Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 20 novembre 2000.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 32.)

4 Mme Lauer: Affaire IT-96-23-T et IT-96-23/1-T, le Procureur contre

5 Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic. Ulica Osmana Dikica

6 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour. Je suppose que les

7 compositions des équipes sont les mêmes qu'auparavant. Votre équipe se

8 compose de la même façon, Monsieur Ryneveld, et pour la défense également.

9 Ce matin, M. le Juge Pocar est absent pour des raisons exceptionnelles

10 urgentes. C'est la raison pour laquelle nous allons opérer en vertu du

11 15bis. Nous allons consacrer cette audience aux réquisitoires et

12 plaidoiries. Nous commencerons par le réquisitoire de l'accusation.

13 (Réquisitoire de Mme Uertz-Retzlaff.)

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous remercie, Madame la

15 Présidente.

16 Madame la Présidente, Monsieur le Juge, le 20 mars 2000, jour de début du

17 procès, mon collègue, M. Ryneveld, vous a dit que cette affaire portée

18 contre l'accusé Kunarac, l'accusé Kovac et l'accusé Vukovic n'est pas une

19 affaire de viols comme dans des tribunaux nationaux. Nous parlons ici de

20 crimes qui relevaient d'une politique de nettoyage ethnique, une politique

21 qui a fait que des civils non serbes, hommes et femmes, ont souffert dans

22 toutes les municipalités de Foca, Gacko et Kalinovik.

23 Huit mois après les déclarations liminaires, nous avons entendu les

24 dépositions de 31 témoins à charge, dont 16 avaient été victimes de viols.

25 24 témoins de la défense sont venus déposer dont l'accusé Kunarac. Nous

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1 avons également entendu trois experts militaires et six experts en

2 médecine et en psychologie.

3 Mes collègues, M. Ryneveld et Mme Kuo, ainsi que moi-même allons vous

4 soumettre les faits qui, de l’avis de l’accusation, ont été prouvés au

5 cours de cette présentation de moyens de preuve; puis nous vous dirons

6 comment l'accusation applique le droit à ces faits ainsi circonscrits et

7 puis nous parlerons des sanctions qu'il faut appliquer, vu le comportement

8 et la conduite de l'accusé.

9 Nous n'allons pas répéter ce que nous avons dit dans notre mémoire

10 définitif. Il est inutile de revenir sur tous les détails que nous avons

11 entendus au cours de la présentation des moyens de preuve. Nous allons

12 plutôt dresser la cadre de nos thèses d’accusation et mettre en lumière

13 certains des litiges ainsi que des preuves documentaires et matérielles

14 substantielles qui ne laissent aucun doute. L'accusé Kunarac, l'accusé

15 Kovac…

16 Mme Lauer: Parlez beaucoup plus lentement de façon à ce que les débats

17 soient retranscrits de façon correcte en BCS et en français, s'il vous

18 plaît.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Tout le monde s'accorde à dire qu'il

20 y avait conflit armé en Bosnie-Herzégovine à l'époque. A l'occasion de ce

21 procès, nous n'avons pas eu à répondre à la question de savoir qui a

22 déclenché la guerre, qui en est responsable. Nous laisserons cette

23 responsabilité aux historiens. Ce n'est pas une responsabilité qui incombe

24 aux Juges. La défense conteste que les infractions soient liées à ce

25 conflit armé et faisaient partie ou relevaient d'une attaque généralisée,

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1 systématique, dirigée sur la population non serbe civile.

2 Nous allons parler du contexte dans lequel ces crimes ont été commis.

3 Avant le mois d'avril 1992, la ville de Foca était une communauté qui

4 avait une population mixte et se situait sur les rives de la Drina, dans

5 le sud-est de la Bosnie-Herzégovine.

6 La municipalité de Foca comptait quelque 40.513 habitants dont la plupart

7 étaient des Musulmans. Les témoins à charge comme à décharge ont établi

8 par leurs dépositions que la prise de pouvoir politique et militaire de la

9 municipalité de Foca par les forces serbes avait commencé le 8 avril 1992

10 et s'était terminée le 16 ou le 17 avril 1992. Les témoins à charge et à

11 décharge vous ont dit que, dès la prise de pouvoir par les forces serbes

12 de Bosnie de certains quartiers de la ville, ces soldats avaient commencé

13 à arrêter tous ceux qui n'étaient pas serbes. Plusieurs témoins sont venus

14 vous dire comment, en compagnie de centaines d’autres civils musulmans,

15 ils avaient été arrêtés, dès le 14 avril 1992, pour être par la suite

16 détenus dans les camps de Livade et KP Dom, à l’école secondaire de Foca

17 ainsi qu'au centre sportif des partisans, dans des conditions de vie

18 inhumaines et ceci pendant de très longues périodes, allant même parfois

19 jusqu'à plus de deux ans et demi.

20 Jusqu'à la mi-juillet 1992, les forces serbes ont continué à procéder à

21 des rafles, à arrêter tous ceux qui n'étaient pas serbes dans les villages

22 environnants de la municipalité. C'était un schéma qui se représenta à

23 chaque fois. Les forces serbes exigeaient d’abord des villageois qu’ils

24 livrent leurs armes dont ils étaient propriétaires et, une fois cela fait,

25 ces soldats serbes attaquaient les villages sans défense. Ces attaques sur

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1 des villages sans défense étaient reliées, sans en faire partie

2 intégrante, au conflit armé qui régnait dans la région. Au moment où se

3 produisent ces attaques, la municipalité de Foca et les villages

4 particulièrement attaqués se trouvaient déjà sous le contrôle des Serbes.

5 Il n'y avait aucune raison de lancer des attaques.

6 Au cours des premiers mois qui suivirent l'irruption de la guerre, le

7 déclenchement de la guerre, les foyers musulmans, les sites de culte ont

8 été intentionnellement détruits, comme vous l'ont dit les témoins. Les

9 maisons musulmanes de la localité de Donje Polje ainsi que les onze

10 mosquées de Foca ont été incendiées intentionnellement après que les

11 combats ont cessé. Et, quelquefois, il y avait même la présence de

12 véhicules de la caserne des pompiers. Cette présence de véhicules des

13 pompiers montre bien que ce qui s’est passé dans les mosquées et dans les

14 quartiers musulmans n'était pas des actes isolés de vandalisme mais

15 faisait partie d’une politique délibérée de nettoyage ethnique. Même si

16 les autorités serbes de Foca, une fois arrivé la fin du mois d’avril ou le

17 début du mois de mai 92, ont déclaré publiquement que la situation était

18 revenue à la normale, il a été impossible pour les Musulmans de réintégrer

19 leur emploi. Le déplacement de la population musulmane et surtout des

20 hommes était limité. Les femmes musulmanes devaient se dissimuler dans des

21 vêtements noirs pour ressembler à des Serbes et pouvoir ainsi sortir. Les

22 Musulmans de Foca vivaient dans la peur constante, surtout lorsqu'il était

23 devenu notoire que les civils musulmans étaient assassinés et ciblés. Même

24 les témoins à défense sont venus vous dire que les Musulmans avaient

25 besoin d’aide et de protection de la part de leurs amis serbes. La police,

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1 elle, ne protégeait pas la population musulmane. Au contraire, elle

2 tolérait les violences dirigées contre les Musulmans.

3 En juillet 1992, le témoin 183 a été emmenée de l'appartement qu'elle

4 occupait à proximité du poste de police, par l'accusé Kunarac; celui-ci

5 voulait la voler et la violer. Lorsqu’elle a réussi à s'échapper et à

6 courir vers le poste de police pour y trouver de l'aide, non seulement

7 elle n'y a pas trouvé de l'aide mais elle a été frappée à coups de fusil

8 par un garde.

9 Etant donné le fait que les conditions de vie empiraient et que la

10 situation devenait de plus en plus précaire et effrayante, les Musulmans

11 ont dû quitter Foca. Les témoins ont dit clairement qu'ils n'étaient pas

12 partis de leur plein gré. Ils ont été forcés à partir par une politique

13 d’expulsion par la terreur. Ceux qui n'ont pas pris la fuite ont

14 finalement été chassés par Gorazde et le Monténégro. L’attaque dirigée sur

15 les non-Serbes de Foca n’était pas un incident isolé. Des attaques

16 analogues se sont produites au même moment dans d'autres parties de la

17 Bosnie-Herzégovine. La ville, la municipalité de Gacko qui comptait

18 quelque 10.700 ou 800 habitants se trouve au sud de Kalinovik.

19 A partir de la moitié du mois d'avril 1992, les forces serbes contrôlaient

20 la municipalité de Gacko. La prise de pouvoir a enclenché toute une série

21 d’événements similaires à ceux qui ont été décrits dans le cadre de Foca.

22 Beaucoup d’habitants de Gacko, par conséquent, ont quitté la ville et les

23 villages environnants. Ceux qui sont restés ont fini par être expulsés en

24 direction de la Macédoine.

25 Plus de mille civils musulmans parmi eux, surtout des femmes, des enfants

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1 et des personnes âgées ont commencé à partir à pied en direction de Konjic

2 qui se trouve dans le centre de la Bosnie-Herzégovine. Le 4 juillet 1992,

3 quelque 250 personnes ont été capturées à Ulog juste au moment où elles

4 allaient passer dans la municipalité de Konjic. Ces Musulmans qui avaient

5 été capturés, et parmi lesquels se trouvaient de nombreux témoins qui sont

6 venus déposer ici, ont été détenus à l'école primaire de Kalinovik

7 jusqu'au 1er septembre 1992, moment où ils ont été échangés contre les

8 corps de soldats serbes.

9 La municipalité de Kalinovik a quelque 4.657 habitants et elle est

10 limitrophe de la municipalité de Foca. Le 1er août 1992, des soldats

11 serbes ont chassé les femmes et les enfants musulmans de leur foyer pour

12 les détenir ensuite à l'école primaire de Kalinovik où ils ont rejoint les

13 femmes et les enfants qui venaient de Gacko. L'école primaire de Kalinovik

14 n'était pas un centre de réfugiés comme le prétend la défense, car pour

15 les Musulmans venant de Gacko et de Kalinovik c'était un centre de

16 détention. Les conditions de vie étaient inhumaines et il y avait des

17 sévices constants, surtout après la fin du mois de juillet, au début

18 d'août 1992, au moment où Trnovo est tombée entre les mains des forces de

19 Bosnie-Herzégovine et lorsque les Serbes ont subi de lourdes pertes sur la

20 ligne se trouvant au col de Rogoj. Des soldats serbes dont l'accusé

21 Kunarac se sont vengés sur les détenus musulmans. Les soldats serbes

22 venaient régulièrement à l'école, ils venaient y chercher des femmes pour

23 les violer.

24 Je vais vous dire maintenant pourquoi tout ceci s'est produit. Cette

25 attaque dirigée sur la population non serbe de Foca, de Kalinovik et de

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1 Gacko faisait partie d'une campagne organisée, orchestrée, planifiée,

2 d'une politique mise au point par les autorisés serbes de Bosnie afin

3 d'assurer le nettoyage ethnique de ces municipalités. Cette politique et

4 les objectifs qu'elle poursuivait sont devenus apparents dès l'année 1992,

5 en septembre 1992 alors qu'il y avait un rassemblement du parti

6 démocratique serbe, autrement dit le SDS à Foca. Des hommes politiques

7 serbes ont menacé de remplir de sang de nouveau la rivière Drina pour ce

8 qui s'était passé avec les Chetniks au cours de la Deuxième guerre

9 mondiale. Ils ont ajouté que les Serbes et les Musulmans ne pouvaient pas

10 coexister ou cohabiter. Lorsque Vojislav Maksimovic, autre homme de

11 premier plan au niveau de la république pour le SDS, a tenu un discours,

12 il a dit que les Musulmans étaient les plus grands ennemis des Serbes et

13 ce faisant il a préparé le terrain chez les Serbes pour que ceux-ci

14 décident d'attaquer les Musulmans. Radovan Karadzic qui est l'homme

15 politique numéro un du SDS déclarait ouvertement que s'il y avait conflit,

16 une des nations serait exterminée et que ce seraient les Musulmans.

17 L'accusation affirme avoir apporté la preuve de ce que les violences

18 sexuelles faisant l'objet des charges retenues dans ce procès relevaient

19 d'une campagne de nettoyage ethnique dirigée surtout contre la population

20 musulmane de Foca, Kalinovik et Gacko et avait été mise au point par les

21 dirigeants serbes pour parvenir à un environnement exclusivement serbe.

22 Cet objectif ultime, eh bien ils l'ont réalisé. La municipalité au départ

23 mixte de Foca, celle de Kalinovik et de Gacko ont cessé d'exister en tant

24 que telles. Et le nettoyage ethnique a été à ce point minutieux à Foca

25 qu'ils s'en sont même allés à rebaptiser la ville de Foca, "Serbinje,

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1 ville serbe". La culture musulmane à Foca a été éliminée sans laisser

2 aucune trace. La mosquée Aladza était un symbole notoire de la culture

3 musulmane en Bosnie-Herzégovine. Et là où elle se trouvait avant,

4 maintenant il n'y a plus qu'un espace vide. Je vous ai décrit le contexte

5 dans lequel furent commis ces crimes.

6 Passons maintenant aux violences sexuelles telles qu'elles ont été

7 perpétrées sur les victimes et parlons de leurs auteurs. D'abord l'accusé

8 ou les accusés, tous trois sont des Serbes de Bosnie nés à Foca. Dragoljub

9 Kunarac qu'on connaît surtout sous son surnom, celui de Zaga, avait 32 ans

10 au moment des événements. Sitôt avant la guerre, il vivait au Monténégro,

11 il est rentré à Foca en juin 1992 pour rejoindre les forces serbes de

12 Bosnie. Il a participé aux combats qui se sont déroulés dans la zone de

13 Foca en qualité de commandant du Détachement indépendant Zaga qui était

14 une unité de déminage et de reconnaissance. Mon collègue, M. Ryneveld, va

15 vous parler dans le détail du poste qu'il occupait.

16 Le deuxième accusé, Radomir Kovac, connu aussi sous le nom de Klanfa avait

17 31 ans au moment des événements. Il vivait à Foca. C'était un soldat du

18 1er Détachement indépendant Dragan Nikolic. Cet accusé a participé à

19 l'attaque dirigée sur Foca et sur les villages environnant dès le 17 avril

20 1992 et il a continué à servir dans cette unité pendant toute la période

21 couverte par les Actes d'accusation.

22 Troisième accusé, Zoran Vukovic, lui aussi habitant de Foca. Il avait 37

23 ans au moment des événements. Lui aussi était membre du 1er Détachement

24 indépendant Dragan Nikolic pendant toute la période pertinente.

25 Parlons maintenant des victimes.

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1 Le 3 juillet, le village de Mjesaja à proximité de Foca a été attaqué par

2 des soldats dont les membres du 1er Détachement indépendant Dragan

3 Nikolic. Il y avait parmi eux l'accusé Radomir Kovac. Un groupe d'environ

4 50 villageois musulmans, parmi lesquels se trouvaient de nombreux témoins

5 que nous avons entendus, ont été capturés ce jour là.

6 Les témoins 75 et DB ont été violentées et battues par les soldats. Sept

7 hommes capturés parmi eux, des frères, des pères, des fils et des maris

8 des témoins 75, 87, DB, 105 et 96 ont été battus, séparés des femmes et

9 abattus sur place.

10 Les soldats serbes ont capturé 57 villageois musulmans ce jour-là et les

11 ont emmenés à Buk Bijela. Buk Bijela, c'est une localité qui se trouve en

12 contrebas de Mjesaja sur les rives de la Drina. C'est là aussi que se

13 trouvait à l'époque un poste militaire de la VRS, alors qu'un homme âgé a

14 été tué à Buk Bijela. Après avoir été interrogés, les femmes et les

15 enfants ont été détenus à cet endroit pendant plusieurs heures. Toujours à

16 Buk Bijela, plusieurs soldats du Détachement Dragan Nikolic étaient

17 présents également. Il y avait parmi eux l'accusé Zoran Vukovic. Cet

18 accusé a participé aux interrogatoires infligés aux civils capturés. Au

19 cours de ces interrogatoires, les villageois étaient insultés, humiliés.

20 Plusieurs femmes, plusieurs gamines ont été victimes de viol et de viols

21 collectifs.

22 Le témoin 75 qui avait à l'époque 24 ans a subi un viol collectif de la

23 part de plus de dix soldats.

24 Le témoin 87 qui elle avait 15 ans à l'époque, elle a été violée par cinq

25 soldats.

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1 Un autre témoin, le témoin 48, elle aussi a été violée.

2 Après ces incidents, les villageois ont été transférés à l'école

3 secondaire de Foca où ils ont été détenus. Il y avait un autre groupe de

4 17 villageois musulmans et là se trouvaient parmi eux plusieurs témoins

5 que nous avons entendus. Ils ont d'abord réussi à se cacher et ils se sont

6 livrés le 4 juillet. Les hommes ont été emmenés au KP Dom, ont disparu

7 sans laisser de traces, alors que les femmes et les enfants ont été

8 emmenés à Buk Bijela. Là, ils ont été interrogés, humiliés et l'une

9 d'entre elles a été violée.

10 L'accusé Zoran Vukovic a séparé le témoin 50 qui, à l'époque, avait 16

11 ans. Il l'a arrachée à sa mère et, sous le prétexte de vouloir

12 l'interroger, il a emmené cette gamine dans une remise et il l'a violée;

13 viol oral. Au cours de ce viol, l'accusé avait son pistolet en main et la

14 menaçait; elle a eu peur d'être tuée.

15 L'accusé savait que le témoin était en proie à la peur. Au cours de ce

16 viol, il a demandé au témoin ce dont elle avait peur, si elle savait ce

17 que c'était que d'avoir des relations sexuelles; il lui a demandé si elle

18 en avait eu avant et elle a dit qu'elle devrait prendre son plaisir.

19 Ces violences sexuelles perpétrées par Vukovic sur le témoin 50 ne sont

20 pas reprises dans les charges retenues contre l'accusation. Ce témoin n'a

21 révélé cet incident qu'au moment du procès, lorsqu'elle est venue à la

22 barre; elle n'a pas voulu en parler auparavant. Elle ne l'a aucunement

23 révélé aux enquêteurs du Bureau du Procureur. Ce témoin a expliqué

24 pourquoi elle n'a pas voulu en parler auparavant. Elle a dit: "Il m'était

25 impossible de prononcer ces mots". Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle

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1 avait décidé malgré tout de révéler cet incident au moment du procès, elle

2 a dit tout d'abord: "C'est surtout à cause du serment que je viens de

3 prêter. J'ai promis que je dirais la vérité, toute la vérité et rien que

4 la vérité."

5 Parlons maintenant de l'école secondaire de Foca. Entre le 3 juillet et le

6 milieu du mois de juillet…

7 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.

8 M. Hunt (interprétation): Que voulez-vous que nous fassions de cet

9 incident qui n'est pas retenu dans les charges? Je suppose que, puisque

10 ceci a été versé au dossier, cela montrera qu'il y a eu des attaques

11 dirigées contre la population civile. Mais c'est tout ce que nous pouvons

12 en faire si ceci n'est pas repris dans l'Acte d'accusation.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il nous semble important d'en parler,

14 car ceci relève du cadre général des allégations. C'est une trop violence

15 sexuelle perpétrée au moment des faits.

16 Parallèlement, nous estimons que ceci peut être utilisé pour déterminer la

17 peine applicable.

18 Mon collègue, M. Ryneveld, vous en reparlera.

19 M. Hunt (interprétation):Ceci a été évoqué au moment de la déclaration

20 liminaire et cela a été retiré, si je m’en souviens bien. Je ne me

21 souviens pas si c’était cet incident précis, mais si vous pensez que ceci

22 peut être repris pour déterminer la peine, alors que il n’y avait pas eu

23 de condamnation sur ce point, je crois que cela avait été retenu.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce n'est pas un autre viol. Ce n'est

25 pas comme cela que nous voulons le présenter. Nous voulons montrer son

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1 comportement hostile à l'égard des femmes musulmanes. Comme principe,

2 c’est son comportement en tant que tel. Non pas le fait qu'il ait commis

3 ce viol-là.

4 M. Hunt (interprétation): Nous en reparlerons plus tard mais puis-je

5 partir du principe que vous vous basez sur ce viol, pour autant qu'il soit

6 établi, pour montrer qu'il y avait des attaques dirigées sur la population

7 civile?

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. C'est la raison pour laquelle

9 j’ai indiqué ici tout particulièrement qu’il est important pour permettre

10 d’identifier l’accusé Vukovic. C’est une partie du réquisitoire qui sera

11 présentée par Mme Kuo.

12 M. Hunt (interprétation): Merci.

13 Mme la Présidente (interprétation): Faites-vous également valoir que, même

14 si ceci ne fait pas l’objet d’une charge précise, le fait que des éléments

15 de preuve aient été administrés est que l’accusé a eu l’occasion de

16 procéder au contre-interrogatoire?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Nous avons envisagé de modifier

18 l'Acte d'accusation mais, finalement, nous avons changé d'avis. Si j'en ai

19 parlé aujourd'hui, c'est aussi pour les raisons que j'évoquais dans ce

20 contexte.

21 Je poursuis. Entre le 3 juillet et la mi-juillet 1992, quelque 70

22 habitants musulmans de Foca ont été détenus dans deux salles de classe de

23 l’école secondaire de Foca. Il y avait parmi eux des femmes et des enfants

24 de Mjesaja. L’école secondaire de Foca n’était n'était pas un centre de

25 rassemblement, ni un centre de réfugiés pour les Musulmans, comme l’ont

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1 prétendu la défense et les accusés. Selon l'accusation, les civils

2 musulmans qui étaient détenus à cet endroit étaient vraiment sous

3 détention. Ils étaient entourés de soldats serbes armés; de surcroît, ils

4 étaient gardés par la police. Et même si les détenus n'étaient pas

5 verrouillés à l'intérieur des salles, ils n'étaient pas autorisés à

6 quitter ces salles. Il était dans l’impossibilité pour eux de le faire.

7 Le témoin 95 est venu vous dire que, du fait que tous les villageois

8 avaient été détenus par groupes de famille, il était impossible pour

9 quiconque d’échapper sans être remarqué. Le témoin 51 nous a dit que,

10 comme les villages avaient été dépouillés de tout ce qu'il y avait en

11 guise d'argent, ces personnes n’avaient aucun moyen pour s'échapper.

12 Les conditions qui prévalaient à l’école secondaire de Foca étaient

13 vraiment inadéquates. C'était de la détention manifeste, caractérisée par

14 les violences physiques, les sévices psychologiques, les violences

15 sexuelles. Ces violences sexuelles qui avaient commencé à Buk Bijela se

16 sont poursuivies. Dès le second jour de la détention, pratiquement chaque

17 soir, il y avait des groupes de soldats serbes appartenant au 1er

18 détachement indépendant Dragan Nikolic, dont l'accusé Zoran Vukovic qui

19 venait faire subir des violences sexuelles aux gamines.

20 C’était d’habitude Dragan Zelenovic qui venait en compagnie de plusieurs

21 autres soldats. Il avait coutume d'abord d'infliger des sévices physiques

22 aux hommes plus âgés. Il y avait un homme âgé qu'il insultait. Cet homme,

23 les enfants étaient apeurés, hurlaient de peur. Dragan Zelenovic et les

24 autres soldats désignaient alors les femmes et les jeunes filles; ils leur

25 disaient de les suivre. Dans ce climat de peur, de violence, les filles et

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1 les femmes qui avaient été choisies, sélectionnées n’osaient pas résister.

2 Elles n’avaient qu’un choix, celui d’obéir.

3 Il y a bien une femme qui a essayé de résister à ces violences sexuelles,

4 c'est le témoin 95. Elle a été battue, ce qui n’a fait qu’accroître,

5 exacerber la peur qui animait toutes les autres victimes. Ces victimes

6 ainsi choisies étaient emmenées soit dans d’autres salles de classe soit

7 dans des endroits proches de l’école où elles étaient victimes de

8 violences sexuelles de la part de plusieurs soldats.

9 Le 6 juillet, aux alentours de cette date, Dragan Zelenovic en compagnie

10 de l’accusé Vukovic et de plusieurs autres soldats ont fait irruption dans

11 la salle de classe. Ces soldats ont désigné plusieurs jeunes filles et

12 femmes parmi lesquelles les témoins 50, 75, 87 et 95. Les soldats ont

13 alors emmené ces femmes et ces jeunes filles dans la classe voisine. C’est

14 là que le témoin 75 a été violée par le soldat Dragan Zelenovic et un

15 autre soldat. Le témoin 95 a été violée par DP1 qui l’a frappée à deux

16 reprises lorsqu’elle refusait de se déshabiller. Il l'a frappée avec une

17 telle violence qu'elle en a gardé une lésion permanente à la mâchoire.

18 Le témoin 87, elle, a dû se placer dans un coin, se diriger là où se

19 trouvait déjà l'accusé Vukovic. L’accusé Vukovic lui a ordonné de

20 s'allonger, l’a déshabillée et l’a violée.

21 Le témoin 50 ne s'est trouvé que brièvement dans cette classe avec les

22 autres victimes. En effet, un des soldats l’a emmenée dans une autre

23 classe et c'est là qu'il l'a violée.

24 J'en viens maintenant à ce qui s'est passé au centre sportif de Partizan.

25 Partizan était très brutal. La détention était caractérisée par un

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1 traitement inhumain, par les installations sans hygiène, par la famine,

2 par la torture tant physique que psychologique. Elle incluait notamment

3 des violences sexuelles. Ces conditions de vie déplorables qui prévalaient

4 à l’école secondaire de Foca se sont encore détériorées une fois que les

5 détenus ont été transférés au centre sportif. Le témoin 105 a précisé que

6 les détenues ont été soumises à des provocations répétées, que les femmes

7 et les jeunes filles étaient emmenées de plus en plus souvent pour être

8 violées et que la quantité de nourriture était chaque jour un peu moins

9 importante. Partizan n'était pas un centre de réfugiés ainsi que l’a dit

10 la défense. L'accusation affirme qu'il s'agissait d'un centre de détention

11 tout comme l’école secondaire de Foca en était un. Les détenus étaient

12 sous surveillance, elles ne pouvaient pas quitter les lieux lorsqu'elles

13 le souhaitaient. Seul un témoin, le témoin 95, ayant bénéficié de

14 l'autorisation d'un garde qui la connaissait avant la guerre et l'a prise

15 en pitié, a pu sortir pour acheter du pain.

16 Au cours du mois de juillet 1992, les autorités serbes de Bosnie ont

17 emmené un certain nombre des détenus qui se trouvaient à Partizan et ont

18 également emmené certaines détenues qui se trouvaient au KP Dom à la

19 municipalité de Cajnice afin qu’il y ait un échange, échange qui,

20 malheureusement, n’a pas eu lieu. Etant donné que la route passait par le

21 Monténégro, les détenus ont supplié les autorités de les remettre en

22 liberté au Monténégro. Cependant, ce n’est pas ce qui s’est passé, elles

23 ont été ramenées.

24 Cet incident met en valeur le fait que les civiles qui étaient détenues à

25 Partizan étaient détenues et ne bénéficiaient pas du traitement réservé à

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1 des réfugiés. Ce transport vers le Monténégro a offert aux autorités de

2 Foca la possibilité de laisser les civils sur place au Monténégro. Or,

3 c'était exactement l'objectif inverse de leur projet puisqu'ils voulaient

4 garder les détenus comme monnaie d'échange potentielle. Tout de suite

5 après le transfert des femmes et des jeunes filles vers Partizan, ce

6 schéma répété de violences sexuelles systématiques et généralisées s'est

7 poursuivie. Les soldats du 1er Détachement indépendant Dragan Nikolic ont

8 continué à prendre part à ces violences sexuelles. Outre la présence de

9 ces soldats, des soldats appartenant au Détachement indépendant Zaga ont

10 commencé à faire leur apparition et à se livrer également à ce type

11 d'assaut. Les soldats arrivaient généralement à Partizan au cours de la

12 soirée mais également au cours de la journée. Ils faisaient sortir des

13 jeunes femmes et des jeunes filles. Lorsque les groupes de soldats

14 arrivaient, ils insultaient ces détenues, leur criaient dessus, leur

15 hurlaient dessus, les montraient du doigt ou donnaient leur nom afin

16 qu'elles sortent de la pièce. C'est dans ce climat de grande tension et de

17 grande terreur que les jeunes femmes et les jeunes filles choisies

18 devaient se rendre à l’évidence, leur seul choix était de se lever et de

19 suivre les soldats. Lorsque les femmes montraient une résistance ou

20 essayaient de se cacher, les soldats les menaçaient.

21 Le témoin 105 s'est souvenu qu'en une occasion, un soldat du Détachement

22 indépendant Zaga avait tiré en direction du plafond lorsque les femmes

23 n’avaient pas immédiatement répondu à ses exigences.

24 Les soldats ont emmené les femmes du centre sportif Partizan vers des

25 maisons afin de les y violer. Les femmes, les jeunes filles ont été

Page 6233

1 violées jusqu’à ce qu’elles soient dans un état de total épuisement. Le

2 témoin 95 a déposé et raconté qu'elle a été violée avec fureur et

3 brutalité, que les soldats s'étaient vengés sur les victime. Alors

4 qu'elles étaient détenues au centre sportif de Partizan, un certain nombre

5 de détenus notamment les témoins 95, 51 et 48 ont fait part des viols dont

6 elles ont été victimes au chef de la police. Suite à cela, non seulement

7 le nombre de viols n'a pas diminué mais le chef de la police n'a apporté

8 aucune aide. Bien au contraire, suite à ces dépôts de plainte, le chef de

9 la police a violé l'une des plaignantes lui-même.

10 J'en viens maintenant à certains des viols qui sont détaillés dans

11 certains des chefs d'accusation de l'Acte d'accusation. Alors que les

12 soldats arrivaient au centre sportif de Partizan, le témoin 50 essayait

13 parfois de se cacher. Sa mère, le témoin 51, savait où elle se trouvait.

14 Un ou deux jours après son arrivée à Partizan, l'accusé Zoran Vukovic

15 ainsi qu'un autre soldat ont fait leur arrivée à Partizan. Tout d'abord,

16 ils n'ont pas pu trouver le témoin 50. C'est alors que l'accusé a menacé

17 d’abattre les autres détenues, parmi lesquelles notamment la mère du

18 témoin. Le témoin 51 n'a pas eu le choix, elle a dû se rendre à la salle

19 de bain et appeler sa fille. Lorsqu’elle a dû le faire, elle était dans un

20 tel état de désespoir qu’elle s’est mise à hurler et à s’arracher les

21 cheveux. L'accusé Vukovic a emmené le témoin 50 dans un appartement où il

22 lui a fait subir un viol. Après le viol, l'accusé s'est assis et a allumé

23 une cigarette. Il s'est tourné vers le témoin et lui a déclaré qu'il

24 aurait pu lui faire subir bien plus de choses encore mais que comme elle

25 était à peu près de l’âge de sa fille, il n'allait pas lui faire subir

Page 6234

1 quoi que ce soit d'autre, pour le moment.

