Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-23-I

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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4 Vendredi 13 mars 1998

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7 (L'accusé, M. Kunarac, est introduit dans la salle d'audience.)

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9 (L'audience est ouverte à 15 heures.)

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12 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

13 Messieurs. Le greffier peut-il annoncer l’affaire s'il vous plaît ?

14 M. le Greffier (interprétation). - Oui, le Procureur contre

15 Dragoljub Kunarac. Affaire numéro IT-96-23 PT

16 M. le Président (interprétation). - Les parties peuvent-elles se

17 présenter ?

18 Mme Sellers (interprétation). - Pour le Procureur,

19 Mme Patricia Sellers et Mme Hildegarde Uertz-Retzlaff.

20 M. Pantelic(interprétation). - Messieurs les Juges, je suis

21 Igor Pantelic. Je représente M. Kunarac avec l'accord de mon collègue,

22 M. Prodanovic, qui n'a pas pu venir ici aujourd'hui. Je suppose que votre

23 Chambre a reçu sa lettre comportant l'explication de son absence.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

25 Monsieur Kunarac, pouvez-vous m'entendre ?

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1 M. Kunarac (interprétation). - Oui, je vous entends.

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3 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez

4 vous asseoir. Maintenant, nous pouvons commencer avec cette audience. C'est

5 la troisième audience, en fait la comparution initiale de cet accusé. Comme

6 vous le savez, cette Chambre a émis une ordonnance après la deuxième

7 audience portant sur la comparution initiale qui a eu lieu le 10 mars,

8 mardi dernier. D'après cette ordonnance, la comparution initiale reprend.

9 Je lis maintenant cette ordonnance : "Après consultation avec son

10 représentant, depuis, la Chambre a reçu, le 11 mars, la lettre de

11 M. Prodanovic dans laquelle il explique pourquoi il ne peut pas comparaître

12 ici aujourd'hui. Dans cette lettre de M. Prodanovic ou dans cette requête,

13 il suggère que l'accusé pourrait être représenté par son collègue,

14 M. Pantelic. La Chambre considère cette question comme très importante.

15 M. Prodanovic a été absent de la dernière audition sans la permission de la

16 Cour et, alors qu'il avait donné son accord lors de la fixation de la date

17 de cette comparution, je lui ai moi-même demandé s'il serait disponible le

18 mardi, c'est-à-dire le lendemain à 14 heures 30. Il avait dit oui.

19 Deuxièmement, M. Prodanovic n'a pas consulté son client après la

20 première audience et, avant de quitter La Haye, de telle sorte qu'il a

21 laissé son client sans conseil juridique, à un moment tout à fait crucial

22 de notre procédure.

23 Troisièmement, la Chambre n'a pas été informé d'excuses, en aucune

24 manière, provenant de M. Prodanovic."

25 Je me tourne maintenant vers M. Pantelic afin de vous demander

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1 d'expliquer cet état de fait.

2 M. Pantelic(interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le Juge.

3 Je suis autorisé, au nom de M. Prodanovic, à exprimer à l'ensemble de la

4 Chambre toutes ses excuses. En effet, il m'a demandé de bien vouloir vous

5 informer, en détail, des événements.

6 Je voudrais donc porter à votre connaissance ces quelques élément.

7 Le lundi 9 mars au soir, mon confrère a reçu un message urgent en

8 provenance de Foca et de nouveau, le

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10 lendemain matin, c'est-à-dire le 10 mars. Il s'agit d'informations

11 directement liées à l'affaire présente, ainsi qu'à d'autres coaccusés. Le

12 matin du 10 mars, avant notre conférence avec les membres du Tribunal, avec

13 le Bureau du Procureur, on m'a fait part de ces circonstances

14 exceptionnelles.

