Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 14 janvier 2000

2 [Jugement]

3 [Audience publique]

4 [Les accusés entrent dans la Cour]

5 --- L’audience débute à 9 h 05

6 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-95-16-T, Le Procureur

7 du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic,

8 Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir

9 Santic.

10 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Merci.

11 Bonjour. Je vais demander à l’Accusation et à la

12 Défense de se présenter.

13 Me TERRIER : Bonjour, Monsieur le Président,

14 bonjour, Madame le Juge, bonjour, Monsieur le Juge.

15 L’Accusation est représentée par Mike Blaxill, Adele

16 Erasmus, Nicola Hamilton, Manuel Bouwknecht et moi-même,

17 Franck Terrier.

18 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Merci.

19 Me RADOVIC (interprétation) : Bonjour. La

20 Défense du premier accusé, Ranko Radovic, et mon assistant,

21 Monsieur Paseric (ph.).

22 Me SLOKOVIC-GLUMAC (interprétation) : Bonjour.

23 Je suis Jadranka Slokovic-Glumac et je suis assistée de

24 Madame Desenka Vranjan et je représente Mirjan Kupreskic.

25 Me KRAJINA (interprétation) : Bonjour, Monsieur

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1 le Juge, Monsieur le Président et Messieurs les Juges. Je

2 suis Borislav Krajina, avocat de Sarajevo, assisté de mon

3 co-conseil, Monsieur Zelimir Par, et nous représentons

4 Vlatko Kupreskic.

5 Me SUSAK (interprétation) : Bonjour, Monsieur le

6 Président, Messieurs les Juges. Je suis Luko Susak et je

7 représente Drago Josipovic.

8 Me PULISELIC (interprétation) : C’est moi-même,

9 Monsieur Puliselic, et mon co-conseil de Zagreb qui

10 représentent Dragan Papic.

11 Me PAVKOVIC (interprétation) : Bonjour. Je

12 m’appelle Petar Pavkovic et je représente Dragan Papic

13 [sic].

14 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Merci. Est-ce

15 que les accusés peuvent m’entendre ?

16 Bien.

17 Ce matin, la Chambre de première instance prononce

18 son jugement dans l’affaire Le Procureur contre Zoran

19 Kupreskic et consorts. Durant ce procès, la Chambre de

20 première instance a dû déterminer l’implication éventuelle

21 des six accusés et leur culpabilité éventuelle dans un

22 épisode tragique du conflit armé qui a fait rage en Bosnie-

23 Herzégovine entre 1992 et 1994. Le 16 avril 1993, en

24 l’espace de quelques heures, quelques 116 habitants, y

25 compris des femmes et des enfants de Ahmici, un petit

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1 village de Bosnie centrale, ont été tués et environ 24 ont

2 été blessés. Cent soixante-neuf maisons et deux mosquées

3 ont été détruites. Les victimes étaient des civils

4 musulmans.

5 La Chambre de première instance est convaincue, au

6 vu des éléments de preuve présentés en l’espèce, qu’il ne

7 s’agissait pas d’une opération de combat mais qu’il

8 s’agissait du meurtre planifié et organisé des civils d’un

9 groupe ethnique, les musulmans, par l’armée d’un autre

10 groupe ethnique, les Croates.

11 Ce massacre avait pour objectif fondamental

12 d’expulser les musulmans du village en en tuant un grand

13 nombre, en brûlant leurs foyers, en abattant leur bétail et

14 en détenant et déportant illégalement les survivants dans

15 une autre zone. Ces actes avaient pour but ultime de semer

16 la terreur dans la population afin de dissuader les membres

17 de ce groupe ethnique de jamais retourner chez eux.

18 La tragédie qui a eu lieu dans ce petit village

19 reflète, comme dans un microcosme, les tensions, les

20 conflits et les haines qui ont, depuis 1991, affligé

21 l’ensemble de l’ex-Yougoslavie et causé tant de souffrance

22 et de mort. En l’espace de quelques mois, des personnes

23 appartenant à des groupes ethniques différents, qui

24 auparavant avaient l’habitude d’entretenir des relations de

25 bon voisinage, de vivre paisiblement côte à côte et de

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1 respecter la religion, les coutumes et les traditions des

2 autres groupes, ces personnes sont devenues des ennemis.

