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1 (Jeudi 6 décembre 2001.)
2 (Audience d'appel, sous la présidence de M. le Juge Jorda.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 34.)
4 (Audience publique.)
5 M. le Président: Veuillez vous asseoir.
6 Madame la Greffière, veuillez faire rentrer les accusés, s'il vous plaît.
7 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
8 Bien. Nous allons reprendre notre troisième et dernière matinée d'audience
9 pour l'affaire Kunarac. Je le dis pour ceux qui nous entendent dans la
10 galerie du public.
11 Je voudrais d'abord saluer les interprètes et m'assurer ainsi qu'ils sont
12 bien là et leur dire bonjour.
13 Les interprètes: Bonjour, Monsieur le Président.
14 M. le Président: Bonjour le conseil des accusés, le conseil du Procureur,
15 les accusés.
16 Nous allons tout de suite reprendre au point où nous en étions arrivés.
17 C'est-à-dire, Monsieur le Juriste hors classe, que nous avions traité du
18 côté du Procureur des problèmes de l'esclavage. C'est cela, Monsieur John
19 Hocking? Et nous avons donc maintenant à traiter… Vous pouvez l'annoncer.
20 Nous avons terminé, c'est donc vous-même.
21 Nous vous écoutons. Vous deviez traiter les charges cumulatives, n'est-ce
22 pas?
23 (Présentation des arguments du Bureau du Procureur relatifs aux "charges
24 cumulatives", par Mme Rashid.)
25 Mme Rashid (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
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1 hier, j'ai terminé mes conclusions sur le premier motif d'appel qui avait
2 trait à la réduction en esclavage.
3 Je passe en deuxième motif, ce qui serait assez bref. Il porte sur les
4 indices de réduction en esclavage, et puis, je passerai au cumul des
5 déclarations de culpabilité.
6 Messieurs les Juges, les appelants font valoir que, s'agissant des crimes
7 de réduction en esclavage, il faut qu'il y ait l'intention de détenir une
8 personne dans un endroit pendant un période prolongée aux fins spécifiques
9 d'avoir des rapports sexuels.
10 Les appelants affirment que la réduction en esclavage doit se faire sans
11 qu'il y ait de limite dans le temps. "Si la période est limitée -disent-
12 ils- il n'y a pas réduction en esclavage".
13 Tout d'abord, la mens rea a été constatée par la Chambre de première
14 instance à juste titre. Il n'y a pas de définition dans le droit
15 international coutumier qui exige l'intention spécifique de réduire en
16 esclavage. La seule existence, c'est qu'il y ait l'exercice intentionnel
17 d'un tel pouvoir.
18 S'agissant de la détention, l'accusation n'a jamais affirmé que le chef en
19 réduction en esclavage ne peut se prouver que par la détention.
20 La Chambre de première instance a conclu que les actes, les omissions des
21 appelants allaient plus loin que la simple détention.
22 L'accusation a résumé l'ensemble des actes au paragraphe 5.173 de la
23 réponse globale de l'accusation, qui reflète les faits matériels à l'appui
24 des chefs de réduction en esclavage dans l'Acte d'accusation.
25 Pour ce qui est de la durée de détention, la Chambre a demandé aux
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1 appelants ce qui constituerait une période limitée. En réponse, hier je
2 pense, les conseils ont dit qu'il était difficile de délimiter ceci dans
3 le temps, qu'il fallait le voir dans le contexte d'autres éléments
4 constitutifs. Nous sommes d'accord.
5 Remarquons que dans ces conclusions, ces plaidoiries au procès, la même
6 question a été posée par le Juge Mumba, Présidente de la Chambre. Le
7 conseil a répondu qu'il faut une durée minimum de cinq mois, cinq mois ou
8 plus. C'est ce qui se trouve à la page 5523 du compte rendu d'audience.
9 Hier, je pense qu'il a dit à cette Chambre qu'il faut que ce soit 11 ou 12
10 mois. Ceci ne nous aide aucunement.
11 La durée, c'est un des nombreux facteurs que la Chambre peut examiner
12 puisque, dans le crime, on parle de l'exercice du droit de propriété. Il
13 faut s'attacher aux aspects de contrôle dans le comportement des auteurs.
14 La durée, c'est quelquefois le moins important des facteurs.
15 La Chambre a dit, au paragraphe 542, que "l'importance est tributaire
16 d'autres indices de réduction en esclavage".
17 Le conseil de Kunarac a fait valoir qu'il a fait des visites sporadiques à
18 cette maison où le témoin 186 et le témoin 191 étaient réduits en
19 esclavage, et il est dit que ce fait-là évacue tout indice de réduction en
20 esclavage. Mais ceci n'est pas une exigence posée.
21 Les faits montrent que Kunarac a détenu ses victimes pendant des périodes
22 indéfinies. Il ne les a jamais remises dans les lieux initiaux de
23 détention. Par exemple, le témoin 186 a été détenu pendant six mois et
24 elle n'a réussi à s'échapper qu'avec l'aide d'un autre soldat.
25 La question qui se pose vraiment, c'est de savoir si Kunarac a exercé en
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1 tout ou en partie des droits de propriété. Monsieur Carmona va revenir sur
2 ce point par la suite.
3 Pour ce qui est des indices de travail forcé, on a fait valoir que les
4 femmes ont vaqué de leur plein gré à des activités ménagères, que ceci
5 n'est pas équivalent à un travail forcé comme indice de réduction en
6 esclavage. Ce dernier aspect veut dire que l'on réduit quelqu'un en
7 esclavage, qu'on fait de quelqu'un un esclave.
8 Nous avons examiné le comportement criminel sous l'angle des actes des
9 auteurs. Le crime de "réduction en esclavage" s'attache ou se concentre
10 sur l'auteur, pas sur la victime.
11 Les conséquences des actes des auteurs sont pourtant pertinentes, dans la
12 mesure où ils déterminent les raisons sur lesquelles une victime est
13 obligée de rester et ne peut pas s'échapper, est obligée de se soumettre
14 plutôt que de résister.
15 Par conséquent, la Chambre n'a pas versé en erreur dans son paragraphe 542
16 où on nous dit: "Un des indices de la réduction en esclavage, c'est que le
17 consentement ou le libre-arbitre de la victime est absent et que dès lors
18 tout ceci est impossible ou sans intérêt pour d'autres raisons telles que
19 la répression psychologique, la captivité, la détention ou des conditions
20 socio-économiques".
21 Nous avons les conventions de 1949 sur la répression de la traite des
22 personnes et de l'exploitation sexuelle pour des fins de prostitution si
23 on montre que l'on punit aussi ceux qui exploitent à des fins de
24 prostitution. Nous avons d'autres affaires américaines où on dit qu'il n'y
25 a pas d'esclavage volontaire. La servitude involontaire, même s'il y a un
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1 traitement correct, demeure néanmoins de l'esclavage.
2 Le témoin 87 a pensé qu'il était normal de faire des travaux ménagers pour
3 les personnes qui le tenaient en captivité mais ceci n'a pas d'importance.
4 C'est sans importance de voir que ces femmes n'auraient pas conçu ces
5 actes comme étant difficiles.
6 Les femmes sont placées dans une situation où elles n'ont pas de choix,
7 elles n'ont pas de temps, elles n'ont aucun libre-arbitre dans le choix de
8 leur travail, de leurs mouvements. Une fois qu'une victime est placée dans
9 un état d'esclavage, elle perd tout contrôle sur toutes les facettes de sa
10 vie; que ce travail soit forcé ou pas est sans importance.
11 Les appelants font également valoir que les victimes n'ont pas été placées
12 sous contrainte physique, qu'elles étaient libres de se déplacer, que les
13 geôliers n'étaient pas là tout le temps. Mais l'accusation sait bien que
14 des femmes ont dit avoir été dans des cafés, dans des bars, mais elles
15 n'ont jamais été seules. Elles étaient toujours avec Kovac ou avec des
16 amis.
17 Le témoin 191 a dit avoir reçu une clef de la maison pour pouvoir aller
18 faire des courses. Mais la Chambre de première instance a noté, au
19 paragraphe 740, qu'elle n'avait nulle part où aller se cacher, qu'elle ne
20 pouvait se cacher nulle part et que Kunarac le savait pertinemment.
21 Une personne mise en esclavage, par définition, ne peut pas exercer sa
22 liberté, son autonomie. Elle ne peut pas entrer dans une condition
23 librement et y rester. C'est dans cette condition que se trouvait le
24 témoin 87, du fait des actes des appelants et de toutes les personnes qui
25 sont allées là. Elle avait l'impression qu'elle était simplement un bien,
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1 une propriété. C'est d'ailleurs ce qu'elle a dit à l'audience, que même
2 après avoir quitté l'appartement de Kovac, lui, les avait emmenées, elle
3 et le témoin AS. Il a fallu beaucoup d'années avant qu'elle n'ait le
4 courage d'aller chercher un billet pour partir en bus et pour s'échapper
5 au Monténégro. A ce moment-là, Kovac ne les détenait plus.
6 Le contrôle psychologique, la répression sont des indices psychologiques
7 de l'esclavage. Des limitations à l'autonomie peuvent être psychologiques
8 ou situationnelles, sans qu'il y ait contrainte physique. Je vous ai donné
9 des facteurs et des incidents, mais qu'il ne faut pas voir de façon
10 isolée. Il faut les voir dans le contexte qui montre qu'il y a absence de
11 libre-arbitre. A l'audience, les témoins ont essayé d'expliquer leur
12 sentiment de confinement, de peur, pourquoi elles ne pouvaient tout
13 simplement pas prendre la fuite.
14 La Chambre n'a pas du tout versé dans l'erreur lorsqu'elle dit, au
15 paragraphe 742, que le témoin 191, le témoin 186 n'avaient pas vraiment
16 d'option: elles n'avaient pas la possibilité de s'échapper.
17 En conclusion, permettez-moi de dire que le crime de "réduction en
18 esclavage" dont les appelants ont été jugés coupables s'est produit dans
19 des lieux à un moment où les atrocités étaient commises en toute impunité
20 contre les Musulmans, où des femmes, des enfants vulnérables étaient
21 placés en détention souvent dans un environnement hostile. Enfin, des
22 situations telles que celles-ci: réduire en esclavage des femmes, des
23 enfants. On n'a pas besoin de chaînes pour ça, de boulets.
24 Aucune erreur de droit n'a été identifié; le droit a été bien appliqué aux
25 faits. Pour ce qui est de ce moyen d'appel, s'il a trait à des erreurs de
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1 droit, il est sans fondement.
2 J'en ai terminé pour ce qui est de la réduction en esclavage. Je suis,
3 bien sûr, à votre disposition pour toute question que vous auriez avant de
4 passer au cumul des condamnations.
5 M. le Président: Nous pouvons peut-être traiter le cumul des
6 condamnations. Ensuite, sur l'ensemble de vos observations, les Juges ont
7 certainement à cœur de vous poser quelques questions. Nous vous écoutons.
8 Mme Rashid (interprétation): Fort bien. Je vous remercie.
9 L'accusation va aborder ce motif commun abordé par tous les appelants,
10 s'agissant du cumul des charges et des conditions. En quintessence, il se
11 fonde sur le principe "lex consumens derogat lexus concepta"; en fait, il
12 y a donc absorption.
13 Dire que la Chambre de première instance s'est trompée en déclarant des
14 déclarations de culpabilité intra-articles et inter-articles en vertu de
15 l'Article 3 et de l'Article 5, est une erreur. Nous avons préparé nos
16 arguments par écrit, mais je vais les résumer ici.
17 S'agissant du cumul des infractions, la Chambre d'appel a précisé ses
18 critères dans l'arrêt Celebici; tout ceci a été confirmé par des jugements
19 récents dans l'affaire Jelisic. Il en découle que cette pratique de cumul
20 des infractions en vertu du Statut est en général admissible, et que les
21 cumuls de condamnations en vertu du Statut sont autorisés sous certaines
22 conditions.
23 Dans le jugement Celebici, on a dit que des condamnations multiples, en
24 vertu de dispositions différentes mais basées sur un même comportement,
25 sont autorisées seulement si chaque disposition statutaire comporte un
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1 élément matériel distinct qui n'est pas contenu dans les autres
2 dispositions.
3 Un élément est distinctement matériel d'un autre s'il demande une preuve
4 différente d'un fait qui n'était pas dans l'autre. La Chambre a dit que là
5 où il y a des condamnations pénales multiples qui ne sont pas permises, il
6 faut tenir compte de la disposition la plus….
7 (L'interprète demande au conseil de la défense de ralentir.)
8 M. le Président: Oui. Vous avez entendu, conseil? Vous pouvez essayer de
9 ralentir?
10 Mme Rashid (interprétation): Je vais le faire, Monsieur le Président.
11 M. le Président: Merci.
12 Mme Rashid (interprétation): La démarche de la Chambre de première
13 instance est correcte, surtout lorsqu'on voit le jugement rendu par la
14 Chambre d'appel dans l'affaire Jelisic.
15 En effet, tout d'abord Jelisic parle de concours pour des mêmes catégories
16 d'infractions, toujours sous les Articles 3 et 5. Puis l'arrêt Jelisic
17 confirme que les critères juridiques, émis dans le jugement Celebici,
18 appliquent des cumuls de conditions pour le même comportement.
19 Troisièmement, la Chambre d'appel confirme que chaque infraction contient
20 au moins un élément constitutif juridique différent qui n'est pas contenu
21 dans les autres.
22 L'Article 3 demande un lien étroit entre les actes d'accusés et le conflit
23 armé. L'Article 5 exige la preuve qu'ils se sont produits dans le cadre
24 d'une attaque généralisée et systématique contre la population civile. Les
25 deux éléments ne sont pas requis par les Articles 3 et 5 respectivement.
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1 De plus, l'accusation estime que l'opinion partiellement décidante de
2 Shahabuddeen dans l'arrêt Jelisic appuie ceci également.
3 En conclusion, nous estimons qu'il y aura toujours un élément distinct
4 pour les infractions relevant du 3 plutôt que du 5 dans le Statut.
5 Pour ce qui est du cumul des conditions intra-articles pour "torture"
6 -Article 3- et "viol" –Article 5-, nous pensons que le texte a bien été
7 appliqué dans l'arrêt Celebici sur ce couple d'infractions. Comparé au
8 crime de viol, le crime de torture exige la preuve d'un élément
9 supplémentaire et différent.
10 M. le Président: Vous avez beaucoup de fougue, je vous félicite, mais
11 pensez aux interprètes. D'accord?
12 Mme Rashid (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président.
13 M. le Président: Ce sont les interprètes qui doivent vous excuser.
14 Allez-y, poursuivez.
15 Mme Rashid (interprétation): Le crime de torture exige preuve d'un élément
16 supplémentaire matériellement différent, à savoir le fait d'infliger des
17 souffrances importantes, d'obtenir des aveux, de punir, d'intimider,
18 d'exercer la coercition ou d'avoir une attitude discriminatoire par
19 rapport à la victime ou un tiers. Comparé au crime de torture, le crime de
20 viol exige la preuve d'un élément supplémentaire matériellement différent,
21 à savoir la pénétration sexuelle.
22 S'agissant de la validité du jugement Celebici, les appelants ont une
23 attitude qui sème la confusion. D'un côté, ils semblent accepter les
24 critères. Par ailleurs, ces appelants convient la Chambre à revenir sur
25 ces textes. Aucune raison pertinente n'a été offerte à l'appui de cette
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1 hypothèse sur laquelle la Chambre d'appel devrait revoir sa position et se
2 départir de sa position antérieure. Le conseil estime choquant que son
3 client ait subi ce cumul de condamnation pour torture et viol; ce n'est
4 pas une erreur juridique.
5 Lorsqu'il s'agit de voir si chaque infraction comporte un élément
6 supplémentaire différent, non compris dans les autres, pour ce faire il
7 faut comparer les éléments, les ingrédients juridiques constitutifs de
8 chacune des infractions. Et les faits propres à une affaire
9 n'interviennent pas du tout dans cette détermination.
10 Ce principe de "lex consumens" ne s'applique pas ici. La décision en
11 première instance d'avoir un cumul de condamnations pour le même
12 comportement de viol et de torture en vertu de l'Article 3 et de viol et
13 torture en vertu de l'Article 5 doit être maintenue.
14 Question suivante: elle porte sur le fait de savoir si Kovac a été
15 condamné pour un même comportement. Je ne vais pas reprendre mon
16 argumentaire parce que le jugement montre clairement que la condamnation
17 pour ces différents chefs ne se basait pas sur le même comportement.
18 Si vous avez un doute à ce propos, je suis tout à fait prête à essayer de
19 vous prêter assistance.
20 M. le Président: Monsieur le Juge Meron?
21 M. Meron (interprétation): Merci beaucoup pour cette présentation très
22 intéressante. Je voudrais vous poser deux questions.
23 M. le Président: Je n'avais pas compris. Vous aviez terminé, Maître
24 Rashid?
25 Mme Rashid (interprétation): J'ai terminé, Monsieur le Président.
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1 M. le Président: Excusez-moi, je n'avais pas bien suivi. Pardonnez-moi.
2 Allez-y, Monsieur Meron.
3 M. Meron (interprétation): J'ai deux questions, Madame Rashid, s'agissant
4 du cumul de condamnations pour viol et torture.
5 Le droit international coutumier et la jurisprudence de ce Tribunal
6 reconnaissent et admettent que le viol est une forme de torture. Le
7 conseil ou les conseils de l'appelant semblaient dire hier que la
8 condamnation pour viol et meurtre en vertu de l'Article 3 du Statut peut
9 présenter une circonstance particulière, dans la mesure où l'espèce dont
10 nous sommes saisis montre que le viol est la torture et la torture est le
11 viol.
12 Commençons par cette question: est-ce que nous parlons ici de torture et
13 viol ou torture par le viol?
14 Puis, j'aurai une question de suivi s'agissant des circonstances et des
15 faits de l'espèce. Mais c'est aussi une question juridique.
16 Mme Rashid (interprétation): Si nous revenons au test établi dans
17 l'affaire Celebici, voyons les éléments juridiques constitutifs du viol et
18 de la torture. Regardez l'élément de torture de façon isolée; si vous le
19 faites de la sorte, il n'y a pas d'exigence de pénétration sexuelle.
20 M. Meron (interprétation): Je suis tout à fait au courant de cela. Je ne
21 me suis pas peut-être pas bien expliqué. Permettez-moi de le faire mieux.
22 Je précise que je ne parle pas ici de viol et de torture dans le contexte
23 de l'Article 5 du Statut; celui-ci a des dispositions statutaires
24 différentes et pour le viol et pour la torture. Je parle de l'Article 3 du
25 Statut; celui-ci ne parle pas directement ni du viol ni de la torture.
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1 Cependant, la jurisprudence de notre Tribunal autorise qu'il soit fait
2 référence au droit international coutumier, lequel inclut l'Article commun
3 3 des Conventions de Genève. Mais même si ce dernier mentionne la torture,
4 il ne mentionne pas explicitement le viol.
5 Partons de l'hypothèse où ma préoccupation n'est pas qu'un même
6 comportement donne lieu à des condamnations différentes; j'ai suivi votre
7 propos avec beaucoup d'intérêt là-dessus. Ici, il y a un problème tout à
8 fait différent: c'est qu'il n'y a pas un moyen statutaire sur lequel on
9 peut accrocher ces infractions; ce n'est pas comme avec l'Article commun 3
10 où vous avez, si vous voulez, des moyens d'accroche et d'approche
11 différents.
12 D'où ma question: que pense l'accusation sur ce problème et sur l'argument
13 avancé par les appelants, selon lequel un cumul de condamnations, dans ce
14 cas particulier pour viol et torture, est peut-être problématique? Nous
15 vous saurions vraiment gré de nous orienter sur ce point. Merci.
16 Mme Rashid (interprétation): Je comprends votre question. Le viol n'est
17 pas mentionné explicitement -c'est ce que vous dites, n'est-ce pas,
18 Monsieur le Juge- dans l'Article commun 3.
19 Prenons l'affaire Furundzija. L'Article commun 3, 3-1-A plus exactement,
20 renvoie effectivement à la torture. Le viol est absorbé, si vous voulez,
21 est considéré comme une atteinte à la dignité de la personne. C'est ce que
22 nous dit la doctrine dans l'affaire Furundzija. Il s'agit de l'Article 3-
23 1-C plus exactement.
24 M. Meron (interprétation): Vous avez dit que l'Article 3-1 des Conventions
25 de Genève parle du viol?
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1 Mme Rashid (interprétation): Non, cela a trait à la torture.
2 M. Meron (interprétation): Torture? Oui, je vous l'ai dit, je le
3 reconnaissais.
4 Mme Rashid (interprétation): Oui, mais le viol est repris dans ceci: dans
5 l'infraction d'atteinte à la dignité de la personne. C'est ce que dit
6 l'Article 3-1-C.
7 M. Meron (interprétation): Mais ce n'est pas mentionné explicitement,
8 n'est-ce pas?
