussi

14 pendant la nuit? Si tel était le cas, quelles étaient les circonstances

15 pendant lesquelles cela se passait pendant la nuit?

16 R. Oui, cela se passait pendant la nuit. Une fois, très tôt dans la

17 soirée, deux hommes sont venus à cheval. C'étaient des Serbes. On l'a su à

18 leur accent. Ils ont laissé leurs chevaux devant l'école. Ils sont entrés.

19 C'était au début de la soirée. Ils ont emmené une des femmes, ils l'ont

20 emmenée où se trouvaient leurs soldats. Elle est restée là toute la nuit.

21 Ils l'ont ramenée le lendemain vers 8 heures, 9 heures ou 10 heures.

22 Disons...Elle nous a dit à toutes que pendant toute la nuit, chacun

23 l'avait violée, chacun des soldats qui se trouvaient là l'avait violée.

24 Elle ne pouvait plus marcher. Elle avait honte.

25 Mais elle a parlé, elle a dit que tous ceux qui étaient présents sur place

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1 l'avaient violée. Et ce sont les mêmes qui étaient venus la chercher à

2 cheval qui l'ont ramenée. Quand ils étaient partis à cheval mais elle a dû

3 marché à côté d'eux.

4 Q. A part ces Serbes à cheval, avez-vous vu d'autres hommes venir

5 chercher des femmes pendant la nuit? Et si c'est le cas, de quelle façon

6 procédait-on à la sélection pendant la nuit?

7 R. Ils venaient pendant la nuit, ils demandaient des lampes torches aux

8 gardes. S'ils n'en avaient pas, à ce moment-là ils entraient dans la

9 pièce, ils demandaient à ceux qui s'y trouvaient, ou à celles qui s'y

10 trouvaient des allumettes ou un briquet, et les gardes nous disaient

11 d'ailleurs de cacher nos briquets ou nos allumettes si nous en avions, de

12 ne pas les donner à ces hommes, sinon ils s'en servaient pour faire de la

13 lumière et rechercher les jeunes filles, les plus jeunes, pour les

14 emmener.

15 Q. Pendant le séjour que vous avez fait à l'école de Kalinovik, je

16 voudrais savoir si des policiers sont jamais venus à l'école Kalinovik.

17 Mettons, le chef de la police: l'avez-vous jamais vu à l'école de

18 Kalinovik?

19 R. Oui, il venait parfois. Il y a un homme, un Govedarica et Zeljaja.

20 Et un jour, le représentant du SDS est venu, c'est comme cela qu'il s'est

21 présenté, il nous a dit: "Je suis le président du SDS de Kalinovik".

22 Q. Qu'a-t-il fait quand il est venu vous voir?

23 R. Il a demandé d'où nous venions, pourquoi nous étions venus là, qui

24 nous avait amenés là, où étaient nos maris. Ce n'est pas qu'il venait pour

25 emmener des femmes ou des jeunes filles, non, il ne proférait aucune

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1 menace, il posait simplement des questions.

2 Q. Mais, cependant, il pouvait voir tout à fait clairement que les

3 femmes qui se trouvaient dans l'école y étaient prisonnières?

4 R. Oui, on était toutes des prisonnières, on ne pouvait pas sortir. Les

5 soldats venaient quand ils le souhaitaient, de nuit comme de jour. Les

6 gardes qui le pouvaient essayaient de nous défendre, pour certains d'entre

7 eux. Mais ce n'était pas le cas de tous parce que d'autres gardes les

8 aidaient, ils leur procuraient même des lampes torches quand ils le

9 demandaient.

10 Q. Maintenant, je voudrais que vous nous parliez des circonstances qui

11 prévalaient juste avant votre échange ou votre remise en liberté. Si j'ai

12 bien compris ce qui s'est produit dans votre cas, c'est qu'il y a eu un

13 échange: on a échangé des femmes contre quelque chose. Est-ce que vous

14 pouvez nous dire dans quelles circonstances cela s'est passé?

15 R. Je me souviens quand Kunarac est venu pour la deuxième ou pour la

16 troisième fois. Je lui ai demandé pourquoi il emmenait nos filles et

17 pourquoi il m'avait frappée. A ce moment-là, il m'a dit qu'il y avait eu

18 des combats a-t-elle à Trnovo et Rogoj et que certains membres de sa

19 famille avaient été tués, il était donc furieux.

20 Q. Oui. Et que s'est-il passé ensuite?

21 R. Eh bien, ensuite il y a eu un échange. Certaines femmes sont passées

22 devant moi, elles portaient des messages, mais avant il n'y avait pas eu

23 d'échange: un camion rempli de femmes qui avaient été libérées avant moi,

24 elles sont allées vers Trnovo et Rogoj. C'est par là qu'elles sont allées.

25 Nous, ensuite, nous sommes partis après, et c'est à Jakomiste que nous

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1 avons été échangés.

2 Q. Avant l'échange auquel vous avez participé, si j'ai bien compris

3 vous avez fait office de coursier: vous avez transmis des messages?

4 R. Oui.

5 Q. Et pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances on vous a

6 choisie pour remplir ces fonctions? Pouvez-vous nous donner des détails à

7 ce sujet?

8 R. C'était quelques jours avant notre échange. Dans l'après-midi, le

9 chef de la police est venu. Govedarica est de Kalinovik et Zeljaja aussi

10 est venu. Et puis, il y avait aussi des soldats qui sont venus. Ils sont

11 entrés dans la salle où je me trouvais et ils ont demandé qui était prêt à

12 aller porter une lettre à l'armée de Bosnie-Herzégovine, sur le front. Et

13 moi, je me suis levée et j'ai dit que j'irai.

14 Ils m'ont fait sortir devant l'école. Il y avait pas mal de soldats devant

15 l'école, il y avait un certain nombre de véhicules aussi. Ils m'ont

16 demandé si j'avais des enfants, j'ai dit que oui, que j'en avais deux. Ils

17 m'ont dit que je devais amener un message à l'armée de Bosnie-Herzégovine

18 et que, si je ne revenais pas, ils tueraient mes enfants.

19 Ils m'ont placé un bandeau sur les yeux, un bandeau blanc. Ils m'ont fait

20 monter dans un véhicule, je ne sais pas de quel véhicule il s'agit puisque

21 j'avais les yeux bandés. Je ne peux pas vous dire combien il y avait de

22 personnes avec moi dans ce véhicule, je les ai juste entendues parler.