3 La propagande nationaliste a provoqué un

4 changement agressif dans la perception et le mode

5 d’identification des membres des divers groupes ethniques.

6 Progressivement, les autres, à savoir les membres des

7 autres groupes ethniques, initialement perçus comme étant

8 simplement différents, sont devenus des étrangers, puis des

9 ennemis, donc, des menaces potentielles pour l’identité et

10 la prospérité à l’appartenance. L’ancien bon voisinage

11 amical a laissé la place à la persécution de ces autres.

12 Les six accusés sont inculpés de crimes

13 extrêmement graves, en particulier, de meurtre et de

14 traitement criminel, qui sont des crimes de guerre en

15 application de l’Article 3 du Statut du Tribunal, et

16 d’assassinat, d’actes inhumains et de persécution, qui sont

17 des crimes contre l’humanité aux termes de l’Article 5 du

18 Statut.

19 La persécution est l’un des plus atroces de tous

20 les crimes contre l’humanité. Elle prend sa source dans la

21 négation du principe de l’égalité des êtres humains entre

22 eux. La persécution se fonde sur la discrimination. Elle

23 repose sur l’idée que ceux dont les liens ethniques,

24 raciaux ou religieux diffèrent de ceux d’un groupe dominant

25 doivent être considérés comme inférieurs à ce groupe

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1 dominant. Dans le crime de persécution, cette intention de

2 discrimination se réalise de manière agressive en foulant

3 au pied de manière systématique et sans aucun ménagement

4 les droits fondamentaux du groupe victime.

5 Il n’y a qu’un pas de la persécution au génocide,

6 le plus révoltant des crimes contre l’humanité. Dans

7 celui-ci, en effet, l’intention de persécuter est portée à

8 son paroxysme en recherchant l’anéantissement physique du

9 groupe ou de ses membres. L’intention constitutive du

10 crime de génocide est de détruire le groupe ou ses membres

11 alors que dans le crime de persécution, cette intention

12 consiste plutôt à exercer une discrimination par la force

13 contre un groupe ou les membres de celui-ci en violant

14 systématiquement et sans ménagement leurs droits

15 fondamentaux.

16 En l’espèce, la Chambre de première instance

17 convient avec l’Accusation que le meurtre des civils

18 musulmans avait pour objectif premier d’expulser le groupe

19 du village et non de détruire le groupe des musulmans en

20 tant que tel. Il s’agit donc ici de persécution et non de

21 génocide. Le fait que, dans cette région de Bosnie-

22 Herzégovine, le conflit armé se soit manifesté très souvent

23 sous la forme de persécution est reflété dans les propos

24 d’une femme musulmane, rapporté par un témoin au procès.

25 Je cite : « Je ne crains pas les mortiers et les

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1 bombes qui peuvent tomber sur ma maison », a-t-elle dit.

2 « Ils ne me demandent pas mon nom. Moi, je crains les

3 soldats qui forcent ma porte, qui tuent et blessent de

4 manière très personnalisée et commettent des atrocités

5 devant mes enfants. » Fin de citation.

6 La cible principale de ces attaques c’était

7 l’identité, l’humanité même de la victime. Cette violence

8 personnalisée que craignait par-dessus tout cette femme

9 musulmane et celle qui s’exerce contre d’autres êtres

10 humains, uniquement en raison de leur appartenance

11 ethnique, religieuse ou politique, c’est la violence

12 caractéristique de la persécution.