9 Mme Rashid (interprétation): Non, ce ne l'est pas explicitement, mais cela
10 a été analysé dans l'affaire Furundzija pour inclure l'infraction de viol.
11 Cette infraction a toujours été reconnue comme étant un crime de guerre.
12 C'est déjà le cas dans la Charte de Nuremberg en vertu de l'article 6-C,
13 je pense.
14 M. Meron (interprétation): Mais voyez, mon problème, c'est que, s'agissant
15 du cumul des condamnations en général, nous avons ici des moyens
16 statutaires différents. Comme c'est le cas par exemple dans l'Article 5 du
17 Statut.
18 Au fond, que faisons-nous? Est-ce qu'ici, on ne s'intéresse pas à une
19 infraction particulière mentionnée à l'Article 3 du Statut? Et puis, de
20 voir si l'on ne peut pas y avoir recours deux fois?
21 Mme Rashid (interprétation): Non, ce n'est pas tout à fait le cas, parce
22 que, si vous précisez l'infraction à partir de laquelle est déclarée la
23 déclaration de culpabilité -ici, nous avons viol et torture en vertu de
24 l'Article 3 commun, le viol-, nous avons une définition pour l'infraction
25 de viol; pareil pour celle de torture. Lorsque vous avez cette définition
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1 fondamentale pour l'un et pour l'autre, on peut appliquer le critère
2 Celebici. Et si vous réunissez les conditions qu'il prévoit, surtout la
3 deuxième partie du test Celebici, il n'y a pas de problème en matière de
4 cumul de condamnations; il n'y a pas là deux condamnations pour une même
5 chose.
6 M. Meron (interprétation): Ici, je pense que c'est l'occasion
7 effectivement. Nous ne sommes pas ici pour tirer au clair des questions
8 juridiques, mais je vous remercie de votre explication.
9 M. le Président: Monsieur le Juge Schomburg?
10 M. Schomburg (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
11 Au début de votre exposé ce matin, parlant du cumul des condamnations,
12 vous avez dit qu'il importait qu'il y ait un élément matériel différent
13 dans les deux infractions.
14 Cette distinction doit-elle être établie concrètement ou abstraitement?
15 Autrement dit, à votre avis sommes-nous tenus de comparer les deux
16 articles simplement ou de comparer également l'aspect concret du
17 comportement? N'est-il pas nécessaire qu'il y ait comportement criminel
18 distinct de celui qui était concerné par la première condamnation?
19 Et conviendrez-vous que le viol, par exemple, comporte toujours des
20 aspects de réduction en esclavage et des aspects de torture par sa nature
21 même?
22 Est-il exact que nous avons besoin de faits supplémentaires pour prononcer
23 des condamnations cumulées?
24 Je sais bien que la Chambre de première instance a, par ailleurs, établi
25 dans certaines affaires jugées par ce Tribunal l'existence de faits
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1 supplémentaires.
2 Mais s'agissant de l'application de ce test, j'aimerais que nous soyons
3 tout à fait précis. Serez-vous d'accord pour dire par exemple, pour peu
4 qu'existe la situation en réduction en esclavage, donc dans le cadre de
5 cette réduction en esclavage, qu'abuser de cette situation pour commettre
6 un viol, implique l'existence d'un comportement criminel supplémentaire
7 qui justifie le cumul des condamnations?
8 J'aimerais également vous demander de développer un peu votre point de vue
9 quant à la situation dans l'ex-Yougoslavie en 1992, de façon à nous éviter
10 de tomber dans le piège qui consisterait à aggraver la situation dans le
11 secteur, dans la zone de l'ex-Yougoslavie qui correspond à l'application
12 du Règlement et du droit pénal de ce Tribunal?
13 Je vous remercie.
14 Mme Rashid (interprétation): Pour répondre à la première partie de votre
15 question, Monsieur le Juge, je dirai oui, nous examinons les éléments
16 distincts abstraitement.
17 C'est ce qui a été fait dans l'affaire Celebici, c'est la seule façon
18 d'ailleurs dont le test pouvait s'appliquer dans l'affraire Celebici.
19 C'est abstraitement qu'il importe de considérer les éléments distincts
20 sans rentrer dans les faits constitutifs du comportement criminel.
21 Quant au problème de la réduction en esclavage sur lequel vous m'avez
22 également interrogé, Monsieur le Juge, la Chambre de première instance a
23 appuyé la position de l'accusation selon laquelle il convient d'examiner
24 la situation du viol du point de vue du contrôle, c'est-à-dire du point de
25 vue de l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants, et que s'il
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1 existe un indice de réduction en esclavage, à savoir le contrôle de
2 l'intégrité sexuelle de ces personnes, cela suffit.
3 L'acte de viol se distingue un peu de cette situation si l'on veut aborder
4 l'acte de viol du point de vue du contrôle de l'auteur du viol. Et je vais
5 me permettre de vous donner un exemple: Kovac par exemple n'a pas violé le
6 témoin 87. Ce qui importe, du point de vue des faits, c'est qu'il était le
7 seul à pouvoir violer le témoin 87 donc, à mon avis, la Chambre de
8 première instance a, à très juste titre, examiné l'acte de viol, abordé
9 l'axe de viol du point de vue sous l'angle du contrôle et de
10 l'exploitation sexuelle; à savoir qu'il avait l'intention d'utiliser ces
11 femmes pour sa satisfaction sexuelle et qu'il avait le pouvoir de le
12 faire.
13 Donc du point de vue du comportement criminel, il y a là une différence.
14 On considère l'infraction de viol comme l'un des facteurs de réduction en
15 esclavage auxquels s'ajoutent ensuite tous les autres facteurs qui ne sont
16 pas liés à l'acte de viol.
17 M. Schomburg (interprétation): Et la situation en ex-Yougoslavie?
18 Mme Rashid (interprétation): Monsieur le Juge, je crois que dans l'arrêt
19 de la Chambre d'appel dans l'affaire Celebici, l'accusation a présenté une
20 analyse comparative des systèmes impliqués en ex-Yougoslavie, ainsi que
21 dans d'autres systèmes judiciaires.
22 Et la Chambre de première instance a rejeté, si je ne m'abuse, le concept
23 de cumul idéal. Ceci pour est une raison très simple que l'on retrouve
24 développée dans le texte de l'arrêt en appel.
25 Et cette raison est la suivante: les infractions jugées dans un système
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1 national, par exemple, peuvent être comparées. Il est possible dans un
2 système national de déterminer quelle est l'infraction la plus grave. Donc
3 l'application de lex consumens est assez aisée dans cette situation.
4 Mais, maintenant, je vais vous soumettre un autre exemple: vol à main
5 armée, cambriolage. Bien entendu, dans tous ces cas, il y a vol. La
6 législation internationale, qui est celle que nous utilisons dans ce
7 Tribunal international, n'établit pas une hiérarchie de gravité de ces
8 infractions, il est donc difficile de déterminer quelle est l'infraction
9 qui est absorbé par les autres ou qui absorbe les autres. Par exemple, il
10 est impossible de dire que le meurtre est plus grave que le viol ou que le
11 viol est plus grave que l'outrage, que la réduction en esclavage est un
12 crime plus grave que le viol et que par conséquent la réduction en
13 esclavage absorbe le viol.
14 Ce serait une solution assez facile mais il n'y a pas de réponse facile,
15 si je crois ce que nous apprend la Chambre d'appel de Celebici qui a
16 établi ce test de l'existence d'un élément distinct. C'est un test qui est
17 plus facile à appliquer.
18 Dans le même temps, si nous regardons le jugement différent du Juge Hunt
19 et du Juge Bennouna, nous trouvons les raisons qu'ils avancent pour
20 expliquer qu'il conviendrait que des tests distincts soient appliqués
21 parce que dans chacune des infractions des valeurs différentes, s'agissant
22 de la protection de la personne, s'appliquent et donc la conduite
23 criminelle ne peut être jugée selon des aspects.
24 J'espère avoir répondu à votre question.
25 M. Schomburg (interprétation): Une phrase encore, si vous me permettez.
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1 J'ai posé la question parce que nous devons, je crois, être conscients
2 qu'il existe des systèmes judiciaires différents et je crains, pour ma
3 part, que le test Celebici soit un peu court sur cette question du cumul
4 idéal car il y a de nombreux exemples où il faut également recourir à des
5 comparaisons de comportements différents et tout à fait pratiques de la
6 personne jugée.
7 Il me semble donc qu'une réponse à cette question ne peut pas être nature
8 générale. Par conséquent, ma question vous donnait la possibilité
9 d'ajouter éventuellement de nouveaux arguments.
10 Bien sûr, je connais le test Celebici mais j'ai quelques doutes quant à la
11 justesse de son application.
12 Mme Rashid (interprétation): La position de l'accusation consiste à
13 s'appuyer sur l'arrêt Celebici.
14 Il y a eu controverse avant l'arrêt Celebici. L'accusation a développé des
15 points de vue assez divers, mais cet arrêt Celebici a résolu le problème,
16 et c'est donc la position sur laquelle le Procureur s'appuie actuellement.
17 La Chambre d'appel, bien sûr, a toute liberté d'amender la jurisprudence
18 du Tribunal.
19 M. le Président: Juge Shahabuddeen?
20 M. Shahabuddeen (interprétation): Madame, vous admettrez -j'espère- que
21 tout ce que je vais dire à présent ne constitue que des propos temporaires
22 et non définitifs. Et d'ailleurs, je dis cela aux deux parties qui sont
23 présentes dans ce prétoire.
24 J'aimerais tester un certain abord de la question sur vous, si vous voulez
25 bien.
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1 Pensez-vous que considéré que le problème qui se pose consiste à
2 distinguer entre le comportement de l'accusé et son comportement
3 criminel... Prenons par exemple, le comportement d'un accusé qui
4 correspond à un certain nombre de qualifications juridiques. Si l'on
5 combine l'ensemble de ces qualifications, il peut arriver que cette
6 combinaison débouche sur la définition d'un crime, mais il est possible
7 qu'en combinant ces qualifications différemment, on débouche sur la
8 définition d'un crime différent d'un autre crime.
9 Le principe de la lex consumens ne s'applique que lorsque les
10 qualifications juridiques d'un crime sont entièrement intégrées aux
11 qualifications d'un autre crime, à moins qu'il y ait concours idéal entre
12 les deux.
13 Alors, que dites-vous de cette démarche que je viens de vous soumettre?
14 Mme Rashid (interprétation): Je crois pouvoir dire que vous avez raison,
15 Monsieur le Juge. Il convient de distinguer entre le comportement d'un
16 accusé et le comportement criminel de l'accusé.
17 Le comportement criminel de l'accusé se retrouve, Monsieur le Juge, dans
18 chacun des éléments constitutifs de l'infraction. Notre point de vue
19 consiste à dire qu'il convient d'examiner le comportement criminel de
20 l'accusé.
21 Et le raisonnement, la démarche que vous vous venez de nous soumettre, il
22 y a quelques instants, Monsieur le Juge, montre, dans sa deuxième partie
23 en tout cas, que c'est l'intégralité du comportement criminel de l'accusé
24 qui doit être examiné.
25 Ceci correspond tout à fait au point de vue de l'accusation et si vous me
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1 permettez de le dire, Monsieur le Juge, ce point de vue n'est pas
2 contradictoire avec la démarche suivi dans le test Celebici.
3 M. Shahabuddeen (interprétation): Merci. J'aimerais que nous discutions
4 maintenant quelques instants de la première partie de votre exposé, si
5 vous voulez bien, qui portait sur l'esclavage et la réduction en
6 esclavage.
7 En effet, le point de vue de Me Prodanovic, consistant à dire que l'on
8 peut déterminer arbitrairement une durée, me pose quelques problèmes mais
9 je ne m'écarte pas complètement sur le fond du raisonnement de Me
10 Prodanovic.
11 Alors, je crois vous avoir compris comme disant qu'il existe, d'après
12 vous, une distinction, ne serait-ce que minime, entre l'esclavage, c'est-
13 à-dire la réduction d'un être humain à une propriété mobilière et la
14 réduction en esclavage.
15 Est-il possible de penser que l'élément temporaire doit être vu à
16 l'envers, à savoir que les qualifications ou les caractéristiques qui
17 déterminent le temps passé -ce qui est quelque chose que l'on peut
18 envisager dans cette institution- s'appliquent différemment selon les
19 situations?
20 Lorsqu'il y a esclavage, c'est-à-dire propriété de l'être humain,
21 propriété absolue, le temps en question est infini. Alors, qu'en cas de
22 réduction en esclavage, ce temps n'est pas absolu, n'est pas infini. Il
23 est fini et peut dépendre des qualifications juridiques appliquées par
24 telle ou telle institution.
25 Prenons par exemple la réduction en esclavage à des fins d'exploitation
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1 sexuelle. On peut considérer qu'il est certain que cette réduction en
2 esclavage va se terminer dans le temps, à un certain moment.
3 Dans le but précis de l'exploitation sexuelle, il est possible que cette
4 réduction d'esclavage se poursuive, mais éventuellement dans un but
5 différent. Mais serait-il permis de penser qu'un délai, un délai défini
6 s'applique et que lorsque ce délai s'applique, il y a un lien entre cette
7 durée temporelle et la qualification juridique de l'acte, compte tenu de
8 l'objectif poursuivi?
9 Mme Rashid (interprétation): Non, l'accusation estime qu'il n'est pas
10 nécessaire qu'il y ait une durée déterminée, même dans la situation que
11 vous avez décrite, Monsieur le Juge, à savoir une situation dans laquelle
12 il est prévisible que la personne réduite en esclavage ne satisfasse à
13 l'objectif de cet asservissement que pendant une durée déterminée.
14 Les faits examinés dans la présente affaire, Monsieur le Juge, même s'ils
15 peuvent correspondre à la définition d'esclavage sexuel de façon générale,
16 ne constituent que l'objectif sous-jacent. Comme je l'ai déjà expliqué, si
17 l'on examine les faits relatifs à la présente affaire, nous n'avons pas
18 besoin de nous concentrer uniquement sur le viol ou sur d'autres faits. En
19 fait, l'objectif sous-jacent…. Il y a un objectif sous-jacent et un
20 objectif principal, et l'objectif principal était de faire de ces femmes
21 des esclaves pour les utiliser sexuellement, pour les exploiter
22 sexuellement. Vous avez aussi des cas où ces femmes ont été utilisées pour
23 réaliser certains travaux, mais ce n'est qu'une question de critère.
24 La durée, le temps passé ne dépend pas de l'objectif. La durée est un
25 indice de l'importance de l'utilisation des pouvoirs exercés par l'auteur
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1 sur la victime, et ces pouvoirs débouchent sur un droit de propriété. Je
2 pense qu'il serait arbitraire pour nous de dire que dans le cas de
3 réduction en esclavage sexuel, par exemple, si la victime ne peut plus,
4 n'est plus performante sexuellement, le comportement cesse de lui-même, si
5 je puis m'exprimer ainsi. Ce serait arbitraire. Je pense que ce n'est pas
6 ce que la Chambre de première instance nous invite à faire lorsqu'elle
7 décrit les indices sur lesquels elle s'est appuyée: les signes de
8 l'existence du crime.
9 J'aimerais vous donner un autre exemple, si vous voulez bien, s'agissant
10 de cette durée, pour vous montrer qu'elle n'est pas un élément crucial et
11 même pas, d'ailleurs, un élément particulièrement important. Si nous
12 revenons, il y a 100 ans: à l'époque du commerce des esclaves, les
13 esclaves étaient déchargés des bateaux, ils étaient achetés puis revendus,
14 et sur le marché, la vente des esclaves se déroulait. Mais, à ce moment-
15 là, les esclaves étaient dans les mains d'un autre commerçant, pas celui
16 qui avait dirigé le transport en bateau. Donc même si le maître des
17 esclaves -si je puis l'appeler ainsi- est en possession des esclaves
18 pendant quelques heures, il a tout de même commis l'infraction en
19 application des Conventions sur l'esclavage de 1926. Ce qui est important,
20 c'est comment il a exercé son pouvoir de propriété et s'il l'a exercé ou
21 pas.
22 M. Shahabuddeen (interprétation): Je vous remercie, Madame Rashid. J'ai
23 beaucoup profité du point de vue que vous venez de décrire. Il est
24 possible que je me rapproche de votre proposition, mais j'aimerais la
25 résumer de la façon suivante: si une femme a été réduite en esclavage à
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1 des fins sexuelles, et qu'un moment arrive où elle ne peut plus satisfaire
2 cet objectif, elle peut, n'est-ce pas, demeurer une esclave. C'est bien la
3 position que vous défendez?
4 Mme Rashid (interprétation): Absolument.
5 M. Shahabuddeen (interprétation): Mais n'est-ce pas là une situation dans
6 laquelle la réduction en esclavage sexuel chevauche complètement la
7 situation de l'esclavage en tant que tel, en tant que propriété d'esclave?
8 Mme Rashid (interprétation): Monsieur le Juge, la "réduction en
9 esclavage", telle que définie par la Chambre de première instance, dépend
10 de l'existence d'un certain nombre d'indices ou de signes. Ces signes
11 incluent la restriction complète de la liberté de circulation, également
12 le contrôle de l'environnement physique, psychologique, par exemple le
13 fait que ces jeunes femmes passaient d'un endroit à un autre et que
14 quelquefois, on les déplaçait ainsi dans l'objectif très clair de leur
15 faire nettoyer tel ou tel appartement; ce n'était pas toujours pour les
16 exploiter sexuellement.
17 Bien que l'exploitation sexuelle soit et demeure l'objectif principal de
18 cette réduction en esclavage, mais il n'est pas nécessaire que tous les
19 pouvoirs du propriétaire s'exercent en même temps. Un des pouvoirs du
20 propriétaire suffit.
21 M. Shahabuddeen (interprétation): Merci beaucoup.
22 M. Güney: Madame Rashid, une brève question. Le crime d'esclavage, selon
23 vos soumissions, même s'il se déroule partiellement sous un traitement
24 humain, est-il partie intégrante du crime de viol?
25 En d'autres termes, pourrions-nous en conclure, selon vos soumissions, que
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1 le crime de l'esclavage, même s'il s'est déroulé partiellement sous un
2 traitement humain, est-il partie intégrante ou est-il élément constitutif
3 du crime de viol?
4 Mme Rashid (interprétation): Ce n'est ni une partie intégrante ni un
5 élément constitutif du crime d'esclavage. Je crois que c'est ce dont vous
6 parlez, n'est-ce pas, Monsieur le Juge. Bien que le mot "viol" en anglais
7 soit écrit au compte rendu d'audience en anglais. Donc, ce n'est ni l'un
8 ni l'autre.
9 La question de l'existence d'un traitement humain a été évoquée au départ
10 par la défense, Monsieur le Juge. Les conseils de la défense ont dit que
11 certaines des victimes ont reçu de la nourriture, qu'elles ont été bien
12 traitées, qu'on leur a donné la clef pour aller faire des courses à
13 l'épicerie etc., etc.
14 L'accusation estime que ceci n'est pas nécessairement pertinent. Si vous
15 examinez la situation de ces femmes qui sont venues ici en tant que
16 témoins, situation caractérisée par le fait qu'elles étaient esclaves,
17 qu'elles étaient contrôlées, dominées sur le plan psychologique parce
18 qu'elles savaient parfaitement bien qu'elles n'avaient nulle part où
19 aller, qu'elles n'avaient aucun moyen de s'évader et que donc, il était
20 pratiquement inutile de résister. Donc, dans une situation comme celle-ci,
21 où les victimes sont dominées, contrôlées dans pratiquement tous les
22 aspects de leur vie, où les victimes sont donc réduites en esclavage, il
23 n'est pas pertinent de savoir que l'auteur de l'acte les a parfois
24 traitées avec humanité en leur donnant un peu de nourriture, des vêtements
25 ou en leur accordant une certaine liberté de circulation, comme par
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1 exemple en leur permettant d'aller sur la terrasse ou d'aller dans un
2 magasin acheter à manger. Ceci n'est pas pertinent, si nous examinons les
3 circonstances dans lesquelles ces femmes ont été réduites en esclavage.
4 J'espère avoir répondu à votre question, Monsieur le Juge.
5 M. le Président: Je ne vais pas vous torturer longtemps, Madame Rashid,
6 moi-même. Mais peut-être petite question: comment qualifieriez-vous
7 l'attitude, dans un conflit armé, d'officiers ou de combattants qui sont
8 conquérants, qui ont dominé dans un territoire et qui prennent à leur
9 service des femmes de ménage ou des soldats de l'armée vaincue, et qui
10 leur font faire leurs services, leurs corvées, leur chambre, leurs
11 courses? Je mets de côté la question du viol et de la satisfaction
12 sexuelle.
13 Et si vous estimez que c'est de l'esclavage, est-ce que vous avez des
14 connaissances de jurisprudence où, après la Deuxième Guerre mondiale, on
15 aurait pu qualifier de "réduction en esclavage" ce genre d'attitude dans
16 le conflit armé, je parle, puisque nous sommes dans un conflit armé? Quel
17 est votre sentiment brièvement?
