Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Audience publique

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

3 (Questions relatives à la procédure.)

4 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour, nous allons reprendre

5 l'audience et la procédure d'appel.

6 Je pense que l'intervenant suivant devrait être Me Slokovic-Glumac.

7 Mais je vois que vous voulez intervenir, Maître Abell.

8 M. Abell (interprétation): Ne serait-ce que par courtoisie, Madame la

9 Présidente. Hier soir, j'ai préparé les textes des affaires que j'avais

10 citées. Je voulais répondre à ce moment-là à une question que vous aviez

11 posée, Madame. Il s'agit de l'affaire Davis/Rowe et Johnston. Les

12 paragraphes pertinents sont les paragraphes 52 et 95. Je pense que la

13 greffière d'audience dispose des copies qu'elle vous distribuera le plus

14 vite possible.

15 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Maître Abell.

16 Maître Radovic, si j'ai bien compris, vous aviez terminé votre partie de

17 la présentation et c'est Maître Slokovic-Glumac qui allait commencer

18 aujourd'hui. Ou avez-vous quelque chose d'autre?

19 M. Radovic (interprétation): Avec votre permission, je souhaiterais

20 dépenser encore 20 minutes du temps qui nous reste.

21 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que ceci vous convient, Maître

22 Slokovic-Glumac? Vous n'avez en tout pour vous deux que environ une heure,

23 une heure et quart. Maître Slokovic-Glumac défend les intérêts d'un des

24 accusés, elle devrait pouvoir avoir un certain temps.

25 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Je pense que 50 minutes me suffiront

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1 pour la partie que je souhaite exprimer parce que, de toute façon, nous

2 avons prévu de laisser un peu de temps à la fin à Maître Radovic. Donc,

3 moi j'ai besoin d'un peu moins d'une heure.

4 Mme la Présidente (interprétation): Bien, mais je ne vous donnerai pas

5 plus de 20 minutes, Maître Radovic, vraiment, car je crois que votre

6 collègue doit pouvoir représenter son client avec un temps suffisant.

7 Donc, vous avez jusqu'à 9 heures 25.

8 (Plaidoirie d'appel de Me Radovic.)

9 M. Radovic (interprétation): Merci Madame la Présidente.

10 J'aimerais commencer par le témoin SA. Chez ce témoin, nous estimons qu'il

11 aurait dû y avoir une expertise psychiatrique, pour deux raisons.

12 D'abord, pour déterminer si le témoin souffre vraiment d'une maladie

13 psychiatrique.

14 Deuxièmement, si indépendamment de cette maladie, elle est capable de

15 témoigner.

16 En effet, il y a des personnes malades qui peuvent tout de même témoigner.

17 La justesse de notre position se manifeste dans l'affaire Furundzija où un

18 témoin malade a témoigné. Sur la base de ce témoignage, le jugement a été

19 prononcé.

20 Le témoin SA a accordé plusieurs déclarations: le 21 avril 1993, le 24

21 avril 1994 également. Il y a eu une déclaration le 9 mai 1993, une

22 déclaration le 20 décembre 1993, le 18...

23 Mme la Présidente (interprétation): Vous êtes prié de ralentir, pour les

24 interprètes, je vous prie.

25 M. Radovic (interprétation): La déclaration du 18 octobre 1994: C5,

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1 la déclaration du 24 septembre 1995: S6.

2 La défense estime que les trois premières déclarations faites très peu de

3 temps après les événements sont les plus exactes, car la mémoire du témoin

4 était encore très bonne. Par ailleurs, aucune spéculation ne faisait

5 partie de ses déclarations; il n'y avait pas non plus de conversation que

6 le témoin avait pu avoir avec d'autres et qui auraient influé sur ses

7 déclarations.

8 Dans la première déclaration, le témoin SA déclare qu'aucun des deux

9 attaquants n'a été reconnu par elle, car ils portaient des cagoules et des

10 peintures de guerre sur le visage.

11 Ensuite, le témoin SA contredit le témoin H. En effet, elle ne confirme

12 pas que le témoin H lui aurait dit avoir reconnu parmi les attaquant

13 Mirjan Kupreskic également. Elle lui dit n'avoir reconnu que Zoran

14 Kupreskic.

15 Dans la première déclaration faite à la police, elle déclare avoir entendu

16 que les habitants étaient appelés à sortir de leur maison, qu'ils sont

17 sortis de leur maison effectivement et qu'à ce moment-là une rafale a été

18 entendue.

19 Dans la première déclaration, elle dit également être incapable de

20 reconnaître l'identité des soldats, mais elle mentionne la présence de

21 certaines personnes qui circulaient dans le village et ensuite, elle cite

22 leur nom. Et parmi les noms cités par elle, on ne trouve ni le nom de

23 Zoran ni le nom de Mirjan Kupreskic.

24 Le 5 mai, le témoin SA fait une déclaration à HH qui est un responsable du

25 Tribunal. Elle ne mentionne pas la présence de quelconques auteurs des

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1 actes, mais celle de soldats.

2 Dans la déclaration du 5 mai 1993, elle dit que la fille aînée a reconnu

3 Zoran qui était dans la maison accompagné de quatre autres soldats. Dans

4 cette déclaration, elle mentionne également Mirjan Kupreskic, mais sans

5 déclarer qu'il faisait partie des gens qui étaient dans sa maison. Elle

6 parle de lui comme un homme qu'elle avait vu circuler dans le village,

7 vêtu d'un uniforme.

8 Quand on compare sa déclaration à celle du témoin SA, on constate que ces

9 deux déclarations sont différentes sur un certain nombre de détails.

10 Pour cette raison, nous estimons que le dernier témoignage du témoin H ne

11 peut pas être utilisé pour confirmer les faits invoqués. D'ailleurs la

12 déclaration du Procureur est également intéressante par rapport à nos

13 clients, car dans sa réquisition, il requiert une condamnation à 15 et à

14 20 ans de prison, mais lorsqu'il constate que l'ensemble des accusations

15 contre le témoin KL constitue en fait des éléments à décharge, il fait

16 appel et déclare que la raison de cet appel réside dans le fait que tous

17 nos clients ont déclaré dans leurs déclarations des choses qui ont été

18 corroborées par des témoins ou en tout cas corroborées plus tard par des

19 documents versés au dossier.

20 Ce qui est intéressant, c'est que s'agissant du témoin H, elle parle même

21 d'un uniforme de couleur différente, de la couleur mentionnée par les

22 autres témoins s'agissant des personnes qui se trouvaient à l'intérieur de

23 la maison.

24 Quand j'ai dit que des habitants d'Ahmici, ou pour être plus précis des

25 habitants du centre du village d'Ahmici ont été vus dans les abords des

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1 maisons des Kupreskic, il est intéressant de voir qu'il est dit qu'ils

2 n'ont pas aidé les attaquants et qu'ils ne leur ont fourni aucune

3 indication susceptible de les assister dans leurs tâches. Ils n'ont pas

4 agi en tant que guide pour ces attaquants.

5 Dans le mémoire en appel, j'ai principalement utilisé les témoignages de

6 Zoran et Mirjan Kupreskic à cette fin. Cependant, à partir de tous les

7 éléments de preuve versés au dossier de cette affaire ultérieurement, et

8 donc sur la base de documents admis, ces témoignages sont confirmés; je

9 veux parler du témoignage de l'un des témoins dont vous connaissez bien

10 l'identité.

11 En effet, ce témoin a dit précisément que parmi les personnes qui se sont

12 dirigées vers les maisons Kupreskic se trouvaient quelqu'un qui portait le

13 nom de Mirjan Santic, un homme qui connaissait très bien le terrain

14 puisqu'il était originaire d'un village voisin. Ce Mirjan Santic a trouvé

15 la mort, d'ailleurs, non loin de cet endroit.

16 Quand nous affirmons que les habitants d'Ahmici ne savaient pas qu'une

17 attaque était en train de se préparer, nous nous sommes fondés sur la

18 chronologie des événements. A savoir que la décision d'attaquer a été

19 prise durant la réunion des dirigeants politiques de la municipalité de

20 Vitez, réunion organisée le 15 avril dans l'après-midi, chez le colonel

21 Blaskic. C'est ensuite qu'une réunion a été organisée avec les dirigeants

22 militaires.

23 Ensuite, chacun des commandants militaires a reçu des ordres qui portaient

24 sur ce qu'il convenait qu'ils fassent avec les hommes des unités qu'ils

25 commandaient. C'est après cela que la police militaire est allée au

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1 bungalow et qu'elle a lancé l'attaque, comme vous le savez. Lorsqu'on

2 mentionne Zoran Kupreskic comme étant un commandant, il ne suffit pas de

3 se contenter de dire qu'il avait un certain rôle de commandement mais il

4 faut en outre définir précisément ce que signifie le terme de commandement

5 ou de commandant.

6 D'après le Procureur, un commandant est une personne qui prend des

7 décisions, et qui charge un groupe de personnes d'exécuter ces décisions.

8 A moins, qu'une personne qui a un grade supérieur aux hommes chargés

9 d'exécuter cette décision, se voit transmettre cette décision afin de la

10 faire exécuter dans le détail par ses subordonnés.

11 Si l'on s'en tient à cette définition du terme de commandant, on constate

12 que s'agissant de l'attaque sur Ahmici, Zoran Kupreskic ne correspond

13 absolument pas à cette définition. Même s'il était à ce moment-là dans la

14 position qu'il occupait le 20 octobre 1992, date à laquelle il était

15 chargé d'affecter les gardes villageois à leur tâche.

16 S'agissant du témoin H, il importe de dire qu'à l'époque des faits, elle

17 était âgée de 13 ans, c'était donc une enfant dont les dire n'ont pas été

18 confirmés par d'autres témoins. Une enfant qui en outre, était en état de

19 choc.

20 S'agissant de l'appartenance au HVO des frères Kupreskic, j'ai déjà dit

21 hier, que le Procureur s'appuie sur le document 53 de l'accusation, que

22 nous avons contesté hier. Mais j'en ai parlé très rapidement hier, puisque

23 j'ai un peu de temps aujourd'hui, je vais donner quelques détails sur ce

24 point.

25 Mme la Présidente (interprétation): Mais je vous préviens qu'il ne vous

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1 reste que trois minutes environ...

2 M. Radovic (interprétation): Trois?

3 Mme la Présidente (interprétation): Trois minutes, en effet.

4 M. Radovic (interprétation): Le document émis à l'époque concerné par les

5 événements, à savoir le document 355 de l'accusation, est très important

6 pour nous. Sur cette liste on trouve le nom des hommes affectés à une

7 mission en tant que soldat, entre le 16 et 28 avril, puisque les frères

8 Kupreskic figurent sur la liste en tant qu'hommes mobilisés dans cette

9 période. Mais dans ce cas, il est impensable de les considérer comme des

10 membres de l'armée avant la date de la mobilisation parce que lorsqu'on

11 fait partie d'une armée, lorsqu'on fait partie de forces armées, on ne

12 peut pas rejoindre son poste au sein des forces armées avant la

13 mobilisation.

14 Si vous me le permettez, j'aimerais dire que le document 335 de

15 l'accusation confirme que l'attaque a été exécutée par la police militaire

16 parce qu'en pages 1 et 2 de ce rapport, on spécifie que les unités mobiles

17 ont été envoyées en avant pour lancer l'attaque, et qu'après ces unités

18 sont arrivées celles qui étaient composées de personnes mobilisées et

19 envoyées sur le front pour tenir les positions conquises par les

20 attaquants précédents.

21 Merci beaucoup, j'en ai terminé. Je vous remercie de votre attention.

22 Mme la Présidente (interprétation): Merci Maître Radovic.

23 Selon mes calculs, il vous reste, Maître Slokovic-Glumac, jusqu'à 10

24 heures 15. Vous avez la parole.

25 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): J'aimerais, Madame la Présidente,

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1 que nous passions à huis clos partiel car je commencerai par revenir sur

2 certains faits mentionnés par mon confrère, Me Abell et qui peuvent

3 permettre de reconnaître certaines personnes.

4 Mme la Présidente (interprétation): Bien, nous passons à huis clos

5 partiel.

6 Très bien nous sommes à huis clos partiel.

7 Maître Slokovic-Glumac, vous pouvez procéder.

8 (Plaidoirie d'appel de Me Slokovic-Glumac.)

9 (Audience à huis clos.)

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12 (Audience publique.)

13 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Mirjan Kupreskic est jugé pour avoir

14 exécuté l'acte criminel de persécution contre les Musulmans en vertu de

15 l'Article 5 du Statut de ce Tribunal. Au chef n°1 de l'Acte d'accusation,

16 la Chambre de première instance déclare qu'il est prouvé que Mirjan

17 Kupreskic était présent à Ahmici, date de l'attaque du 16 avril 1993 et

18 qu'il a participé activement à cette attaque. Il est dit plus précisément

19 qu'il est entré dans une maison et qu'il en a expulsé la famille de Ahmic.

20 Le principe du mutatis mutandis est appliqué par le Tribunal, à savoir que

21 tous les événements liés à Zoran Kupreskic sont liés automatiquement à son

22 frère, par la Chambre de première instance, en dépit du fait que je pense

23 qu'il existe des différences fondamentales entre les deux.

24 Par conséquent, la question qui se pose, c'est quels sont les éléments de

25 preuve disponibles pour justifier la conclusion du Tribunal selon laquelle

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1 Mirjan Kupreskic est entré dans la maison de Cupija Ahmic pour en expulser

2 la famille qui y habitait.

3 S'agissant des éléments matériels confirmant les persécutions, donc de

4 l'acte concret des exécutions retenu à charge par le Tribunal contre

5 Mirjan Kupreskic, il n'existe qu'un seul élément de preuve, à savoir la

6 déclaration du témoin H. Le témoin H a servi au Tribunal pour des

7 identifications, elle déclare que lors de l'attaque sur Ahmici, attaque

8 qui a affecté sa famille, elle s'est cachée dans un abri, et qu'un peu

9 plus tard son père est entré dans l'abri, qu'il en a ouvert la porte, que

10 les soldats du HVO l'ont tué et ont chassé la famille de l'abri, et

11 qu'avant de sortir de l'abri, elle a vu Zoran Kupreskic pour ensuite,

12 traversant le couloir, voir Mirjan Kupreskic également.

13 La question demeure de savoir quelle était la qualité de la reconnaissance

14 faite par ce témoin à ce moment-là.

15 Le témoin H déclare que l'attaque de sa maison a eu lieu entre 5 heures 20

16 et 5 heures 30 du matin, qu'il n'y avait pas de lumière électrique dans la

17 maison à ce moment-là et qu'en traversant le couloir qui mène de la

18 chambre d'enfants jusqu'à la cuisine, le témoin a vu un soldat lorsqu'elle

19 était sur les marches de l'escalier, soldat qu'elle a reconnu comme étant

20 Mirjan Kupreskic. Ce témoin dit elle-même qu'elle a reconnu cet homme dans

21 un laps de temps de quelques secondes, après quoi elle a détourné les yeux

22 et s'est dirigée vers la cuisine et qu'à ce moment-là, elle ne le voyait

23 plus. Quand elle l'a vu, elle a constaté qu'il portait un uniforme noir,

24 qu'il avait des peintures noires sur le visage et qu'il portait un fusil

25 automatique dans les mains et un lance-roquettes sur le dos.

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1 Quelle peut être la qualité de cette reconnaissance?

2 En effet, il est question d'un regard très fugitif. Le témoin a dit elle-

3 même ne l'avoir regardé que quelques secondes.

4 Deuxièmement, il faisait très sombre dans la maison et l'électricité

5 n'était pas allumée. Nous avons entendu les autres témoins dire que dans

6 le village, ce matin-là, à cette heure-là, il faisait encore nuit. Le

7 témoin K, qui habite dans la maison située immédiatement à côté de la

8 sienne, a déclaré qu'il faisait si sombre que son mari n'a pas réussi à

9 retrouver son pantalon. Le témoin C utilise l'expression: il faisait nuit

10 noire. D'autres témoins ont dit que, pour voir quoi que ce soit, il

11 fallait allumer la lumière dans les maisons. C'était un jour très nuageux,

12 la pluie tombait, il y avait aussi de la brume. C'était un village, donc

13 il n'y avait pas de lumière dans les rues.

14 Quatrième élément, le visage des attaquants était caché, donc le témoin H

15 devait avoir quelques difficultés à reconnaître qui que ce soit. Ces

16 visages des soldats étaient peinturlurés et le témoin elle-même déclare

17 qu'elle était en état de choc très dur, qu'elle avait été durement

18 éprouvée par la mort de son père et qu'elle-même, sa mère et ses sœurs

19 dépendaient entièrement de la compassion éventuelle des attaquants.

20 Si on tient compte de toutes ces circonstances, on peut se demander si

21 l'homme qui a été reconnu par elle comme étant sur les marches d'escalier

22 était bien celui qu'elle a dit. Il existe effectivement la possibilité

23 qu'elle ait pu se tromper sur ce point. Elle est certaine d'avoir dit la

24 vérité, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle ait effectivement

25 dit la vérité.

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1 En effet, la qualité de cette identification est de toute façon assez

2 incertaine puisqu'elle déclare n'avoir regardé cet homme qu'une seconde ou

3 deux. Aucun des autres témoins n'a confirmé la présence de Mirjan

4 Kupreskic à l'endroit mentionné par le témoin H ce matin-là.

5 Dans le jugement de la Couronne contre Turnbull, un certain nombre

6 d'éléments ont été mentionnés par mes confrères. Il est dit précisément

7 que, lorsqu'une identification est de mauvaise qualité, si

8 l'identification n'est faite que sur la base d'un regard fugitif ou d'un

9 regard plus appuyé mais dans de mauvaises conditions, il importe que cette

10 identification soit corroborée par d'autres éléments de preuve.

11 Dans les circonstances qui nous intéressent, ces éléments de preuve

12 nécessaires n'existent pas.

13 La Chambre de première instance s'appuie exclusivement sur l'impression

14 laissée par le témoin H. Elle déclare que les remarques critiques faites

15 au sujet du témoignage du témoin H pèsent moins lourd que l'effet positif

16 laissé par sa déclaration. La Chambre de première instance déclare que le

17 témoignage du témoin H était très sûr, très crédible et que la Chambre n'a

18 aucun doute quant à la véracité des faits cités par le témoin H dans son

19 témoignage. Ceci se retrouve au paragraphe 403 du jugement.

20 Mais tout cela ne signifie pas que le témoin H a effectivement dit la

21 vérité, y compris la certitude qu'elle ait dit des choses exactes dans son

22 témoignage ne signifie pas qu'elle a dit la vérité.

23 Le professeur Wagenaar, qui a témoigné en tant qu'expert au cours du

24 jugement sur les problèmes d'identification, a déclaré que des centaines

25 de nuances existent entre la certitude d'un témoin qui est en train de

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1 dire la vérité et la réelle exactitude de ses dires. Ce témoin expert

2 s'est exprimé de la façon suivante, je cite: "Finalement, ce qui importe,

3 c'est que le rapport entre la certitude et l'exactitude est très délicat.

4 Il existe de nombreux témoins qui sont absolument convaincus de dire la

5 vérité et qui ont tort, alors que certains ne sont pas sur d'eux et disent

6 des choses tout à fait exactes. Par ailleurs, il existe également la

7 personnalité des témoins, c'est de là que tout dépend. Certains sont très

8 sûrs d'eux, d'autres sont toujours très incertains, même s'ils connaissent

9 très bien les faits dont ils parlent. Cela dépend davantage de la

10 personnalité que de la qualité du souvenir ou de la qualité des dires des

11 témoins. Il y a donc des possibilités qu'un témoin soit totalement

12 sincère, totalement sûr de lui, très convaincant, mais cela ne signifie

13 pas que ce témoin ne puisse pas faire une erreur et dire des choses tout à

14 fait inexactes". (Fin de citation.)

15 Il s'agit de la page de compte rendu 9862.

16 Donc indépendamment de ce que disent les témoins devant une Chambre de

17 première instance et la certitude qu'ils manifestent, l'impression laissée

18 par ce témoin autorise encore l'existence d'une erreur dans les dires de

19 ce témoin.

20 Le témoin H était très sûre d'elle-même lorsqu'elle a affirmé n'avoir

21 jamais fait une déclaration devant un juge d'instruction auparavant et que

22 le compte rendu de l'interrogatoire cité lors du procès n'est pas celui

23 d'un interrogatoire qu'elle a subi elle-même. Elle a donc sans doute

24 oublié cet interrogatoire. Etant donné qu'elle avait fait une telle

25 déclaration, une fois de plus elle a donné l'impression d'être une

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1 personne convaincante, d'être un témoin sincère qui pensait véritablement

2 ce qu'elle disait. Elle a fait une déclaration devant la Chambre de

3 première instance tout à fait différente de celle qu'elle a faite devant

4 un juge d'instruction. La plupart de ses différences peuvent être

5 attribuées au temps qui s'est écoulé depuis.

6 Cependant, il y a certaines différences qui sont très importantes. En

7 effet, je prends un exemple. Si dans un cas, elle a dit avoir vu le moment

8 où un assaillant a tué son père, alors que par la suite, elle a dit

9 qu'elle n'avait pas assisté à cet événement, se pose la question de savoir

10 si elle a été sincère dans tous ses dires.

11 La défense pourrait contester la crédibilité de ce témoin, mais uniquement

12 à partir des différents existants entre les déclarations qu'elle a faites

13 ici, devant ce Tribunal, et celles qu'elle avait faites devant le juge

14 d'instruction.

15 En effet, la défense ne disposait d'aucun autre document montrant que

16 d'autres déclarations avaient été fournies. La seule chose que nous avions

17 était la déclaration faite par ce témoin en décembre 1993 et c'est la

18 raison précise pour laquelle la défense suggère à cette Chambre d'appeler

19 en qualité de témoin la mère du témoin H, à savoir le témoin SA, qui a été

20 un témoin oculaire.

21 Ce témoin, si elle venait à la barre, pourrait vous relater de quelle

22 façon se sont déroulés ces événements.

23 Permettez-moi de mentionner rapidement que le témoin SA, mon confrère

24 vient de le mentionner, je le mentionne également car je pensais que l'on

25 n'en avait pas parlé, ce témoin SA a fourni un récit différent de celui

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1 que vous a donné le témoin H.

2 Voici en quoi consistait la différence. Le témoin SA a affirmé que la

3 famille tout entière, lorsqu'elle s'est retrouvée dans l'abri, lorsqu'elle

4 a entendu des soldats dans la maison, a décidé de se rendre, de partir de

5 l'abri tous ensemble. C'est à ce moment-là, selon elle, que le père avait

6 été tué.

7 Le témoin H, quant à elle, a dit que c'est son père qui était d'abord tout

8 seul, pour se rendre, de façon à ce que sa famille ou les personnes se

9 trouvant dans l'abri ne rencontrent plus de problème. C'est de cette

10 façon-là, que selon elle, elle a pu s'entretenir avec Zoran Kupreskic.

11 Dans cette première version des événements selon laquelle le témoin SA,

12 d'après ce que le témoin SA a déclaré, une telle possibilité n'existait

13 pas du tout.

14 La défense pense qu'il serait utile d'appeler ce témoin, qui était au

15 départ censé être un témoin à charge.

16 Et notre proposition repose sur cette idée-ci: nous voulions trouver une

17 autre déclaration faite par le témoin H. Nous voulions également trouver

18 un autre témoin oculaire de ces événements.

19 Le Juge Cassese, après avoir reçu un rapport médical attestant de la

20 mauvaise santé du témoin SA, a décidé de ne pas lui imposer une injonction

21 à comparaître. Il a affirmé que la défense pouvait se satisfaire du fait

22 que les déclarations fournies par ce témoin seraient versées au dossier.

23 De l'avis de la défense, il était ainsi possible de discuter de toutes les

24 déclarations versées au dossier de cette instance, et que nous pourrions

25 ainsi vérifier au fond ces déclarations en les comparant avec ce qu'avait

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1 dit le témoin H.

2 La défense pensait ou ne pensait pas que ces témoins, ces documents

3 étaient versés au dossier afin de confirmer le fait que le témoin SA,

4 comme elle le dit dans sa cinquième déclaration, aurait reconnu Zoran et

5 Mirjan Kupreskic comme étant des assaillants se trouvant dans la maison.

6 Cela aurait été une erreur patente de la part de la défense que d'agir

7 ainsi.