13 Le massacre qui a eu lieu dans le village d’Ahmici

14 le 16 avril 1993 est un épisode particulier et cependant

15 effrayant d’une campagne généralisée de violence,

16 participant de la persécution. La tragédie qui s’est

17 déroulée ce jour-là présentait tous les aspects d’une

18 tragédie antique. On y retrouve notamment l’unité de

19 temps, de lieu et d’action. Les meurtres, coups et

20 blessures, et incendies se sont produits dans le même lieu,

21 en l’espace de quelques heures, et ont été le fait de

22 groupes relativement restreints de membres des forces

23 militaires croates de Bosnie, le HVO et certaines des

24 unités spéciales de la police militaire croate de Bosnie,

25 les Jokers.

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1 Pendant les débats, qui ont duré plusieurs mois,

2 la voix des victimes et des survivants nous a fait revivre

3 le déroulement de cette tragédie, et tout comme dans les

4 tragédies antiques, les méfaits ne sont jamais représentés,

5 ne sont jamais montrés mais seulement relatés par les

6 acteurs. De nombreux témoins ont dit, ont raconté à la

7 Chambre les tragédies humaines qui ont touché un si grand

8 nombre d’habitants ordinaires de ce petit village d’Ahmici.

9 Il est indéniable que ce qui s’est passé le 16 avril 1993 à

10 Ahmici est gravé dans les mémoires comme l’un des exemples

11 les plus terribles de l’inhumanité de l’homme envers

12 l’homme.

13 Aujourd’hui, le nom de ce petit village vient

14 s’ajouter à la longue liste de hameaux et de villes

15 inconnus auparavant qui symbolisent de terribles méfaits et

16 nous font tous frémir d’horreur et de honte : Dachau,

17 Oradour sur Glane, Katijn, Marzabotto, Soweto, My Lai,

18 Sabra, Shatila et tant d’autres.

19 Certes, la tâche première de cette Chambre n’est

20 pas d’établir un dossier historique sur les horreurs

21 récemment commises en Bosnie-Herzégovine. La tâche

22 première de cette Chambre consiste simplement à décider si

23 les six accusés sont coupables d’avoir participé à ces

24 violences caractéristiques de la persécution ou si au

25 contraire, ils sont demeurés extérieurs à ces violences et

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1 s’ils sont, donc, non-coupables.

2 À l’issue de ce procès, nous les Juges sommes

3 parvenus à la conclusion qu’à l’exception peut-être de l’un

4 de ces accusés, cette Chambre n’a pas eu à juger les

5 principaux coupables, ceux qui portent la responsabilité la

6 plus lourde pour le massacre du 16 avril 1993, ceux qui ont

7 ordonné, qui ont planifié, ceux qui ont commis les pires

8 atrocités imaginables contre des civils innocents. De ce

9 fait, nous avons dû limiter notre examen au cas des six

10 personnes mises en accusation par le Procureur devant cette

11 Chambre afin de déterminer si ces personnes ont participé

12 aux crimes commis à Ahmici et dans quelle mesure.

13 Notre tâche n’a pas été aisée. Plus de six ans

14 après ces événements, des événements qui se sont déroulés

15 bien loin de La Haye, nous avons dû endosser la lourde

16 responsabilité d’établir des faits qui sont incroyables au

17 moyen d’éléments de preuve crédibles.

18 Nous avons maintenant accompli cette tâche

19 difficile. Le jugement de la Chambre de première instance

20 en l’espèce est long de quelques 340 pages. Au lieu de le

21 présenter dans son intégralité, nous donnerons un bref

22 résumé des conclusions de la Chambre s’agissant des charges

23 portées à l’encontre des accusés et nous prononcerons le

24 dispositif.

25 Ayant examiné l’ensemble des éléments de preuve et

Page 12182

1 des arguments, la Chambre de première instance prononce le

2 jugement suivant.

3 Monsieur Zoran Kupreskic, veuillez vous lever.

4 Zoran Kupreskic, la Chambre conclut que vous avez

5 participé à l’attaque du 16 avril 1993 contre Ahmici en

6 tant que soldat du HVO. Nous concluons qu’avec votre frère

7 Mirjan, vous étiez présent ce jour-là dans le rôle

8 d’attaquant et que vous avez activement participé à ces

9 événements. La Chambre conclut également que vous avez

10 attaqué vos voisins musulmans uniquement en raison de leur

11 appartenance ethnique et dans le but de nettoyer le village

12 de sa population musulmane.