23 Ensuite, ils m'ont emmenée sur une colline. Là, ils m'ont fait descendre,

24 ils m'ont enlevé mon bandeau. Et puis, ils m'ont montré une colline qui

25 était tenue par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ils m'ont donné un bâton

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1 avec un bout de tissu blanc attaché à ce bâton. Ils m'ont dit qu'il

2 fallait que je tienne cela dans ma main, qu'il fallait surtout que je ne

3 me retourne pas, que je regarde droit devant moi, qu'ils avaient des

4 jumelles et qu'ils me surveilleraient. Et je suis partie.

5 Q. Bien. Avant que nous passions à autre chose, je voudrais savoir

6 pourquoi vous vous êtes portée volontaire pour cela?

7 R. Je me suis portée volontaire parce que je n'en pouvais plus. Chaque

8 fois que ces soldats venaient ou que la police venait, Zeljaja,

9 Govedarica, chaque fois je posais des questions au sujet des jeunes

10 filles, au sujet de ma fille. Et puis, je n'en pouvais plus, bref! J'ai

11 donc dit: "Je m'en fiche, quoi qu'il m'arrive, peu importe". J'avais aussi

12 une fille plus jeune.

13 Le jour où Kunarac est venu prendre ma fille, un autre groupe est venu.

14 Elle avait 13 ans. Ils nous ont dit de toutes nous lever. Nous nous sommes

15 levées, et un homme s'est approché de ma fille, l'a prise par la main et

16 lui a dit: "Toi, tu viens avec moi".

17 Moi, j'ai commencé à pleurer, j'ai commencé à hurler. Je la retenais par

18 la manche et lui l'a tirait de l'autre côté. Je lui ai dit: "Tu as déjà

19 pris, vous avez déjà pris une de mes filles! Est-ce que vous allez prendre

20 la deuxième?" A ce moment-là, un soldat a dit: "Kolja -c'est comme ça

21 qu'il s'est adressé à lui-, Kolja, laisse la!". Ensuite, il l'a laissée.

22 Mais j'étais constamment terrorisée pour elle, pour ma fille.

23 Q. Donc, si j'ai bien compris, votre fille plus âgée, dont vous nous

24 avez déjà parlé, c'est le n° 191 sur la liste, n'est-ce pas?

25 R. Oui.

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1 Q. Et votre autre fille, quel âge avait-elle? Dix ans ou 13 ans?

2 R. Treize ans.

3 Q. Et l'enfant de 10 ans, c'est votre fils, n'est-ce pas?

4 R. Oui.

5 Q. Quand vous vous êtes portée volontaire, et ils vous ont demandé si

6 vous aviez des enfants, vous avez dit deux, vous vouliez dire que vous en

7 aviez encore deux après que l'on avait emmené 191. C'est cela?

8 R. Oui, oui. Je pensais à mes deux autres enfants qui étaient encore à

9 l'école au moment où on m'a emmenée.

10 Q. Merci de ces précisions. On vous a donné un bâton auquel était

11 attaché un bout de tissu blanc, et puis on vous a donné une lettre. Est-ce

12 que vous saviez ce qu'il y avait dans cette lettre ?

13 R. Je ne savais pas ce qu'il y avait dans cette lettre. J'ai remis

14 cette lettre quand je suis arrivée sur cette colline. Des gens sont venus

15 m'accueillir, ils m'ont dit: "Arrête-toi". Je me suis arrêtée, ils se sont

16 approchés, ils m'ont demandé qui j'étais, j'ai dit que j'étais une femme,

17 que je venais de l'école de Kalinovik, que j'apportais une lettre pour

18 l'armée.

19 Alors, ils m'ont répondu: "Viens avec nous". Je les ai entendu parler

20 entre eux, ils disaient qu'ils devaient ramasser des cadavres de onze

21 Serbes qui étaient morts, il me semble qu'il y a eu des combats quelques

22 jours auparavant et que ces gens ont été tués dans ces combats. Alors, ils

23 ont demandé à l'armée de ramasser ces soldats morts, et qu'ils remettent

24 leurs corps et que, en revanche, nous serions libérés.

25 Q. Ont-ils enlevé votre bandeau quand ils vous ont envoyée rencontrer

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1 les hommes de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

2 R. Oui, ils m'ont dit que je ne devais pas me retourner et que je

3 devais toujours marcher tout droit. C'était un chemin de montagne, en

4 fait, il y avait aussi un chemin de forêt. J'ai vu des corps éparpillés,

5 gisants. Il y avait un transporteur en panne.

6 Q. Quand vous avez atteint cette ligne de front, les personnes à qui

7 vous avez parlé étaient des Serbes, des Musulmans? Pouviez-vous les

8 identifier?

9 R. C'étaient des Musulmans.

10 Q. Ils portaient quel genre de vêtements?

11 R. Ils portaient des vêtements civils, des tenues de jogging, des

12 baskets, certains portaient des bottes. Ils n'avaient pas d'uniforme, ils

13 ne portaient pas d'uniforme de l'armée, l'uniforme de camouflage qu'ils

14 avaient à un stade ultérieur.

15 Q. Pouvez-vous nous dire s'ils étaient armés, et s'ils étaient armés,

16 quel genre d'arme portaient-ils au moment où vous avez remis la lettre?

17 R. Ils avaient des fusils.

18 Q. Combien de temps avez-vous passé avec les membres de l'armée

19 musulmane?

20 R. Je ne sais pas, une heure peut-être, parce qu'eux aussi ils ont

21 rédigé une lettre, ils m'ont remis cette lettre, je devais la remettre à

22 ceux qui m'avaient envoyée en premier lieu: une heure à peu près, peut-

23 être.

24 Q. Pouviez-vous identifier l'endroit où vous vous trouviez? Cet endroit

25 où se trouvait cette ligne de front, ces corps? Connaissiez-vous cet

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1 endroit?

2 R. Je ne sais pas, il y avait des bois, des prés. Là, ce chemin que

3 j'ai emprunté, j'ai vu qu'il y avait eu des combats à cet endroit. Il y

4 avait des corps, des membres, des jambes, des bras déchiquetés. Il y avait

5 aussi un véhicule en panne, il y avait des pièces de véhicule. Le chemin

6 était en très mauvais état, parce que c'était de jour, je pouvais donc le

7 voir.

8 Q. Avez-vous remis la lettre aux représentants serbes qui vous avez

9 envoyée en premier lieu?

10 R. Oui, j'ai remis cette lettre.

11 Q. Vous avez mis combien de temps pour vous rendre du côté musulman

12 vers le côté serbe d'où vous étiez partie?