8 Cependant, dans le jugement, nous nous sommes rendu compte que la Chambre

9 de première instance n'avait en fait tenu compte que de cela, le fait que

10 ce témoin mentionne Mirjan et Zoran Kupreskic dans la maison. Je pense dès

11 lors que la défense s'était trompée en pensant que la Chambre de première

12 instance allait agir autrement qu'elle ne l'a fait.

13 Je mentionne la déclaration du témoin SA pour d'autres raisons. Après les

14 événements, elle a fourni trois déclarations, deux à la police et une à la

15 commission d'Etat, pour l'établissement et la poursuite des crimes de

16 guerre; commission qui avait été fondée par le Gouvernement de Bosnie-

17 Herzégovine. Ce sont des déclarations préalables des témoins C2 et C3.

18 Dans la déclaration qu'elle a fournie sept jours après le massacre

19 d'Ahmici, le 23 avril 1993, le témoin SA a dit n'avoir reconnu aucun des

20 assaillants parce qu'ils portaient des peintures de guerre sur le visage,

21 des peintures de différentes couleurs.

22 Cependant, le témoin H dit avoir reconnu Zoran Kupreskic dans la cuisine.

23 Nous avons la déclaration suivante, qu'elle a fournie le 9 mai 1993. Donc

24 moins d'un mois après les événements d'Ahmici, elle a dit n'avoir reconnu

25 personne parmi les soldats masqués. Cependant, sa fille aînée aurait

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1 reconnu un témoin, Zoran kupreskic, qui se serait trouvé dans leur maison

2 en même temps que quatre autres soldats au visage masqué.

3 Dans cette déclaration, le témoin ne dit pas que sa fille n'aurait en

4 aucune circonstance mentionné Zoran Kupreskic comme étant l'auteur des

5 crimes commis dans leur maison. Elle n'a pas non plus dit que sa fille

6 n'aurait jamais mentionné le nom Mirjan Kupreskic.

7 Et c'est précisément le fait que le témoin SA a dit à deux reprises que sa

8 fille lui avait dit avoir reconnu Zoran mais pas Mirjan Kupreskic, ce fait

9 en lui-même permet de penser que c'est seulement après plusieurs mois que

10 ce témoin H s'était rendu compte que la personne qu'elle avait

11 entr'aperçue dans les escaliers de la maison, en fait, était Mirjan

12 Kupreskic.

13 Je reviens à ce qu'a dit le professeur William Wagenaar qui a dit lors de

14 sa déposition, lorsqu'il parlait du problème de l'identification, il a dit

15 rapidement que l'identification n'est pas un processus continu.

16 L'identification se fait très rapidement. L'identification, elle se

17 confectionne ultérieurement, ultérieurement pour ainsi dire, ou si elle se

18 déroule sur une période assez longue de temps, ce n'est plus une

19 identification. Si, après qu'une certaine période de temps s'est écoulée,

20 nous nous rendons compte de ce que nous avons vu, ce n'est plus une

21 perception. Nous avons reconstitué un événement à ce moment-là et la

22 reconstitution d'un événement n'est pas équivalente de perception. Ceci se

23 fait toujours sous l'influence d'informations reçues par certaines

24 personnes sur une certaine période de temps.

25 Madame la Présidente, peut-on passer à huis clos partiel momentanément,

Page 702

1 puisque je souhaite traiter de la déposition du témoin AT?

2 Mme la Présidente (interprétation): Nous pouvons le faire, Maître

3 Slokovic-Glumac, mais dites-nous s'il vous plaît, est-ce que vous pouvez

4 consolider votre présentation de manière à ce que vous traitiez de tous

5 les points qui doivent faire l'objet du huis clos partiel à la fois?

6 Autrement dit, maintenant, nous allons passer à huis clos partiel, à un

7 autre moment aussi, donc peut-être qu'il faudrait regrouper tous ces

8 points.

9 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Il y aura encore un élément, mais

10 moi, je ne vais analyser que deux moyens de preuve et, plutôt que de créer

11 une confusion entre les deux, je vais redemander de faire cela encore une

12 fois. Il s'agira d'interventions extrêmement brèves, mais pour ne pas

13 violer les règles de ce Tribunal, je vous prie de m'accorder cette

14 possibilité. Je m'excuse.

15 Mme la Présidente (interprétation): Très bien, nous allons passer à huis

16 clos partiel.

17 (Audience à huis clos partiel.)

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15 (Audience publique.)

16 Le témoin KL qui accuse Zoran et Mirjan Kupreskic d'avoir effectué

17 plusieurs meurtres dans sa maison est le grand-père du témoin H. La

18 Chambre de première instance n'a pas accepté sa déposition et les frères

19 Kupreskic ont été acquittés par rapport aux chefs d'accusation liés à ces

20 accusations à lui.

21 La Chambre de première instance considère que les incohérences de ces

22 déclarations peuvent être expliquées par les faits suivants: après les

23 discussions avec d'autres témoins, notamment sa petite-fille le témoin H,

24 il se serait persuadé lui-même qu'il avait vu les choses dont les témoins

25 ont parlé. La Chambre admet ainsi la possibilité de l'influence réciproque

Page 705

1 entre les membres d'une famille, et leur influence sur les conclusions des

2 témoins par rapport aux auteurs de crime éventuels. Et ceci a pu être

3 observé pendant la présentation d'un certain nombre de moyens de preuve

4 dans le cadre de cette procédure.

5 Au moment des faits, le témoin H avait à peine 13 ans. Le fait est que la

6 déposition des enfants est toujours prise avec un peu plus de réserve, à

7 cause du fait qu'il s'agit là des personnes qui sont facilement

8 influençables.

9 Il faut donc tenir compte de toutes les circonstances, les circonstances

10 de visibilité étaient extrêmement mauvaises, il n'y a pas de moyens de

11 preuve qui corroborent cette thèse-là: dans la zone où se trouvait la

12 maison, se trouvait un groupe de policiers militaires, la manière dont le

13 crime a été effectué était conforme à l'ordre donné à la police militaire.

14 Le fait que les personnes portaient justement les armes qui étaient

15 habituellement portées par les membres de la police militaire, tous ces

16 faits, et le fait que personne n'avait mentionné Mirjan Kupreskic avant le

17 mois de décembre 1993, en tant qu'auteur du crime commis dans la maison de

18 Sukrija Ahmic, le 17 décembre 1993, le témoin H mentionne Mirjan Kupreskic

19 pour la première fois dans la déclaration qu'elle donne au juge

20 d'instruction.

21 Selon la déclaration du témoin SA, sa mère, le témoin H, n'avait pas

22 mentionné Mirjan Kupreskic auparavant. Trois jours après, le 20 décembre

23 1993, elle mentionne Mirjan Kupreskic, ou plutôt le témoin SA mentionne

24 Mirjan Kupreskic en tant qu'auteur de crime elle aussi.

25 Par la suite, au début de l'année 1994, le témoin KL le mentionne lui

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1 aussi. Mais ni le témoin SA, ni le témoin KL qui avaient donné auparavant

2 8 déclarations au total n'avaient mentionné Mirjan Kupreskic du tout. Pas

3 une seule fois! Compte tenu de toutes ces circonstances, si on analyse

4 toutes ces circonstances-là, nous pouvons constater, selon la défense que

5 le doute plane sur la question de savoir si Mirjan Kupreskic se trouvait

6 réellement dans la maison de Sukrija Ahmic, ce matin-là. Donc, ici, nous

7 avons traité de la preuve qui constitue le fondement du jugement.

8 Dans les paragraphes 421 et 789 du jugement, la Chambre affirme que Mirjan

9 Kupreskic était membre actif du HVO. Une telle conclusion de la Chambre se

10 base exclusivement sur la liste des membres du HVO, et sur ce qu'il est su

11 par rapport à ces activités qui se sont déroulées le 16 avril 1993,

12 conformément à la déposition du témoin H. S'agissant de la liste des

13 membres du HVO, la défense a cité à la barre un grand nombre de témoins

14 afin de montrer qu'il s'agit d'un document sans crédibilité. Tout

15 simplement puisque la liste a été établie de manière rétroactive, en juin

16 1996, afin de pouvoir verser un certain nombre de sommes ou afin de

17 pouvoir distribuer des actions. Il s'agissait de la décision de la Bosnie-

18 Herzégovine, prise en avril 1996, selon laquelle toutes les personnes qui

19 avaient passé une certaine période en faisant la guerre, devaient recevoir

20 une certaine compétence à cause du temps qu'ils ont perdu pendant la

21 guerre. Et le camp croate et le camp musulman ont fourni les informations

22 bien exagérées afin d'obtenir des moyens plus importants pour leurs

23 collectivités ethniques. Nous trouvons des personnes très âgées, des

24 enfants qui figurent sur ces listes, et selon la loi, tous les membres des

25 forces actives et de réserve, tous les employés du ministère des Affaires

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1 intérieures, la défense civile, les membres des organisations chargées de

2 la défense, ceux qui ont participé à la guerre, les personnes handicapées,

3 les familles de leurs victimes, des victimes de la guerre, toutes ces

4 personnes pouvaient bénéficier de l'aide. Nous trouvons également les

5 membres des gardes villageoises sur cette liste. Mirjan Kupreskic a dit

6 qu'il était membre de la garde villageoise pendant une année. Mirjan

7 Kupreskic n'a pas signé cette liste, mais la Chambre de première instance

8 n'a pas accepté cette déclaration. Je dois ajouter qu'il existe une autre

9 liste qui a été fournie par le Procureur, la pièce à conviction P371. Il

10 s'agit de la liste qui a été constituée par le bureau de la défense de

11 Vitez. Nous y voyons le nom de Mirjan Kupreskic, concernant la période

12 entre le début de l'année 1992 et le 8 avril 1992. Cette liste a été

13 dressée au même moment que la première liste, dans le même but, mais ceci

14 se limitait à une certaine date, c'est-à-dire le 8 avril 1992, autrement

15 dit la date de la création de la constitution du HVO. Sur la base de cette

16 liste-là, nous pouvons voir que le nom de Mirjan Kupreskic y figure et, à

17 côté de ce nom, il est inscrit qu'il avait refusé de signer la liste.

18 Cependant, le moyen de preuve de base, selon lequel nous pouvons conclure

19 que les données constituées dans la liste des membres actifs du HVO ne

20 sont pas exactes, est contenu dans la pièce à conviction du Procureur

21 P335, où il est dit que pendant la période entre le 16 avril 1993 et le 28

22 avril 1993, au sein de la brigade de Vitez, ont été mobilisé 486 personnes

23 et, dans le texte, par la suite, il est dit que: "la plupart des hommes en

24 âge de combattre, mobilisés à partir du premier jour du conflit ont été

25 envoyés directement sur la première ligne de front. Ces mêmes personnes

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1 sont envoyées sur les lignes de front afin de remplacer les personnes qui

2 s'y trouvent. Cela veut donc dire que, petit à petit, ils sont envoyés

3 afin de remplacer les soldats qui font partie des forces régulières, des

4 forces mobiles.

5 Dans ce document au n°109 nous trouvons le nom de Mirjan Kupreskic, donc

6 il n'est pas contestable qu'il a été mobilisé au cours de cette période.

7 Si la liste précédente avait été exacte, il n'aurait pas dû être mobilisé

8 de nouveau puisque ceci aurait signifié qu'il était, de toute façon,

9 membre actif des forces de l'armée, des forces militaires.

10 Sur la base de cette liste, nous pouvons conclure qu'une mobilisation a

11 été effectuée au cours de la période entre le 16 et 28 avril 1993. Mirjan

12 Kupreskic, dans sa déposition, a dit que la date exacte de sa mobilisation

13 était le 18 avril 1993 au moment de la constitution de la ligne de front à

14 Pilici. Sur la base de la liste, il peut être conclu qu'il a été mobilisé

15 au sein de la Brigade de Vitez, et même qu'il avait été mobilisé le jour

16 du début du conflit, le 16 avril. Si c'était vrai, il se serait trouvé à

17 Vercerska et Vrnska avec la Brigade de Vitez puisque conformément à

18 l'ordre donné par le colonel Blaskic la Brigade de Vitez y avait été

19 déployée.

20 Cela dit, sur la base du texte cité, nous pouvons voir qu'il n'aurait pas

21 participé à la première attaque, mais qu'il aurait participé par la suite

22 en tant que remplacement sur les lignes de la défense. Ce document prouve

23 que lui, en tant que membre du HVO, n'aurait pas pu être présent à Ahmici

24 le 16 avril.

25 La Chambre de première instance, dans l'affaire Kordic, a constaté que la

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1 Brigade de Vitez n'a pas participé aux opérations d'Ahmici le 16 avril

2 1993. La Chambre de première instance, dans le paragraphe 703, indique que

3 des moyens de preuve fermes existent, indiquant que Mario Cerkez le

4 commandant de la Brigade de Vitez avait participé aux attaques contre

5 Vitez, Stari Vitez et Vecerska et qu'il n'y a pas de preuve indiquant

6 qu'il serait responsable de quelque manière que ce soit pour l'attaque

7 initiale contre Ahmici le 16 avril, dont la responsabilité incombait au 4e

8 Bataillon de la police militaire, et qu'il n'était pas effectué sous son

9 commandement. Il a également constaté que la Brigade n'a pas participé à

10 l'attaque initiale et que toute opération de cette brigade dans cette

11 région-là a eu lieu seulement après le massacre.

12 Si Mirjan Kupreskic en tant que volontaire s'était engagé de quelque

13 manière que ce soit dans l'attaque contre Ahmici, le besoin n'aurait pas

14 existé de le mobiliser. Son nom n'aurait pas figuré sur la liste des

15 personnes mobilisées. Au moment de la mobilisation, Mirjan Kupreskic était

16 une personne civile qui avait un emploi fixe. Ceci également remet en

17 cause l'exactitude des données constituées dans la liste qui constitue le

18 fondement de la conclusion de la Chambre de première instance selon

19 laquelle Mirjan Kupreskic était membre actif du HVO.

20 Combien de temps ai-je encore? Je n'ai pas réussi à suivre cela.

21 Mme la Présidente (interprétation): Il vous reste un peu moins de 10

22 minutes, jusqu'à 10 heures 15, pas plus.

23 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Dans le paragraphe 430 du jugement,

24 il est dit que Mirjan Kupreskic avait participé à l'attaque en tant que

25 membre du HVO, sur la base de la déposition du témoin H. Ensuite, il est

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1 dit qu'il est raisonnable de conclure que son rôle et le rôle de Zoran

2 Kupreskic comprenait la transmission d'informations locales et que leurs

3 maisons ont servi de base aux troupes attaquantes. La déposition du témoin

4 H a déjà été analysée, de même que le fait que Zoran Kupreskic n'était pas

5 membre du HVO le 16 avril.

6 S'agissant de la conclusion raisonnable, par rapport au rôle de Mirjan

7 Kupreskic qui serait celui de la transmission d'informations locales et de

8 l'utilisation de maisons, il est nécessaire de souligner que la Chambre de

9 première instance n'a pas corroboré cette conclusion de quelque preuve que

10 ce soit. Une telle conclusion reste dans le domaine des suppositions et

11 des spéculations, puisque aucun témoin n'a déposé au sujet de telles

12 activités. Il est clair que la Chambre de première instance se base sur la

13 déposition du témoin H pour conclure cela, puisque la Chambre de première

14 instance fait confiance au témoin H.

15 Peut-on repasser, brièvement, pendant 2 minutes, à huis clos partiel de

16 nouveau, s'il vous plaît?

17 Mme la Présidente (interprétation): Merci.

18 Nous sommes en huis clos partiel, attendez, attendez.

19 (Audience à huis clos partiel.)

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23 (Audience publique)

24 Mme la Présidente (interprétation): Il vous reste 2 minutes.

25 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Mais il y a eu des interruptions à

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1 cause du huis clos partiel. Puis-je disposer de 5 minutes?

2 Mme la Présidente (interprétation): Tout le monde est interrompu de toute

3 façon. Je pense que nous devons respecter les horaires, veuillez terminer

4 d'ici 2 minutes.

5 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Donc, cette allégation contenue dans

6 le jugement est erronée puisque le témoin n'a pas dit avoir vu le groupe

7 de soldats devant la maison de Zoran Kupreskic mais sur le carrefour près

8 des maisons, entre les maisons de Zoran Kupreskic et d'Ivan Kupreskic.

9 Ceci figure, il dit que ceci a été fait après 4 heures de l'après-midi,

10 sur la base de la déposition d'un certain nombre de témoins. Il est

11 évident que la police militaire n'avait pas reçu d'ordre visant à procéder

12 à des opérations de reconnaissance militaire.

13 En ce qui concerne le jugement et la peine, je souhaite indiquer

14 simplement que, dans le paragraphe 757 du jugement, la Chambre de première

15 instance a constaté que les coupables les plus grands n'ont pas été jugés

16 dans le cadre de ce procès. Il faut également prendre en considération

17 l'échelle basse à laquelle se trouvait Mirjan Kupreskic dans la hiérarchie

18 militaire. De même que son comportement préalable est le fait que sans la

19 guerre il n'aurait jamais été poussé à participer à un conflit. Il faut

20 également tenir compte du fait que la Chambre de première instance avait

21 constaté qu'il s'agissait d'une personne ayant un bon caractère, sans

22 idées préconçues ethniques ou nationalistes ou extrémistes.

23 Je souhaite également ajouter qu'il s'agit-là d'une personne qui est père

24 de famille, un homme de famille, il a 2 enfants, dont un enfant souffre de

25 graves problèmes liés aux traumatismes de guerre, et les problèmes

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1 psychiques ont provoqué le fait qu'il est inapte à aller à l'école. Il a

2 été constaté qu'il s'agit d'un enfant invalide, retardé mentalement et qui

3 a des problèmes de vue. Aujourd'hui, cet enfant se trouve dans un centre

4 spécialisé pour les enfants autistes. Je considère que ceci peut être

5 interprété comme circonstance atténuante. Les documents médicaux ont été

6 fournis à la Chambre d'appel au sujet de cela. Mirjan Kupreskic a

7 également pris à sa charge sa mère qui est toute seule, après la mort de

8 son mari et qui est dans une situation extrêmement difficile sur le plan

9 psychique puisque ses 2 enfants sont en détention provisoire à La Haye.

10 Elle est malade de maladie cardiaque, de la thyroïde et de la tension

11 élevée, nous avons également fourni les documents médicaux au sujet de

12 cela.

13 Compte tenu de tout cela nous pensons qu'il faut envisager cela en tant

14 que circonstances atténuantes et donc je propose qu'au moment du prononcé

15 de la sentence, il faut tenir compte de toutes ces circonstances là, et

16 que la peine prononcée avait été exagérée.

17 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que mes collègues ont des

18 questions à vous poser?

19 Ce n'est pas le cas. Maître Slokovic-Glumac, je vous remercie.

20 (La Présidente hors-micro.)

21 Maître Clegg, je tiens à vous informer de ceci: vous disposez d'une heure

22 25. J'ai l'intention de prévoir une pause à l'intention des interprètes

23 vers 11 heures. En d'autres termes, votre présentation sera scindée en 2

24 parties égales. Vous pouvez vous organiser en matière de temps, vous

25 pourrez terminer cette présentation après la pause.

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1 Etes-vous d'accord?

2 (Plaidoirie d'appel de Me Clegg.)

3 M. Clegg (interprétation): Tout à fait Madame.

4 Permettez-moi de commencer en précisant les éléments, les thèmes que je

5 vais aborder dans ce temps qui m'est imparti.

6 J'ai prévu au départ de revenir rapidement aux normes et aux tests

7 appliqués lorsque vous avez de nouveaux éléments de preuve. Ceci se

8 trouvait dans le recueil précédent présenté hier. Puis nous allons parler

9 de l'appel de l'accusation pour ce qui est de la condamnation et de la

10 peine, dans la mesure où ceci a une incidence sur Josipovic. Puis nous

11 vous présenterons nos arguments à l'appui de notre appel.

12 Ceci sera scindé en 4 parties. La première partie reviendra à dire que la

13 Chambre de première instance a agi de façon déraisonnable quand elle a

14 accepté la déposition du témoin EE comme base permettant la condamnation.

15 Deuxième partie, évaluation de l'incidence que représentent ces nouveaux

16 éléments de preuve du témoin AT.

17 Troisièmement, les éléments de preuves nouveaux apportés par CA et je

18 reviendrai en quatrième partie sur la question de la peine.

19 Permettez-moi tout d'abord, de revenir sur les critères à appliquer

20 lorsque sont admis de nouveaux éléments de preuve. J'ai eu l'occasion de

21 prendre connaissance du recueil précédent, signifié par l'accusation hier.

22 Je croyais avoir dit hier que les précédents américains sont en fait

23 partagés. C'est une concession que je fais volontiers.

24 La première affaire citée dans ce recueil, c'est l'affaire Huddleston qui

25 vient clairement à l'appui de l'affirmation avancée par le Bureau du

Page 715

1 Procureur. A savoir que la norme à appliquer, c'est "would" et non pas

2 "could", c'est le premier de ces auxiliaires de mode. Et ceci, cependant,

3 ceci soutient l'idée selon laquelle on peut appliquer diverses normes

4 suivant les éléments de preuve soumis. Il y a d'autres tests qui se

5 rapprochent davantage que celui avancé par l'appelant.

6 Et il y a le principe qui détermine une démarche plus restrictive, ceci

7 s'illustre par la page 7 du jugement dans l'affaire Larrisson où la norme

8 plus libérale, plus faible, qui est décrite comme étant le test Larrison,

9 qui n'est pas suivie en l'espèce par la Chambre. On y trouve des termes

10 comme "entraînerait probablement l'acquittement". Ceci vient à l'appui du

11 test plus rigoureux présenté par l'accusation.

12 Le deuxième test américain est celui de Josleyn Billmyer et Josleyn. Là on

13 parle du principe "Grady", dans la note de départ. On utilise les termes

14 suivants: "peut être raisonnablement ou pourrait raisonnablement être

15 compris comme sapant la confiance manifestée dans le verdict du Tribunal

16 régional". A la page 7 de ce jugement, on précise quelle est la nature de

17 ce principe "Grady".

18 Ces deux tests aux normes semblent être partagés sur la question de savoir

19 si l'absence d'éléments de preuve, au moment du procès, était à attribuer

20 au fait que l'Etat n'avait pas communiqué les preuves. Nous demandons à

21 cette Chambre de ne pas imposer de normes différentes, ici, dans ce

22 Tribunal lorsqu'il s'agit de l'admission d'éléments de preuve nouveaux. Ce

23 qui voudrait dire que l'on essaie de savoir qui est le coupable de

24 l'absence de preuves au moment du procès.

25 La défense et les appelants ont déjà établi le test de la bonne diligence,

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1 de toute la diligence requise avant que ne soient admis des éléments de

2 preuve et nous vous invitons à rejeter cette démarche américaine pour ce

3 qui est des tests qui se fait en deux étapes.

4 Je reprends les affaires australiennes. Il y a tout d'abord l'affaire

5 Gallagher. Celle-ci fait état d'un test que l'on décrit comme étant une

6 possibilité sérieuse, selon laquelle un jury agissant de façon raisonnable

7 aurait acquitté l'appelant de ses charges si ce jury avait disposé de ces

8 nouveaux moyens de preuve.

9 Ceci a été approuvé par la majorité du Tribunal, par le Juge Gibbs, par le

10 Juge Mason et par le Juge Deane. Le Juge Brennan n'était pas en partie

11 d'accord parce qu'il pensait que la probabilité d'avoir une possibilité

12 significative ou sérieuse, ceci introduisait une nuance supplémentaire

13 dans cette définition qu'il n'aimait pas. Le Juge Dawson s'est aligné à

14 l'avis majoritaire et préférait les termes suivants que le jury pourrait

15 raisonnablement déclarer l'acquittement. Ceci se trouve, page 5 du

16 jugement, et la balle est donc sérieusement dans le camp de l'appelant,

17 puisque la Chambre a déclaré ceci.