15 Lors de notre entretien avec le Bureau du Procureur, il a

16 également informé le Procureur de ces événements. Tout de suite après cette

17 conférence, il a de nouveau informé le Greffe et nous a demandé de bien

18 vouloir informer la Chambre. Il estimait en effet que c'était la manière

19 appropriée pour informer la Chambre. M. Heinz, le legal register, m'a parlé

20 personnellement car mon confrère ne s'exprime pas en anglais. J'agissais

21 donc en son nom et j'ai expliqué à M. Heinz la raison pour laquelle

22 M. Prodanovic devait s'absenter de La Haye avant la deuxième comparution

23 initiale, au titre de l'article 62.

24 Je voudrais insister pour dire que j'ai en effet vu le mémo

25 interne qui a été envoyé par le Greffe à la Chambre. J'ai noté que ce texte

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1 disait que M. Prodanovic devait se rendre à Belgrade pour s'entretenir avec

2 d'autres clients mais, c'est une erreur car, en fait, il s'agissait de Foca

3 en Srbinje et non pas de Belgrade.

4 Je voudrais vous livrer quelques autres explications qui

5 pourraient avoir une importance pour la Chambre. J'espère ainsi que vous

6 serez satisfaits de ces informations mais, en raison de la nature de ces

7 informations confidentielles, je vous demande de bien vouloir le faire à

8 huis clos. Peut-être après la session présente ou à un autre moment car mon

9 confrère, M. Prodanovic, m'a demandé de le faire ainsi, étant donné la

10 confidentialité de ces questions.

11 M. le Président (interprétation). - En ce qui concerne les

12 agissements de votre confrère, M. Prodanovic, je vais en rendre compte

13 formellement.

14 M. Pantelic(interprétation). Votre Honneur, dois-je m'asseoir ou

15 me tenir debout ?

16 M. le Président (interprétation). - Je vais répondre votre

17 question. Vous nous dites que les explications que vous voulez donner ont

18 un rapport avec la plaidoirie de culpabilité ?

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20 M. Pantelic(interprétation). - Non, c'est lié aux raisons de son

21 départ abrupt qui pourraient avoir une importance pour la Chambre. C'est

22 pour vous aider à comprendre.

23 M. le Président (interprétation). - Cela n'a rien à voir avec

24 l'affaire présente ?

25 M. Pantelic(interprétation). - Non.

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1 M. le Président (interprétation). - Nous verrons donc cela plus

2 tard. Passons à la question de la plaidoirie. Je voudrais demander au

3 Procureur si vous voulez bien nous parler des chefs d'accusation 40 et 43,

4 c'est-à-dire autres que le chef d'accusation 41 pour lequel l'accusé a déjà

5 plaidé coupable ?

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - Votre Honneur, le Procureur

7 a parlé avec l'accusé en présence de son conseil, et avec son conseil

8 séparément, afin de bien comprendre les raisons pour lesquelles l'accusé a

9 plaidé coupable. Le Procureur n'a pas été satisfait des raisons données

10 lors de cet entretien. Le bureau du Procureur fait preuve d'une certaine

11 flexibilité en ce qui concerne cette plaidoirie.

12 Nous devons informer la Chambre que nous ne sommes pas à même de

13 laisser tomber les chefs d'accusation. Nous demandons donc à la Chambre de

14 fixer une date pour une conférence de mise en état afin de préparer le

15 procès. Nous remercions la Chambre ainsi que la défense du temps qui a été

16 consacré à cette affaire.

17 Le Procureur est maintenant prêt à passer au procès.

18 M. le Président (interprétation). - Autrement dit, ce que vous

19 venez de dire porte sur quel chef ?

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - Le chef d'accusation 41

21 ainsi que les autres, nous ne souhaitons abandonner aucun des chefs.

22 M. le Président (interprétation). - Le chef d'accusation 42,

23 violations graves ?

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - Peut-être ultérieurement

25 mais pas aujourd'hui.