18 Mme Rashid (interprétation): Monsieur le Président, le fait de savoir si
19 la situation que vous venez de décrire équivaut à une réduction en
20 esclavage ou pas, dépend de l'existence des signes, des indices dont j'ai
21 parlé tout à l'heure et qui ont été établis et définis par la Chambre de
22 première instance.
23 Si nous sommes, par exemple, en présence d'un officier, si nous avons un
24 officier qui prend une femme, nous présumons qu'elle vient de la partie
25 adverse, donc de l'autre partie belligérante. Donc s'il emmène cette femme
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1 dans sa maison et qu'il lui demande de faire un certain nombre de tâches
2 ménagères ou d'aller faire des courses etc., et si nous examinons ce fait
3 isolément, ceci n'équivaut pas à une réduction en esclavage.
4 Mais si un autre signe de la réduction en esclavage existe, par exemple le
5 fait qu'il limite complètement la liberté de circulation de cette femme,
6 qu'il lui dise très précisément: "Tu es ici uniquement pour faire le
7 ménage et rien d'autre. Tu ne peux pas rentrer chez toi ou retourner dans
8 ta famille", à ce moment-là, il limite sa liberté de circulation. Ou, par
9 exemple, s'il prend des mesures pour l'empêcher de s'évader, quelquefois
10 d'ailleurs en recourant à la force ou à la menace pour s'assurer qu'elle
11 va rester chez lui et le servir, dans ce cas-là, les tâches ménagères
12 peuvent équivaloir à un travail forcé.
13 Dans ces conditions, oui, Monsieur le Président, cela peut équivaloir à
14 une réduction en esclavage.
15 M. le Président: Bien. Oui, vous avez terminé? Merci beaucoup.
16 Mme Rashid (interprétation): J'avais un exemple.
17 M. le Président: Ah, vous avez un exemple, peut-être même une
18 jurisprudence? Allez-y, je vous écoute.
19 Mme Rashid (interprétation): Un instant, je vous prie, que je me retrouve
20 dans mes notes; il est possible que j'aie une réponse à vous apporter.
21 Pensons, par exemple, à ces femmes qui ont été détenues par des militaires
22 japonais pour servir à la satisfaction de leurs besoins. Là, nous sommes
23 en présence d'une situation qui correspond bien à la "réduction en
24 esclavage". Ces femmes étaient privées de toute liberté personnelle; elles
25 devaient, elles étaient obligées de se déplacer avec les troupes pendant
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1 que ces troupes avançaient, elles n'avaient plus aucune autonomie et elles
2 devaient effectuer un certain nombre de travaux pour l'armée japonaise.
3 Une personne réduite en esclavage, Monsieur le Président, est incapable
4 -par définition- d'exercer sa liberté et son autonomie. Et donc, si une
5 personne correspond à cette situation, il est possible que, dans certaines
6 circonstances, cela équivaille à une situation de réduction en esclavage.
7 Il est possible.
8 M. le Président: Bien. Nous resterons sur votre dernière phrase: "c'est
9 possible".
10 Je crois que vous avez terminé, Maître Rashid?
11 Mme Rashid (interprétation): Oui.
12 M. le Président: Tous mes collègues ont beaucoup apprécié l'éclairage sur
13 ces questions-là.
14 Il est 10 heures 30. Nous ferons une pause vers 11 heures.
15 Je crois que maintenant, selon votre plan c'est Mme Brady qui reprend,
16 non? Monsieur John Hocking, c'était bien cela, le plan? C'est cela dans le
17 plan de travail. C'est Mme Brady qui devrait nous parler. Maître Brady, Me
18 Rashid et Me Carmona, successivement, pour les erreurs de fait, je
19 suppose, soulevées par chacun des accusés.
20 C'est ça? Vous voulez continuer? C'est exact, en effet. Nous allons
21 écouter Mme Brady, qui doit surveiller l'horloge, bien entendu.
22 Madame Brady, vous surveillez l'horloge et vous parlez lentement. Je
23 reconnais que c'est un peu contradictoire, mais c'est ainsi. Nous vous
24 écoutons.
25 (Présentation des arguments du Bureau du Procureur relatifs aux "erreurs
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1 de fait", par Mme Brady.)
2 Mme Brady (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je vais
3 m'efforcer de faire ces deux choses-là en même temps.
4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans mon exposé de ce matin,
5 je vais traiter des erreurs de fait qui sont soulevées par l'appelant
6 Zoran Vukovic. Ce faisant, je vais également m'intéresser à certaines des
7 questions qui ont été évoquées par l'ensemble des trois appelants. Je vais
8 parler notamment des questions d'identification, de témoignages d'expert
9 et de la torture.
10 Messieurs les Juges, l'appelant Zoran Vukovic avance que la Chambre de
11 première instance a versé dans l'erreur en statuant qu'à la mi-juillet
12 1992, il avait violé le témoin FWS-50.
13 Il s'agit d'un événement qui figure au paragraphe 5-11 de l'Acte
14 d'accusation et au titre duquel la Chambre de première instance l'a
15 déclaré coupable au titre des Chefs d'accusation 33 à 36 pour torture en
16 tant que "crime contre l'humanité", et torture et viol en tant que
17 "violation des lois ou coutumes de la guerre".
18 Notre réponse est la suivante: nous avançons qu'aucun des éléments avancés
19 par l'appelant, individuellement ou globalement, donc aucun de ces
20 éléments ne peut entraîner la Chambre d'appel à conclure que la Chambre de
21 première instance s'était trompée en déclarant que l'appelant avait violé
22 FWS-50 ce jour-là.
23 Avant de répondre aux arguments de l'appelant, ce que je souhaiterais
24 faire, c'est développer les principaux points qui figurent dans notre
25 mémoire en réplique. Mais je souhaiterais -c'est encore plus important-
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1 répondre à certains des arguments qui ont été présentés par Me Jovanovic
2 et hier et avant-hier.
3 Avant, cependant, je souhaiterais attirer votre attention, Messieurs les
4 Juges, sur le témoignage très fort, poignant et tout à fait crédible du
5 témoin WS50. Elle a relaté les événements de façon très convaincante. Je
6 fais référence au compte rendu d'audience page 1263. Elle a dit la chose
7 suivante -je cite-:
8 "-Il m'a emmenée dans un appartement abandonné. J'ai pensé qu'il était
9 abandonné parce que je n'y ai vu personne. Lorsqu'il m'a emmenée dans cet
10 appartement, il m'a fait entrer dans l'une des pièces qui se trouvait à
11 gauche d'un couloir. Il y avait un grand lit, un lit pour dormir, c'était
12 une chambre à coucher. Et là, ça s'est passé encore une fois: j'ai encore
13 une fois été violée.
14 -Question: Est-ce que Zoran Vukovic vous a dit quoi que ce soit?
15 -Réponse: Eh bien, oui; une fois qu'il m'a violé, une fois qu'il a eu fini
16 de me violer, il s'est assis, il a allumé une cigarette et il a dit qu'il
17 pourrait en faire encore beaucoup plus mais qu'en fait, j'avais un peu
18 près le même âge que sa fille, donc il n'allait pas me faire quoi que ce
19 soit de plus pour l'instant." (Fin de citation.)
20 C'est en gardant cette relation des événements à l'esprit, Messieurs les
21 Juges, que je vais passer aux erreurs invoquées par l'appelant.
22 Les erreurs qui sont mentionnées en premier sont celles qu'aurait commises
23 la Chambre dans l'évaluation des éléments de preuve.
24 Lors du procès, la première question évoquée par l'appelant c'est qu'au
25 cours du procès, le témoin 50 a dit que vers le 4 ou 5 juillet 1992,
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1 c'est-à-dire deux mois avant le viol, invoqué au paragraphe 7.11 et pour
2 lequel l'appelant a été condamné, elle dit qu'elle avait déjà été violée
3 par Vukovic à Buk Bijela. Elle a dit que le matin de son arrivée à Buk
4 Bijela, Vukovic, qui était armé, en uniforme, l'a emmenée pour la violer.
5 Sa mère, le témoin 51, a dit que sa fille pleurait lorsqu'elle est
6 revenue.
7 Nous n'avons appris ces choses-là du témoin qu'en nous entretenant
8 quelques jours avant sa déposition dans le prétoire parce que, dans les
9 déclarations précédentes qu'elle avait faites aux enquêteurs du Bureau du
10 Procureur, elle avait certes dit qu'elle avait été à Buk Bijela, elle
11 avait dit qu'on l'avait emmenée dans une pièce et que là, Zoran Vukovic
12 l'avait interrogée. Elle n'avait pas dit qu'à ce moment-là elle avait été
13 victime d'un viol par rapport sexuel oral forcé.
14 Elle nous a expliqué, plus tard, que pour elle c'était une expérience
15 absolument atroce et qu'elle avait très honte, c'est pour cela qu'elle
16 n'en avait pas parlé avant.
17 Donc ce viol, ce viol commis par Zoran Vukovic sur le témoin 50, ce viol
18 par rapport sexuel de nature orale n'a pas été mentionné dans l'Acte
19 d'accusation.
20 L'appelant fait donc valoir ce fait et il fait également savoir ce fait
21 pour d'autres témoins qui ont déposé en l'espèce contre Zoran Vukovic.
22 Et notamment le témoin 75, puisqu'elle a dit que, lorsqu'elle était à Buk
23 Bijela le 3 juillet 1992, elle avait vu Zoran Vukovic emmener son oncle à
24 elle, son oncle dont le visage était ensanglanté. Ultérieurement, elle a
25 entendu un coup de feu alors qu'elle se trouvait elle-même dans une
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1 baraque. Elle a entendu un coup de feu et puis, on n'a plus jamais revu
2 son oncle. Elle a également déposé en disant que plus tard, cette année-
3 là, en octobre 1992, elle avait rencontré Vukovic dans la cuisine de Kovac
4 et qu'à ce moment-là, Vukovic lui avait avoué qu'il avait tué son oncle à
5 Buk Bijela, et qu'ensuite il l'avait contrainte à effectuer une fellation.
6 Le témoin 75, en 1995, avait certes dit aux enquêteurs qu'elle avait vu
7 Vukovic emmener son oncle à Buk Bijela. Ce n'est que dans les mois qui ont
8 précédé le procès qu'elle leur a également parlé du fait qu'elle avait
9 rencontré Vukovic, plus tard, cette même année, dans la cuisine de Kovac.
10 Et ensuite, elle nous a expliqués pourquoi elle n'avait pas parlé de ces
11 événements précédemment aux enquêteurs. Elle a dit qu'il y avait tellement
12 de choses qui s'étaient passées dans sa vie à cette époque, qu'elle
13 n'avait pas été en mesure de se souvenir de tous les détails la première
14 fois qu'elle avait parlé aux enquêteurs. Et nous, nous avançons que c'est
15 tout à fait compréhensible, vu le nombre de fois où ce témoin 75 a été
16 violée et s'est vue soumise à des actes abjects pendant une période de
17 temps si longue. Il est normal qu'elle ne se souvienne pas de tout. Tous
18 ces incidents, ils ne figuraient pas dans l'Acte d'accusation.
19 Ma réponse à cela se reporte au fait que la Chambre de première instance
20 se soit appuyée sur le témoignage du témoin 50 au sujet de la fellation à
21 Buk Bijela et au sujet du témoin 75. Maître Jovanovic a présenté des
22 arguments à ce sujet hier. Mais on voit clairement dans le jugement que la
23 Chambre de première instance ne s'est pas appuyée sur ces éléments de
24 preuve pour condamner les accusés pour ces actes qui ne figuraient pas
25 dans l'Acte d'accusation.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation): Madame Brady, il n'a pas vraiment dit
2 ça. Ou plutôt, il a dit que bien que la Chambre de première instance ne se
3 fut pas appuyée sur ces éléments de preuve pour prononcer sa condamnation,
4 la Chambre de première instance avait cependant utilisé ces éléments de
5 preuve sur la base, pour appuyer les condamnations pour d'autres actes.
6 Mme Brady (interprétation): Oui, en effet, j'ai entendu Me Jovanovic qui
7 nous a présenté plusieurs sortes d'argumentation avec une certaine
8 ambiguïté; et je vous ai bien entendu quand vous lui avez posé des
9 questions à ce sujet, il a un peu précisé son argumentation. Mais je
10 voulais préciser que ce n'était pas notre position si c'était celle de Me
11 Jovanovic. Enfin, je ne veux pas lui faire dire des choses qu'il n'a pas
12 dites ou qu'il ne dit plus.
13 En tout cas, quand on lit le jugement, on voit de façon patente que la
14 Chambre de première instance n'a pas utilisé ces éléments de preuve pour
15 condamner l'accusé pour des crimes qui ne lui étaient pas reprochés à
16 l'Acte d'accusation, ni pour le viol du témoin 50 à mi-juillet pour lequel
17 il a été déclaré coupable.
18 Nous avançons quant à nous que la Chambre de première instance, de façon
19 tout à fait normale, a utilisé ces éléments pour prouver le viol qui
20 figurait au paragraphe 7.11.
21 La Chambre de première instance a utilisé la déclaration du témoin 50 au
22 sujet du viol à Buk Bijela pour deux choses: premièrement, pour se
23 convaincre du fait qu'elle était en mesure d'identifier Vukovic pour nous
24 dire que c'était bien lui qui, deux semaines plus tard, l'avait emmenée
25 dans un appartement abandonné pour la violer; et deuxièmement, pour
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1 appuyer le fait, pour appuyer son intention délictueuse. Parce que
2 lorsqu'il l'a violée à la mi-juillet, ce qu'elle nous avait dit
3 précédemment, c'était que début juillet, Vukovic était à Buk Bijela et
4 qu'il avait mené des exactions contre les Musulmans.
5 La Chambre de première instance a utilisé cela pour en déduire que
6 lorsqu'il avait violé le témoin 50 deux semaines plus tard, à la mi-
7 juillet, à ce moment-là, il savait qu'il y avait des attaques qui étaient
8 perpétrées à l'encontre des Musulmans civils et que son comportement, ce
9 viol du témoin 50 faisait partie de cette attaque et s'y englobait.
10 La Chambre de première instance a utilisé la déposition du témoin 75
11 lorsqu'elle dit qu'elle a vu Vukovic à Buk Bijela dans un même objectif.
12 Elle a estimé que c'était pertinent, que c'était probant pour déterminer
13 quel était son état d'esprit lorsqu'il avait violé le témoin 50 à la mi-
14 juillet. C'est-à-dire qu'ils se sont appuyés sur les dépositions du témoin
15 75 à ce sujet pour déterminer, ou du moins une partie de son témoignage,
16 enfin ils s'en sont servis pour établir et conclure qu'au début juillet,
17 Zoran Vukovic était à Buk Bijela. De ce fait, lorsqu'il a violé le témoin
18 50 quelque deux semaines plus tard, il savait que son action s'inscrivait
19 dans le cadre d'une attaque à l'encontre des Musulmans civils.
20 En ce qui concerne la déclaration du témoin 75, le fait qu'ultérieurement,
21 cette même année, elle a rencontré Vukovic dans la cuisine de Kovac, ceci,
22 la Chambre de première instance l'a utilisé pour s'assurer de la
23 crédibilité de son identification de Zoran Vukovic quand elle nous avait
24 dit que c'était celui, que cet homme elle l'avait déjà vu à Buk Bijela
25 avec son oncle.
Page 286
1 Et on remarquera, au paragraphe 789, que la Chambre de première instance
2 attache beaucoup de poids à l'identification faite par le témoin de 75 de
3 Vukovic, du fait du contexte extrêmement traumatique dans lequel elle a
4 rencontré Zoran Vukovic à Buk Bijela et dans l'appartement de Kovac. Donc
5 la Chambre estimait que l'identification faite par 75 est extrêmement
6 fiable.
7 Nous rejetons l'affirmation de l'appelant selon laquelle il y a, là,
8 violation de la présomption d'innocence. La Chambre de première instance
9 s'est appuyée sur ces éléments de preuve pour prouver des viols qui
10 figuraient dans l'Acte d'accusation au point 7.11, et que ceci avait été
11 prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Et nous l'avons fait, nous avons
12 répondu à notre obligation de le faire, de notre côté.
13 Les témoignages de 75 et de 50 ont été notifiés à l'accusé bien avant la
14 déposition de ces témoins. Et je voudrais revenir ici sur quelque chose
15 qui a été affirmé hier par Me Jovanovic, qui ne me paraît pas tout à fait
16 refléter la réalité. Il nous a affirmé que l'appelant n'était pas, n'avait
17 pas été mis au courant de ces dépositions avant le procès. Or,
18 l'affirmation du témoin 75 au sujet du fait qu'elle l'a vu à Buk Bijela
19 emmener son oncle, cela figurait dans sa déclaration de témoin,
20 déclaration datée de novembre 1995, une déclaration qui lui a été
21 communiquée avec l'Acte d'accusation et avec les autres déclarations de
22 témoins, qui lui a donc été communiquée le 27 janvier 2000, c'est-à-dire
23 après l'arrestation et le transfèrement de Zoran Vukovic à La Haye à la
24 fin décembre 1999. Et l'accusation a informé la défense de ce qu'elle
25 ferait de ces déclarations de témoins; il s'agissait de démontrer son
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1 intention délictueuse en vertu de l'Article 5 et de l'attaque systématique
2 et généralisée. Ceci s'est fait lors de la conférence préalable au procès
3 le 2 mars 2000.
4 En ce qui concerne les événements qui ont eu lieu dans la cuisine de
5 Kovac, le témoin 75 en a informé l'accusation en septembre 1999 et le 16
6 mars 2000; et cette information a été communiquée à l'appelant
7 ultérieurement. Le témoin 75 a déposé le 30 mars et a été contre-interrogé
8 à l'envi à ce sujet.
9 Avant le contre-interrogatoire mené par la défense, nous avons notifié la
10 défense du fait que nous avions l'intention, éventuellement, de modifier
11 l'Acte d'accusation pour y ajouter ce meurtre par rapport sexuel oral
12 forcé par Vukovic dans la cuisine de Kovac. Ceci figure au compte rendu
13 d'audience du 3 avril 2000, pages 1475 à 1479.
14 Nous n'avons pas, en fin de compte, modifié l'Acte d'accusation, mais nous
15 avions notifié la défense de notre intention éventuelle de le faire.
16 Quant au témoin 50, c'est le 26 mars, lors d'un entretien préalable au
17 procès, qu'elle a raconté à l'accusation les événements de Buk Bijela.
18 Vous vous souviendrez que ceci a été communiqué le 28 mars à la défense,
19 le 28 mars 2000.
20 Le témoin 50 a déposé du 29 au 30 mars 2000. Elle a déposé pendant deux
21 journées. Elle a été contre-interrogée pendant de longues heures au sujet
22 de ce qu'elle avait dit des événements de Buk Bijela.
23 Enfin, le 29 novembre 2000, lors de son réquisitoire, l'accusation a ré-
24 expliqué la manière dont elle allait s'appuyer sur les dépositions de ces
25 deux témoins: identification, intention délictueuse.
Page 288
1 Lors du procès, l'appelant ne s'est pas opposé au versement au dossier des
2 éléments présentés par les témoins 50 et 75, aux termes de l'Article 89.
3 L'accusé a contre-interrogé de façon approfondie les témoins à ce sujet.
4 On nous affirme d'autre part que ce viol par rapport sexuel oral forcé ne
5 figurait pas dans l'Acte d'accusation.
6 On remarquera cependant que la Chambre d'appel dans Kupreskic a stipulé
7 qu'en vertu de l'Article 18, paragraphe 4, du Statut, Article 47C) du
8 Règlement, Articles 21, 22 et 24, etc., donc je reprends l'arrêt en
9 question qui dit -je cite-: "Dans la jurisprudence du Tribunal, ceci
10 signifie qu'il y a obligation de la part de l'accusation de présenter les
11 faits qui sous-tendent l'Acte d'accusation, mais pas les éléments de
12 preuves qui vont permettre de prouver ces faits. Donc la question de
13 savoir si l'Acte d'accusation est suffisamment détaillé dépend de savoir
14 si l'accusé a reçu suffisamment d'informations pour se préparer
15 correctement". (Fin de citation.)
16 Or, dans le cas qui nous intéresse, la défense a eu suffisamment de
17 notifications et d'éléments, qui lui ont permis de se préparer.
18 Nous n'avons pas d'obligation, quant à nous, de communiquer tous les
19 éléments de preuve en communiquant l'Acte d'accusation, sinon il nous
20 faudrait communiquer des documents qui feraient des kilomètres.
21 De plus, rien n'indique dans l'arrêt de la Chambre d'appel que la Chambre
22 de première instance, en tant que juge des faits, n'a pas agi de manière
23 équitable. On ne peut nullement dire que la Chambre s'est appuyée sur ces
24 éléments de preuve pour en tirer des conclusions indues.
25 Pour finir sur ce point de droit, je dirais que l'appelant n'a pas
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1 démontré que la Chambre de première instance s'était trompée en utilisant
2 ces éléments de preuve pour prouver les viols qui étaient reprochés à
3 l'appelant dans l'Acte d'accusation.