18 Cependant, j'insisterai sur le fait qu'il ne faudrait considérer aucun

19 terme comme étant une incantation qui rendrait difficile toute

20 détermination. Tout ceci se base sur le principe fondamental selon lequel

21 il faudrait accorder qu'il y a déni de justice. Mais ceci ne peut être

22 qu'un élément d'instruction en partiel... Est-il possible...

23 Mme la Présidente (interprétation): Les interprètes vous demandent de

24 ralentir, Maître Clegg.

25 M. Clegg (interprétation): Je m'excuse auprès d'eux.

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1 Ayant soupesé la crédibilité des nouveaux éléments de preuve et leur

2 pertinence à la lumière des éléments de preuve apportés au moment du

3 procès, la Chambre estime qu'un jury pourrait raisonnablement arriver à un

4 verdict différent si les éléments de preuve nouveaux avaient été présents

5 au moment du procès.

6 Dernière affaire, que je citerai en matière de précédents et ce à quoi se

7 réfère l'accusation, c'est l'affaire Mickelberg.

8 Auparavant, permettez-moi de faire allusion au fait que l'affaire

9 principale, en Angleterre, qui est citée dans le premier recueil de

10 référents cité au nom de Josipovic, c'est la Chambre des Lords contre

11 Luvaglio. Ceci a été cité dans le jugement rendu en Australie dans

12 l'affaire Gallagher de façon favorable. Dans l'affaire Mickelberg, cette

13 affaire que nous venons d'examiner dans l'affaire Gallagher a été

14 appliquée. Ce test a été accepté. La formulation, que j'ai citée

15 auparavant, à savoir les dires du Juge Dawson, à savoir qu'un jury

16 pourrait avoir un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'appelant

17 et puis a utilisé les termes "possibilité significative ou sérieuse", ceci

18 ne représentait pas l'application d'une norme différente.

19 Moi, je suis d'accord avec tout ce qui vient d'être dit. Je suis sûr que

20 la Chambre sera grandement aidée par la mention de tous ces précédents.

21 Les affaires australiennes sont à l'appui de ce que dit l'appelant. Ces

22 affaires américaines parlent de ce test double, ce qui apparaît dans le

23 recueil de précédents déposé par l'appelant Josipovic.

24 Permettez-moi de revenir un instant sur l'appel déposé par le Bureau du

25 Procureur. J'ai fait une concession à la lumière de la jurisprudence

Page 718

1 évolutive de ce Tribunal et, en particulier, à la lumière de l'arrêt

2 Jelisic. J'ai concédé le fait que la Chambre de première instance a versé

3 dans l'erreur lorsqu'elle a acquitté Josipovic de ces deux chefs que l'on

4 pourrait qualifier comme étant à la base du cumul des condamnations.

5 L'accusation a dit clairement qu'elle voulait simplement qu'il y ait

6 renversement de l'acquittement. Elle ne demande pas le renvoi à une

7 Chambre de première instance comme ce fut le cas dans l'arrêt Tadic pour

8 une révision de la peine. Mais l'accusation poursuit en disant que la

9 peine imposée pour le chef n°1 était erronée, que cela ne devait pas être

10 10 ans, mais plutôt 15 ans. L'accusation ajoute que la Chambre de première

11 instance s'est trompée lorsqu'elle imposait une peine inférieure pour ce

12 qui est du chef n°1.

13 En ce qui me concerne, j'ai le sentiment que la présente Chambre d'appel a

14 le loisir de faire toutes les remarques qu'elle veut pour savoir si cet

15 argument est solide ou pas.

16 Cependant, la Chambre de première instance ne peut pas accroître la peine

17 infligée au regard du chef n°1, même si cette Chambre d'appel a le

18 sentiment que l'accusation dans ce qu'elle avance a raison. Parce que ce

19 qui guide cette présente Chambre, c'est le Règlement qui établit un

20 calendrier très serré que les parties doivent respecter pour interjeter

21 appel d'une décision de la Chambre de première instance. Chaque partie

22 doit déposer un avis d'appel, un acte d'appel dans les délais prévus par

23 le Règlement.

24 L'accusation n'a pas interjeté appel de la peine infligée au regard du

25 chef n°1. C'est seulement un an après le verdict que l'accusation a

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1 suggéré que la Chambre de première instance s'était trompée.

2 Examinez le mémoire initial déposé par l'accusation à l'appui de son

3 appel.

4 On ne trouve aucun grief relatif à la peine. L'autorisation a été donnée

5 parce que la jurisprudence est en évolution, l'accord a été donné pour

6 qu'il y ait dépôt d'un mémoire modifié, mais ce n'était pas pour

7 déclencher un nouvel appel parce que les délais étaient déjà écoulés.

8 Dans la mesure où l'accusation invite la Chambre à réfléchir à une

9 déclaration obiter, à savoir qu'il y a une distinction entre les peines

10 imposées pour le chef n°1 et les peines imposées pour les autres chefs de

11 condamnation de Josipovic.

12 Moi, je ne désire intervenir sur aucun de ces deux chefs. Cependant, ce

13 que je dis, c'est que dans la mesure où l'accusation semble suggérer –ce

14 dont je ne suis pas sûr - mais semble suggérer que vous vous devez

15 intervenir, alors qu'il n'y aurait eu aucun appel déposé par l'une des

16 deux parties, que vous, proprio motu, vous devriez décider d'augmenter la

17 peine. Je laisse entendre que vous n'êtes pas autorisés à le faire en

18 vertu du Règlement.

19 En vertu de ce Règlement, vous ne pouvez intervenir dans un jugement de

20 première instance que si l'une des parties opposées au procès a déposé un

21 appel quant à cette décision. Or, aucune des deux parties ne l'a fait.

22 Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin sur ce point, mais je demande de

23 façon explicite des précisions parce que j'avais… pour savoir si j'ai mal

24 compris ce qu'avait avancé l'accusation, ce qui me permettrait de mieux

25 aborder les arguments que l'accusation a déposés.

Page 720

1 Je viens maintenant à l'appel à proprement parlé déposé par Josipovic.

2 Le premier motif d'appel est le suivant: le témoignage du témoin EE était

3 à ce point peu fiable, à ce point criblé d'incohérences qu'aucune Chambre

4 de première instance raisonnable n'aurait été en mesure d'accepter ce

5 témoignage et n'aurait pu s'en servir comme base de sa condamnation.

6 J'ai déjà reconnu le fait que je dois franchir un obstacle sérieux,

7 puisque le critère est très rigoureux, et je dois donc surmonter cet

8 obstacle pour convaincre la Chambre d'appel de ce que la Chambre de

9 première instance a versé dans l'erreur. Je dois démontrer qu'aucune

10 Chambre raisonnable n'aurait pu prendre ce moyen de décision sage au vu de

11 ce moyen de preuve.

12 Je commencerai par examiner le jugement rendu par la Chambre de première

13 instance. Pour ce faire, je me contenterai de rappeler à cette Chambre

14 d'appel ce qu'a dit la Chambre de première instance s'agissant du témoin

15 EE. Nous sommes au paragraphe 503 et nous nous penchons sur les

16 conclusions tirées par la Chambre de première instance qui a dit ceci:

17 "S'agissant de l'allégation de participation directe des deux accusés au

18 conflit du 16 avril 1993,…"

19 Là je fais une pause, on parle ici de Santic et de Josipovic.

20 Je poursuis la citation: "…l'accusation se fonde sur la déposition du

21 témoin EE qui les a tous deux identifiés comme ayant participé à l'attaque

22 de sa maison qui s'est soldée par le meurtre de son mari. Son témoignage

23 en même temps que les dépositions des témoins cités en vue de la

24 contredire, ont été examinés précédemment. L'objection fondamentale tient

25 du fait qu'elle aurait mal identifié trois participants. La Chambre admet

Page 721

1 que le témoin s'est trompé, en identifiant Katava et Halilovic dans la

2 mesure où certains éléments de preuve attestent irréfutablement leur

3 absence d'Ahmici, ce matin-là.

4 La Chambre ne retient pas la thèse selon laquelle elle a commis une erreur

5 en identifiant Livancic, puisque les seuls témoignages concernant le lieu

6 où il se trouvait ce matin-là sont ceux de deux de ses collègues.

7 Cependant, on ne saurait déduire du fait que le témoin se soit trompé en

8 identifiant deux des participants, qu'elle a également commis une erreur

9 pour ce qui est des accusés.

10 Elle est apparue à la Chambre de première instance comme un témoin digne

11 de foi et prudent qui a identifié les deux accusés dans une déclaration

12 faite dans les trois semaines qui ont suivi la commission de ces crimes,

13 et sur laquelle elle n'est aucun cas revenue.

14 La Chambre de première instance accepte son témoignage et conclut que:

15 "Drago Josipovic et Vladimir Santic ont participé à l'attaque contre la

16 maison des Puscul. Ils faisaient partie des soldats qui ont attaqué la

17 maison, l'ont brûlée et ont tué Musafer Puscul." (Fin de citation.)

18 C'est donc la conclusion que tire la Chambre de première instance. Il y a

19 deux points importants à prendre en compte, le premier point étant celui-

20 ci. Sans ce témoignage, tous s'accordent à dire qu'on ne pourrait rien

21 retenir contre Josipovic s'agissant de ce chef de meurtre. Tout ceci

22 tourne autour de sa seule déposition. Si vous enlevez la déposition de ce

23 témoin, les deux parties sont d'accord pour dire qu'aucune preuve n'a été

24 apportée.

25 Je ne vais pas donner lecture de ceci car j'ai peu de temps.

Page 722

1 Mais il s'agit du paragraphe 479 du jugement. C'est là qu'on résume la

2 déposition du témoin EE. Je n'hésite pas à suggérer que la Chambre de

3 première instance a versé dans l'erreur lorsqu'elle a retenu et accepté la

4 déposition du témoin EE.

5 Je ne veux pas analyser les termes utilisés par la Chambre de première

6 instance dans le paragraphe 503, cependant nous devons nous souvenir du

7 fait que la charge de la preuve et le critère de la preuve incombent à

8 l'accusation.

9 S'il est possible que cette déposition du témoin EE n'était pas digne de

10 foi, il aurait fallu prendre une autre décision. Ce moyen de preuve aurait

11 du être rejeté, même si la Chambre de première instance dit dans son

12 jugement que la charge de la preuve revient à la défense lorsqu'elle dit:

13 "Il n'est pas accepté que le témoin se soit trompé à propos de Livancic

14 puisque la seule déposition concernant le lieu où il se trouvait ce matin

15 émanait de ses deux collègues.".

16 Or, la défense n'a pas prouvé que Livancic n'était pas présent, c'est

17 l'accusation qui doit le faire.

18 Mais permettez-moi, madame et messieurs les Juges, de revenir à cette

19 déposition, qui selon nous, était à ce point criblée d'incohérences, de

20 contradictions si peu digne de foi, qu'aucune Chambre de première instance

21 agissant raisonnablement n'aurait pu déclarer condamnation à partir des

22 éléments de preuves présentés. Ce qui nous intéresse ici, c'est ce qui

23 commence à la page 4082. Voici les questions que l'on posait à ce moment-

24 là au témoin: "Qui avez-vous reconnu, qui se trouvait là debout, à ce

25 moment-là?" Là, nous sommes devant sa maison, juste au moment où son mari

Page 723

1 vient d'être tué. Les soldats ont fait sortir son mari, l'on pris à part,

2 et il y a eu un coup de feu.

3 Réponse du témoin: "Vlado Santic, Zeljko Livancic".

4 Nous reviendrons à ce dernier plus tard, puisqu'il figure dans la

5 déclaration du témoin AT.

6 " Drago Josipovic, Marinko Katava, Karlo Cerkez.".

7 Le fait qu'on ait inclus dans cette réponse Marinko Katava est tout à fait

8 important parce cet homme n'aurait pas pu se trouver sur les lieux. Des

9 éléments de preuve convaincants prouvent que cette personne se trouvait à

10 des kilomètres de Vitez. Ceci a d'ailleurs été accepté par la Chambre de

11 première instance dans ce passage du jugement que nous venons de lire.

12 Nous sommes ici à un moment crucial de la déposition de ce témoin.

13 Témoin qui dit que Marinko Katava était présent au moment où son mari

14 aurait été tué. Or, nous savons que cette personne n'aurait pas pu se

15 trouver sur les lieux. C'est ce qu'a déclaré la Chambre lorsque des

16 éléments convaincants lui ont été présentés. L'interrogatoire se poursuit

17 confirmant aussi la présence d'une personne, nous savons qu'elle n'était

18 pas sur les lieux.

19 "Est-ce qu'à ce moment-là vous reconnu quelqu'un d'autre?

20 Réponse: Je ne peux pas y penser pour le moment, mais je sais que Katava

21 s'y trouvait.".

22 Or il ne se trouvait pas sur les lieux.

23 Ce trouvait Zeljko Santic, Josipovic et, un peu plus loin, à la page 4087,

24 ce témoin parle de Stipo Halilovic, surnommé Brko, elle dit ceci: "Il n'y

25 avait qu'un soldat du HVO qui se trouvait ici".

Page 724

1 Quand elle dit "ici", elle veut parler de sa maison.

2 "Un seul et c'est de cette façon-ci qu'il m'a regardé.".

3 Le témoin a alors montré aux Juges, comment il l'avait regardé, il

4 s'agissait de Stipo Halilovic surnommé Brko.

5 "Question: Pendant combien de temps l'avez-vous regardé à ce moment-là?

6 Réponse: Plusieurs seconde, c'était une question de secondes, cela ne

7 s'est pas passé au ralenti. Tout s'est passé en l'espace de quelques

8 secondes, tout ce qu'ils ont fait, la totalité de cette opération.

9 Question: De quoi vous souvenez-vous par la suite?

10 Réponse: Peut-être une ou deux secondes plus tard, c'est difficile pour

11 moi de déterminer le temps mais tout s'est passé en l'espace de quelques

12 secondes, un groupe de soldats est apparu. Stipo Halilovic s'appuyait sur

13 ce mur-ci, sur cette première marche de l'escalier. Zeljko Livancovic

14 était à ses côté. Derrière lui, il y avait Drago Josipovic, ainsi que

15 Karlo Cerkez à ce moment-là.".

16 Je saute 3 lignes.

17 "Question: Ce Brko, Stipo Halilovic, il tenait une grenade à la main?

18 Réponse: A côté de lui se trouvait Zeljo.".

19 Trois lignes plus loin.

20 "Stipo Halilovic s'est approché et a dit qu'est-ce que je fais de cette

21 grenade a-t-il dit à Zeljko.

22 Zeljko nous a regardé, m'a regardé, a regardé mes enfants. Je suis désolé

23 d'utiliser ce terme, mais a dit sortez, foutez le camp!".

24 Je me trompe peut-être en disant que tous s'accordent mais, en tout cas,

25 la conclusion tirée par la Chambre de première instance, en dépit des

Page 725

1 éléments de preuve absolument convaincants qui prouvent que Stipo se

2 trouvait aux Pays-Bas au moment des faits.

3 C'est une décision prise par le juges des faits. Or, ce Témoin EE, elle

4 est seule à déposer contre Josipovic pour ce chef de meurtre. Elle dit

5 qu'elle avait à ses côtés Stipo qui tenait une grenade à la main.

6 L'interrogatoire principal, fait par le Procureur, tient compte de ces

7 questions, essaie d'obtenir du témoin qu'elle revienne sur

8 l'identification qu'elle fait de ce témoin. Puisque le Procureur lui pose

9 quelques questions à propos du temps, est-ce que cela s'est passé pendant

10 quelques secondes parce qu'effectivement, le Procureur savait que la

11 personne concernée, Stipo, était aux Pays-Bas. C'était un élément de

12 preuve convaincant, à ce point significatif que, dans son réquisitoire, en

13 tous cas dans le mémoire final déposé par le Procureur, à la fin du

14 procès, et déposé devant la Chambre de première instance, l'accusation a

15 essayé de contourner cet embarras causé par ce type de moyen de preuve.

16 Pour ce faire, l'accusation a essayé de dire qu'il est tout à fait

17 possible, qu'à l'insu de tous, et sans avoir un cachet, un tampon dans son

18 passeport, Stipo était peut-être rentré pour la journée en Bosnie pour

19 avoir une grenade à la main, et puis pour retourner aux Pays-Bas par la

20 suite. Ceci se retrouve dans le mémoire final de l'accusation.

21 L'accusation présente ceci comme étant une possibilité raisonnable,

22 précisément pour essayer de contourner cette difficulté.

23 Ceci a été rejeté par la Chambre de première instance qui a conclu qu'il

24 ne faisait aucun doute que Stipo Halilovic, tout comme le dernier témoin,

25 ne se trouvait pas sur les lieux.

Page 726

1 Voilà donc ce que vous avez devant vous, le seul témoin à déposer contre

2 Josipovic, un témoin crucial en ce qui concerne ce chef de meurtre, ce

3 seul témoin s'est trompé en identifiant erronément deux personnes, dont il

4 peut être prouvé que ces deux personnes se trouvaient ailleurs. Cette

5 preuve, comme l'a dit elle-même la Chambre de première instance est tout à

6 fait convaincante, concluante.

7 En plus, on peut s'interroger, sur une troisième personne, à propos de

8 laquelle la Chambre n'a pas pensé que cette personne se trouvait ailleurs,

9 car ceci avait été appuyé par deux personnes. Cela veut dire que l'on

10 n'ait vraiment pas sûr du tout de sa présence sur les lieux à ce moment-

11 là.

12 Ce que cet autre témoin a dit a été renforcé. Nous parlons toujours de ce

13 même témoin AT. Quelques pages plus loin, elle se souvient avoir eu une

14 conversation avec cet homme qui se trouvait aux Pays-Bas.

15 "Puis Stipo Halilovic m'a demandé ce qu'il allait faire de cette grenade.

16 Zeljko m'a regardée, moi, et les enfants.". Le témoin répète ce qu'elle a

17 déjà dit précédemment. Elle ajoute alors que son mari a été emmené par ces

18 deux hommes et abattu.

19 Je peux vous donner la référence de ces termes qui figurent dans le

20 mémoire final du Procureur.

21 Là où désespérée, l'accusation affirme que ce témoin a pris un billet

22 aller-retour pour le même jour, pour faire un trajet rapide entre les

23 Pays-Bas et la Bosnie. Cela se trouve au compte rendu d'audience du 112ème

24 jour, 11 septembre 1999, page 96, ligne 13. C'est important parce que ceci

25 vous montre sur quoi s'est fondée l'accusation.

Page 727

1 Plus loin, à la page 4153, le témoin confirme une fois de plus la présence

2 de Marinko Katava, or nous savons pertinemment que c'est faux. Quelques

3 instants plus tard, ce même témoin dit ceci: "Stipo Halilovic, il était là

4 aussi. Stipo Halilovic surnommé Brko, il a le teint sombre, il porte une

5 barbe, ainsi qu'une moustache.

6 Question: Il est donc tout à fait caractéristique?

7 Réponse: Tout à fait, il a les cheveux foncés, moustache, barbe, le teint

8 foncé.

9 Question: Vous dites l'avoir revu plus tard.

10 Réponse: Peut importe.

11 Question: Vous dites l'avoir vu à ce moment-là?

12 Réponse: Oui, oui, je l'ai vu sur les lieux." (Fin de citation.)

13 A la page suivante 4115: "Je les ai vus tous, Livanovic, Santic, Brko

14 Halilovic, Stipo Halilovic, Katava. Tous. J'ai vu le visage de chacun

15 d'entre eux.

16 -Question: Je suppose que vous vous souviendrez toute votre vie de cette

17 expérience traumatique?

18 -Réponse: Merci, de votre compréhension." (Fin de citation.)

19 Je suppose que le Procureur essayait d'obtenir de ce témoin qu'elle

20 renforce ce qui était au fond une identification tout à fait erronée.

21 Nous sommes maintenant à la page 4464, "Stipo Halilovic (cet homme qui se

22 trouvait aux Pays-Bas) a donné l'ordre à Zeljko Livanovic d'emporter mon

23 mari, Mustafa. Il l'a emmené derrière la remise, aussitôt après, j'ai

24 entendu une rafale de coups de feu. Après, je n'ai jamais revu mon mari."

25 (Fin de citation.)

Page 728

1 C'est une citation que l'on avait présentée au témoin, citation provenant

2 d'une déclaration préalable. A ce moment-là, au moment de sa déposition,

3 le témoin a confirmé ceci, ce qui était accepté par la Chambre de première

4 instance. Or, l'homme qui aurait emmené son mari se trouvait, à ce moment-

5 là, aux Pays-Bas.

6 Et puis, sont posées quelques questions pour savoir si c'est Halilovic qui

7 avait donné cet ordre. On décrit davantage encore Halilovic, nous sommes à

8 la page 4170, on parle de ce qu'il porte. Il avait apparemment plusieurs

9 cartouches, que l'on pouvait insérer au moment de tirer.

10 On trouve plus loin la description de Katava, dont tous s'accordent à dire

11 qu'il ne pouvait pas être là, qu'il ne pouvait pas être à Vitez. Katava

12 n'avait pas de casquette, Cerkez non plus mais Halilovic, lui, en aurait

13 eu une d'après les dires du témoin. Ce même témoin dit que Katava était

14 l'un de ceux qui auraient emmené son mari derrière la remise.

15 Page 4187: "Les personnes que vous avez vues sur la terrasse, que vous

16 avez reconnues, il y avait Livanovic, Stipo Halilovic, surnommé Brko,

17 Marinko Katava, Valdo Santic. Vous avez expliqué aux Juges que vous

18 connaissiez très bien ces hommes, madame?

19 -Réponse; Oui, c'est certain, cela va de soi." (Fin de citation.)

20 Tous s'accordent à dire ou reconnaissent que ce témoin connaissait ces

21 deux hommes très bien, alors que l'un de ces hommes était aux Pays-Bas,

22 l'autre se trouvait à Vitez.

23 Page 4188, je ne vous donne pas lecture de la description très détaillée,

24 qui se termine de la façon suivante: "Etes-vous sûre que Stipo Halilovic

25 était sur les lieux?

Page 729

1 -Réponse du témoin: "Oui, j'en suis sûre à 100%".

2 A la page suivante, Marinko Katava, dont nous savons qu'il n'était pas là

3 est mentionné: "Vous étiez donc capable de le voir ce Marinko Katava, très

4 bien aussi?

5 -Réponse: "C'est exact, monsieur.

6 -Question: D'où avez-vous fait la connaissance de M. Marinko Katava?

7 -Réponse: Je le connais très bien Marinko.

8 -Question: Oui, mais je vous demande où avez-vous fait sa connaissance?

9 -Réponse: Avec lui, j'ai travaillé dans l'entreprise Impregnacija. Son

10 épouse est pharmacienne, elle travaille à la pharmacie Jelisa. Son père

11 était ophtalmologue, je voulais remplacer mes lunettes, je suis donc allée

12 le voir.

13 -Question: Tout ce que vous dites au sujet de Marinko Katava, c'est qu'il

14 a donné l'ordre, et cela ne fait aucun doute à votre avis?

15 -Réponse: Je suis complètement certaine de cela". (Fin de citation.)

16 Cela se trouve en page 190, et page 199, le témoin dit: "Je suis sûre, à

17 100% sûre en rapport avec Stipo Halilovic".

18 Je ne puis que dire à la Chambre d'appel, ici, que le témoin a fait erreur

19 lorsqu'elle a fait ces identifications, et que la Chambre de première

20 instance a également fait erreur en concluant que ce témoin était

21 crédible, et en prononçant un verdict de culpabilité sur la base de son

22 témoignage.

23 La conclusion, un peu curieuse de la Chambre de première instance, a été

24 que le témoin s'était trompé dans l'identification de ces deux individus.

25 Malgré cela, la Chambre a accepté son témoignage, témoignage qui portait

Page 730

1 sur quelqu'un que la Chambre connaissait très bien. Elle a dit que son

2 mari avait été emmené derrière la remise et abattu.

3 La qualité de témoignage de ce témoin n'est peut-être que le reflet du

4 traumatisme subi ce jour-là. Franchement, c'est une qualité très douteuse.

5 Ce témoignage ne peut pas être pris pour base pour condamnation de Drago

6 Josipovic ou de quelques autres personnes. Il n'y a aucun doute sur le

7 fait que la Chambre de première instance a conclu que ces deux individus

8 n'étaient pas présents sur les lieux. Des éléments de preuve ont démontré

9 ce fait sans l'ombre d'un doute.