2 J’en viens maintenant au Détachement indépendant Zaga. Cette unité avait

3 désigné la maison sise au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica comme point

4 de réunion et de rassemblement. Cette maison était connue comme étant la

5 maison du tailleur. Pendant un certain nombre de nuits, l’accusé Kunarac,

6 accompagné par certains de ses soldats, a fait sortir des femmes de

7 Partizan et les a emmenées à la maison du tailleur afin de les y violer.

8 Après avoir emmené ces femmes dans cette maison, l’accusé Kunarac restait

9 parfois sur place et violait les victimes. En une occasion, avant le 2

10 août 1992, l'accusé Dragoljub Kunarac a emmené le témoin 87 ainsi qu’un

11 certain nombre d’autres jeunes filles dans cette même maison. Lors de ces

12 occasions, le témoin a été violée par des soldats monténégrins qui

13 venaient de Niksic.

14 D'après les éléments de preuve qui ont été déposés, l'accusé Kunarac, à

15 deux reprises entre le 13 juillet et le 11 août 1992, a emmené le témoin

16 95 et un certain nombre d’autres femmes qui ont été entraînées hors du

17 centre sportif pour être emmenée à la maison du tailleur. En ces deux

18 occasions, l'accusé Kunarac a violé ces témoins.

19 Dans les paragraphes 6.1 et 6.2 de l'Acte d'accusation Kunarac-Kovac,

20 l'accusé s'est vu reprocher d'avoir violé la victime 48 dans l'hôtel

21 Zelengora ainsi que dans une maison se trouvant à proximité de l’arrêt

22 d’autobus. Cependant, le témoin 48 a été emmenée à l’extérieur du centre

23 sportif si souvent et elle a été violée avec une telle fréquence qu'elle

24 n'était plus à même de replacer ces viols dans le temps et qu'elle ne

25 pouvait plus se prononcer précisément sur qui étaient les auteurs de ces

Page 6235

1 viol qui l’avaient emmenée avec d'autres victimes vers telle ou telle

2 location. Par conséquent, l'accusation reconnaît que ces viols qui sont

3 décrits dans les paragraphes 6.1 et 6.2 n'ont pas été prouvés au-delà de

4 tout doute raisonnable. Cela étant dit, les viols qui ont été infligés au

5 témoin 48 font partie des allégations générales de l'Acte d'accusation et

6 c'est pour cela qu'ils ont été décrits.

7 J'en viens maintenant aux viols qui sont décrits aux paragraphes 5.3 de

8 l'Acte d'accusation Kunarac-Kovac. Un soir, vers la mi-juillet 1992,

9 l'accusé Kunarac a fait irruption au centre Partizan accompagné de son

10 adjoint, surnommé Gaga, et du soldat Bane. Il a alors emmené les témoins

11 75 et DB à la maison du tailleur pour la première fois. C'est là que les

12 témoins ont été placés chacune dans des pièces différentes. Le témoin DB a

13 d’abord été violée par le soldat prénommé Jure, par le soldat Gaga et par

14 un soldat âgé de 15 ou 16 ans. Ensuite, Gaga a emmené le témoin DB vers la

15 salle de bain afin qu'elle puisse y prendre une douche et lui a indiqué

16 que c'était désormais son commandant qui allait arriver. Gaga a menacé le

17 témoin DB, lui a dit qu'il la tuerait si elle ne satisfaisait pas aux

18 désirs de son commandant. Après avoir entendu cela, le témoin était dans

19 un état de grande terreur. C'est alors que Gaga a ramené le témoin dans

20 cette pièce où elle avait d'abord été violée. Se tenant sur le seuil de la

21 porte, Gaga à nouveau menaçait le témoin DB de la tuer si elle ne

22 satisfaisait pas son commandant et c'est à ce moment précis que l'accusé

23 Kunarac est entré dans la pièce et a entendu ce que son adjoint avait

24 menacé de faire. Après que l'accusé Kunarac s'est allongé à côté du

25 témoin, il ne lui a pas dit quoi faire et ne lui a rien fait du tout. Le

Page 6236

1 témoin DB était très effrayé et ne savait pas non plus quoi faire.

2 Après quelques instants, Gaga a fait son entrée dans la pièce et a dit à

3 l'accusé, en regardant la victime: "Commandant, êtes-vous satisfait?". Le

4 témoin DB a pris cela comme étant une autre menace. A partir de ce moment-

5 là, elle a commencé à déshabiller l'accusé Kunarac et à l'embrasser sur

6 tout le corps. C'est alors que l'accusé a eu des rapports sexuels avec le

7 témoin.

8 Pendant toute la durée du viol, l'accusé est demeuré passif. Afin de ne

9 pas être tuée, le témoin a pris une part active à ce qui se passait. Le

10 témoin DB a décrit que, pour elle; ce viol était particulièrement

11 humiliant et beaucoup plus douloureux que les viols précédents. Pendant

12 toute la durée du viol; l'accusé Kunarac était conscient du fait que le

13 témoin était dans un état de terreur et qu'elle ne se livrait pas

14 volontairement à ces actes sexuels.

15 Alors que le témoin DB se trouvait en compagnie de l'accusé Kunarac, le

16 témoin 75 a subi un viol collectif qui a duré environ trois heures et qui

17 a été perpétré par quelques soldats, tous étant membres du Détachement

18 indépendant Zaga. Ils lui ont fait subir des violences sexuelles de toutes

19 sortes. Ils lui ont fait pratiquer des fellations, ils l'ont violée

20 analement et vaginalement. Ils lui ont fait subir des violences sexuelles

21 soit en la violant collectivement, soit en la violant un par un. Alors que

22 le soldat Bane violait le témoin, il a menacé de lui découper un de ses

23 seins en la menaçant avec son couteau.

24 Alors qu'il se trouvait avec le témoin DB, l'accusé Kunarac était

25 pleinement conscient du fait que le témoin 75 faisait l'objet de violences

Page 6237

1 sexuelles pratiquées par les autres soldats. Un peu plus tard au cours de

2 la même nuit, alors que Bane était toujours en train de la violer, la

3 victime a vu arriver Kunarac dans la pièce; il l'a vu voir ce qu'il était

4 en train de faire et Kunarac a donné l'ordre à chacun de sortir.

5 J'en viens maintenant à la date du 2 août 1992. Cette date doit être mise

6 en lumière car il s'agit d'une date particulièrement importante. C'est ce

7 jour-là que la mosquée Aladza a été détruite; un fait qui n'est pas

8 contesté. En dépit du fait que certains témoins n'étaient pas tout à fait

9 certains des dates qu'ils avançaient, ils ont réussi à établir la

10 chronologie des événements par rapport à la date à laquelle la mosquée a

11 été détruite.

12 Le 2 août 1992, des membres désignés des deux groupes de détenus, à la

13 fois de Partizan et de Kalinovik, ont été rassemblés pour la première fois

14 dans la maison qui se trouvait au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica. Par

15 la suite, ce groupe a été déplacé et détenu dans divers endroits.

16 Je vais d'abord parler des victimes qui se trouvaient à Partizan. Dans la

17 soirée du 2 août 1992, alors qu'il faisait déjà nuit, c'est-à-dire vers 10

18 heures ou 22 heures, l'accusé Kunarac ainsi que son adjoint Gaga ont

19 emmené les témoins 75, DB, 87 et 50 et les ont fait sortir de Partizan.

20 Ces jeunes femmes, un ou deux jours avant le 2 août, au cours d'un

21 entretien, avaient révélé à la journaliste serbe Gordana Draskovic

22 qu'elles avaient subi des viols perpétrés par Zaga et par ses hommes.

23 Cette journaliste qui connaissait l'accusé Kunarac l'avait informé de la

24 teneur de cet entretien. Afin de punir les jeunes filles qui avaient donné

25 cet entretien, l'accusé Kunarac et Gaga ont emmené ces quatre filles vers

Page 6238

1 la maison du tailleur pour les y violer. Après être arrivées à la maison,

2 les jeunes filles de Partizan ont retrouvé trois autres jeunes filles qui,

3 avant, avaient été détenues à Kalinovik. Il s'agissait des témoins 190,

4 205 et d'une jeune femme enceinte; elles avaient été emmenées dans cette

5 maison un peu plus tôt au cours de cette même soirée.

6 Au cours de cette même nuit et le lendemain matin, le témoin 75 a été

7 violée par DP8, par Kontic et par Gaga. Le témoin DB a été violée par le

8 soldat dénommé Jure, cette nuit-là, tandis que le témoin 87 a été violée

9 par l'accusé Kunarac lui-même ainsi que par deux autres soldats.

10 Après son arrivée dans cette maison, le témoin 50 n'a pu passer qu'un bref

11 moment avec les autres jeunes filles arrivées du centre Partizan. Le

12 témoin 50 a déclaré qu'elle avait peut-être ri à un moment donné, ce qui

13 avait attiré l'attention de l'accusé Kunarac. Il a dit alors au témoin 50:

14 "Eh bien, viens, toi qui as un si joli rire; viens avec moi!". Il l'a

15 emmenée dans une pièce et l'a violée. Le témoin a déclaré que ce viol

16 était extrêmement brutal et qu'il lui avait semblé que l'accusé voulait

17 lui faire autant de mal que possible.

18 Au cours de cette même nuit, un autre soldat provenant du Monténégro a

19 violé le témoin 50. Il l'a violée si brutalement qu'elle a commencé à

20 saigner. Au cours de ce viol, le soldat a montré son couteau à la victime

21 et a menacé de lui graver une croix sur le dos.

22 Ce 3 août 1992, l'accusé Kunarac a transféré les témoins 75, 87, 190 et DB

23 de la maison qui se trouvait au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica vers la

24 maison dite de Karaman. Il les a remises entre les mains de DP3, le

25 commandant militaire local.

Page 6239

1 Ces témoins ainsi que d'autres jeunes filles ont été détenues dans cette

2 maison pour diverses périodes de temps qui allaient jusqu'à plusieurs

3 mois. Alors qu'elles étaient ainsi détenues, elles ont fréquemment été

4 soumises à des viols et à des violences sexuelles par des soldats qui soit

5 vivaient dans cette maison, soit qui s'y rendaient de temps à autre. L'un

6 de ces visiteurs était l'accusé Dragoljub Kunarac.

7 Au cours du mois de septembre 1992, il s'est rendu dans la maison de

8 Karaman; il a été invité par les soldats qui avaient la garde de la maison

9 de profiter de la présence des jeunes filles. L'accusé Kunarac a compris

10 qu'il pouvait choisir une fille et la violer. Et il a effectivement choisi

11 une fille; il a choisi le témoin 87 et l'a violée.

12 Au cours de ce viol, l'accusé était pleinement conscient du fait que le

13 témoin 87 ainsi que les autres femmes et jeunes filles gardées dans la

14 maison de Karaman l'étaient pour y être violées. Il a notamment remarqué

15 que le témoin 87 était dans un état de grande détresse et de grande peur,

16 et qu'elle était donc particulièrement vulnérable. Ce qu'il ne l'a pas

17 empêché de la violer.

18 Les épreuves des victimes 75, 87, AS et AB n'ont pas pris fin avec leur

19 détention dans la maison de Karaman; elles ont continué lorsqu'elles ont

20 de nouveau été transférées à Foca et placées sous le contrôle de l'accusé

21 Kovac qui les a réduites en esclavage. Mon collègue, Mlle Kuo, référera à

22 ce qui leur est arrivé dans sa partie du réquisitoire.

23 J'en viens maintenant aux jeunes femmes et aux jeunes filles de l'école

24 primaire de Kalinovik.

25 Au début de la soirée du 2 août 1992, l'accusé Kunarac ainsi que son

Page 6240

1 adjoint Gaga et d'autres soldats de son unité ont emmené sept jeunes

2 filles de l'école primaire de Kalinovik et les a transférées vers la

3 maison qui se trouvait au n°16 de la rue Ulica Osmana Dukica.

4 Au cours de ce déplacement qui a eu lieu dans un camion réfrigéré, une des

5 jeunes filles a dû descendre à Miljevina et s'est retrouvée finalement

6 dans la maison de Karaman. Une fois que les six jeunes femmes et jeunes

7 filles qui restaient ont atteint cette maison de la rue Ulica Osmana

8 Dikica, elles ont été divisées entre les soldats qui composaient le

9 Détachement indépendant Zaga; elles ont été livrées à ces hommes et ont

10 subi des violences sexuelles. Les victimes 191, 186 et JG ne sont restées

11 que très brièvement dans la maison. Lorsque les quatre filles de Partizan

12 sont arrivées dans la maison, les victimes précédemment citées avaient

13 déjà été emmenées.

14 L'accusé Kunarac se trouvait à la maison du tailleur seulement pendant

15 certaines parties de cette nuit. En outre, il prenait part au déplacement

16 des jeunes femmes qui venaient de Partizan et de Kalinovik et qu'on

17 envoyait vers d'autres endroits.

18 Le témoin 190 a été violé par deux des soldats dépendants des ordres de

19 l'accusé Kunarac cette nuit-là. Et le lendemain, elle a été emmenée avec

20 d'autres filles, de Partizan vers la maison de Karaman.

21 Le témoin 205 a été également été violée par certains des soldats de

22 l'accusé Kunarac. Elle a finalement réussi à atteindre Brod, un

23 appartement où elle a également été violée.

24 J'en viens maintenant à la maison de Trnovace. Au cours de la soirée du 2

25 août 1992, l'accusé Kunarac ainsi que DP6 a emmené en voiture les témoins

Page 6241

1 186, 191 et la petite fille JG. Ils leur ont fait quitter la maison qui se

2 trouve au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica et les ont emmenées à une

3 maison qui se trouvait à Trnovace. L'accusé n'est pas resté dans ladite

4 maison toute la nuit. Il a quitté la maison peu de temps après l'arrivée

5 des jeunes filles et est retourné voir ces femmes qui se trouvaient dans

6 la maison qui se trouvait rue Ulica Osmana Dikica. Et ce n'est que

7 beaucoup plus tard dans la nuit, vers minuit, qu'il est revenu avec son

8 adjoint Gaga. Lorsqu'ils sont revenus, ils ont réparti les filles entre

9 les différents hommes qui se trouvaient présents. L'accusé Kunarac a fait

10 subir des violences sexuelles au témoin 191 cette nuit-là. Il était

11 conscient du fait que ce témoin était vierge. Il l'a humiliée en lui

12 disant: "C'est très bien, je serais ton premier". Alors qu'il lui faisait

13 des violences sexuelles, l'accusé a posé un grand couteau sur la table qui

14 se trouvait à proximité du canapé. Le témoin 191 avait tellement peur

15 qu'elle en tremblait. L'accusé Kunarac a essayé de la violer mais comme le

16 témoin était absolument pétrifié, l'accusé ne pouvait pas vraiment lui

17 faire subir un rapport sexuel cette nuit-là. La nuit suivante, l'accusé

18 Kunarac a violé le témoin 191 et l'a de surcroît humiliée en lui disant:

19 "Désormais, tu es une femme".

20 A partir de cette première nuit du 2 août 1992 et jusqu'à la mi-août,

21 pardon la mi-septembre 1992, le témoin 191 a dû demeurer dans cette maison

22 de Trnovace et elle a été constamment violée par l'accusé Kunarac. Le

23 témoin 186, pendant ce temps, a été violée par DP6 à partir du 2 août 1992

24 et pendant les six mois qui ont suivi.

25 JG, la petite fille de 13 ans, a été détenue dans la maison de Trnovace

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1 pendant quelques jours seulement, journées pendant lesquelles elle a été

2 violée par Gaga. Cette enfant était dans un tel état de traumatisme

3 qu'elle criait sans pouvoir s'arrêter. Et c'est probablement pour cette

4 raison que l'accusé Kunarac et son adjoint Gaga l'ont transférée vers la

5 maison de Karaman.

6 En outre, les victimes 191 et 186 ont subi d'autres violences sexuelles.

7 Le témoin 191 a été violé non seulement par l'accusé mais également par

8 DP6 et un autre soldat.

9 L'accusé Kunarac a proposé à une occasion à un soldat de violer 191 en

10 échange de quelque 100 deutsche marks. L'accusé Kunarac a également emmené

11 191 au chevet de DP3 qui se trouvait à l'hôpital et a proposé cette

12 victime à son commandant dans un geste de bonne volonté.

13 Les témoins 191 et 186 vivaient dans un climat de terreur sexuelle

14 constante. Elles se trouvaient en présence d'autres femmes musulmanes qui

15 étaient également emmenées dans cette maison afin d'y être violées et d'y

16 être victimes de violences sexuelles. Pendant toute la période de

17 détention dans la période de Trnovace, les témoins 191 et 186 étaient sans

18 défense et ils ne pouvaient en aucun cas intervenir pour modifier la

19 situation dans laquelle elles se trouvaient. Elles ont d'abord été

20 verrouillées à l'intérieur de la maison mais, par la suite, elles ont reçu

21 une clef mais elles n'ont pas pu pour autant s'enfuir car elles se

22 trouvaient isolées au milieu d'un territoire placé sous contrôle serbe et

23 n'avaient pas les moyens de s'enfuir. Comme l'a déclaré le témoin 191:

24 "Nous ne pouvions pas quitter la maison. Nous ne pouvions pas quitter

25 toute cette région. Où pouvions-nous nous rendre? Nous ne connaissions

Page 6243

1 rien, nous ne savions même pas où se trouvait ce Trnovace". Finalement, un

2 autre soldat a protégé le témoin 191, a évité qu'elle soit violée par

3 l'accusé. Le témoin 186 a fait l'objet d'un échange mois de novembre 1993.

4 L'accusé Kunarac est enfin accusé d'avoir violé le témoin 183.

5 Vers la mi-juillet, un peu après minuit, l'accusé Kunarac ainsi que deux

6 soldats sont arrivés à l'appartement qu'habitait ce témoin. Le témoin 183

7 ne connaissait pas l'accusé d'avant la guerre. En revanche, l'accusé –lui-

8 connaissait le témoin. Il savait que cette femme était une femme qui avait

9 une certaine qualité de vie et qui avait eu du succès professionnellement.

10 Dès que les soldats sont arrivés dans l'appartement, ils ont commencé à la

11 menacer, à lui dire qu'elle avait passé des messages à la radio. Ils ont

12 essayé de la faire chanter et ils ont pillé et cherché tout son

13 appartement. L'accusé a emmené le témoin 183 dans sa voiture et l'a emmené

14 sur les rives de la rivière Cehotina. Là, l'un des soldats a menacé le

15 témoin avec son couteau. C'est alors que l'accusé Kunarac et que les deux

16 autres soldats ont violé le témoin 183. L'accusé qui a d'abord violé le

17 témoin, a humilié la femme qui tremblait en lui disant qu'elle devait

18 prendre plaisir à ce qu'il allait lui faire. Lorsque le témoin a essayé de

19 cacher ses yeux de ses mains, il lui a dit qu'il fallait qu'elle regarde

20 un Serbe droit dans ses yeux alors qu'il était en train de la violer.

21 Ensuite, la victime a été violée par les deux autres soldats. Alors que le

22 viol était perpétré, l'accusé a provoqué le témoin en lui disant qu'elle

23 aurait un fils, qu'elle ne saurait pas qui en était le père mais que ce

24 qui était le plus important, c'est qu'il s'agirait d'un enfant serbe.

25 L'accusation affirme que ces faits sont prouvés par les dépositions faites

Page 6244

1 par les différents témoins. Les témoins ont décrit ce à quoi ils ont

2 survécu au cours de la guerre à Foca, ils ont confirmé ce que les trois

3 accusés leur avaient fait subir. Leurs témoignages sont fiables, sont

4 convaincants et se corroborent les uns les autres.

5 Nous allons maintenant parler de la défense. Alors que ma collègue, Me

6 Kuo, parlera des actions des accusés Kunarac et Vukovic, je vais vous

7 parler maintenant de la défense d'alibi de Kunarac.

8 L'accusé Kunarac à travers son témoignage et ses déclarations précédentes

9 données aux enquêteurs n'a pas discuté du fait que les victimes qui ont

10 témoigné avaient été violées. Il prétend qu'il s'agit d'une identité

11 erronée. Il dit qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre. L'accusé Kunarac,

12 en parlant de chacune des charges de l'Acte d'accusation ne prétend pas

13 seulement cela mais il essaie également de parler d'une défense d'alibi.

14 Les témoins de la défense incluant l'accusé ont témoigné que l'accusé

15 était soit sur le front ou dans le quartier général ou dans la maison de

16 ses parents et non pas aux endroits où les viols ont eu lieu.

17 L'accusation soumet que l'alibi de l'accusé Kunarac manque de crédibilité

18 et n'est pas fiable.

19 Permettez-moi maintenant de parler de la défense d'alibi un peu plus en

20 détail. L'accusé Kunarac prétend qu'à partir du 7 juillet jusqu'au 21

21 juillet 1992, accompagné de plusieurs de ses soldats parmi lesquels se

22 trouvaient Gaga et Kontic, il était constamment présent à Gabelica Kosa

23 tout près de Cerova Ravan. Il a témoigné en effet qu'à cause d'un

24 écoulement de boue, il était resté sur place et qu'on avait attaqué Cerova

25 Ravan . L'accusé prétend que le 18 ou le 19 juillet 1992, après qu'un

Page 6245

1 bulldozer soit arrivé, la route avait été ouverte de nouveau au trafic

2 mais il dit qu'il est resté derrière, il est resté à Gabelica Kosa afin

3 d'aider et de protéger le chauffeur du bulldozer. Il n'y a absolument

4 aucune contestation en effet que, pendant la période pertinente, les

5 activités contre les Musulmans avaient eu lieu. L'accusation ne conteste

6 pas le fait que l'accusé et son unité avaient pris part à ces combats. Par

7 contre, nous prétendons que Kunarac a menti lorsqu'il a témoigné en disant

8 qu'il était à cet endroit à ce moment-là. Accompagné de ses hommes, il est

9 allé à Foca dans les soirées, après les activités militaires et il a fait

10 sortir des filles et des femmes du Partizan. L'accusé lui-même a confirmé

11 que la distance qui se trouvait entre Cerova Ravan et Foca n'était que de

12 20 kilomètres.

13 Etant donné que l'accusé avait plusieurs moyens de transport et le fait

14 que l'accusé avait des véhicules à sa disposition, lui et ses hommes

15 avaient la possibilité d'aller à Foca, de se rendre à Foca le soir.

16 L'accusation soumet que le barrage routier ne constitue qu'une fiction

17 même si l'alibi de l'accusé est très important, il n'a pas mentionné sa

18 présence à Cerova Ravan pendant son interrogatoire principal. Il a

19 simplement parlé de ce barrage routier dans son témoignage précédent.

20 L'accusé Osman Subasic qui lui-même a été témoin, a témoigné qu'il n'y

21 avait pas de barrage routier dans cette zone. Le trafic pouvait… On

22 circulait librement sur cette route. Il y avait effectivement un bulldozer

23 mais il était là pour élargir la route afin qu'on puisse y avoir des

24 mouvement d'artillerie et que le trafic pouvait bel et bien passer avec ce

25 bulldozer. L'accusé lui-même a témoigné et a dit que la route avait été

Page 6246

1 endommagée sur 7 mètres, cela ne peut pas représenter un obstacle pour un

2 soldat qui était aussi disponible que l'accusé. De plus, le témoignage de

3 l'accusé était consistant concernant les autres possibilités. L'accusé

4 devait faire la reconnaissance et un déminage mais ce qu'il prétend qu'il

5 s'est passé à Gabelica Kosa n'est ni l'un ni l'autre. L'accusé ou

6 n'importe quel autre soldat de Gabelica Kosa ne sont pas non plus… n'ont

7 pas permis des attaques d'infanterie, les positions (?) et Cerova Ravan,

8 l'accusé lui-même a témoigné que rien n'avait pu être fait avant l'arrivée

9 des véhicules d'artillerie. Et finalement, les accusés croyaient que le

10 soldat Kontic aurait pu avoir commis les viols et les lui attribuer. Par

11 contre, ce soldat était avec lui à ce moment-là. Est-ce que Kontic aurait

12 pu se rendre à Foca? Et s'il l'avait pu, l'accusé aurait bien pu le faire

13 également. Le témoin de la défense, Blagojevic, a confirmé que l'accusé a

14 toujours été présent à Gabelica Kosa pendant les jours et les nuits. Le

15 témoin Blagojevic prétend que si l'accusé avait quitté, les soldats de son

16 unité Josanica, de la Compagnie de Josanica à Gabelica Kosa, auraient pu

17 se sentir tellement en détresse qu'ils auraient abandonné leur position.

18 Ce que prétend ce témoin est complètement absurde. Le témoin Blagojevic a

19 témoigné et a dit qu'à cette époque qu'il n'y avait absolument aucun

20 combat à Gabelica Kosa, donc il n'y avait absolument aucune raison pour

21 les soldats de la Compagnie de Josanica d'avoir peur et de ne pas se

22 sentir en sécurité. Etant donné qu'il n'y avait pas de combat à cet

23 endroit, il n'y avait absolument aucune raison pour cette compagnie de s'y

24 trouver et il n'y avait aucune raison pour que le témoin soit là. Le

25 témoin, d'après son propre témoignage, était impliqué dans les affaires de

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1 logistique dans l'armée, il n'était pas sur le front. L'accusé Kunarac a

2 dit que le 23 juillet 1992, les forces musulmanes ont attaqué les villages

3 de Jabuka qui se trouvait environ à 25 kilomètres de Foca. L'accusé

4 prétend que lui et ses hommes étaient envoyés à cet endroit par mission de

5 reconnaissance et sont restés sur place jusqu'au matin du 23 juillet

6 jusqu'à tard le soir le 26 juillet.

7 L'accusation ne conteste pas le fait que l'accusé Kunarac et ses hommes

8 auraient pu se trouver dans la zone de Jabuka pendant une courte période

9 de temps.

10 L'accusé Kunarac a témoigné lui-même et a dit: "Comme je l'ai dit, les

11 hommes qui se sont rendus avec moi, étaient avec moi presque toute la

12 journée, cette journée-là à Jabuka; lui-même parle d'une journée et c'est

13 ce que nous prétendons être la vérité. L'accusation soumet que l'accusé

14 Kunarac n'a aucune crédibilité lorsqu'il témoigne et lorsqu'il dit qu'il

15 se trouvait à Jabuka pendant 4 jours et 4 nuits. Lui et ses hommes se sont

16 trouvés effectivement à Foca pendant les soirées et ont fait sortir des

17 femmes du Partizan. L'accusé n'a pas parlé de cette présence à Jabuka lors

18 de sa première interview donnée aux enquêteurs du Tribunal. Pendant sa

19 deuxième interview, il a parlé d'une journée au mois de juillet et c'est à

20 ce moment-là qu'il a parlé de Jabuka. Dans tous les cas, il n'y a

21 absolument aucune raison pour que l'accusé et ses hommes restent sur place

22 pour une période prolongée pour chercher des corps, ce n'était pas leur

23 devoir.

24 Deux témoins de la défense ont confirmé l'alibi de la défense concernant

25 Jabuka; le témoin Gordan Mastilo et le témoin DJ prétendent qu'entre le 23

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1 juillet et le 26 juillet 1992 l'accusé était avec eux tous les jours, tout

2 le temps et toutes les nuits, et qu'ils n'ont jamais perdu l'accusé de

3 vue. Ceci est assez incroyable étant donné qu'il s'agissait d'une période

4 de temps assez prolongée. Le Procureur soumet que cette assertion faite

5 par le témoin Mastilo est même contredite par lui-même. En fait, le témoin

6 a témoigné et a dit qu'au cours de la nuit entre le 23 juillet et le 24

7 juillet, il a dormi dans un autre village que l'accusé.

8 Le témoin DJ à travers son témoignage a essayé d'induire en erreur la

9 Cour. Son désir de donner à l'accusé un alibi complet, sans faille, va

10 jusqu'à dire qu'il n'a même pas dormi pendant la nuit du 23 au 24 juillet.

11 Ce qui voudrait dire qu'il a donné à l'accusé un alibi même pendant la

12 période de temps où les gens dormaient. L'accusé Kunarac a témoigné et a

13 dit qu'à partir du matin du 27 juillet jusqu'au 29 juillet il était en

14 mission de reconnaissance à Dragocava. Il prétend également que lui et ses

15 hommes sont restés à Preljuca du 29 au 31 juillet et qu'ils ont observé

16 les troupes musulmanes.

17 Il prétend également qu'il est resté à cet endroit pendant la nuit et

18 qu'il a été engagé dans une mission de reconnaissance. L'accusation ne

19 conteste pas que l'accusé Kunarac et ses hommes se trouvaient bel et bien

20 à Dragocava et Preljuca. Par contre, l'accusation soumet que l'accusé

21 Kunarac a fait sa mission de reconnaissance seulement pendant le jour et

22 qu'il avait assez de temps, amplement le temps le soir de retourner à

23 Foca. D'après l'accusé lui-même, Dragocava ne se trouve qu'à 6 kilomètres

24 de Foca et Preljuca se trouve à environ 12 kilomètres.

25 L'accusé Kunarac a dit dans son témoignage que, du 31 juillet 1992

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1 jusqu'au 2 août 1992 lui et ses hommes étaient engagés dans les combats de

2 Rogoj Pass. Rogoj Pass est un endroit qui est situé à environ 50

3 kilomètres de Foca. Le 31 juillet, les troupes musulmanes et croates

4 avaient pris le contrôle sur ce passage le2 août 1992, d’après l'accusé.

5 Vers environ midi, les forces serbes ont lancé une contre-attaque sur

6 Rogoj Pass et l'ont repris. L'accusé prétend que lui et ces hommes ont

7 pris part à cette attaque et qu’ils ont capturé un véhicule musulman avec

8 un canon anti-véhicule qui se trouvait sur le véhicule. Il a témoigné que

9 Gaga, Kontic, DP7 avait été avec lui à Rogoj Pass. Il prétend également

10 que ses soldats ont quitté Rogoj avant lui. L'accusé prétend qu’après son

11 arrivée à Foca, il a passé la nuit dans les villages, au quartier général

12 de Velecevo, à l’exception d’une période très courte lorsque la mosquée

13 d'Aladza avait été soufflée. L'accusé ne prétend pas que le soir du 2 août

14 1992, les sept filles ont été emmenées de l'école de Kalinovik et ont été

15 emmenées à Foca. Par contre, il prétend que Gaga, Kontic et DP7 l'on fait

16 et, que Gaga et DP7 ont emmené trois des filles à la maison de Trnovace.