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2 M. le Président (interprétation). - Nous devons donc regarder de

3 près le chef 41. Nous devons clarifier la situation pour ce qui est du

4 chef 41, où l'accusé a plaidé coupable. Vous savez que, d'après nos règles

5 de procédure et d'éléments de preuve, l'article 62-bis, si l'accusé plaide

6 coupable, il faut se satisfaire que le plaidoyer de la culpabilité a été

7 fait délibérément, qu'il n'est pas équivoque. Il faut aussi qu'il existe

8 des faits suffisants pour établir le crime et la participation de l'accusé

9 à celui-ci, compte tenu soit d'indices indépendants, soit en l'absence de

10 tout désaccord fondamental entre les parties sur les faits de l'affaire. Il

11 s'agit de l'article 62-bis. Nous devons donc veiller à ce que cet article

12 soit satisfait par rapport au plaidoyer de culpabilité portant sur le chef

13 d'accusation 41. Concernant les faits, vous avez la parole, Me Pantelic.

14 M. Pantelic (interprétation). - Monsieur le Président, concernant

15 les faits, dont vient de nous parler le Procureur, je voudrais dire que

16 pour clarifier l'état mental et l'attitude de mon client par rapport à son

17 plaidoyer de culpabilité, d'après notre analyse, nous nous sommes trouvés

18 dans un contexte juridique particulier.

19 M. Kunarac a plaidé coupable car il sait très bien qu'il est

20 coupable de certains crimes, mais qui ne sont pas en rapport direct avec

21 les chefs d'accusation, tels qu'ils sont énoncés. Il a donc de sa propre

22 initiative décrit un certain nombre de faits. Je crois qu'il serait utile

23 et tout à fait approprié, à ce stade, d'entendre de nouveau M. Kunarac pour

24 que nous puissions avancer dans la procédure.

25 Comme l’a dit le Procureur, nous sommes, la défense, en mesure de

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1 faire une conférence de mise en état au cours de laquelle nous pourrions

2 peut-être demander quelques clarifications. En effet, dans nos différents

3 débats, nous nous sommes rendu compte que certains passages de l'acte

4 d'accusation portaient sur son comportement d'avant 1992 et pas forcément

5 sur les chefs d'accusation énoncés par le Procureur. Je propose donc que

6 nous entendions à ce stade M. Kunarac sur ces aspects.

7 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Après avoir

8 étudié l'acte

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10 d'accusation, il est apparu aux yeux de la Chambre, que pour que l'accusé

11 puisse présenter un plaidoyer valable, il faut qu'il perçoive clairement

12 qu'il s'agit de répondre aux chefs d'accusation mentionnés dans l'acte

13 d'accusation. Je voudrais donc demander à l'accusé quel est son plaidoyer

14 exact par rapport aux chefs d'accusation. Comme vous le savez, le viol est

15 basé sur l'article 7-1 des statuts, participation directe au viol, encore

16 le 7-1 des statuts, il s'agit là d'aider ou de participer au viol,

17 article 7 étant donné sa responsabilité pour un viol commis par des

18 subordonnés, puis l'article 5, le viol en tant que crime contre l'humanité,

19 notamment dans le cadre d'actes à l'encontre de la population musulmane de

20 Foca. Il faut donc veiller à ce que l'accusé comprenne entièrement l'impact

21 de son plaidoyer.

22 Nous souhaiterions maintenant demander à l'accusé de bien vouloir

23 préciser ces différents éléments. Ensuite, je me tournerai vers le

24 Procureur afin de poser une question sur les faits qui sous-tendent les

25 différents chefs, notamment sur la torture, le viol et d'autres chefs

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1 portant tous sur les mêmes faits, autrement dit les mêmes faits ont-ils été

2 classés par le Procureur dans les chefs d'accusation comme étant de la

3 torture et du viol ? Je donne la parole au Procureur.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - C'est justement cela.

5 Chacun des chefs d'accusation porte sur les mêmes faits. Il s'agit de chefs

6 d'accusation cumulatifs. Il y a quelques différences juridiques dans les

7 différents chefs d'accusation, mais en effet ces chefs portent sur les

8 mêmes faits. Nous comprenons fort bien, d'après le fond, que l'accusé a été

9 impliqué dans le viol de cinq femmes, cela a été mentionné dans les

10 différents chapitres de l'acte d'accusation. C'est donc clair pour ce qui

11 est de l'article 7-1. Il a lui-même accompagné des femmes sur les lieux des

12 viols, l'article 7-1 du statut s'applique sans aucun doute. Nous pensons

13 également que l'article 7-3 porte également sur ces faits.