10 Au vu de cela, nous n'hésitons pas à dire que nous avons rempli les

11 conditions posées dans le test très exigeant qui émane du Règlement de ce

12 Tribunal, et qui concerne un certain nombre d'obligations auxquelles je

13 suis tenu, à savoir convaincre le Tribunal qu'aucun Juge raisonnable

14 n'aurait pu conclure que ce témoignage était une base sûre et fiable

15 permettant de prononcer un verdict de culpabilité. On pourrait dire, en

16 poussant les choses très loin, que ce témoignage pourrait être véridique.

17 Ayant vu ces passages du compte rendu d'audience, je pose la question: y

18 a-t-il quelqu'un, ici, qui pourrait conclure que ce témoigne doit être

19 véridique concernant de Josipovic? Ou pour dire les choses autrement,

20 pouvez-vous vous convaincre, au-delà de tout doute raisonnable, que ce

21 témoin ayant commis deux graves erreurs au sujet de deux personnes qu'elle

22 connaissait très bien, aurait pu ne pas se tromper sur la troisième? La

23 seule de différence, étant que contrairement aux deux autres personnes,

24 Drago Josipovic était présent dans le village ce jour-là. Ce fait ne

25 permet pas de conclure que Drago Josipovic était un candidat à la présence

Page 731

1 sur les lieux. Cela ne permet pas de prouver qu'il était sur les lieux. La

2 seule chose que cela permet de faire, c'est de prouver, compte tenu des

3 éléments de preuve importants relatifs à Katava et à Josipovic, que cette

4 troisième personne ne pouvait pas être sur les lieux car elle ne pouvait

5 qu'être à Vitez ou aux Pays-Bas.

6 Je parlerai plus tard des preuves très concluantes qui concernent

7 Josipovic et qui auraient dû amener la Chambre de première instance à

8 déclarer qu'il n'était pas sur les lieux.

9 La charge de la preuve dans toute cette affaire est complètement

10 renversée. Nous disons que, s'agissant du témoignage du témoin EE, celui-

11 ci a été rejeté à très juste titre, s'agissant de Josipovic. Il a été

12 rejeté à juste titre également en rapport avec Katava. Par conséquent, il

13 est impossible de l'utiliser en tant que base sûre pour prononcer un

14 verdict de culpabilité. C'est un élément de preuve dangereux, un élément

15 de preuve à partir duquel un déni de justice découle très probablement,

16 comme le montre toute l'histoire du pénal dans le monde.

17 Il n'y a vraiment rien de plus dangereux qu'un témoin qui identifie une

18 personne et dont il est possible de démontrer que ce témoin a fait erreur

19 au sujet d'identifications importantes.

20 Or, c'est ce qui se produit dans cette affaire. Je le répète, nous avons

21 des preuves à ce sujet. En l'absence du témoin EE, rien ne démontre le

22 meurtre. Donc, la Chambre de première instance n'avait rien sur quoi

23 s'appuyer pour prononcer un verdict de culpabilité.

24 Ceci a également eu une influence sur le verdict de culpabilité au chef

25 n°1. Mais j'admets qu'il y a des éléments de preuve pour le chef n°1.

Page 732

1 Si nous regardons le paragraphe 810 du jugement, nous voyons comment ce

2 témoignage est inclus en rapport avec le chef n°1. Sans cet élément, il

3 est difficile de déterminer quelle aurait été la conclusion de la Chambre

4 en rapport avec ce chef d'accusation.

5 Je me suis peut-être trompé dans la référence que je viens de faire.

6 Paragraphe 810, excusez-moi pour mon erreur, c'est au paragraphe 810 en

7 effet que la Chambre de première instance inclut le témoignage du témoin

8 EE dans les bases du verdict de culpabilité relatif au chef n°1.

9 S'agissant de l'appel qui est interjeté, si ce que je viens de dire est

10 fondé s'agissant du témoin EE, il ne peut pas y avoir nouveau procès.

11 Mais, pour ma part, j'aurais convaincu la Chambre d'appel qu'aucune

12 Chambre de première instance, agissant raisonnablement, ne peut tenir

13 compte de ce témoignage et qu'en conséquence, le verdict doit être annulé.

14 Il en découle que c'est bien là la seule issue acceptable lorsqu'on

15 analyse ce témoignage.

16 Je vois que j'ai utilisé pas mal de temps. Je vais donc maintenant passer

17 à l'évaluation du témoignage du témoin AT.

18 Mme la Présidente (interprétation): Je crois que c'est un bon moment pour

19 la pause jusqu'à 11 heures 30. Après quoi, vous aurez encore 40 minutes

20 pour la fin de votre exposé. Nous suspendons jusqu'à 11 heures 30.

21 (L'audience, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 35.)

22 (Audience publique.)

23 Mme la Présidente (interprétation): Maître Clegg, vous pouvez poursuivre.

24 M. Clegg (interprétation): Je vais parler des moyens de preuve

25 supplémentaires du témoin AT.

Page 733

1 La première question qu'il convient de régler, c'est la portée de la

2 décision de la Chambre de première instance au sujet de l'admissibilité en

3 date du 29 mai de cette année.

4 Nous nous sommes appuyés sur l'idée que la Chambre de première instance

5 avait admis la déposition du témoin AT en application de l'Article 115 du

6 Règlement s'agissant de Vlatko Kupreskic et que, par conséquent, comme la

7 Chambre l'a dit au paragraphe 17 de sa décision, les autres parties ont le

8 droit d'être informées de cette déposition.

9 Les mots que je viens de citer me paraissent tout à fait clairs et nous

10 sommes partis de l'idée que nous représentions Drago Josipovic et, par

11 conséquent, que nous pouvions utiliser la déposition du témoin AT qui a

12 été admise par la Chambre de première instance.

13 L'accusation a vu les choses autrement. Elle a déclaré que votre décision

14 devait être considérée dans un cadre beaucoup plus restreint et que la

15 décision, en rapport avec la requête de Dragan Josipovic qui se trouve au

16 paragraphe 9 de votre décision, à savoir le fait que l'exigence de la

17 crédibilité n'était pas posée et qu'ainsi, le témoignage du témoin AT

18 n'était pas raisonnablement apte à être cru. Dans ces conditions, la

19 déposition du Témoin AT ne remplit pas les conditions posées à l'Article

20 115 du Règlement en rapport avec Josipovic.

21 La position du Procureur est, en fait, une position qui a été prise de

22 façon tardive car, après que la décision a été rendue, nous nous sommes

23 adressés au Président du Tribunal pour obtenir le mémoire de conclusion de

24 l'affaire Kordic qui a été enregistré confidentiellement par le Procureur.

25 Cette confidentialité manifestement était due au fait que ce mémoire

Page 734

1 pouvait avoir une influence sur le contenu de la déposition du témoin AT

2 devant la Chambre d'appel. Répondant à cette requête, le Procureur n'a pas

3 demandé l'interprétation de la décision qu'il propose maintenant et qui

4 vient un peu tard. Mais le Procureur a admis que certaines parties du

5 mémoire final de l'affaire Kordic pouvaient être révélées à la défense et

6 c'est ce qui a été fait. Sans doute, je le suppose, pour que je puisse

7 l'utiliser dans les propos que je tiens devant vous aujourd'hui.

8 Mme la Présidente (interprétation): Excusez-moi Maître Clegg, avez-vous

9 besoin d'un huis clos partiel pour ce que vous dites au sujet du témoin

10 AT?

11 M. Clegg (interprétation): J'en aurai besoin un peu plus tard mais, pour

12 l'instant, cela va.

13 Mme la Présidente (interprétation): Poursuivez.

14 M. Clegg (interprétation): La première question qu'il importe de régler,

15 consiste à déterminer si les mots contenus au paragraphe 17 de la décision

16 de la Chambre autorisent effectivement la défense à utiliser le témoignage

17 du témoin AT devant la Chambre d'appel.

18 La décision de la Chambre d'appel consistait à dire que les autres parties

19 étaient autorisées à s'informer de cette déposition et le mot "autres"

20 doit nécessairement concerner les parties qui, au départ, n'étaient pas

21 envisagées dans ce paragraphe. Ce mot doit donc concerner Drago Josipovic.

22 C'est, à notre avis, la seule façon de concevoir ce texte selon le sens

23 commun. Parce que, si la déposition est admise par la Chambre d'appel,

24 comme cela a été le cas pour Vlatko Kupreskic, alors il serait réellement

25 absurde qu'en envisageant un appel, la Chambre d'appel soit autorisée à

Page 735

1 entendre la déposition du témoin AT, provenant du Procureur, parce que ce

2 document serait admissible pour le Procureur pour ce qui concerne Vlatko

3 Kupreskic.

4 Il serait absurde que, moi, dans ces conditions, je n'aie pas le droit de

5 dire quoi que ce soit au nom de Drago Josipovic en utilisant cette

6 déposition, compte tenu que le mot "autres parties", au pluriel, a été

7 utilisé.

8 La position que je viens de décrire ressemble à la suivante, c'est-à-dire

9 que quelqu'un comparaîtrait devant la Chambre de première instance et on

10 pourrait envisager une situation où des éléments de preuve pourraient être

11 déclarés admissibles pour un accusé et que celui-ci ne serait pas autorisé

12 à présenter des témoignages parce que cette déposition ne serait pas

13 pertinente sur la question concernée par les témoignages en question, mais

14 serait pertinente pour un autre accusé si la Chambre de première instance

15 l'avait acceptée.

16 Toutes les parties peuvent parler de cette déposition. A mon avis, toutes

17 les parties doivent être autorisées à poser des questions au témoin et

18 toutes les parties doivent pouvoir s'efforcer de déterminer ce que ce

19 témoin a effectivement dit et en parler dans leurs réquisitions et

20 plaidoiries.

21 Nous déclarons donc que la porte est désormais ouverte, compte tenu de la

22 décision rendue par la Chambre d'appel le 24 mai au paragraphe17. Je crois

23 que c'était en date du 29 mai.

24 Si j'ai fait une erreur précédemment, je la corrige sur ce point. Comme

25 nous le voyons au paragraphe 17, les autres parties sont habilitées à

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1 s'informer, à prendre connaissance de ce témoignage du témoin AT.

2 La première fois que cette question a été soulevée, c'est dans le mémoire

3 supplémentaire déposé par l'appelant, 14 juin, et plus précisément au

4 paragraphe 2.11.

5 Cette question est également abordée dans le mémoire déposé en application

6 de l'Article 115 le 18 juillet au paragraphe 4.1 jusqu'au paragraphe 4.5.

7 Des solutions de rechange, solutions que j'ai présentées avec toute la

8 diligence voulue devant la Chambre, portent notamment sur la décision

9 rendue le 29 mai.

10 Et cette décision concluait notamment ceci, à savoir que la déposition de

11 AT n'était pas digne de foi. Et ceci avait été décidé per incuriam et,

12 après mûre réflexion, peut être considéré comme une décision qui n'est pas

13 confirmable. La Chambre d'appel a toute compétence pour revenir sur une

14 décision qui a été faite erronément par le passé.

15 Cette décision selon laquelle ce moyen de preuve n'était pas crédible,

16 cette décision n'a pas été rendue dans une situation où la Chambre d'appel

17 aurait été informée des détails précisant la déposition du témoin EE,

18 témoignage que je vous ai soumis aujourd'hui pour apporter la preuve de ce

19 que le témoin s'est exprimé de façon erronée. Ceci a été prouvé au moins à

20 deux reprises. Elle était sûre à 100 % lorsqu'elle avait identifié telle

21 ou telle personne sur les lieux du crime.

22 Autre chose, la Chambre d'appel ne le savait pas puisqu'il n'y avait pas

23 eu communication des pièces pertinentes, la Chambre d'appel ne savait pas

24 -et là je pense qu'il faudrait peut-être passer à huis clos partiel-.

25 Mme la Présidente (interprétation): Passons à huis clos partiel, si vous

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1 le voulez bien.

2 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 47.)

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14 (Audience publique à 12 heures 12).

15 M. Clegg (interprétation): La déposition du témoin CA a été admise par la

16 Chambre d'appel. Et le témoin parle d'un appel téléphonique important du

17 témoin DD. L'accusation nous a signifié une déclaration de ce Témoin DD

18 que nous estimons effectivement importante et qui, à nos yeux, doit être

19 reçue par la Chambre d'appel.

20 Ce témoignage revient à dire qu'il n'y a pas eu un tel appel téléphonique.

21 L'importance de cet appel intervient pour deux raisons. Cela tient, bien

22 sûr, à la teneur du coup de fil mais ceci peut laisser planer un doute

23 quant à la question de savoir si le témoin DD connaissait le sort qui

24 avait été réservé à son fils et à son mari après le massacre d'Ahmici. Ce

25 qui est plus important, et nous avons cette déclaration récemment fournie

Page 748

1 par le Procureur. Celle-ci permet de voir qu'un témoin appelé à la barre

2 au cours du procès a menti. Soit le témoin CA a menti et le témoin DD a

3 bien téléphoné ou c'est le Témoin DD qui ment lorsqu'elle dit qu'elle n'a

4 pas téléphoné.

5 La Chambre d'appel ne peut, en aucune façon, régler cette question

6 puisque, vous, vous n'avez pas entendu les témoins. Il y a bien un des

7 deux, parmi ces témoins, qui doit mentir. Si le témoin DD ment, ceci

8 entame sa crédibilité. Or, ceci est important si l'on veut comprendre

9 pourquoi la Chambre de première instance a accepté sa déposition.

10 Si la Chambre de première instance avait su qu'elle mentait à propos de

11 cet appel téléphonique, on peut peut-être aussi douter du reste de sa

12 déposition. Il se pourrait qu'à la lumière de cette déposition, la Chambre

13 de première instance aurait eu un avis différent quant à la fiabilité de

14 ce témoin.

15 Enfin, et je serai très bref, nous avons aussi interjeté appel de la peine

16 infligée. Selon nous, 15 ans, c'est une peine excessive vu toutes les

17 circonstances qui prévalaient en l'espèce.

18 N'oublions pas, en particulier, le rôle, la position qu'avait Josipovic,

19 comme l'a déterminé la Chambre de première instance. Vous savez qu'il

20 s'est livré de son plein gré au Tribunal. Vous savez également qu'il a

21 aidé des familles musulmanes, notamment celle du Témoin CA, le jour du

22 massacre. Les éléments de preuve soumis au procès l'ont montré.

23 Voilà, je vous remercie. Si vous avez des questions, je serais ravi d'y

24 répondre.

25 Mme la Présidente (interprétation): Merci Maître Clegg. Avez-vous des

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1 questions, chers collègues? Ce n'est pas le cas, je vous remercie.

2 Nous allons maintenant avoir présentation de l'appel déposé par M. Santic.

3 C'est Me Pavkovic qui va vous le présenter et vous pouvez commencer

4 maintenant jusqu'à 13 heures. C'est pratiquement la moitié du temps qui

5 vous est imparti. Nous aurons alors la pause déjeuner et vous disposerez

6 de 45 minutes après. Vous avez donc 45 minutes avant et 45 minutes après

7 la pause. Vous avez jusqu'à 13 heures pour commencer.

8 (Plaidoirie d'appel de Me Pavkovic)

9 M. Pavkovic (interprétation): Merci Madame la Présidente.

10 Peut-être que, pour mieux comprendre la défense de Vladimir Santic, il

11 faudrait, au départ, attirer votre attention sur un nombre de faits.

12 Puisque notamment sur la base de la lettre du Procureur, il s'est avéré

13 qu'un certain nombre de points méritent d'être clarifiés.

14 Tout d'abord, nous souhaitons souligner que la position de l'appelant,

15 après que le 25 octobre 2000 il a retiré un certain nombre d'éléments de

16 son appel et, bien sûr, quelques points sont restés non clarifiés. La

17 défense par le biais de son mémoire soumis le 12 juin de cette année, a

18 complété cet appel. A mon avis, l'image est plus claire maintenant.

19 Cependant, apparemment, le Procureur a encore un dilemme par rapport aux

20 positions de Vladimir Santic lorsqu'il conclut que l'appelant a soumis

21 seulement le point 3 de son appel. Cependant, ce qui est pertinent et ce

22 qui est contenu dans la partie 1 et 2 de l'appel, à savoir le lien entre

23 l'accusé et les Jokeri, tel que la Chambre de première instance l'a

24 constaté. La défense va essayer d'analyser de manière critique ce lien.

25 Ensuite, ce qui figure en n°2 de l'appel est pertinent également. Je suis,

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1 bien sûr, d'accord avec le Procureur pour dire que ce qui figure au point

2 3 de l'appel est pertinent également. J'espère donc que, maintenant, nous

3 avons clarifié les points qui vont faire l'objet de nos discussions compte

4 tenu de la position spécifique, particulière, dans laquelle l'appelant

5 s'est retrouvé après qu'il a retiré une partie de son appel.

6 Maintenant, je pense que nous pouvons entamer les discussions. J'espère

7 que la Chambre aura de la compréhension pour moi lorsque je demanderai de

8 passer à huis clos partiel, puisque je serai obligé de me pencher sur le

9 contenu de la déposition du témoin AT, peut-être plus que d'autres

10 personnes ne l'ont fait.

11 Je ne vais pas m'attarder sur les mêmes points que ceux qui ont été

12 évoqués par mon éminent collègue, Me Clegg, qui a vraiment analysé en

13 détail un certain nombre d'éléments et de situations. Compte tenu du fait

14 que mon client et le sien faisaient l'objet du même chef d'accusation,

15 selon l'Acte d'accusation, je pense que ceci ne posera pas de problème

16 vis-à-vis de la Chambre. Dans le paragraphe 827 de l'Acte d'accusation, la

17 Chambre de première instance constate, il s'agit d'une citation brève que

18 je vais lire ici -paragraphe 827 du jugement. Il a été dit que l'accusé a

19 joué le rôle du commandant de la police de l'unité de la police militaire.

20 Il était le commandant des Jokeri et, en cette capacité, il a relayé les

21 ordres de ses supérieurs à ses hommes, et que sa présence sur les lieux de

22 l'attaque a encouragé davantage ses subordonnés à obéir aux ordres reçus.

23 Nous considérons que les faits qui ont constitué la base de cette

24 constatation de la Chambre de première instance sont erronés et, dans la

25 partie 2 de notre appel, de notre mémoire, nous donnons une explication

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1 détaillée des raisons pour lesquelles nous considérons que la Chambre a

2 versé en erreur, cela faisant. Donc je ne souhaite pas répéter cela.

3 Mais la position clef de l'appelant porte sur la question de savoir s'il

4 était, comme le constate la Chambre dans ce paragraphe, le commandant

5 effectif de la police militaire qui a -et ceci n'est pas contesté-

6 participé à l'attaque contre Ahmici.

7 Donc, il faut constater si lui effectivement était le commandant de la

8 police militaire et quels sont les fondements sur lesquels la Chambre se

9 base pour conclure cela.

10 La défense considère qu'aucune déposition de témoins ne corrobore cela,

11 qu'il n'y a aucun moyen de preuve matérielle qui corroborerait cette thèse

12 de l'accusation.

13 Je souhaite maintenant me pencher brièvement sur les dépositions des

14 témoins de l'accusation qui ont été acceptées par la Chambre de première

15 instance s'agissant de cette question cruciale, à savoir la question de

16 savoir si l'accusé Santic se trouvait à la tête et commandait la police

17 militaire qui a attaqué Ahmici.

18 Tous les témoins parlent du fait qu'ils connaissaient l'accusé, ils

19 parlent de son statut formel aussi, s'agissant de la période d'avant les

20 événements et d'après les événements, mais s'agissant de la période

21 pertinente, donc le 16 avril 1993 et s'agissant du rôle tel que la Chambre

22 de première instance le conçoit, ces témoins-là n'en parlent pas. Donc,

23 aucun de ces témoins ne parle de son statut réel au moment des faits,

24 c'est-à-dire le 16 avril 1993. Et même le témoin L, dont a parlé mon

25 collègue, sa déposition a une valeur douteuse –il n'est presque pas

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1 possible de lui faire confiance-, mais même elle, elle ne parle pas de son

2 statut.

3 Donc, sur la base du jugement, nous pouvons voir que la Chambre de

4 première instance a accordé un grand poids à la déposition du témoin AA.

5 Et la Chambre fait référence à cela à plusieurs reprises dans les

6 paragraphes 88, 134 et 447. Il est vrai que ce témoin a confirmé que

7 l'accusé était membre de la police militaire, mais ce qui est important de

8 souligner ici, c'est le fait que ce témoin, lui aussi, apparemment sur la

9 base de la constatation de la Chambre de première instance, peut fournir

10 des informations intéressantes et importantes à la Chambre de première

11 instance, mais ce témoin a quitté la région de Vitez au début du mois

12 d'avril 1993. Donc, nous ne pouvons pas nous référer à ce fait pour

13 conclure quel était le rôle de l'accusé le 16 avril, donc au moment

14 pertinent.

15 Donc, le fait qu'il ait quitté la région au début du mois d'avril 1993 est

16 évident sur la base du paragraphe 3 du jugement, pardon de la page 3775 du

17 compte rendu d'audience, pages 18 et 19. Donc, la conclusion est

18 complètement erronée puisque cette personne n'était pas dans la région au

19 moment des faits. Bien sûr, peut-être qu'il donne des informations exactes

20 par rapport à la période avant ou après la période pertinente, mais ceci

21 n'a aucune valeur concernant la période pertinente pour l'Acte

22 d'accusation.

23 Et nous pouvons également faire une objection par rapport à la crédibilité

24 de ce témoin en général, mais nous ne souhaitons pas nous attarder là-

25 dessus puisque nous avons traité de cela dans notre mémoire final.

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1 Quel était le statut réel de l'accusé le 16 avril? Là, il s'agit de

2 l'unique question pertinente, mais même les témoins Sulejman Kavazovic et

3 Zaim Kablar n'ont pas pu nous fournir des informations satisfaisantes.

4 Tous, les deux témoins parlent de l'accusé dans le cadre des événements

5 qui se sont produits avant ou après le 16 avril et j'ai l'impression que

6 le témoin Kavazovic a pris l'accusé pour quelqu'un d'autre ou pris

7 quelqu'un d'autre pour l'accusé et notamment la pièce à conviction D/6

8 prouve que cette déposition ne peut pas être digne de foi puisqu'il s'agit

9 d'une autre personne qui porte, il est vrai, le même nom.

10 Le témoin Whitehorn (?) qui est mentionné dans le cadre du lien de

11 l'accusé avec les Jokeri, mais sa déposition va justement à l'encontre de

12 cela et, à trois reprises, il dit que le commandant des Jokeri, que

13 c'était une unité placée sous le commandement de Pasko Ljubicic, non pas

14 de l'accusé "Vlado" Santic.

15 Dans le jugement, référence est faite également à un certain nombre

16 d'experts, y compris l'expert militaire Djambasovic. La défense n'a pas

17 fait d'objection à sa déposition dans ce prétoire mais le témoin a parlé

18 du rôle présumé possible de l'accusé puisqu'il s'agissait là d'un témoin

19 qui ne parlait pas des événements qui se sont réellement produits. Mais il

20 s'agissait d'un témoin qui devait clarifier un certain nombre de points

21 militaires, expliquer la doctrine militaire. Donc ce témoin ne peut pas du

22 tout nous servir de base pour nous confirmer la thèse de l'accusation afin

23 d'illustrer le caractère véridique des conclusions tirées par la Chambre.

24 Je vais parler encore un peu plus tard de ce témoin de même que de la

25 pièce à conviction du Procureur n°390.

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1 Donc, sur la base des dépositions de tous ces témoins que je viens de

2 mentionner, il n'est pas possible de conclure au-delà de tout doute

3 raisonnable, comme le prétend la Chambre de première instance, que

4 l'accusé avait réellement le statut de commandant des forces militaires

5 qui ont lancé l'attaque contre Ahmici le 16 avril. Et même l'unique

6 personne qui l'identifie, le témoin EE, n'en parle pas.