13 Nous concluons que vous êtes coauteur, de même que

14 votre frère Mirjan, au sens de l’Article 7(1) du Statut du

15 Tribunal, puisque vous avez donné votre adhésion au dessein

16 commun de mettre en œuvre la campagne de nettoyage ethnique

17 dans le village. Il s’agit nécessairement là d’un effort

18 coordonné qui exigeait que vous ayez eu auparavant

19 pleinement connaissance des actions qui étaient prévues.

20 Nous concluons en outre qu’en qualité de

21 commandant local, vous avez joué un rôle de premier plan.

22 Par conséquent, la Chambre de première instance vous

23 déclare, Zoran Kupreskic, coupable de persécution, un crime

24 contre l’humanité, au chef 1 de l’acte d’accusation.

25 S’agissant de l’attaque de la famille du Témoin

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1 KL, vous êtes accusé d’assassinat et d’actes inhumains, des

2 crimes contre l’humanité, sanctionnés par l’Article 5 du

3 Statut, et de traitement cruel visé à l’Article 3 du

4 Statut. Nous ne sommes pas convaincus au-delà de tout

5 doute raisonnable de votre présence sur le lieu du crime

6 et, de ce fait, nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur

7 votre éventuelle participation aux événements en question.

8 Par conséquent, la Chambre de première instance

9 vous déclare, Zoran Kupreskic, non-coupable d’assassinat et

10 d’actes inhumains en tant que crimes contre l’humanité, au

11 titre des chefs 2 à 11 de l’acte d’accusation.

12 Au vu de ces conclusions, nous vous condamnons,

13 Zoran Kupreskic, à 10 ans d’emprisonnement. Vous pouvez

14 vous rasseoir.

15 Monsieur Mirjan Kupreskic, veuillez vous lever

16 s’il vous plaît.

17 Mirjan Kupreskic, la Chambre de première instance

18 se reporte aux faits susmentionnés, s’agissant de l’attaque

19 d’Ahmici, le 16 avril 1993. La Chambre de première

20 instance juge que vous avez commis tous ces actes de

21 concert avec votre frère Zoran et que nos conclusions le

22 concernant s’appliquent également à vous, mutatis mutandis,

23 bien que vous ayez joué un rôle moindre que votre frère.

24 Par conséquent, la Chambre de première instance

25 vous déclare coupable de persécution, un crime contre

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1 l’humanité, au titre du chef 1 de l’acte d’accusation.

2 S’agissant de l’attaque de la famille du Témoin

3 KL, la Chambre de première instance conclut, tout comme

4 pour votre frère Zoran, qu’elle n’est pas convaincue au-

5 delà de tout doute raisonnable, que vous vous trouviez

6 effectivement sur le lieu du crime. De ce fait, nous ne

7 pouvons donc nous prononcer sur votre éventuelle

8 participation aux événements en question.

9 Par conséquent, la Chambre de première instance

10 vous déclare, Mirjan Kupreskic, non-coupable d’assassinat

11 et d’actes inhumains, en tant que crimes contre l’humanité,

12 au titre des chefs 2 à 11 de l’acte d’accusation.

13 Au vu de ces conclusions, la Chambre de première

14 instance vous condamne, Mirjan Kupreskic, à huit ans

15 d’emprisonnement. Vous pouvez vous rasseoir.

16 Monsieur Vlatko Kupreskic, veuillez vous lever.

17 Monsieur Vlatko Kupreskic, la Chambre de première

18 instance conclut que vous avez pris part aux préparatifs de

19 l’attaque d’Ahmici en votre qualité d’officier de police

20 chargé des opérations et d’habitant du village. Elle

21 considère que vous étiez présent durant l’attaque et

22 disposé à aider les forces attaquantes. Nous concluons

23 notamment que vous avez aidé aux préparatifs de l’attaque

24 et que vous avez soutenu l’attaque exécutée par les autres

25 accusés, le HVO et la police militaire. Votre principale

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1 action a consisté à décharger des armes dans votre magasin

2 et à accepter que votre maison serve pour l’attaque et pour

3 le rassemblement des troupes. Votre rôle n’est donc pas

4 aussi important que celui des autres accusés.