14 M. le Président (interprétation). - Prenons le cas du chef 40,

15 crime contre l'humanité, 41 également. Le crime contre l'humanité au

16 chef 40, c'est la torture, alors que le

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18 chef 41, c'est le viol. Si j'ai bien compris, ce double classement porte

19 sur les mêmes faits c'est bien cela ?

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - Oui.

21 M. le Président (interprétation). - Vous avez parlé d'infraction

22 grave, la torture, et de violations graves aux lois et coutumes de guerre,

23 de nouveau pour les mêmes faits. Vous parlez donc de torture ?

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - La différence, c'est qu'il

25 s'agit d'un conflit armé ou d'un conflit armé international.

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1 M. le Président (interprétation). - Vous n’avez donc pas encore

2 décidé si vous allez abandonner le chef d'accusation 42.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - Nous verrons après la

4 conférence de mise en état, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation). - Ayant clarifié le point de vue

6 du Procureur, j'aimerais passer maintenant au plaidoyer de culpabilité de

7 l'accusé. D'après nos règles de procédure et d'éléments de preuve, il faut

8 que ce plaidoyer soit fait de plein gré. Je demande donc à l'accusé de se

9 lever et de bien vouloir répondre à mes questions.

10 (L'accusé s'exécute.)

11 M. le Président (interprétation). - Monsieur Kunarac, avez-vous

12 formulé ce plaidoyer de votre plein gré ? Personne ne vous a forcé à le

13 faire ?

14 M. Kunarac (interprétation). - Quand je me suis déclaré coupable,

15 je l'ai dit parce que je me sentais coupable d'un point de vue moral.

16 C'était mon sentiment. Le seul problème, c'est que je voudrais expliquer

17 pourquoi je plaide coupable. Effectivement, j'ai participé à certains

18 agissements et j'ai essayé d'expliquer au Procureur ce matin pourquoi je

19 plaidais coupable. Ce matin, j'ai dit que j'ai fait personnellement

20 certaines choses. Ici, je plaide de nouveau que je suis coupable dans le

21 contexte que j'ai expliqué ce matin au Procureur. Je ne sais

22

23 pas si le Procureur m'a bien compris ce matin. Si ce n'est pas très clair,

24 je devrais mentir à mes propres sentiments et dire "Je ne suis pas

25 coupable" et donc, lors de l'audience, je devrais être dans la situation où

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1 la Chambre doit décider si je suis coupable ou pas.

2 En tout cas, je voulais plaider coupable par rapport à ce que je

3 ressentais personnellement vis-à-vis de cet acte d'accusation. Je parlais

4 avec mon conseil de la défense, et même avant avec mon plaidoyer, et je ne

5 voulais à aucun moment mentir à ce Tribunal. Je suis venu ici de mon plein

6 gré, en tant qu'un homme honnête, afin de dire la vérité. C'est pour cela

7 que je suis ici.

8 Ma culpabilité est telle que vous pouvez la voir. C'est à vous de

9 voir quel est le degré de ma culpabilité.

10 M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur Kunarac. Ma

11 question était plus spécifique. Avez-vous été forcé de plaider coupable par

12 rapport aux crimes contre l'humanité ou avez-vous plaidé coupable de plein

13 gré ?

14 M. Kunarac (interprétation). - Personne ne m'a forcé à plaider

15 coupable.

16 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

17 Maintenant, nous devons passer à l'article 62 bis, c'est-à-dire

18 que le plaidoyer de culpabilité ne peut pas être équivoque. Vous devez être

19 tout à fait conscient des implications juridiques de votre plaidoyer de

20 culpabilité. Tout d'abord, comme je l'ai déjà dit, vous avez été accusé,

21 dans l'acte d'accusation, de crimes contre l'humanité et de viols et cela

22 de manières différentes : d'abord la participation directe à l'acte de

23 viol, je me réfère ici à l'article 7-1 du statut. Ensuite, vous avez été

24 accusé parce que le bureau du Procureur dit que vous avez assisté à la

25 commission du viol, conformément à l'article 7-1 du statut. Ensuite, vous

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1 avez été également déclaré responsable de viols commis par vos subordonnés.