7 Je souhaite attirer votre attention sur le fait que 16 autres témoins qui

8 ont déposé au sujet de cette circonstance-là dans le cadre de la

9 procédure, que leurs dépositions n'ont pas montré que l'accusé commandait,

10 qu'il avait un rôle de commandant. Et aucun des témoins ne le mentionne en

11 tant que tel.

12 Dans la pièce à conviction de la défense D16, il est constaté au-delà de

13 tout doute possible que c'est Pasko Ljubicic qui était le commandant de

14 ces forces à l'époque. Et non pas seulement ce document mais d'autres

15 documents montrent clairement que c'était lui qui était le commandant de

16 fait, qui était le commandant actif, la personne qui commandait ces

17 forces-là au moment des faits.

18 Je souhaite également attirer votre attention sur le jugement rendu par ce

19 Tribunal IT-95-17/1 qui constate que le commandant des Jokeri,

20 contrairement à la constatation de cette Chambre de première instance,

21 était Anto Furundzija. Justement cette circonstance selon laquelle c'est

22 Anto Furundzija qui l'était, est prise comme circonstance aggravante. Le

23 témoin GG a affirmé que le commandant était Anto Furundzija. La Chambre de

24 première instance a conclu que l'accusé commandait et donnait des ordres à

25 ses subordonnés. Mais par rapport à une telle constatation nous n'avons

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1 pas eu de moyens de preuve présentés au cours de la procédure.

2 Donc nous nous demandons sur la base de quels éléments la Chambre a tiré

3 de telles conclusions. Il n'y a pas d'ordre donné par… émis par Santic par

4 rapport à l'attaque contre Ahmici. Si nous nous penchons sur cette

5 question brièvement, et nous sommes obligés de le faire, nous sommes

6 obligés de nous pencher sur ce qui a été constaté dans le jugement Kordic.

7 Dans le paragraphe 610, il y est constaté que, suite à la prise d'une

8 décision politique…

9 Madame la Présidente, peut-être je souhaiterais parler à huis clos partiel

10 très brièvement pour traiter de ces sujets-là.

11 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 32.)

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25 (Audience publique à 12 heures 35.)

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1 Bien sûr, lorsque je dis qu'aucune preuve n'existe, qu'aucun moyen de

2 preuve n'a été présenté concernant les ordres qui auraient été émis par

3 l'accusé Santic et, compte contenu des affirmations du Procureur et des

4 conclusions erronées, à mon avis, de la Chambre de première instance je

5 dois souligner que si nous nous penchons sur la réalité de la déclaration

6 du témoin AT, nous pouvons logiquement conclure que ce genre d'ordre

7 n'existait pas et que l'accusé ne pouvait pas les donner et ne les donnait

8 pas puisque son rôle n'était pas conforme à cela.

9 Je dois rappeler à la Chambre d'appel le fait que la Chambre de première

10 instance a vu plusieurs ordres qui ont été présentés par la défense comme

11 la pièce à conviction D36/2, D37/2 et D38/2.

12 Le témoin CI a été cité à la barre et il a expliqué la nature de ces

13 ordres-là. Cependant, dans ces ordres-là non plus, il n'est pas possible

14 de reconnaître l'accusé et ces ordres ne portent pas sur sa personne.

15 Donc si nous tenons compte de tout ce dont je viens de parler, rien que

16 cela -et là il s'agit de l'intégralité des éléments qui ont été fournis à

17 la Chambre-, nous pouvons poser la question suivante: sur la base de ces

18 déclarations de témoins, de ces dépositions, est-ce qu'il est possible de

19 tirer la conclusion raisonnable que l'accusé était le commandant de la

20 police militaire qui a mené l'action à Ahmici? Est-ce que l'accusé était

21 le commandant de l'unité Jokeri qui a été mentionné à de nombreuses

22 reprises?

23 Il n'existe pas d'autres preuves. Moi, j'en ai parlé ici, brièvement, une

24 autre partie est intégrée à mon mémoire d'appel. Ma conclusion est donc

25 que la Chambre de première instance a versé en erreur, à savoir que

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1 personne ne peut conclure sur la base de cela au-delà de tout doute

2 raisonnable que c'était Vladimir Santic qui se trouvait au poste lui

3 permettant de commander toutes les forces qui ont participé à l'attaque

4 contre le village d'Ahmici.

5 Bien sûr, la défense souhaite clarifier également le rôle réel qu'a joué

6 Vladimir Santic dans ces événements-là. Pour ce faire, la défense se

7 référera également à la déposition du témoin AT. Donc je vous prierai de

8 nouveau, comme je l'ai annoncé au début, d'avoir de la compréhension

9 lorsque je demande de passer à huis clos partiel pour traiter du contenu

10 de la déposition du Témoin AT.

11 Mme la Présidente (interprétation): Oui, nous allons passer à huis clos

12 partiel.

13 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 38.)

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17 (Audience publique à 12 heures 44).

18 M. Pavkovic (interprétation): (Hors micro)

19 Mme la Présidente (interprétation): Votre micro s'il vous plaît.

20 M. Pavkovic (interprétation): Excusez-moi. La défense souhaite répéter ce

21 que je viens de dire. Il s'agit là d'un autre aspect du même problème lié

22 au statut de l'accusé, de son prétendu rôle de commandant, tel que la

23 Chambre de première instance l'a constaté. La défense , dans la partie 2

24 de son appel, a souligné que la Chambre de première instance a versé en

25 erreur s'agissant de son rôle de commandant, lorsque la Chambre ne l'a pas

Page 760

1 informé du fait que son prétendu statut allait être pris en considération

2 en tant que circonstance aggravante. Il ne pouvait donc même pas contester

3 ces faits pendant la procédure principale, pendant le procès. Il ne s'agit

4 pas ici des omissions de la défense. Ici, il s'agit d'une question

5 totalement différente parce que, dans l'Acte d'accusation jusqu'à ce

6 moment-là, dans cette affaire rien ne montrait que l'accusé Santic allait

7 être traité en tant que commandant.

8 Bien au contraire, toutes les allégations retenues contre lui, ainsi que

9 d'autres, s'appuyaient sur sa responsabilité personnelle, individuelle en

10 application de l'article 7 du Statut. Cependant, peu avant la fin du

11 procès, c'est-à-dire à la fin de la présentation des éléments de preuve en

12 tout cas, le Procureur, dans son mémoire, en conclusion, a fait savoir que

13 le statut de mon client en tant que commandant allait être pertinent. A ce

14 moment-là, la défense a constaté qu'elle n'avait pas présenté d'éléments

15 de preuve liés au statut de commandant prétendu de notre client

16 puisqu'elle estimait que ce n'était pas nécessaire. Et c'est donc

17 uniquement à la fin de la présentation des éléments de preuve que le

18 Procureur a fait savoir et a déclaré que le rôle de mon client était

19 beaucoup plus important parce qu'il faisait partie des commandants.

20 Donc, c'est une nouvelle qui surgit à la fin de la présentation des

21 éléments de preuve. Il était, à ce moment-là, trop tard pour mon client de

22 présenter un quelconque élément de preuve qui aurait pu éventuellement, ne

23 serait-ce que remettre en cause ce statut. Et, compte tenu du fait qu'il

24 n'a pas disposé des informations voulues de façon honnête et qu'il n'a pas

25 eu la possibilité de contrecarrer l'allégation selon laquelle il aurait

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1 fait partie des commandants, la défense estime que ceci est contraire à

2 l'Article 21.4 A) du Statut et que le prononcé de la peine doit être revu.

3 Nous aimerions vous rappeler que l'annexe A du jugement ne traite pas

4 l'accusé comme un responsable de haut rang. Il est dit dans cette annexe

5 qu'il a été un soldat, membre du HVO à Vitez. Et les mots que je viens de

6 prononcer: "membre du HVO à Vitez et simple soldat", ces mots sont une

7 citation de l'annexe du jugement.

8 Dans les chapitres 2 et 3 du mémoire d'appel, la défense, pour présenter

9 son point de vue en rapport avec le manque de notification et le manque de

10 possibilité pour l'accusé de réfuter les allégations retenues contre lui à

11 ce moment-là, eh bien la défense, en ma personne, ne souhaite pas revenir

12 sur tous les détails et tous les éléments du jugement. Mais je me

13 contenterai, si vous voulez bien, de parler du chapitre 2 et du chapitre 3

14 de mon mémoire en appel.

15 A ce sujet, je dirai simplement que nous nous appuyons sur les textes en

16 vigueur dans un grand nombre d'Etats. Où il apparaît que cette nouvelle,

17 cette information aurait du être communiquée à l'accusé bien avant, de

18 façon à lui permettre de se défendre. Je rappellerai que la convention

19 internationale sur les Droits de l'Homme et le Statut du Tribunal pénal

20 international ont le même point de vue sur ce point. Donc, les deux

21 instances parlent la même langue et je citerai, si vous le voulez bien,

22 l'Article concernant les droits de l'accusé: "Celui-ci doit être

23 rapidement et complètement informé, dans une langue qu'il comprend, des

24 allégations retenues contre lui.". Cet Article du Statut que je viens de

25 lire ainsi que tous les textes pertinents parlent d'une même voix. Et ceci

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1 a un rôle bien entendu sur le prononcé du verdict. En effet, la peine est

2 liée à ce statut et, compte tenu de tout ce que je viens de dire, la peine

3 qui a été prononcée contre mon client est dépourvue d'honnêteté, dépourvue

4 de fondement et dépourvue de justice.

5 Par conséquent, la preuve du fait qu'il n'était pas commandant était non

6 pertinente dans le procès, tout comme l'est la preuve qu'il aurait été

7 commandant, car cette preuve a été apportée trop tard dans le procès. Il

8 n'y avait pas de raison pour la défense, dans la situation dans laquelle

9 elle se trouvait, de s'efforcer de prouver le contraire sur ce point.

10 Donc le fait de savoir s'il avait été ou pas commandant à Vitez n'était

11 pas le sujet du débat. Et ceci n'a été dit par le Procureur qu'à la fin du

12 procès, au moment des réquisitions, uniquement pour obtenir un verdict

13 plus lourd, une peine plus lourde contre mon client.

14 Dans le Règlement de procédure et de preuve, en vigueur aujourd'hui, il

15 n'y a rien de condamnable, mais il est possible que la situation

16 précédente, c'est-à-dire la situation qui prévalait avant que nous

17 disposions d'un Règlement tout à fait homogène, avant 1998, ce Règlement

18 de l'époque contenait sans doute certaines erreurs. Et c'est une époque où

19 il a été décidé que les éléments de preuve relatifs à la sentence seraient

20 présentés à une date plus tardive dans la procédure.

21 Pour illustrer ce que je suis en train de dire et montrer à quel point

22 c'est important d'informer l'accusé et de le traiter d'une façon qui

23 correspond à sa possibilité de se défendre, j'utiliserais le récit

24 suivant: l'accusé était en fait placé dans la même situation qu'un pilote

25 qui aurait été contraint de conduire un avion à l'aveuglette ou d'un marin

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1 qui aurait été contraint de naviguer sans aucune carte. Il était en effet,

2 incapable de se préparer à ce qui l'attendait car il n'avait pas la

3 formation nécessaire à cette fin. Il serait facile pour le Procureur

4 d'informer la défense quant au fait qu'elle demanderait une peine plus

5 lourde en raison du rôle de commandement exercé par mon client. Ceci

6 aurait pu se faire au moment de la présentation des éléments de preuve des

7 deux parties et la question aurait pu être débattue devant la Chambre de

8 première instance; la Chambre d'appel n'ayant pas, dans ces conditions, à

9 en débattre à présent.

10 Madame la Présidente, si je vois bien l'horloge, il nous reste encore 5

11 minutes.

12 Mme la Présidente (interprétation): C'est exact.

13 M. Pavkovic (interprétation): Mais je m'apprête, à présent, à parler d'un

14 sujet tout à fait différent, c'est-à-dire de la sentence. Je suis donc à

15 votre disposition. Pensez-vous que je devrais commencer maintenant ou

16 qu'il serait peut-être préférable d'entamer ce nouveau sujet après la

17 pause déjeuner?

18 Mme la Présidente (interprétation): Je pense que votre suggestion est tout

19 à fait excellente Maître Pavkovic. Nous allons donc suspendre pour le

20 déjeuner et nous retrouver, dans ce prétoire, à 14 heures 15.

21 Nous reprendrons nos débats à 14 heures 15, ce qui vous laissera, si je ne

22 m'abuse, 40 minutes à peu près pour la fin de votre exposé.

23 (L'audience, suspendue à 12 heures 55, est reprise à 14 heures 20.)

24 (Questions relatives à la procédure.)

25 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour, re-bonjour, nous sommes de

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1 nouveau en audience et Me Pavkovic dispose encore, selon mes calculs, de

2 40 minutes à peu près. Je vois que M. Abell a quelque chose à dire

3 rapidement.

4 M. Abell (interprétation): Oui, en effet Madame la Présidente. Au nom de

5 Vladko Kupreskic je vous prie de m'excuser pour cette interruption. Voilà

6 ce que je voulais dire si vous m'y autorisez, Vous vous rappellerez, sans

7 doute, Madame et Messieurs les Juges ... D'ailleurs, ce serait mieux

8 d'être en huis clos partiel.

9 Mme la Présidente (interprétation):Très bien huis clos partiel.

10 (Huis clos partiel à 14 heures 22.)

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19 (Audience publique à 14 heures 30.)

20 (Plaidoirie d'appel de Me Pavkovic.)

21 Mme la Présidente (interprétation): Veuillez procéder.

22 M. Pavkovic (interprétation): Madame la Présidente, Messieurs les Juges,

23 la sentence imposée à l'accusé Vladimir Santic est très lourde, elle est

24 exagérément lourde et injuste. L'accusé Santic a été accusé à une peine de

25 prison de 25 ans. Cette peine correspond au double de la peine maximale

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1 imposée aux autres accusés de ce groupe.

2 Elle est le double de la peine imposée à l'accusé Josipovic, sur le chef

3 de persécution. Pour expliquer cette peine très lourde et injuste, au

4 paragraphe 862 du jugement, la Chambre de première instance a expliqué sa

5 position.

6 Si vous me le permettez, j'aimerais donner lecture de ce paragraphe. Avant

7 de lire, je voudrais informer chacun que j'appelle l'attention des Juges

8 sur les circonstances décrites dans ce paragraphe, qui ont joué un rôle

9 déterminant sur la détermination de la sentence. Cela me permettra de

10 démontrer que la Chambre de première instance a commis une erreur en

11 prononçant une telle peine.

12 Par ailleurs, nous sommes ici devant cette Chambre d'appel pour présenter

13 des arguments, ils ont déjà été présentés à la Chambre de première

14 instance mais n'ont pas trouvé leur place dans le jugement. Or, nous

15 estimons que ces arguments significatifs auraient dû être pris en compte

16 car ils jouaient un rôle tout à fait important dans la détermination de la

17 peine opportune, adéquate. Ensuite, j'évoquerai un certain nombre

18 d'éléments qui montrent qu'au moment où le verdict a été prononcé, des

19 circonstances tout à fait significatives n'ont pas été prises en compte,

20 car elles n'avaient pas été évoquées. Elles ont été connues plus tard. Si

21 elles avaient été évoquées au moment du jugement, elles auraient abouti à

22 un verdict plus clément.

23 La Chambre de première instance, considérant que le rôle de mon client à

24 l'époque des faits le 16 avril 1993, a été un rôle important, dit ce qui

25 suit au paragraphe 152 du jugement, je cite: "S'agissant de la

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1 responsabilité de persécutions, Vladimir Santic a joué un rôle très

2 important, puisqu'il était un commandant et qu'en cette qualité il a pris

3 part à la planification stratégique de l'ensemble de l'attaque. Il a

4 également relayé à ses subordonnés des ordres émanant de ses supérieurs,

5 ce qui revient à émettre des ordres illégaux dans ces circonstances. Ce

6 rôle aggrave tout particulièrement sa participation aux infractions

7 incriminées. Par ailleurs, il a pris part activement aux meurtres de

8 civils musulmans de Bosnie à Ahmici, à la destruction de maisons et de

9 biens appartenant à des Musulmans de Bosnie et à l'expulsion des Musulmans

10 de Bosnie de la région d'Ahmici-Santici. Vladimir Santic a notamment

11 participé à l'attaque de la maison de Musafer Puscul, qui s'est soldée par

12 l'incendie de la maison, le meurtre de Musafer Puscul, l'expulsion de la

13 famille de celui-ci, après l'avoir contrainte à assister au meurtre.

14 L'attaque a été lancée à l'aube, de sorte que les victimes n'ont eu

15 absolument aucune possibilité de s'échapper.". (Fin de citation.)

16 C'est une partie importante du jugement que celle-ci. Elle vous montre

17 que, de l'avis de la Chambre de première instance, cet homme a joué un

18 rôle très important. C'est la raison pour laquelle il a fait l'objet d'une

19 peine aussi lourde.

20 Madame et Messieurs les Juges, il ne fait aucun doute que le contenu du

21 paragraphe 862 mérite une peine lourde, grave, pour autant bien sûr que

22 ces faits aient été prouvés au regard de normes déjà adoptées par ce

23 Tribunal.

24 En d'autres termes, il faudrait que ces faits aient été prouvés au-delà de

25 tout doute raisonnable.

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1 Je suis déjà intervenu pour parler du rôle véritablement joué par mon

2 client dans ces événements.

3 A ce propos, je vous ai montré que les éléments de preuve présentés au

4 procès ne permettent pas de tirer les conclusions qu'a tirées la Chambre

5 de première instance. A cet effet, je vais vous présenter des arguments

6 relatifs à chacun des points qui apporteront la preuve de ce que je dis.

7 Il est certain que la gravité des crimes commis entraîne et mérite

8 d'entraîner une peine très lourde, comme l'a déjà décidé ce Tribunal à

9 plusieurs reprises. Et il est certain que tout le monde sera d'accord pour

10 accepter cet état de choses. Il n'y aura pas d'objection à cet égard.

11 Cependant, mon client n'a pas joué un rôle aussi important s'agissant de

12 ces événements et la peine qu'il a reçu n'est pas adéquate, vu le rôle

13 qu'il a joué. J'ai déjà parlé de la déclaration du témoin AT, mais

14 permettez-moi de revenir sur celle-ci pour mettre en exergue certains

15 points. Le rôle qu'a véritablement joué l'accusé dans tous ces événements,

16 c'est le témoin AT qui vous l'a montré, car hormis la déposition de ces

17 derniers, nous n'avons pas d'autre élément de preuve.

18 Le témoin EE n'en a pas parlé, n'a pas parlé de cette question. Regardons

19 d'ailleurs sa déclaration. Nous constaterons ainsi qu'elle parle de

20 l'assassinat de son mari d'une façon différente, ce qu'a reconnu

21 d'ailleurs la Chambre de première instance.

22 Maintenant, je vous demanderai de passer à huis clos partiel, pour la

23 partie qui suit.

24 Mme la Présidente (interprétation): Huis clos partiel.

25 (Audience à huis clos partiel à 14 heures 35.)

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10 (Audience publique à 14 heures 45.)

11 Donc le fait même que sa présence ait été confirmée devant la maison du

12 témoin EE corrobore la thèse selon laquelle il n'était pas le commandant,

13 puisque le commandant ne se serait pas trouvé à cet endroit-là.

14 D'après le jugement, il est écrit également que Vladimir Santic avait

15 participé à la planification de l'ensemble de l'attaque et que c'est pour

16 cela qu'il est possible de conclure que son rôle était important là-

17 dedans. Mais aucun document, aucun moyen de preuve ne corrobore une telle

18 conclusion. Sur la base du jugement Kordic que je viens de citer ici, il

19 est possible, en fait, de voir où la planification stratégique a eu lieu.

20 Le témoin Djambasovic qui a été cité à la barre lors de la présentation

21 des moyens à décharge, a dit devant la Chambre de première instance que

22 même s'il était exact que l'accusé avait été le commandant de la

23 compagnie, il faut savoir que les planifications stratégiques ne

24 s'effectuent pas à ce niveau-là.

25 Ceci est repris dans le jugement, le jugement qui accorde une importance

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1 extrêmement grande à ce fait au moment du prononcé de la peine.

2 Ensuite, dans le jugement, il est dit -la Chambre a considéré qu'il

3 s'agissait une circonstance aggravante- qu'il a participé à la destruction

4 des maisons des Musulmans, à la destruction de leurs biens et au meurtre

5 des civils musulmans. La Chambre de première instance, selon la défense,

6 n'a pas fait preuve d'une approche critique en acceptant ces affirmations-

7 là.

8 Si le Procureur avait eu les preuves indiquant que l'accusé avait

9 participé aux meurtres des Musulmans de Bosnie et à la destruction de

10 leurs maisons, il n'aurait pas procédé de la même manière avec laquelle il

11 a réellement procédé au cours du procès.

12 Puisque le Procureur n'a pas accusé mon client des faits concrets, à

13 l'exception des allégations concernant la famille Puscul, ceci indique que

14 le Procureur, ne disposait pas des preuves. Et s'il n'y a pas eu de

15 preuve, ceci doit se refléter au moment du prononcé de la peine. Le

16 Procureur ne se réfère à aucune preuve dans le cadre de ces allégations-

17 là. Il s'agit là d'une circonstance importante qui doit être prise en

18 compte.

19 Une autre circonstance, qui est interprétée comme circonstance aggravante

20 au moment du prononcé de la peine, est l'affirmation suivante: dans le

21 jugement, il est constaté, concrètement parlant, que l'accusé avait pris

22 part à l'attaque contre la maison des Puscul; qu'à ce moment-là, la maison

23 était incendiée; qu'à ce moment-là, Musafer Puscul a été tué.

24 Si nous acceptions comme véridique la déclaration du témoin EE, par

25 rapport à tout ce qu'elle dit, si l'on acceptait la véracité de l'ensemble

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1 de sa déclaration, nous pouvons conclure que cette affirmation est alors

2 inacceptable. Puisque ce même témoin dit qu'elle n'a pas vu le meurtre de

3 son mari. Elle a vu qu'on a amené Musafer derrière la baraque, ensuite,

4 elle a entendu des coups de feu. Il n'existe pas de fondement permettant

5 de tirer la conclusion que la Chambre a tirée dans le cadre du jugement,

6 même sur la base de la déposition du témoin EE.

7 Si nous analysons tout cela, nous pouvons, selon la défense, conclure que

8 la Chambre de première instance a versé en erreur, au moment de

9 l'évaluation de tous ces faits.

10 Il ne fait aucun doute que la déclaration du témoin AT a clarifié ce rôle.

11 Je répète, si cette déposition avait été portée à la connaissance de la

12 Chambre plus tôt, il est certain qu'une sentence appropriée aurait été

13 prononcée.

14 Je souhaite encore attirer votre attention, Madame la Présidente,

15 Messieurs les Juges, sur les autres circonstances qui existaient, qui ont

16 été prouvées par la défense, mais clairement aucune trace d'elles n'existe

17 dans le jugement. Nous ne savons pas de quelle manière la Chambre de

18 première instance les a prises en considération, mais en vertu de

19 l'Article 85, la Chambre de première instance aurait dû les prendre en

20 considération, puisqu'en vertu de cet Article, toute information qui

21 risque d'être pertinente pour l'affaire, doit être examinée par la Chambre

22 et évaluée par la Chambre.

23 Concrètement parlant, un Musulman, M. Kablar a déposé ici, et il a profité

24 de l'occasion de sa déposition pour remercier Santic, pour remercier

25 l'accusé Santic, pour le remercier de son comportement dont il a fait

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1 preuve quelques jours après cet événement, lorsqu'ils se sont rencontrés.

2 Mais la Chambre a complètement négligé cette déclaration.

3 Or, je pense qu'une telle circonstance aurait du être prise en compte par

4 la Chambre de première instance au moment du prononcé de la peine.

5 Le comportement préalable de l'accusé n'a pas été pris en compte non plus,

6 le comportement qui a précédé tous ces événements. La défense a présenté

7 des moyens de preuve, D 14/6 par exemple, dont il découle clairement que

8 l'accusé n'a pas eu de casier judiciaire, qu'il n'a jamais été condamné et

9 que son comportement était tout à fait modèle. Tout ceci existe et fait

10 partie du dossier.