17 L'accusé ne conteste pas que les filles étaient agressées sexuellement,

18 par contre il prétend que ce n'est pas lui qui les a agressées

19 sexuellement. Au contraire, il dit qu'il a essayé de les aider.

20 L'accusation ne conteste pas le fait que l'accusé Kunarac et ces hommes

21 étaient présents dans les régions de Kalinovik et Rogoj le 2 août 1992. Au

22 contraire, les moyens de preuve de l'accusation le confirme. Par contre,

23 l'accusation soumet que l'accusé n'a pas capturé un véhicule musulman avec

24 une inscription en arabe sur ce dernier tel qu’il le prétend. Les témoins

25 Nogo et Alic ont confirmé que les forces serbes avaient capturé un

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1 véhicule d'artillerie mais que c'était un véhicule que les Musulmans

2 avaient déjà capturé des Serbes auparavant et c'est la raison pour

3 laquelle il n'y avait aucune inscription arabe sur ce véhicule. L’accusé

4 Kunarac n'a pas parlé du fait qu'ils ont capturé le véhicule musulman lors

5 des entretiens précédents. L'accusation soumet que l'accusé Kunarac n'est

6 pas revenu à bord de ce convoi tard le soir. Nous prétendons que le soir,

7 son député Gaga et DP7, le soir du 2 août 1992 ont d’abord fait sortir les

8 femmes et les filles de Kalinovik et, par la suite, ils se sont rendus au

9 Partizan pour y faire la même chose. De nouveau, l’accusé parle d’alibi,

10 d’identité erronée et dit qu’il aurait été complètement impossible

11 physiquement de faire sortir les filles de l’école primaire de Kalinovik

12 et de Partizan. Par contre, les trois personnes qu’il identifie comme

13 étant les auteurs de ces crimes à Kalinovik étaient avec lui à Rogoj Pass.

14 Lorsqu'il admet qu'ils avaient pu, ils avaient eu la possibilité et le

15 temps de faire sortir les filles de Kalinovik et de les emmener à Foca,

16 cela s’applique également à l'accusé lui-même.

17 Plusieurs témoins de la défense ont confirmé en partie ce que dit l'accusé

18 concernant les événements du 2 août. Par contre, l'accusation soumet qu'on

19 ne devrait pas croire ces témoins. Le témoin DD qui était un membre de

20 sécurité dit qu'il a vu l'accusé Kunarac arriver à bord de ce convoi et à

21 bord de ce camion capturé. Il prétend également qu'il a vu l'accusé à

22 plusieurs reprises, plus tard cette même nuit jusqu’après minuit. Le

23 Procureur soumet que ce témoin n'est pas crédible. D'après ses propres

24 dires, il n'aurait pas pu se trouver à l'entrée, après le moment que

25 l'accusé soit arrivé jusqu'après minuit. D'après les règlements

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1 militaires, un soldat ne peut pas tenir la garde pendant plusieurs heures

2 de suite. De plus, alors que l'accusé a témoigné, il a dit qu’il y avait

3 une toute petite plaque avec des inscriptions en arabe qui se trouvaient

4 sur le camion. Il parle d'une dimension de cette plaque comme ayant de 7 à

5 12 centimètres. Le témoin DD a témoigné et a dit qu'il a vu une

6 inscription en arabe écrite derrière le camion en grandes lettres, les

7 lettres étaient tellement grandes que le témoin pouvait les voir à une

8 distance de 10 mètres. L'accusation soumet que le témoin DD n'a jamais vu

9 de véhicule capturé, il n'a jamais vu l'accusé arrivait à bord de ce

10 véhicule. Le témoin Radoslav Jojovic qui était l’intendant du groupe

11 tactique de Foca a témoigné et a dit que le 2 août 1992, il était à Drobo

12 Polje pour essayer de trouver de la nourriture et des cigarettes afin de

13 les donner aux soldats du groupe tactique de Foca et qu’il s’était rendu à

14 cet endroit le jour auparavant. Il prétend qu'il a vu l'accusé vers 18

15 heures, le 2 août, à bord de ce véhicule capturé et a confirmé que

16 l’accusé s’est rendu à Foca à bord de ce convoi. Le témoin prétend qu'il

17 s'est rendu à Drobo Polje pour emmener de la nourriture et des cigarettes.

18 Ce qu’il prétend est illogique. D'abord, les soldats qui partent au combat

19 prennent des rations avec eux de nourriture et n'ont pas besoin de faire

20 cela sur le front. Deuxièmement, les soldats auraient pu se procurer ce

21 dont ils avaient besoin des baraquements de Kalinovik qui était situés

22 près du champ de bataille. Ces témoins disent également qu'ils avaient vu

23 également les grandes lettres en arabe sur le camion capturé. L'accusation

24 prétend donc que ce témoin n'a pas vu le camion capturé parce que ce

25 camion ne se trouvait pas à Drobo Polje.

Page 6252

1 L'accusé Kunarac a admis qu’il a pris le témoin FWS75 et DB à la maison

2 sise Ulica Osmana Dikica au n°16. Il a admis qu'il avait eu des rapports

3 sexuels avec le témoin DP à cette occasion. Par contre, il prétend qu'à ce

4 moment-là, il a emmené les filles à la maison le matin du 3 août 1992,

5 après qu'il ait entendu parler des allégations de viol de la journaliste

6 Gorduna Draskovic. L'accusé prétend que c'était la première fois que

7 l'accusé avait entendu parler du fait qu'il y avait des civils qui se

8 trouvaient au Partizan. L'accusé dit qu'il a emmené les filles à la maison

9 sise au n°16 d’Ulica Osmana Dikica pour enquêter; le tout est pour les

10 confronter avec ces hommes. Il a témoigné et a dit après la confrontation

11 qui n’a mené à rien, il a discuté de la chose plus longuement avec le

12 témoin DB en privé, et que lors de cet entretien un rapport sexuel a eu

13 lieu contre sa volonté. L'accusé prétend seulement que plus tard, le 11

14 août 1992, il avait découvert que Gaga(?) avait été (?) par Gaga. L’accusé

15 admet qu’alors qu’il était ensemble avec DB, le témoin WS subissait un

16 viol collectif mais il prétend qu'il ne savait pas ce qui se passait,

17 qu'il a appris cela seulement le 13 août 1992 de Gaga. L'accusé dit qu’il

18 a emmené les filles à Miljevina pour les confronter avec les journalistes

19 et il les a laissées là seulement parce qu'il devait partir ailleurs. Le

20 Procureur soumet que cette entière version donné par l'accusé Kunarac des

21 événements qui ont eu lieu le 3 août 1992 est complètement fausse.

22 L'accusé lui même a dit dans son témoignage qu'il avait eu la réputation

23 d'être un guerrier, que lui et son surnom étaient très bien connus.

24 L'idée que quelqu'un aurait pu prendre le nom et l'identité de l'accusé

25 n'a aucun sens. L'accusé dit que c'est peut-être le soldat Kontic qui

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1 aurait pu être l'auteur de ces crimes. Il a témoigné que ce soldat avait

2 sa posture et avait sa taille. Malheureusement, ce soldat est mort

3 aujourd'hui. Le plus important, c'est que ce soldat n'a pas le visage de

4 l'accusé, le visage osseux de l'accusé et ses grands yeux foncés. De plus,

5 cela est absurde, car le témoin nous a dit que Zaga ne s'est jamais

6 présenté seul mais que Gaga était souvent avec lui. Cela voudrait dire que

7 d'autres soldats, plus particulièrement Gaga, aurait pu être impliqués

8 dans cette prise d'identité. Mais l'accusé lui même a témoigné et a dit

9 que Gaga ne l'aurait jamais fait.

10 L'accusé prétend qu'il a essayé d'enquêter sur ces viols et voulait même

11 impliquer la police dans cette affaire. Mais il ne l'a jamais fait, même

12 s'il était très près du bâtiment de la police.

13 La version de l'accusé du viol du témoin DB est complètement ridicule.

14 L'accusé a voulu que la Chambre croie que lui-même était une victime de

15 viol parce que ce qui s'était passé était contre sa volonté. Les témoins

16 DB et 75 ont décrit ce qui leur était arrivé dans la maison du tailleur

17 lorsqu'elles ont été emmenées là pour la première fois.

18 Ce n'était pas le 3 août, mais plusieurs jours avant. Ce sont des

19 événements qui n'ont pas été dits aux journalistes. Pour contraster cela,

20 leur version est logique et corroborée par d'autres témoins.

21 Le témoin DB a dit à la Chambre de quelle façon Gaga l'avait menacée au

22 même moment, lorsque l'accusé est entré dans la pièce. Le témoin était

23 honnête et a fait attention: pendant son témoignage, elle n'a prétendu que

24 l'accusé a entendu ce que Gaga avait dit et comment Gaga l'avait menacée

25 puisqu'elle n'en avait pas été sûre. Par contre, l'accusé lui-même nous a

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1 dit qu'il a entendu Gaga parler. Il a seulement menti sur ce qui a été dit

2 et ce qui a été dit, nous le savons des témoins.

3 Le témoin 75 a donné une description très logique de son viol collectif et

4 a témoigné des faits; elle a dit que l'accusé l'a vue se faire violer.

5 L'accusé prétend qu'il a pris les filles et les a emmenées à Miljevina

6 pour les confronter à des journalistes et pour enquêter des allégations de

7 viol. Ce qu'il prétend est absurde. Une confrontation avec le journaliste

8 aurait ou n'aurait pas pu établir l'identité des auteurs de ces actes.

9 De plus, pour prendre le témoin 190 de Gacko et de…, la confrontation avec

10 le journaliste n'a aucun sens. L'accusé a admis qu'il avait visité la

11 maison de Karaman, à Miljevina, au mois de septembre 1992 et qu'il a

12 rencontré le témoin 87 à cet endroit. L'accusé a finalement admis qu'il

13 savait qu'il y avait des relations sexuelles qui se passaient dans la

14 maison de Karaman et qu'il avait été invité à choisir les filles. Il a

15 également admis qu'il avait choisi le témoin 87. Par contre, il prétend

16 qu'il ne l'a pas violée mais qu'il lui a simplement parlé pour l'aider.

17 Ce témoignage de l'accusé n'est pas crédible. L'accusé, selon ses propres

18 dires, savait depuis le 13 août, que les filles se trouvaient à Miljevina.

19 Est-ce qu'il avait eu l'intention de les aider? S'il l'avait voulu, il

20 aurait pu le faire avant. Ce qui est le plus important, c'est qu'il ne les

21 a jamais aidées.

22 Ce que l'accusé a fait, le témoin 87 nous le dit: après qu'il a visité la

23 maison, l'accusé a admis qu'il avait rencontré le témoin 191 et le témoin

24 87 dans la maison de Trnovace et qu'il avait également rencontré leur mère

25 dans l'école primaire de Kalinovik. L'accusé admet plus loin qu'il s'est

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1 trouvé dans la maison pendant plusieurs jours avec les filles, en la

2 présence de Gaga, de EP6, de Jadranka et d'un autre soldat. L'accusé dit

3 qu'il a rencontré les filles pour la première fois le 9 août.

4 Sa défense d'alibi qui était en effet qu'il était encore à Rogoj du 3 au 7

5 août n'est pas du tout confirmée. Les témoins de la défense qui prétendent

6 l'avoir vu à Kalinovik entre le 3 et le 8 août l'ont vu brièvement et à

7 deux reprises. C'est un fait qui confirme les moyens de preuve donnés par

8 l'accusation, que l'accusé s'est rendu à deux reprises à l'école pour voir

9 la mère du témoin 191. L'accusé nie avoir violé le témoin 191. Il prétend

10 qu'à cause des blessures qu'il avait eues au cours d'un accident de

11 voiture, la journée précédente, il se sentait tellement mal qu'il ne

12 pouvait même pas s'asseoir, qu'il ne pouvait pas bouger librement et ne

13 pouvait surtout pas violer qui que ce soit. L'accusé prétend qu'étant

14 donné ses blessures, il n'aurait pas été physiquement en mesure de violer

15 la victime.

16 Cela est contredit par l'accusé lui-même, par sa description de ses

17 activités de la journée, le jour de l'accident de voiture et par la suite,

18 par le fait qu'il se déplaçait constamment, même sur les lignes de front.

19 A cette époque, d'après lui-même, il a porté secours aux soldats qui se

20 trouvaient sur le front; et il avait encore cette blessure.

21 Cela donc prouve que cette partie de son témoignage est encore une fois un

22 mensonge. Ce qui s'est passé dans la maison de Trnovace, vous l'avez

23 entendu des témoins. Les témoins ont donné une explication logique et

24 crédible des événements.

25 Permettez-moi maintenant de me tourner vers ma collègue, Mme Kuo, qui va

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1 poursuivre. Mais étant donné le temps, je suggère qu'on devrait peut-être

2 lever la séance à ce moment-ci?

3 Mme la Présidente (interprétation): Oui. Même si nous levons la séance

4 quelques minutes plus tôt, nous allons reprendre les travaux à 11 heures

5 30. La séance est suspendue.

6 (L'audience, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 30.)

7 Mme la Présidente (interprétation): Madame Kuo, poursuivez.

8 (Réquisitoire de Mme Kuo.)

9 Mme Kuo (interprétation): Je vous remercie, Madame la Présidente. Je vais

10 maintenant m'attacher aux actes de l'accusé Radomir Kovac et je veux

11 parler aussi des défenses adoptées tant par Kovac que par Vukovic. Et puis

12 je vous parlerai de la façon dont l'accusation interprète le droit, le

13 droit applicable aux faits, aux faits qui ont été prouvés ici au-delà de

14 tout doute raisonnable. Comme ma collègue vous l'a déjà dit, les témoins

15 87 et 75 ont été emmenés en même temps que d'autres jeunes filles le 3

16 août 1992 à la maison de Karaman. AS avait à l'époque 19 ans. AB et AS ont

17 été désignées, choisies, emmenées, arrachées à leur mère à Miljevina et

18 emmenées à la maison de Karaman. La mère de AB n'a plus jamais revu sa

19 fille après ce jour-là, après que les soldats l'eut fait sortir du bus.

20 Vous avez entendu les autres filles parler de AB, de ce qui lui est

21 arrivé, de la façon dont elle a été violée, a subi des violences

22 sexuelles. Vous avez vu sa photographie, tout le monde s'accordait à dire

23 que c'était une belle petite fille mais une fois passée entre les mains de

24 Kovac et des autres soldats, une fois qu'elle a été vendue par celui-ci,

25 elle a disparu, elle n'avait que 12 ans. A la maison de Karaman, les

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1 filles ont été soumises à des viols, des sévices sexuels et des

2 humiliations de toutes sortes. Le 30 octobre, ces quatre jeunes filles -le

3 témoin 87, le témoin 75, le témoin AS et le témoin AB- ont été sorties de

4 la maison de Karaman, emmenées à Foca où elles ont été séquestrées pendant

5 une nuit, dans un appartement à Rabarski. Ce même jour, elles ont été

6 livrées à l'accusé, Radomir Kovac, et à ses comparses, Kostic notamment.

7 Comme les chefs d'accusation 22 à 25 de l'Acte d'accusation Kunarac-Kovac

8 le prouvent, l'accusé Radomir Kovac a violé, a placé en esclavage, a

9 commis des atteintes à la dignité personnelle de ses quatre victimes.

10 Kovac et Kostic étaient tous deux des soldats parmi les forces serbes. Ils

11 ont séquestré ces quatre filles dans l'appartement de Kovac à Foca.

12 C'étaient leurs esclaves personnelles. Ils les violaient quand ils en

13 avaient envie, de la façon qu'il leur plaisait. Le témoin 75 nous a décrit

14 la façon dont Kovac l'avait violée en même temps que le témoin 87, en même

15 temps dans un même lit. Le témoin AS a dit que Kostic la frappait

16 lorsqu'elle était malade. Elle a qualifié de cette façon la détention

17 qu'elles ont subi dans son appartement: "Nous devions faire tout ce qu'ils

18 nous disaient de faire". C'est là la définition même d'un rapport, d'une

19 relation maître-esclave. Kovac leur a fait faire des choses qui visaient à

20 les terrifier, à les humilier. Le témoin 75 décrit la façon dont Kovac les

21 a toutes forcées à danser nues sur une table et elle vous a montré la

22 façon dont Kovac les avait observées, le poignard au poing, prenant

23 plaisir à leurs souffrances. Le témoin 87 n'a pas simplement confirmé cet

24 incident, elle s'est souvenue d'un autre incident au cours duquel Kovac

25 l'a forcée à se placer nue sur une table, seule, l'a fait danser au son

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1 d'une musique bosnienne alors qu'il la tenait au bout de son pistolet.

2 Pendant tout ce temps, les filles ont été violées sinon par Kostic et

3 Kovac, par d'autres soldats que Kovac avait fait venir à l'appartement

4 afin qu'ils violent les jeunes filles. Le témoin 75 vous a décrit comment

5 Kovac l'avait forcée à permettre le viol par Slavo Ivanovic. Lorsqu'elle

6 avait résisté, opposé une moindre résistance, il l'a giflée et a forcé la

7 jeune fille de 12 ans, le témoin AB à aller avec lui. Ce qui montre qu'il

8 y avait un contrôle psychologique mais aussi physique pour veiller à ce

9 que ces filles obéissent à leurs injonctions. Un mois plus tard, Kovac a

10 prêté le témoin 75 et le témoin AB à un groupe de quelque quinze soldats

11 qui les ont emmenées dans un autre appartement. Mais il arrivait même à ce

12 moment-là à Kovac de passer par-là pour contrôler les filles. Il faisait

13 semblant de s'inquiéter de leur santé mais il savait pertinemment que là

14 aussi elles étaient utilisées comme elles avaient été utilisées auparavant

15 dans son appartement lui en tant qu'esclaves sexuelles. Tout ceci relevait

16 de l'attitude cynique qu'a montré l'accusé Kovac dans ce procès, il disait

17 qu'il voulait les protéger. Lorsqu'il a emmené le témoin 75 dans cet

18 appartement, il lui a promis de la protéger mais il n'a fait que la

19 protéger comme quelqu'un protégerait sa propriété, ses marchandises, son

20 investissement. Il l'a traitée comme du bétail, pas comme un être humain.

21 Lorsque les soldats à qui avaient été données ces deux jeunes filles,

22 lorsqu'ils sont passés dans un autre appartement, ils ont emmenés les

23 filles et ces jeunes filles ont compris qu'elles deviendraient la

24 propriété de Kovac. En décembre 1992, les soldats ont ramené les témoins

25 75 et AB à l'appartement de Kovac mais là ils se sont disputés sur la

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1 question de savoir qui allait prendre quelle fille et certains soldats ont

2 emmenés des jeunes filles sans la permission de Kovac. Lorsque l'accusé

3 Radomir Kovac l'a découvert, il était furieux et il s'est vengé sur les

4 filles. Il est parti à leur recherche, les a frappées et puis il les a

5 forcées à se déshabiller et à se placer pendant une demi-heure dans le

6 froid sur une table puis il les a fait descendre en direction de la

7 rivière Drina, les a fait marcher nues en plein jour et à ce moment-là, il

8 a menacé de leur couper la gorge. Le témoin 75 était à ce point désespérée

9 –comme elle nous l'a dit- qu'elle a pensé à se tuer, à se jeter à l'eau

10 plutôt que de se laisser menacer de la sorte et c'est seulement quand

11 Kostic est intervenu que Kovac a autorisé ces filles à rentrer dans

12 l'appartement. Ceci montre le pouvoir qu'exerçait Kovac sur ces jeunes

13 filles et montre aussi l'utilisation qu'il a fait de son pouvoir. Le

14 lendemain, Kovac a vendu AB à un soldat pour la somme de 200 marks et il a

15 donné le témoin 75 à deux autres soldats. Le témoin 75 s'est retrouvé avec

16 ce même soldat qui avait acheté AB. Elle vous a décrit ce qu'il lui a fait

17 et ce qu'il a fait au témoin AB, elle a dit, je cite: "Il nous a vendues

18 partout. Il faisait du commerce avec nous. Il nous vendait pour du viol,

19 il veillait à ce que d'autres hommes puissent nous violer. Quinze jours ou

20 un mois plus tard, le soldat Jasko Gadzic a emmené le témoin AB et

21 personne ne l'a plus jamais revue. Pendant huit ans, il n'y a pas eu

22 moindre trace, et ceci montre malheureusement bien qu'elle a sans doute

23 été tuée. Le témoin 75, elle, a été aidée par deux soldats serbes qui ont

24 compris sa situation et l'ont aidée à s'échapper en mars 1993. Dans

25 l'intervalle, l'accusé Kovac s'est gardé pour lui-même le témoin 87 alors

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1 que Kostic, lui, avait le témoin AS. Ces jeunes filles étaient séquestrées

2 dans l'appartement de Kovac, elles ne pouvaient pas sortir, elles

3 n'avaient aucun contact ni avec leur famille ni avec l'extérieur. Il leur

4 était interdit de sortir sans la permission de Kovac et lorsqu'il en avait

5 envie, il faisait sortir le témoin 87, il la forçait à porter une

6 casquette militaire serbe et la forçait à l'accompagner dans des cafés où

7 elle était assise à côté de lui comme un élément de décoration. Les gens

8 qu'ils ont rencontrés dans ces endroits n'ont pas montré de sympathie

9 envers le témoin. Au contraire, ils sont restés à l'écart et les témoins

10 de la défense sont même venus vous dire qu'ils n'ont jamais demander au

11 témoin 87 d'où elle venait ou comment il se faisait qu'elle soit avec

12 Kovac. Il n'était pas nécessaire qu'elle se pose une telle question, ils

13 savaient. Tout le monde savait d'ailleurs. Ce n'était pas sa petite amie

14 comme il l'affirmait, elle était son esclave.

15 Kostic a gardé en tant qu'esclave le témoin AS. Il la frappait, la violait

16 quand il le voulait. Il la séquestrait, menaçait de la tuer jusqu'au

17 moment où Kovac a décidé qu'il fallait vendre ces deux jeunes filles, les

18 témoins AS et 87. Il les a vendues à deux soldats du Monténégro pour 500

19 marks la pièce. Ces deux soldats ont acheté ces deux filles tout comme ils

20 ont acheté des armes au cours de ce déplacement. Eux, comme Kovac,

21 considéraient ces jeunes filles non pas comme des êtres humains mais comme

22 des marchandises qu'il était loisible d'acheter et de vendre comme on

23 l'entendait. Ces deux soldats du Monténégro ont emmené les témoins AS et

24 87 au Monténégro. Là, ces deux jeunes filles ont été forcées à travailler,

25 à être abusées par le premier venu et finalement elles ont eu un peu de

Page 6261

1 chance parce que, de là, elles ont réussi à s'échapper et à se retrouver

2 plusieurs mois plus tard en sécurité. L'accusé Kovac n'a jamais nié avoir

3 vécu dans cet appartement de Lepa Breva au moment des faits. Il n'a pas

4 nié non plus que le témoin 87 s'y soit trouvé avec lui. D'ailleurs, tous

5 les témoins qu'il a cité à sa décharge ont attesté du fait qu'il vivait

6 dans cet appartement depuis l'été 1992 jusqu'au moins le printemps 1993.

7 Cet appartement qui avait été autre fois occupé par des Musulmans mais

8 Kovac s'en était emparé. Il l'a utilisé même si ses parents habitaient à

9 proximité, à Foca eux aussi.

10 Ajouté à cela le fait que les témoins à décharge sont venus aussi vous

11 dire que le témoin AS était séquestré à cet endroit, que Jagos Kostic y

12 vivait et que trois des survivantes ont identifié l'accusé Kovac ici dans

13 le prétoire. Vous avez ainsi la preuve irréfutable au-delà de tout doute

14 raisonnable que Kovac était bien l'homme qui avait réduit ces jeunes

15 filles en esclavage. S'agissant de l'identité de l'accusé Kunarac,

16 l'accusation affirme que, là aussi, il y a preuve au-delà de tout doute

17 raisonnable. Ses victimes l'ont reconnu lui aussi dans le prétoire et tout

18 comme l'accusé Zoran Vukovic, il a manifestement violé ces jeunes filles.

19 Ils n'ont fait aucun effort pour dissimuler leur identité, ils ont utilisé

20 leur nom et leur surnom, ce qui fait que la question de leur identité ne

21 se pose pas ici. L'accusé Kunarac a reconnu qu'il avait emmené les témoins

22 75 et DB à la maison se trouvant au 16 de l'Ulica Osmana Dikica. Il

23 reconnaît avoir eu des rapports sexuels avec DB dans cette maison alors

24 que le témoin 75 se trouvait seule dans l'autre pièce à subir un viol

25 collectif. Là non plus, la question de l'identité ne se pose pas. De même,

Page 6262

1 l'identification de l'accusé Kunarac par le témoin 87 n'est pas contesté

2 puisque lui-même reconnaît l'avoir vue, elle, à la maison Karaman et il

3 reconnaît l'avoir appelée par son nom au Centre des Partisans et l'avoir

4 emmenée avec le témoin 75, le témoin DB et une autre jeune fille à

5 Miljevina. Cette autre jeune fille, c'était le témoin 190 qui, elle aussi,

6 a reconnu l'accusé Kunarac dans le prétoire.

7 En ce qui concerne les témoins 191 et 186, là non plus ne se pose aucun

8 problème d'identification. De ces propres dires, Kunarac reconnaît les

9 avoir emmenées à la maison de Trnovace, les y avoir séquestrées même s'il

10 qualifie ses actes comme n'étant pas criminels.

11 De surcroît, nous avons d'autres moyens de preuve qui permet d'identifier

12 l'accusé Kunarac surnommé Zaga comme étant celui qui était venu au Centre

13 des Partisans avec des soldats, avaient fait sortir des jeunes femmes pour

14 les violer. Les témoins 105, 95 et 48 ont tous reconnu Kunarac dans le

15 prétoire comme étant un homme qui venait fréquemment au Centre des

16 Partisans pour les violer.

17 Le témoin 50 a également reconnu l'accusé Kunarac comme étant celui qui

18 l'avait violée à la maison du tailleur. Elle a reconnu sa photo dans une

19 sélection photographique avant l'audience mais elle vous l'a dit qu'elle

20 ne voulait pas se prononcer à partir d'une simple photographie. Toutefois,

21 lorsqu'elle a vu l'accusé ici, assis dans le prétoire, elle l'a reconnu.

22 Et rappelez-vous la façon dont elle l'a reconnu. Elle l'a reconnu à ses

23 yeux, elle a dit que c'étaient ses yeux qu'elle avait reconnus.

24 Le témoin 183 a également reconnu l'accusé. Elle a eu amplement l'occasion

25 de le voir et dès lors de pouvoir le reconnaître au moment de sa

Page 6263

1 déposition. L'accusé est venu chez elle, lui a parlé, a proféré des

2 menaces à son encontre. Il est resté avec elle alors que les deux autres

3 soldats pillaient son appartement et puis il l'a emmenée dans un bois où

4 lui et les autres soldats l'ont violée; et en la violant, il lui a dit

5 précisément de le regarder dans les yeux, ce qu'elle a fait puisqu'il

6 l'avait forcée à le regarder. Et ce sont ces yeux-là qu'elle a reconnus,

7 ce sont ces yeux qu'elle a reconnus comme étant ceux de Kunarac, son

8 violeur.

9 Parlons maintenant de l'accusé Zoran Vukovic.

10 Il est exact de dire, et c'est un fait que l'accusation n'a jamais

11 dissimulé, il est vrai de dire qu'il y avait plusieurs hommes répondant au

12 nom de Zoran Vukovic à Foca, à l'époque. Plusieurs témoins à charge sont

13 d'ailleurs venus parler à la barre d'autres Zoran Vukovic qui n'étaient

14 pas l'homme assis dans ce prétoire aujourd'hui.

15 Mais est-ce que ceci jette un doute raisonnable sur la thèse de

16 l'accusation?

17 Nous estimons que non, que ce n'est pas le cas. Que signifie non

18 d'ailleurs? Ici, en l'espèce, très peu de chose. Parce que ce ne sont pas

19 les noms qui ont permis de reconnaître les accusés, ce sont les visages.

20 Il y a peut-être plus qu'un seul Zoran Vukovic mais, manifestement, il n'y

21 en n'a qu'un qui porte ce visage, le visage de l'accusé qui se trouve ici

22 dans ce prétoire.

23 Le témoin 50, lui, a reconnu l'accusé à son visage, ici aussi. Parce que

24 c'est lui qui l'avait forcé à une fellation, à un Buk Bijela, un incident

25 à ce point traumatique qu'il a fallu huit ans à cette jeune femme pour

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1 pouvoir en parler. Elle l'avait revu au centre de Partizan quand il avait

2 forcé la mère du témoin à trahir l'endroit où elle se cachait afin qu'elle

3 puisse être violée par cet homme. Le visage de l'homme qui lui a infligé

4 ce supplice lui restait gravé dans la mémoire.

5 Le témoin 75 a reconnu l'accusé Zoran Vukovic à son visage aussi. Il lui

6 avait dit qu'il avait tué son oncle. Et ceci n'a été qu'une confirmation

7 de ce qu'elle avait déjà vu elle-même, à savoir que Zoran Vukovic était

8 l'homme qui avait emmené son oncle qui à Buk Bijela, son oncle qui avait

9 disparu sans laisser de traces. L'accusé Zoran Vukovic lui a infligé un

10 viol oral, dans l'appartement de Kifla. Nous n'avons pas repris cet

11 incident dans l'Acte d'accusation puisque cet incident a été révélé au

12 moment du procès et non pas au moment où nous préparions l'Acte

13 d'accusation. Là non plus, nous ne pouvons pas, à l'intérieur, demander à

14 la Chambre de retenir cet incident, ce fait comme chef d'accusation. Mais

15 je pense qu'il intervient pour montrer que l'accusé Zoran Vukovic ne s'est

16 pas contenté de participer aux attaques menées sur la population civile,

17 il ne s'est pas contenté de savoir le contexte dans lequel ces infractions

18 étaient commises, mais qu'en fait, il était membre du détachement Dragan

19 Nikolic dont faisait partie l'accusé Kovac.

20 Le témoin 87 a, elle aussi, reconnu l'accusé Zoran Vukovic à son visage.

21 C'est lui qui l'avait violée à l'école secondaire de Foca, pendant que

22 deux autres soldats violaient deux autres jeunes filles dans la même

23 pièce, au vu et au su l'une des autres aussi.

24 Le témoin 95 a reconnu spontanément Zoran Vukovic dès qu'elle l'a vu dans

25 le prétoire. Elle ne connaissait même pas son nom mais dès qu'elle l'a vu

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1 dans le prétoire, elle l'a reconnu. C'était l'un des hommes qui venaient

2 au centre des Partizan, venaient la chercher et la violer.