2 Vous ne les avez pas empêché de commettre ces viols.

3 Voulez-vous ajouter quelque chose à ce qui vient d'être énoncé

4 dans l'acte

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6 d'accusation ?

7 M. Kunarac (interprétation). - Je suis tout à fait conscient de ce

8 qui est dans l'acte d'accusation. L'accusation a une image tout à fait

9 faussée sur tout ce qui se passait sur le terrain à cette période.

10 Si vous voulez que je vous donne une déclaration dans ce sens et

11 si le plaidoyer que j'ai explicité ce matin à l'accusation, quand je

12 parlais de mon sentiment de culpabilité, je serais obligé de dire que je ne

13 me sens pas coupable, que je ne plaide pas coupable par rapport à des

14 crimes contre l’humanité. Lorsque j'ai plaidé coupable, je ne voulais pas

15 mentir sur ma culpabilité. Je plaide coupable, je me sens coupable comme je

16 l’ai expliqué ce matin à l'accusation lors de notre entretien.

17 Si cela entre dans le cadre du crime contre l'humanité, cela ne

18 m'a pas été bien expliqué par rapport aux articles 41, 42, 43. Je ne sais

19 pas s'il s'agit des crimes les plus graves. On parle dans ces articles des

20 viols sans utilisation de force. Etant donné les circonstances dans

21 lesquelles ces crimes ont été commis, j'ai pensé que c'était pour moi le

22 seul moyen de plaider.

23 Si l'accusation réfute mon plaidoyer, si celle-ci estime que mon

24 plaidoyer n'est pas conforme à ce qui s'est passé, je serai obligé de

25 retirer mon plaidoyer de culpabilité, sinon il va falloir effectivement

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1 avoir une audience, un procès pendant lequel on entendra tous les

2 arguments. A mon avis l'accusation a tort, a complètement tort à ce sujet.

3 (Les juges se consultent sur le siège.)

4 M. le Président (interprétation). - Monsieur Kunarac, la

5 déclaration que vous venez de faire me laisse penser que vous ne comprenez

6 peut-être pas entièrement les implications juridiques des différents chefs

7 d'accusation.

8 Le Procureur a déclaré que vous êtes coupable de viols ou que vous

9 vous êtes abstenu d'empêcher le viol perpétré par vos subordonnés. Vous

10 avez ainsi commis un crime contre l'humanité.

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12 Que signifie crime contre l'humanité ? Je suis persuadé que votre

13 conseil vous a tout expliqué. Le crime contre l'humanité est une atteinte

14 grave à la dignité humaine qui peut prendre la forme du meurtre, du viol,

15 la mise en esclavage, l'extermination, etc. Ici, il s'agit du viol, il

16 s'agit d'un crime à l'encontre de civils et non pas des militaires. C'est

17 le deuxième élément dans la définition juridique du crime contre

18 l'humanité, atteinte grave à la dignité humaine, comme je viens de le

19 décrire, ayant pour but un ou plusieurs civils.

20 Le troisième élément, dans la définition officielle, c'est que

21 cette atteinte grave à la dignité humaine fait partie d'une pratique à

22 grande échelle dans la zone ou dans le pays concerné où s'est produit le

23 délit. Il s'agit d'un crime, le viol en l'occurrence, qui a été défini

24 comme tel et comme un crime contre l'humanité.

25 Vous avez plaidé coupable à ce crime contre l'humanité, c'est-à-

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1 dire aux viols, comme crime contre l'humanité. J'ai cru comprendre, il y a

2 quelques instants, mais vous aurez le droit de clarifier votre point de

3 vue, que vous ne considérez pas que le viol est une forme de torture.