13 R. Eh bien, c'était déjà la nuit, je ne sais pas. Je sais que je suis

14 arrivée là où je devais revenir, là où se trouvaient les Serbes, c'était à

15 10 heures. Un homme m'attendait, et il m'a emmenée dans un village où se

16 trouvaient les soldats serbes. C'était un village musulman. Il y avait le

17 clair de lune, j'ai vu une mosquée qui était un peu détruite, la moitié du

18 minaret était détruit. J'ai reconnu que c'était donc un village musulman.

19 Q. Autrement dit, vous ne vous rappelez pas le nom de ce village?

20 R. Non, c'était la première fois que je venais là-bas.

21 Q. Quand vous êtes arrivée dans ce village, qui s'y trouvait?

22 R. C'étaient les gens qui m'avaient envoyée. Il y avait pas mal de

23 soldats, vraisemblablement, c'était leur base, c'était l'endroit où ils

24 passaient la nuit, et le jour aussi. Il y avait quelques maisons là. Les

25 gens à qui je devais remettre la lettre dormaient à ce moment-là. Il y

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1 avait deux ou trois maisons à cet endroit où ils se trouvaient. Ils

2 étaient soit à l'extérieur ou à l'intérieur.

3 Q. Vous nous avez dit précédemment que quelques chefs de la police de

4 Ulog -je ne me rappelle pas le nom de l'autre ville- étaient présents. Ils

5 s'y trouvaient encore au moment où vous êtes retournée à cet endroit?

6 R. Je ne me rappelle pas si c'était eux. Ils y étaient au moment où ils

7 m'ont envoyée.

8 Q. A votre retour, vous a-t-on posé des questions? Vous a-t-on posé une

9 question quelconque? Avez-vous posé vous-même une question quelconque sur

10 ce qui allait se passer maintenant que vous avez remis la réponse?

11 R. J'ai demandé ce qui allait se passer, mais ils ont injurié ma mère

12 "Oustachi". Je n'osais donc plus rien demander. Je n'ai plus posé aucune

13 question.

14 Q. Avez-vous été ramenée après à l'école de Kalinovik?

15 R. Ils m'ont ramenée à l'école. D'après leur conversation, j'ai compris

16 qu'ils disaient: "Voilà, ces Balija ne veulent pas ramasser nos morts. Ce

17 sera donc à vous de le faire". J'ai dit que je le ferai volontiers pour

18 pouvoir m'en sortir, sortir de là-bas. Govedarica, le chef de la police,

19 se trouvait sur place. Il me l'a promis, je lui ai demandé s'il pouvait

20 inscrire mes enfants sur cette liste, la liste des femmes qui allaient

21 ramasser les morts. Il y avait trois enfants de mon frère, ma sœur et ses

22 deux enfants, on était neuf sur cette liste. Je lui ai demandé de nous

23 permettre d'être là, de ramasser ces morts pour pouvoir sortir de là-bas,

24 pour qu'ils nous laissent sortir. Il nous a promis que nous allions le

25 faire.

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1 Le lendemain, ils sont venus nous chercher pour ramasser les corps. Mais

2 je ne figurais pas sur cette liste. En fait, ils ont appelé les femmes

3 dans l'ordre où elles étaient inscrites. Je ne me rappelle pas exactement

4 combien de femme sont parties ramasser les morts.

5 Q. Finalement, un échange a-t-il eu lieu?

6 R. Le jour en question, elles ont pu trouver quelque chose. Vous savez

7 ce sont les bois, il y a un chemin, c'est un terrain accidenté, ils ont

8 trouvé des choses. Il y a des choses qu'ils ont pu ramener. Mais les

9 femmes sont revenues. Le lendemain, ils ont emmené davantage de femmes. Et

10 donc, elles ont pu ramasser ces corps. En fait, il me semble que cela a

11 duré deux ou trois jours en tout. Enfin, ils ont dit qu'il leur manquait

12 encore deux hommes, qu'ils n'avaient pas tout retrouver. Donc, ils nous

13 ont laissé partir pendant que cela durait, pendant qu'elles ramassaient

14 cela. Ils laissaient partir des groupes de 10, 20 personnes. Donc, tous

15 ont pu sortir.

16 Q. Finalement, vous, votre fils et votre fille avez été libérés au 1er

17 septembre 1992. Est-ce exact?

18 R. Oui.

19 Q. Et vous avez pu retrouver votre mari?

20 R. Oui.

21 Q. A une date ultérieure, avez-vous pu entrer en contact avec votre

22 fille n°191?

23 R. Non.

24 Q. Vous avez déménagé et vous êtes partie dans une ville où votre mari

25 cherchait à établir le contact avec votre fille 191. Est-ce exact?

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1 R. Plus tard, nous avons déménagé, nous sommes arrivés plus tard. Nous

2 ne pouvions pas contacter les lignes, elles ne marchaient pas. Pendant

3 longtemps, nous n'avons pu nous parler. Puis, bien du temps plus tard,

4 grâce à l'aide des radios amateurs, mon mari, ma fille ont pu établir ce

5 contact.

6 Q. Vous avez appris où se trouvait votre fille 191 grâce à ce contact

7 par la radio?

8 R. Oui.

9 Q. Vous savez également que votre époux a cherché à établir, à procéder

10 à un échange de ces deux filles qui ont été emmenées?

11 R. Oui.

12 Q. La personne 186 a été échangée grâce aux efforts déployés par votre

13 époux?

14 R. La fille 186, elle, a été échangée.

15 Q. J'aborderai la dernière série de questions, si vous me le permettez.

16 Avez-vous vu Zaga à la télévision, à un moment quelconque, après sa

17 reddition?

18 R. La télévision l'a montré quand il a été emmené à La Haye.

19 Q. Quand vous regardiez la télévision, l'avez-vous reconnu? Si vous

20 l'avez reconnu, comment avez-vous pu le faire?

21 R. Je l'ai reconnu, je l'ai vu trois fois. Je l'avais en mémoire. A la

22 télévision, il était bien vêtu, bien mis, mais je l'ai tout de suite

23 reconnu.

24 Q. Y avait-il une particularité quelconque qui vous a permis de vous

25 rappeler ce visage?

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1 R. Eh bien, c'est son visage que j'ai retenu, ses yeux, ses cheveux,

2 ses grands yeux... Je me souvenais de lui, bien, il avait des cheveux un

3 peu bouclés.

4 Q. Plusieurs années plus tard, avez-vous fini par parler à votre fille?

5 R. Deux ans plus tard, le 2 août, le même jour donc, nous nous sommes

6 vues, c'était le 2 août 1994. Le même jour, deux ans après le jour où elle

7 a été emmenée. Nous nous sommes rencontrées.