4 En outre, l'appelant fait valoir que le fait que le témoin 50 ne se soit
5 pas précédemment rappelé du viol de Buk Bijela, donc l'appelant nous dit
6 que ceci remet en cause sa crédibilité.
7 Or, à ce sujet, nous aimerions vous rappeler l'explication donnée par le
8 témoin quand elle nous dit pourquoi elle n'avait pas parlé de cela. Ceci
9 figure aux pages 1293 et 1294 du compte rendu d'audience.
10 Aussi bien dans le contre-interrogatoire que l'interrogatoire principal,
11 le témoin a dit qu'elle n'était pas en mesure de relater cet événement.
12 Pourquoi? Eh bien, pour reprendre ses mots -je cite-: "C'était ma première
13 expérience très douloureuse et c'est l'expérience ou l'événement qui m'a
14 fait le plus peur". (Fin de citation.)
15 Et à la question qui lui est posée: "'Est-ce que c'était la première fois
16 qu'une chose de ce genre vous arrivait? Réponse: Eh bien, si vous
17 n'arrivez pas à comprendre, je vais vous dire les choses simplement.
18 J'avais honte de parler de ça'". (Fin de citation.)
19 Cette réponse, Messieurs les Juges, elle est vraiment parlante. On peut
20 très bien comprendre l'humiliation, la peur qu'elle a ressentie suite à ce
21 qu'elle a subi ainsi. On peut très bien comprendre pourquoi elle n'en a
22 pas parlé tout de suite.
23 De plus, sa mère, témoin 51, appuie ce qu'a dit la fille qui a affirmé
24 donc avoir été violée par Vukovic à Buk Bijela. Elle a, en effet, témoigné
25 cette mère que sa fille était revenue de son soi-disant interrogatoire
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1 avec Vukovic complètement bouleversée.
2 L'appelant avance également qu'au cours du procès, le témoin 50 n'a pas
3 évoqué des choses qui figuraient dans sa déclaration: la couleur d'une
4 voiture, la nature de l'appartement, ses vêtements, etc.
5 Il est vrai qu'elle n'a peut-être pas mentionné certains de ces éléments
6 périphériques. Ce qui compte, c'est vraiment la description de l'incident
7 en tant que telle, elle l'a toujours raconté de la même manière.
8 La Chambre de première instance l'a d'ailleurs évoqué. Elle a dit, la
9 Chambre, que vu le caractère extrêmement traumatique de ces événements qui
10 avaient eu lieu il y a huit ans -et la Chambre s'exprimait au sujet du
11 témoignage de tous les témoins, les témoins qui souvent étaient des
12 mineurs- et la Chambre a dit que l'on ne pouvait pas s'attendre à ce que
13 ces témoins se rappellent de tous les détails, de tout ce qui leur était
14 arrivé. C'est pourquoi la Chambre n'a pas estimé que les discordances
15 mineures qui existaient entre les dépositions dans le prétoire et les
16 déclarations faites préalablement par les témoins remettaient en cause la
17 crédibilité du témoin, si le témoin restait consistant dans sa relation
18 des événements. Puisqu'on peut tout à fait s'attendre à ce qu'on oublie
19 certains détails au fil des années.
20 L'appelant fait également valoir que le témoin 50 se souvient que c'est
21 Zoran Vukovic qui l'a fait sortir du gymnase Partizan avec le témoin 87.
22 Or, le témoin 87 ne s'en souvient pas. L'appelant évoque ceci dans son
23 mémoire en clôture et la Chambre y fait référence aux paragraphes 248 et
24 813 du jugement. L'appelant n'a pas montré que la Chambre de première
25 instance s'était trompée en s'appuyant sur le témoin 50 au sujet du viol
Page 291
1 de celle-ci par Vukovic, en dépit du témoignage de 87.
2 Premièrement, une Chambre de première instance est tout à fait en droit de
3 s'appuyer sur le témoignage d'un seul témoin pour condamner pour un chef
4 d'accusation.
5 De plus, si on examine les témoignages de ces deux témoins, on constate
6 que la Chambre de première instance a agi de façon tout à fait raisonnable
7 en acceptant le témoignage du témoin 50, bien que le témoin 87 ne se soit
8 pas souvenu de l'événement en question.
9 L'appelant, à tort nous dit dans son mémoire et ça a été répété hier en
10 audience-, l'appelant a affirmé que le témoin 87 avait nié l'existence de
11 cet incident. Or, ce n'est pas le cas parce que ce qu'a dit le témoin 87,
12 c'est qu'elle ne se souvenait avoir vu Vukovic qu'à deux reprises: en
13 premier lieu lorsqu'il l'avait violée dans une salle de classe à Foca au
14 début juillet et puis, lorsqu'elle l'avait vu dans l'appartement de Kovac,
15 cette même année. En d'autres termes, ce qui s'est passé c'est qu'elle ne
16 s'est pas souvenue de l'incident.
17 De plus, je souhaiterais, pour l'exactitude des débats, rappeler pourquoi
18 la Chambre n'a pas déclaré Zoran Vukovic coupable de ce viol, le viol du
19 témoin 87 à la mi-juillet. Pourquoi? Eh bien, parce que le témoin 87 ne
20 s'en souvenait pas et, non pas comme l'a dit Me Jovanovic hier, ce n'est
21 pas que le témoin 87 ait nié le fait et que la Chambre de première
22 instance l'ait cru.
23 Il y a plusieurs raisons qui expliquent pourquoi le témoin 87 ne se
24 souvient pas de chaque occasion à laquelle on l'a emmenée pour être
25 violée, lorsqu'elle se trouvait à l'école et au gymnase. Je parle toujours
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1 du témoin 87.
2 Premièrement, pendant sa détention qui a duré pendant un mois dans ces
3 deux endroits, ce témoin -le témoin 97- on l'a fait sortir, on l'a violée
4 pratiquement chaque jour. Et parfois, elle a été violée dans le cadre de
5 viols collectifs ou de viols en série par plusieurs hommes.
6 D'autre part, les épreuves qu'elle a ainsi subi, ces épreuves ne se sont
7 pas terminées après sa détention à Foca et au gymnase de Partizan puisque
8 tout ceci s'est poursuivi jusqu'en février 1993 à plusieurs endroits, à la
9 maison de Karaman, la maison du n°16, la maison de Kovac, cela même duré
10 jusqu'au Monténégro.
11 Dans ce contexte, le fait qu'elle ne parvienne pas à se souvenir de
12 quelque chose qui s'est produit en juillet, eh bien, on peut tout à fait
13 le comprendre.
14 Dans ce contexte, la Chambre de première instance a agi de façon tout à
15 fait raisonnable, en acceptant la relation tout à fait crédible du témoin
16 50 au sujet de ce que lui a fait subir Zoran Vukovic.
17 C'était la deuxième fois qu'elle rencontrait Zoran Vukovic. Elle avait été
18 violée déjà précédemment par lui deux semaines avant.
19 M. le Président: Essayez de synthétiser un peu vos observations un peu; je
20 suppose que vous l'avez développé dans votre mémoire tout cela. Vous êtes
21 devant la Chambre d'appel, Madame Brady. Vous ne re-plaidez pas.
22 Je vous fais l'observation que j'ai faite à la défense hier: plaidez par
23 observation et sauf sur les points juridiques ou les points factuels
24 extrêmement importants qui pourraient susciter une contestation.
25 Il va être 11 heures, c'est la pause. Et je rappelle… sinon, nous serons
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1 obligés de reprendre la semaine prochaine.
2 Mme Brady (interprétation): Bien sûr, Monsieur le Président. J'en ai
3 presque terminé au sujet de ce point.
4 Nous avançons également que les observations faites par Zoran Vukovic
5 après le viol de la victime, à savoir qu'il avait lui-même une fille du
6 même âge, ceci constitue un détail qui a servi à fixer tous ces événements
7 dans son esprit, dans l'esprit de la victime.
8 Bien. Maintenant, Me Jovanovic nous a parlé de la mère du témoin 50, le
9 témoin 51 qui, soi-disant, d'après Me Jovanovic, n'a pas confirmé ce
10 qu'avait subi sa fille. Or, vous verrez aux paragraphes 230 à 231 de notre
11 mémoire…
12 M. le Président: Oui, prenez vos écouteurs. C'est la première fois que
13 vous arrivez à citer votre mémoire. Les Juges lisent les mémoires. On ne
14 refait pas le procès ici. Vous répondez aux arguments nouveaux devant la
15 Chambre d'appel. Ce n'est pas possible sinon, Madame Brady. J'ai fait
16 l'observation à la défense hier. Je ne la referai pas une autre fois.
17 Voilà.
18 Mme Brady (interprétation): Oui, bien sûr, Monsieur le Président,
19 Messieurs les Juges.
20 En résumé, en ce qui concerne ce premier sujet, et j'en aurai terminé,
21 nous avançons que l'appelant n'a pas prouvé comment ces erreurs alléguées
22 sur l'évaluation des éléments de preuve auraient entraîné une erreur de la
23 part de la Chambre de Chambre de première instance.
24 Je ne sais pas si le moment est bien choisi pour faire une pause ou si
25 vous souhaitez que je continue encore pendant les quelques minutes qui
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1 restent jusqu'à 11 heures?
2 M. le Président: Vous terminez et passez ensuite à votre consœur. Vous en
3 avez pour combien de temps, s'il vous plaît? Je vous demande pour combien
4 de temps il vous en reste?
5 Mme Brady (interprétation): Il me reste encore vingt minutes car je vais
6 également parler des...
7 M. le Président: Je vous laisse cinq minutes. Ce n'est pas possible, il y
8 a des contraintes de temps. Je le dis au Procureur comme je le dis à la
9 défense. Ce n'est pas possible et je préfère le dire comme cela au
10 Procureur, comme ça pour que ce soit bien entendu, sinon nous re-siègerons
11 la semaine prochaine. Et ce n'est pas possible: la Chambre d'appel a des
12 jurisprudences en matière de faits. Vous les connaissez parfaitement, vous
13 les avez rappelés. Vous devez répondre sur les points de droit qu'a
14 soulevés la défense ou sur des points de fait qui pourraient entraîner un
15 délit de justice ou une grave erreur judiciaire. C'est ça le travail
16 qu'attendent les Juges de la Chambre d'appel.
17 Mme Brady (interprétation): Oui, bien sûr, Monsieur le Président.
18 Le deuxième motif évoqué par l'appelant, il s'agit du fait que la Chambre
19 se soit appuyée sur le fait que le témoin 50 ait identifié Zoran Vukovic
20 comme étant son principal agresseur. En ce qui concerne l'identification
21 donc de l'identification dans l'affaire Kupreskic, la Chambre d'appel a
22 stipulé que la Chambre de première instance doit faire preuve de beaucoup
23 de précaution lorsque l'identification de l'accusé est faite par un seul
24 témoin et qu'elle doit être extrêmement rigoureuse dans l'explication des
25 facteurs qui lui permettent de s'appuyer sur la déposition de ce seul
Page 295
1 témoin.
2 Contrairement à ce qui a été avancé par nos éminents collègues de la
3 défense, nous avançons que lorsqu'elle a utilisé l'identification par le
4 témoin 50 la Chambre a respecté tous les critères nécessaires. Et elle a
5 insisté sur le caractère très traumatique des événements et de la
6 situation dans laquelle se trouvaient les témoins, et qu'on pouvait
7 envisager des erreurs d'identification.
8 La Chambre a stipulé qu'elle avait examiné ceci avec beaucoup d'intention
9 et en y prenant beaucoup de soin. La Chambre explique très clairement et
10 motive ses conclusions. Si vous examinez les déclarations du témoin 50,
11 surtout les deux occasions à laquelle elle était en compagnie de Zoran
12 Vukovic, eh bien, on ne peut nullement voir les erreurs prétendues au
13 sujet de l'identification. Il y a une première fois, lorsqu'elle a subi un
14 viol à Buk Bijela, les déclarations qu'elle a faites à ce sujet d'une
15 valeur probante, très forte: elle était très jeune, elle avait 16 ans, il
16 était armé, il avait un uniforme, il lui a posé des questions humiliantes,
17 des questions dégradantes. Elle l'a ensuite revu deux semaines plus tard
18 lorsqu'il l'a emmenée dans cet appartement où il l'a violée. Ce qui
19 importe, c'est que dans sa déclaration de 1995, elle a décrit Zoran
20 Vukovic, elle a fait une description qui correspond tout à fait à son
21 apparence, on peut le constater au paragraphe 562, en ce qui concerne ce
22 qu'elle a dit dans le prétoire lorsqu'elle a identifié Vukovic dans le
23 prétoire en disant que c'était bien lui qui l'avait violée. Lors du
24 procès, nous avions pris la position et c'est toujours notre position
25 selon laquelle la Chambre peut accorder un certain poids à cette
Page 296
1 identification.
2 Cependant, nous prenons note du fait que le principal argument évoqué par
3 Me Jovanovic avait trait à la procédure suivie par la Chambre,
4 l'utilisation de cette identification dans le prétoire. Mais nous savons
5 que la Chambre de première instance n'a pas accordé une valeur probante
6 positive, n'accorde pas de valeur probante positive à ce genre
7 d'identification faite dans le prétoire. Enfin, les observations faites
8 par l'appelant après le viol lorsqu'il lui a dit que s'il n'avait pas une
9 fille du même âge il lui aurait fait subir des choses encore pires.
10 Nous estimons que ceci ajoute quelque chose à la fiabilité de
11 l'identification faite par le témoin puisque beaucoup de témoins nous ont
12 dit que l'appelant avait une fille qui était adolescente à ce moment-là.
13 Donc, en résumé, nous disons que l'appelant n'a pas prouvé que la Chambre
14 de première instance avait fait erreur en se convainquant que le témoin 50
15 avait été en mesure d'identifier Vukovic, comme l'homme qui l'avait
16 violée.
17 Monsieur le Président, je vais maintenant passer à des motifs d'appel
18 commun, l'évaluation des témoins experts y compris l'évaluation de
19 l'examen subi par Zoran Vukovic. Je vais passer ensuite à la torture et à
20 l'application du droit sur la torture au fait.
21 M. le Président: Vous pouvez passer à tout ce que vous voulez. Nous allons
22 faire une pause que de 15 minutes, je le dis tout de suite.
23 Moi, j'invite M. Carmona qui est le leader à se rapprocher de M. John
24 Hocking, vous devez terminer votre présentation à 13 heures et y inclus
25 les éventuelles questions des Juges. Je maintiens et je l'ai dit hier que
Page 297
1 les Juges ont le droit de poser les questions et vous devez tenir compte
2 d'éventuelles questions des Juges, sans quoi, évidemment nous devrons
3 siéger la semaine prochaine.
4 Je prétends que la Chambre d'appel ne fait pas le même travail que la
5 Chambre d'instance. Vous avez donné des mémoires, vous devez répondre,
6 vous attacher à plaider par observation. Ça s'apprend, ça s'apprend dans
7 les écoles de droit. Ça s'apprend. Et je suis persuadé que tous les
8 collègues seront d'accord, nous en avons déjà discuté à plusieurs
9 reprises.
10 Monsieur John Hocking et Monsieur Carmona, vous vous mettez d'accord, vous
11 plaidez par observations, vous visez vos mémoires et puis, bien entendu,
12 vous avez écouté les défenseurs des accusés.
13 Ensuite, à 13 heures, nous passerons bien entendu à une dernière heure, de
14 sorte que nous terminerons la présentation générale. Nous ne re-plaidons
15 pas, on ne fait pas de concours d'éloquence ou de plaidoirie ici devant ce
16 Tribunal.
17 Voilà, nous faisons une pause de 15 minutes. Nous reprenons à 11 heures
18 20.
19 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 24.)
20 M. le Président: L'audience est reprise. Faites entrer les accusés, s'il
21 vous plaît.
22 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
23 Nous reprenons: la présentation des éléments du Procureur se terminera à
24 une heure moins le quart; nous ferons une pause d'une heure moins le quart
25 à une heure. La défense terminera pour une heure maximum.
Page 298
1 Maître Brady, allez-y.
2 (Présentation des arguments du Bureau du Procureur relatifs aux "erreurs
3 factuelles", par Mme Brady.)
4 Mme Brady (interprétation): Je vous remercie. Messieurs les Juges, je
5 serai très brève vu le temps imparti.
6 Je vais me concentrer sur les éléments ayant trait aux erreurs factuelles
7 soulevées, s'agissant du crime de torture. Il suffira de dire deux choses
8 à cet effet, ou plutôt une, à propos des conclusions tirées sur
9 l'évolution faite par la Chambre de première instance en ce qui concerne
10 l'examen médical de Vukovic.
11 L'appelant n'a soulevé aucun élément probant pour montrer que la Chambre
12 se serait trompée au moment où elle a examiné les conditions médicales de
13 Vukovic. Au paragraphe 800 jusqu'au paragraphe 805, elle le dit
14 clairement; elle détermine la base sur laquelle elle s'appuie pour tirer
15 ses conclusions. Elle dit avoir procédé à un examen minutieux des moyens
16 de preuve et n'est pas convaincue de ce qu'il serait possible qu'il y
17 aurait eu blessure d'un côté ni non plus que ladite blessure aurait pu le
18 rendre impuissant au moment couvert par l'Acte d'accusation.
19 Je passe à la question de la torture. Ceci est précisé dans notre mémoire
20 de réplique au mémoire de Vukovic et je m'attache aux conclusions tirées
21 par l'appelant sur le deuxième élément constitutif du crime de torture.
22 L'appelant nous dit que la Chambre a erré en droit lorsqu'elle a conclu
23 que les actes ou omissions étaient intentionnels. Nous relevons que c'est
24 un motif commun d'appel avec Kunarac. En réponse, nous soutenons que
25 l'auteur de torture ne doit pas désirer ni avoir l'intention d'infliger
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1 des souffrances extrêmes, physiques ou mentales, à sa victime. Il se
2 suffit que l'auteur ait eu l'intention d'avoir ce comportement et que la
3 victime ait effectivement subi ces souffrances graves.
4 Et l'on voit l'arrêt Furundzija sur ce point, au paragraphe 111. La
5 Chambre d'appel considère que les actes ou omissions de l'accusé doivent
6 donner lieu à des souffrances physiques ou mentales graves. Cette
7 conclusion de la Chambre d'appel dans l'affaire Furundzija est d'un
8 intérêt tout particulier ici parce que, dans l'affaire Furundzija,
9 l'appelant avait soulevé le même argument que celui soutenu par Vukovic et
10 Kunarac aujourd'hui, à savoir que: "même si j'ai commis cet acte, je ne
11 voulais pas causer de souffrance grave à la victime". Donc les conclusions
12 Furundzija s'appliquent directement ici, puisqu'elles portent sur les
13 mêmes circonstances.
14 C'est tout ce que j'ai à dire à propos de la torture.
15 Je passe aux conclusions s'agissant des erreurs alléguées dans les
16 conclusions pour le crime de viol.
17 L'appelant n'a pas prouvé que la Chambre aurait agi de façon déraisonnable
18 lorsqu'elle a conclu qu'il y avait eu des rapports sexuels avec le témoin
19 50, sans le consentement de cette dernière. De plus, l'appelant n'a pas
20 prouvé qu'il était déraisonnable de la part de la Chambre de conclure
21 qu'il a commis tout ceci, sachant qu'elle n'avait pas consenti. Inutile de
22 parcourir tous les moyens de preuve que vous avez sous vos yeux dans le
23 jugement, tout comme l'avaient les juges des faits. Et nous disons que la
24 décision de ceux-ci, que ce soit sur l'élément matériel ou l'élément moral
25 de cette infraction, était plus que raisonnable.
Page 300
1 En conclusion, nous vous demandons de rejeter tous les motifs d'appel
2 soulevés par l'appelant Vukovic et de maintenir les conclusions tirées par
3 la Chambre de première instance.
4 Je vous remercie, Monsieur le Président.
5 M. le Président: C'est moi qui vous remercie, Maître Brady. Vous avez
6 plaidé de façon synthétique, vous avez fait allusion à votre mémoire et
7 les Juges lisent les mémoires, lisent les échanges d'écritures. Merci donc
8 d'avoir fait cet effort. Le débat est ainsi beaucoup plus clair.
9 Qui intervient maintenant? C'est toujours vous-même?
10 Mme Brady (interprétation): Non, Monsieur le Président.
11 Permettez-moi maintenant de passer la parole à Mme Rashid qui va vous
12 parler des erreurs soulevées dans le mémoire de l'appelant Kovac.
13 (Présentation des arguments du Bureau du Procureur relatifs aux "erreurs
14 soulevées par l'accusé Kovac", par Mme Rashid.)
15 Mme Rashid (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
16 Monsieur le Président, nous allons maintenant nous pencher sur d'autres
17 motifs d'appel, soulevés par l'appelant Kovac dans ses écritures, ainsi
18 qu'à l'audience, par le biais de son avocat.