5 La Chambre de première instance considère que vous

6 vous êtes contenté de soutenir les actions des autres, un

7 comportement qui fait de vous un complice et non un

8 coauteur. La Chambre de première instance conclut que vous

9 êtes cependant conscient de ce que vos actes ont contribué

10 de manière importante et effective à aider les actions des

11 attaquants. Vous saviez également que l’attaque ne serait

12 pas une bataille entre soldats mais qu’elle prendrait pour

13 cible les civils musulmans de votre propre village.

14 Par conséquent, la Chambre de première instance

15 vous déclare coupable d’avoir aidé et encouragé des

16 persécutions, un crime contre l’humanité sanctionné par

17 l’Article 5(H) du Statut, au titre du chef 1 de l’acte

18 d’accusation.

19 S’agissant du meurtre de la famille Pezer, vous

20 étiez accusé d’assassinat et d’actes inhumains, des crimes

21 contre l’humanité, sanctionnés par l’Article 5(A) et (I) du

22 Statut, et de meurtre et traitement cruel, des violations

23 des lois ou coutumes de la guerre, sanctionnés par

24 l’Article 3 du Statut. La Chambre de première instance

25 n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que

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1 vous, Vlatko Kupreskic, vous trouviez parmi les soldats qui

2 se tenaient devant votre domicile et qui seraient

3 responsables de meurtre. Par conséquent, nous ne pouvons

4 nous prononcer sur votre implication dans ces crimes.

5 Par conséquent, la Chambre de première instance

6 vous déclare, Vlatko Kupreskic, non-coupable d’assassinat

7 et d’actes inhumains, notamment les chefs 12 à 15 de l’acte

8 d’accusation.

9 Au vu de ces conclusions, la Chambre de première

10 instance vous condamne, Vlatko Kupreskic, à six ans

11 d’emprisonnement. Vous pouvez vous rasseoir.

12 Monsieur Drago Josipovic, veuillez vous lever.

13 Drago Josipovic, de concert avec Vladimir Santic,

14 vous êtes accusé, au titre du chef 1 de l’acte

15 d’accusation, de persécution, un crime contre l’humanité.

16 La Chambre de première instance conclut que vous avez

17 participé au meurtre de Muzafer Puscul, que vous avez pris

18 part à l’attaque de la maison de Nazif Ahmic et que vous

19 avez activement participé à l’incendie des biens privés.

20 La Chambre de première instance conclut que, de

21 concert avec Vladimir Santic, vous faisiez partie d’un

22 groupe qui s’est rendu au domicile des Ahmic dans le

23 dessein commun d’en tuer et/ou d’en expulser les habitants

24 et de l’incendier et que vous vous trouviez sur le lieu du

25 crime. Nous concluons que vous l’avez fait uniquement

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1 parce que les victimes étaient musulmanes, raison exposée

2 ci-dessus s’agissant de Zoran et de Mirjan Kupreskic.

3 Nous concluons en outre que vous saviez que vous

4 alliez attaquer des civils sans armes ni défense et que

5 cette attaque était l’une des premières manifestations

6 d’une campagne de nettoyage ethnique à grande échelle

7 contre les musulmans de la vallée de la Lasva.

8 Par conséquent, la Chambre de première instance

9 vous déclare, Drago Josipovic, coupable de persécution, un

10 crime contre l’humanité, au titre du chef 1 de l’acte

11 d’accusation.