8 Q. Votre fille vous a-t-elle dit ce qui lui est arrivé, vous a-t-elle

9 raconté en détail ce qui lui est arrivé après qu'elle ait été emmenée?

10 R. Je ne voulais pas lui poser ce genre de questions désagréables,

11 elle, elle voulait l'oublier. Non, non, je ne pouvais pas la blesser.

12 Q. Vous a-t-elle dit ce qui est arrivé au 186?

13 R. Non, cette fille a été échangée, elle n'a rien dit.

14 Q. Avez-vous eu l'occasion de parler à 186 de ce qui est arrivé à votre

15 fille?

16 R. Non.

17 Q. Je souhaite consulter mes collègues pour voir s'il reste des

18 questions à poser.

19 Mme la Présidente (interprétation): Allez-y, je vous en prie.

20 M. Ryneveld (interprétation): Pour préciser, vous avez dit que vous avez

21 parlé à votre fille deux ans, jour pour jour, après le jour où elle a été

22 emmenée. C'était le 2 août 1994. Vous lui avez parlé directement ou bien

23 c'était un contact que vous avez eu indirect?

24 R. Nous étions ensemble, c'étaient des visites qui permettaient aux

25 gens de passer de l'autre côté, c'étaient des commissions qui se

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1 chargeaient de cela. On pouvait donc se rendre visite d'un côté et de

2 l'autre. Et en fait, on ne pouvait pas rester longtemps, chacun devait

3 retourner de son côté.

4 Q. Deux ans après la signature des accords de Dayton, vous avez pu

5 librement contacter votre fille?

6 R. Je n'ai pas compris votre question.

7 Q. Votre fille est-elle venue vous voir, vous, là où vous vous trouviez

8 en 1996?

9 R. Oui, elle est venue, elle est venue me voir en 1996, elle est venue

10 nous voir en 1996.

11 Q. Je vous remercie, je n'ai plus de question.

12 Mme la Présidente (interprétation): Le contre-interrogatoire.

13 (M. Prodanovic contre-interroge le témoin 192.)

14 M. Prodanovic (interprétation): Je vous remercie. Bonjour, Témoin.

15 R. Bonjour.

16 Q. Pouvez-vous nous dire quel est le nombre total de déclarations que

17 vous avez données aux représentants du Tribunal?

18 R. Une.

19 Q. Je n'ai pas entendu.

20 R. Une.

21 Q. Avez-vous donné des déclarations à d'autres instances? J'entends par

22 là la police, des représentants des organisations humanitaires, la Croix-

23 Rouge?

24 R. A la police.

25 Q. A quel moment avez-vous donné une déclaration à la police?

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1 R. Il y a à peu près deux ans. Quelque chose comme cela.

2 Q. Autrement dit, en 1998?

3 R. Oui, je crois que c'est cela.

4 Q. Avez-vous fait une déclaration aux organes de la police au sujet de

5 ce qui vous est arrivé à Kalinovik?

6 R. Oui, uniquement en ce qui concerne cela car je ne savais rien

7 d'autre. Uniquement ce qui s'est produit là-bas.

8 Q. Quant à la police, vous avez fait une déclaration au sujet des

9 actions de l'accusé Kunarac quant au café piégé de Gacko?

10 R. Ce que vous avez entendu ici et ce que j'ai déclaré ici, c'est ce

11 que j'ai dit également à la police.

12 Q. Etes-vous en possession de cette déclaration?

13 R. Non.

14 Q. Vous est-il arrivé de faire une déclaration devant les journalistes?

15 R. Non.

16 Q. Vous rappelez-vous qu'un journal ait publié un reportage sur votre

17 fille?

18 R. Oui, c'était en 1992.

19 Q. Dans ce journal, sa photo a-t-elle été publiée?

20 R. Oui, car nous avons donné sa photo. Nous ne savions pas si elle

21 était en vie, où elle se trouvait. Si quelqu'un parvenait à la

22 reconnaître, il aurait pu nous contacter.

23 Q. C'est donc de votre propre chef, c'était votre propre initiative de

24 fournir cette photo aux journalistes?

25 R. Oui.

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1 Q. Vous rappelez-vous ce que vous avez dit aux journalistes à ce

2 moment-là?

3 R. Oui. Qu'elle a été emmenée, que toutes les filles que j'avais

4 mentionnées ont été emmenées, et que si quelqu'un pouvait apprendre

5 quelque chose sur elle, il devait nous contacter. Il y avait son nom et sa

6 photo.

7 Q. Dans votre déclaration au Tribunal, vous avez dit que fin avril

8 1992, à Gacko, on a commencé à détruire des cafés dont les propriétaires

9 étaient des Musulmans. Pouvez-vous nous donner, nous citer le nom d'un

10 seul propriétaire de café, dont le café a été détruit?

11 R Vous savez, Gacko, c'est tout petit. Il y avait 5 ou 6 cafés

12 musulmans. Il y avait un café de Jankovic, Smajo Basic. Il y a 5 ou 6

13 cafés qui ont été détruits.

14 Q. Vous avez également déclaré (expurgé)

15 (expurgé), qu'il a négocié avec les Serbes et que vous considériez

16 qu'il n'y aurait pas de problème à Gacko.

17 Dites-moi: qui a habilité votre mari à négocier avec les Serbes? C'était

18 de son propre chef ou a-t-il été mandaté par quelqu'un?

19 R. (expurgé). Il y avait aussi le président du SDS.

20 Donc, ils ont toujours eu des entretiens.

21 Q. Au cours de ces entretiens, votre époux a-t-il pu avoir des contacts

22 avec les responsables du SDA de Sarajevo?

23 R. Oui. En fait, mon mari était très en colère -et il est toujours très

24 en colère-, en disant que jamais les hauts responsables ne lui ont dit

25 qu'il y aurait la guerre. Si on avait été prévenus, on serait parti. On

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1 n'aurait pas attendu qu'on nous arrête. Il y a des gens qui sont partis.

2 Il y a eu des négociations, il y a eu un accord. Et les Musulmans, à la

3 différence de Bileca et Trbinje, ne s'enrôlaient pas dans les unités de

4 réserve à Gacko. C'était un accord et on l'a respecté.

5 Q. Savez-vous pourquoi ces Musulmans ne voulaient pas être enrôlés dans

6 les unités de réserve?

7 R. Ils ne voulaient pas, ils ne voulaient pas faire la guerre. A qui

8 faire la guerre? Ils ne voulaient pas aller combattre à Mostar. Il y avait

9 des Musulmans, des Croates, des Serbes sur place. Alors, sur qui devaient-

10 ils tirer? Dubrovnik également. C'est la même chose.