3 Ceci n'a pas été une identification aléatoire due au hasard ou suggérée

4 par l'accusation. Nous estimons que le témoin n'a pas identifié Kovac, ce

5 qu'elle aurait pu faire car il était assis à côté de Vukovic. Elle ne l'a

6 pas fait parce qu'elle a surtout vu le visage de Zoran Vukovic.

7 Ce nom est peut-être un nom très courant, mais est-ce que ce visage l'est?

8 Nous estimons qu'il ne l'est pas.

9 Souvenez-vous que le témoin 48 nous a dit avoir été violée par un homme

10 qui s'appelait Zoran Vukovic et qu'elle connaissait avant la guerre mais

11 elle a précisé que l'homme qui se trouvait ici dans ce prétoire n'était

12 pas le Zoran Vukovic qui l'avait violée. Elle a pu établir une différence

13 entre le visage d'un Zoran Vukovic et l'identité d'un autre et nous

14 pensons que la franchise, la candeur avec laquelle elle s'est exprimée

15 ici, dans ce prétoire, montrent que son témoignage est fiable et crédible.

16 Le témoin 75 nous a dit qu'il y avait un autre Zoran Vukovic qui l'avait

17 violée après qu'elle ait été vendue par Kovac. Celui-là s'appelait Kifla.

18 Et là-aussi, elle a pu établir une différence entre le visage qu'avait ce

19 Zoran Vukovic là, et celui-ci.

20 Et nous soutenons qu'ici, il est exclu que l'homme qui se trouve ici dans

21 ce prétoire ne soit pas l'homme qui a violé ces jeunes filles, incidents

22 qui sont repris dans l'Acte d'accusation.

23 Il y a d'autres éléments d'identification s'agissant de l'accusé Zoran

24 Vukovic à l'appui de son identité. Les témoins qui ne le connaissaient pas

25 avant la guerre ne pourraient connaître ces détails si ce n'était lui-même

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1 qui les leur avait fournis. Par exemple, le témoin 50 a dit que l'accusé

2 lui a dit, après l'avoir violée, qu'il lui aurait infligé d'autres

3 supplices s'il n'avait pas eu une fille de son âge. Il a effectivement une

4 fille qui a à peu près l'âge du témoin 50. A l'époque, le témoin 50 avait

5 quinze ans, âge aussi de la fille de Kovac. Le témoin 50 n'aurait pas pu

6 avoir connaissance de ce fait si cet homme, après l'avoir violée, ne le

7 lui avait pas dit.

8 De surcroît, il n'y avait qu'un Zoran Vukovic dans le détachement de

9 Dragan Nikolic, même les témoins à décharge sont venus vous le dire. Et

10 lorsqu'on rassemble ces différents éléments de preuve, il y a un faisceau

11 qui est établi et qui prouve qu'au-delà de tout doute raisonnable, que

12 c'est bien l'homme en question. Pendant toute la durée du procès, les

13 avocats des trois accusés ont essayé de mettre en cause la crédibilité des

14 témoins.

15 Mais de l'avis de l'accusation, la crédibilité de ces témoins n'a pas été

16 touchée, elle est intacte. Voyons ce que la défense a essayé d'avancer.

17 Elles ont commencé à mettre en cause le souvenir des événements qu'avaient

18 les témoins et les quelques incohérences qu'il y avait entre ce qu'elles

19 avaient dit avant le procès et ce qu'elles disaient à l'audience.

20 S'agissant de l'effet de mémoire, tout le monde sait que la mémoire, le

21 souvenir se dissipe au fil du temps. Ce sont des événements qui se sont

22 produits il y a huit ans. Souvent, les témoins ne se souvenaient pas des

23 événements avec toute la clarté qu'on pourrait avoir d'un souvenir survenu

24 hier. Elles ne se souvenaient pas de tous les détails et ne se sont pas

25 souvenues de certains incidents non plus.

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1 Ceci a eu certains effets sur les thèses de l'accusation. Par exemple,

2 lorsque le substitut a posé une question directe à propos d'un viol repris

3 au paragraphe 7.13 de l'Acte d'accusation, le témoin 87 s'est contentée de

4 répondre qu'elle ne se souvenait pas et l'accusation accepte son avis, car

5 c'est ce qui se passe lorsque les témoins disent la vérité.

6 Nous reconnaissons là aussi que l'incident évoqué ici n'a pas été prouvé.

7 Mais c'est tout à fait normal qu'un témoin comme le témoin 87, qui a été

8 violée tant de fois, par tant de personnes, pendant si longtemps, pendant

9 un supplice aussi prolongé, ne puisse pas se souvenir du moindre des

10 incidents. Elle vous l'a dit très franchement. Et ceci donne encore plus

11 de poids à sa déposition.

12 De quoi pouvaient se souvenir les témoins? De beaucoup de choses. Certains

13 incidents sont restés gravés dans leurs mémoires. Je vous donne quelques

14 exemples. Par exemple, le témoin 87 se souvient avoir été violée par

15 Kunarac dans la maison de Karaman. D'autant plus qu'elle se souvenait que

16 quelqu'un avait un plâtre sur une partie de son corps. Elle se demandait

17 comment quelqu'un qui était dans le plâtre pouvait violer. Pourtant c'est

18 ce qu'il a fait.

19 Le témoin 75 se souvient avoir été la victime d'un viol collectif par

20 quinze soldats et elle se souvient qu'au moment où elle était encore en

21 train d'être violée, Kunarac est entré dans la pièce, a dit aux hommes de

22 se dépêcher afin qu'elle puisse repartir une fois après avoir remis ses

23 vêtements.

24 Les témoins 87 et AS se souviennent avoir eu tellement faim pendant

25 qu'elles étaient séquestrées dans l'appartement de Kovac qu'elles devaient

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1 supplier les voisins pour avoir un peu de nourriture, utiliser une corde

2 pour se faire monter de la nourriture par ces témoins. Les témoins 191 et

3 186 se sont souvenus du fait qu'elles avaient dû cacher tous les couteaux

4 qui se trouvaient dans la maison de Trnovace, car elles étaient tellement

5 terrifiées du soldat Jadranka: cette femme, elles avaient tellement peur

6 de cette femme car c'était elle qui les avait amenées et les terrorisait.

7 Tous les témoins se sont souvenus du pouvoir dont disposait Zaga à l'égard

8 de tous ces soldats, tous ces témoins se souviennent de la terreur, de

9 l'humiliation, du désespoir.

10 S'il existe une mémoire sélective, comme essayait de le dire la défense,

11 c'est comme cela qu'elle a opéré. Les témoins se sont souvenus des choses

12 qui les avaient le plus frappées, les plus touchées, c'est cela qui est

13 resté résistant à l'épreuve du temps. Nous avons vu aussi la façon dont la

14 personnalité peut déterminer les détails qui restent dans la mémoire des

15 témoins.

16 Le témoin 87 avait reconnu qu'elle ne se souvenait pas tellement bien du

17 temps. Elle était dans l'impossibilité de dire à quel moment quelque chose

18 s'était passé par rapport à un autre incident. Pourtant, elle s'est très

19 bien souvenue de ce qui s'était passé.

20 Le témoin 75 avait une très bonne mémoire en ce qui concerne les noms et

21 les surnoms. Et elle a donné de nombreux noms. Nous faisons valoir que ces

22 variations, ces écarts entre les différentes personnalités sont des choses

23 parfaitement humaines, tout à fait crédibles et dignes de foi.

24 La défense a parfois contesté la capacité des témoins à observer

25 précisément les choses du fait du traumatisme dont elles étaient les

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1 victimes. Cela étant dit, il n'y a rien qui permette de démontrer que le

2 traumatisme affecte de façon négative la fiabilité de ces témoins. Bien au

3 contraire, nous affirmons que ce que l'on est à même de repérer, alors

4 qu'on est sous le coup d'un traumatisme, reste pour toujours gravé dans sa

5 mémoire et se répète encore et encore comme un mauvais rêve. Les témoins

6 vous l'ont décrit eux aussi.

7 Il est arrivé que deux témoins déposent à propos d'un même incident et que

8 leurs dépositions soient quelque peu différentes l'une de l'autre. Par

9 exemple, un témoin a déclaré qu'elle se trouvait à un certain endroit à un

10 certain moment et qu'elle a assisté à un certain incident; il est arrivé

11 qu'un autre témoin, présente au même moment et au même endroit ne se

12 souvienne pas de l'incident. Mais nous savons tous d'expérience que nous

13 nous souvenons mieux de ce qui nous arrive à nous-mêmes que ce qui arrive

14 à d'autres. Nous affirmons ici que, si divergence il y a entre ce type de

15 dépositions, eh bien, la déposition pour ce qui a trait à ce qui est

16 arrivé au témoin lui-même est beaucoup plus fiable que ce qui peut être

17 rapporté par une personne à qui ce n'est pas arrivé personnellement.

18 Mais, pour la plupart des incidents dont nous avons fait rapport ici, les

19 dépositions se corroborent, les témoins corroborent la présence des autres

20 femmes, des autres jeunes filles, corroborent les faits.

21 Et puis, il y a toujours ce problème du récit et la façon dont nous

22 décrivons les événements que nous traversons. Nous savons tous

23 d'expérience que, lorsque nous racontons une histoire et que nous la

24 racontons encore et toujours, à chaque fois que nous la répétons, il

25 apparaît quelques variations: des détails sont omis, des détails sont

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1 ajoutés. Mais, quoi qu'il arrive, il s'agit toujours bel et bien de la

2 même histoire.

3 Ajoutons à cela que les témoins ont souvent eu à se prononcer sur des

4 événements qui se sont déroulés sur plusieurs mois, des événements qui ont

5 été provoqués à différents endroits et qui ont été perpétrés par

6 différents auteurs.

7 Le témoin 95 a été très éloquente. Elle a dit: "Il y a toujours des choses

8 qui ne sont pas dites. Il me faudrait dix jours pour vous raconter mon

9 histoire. Peut-être qu'au bout de dix jours, je ne pourrais pas encore

10 vous avoir tout dit".

11 Ce n'est que lorsqu'on apprend par cœur un texte que l'on peut être

12 absolument cohérent à tout instant. Mais ce n'est pas ce que les témoins

13 en cette affaire, ce n'est pas ce que les témoins de l'accusation ont pu

14 faire. Elles n'ont pas pu apprendre un texte.

15 Parfois, les variations entre un témoignage et des déclarations préalables

16 n'ont rien à voir avec la mémoire. C'est plutôt une réticence à décrire

17 tout ce qui s'est passé. Souvenez-vous du témoin 50 qui a finalement

18 réussi à décrire le premier viol dont elle avait été victime, lorsque

19 Zoran Vukovic a placé son pénis dans sa bouche à Buk Bijela. Très

20 innocemment, elle vous a dit: "Je suis couverte de honte". Elle ne pouvait

21 pas se permettre de prononcer ces mots qui découvrait cet acte innommable.

22 Il ne s'agit pas ici de mémoire: elle se souvenait très bien de ce qui lui

23 était arrivé. Elle se souvenait très bien que c'était Zoran Vukovic qui

24 avait perpétré cet acte sur elle. Mais, à l'époque, elle avait seize ans

25 et jamais, elle n'a raconté à sa famille ce qui s'était passé. Elle vous a

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1 expliqué pourquoi. Elle vous a dit: "J'ai pensé que, si je devais

2 souffrir, ils n'avaient pas à savoir ce qui m'était arrivé.

3 Rappelez-vous également du témoin AS qui, au début, avait trop peur de

4 répondre aux demandes formulées par le Bureau du Procureur qui souhaitait

5 avoir un entretien avec elle. Même si, lorsqu'elle était dans le prétoire,

6 elle avait toujours l'air très effrayé, elle a tout de même expliqué

7 pourquoi elle avait décidé de se présenter devant vous. Elle a dit: "C'est

8 pour mon avenir que je fais cela". Quand on a posé la question, elle a

9 répondu: "Oui, je veux dire ce qui s'est passé". Lorsque d'autres

10 questions lui ont été posées, elle a dit: "Je crois que je me sentirai

11 mieux après cela".

12 Nous savons tous que le prétoire n'est pas un lieu qui se prête à des

13 expériences thérapeutiques. Or, il arrive que ce soit précisément ce qui

14 se passe. Le témoin 50 a expliqué qu'elle avait finalement réussi à

15 décrire ce premier viol parce qu'elle avait prononcé la déclaration

16 solennelle, qu'elle s'était engagée à dire toute la vérité.

17 De la même façon, le témoin 191 a expliqué que, même si elle essayait de

18 faire en sorte de ne plus penser à tout cela, "elle était venue

19 aujourd'hui pour nous parler de tout ce qui lui était arrivé". Je la cite:

20 "Je crois que c'est l'endroit le mieux approprié pour que je puisse parler

21 de tout cela."

22 Dans son mémoire de clôture du procès, la défense a évoqué un argument

23 auquel l'accusation doit répondre parce que c'est la première fois que cet

24 argument a été invoqué: c'est l'allégation selon laquelle les témoins de

25 l'accusation ont fait l'objet d'une préparation. L'accusation affirme que

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1 rien, rien ne permet d'envisager qu'une telle chose ait pu se produire.

2 Jamais les témoins ne se sont vu poser de questions qui auraient pu être

3 considérées comme une préparation, même s'il y a eu tout loisir au cours

4 du contre-interrogatoire de poser ces questions aux témoins. Jamais il y a

5 n'y a eu possibilité de contrer ces allégations, avec description des

6 mesures prises pour s'assurer que les témoignages devaient être

7 parfaitement impartiaux et sincères.

8 Nous affirmons ici que, si la défense était vraiment convaincue que les

9 témoins s'étaient vu dire qu'ils devaient dire autre chose que la vérité,

10 elle aurait soulevé cet argument au cours de procès plutôt que d'attendre

11 le départ de tous les témoins de La Haye afin qu'ils ne soient pas à même

12 de décrire tout ce qui s'était passé, afin qu'ils soient à même de dire

13 qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une préparation. La défense n'a pas

14 choisi de faire cela. Dans quelle situation nous trouvons-nous donc? Des

15 insinuations ont été prononcées; elles sont suspendues et ne sont motivées

16 par rien de tangible.

17 De la même façon, la défense a indiqué que, d'une certaine manière, les

18 témoins avaient réussi à monter leur histoire de toutes pièces. Mais là

19 encore, il n'y a rien qui permette de prouver cela, rien ne permet de

20 croire que les témoins aient même eu des contacts les uns avec les autres.

21 Sans parler d'une possible collaboration en matière d'élaboration de leurs

22 témoignages.

23 Nombre des témoins se sont retrouvés les uns aux côtés des autres par les

24 hasards de l'infortune et, après avoir traversé ces incidents, ils ont

25 essayé de vivre chacun leur propre vie. Ils n'ont pas eu de contact les

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1 uns avec les autres, ils ont tâché de reprendre le fil de leur existence.

2 Il y a eu d'ailleurs un cas où des informations nous ont été données qu'un

3 témoin qui avait un autre témoin dans sa famille l'avait contacté. C'est

4 l'accusation qui a fait valoir cette information aux yeux des Juges de la

5 Chambre et, immédiatement, aux yeux de la défense également, afin que la

6 défense puisse y consacrer du temps lors du contre-interrogatoire. Et ce

7 n'est pas ce qu'elle a choisi de faire.

8 L'accusation n'a pas présenté ses éléments à charge de la façon la plus

9 parfaite, mais c'est cela qui fait la force de cette présentation. Si

10 chaque témoin avait raconté une histoire parfaite, parfaitement cohérente

11 dans ses détails, cela aurait été trop simple, beaucoup trop facile et

12 trop improbable. Les imperfections, nous le savons tous, sont la

13 caractéristique même de la réalité et sont le signe d'une plus grande

14 véracité que tout récit fait minute par minute, tels que ceux qui ont été

15 faits par les témoins de la défense.

16 La défense s'est plainte au cours du procès de la façon dont les témoins

17 avaient répondu à leurs questions et ont essayé, de façon simpliste, de

18 déformer les réponses apportées à leurs questions. Par exemple, la défense

19 se plaint que les témoins ont répondu aux questions posées par

20 l'accusation mais pas à celles posées par la défense. Eh bien, je dirai

21 tout d'abord que cela est inexact: nous vous avons d'ores et déjà donné

22 des exemples d'occasions au cours desquelles les témoins de l'accusation

23 donnaient des réponses tellement candides qu'elles ont en fait été à

24 l'encontre des objectifs visés par l'accusation. Deuxièmement, les témoins

25 étaient très concentrés, ils écoutaient très attentivement les questions

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1 qui leur étaient posées avant d'y apporter réponse.

2 Alors, posez-vous la question: est-ce que c'est la réponse ou plus

3 simplement la question qui prêtait à confusion? Est-ce que le témoin n'a

4 pas essayé de répondre à la question du mieux qu'elle le pouvait? Est-ce

5 que la question a été posée de telle sorte que le témoin se retrouve dans

6 une situation quelque peu délicate?

7 Je vais vous donner un autre exemple de la sincérité, de l'impartialité

8 des témoins qui sont venus ici. Ils n'ont pas mis tous les Serbes dans le

9 même sac, ils n'ont pas essayé de se faire l'écho de préjugés, ils n'ont

10 pas essayé de se baser sur des stéréotypes qui déforment la réalité. Dans

11 ce scénario d'actes cruels, il y a des éclairs, des actes de générosité,

12 des actes de sympathie; et les témoins vous en ont fait le rapport.

13 On vous a dit comment une femme serbe était devenue l'ami des détenus qui

14 se trouvaient à Partizan et comment elle avait essayé de les protéger. Les

15 gardiens ont parfois aidé à détourner les soldats de leur intention. Le

16 soldat qui a sauvé 191 et 186 de l'accusé Kunarac a été décrit par le

17 témoin 191, qui a dit de façon très poignante "qu'il ne me voyait pas

18 juste comme une Musulmane mais comme un être humain". Je vous rappelle que

19 cet homme est par la suite devenu son mari. On a également entendu parler

20 de ces soldats serbes qui ont refusé de se livrer à des viols en dépit de

21 la pression exercée par leurs pairs. Le témoin 48 a décrit le soldat qui

22 l'a emmenée dans son appartement, ne l'a pas violée mais, bien au

23 contraire, lui a donné du shampooing et des sous-vêtements afin qu'elle

24 puisse les distribuer aux autres femmes qui se trouvaient à Partizan.

25 DB a également raconté comment elle avait été protégée lorsqu’elle avait

Page 6275

1 été emmenée à Buk Bijela, par un soldat qui avait été camarade de classe.

2 D'autres témoins encore ont décrit comment des soldats qui avaient pitié

3 d’elles et les avaient emmenées, ne les avaient pas violées mais plutôt

4 avaient constaté l’état déplorable dans lequel elles se trouvaient. Le

5 refus de se livrer au mal est une maigre consolation, mais ce sont tout de

6 même des attitudes qui deviennent remarquables au cours de ces périodes

7 troublées et terribles. Les témoins vous ont rapporté ces actes et ne se

8 sont pas livrés à des jugements basés sur le préjugé. Ils n'ont pas essayé

9 de donner un dessein manichéen de ce qui s’est passé, dessein qui reposait

10 sur des divisions ethniques. Ils vous ont décrit dans toute leur

11 complexité les rapports humains qui étaient en place. Il y a une seule

12 raison pour laquelle les témoins ont montré du doigt des accusés tout en

13 exonérant d'autres soldats ; ils ont montré ces accusés du doigt parce que

14 ce sont les auteurs des crimes dont ils ont été victimes. Ce sont ces

15 hommes qui se sont livrés à ces actes ignobles. Les témoins ne sont pas

16 emplis de vengeance, ils sont simplement là à titre de témoin et pour

17 raconter ce qu'il s'est passé.

18 Les témoins de l'accusation étaient des témoins qui avaient du mal à venir

19 ici, du mal à s’exprimer. Ils n'avaient rien à gagner en venant ici et en

20 racontant dans la plus grande véracité les événements horribles qu’elles

21 avaient traversés. Elles se soumettaient en venant ici à des attaques sur

22 leur honneur, leur crédibilité. On a minimisé leurs souffrances bien

23 réelles. Souvenez-vous du contre-interrogatoire auquel a été soumis le

24 témoin 87 lorsque Me Kolesar lui a posé la question suivante: "Pourquoi ne

25 nous dites-vous pas que Kovac vous a aidé et que vous l'aimiez bien?".

Page 6276

1 Elle a répondu avec autant de dignité que faire se pouvait dans de telles

2 circonstances: "Eh bien, je dirai d'abord que, non, je ne l'aimais pas. Et

3 deuxièmement, ce n'est pas vrai qu'il m'a aidée. Vous me demandez d’être

4 reconnaissante. De quoi serais-je reconnaissante? Je ne vois vraiment pas

5 pourquoi je devrais être reconnaissante. Parce qu’il m’a violée peut-être?

6 Parce que Kostic m’a violée, parce qu’il m’a vendue à des Monténégrins?"

7 Je ne sais pas. Vous pouviez observer le comportement des témoins, vous

8 pouviez juger au vu de leurs expressions, de leur langage corporel qu’ils

9 ne disaient que la vérité. Je crois que chacun dans ce prétoire a pu

10 comprendre à quel point il était difficile pour ces témoins de témoigner,

11 combien cela était une expérience douloureuse même après toutes ces

12 années, combien il était gênant de décrire dans le détail des actes

13 sexuels auxquels elles avaient été soumises mais vous pouviez également

14 voir à quel point les témoins essayaient de se concentrer et de vous

15 donner une réponse claire et précise ; parfois réponses apportées à des

16 questions totalement outrageantes. Nous vous affirmons que les témoins de

17 l'accusation ont déposé de façon mesurée, de façon concentrée, qu'ils ont

18 résisté de façon admirable à des contre-interrogatoires vigoureux et, ce

19 qui est plus important encore, que leurs dépositions sont fiables et

20 dignes de foi.

21 Revenons maintenant aux arguments de défense invoqués par l’accusé Kovac.

22 Pendant tout le contre-interrogatoire et pendant le témoignage de

23 différents témoins de la défense, l’avocat de M. Radomir Kovac a essayé de

24 dépeindre la situation qui prévalait dans l’appartement de Lepa Breva

25 comme une situation de havre et non pas de réduction en esclavage. Aucun

Page 6277

1 élément de preuve crédible n’est venu soutenir cet argument. Ce qui a été

2 affirmé par l'accusé Kovac n’est pas vrai, on n’a pas permis à ces jeunes

3 femmes de faire des courses, on ne leur a pas permis de se rendre à

4 l’extérieur, de rendre visite à des gens ou d’assister à des fêtes. Elles

5 n’avaient pas liberté de mouvement. Jamais on ne leur a apporté de

6 nourriture. Il n'y avait pas de fêtes, de moments de loisir, pas de

7 lettres d'amour. Nous affirmons que les témoins de la défense qui ont

8 déclaré qu'ils avaient vu ces jeunes filles mener leur vie de façon gaie

9 et légère ne sont pas crédibles. Ils ont pensé qu'il était bizarre qu’un

10 soldat serbe ait une jeune fille musulmane à ses côtés. Comme se fait-il

11 que cette fille se mette simplement à danser au milieu d'étrangers? Cette

12 femme qui vivait au premier étage de l’immeuble de Kovac disait ne rien

13 savoir de ce qui se passait dans l’appartement du 10, en dépit du fait que

14 tout soldat qui vivait dans cet endroit et qui s'y rendait devait passer

15 devant sa porte. Souvenez-vous de ce qu’a dit le témoin DL. La femme qui

16 vivait aussi dans ce même immeuble et qui a commencé par affirmer que le

17 témoin 87 lui avait dit, personnellement, qu'elle était amoureuse de

18 Kovac. Lorsqu’on lui soumis sa déclaration préalable où elle n’affirmait

19 rien d’approchant, elle a finalement dû admettre que jamais elle n’avait

20 vraiment parlé avec le témoin 87, qu’elle avait seulement entendu parler

21 du fait que le témoin 87 était l’ami de Kovac.

22 En fait, il faut se poser la question suivante: si on essayait de sauver

23 ces jeunes filles, si on essayait de les protéger dans un appartement,

24 pourquoi alors coucher avec ces mêmes jeunes filles dans le même lit alors

25 que Kovac pouvait évidemment se rendre chez ses parents pour y demeurer.

Page 6278

1 Les jeunes filles n'aimaient pas cet homme. Le témoin 87 vous a dit,

2 lorsque la question vous a été posée par le conseil de la défense: "Est-ce

3 que c'était plus facile avec vous et Kovac que lorsque vous étiez au

4 centre de détention ou au centre Karaman?"

5 Rappelez-vous la réponse du témoin 87: "Eh bien, pour tous les sites que

6 vous avez cités, je dirais qu’il n’y avait aucune différence parce que

7 dans tous ces endroits j'ai été violée et même dans l'appartement de

8 Kovac, j’ai été violée par Kovac lui-même et Kostic. Donc, en ce qui me

9 concerne, je ne peux pas établir de distinction entre ce qui m’est arrivé

10 dans ces différents endroits. Il n’y a aucune différence" (Fin de

11 citation). Voilà l’essence même de la situation où se trouvaient ces

12 femmes: une esclave reste une esclave, qu'ils s'agisse d’une personne qui

13 est placée sous esclavage d’une personne ou d’un groupe de personnes.

14 L'accusation ne nie pas qu'il y avait effectivement une situation à Foca à

15 cette époque qui a vu une jeune fille musulmane tomber amoureuse d’un

16 soldat serbe. C’est le cas du témoin 191 qui est effectivement tombé

17 amoureuse de l’homme qui l’a sauvée des agissements de l’accusé Kunarac.

18 C'est elle qui a choisi de rester et d’épouser ce soldat. L’amour est

19 quelque chose qui se produit en dépit des affirmations faites par le

20 psychologue de la défense Raskovic Ivic qui avait dit précédemment qu’il

21 était impossible que l’amour survive dans de telles circonstances. En

22 disant cela, il a attaqué la crédibilité du témoin 191. L’amour ne peut

23 surgir que lorsque quelqu'un traite autrui comme un être humain, avec

24 tendresse, avec compréhension ; en comprenant que l’amour est quelque

25 chose qui se donne librement, si c'est quelque chose que l'on souhaite

Page 6279

1 donner.

2 L'amour ce n'est pas ce qui a surgi entre Kovac et les jeunes filles qu'il

3 tenait séquestrées dans son appartement. Peut-on parler d'amour quand

4 Kovac a tenu les témoins 87 et AS en état d'isolation contre leur gré?

5 Peut-on parler d’amour lorsqu’en fait il a vendu ces jeunes femmes comme

6 s’il s’agissait de bétail? Quelle tendresse y avait-il lorsque le témoin

7 87 et les autres filles ont dû se tenir nues sur une table par un froid

8 atroce? Quelle tendresse y avait-il lorsqu’on les a forcées, sous la

9 menace d'un fusil, à se diriger nues vers la rivière? Quelle tendresse y

10 avait-il lorsqu’on les menaçait de leur couper la gorge? Les témoins 87 et

11 75 vous ont dit qu’elles ont chacune pensé à se suicider du fait de ce que

12 Kovac leur avait fait subir.

13 Madame le Président, Monsieur le Juge, la défense vous a demandé de croire

14 qu'il s'agissait là d'une relation amoureuse mais comment pourrions-nous

15 parler d'une telle relation? Il s’agissait d’une relation de haine dans le

16 cadre de laquelle l’identité des victimes était dépréciée, humiliée. On

17 les dépréciait, on les humiliait à la fois en tant que musulmanes mais à

18 la fois en tant que femmes. C'était une relation basée sur la peur, dans

19 les armes, les menaces, les passages à tabac étaient utilisés pour réduire

20 la volonté des victimes à néant. Il s'agissait d'une relation de maître à

21 esclave. Ce qui importe ici, c’est que Radomir Kovac pouvait démontrer son

22 pouvoir de possession sur un autre être humain et qu'il ne s'en est pas

23 privé, bien au contraire.

24 Quels ont été les arguments de défense avancés par l'accusé Zoran Vukovic?

25 Les arguments médicaux de défense de Zoran Vukovic méritent à peine qu'on

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1 s'y attarde. Il suffit de dire que seuls les éléments de preuve qui

2 indiquent que l'accusé est tombé dans les bois et s'est blessé aux

3 testicules, de telle sorte qu'il a été blessé pendant un an, sont des

4 éléments de preuve qui proviennent de l'infirmière, le témoin DV, dont le

5 registre médical n'indique en aucun cas ce qu'elle affirme s'être passé.

6 Ces éléments de preuve ont également été apportés par un ami de l'accusé

7 Zoran Vukovic qui a affirmé avoir vu cette blessure. Sur l'insistance de

8 la défense, la Chambre de première instance a désigné un expert médical

9 impartial qui a mené à bien deux examens médicaux très poussés de

10 l'accusé. Cet expert impartial a non seulement établi que rien n'indiquait

11 que l'histoire de l'accusé reposait sur des faits réels, mais encore il

12 apparaît que cette histoire a sans doute été montée de toute pièce parce

13 qu'elle ne tenait pas compte de certains faits médicaux évidents dont

14 certains, dont une personne qui aurait effectivement subi une telle

15 blessure aurait forcément évoquée: à savoir qu'une telle blessure aurait

16 provoqué le noircissement de la zone touchée dans l'espace de quelques

17 jours.

18 L'expert médical de la défense n'a simplement pas pu exclure la

19 possibilité qu'une telle blessure ait pu se produire. Par conséquent,

20 l'accusation affirme que la Chambre de première instance ne dispose pas

21 d'éléments de preuve confirmant l'existence de cette blessure. La seule

22 chose dont nous disposons, ce sont la description de circonstances dont

23 même un expert médical avait trouvé qu'elle étaient sujettes à caution.

24 La seule conclusion que la Chambre de première instance était en droit de

25 tirer de cela, c'est qu'il s'agit là d'une tentative de déformation et de

Page 6281

1 tromperie, effort d'un homme qui essaie se sauver.

2 Je vais maintenant parler des éléments juridiques. Quatre crimes ont été

3 reprochés dans cette affaire: viol, torture, outrage sur la personne et la

4 dignité de la personne, et la réduction à l'esclavage. Il y a également eu

5 des charges indiquant la violation des lois aux coutumes de la guerre et

6 crimes contre l'humanité.