11 De même, les corrections de Muharem Pripoljac et de Mirsad Cengic, il

12 s'agit de deux Musulmans qui ont donné des déclarations, qui ont parlé de

13 Santic en disant qu'il s'agissait là d'une personne extrêmement correcte,

14 qui n'avait pas d'idées préconçues religieuses ou ethniques, que c'était

15 quelqu'un de très tolérant sur le plan ethnique. C'est quelqu'un qui les a

16 beaucoup aidés.

17 Ces déclarations n'ont pas été prises en compte.

18 De même, les pièces à conviction de la défense D16 et D20 n'ont pas été

19 prises en compte, alors que ces pièces parlent de manière importante du

20 comportement de l'accusé avant les événements. Qui plus est, les témoins

21 Brkovic et Kozar ont déposé également au sujet de la personnalité de

22 l'accusé. Et la Chambre de première instance n'a pas tenu compte de cela.

23 Une autre circonstance importante qui n'a pas été prise en compte au

24 moment du prononcé de la sentence est lié à son comportement dans la

25 prison, dans le quartier pénitentiaire depuis quatre ans déjà. Or, il n'a

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1 nullement violé les règles en vigueur au quartier pénitentiaire.

2 De même, l'accusé est le père de deux enfants et il a la charge de ses

3 enfants, même à partir d'ici, à partir du quartier pénitentiaire. Le fait

4 que l'accusé soit malade n'a également pas été pris en compte.

5 L'une des circonstances auxquelles vous faites face, Madame la Présidente,

6 Messieurs les Juges, maintenant que vous avez également la connaissance

7 d'un certain nombre de faits nouveaux, c'est que l'acte n'a pas été commis

8 de son propre gré.

9 Et comme Me Clegg l'a déjà indiqué, sans un seul témoin il n'y aurait pas

10 eu de procès à l'encontre de son client, ni à l'encontre du mien. Là, il

11 s'agit du témoin EE.

12 Je propose peut-être que l'on passe maintenant de nouveau à huis clos

13 partiel, juste pour quelques phrases, si possible.

14 Mme la Présidente (interprétation): Oui, allez-y.

15 (Audience à huis clos partiel à 14 heures 55.)

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14 (Audience publique à 15 heures 08.)

15 Très bien, je disais que nous allons maintenant entendre l'accusation.

16 Permettez-moi de préciser l'emploi du temps.

17 Il est 15 heures 10. Nous allons avoir une heure pour l'accusation puis

18 nous aurons comme d'habitude notre pause, une pause d'environ 20 minutes,

19 de 16 heures 10 à 16 heures 40.

20 Puis nous reprendrons jusqu'à 17 heures 15, ce qui donnera en tout 1 heure

21 et 45 minutes pour l'accusation aujourd'hui. Elle pourra poursuivre demain

22 matin.

23 Si vous voulez faire des préparatifs, je voulais que vous soyez informés

24 de cet emploi du temps.

25 Vous avez la parole.

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1 M. Yapa (interprétation): Madame et Messieurs les juges, il y a longtemps

2 déjà que nous attendons, nous avons maintenant la parole. Permettez-moi de

3 vous dire comment nous allons procéder.

4 Par rapport à ce qui avait été prévu au départ, Mme Norul Rashid ainsi que

5 M. Fabricio Guariglia vont aborder trois questions. Ils vont parler de ce

6 que vous a dit Me Clegg et des normes de révision s'agissant des éléments

7 supplémentaires fournis. Ceci a été présenté également par Me Clegg, à ce

8 propos, Mme Rashid qui va intervenir. Lorsqu'il s'agira d'examiner les

9 éléments relatifs au témoin AT, c'est Mme Rashid qui va vous en parler.

10 Mais pour ce qui est des normes ou des critères à appliquer en matière de

11 peine, c'est M. Guariglia qui va le faire. S'il reste encore du temps,

12 aujourd'hui, Me Rashid va intervenir sur l'appel au fond déposé par M.

13 Drago Josipovic. Merci Madame.

14 Mme la Présidente (interprétation): Madame Rashid, vous avez la parole.

15 (Réquisitoire de Mme Rashid.)

16 Mme Rashid (interprétation): Madame et Messieurs les Juges, à ce stade de

17 la réponse de l'accusation, je vais vous parler des critères de révision

18 qui s'appliquent lorsque des éléments de preuve supplémentaires ont été

19 reçus.

20 Nous allons répondre aux arguments avancés par le conseil de Drago

21 Josipovic au nom de tous les conseils, et puis nous parlerons aussi de ce

22 qui est à notre avis le critère à appliquer. Voici comment je vais

23 structurer mon exposé: je vais d'abord mettre en lumière les éléments

24 litigieux et ceux qui ne le sont pas entre les deux parties.

25 Et puis je vais parler de la démarche de la Chambre d'appel jusqu'à

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1 présent lorsqu'elle a appliqué les critères qu'il convient d'appliquer au

2 stade de l'audience.

3 Puis, nous vous fournirons des argument qui attesteront de notre vision

4 des choses lorsqu'il s'agit de voir quels sont les critères à adopter. Je

5 répondrai brièvement à certain des arguments avancés par les appelants.

6 Tout d'abord, pour ce qui est du recours demandé par les appelants, au

7 regard de ces éléments de preuve supplémentaires, voyons exactement ce que

8 les appelants demandent.

9 Ils voudraient qu'il y ait un nouveau procès qui se consacre à tous les

10 éléments présentés au moment du procès.

11 Pourquoi le demandent-ils? Parce qu'ils disent qu'ils disposent désormais

12 de certains éléments de preuve complémentaires. Il nous faut régler une

13 question: quel est le critère que doit appliquer la Chambre d'appel en ce

14 présent Tribunal lorsqu'elle décide d'annuler une condamnation et

15 d'ordonner un nouveau procès parce qu'il y a de nouveaux éléments de

16 preuve?

17 Pour ce qui est des points litigieux… excusez-moi, je me corrige, des

18 points non litigieux, les deux parties conviennent à dire qu'il y a deux

19 étapes lorsqu'il s'agit de voir quelle est l'incidence des présentations

20 de preuve complémentaires. Il faut invoquer le 115A) et 115B) et puis vous

21 avez le critère qu'il faut appliquer au moment de l'audience.

22 Les deux parties sont d'accord pour dire que ces normes ou critères ne

23 sont pas les mêmes suivant le stade de la procédure. Ce qui est contesté,

24 apparemment, c'est que lorsqu'il importe de déterminer le poids à donner à

25 des éléments de preuve, les appelants estiment que la Chambre d'appel ne

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1 peut pas se prononcer sur la crédibilité. Les appelants veulent aussi que

2 vous utilisiez un critère moins rigoureux, cet auxiliaire de mode "might"

3 ou "could".

4 Pour ces raisons, vous disent-ils, la Chambre d'appel devra inévitablement

5 renvoyer l'affaire devant une Chambre de première instance puisque vous,

6 vous n'êtes pas en mesure de trancher sur des questions de litige de faits

7 ou d'opinions.

8 L'accusation n'est pas d'accord. Nous n'estimons pas que c'est là la

9 position que devrait adopter une Chambre d'appel. Je vais vous expliquer

10 pourquoi.

11 Les conseils de la défense vous ont dit que la Chambre d'appel avait

12 utilisé de façon interchangeable les auxiliaires "pourrait" ou "aurait" et

13 que les décisions déjà prises jusqu'à présent n'aident pas beaucoup

14 lorsqu'il s'agit de voir quel est le bon critère à appliquer au moment de

15 l'audience. Il est important de constater que ces décisions rendues par la

16 Chambre d'appel ont été rendues au stade de l'admissibilité. La Chambre en

17 fait a énoncé les critères qu'il faut respecter au moment de l'audience.

18 Je vais donner lecture de deux de vos décisions, l'une du 26 février 2001

19 et l'autre du 11 avril 2001.

20 Voici ce que vous avez dit: "Les éléments de preuve supplémentaires sont

21 admis sans préjudice du poids à leur accorder. La Chambre d'appel conclut

22 à juste titre que la seule question à trancher à ce stade de la procédure

23 d'appel, c'est le poids qu'on donne à ces moyens de preuve."

24 Ici, nous n'avons pas affaire à une définition de ce qui pourrait être le

25 bon auxiliaire de mode, "pourrait" ou "aurait mais plutôt du poids. Il

Page 786

1 apparaît des décisions de la Chambre d'appel que ce concept du poids

2 implique une évaluation de la crédibilité qu'il faut accorder à un moyen

3 de preuve supplémentaire, sa nature, son caractère, la valeur probante,

4 mais ce n'est pas le critère ultime.

5 Cette démarche de la Chambre d'appel se reflète dans toutes les

6 ordonnances que vous avez rendues suite aux éléments de preuve soumis

7 jusqu'à présent. J'aimerais mettre en lumière quelles sont les pièces

8 supplémentaires soumises. Vous vous souvenez de l'admission des

9 déclarations du témoin CA. Vous avez dit à ce propos que ces moyens de

10 preuve étaient versés au dossier sans préjudice du poids qui leur serait

11 accordé par la suite.

12 Par la suite, l'accusation a déposé une requête, afin qu'il lui soit

13 permis de présenter des éléments de preuve en réplique sous forme de

14 déclaration du 92bis. Nous avons dit que ceci avait pour objet d'aider la

15 Chambre d'appel à déterminer le poids qu'il fallait accorder à des

16 déclarations supplémentaires, notamment la déclaration supplémentaire du

17 témoin CA.

18 Il est important de relever que les appelants ne se sont pas opposés à

19 cette requête. Ils ont dit au contraire qu'il était dans l'intérêt de la

20 justice que ces déclarations soient admises. Ils sont d'accord avec

21 l'accusation pour dire que les moyens de preuve en réplique en vertu du

22 92bis, peuvent être considérés pour en déterminer le poids voire la

23 crédibilité.

24 La Chambre d'appel a admis du 92bis en vertu de l'Article 89C) parce que

25 la Chambre pensait que c'était des éléments pertinents qui risquaient

Page 787

1 d'avoir une valeur probante. La Chambre d'appel a ajouté qu'elles étaient

2 admises sans préjudice du poids qui leur serait accordé également.

3 S'agissant du témoin ADA, sa déclaration a été versée au dossier, sans

4 préjudice du poids qui lui serait accordé. Par la suite, la Chambre

5 d'appel a tenu une audience consacrée à la présentation des témoins les 17

6 et 18 mai. Dans l'ordonnance portant calendrier, la Chambre a convenu du

7 fait que l'accusation avait le droit de présenter des éléments en

8 rubrique, mais se limitant à la question de la crédibilité du témoin ADA

9 et des autres témoins.

10 La Présidente de la Chambre a elle-même fait un commentaire à l'audience

11 en disant que cette d'audience avait pour objet de déterminer la

12 crédibilité et le poids à donner aux éléments versés au dossier.

13 Il est clair qu'une telle audience avait pour vocation d'aider la Chambre

14 à déterminer le poids à donner à ces éléments de preuve. S'agissant d'un

15 élément de preuve supplémentaire à verser au dossier, à savoir la vidéo,

16 relative à Mirjan et Zoran Kupreskic, l'accusation n'a eu de cesse de

17 soutenir, elle le fait encore, que la Chambre est parfaitement à même

18 dévaluer le poids à donner à cette vidéo. Monsieur Guariglia va vous

19 parler de la valeur probante de cette vidéo.

20 Pour déterminer le poids à donner aux éléments de preuve, la Chambre

21 apparemment est prête à réévaluer les éléments de crédibilité, la

22 fiabilité des moyens de preuve, leur valeur probante après que la Chambre

23 aura pris une décision au stade de l'admissibilité. Le concept du poids

24 qui dresse un cadre dans lequel sera évalué le poids à donner, un élément

25 de preuve face à tous les éléments soumis au procès. Cela étant la Chambre

Page 788

1 d'appel doit se demander si de ce fait le verdict n'est plus sûr.

2 C'est une démarche adoptée jusqu'à présent par la Chambre d'appel qui

3 cadre fort bien avec la jurisprudence du système de common law comme l'a

4 dit Me Clegg. Ceci va tout à fait dans le droit fil des affaires que j'ai

5 citées dans le recueil supplémentaire des précédents. Dans ce recueil

6 supplémentaire, je cite notamment l'affaire Gallagher et "R". La cour

7 suprême s'est fondée sur la décision de la Chambre des lords Stafford et

8 DDP et a dit ceci, je cite: "Lorsque des éléments de preuve nouveaux ont

9 été admis et ont été soumis à un contre-interrogatoire, la Chambre doit

10 décider si elle doit accorder le moindre poids à ceci. Il ne peut faire

11 aucun doute qu'une Chambre d'appel pénale doit se former une opinion quant

12 à la crédibilité d'éléments de preuve nouveaux.

13 Toujours dans l'affaire Gallagher la Chambre a dit ...

14 M. Clegg (interprétation): Pourrions-nous avoir une page, parce qu'il est

15 difficile de suivre ce qui est dit.

16 Mme la Présidente (interprétation): Pourriez-vous nous donner la page en

17 guise de référence?

18 Mme Rashid (interprétation): Tout à fait. Mais ce que je dis est très

19 simple. Les tribunaux australiens ont décidé que la Chambre d'appel au

20 pénal a tout à fait compétence pour trancher des questions de fiabilité,

21 pour évaluer le poids d'éléments de preuve qui ont déjà été versé au

22 dossier.

23 Mme la Présidente (interprétation): Je comprends mais donné quand même la

24 page de référence à Me Clegg.

25 Mme Rashid (interprétation): Page 6 et 7 des affaires que j'ai citées,

Page 789

1 notamment l'affaire Gallagher.

2 Nous relevons que les tribunaux canadiens, notamment dans l'affaire Palmer

3 ont adopté le même test à 2 composantes, ont adopté le même critère que

4 celui adopté par la présente Chambre d'appel. Ceci ressemble donc à ce que

5 vous avez dit dans l'affaire de Vladko Kupreskic lorsqu'il y a eu cette

6 audience consacrée à de nouveaux éléments de preuve.

7 A la page du compte rendu, 776, la Chambre explique une formulation que

8 l'on trouve dans l'affaire McMartin, autre affaire citée par Me Clegg.

9 Ceci pourrait raisonnablement avoir une incidence sur le jury notamment

10 pour ce qui est de la crédibilité et la valeur probante des pièces

11 présentées en première instance. La Chambre a fait une démarcation entre

12 des questions qu'une Chambre d'appel pourrait sans risque évaluer pour ce

13 qui est de la fiabilité et de la valeur probante -nous parlons des

14 nouveaux éléments de preuve- pourrait donc trancher cette question, fait

15 une distinction entre cela et les éléments sur lesquels une Chambre

16 d'appel ne peut pas se prononcer.

17 Et ceci cadre tout à fait avec la démarche que nous allons vous soumettre

18 aujourd'hui, qui va peut-être expliquer pourquoi, dans certains systèmes

19 juridiques, on préfère utiliser l'auxiliaire "might" ou "could" plutôt que

20 le critère plus rigoureux du "would".

21 Je rappelle une fois de plus que l'appelant vous demande d'annuler la

22 condamnation. A notre avis, c'est là un recours extrême. Est-ce que cela

23 veut dire que le jugement en première instance est à ce point erroné,

24 qu'il entraîne déni de justice, que c'est un verdict qu'aucun Tribunal de

25 fait ne rendrait s'il avait eu ces éléments de preuve.

Page 790

1 Vu sous cet angle, les éléments soumis à la considération de la Chambre

2 d'appel doivent être à ce point importants et pertinents, avoir un

3 caractère tel que ceci devait inévitablement avoir une incidence sur le

4 verdict. Ils seraient à ce point pertinent que, si on y croyait, ceci

5 entraînerait un autre résultat, à savoir l'acquittement.

6 La Chambre d'appel semble avoir adopté ce critère ou ce test en deux

7 composantes ou étapes. On évalue la crédibilité et l'incidence que ces

8 éléments de preuve initiaux auraient eue sur le verdict.

9 Si l'accusation se trompe, si apparemment toutes les questions de

10 crédibilité ont été résolues par la Chambre d'appel au stade de

11 l'admissibilité, nous estimons que le test que devrait adopter la Chambre

12 d'appel à ce stade est le suivant.

13 Si les éléments de preuve avaient été disponibles au moment du procès et

14 si on y prêtait foi, est-ce que ceci aurait une incidence sur le verdict

15 définitif?

16 La question centrale qui se pose ici entre l'accusation et l'appelant,

17 c'est l'utilisation de cet auxiliaire de mode "would" ou "could". Ce qui

18 est convenu, c'est que la différence se situe entre un critère plus

19 rigoureux et un autre critère moins rigoureux. Si l'on adopte un critère

20 moins rigoureux, cela veut dire que le critère plus rigoureux

21 inévitablement entraînerait une injustice, puisque l'appelant ne pourrait

22 jamais répondre à ce critère.

23 Et puis il se base sur plusieurs affaires, mais reconnaît que certains

24 systèmes nationaux utilisent ce système plus rigoureux. Les appelants

25 n'essayent pas d'expliquer pourquoi dans certains systèmes nationaux il y

Page 791

1 a une telle distinction.

2 L'accusation fait valoir que le critère à adopter est celui du "would",

3 parce qu'il correspond mieux à la pratique et à la nature des procès que

4 connaît ce Tribunal et qu'il est dans l'intérêt de la justice d'adopter ce

5 test. Puisque nous sommes devant une Chambre d'appel aujourd'hui nous ne

6 sommes pas ici dans une situation de procès de novo et que même ce critère

7 est adopté dans des systèmes nationaux.

8 L'auxiliaire "would" n'entraîne pas forcément une notation

9 d'inéluctabilité, comme l'ont fait valoir mes confrères. Les auxiliaires

10 "could" et "would" signifient une connotation de probabilité.

11 Nous faisons valoir que la Chambre d'appel n'a pas besoin d'aller plus

12 loin lorsqu'elle cherche une définition de cet auxiliaire "would". Il lui

13 suffit d'examiner ce recueil de précédents. Ce terme exprime la

14 probabilité.

15 Voyons simplement un dictionnaire et ce qu'il dit. Il y a une connotation

16 d'un degré de probabilité et non pas d'inéluctabilité. C'est d'ailleurs

17 l'interprétation fournie par les tribunaux aux Etats-Unis ainsi qu'en

18 Australie.

19 L'auxiliaire "could" voudrait dire qu'on est "capable de" ou que l'on est

20 "en en puissance capable de".

21 Alors que l'auxiliaire "might" exprime une possibilité qui se fonde sur

22 une condition pas encore réalisée. Si on donne à ce mot le sens attribué

23 par les conseils de la défense, vous n'êtes pas grandement aidés lorsqu'il

24 s'agit de voir quelles sont les différentes nuances véhiculées dans le

25 contexte présent.

Page 792

1 L'appelant affirme que cette utilisation du "would" entraînerait une

2 injustice. Il l'a dit dans son exposé comme dans ses écritures.

3 Les illustrations fournies par les appelants n'entraîneraient pas

4 d'injustice, parce que, dans l'exemple donné, il y avait concession de

5 commission d'assassinat. Or, cette personne n'avait jamais été identifiée

6 au moment du procès.

7 Si les et éléments de preuve sont plausibles, effectivement, on peut dire

8 qu'il faut octroyer ce doute, à moins que la Chambre n'ait tenu une

9 audience et qu'elle ne conclut que cette personne est tout à fait

10 dépourvue de culpabilité. Cela a été le cas dans l'affaire Gallagher, mais

11 les éléments de preuve ont été rejetés parce qu'ils n'étaient pas dignes

12 de foi. La requête en vue de la tenue d'un nouveau procès a été rejetée.

13 Au paragraphe 2.17 de la réplique de l'appelant, celui-ci fait valoir que

14 l'auxiliaire "could" cadre bien avec ce qui a été dit par la Chambre

15 d'appel Tadic, à savoir que deux personnes raisonnables peuvent tirer deux

16 conclusions différentes face au même fait.

17 Sauf le respect que je dois à la défense, c'est mal appliquer le principe

18 parce que ce dernier parle des Juges de faits et de la façon dont ceux-ci

19 peuvent voir les éléments de preuve au moment du procès. C'est dans le

20 contexte de la norme de révision en vertu de l'Article 25 du Statut.

21 Quant à savoir si une autre Chambre de première instance va tirer des

22 conclusions différentes face aux mêmes faits, ce n'est pas là intervenir

23 de façon pertinente si l'on interprète l'Article 115. On fait référence à

24 des précédents anglais notamment qui, selon la défense, sont à l'appui de

25 leurs arguments. Mais l'accusation ne le nie pas.

Page 793

1 Nous essayons de nous demander ceci: pourquoi est-ce que certains

2 tribunaux ont adopté ce que d'autres ont rejeté? Pourquoi certains

3 tribunaux ont-ils accepté certains critères moins rigoureux? Quelles en

4 furent les motivations?

5 Dans les affaires anglaises, nous partons du principe que le conseil de la

6 défense ne se trompe pas lorsqu'il dit que la loi anglaise est claire et

7 qu'on utilise l'auxiliaire "might". Il a fait une allusion à une affaire

8 concernant la Chambre des Lords à cet effet.

9 Mais je pense qu'il faut replacer l'utilisation de l'auxiliaire "might"

10 dans son contexte puisque tous les cas cités en jurisprudence se passaient

11 devant un jury. Lorsqu'il y a jury, il n'y a pas de jugement écrit sur les

12 faits. En l'occurrence, on n'a utilisé l'auxiliaire "might" que lorsque la

13 Chambre n'était pas sûre de la façon dont le jury risquait d'être

14 influencé par ces éléments de preuve nouveaux.

15 Dans McNamee, affaire citée par Me Clegg, voici comment se présente le

16 test. Le seul motif qui pourrait montrer que la condamnation n'est pas

17 sûre, c'est parce qu'il y avait trois témoins qui n'avaient pas été

18 appelés au moment du procès et dont le témoignage serait possible ou

19 pourrait être crédible. Et s'il l'était, il exonérerait ou il pourrait

20 exonérer l'appelant.

21 En l'occurrence, la Chambre d'appel a décidé de renvoyer en première

22 instance, parce qu'elle n'était pas sûre de la façon dont un jury allait

23 interpréter les éléments de preuve. On cite l'affaire McNamee, au compte

24 rendu 5699. On fait les mêmes observations.

25 De même, on ne peut pas être sûr que le jury, au vu de tous les éléments

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1 de preuve que nous avons entendus, déclarerait qu'elle n'est pas sûre que

2 ce soient les empreintes de l'appelant. C'est important lorsqu'il s'agit

3 de conclure, de savoir si la condamnation était prise en toute sécurité ou

4 pas. Dans l'affaire Stafford, le Tribunal a mentionné trois catégories,...

5 Excusez-moi, on m'a demandé de ralentir.

6 Nous sommes dans l'affaire "R" et McNamee. Ici, on fait référence à la

7 décision du Tribunal dans l'affaire Stafford. Y sont mentionnées trois

8 catégories mentionnées par Lord Cross dans l'affaire Stafford.

9 Je vous renvoie à la page 5698.

10 Les trois catégories montrent que l'auxiliaire "might" est utilisé

11 uniquement lorsque la Chambre d'appel est indécise, lorsqu'elle ne sait

12 pas si le jury va se prononcer pour déclarer l'accusé coupable. C'est pour

13 cela que l'on a ordonné un nouveau procès.

14 McNamee parle du conflit qui ne pouvait pas être résolu au vu des faits de

15 l'espèce.

16 Toutes ces affaires qui sont citées en jurisprudence sont des affaires

17 avec des jurys. C'est la raison pour laquelle on trouve dans le libellé

18 final l'utilisation de l'auxiliaire "might" pour savoir si le jury...

19 M. Clegg (interprétation): Par inadvertance, je crois que ma consœur vous

20 induit en erreur.

21 Les affaires anglaises que j'ai citées comprenaient notamment la Reine

22 contre Clegg, Irlande du Nord. Il n'y a pas de jury, en Irlande du Nord,

23 donc c'était une procédure spéciale avec un juge unique. On ne peut pas

24 dire qu'il s'agissait toutes d'affaires avec jury.

25 Mme la Présidente (interprétation): Je comprends votre objection, mais je

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1 pense que de façon générale, Maître Clegg, vous allez peut-être vouloir

2 réserver certaines de ces remarques pour votre réplique.