11 Mme la Présidente (interprétation): Allez-y!

12 Mme Lopicic (interprétation): Page 40, la question est: "Qui a autorisé

13 votre mari à négocier avec..." Il y a un tiret. "Ce sont les Serbes".

14 Ligne 9, page 40, la question, le mot qui devrait figurer là est "les

15 Serbes".

16 Mme la Présidente (interprétation): Ce sera corrigé.

17 M. Ryneveld (interprétation) : Pendant cette interruption, j'aimerais

18 savoir s'il n'y a pas un risque d'identification. Ne devrait-on pas

19 expurger cela, puisque le témoin vient d'identifier les fonctions de son

20 époux?

21 Mme la Présidente (interprétation): Oui, ce sera expurgé des documents

22 publics. Je me demande où est passé l'huissier?

23 Vous pouvez poursuivre.

24 M. Prodanovic (interprétation): Vous nous avez dit que Zaga vous a

25 raconté, pour le mois d'avril 1992? comment il a piégé des cafés de Gacko

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1 dont les propriétaires étaient des Musulmans. Dites-nous à quel moment

2 Zaga vous a raconté cela?

3 R Je crois que ce n'était pas le premier soir où il a emmené les

4 filles. Là, il n'a rien dit. Mais la deuxième fois ou la troisième fois où

5 il est revenu. J'ai eu des contacts avec lui et je l'ai interrogé au sujet

6 des filles. Il m'a demandé si je me rappelais le moment où ces cafés ont

7 été piégés. Je lui ai dit que oui. Il m'a dit : "C'était mon œuvre".

8 Q. Quelqu'un était-il présent en plus de vous deux quand Zaga vous a

9 raconté cela?

10 R. Il y avait des soldats. Je ne me souviens pas s'il me l'a raconté

11 quand Gojko Jankovic était avec lui.

12 Q. Y a-t-il eu des témoins présents?

13 R. Non, j'étais seule.

14 Q. Pouvez-vous nous dire dans quelle pièce cela s'est produit?

15 R. Je crois que c'était dans une petite pièce. Il y avait cet appareil

16 de gymnastique, un cheval d'arçon.

17 Q. Pouvez-vous nous dire, c'était combien de jours après le jour où

18 votre fille a été enlevée?

19 R. C'était trois ou quatre jours plus tard.

20 Q. C'était donc vers le 6 ou le 7?

21 R. Je ne sais pas. Pendant trois ou quatre jours, après il est revenu

22 deux fois. Moi, je ne l'ai vu que trois fois.

23 Q. La première fois où vous avez vu Zaga, donc quand il est revenu le

24 2, vous avez dit qu'il est arrivé après le 2 août. Pouvez-vous nous dire

25 quand, à quel moment de la journée et avec qui il est venu?

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1 R. Une fois, il est venu. Il y avait des gens qui sont venus avec lui.

2 Il y avait Gojko Jankovic. Une deuxième fois, il est venu avec Jasna,

3 Jadranka. C'est comme cela que j'ai appris comment il s'appelait. Il

4 l'embrassait. Elle a léché un couteau. Elle est venue me voir, elle

5 s'approchait de moi. Il lui a dit : "Reviens, Javso!"

6 Q. Pouvez-vous nous dire s'il portait un uniforme?

7 R. Oui, un uniforme de camouflage.

8 Q. Y avait-il des insignes? Quelque chose de spécifique?

9 R. Il avait des bandeaux, des rubans sur les épaules. Le premier jour

10 quand il a emmené les filles, il avait aussi un bandeau sur le front.

11 Q. Quand il vous a dit qu'il a piégé des cafés de Gacko, vous avez eu

12 l'impression qu'il se confessait à vous ou il vous l'a dit dans une autre

13 intention?

14 R. Il me semble qu'il considérait que c'était quelque chose d'important

15 à mentionner. Je pense que simplement, il me l'a raconté comme cela. Il

16 m'a demandé si je m'en souvenais. Je lui ai dit que je m'en souvenais.

17 A ce moment-là, des personnes se sont enfuies avec leurs familles vers

18 Borce. Ils sont restés pendant plusieurs jours. Les Serbes aussi sont

19 partis. Ils ont introduit des horaires pour les gens qui travaillaient,

20 pour les écoles. Cela s'est remis à fonctionner.

21 Q. Madame la Présidente, il est 11 heures. Serait-ce le moment de faire

22 une pause?

23 Mme la Présidente (interprétation): Oui, nous allons faire une pause. Je

24 vois M. Ryneveld qui souhaite prendre la parole.

25 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je ne voulais pas interrompre. Ligne

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1 165504, la transcription indique qu'il n'y a pas d'interprétation, qu'une

2 question est posée. Je voudrais que mon collègue pose cette question après

3 la pause.

4 Mme la Présidente (interprétation): Oui, le conseil vérifiera la

5 transcription et nous reprendrons la question si nécessaire.

6 Nous allons suspendre et nous reprendrons à 11 heures 30.

7 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)

8 Mme la Présidente (interprétation): Nous continuons avec le contre-

9 interrogatoire.

10 M. Prodanovic (interprétation): Quand Zaga vous a parlé de ce café qu'il

11 aurait plastiqué, vous l'avez cru?

12 R. Pourquoi m'aurait-il dit qu'il l'a fait s'il ne l'avait pas fait?

13 Est-ce que vous, vous l'auriez dit? Est-ce que vous auriez dit: "Je l'ai

14 fait", alors que vous ne l'auriez pas fait?

15 Q. Savez-vous pourquoi il vous a raconté cela?

16 R. Peut-être était-il fier de cela.

17 Q. Etes-vous sûre que Zaga, dans la soirée du 2 août 1992, était

18 présent au moment où on a emmené votre fille ainsi que sept autres jeunes

19 femmes?

20 R. Le 2 août? Oui, oui, je suis sûre.

21 Q. Vous avez dit qu'on a emmené huit jeunes filles. Pouvez-vous nous

22 dire s'ils sont d'abord entrés dans la pièce où vous étiez, ou s'ils sont

23 d'abord entrés dans une autre pièce? De quelle façon ont-ils procédé à ce

24 choix?

25 R. Je ne sais pas. Je sais que, dans la pièce où j'étais, de cette

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1 pièce-là on a emmené qu'une seule personne, c'était ma fille. Je ne sais

2 pas si elle était la première ou la dernière à avoir été emmenée.

3 Q. Vous dites donc qu'il n'y a que votre fille qui a été emmenée depuis

4 la pièce où vous étiez?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous l'avez suivie?