19 Je vais uniquement me pencher sur une question: l'atteinte à la dignité de
20 la personne et les charges qui en découlent.
21 L'appelant nous dit que "le seul élément qui pourrait correspondre à ceci,
22 c'est le fait qu'on aurait forcé des jeunes femmes à danser nues". Il
23 poursuit en disant que "la Chambre a versé dans l'erreur en le condamnant
24 pour atteinte à la dignité de la personne", sur la base d'autres actes,
25 outre celui que je viens de mentionner.
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1 L'accusation estime que la Chambre avait la possibilité de conclure qu'il
2 y avait d'autres actes constitutifs d'atteinte à la dignité de la personne
3 pour ces raisons. La Chambre de première instance définit cette atteinte
4 comme étant tout acte ou omission considérés généralement comme causant
5 une humiliation grave, une dégradation de la dignité ou toute autre
6 atteinte à la dignité de la personne.
7 La Chambre d'appel dans l'affaire Furundzija, souvenez-vous, parle de la
8 dignité humaine comme étant la valeur prépondérante que défend ce chef
9 d'atteinte à la dignité.
10 L'appel Aleksovski a déterminé un test objectif: il faut que l'humiliation
11 visée soit telle que la personne se sente atteinte dans sa dignité.
12 Gardant à l'esprit le fait que nous nous sommes basés, pour prouver notre
13 thèse, sur le fait qu'il y a eu atteinte prolongée à la dignité d'une
14 personne et que ceci englobe le traitement réservé à la victime, la
15 Chambre de première instance, en examinant des actes individuels ou
16 omissions, et puis sur les faits cumulatifs a effectué une démarche
17 correcte appuyée par d'autres éléments de jurisprudence, comme dans
18 l'affaire Aleksovski.
19 Dans cette dernière affaire -j'y reviens brièvement-, les actes précis
20 étaient, par exemple, violences psychologiques, dont menace directe avec
21 mort s'ensuivant, ou éléments répétitifs, par exemple des hommes qui
22 entraient dans les cellules du camp, des cris diffusés par haut-parleur et
23 l'incertitude qui prévalait dans l'esprit des détenus quant au fait de
24 savoir s'ils allaient être envoyés pour creuser des tranchées ou être
25 libérés, autant d'actes qui constituent la base permettant d'avoir un chef
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1 unique d'atteinte à la dignité de la personne dans l'affaire Aleksovski.
2 Ici, nous parlons de mauvais traitements sévères infligés à des civils,
3 femmes et enfants, ce qui est tout à fait inadmissible en temps de paix.
4 Le conseil de la défense a essayé de minimiser ces actes; il a dit que
5 c'étaient simplement des corvées ménagères ordinaires. Ce n'est pas le
6 cas. Ce ne sont pas des actes qui pourraient simplement causer des
7 inconvénients, un inconfort minime; ce sont des humiliations graves et
8 c'étaient des atteintes qui constituaient une atteinte à la personnalité
9 et à la dignité de la personne, parce qu'on forçait ces femmes à laver le
10 linge, nettoyer l'appartement de ces auteurs, à préparer la nourriture
11 pour ces hommes qui les violaient, qui leur infligeaient des sévices. Et
12 tout ceci équivaut à une atteinte à la dignité de la personne.
13 Il nous faut prendre une perspective plus large, prendre du recul, ne pas
14 voir simplement ces simples corvées évoquées par le conseil de la défense.
15 Par conséquent, les conclusions de la Chambre sont inattaquables: il n'y a
16 aucun fondement à ce motif d'appel.
17 Revenons aux allégations des conseils selon lesquelles la Chambre n'aurait
18 pas bien apprécié la déposition des huit témoins à décharge appelés à la
19 barre par l'accusé Kovac. On aurait, la Chambre aurait mal évalué leurs
20 dépositions, a dit le conseil, parce que les moyens de preuve n'étaient
21 pas valables.
22 Nous estimons, en tant qu'accusation, que ceci n'est pas exact. Au moment
23 du procès, l'appelant n'a pas déposé lui-même, il a demandé à huit témoins
24 de le faire. Le témoin 87 était la petite amie de Kovac et on aurait dit
25 que le témoin 87 disposait d'une liberté de mouvement, n'était donc pas
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1 réduite en esclavage.
2 Mais à l'inverse du grief de Kovac, on peut dire qu'on a bien tenu compte
3 dans le jugement des dépositions des témoins à décharge; je parle ici des
4 pages 61 à 68, 78 à 80 du Jugement qui montre, notamment en son paragraphe
5 141, que la Chambre était tout à fait au courant de l'importance des
6 moyens à décharge, qu'elle en a bien tenu compte.
7 La Chambre n'a pas à critiquer chacun des éléments avancés par la défense;
8 elle ne doit pas énoncer chacune des hypothèses qu'elle aurait pris en
9 compte pour établir son raisonnement qui amenait à la décision prise dans
10 le Jugement. La Chambre a accepté des éléments à décharge qu'elle estimait
11 corrects et donc, manifestement, elle n'a pas rejeté toutes les
12 suggestions faites par la défense. Je vous renvoie aux paragraphes 750,
13 752 où la Chambre de première instance a, de toute évidence, accepté la
14 version avancée par l'accusation des événements, rejetant ainsi ce que
15 disait la défense à propos des mêmes événements.
16 La Chambre a repris plusieurs paragraphes où elle relève les discordances
17 et le fait que la thèse de la défense n'est pas soutenable. Je vous
18 renvoie aux paragraphes 100, 144, 145, 146, 152, 154 et 159.
19 En conclusion, Monsieur le Président, nous estimons que la Chambre a prêté
20 foi aux dires de 87, ce qu'elle avait tout à fait le droit de faire.
21 L'appelant au fond, dans cette partie-ci de son argumentaire, vous invite
22 à réexaminer les mêmes faits, les mêmes questions déjà étudiées par la
23 Chambre de première instance pour, cette fois-ci, tirer des conclusions
24 différentes. Mais vous devez décliner cette invitation. Comme vous l'avez
25 dit, ce n'est pas le rôle que joue une Chambre d'appel.
Page 304
1 L'appelant n'a pas réussi à vous montrer qu'il était déraisonnable de la
2 part de la Chambre de première instance de conclure en son paragraphe 762
3 que "le rapport entre Kovac et le témoin 87 était un rapport
4 d'opportunisme cruel, d'exactions constantes et n'était pas une relation,
5 un rapport d'amour". Ce motif est dénué de fondement et doit être débouté.
6 Permettez-moi de faire mes dernières observations sur Kovac. La thèse que
7 nous avons conduite se base sur trois témoins matériels et un témoin en
8 réplique qui ont pu vous fournir des faits concrets, précis qui montrent
9 qu'il y a eu des mois entiers de viols, de réduction en esclavage, de
10 comportements répréhensibles.
11 Nous avons montré par les témoins que ceux-ci étaient exposés à une
12 limitation de mouvement. La Chambre a pris un grand soin dans l'examen des
13 éléments qu'elle a rejetés ou qu'elle a retenus. L'accusation a mené une
14 présentation équitable. Par exemple, lorsqu'il n'y avait pas eu preuve au-
15 delà de tout doute raisonnable, elle l'a concédé; je vous renvoie ici au
16 paragraphe 797 du Jugement.
17 Le Jugement montre que Kovac a été bien jugé, en droit comme en fait. Il a
18 fait l'objet d'un procès équitable et il n'y a pas eu déni de justice.
19 Nous faisons valoir que, pour toutes ces raisons présentées dans le
20 mémoire de l'accusation, le motif soulevé par Kovac ne doit pas être
21 retenu.
22 Je vous remercie. Je suis prête à recevoir vos questions.
23 M. le Président: Pas de question. Bien. Nous poursuivons.
24 Mme Rashid (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
25 C'est maintenant M. Anthony Carmona qui va vous parler des moyens soulevés
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1 par l'accusé Kunarac et vous parlera aussi d'un moyen soulevé par tous les
2 accusés en matière de peine imposée.
3 M. Carmona (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
4 M. le Président: Je vous demande une petite seconde. Je voudrais consulter
5 mes collègues sur un point.
6 (Les Juges se consultent sur le siège.)
7 M. le Président: Excusez-nous, Monsieur Carmona, nous vous écoutons.
8 (Présentation des arguments du Bureau du Procureur relatifs à l'accusé
9 Kunarac, par M. Carmona.)
10 M. Carmona (interprétation): Messieurs les Juges, nous allons répondre aux
11 arguments présentés à l'audience par la partie adverse s'agissant de
12 Dragoljub Kunarac.
13 Notons immédiatement, c'est important, qu'un des motifs les plus
14 importants tient à la méthode utilisée pour soupeser les moyens de preuve.
15 La jurisprudence dans l'affaire Kayishima/Ruzindana -jugement du 1er juin
16 2001- la Chambre d'appel dit qu'il n'est pas possible ni approprié de
17 dresser une liste exhaustive des critères régissant l'administration de la
18 preuve.
19 A cet égard, il est important de relever que la Chambre de première
20 instance a examiné plusieurs facettes dans les techniques d'évaluation,
21 propres à ce Tribunal dans l'évaluation des moyens de preuve. Elle a
22 d'abord examiné la charge de la preuve, la présomption d'innocence,
23 comment on examine la question des discordances, des incohérences, tout le
24 concept de la matérialité. Ceci mis à part, il y a aussi des conclusions
25 sur la question de l'identification. Mais avant tout, il est important de
Page 306
1 relever que, dans le jugement qu'elle a rendu, il y a aussi la question de
2 l'acquittement.
3 3 juillet 2000: lorsque tout le processus analytique utilisé par les Juges
4 de fait a été repris dans un paragraphe que je vous demande de pouvoir
5 lire pour éclairer mon propos.
6 Dans ce jugement, ils ont dit ceci -je cite-: "Une règle fondamentale pour
7 déterminer des questions de fait, c'est qu'aucune conclusion ne peut être
8 tirée sur la crédibilité d'un témoin tant que tous les moyens n'ont pas
9 été soumis. Un juge des faits ne doit jamais examiner chaque témoin
10 séparément comme si ce témoin existait en vase clos. C'est l'accumulation
11 de tous les moyens soumis pendant le procès qui doit être examinée. La
12 déposition d'un témoin, en tant que telle, peut sembler de piètre qualité
13 au départ, mais elle peut se renforcer au fil des témoignages soumis. Un
14 témoin, au départ crédible, peut être affaibli par la déposition d'autres
15 témoins." (Fin de citation.)
16 Cela va être, si vous voulez, mon test décisif, puisque ceci symbolise
17 vraiment la démarche retenue par la Chambre et indique que les
18 préoccupations soulevées par la partie adverse, s'agissant de la manière
19 dont les témoins ont été évalués, eh bien, seront éclairées par cette
20 directive que je viens de citer.
21 Parlons maintenant des moyens précis. Et c'est vrai, il faut le
22 reconnaître, ils sont très factuels.
23 Il est important de constater que, s'agissant des arguments présentés
24 oralement, on critique les moyens de preuve comme étant insuffisants,
25 s'agissant des Chefs 1 à 4.
Page 307
1 Mais voyez les conclusions tirées par la Chambre; je pense aux paragraphes
2 5.2 et 5.5 de l'Acte d'accusation. Prenons le paragraphe 5.2 de l'Acte
3 d'accusation. L'avocat de la défense avance que l'évaluation des moyens de
4 preuve apportés par le témoin 87, au regard du paragraphe 5.4 de l'Acte
5 d'accusation, ne sont pas soutenables.
6 Que s'est-il passé en ce fait précis? La Chambre a rejeté la matrice
7 utilisée pour l'administration de la preuve qu'on voit au 5.2 et qui a
8 trait surtout au témoin 87. Mais au paragraphe 5.4 de l'Acte d'accusation,
9 la déposition de ce même témoin a été considérée comme acceptée. Le
10 conseil de la défense attaque la déposition du témoin 87, disant qu'elle
11 n'est pas crédible. Nous faisons valoir que, s'agissant des deux
12 allégations de viol au point 5.2, ces allégations ont été prouvées et que
13 la Chambre ne s'est pas prononcée négativement sur la crédibilité de ce
14 témoin; elle n'a pas non plus estimé que ce témoin n'était pas digne de
15 foi.
16 Sur quoi s'est-elle basée? Sur le fait que ce témoin, dans son récit,
17 n'avait pas de clarté et qu'il n'y avait pas d'élément de preuve à
18 l'appui. Différents événements peuvent donner une intensité de souvenir
19 différente: certains moments sont moins mémorables que d'autres, on le
20 reconnaît, mais vu le nombre d'exactions subies par les victimes, comment
21 voulez-vous qu'elles se souviennent de chacun des incidents avec
22 suffisamment de valeur probante, en tout cas de valeur probante requise
23 par l'appelant?
24 La Chambre a regardé s'il y avait des moyens de preuve à l'appui ou pas.
25 Et même lorsqu'il s'agit d'évaluer les moyens relatifs à l'identification,
Page 308
1 s'agissant du témoin 87, à part cet élément, la Chambre a dit que
2 l'appelant lui-même a reconnu avoir rencontré ce témoin le 3 août à
3 Partizan et l'avoir revu à la maison de Karaman. Lorsqu'on se demande si
4 un moyen de preuve est crédible, est probant, les Juges ont examiné
5 d'autres éléments de preuve, notamment les aveux mêmes des appelants et de
6 l'appelant en question.
7 Nous faisons valoir, vu les circonstances, que la Chambre a tout à fait le
8 droit d'accepter une déposition de témoin, en tout ou en partie. Dans les
9 arguments fournis à l'audience, l'appelant n'a pas appelé à votre
10 attention une jurisprudence du TPIY à l'appui de sa thèse selon laquelle,
11 si une Chambre de première instance rejette une partie de la déposition
12 d'un témoin, elle doit en fait la rejeter en totalité.
13 Permettez-moi de parler d'autres témoins, surtout du témoin 75 et du
14 témoin dont on a beaucoup parlé, le témoin DB. L'appelant, à l'audience,
15 nous dit que la Chambre a erré en fait en pensant que ce témoin et le
16 témoin DB avaient été emmenées dans un lieu, au n°16, où l'accusé aurait
17 violé DB, alors que le témoin 75 était violée par un groupe de soldats. Et
18 l'appelant dit que tout cet incident ne peut pas être retenu.
19 Ce faisant, il a proposé plusieurs hypothèses à l'audience; il a dit
20 notamment qu'il y avait une discordance matérielle entre la date de
21 l'infraction dont se souvenait le témoin -qu'on retrouve au 5.3 de l'Acte
22 d'accusation. Mais rappelez-vous que dans ledit Acte d'accusation, on dit
23 "le 16 juillet ou autour de cette date". A l'audience, il nous a dit que
24 ceci était vague. "Qu'est-ce que ça veut dire, aux environs de cette
25 date?", a-t-il dit.
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1 Est-ce que là, il conteste l'aspect linguistique, littéraire de l'Acte
2 d'accusation ou est-ce qu'il parle du concept de l'équité, selon lequel
3 l'Acte d'accusation doit soumettre à la partie adverse les faits
4 pertinents que celle-ci doit réfuter? Vu les circonstances et vu l'Acte
5 d'accusation, il s'agissait d'un incident bien détaillé, bien précis.
6 La Chambre a estimé que cet incident s'était produit, mais vers la fin du
7 mois. C'est un aspect finalement périphérique parce que, sans conteste,
8 l'incident factuel repris au point 5.3 de l'Acte d'accusation est précis:
9 il porte sur deux victimes, non pas quatre comme l'Acte d'accusation le
10 dit au point 5.4, on mentionne Kunarac et "Gaga", on parle d'actions
11 spécifiques, séparées: ces femmes ont été emmenées par ces deux hommes
12 dans la maison, le témoin DB a été emmenée dans une pièce séparée, le
13 témoin 75 a subi un viol collectif d'une quinzaine de soldats.
14 La défense nous dit maintenant qu'il y a confusion entre le 5.3 et ces
15 faits, et le 5.4 de l'Acte d'accusation, mais ceci est sans fondement.
16 Revenons à la question des discordances entre des déclarations de témoins,
17 ou les dires d'un témoin et les dires d'un autre. C'est vraiment banal. La
18 Chambre de première instance a souligné, comme d'autres Chambres de
19 première instance l'ont fait, notamment au paragraphe 564, que le
20 traumatisme même subi par un tel épisode donnera inévitablement lieu à un
21 souvenir fragmentaire qui n'est pas lié dans le temps. On va peut-être se
22 souvenir d'un détail, mais pas d'un autre. On ne leur demande pas de se
23 souvenir de tout.
24 Ce qui compte, c'est de savoir si les éléments factuels essentiels que
25 nous avons soumis ont été prouvés au-delà de tout doute raisonnable.
Page 310
1 La Chambre d'appel, à cet égard, doit se demander si, au vu de ces
2 discordances présumées entre les dépositions du témoin 75 et du témoin DB
3 notamment, il y a vraiment de telles discordances qu'on ne peut pas
4 conclure raisonnablement qu'elle était digne de foi. Le temps entraîne des
5 discordances dans le souvenir, dans la mémoire. Huit ans se sont écoulés.
6 Par conséquent, les témoins disposent d'une certaine marge de manœuvre
7 pour ce qui est du contexte des détails du souvenir qu'ils ont de telle et
8 telle chose.
9 En conclusion sur ce point, nous tenons à dire qu'en rejetant l'argument
10 selon lequel les discordances de la mémoire ont sapé la crédibilité des
11 témoins en question, la Chambre d'appel a soutenu la démarche de la
12 Chambre de première instance s'agissant du corps principal des éléments de
13 preuve considérés comme inappropriés. Et le premier procès que je citerai
14 est l'affaire Kayishima et Ruzindana.
15 La troisième question, s'agissant de ce témoin, est liée au témoin DB, à
16 savoir aux conclusions de la Chambre de première instance selon lesquelles
17 l'appelant a eu des rapports sexuels avec DB, sachant pertinemment que la
18 victime n'était pas consentante. La position de l'appelant consiste à dire
19 que l'élément de preuve ne vient pas à l'appui d'une telle conclusion.
20 L'appelant affirme que DB a eu des rapports sexuels avec lui suite à des
21 menaces exprimées par "Gaga", mais ceci n'est pas fondé.
22 L'accusation affirme que l'évaluation faite par la Chambre de première
23 instance est correcte. La Chambre a estimé que l'appelant savait que la
24 victime n'était pas consentante, et donc il n'est plus pertinent de savoir
25 si elle l'a fait en raison d'une menace venant d'une tierce personne. Il
Page 311
1 est important de comprendre la réflexion suivie par la Chambre de première
2 instance dans l'évaluation qu'elle a faite du témoin DB.
3 Mes collègues de l'accusation ont déjà fait savoir à la Chambre de
4 première instance quels étaient les éléments de droit relatifs au
5 consentement ou pas. Donc je ne vais revenir sur ce point, mais j'aimerais
6 revenir sur la matrice des faits qui ont été pris en compte pour illustrer
7 que rien de tout cela ne peut être considéré comme du consentement.
8 A cet égard, je demande au Tribunal de s'écarter des éléments spécifiques,
9 en d'autres termes nous devons apprécier ce qui s'est passé à Foca à
10 l'époque dans le contexte général; et notamment ce qui s'est passé dans le
11 gymnase Partizan à ce moment-là, ainsi que dans la rue Osman Dikic. Et
12 ensuite nous devons nous écarter de l'appréciation générale de ces
13 circonstances pour revenir au point particulier en rapport avec l'incident
14 précis auquel a participé DB.
15 D'abord, la Chambre a rejeté les éléments de preuve de l'appelant selon
16 lesquels le comportement DB l'a surpris à créer la confusion dans son
17 esprit.
18 La Chambre de première instance a examiné toutes les circonstances dans
19 lesquelles se trouvait la victime et que connaissait très bien l'appelant,
20 notamment le fait que la victime était en captivité, le contexte général
21 de la situation de guerre et le contexte spécifique également, à savoir le
22 fait que les jeunes filles musulmanes détenues dans la salle Partizan ou
23 ailleurs à Foca étaient dans une situation tout à fait particulière.
24 La Chambre de première instance a ensuite déterminé si, dans ces
25 circonstances, l'appelant savait que la victime n'était pas consentante et
Page 312
1 a estimé au-delà de tout doute raisonnable que Kunarac a eu un rapport
2 sexuel avec DB en sachant pertinemment qu'elle n'y consentait pas.
3 Si je puis maintenant me référer brièvement à certains éléments de fait,
4 je le ferai en rapport avec la théorie de la confusion de l'esprit avancée
5 par l'appelant. Je parle plus particulièrement de DBT3804 qui a dit qu'il
6 a essayé de calmer la situation en la convainquant qu'elle n'avait aucune
7 raison d'avoir peur. Elle lui a dit qu'elle n'était pas habituée à l'usage
8 de la force et il dit "J'étais totalement dans la confusion. Je ne savais
9 pas si j'avais de la marge de manœuvre. J'ai eu un rapport sexuel contre
10 mon gré". C'était en fait un renversement des rôles, si je puis m'exprimer
11 ainsi.