12 S’agissant du meurtre de Muzafer Puscul, vous êtes

13 accusé, au titre des chefs 16 à 19, d’assassinat et d’actes

14 inhumains, des crimes contre l’humanité, visés par

15 l’Article 5 de notre Statut, ainsi que de meurtre et de

16 traitement cruel, visés à l’Article 3 du Statut. La

17 Chambre de première instance considère que même si vous

18 n’avez pas vous-même tué Muzafer Puscul, vous êtes le

19 coauteur de son meurtre en raison de votre présence active

20 dans le groupe, de concert avec Vladimir Santic. Le même

21 raisonnement s’applique aux souffrances causées à la

22 famille Puscul, contrainte d’assister au meurtre de Muzafer

23 Puscul, à la destruction de son foyer et expulsée. Il

24 s’agit manifestement d’actes inhumains.

25 Par conséquent, la Chambre de première instance

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1 vous déclare, Drago Josipovic, coupable de meurtre et

2 d’actes inhumains, des crimes contre l’humanité, au titre

3 des chefs 16 et 18 de l’acte d’accusation.

4 En revanche, la Chambre de première instance

5 conclut que vous avez été accusé à tort des chefs 17 et 19

6 cumulés aux charges plus graves de l’Article 5 du Statut.

7 Pour des motifs juridiques, la Chambre de première instance

8 vous déclare donc non-coupable de meurtre et de traitement

9 cruel, visés à l’Article 3 du Statut, au titre des chefs 17

10 et 19 de l’acte d’accusation.

11 En vue de ces conclusions, la Chambre de première

12 instance vous condamne, Drago Josipovic, à 10 ans

13 d’emprisonnement pour persécution, un crime contre

14 l’humanité, à 15 ans d’emprisonnement pour assassinat, un

15 crime contre l’humanité, et à 10 ans d’emprisonnement pour

16 actes inhumains, un crime contre l’humanité.

17 La Chambre de première instance s’est prononcée

18 pour la confusion des peines. Par conséquent, vous êtes

19 condamné, Drago Josipovic, à un total de 15 ans

20 d’emprisonnement. Vous pouvez vous rasseoir.

21 Monsieur Vladimir Santic, veuillez vous lever.

22 Monsieur Vladimir Santic, de concert avec Drago

23 Josipovic, vous êtes accusé de persécution, un crime contre

24 l’humanité, visé à l’Article 5 du Statut, au titre du chef

25 1 de l’acte d’accusation. La Chambre de première instance

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1 conclut qu’en avril 1993, vous étiez le commandant de la

2 1ère compagnie du 4e bataillon de la police militaire.

3 Vous étiez également le commandant des Jokers. Comme nous

4 l’avons dit s’agissant de l’accusé Drago Josipovic, vous

5 avez participé au meurtre de Muzafer Puscul et à l’incendie

6 de sa maison. En outre, votre rôle de commandant de la

7 police militaire et des Jokers permet de déduire que vous

8 avez transmis à vos hommes les ordres de vos supérieurs.

9 Votre présence sur les lieux de l’attaque a également

10 encouragé vos subordonnés à respecter les ordres reçus.

11 La Chambre de première instance conclut que le

12 fait que vous, Vladimir Santic, disposiez du commandement

13 durant les événements en question aggrave votre

14 responsabilité. Par conséquent, la Chambre de première

15 instance vous déclare coupable de persécution, un crime

16 contre l’humanité, au titre du chef 1 de l’acte

17 d’accusation.

18 Au titre des chefs 16 à 19, vous êtes accusé, de

19 concert avec Drago Josipovic, de meurtre et d’actes

20 inhumains. Comme nous l’avons expliqué plus haut,

21 s’agissant de l’accusé Drago Josipovic, ces considérations

22 s’appliquent également à vous, mutatis mutandis.

23 Par conséquent, la Chambre de première instance

24 vous déclare, Vladimir Santic, coupable d’assassinat et

25 d’actes inhumains, des crimes contre l’humanité, au titre

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1 des chefs 16 et 18 de l’acte d’accusation.