4 Un autre chef d'accusation indique que ce que vous avez fait, fait

5 partie de ce que l'on appelle, en termes juridiques, la torture. Avez-vous

6 bien compris ce que l'on entend par crime contre l'humanité ? D'après nos

7 statuts, nous traitons de crimes de catégories différentes le génocide,

8 crime contre l'humanité, crime de guerre, violation grave. Le crime contre

9 l'humanité, aux yeux de la Chambre, est une infraction plus grave qu'un

10 crime de guerre. En fait, vous plaidez coupable pour quelque chose de très

11 grave, à savoir crime contre l'humanité. Comprenez-vous toute la portée

12 juridique de ces éléments que je viens de vous expliquer ? Connaissez-vous,

13 comprenez-vous bien ces aspects ?

14 M. Kunarac (interprétation) - Je suis maintenant conscient de ce

15 que le crime contre l'humanité veut dire, c'est-à-dire le viol. Lorsque

16 j'ai plaidé coupable l'autre jour, je n'ai pas dit que j'agissais d'une

17 manière organisée, comme vous venez de l'expliquer à l'instant en

18

19 parlant du génocide ou de viols. Je devrais vous dire que je n'étais pas

20 bien informé. Je ne voulais à aucun moment mentir à personne et en premier

21 lieu à moi-même.

22 Je n'ai pas commis le crime contre l'humanité, à savoir le viol,

23 mais j'ai commis une décharge de cet acte d'accusation qui se rapporte à

24 une personne. Pour moi, je dois dire que l’acte d'accusation n'est pas très

25 clair. Il y a quatre chefs d'accusation et un des chefs dit que j'ai commis

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1 des actes, des crimes et ensuite on énumère les points 9-1, 9-2, etc., et

2 ensuite il y a le point 41, etc. Mais il n'y a pas d'explication. A quel

3 point se réfère le chef d'accusation 41 ? Moi, je plaide coupable par

4 rapport aux points 9 et 10. Je ne vois pas où se trouvent les points 9

5 et 10 dans le chef d'accusation lui-même pour lequel j'ai plaidé coupable.

6 Si par exemple, dans le chef d'accusation 41, il est marqué : "Vous êtes

7 coupable de crime contre l'humanité par rapport aux points ou aux

8 paragraphes 9, 10, 11, etc", ce serait plus clair. J'espère que j'ai réussi

9 à expliquer ma situation.

10 Je disais sans arrêt à mes conseils de la défense que je ne

11 voulais pas me retrouver dans une situation pleine de mensonges. Je suis

12 arrivé ici en tant qu'homme honnête. Je voulais vous dire la vérité, où je

13 me trouve dans toute cette situation, dans quelle mesure je me sens

14 coupable. Si je suis coupable, je veux que tout cela se termine d'une

15 manière honnête. J'espère que vous me comprenez. J'espère que vous

16 comprenez pourquoi j'ai plaidé coupable. Où sont les paragraphes 9, 10 dans

17 ces quatre chefs d'accusation de 40 à 43 ?

18 Si on m'énumère les paragraphes exacts, je plaide coupable ou pas

19 pour les autres chefs d'accusation. Je plaide non coupable par rapport à

20 tous les autres chefs de l'acte d'accusation. J'espère que j'ai réussi à

21 clarifier cette situation. C'est pour cela que j'ai dit chef d'accusation

22 n°41, je plaide coupable, je me sens coupable, mais pour les trois autres

23 chefs d'accusation, je dis d'une manière explicite, que je plaide non

24 coupable. Je ne sais pas si ceci est à l'encontre du statut ou du règlement

25 de procédure et de preuve, mais ce n'était pas du tout mon intention de

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1 créer des problèmes mais tout simplement de dire, je plaide coupable.

2

3 L'accusation, ce matin, a eu la possibilité de s'entretenir avec

4 moi, mais si l'accusation n'a pas compris mon message, mes explications, je

5 suis prêt à plaider non coupable par rapport aux quatre chefs d'accusation

6 et de suivre toute la procédure appropriée, si je plaide non coupable.

7 Mon conseil de la défense est ici. Donc s'il estime que c'est

8 nécessaire, il peut également m'assister dans les aspects juridiques s'il

9 se trouve que moi, je ne comprends pas très bien ce qui se passe.