12 Si l'on regarde la façon dont cet incident s'est déroulé dans le détail,
13 on voit qu'il a été dit que c'est lui qui a proposé à la victime de
14 prendre une douche, mais que "Gaga" est en fait celui qui l'a aidée à le
15 faire, qui lui en a donné la possibilité en lui donnant un long t-shirt,
16 et pas une robe d'été comme indiqué dans l'élément de preuve.
17 Mais ce qui est plus spécifique, c'est que la Chambre a également examiné
18 toutes les déclarations préalables du témoin en rapport avec cet incident,
19 pièce à conviction de l'accusation 67 où il n'est fait aucune mention de
20 l'incident.
21 M. le Président: Aucune mention de l'incident?
22 M. Carmona (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
23 Pour résumer, je dirais que lorsque la Chambre de première instance a
24 examiné ces éléments de preuve, elle est arrivée fermement à la conclusion
25 que ces éléments n'étaient pas crédibles. Et nous avons un petit élément
Page 313
1 qui nous montre l'importance de cette absence de crédibilité, à savoir le
2 moment où le témoin indique qu'elle a eu une conversation avec "Gaga"
3 lorsqu'il a pénétré dans la pièce. Cependant, elle reconnaît honnêtement
4 ne pas être sûre d'avoir entendu la conversation au sujet de la menace. Il
5 est important de remarquer que la Chambre de première instance n'a pas
6 utilisé cela dans ses conclusions.
7 Nous avons entendu la défense et celle-ci a, entre autres, dit que la
8 Chambre de première instance a fait erreur en concluant que les témoins 75
9 et DB avaient souffert de souffrances mentales et physiques graves.
10 La défense affirme que la Chambre ne peut pas tirer une telle conclusion
11 si elle ne dispose de pas de pièces justificatives de nature médicale pour
12 le prouver.
13 Mes collègues et moi-même avons mentionné Furundzija et nous disons que la
14 conclusion de la défense est erronée. La défense, elle, parle d'une erreur
15 de droit. Nous nous rappelons que dans l'affaire Aleksovski l'accusé avait
16 argué du fait que l'accusation n'était pas dans l'obligation ou n'avait
17 pas besoin de présenter un certain nombre d'éléments de preuve qu'elle a
18 présentés, que c'était donc une erreur.
19 Je reviendrai à présent sur l'ensemble des éléments qui ont concerné la
20 torture, car nous sommes ici dans un domaine du droit où un certain nombre
21 de personnes ont exprimé des préoccupations.
22 Il convient de remarquer que dans les arguments oraux, aucune mention n'a
23 été faite des éléments de preuve et de la situation relative au Chef 11 à
24 13 de l'Acte d'accusation impliquant le témoin FWS-183, mais il est
25 important de remarquer, s'agissant de FWS-183, qu'un incident a eu lieu à
Page 314
1 la mi-juillet, ou, en tout cas, au cours de l'été 1992 et qu'au cours de
2 cet incident -je ne reviendrai pas sur cet incident dans le détail- mais
3 en tout cas nous trouvons d'autres éléments de mens rea s'agissant de la
4 torture et d'autres éléments de fait soulignés par l'accusation vis-à-vis
5 de l'appelant Kunarac.
6 En effet, il entre à toute vitesse dans la maison d'une femme, exprime,
7 formule des commentaires négatifs au sujet de son appartenant ethnique, du
8 groupe ethnique auquel appartient cette femme, et ceci s'est certainement
9 passé à un moment où Kunarac est considéré comme ayant commis l'acte qui
10 lui est reproché ou même plusieurs des actes qui lui sont reprochés.
11 J'aimerais maintenant passer aux allégations de la défense au sujet du
12 paragraphe 5.4 de l'Acte d'accusation, et notamment au sujet des témoins
13 FWS-87, 75, 50 et DB.
14 La défense a présenté des arguments relatifs à ces témoins en disant qu'il
15 existe trois versions différentes des faits selon ces quatre témoins.
16 Il est important, me semble-t-il, de vous renvoyer à l'affaire "le
17 Procureur contre Musema" paragraphes 145 à 150 de l'arrêt en appel, qui se
18 lit comme suit -je cite-: "Une simple allégation, une simple déclaration
19 selon laquelle l'histoire racontée par un témoin est improbable, ne prouve
20 pas une erreur de droit ou de fait, mais constitue simplement de
21 l'argumentation au procès. Un procès en appel n'est pas un nouveau procès
22 en première instance donc, un tel argument ne suffit pas à venir à l'appui
23 d'un motif d'appel." (Fin de citation.)
24 Je dis également que s'agissant de ces quatre témoins, il est manifeste
25 que des tentatives ont été faites pour reprendre des arguments déjà
Page 315
1 développés au cours du procès en première instance qui sont simplement
2 restitués sans aucun ajout sur le plan des faits ou sur le plan du droit.
3 Nous regardons donc le paragraphe 5.4 de l'Acte d'accusation en rapport
4 avec ces quatre témoins. L'appelant souligne aussi que les éléments de
5 preuve ont mal été évalués par la Chambre de première instance s'agissant
6 des témoins FWS-186 et FWS-191.
7 Il affirme que la Chambre de première instance ne pouvait pas condamner
8 l'appelant pour les éléments décrits au paragraphe 5.4.
9 Et à cet égard, il est sans doute utile d'examiner le point de vue de la
10 défense au sujet de l'appelant, s'agissant de cette période. Vous vous
11 rappellerez, Messieurs les Juges, que la défense de cet appelant, Kunarac,
12 est principalement une défense par alibi.
13 Il a montré où il dit s'être trouvé entre le 7 juillet et le 21 juillet
14 1992, ainsi qu'entre le 23 juillet 1992 et le 26 juillet 1992 et
15 également, le jour du 2 août 1992 et le jour du 3 août 1992, à partir de 5
16 heures de l'après-midi jusqu'au 8 août 1992.
17 Il a présenté des éléments de preuve liés à ces périodes et des gens,
18 comme Vaso Dragoljuvic, par exemple sont venus appuyer ses dires. Mais il
19 est important de remarquer que s'agissant du 22 et de la nuit du 23 aucun
20 élément de preuve supplémentaire n'a été fourni par l'appelant au sujet de
21 son alibi.
22 En lieu et place de cet alibi pour le 22 juillet, et jusqu'au 1er août
23 1992, l'appelant ne dispose comme élément de preuve que de sa propre
24 déposition.
25 Il importe de remarquer qu'à aucun moment la Chambre de première instance
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1 n'a laissé entendre que Kunarac était tenu de prouver son alibi. La
2 Chambre a reconnu cet alibi comme cela était fait dans l'arrêt en appel de
3 Kayishima où il est dit "que la charge de la preuve s'agissant des
4 éléments de preuve repose sur l'accusation".
5 Mais que, pour l'alibi, il importe que l'accusation en dépit de cet alibi
6 apporte la preuve que les faits allégués dans l'Acte d'accusation sont
7 néanmoins authentiques. Alors la Chambre de première instance a analysé
8 l'alibi, elle a montré les contradictions qui existaient dans ce
9 témoignage dans les éléments de preuve liés à l'alibi; la Chambre a
10 examiné par exemple la distance qu'il y a entre Dragacevo, Previla, le col
11 de Rogoj et Foca et les maisons où il est allégué que les viols ont eu
12 lieu.
13 Chaque fois, la Chambre de première instance a découvert qu'il existait
14 une possibilité physique que l'appelant se soit trouvé à ces endroits. En
15 dehors de cela, il y a également des cas où malgré la défense d'alibi, on
16 constate que l'appelant était si près géographiquement de ces divers
17 secteurs qu'on pourrait penser qu'il était même à porter de vue de ces
18 endroits. Mais ce qui est étonnant dans cette défense d'alibi, c'est que
19 malgré les efforts très importants déployés par l'appelant pour prouver
20 cet alibi, il a également déployé des efforts pour prouver qu'il se
21 trouvait à certains endroits à certains moments de façon à correspondre à
22 d'autres éléments de preuve soumis au procès.
23 A part cela, il importe de remarquer que la condamnation de Kunarac ne
24 s'est pas appuyée, n'est pas due à la faiblesse de son alibi. Il importe
25 de le remarquer en effet car dans tout système judiciaire et notamment en
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1 droit commun, devant un Tribunal, ce n'est pas parce que la défense de
2 quelqu'un a été détruite que cet homme est nécessairement déclaré
3 coupable.
4 Alors qu'a fait la Chambre de première instance, elle est retournée sur
5 les arguments de l'accusation, elle a examiné les différents éléments de
6 preuve de l'accusation, les témoins FWS-75, 87, 50, la Chambre a cherché
7 de nouveaux éléments de preuve à l'appui des dires du Procureur et en fin
8 de compte la Chambre a estimé que ces éléments de preuve étaient crédibles
9 et qu'ils disaient la vérité indépendamment bien sûr du traumatisme vécu
10 par ces témoins indépendamment de cela.
11 La Chambre a estimé que les témoins étaient cohérents dans leurs dires.
12 Alors, ce que demande la défense en fait c'est un examen, une analyse
13 microscopique par la Chambre d'appel. Or, devant aucun système judiciaire,
14 on ne se fonde sur une analyse microscopique des témoignages pour
15 prononcer la culpabilité ou l'innocence. Et à cet égard, il est important
16 de remarquer que même s'agissant des incidents auxquels ont participé ces
17 quatres victimes, incidents pour lesquels Kunarac dit qu'ils ont eu lieu
18 le 3 juillet 1992, des éléments de preuve importants venant de témoins
19 indépendants comme FWS-96 indiquent que Kunarac est effectivement allé au
20 gymnase Partizan, car à ce moment-là il avait entendu que les témoins
21 avaient parlé à Gordana Draskovic, la journaliste, au sujet de leur sort.
22 Alors que dit-il? Selon FWS-96, il dit être allé au gymnase Partizan pour
23 rendre visite à ces filles qui parlent si bien. Et c'est seulement
24 lorsqu'il a emmené ces jeunes filles, manifestement suite à ce que les
25 jeunes filles avaient raconté au journaliste, lorsqu'il les a donc
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1 emmenées à la salle Partizan, qu'il les a ensuite déplacées de la salle
2 Partizan vers la rue Osman Dikic n°16 où, en fait, elles ont été
3 brutalement violées et torturées.
4 On se demande vraiment ce qui est important dans tout ce qui vient d'être
5 dit et tout ce qui a été entendu par la Chambre, venant de la bouche de
6 ces jeunes filles et compte tenu des actes qui ont été commis par la
7 suite, actes de viol et de torture il convient de savoir où placer
8 l'élément important.
9 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on a parlé beaucoup de
10 l'identification de FWS-95 identification de Kunarac.
11 La défense a dit hier dans ces arguments oraux que FWS-95 ne devait pas
12 être cru sur ce point. Au moment où l'identification de Kunarac s'est
13 faite dans le prétoire. Mais ce qui n'a pas été dit, c'est que FWS-95 a,
14 en fait, fait des déclarations préalables et qu'elle a expliqué au
15 Tribunal quelle est la raison des discordances relevées par la défense
16 dans son témoignage. Et sur lesquelles la défense s'appuie pour dire qu'il
17 convient de ne pas tenir compte de son témoignage. J'aimerais indiquer
18 brièvement à quoi je fais référence. Il s'agit du T2329 élément de preuve
19 FWS-95.
20 Le témoin à cet endroit dit ce qui se suit -je cite-: "Pendant sa
21 déposition, elle a dit que lorsque les enquêteurs l'ont interrogée, ils
22 ont examiné les éléments de preuve de façon plus générale et qu'elle n'a
23 pas pu raconter tous les détails au sujet des viols subis." (Fin de
24 citation.)
25 Et le plus important encore, c'est que le témoin explique que, compte tenu
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1 de la peur et du stress qu'elle ressentait, elle était incapable de se
2 rappeler un certain nombre de choses. On en arrive vraiment au ridicule
3 quand on voit des gens affirmer que parce qu'un témoin ne se souvient pas
4 exactement comment était arrangée la pièce dans laquelle elle se trouvait,
5 ou quand un témoin ne se souvient pas d'un bandage placé sur une main. Eh
6 bien, il est ridicule de dire que, pour cette simple raison, il
7 conviendrait de rejeter son témoignage lorsqu'on parle d'une situation
8 caractérisée par des viols multiples et dans un environnement très
9 clairement coercitif.
10 Il est important cependant, s'agissant de l'identification, de réexaminer
11 la démarche adoptée par la Chambre de première instance sur cette
12 question. La décision de la Chambre date du 3 juillet 2000. Il convient de
13 la relire et l'on voit que, lorsque les Juges avaient quelque crainte ou
14 quelque doute au sujet d'un témoin, ils se sont re-penchés en détail sur
15 l'intégralité de sa déposition. Or, s'agissant de FWS-95, la Chambre a
16 estimé que les dires de ce témoin venaient à l'appui de la déposition de
17 FWS-105.
18 S'agissant du viol de FWS-87 dans la maison de Karaman, mes collègues de
19 la partie adverse n'ont pas abordé ce point et l'accusation se contentera
20 donc de réitérer ses arguments, les arguments contenus dans son mémoire
21 écrit.
22 Voilà, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. J'ajouterai que j'ai
23 déjà parlé de FWS-183. La défense estime qu'il n'y a pas eu viol et, là
24 encore, elle n'a pas évoqué d'argument particulier sur ce point. Donc je
25 renverrai les Juges aux arguments développés dans nos écritures.
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1 S'agissant de la "réduction en esclavage" et des témoins 191 et 186,
2 l'accusation a déjà développé un certain nombre d'arguments sur le sujet
3 de la réduction en esclavage; elle a déjà rappelé quels étaient les signes
4 pertinents, s'agissant de Kovac mais également de Kunarac. Et compte tenu
5 des contraintes de temps qui pèsent sur nous, j'aimerais me contenter de
6 renvoyer les Juges de cette Chambre d'appel au mémoire du Procureur dans
7 lequel, au paragraphe 6.111 jusqu'au paragraphe 6.118, nous indiquons tous
8 les éléments factuels, tous les signes qui indiquent qu'il y a eu viol et
9 réduction en esclavage de FWS-191 par Kunarac.
10 A ce stade de mon exposé, je tiens à souligner ce que nous apprend
11 l'affaire Aleksovski, à savoir qu'une bonne cause doit être prouvée en
12 appel pour justifier un réexamen des éléments factuels déjà examinés par
13 la Chambre de première instance, donc des motifs doivent être invoqués à
14 cette fin.
15 L'accusation affirme que, s'agissant de réduction en esclavage et des
16 accusations de viol, tout a déjà été dit. L'appelant n'a fait que revenir
17 sur des arguments déjà utilisés en première instance et, d'après le
18 Procureur, en toute humilité, la défense a échoué à démontrer que la
19 Chambre avait fait erreur dans sa détermination sur les faits et sur le
20 droit.
21 Vous apprécierez, Messieurs les Juges, que l'accusation a évoqué, a
22 présenté un certain nombre d'arguments s'agissant de la fabrication de
23 toutes pièces. Et s'agissant donc d'une fabrication de toutes pièces d'une
24 reconnaissance, au cours de l'identification, nous aimerions ajouter
25 quelques mots sur ce point. En effet, le Procureur déclare que, si un
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1 témoin affirme avoir identifié quelqu'un et que ceci s'appuie sur des
2 propos généraux, la défense remettant ensuite ceci en cause, en disant que
3 le témoin a fabriqué de toutes pièces son témoignage, ce qui est une
4 déclaration tout à fait générale et imprécise, à ce moment-là, d'après le
5 Procureur, cela ne justifie pas de remettre en cause les positions de la
6 Chambre de première instance.
7 Dans ces conditions et si l'on revient également sur l'affaire Kupreskic,
8 on se rend compte que, même si des doutes peuvent éventuellement entacher
9 un témoignage d'identification, dans le cas qui nous intéresse
10 l'identification a été faite, et ce fait peut être considéré comme prouvé
11 au-delà de tout doute raisonnable.
12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, sur le sujet de la torture,
13 s'agissant des éléments constitutifs nécessaires et des éléments factuels
14 nécessaires pour prouver la torture, je crois pouvoir dire que l'équipe du
15 Procureur a, dans une grande mesure, mis en évidence tous les éléments
16 factuels et tous les éléments de droit qui étaient présents dans
17 l'environnement dont nous parlons dans la présente affaire, et, dans la
18 mesure où nous avons réussi dans cette entreprise, je crois qu'il serait
19 inutile de revenir en détail sur tous les éléments factuels relatifs à la
20 torture imputés à Kunarac.
21 Donc je dirais aussi que, lorsqu'on se penche sur les propos au vitriol,
22 les propos très négatifs, très péjoratifs utilisés par les appelants, on
23 voit très clairement que, malgré les dénégations s'agissant de cela, il y
24 avait bel et bien discrimination de la part des appelants.
25 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'accusation, traitant des
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1 arguments sur les faits avancés par la défense, affirme que ce sont des
2 arguments qui sont sans fondement, qui ne méritent pas un intérêt
3 particulier, que la défense n'a avancé aucun argument supplémentaire pour
4 démontrer, par exemple, que la Chambre de première instance avait fait
5 erreur dans les conclusions qu'elle a tirées. Car il a déjà été dit, à de
6 très, très nombreuses reprises devant ce Tribunal, que deux Juges qui
7 jugeront des mêmes faits peuvent peut-être aboutir à des conclusions
8 légèrement différentes, mais que les deux conclusions seront en tout état
9 de cause raisonnables.
10 J'aimerais maintenant dire quelques mots des peines. C'est le dernier
11 motif d'appel important, et je dirais que j'ai une très bonne connaissance
12 de tous les arguments développés par la défense s'agissant du cumul des
13 charges et du cumul des condamnations, et s'agissant également des
14 éléments de jurisprudence que la défense a présentés.
15 D'emblée, et dès le départ de mon exposé, je dirai qu'il est important de
16 bien se rendre compte de la norme qui est appliquée en matière de
17 sentence. En effet, on peut subdiviser une erreur, s'agissant du prononcé
18 de la peine, en quatre catégories différentes: erreurs dans le droit
19 matériel qui est appliqué par la Chambre de première instance, erreurs
20 dans la façon dont le pouvoir discrétionnaire des Juges est utilisé, et
21 d'autres.
22 Pour ma part, je ferai référence aux affaires Tadic, Aleksovski,
23 Furundzija, Serushago, Kambanda, essentiellement, pour indiquer quelles
24 sont les normes qui s'appliquent dans ce domaine. Mais je pense qu'il peut
25 être utile de commencer par citer un paragraphe de l'arrêt en jugement
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1 Celebici, paragraphe de quatre lignes qui indique quel est le test à
2 appliquer.
3 Je cite: "La Chambre d'appel n'intervient -il s'agit de la Chambre d'appel
4 Celebici- que si elle découvre qu'une erreur est discernable. Tant que la
5 Chambre de première instance ne s'est pas égarée en dépassant, en allant
6 au-delà de son pouvoir discrétionnaire, dans le prononcé de la sentence,
7 la Chambre d'appel n'intervient pas". (Fin de citation.)
8 La défense a longuement parlé du problème d'une peine unique, d'une peine
9 globale, de la confusion des peines, par opposition à des peines
10 distinctes et cumulatives. Le Procureur estime que la défense n'a fait la
11 preuve d'aucun préjudice significatif et que donc, sur cette simple base,
12 le motif d'appel de la défense doit être rejeté. D'ailleurs, nous avons
13 développé nos arguments par écrit en faisant référence à plusieurs
14 affaires judiciaires et, à ce stade, nous aimerions rappeler un mot
15 d'ordre de plus en plus fréquemment utilisé dans ce Tribunal, qui insiste
16 sur la nécessité d'une logique dans la présentation des arguments de
17 l'appelant.
18 A cet égard, le problème de savoir s'il convient de prendre en compte le
19 droit en vigueur dans l'ex-Yougoslavie a été évoqué; la Chambre de
20 première instance a bien pris ce droit en compte. Et pour ma part, je
21 reviens plus précisément sur les arguments de la défense en appel. Je dis
22 que sur ce point, nos arguments, comme pour les autres sujets, ont été
23 développés en détail dans notre mémoire écrit, donc je n'y ajouterai pas
24 grand-chose par oral, hormis en disant qu'en dernière analyse la Chambre
25 d'appel a pour responsabilité de se pencher sur la gravité inhérente des
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1 crimes reprochés aux appelants et de déterminer s'il y a eu ou pas une
2 erreur discernable sur ce point de la part de la Chambre de première
3 instance.
4 Mais en dehors de cela, la défense semble dire que Vukovic a été condamné
5 à 20 ans. Je ne sais pas si c'est une erreur de la part de la défense,
6 c'était ce qui était inscrit au compte rendu d'audience en anglais, mais
7 dans la réalité des faits Vukovic a été condamné à 12 ans. Je ne sais pas
8 si c'est à moi qu'il appartient de le dire, mais je tiens à le rappeler.