2 Pour les motifs exposés plus haut, s’agissant du

3 cumul des accusations, la Chambre de première instance vous

4 déclare, pour des motifs juridiques, non-coupable des

5 violations des lois ou coutumes de la guerre, au titre des

6 chefs 17 et 19 de l’acte d’accusation.

7 En vue de ces conclusions, la Chambre de première

8 instance vous condamne, Monsieur Vladimir Santic, à 25 ans

9 d’emprisonnement pour persécution et crimes contre

10 l’humanité, à 15 ans d’emprisonnement pour assassinat, un

11 crime contre l’humanité, et à 10 ans d’emprisonnement pour

12 actes inhumains, un crime contre l’humanité.

13 La Chambre s’est prononcée pour la confusion des

14 peines. En conséquence, Monsieur Vladimir Santic, vous

15 êtes condamné à un total de 25 ans d’emprisonnement. Vous

16 pouvez vous rasseoir.

17 Monsieur Dragan Papic, veuillez vous lever.

18 Dragan Papic, vous êtes accusé, au titre du chef

19 1, de persécution, un crime contre l’humanité, visée à

20 l’Article 5 du Statut de ce Tribunal Pénal International.

21 La Chambre de première instance conclut que vous avez été

22 mobilisé dans le HVO pendant une partie de la période visée

23 par l’acte d’accusation, même s’il est difficile de cerner

24 votre rôle exact.

25 La Chambre de première instance considère qu’aucun

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1 des éléments de preuve à charge ne suffit à établir votre

2 participation active à l’attaque d’Ahmici le 16 avril 1993

3 ni aux événements précédant cette attaque.

4 Par conséquent, la Chambre de première instance

5 conclut que l’on peut raisonnablement douter de votre

6 participation à l’attaque d’Ahmici et vous déclare donc,

7 Dragan Papic, non-coupable, au titre du chef 1 de l’acte

8 d’accusation.

9 Au vu de ces conclusions, la Chambre de première

10 instance vous acquitte, Dragan Papic. Vous serez donc

11 remis en liberté sauf, bien entendu, si l’Accusation nous

12 notifie son intention de déposer un acte d’appel en

13 application des articles 99(B) et 108 du Règlement et si

14 elle a l’intention de demander une ordonnance aux fins de

15 votre maintien en détention.

16 Puis, je me tourne vers le Procureur pour savoir

17 quelle est son attitude. Est-ce qu’il a l’intention de

18 demander une telle ordonnance ?

19 Me TERRIER : Non, l’Accusation ne présentera pas

20 de requête aujourd’hui.

21 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Pas

22 aujourd’hui, mais est-ce que vous réservez le droit de

23 présenter une telle requête ultérieurement ?

24 Me TERRIER : L’Accusation, bien entendu, se

25 réserve le droit d’interjeter appel si elle l’estime

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1 nécessaire après l’examen du jugement, mais nous

2 n’entendons pas présenter une requête sur le fondement de

3 l’Article 99 du Règlement.

4 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Vu ce qui

5 vient d’être dit par le représentant de l’Accusation, nous

6 décidons que Monsieur Dragan Papic doit être libéré du

7 quartier pénitentiaire des Nations unies et donc, nous

8 donnons pour instruction au greffier, en consultation avec

9 les personnes compétentes, de prendre les mesures

10 nécessaires pour la libération immédiate de Monsieur Papic.

11 Les parties souhaitent-elles porter d’autres

12 questions à l’attention de la Chambre ?

13 Je me tourne vers l’Accusation.

14 Me TERRIER : Non, Monsieur le Président.

15 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Les conseils

16 de la Défense souhaitent-ils porter d’autres questions à

17 l’attention de la Chambre ?

18 Me PAVKOVIC (interprétation) : Merci, Monsieur le

19 Président. La Défense non plus n’a rien à ajouter.

20 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Merci.

21 Ainsi s’achève donc le prononcé du jugement rendu

22 par cette Chambre de première instance.

23 La Chambre de première instance déclare l’audience

24 levée.

25 --- L’audience est levée à 9 h 45 sine die