7 Je vais commencer par la description des viols. Les trois accusés ont été

8 chargés de crimes, de viols comme crimes contre l'humanité. Pour qu'il y

9 ait un viol, il faut absolument avoir pénétration sexuelle, suivie d'une

10 force ou une menace de force. La pénétration sexuelle n'a pas été

11 contestée dans les actes qui sont allégués dans l'Acte d'accusation. Il y

12 a eu pénétration vaginale et orale et anale. La défense prétend qu'il n'y

13 a pas eu d'utilisation de force. La jurisprudence du Tribunal est très

14 claire et elle stipule que ce n'est pas nécessaire d'avoir de la force

15 pour qu'on crée une terreur et une détresse chez la victime. La guerre en

16 elle-même crée une pression et, dans ce cas-ci, nous avons les victimes

17 qui ont toutes été détenues; c'est-à-dire que ces victimes ne pouvaient

18 pas se déplacer librement. Indépendamment de ce que la défense dit de

19 l'école de Foca, du Partizan comme étant des centres de rassemblement, ce

20 n'est pas vrai parce que ces femmes étaient détenues, elles ne pouvaient

21 pas se déplacer et dans tous les cas, lorsque les soldats se sont

22 présentés pour les faire sortir et les emmener dans différents endroits

23 afin de les violer à ce moment-là, ces femmes étaient bien séquestrées car

24 elles n'étaient pas libres, elles ne pouvaient pas circuler librement. Les

25 victimes avaient peur. Elles étaient terrifiées et on a raison de le

Page 6282

1 croire, dans un conflit ethnique, pour une femme musulmane, de se faire

2 sortir par un soldat serbe qu'elle ne connaissait pas et qui était de

3 surcroît armé, qui souvent venait en groupe, il l'emmenait dans des

4 endroits isolés, non familiers pour aucune autre raison que le viol. Ce

5 sont des raisons qui peuvent certainement créer la peur ou causer la peur.

6 Les victimes se sentaient psychologiquement opprimées étant donné les

7 circonstances et les événements qui ont eu lieu dans leur village, lorsque

8 leur mari, leurs frères et leurs oncles avaient été tués, leur maison

9 avait été brûlée, leurs biens avaient été enlevés, il y avait toute raison

10 de croire que les victimes pouvaient croire que la résistance était

11 futile. Les victimes elles-mêmes ont parlé de viol. Elles se servent du

12 mot viol et elles ont pu caractériser la situation comme étant quelque

13 chose qui avait été fait contre leur propre volonté, ne pas avoir eu de

14 choix ou avoir peur de ce qui aurait pu se passer le cas échéant.

15 Le témoin 132 a expliqué que la langue elle-même ne peut pas enlever le

16 concept de séparation et de force dans la langue yougoslave et nous a

17 expliqué qu'il y a un mot qui dit "silo" et qui veut dire "pouvoir", qui

18 veut dire "force".

19 Elle a dit à moi: "Pour moi, ce mot silovanje qui veut dire viol, voulait

20 dire qu'ils utilisaient le pouvoir, la force pour me contraindre et cela

21 veut dire tout pour moi, tout ce que j'ai vécu, ainsi que les autres

22 filles, s'est passé non contre ma propre volonté mais avec l'utilisation

23 de la force et du contrôle".

24 Les circonstances dans lesquelles les victimes se sont trouvées étaient

25 assez graves, mais de plus celles qui ont essayé de résister ou qui ont

Page 6283

1 offert de la résistance étaient battues. Les femmes et les enfants ont été

2 emmenés du Partizan, se sont faits sortir et se sont faits battre comme le

3 témoin 95, et tout le monde l'a vu, les auteurs de ces actes ont

4 constamment montré leurs armes et ils menaçaient de tuer les femmes et

5 leurs enfants. Il n'y a pas eu de consentement, on ne peut imaginer qu'il

6 y ait pu en avoir dans ce cas-ci. Vous vous rappelez quelle a été la

7 réaction du témoin 95 lorsque l'accusation lui a demandé si le contact

8 sexuel était contre sa volonté, elle a répondu, et elle était tout à fait

9 outragée, elle a dit: "Excusez-moi Madame, mais si pendant quarante jours

10 vous avez des rapports sexuels avec quelqu'un ou avec plusieurs personne,

11 croyez-vous vraiment que c'est quelque chose qui se fait de son propre

12 gré?"

13 Ni ce Tribunal ni les autres juridictions nationales ne parlent de

14 résistance comme élément de viol. La défense a mal interprété la loi de

15 cette façon-là pour ce qui est du système juridique et des victimes. Les

16 victimes ont très souvent dit qu'elles étaient plongées dans le désespoir

17 et dans l'indifférence mais cela ne les rendaient pas consentantes. Et

18 effectivement, les circonstances spécifiques qui entouraient plusieurs de

19 ces viols soutiennent même la plus étroite interprétation de la force.

20 Jagos Kostic dormait avec un revolver sous son oreiller lorsqu'il violait

21 AS dans l'appartement de Kovac et lorsque le témoin 75 a refusé d'aller

22 voir Slavo Ivanovic pour se faire violer, Kovac a forcé le témoin A12 qui

23 était âgé de 12 ans à se rendre. Et même si personne n'a posé la question,

24 il faut se demander: comment se fait-il que ces trois soldats avaient la

25 force pour contrôler ces personnes?

Page 6284

1 Je vais maintenant parler du viol de DB; elle était sous les menaces

2 directes de l'adjoint de Kunarac qui s'appelait Gaga. Elle avait été

3 menacée de se faire tuer si elle ne satisfaisait pas sexuellement son

4 commandant. Outre le fait que Kunarac savait tout cela et avait entendu

5 les menaces et avait très bien compris ce qui se passait, nous pouvons…

6 mais essayons de voir pour l'instant ou de parler du fait qu'il ne le

7 savait peut-être pas. Est-ce que c'est possible? Est-ce que même

8 l'apparence d'un consentement aurait pu être perçu sous ces circonstances

9 tel que le prétend Kunarac? Il admet que DB avait été détenue, il l'avait

10 emmenée du Partizan et il l'avait amenée dans cette maison pour

11 confronter, comme il l'a dit, les soldats mais il admet qu'il avait peur

12 et il admet également qu'il savait à ce moment-là qu'elle avait été violée

13 par des soldats auparavant et c'était la raison pour laquelle il

14 l'emmenait dans cette maison. L'accusation soumet qu'il n'y a aucune façon

15 que l'accusé Kunarac aurait pu se tromper sur sa volonté sous les

16 circonstances de prendre part à des actes sexuels avec lui.

17 Je vais maintenant parler de torture. Pour qu'il y ait torture, il faut

18 qu'il y ait une qu'il y ait une affection de souffrance mentale très

19 sévère. Dans ce cas-ci, nous pouvons dire que Zoran Vukovic a violé les

20 filles à l'école de Foca, nous parlons également des viols que Kunarac et

21 Vukovic ont fait aux détenues qui se trouvaient au Partizan et au témoin

22 183. L'accusation soumet que le viol en lui-même est une souffrance

23 mentale et physique et la défense de présenter deux arguments faibles pour

24 cela. D'abord, ils disent que la souffrance doit être plus grande que

25 celle qui est normalement sentie lorsqu'on viole. C'est très difficile

Page 6285

1 d'imaginer un acte qui peut causer une plus grande souffrance que le viol.

2 La psychologue de la défense Raskovic Ivic a également témoigné à cet

3 effet. Il n'y a donc rien de plus dégradant que cet acte de viol pour

4 causer une grande souffrance. La défense prétend également qu'il est

5 nécessaire de faire des tests médicaux et scientifiques pour voir si la

6 souffrance était assez grande. Ce n'est pas vrai. Les Règles de ce

7 Tribunal n'exigent pas qu'il y ait corroboration du témoignage du témoin.

8 Les témoins elles-mêmes vous ont dit à quel point elles ont souffert, à

9 quel point les viols étaient douloureux et à quel point elles continuent à

10 souffrir même aujourd'hui.

11 Le témoin 95 vous a dit que les soldats l'ont violée d'une façon furieuse

12 et elle dit que Kunarac l'a violée dans la maison située au n°16. Elle a

13 dit: "Il était… il utilisait beaucoup de force, il voulait me faire mal le

14 plus possible mais il ne pourra jamais me faire autant de mal que je ne

15 souffre déjà."

16 Les souffrances causées par ce viol sont suffisantes pour parler de

17 torture. Maintenant, concernant l'application officielle, nous croyons

18 qu'il est suffisant que les auteurs de ce crime soient des soldats comme

19 ils l'étaient dans ce cas. Ce n'est pas important de dire que c'étaient

20 des soldats simples comme le prétend la défense. Les moyens de preuve

21 démontrent que les accusés étaient actifs au combat pendant cette époque-

22 là, qu'ils ont violé les personnes qui portaient des uniformes et qu'ils

23 étaient armés. De plus, en parlant de sanction officielle qui est en fait

24 l'apparente complicité qui existait entre la police et les militaires et

25 qui appuyait cet élément. Et finalement en parlant de torture, l'objectif

Page 6286

1 proscrit dans lequel nous parlons d'humiliation, de discrimination,

2 d'intimidation dans le but d'obtenir l'information et de punir les

3 personnes. La discrimination est basée sur le fait que les victimes dans

4 ce cas-ci étaient toutes des femmes musulmanes.

5 Et les moyens de preuve démontrent que les auteurs de ces crimes ont

6 insulté ces femmes musulmanes. Kunarac a dit au témoin 183 de regarder un

7 Serbe dans les yeux alors qu'il la violait. Kunarac a également dit au

8 témoin 48 qu'elle aurait des bébés serbes. Dans chacun des incidents,

9 l'humiliation était le but.

10 La façon ouverte, la façon publique de violer les filles puisque les

11 filles étaient souvent violées dans une même salle de classe, nous

12 démontre qu'il y a eu humiliation, de ramener les filles violées à leur

13 fille ou de ramener les femmes à leurs enfants faisait également partie de

14 cette humiliation. Alors que le témoin 183 se faisait violer par ce groupe

15 de soldats, Kunarac l'a provoquée et lui a dit: "Tu ne sauras jamais qui

16 sera le père de ton enfant." Et lorsqu'on nous parlons du viol de DB,

17 lorsque Gaga l'a forcée à prendre une part active à son propre viol, tout

18 cela est conçu pour humilier les personnes et l'accusation soumet que

19 c'était vraiment le cas. L'intimidation était également présente dans

20 chacun des cas. Les viols ouvertement faits envers les femmes au Partizan

21 ou à l'école étaient faits dans le but d'intimider tous les détenus et

22 également pour intimider toute la population musulmane. Lorsque les

23 victimes ont quitté le territoire de la municipalité de Foca, d'autres

24 personnes savaient ou apprenaient qu'il y avait eu des viols et que le

25 nettoyage ethnique prenait part. Les filles qui se sont fait sortir du

Page 6287

1 Partizan le 2 août 1992, les sanctions étaient également… la punition

2 faisait partie de ces viols. L'accusé Kunarac a choisi ces filles

3 particulièrement parce qu'elles avaient parlé à une journaliste quelques

4 jours plus tôt et il leur a dit: "Vous qui aimez bien parler, venez avec

5 moi."

6 En dernier lieu, lorsque nous parlons du viol du témoin 183, il y a eu un

7 autre motif pour obtenir l'information. L'accusé Kunarac et les deux

8 autres soldats qui l'ont violée l'avaient accusée d'avoir envoyé des

9 messages par voie de la radio, et ils ont essayé également d'obtenir des

10 informations, savoir où elle avait caché l'argent et l'or. C'est donc la

11 raison pour laquelle nous souhaitons que tous les éléments de torture ont

12 été prouvés au-delà de tout doute raisonnable.

13 Maintenant, je vais vous parler d'asservissement ou d'esclavage. La seule

14 définition de l'esclavage qui existe maintenant dans le droit

15 international pénal est une personne qui exerce le pouvoir sur d'autres

16 personnes. Et nous avons énuméré plusieurs indices parlant de cette

17 possession de personnes, de l'habileté de contrôler le mouvement, les

18 traitements abusifs tels que l'agression sexuelle et les caractéristiques

19 principales d'esclavages dans ce cas, ce sont vraiment ces violences

20 sexuelles.

21 Dans cette situation, ce qui a aggravé les choses, c'est le fait que ces

22 violences étaient répétées et on infligeait vraiment des violences telles

23 à la personne que la personne se sentait comme une chose. Cela incluait

24 également de faire promener les filles comme si elles étaient du bétail et

25 de s'en débarrasser lorsqu'on n'en voulait plus.

Page 6288

1 Les éléments de preuve démontrant qu'elles étaient forcées à faire des

2 travaux de maison pouvaient être considérés également comme un aspect

3 d'esclavage mais ce n'était qu'une composante de la condition d'esclavage

4 dans lesquelles les filles se trouvaient puisqu'elles devaient servir et

5 servir les hommes qui les ont violées. La défense dit que les filles

6 voulaient probablement rester d'une façon volontaire dans ces endroits-là

7 puisqu'elles n'ont fait aucun effort pour s'échapper et que l'esclavage ne

8 peut pas exister s'il n'y a pas de possession permanente mais ils se

9 trompent. D'abord, essayer de s'enfuir et résister au viol, ces deux

10 éléments doivent être évalués. Les témoins vous ont dit qu'ils ne savaient

11 pas où aller puisque lorsqu'elles étaient emmenées vers ces maisons que

12 les accusés connaissaient, ces maisons étaient isolées, elles étaient

13 isolées des personnes qui auraient pu les aider. AS décrit qu'on l'a fait

14 promener dans la ville mais elle n'avait rencontré personne qui lui avait

15 offert ou qui avait voulu l'aider.

16 Le témoin 75 décrit qu'on s'est moqué, que les Serbes se sont moqués

17 d'elle, ceux qui étaient restés à Foca. Quelle est la raison pour laquelle

18 ces filles n'ont pas essayé de s'échapper? C'est une raison simple: parce

19 qu'elles ne le pouvaient pas. Et comment nous le savons? Eh bien, parce

20 que lorsqu'elles ont pu le faire, elles l'ont effectivement fait. Les

21 témoins 191, 186, 75, 87 et le témoin AS ont finalement fini par

22 s'échapper quand elles l'ont pu, et très souvent avec l'aide d'autres

23 personnes.

24 Concernant le laps de temps nécessaire pour qu'on puisse parler

25 d'esclavage, il n'y a pas de mesure de temps quand on parle d'esclavage.

Page 6289

1 Si une personne a été achetée, par la suite vendue en une minute, est-ce

2 que vous pourriez dire qu'un rapport de maître à esclave n'a pas existé

3 pendant cette minute-là?

4 C'est ainsi que puisque les moyens de preuve soutiennent l'exercice de

5 cette possession sur une autre personne, le temps n'est seulement qu'un

6 facteur parmi lesquels l'un des facteurs que vous devriez considérer. Dans

7 l'affaire de Kunarac et Kovac, la durée de l'esclavage a duré plusieurs

8 mois et cela est suffisant pour établir ce lien.

9 Et finalement, je vais maintenant vous parler des atteintes à la dignité

10 de la personne. Dans les affaires précédentes que ce Tribunal a vu, le

11 viol a fait partie d'atteinte à la dignité de la personne mais dans ce

12 cas-ci, puisque nous parlons de viol séparément et d'une façon directe,

13 l'accusation a limité la charge des atteintes à la dignité de la personne

14 aux actions qui sont séparées du viol lui-même et c'est de cette façon-là

15 que nous vous soumettons qu'il n'y a pas eu de lien entre les actions

16 individuelles de viol et les atteintes sur la personne qui est une

17 composante d'autres actions, et premièrement ces autres actions sont

18 celles qui sont liées à la condition d'esclavage et qui parlent donc du

19 traitement de Kunarac sur les témoins 191, 186 et JG et de la façon dont

20 Kovac a traité les témoins 75, 87, AS et AB.

21 C'est la raison pour laquelle les charges d'atteinte à la dignité de la

22 personne sont les actions suivantes, c'est-à-dire traiter les témoins

23 comme si c'était de la propriété, de faire en sorte qu'elles dansent nues,

24 faire en sorte qu'elles marchent nues dans la rue en public et de les

25 garder en tant qu'esclaves sexuelles, de les forcer à avoir des rapports

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1 sexuels avec d'autres personnes et de les forcer à avoir peur d'autres

2 personnes incluant un soldat de sexe féminin et en les vendant. Le fait

3 que ces victimes ont pu retrouver leur dignité ne veut pas dire que rien

4 ne leur a été fait, que leur dignité n'avait pas été atteinte par Kunarac

5 et Kovac.

6 Je vais maintenant parler des éléments constitutifs des Articles 3 et 5 du

7 Statut. Pour qu'il y ait violation des lois aux coutumes de la guerre, en

8 vertu de l'Article 3 du Statut du Tribunal, il faut qu'il y ait conflit

9 armé, il faut qu'il y ait un lien de connexité entre l'acte criminel et le

10 conflit armé, il faut également qu'il y ait eu violation des lois sur les

11 traités ou des lois coutumières. De surcroît, il faut que les victimes

12 soient des personnes qui n'aient aucunement participé aux hostilités. En

13 l'espèce, il s'agissait ici de toutes de femmes civiles, ceci n'est pas

14 contesté. L'existence du conflit armé a été l'objet d'un accord entre les

15 deux parties au début du procès et aux fins de l'interprétation du présent

16 article, il importe peu de savoir qui a déclenché la guerre. Il y a eu

17 conflit armé dans les municipalités de Gacko et Kalinovik depuis le 8

18 avril 1992 jusqu'au moins le printemps de l'année 1993. Et les accusés ont

19 tous pris part à ce conflit armé. Cela aussi reste incontesté.

20 La défense affirme que l'Article 3 se contente de protéger les biens et

21 pas les personnes, c'est absurde. Le fondement même de cette disposition

22 "Prévaloir contre les crimes de guerre" vise à protéger les personnes des

23 personnes qui ne participent pas aux hostilités et sont pourtant les

24 victimes de celles-ci. L'interprétation juridique attribuée à cet article

25 est tout à fait générale et complète englobant tous les aspects. L'autre

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1 argument avancé par la défense s'agissant de l'Article 3 semble s'attaquer

2 au fondement même des crimes matériels commis ici. Ils disent qu'il ne

3 s'agit pas de nouveaux crimes. L'interdiction du viol existait dans les

4 lois dans le droit des traités et existent depuis si longtemps et de façon

5 assez courante que c'est devenu une partie du droit coutumier. Le viol est

6 interdit, il l'était dans le Code Libert en 1863. Dans les Règles, en

7 annexe à la 4e Convention de La Haye de 1907, de la Convention de Genève

8 de 1929, de la loi sur les Conseils alliés n°10 ainsi que pour les

9 Conventions de Genève de 1949 et du Protocole A10 n°2 de 1977. Plusieurs

10 procès ont été tenus devant un Tribunal militaire néerlandais à Batavia

11 après la Deuxième guerre mondiale, à l'occasion desquels plusieurs

12 responsables militaires japonais, eux aussi, ont été condamnés pour viol

13 comme crime de guerre. Il est donc tout à fait clair que le viol n'est pas

14 une nouvelle infraction. Le viol a toujours existé pendant la guerre mais

15 dans les temps modernes, le viol a toujours été une arme, un crime de

16 guerre. L'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que tous

17 ces éléments constitutifs existaient et sont à l'appui de la qualification

18 de viol, torture et atteinte à la dignité de la personne en tant que

19 "crimes de guerre" en vertu de l'Article 3 du Statut. Pour qu'il y ait

20 "crimes contre l'humanité" en vertu de l'Article 5 du Statut, il faut

21 qu'il y ait également conflit armé, il faut que les actes criminels

22 s'inscrivent dans le contexte d'une attaque généralisée ou systématique

23 dirigée sur la population civile. Il faut également que les auteurs soient

24 au courant de l'existence du contexte dans lequel se commet ce crime. De

25 nouveau, l'existence du conflit armé n'est pas contestée. Quant à

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1 l'attaque généralisée ou systématique dirigée sur la population musulmane,

2 ceci aussi a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Une attaque ne

3 doit pas nécessairement être militaire. Si l'on met de côté les dix jours

4 de combat effectifs qui ont sévi à Foca, tout le monde s'est accordé à le

5 dire, dès le 17 avril 1992, après les combats qui s'étaient déroulés à

6 Foca, ceux-ci avaient pris fin et c'étaient des Serbes qui en étaient

7 sortis vainqueurs. Disons donc que l'attaque perpétrée contre les

8 Musulmans a commencé véritablement à ce moment-là. A Foca, après le 17

9 avril 1992, des hommes musulmans étaient arrêtés, les mosquées étaient

10 détruites.

11 Nous ne nous trouvions plus à ce moment-là dans un contexte militaire . Au

12 contraire, la cible était devenue précisément la population civile: les

13 villages musulmans voisins étaient incendiés, les hommes étaient abattus

14 et les femmes étaient placées en détention. Toute une colonne de femmes,

15 d'enfants, de personnes âgées d'origine musulmane -qui essayaient de

16 partir en lieu sûr en direction de Konjic- ont été arrêtés à Ulog. C'est

17 là qu'on les a ramenés à Kalinovik, qu'on les a mis en détention à l'école

18 secondaire de Foca, au Centre sportif des Partisans, à l'école de Kalonik.

19 Tous les détenus étaient des Musulmans, toutes les victimes de viols ont

20 été des Musulmanes.

21 Dans le cadre de ce propos, il n'est pas important de savoir ce qui était

22 infligé aux femmes serbes, aux femmes croates à l'époque parce que tout

23 ceci pourra faire l'objet de procès différents, dans un contexte

24 différent. Ce qui est important pour ce procès-ci, c'est ce qu'ont fait

25 les accusés, ce sont les attaques auxquelles eux ont participé.

Page 6293

1 Cette attaque dirigée contre la population musulmane a été généralisée.

2 Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'il y a eu beaucoup de

3 victimes et que c'était une attaque systématique: en l'espace de quelque

4 mois, les habitants musulmans de Foca -qui étaient plus de 5000- ont été

5 chassés, arrêtés, tués. D'autres Musulmans, ceux qui vivaient dans les

6 municipalités limitrophes de Kalinovik et de Gacko mais aussi dans la

7 ville même de Foca, ont vécu ce même destin.

8 Les témoins qui sont venus ici à la barre sont les survivants de ce

9 nettoyage ethnique. Plus un seul d'entre eux ne vit aujourd'hui à Foca, à

10 Kalinovik ou à Gacko. En fait, les villages musulmans de Marcnja, Krasanja

11 et Vilovic n'existent plus.

12 C'était une attaque systématique. Le fait qu'elle se soit répétée, qu'elle

13 ait été continue suffit à montrer sa systématicité. Il n'en demeure pas

14 moins qu'il y a d'autres preuves que derrière tout cela, il y avait une

15 politique officielle. Lorsqu'on incendiait les mosquées, même si en

16 principe il y avait des règlements qui s'y opposaient, personne n'a été

17 tenu pour responsable, n'a été poursuivi pour ces actes. De même,

18 l'arrestation et l'exécution de Musulmans par les soldats et la police

19 militaire ont reçu l'autorisation des autorités ou, en tout cas, se sont

20 faites avec leur approbation.

21 Les témoins 48 et 95 nous ont montré comment elles ont été violées

22 lorsqu'elles sont allées à la police. Lorsque le témoin 183 s'échappait

23 pour essayer de fuir des mains de l'accusé Kunarac et de deux autres

24 soldats, la police l'a ignorée. Le témoin 95 a montré que les soldats qui

25 venaient au Partizan avaient des documents officiels montrant qu'ils

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1 avaient l'autorisation d'emmener ces femmes parce qu'on estimait que

2 c'était bon pour le moral des troupes d'avoir des contacts sexuels.

3 Est-ce que les accusés étaient conscients de ce contexte au moment de

4 leurs agissements? Les preuves le prouvent au-delà de tout doute

5 raisonnable. Tous ces trois accusés étaient soldats de l'armée serbe, tous

6 trois vivaient à Foca, tous trois étaient en mesure de voir les rafles

7 effectuées sur les hommes musulmans, la détention dans laquelle étaient

8 placées les femmes musulmanes à l'école secondaire et au centre des

9 Partizans.

10 Le témoin 95 a reconnu Kovac comme étant un des membres qui avaient

11 participé à l'arrestation des civils à Mjesaja. Elle et le témoin 50 ont

12 vu également l'accusé Zoran Vukovic à Buk Bijela. Zoran Vukovic avait

13 participé au meurtre de l'oncle du témoin 75 à Buk Bijela, Kovac avait

14 aussi dit à ce témoin 75 que c'était lui qui avait tué son frère.

15 Ces soldats se trouvaient en plein cœur du conflit; c'étaient eux qui

16 participaient aux attaques dirigées sur la population musulmane et civile.

17 Les civils serbes avaient beaucoup de peine à ne pas savoir ce qui se

18 passait. Il était aussi difficile pour eux de ne pas savoir que c'étaient

19 des soldats qui y participaient. Des témoins vous ont dit que même avant

20 d'être emmenées à la maison de Karaman, elles étaient au courant de ce qui

21 s'est passé: elles savaient que c'était un bordel où l'on emmenait des

22 filles contre leur volonté. Les avocats de Kovac vous ont dit qu'il avait

23 sauvé ces filles. En fait, il a pu y aller parce qu'il savait ce qui s'y

24 passait; sinon, comment aurait-il pu affirmer qu'il ait sauvé ces filles?

25 Mais sauver de quoi? C'est une question que nous sommes en droit de nous

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1 poser, parce que lui était au courant de ce qui se passait; il connaissait

2 le contexte dans lequel tout ceci se produisait, tout comme le savaient

3 Kunarac et Vukovic.

4 De même, Kunarac était aussi au courant de ce qui se passait à la maison

5 de Karaman puisque c'est lui qui a dit, dans sa déposition, que ses

6 soldats lui avaient dit qu'ils allaient chercher une fille. Il s'agissait

7 du témoin 87. Il était au courant du concept et a admis lui-même avoir

8 appris par la journaliste qu'il y avait des viols perpétrés par des

9 soldats.

10 Toutes ces preuves ayant été apportées, il a malgré tout refusé de leur

11 apporter une aide quelconque; il était donc au courant.

12 Vukovic était membre du détachement indépendant Dragan Nikolic; il a

13 participé avec d'autres membres, tout comme Kovac, dans l'appartement de

14 ce dernier, avec DP6, à tous ces actes de réduction en esclavage. C'est la

15 raison pour laquelle il est repris, lui aussi, dans l'Acte d'accusation.

16 Il est donc absolument injustifiable et dénué de toute crédibilité que les

17 accusés n'aient pas été au courant du contexte dans lequel se sont

18 perpétrés la plupart de ces actes.

19 Parlons maintenant de la responsabilité personnelle, individuelle de

20 chaque accusé.

21 Chacun est responsable à titre individuel des actes de viols, tortures,

22 atteintes à la dignité de la personne et réduction en esclavage, pour

23 chacun des actes qu'il a personnellement et physiquement commis. De

24 surcroît, chaque fois qu'ils agissaient ensemble ou dans le cadre d'un

25 plan, tous les accusés doivent être tenus responsables des actes qu'ont

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1 commis les uns et les autres dans ce groupe de trois; aussi pour les actes

2 commis par d'autres soldats dans le cadre du même plan.

3 Par exemple, quand l'accusé Zoran Vukovic a violé le témoin 87 à l'école

4 secondaire, après que le soldat Dragan Zelanovic a réparti les filles, les

5 quatres jeunes filles qu'ils avaient, entre les quatre soldats, il devrait

6 être tenu responsable des quatre viols qui se sont alors commis. Il savait

7 ce qui se passait et il a alors participé de son plein gré, en toute

8 connaissance de cause, à l'exécution de ce plan.

9 De même, l'accusé Kunarac doit lui aussi être tenu responsable du viol

10 collectif commis à l'encontre du témoin 75, pratiqué par ses soldats qui

11 se trouvaient dans cette même maison, alors que lui, à ce moment-là,

12 violait le témoin DB. Puisque c'est lui qui a amené ces deux jeunes femmes

13 pour qu'elles y soient violées. Il savait ce qui se passait, il a

14 participé à ce plan. Il doit donc être tenu responsable de ce viol, comme

15 de tous les autres viols qui se sont produits dans cette maison aux

16 alentours, puisque c'est lui qui amenait les victimes du Centre des

17 Partisans.

18 L'accusé Kunarac voit sa responsabilité pénale personnelle engagée pour

19 les trois viols commis à l'encontre du témoin 183, viols qu'il a commis

20 lui et les deux autres soldats qui se trouvaient en sa compagnie; ils ont

21 agi de concert et l'ont violée sur les rives de la Drina.

22 Enfin, l'accusé Radomir Kovac doit être tenu responsable non seulement

23 d'avoir lui-même violé les témoins 87, 75, AS et AB, mais il doit aussi

24 être tenu responsable pour les viols commis par d'autres soldats.

25 Notamment par Jago Skotic, quand il s'est livré à des viols répétés du

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1 témoin AS. Il est aussi responsable des actes commis par les autres

2 soldats à qui il a donné les témoins 75 et AB.

3 Tous ces accusés doivent voir leur responsabilité pénale engagée pour la

4 commission de ces actes. De surcroît, l'accusé Kunarac encourt la

5 responsabilité du supérieur hiérarchique du fait du rôle qu'il jouait, lui

6 qui était commandant du détachement indépendant Zaga.

7 Je vais maintenant donner la parole à mon collègue Dik Ryneveld pour qu'il

8 se penche de plus près sur ces points.

9 Mme la Présidente (interprétation): Je vous remercie. Monsieur Ryneveld,

10 vous avez la parole.

11 M. Ryneveld (interprétation): Je vois l'heure qu'il est, Madame la

12 Présidente. Je puis vous dire que les éléments que je vais évoquer, la

13 responsabilité en vertu du 7.3 du Statut, ainsi que les éléments de preuve

14 seront évoqués l'après-midi. Si vous voulez, je peux commencer dès

15 maintenant, Madame la Présidente, mais je devrai terminer bien avant la

16 fin de l'audience aujourd'hui. A vous de décider.

17 Mme la Présidente (interprétation): Nous estimons que vous pouvez

18 commencer.

19 (Réquisitoire de M. Ryneveld.)

20 M. Ryneveld (interprétation): D'emblée, Madame et Monsieur les Juges, nous

21 disons qu'au vu de tous les éléments que vous avez entendus, vous ne

22 devriez avoir aucun doute sur le fait qu'au moment où se commettent des

23 infractions reprises dans l'Acte d'accusation, Kunarac était le commandant

24 d'autres soldats qui ont commis des crimes de guerre; il encourt donc la

25 responsabilité pénale visée à l'Article C3 du Statut.

Page 6298

1 Nous disons avoir prouvé qu'il était commandant, qu'il disposait d'un

2 commandement "de jure" et d'un commandement "de facto".