7 R. Non, parce qu'il m'a frappée avec sa main, il m'a menacée de son

8 pistolet qu'il a mis sur mon front, il a soulevé son pistolet d'un geste

9 menaçant. Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite, j'étais hors de moi.

10 Je l'ai juste vu se diriger vers la porte.

11 Q. Quel était l'éclairage dans la salle de classe? Est-ce qu'on voyait

12 bien?

13 R. Il était sept heures et demies du soir, en été. On voyait bien.

14 Q. Cela veut-il dire qu'on pouvait reconnaître les visages?

15 R. Oui, bien sûr.

16 Q. Vous souvenez-vous de la première fois où Zaga est venu après le 2

17 août?

18 R. Il est venu deux ou trois jours plus tard, je ne me souviens pas de

19 la date exacte, mais en tout cas il est venu encore deux fois.

20 Q. A quel moment de la journée?

21 R. Il faisait jour, il ne faisait pas nuit. Il faisait jour, je ne sais

22 pas.

23 Q. Dans la matinée ou dans l'après-midi?

24 R. Je ne saurais pas vous répondre, mais je sais qu'il faisait jour.

25 Q. Quand il est venu pour la première fois, avez-vous discuté de votre

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1 fille?

2 R. Oui, quand il est venu pour la première fois, après cela je l'ai

3 reconnu. Je me suis approchée de lui. Je lui ai posé des questions au

4 sujet de ma fille et des autres jeunes femmes, et il m'a dit qu'elles

5 étaient chez lui.

6 Q. Vous souvenez-vous de cette première fois où il est venu, s'il vous

7 a donné un numéro de téléphone?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous avez communiqué ce numéro de téléphone dans le

10 journal, le numéro de téléphone qu'il vous avait donné à l'époque?

11 R. Oui, je crois que oui.

12 Q. S'agit-il du n°64647?

13 R. Je ne m'en souviens pas maintenant , cela s'est produit il y a huit

14 ans. Je sais en tout cas qu'il m'avait donné un numéro de téléphone. Je ne

15 sais plus lequel.

16 Q. Est-ce que ce numéro de téléphone a été publié dans un journal?

17 R. Oui, je crois que oui. Je ne me souviens pas, mais je crois que oui.

18 Mme la Présidente (interprétation): Je vois Me Lopicic qui se lève.

19 Mme Lopicic (interprétation): Je suis désolée, Madame la Présidente, mais

20 le numéro a été mal tapé, mal reproduit sur le procès-verbal. Maître

21 Prodanovic a dit: numéro 6-4-6-4-7, et non pas le numéro 6-3-6-3-3-6-7.

22 Mme la Présidente (interprétation): Maître Prodanovic, pouvez-vous à

23 nouveau donner ce numéro de téléphone, ce numéro de téléphone que vous

24 avez dit tout à l'heure au témoin?

25 M. Prodanovic (interprétation): Il s'agit du numéro 64 647, Madame la

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1 Présidente.

2 Témoin 192 (interprétation): Oui, c'est bien la photo de ma fille. Mais je

3 sais en tout cas qu'il y avait un numéro de téléphone à côté, mais je ne

4 me souviens plus de ce numéro.

5 Q. Avez-vous essayé d'appeler ce numéro?

6 R. Nous ne pouvions pas appeler ce numéro puisque les lignes

7 téléphoniques ne fonctionnaient pas à l'époque. Nous avons essayé de le

8 faire à partir de la Croatie, de Belgrade, mais nous n'avons jamais réussi

9 à joindre ce numéro.

10 Q. Vous a-t-il dit à qui appartenait ce numéro de téléphone?

11 R. Pour autant que je m'en souvienne, il a dit peut-être que c'était

12 son numéro de téléphone. Il m'a dit que ce n'était pas le numéro, que

13 c'était le numéro de la ville de Tivat.

14 Q. La défense souhaite verser au dossier deux documents. Le premier est

15 une copie d'une page de l'annuaire téléphonique de Tivat où, en haut, on

16 voit ce numéro de téléphone. C'est le numéro de téléphone du père de

17 Dragoljub Kunarac à Tivat puisqu'il possède une maison à Tivat.

18 Mme la Présidente (interprétation): Quelle est la cote de ce document?

19 M. Prodanovic (interprétation): C'est le numéro 6-4-6-4-7.

20 Mme la Présidente (interprétation): Et la date?

21 M. Hunt (interprétation): Quelle est la date de cet annuaire téléphonique?

22 De quand datent ces documents?

23 M. Prodanovic (interprétation): Le deuxième document est un certificat qui

24 atteste, une attestation qui atteste que c'est bien le numéro de téléphone

25 du père de Dragoljub Kunarac et que, depuis le 13 juin 1979, il possède ce

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1 numéro de téléphone. C'est donc pour cela que nous souhaitons présenter ce

2 numéro à la Chambre et le verser au dossier.

3 Le premier document est donc une copie d'une page de l'annuaire de Tivat.

4 Et en haut, à droite, on voit le nom et le prénom du père de l'accusé et

5 le numéro de téléphone.

6 Mme la Présidente (interprétation): Les conseils de M. Vukovic?

7 Mme Lopicic (interprétation): Il y a à nouveau une erreur concernant ce

8 numéro de téléphone puisqu'il est écrit "6-4-6-4-6", et ce n'est pas

9 exact. Le numéro de téléphone exact est 64-647.

10 Mme la Présidente (interprétation): D'accord. Pourrez-vous vérifier cela

11 et donner une cote à ce document, s'il vous plaît?

12 Mlle Lauer: Ce document est coté D56 des pièces de la défense.

13 Mme la Présidente (interprétation): Des objections de la part de

14 l'accusation?

15 M. Ryneveld (interprétation): Non, nous acceptons cela.

16 Mme la Présidente (interprétation): D'accord, la pièce est versée au

17 dossier.

18 M. Prodanovic (interprétation): Le deuxième document est l'attestation qui

19 atteste que le père de l'accusé Kunarac possède ce numéro de téléphone

20 depuis le 13 juin 1989. Il s'agit d'une attestation portant un sceau.

21 Cette attestation confirme la page que nous avons déjà versée et qui ne

22 porte pas de sceau, qui n'est pas authentifiée.

23 M. Ryneveld (interprétation): A nouveau, l'accusation n'a pas d'objection.

24 Mme la Présidente (interprétation): Pouvez-vous attribuer la cote, s'il

25 vous plaît?

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1 Mlle Lauer: Ce document sera coté D57 des pièces de la défense.

