LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Antonio Cassese, Président
M. le Juge Richard May
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le :
26 février 1999

 

LE PROCUREUR

C/

Zoran KUPRESKIC, Mirjan KUPRESKIC, Vlatko KUPRESKIC,
Drago JOSIPOVIC, Dragan PAPIC, Vladimir SANTIC alias "VLADO"

_____________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA LIMITATION DU CHAMP
DU CONTRE-INTERROGATOIRE DES TÉMOINS DE MORALITÉ

___________________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Frank Terrier
M. Michael Blaxill

Le Conseil de la Défense :

M. Ranko Radovic, pour Zoran Kupreskic
M. Jadranka Slokovic-Glumac, pour Mirjan Kupreskic
M. Borislav Krajina, M. Zelimir Par, pour Vlatko Kupreskic
M. Luko Susak, Mme Goranka Herljevic, pour Drago Josipovic
M. Petar Puliselic, Mme Nika Pinter, pour Dragan Papic
M. Petar Pavkovic, pour Vladimir Santic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II du Tribunal pénal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international") ;

VU l’"Exception préjudicielle de la Défense concernant un témoin de moralité/témoin relatif au prononcé de la sentence (sic) (la "Requête"), déposée par tous les Conseils de la Défense le 16 février 1999, par laquelle ces Conseils, d’une part, font état de leur intention de citer des témoins de moralité à comparaître, à la fois sur la moralité des accusés et, par conséquent, sur leur tendance à se comporter en fonction de celle-ci, afin de prouver que les accusés "n’agiraient pas comme l’Accusation le prétend" et, d’autre part, demandent à la Chambre de première instance de rendre une ordonnance limitant le contre-interrogatoire de ces témoins "aux questions posées lors de l’interrogatoire principal, compte tenu du caractère limité et restreint du champ du témoignage relatif à la moralité" ;

VU la Réponse du Procureur à l’exception préjudicielle de la Défense en vue de limiter le contre-interrogatoire des témoins de moralité au champ de l’interrogatoire principal, déposée le 23 février 1999, dans laquelle le Procureur propose que la Requête soit rejetée aux motifs qu’elle est susceptible de contrevenir à l’article 20 du Statut du Tribunal international (le "Statut"), aux articles 89 et 90 de son Règlement de procédure et de preuve (le "Règlement") et à sa pratique constante en ce qui concerne la nature du contre-interrogatoire ;

ATTENDU qu’aux termes de l’article 21 4) e) du Statut, chaque accusé a le droit de citer autant de témoins qu’il juge appropriés et que la Chambre de première instance a déjà demandé aux accusés de réduire le nombre de leurs témoins, en application de l’article 73 ter du Règlement,

VU, PAR AILLEURS, la Décision relative aux éléments de preuve portant sur la moralité de l’accusé et le moyen de défense de Tu Quoque du 17 février 1999, dans laquelle la Chambre de première instance a indiqué

[...] qu’elle permettrait à chaque Conseil de la Défense de citer au moins un témoin de bonne moralité ... , mais qu’il convenait toutefois d’appliquer l’article 94 ter et de verser au dossier des déclarations sous serment d’autres témoins, permettant de corroborer ces éléments de preuve de moralité, à moins que l’Accusation ne s’y oppose 

et a demandé à l’accusé de recourir, par conséquent, à l’article 94 ter du Règlement ("Déclarations sous serment") pour éviter la répétition des témoignages, mais qu’il lui revenait en dernier ressort de décider des témoins à citer ;

ATTENDU que la nature du contre-interrogatoire des témoins est parfaitement établie par l’article 90 H) du Règlement qui stipule que :

Le contre-interrogatoire se limite aux points évoqués dans l’interrogatoire principal ou à ceux ayant trait à la crédibilité du témoin. La Chambre de première instance peut, si elle le juge bon, autoriser des questions sur d’autres sujets, comme s’il s’agissait d’un interrogatoire principal.

ATTENDU, en conséquence, que la Requête demande une dérogation aux dispositions explicites de l’article 90 H) du Règlement ;

VU, PAR AILLEURS, les dispositions des articles 90 G) et 89 C) du Règlement en ce qui concerne ledit pouvoir discrétionnaire de la Chambre de première instance de réglementer les modalités du contre-interrogatoire ;

ATTENDU, en conséquence, que si, en principe, le contre-interrogatoire se limitera aux points évoqués dans l’interrogatoire principal et à ceux ayant trait à la crédibilité du témoin, la Chambre de première instance conserve le pouvoir discrétionnaire d’autoriser la partie conduisant le contre-interrogatoire à poser des questions sur d’autres sujets, comme s’il s’agissait d’un interrogatoire principal ;

PAR CES MOTIFS,

REJETTE la Requête.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la
Chambre de première instance
(signé)
Antonio Cassese

Fait le vingt-six février 1999
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]