3 Je me propose de parler d'abord de la question du commandement "de jure".

4 Il nous faut nous rappeler qu'en vertu des éléments de preuve apportés au

5 moment où éclate le conflit armé, les Serbes de Bosnie ne désignaient pas

6 nécessairement leur commandant parmi des personnes qui auraient eu un rang

7 équivalent, un grade équivalent dans l'ex-JNA. En ce qui concerne

8 d'ailleurs les Musulmans de Bosnie, ils ne le faisaient pas non plus.

9 Le colonel Nogo, qui était chef de l'état-major du centre de formation, a

10 dit que le grade n'était pas pris en compte au début du conflit armé si

11 l'on voulait désigner un commandant. Dans sa déposition, il a indiqué que

12 ce qui était pris en compte, c'était la question de savoir si l'homme

13 éventuel était capable de diriger des hommes et d'assumer des

14 responsabilités. Rappelez-vous également de l'interrogatoire principal du

15 témoin Alic; il nous a dit que, même s'il n'était pas militaire de

16 carrière, il était devenu chef d'état-major du Groupe tactique 2. Il a

17 aussi indiqué qu'aucune de ces personnes au sein du groupe tactique ne

18 disposait de grades militaires.

19 Apparemment, il n'y a pas eu de grades militaires assignés avant l'année

20 1994. Auparavant, les fonctions de direction se fondaient sur les

21 responsabilités de fonction davantage que sur le grade.

22 Dans le même sens, l'armée des Serbes de Bosnie a suivi le même schéma au

23 début du conflit. L'expert de la défense, le général Radinovic, est venu

24 nous le dire. Il a convenu avec le colonel Nogo, ce que ce dernier avait

25 dit dans sa déposition, qu'au début de la guerre ce n’était pas le grade

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1 qui comptait, c’était la capacité à être un meneur d’homme et à assumer

2 des responsabilités.

3 Il a poursuivi, au cours de l’interrogatoire principal, en disant que:

4 "Dragoljub Kunarac était le chef d’un groupe de reconnaissance. La nature

5 de ses devoirs de fonction et de commandement découlait de la nature et du

6 type d’hommes dont il était responsable et qu’il commandait".

7 Ces termes viennent de la bouche même de l'expert de la défense qui a

8 déposé à ce moment-là en interrogatoire principal. Il a parlé du devoir de

9 commandement, de la responsabilité du commandement et, pour nous, il ne

10 fait pas l’ombre d’un doute que l’accusé Kunarac, premièrement, avait des

11 devoirs de commandement et de fonction; deuxièmement était responsable de

12 ces hommes et, troisièmement, les commandait à titre de jure, de même qu’à

13 titre "de facto".

14 Pensez également ce que nous a dit Kunarac lui-même dans sa déposition,

15 que ce soit lorsqu’il faisait une déclaration aux enquêteurs du Bureau du

16 Procureur avant le procès et devant vous à la barre des témoins. Tout

17 d'abord, dans sa déclaration fournie le 13 mars 1998, il dit qu’il arrive

18 à Foca avec cinq ou six hommes du Monténégro qui était tous des

19 volontaires. Ils ont rejoint les rangs des forces serbes de Bosnie

20 ensemble. Il a terminé en disant ceci: "A partir de ce jour-là, le 6 juin,

21 vous pouvez me considérer comme étant le commandant d'une unité spéciale

22 mais pas d’une unité paramilitaire. Il poursuit dans sa déposition, il dit

23 où ses hommes étaient logés lorsqu’ils n’étaient pas de service, je cite :

24 "Si vous me demandiez où se trouvaient mes hommes lorsqu’ils n’étaient pas

25 de service, il est vrai qu’il y en avait un groupe logé à l'adresse

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1 mentionnée ici". Il reprenait ici une mention faite de l'adresse dans

2 l'Acte d'accusation:

3 "-Question: Pouvez vous nous donnez l'adresse?

4 -Réponse: c’était le n°16 Osmana Dikica".

5 C'est là qu'ils retournaient lorsqu'ils rentraient du terrain pour se

6 changer, pour se laver ou se reposer. Ces concessions, à elles seules,

7 nous permettent de voir qu'il se considérait comme étant leur commandant

8 dès le 6 juin et à partir du 6 juin. Et que ces hommes voulaient se

9 trouver sous son commandement. De plus, il parle de ces hommes comme étant

10 ses hommes.

11 Avant le début du conflit armé, Kunarac était devenu caporal dans la JNA

12 et pendant le conflit armé, il a fait fonction de commandant d’un groupe

13 ou d’une formation militaire spéciale, se composant de dix à quinze hommes

14 en qualité de soldats de première classe. Il a reconnu avoir le grade de

15 caporal dans sa déclaration donnée de 22 avril 1999. De même, au cours du

16 contre-interrogatoire mené par la défense de l’expert de l’accusation le

17 colonel Nogo, le conseil de la défense M. Prodanovic a indiqué que Kunarac

18 lui-même avait le grade de caporal.

19 Si là, se trouvaient les seuls éléments de preuve dont vous disposez, nous

20 disons que leur valeur probante vous suffit pour conclure que Dragoljub

21 Kunarac était le commandant au moment des faits et vous pourrez ainsi le

22 juger responsable des actes ou des actions menés par ses hommes en vertu

23 du 7.3 du Statut. Mais ce ne sont pas là les seules preuves que nous vous

24 avons apportées.

25 Il y en a beaucoup plus et, avant de passer à ces autres moyens de preuve,

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1 je ne me demande si ce n'est pas le bon moment pour lever l’audience et

2 faire la pause déjeuner?

3 Mme la Présidente (interprétation): Je crois que nous n'avons pas tous la

4 même heure, car d'après l'écran il est 13 heures. En tout cas, nous allons

5 nous interrompre et reprendre à 14 heures 40.

6 (L'audience suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)

7 Mme la Présidente (interprétation): L'accusation va poursuivre l'exposé de

8 ses arguments. Maître Ryneveld?

9 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Madame la Présidente.

10 Veuillez à présent examiner l'argument selon lequel Kunarac était revêtu

11 de la responsabilité du commandant, du responsable hiérarchique "de jure",

12 en vertu de l’ordre de combattre du 7 juillet 1992, qui a fait l’objet

13 d’un grand nombre de dépositions. Vous vous rappellerez tout d’abord que

14 ce document a été versé au dossier avec la cote pièce 2. Vous vous le

15 rappellerez sans doute, c'est un document qui a été abondamment débattu au

16 cours de la présentation des éléments de preuve.

17 De la version anglaise de ce document de cinq pages, nous apprenons qu’il

18 a été signé par le colonel Marko Kovac en sa capacité de commandant du

19 Groupe tactique Foca. Il établit le plan d’attaque pour la bande

20 Ustikolina-Gorazde, attaque menée par les forces serbes de Bosnie contre

21 l’ennemi musulman ou Oustachis, comme ils les appellent. Il indique la

22 mission dont chacun est responsable, le lieu et la façon dont cette

23 mission doit être menée; il indique également la cible de cette opération.

24 L'ordre de combat est divisé entre divers postes de commandement qui se

25 voient assigner un certain nombre de tâches.

Page 6302

1 A la page 3, l’ordre fait référence au poste de commandement Ustikolina.

2 Sous cet intitulé, un certain nombre de détachements indépendants sont

3 cités et se voient confier des missions. En tout premier lieu, le

4 détachement indépendant Dragan Nikolic se voit ordonner de prendre part à

5 la libération et au nettoyage du village d’Illovaca.

6 Puis, ce qui est plus important dans l’affaire qui nous occupe ici, il est

7 fait référence au détachement indépendant Zaga et, d’après nous, le

8 document indique de façon limpide que "le Détachement indépendant Zaga

9 doit prendre part au nettoyage des zones habitées qui se trouvent en

10 direction de l’attaque du 5e Bataillon" (fin de citation).

11 Certes, il a été abondamment débattu de ces éléments de la représentation

12 des éléments de preuve. Nous nous sommes demandés ce que l’on entendait

13 par nettoyage et ce que voulait dire cet ordre exactement, mais nous

14 soumettons ici qu’il est tout à fait clair -et cela n’a d’ailleurs pas été

15 contesté- que cet ordre fait spécifiquement référence à l’accusé Kunarac

16 en tant que Zaga et qu’il s’agit bien de son détachement indépendant.

17 C’est ce détachement qui se voit confier des ordres par le commandant

18 colonel Marko Kovac.

19 Ce qui a été au cœur d'un débat assez nourri est le fait de savoir si le

20 détachement Zaga était véritablement un détachement indépendant, s’il

21 s’agissait d’un détachement ou d’un groupe, et même s'il était prévu que

22 l'on fasse référence à cette entité en tant que telle ou s'il s'agissait

23 d'une erreur commise par le colonel en charge du commandement.

24 Faut-il préciser -afin de correspondre à la théorie exposée par le général

25 Radinovic- que Zaga n’était pas un commandant per se, il faudrait qu’il

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1 ait essayé de vous persuader que la référence faite au détachement de Zaga

2 avait été faite par erreur. Je voudrais justement me pencher sur ces zones

3 quelque peu confuses.

4 D'abord, regardons ce qu’a dit le colonel Nogo lorsqu’il a parlé de cet

5 ordre de combat. Vous vous rappellerez que le colonel Nogo au moment de sa

6 déposition avait le grade de chef de l'état major pour le centre

7 d'entraînement au combat de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Glamoc. Lors

8 du début du conflit armé, il était capitaine au sein de l’ex-JNA. Il a

9 déposé à propos d’un certain nombre de questions qui étaient d’intérêt

10 pour la Chambre mais il s'est vu en particulier poser des questions

11 relatives à l'ordre de combat. D'après Nogo, cet ordre de combat devait

12 entrer en vigueur le 9 juillet à 5 heures du matin et il n'avait pas de

13 délai fixé, ce qui signifiait qu'il devait rester valide jusqu'à la levée

14 du siège de Gorazde. Etant donné que cette ville n’est jamais tombée entre

15 les mains serbes, Nogo a émis l’avis que cet ordre de combat devait rester

16 d'application pendant toute la période de temps. Lorsqu’il s’est vu poser

17 des questions quant aux termes -je cite- de "détachement indépendant», il

18 a indiqué que normalement -je le cite- "il s’agit d’un détachement qui est

19 placé directement sous les ordres de son commandement et qui mène à bien

20 ses tâches de façon indépendante ou dans le cadre des unités auxquelles il

21 est attaché" (fin de citation). Il a ajouté que le dirigeant du

22 Détachement indépendant Zaga recevait ses instructions directement du

23 commandant, le colonel Kovac. Il en est arrivé à la conclusion que -je le

24 cite- "la fonction et les devoirs de commandement du responsable de

25 Détachement indépendant de Zaga étaient extrêmement élevés" (fin de

Page 6304

1 citation).

2 Nous affirmons, ce qui est important, que lorsqu'il s'est vu poser la

3 question de savoir s’il était possible pour un caporal d’occuper un poste

4 de responsabilité aussi important ou s’il était possible de faire un

5 rapport directement au colonel, il a répondu -je le cite- "Nous faisons

6 référence ici à des devoirs opérationnels. Donc s’il est le commandant

7 d’un détachement indépendant, c’est là son devoir. Il n'est pas fait

8 mention ici de grade. Une tâche est confiée à un détachement et le

9 commandant d’un détachement, c’est le commandant" (fin de citation).

10 Nous sommes toujours en train de regarder cet ordre de combat et l’expert

11 de la défense, le général Radinovic, a abordé la question sous un angle

12 tout à fait différent. Dans le cadre du contre-interrogatoire, il a été

13 d’accord pour dire que l’ordre de combat, la pièce 2 -je le cite-

14 "contient tous les éléments qu’un ordre digne de ce nom doit contenir"

15 (fin de citation). Il a également été d’accord pour dire que l’ordre émis

16 à l’attention du Détachement indépendant Zaga donnait des ordres très

17 clairs à ladite unité.

18 Il a également affirmé que le Détachement indépendant Zaga était

19 subordonné à une responsabilité de commandement plus important mais il a

20 limité sa réponse en indiquant que c’était seulement pour cette tâche

21 donnée. Il a poursuivi pour indiquer qu'en dépit du fait que le mot

22 "détachement" était utilisé, il aurait dû être lu comme signifiant

23 "groupe".

24 D’après Radinovic, la différence, c’est qu’il ne s'agit pas là d'une unité

25 permanente mais d'une unité opérationnelle temporaire. Il a voulu essayer

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1 de faire croire à la Chambre que l’unité n’était pas une unité permanente,

2 dotée d’un commandant permanent mais qu’il s’agissait en fait d'une unité

3 ad hoc avec, je le suppose, un commandant ad hoc.

4 La référence faite au détachement dans l’ordre de combat était une erreur,

5 d’après Radinovic. La raison qui pousserait Radinovic de vous persuader du

6 fait que l’ordre de combat était une erreur, c’est qu’en fait, lors du

7 contre-interrogatoire, il a admis -je le cite- "qu'il s’agit là d'une

8 question d’une importance cruciale dès lors qu’il faut évaluer la

9 responsabilité du supérieur hiérarchique" (fin de citation).

10 Il était en désaccord avec l’affirmation du colonel Nogo selon laquelle

11 -je le cite- "la responsabilité, c’est la responsabilité: elle est la même

12 pour tous. Chaque grade suppose une certaine responsabilité. Si quelqu'un

13 est le commandant d'une certaine unité, il est responsable des agissements

14 de cette unité" (fin de citation).

15 La raison avancée afin d’être en désaccord avec le colonel Nogo s’appuie

16 simplement sur le fait que, d'après Radinovic, -je le cite- "afin que

17 quelqu’un soit le commandant d'une unité, il faut d'abord qu'il y ait

18 unité. Or, ici, il n'y avait pas d'unité" (fin de citation).

19 Avec tout le respect dû, ce n'est pas parce que Radinovic veut que vous

20 souhaitiez que cela est effectivement la situation qui prévaut, que vous

21 devez croire que c’est la situation qui se présentait à l'époque. Il faut

22 que vous soyez persuadés qu’il n’y avait pas de Détachement Zaga, que ce

23 n’était pas une unité permanente, parce qu’il a passé en revue les

24 documentations de tout le Corps de l’Herzégovine et il affirme qu’il n'a

25 rien trouvé qui aurait pu l’indiquer dans ces archives. Ipso facto, il

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1 conclut que cela n'existait pas.

2 C’est ce que conclut M. Radinovic. Si vous voulez le croire, il va falloir

3 vous tenir à sa seule parole, car personne d’autre, que ce soit

4 l’accusation, que ce soit la Chambre de Première Instance ou que ce soit,

5 je crois, les conseils de la défense, n’a eu la possibilité de vérifier

6 les documents dont Radinovic dit qu’ils ne contiennent aucune référence au

7 détachement de Zaga.

8 Cela étant dit, et toujours dans le cadre du contre-interrogatoire,

9 Radinovic s’est vu forcé d’admettre que, sur la base de ce qui était dit

10 dans l’ordre de combat, il n’y avait de distinction établie entre le 1er

11 détachement indépendant Dragan Nikolic et le détachement indépendant Zaga.

12 On parle de ces deux entités comme étant des "détachements". Il a reconnu

13 que le détachement Dragan Nikolic est une unité. Ce qu’il n'accepte pas,

14 c’est que cette même description du terme "détachement" puisse s’appliquer

15 à l'unité de Zaga ou Kunarac. La raison de cela -et c’est ce qu'il veut

16 vous faire croire-, c'est que les documents qu'il a seul pu consulter ne

17 disaient rien eu égard à la création de l'unité indépendante Zaga.

18 Pour ce qui est de cet élément de preuve, nous n'avons que la parole de Me

19 Radinovic sur laquelle nous appuyer. Il affirme que cet élément est tiré

20 d'un document strictement confidentiel qui se trouve dans les archives du

21 corps.

22 En réponse à la question que je lui posais lui demandant de savoir

23 pourquoi il ne pouvait pas ramener un exemplaire de ce document ici, au

24 prétoire, il a répondu: "Si je devais attacher tous les documents qui sont

25 d’intérêt, il faudrait que j’arrive avec un camion énorme; il faudrait que

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1 je vous apporte tout ce que j’ai pu examiner jusqu’à présent" (fin de

2 citation).

3 Allez-vous choisir d'accepter une réponse aussi floue à une question aussi

4 précise? Allez-vous accepter sa déposition comme étant recevable? Je vous

5 laisse le soin d’y répondre, Madame la Présidente, Madame le Juge,

6 lorsqu'il va vous falloir décider si vous voulez accepter sa déposition.

7 Cela étant dit, je vous demanderai de bien vouloir vous demander si vous

8 avez pensé que le reste de sa déposition était totalement crédible,

9 totalement impartial, présenté par une expert. Allez-vous pouvoir vous

10 appuyer sur ce qu’il a dit? Pensez-vous qu’il a avancé une opinion

11 factuelle et équilibrée? Si vous pensez, au vu de sa déposition, que vous

12 pouvez lui attribuer un certain poids, et je vous affirmerai, moi, que ce

13 qu'a dit le général Radinovic c'était plus quelque chose qui serait dit

14 par un partisan, par un défenseur que par un expert impartial.

15 Je crois que sur la base de ce qui vous a été présenté, le commandant

16 Radinovic voudrait vous faire croire que l'accusé n'était pas le

17 commandant d'une unité permanente, il voudrait vous faire croire qu'il

18 n'était pas soumis aux conséquences juridiques qu'entraîne la

19 responsabilité du supérieur hiérarchique. Je vous demanderai de regarder

20 aux évidences les éléments de preuve directe, à savoir l'ordre de combat.

21 L'ordre de combat est éminemment éloquent, il constitue un indice sérieux

22 selon lequel le Détachement indépendant Zaga était en fait directement

23 placé sous le commandement du commandant du bataillon. Il y a une chaîne

24 de commandement, il y a des preuves documentaires qui indiquent que le

25 Détachement indépendant Zaga existait et qu'il a été utilisé de la même

Page 6308

1 façon dans le même ordre de combat, dans la même structure de commandement

2 qu'a été utilisé le Détachement indépendant Dragan Nikolic.

3 Très respectueusement, je dirai que sur la base de ces faits très clairs,

4 vous ne devriez avoir aucune difficulté à en arriver à la conclusion que

5 Kunarac était le commandant du Détachement indépendant Zaga et que son

6 détachement était à son tour placé sous le commandement du colonel Marko

7 Kovac. En conséquence, Kunarac était un commandant responsable, au titre

8 de la doctrine, de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Restons

9 toujours sur cet ordre de combat et venons-en maintenant à cet intitulé du

10 texte qui parle de "nettoyage".

11 Le Pr Radinovic dit que le Détachement Dragan Nikolic était une unité

12 permanente et qu'il faisait partie du groupe tactique mais il affirme que

13 le groupe de Kunarac était reconstitué à chaque fois qu'une mission lui

14 était confiée.

15 Je vous invite maintenant à regarder cet ordre de combat pour ce qu'il

16 indique. Regardez la façon dont les choses sont établies: les deux entités

17 apparaissent sous l'intitulé "Poste de commandement Ustikolina caserne",

18 les deux sont décrites dans des paragraphes qui indiquent exactement

19 quelles sont leurs responsabilités. Les deux entités se voient chargées de

20 prendre part, entre autres, à des opérations de nettoyage. Bien. Vous vous

21 rappellerez sans doute ce qu'a dit le témoin Radinovic et ce que j'ai dit

22 moi-même à propos du nettoyage. Je ne vais pas m'attarder sur ce point, il

23 suffit de dire que Radinovic a essayé de vous persuader que "nettoyage"

24 cela voulait dire: débarrasser le terrain des mines, des engins explosifs

25 et cela ne voulait pas simplement dire: attendez les civils.

Page 6309

1 Il a ensuite indiqué que le groupe de Kunarac était particulièrement apte

2 à mener à bien cette tâche de nettoyage du terrain, notamment retrait des

3 mines et des engins explosifs mais, lorsqu'on lui a posé la question de

4 savoir si le Détachement Dragan Nikolic avait de tels experts en son sein,

5 il a dit que non ; il ne s'agissait pas d'une unité de reconnaissance.

6 Lorsque je lui ai demandé pourquoi il devrait également se voir demander

7 de mener à bien des opérations de nettoyage si ce terme ne supposait pas

8 de trouver des poches de résistance et d'arrêter l'ennemi, sa réponse a

9 été que tous les soldats devaient pouvoir déminer, retirer les engins

10 explosifs.

11 Il vous revient à vous, Madame et Monsieur les Juges, de décider si vous

12 allez accepter cette réponse. Il vous revient de décider si sur la base de

13 ces éléments de preuve, cette référence au "nettoyage" par les deux unités

14 n'équivaut pas à ce que ces deux détachements indépendants appartenaient

15 en fait au même type d'unité chargée des mêmes responsabilités. Radinovic

16 dans sa tentative d'établir une distinction a, d'après moi, établi une

17 distinction qui n'en est pas une et à laquelle on ne peut pas se rallier;

18 notamment, si on se base sur ce qu'a dit l'expert de l'accusation, le

19 colonel Nogo. Lorsque je lui ai demandé ce que voulait dire "nettoyage",

20 le colonel Nogo a répondu, je cite: "En tant de guerre, une activité de

21 nettoyage cela veut dire se battre dans les zones construites, se battre

22 contre les poches restantes de soldats ennemis. Cela signifie rassembler

23 les prisonniers qui se trouvent toujours sur le terrain, rassembler les

24 ennemis blessés, rassembler la population, déminer, nettoyer, emmener les

25 arbres qui restent" (Fin de citation).

Page 6310

1 Alors demandez-vous si cette définition n'est pas beaucoup plus précise et

2 logique que ce qu'a pu dire Radinovic notamment au vu du fait que les

3 Détachements Dragan Nikolic et Zaga s'étaient vus confier des tâches qui

4 étaient énoncés dans le même ordre de combat.

5 Enfin et toujours sur ce même point, le général Radinovic a été forcé par

6 une série de questions auxquelles il a dû apporter des réponses précises,

7 à admettre enfin que nulle part dans les documents qui régissent le

8 fonctionnement de l'armée, il n'y a pas de section qui indique que des

9 commandants opérationnels ne sont pas responsables des actions de leurs

10 subordonnés. Il a reconnu de vive voix, dans le cadre du contre-

11 interrogatoire, que ce qui était dit dans le paragraphe d'ouverture de son

12 rapport était comme suit, je cite: "La responsabilité du commandement

13 hiérarchique est la responsabilité d'un officier supérieur qui est

14 responsable des actes commis par ses subordonnés. Il exerce un contrôle

15 sur ses hommes" (Fin de citation.).

16 M. Hunt (interprétation): Est-ce que vous avez terminé sur ce point

17 précis, Maître Ryneveld?

18 M. Ryneveld (interprétation): Sur cette question de l'ordre de combat,

19 Monsieur le Juge?

20 M. Hunt (interprétation): Oui.

21 M. Ryneveld (interprétation): Eh bien, presque.

22 M. Hunt (interprétation): Excusez-moi. Lorsque vous avez dit "Finalement",

23 j'ai cru que vous en aviez terminé mais puisque je vous interromps,

24 permettez-moi une question.

25 Vous essayez d'établir une équivalence entre ce Détachement, ou de quoi

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1 qu'il s'agisse, avec le Détachement Dragan Nikolic. Que savons-nous de la

2 façon dont ce Détachement a été constitué? Est-ce que ce sont des

3 personnes qui se sont ajoutées, jour après jour, à cette entité comme

4 l'accusé veut nous le faire croire? Ou bien est-ce que c'était quelque

5 chose qui était sous la responsabilité de ce commandement? Est-ce que ce

6 commandant était responsable des actions de ses hommes, car c'est cela qui

7 nous intéresse ici précisément? Vous déployez un argument tout à fait

8 intéressant et vous vous appuyez sur ce que dit l'ordre de combat, mais

9 vous ne nous dites pas quel est le lien qui existe entre ce document et

10 l'un ou l'autre des deux détachements. Vous essayez de faire une

11 équivalence mais vous ne pouvez pas faire d'équivalence avec un élément

12 seulement.

13 M. Ryneveld (interprétation): J'essaie de vous montrer comment l'ordre de

14 combat établit cette équivalence. Ces deux entités sont sous le

15 commandement de Marko Kovac, ces deux entités ont un ensemble de

16 responsabilités très claires et ces deux détachements doivent avoir des

17 relations avec le colonel Kovac, ils doivent faire rapport de leurs

18 activités à cet homme.

19 Les éléments de preuve que nous avons, nous montrent que l'unité

20 indépendante Zaga fonctionnait d'une certaine façon. Il nous faut tirer

21 des conclusions de la façon dont elle fonctionnait afin de pouvoir établir

22 la structure qui était en place. Donc, nous avons maintenant les avis de

23 Nogo et de Radinovic; mon argument est le suivant et il est simple:

24 lorsque vous regardez ce que dit le document, il apparaît clairement qu'il

25 y a équivalence entre ces deux entités.

Page 6312

1 M. Hunt (interprétation): Mais savons-nous quoi que ce soit à propos de

2 cette autre unité, en dehors de ce que vous avez pu nous dire tout à

3 l'heure? Moi, je crois que nous n'avons rien.

4 M. Ryneveld (interprétation): Eh bien, nous savons qui étaient certains

5 des membres de cette unité. Nous savons que deux des coaccusés faisaient

6 partie de l'unité Dragan Nikolic ou du Détachement Dragan Nikolic et nous

7 savons qu'ils ont par exemple pris part à l'opération qui a eu lieu au

8 début avril, au rassemblement des prisonniers, des femmes et des enfants

9 qui se trouvaient dans les zones aux alentours de Foca. Nous savons qu'il

10 y a un ordre de combat qui leur donne des instructions pour ce qui doit se

11 faire après cette date et nous savons en outre qu'il y a un certain nombre

12 de membres de cette unité qui semblent avoir été des membres qui allaient

13 et venaient de la même façon que Zaga Kunarac le faisait. Ils avaient leur

14 propre appartement, ils n'avaient pas à rester dans des casernes. Il y a

15 donc beaucoup de similarités qui existent entre ces deux entités. Mais

16 pour vous répondre plus précisément…

17 M. Hunt (interprétation): Oui, c'est cette dernière partie qui

18 m'intéresse, le fait qu'ils pouvaient se déplacer relativement librement.

19 S'il y a des éléments de preuve sur ce point, je ne vous demande d'aller

20 les chercher là, tout de suite, mais j'aimerais tout de même savoir les

21 préférences qui sont susceptibles d'être trouvées sur ce point; peut-être

22 dans le compte-rendu. Ces hommes de l'autre unité ou de l'autre

23 détachement, quel que soit le terme que l'on choisisse, est-ce qu'ils

24 pouvaient vraiment se déplacer de la sorte?

25 M. Ryneveld (interprétation): Voyons si je peux vous apporter un début de

Page 6313

1 réponse, Monsieur le Juge, et vous apporterez des compléments plus tard.

2 Ce que j'essaie de dire, c'est que les éléments de preuve à charge

3 essayaient d'aborder dans le détail ce qu'il en était de cette Unité

4 indépendante Zaga.

5 Pour ce qui est de l'Unité Dragan Nikolic, nous savons qu'elle comptait en

6 son sein certains membres spécifiques.

7 Pour ce que j'essaie de dire à propos de leurs allées et venues, ce n'est

8 pas tellement leurs activités sur-le-champ de bataille qu’en dehors du

9 champ de bataille.

10 Je me demande si, à chaque fois qu’ils avaient une nouvelle mission, ils

11 n’essayaient pas d'enrôler de nouveaux membres.

12 Nous savons que les membres de l’unité indépendante Zaga avaient un

13 certain temps libre et pouvaient se rendre dans cette maison au n°16 de

14 cette fameuse rue et pouvaient prendre part à ces agressions sexuelles

15 dont ont été victimes des femmes emmenées de Partizan et d'autres endroits

16 encore. Donc le lien que j'essaie d'établir ici, c'est que les membres de

17 l'unité Nikolic, par exemple M. Kovac, M. Vukovic, avaient également la

18 possibilité d'avoir des appartements. Il n'étaient pas tenus de se tenir

19 dans les casernes, ils pouvaient aller dans des appartements ou d'autres

20 endroits où ils pouvaient trouver des femmes qu'ils allaient utiliser pour

21 assouvir leurs besoins sexuels.

22 Il y a d'autre activités qui semblent indiquer une certaine lien. Vous me

23 demandez, Monsieur le Juge, si, dans le compte rendu, il y a des éléments

24 de preuve qui nous permettent de savoir si oui ou non ces unités, l'unité

25 Dragan Nikolic notamment, étaient des unités permanentes ou pas. Ou si

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1 c'étaient des unités qui étaient capables d'intégrer de nouveaux membres.

2 Pour autant que je le sache, je ne crois pas que le compte rendu nous dise

3 quoi que ce soit sur l'unité Dragan Nikolic, mais j'essaie d'établir ces

4 autres liens que j'ai évoqués. J'essaie d'évoquer quelles sont ces

5 similarités qui existent. C'est l'argument que j'essaye de développer

6 devant vous.

7 M. Hunt (interprétation): Vous nous dites en fait que j'ai raison et que

8 ma mémoire est bonne. Eh bien, je vous remercie.

9 M. Ryneveld (interprétation): Effectivement, à moins que mes collègues me

10 disent que j'ai tort mais votre souvenir, Monsieur le Juge, est très

11 proche du mien sur ce point précis.

12 Vous m'avez demandé si j'avais presque terminé de traiter ce point. J'ai

13 dit que j'avais presque terminé, mais permettez-moi de très rapidement

14 faire une synthèse sur ce sujet précis. Nous disons que nous avons prouvé

15 la responsabilité du supérieur hiérarchique de Jure au-delà de tout doute

16 raisonnable, mais ce n'est pas encore là tous les éléments de preuve que

17 vous avez sous les yeux et qui ont trait à cette question de la

18 responsabilité du supérieur hiérarchique.

19 Une grande partie de ces éléments de preuve, en fait la majorité, ont

20 trait aux circonstances dont on peut tirer un certain nombre de

21 conclusions irréfutables, à savoir que l'accusé Kunarac exerçait une

22 autorité de supérieur hiérarchique de facto sur ses hommes. Les incidents

23 seraient trop nombreux à citer. Vous vous souviendrez de certains

24 incidents auxquels je n'ai pas fait référence dans mes arguments oraux et

25 je n'en ai pas non plus fait mention dans mon mémoire de clôture mais j'ai

Page 6315

1 essayé de vous donner une liste des incidents qui viennent rapidement à

2 l'esprit quand on y pense.

3 Ce que nous dit l'accusé lui-même: il a admis que l'ordre de combat lui

4 était adressé au détachement indépendant Zaga et qu'il a exécuté les

5 tâches qui lui avaient été confiées par cet ordre. Il admet qu'il a reçu

6 les instructions qui étaient des ordres directs donnés par le commandant

7 du bataillon qui était le responsable du ressort dans lequel il

8 travaillait. Il a parlé de lui-même dans un interrogatoire précédent et a

9 dit qu'il se voyait comme étant un commandant d'une des parties au

10 conflit, sous le commandement de ses autorités dans la région.