2 M. Prodanovic (interprétation): Je souhaiterais clarifier un point: je

3 voudrais dire que ce numéro appartient toujours au père de l'accusé. Il a

4 toujours ce même numéro de téléphone.

5 Dans votre déclaration préalable, vous avez dit que, vers 7 heures 30 à la

6 date du 2 août, Zaga est entré dans la pièce en compagnie de Gaga. Il

7 était escorté par un policier et, à ce moment: "Moi, je ne connaissais pas

8 leur nom. J'ai appris ces noms plus tard. C'est le policier qui était venu

9 avec eux qui me les a donnés. Ce policier était un des deux gardes qui

10 avait tenté de nous aider."

11 Pourriez-vous nous donner le nom et le prénom du policier qui vous a dit

12 que la personne qui avait emmené votre fille, ainsi que les autres filles,

13 était Zaga?

14 R. Non, nous n'avons jamais demandé à ce policier au sujet du nom et du

15 prénom.

16 Q. Mais vous avez dit que c'est un policier qui vous a dit comment

17 s'appelait Zaga et quel était son surnom.

18 R. Oui.

19 Q. Pourriez-vous nous dire comment s'appelait ce policier, ce policier

20 qui était généreux, qui vous aidait?

21 R. C'est ce que je viens de vous dire: nous ne lui avons jamais demandé

22 comment il s'appelait.

23 Q. Pouvez-vous le décrire, alors?

24 R. Eh bien, je ne sais pas: il portait un uniforme de police, une

25 chemisette bleue.

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1 Q. Est-ce qu'il était présent pendant toute la période où vous avez

2 séjourné à cet endroit?

3 R. Non, il y avait des relèves.

4 Q. Oui, je comprends, il travaillait en équipe. Mais était-il présent

5 pendant toute la période de votre séjour à Kalinovik?

6 R. Je ne me souviens pas. Nous ne pouvions pas, nous n'avions pas le

7 droit de sortir et d'aller jusqu'à leur guérite. Nous n'avions le droit de

8 sortir que jusqu'aux toilettes. Peut-être qu'il était là, mais je ne le

9 voyais pas.

10 Q. Vous dites, quand vous dites: "Nous ne pouvions pas", est-ce que

11 cela veut dire que vous, vous ne pouviez pas sortir ou bien que personne

12 ne pouvait sortir?

13 R. Personne, puisque nous n'avions pas le droit d'avoir des contacts

14 avec les femmes de Kalinovik. Elles étaient à l'étage et nous, nous étions

15 au rez-de-chaussée. Nous n'avions pas le droit de contacter avec elles.

16 Q. Savez-vous où se trouve le village de Jelasica?

17 R. Je pense que c'était près de l'école car il y avait des femmes

18 originaires de ce village qui étaient là.

19 Q. Est-ce que vous savez à quelle distance de Kalinovik se trouve ce

20 village?

21 R. Je ne sais pas. On nous a emmenées à cet endroit et après, on nous a

22 fait partir, mais nous ne pouvions pas le savoir.

23 Q. Est-ce que vous savez si qui que ce soit de l'école s'est rendu dans

24 le village de Jelasica, quelqu'un parmi les personnes présentes à l'école?

25 R. Je ne sais pas, je ne vois pas pourquoi. En tout cas, en ce qui

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1 concerne la pièce où j'étais.

2 Mme la Présidente (interprétation): Maître Lopicic, allez-y.

3 Mme Lopicic (interprétation): Je voudrais qu'à la page 53, à la ligne 14,

4 il est écrit: "Nous pouvions", alors qu'il faudrait qu'il soit écrit:

5 "Nous ne pouvions pas". Il faudrait donc qu'il y ait une réponse négative,

6 alors qu'il y a une réponse positive dans le procès-verbal d'audience. Il

7 s'agit de la ligne 13 et 14. J'ai encore une erreur de frappe.

8 M. Hunt (interprétation): Vous devez savoir que ce procès-verbal va être

9 vérifié par rapport à un enregistrement de ce qui est dit. Donc,

10 évidemment, il peut y avoir des erreurs, des erreurs de chiffres, et c'est

11 vrai que cela peut nous aider. Mais vous devez être rassurée puisque ce

12 procès-verbal va être vérifié avant de devenir public.

13 Mme Lopicic (interprétation): Oui, mais je me suis dit que cela pourrait

14 être utile d'attirer votre attention sur des erreurs éventuelles.

15 Mme la Présidente (interprétation): Merci.

16 M. Prodanovic (interprétation): Aujourd'hui, dans votre déclaration, dans

17 votre déposition, vous avez dit qu'à l'école où vous étiez enfermée il y a

18 eu des viols, des viols se sont produits dans cette installation. Est-ce

19 que vous pouvez nous dire pourquoi vous n'en avez pas parlé dans votre

20 déclaration préalable?

21 R. Je viens de me remémorer certains détails, et peut-être que je

22 pourrais me rappeler d'autres détails, de beaucoup d'autres informations

23 dont je n'ai pas parlé dans ma déclaration préalable puisque, maintenant,

24 je réfléchis et mes souvenirs reviennent.

25 Q. Voulez-vous dire que, maintenant, vous vous rappelez mieux? Votre

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1 mémoire est meilleure qu'il y a cinq ans?

2 R. Eh bien, il y a des souvenirs qui me reviennent, des souvenirs que

3 je n'avais pas à l'époque.

4 Q. Est-ce que vous avez discuté avec quelqu'un au sujet de ces

5 événements? Est-ce que c'est pour cela que votre mémoire est meilleure

6 aujourd'hui?

7 R. Non, le soir, avant de me coucher, je me rappelle, je me souviens

8 des événements.

9 Q. Pouvez-vous nous donner le nom de ces femmes qui ont été violées? Je

10 vais demander à l'huissier de fournir une pièce de papier, un morceau de

11 papier au témoin pour qu'elle écrive les noms des femmes qui ont été

12 violées.

13 R. Je ne souhaite pas le dire car il y a des femmes qui ont été violées

14 et qui n'ont même pas dit à leurs proches, à leurs parents, à leur mari

15 parce qu'elles avaient honte.

16 Une nuit, un homme est venu, il a emmené six jeunes filles et une

17 fillette, pratiquement. Il les a emmenées dans une ferme près de Foca, et

18 il ne les ramenées qu'après minuit. Elles n'ont jamais parlé de cela, à

19 personne. Et moi, je ne souhaite pas parler de cela. Chacun a le droit de

20 faire ce qu'il veut.

21 Q. Vous avez dit que vous n'avez pas parlé avec des témoins. Comment

22 savez-vous qu'elles ne voulaient pas qu'on en parle?