3 M. Clegg (interprétation): Oui, je ne voulais simplement pas que Mme

4 Rashid se trompe.

5 Mme Rashid (interprétation): Oui, j'ai simplement fait référence à

6 certaines affaires en Angleterre, il se peut que je me sois trompée pour

7 ce qui est de l'Irlande du Nord, mais Me Clegg a apporté toute la

8 correction voulue.

9 Si cette Chambre d'appel dans ce Tribunal peut sans risque utiliser le

10 critère le plus rigoureux, c'est tout simplement parce que les Chambres de

11 première instance de ce Tribunal ont pour pratique de fournir des

12 jugements motivés et souvent très circonstanciés. Ce sont trois juges qui

13 procèdent.

14 Les conclusions factuelles et juridiques sont à la disposition de la

15 Chambre d'appel qui peut les examiner.

16 Nous n'avons pas de jury ici. S'il y a jury, une Chambre d'appel ne peut

17 pas être sûre de la décision que pourrait prendre le jury. Donc, en

18 d'autres termes, ce Tribunal a parfaite compétence pour trancher une telle

19 question, pour savoir comment une Chambre de première instance aurait

20 statué si elle avait disposé de ces nouveaux éléments de preuve. Ce qui

21 n'est pas le cas lorsque vous avez une Chambre d'appel qui se prononce sur

22 la décision prise par un jury.

23 Le quatrième argument de l'appelant, c'est que ce critère moins rigoureux

24 cadre mieux avec les dispositions de l'Article 120, lequel parle de la

25 procédure de révision.

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1 Les appelants n'ont pas compris une chose: c'est que la distinction qu'il

2 y a entre les éléments de preuve supplémentaires ne sont pas la même chose

3 que les nouveaux faits. Dans l'arrêt Tadic, la Chambre a expliqué que les

4 éléments de preuve supplémentaires sont des faits présentés au moment du

5 procès et que les éléments supplémentaires constituent des éléments de

6 preuve supplémentaires du même fait.

7 Un nouveau fait, c'est un fait qui n'a jamais été évoqué au moment du

8 procès.

9 Reprenons ce test de l'auxiliaire "could" que l'on mentionne au 120. C'est

10 tout à fait compatible puisque jamais la Chambre de première instance n'a

11 connu de fait nouveau. Jamais ceci n'a été discuté dans le jugement et il

12 n'est pas possible de savoir ce qu'aurait pensé la Chambre de première

13 instance si cela avait été le cas.

14 Nous estimons que l'Article 120 n'aide pas beaucoup la Chambre d'appel

15 lorsqu'elle celle-ci devra déterminer quel est le critère à appliquer pour

16 l'Article 115.

17 J'aimerais rapidement vous mentionner certaines des affaires que j'ai

18 évoquées dans le recueil supplémentaire de précédents. Je vous donne les

19 pages de référence.

20 Dans l'affaire Gallagher et "R" pages 6 et 7, si vous examinez la totalité

21 du jugement, on voit dans la décision que le critère plus rigoureux est

22 préférable au critère moins rigoureux, ce dernier étant l'utilisation de

23 l'auxiliaire "might".

24 Les cinq juges s'accordaient à dire qu'au niveau de l'appel, lorsque des

25 éléments de preuve supplémentaires ont été admis, il faudrait utiliser le

Page 797

1 critère "would" plutôt que le critère "could". Le test adopté là a été

2 suivi dans l'affaire Mickelberg et "R", autres affaires australiennes que

3 je cite dans mon recueil de précédents.

4 Pour ce qui est de ce qui se présente aux Etats-Unis, vous avez un recueil

5 de précédents qui parle d'affaires américaines, à partir de 1991 jusqu'à

6 1996.

7 Je cite aussi une décision rendue en 1999 au premier circuit de la Chambre

8 d'appel américaine.

9 Mon confrère a fait allusion à une décision. Ce n'est pas Larrison ou

10 Harrison, c'est la décision Huddleston.

11 Dans cette affaire, le test Harrison a été rejeté, alors que ce critère

12 adoptait la norme la moins rigoureuse.

13 Au contraire, le test de probabilité a été soumis avec le critère le plus

14 rigoureux.

15 Ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est que, hier, Madame la

16 Présidente a posé une question au conseil. Vous parliez de la séquence

17 logique du test "might" qui entraînerait inévitablement un renvoi en

18 première instance. Le conseil a pensé que c'était le cas. Dans l'affaire

19 Huddleston se pose la même question, tout à fait légitime. Je vous renvoie

20 à la page 6 pour comprendre la motivation qui a rejeté ce critère moins

21 rigoureux, je la parcours rapidement.

22 La difficulté principale qui se pose à l'encontre du test Harrison, c'est

23 qu'il balaie trop large. Et ce serait une affaire tout à fait

24 inhabituelle, lorsqu'on constate qu'il y a eu faux témoignage par la suite

25 mais que ceci n'entraîne pas nécessairement acquittement.

Page 798

1 En pratique, le test Larisson devient trop dangereux, devient un article

2 qu'un gouvernement pourrait utiliser à tort pour utiliser des faux

3 témoignages. La Chambre a tenu compte de cet avertissement, même lorsque

4 ce sont des cas moins graves de faux témoignages.

5 Il est fait référence à l'affaire Stovski, à la page 7, avec le

6 commentaire suivant: "Ce procès transforme le paysage juridique et marque

7 le début d'une tendance sans doute irréversible qui montre que sera

8 utilisée la norme de la probabilité."

9 C'est sans toute la tendance actuelle aux Etats-Unis. Cette affaire

10 traduit effectivement ce qui se fait actuellement dans les tribunaux

11 américains. La Chambre d'appel a maintenant l'occasion de préciser et la

12 procédure et le droit mais aussi de mettre en place un système qui permet

13 d'évaluer la crédibilité à deux stades de l'appel, celui de

14 l'admissibilité et celui de l'audience: ceci permettrait à toutes les

15 parties d'avoir l'occasion de tester, de mettre à l'épreuve les éléments

16 de preuve et les témoins et de veiller, dans la mesure du possible, à ce

17 que, lorsqu'un accusé cherche le recours extrême d'un procès de novo, les

18 éléments susceptibles d'avoir une incidence sur ce processus soient

19 fiables, convaincants, concluants et soient susceptibles d'entraîner un

20 renversement de la décision initiale en première instance si on est y

21 prête foi.

22 On aurait pu répondre à cette question que, dans le contexte de la valeur

23 probante et de la nature des éléments de preuve supplémentaires, pour

24 autant que ceci soit remis dans le contexte des éléments de preuve déjà

25 présentés au procès, et de leur valeur probante et de leur nature

Page 799

1 également. Nous en avons déjà discuté.

2 Ceci met un terme à mon exposé relatif à mon Article 115.

3 Je vais désormais vous présenter quelques arguments très le brefs sur la

4 déposition du témoin AT. Je fais, ici, référence au compte rendu

5 d'audience qui a été versé au dossier suite à la requête déposée par

6 Vlatko Kupreskic, que toutes les parties, les conseils défendant les

7 autres accusées appliquent désormais.

8 Mme la Présidente (interprétation): Aurez-vous besoin d'un huis clos

9 partiel?

10 Mme Rashid (interprétation): Non, Madame la Présidente, je ne crois pas

11 que j'aurai besoin d'un huis clos partiel.

12 Mme la Présidente (interprétation): Si vous en avez besoin, faites-nous le

13 nous savoir.

14 Mme Rashid (interprétation): Absolument.

15 Madame la Présidente, Messieurs les juges, les appelants ont fait appel à

16 la Chambre d'appel pour que celle-ci révise la décision déjà prise

17 d'admettre les déclarations du témoin AT en application de l'Article 115

18 du Règlement. Ils ont donc demandé ceci, à moins qu'ils ne se soient

19 simplement appuyés sur les entretiens et les déclarations du témoin AT en

20 raison de l'interprétation qu'ils ont faites de la décision des Juges.

21 C'est, en effet, la décision des Juges du 29 mai de cette année qui est la

22 base sur laquelle il convient de s'appuyer. Dans cette décision, on trouve

23 un commentaire stipulant que toutes les parties et la Chambre peuvent

24 avoir connaissance des déclarations du témoin AT. Le Procureur estime qu'à

25 part Vlatko Kupreskic, les autres appelants ne devraient pas pouvoir

Page 800

1 prendre en compte ces documents pour les fins qu'ils ont mentionnés dans

2 leurs requêtes.

3 En effet, la partie de la décision, sur laquelle s'appuient les appelants,

4 se trouve dans les commentaires relatifs à l'admissibilité de 18

5 témoignages.

6 Et maintenant, Madame la Présidente, je vous demanderai deux minutes de

7 huis clos partiel.

8 Mme la Présidente (interprétation): Huis clos partiel.

9 (Audience à huis clos partiel à 15 heures 45.)

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8 (Audience publique à 15 heures 53.)

9 Mme Rashid (interprétation): Le conseil de la défense a évoqué le mémoire

10 en clôture de l'accusation dans l'affaire Kordic/Cerkez.

11 A mon avis, les arguments des appelants sont tout à fait étonnants. En

12 effet, il n'était ni nécessaire ni pertinent pour l'accusation dans

13 l'affaire en question d'émettre le moindre commentaire au sujet de la

14 crédibilité du témoin, s'agissant de son implication dans les faits cités.

15 Le Procureur n'avait donc aucun commentaire à faire sur la crédibilité du

16 témoin puisque la chose n'avait pas encore été jugée par la Chambre

17 d'appel et était encore en débat.

18 Quoi qu'il en soit, Madame la Présidente, nous affirmons que les

19 commentaires du conseil de la défense, sur ce point, ne peuvent

20 qu'apporter une aide tout à fait insignifiante aux Juges de cette Chambre

21 s'agissant de savoir si les appelants peuvent toujours s'appuyer sur les

22 déclarations du témoin AT.

23 Ces déclarations ont été admises en bonne et due forme pour Vlatko

24 Kupreskic. C'est tout ce que nous pouvons dire et, Madame la Présidente,

25 je suis ainsi arrivée au terme de mon exposé, au termes des arguments que

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1 je souhaitais vous présenter à ce stade de nos débats.

2 Si vous avez des questions, bien sûr, j'aurai plaisir à y répondre.

3 Mme la Présidente (interprétation): J'ai une question pour ce qui me

4 concerne mais je consulte mes collègues… Il n'en ont pas.

5 Je vais vous poser la question que j'ai à l'esprit.

6 Madame Rashid, s'agissant de l'argument que vous avez présenté, selon

7 lequel les déclarations du témoin AT ne sont admissibles que pour Vlatko

8 Kupreskic, je suis pour ma part un peu perplexe.

9 Selon l'expérience que j'ai acquise, si un Procureur accuse plusieurs

10 accusés dans le même procès, toute pièce versée au dossier devient

11 automatiquement une pièce concernant l'ensemble des accusés. C'est en tout

12 cas ce que j'ai appris dans le cadre de mon expérience personnelle.

13 Mais vous pouvez me dire ce qu'il en est, si vous estimez qu'une pratique

14 différente existe.

15 Si le Procureur verse une pièce au dossier pour un témoin A, ce document

16 fait partie du dossier et peut être pris en compte et examiné par les

17 conseils des autres accusés.

18 Donc je suis un peu perplexe, je vois mal comment une pièce pourrait être

19 disponible pour un accusé sans l'être pour les autres. C'est une décision

20 tout à fait raisonnée qui aboutit au fait que plusieurs accusés sont jugés

21 au cours d'un même procès et cela présente évidemment des inconvénients,

22 mais aussi des avantages. Pouvez-vous répondre, je vous prie?

23 Mme Rashid (interprétation): Oui, Madame la Présidente. Je répondrai

24 d'abord que les exemples que vous venez de citer se sont déroulés au stade

25 du procès, je suppose.

Page 806

1 Mais ici, nous sommes au stade de l'appel, avec des éléments de preuve

2 supplémentaires admis en application de l'Article 115 du Règlement.

3 Dans ce cadre, il appartient à chacun des appelants de montrer qu'il

4 remplit les conditions précises stipulées à l'Article 115A) et 115B) du

5 Règlement.

6 Dans une situation de ce genre, les éléments de preuve supplémentaires

7 fonctionnent de façon spécifique uniquement pour les appelants qui ont

8 effectivement satisfait aux conditions citées à l'Article 115A) et 115B)

9 du Règlement.

10 Il serait étonnant, Madame la Présidente, si Drago Josipovic n'avait pas

11 satisfait aux conditions évoquées à l'Article 115A), que les éléments de

12 preuve liés à cet article lui soient rendus disponibles.

13 Mais Vlatko Kupreskic, lui, a satisfait aux conditions en question. Et

14 c'est la raison pour laquelle Vlatko Kupreskic peut avoir accès à ces

15 documents, mais il est serait étonnant que Drago Josipovic puisse

16 également consulter ces documents puisqu'il n'a pas satisfait à ces

17 conditions.

18 Mme la Présidente (interprétation): Mais allons un peu plus loin si vous

19 le voulez bien.

20 Si nous sommes dans une situation où les témoins A et B ont tous deux été

21 déclarés coupables de meurtre lors du procès en première instance,

22 l'affaire arrive devant la Chambre d'appel et le témoin A ne fait rien de

23 particulier. Le témoin B, en revanche, trouve des éléments de preuve

24 supplémentaires qui sont les aveux d'une tierce personne déclarant: "C'est

25 moi qui ai commis le meurtre. Il n'a pas été commis par A et par B". Etes-

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1 vous en train de dire que seul B peut profiter de cela et que A, dans ces

2 conditions, doit purger sa peine même si, au compte rendu d'audience, il

3 est dit clairement que cet élément de preuve supplémentaire exonérait A

4 aussi bien que B?

5 Mme Rashid (interprétation): Je pense que, dans ce cas, Madame la

6 Présidente, les deux personne auraient dû représenter la requête.

7 Mme la Présidente (interprétation): C'est une justice un peu dure que vous

8 nous décrivez là, Madame Rashid.

9 Mme Rashid (interprétation): Madame la Présidente, dans la présente

10 affaire, j'attire votre attention sur le fait que tout cela s'est passé au

11 stade de l'appel et que Drago Josipovic, Mirjan Kupreskic, Vladimir Santic

12 ont été invités à remplir un certain nombre de critères définis par le

13 Tribunal, comme les autres appelants.

14 Vous avez pris une décision qui est tout à fait particulière et qui

15 concerne un certain nombre de documents, en déclarant que ces déclarations

16 n'étaient pas crédibles.

17 Vous ne pouvez pas, Madame la Présidente, Messieurs les Juges, revenir en

18 arrière, à moins que vous ne décidiez effectivement de réviser votre

19 décision et d'en rendre une nouvelle.

20 Mme la Présidente (interprétation): Merci beaucoup de ce que vous venez de

21 dire.

22 Il est 16 heures, nous aurons une pause à 16 heures 10, mais je pense

23 qu'il est préférable que vous ne commenciez pas votre exposé maintenant.

24 Donc, je propose que nous ayons une pause maintenant jusqu'à 16 heures 20.

25 Après quoi, le Procureur pourra présenter la suite de ses arguments.

Page 808

1 (La séance, suspendue à 16, est reprise à 16 heures 25.)

2 M. Abell (interprétation): Madame la Présidente, avant la poursuite de

3 l'exposé du Procureur, je vous demande la possibilité de vous informer de

4 la situation s'agissant du point que nous avons évoqué au début de

5 l'audience. Nous avons donc rédigé une motion confidentielle et urgente

6 qui va immédiatement être déposée. C'est ce que je voulais vous dire pour

7 vous informer.

8 Mme la Présidente (interprétation): Ce serait une bonne idée de faire des

9 photocopies et, même déposée, cette requête ne nous parviendra pas selon

10 la procédure habituelle avant demain matin, donc avec des photocopies,

11 nous pourrions l'avoir plus rapidement.

12 M. Abell (interprétation): Nous avons essayé de le faire mais

13 malheureusement la photocopieuse dans la salle de la défense est en panne.

14 Je me demandai donc si ce n'était pas abuser de l'indulgence de la Chambre

15 si nous pouvions demander à l'huissier de faire ces photocopies.

16 Mme la Présidente (interprétation): Très bien, un des huissiers fera les

17 photocopies.

18 M. Abell (interprétation): Je vous en suis reconnaissant, Madame la

19 Présidente. Je vous prie de nous excuser, nous n'avons vraiment pas pu

20 faire ces photocopies.

21 Mme la Présidente (interprétation): Nous ferons tous de notre mieux.

22 Très bien, nous donnons à nouveau la parole au Procureur, à 16 heures 25.

23 Je pense qu'à 17 heures 05, vous devriez en avoir terminé; ce qui fera,

24 demain matin, que vous disposerez encore de 2 heures 30 ou 2 heures 35.

25 Vous pouvez procéder.

Page 809

1 M. Guariglia (interprétation): Merci Madame la Présidente, Messieurs les

2 Juges, je vais essayer brièvement de traiter de la question des normes

3 applicables pour une révision de la sentence. En ayant pris en compte tout

4 ce qu'a dit Me Clegg et les autres conseils des appelants dans ce procès.

5 Il y a trois questions qui se posent sur ce sujet particulier de la

6 révision de la sentence, notamment après la décision récente prise dans

7 l'affaire Jelisic par la Chambre d'appel.

8 La deuxième question qui se pose est celle des nouveaux éléments relatifs

9 aux circonstances atténuantes et la situation de ces nouveaux éléments de

10 preuve en appel, quelle est la situation du point de vue de

11 l'admissibilité notamment.

12 La troisième question porte sur la valeur des faits nouveaux, faits

13 nouveaux après le prononcé du verdict et au stade de l'appel.

14 Pour la première question, je crois que le désaccord n'est que partiel

15 entre les parties et, là encore, je pense qu'en fait, cette divergence

16 n'est due qu'à un mal entendu. La deuxième question manifestement est

17 contestée et, pour la troisième question, je pense qu'il existe un accord

18 sur les conséquences même s'il est possible que les parties parviennent

19 aux mêmes conclusions mais par des méthodes différentes.

20 Si vous le voulez bien, je parlerai d'abord de la situation du point de

21 vue de la révision, notamment après la décision rendue l'affaire Jelisic.

22 Il n'est pas contesté que des critères particuliers existent au stade de

23 l'appel et qu'un de ces critères est une erreur commise par la Chambre de

24 première instance. Ceci a été défini par la Chambre d'appel dans l'affaire

25 Celebici dans le cas où un appelant peut montrer à la Chambre d'appel que,

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1 ce qui aurait dû avoir été pris en compte n'a pas été pris en compte ou

2 que des choses qui n'auraient pas dû être prises en compte ont été prises

3 en compte, il y a effectivement démarrage de la procédure.

4 Les appelants semblent avoir des positions un peu différentes quant à

5 l'impact de la décision Jelisic. Si la peine n'est pas raisonnablement

6 proportionnelle aux peines prononcées dans des circonstances similaires et

7 face à des infractions similaires, les appelants affirment que la

8 jurisprudence du Tribunal suffit à déterminer un barème de peine.

9 Or les appelants semblent dire que, s'agissant de l'établissement de ce

10 barème des peines, il serait différent après la décision Jelisic. Si l'on

11 prend en compte tous les faits pertinents, et qu'un appelant peut

12 démontrer que la sentence imposée s'écarte grandement des sentences

13 prononcées dans d'autres affaires internationales pour des faits

14 similaires, il est possible d'établir un tel barème.

15 Nous disons, avec tout le respect que nous devons à la défense, que ce

16 n'est pas exactement ainsi que les choses se passent et que la Chambre

17 d'appel n'a pas dit exactement cela en rapport avec la décision Jelisic.

18 Pour commencer, la Chambre d'appel a déclaré que la pratique du Tribunal

19 était suffisamment conséquente pour que, s'il y a un manque de clarté au

20 sujet d'une telle erreur -ceci figure au paragraphe 96 de la décision- une

21 solution soit trouvée. Il a été ajouté que, lorsqu'il y avait différences

22 significatives entre ces sentences, la Chambre d'appel pouvait s'écarter

23 des normes habituelles et pénales internationales en respectant toutes les

24 conditions qui y sont stipulées. Ceci signifie que le test Jelisic n'ouvre

25 pas la voie à une révision pratiquement automatique mais qu'elle est

Page 811

1 simplement une décision pertinente qui peut aider la Chambre d'appel à

2 conclure qu'une Chambre de première instance aurait éventuellement commis

3 une erreur discernable si l'appelant est capable de le démontrer.

4 Autrement dit, cela permettrait de déterminer quelles sont les sentences

5 prononcées pour des infractions similaires. Et nous aboutissons à une

6 position qui semble être un peu différente de celle des appelants, à

7 savoir que l'appelant n'a pas satisfait à ses obligations, uniquement en

8 prouvant la différence qui existe entre la sentence qu'il subit et celles

9 qui sont prononcées ailleurs.

10 J'en arrive maintenant au deuxième point de mon exposé, à savoir

11 l'admission d'éléments de preuve qui peuvent avoir une influence sur la

12 sentence en appel. La question qui se pose ici, c'est de déterminer si

13 l'appelant est habilité à interjeter appel contre une sentence en

14 s'appuyant sur des éléments de preuve que la Chambre d'instance n'a pas pu

15 examiner. Là, les critères sont très strictement définis par l'Article 115

16 du Règlement. Vous vous souviendrez que la position des appelants semble

17 double sur ce point.

18 D'une part, il existe le devoir très défini, qui est stipulé par l'Article

19 24 du Statut de ce Tribunal, de prendre en compte tous les élément

20 matériels pertinents avant de prononcer le verdict. Ce devoir existe en

21 dehors de l'action des conseils de la défense. C'est une obligation

22 inhérente, donc s'il est démontré que des éléments matériels n'ont pas été

23 pris en compte pour le prononcé du verdict, la Chambre d'appel devrait

24 pouvoir examiner ces nouveaux éléments sans que l'appelant soit tenu à

25 satisfaire aux exigences de l'Article 115 du Règlement.

Page 812

1 Le Procureur s'oppose à cette position.

2 D'emblée, nous disons que cette idée de l'obligation absolue qu'a une

3 Chambre d'appel d'autoriser le versement de tous les éléments, même si les

4 parties sont tout à fait inactives pendant le procès, ceci est déplacé si

5 l'on interprète bien les Articles du Règlement du Statut ainsi que la

6 jurisprudence pertinente.

7 L'Article 185A)iiiiii) établit qu'il "incombe aux parties de soumettre à

8 une Chambre de première instance toute information pertinente permettant à

9 la Chambre de décider de la sentence appropriée si l'accusé est reconnu

10 coupable." (Fin de citation.)

11 Ceci exclut qu'un appelant, en principe, manifeste des éléments

12 susceptibles d'être présentés au moment du procès et interdit à cet

13 appelant de le soumettre en appel. Ceci est prévu par la jurisprudence

14 internationale, mais aussi par l'arrêt Celebici.

15 L'appel dans un procès international n'est pas conçu pour permettre à une

16 partie de réparer une erreur commise au moment du procès ou de la peine.

17 C'est ce que dit l'arrêt Celebici à son paragraphe 124.

18 Ceci signifie que si l'on interprète bien l'Article 24 du Statut, c'est

19 l'obligation qu'a la Chambre de première instance d'examiner les éléments

20 soumis par les parties. La Chambre ne doit pas se soumettre à un exercice

21 inquisitoire qui est de rechercher des éléments pertinents, tâche qui

22 n'est pas possible de la part d'une Chambre de première instance dans un

23 Tribunal pénal international. C'est la conséquence du caractère

24 contradictoire des procédures au TPIY.

25 Or, les conseils des appelants semblent se fonder sur ces dispositions,

Page 813

1 mais à d'autres fins.

2 Ceci signifie que, si un appelant veut s'appuyer sur des éléments relatifs

3 à la peine qui n'auraient pas été présentés à la Chambre de première

4 instance, il n'y a pas d'autre recours possible que ce qui est prévu à

5 l'Article 115.