9 S'agissant du droit matériel, à présent, le Procureur dit, semble penser
10 qu'il y a eu lacune de la part de la Chambre de première instance, donc
11 erreur s'agissant du temps, du calcul du temps de détention, puisque le
12 temps passé en détention avant le procès n'aurait pas été pris en compte.
13 Là encore, nous avons, au paragraphe 8.19 de notre mémoire, une
14 argumentation à ce sujet.
15 Le Procureur souhaite s'associer au jugement Kupreskic, récemment rendu,
16 qui indique d'une façon tout à fait claire qu'un fil d'Ariane existe dans
17 ce Tribunal et que, apparemment, les appelants font toujours référence à
18 un argument similaire, à savoir l'application du barème de peines en
19 vigueur dans l'ex-Yougoslavie et la comparaison avec les peines prononcées
20 ici.
21 Dans l'affaire Kupreskic, la défense s'est accrochée -si je puis utiliser
22 ce terme- à cet argument, mais ici, nous sommes dans une situation assez
23 similaire. Parce que: que nous disent les appelants? Les appelants nous
24 disent: "Vous avez l'affaire Kvocka avec des affaires de meurtre. La peine
25 prononcée a été 'A' et donc, ici, dans le cas qui nous concerne, la peine
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1 prononcée doit être 'B'." Les choses ne fonctionnent pas de cette façon.
2 Ce que le procès Kupreskic nous apprend, de la façon la plus claire qui
3 soit, c'est que ce n'est pas à la Chambre d'appel qu'incombe la
4 responsabilité d'aller pêcher les faits pour trouver justification des
5 propositions de la défense. C'est à la défense qu'il appartient de montrer
6 qu'il y a un rapport direct entre les faits jugés dans telle et telle
7 affaire, et les faits jugés dans telle et telle autre affaire pour
8 montrer, par exemple, qu'il y a similitude sur les faits ou qu'il y a des
9 circonstances atténuantes ou des circonstances aggravantes qui font une
10 différence. En d'autres termes, c'est un exercice absolument inutile que
11 de se contenter de dire que, parce que Kvocka a eu une peine égale à "A",
12 Vukovic devrait, pour sa part, être condamné à une peine égale à "B". Ceci
13 a déjà été évoqué dans l'affaire Kupreskic.
14 S'agissant maintenant de la coopération substantielle, je me permettrai,
15 si vous le voulez bien, de revenir quelques instants sur les motifs
16 d'appel individuels, évoqués par chacun des appelants.
17 Kunarac, s'agissant des motifs de son appel au sujet de la sentence, parle
18 d'une prise en considération erronée des circonstances aggravantes. Il dit
19 que, puisque les femmes se marient aux alentours de 16 ou 17 ans dans la
20 région du monde où se trouve l'ex-Yougoslavie, la jeunesse des victimes ne
21 doit pas être considérée comme un facteur aggravant. Il affirme que cet
22 argument a déjà été avancé. Le Procureur déclare que la Chambre de
23 première instance a eu raison de conclure que ceci constituait une
24 circonstance aggravante.
25 Que dit également l'appelant? Il nous dit, dans les arguments oraux de son
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1 défenseur, que la Chambre de première instance est tenue d'accepter le
2 témoignage des experts et qu'il faut, pour parler de conséquences graves
3 ou de souffrances importantes, que celles-ci aient été apparentes. Là
4 encore, la Chambre de première instance qui a arbitré sur les faits était
5 en mesure de rejeter ou d'admettre en partie ou en totalité le témoignage
6 des témoins et elle a agi comme elle l'a fait, ce qui est à l'appui,
7 d'ailleurs, de ce qui s'est passé dans l'affaire Aleksovski.
8 Kunarac a également élevé des objections au sujet d'un certain nombre
9 d'autres éléments que je ne vous restituerai pas tous ici pour ne pas
10 revenir sur nos écritures. Il a fait référence à la coopération
11 substantielle qui a été la sienne comme une circonstance atténuante. Nous
12 avons développé notre position par écrit. Je me contenterai de rappeler le
13 jugement en appel Kupreskic et je me contenterai de dire que la Chambre de
14 première instance n'est pas tenue d'établir en détail si tel ou tel fait a
15 effectivement été pris en compte dans le détail par les Juges dans
16 l'exercice de leur pouvoir et de leur rôle.
17 Kunarac évoque également les circonstances atténuantes. Nous pensons que
18 la Chambre de première instance a agi de façon tout à fait appropriée:
19 elle n'est pas dans l'obligation d'indiquer toutes les circonstances
20 atténuantes. Si elle ne le fait pas, il ne s'agit là nullement d'une
21 erreur de droit ou de fait de sa part.
22 Maintenant, en ce qui concerne Kunarac, sachant la gravité des crimes
23 commis au niveau du droit international et vu le nombre important de
24 circonstances aggravantes, nous avançons que la peine de 20 ans qui a été
25 prononcée ne peut pas être considérée comme disproportionnée vu le
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1 comportement criminel de l'appelant. Les circonstances atténuantes
2 invoquées par l'appelant ne peuvent pas aller à l'encontre du pouvoir
3 discrétionnaire de la Chambre lorsqu'elle impose la peine à cette
4 personne.
5 En ce qui concerne les motifs invoqués par Radomir Kovac, pour ce qui est
6 de la peine, l'appelant avance que l'absence d'élément de torture physique
7 et mentale indique qu'il y a absence de facteurs aggravants. Or, ceci est
8 sans fondement. L'appelant déclare qu'il n'y a aucun élément qui indique
9 une torture mentale ou physique et qu'il n'y a donc pas de circonstance
10 aggravante en ce qui le concerne. Il affirme que les témoins n'ont pas pu
11 souffrir du fait de ce qu'ils ont subi, et ceci n'a absolument aucun
12 fondement et n'est soutenu par rien qui ait été entendu dans le cadre de
13 la présentation des éléments de preuve.
14 D'autre part, l'appelant dit que la Chambre a erré en droit en lui
15 imposant une peine de vingt ans. Or, il n'a démontré aucune erreur dans le
16 cas de l'exercice par la Chambre de son pouvoir discrétionnaire.
17 Je dois dire que la gravité des infractions pour lesquelles il a été
18 reconnu coupable, en dehors de la manière dont ces crimes ont été commis,
19 fait que la Chambre a eu raison de considérer que ces actes méritaient une
20 sanction grave.
21 L'appelant, implicitement, demande à nouveau à la Chambre d'appel
22 d'examiner la détermination de sa peine. La Chambre de première instance a
23 pris en compte, en ce qui le concerne, tous les éléments pertinents, comme
24 pour Kunarac, tout ce qui figure dans le Statut et le Règlement, pour
25 déterminer la peine qui correspondait aux crimes pour lesquels il a été
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1 reconnu coupable.
2 En dehors du fait qu'il nous a dit que la peine de vingt ans est une peine
3 trop lourde, l'appelant ne donne rien qui vienne à l'appui de son
4 argumentation.
5 Maintenant, en ce qui concerne le fait que la Chambre de première instance
6 se serait trompée en examinant les facteurs aggravants, nous avons indiqué
7 notre argumentation à cet égard très clairement dans notre mémoire; je ne
8 vais donc pas répéter la chose.
9 Mais il convient de noter que la Chambre de première instance a, à juste
10 titre, pris note du fait que, dans l'esprit de châtiment qui prévaut à la
11 détermination d'une peine, il convient de manifester le sentiment éprouvé
12 par la communauté internationale devant de tels crimes, son horreur devant
13 de tels crimes.
14 Et enfin, en ce qui concerne Kovac, nous avançons que la Chambre de
15 première instance n'avait aucune circonstance atténuante à prendre en
16 compte et qu'on ne peut pas dire que la Chambre de première instance se
17 soit trompée, qu'elle ait quoi que ce soit à se reprocher dans le cadre de
18 l'exercice de son pouvoir discrétionnaire qui a été fait tout
19 naturellement.
20 Maintenant, pour ce qui concerne Vukovic, lui aussi, il présente des
21 arguments au sujet du prononcé d'une peine unique. J'ai déjà répondu à
22 cela.
23 Il a aussi dit que la Chambre de première instance s'est trompée, parce
24 qu'elle n'a pas suivi correctement la grille des peines qui s'appliquait
25 dans l'ex-Yougoslavie. J'ai déjà répondu oralement et dans nos écritures.
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1 En ce qui concerne les circonstances aggravantes, il nous dit que la
2 Chambre de première instance s'est trompée, premièrement, parce que l'âge
3 des victimes n'était pas une circonstance aggravante et il nous dit que la
4 Chambre de première instance s'est trompée en estimant que FWS-50 était un
5 témoin particulièrement vulnérable.
6 Nous avançons que la Chambre ne s'est pas trompée en estimant qu'il
7 s'agissait effectivement, pour le témoin 50, d'une jeune fille
8 particulièrement vulnérable et sans défense.
9 D'autre part, l'appelant dit que la Chambre de première instance s'est
10 trompée en évaluant les éléments de preuve, les circonstances atténuantes.
11 Comme je l'ai déjà dit précédemment, il n'y a pas de règle précise qui
12 indique que la Chambre de première instance doit spécifier quelles sont
13 les circonstances aggravantes qu'elle prend en compte, quels facteurs elle
14 prend en compte pour déterminer exactement la peine qu'il convient de
15 prononcer contre un appelant. Nous avançons de manière générale que les
16 peines prononcées par les Chambres de première instance contre les
17 appelants reflétaient la gravité et la nature de leurs crimes.
18 Quand on examine les circonstances de cette affaire, on ne peut qu'être
19 frappé par le surréalisme de l'environnement dans lequel ont vécu ces
20 victimes, des faits auxquels elles ont été confrontées. Donc on ne peut
21 que se dire qu'il était important que la Chambre de première instance
22 marque clairement, dans le prononcé de sa peine, sa réaction face à ces
23 faits.
24 Si l'on examine Furundzija: dans Furundzija, on nous dit qu'il a été
25 condamné à dix ans, mais il a été reconnu coupable d'avoir aidé et
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1 encouragé le viol et la torture. Il n'a pas été reconnu coupable d'avoir
2 commis lui-même ces faits.
3 Donc, en fin de compte, nous disons que l'appel de Kunarac doit être
4 rejeté, que la Chambre de première instance doit voir son jugement
5 confirmé, que ces décisions sont conformes aux critères que nous avons
6 évoqués et conformes au droit et à une bonne analyse des faits.
7 J'en ai donc terminé de la présentation des arguments de l'accusation.
8 Merci.
9 M. le Président: Merci. Monsieur le Juge Meron?
10 M. Meron (interprétation): Merci beaucoup pour votre exposé si
11 passionnant.
12 Il y a quelques instants, vous avez parlé de la portée de l'examen en
13 appel; vous en aviez déjà parlé mardi. Mais maintenant, vous avez repris
14 ce thème pour ce qui est de la peine et que ce soit bien, que ce soit
15 quelque chose qui soit beaucoup plus vaste.
16 Quand vous avez parlé des conditions de l'examen en appel pour les faits,
17 quand vous nous avez parlé de cela mardi, vous avez dit que le critère,
18 c'était de savoir si un Juge des faits raisonnable en serait arrivé à la
19 même conclusion.
20 En ce qui concerne le droit, le paragraphe 2.9 du mémoire global de
21 l'accusation en réplique nous parle de "l'exercice du pouvoir
22 discrétionnaire de la Chambre en matière de droit" et que "c'est à la
23 Chambre de décider comment elle utilise son pouvoir discrétionnaire".
24 Vous semblez donc vous prononcer en faveur d'un abus de pouvoir éventuel.
25 J'aimerais que vous répondiez à la question suivante: vos confrères ont
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1 parlé de la définition des crimes. Est-ce que cette approche que vous avez
2 en ce qui concerne l'abus du pouvoir discrétionnaire pourrait s'appliquer
3 également à la définition des infractions?
4 Merci.
5 M. Carmona (interprétation): Ce que je disais, c'est que, si la question
6 est une question d'ordre factuel, c'est uniquement à ce moment-là que se
7 pose la question de l'abus du pouvoir discrétionnaire, mais lorsqu'il
8 s'agit de droit, on parle beaucoup plus de persuasion que de preuve en
9 tant que telle.
10 M. Meron (interprétation): Cela me paraît un petit peu différent de ce que
11 vous indiquez dans votre mémoire et de ce que vous dites de l'abus du
12 pouvoir discrétionnaire, pour ce qui est du droit. Mais enfin, j'ai bien
13 compris ce que vous venez de dire. Merci.
14 M. le Président: Merci, Juge Meron.
15 Je me tourne vers mes collègues: il n'y a pas d'autres questions.
16 Il est 12 heures 40. Nous allons prendre vingt minutes de pause avant de
17 donner aux conseils de la défense leur droit de réplique finale.
18 L'audience est suspendue jusqu'à 13 heures.
19 (L'audience, suspendue à 12 heures 41, est reprise à 13 heures 06.)
20 M. le Président: L'audience est reprise, introduisez les accusés, s'il
21 vous plaît.
22 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
23 Avant de donner la parole à la défense, je crois que le Procureur a
24 manifesté le souhait de répondre très brièvement au Juge Meron.
25 M. Carmona (interprétation): Je demande l'indulgence de la Chambre
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1 d'appel.
2 En effet, s'agissant de la question posée par M. le Juge Meron, je
3 souhaiterais apporter un point d'éclaircissement; dans notre mémoire
4 d'appel, nous n'avons peut-être pas été assez exhaustifs dans notre
5 explication.
6 Dans la mesure où vous parlez d'erreur de droit en relation avec l'abus du
7 pouvoir discrétionnaire, je pense que s'il y avait une erreur de droit
8 fondamental de la part de la Chambre de première instance, il faudrait
9 qu'il y ait de nouveau un procès. Mais en ce qui concerne une erreur
10 résultant du pouvoir discrétionnaire de la Chambre, tel que le refus
11 d'accorder une pause, à ce moment-là, il n'en irait pas de même.
12 M. Meron (interprétation): Merci, merci, Monsieur Carmona.
13 M. le Président: Merci, Monsieur Carmona.
14 Voilà, il est 13 heures 10.
15 Je crois que quatre défenseurs se sont inscrits. Nous vous écoutons,
16 Maître Prodanovic.
17 (Réplique de la défense aux arguments du Bureau du Procureur, par Me
18 Prodanovic.)
19 M. Prodanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
20 Aujourd'hui et hier, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les
21 interventions de mes confrères de l'accusation. Je dois dire que beaucoup
22 de leurs arguments ne sauraient être considérés comme ayant un fondement.
23 Madame Rashid a dit, par exemple, ce matin que Kunarac avait détenu les
24 témoins 191 et 187 jusqu'à l'évasion de 186 avec l'aide de quelqu'un. Or,
25 cet argument est tout à fait sans fondement.
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1 Hier, quand j'ai parlé de réduction en esclavage, j'ai dit que la maison
2 dans laquelle 186 et 191 avaient séjourné appartenait à DP6. Et au cours
3 du procès, il a été établi qu'il arrivait que Kunarac vienne dans cette
4 maison. Il a été établi, au-delà de tout doute, que les témoins avaient la
5 clef de cette maison et qu'en septembre Kunarac avait obtenu un laissez-
6 passer à leur intention pour leur permettre de quitter librement le
7 territoire de Foca. Dans ces conditions pourquoi auraient-elles eu le
8 souhait, auraient-elles eu une raison de s'évader puisqu'elles étaient
9 totalement libres?
10 Voici quelque chose qui n'est d'ailleurs pas contesté. Lorsque Kunarac a
11 cessé de venir dans cette maison, il a cessé d'avoir des contacts avec
12 186. Elle a pu s'en aller comme elle le souhaitait. Quant à 191, eh bien,
13 elle s'est mariée. Elle s'est mariée avec un soldat serbe.
14 Aujourd'hui, lorsque mon éminente consœur, Mme Brady, a parlé de tortures,
15 je pense qu'il n'était pas approprié de sa part de comparer l'affaire
16 Kolundzija avec l'affaire Kunarac.
17 Dans l'autre affaire -et nous parlons d'un acte qui est un acte
18 individuel-, l'auteur de cet acte a commis ledit acte afin d'obtenir des
19 informations. Cela est tout à fait patent.
20 Nous avons dit clairement que dans l'affaire qui nous intéresse, aucun des
21 actes qui devraient être considérés comme des actes de torture, n'a été
22 précisé.
23 Maintenant, en ce qui concerne les témoignages, je reconnais avec mes
24 collègues de l'accusation, qu'il est arrivé que certains des témoins ne se
25 souviennent pas de tous les détails, n'étaient pas en mesure de se
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1 souvenir de tout, et cela nous ne le contestons pas.
2 Cependant, ce que nous considérons comme assez bizarre, c'est que le
3 témoin 85, dans sa déclaration en 1993, ce témoin a donc indiqué un
4 certain nombre de personnes qui l'avaient violée, mais jamais cette
5 personne n'a mentionné que Kunarac était parmi ces hommes. Or, en 1996, le
6 même témoin a de nouveau fait une déclaration, mais cette fois, soudain,
7 elle s'est souvenue de Kunarac et a dit que c'est quelqu'un qui dirigeait
8 un groupe du Monténégro et, même lors de cette deuxième déclaration, elle
9 n'a pas dit que Kunarac faisait partie de ceux qui l'avaient violée. Donc,
10 il ne s'agissait pas de question de mémoire: elle se souvenait de Kunarac,
11 elle se souvenait que c'était quelqu'un d'important. Donc, dans ces
12 conditions, pourquoi n'aurait-elle pas signalé qu'il l'avait violée puisse
13 qu'elle avait donné le nom d'autres hommes qui l'avaient violée?
14 Il en va de même pour le témoin 87: elle a fait deux déclarations dans
15 lesquelles elle n'a à aucun moment mentionné Kunarac. Cependant, quand
16 Kunarac s'est constitué prisonnier, lorsqu'il est arrivé ici, au Tribunal,
17 il a eu un entretien très approfondi avec les représentants du Bureau du
18 Procureur et il dit qu'à un moment donné, il était allé dans la maison de
19 Karaman. Et suite à cela, un détail qui probablement a été mentionné au
20 témoin, donc on a dit au témoin: "Voilà, Kunarac a dit qu'il est venu à la
21 maison de Karaman, est-ce qu'il vous a violée?" Et le témoin, apparemment,
22 a répondu oui. Et c'est uniquement après cela que le témoin a accusé
23 Kunarac de l'avoir violée.
24 Pour ce qui est du témoin 183, je ne l'ai pas évoqué. Pourquoi? Parce que
25 je n'en ai pas eu le temps et je ne voulais pas revenir sur quelque chose
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1 qui figurait déjà dans mon mémoire. Bien entendu, j'ai dû faire un tri
2 dans ce que j'allais évoquer lors de mon intervention à l'audience. Cela
3 ne signifie pas que je n'ai rien à dire au sujet de ce témoin.
4 M. le Président: Merci de nous préciser cela. Quand on vous donne des
5 contraintes de temps, c'est parce que les Juges ont le sentiment que vous
6 avez échangé dans les écritures. D'accord. Allez-y.
7 Je voulais dire simplement: je suis satisfait que vous ayez apporté cette
8 précision. Et je le dis aussi aux représentants du Procureur. Merci.
9 Poursuivez.
10 M. Prodanovic (interprétation): Je n'aurai besoin que de très peu de temps
11 pour en terminer avec mon intervention, Monsieur le Président.
12 En ce qui concerne les peines, mon éminent confrère a dit que la
13 communauté internationale a été horrifiée par ces événements et ces viols.
14 Cependant la communauté internationale, pendant de longues années, a
15 fabriqué de toutes pièces des histoires mensongères au sujet des viols
16 dans cette région.
17 Je souhaiterais vous rappeler qu'il était prévu qu'un témoin expert vienne
18 dans le prétoire pour parler de cela, mais les conseils de la défense ont
19 ensuite remarqué que ce témoin expert ne s'était entretenu avec aucun des
20 témoins, mais avait préparé son rapport sur la base d'articles de
21 journaux. Et lorsque la défense a présenté ses objections, la Chambre n'a
22 pas accepté que le témoin expert vienne dans le prétoire.
23 Examinons la décision du tribunal cantonal de Sarajevo, en date du 24
24 octobre 2001, au sujet de Stankovic Dragan. On constatera que cet homme a
25 été condamné à une peine d'une vingtaine d'années pour un viol qui était
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1 considéré comme un crime de guerre.
2 Voici tout ce que j'avais à dire. Tout le reste, bien entendu, figure dans
3 mon mémoire.
4 M. le Président: Je vous remercie, Maître Prodanovic.
5 Je le redis une fois de plus, ce n'est pas parce que nous vous
6 contraignons sur le temps… Le temps vous permet d'être plus synthétique et
7 d'appeler l'attention des Juges sur les points qui vous paraissent les
8 plus importants. Il va de soi que tout doit figurer dans vos écritures;
9 ces écritures sont lues et analysées par les Juges.