23 R. Elles n'en parlaient pas. Personne ne parlait pendant les premières

24 années. J'ai été à Mostar, il y avait des femmes là-bas, mais elles n'ont

25 jamais, jamais parlé de cela. Même la famille faisait semblant que rien ne

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1 s'était produit. Ils ne parlaient pas de cela car c'est une honte, c'est

2 une honte pour ces femmes.

3 Q. Pouvez-vous nous dire d'où venaient ces femmes?

4 R. Elles venaient de Gacko.

5 Q. Pourriez-vous nous donner leur âge?

6 R. Eh bien, ma belle-soeur avait 55 ans. Elle avait deux belles-filles

7 et des petits-enfants. Les autres femmes étaient plus jeunes.

8 Q. D'après vous, combien de femmes ont été violées à Kalinovik, des

9 viols dont vous avez connaissance?

10 R. Plusieurs d'entre elles. Mais la plupart des femmes ne disaient rien

11 car, parmi les femmes qui ont été violées, souvent avec elles il y avait

12 leur mère, leur soeur, leurs enfants... et les femmes se taisaient.

13 Q. Est-ce que vous, vous avez vu de vos propres yeux ces viols?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce que, après avoir été violées, ces femmes disaient qui étaient

16 ces hommes qui les avaient violées?

17 R. Non puisqu'elles ne savaient pas qui étaient ces hommes.

18 Q. Est-ce qu'elles vous ont raconté qu'elles avaient été violées?

19 R. Il y en avait qui me l'ont raconté, et puis d'autres ne m'ont rien

20 dit.

21 Q. Est-ce que dans cette école quelqu'un d'autre, à part vous, savait

22 que des femmes ont été violées dans cette école?

23 R. Je pense que quiconque se trouvait dans cette école le savait.

24 Q. Pour terminer, pourriez-vous nous dire contre qui vous avez été

25 échangées?

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1 R. Eh bien, nous avons été échangées avec les autres, au moment où ils

2 nous ont échangés contre des morts. Govidarica nous avait fait une

3 promesse. Il nous avait dit que, ce jour-là, les jeunes filles allaient

4 aussi être échangées.

5 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire qui a participé dans les

6 négociations autour de l'échange des témoins 186 et 181?

7 R. Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît, je n'ai pas

8 compris?

9 Q. Pourriez-vous nous dire qui a négocié du côté musulman pour

10 l'échange du n°186 et de votre fille, la personne qui ne voulait pas être

11 échangée?

12 R. Mon mari est allé voir Haris Silajdzic et il lui a demandé de

13 demander cet échange auprès de Krajisnik.

14 Q. Est-ce que votre époux pouvait parler à Haris Silajdzic parce qu'il

15 était membre du SDA?

16 R. Non, je ne pense pas que c'était pour cela. Je pense que c'était à

17 cause des jeunes filles.

18 Q. Mais il y avait d'autres jeunes filles. Comment se fait-il qu'on

19 cherchait ces jeunes filles précisément?

20 R. Parce qu'elles étaient enfermées depuis plus longtemps. Une avait 13

21 ans, elle avait le même âge que ma fille, elle venait de terminer la

22 septième classe de l'école primaire. Elle a été échangée au mois de mars

23 en 1993. Une autre jeune fille a été aussi échangée plus tôt.

24 Il ne restait que ma fille et la personne qui porte le n°186.

25 Q. Ceci sera ma dernière question mais, si vous me le permettez, je

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1 souhaiterais consulter mon confrère.

2 Mme la Présidente (interprétation): Allez-y.

3 M. Prodanovic (interprétation): La dernière question: au moment où vous

4 avez fait votre déclaration à la police, avez-vous parlé des viols à

5 Kalinovik dans cette déclaration?

6 R. Eh bien, j'ai toujours dit la même chose, comme dans la déclaration

7 que j'ai faite pour le Tribunal.

8 Q. Avez-vous donné cette déclaration, à Sarajevo, à la police?

9 R. Ecoutez, c'était la police. Je ne sais pas à qui appartenait cette

10 police.

11 Q. Avez-vous signé cette déclaration?

12 R. Oui.

13 Q. Je n'ai plus d'autre question, Madame la Présidente.

14 Mme la Présidente (interprétation): Maître Kolesar, avez-vous des

15 questions?

16 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, Messieurs les Juges, je

17 n'ai pas de question pour ce témoin.

18 Mme la Présidente (interprétation): Le conseil de Zoran Vukovic?

19 Mme Lopicic (interprétation): Non, je n'ai pas de question pour ce témoin.

20 (Les Juges se consultent.)

21 M. Hunt (interprétation): Maître Prodanovic, j'ai quelques soucis par

22 rapport à vos dernières questions. Est-ce que vous voulez dire qu'il

23 existe une déclaration qui est contradictoire avec la déclaration ou la

24 déposition de ce témoin?

25 M. Prodanovic (interprétation): Non, Monsieur le Juge.

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1 M. Hunt (interprétation): D'accord. Parce que si c'était le cas, vous

2 devriez le dire au témoin. Vous le comprenez bien.

3 (Signe de dénégation de Me Prodanovic.)

4 Mme la Présidente (interprétation): Des questions supplémentaires de la

5 part de l'accusation?

6 M. Ryneveld (interprétation): Non, mais la seule chose que je souhaiterais

7 dire, c'est que l'accusation ne sait pas qu'il existe une déclaration qui

8 aurait été faite devant les autorités de police. Nous n'en savons rien.

9 Nous n'avons pas vu ces déclarations.

10 Mme la Présidente (interprétation): D'accord. Pas de question

11 supplémentaire?

12 M. Ryneveld (interprétation): Non, merci, Madame la Présidente.

13 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Madame le Témoin, d'être venue

14 témoigner devant le Tribunal. Vous pouvez partir maintenant.

15 (Le témoin est reconduit hors de prétoire.)

16 Mme la Présidente (interprétation): Pouvez-vous faire entrer le prochain

17 témoin?

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Madame la Présidente, ce témoin

19 souhaite témoigner à huis clos. Il faudrait donc aussi mettre en place

20 l'altération de la voix.

21 Mme la Présidente (interprétation): Puisqu'il s'agit d'un huis clos, nous

22 n'avons pas besoin de distorsion de la voix, n'est-ce pas?

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non, en effet.

24 (L'audience se poursuit à huis clos total.)

25 (expurgé)

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12 Pages 3114 à 3197 – expurgées – audience à huis clos.

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25 L'audience est levée à 16 heures.