6 Le fait que les éléments relatifs à la peine sont quelques peu différents

7 de ce qui est élément de preuve relatif à la culpabilité ou non d'un

8 accusé, cette différence ne peut être pertinente que si ces moyens de

9 preuve sont soumis à un autre régime pour ce qui est de l'admissibilité au

10 moment du procès, comme semble le suggérer la Chambre d'appel dans l'arrêt

11 Celebici au paragraphe 787.

12 Mais ceci n'a pas d'incidence sur les éléments soumis en appel. C'est ce

13 que dit la Chambre d'appel Jelisic lorsque lui est soumise une conclusion

14 assez tardive relative à la grille des peines de l'ex-Yougoslavie.

15 La Chambre d'appel dit clairement que, de façon générale, si l'on veut

16 admettre des éléments supplémentaires au stade de l'appel, il faut déposer

17 une requête en application de l'Article 115. Ce qui montre que cet article

18 s'applique à tout élément de preuve soumis par les parties en appel. C'est

19 ce qui est dit au paragraphe 21.

20 En l'espèce, vous avez été saisis d'éléments de preuve supplémentaires

21 relatifs à la peine par Zoran Kupreskic. Or, vous avez rejeté cette

22 requête au regard du fait que les éléments prévus à l'Article 115

23 n'avaient pas été réunis. Je parle de la décision rendue suite à la

24 requête déposée par Vlatko Kupreskic aux fins d'éléments de preuve

25 supplémentaires.

Page 814

1 Il ne fait donc aucun doute que des éléments de preuve supplémentaires

2 relatifs à la peine sont couverts effectivement par l'Article 115.

3 J'ajouterai que le risque d'injustice fondamentale évoquée par les avocats

4 de la défense serait évité par l'exception du déni de justice, ce qui est

5 la sauvegarde naturelle qui permet de s'assurer que l'on ne peut pas faire

6 une utilisation technique d'un Article pour entraîner une injustice

7 fondamentale.

8 C'est ce que Mme Rashid vous a dit en réponse à votre question, Madame la

9 Présidente.

10 La troisième question, c'est la dernière qui vous est soumise pour ce qui

11 est de la révision éventuelle de la peine.

12 Ici sont concernés les éléments de preuve apportés au moment de l'appel et

13 est concernée aussi la question du poids à leur accorder. Or, ici nous

14 n'avons pas de nouveaux éléments de preuve.

15 Si ces nouveaux éléments de preuve apparaissent après la condamnation et

16 la peine prononcée, quelle est la valeur à leur accorder en appel pour ce

17 qui est de la peine?

18 Là, je crois que l'on peut s'inspirer de ce qu'a dit la Chambre d'appel

19 dans l'affaire Jelisic parce qu'il y a eu un rapport présenté par

20 l'appelant montrant son bon comportement, mais ceci a été rejeté par la

21 Chambre qui a estimé que ces éléments ne sont pas pertinents pour une

22 Chambre de première instance et ne peuvent pas être pris en considération.

23 Il est donc impossible de montrer ainsi qu'il y aurait eu erreur commise

24 par la Chambre de première instance dans l'exercice de son pouvoir

25 discrétionnaire. Je cite ici la décision du 15 novembre 2000.

Page 815

1 Il apparaîtrait, en guise de principe général, que ces éléments nouveaux

2 apportés éclairant de nouveaux faits sont intéressants s'ils indiquent

3 qu'il y aurait une erreur commise par la Chambre de première instance, ce

4 qui rendrait la décision peu sûre. Mais ceci n'intervient pas au niveau de

5 l'appel.

6 Il y a peut-être une exception à ce principe. C'est ce que prévoit le

7 101B)ii), là où l'on parle de coopération significative avec le Bureau du

8 Procureur. On établit qu'il s'agit là de coopération après condamnation et

9 que c'est seulement dans ce cas-là que cela peut être considéré comme une

10 circonstance atténuante.

11 Mais, apparemment, ceci avait pour objet d'encourager une coopération avec

12 le Bureau du Procureur, même après la condamnation. Cette disposition est

13 intéressante parce qu'elle était de valeur très pratique. A l'époque, il y

14 avait deux étapes dans le processus, une étape consacrée à la condamnation

15 et une autre à la peine. Maintenant, cela n'existe plus. C'est une

16 procédure unique. De ce fait, avec la condamnation dans le régime actuel

17 des peines prévues par le Tribunal, on prévoit également en même temps la

18 peine.

19 Il pourrait sembler dès lors que la valeur pratique de cet article est

20 désormais limité.

21 La Chambre d'appel devrait donc préférer une interprétation du Règlement

22 qui permet au Règlement d'avoir un effet utile et, par conséquent, que

23 l'on pourrait comprendre le cas où on évoque la question de la coopération

24 pour la première fois en appel. Une Chambre d'appel peut choisir entre

25 deux voies possibles si elle fait face à ce type de situation. On pourrait

Page 816

1 dire, notamment en utilisant l'article 101, qu'il y a erreur en matière de

2 droit. Si la Chambre estime que c'est nécessaire, elle pourrait annuler la

3 décision ou donner une autre peine.

4 L'autre possibilité serait de traiter la question comme étant une affaire

5 de révision qui se présente au moment de l'appel et aurait exactement le

6 même effet. On appliquerait ainsi les articles 119 et 122.

7 Nous estimons que la Chambre d'appel disposerait du pouvoir nécessaire

8 pour adopter la deuxième de ces options. Nous nous basons pour ce faire

9 sur l'opinion dissidente du Juge Shahabuddeen dans l'affaire du Tribunal

10 pour le Rwanda contre Barayagwiza. D'après le Juge Shahabuddeen, la

11 Chambre d'appel peut trancher la valeur d'un nouveau fait qui lui est

12 soumis. Ceci apparaît dans la décision du 31 mars 2000, décision rendue

13 suite à la requête déposée par le Procureur afin que soient réexaminés

14 certains faits et précisés au paragraphe 56.

15 Voilà ce que j'avais à dire pour ce qui est du critère en matière de

16 révision de la peine. Je suis bien sûr disponible, si vous avez des

17 questions à poser.

18 Mme la Présidente (interprétation): Avez-vous des questions? J'aurais une

19 petite question personnellement.

20 S'il y a coopération significative, qui intervient après la condamnation

21 initiale, estimez-vous que la Chambre d'appel doit statuer sur la question

22 de savoir si les actions entreprises équivalent à une coopération

23 significative ou faut-il renvoyer la question devant une Chambre de

24 première instance? Dans ce dernier cas, comment la Chambre d'appel

25 pourrait-elle savoir s'il y a eu, effectivement, une coopération

Page 817

1 significative sur les dires de l'accusation ou est-ce que la Chambre

2 d'appel doit elle-même savoir et enquêter sur le fait de savoir s'il y a

3 eu coopération significative? Quelle est la mécanique, la dynamique à

4 prendre en considération, ici, de l'avis de l'accusation?

5 M. Guariglia (interprétation): Pour répondre à votre question, Madame la

6 Présidente, nous pensons que la Chambre d'appel a toute latitude pour

7 décider au cas par cas, si elle a reçu suffisamment de moyens de preuve

8 pour lui permettre d'arriver à cette conclusion, dont les arguments de

9 l'accusation, pour que celle-ci précise dans quelle mesure il y a eu

10 coopération de la part d'un appelant, pour voir si l'accusation estime que

11 cette assistance peut équivaloir à une véritable coopération en vertu de

12 l'article 101.

13 S'il y a d'autres éléments de preuve qui indiquent la nature de cette

14 coopération, ceci aura une incidence sur les procédures dans d'autres

15 affaires. Aussi, on verra si cette mesure a été utilisée par d'autres

16 Chambres de première instance et la Chambre d'appel est en mesure de

17 trancher deux questions. La première étant de savoir si la coopération a

18 été significative en vertu du 101 B, et si la réponse est affirmative,

19 ceci doit se répercuter sur la peine.

20 En revanche, si la Chambre estime qu'elle n'est pas en mesure de savoir ce

21 qu'il en est…

22 Mme la Présidente (interprétation): En l'espèce, est-ce que l'accusation

23 est en train de dire à la Chambre d'appel qu'il y a eu coopération

24 significative dans l'affaire que nous connaissons, ou est-ce que

25 l'accusation nous demande d'examiner la question?

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1 M. Guariglia (interprétation): Je pense que l'accusation a arrêté une

2 position très claire. Nous estimons que la coopération équivaut à une

3 coopération significative en vertu de l'article 101, tout en reconnaissant

4 que la décision à prendre est d'ordre juridique. Nous pouvons donc aider

5 la Chambre mais c'est à la Chambre de décider.

6 Mme la Présidente (interprétation): Je voudrais aller un peu plus loin:

7 par le biais de vos écritures et de vos exposés oraux, nous avez-vous

8 fourni suffisamment d'éléments pour prendre une décision ou est-ce qu'il

9 faudrait que nous entreprenions une enquête séparée?

10 M. Guariglia (interprétation): J'allais revenir à cette question demain.

11 Mme la Présidente (interprétation): Cela va très bien, du moment que vous

12 en parlez.

13 M. Guariglia (interprétation): J'en parlerai demain.

14 Avec votre permission, je vais passer la parole à Mme Rashid.

15 Mme Rashid (interprétation): Madame et Messieurs les Juges, d'ici à 17

16 heures 15…

17 Mme la Présidente (interprétation): J'ai dit 17 heures 15 au départ mais

18 nous avons fait une pause plus tôt que prévu, jusqu'à 17 heures 05.

19 MmeRashid (interprétation): Très bien. Je vais réagir aux arguments

20 avancés par Me Clegg s'agissant de la déposition du témoin EE.

21 L'accusation a présenté des arguments très détaillés par écrit, je me

22 contenterai de vous y renvoyer. Cependant, aux fins de la présente

23 audience, j'aimerais mettre en exergue certains facteurs, certains faits

24 dont j'estime que la Chambre d'appel devrait les prendre en compte

25 lorsqu'elle verra ce qu'a dit la Chambre de première instance à propos du

Page 819

1 témoin EE.

2 Je vais parler de la déposition du témoin EE mais, auparavant, j'aimerais

3 insister sur deux principes fondamentaux, que j'ai d'ailleurs consignés

4 dans le mémoire en réplique de l'accusation.

5 Ce premier principe, c'est l'amplification du test de la matérialité. Là,

6 on met l'accent sur le fait que, même si on découvre des disparités, des

7 contradictions dans les déclarations d'un témoin, disparités qui sont

8 substantielles et qui ont trait à certains aspects importants de la

9 déposition du témoin, la Chambre peut rejeter ces aspects-là de la

10 déposition du témoin mais ceci n'entraîne pas, pour autant,

11 automatiquement le rejet de toute la déposition du témoin ou d'autres

12 aspects de cette déposition du témoin auquel la Chambre prête foi.

13 Nous sommes appuyés en cela par la Chambre de première instance Celebici

14 que j'évoque dans ma réponse écrite. J'ai aussi cité des affaires de

15 systèmes nationaux de common law, des Etats-Unis, de l'Australie, du

16 Royaume-Uni et de l'Asie à l'appui de ce précepte.

17 Deuxième principe, c'est celui arrêté par la Chambre de première instance

18 Celebici et par la décision Rutaganda du Tribunal pénal international pour

19 le Rwanda.

20 S'agissant de ces affaires, les Chambres de première instance ont relevé

21 que, dans certaines circonstances, lorsque des déclarations préalables

22 sont versées au dossier afin de discréditer ou de rejeter une déposition

23 de témoin, la Chambre attache une valeur probante à un témoignage au vu

24 des dépositions faites à l'audience plutôt qu'aux déclarations préalables

25 d'un témoin. Parce qu'à l'audience, il est possible pour la Chambre

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1 d'observer le comportement du témoin et de replacer dans son contexte tous

2 les éléments de preuve qui lui ont été soumis.

3 Cela s'explique par le fait que la Chambre reconnaît que la Chambre de

4 première instance doit examiner plusieurs éléments lorsqu'elle constate ou

5 qu'on lui relève des disparités, des contradictions dans les déclarations

6 préalables de témoins. D'abord parce qu'il y a les événements et le temps

7 qui s'est écoulé depuis. Il y a des difficultés que peuvent rencontrer des

8 témoins lorsqu'ils doivent se souvenir de détails précis bien des années

9 après que ce sont produits les faits et qu'il est très difficile de se

10 souvenir de la même façon de tous les détails à chaque fois que l'on vous

11 demande de vous souvenir de ces événements.

12 C'est au vu de ces principes que je vous demanderai d'examiner les

13 conclusions tirées par la Chambre de première instance s'agissant du

14 témoin EE.

15 L'accusation souhaite relever le fait que le conseil de Drago Josipovic

16 n'a pas abordé au moment du procès la déposition du témoin EE. Au

17 contraire, ce qu'il a fait, c'est répéter des arguments qui avaient été

18 présentés, certes, au moment du procès mais qui portaient sur les

19 contradictions relevées dans les déclarations du témoin EE et de l'erreur

20 d'identité commise à l'encontre de deux soldats. Tous ces arguments ont

21 été examinés par la Chambre de première instance qui les a rejetés.

22 Il faut garder à l'esprit qu'une Chambre, qu'un Tribunal ne peut se fonder

23 que sur des arguments présentés sous serment pour appuyer ses conclusions.

24 Des déclarations d'enquêtes ne sont pas ici des éléments de preuve; elles

25 sont utilisées à l'appui d'une demande de rejet, d'un témoignage. Mais les

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1 conseils n'ont pas évoqué les dépositions faites à l'audience.

2 Or, c'est là-dessus que s'est fondée la Chambre de première instance.

3 Pourquoi? Tout simplement parce qu'il était impossible de trouver une

4 faille dans la déposition faite à l'audience par ce témoin.

5 Je vous rappelle les déclarations faites par le témoin EE, mais je vous

6 demande aussi de tenir compte des éléments fondamentaux du témoignage de

7 ce témoin EE qui, manifestement, ont influencé la Chambre de première

8 instance et ont poussé cette dernière à accepter le témoignage de ce

9 témoin, pas dans sa totalité mais sur certains de ses aspects pertinents.

10 Dans notre réponse, nous avons parlé de la série de confirmations

11 apportées par ce témoin s'agissant de l'identification qu'elle a faite de

12 Drago Josipovic comme étant un des auteurs des actes commis dans la maison

13 de Musafer Puscul le 16 avril 1993.

14 La Chambre de première instance a conclu que la déposition du témoin EE et

15 l'identification qu'elle a faite de Drago Josipovic ont été, en fait,

16 renforcées par ces déclarations préalables qui montrent que le témoin a

17 été constant dans ses déclarations.

18 Ses déclaration montrent que lorsque ce témoin a fourni diverses

19 déclarations à divers enquêteurs, mais aussi a fait une déposition au

20 procès, elle a, sans arrêt et de façon tout à fait constante, mentionné

21 Drago Josipovic comme étant un des soldats qui avaient fait irruption chez

22 elle et s'était trouvé sur le seuil de sa porte le matin du 16 avril 1993.

23 Elle ne s'est jamais écartée de ces dires.

24 La Chambre de première instance a aussi entendu des éléments de preuve qui

25 montraient que le témoin EE connaissait l'appelant depuis l'enfance,

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1 puisqu'il était un voisin très proche; que, souvent, ils faisaient le

2 trajet de leur domicile à leur travail ensemble et qu'ils rendaient visite

3 à des voisins ensemble.

4 Dans ses déclarations préalables, mais aussi à l'audience, le témoin EE ne

5 s'est pas contentée de dire que l'appelant était un soldat qui se trouvait

6 sur le seuil de sa porte le matin du 16 avril, elle a été tout à fait

7 constante quand elle a décrit la conduite que l'appelant a eu par la

8 suite, ainsi que la conduite qui a été la sienne au moment de l'attaque.

9 Etant donné qu'elle ne s'est jamais écartée de l'identification qu'elle a

10 faite de l'appelant, la Chambre de première instance a pu conclure que

11 l'identification qu'elle avait faite de l'appelant sur les lieux du crime,

12 au moment des faits, était une identification exacte et fiable.

13 Pour bien évaluer la déposition du témoin EE, il ne faut pas prendre cette

14 déposition de façon tronquée, de penser à ce qu'elle a vu et de penser à

15 ce qu'elle n'aurait pas pu voir. Il se peut qu'elle se soit trompée,

16 lorsqu'il s'agissait d'identifier deux des soldats. Il ne faut pas pour

17 autant conclure qu'elle s'est trompée lorsqu'elle a voulu identifier les

18 autres soldats. Il faut voir la totalité de sa déposition.

19 Le témoin EE a dit qu'elle avait vu l'appelant, Drago Josipovic, à deux

20 reprises. Elle l'a vu le matin, au moment de l'attaque, et par la suite,

21 dans la soirée, dans la grange où elle se cachait. Drago Josipovic, ainsi

22 qu'un autre homme, un certain Livancic, étaient venus et avaient dit à

23 cette femme qu'elle devait sortir de la grange. Le conseil de l'appelant

24 n'a pas du tout fait état des événements qui se sont produits après

25 l'attaque. Et il ne faut pas isoler la déposition du témoin de tous les

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1 événements dont elle a été témoin et dont elle a parlé plus tard. Il est

2 possible que ce témoin… En effet, il est improbable qu'elle se soit

3 trompée quant à la présence de l'appelant pendant l'attaque. Mais elle n'a

4 pas fait d'erreur par la suite, au cours de la soirée, lorsqu'elle l'a vu

5 dans la grange.

6 Le témoin EE a aussi évoqué certains détails concernant l'appelant. Elle a

7 dit notamment que c'est lui qui était venu dans cette grange ce soir-là,

8 qu'il avait fait sauter le cadenas et qu'il avait fait sortir les animaux,

9 à la demande du témoin d'ailleurs. Et puis l'appelant, par la suite, a

10 reconnu qu'il avait accompagné le témoin EE à la maison d'Anto Papic afin

11 qu'elle s'y réfugie, c'était le même jour, le jour de l'attaque mais en

12 soirée car elle avait peur de sortir seule. Vous remarquerez que ces

13 aspects-là de sa déposition n'ont pas été contestés; au contraire, ils ont

14 été corroborés par (expurgé)qui a été appelé comme témoin à décharge.

15 L'appelant affirme que le témoin EE s'était trompé lorsqu'elle avait

16 essayé d'identifier les soldats, que cela s'était produit à plusieurs

17 reprises, c'est là une exagération. Nous estimons que la Chambre a eu

18 raison de conclure qu'elle s'était peut-être trompée, mais uniquement

19 s'agissant de deux des soldats. La Chambre a dit que c'était possible

20 qu'elle se soit trompée car la Chambre avait eu raison de donner le

21 bénéfice du doute à l'appelant. L'accusation relève que la Chambre de

22 première instance a accepté aussi le fait que ce témoin ne s'était pas

23 trompé quant à la présence de quelqu'un d'autre que Livancic et la Chambre

24 a motivé sa décision, ceci se trouve au paragraphe 543 du jugement.

25 De fait, ce témoin EE a toujours cité Livancic comme étant un des auteurs.

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1 Enfin, il est essentiel de replacer le témoignage du témoin EE dans son

2 contexte. La déposition de ce témoin était essentielle pour établir les

3 charges reconnues contre Drago Josipovic et Vladimir Santic. L'accusation

4 relève que l'essentiel des contradictions relevées par l'appelant

5 concernait d'autres soldats, concernait les mouvements et le comportement

6 de ces autres soldats. La présence de ces soldats, leur identité, leurs

7 déplacements exacts sont sans intérêt lorsqu'il s'agit de déterminer si

8 les éléments de preuve suffisent pour prouver que l'appelant Drago

9 Josipovic était présent sur les lieux du crime et a commis le crime pour

10 lequel il a été condamné. Ces éléments sont pertinents uniquement pour

11 déterminer la véracité des dires du témoin EE. Quelle est la valeur

12 probante que l'on peut attacher à ces contradictions? Il faut, pour en

13 juger, replacer ces contradictions dans leur contexte et il faut les

14 placer aux côtés des caractères fondamentaux du témoignage du témoin EE

15 puisqu'elle ne s'est jamais trompé lorsqu'il s'est agi d'identifier

16 l'appelant et elle ne s'est jamais trompée lorsqu'elle a relaté les faits

17 qu'il avait accompli pendant l'attaque et après l'attaque.

18 L'appelant voudrait que cette Chambre accepte une théorie tout à fait

19 improbable des événements, voudrait que la Chambre reconnaisse que le

20 témoin s'est trompé, qu'elle a confectionné et concocté son témoignage

21 qu'elles s'est trompée le matin mais pas le soir, lorsque le soir,

22 l'appelant avait fait preuve de gentillesse en acceptant de libérer les

23 animaux de la grange et en l'accompagnant jusqu'à la maison de Papic.

24 Comment le témoin EE aurait-elle pu se tromper sur tous ces détails,

25 comment aurait-elle pu fabriquer des éléments de preuve relatifs à

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1 l'attaque alors qu'elle ne l'aurait pas fait pour ce qui s'est passé par

2 la suite? Comment aurait-elle pu se tromper sur la présence de l'appelant

3 pendant l'attaque mais pas après? Par conséquent, on ne peut pas voir la

4 déposition du témoin de façon isolée ou sur des points isolés, il faut

5 voir la totalité puisque son récit part du début de l'attaque et se

6 poursuit jusqu'au moment où elle doit quitter Ahmici. Elle a été très

7 claire lorsqu'elle a dit à la Chambre quel était le rôle de l'accusé

8 depuis le matin jusqu'au soir.

9 Si vous voyez la totalité de son témoignage en ce qui concerne Drago

10 Josipovic, vous considérez qu'il n'y a aucune lacune, aucune incohérence.

11 Le jugement fait apparaître clairement, également, que la Chambre de

12 première instance était parfaitement au courant et consciente des

13 problèmes que ce témoin a rencontré, connaissait le côté effroyable de

14 l'histoire de ce témoin EE. La Chambre de première instance savait très

15 bien qu'il y avait quelques fois des contradictions dans les déclarations

16 préalables qu'elle a fournies. La Chambre a examiné tout ceci avec tout le

17 poids et le soin voulus et elle a pourtant accordé, elle a fait droit aux

18 principes fondamentaux, aux aspects fondamentaux de sa déposition. Ces

19 juges étaient les mieux à même d'entendre la déposition du témoin, de

20 l'évaluer. Les motivations fournies par les juges de première instance ont

21 été très claires. L'appelant, par contre, n'a pas établi que la Chambre de

22 première instance se serait trompée de fait ou de droit pour ce qui est de

23 la déposition du témoin EE s'agissant des conclusions factuelles. Nous

24 estimons que les conclusions tirées par la Chambre de première instance ne

25 nécessitent pas de révision de la part de la Chambre d'appel. J'en ai

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1 terminé.

2 Mme la Présidente (interprétation): Je crois que vous avez respecté les

3 délais impartis, je vous en remercie. Nous allons lever l'audience dans un

4 instant mais j'aurais une question à poser à M. Yapa.

5 Monsieur Yapa, vous avez entendu la requête que Me Abell voudrais

6 communiquer au Tribunal pour qu'il y ait communication du mémoire de

7 clôture confidentiel. Pourriez-vous nous dire si vous allez faire

8 objection à ladite requête?

9 M. Yapa (interprétation): Non pas vraiment. La question qui se posait au

10 préalable c'était de savoir si nous allions pouvoir l'admettre.

11 Mme la Présidente (interprétation): Il y avait 2 questions. Si vous êtes

12 prêt à l'admettre cela soulagerait tout le monde, mais je voulais

13 simplement savoir ce qu'il en était pour ce qui est du suivi à donner à

14 cette requête, je voulais savoir si vous vouliez faire objection. Il y a 2

15 questions séparées l'une répondant à l'autre.

16 M. Yapa (interprétation): Nous n'allons pas faire opposition à la requête,

17 mais nous ne sommes pas en mesure de faire une admission.

18 Mme la Présidente (interprétation): J'ai compris. Ceci étant nous allons

19 lever l'audience et l'accusation aura l'occasion de terminer la

20 présentation des ses arguments.

21 Demain matin nous commencerons à 9 heures et nous espérons terminer avant

22 17 heures demain.

23 Je tiens à remercier les interprètes. Je sais que la journée a été très

24 dure mais je tiens à les remercier d'avoir consenti à travailler un peu

25 plus tard que prévu.

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1 (L'audience est levée à 17 heures 05.)

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