10 Merci, Maître Prodanovic.
11 Je ne sais plus qui veut prendre la parole sur le banc de la défense.
12 Maître Kolesar?
13 (Réplique de la défense aux arguments du Bureau du Procureur, par Me
14 Kolesar.)
15 M. Kolesar (interprétation): Monsieur le Président, moi aussi je serai
16 bref je crois.
17 Je n'ai pas l'intention de répliquer coup pour coup aux interventions de
18 l'accusation. Je dois dire que, pendant leurs interventions, mes collègues
19 de l'accusation ont parfois dit des choses qui ne tiennent pas.
20 Tout d'abord, ils ont parlé d'un conflit armé. Je souhaiterais vous
21 rappeler que la défense et l'accusation s'étaient mises d'accord sur un
22 certain nombre de points, sur un certain nombre de faits. L'un de ces
23 points d'accord, c'était qu'il y avait eu un conflit armé sur le
24 territoire de la municipalité de Foca entre deux communautés ethniques,
25 les Serbes et les Musulmans. Et sur la carte qui se trouve dans le
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1 jugement, on peut constater que la municipalité de Foca est contiguë à
2 cinq autres municipalités. Nous continuons à affirmer que, si un fait a
3 fait l'objet d'un accord entre les parties, il faut s'y tenir, il faut se
4 tenir à cet accord. On ne peut pas dire que ceci s'applique également aux
5 municipalités voisines de Gacko et Kalinovik.
6 Deuxième point évoqué aujourd'hui: c'est que j'ai déclaré dans mon
7 intervention que, pour qu'il y ait réduction en esclavage, la période de
8 temps concerné devait être illimitée dans le temps. Or ce n'est pas ce que
9 j'ai dit; ce que j'ai dit, c'est que la période de temps pendant laquelle
10 une personne appartient à une autre et pendant laquelle elle est victime
11 de sévices sexuels, donc cette période de temps doit être soit permanente
12 soit une longue période. En réponse à une question de Mme la Juge Mumba,
13 j'avais dit que cette période ne pouvait être inférieure à cinq mois,
14 devait être supérieure à cinq mois, mais qu'il y avait également d'autres
15 conditions qui devaient être remplies pour établir la réduction en
16 esclavage. Hier, en réponse à une question de M. le Juge Shahabuddeen,
17 j'ai précisé que cette période pouvait être de onze mois et je me référais
18 en l'espèce au jugement rendu par un tribunal japonais qui avait jugé une
19 personne qui avait détenu quelqu'un pendant onze mois.
20 Mais je n'ai jamais dit que j'estimais que la période de temps concernée
21 devait être illimitée dans le temps. J'ai dit qu'il fallait qu'elle soit
22 non définie ou que ce soit une longue période.
23 Pour ce qui des Articles 3 et 5 du Statut et leur application à
24 l'infraction de viol -et je parle ici de Kovac-, la défense continue à
25 affirmer que Kovac n'a pas commis le crime qui lui était reproché. Mais
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1 nonobstant ceci, nous ne voyons pas bien quelle est la différence entre
2 l'argumentation présentée aujourd'hui par l'accusation qui justifie
3 l'application à la fois de l'Article 3 et de l'Article 5. Le droit
4 international a précisé les éléments qui doivent être présents pour
5 établir ce crime. Et ce sont des éléments identiques et ce sont les seuls
6 éléments pertinents. Le comportement, la conduite est la même; c'est un
7 acte unique.
8 Nous pensons donc, quant à nous, que rien n'indique qu'on ne fait pas
9 référence ici à la même conduite, au même comportement. Les arguments que
10 j'ai entendus aujourd'hui au sujet de la réduction en esclavage m'amènent
11 à conclure que, si j'en juge d'après l'intervention de l'accusation, la
12 réduction en esclavage, pour Kovac, avait pour objectif l'exploitation
13 sexuelle et qu'elle a pris fin dès que les jeunes filles quittaient son
14 appartement. Donc ce type de réduction en esclavage n'a pas été transformé
15 en autre forme de réduction en esclavage. Si ce crime avait été
16 effectivement commis -et nous disons que cela n'est pas le cas-, eh bien,
17 ce crime-là engloberait le viol; dans ces conditions, on ne pourrait donc
18 le reconnaître coupable que de réduction en esclavage.
19 De plus, l'appelant n'a jamais affirmé que le fait que les jeunes filles
20 aient dansé constituait une atteinte à la dignité des personnes. Quand
21 nous avons analysé cet incident dans nos écritures, nous avons précisé et
22 indiqué que la Chambre de première instance avait versé dans l'erreur du
23 fait qu'elle n'avait pas écouté avec assez d'attention, analysé avec assez
24 d'attention les déclarations des témoins à décharge. Nous avons fourni
25 également dans notre plaidoirie, le 29 novembre 2000, une analyse de ces
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1 dépositions. La défense est tout à fait au courant du rôle et des pouvoirs
2 de la Chambre d'appel.
3 Ce n'a jamais été de notre intention; nous n'avons d'ailleurs jamais rien
4 écrit ou dit dans ce sens. Nous ne demandons donc pas à la Chambre d'appel
5 d'ajouter foi à ce que disent des témoins que la Chambre de première
6 instance n'a pas crus. Mais ce que nous disons, c'est que les faits n'ont
7 pas été suffisamment précisés, établis si bien qu'on n'a pas pu rendre un
8 jugement au-delà de tout doute raisonnable. Et si la Chambre d'appel
9 estime que c'est effectivement le cas, elle devrait demander l'ouverture
10 d'un nouveau procès.
11 En ce qui concerne la peine, le jugement indique que le comportement de
12 l'accusé Kovac était un comportement sadique. D'autres termes ont été
13 utilisés pour décrire ce comportement. La Chambre de première instance n'a
14 jamais donné d'explication quant à la nature exacte de ce comportement
15 sadique.
16 Tout ceci figure dans nos écritures; je ne vais donc pas développer plus
17 avant.
18 Et enfin, à la fin de son intervention, mon éminent confrère a parlé de
19 l'affaire Furundzija, Furundzija qui a été reconnu coupable de torture et
20 de viol, mais seulement au sens où il était responsable d'avoir aidé et
21 encouragé ces actes. Cependant, il faut savoir que ceci impliquait un
22 grand nombre de soldats et M. Furundzija est également reconnu coupable au
23 titre de sa responsabilité de supérieur hiérarchique.
24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'en ai terminé de mon
25 intervention. Je souhaite vous remercier de votre patience et de votre
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1 compréhension.
2 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Kolesar.
3 Maître Jovanovic pour M. Vukovic.
4 (Réplique de la défense aux arguments du Bureau du Procureur, par Me
5 Jovanovic.)
6 M. Jovanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
7 Je vais intervenir très brièvement au sujet des points de fait évoqués par
8 mes éminents collègues de l'accusation.
9 Mais avant tout, je crois que je suis redevable d'une explication à la
10 Chambre d'appel. Il est exact que le compte rendu d'audience indiquait le
11 chiffre de "vingt", une peine de vingt ans, mais je dois dire que moi, je
12 n'ai pas dit vingt. Enfin, il y a peut-être eu un lapsus, peut-être ai-je
13 dit par erreur vingt ans de prison, mais si c'est le cas, c'était
14 uniquement un lapsus de ma part; je n'ai à aucun moment voulu dire cela.
15 M. le Président: Vous savez à quoi s'attend votre client, nous le pensons.
16 Donc vous pouvez continuer.
17 M. Jovanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
18 J'ai suivi avec beaucoup d'attention les interventions de mes collègues du
19 Bureau du Procureur. Ils ont évoqué les questions traitant sur les faits
20 dont j'ai parlé hier. Et une de mes collègues a également parlé des
21 erreurs que j'aurais commises en évoquant ces faits. Pour moi, les choses
22 se présentent de la manière suivante: j'ai l'impression que l'accusé est
23 coupable de tout!
24 Et chaque fois que l'on parle de façon négative de l'accusé, la défense se
25 voit obligée de réfuter ses allégations. Sinon, si elle ne le fait pas, la
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1 défense, on va considérer qu'elle accepte cela et cela pourra être utilisé
2 contre l'accusé. Moi, je me demande jusqu'à quel point un témoin peut
3 parler de l'accusé en termes négatifs? Combien de fois: une fois, deux
4 fois, un million de fois? Je sais que cela serait très utile à
5 l'accusation. Malheureusement, je ne pense pas que cela aille dans le sens
6 de la logique et de la justice.
7 Voici ce que j'avais à dire au sujet de la détermination des faits. Je
8 parle de l'attaque contre la population civile, etc.
9 Autre partie importante du Jugement qui concerne M. Vukovic; on le trouve
10 au paragraphe 711. Que nous dit l'accusation? On nous dit que la
11 déposition du témoin est parfaite, formidable, qu'elle est extrêmement
12 détaillée et le témoin reprend une phrase que M. Vukovic aurait dite, une
13 phrase que nous avons entendue à moult reprises au sujet de l'âge du
14 témoin et de la fille de M. Vukovic. Et cette intervention, elle est
15 considérée comme un facteur essentiel pour appuyer la crédibilité du
16 témoin. On a complètement occulté tout le reste, comme le témoignage de la
17 mère du témoin, le témoin 51.
18 On oublie également le fait que le témoin suivant, le témoin 87, n'a
19 jamais corroboré le témoignage du témoin 50. Et je dois dire que le
20 témoignage du témoin 50 est extrêmement détaillé.
21 Je pense donc que la démarche adoptée en l'espèce n'est pas la méthode
22 appropriée pour permettre de trouver la vérité.
23 L'accusation nous a également donné sa version personnelle pour nous
24 expliquer comment il se faisait que le témoin 87 n'avait pas corroboré
25 l'incident en question.
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1 L'accusation n'a, à aucun moment, mentionné la déclaration du témoin 51,
2 la mère de l'autre témoin.
3 L'accusation nous dit que le témoin 87 n'avait aucun souvenir de
4 l'incident en question.
5 Et ceci m'amène à poser une question d'une grande logique: comment se
6 fait-il que l'accusation sache que le témoin 87 ne se souvenait pas de
7 l'incident en question?
8 C'est une question très complexe de savoir pourquoi un témoin se souvient
9 d'un incident donné et pas d'un autre. Je crois que la réponse à cette
10 question extrêmement complexe est finalement très simple: le témoin ne se
11 souvient pas de cela, pourquoi? Parce que cela ne s'est jamais produit. Si
12 le témoin s'en était souvenu, à ce moment-là, le témoin aurait été
13 coupable de faux témoignage.
14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges de la Chambre d'appel, je m'en
15 tiens, d'autre part, à tout ce qui a été dit par les conseils de M.
16 Vukovic et j'en ai terminé de mon intervention.
17 M. le Président: Bien. Je me tourne vers mes collègues. Je pense qu'il n'y
18 a pas de question particulière? Je crois que cela termine la présentation.
19 Excusez-moi, vous intervenez pour qui?
20 (Réplique de la défense aux arguments du Bureau du Procureur, par Me
21 Savatic.)
22 M. Savatic: D'une manière générale, Monsieur le Président, sur la question
23 générale des convictions cumulatives. Deux remarques, plus précisément
24 encore: une observation et un complément d'information pour ce qui est de
25 l'observation.
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1 Il a été affirmé, aujourd'hui, de l'autre côté de la barre, que la
2 présentation de la défense, quant aux charges, quant à la question des
3 convictions cumulatives, reposait uniquement sur l'application du principe
4 "lex consumens derogat legi consumptae". Ceci n'est que partiellement
5 exact puisque l'accent sur l'application de ce principe a été
6 particulièrement mis, en ce qui concerne les convictions cumulatives
7 "inter-article". Pour ce qui est des questions "inter-article", c'est-à-
8 dire l'application cumulative de l'Article 3 et de l'Article 5, sur un
9 même comportement criminel, nous avons également basé notre argumentaire
10 sur le principe "lex specialis derogat lex generalis", c'est-à-dire qu'une
11 législation spéciale, particulière doit nécessairement l'emporter sur une
12 disposition exemplative. En l'occurrence, l'Article 5 qui définit de
13 manière expresse, qui vise de manière expresse, les infractions de viol,
14 de torture et de réduction en esclavage doit, à notre sens, par ce
15 principe même, l'emporter déjà sur l'Article 3 qui n'est qu'exemplatif.
16 Ceci, il me semble, nous a été indiqué clairement au premier jour de cette
17 audience d'appel. Mais il nous semble que rappeler ce principe-là est
18 également utile.
19 Je conçois que, dans l'optique de l'accusation, il aurait été approprié de
20 réduire cet argumentaire à un principe. Il y en a néanmoins deux en ce qui
21 concerne les convictions "inter-article".
22 Complément d'information: votre Tribunal a posé, à titre d'incident, la
23 question de la loi applicable sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, dans
24 l'hypothèse ou plusieurs infractions existent. La question a été posée à
25 l'accusation et il nous semble que la réponse a fait défaut.
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1 Simplement, sur ce point factuel, dans l'hypothèse où plusieurs
2 infractions étaient retenues, selon la législation de l'ex-Yougoslavie,
3 contre un même prévenu, le tribunal prononçait une sanction pour chaque
4 infraction distincte, et à la fin, après ce prononcé sur chaque infraction
5 distincte, une peine unique était prononcée, nécessairement plus forte que
6 la plus forte des peines individuellement énumérées.
7 Dans ce système-là donc, le prévenu disposait de deux garanties, je
8 dirais.
9 La première, c'est qu'il pouvait nécessairement suivre quelle peine était
10 prononcée pour chaque infraction visée et, deuxièmement, que ces sanctions
11 n'étaient pas en définitif prononcées de manière successive, qu'il n'y
12 avait pas d'additions des peines, mais qu'une peine unique était prononcée
13 et que cette sanction-là ne constituait pas l'addition des peines
14 distinctes.
15 Voici, sur ce complément d'information factuelle, dont j'espère qu'il
16 pourra répondre à la question qui a été posée, aujourd'hui.
17 J'ai dit et je vous remercie.
18 M. le Président: Merci, Maître Savatic.
19 Je pense qu'ainsi cela clôt la partie de réplique concernant la défense.
20 Les Juges de cette Chambre souhaitent entendre, pour la dernière fois en
21 quelques brèves observations pour leur défense, chacun des accusés, en
22 n'excédant pas quatre à cinq minutes chacun, s'ils le souhaitent.
23 Je me tourne vers les accusés.
24 (Déclarations des accusés Kunarac, Kovac et Vukovic.)
25 D'abord, Monsieur Kunarac: est-ce que vous avez une déclaration à faire
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1 pour votre défense, une courte déclaration bien sûr?
2 Est-ce que vous m'avez entendu, Monsieur? Vous m'avez entendu? Branchez le
3 micro et nous vous écoutons.
4 M. Kunarac (interprétation): Est-ce que ça va mieux maintenant?
5 M. le Président: Est-ce que les interprètes entendent bien?
6 Les interprètes: Oui, Monsieur le Président.
7 M. Kunarac (interprétation): Je souhaite effectivement m'adresser à vous,
8 Messieurs les Juges de la Chambre, pour indiquer seulement deux choses qui
9 n'ont pas été prises en compte par la Chambre de première instance, qui
10 n'ont pas été mentionnées par elle.
11 Tout d'abord, je souhaite indiquer que j'ai eu connaissance de l'Acte
12 d'accusation dressé contre moi, que j'ai été en mesure de le lire, et que
13 le jour même, j'étais prêt à comparaître devant la Chambre.
14 Je croyais alors, et je crois toujours, que c'est un Tribunal qui cherche
15 la manifestation de la vérité et qui veut rendre des jugements conformes à
16 la vérité.
17 J'avais des problèmes de santé, je les ai toujours. Et puis, lorsque ces
18 problèmes ont été réglés, malgré tout je suis venu faire face au Tribunal.
19 J'ai voulu parler au Procureur pour lui dire la vérité quant à l'Acte
20 d'accusation, pour lui dire ce dont je plaidais coupable. Et lors de ma
21 comparution initiale devant la Chambre, j'ai dit que je me sentais en
22 partie coupable au regard de certains chefs retenus contre moi dans l'Acte
23 d'accusation.
24 J'ai parlé aux représentants du Procureur. Dans ma première audition, le
25 Procureur a dit que ceci n'était pas acceptable en tant que crime ou
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1 infraction, et que la déclaration de culpabilité, que je faisais, allait
2 être rejetée.
3 Et puis, la Chambre a modifié ma déclaration, mon plaidoyer de
4 culpabilité. Elle a dit que je plaidais non coupable.
5 Cela, c'était la première audition que j'avais donnée, lorsque je n'avais
6 rien vu d'autre que l'Acte d'accusation, aucun moyen supplémentaire. Je me
7 suis accusé de ce qui était vrai.
8 Je vous lance un appel. Examinez cette première audition que j'ai faite
9 trois jours après mon arrivée au quartier pénitentiaire, j'ai dit tout ce
10 qui s'était passé. Cela s'est produit le 3 août 1992, j'ai tout dit à
11 propos de ce qui s'était passé avec le témoin DB, des circonstances qui
12 avaient prévalu, de ce que j'avais voulu, quelles étaient mes intentions,
13 de la façon dont ces événements s'étaient produits.
14 Dans cet entretien, j'ai dit clairement que si j'avais décidé de me livrer
15 au Tribunal, c'était parce que je souhaitais m'excuser envers ce témoin,
16 lui demander son pardon pour tout ce qui s'était passé.
17 Et dès que j'ai eu connaissance des menaces proférées par "Gaga", ce que
18 je ne savais pas au moment des faits, j'ai été tourmenté par le remord du
19 fait de ce qui s'est passé, et le remord me ronge toujours.
20 Je veux vraiment m'excuser publiquement, devant le monde entier, auprès de
21 ce témoin, le témoin DB.
22 Pour ce qui est des autres témoins qui m'ont accusé de les avoir violées,
23 ici au cours du procès, moi je n'avais jamais vu le témoin 50, le témoin
24 95, le témoin 183, aucune de ces femmes, avant qu'elles ne viennent ici à
25 titre de témoin.
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1 Ce que j'ai dit à propos du témoin 191 et du témoin 186 reste la vérité,
2 je le maintiens.
3 Je ne demande pas qu'on me pardonne pour ce dont je suis coupable, mais je
4 souhaite faire l'objet d'une peine équitable pour ce que j'ai fait. Mais
5 je ne peux pas accepter une culpabilité ou de plaider coupable pour
6 quelque chose que je n'ai pas fait.
7 J'espère vraiment que ce Tribunal est une institution qui cherche la
8 manifestation de la vérité, qui s'intéresse à la vérité, une institution
9 qui a pour objet de punir les auteurs de leurs actes.
10 Je vous remercie, Messieurs les Juges, et j'espère que vous aurez compris
11 la teneur de mon message.
12 M. le Président: Merci, vous pouvez vous asseoir.
13 Monsieur Kovac?
14 M. Kovac (interprétation): Je n'ai que quelques mots à vous dire,
15 Messieurs les Juges.
16 Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'ont dit mes avocats.
17 Je ne suis pas une personne érudite en matière de droit, donc je ne vais
18 pas m'aventurer dans les questions juridiques et pour vous dire la vérité,
19 je n'ai pas compris grand chose des arguments juridiques qui ont été
20 échangés ici.
21 Mais j'avais bien lu l'Acte d'Accusation, le jugement et, en tant que
22 profane, ce que je ne comprends pas c'est que bon nombre des choses qui
23 apparemment se seraient produites à Foca nous sont attribuées, à nous,
24 simples soldats; ça c'est une chose que je voulais dire.
25 Je voudrais ajouter que nous avons entendu quelque chose comme 60, 70
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1 témoins en tout, à charge et à décharge. Je remarque qu'en règle générale,
2 seuls les témoins à charge ont été considérés comme dignes de foi et que
3 cela n'a pas été le cas pour les témoins de la défense.
4 C'est tout ce que j'avais à dire. Et je demande à cet éminent Tribunal de
5 prendre une décision dans le respect de la justice. Je vous remercie.
6 M. le Président: Merci, vous pouvez vous asseoir, Monsieur Kovac.
7 Monsieur Vukovic?
8 M. Vukovic (interprétation): Messieurs les Juges. Je serai moi aussi très
9 bref.
10 Tout d'abord, j'aimerais dire ceci: la Chambre de première instance m'a
11 déclaré coupable alors que je suis tout à fait innocent.
12 En effet, ce n'est pas moi qui étais concerné par la plupart des débats au
13 cours de ce procès.
14 Je pense que c'est quelque chose que le Procureur pourra confirmer
15 également.
16 Ma conscience est claire. Que ce soit devant Dieu ou devant ce Tribunal.
17 C'est tout ce que je voulais dire.
18 M. le Président: Merci, Monsieur Vukovic.
19 Eh bien, c'est ainsi que prend fin cette session d'appel du Tribunal Pénal
20 International pour l'ex-Yougoslavie.
21 L'audience est levée.
22 (L'audience est levée à 13 heures 43.)
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