11 Au D, nous affirmons ceci. Il dit: "Je commandais, j'émettais tous les

12 ordres concernant le terrain. J'ai environ quinze hommes dans la région."

13 Il avait la possibilité de sélectionner ses hommes et de décider du nombre

14 qui lui fallait pour chaque mission qu'il fallait remplir. Vous vous

15 souviendrez des propos du colonel Nogo qui a dit que ce fait démontrait

16 que Kunarac bénéficiait de la confiance de ses supérieurs et recevait, de

17 ce fait, un degré de pouvoir considérable. Vous vous souviendrez que ces

18 hommes avaient été choisis parmi un groupe de personnes fidèles à Kunarac.

19 Nombre de ces hommes l'accompagnaient à chaque reprise, pour chaque

20 mission. Rappelez-vous ce qu'a dit Kunarac lui-même: beaucoup de ces

21 hommes sont venus avec lui du Monténégro et se sont inscrits dans l'armée

22 à condition de pouvoir servir dans la même unité que Kunarac.

23 F: il fait souvent référence à eux en parlant de "ses hommes", "mes hommes

24 à moi", comme il dit. En particulier lorsqu'on lui a posé une question à

25 propos de l'interview du 13 mars, il dit: "Si vous me demandiez où se

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1 trouvaient mes hommes quand ils n'étaient pas de service, il est vrai de

2 dire qu'il y avait un groupe logé à l'adresse mentionnée."

3 -Question: "Pourriez-vous nous dire quelle est cette adresse?"

4 -Réponse: "C'était la rue Osmana Dikica n°16. C'est là qu'ils se

5 trouvaient lorsqu'ils n'étaient pas de service. C'est là qu'ils revenaient

6 du combat pour se changer, se laver et se reposer."

7 Il donnait des ordres très clairs à ses hommes et ses hommes lui

8 obéissaient. Aussi, lorsqu'ils ne se trouvaient pas sur le "champ de

9 bataille".

10 Il y a un exemple particulièrement révélateur de tout ceci. C'est que

11 Kunarac, à un moment, semble avoir oublié le scénario de la défense qui

12 lui avait donné pour se défendre, lorsqu'il dit qu'il était le commandant

13 seulement lorsqu'il était en mission et qu'il n'avait aucun pouvoir sur

14 ses hommes lorsque la mission était terminée.

15 Je repense ici à la déposition du témoin 75 et au viol collectif de cette

16 personne, le 10 août, ainsi qu'au viol de DB. Il dit à la Chambre avoir

17 parlé avec Gaga de sa version, de la façon dont il avait été séduit par DB

18 et puis, il a fait référence aux filles qui se trouvaient à Miljevena et a

19 indiqué qu'il avait donné un ordre à Gaga pour que celui-ci les amène et

20 puisse être protégé par Kunarac.

21 Un autre exemple particulièrement éclatant du fait que Kunarac était leur

22 officier de commandement même si ses hommes n'étaient pas de service:

23 c'est l'incident qui concerne les allégations formulées par ce journaliste

24 féminin en ce qui concerne les viols dont s'était plaint notamment le

25 témoin 64.

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1 Dans sa déclaration du 13 mars, à propos de cet incident, il décrit ce qui

2 s'est passé lorsqu'il a confronté ses hommes aux allégations qu'avaient

3 formulées ces deux femmes en sa présence. Et il dit ceci: "J'ai alors

4 donné l'ordre militaire à tous ces hommes qu'ils sortent. Je n'en ai

5 laissé un qu'à l'entrée de la maison. Et à lui, je lui ai donné l'ordre de

6 ne permettre à personne d'entrer dans la maison."

7 Ce qui est encore plus intéressant, c'est le fait qu'ici, à l'audience, il

8 vous a dit dans sa déposition, il vous a montré clairement que ces hommes

9 lui étaient subordonnés par ces actions. Car il avait le pouvoir de

10 confronter ces hommes à telle ou telle réalité mais il jouait aussi le

11 rôle de commandant qui avait la possibilité et le droit de sanctionner et

12 de punir ses hommes pour leurs méfaits.

13 Il dit -je le cite-: "Lorsque nous, tous ensemble, sommes allés dans la

14 cour du numéro 16, je leur ai dit à tous que, vraiment, ils n'avaient rien

15 à voir ni à faire à cet endroit. J'étais fâché et furieux et je leur ai

16 dit que, s'ils recommençaient et m'impliquaient d'une quelconque façon, je

17 serais capable de les tuer et de viser à ce que ces hommes soient punis.

18 Et que je ferais tous les efforts possibles pour qu'ils soient punis. Et

19 puis, je suis parti au centre des partisans" (fin de citation).

20 Soyons clairs. Kunarac a rapidement fait remarquer qu'il n'était pas allé

21 au n°16 en tant que commandant, mais seulement comme homme qui avait été

22 insulté. Lorsqu'on pense à ces références, il vous incombera de savoir si

23 vous acceptez l'idée selon laquelle il n'avait pas d'ordre militaire à

24 donner.

25 Il voudrait vous faire croire qu'il avait l'intention de faire rapport

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1 afin que soient punis ses soldats.

2 Si c'est vrai, c'est là manifestement la prérogative dont bénéficie un

3 commandant et non pas un soldat. C'est-à-dire dire qu'il pouvait proférer

4 des menaces de faire rapport sur ses hommes pour qu'ils soient punis

5 lorsqu'ils ne se trouvaient pas sur le champ de bataille.

6 Kunarac a admis de façon détournée, pendant le contre-interrogatoire,

7 qu'en dépit de ceux qu'il avait voulu punir, il n'avait jamais sanctionné,

8 il n'avait jamais fait rapport de ce qui s'était passé à la police et aux

9 autorités militaires.

10 Mais il y a d'autres éléments de preuve, des indices de ce que Zaga était

11 le commandant de ces hommes lorsqu'ils n'étaient pas sur le champ de

12 bataille et qu'ils étaient à d'autres endroits où ils pouvaient violer et

13 infliger des sévices de toutes sortes. Il est clair que nous avons entendu

14 de la bouche de beaucoup de victimes que c'était Zaga le responsable et

15 l'on voit que ces hommes se comportent comme si c'était lui le

16 responsable, comme si c'était lui leur supérieur. Innombrables sont les

17 incidents qui nous ont été relatés ici, qui montrent que les victimes

18 savaient parfaitement que c'était lui, Kunarac, ou encore Zaga qui était

19 le responsable.

20 Il faut aussi se souvenir du fait que ces incidents ne sont pas apparus

21 sur le champ de bataille non plus. Rappelez-vous ce que vous disait le

22 témoin 191. Elle vous a dit que Kunarac lui avait dit, à elle, que c'était

23 lui le commandant. Et que "tout le monde le savait". Elle savait que

24 c'était lui le commandant parce qu'elle l'a vu, elle l'a entendu et,

25 d'après ce qu'elle vous a dit dans le cadre de sa déposition, elle était

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1 parfaitement sûre qu'il était le commandant. Elle a ajouté que, pour Zaga,

2 les jeunes filles étaient une récompense accordée aux soldats serbes pour

3 s'être emparés du col Rogoj. Le témoin 20 vous a dit également que les

4 soldats étaient des soldats de Zaga parce que c'était Zaga qui lui avait

5 dit que c'était ainsi que la situation se présentait. Zaga les avait

6 envoyés pour qu'ils la ramènent à la maison où elle se trouvait

7 précédemment. Le témoin 105 a indiqué -je cite- "que les soldats

8 s'adressaient à Zaga comme au chef et que c'était lui qui leur avait donné

9 l'ordre de les ramener au Partizan."

10 On lui a posé les questions suivantes:

11 "-Question: Lorsque vous avez vu Zaga à cette maison, pourriez-vous

12 décrire de quelle façon les autres soldats se comportaient à son égard?

13 -Réponse: J'ai eu le sentiment que c'était lui qui les commandait. Je l'ai

14 vu. C'est de cette façon qu'ils s'adressaient à lui."

15 Le témoin 75 vous a dit aussi que Zaga était le chef de ce groupe de

16 soldats. Elle le savait parce que c'était lui qui était le chef de tout le

17 monde.

18 De même, le témoin 87 vous a dit dans sa déposition:

19 "-Question: Pourriez-vous nous dire si Kunarac était le responsable des

20 autres soldats ou quels étaient les rapports existant entre eux?

21 -Réponse: J'ai eu l'impression que, quand Zaga venait au centre des

22 partisans, lorsqu'il nous emmenait dans cette maison près d'Aladza, que

23 c'était lui qui donnait les ordres. Je l'ai senti, j'avais le sentiment

24 que les autres soldats qui étaient présents l'écoutaient."

25 La défense voudrait vous faire croire que Zaga n'était le chef de ces

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1 hommes que lorsqu'ils étaient en mission, sur le terrain.

2 Il est très clair que ce que ressentaient ces femmes, ces jeunes filles,

3 c'est une impression qui s'est forgée à des kilomètres de distance du

4 champ de bataille; ces impressions, elles les ont eues; ces affirmations,

5 elles les ont entendues. Elles savent qui était le commandant de ces lieux

6 de détention, elles le savaient dans les maisons où elles ont été violées,

7 elles le savaient quand elles se trouvaient en compagnie des soldats, à

8 Foca ou aux alentours.

9 Le témoin 61 vous a dit qu'elle était arrivée à la conclusion que Zaga

10 était le responsable du groupe au vu de la façon dont il se comportait et

11 de la façon dont il a pris le témoin 183. On voyait que les autres soldats

12 le respectaient. Et elle a dit: "De la façon dont il se comportait aussi,

13 c'était évident que c'était un homme dangereux".

14 Zaga était le commandant des soldats. Ce fait ne se forme pas simplement

15 d'après les conclusions qu'ont tirées les filles à voir se comporter Zaga

16 et ses hommes, mais c'est ce qu'ont dit directement les soldats. Ils ont

17 dit que leur commandant allait venir. Je crois qu'il est utile de répéter

18 ce que disait le témoin DB dans sa déclaration.

19 "-Question: Qui était le commandant?

20 -Réponse: Zaga.

21 -Question: Et comment l'avez-vous appris?

22 -Réponse: Ils m'ont forcée à prendre une douche. Ils ont dit: "Va te

23 doucher parce que notre commandant va arriver". Et peu de temps après,

24 Zaga est arrivé".

25 Le témoin 191, lui aussi a entendu dire directement des soldats que Zaga

Page 6321

1 était leur supérieur. Elle vous a dit qu'elle avait parlé avec un jeune

2 garde qui avait mentionné le nom de Zaga.

3 Je la cite: "Il a parlé de Zaga. Il a dit que Zaga était son supérieur et

4 qu'il ne pouvait nous aider, qu'il ne savait pas lui où nous serions

5 emmenées, ni pourquoi nous étions emmenées."

6 Le témoin 191 n'a pas eu besoin de se baser sur ce seul incident pour se

7 forger cette opinion. Elle a pu tirer des conclusions tout à fait

8 adéquates du comportement qu'affichaient Zaga et ses hommes.

9 "-Question: Comment ces autres soldats se comportaient-ils par rapport à

10 DP6 et à Dragoljub Kunarac?

11 -Réponse: Avec beaucoup de respect. Chaque fois que DP6 entrait, je

12 comprenais que c'était l'homme qui décidait. C'était aussi vrai pour Zaga:

13 on voyait immédiatement que c'était lui qui avait la responsabilité de ces

14 soldats. On pouvait en juger par leur comportement".

15 Rappelez-vous aussi ce que vous disait le témoin 190.

16 Mme la Présidente (interprétation): Oui, Maître Prodanovic?

17 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, pour autant que je

18 puisse en juger, la personne mentionnée par mon collègue est un témoin

19 protégé. Il s'agit du témoin DP6.

20 Maître Ryneveld peut-il garder ce fait à l'esprit et je lui demanderai de

21 faire état de cette personne comme étant DP6. Ce nom peut-il être expurgé

22 du compte rendu d'audience?

23 Mme la Présidente (interprétation): Oui, rappelez-vous-en.

24 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je dois dire qu'au moment où cet

25 élément de preuve a été présenté, il n'y avait pas encore de mesures de

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1 protection à l'égard de cette personne. J'essaierai désormais d'en parler

2 comme étant DP6.

3 Mme la Présidente (interprétation): Oui, parce que vous savez qu'une fois

4 que les pseudonymes sont accordés, il faut les utiliser tout du long.

5 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je citais à ce moment-là ce que disait

6 le témoin; j'aurais dû expurger la citation.

7 M. Hunt (interprétation): Maître Prodanovic, ce n'est qu'expurger, ce

8 n'est pas éliminer du texte. C'est peut-être une question technique, mais

9 vous savez que le document public est le seul document dans lequel il sera

10 procédé à cette expurgation.

11 Mme la Présidente (interprétation): Poursuivez, Maître Ryneveld.

12 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Rappelez-vous également ce que vous

13 disait le témoin 190.

14 "-Question: Pourriez-vous nous dire quel rapport existait entre Zaga et

15 ses hommes? Vous avez parlé des hommes de Zaga: comment avez-vous pu tirer

16 cette conclusion?

17 -Réponse: Mais c'est lui qui avait le plus de pouvoir à cet endroit. C'est

18 lui qui donnait les ordres, qui leur disait ce qu'il fallait faire.

19 -Question: Et lorsque Zaga donnait des ordres aux soldats, est-ce qu'ils

20 lui obéissaient?

21 -Réponse: Oui". (Fin de citation.)

22 Il ne fait aucun doute, à notre avis, que les groupes de soldats qu'on

23 connaissait sous le nom des hommes de Zaga se trouvaient sous le

24 commandement de Kunarac. Et nous estimons que ce sont ces hommes, avec

25 Zaga, ont violé de nombreuses victimes qui sont venues à la barre, ici,

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1 dans ce procès. De ce fait, en vertu de la doctrine du supérieur

2 hiérarchique, Kunarac peut être tenu responsable de ces viols également.

3 Rappelez-vous aussi ce que vous ont dit de nombreux témoins, à savoir

4 qu'un groupe de soldats serbes, venant surtout du Monténégro, résidait à

5 une maison dans le quartier d'Aladza, à Ulica Osmana Dikica, n°16.

6 Les témoins 116 et 87 sont venues vous dire qu'elles avaient été emmenées

7 dans cette maison, en même temps que d'autres filles, à plusieurs

8 reprises, pour être violées. Ces femmes vous ont dit avoir été violées par

9 les soldats qui étaient les occupants de la maison. Chaque fois que

10 Kunarac se trouvait dans la maison, au n°16, c'était lui qui donnait les

11 ordres. C'étaient les autres soldats qui lui obéissaient.

12 Ceci nous permet de conclure, sans risque de nous tromper, que les hommes

13 qui violaient ces victimes dans cette maison, étaient des hommes sous le

14 commandement de Kunarac. Cette même témoin, le témoin 87, nous a dit que,

15 précédemment, elle ainsi que le témoin 50et le témoin DB avaient été

16 emmenées dans une maison proche de la gare routière où elle avait été

17 violée par deux hommes, dont Kunarac. Nous ne connaissons pas l'identité

18 exacte des deux soldats, si ce n'est celle de Kunarac, mais ceci nous

19 permet de conclure que ces hommes se trouvaient en compagnie de Kunarac

20 dans des circonstances pour le moins particulières et que ceci nous

21 indique bien qu'il s'agissait de ses hommes.

22 Soyons plus précis encore: nous vous demandons de tirer certaines

23 conclusions, mais celles-ci sont corroborées par le fait que le témoin 75

24 est venu vous dire que Kunarac les avait emmenées, elle et le témoin DB, à

25 la maison du n°16 à plusieurs reprises. Et elle se souvient d'une fois, au

Page 6324

1 cours de la nuit entre le 18 et le 25 juin 1992: Kunarac était venu au

2 Centre des Partisans avec son adjoint, Gaga, et un certain Bane qui était

3 lui aussi membre du Détachement indépendant Zaga. Ces hommes ont emmené

4 les jeunes filles à la maison du n°16; à leur arrivée, les soldats se

5 trouvaient déjà sur place et d'autres sont venus encore s'y ajouter par la

6 suite.

7 DB vous a relaté cet incident elle aussi. Elle vous a dit qu'elle avait

8 été emmenée dans une pièce, qu'elle y avait été violée par un soldat

9 surnommé Jure. Après quoi, Gaga l'avait violée lui aussi. Peu de temps

10 après, elle avait été violée par un jeune soldat mentionné comme étant le

11 fils de Gaga.

12 Ce qui est encore plus important pour montrer, pour prouver le lien

13 existant entre les viols commis contre ces victimes par ces soldats, c'est

14 ce que je vais vous présenter maintenant.

15 DB vous a dit que, peu de temps après avoir subi ces trois viols

16 successifs, Gaga lui avait dit qu'elle devait se doucher parce que son

17 commandant allait arriver. Vous avez déjà entendu dire que Gaga l'avait

18 menacée, que si elle ne satisfaisait pas son commandant, il allait la

19 tuer.

20 Vous connaissez ces deux versions de ce qui vous a été présenté, les

21 incidents qui se sont produits dans cette pièce, lorsque Kunarac est

22 arrivé. Il y a une chose qui n'est pas contestée puisque Kunarac lui-même

23 l'a admise: il a eu des rapports sexuels avec elle.

24 Vu les circonstances qui ont abouti à cet événement, il faudra préciser

25 quelque chose: au cours de ces événements qui se produisaient dans la

Page 6325

1 chambre à coucher, Gaga est entré dans la chambre et a demandé:

2 "Commandant, est-ce que tu es satisfait?"

3 Deuxièmement, par conséquent, Gaga et les autres qui avaient violé les

4 jeunes filles ce soir-là étaient des soldats se trouvant sous le

5 commandant de Kunarac.

6 Mais on peut aller même plus loin: alors que Kunarac et DB étaient dans

7 une chambre, le témoin 75 a subi une expérience horrible; elle a subi un

8 viol collectif, commis par environ quinze soldats pendant près de trois

9 heures. Beaucoup de ces soldats se trouvaient sous le commandement de

10 Kunarac.

11 Je le dis pour deux raisons. Kunarac savait ce qui se passait dans la

12 pièce où se trouvait le témoin 75. D'après le témoin DB, il a dit à cette

13 dernière qu'une des filles allait vraiment passer un mauvais quart

14 d'heure. Il doit avoir su ce qui serait réservé au témoin 75 qui se

15 trouvait dans l'autre pièce avec tous les autres soldats, dont Gaga et les

16 autres membres des hommes à Zaga, qui vivaient dans la maison. Le témoin

17 75 vous a dit qu'elle avait reconnu beaucoup de ces soldats par leur nom

18 ou leur surnom. Elle a reconnu Gaga, Jure Radovic, DP8, DP7 et les soldats

19 surnommés Tolja, Bane, Sepo, Puko et Miga, qui comptaient parmi les hommes

20 qui l'avaient violée cette nuit-là.

21 Je ne vais pas revenir à ces détails horribles du supplice qu'elle a subi

22 cette nuit-là parce qu'elle est venue vous le dire elle-même.

23 Elle vous l'a dit que, alors que Bane était en train de la violer, Kunarac

24 était entré dans la pièce et avait donné l'ordre à tout le monde de

25 quitter la pièce. C'est lui Kunarac qui avait dit au témoin 75 de se

Page 6326

1 rhabiller et c'est lui qui l'a reconduite avec le témoin DB au Centre des

2 Partizans.

3 Des conclusions sont à tirer manifestement de ces incidents. Vous verrez

4 que Kunarac avait le pouvoir de mettre fin à cette orgie de viol et de

5 violence sexuelle. Lorsque lui avait décidé qu'il était temps de ramener

6 les filles au Centre des Partizans, il s'est contenté de donner l'ordre à

7 ses hommes qui étaient encore occupés à violer ces jeunes filles pour les

8 obliger à partir. Et ce qui est intéressant de remarquer, c'est que ses

9 hommes ont obéi à son ordre. Vous avez ainsi deux indices de la

10 culpabilité et de la responsabilité de Kunarac en vertu du 7.3. Tout

11 d'abord, nombre des hommes qui ont été reconnus comme étant auteurs de

12 viol cette nuit-là dans cette maison étaient des hommes sous son

13 commandement. Deuxièmement, ceux qui n'ont pas été reconnus par leurs noms

14 ou par leurs surnoms ont obéi à ses ordres dans les faits. Le témoignage

15 même de Kunarac nous a montré que cet homme avait rejoint les forces

16 serbes de Bosnie ainsi qu'Alestar Krnojelac surnommé "Ako" et Ljubisa

17 Markovic. Je ne vais pas revenir sur les circonstances du rassemblement de

18 tous ces hommes mais vous savez qu'ils s'étaient arrêtés en chemin à

19 Niksic où les avait rejoints Miroslav Kontic surnommé "Konta" ainsi que

20 DP8. Ces cinq hommes ont poursuivi leur route en direction de Foca et nous

21 savons que ces hommes n'étaient prêts à rejoindre ces forces que s'ils

22 servaient sous le commandement de Kunarac.

23 Mme la Présidente (interprétation): Maître Kolesar?

24 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, Monsieur le Juge, mon

25 client demande l'autorisation de se rendre aux toilettes pendant que M.

Page 6327

1 Ryneveld poursuit son réquisitoire.

2 Mme la Présidente (interprétation): D'accord. Le témoin peut quitter le

3 prétoire.

4 M. Kolesar (interprétation): Je vous remercie, Madame la Présidente.

5 M. Ryneveld (interprétation): Vous voulez que je poursuive, où que

6 j'attende son retour?

7 Mme la Présidente (interprétation): Non, parce que son avocat de toute

8 façon est présent au prétoire et l'accusé a d'ailleurs dit que vous

9 pouviez poursuivre.

10 M. Ryneveld (interprétation):Oui, je voulais simplement tirer ceci au

11 clair. Je vous remercie, Madame la Présidente.

12 Je viens de parler de ces soldats qui devaient faire partie de ceux qui

13 habitaient au n°16 et ils faisaient partie du groupe des hommes de Zaga

14 qui ont commis des viols à cet endroit. L'accusation fait valoir qu'au vu

15 des éléments de preuve qui ont été présentés, il a été établi que Kunarac

16 était au commandement d'un groupe de soldats comprenant notamment Milika

17 Kovacevic, Uros Radovic, Jure, Miroslav Kontic surnommé "Konta", Dragutin

18 Vukovic surnommé "Gaga", DP8, Bane, Miga, Miko et Puko qui faisaient

19 partie du noyau dur. D'autres éléments de preuve vous sont montrés, et

20 c'est Kunarac même qui les a apportés, qui montrent que lui-même et son

21 adjoint Gaga Vukovic, DP8, DP7 et Konta Kontic habitaient au n°16 de la

22 rue Osmana Dikica alors que le gros de l'unité demeurait dans la maison

23 voisine.

24 Quelles sont les preuves que nous avons de la participation des hommes se

25 trouvant sous le commandement de Kunarac aux viols et aux violences

Page 6328

1 sexuelles infligées à ces femmes et à ces jeunes filles qui

2 déclencheraient cette responsabilité au titre du 7.3?

3 Tout d'abord, nous avons le fait qu'au moins deux de ces hommes, DP8 et

4 Konta Kontic, ont violé le témoin 75 dans cette maison dans la nuit du 2

5 août 1992, la nuit où a été détruite la mosquée.

6 Deuxièmement, en une autre occasion alors que le témoin DB était obligée

7 de "satisfaire" Kunarac dans une autre pièce, le témoin 75 a été victime

8 d'un viol collectif, notamment commis par Jure Radovic, DP8 et DP7 ainsi

9 que par les soldats surnommés Toljo, Bane, Sepo, Puko et Miga; et pendant

10 ce supplice, Bane a menacé d'arracher un des seins de la victime de son

11 couteau. Les témoins 190 et 205 vous ont dit aussi avoir été violées par

12 ces soldats au n°16 dans la nuit du 2 août. Plus tard, au cours de cette

13 même nuit, DP7 a emmené le témoin 190 dans une maison près de la gare

14 routière où il l'a violée. Kunarac était présent lorsqu'un autre soldat a

15 violé le témoin 216 et il a vu qu'elle pleurait, qu'elle était dans un

16 état de désespoir absolu. Jure, le soldat qui avait les cheveux en catogan

17 a violé le témoin DB dans le couloir de la maison n°16 lors de la nuit de

18 l'explosion de la mosquée. Jure a aussi violé le témoin 75 et à en juger

19 par la description faite par le témoin 105, son violeur devait être ce

20 même Jure puisque lui aussi avait une queue de cheval ou un catogan. Sans

21 revenir ou sans s'attarder sur tous ces détails qui sont repris par des

22 notes en bas de page dans notre mémoire de clôture, l'accusation affirme

23 que beaucoup des hommes qui se trouvaient sur le commandement de Zaga se

24 sont rendus coupables de viol et violence sexuelle à l'encontre de

25 beaucoup des jeunes filles qui sont venues déposer ici. Ma collègue, Mme

Page 6329

1 Uertz-Retzlaff, vous a déjà donné le détail de ces incidents de viol

2 commis par Kunarac et ses hommes.

3 Kunarac en est ainsi responsable en vertu de sa responsabilité visé au 7.3

4 du Statut puisque cette conduite s'est produite soit à son instigation,

5 sur ses encouragements alors qu'il était au courant de ce qui se passait

6 et aussi avec son assentiment rétroactif. Il n'a rien fait pour empêcher

7 la poursuite d'un tel comportement et n'a rien fait pour le punir ou en

8 faire rapport aux autorités. Comme le colonel Nogo nous l'a dit dans sa

9 déposition: "Un commandant qui tolère ce type de comportement et fournit

10 des femmes à ses hommes n'est rien d'autre qu'un proxénète". Parlons

11 maintenant de la sentence à appliquer en l'espèce. Il n'est pas facile du

12 tout de déterminer la peine à imposer à chacun de ces accusés. Ce qui est

13 certain, c'est qu'aucune peine imposée par cette Chambre ne pourra rendre

14 justice à ces jeunes filles vu les souffrances qu'elles ont subies entre

15 les mains de ces hommes mais la communauté internationale n'attend pas de

16 votre part simplement que la justice soit faite mais qu'elle le soit de

17 façon manifeste. Afin d'accomplir cet objectif, l'accusation estimait

18 qu'il faut que nous nous penchions maintenant sur les principes appliqués

19 dans la jurisprudence à ce Tribunal en matière de peine. D'emblée, il faut

20 comprendre que le seul recours disponible en vertu du caractère unique de

21 notre mandat et de ce statut, c'est celui de la réclusion. La question

22 maintenant est de savoir quelle devrait être la peine imposée à chacun de

23 ces accusés pour les crimes commis par eux. Pour déterminer cette question

24 capitale, la Chambre devrait conformément à la jurisprudence de ce

25 Tribunal tenir compte des principes de la punition, de la dissuasion de la

Page 6330

1 déchéance ou de la mise en incapacité légale des éléments dangereux de la

2 punition et de la réinsertion.

3 Il faudra bien sûr tenir compte aussi de la gravité des infractions, des

4 facteurs aggravants, des circonstances atténuantes et de la grille des

5 peines pratiquée dans l'ex-Yougoslavie, ainsi que de la jurisprudence

6 établie par le droit pénal international.

7 Je vais rapidement mettre en exergue certains de ces éléments en gardant

8 bien sûr à l'esprit le fait que nous avons établi tout ceci et présenté

9 ceci dans notre mémoire de clôture de façon circonstanciée.

10 Les chefs retenus dans l'Acte d'accusation sont la réduction en esclavage,

11 la torture, le viol et les atteintes à la dignité de la personne. Ce sont

12 là des violations extrêmement graves du droit international humanitaire.

13 Les témoignages vous l'ont montré: ces nombreuses victimes ont été chacune

14 terrorisées, soumises à des supplices physiques et mentaux incroyables.

15 Ces filles étaient désespérées, ne savaient pas ce qu'il allait devenir

16 d'elles. Elles n'ont pas seulement subi ces souffrances, la honte et la

17 terreur d'être victimes de viols répétés, elles ne savaient même pas si

18 elles allaient pouvoir survivre à tout ce qu'elles subissaient. La peur de

19 l'inconnu, les menaces de mort à bout portant se superposaient au

20 traumatisme de ces viols, de ces violences sexuelles incessantes qui leur

21 étaient imposées par d'innombrables soldats.

22 Les victimes vous-mêmes vous ont dit comment elles se sentent aujourd'hui,

23 plus de huit ans après les crimes. L'une d'entre elles vous a dit ce

24 qu'elle avait subi de la part de Kunarac et que ces souvenirs étaient

25 encore une grande douleur pour elle et pour son âme. Une autre vous a dit

Page 6331

1 qu'aujourd'hui encore elle a peur quand on frappe à l'improviste à sa

2 porte. D'autres parlent de cauchemars récurrents encore à ce jour.

3 Personne, aucune d'entre elle n'oubliera. Et ce ne sont là que certains

4 des exemples de toutes les souffrances infligées à ces jeunes filles et à

5 ces femmes.

6 Il n'y a pas que le viol lui-même; c'est aussi la façon dont il est commis

7 qui compte. Vous l'avez vu, beaucoup de ces soldats ont violé avec une

8 rage non contenue, beaucoup de ces victimes ont été victimes de viols

9 collectifs. Un soir, une jeune fille a été violée par quinze soldats de

10 suite. D'autres étaient violées, quelquefois sous les yeux de leurs

11 petits-enfants, de leur mère; ou alors ceux-ci le savaient. Beaucoup ont

12 souffert au moment des viols mais elles en souffrent encore aujourd'hui;

13 elles sont encore sous traitement après les traumatismes de 1992. Ce sont

14 des expériences à ce point terrible qu'une victime est venue vous dire

15 qu'elle aurait préféré la mort. Une autre encore a été à ce point touchée

16 par tout ce qu'elle avait vécu que, même une fois en sécurité dans un pays

17 tiers, elle a essayé de se suicider. Enfin, pour beaucoup de ces jeunes

18 femmes, de ces jeunes filles musulmanes, il y a le stigmatisme qui

19 s'attache dans leur culture au viol, ce qui fait qu'elles n'ont plus

20 aucune dignité, qu'elles n'ont plus aucune chance de se voir mariées et,

21 en tout cas, que leur statut au sein de leur communauté est tout à fait

22 diminué. Les faits de ces crimes continuent de hanter les victimes et leur

23 famille.

24 L'accusation fait valoir qu'il faut tenir compte de la gravité de ces

25 infractions pour imposer, pour déterminer la peine.