10 M. le Président (interprétation). - Je me tourne vers les deux

11 parties. Pour autant que j'ai bien compris l'accusé, celui-ci veut nous

12 faire comprendre qu'il est prêt à répéter son plaidoyer de culpabilité

13 s'agissant du chef 41 "crimes contre l'humanité", mais uniquement par

14 rapport aux faits établis aux paragraphes 9 et 10 de l'acte d'accusation.

15 Est-ce bien le cas ?

16 M. Pantelic (interprétation). - J'aimerais apporter quelques

17 précisions. Nous avons eu suffisamment de temps hier pour cet entretien et

18 plus particulièrement ce matin avec l'aide du bureau du Procureur. Ces

19 conférences et entretiens ont été d'une grande importance pour M. Kunarac.

20 Hélas, il n'est pas possible d'attendre que chaque accusé soit tout à fait

21 conscient des implications. Au début, sûrement pas, mais peut-être que six

22 mois ou un an plus tard, vous connaissez mieux la procédure et le rôle que

23 joue la défense dans que cadre du Tribunal.

24 J'aimerais que M. Kunarac vous explique ou vous dise si la

25 différence entre le crime contre l'humanité, un crime des plus graves comme

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1 vous l'avez dit, et l'infraction grave des conventions de Genève présentent

2 des différences. En théorie, nous devrions pouvoir loger ces actes quelque

3 part dans l'acte d'accusation. Je lui ai expliqué de diverses manières tous

4 ces points. Je suppose qu'avec tous ces détails à l'esprit, à savoir qu'il

5 n'a pas plaidé coupable des chefs 41 "crimes contre l'humanité" par rapport

6 aux viols, il a très bien présenté son point de vue au bureau du Procureur

7 dès ce matin.

8 J'en conclus que ce n'est pas qu'il plaide coupable à la suite de

9 toutes ces

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11 explications aujourd'hui fournies pour ce qui est du crime contre

12 l'humanité. J'ai cru comprendre qu'il a dit avoir commis certains crimes.

13 La question est de savoir si ces crimes sont en rapport direct avec une des

14 qualifications juridiques de l'acte ou si ceci peut être modifié à

15 l'avenir. Je suppose que mon client est au courant de toutes les

16 différences et qu'il ne peut pas se considérer coupable tout

17 particulièrement du chef 41 "crimes contre l'humanité", sans parler bien

18 sûr de l'alinéa 3-e.

19 M. le Président (interprétation). - Maître Pantelic, avez-vous

20 l'intention de dire que votre client saisit mieux les différences qu'il y a

21 dans les qualifications des crimes prévus à notre statut et qu'il ne sait

22 pas s'il doit plaider coupable de crime contre l'humanité ou de crime de

23 guerre ou d'infraction grave aux conventions de Genève, que toutefois il

24 admet avoir commis le délit établi ou visé au paragraphe 9.10 de l'acte

25 d'accusation, puisqu'il a précédemment fait référence aux faits qui y sont

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1 énoncés ?

2 M. Pantelic (interprétation). - Certes, monsieur le Président,

3 mais ces raisons factuelles fondées sur les faits évoqués aux 9.10, 9.21

4 et 9.1 de l'acte d'accusation dont il a parlé au cours de l'entretien avec

5 le bureau du Procureur ce matin, si ces points sont en rapport avec le

6 crime contre l'humanité ou sont liés à celui-ci, il estime être non

7 coupable. Par contre, si les qualifications de ces actes ont trait à une

8 forme d'infraction grave ou de violation des droits aux coutumes de guerre,

9 alors il se pourrait que nous puissions discuter ou envisager

10 éventuellement un plaidoyer de culpabilité de sa part.

11 Je lui ai conseillé d'examiner tous ces faits et les

12 qualifications juridiques de l'infraction ou du délit. Je lui ai dit : ne

13 plaidez pas coupable, les circonstances étant ce qu'elles sont. Car vous le

14 savez, il nous faut certains éléments fondamentaux pour ce qui est des

15 qualifications, pour que vous-même et notre client aussi comprennent ceci,

16 surtout pour ce qui est du troisième élément qualifiant ce crime.