Page 6332

1 J'en viens maintenant à l'étude des éléments aggravants.

2 Il faut d'emblée rappeler ici que les victimes étaient sans arme, qu'il

3 s'agissait de femmes civiles musulmanes qui étaient sans défense. Elles

4 ont été rendues plus vulnérables encore en étant maintenues en détention

5 dans des conditions inhumaines qui ont entraîné la perte de poids, la

6 famine, la perte de sommeil et le fait d'avoir à vivre dans des conditions

7 absolument déplorables de saleté. Nombre d'entre elles ont vécu dans la

8 crainte d'être abattues. Elles ont dû être témoins de ce que les autres

9 enduraient, ont entendu les autres au milieu de leur supplice, y compris

10 des membres de leur famille qui étaient abattus par leurs geôliers.

11 Deuxièmement, souvent des jeunes filles âgées de 12 à 16 ans ont été

12 désignées pour être emmenées à l'extérieur et violées.

13 Venons-en à l'étude du cas de M. Kunarac. Nous affirmons ici qu'en tant

14 que commandant des autres soldats, le comportement de Kunarac est

15 particulièrement répréhensible. C'est lui qui a montré l'exemple à ses

16 soldats; c'est lui qui, par son comportement, a encouragé activement la

17 perpétration de crimes de guerre contre des femmes civiles sans défense

18 qui ont été livrées aux mains de soldats. Voilà un autre facteur

19 aggravant. Non seulement il a fait sortir des jeunes femmes, des filles de

20 leur lieu de détention, non seulement il les a violées mais il a encouragé

21 d'autres hommes à les violer. Il a également failli dans son devoir qui

22 était d'empêcher que ses hommes perpétuent ces crimes. Il n'a ni puni ni

23 fait part de la perpétration de ces crimes à ses supérieurs ainsi que la

24 loi l'exigeait.

25 Autre facteur aggravant: ces crimes n'ont pas été des crimes ponctuels,

Page 6333

1 ils se sont déroulés pendant une période de temps considérable. Kunarac et

2 ses hommes ont fait partir du centre de détention Partizan un certain

3 nombre de jeunes femmes et de jeunes filles régulièrement, entre le 13

4 juillet et le 13 août. Il a soumis à un esclavage sexuel des témoins tels

5 que les témoins 191 et 186 qui ont été ainsi maintenues en esclavage

6 pendant un mois et demi à la maison de Trnovace.

7 Vous vous souviendrez qu'au cours de mes déclarations liminaires, j'ai

8 soumis un tableau établissant des dates, les lieux, les victimes, les

9 auteurs des crimes. J'essayais ainsi de vous montrer ce que vous alliez

10 entendre au cours de la présentation des moyens à charge. Nous avons

11 également ajouté une annexe A à notre mémoire de clôture: des tableaux

12 similaires qui indiquent exactement ce qu'a dit chaque témoin, chaque

13 victime. Cela est soutenu par les éléments de preuve qui ont été versés

14 par le biais de ces témoins durant le procès.

15 Vous verrez que nous avons listé tout ce qui a été dit par les victimes

16 avec une séquence de temps très clairement définie disant également ce qui

17 leur a été fait, par qui, où, quand et comment.

18 Ce qui devient très clair lorsqu'on regarde ces tableaux, c'est que ces

19 comportements criminels s'étendaient, prenaient toutes sortes de formes.

20 Il a été -ce comportement- renouvelé en de nombreuses occasions; le nombre

21 de perpétrateurs étaient également très important et ces comportements ont

22 été perpétrés pendant une période de temps qui indique à quel point les

23 victimes ont dû souffrir toutes sortes de supplices.

24 Ces crimes n'ont pas été sûrement motivés par la concupiscence, il y avait

25 dans ces crimes une nature beaucoup plus insidieuse. Nombre de

Page 6334

1 comportements criminels se basaient sur la haine ethnique ressentie pour

2 les Musulmans; ils se fondaient sur la discrimination religieuse et la

3 discrimination sexuelle. Kunarac a souvent insulté ses victimes, utilisant

4 des termes ethniques alors qu'il était en train de perpétrer ses crimes.

5 Regardez maintenant la multiplicité des victimes. Les éléments de preuve

6 indiquent que Kunarac, directement ou indirectement, a participé aux viols

7 des témoins 50, 75, 87, 95, 183, 186, 191, ainsi que 175, les témoins RK

8 et JG. Et ce n'est pas tout. Vous vous souviendrez également que ces viols

9 n'étaient pas des viols ponctuels: nombre de ces victimes ont été violées

10 par lui de façon répétée, sur une longue période de temps. Ce qui est pire

11 encore, c'est que les témoins 50, 87, 186, 191 et JG n'étaient que des

12 enfants par la définition et la loi qui prévaut dans nombre de pays au

13 moment où ils ont été violés. Pensez également, si vous le voulez,

14 qu'après avoir violé le témoin 183 sur les rives de la rivière Cehotina,

15 il a menacé de faire du mal à son fils, l'a injurié, puis l'a dépouillé de

16 tout son argent et de tous ses biens, de tous ses bijoux notamment. Voilà

17 également des facteurs aggravants selon nous.

18 Deuxième facteur aggravant: il découle de ce qui a été dit par l'accusé

19 Kunarac devant cette Chambre de première instance. Il vous est permis de

20 conclure qu'il a témoigné de façon erronée alors qu'il était sous

21 déclaration solennelle. Il l'a fait, d'après nous, à la fois lorsqu'il a

22 parlé du viol de DB et à propos de son moyen de défense fondé sur l'alibi.

23 Si la Chambre de première instance en arrive à la conclusion qu'il a en

24 fait monté ces éléments de preuve de toutes pièces, alors il s'agirait là

25 de circonstances aggravantes que l'on pourrait assimiler à un outrage au

Page 6335

1 Tribunal ainsi qu'au fait que cela montre une absence absolument éhontée

2 de remords pour le seul comportement qui a été le sien. Le seul

3 comportement qui pourrait même commencer à ressembler à l'expression d'un

4 remord a été le récit qu'il a fait d'un incident qui touchait le témoin

5 DB, dont il a néanmoins dit qu'il s'agissait pour lui d'une forme de

6 séduction qui avait été pratiquée par ce témoin à son égard à lui.

7 Il vous revient à vous de voir s'il manifeste réellement du remord ou s'il

8 essaie simplement de se faire passer lui-même pour une victime.

9 Venons-en maintenant au cas de M. Kovac. Non seulement M. Kovac peut se

10 voir attribuer tous les facteurs aggravants qui ont été décrits pour M.

11 Kunarac, mais M. Kovac fait montre d'un trait de caractère inutilement

12 mauvais, inutilement gratuit dans la perpétration de ses crimes. Par

13 exemple, il a menacé de trancher la gorge des témoins 87 et 75. Pendant

14 cette même période, il gardait à sa disposition le témoin 75 dont il a

15 fait son esclave sexuel et il s'est vanté auprès de lui d'avoir tué le

16 frère de ce témoin.

17 Est-ce qu'il n'a pas ainsi ajouté à la douleur et à la violence mentale

18 dans lesquelles se trouvait sa victime captive sans défense? Il a

19 également passé à tabac les témoins 75 et 87, il les a forcées à

20 s'humilier plus avant encore en dansant nues sur une table alors qu'il les

21 menaçait de son fusil. Vous vous souviendrez également que 75 et 87 vous

22 ont rapporté l'incident au cours duquel Kovac a menacé de les tuer. Il les

23 a forcées à se rendre à l'extérieur, nues, alors qu'il faisait froid. Il

24 les a forcées à se diriger vers les rives de la rivière. Pendant tout ce

25 temps, ces jeunes filles étaient terrifiées, pensaient qu'elles allaient

Page 6336

1 être abattues.

2 Ce n'est que lorsque Kocic a réussi à localiser ces jeunes femmes, à

3 intervenir qu'elles ont pu rentrer dans l'appartement où elles ont été

4 autorisées à se nettoyer. Le fait que sa menace de les tuer ait été rendue

5 si publique au niveau local et embellie avec toute cette publicité, le

6 fait que tout ceci se soit passé constitue un facteur aggravant.

7 Il apparaît également qu'il prenait plaisir à ce qu'il faisait. Il a

8 notamment pris beaucoup de plaisir à violer les témoins 75 et 87, toutes

9 les deux dans le même lit alors qu'il écoutait la musique du "Lac des

10 Cygnes". Il semble également se repaître de ce facteur de contrôle qu'il

11 aimait exercer. Il jouait l'hôte complet, parfait pour les soldats serbes,

12 notamment l'accusé Zoran Vukovic; il les invite dans son appartement, il

13 les invite à se servir de ces femmes qui sont ses esclaves sexuelles. Il a

14 dit au témoin 75 qu'il la battrait ou qu'il enverrait sa jeune fille de

15 douze ans, AB, pour qu'elle soit violée.

16 Regardez également la période de temps pendant laquelle il les a réduites

17 en esclavage. Il a gardé 87 et AS dans son appartement pour environ quatre

18 mois, AB et 75 s'y sont trouvées pendant un mois supplémentaire avant

19 qu'il ne les transfère comme du bétail vers un autre soldat.

20 Il a également montré sa propriété sur 87 pendant sa réduction en

21 esclavage. Il a promis à Zegic, un autre soldat qu'il pouvait violer le

22 témoin 87.

23 Vous avez entendu que Kovac et son complice Kostic ont violé les témoins

24 AS, 87, 75 et AB qui avait douze ans, presque chaque nuit à partir du

25 moment où ils se sont trouvés dans l'appartement Lepa Breva.

Page 6337

1 Enfin, il a manifesté son mépris pour toutes ces personnes: il les a

2 considérées comme du bétail puisqu'il a vendu A et C87 pour quelque 500 DM

3 à d'autres soldats. Le témoin 75 vous a dit qu'elle avait vu Dragec

4 acheter AB, qui avait douze ans, à Kovac. Kovac a ri lorsqu'il a vu le

5 soldat compter 200 DM.

6 L'audace de l'affirmation qu'il a faite devant vous en disant que "le

7 témoin 87 était tombé amoureuse de lui, qu'elle voulait l'épouser" est,

8 d'après nous, un facteur aggravant supplémentaire. En effet, cela ne

9 montre pas du tout du remords pour son comportement vis-à-vis du témoin

10 87; bien au contraire, un tel moyen de défense indique à quel point la

11 dignité des témoins a été dénigrée de façon continue.

12 J'en viens enfin au cas de Zoran Vukovic. Le comportement de Zoran

13 Vukovic, conformément aux éléments de preuve qui vous ont été présentés

14 couvre toute l'étendue des actes perpétrés contre les civils musulmans

15 pendant le conflit armé.

16 Vous avez entendu les éléments de preuve qui indiquent comment il a pris

17 part à l'attaque militaire lancée contre les civils qui, ensuite, ont été

18 détenus à Buk Bijela. Alors qu'il se trouvait là, selon le témoin 50, il a

19 demandé qu'elle pratique une fellation sur lui alors qu'il était armé d'un

20 couteau. Il a également fait pratiquer une fellation par le témoin 75 dans

21 l'appartement de Kovac; juste avant de le faire, il lui a dit qu'il avait

22 tué et abattu son oncle près de la rivière Drina. Le fait que son oncle

23 ait été abattu et tué n'était pas quelque chose dont elle n'était pas au

24 courant: elle le savait déjà. Le fait que ce soit Vukovic qui l'ait fait

25 était la partie la plus bouleversante de l'information.

Page 6338

1 En fait, le calcul était très clair: il fallait accroître la souffrance

2 ressentie par cette victime, lui montrer qu'il avait un certain contrôle

3 sur sa vie et sur celle des membres de sa famille.

4 Cette information, qu'elle soit véridique ou pas, ajoute un autre

5 paramètre, nous indique que cet homme qui avait affirmé avoir tué son

6 oncle était, dans cet instant, en train de la violer.

7 Ce n'est pas là la fin de la liste de ses crimes de guerre. Il a également

8 participé à un viol collectif au cours duquel plusieurs femmes ont été

9 violées simultanément par des soldats. Vukovic, à cette époque, a violé le

10 témoin 87, qui était encore mineure.

11 Vous choisirez peut-être d'examiner également son comportement dans le

12 prétoire, au moment de déterminer sa peine. Son comportement, comme cela

13 est décrit plus intégralement dans notre mémoire de clôture, indique

14 clairement que l'accusé n'a aucun remords et indique de quelle façon il

15 perçoit la solennité qui doit toujours présider aux audiences qui se

16 tiennent devant ce Tribunal.

17 Venons-en maintenant au chapitre des circonstances atténuantes.

18 Malheureusement, la procédure ne nous révèle pas grand-chose qui nous

19 permette d'invoquer légitimement des circonstances atténuantes pour l'un

20 quelconque des accusés.

21 Comme cela a été dit précédemment, la seule chose qui puisse vaguement

22 être assimilée au concept de remords provient de ce que Kunarac, dans son

23 récit de comment il avait compris, avec le temps, que le témoin DB

24 n'agissait pas de son plein gré mais agissait sous l'impact de la terreur,

25 est la seule chose qui pourrait constituer une circonstance atténuante.

Page 6339

1 Mais il a ensuite annulé tout ce qui pouvait être mis sur le compte de

2 circonstances atténuantes en affirmant qu'il avait été plus ou moins

3 séduit par ce témoin. Il n'a même pas essayé d'exprimer son remords lors

4 de cet incident.

5 Pour être tout à fait juste, je crois me souvenir qu'il a fait un

6 commentaire sur le fait que le témoin 75 avait été victime d'un viol

7 collectif et qu'il se sentait coupable à ce propos. Il vous revient de

8 savoir si ce commentaire peut être commenté comme une déclaration de

9 remords, auquel cas cela peut éventuellement être considéré comme une

10 circonstance atténuante.

11 Pour ce qui est de Kovac, on peut dire en sa faveur que, pour autant que

12 l'accusation le sache, il n'a pas de dossier judiciaire, de casier

13 judiciaire préexistant.

14 On peut suggérer que nous parlons ici d'hommes qui sont des chefs de

15 famille, qui ont des enfants et qui, d'une certaine façon, pourraient

16 bénéficier de cela comme étant une circonstance atténuante. Par ailleurs

17 -et bien au contraire-, le fait que leurs victimes étaient souvent de très

18 jeunes filles, certaines ayant à peine douze ans, fait de cet argument

19 selon lequel il s'agit de pères de famille un facteur aggravant.

20 Soyons équitables: il faut bien dire que, pour l'un d'entre eux, Vukovic,

21 et pour seulement l'un d'entre eux, il y a eu remords au moment de

22 perpétrer des atrocités sexuelles pires encore que celles qui avaient été

23 déjà commises contre une jeune fille; il s'est retenu parce que sa victime

24 avait à peu près le même âge que sa propre fille.

25 Enfin, il faut dire que Kunarac s'est volontairement rendu aux autorités

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1 du Tribunal. Cela est vrai, mais il ne faut pas lui donner trop de poids

2 au moment de s'interroger sur la pertinence des circonstances atténuantes.

3 Les recommandations de l'accusation à la Chambre de première instance,

4 regardant la détermination de la peine, prend en considération tous les

5 facteurs que j'ai indiqués.

6 Au moment de faire ces recommandations et afin de rester aussi succinct

7 que possible, je me propose de demander une sentence globale pour chacun

8 des accusés. Je ne propose pas de faire des recommandations pour une

9 sentence spécifique pour chaque chef d'accusation.

10 Donc, l'accusation se propose de recommander les sentences suivantes pour

11 chacun des accusés dans cette affaire.

12 Pour l'accusé Kunarac, l'accusation demande à ce que la peine qui lui soit

13 attribuée ne soit pas inférieure à trente-cinq ans de prison. En faisant

14 cette recommandation, l'accusation attire l'attention de la Chambre de

15 première instance sur les facteurs aggravants suivants: le nombre de

16 victimes qu'il a violées, les commentaires qu'il a faits à l'intention

17 d'un certain nombre de ses victimes alors qu'il était en train de les

18 violer et le fait qu'il était le commandant et qu'il a permis à ses hommes

19 d'avoir accès à ces femmes; ces hommes étaient placés sous son

20 commandement et il leur a permis de les violer. Il a montré à ses hommes

21 un exemple en violant lui-même ces femmes.

22 Pour ce qui est de Kovac, nous demandons à ce qu'il reçoive une peine

23 d'emprisonnement qui ne soit pas inférieure à trente ans. Voici les

24 circonstances aggravantes que nous souhaitons mettre en avant dans le

25 cadre de cette recommandation: l'accusé Kovac a réduit en esclavage le

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1 témoin 87 et le témoin AS, et ce, pendant une longue période de temps au

2 cours de laquelle elles ont été soumises à des agressions sexuelles ainsi

3 qu'à d'autres formes de traitements cruels et dégradants; le fait que le

4 témoin AB n'avait que douze ans, le fait que l'accusé Kovac considérait

5 ces femmes comme étant sa propriété propre, finissant même par les vendre

6 pour 500 DM pièce, et le fait qu'il a forcé ses victimes à marcher nues

7 dans la rue, provoquant ainsi la totale humiliation de ses victimes.

8 Pour ce qui est de l'accusé Vukovic, l'accusation est d'avis qu'il doit

9 être emprisonné pour une période totale qui ne soit pas inférieure à

10 quinze ans, et ce, sur la base des circonstances aggravantes suivantes:

11 les circonstances entourant le viol du témoin 50, une jeune fille de seize

12 ans, viol au cours duquel l'accusé Vukovic a menacé la mère du témoin 50,

13 le témoin 51, et a demandé son assistance afin de trouver le témoin 50 qui

14 se cachait à Partizan. Enfin, le fait qu'il ait violé le témoin 97, une

15 jeune fille de quinze ans.

16 Au nom de l'accusation et à moins que les Juges de la Chambre aient des

17 questions à nous poser, tels sont nos arguments.

18 Je vous remercie.

19 M. Hunt (interprétation): Monsieur Ryneveld, vous faites des

20 recommandations s'agissant de l'établissement de la peine: est-ce que vous

21 avez des références à telle ou telle affaire qui a été traitée dans le

22 droit international, qui soit à l'appui de ces recommandations?

23 Je n'ai pas compulsé les textes et vous ne faites pas référence, ni par

24 écrit ni oralement, à celles-ci.

25 M. Ryneveld (interprétation): Oui, nous avons établi des références dans

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1 notre mémoire de clôture et je vous ai dit que, si j'ai agi de la sorte

2 ici à l'audience, c'était dans l'intérêt de la rapidité. J'ai fait

3 référence à ces différentes doctrines et à cette jurisprudence. Nous

4 estimons qu'au vu de celles-ci, ce sont les peines qui s'imposent.

5 M. Hunt (interprétation): Vous dites que vous y faites référence dans vos

6 écritures, dans vos conclusions écrites: est-ce que là, vous faites

7 référence à d'autres cas analogues entraînant la même peine?

8 M. Ryneveld (interprétation): Non, je ne dis pas nécessairement qu'on ait

9 établi ce même genre de peine que ce soit 30 ans, 25 ou 15. Ici, nous

10 avons essayé d'établir une analyse de la jurisprudence établie par d'autre

11 tribunaux, voire les peines imposées dans ces cas analogues mais vous

12 savez qu'il ne s'agit pas ici d'un procès sur des viols comparables à

13 d'autres bien sûr. On ne peut pas dire nécessairement qu'il y ait beaucoup

14 de précédents. Nous avons bien sûr la décision Furundzija; nous avons

15 d'autres procès dans lesquels le viol était invoqué.

16 M. Hunt (interprétation): Oui, mais je parlais d'autres sources que celles

17 venant du Tribunal même.

18 M. Ryneveld (interprétation): Nous avons fait référence aux affaires

19 mentionnées par Mme Kuo, notamment dans le cas du Batavia,. Et je pense

20 que ces huit ou neuf affaires ont été citées en guise de référence.

21 M. Hunt (interprétation): Eh bien, je le trouverai sans doute dans le

22 deuxième volume de vos conclusions car ceci n'apparaît pas dans le premier

23 volume. C'est ce qui me préoccupe pour le moment. Mais si vous me dites

24 qu'il s'y trouve quelque part, je regarderai par la suite.

25 M. Ryneveld (interprétation): Je ne sais pas si sont invoqués d'autres

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1 précédents sur ce point. En effet, et il est heureux d'ailleurs qu'il n'y

2 ait pas eu beaucoup de procès portant sur ce même problème et nous avons

3 fait référence à l'affaire Batavia, avec les Japonais. Nous avons

4 également fait référence à d'autres procès relevant de la jurisprudence de

5 ce Tribunal et du TPIR.

6 Je ne peux pas dire qu'il y ait eu vraiment une foule d'autres procès

7 analogues qui nous permettraient de tirer des précédents.

8 Peut-être que c'est ce procès-ci qui va établir un précédent pour

9 l'avenir. Je vous remercie.

10 Mme la Présidente (interprétation): Je vous remercie.

11 Nous allons maintenant nous tourner vers la défense. Nous pouvons

12 commencer car il nous reste quelques minutes avant que se termine

13 l'audience d'aujourd'hui.

14 Maître Prodanovic, je vais vous donner la parole.

15 (Plaidoirie de M. Prodanovic.)*

16 M. Prodanovic (interprétation): Je vous remercie, Madame la Présidente,

17 Monsieur le Juge.

18 Je vais commencer ma plaidoirie par la position commune adoptée par les

19 défenses de M. Kunarac, de M. Vukovic et de M. Kovac, s'agissant des

20 questions générales, à savoir des rapports existant entre ces accusés. Au

21 cours des débats, les avocats des trois accusés se sont comportés et ont

22 agi de concert au vu de toutes les questions ayant trait aux moyens de

23 preuve à charge ou à décharge. Les conseils des accusés souhaitent

24 souligner d'emblée que la défense, en l'espèce, est unie, indépendamment

25 du fait que M. Kunarac, M. Kovac et M. Vukovic, dans l'Acte d'accusation

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1 modifié présenté dans la partie liminaire ou évoqué dans la partie

2 liminaire du réquisitoire, en fait n'avaient été mis en accusation que par

3 rapport à un seul Acte ou un seul Acte d'accusation portant sur divers

4 incidents se situant dans la même période de temps, même s'ils n'ont rien

5 à voir entre eux.

6 Les conseils de la défense souhaitent souligner que les accusés, les trois

7 accusés au moment des faits ne se rendaient pas visite, n'avaient pas de

8 contacts sociaux l'un avec l'autre, ne se connaissaient que de vue. Que,

9 par conséquent, ils n'ont pas agi de concert, ni ensemble, avec une

10 attention unique et commune.

11 La défense de Kunarac, Kovac, Vukovic souligne qu'il n'y a absolument

12 aucun lien et que l'accusation n'a pas pu prouver qu'il y ait eu un lien

13 entre les agissements de Kunarac, Kovac et Vukovic, de sorte que les actes

14 individuels, tels que décrits dans l'Acte d'accusation modifié, qui était

15 soumis le 8 décembre 1999, concernant Dragoljub Kunarac et Radomir Kovac,

16 et le 3 mars de l'an 2000, concernant Zoran Vukovic, ces documents doivent

17 être établis et traités comme des documents indépendants ou des Actes

18 d'accusation indépendants pour chacun de ces accusés: et pour l'un des

19 accusés et comme un autre Acte d'accusation pour les deux autres accusés.

20 Le manque de desseins communs est d'une importance prédominante puisque

21 nous allons en parler lors de l'analyse individuelle qui est liée à chacun

22 de ces accusés lors de notre présentation finale qui sera faite pour

23 chacun des accusés plus tard.

24 La position commune de la défense pour les trois accusés parlera des faits

25 étalés dans les Actes d'accusation sur le caractère des centres dont nous

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1 avons parlé, du statut des civils de nationalité musulmane et aux

2 événements qui ont eu lieu peu de temps avant les déclarations de la

3 guerre et après. Nous allons également parler des événements qui ont été

4 décrits comme étant des actes criminels et que l'on charge chacun des

5 accusés; nous allons en parler séparément à la fin de notre plaidoirie.

6 Pour pouvoir parler de chaque point de l'Acte d'accusation, pour pouvoir

7 établir le début des combats sur le territoire de Foca et pour parler des

8 éléments que l'on charge aux accusés Kunarac, Kovac et Vukovic, il faut

9 bien nous mettre dans un contexte historique et dans un contexte

10 économique qui prévalaient sur le territoire de Foca juste avant le début

11 de la guerre.

12 Sans connaître ces faits, nous pourrions tirer de fausses conclusions et

13 c'est la raison pour laquelle nous allons les étaler un peu plus en

14 longueur lorsque nous allons parler du droit matériel.

15 La défense a analysé en détail le survol et, en fait, a parlé d'un survol

16 historique qui parle de mouvement de la population. La défense n'en

17 parlera pas, ne parlera pas des organisations musulmanes qui existaient

18 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie mais nous allons parler seulement de

19 la formation de l'Etat musulman sur le territoire.

20 La défense ne parlera pas des partis politiques puisque le tout est déjà

21 étalé dans les plaidoiries et dans les mémoires écrits, mais nous allons

22 parler du SDA, du SDS et du HDZ. C'est à ce moment-là que les problèmes

23 ethniques ont commencé à se faire valoir concernant les actes du SDS et du

24 HDZ.

25 La défense a parlé en détail, dans la section D et E, du début du conflit

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1 en Bosnie-Herzégovine sur le territoire de la municipalité de Foca dans

2 lequel elle parle du fait que les Musulmans s'armaient. Les éléments de

3 preuve de la défense ont pu démontrer qu'à Foca, il y avait des unités

4 armées et bien organisées. Il est certain que jusqu'au début de conflits

5 armés ou que les conflits armés ont éclaté après que la communauté

6 internationale a accepté la Bosnie-Herzégovine comme territoire municipal

7 de la municipalité de Foca, c'est à ce moment-là que les premiers conflits

8 ont eu lieu entre les membres de ce territoire qui, par la suite, est

9 devenu un conflit armé afin d'avoir une prise de pouvoir à Foca.

10 Lors de ces conflits armés, tels que nous les avons démontrés dans notre

11 mémoire…

12 Mme la Présidente (interprétation): Monsieur Prodanovic, pourriez-vous,

13 s'il vous plaît, ralentir le débit?

14 Vous parlez également des événements qui ont eu lieu avant le conflit

15 armé. En fait, pour la partie dont vous parlez maintenant, pourriez-vous

16 être, s'il vous plaît, un peu plus bref là-dessus puisque ce n'est pas

17 vraiment important? Nous ne voulons pas établir qui a commencé la guerre

18 et quelles sont les raisons pour lesquelles la guerre a éclaté.

19 Nous le savons déjà, nous savons très bien qu’il y a eu un conflit armé.

20 M. Prodanovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente. Je serai très

21 bref.

22 Il y a donc eu un conflit armé entre les groupes ethniques locaux et ce

23 conflit a été un conflit spontané qui a débuté pour établir une prise de

24 pouvoir. Dans la section F, la défense a détaillé notre position, la

25 position sur l’Acte d’accusation qui parlait du fait que les forces serbes

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1 n’ont pas eu une prise de pouvoir de Foca mais qu’il y a eu établissement

2 du pouvoir.

3 Concernant le KP Dom, nous ne pouvons pas en parler puisqu’on ne peut pas

4 établir un lien entre ce dernier et les accusés, puisque nous disons qu’il

5 n’y a pas eu de conditions inhumaines: il n’y a pas eu de centres de

6 détention, il n’y a pas eu de tortures psychiques et physiques, et il n’y

7 a pas eu de mauvais traitements puisque les conditions où les gens

8 n’avaient rien à manger étaient les mêmes pour tout le monde.

9 C’est ce que les témoins de la défense et les témoins de l’accusation ont

10 pu établir. Il n’y a pas eu d’arrestations de civils ni de passages à

11 tabac, comme on le voit dans l’Acte d’accusation. Et la défense croit que

12 ces derniers n’ont pas été prouvés et on n’en a même pas parlé, en fait,

13 devant cette Chambre.

14 La défense défend sa position que ce concept d’Acte d’accusation nous met

15 dans un dilemme: elle nous demande si l'on a permis d’établir tous les

16 faits. L’accusation part d’éléments généraux et, dans ce contexte, place

17 chacun des accusés, alors la défense maintient la position que nous avons

18 démontrée qu’il ne s’agit pas de positions fondées, surtout lorsqu’on

19 parle des accusés.

20 L’accusation prétend qu’il y a eu des prisons, des bordels, des formations

21 paramilitaires. Ces faits sont fondés surtout sur un principe de ouï-dire.

22 Nous ne pouvons pas établir un Acte d’accusation en nous basant sur ces

23 principes, surtout lorsque les charges sont aussi sérieuses.

24 Outre les faits qui sont établis dans l’Acte d’accusation, l’accusation

25 concernant Kunarac et Kovac parle des faits généraux de l’Acte

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1 d’accusation dans lesquels certaines choses se sont répétées de façon non

2 systématique et que ces faits sont étalés. La défense l’a analysé dans son

3 mémoire final par écrit, mais nous aimerions néanmoins souligner le fait

4 qu’il n’y a pas eu de projet ou de plan. Il n’y a pas eu une attaque

5 systématique généralisée sur les civils d’origine musulmane.

6 Nous aimerions mentionner que, sur le territoire de la municipalité de

7 Kalinovik, il n’y a pas eu de conflit et que ce conflit a eu lieu sur la

8 ligne de démarcation qui existait entre Kalinovik et Trnovace, que les

9 accusés n’ont aucun lien entre les événements qui ont eu lieu à Gacko et

10 que, devant cette Chambre, nous n’avons pas parlé de ce qui s’est passé

11 sur le territoire des autres municipalités. Et que, de ce fait,

12 l’accusation n’a pas prouvé, au-delà de tout doute, la généralité ni la

13 façon systématique; elle n’a pas parlé non plus de l’arrivée des civils

14 sur la municipalité de Kalinovik et n’a pas démontré que l’on pouvait

15 faire un lien entre ces derniers et les accusés.

16 Nous aimerions souligner qu’au cours du conflit armé sur le territoire de

17 la municipalité de Foca, il n’y a pas eu d’attaque opérée sur la

18 population civile et, lors du combat, il y a eu une division du territoire

19 où chacune des parties a voulu établir la prise de pouvoir -les civils ont

20 quitté ce territoire- qui correspond à la doctrine militaire et tout à

21 fait légitime: elle ne peut pas représenter d’emprisonnement et ne peut

22 pas être prise non plus pour une attaque contre une population civile.

23 C’est peut-être le moment opportun pour lever la séance pour la journée?

24 Mme la Présidente (interprétation): Oui. Il est 16 heures d’après notre

25 horloge. Nous allons poursuivre nos débats demain matin à 9 heures 30.

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1 (La séance est levée à 16 heures.)

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