17 M. le Président (interprétation). - A savoir que le délit doit

18 s'insérer dans le cadre

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20 d'une pratique systématique et à grande échelle.

21 M. Pantelic (interprétation). - Tout à fait. Je lui ai dit très

22 précisément. Je lui ai posé la question : Monsieur Kunarac, pourriez-vous

23 nous expliquer quel était ce climat général ? Pour vous, était-ce une

24 situation systématique à grande échelle de terrorisme, de torture ? Avez-

25 vous fait partie de tout ceci vous-même ? Je lui ai posé la question à

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1 titre d'hypothèse et il a répondu par la négative.

2 Pour moi, je ne peux pas dire que c'est un crime contre l'humanité

3 dans de telles circonstances.

4 M. le Président (interprétation). - Indépendamment de la

5 qualification juridique du crime, que ce soit un crime contre l'humanité,

6 un crime de guerre ou une infraction grave aux conventions de Genève, ai-je

7 raison de penser que M. Kunarac admet avoir commis les faits énumérés au

8 paragraphe 9.10 de l'acte d'accusation ?

9 C'est un point de fait qu'il faut établir en laissant de côté les

10 qualifications juridiques de crime.

11 M. Pantelic (interprétation). - C'est exact.

12 M. le Président (interprétation). - Il admet donc avoir commis ces

13 crimes. Je me tourne vers l'accusation. Peut-elle nous dire la position

14 qu'elle adopte ?

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - S'il s'agissait uniquement

16 de problèmes juridiques, monsieur le Président, nous n'aurions rencontré

17 aucune difficulté et nous aurions fait preuve de souplesse. Nous aurions

18 été disposés à modifier à court terme l'acte d'accusation, mais ce n'est

19 pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit de la base des faits et même à ce

20 propos pour ce chef 9.10, c'est le cas. Il est dit clairement au point 9.10

21 que deux femmes ont été emmenées au quartier-général. L'une a été violée

22 collectivement avec la plus grande brutalité et l'autre violée

23 personnellement par l'accusé.

24 D'après ce qu'il nous dit, l'accusé ne reconnaît pas avoir commis

25 un crime ou à

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2 peine. Ce qu'il a décrit ne sont pas les faits relatés au point 9.10 de

3 l'acte d'accusation, pas du tout.

4 M. le Président (interprétation). - Merci.

5 (Les juges se consultent.)

6 M. le Président (interprétation). - A la lumière des propos qui

7 viennent d'être tenus, la Chambre estime qu'il faut déclarer un plaidoyer

8 de non-culpabilité et prévoir une date pour la conférence de mise en état.

9 Toutefois, avant de lever l'audience, je voudrais soulever que cette

10 situation assez embarrassante a été créée par le fait que l'accusé n'a pas

11 été dûment notifié et informé par son conseil.

12 En général, avant de déclarer un plaidoyer de culpabilité ou de

13 non-culpabilité, l'accusé devrait être informé par son conseil de la

14 défense lequel doit lui expliquer la différence entre les diverses

15 incriminations retenues et énumérées au statut et qui sont reprises dans un

16 acte d'accusation. Si tel avait été le cas, si M. Kunarac avait été dûment

17 avisé, nous n'aurions pas été dans cette situation un peu embarrassante.

18 Vous avez dit, maître Pantelic, que vous aimeriez fournir quelques

19 explications à huis clos. Je me demande si nous pouvons suspendre dès

20 maintenant. Seriez-vous en mesure de tenir la conférence de mise en état

21 dans une demi-heure ? Nous pourrons passer à huis clos. Maître Pantelic,

22 vous nous fournirez quelques informations confidentielles

23 et nous pourrons évoquer diverses questions dans le cadre de la

24 conférence de mise en état. Je vous remercie. Ceci convient-il ?

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation). - Vingt minutes.

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1 M. le Président (interprétation). - D'accord. Nous allons faire

2 une suspension de vingt minutes.

3 L'audience est suspendue à 15 heures 45.

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