Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Lundi 17 août 1998

4 L'audience est ouverte à 09 heures 40.

5 Mme le Greffier - L'affaire numéro IT-95-16-T, le Procureur du

6 Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic,

7 Drago Josipovic, Dragan Papic, Vladimir Santic alias Vlado.

8 M. le Président (interprétation). - Bonjour.

9 Il faut que je me réhabitue à tout cet équipement. Peut-on avoir

10 les présentations du côté de l'accusation, je vous prie ?

11 M. Terrier - Mon nom est Frank Terrier,je m'exprimerai en langue

12 française. A côté de moi se trouve Al Moskowitz qui s'exprimera en langue

13 anglaise.

14 M. le Président (interprétation). - Merci. Pour la défense ?

15 Micro, s'il vous plaît.

16 M. Radovic (interprétation). - Je m'appelle Ranko Radovic et je

17 défends Zoran Kupreskic. Je parlerai croate.

18 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président. Je

19 suis Me Glumac et je représente Mirjan Kupreskic. Je viens de Zagreb où je

20 suis avocate.

21 M. Krajina (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président. Je

22 suis Borislav Krajina. Je suis avocat en Krajina et je défends

23 M. Vlatko Kupreskic.

24 M. Par (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président. Je

25 m'appelle Zelimir Par. Je suis avocat à Zagreb et je défends

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1 Vladimir Santic.

2 (L'avocat de M. Josipovic vient de se présenter, dit

3 l'interprète.)

4 M. Pavkovic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président.

5 Je m'appelle

6 Petar Pavkovic et je défends Dragan Papic. Je suis avocat à Zagreb.

7 M. Puliselic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président.

8 Je m'appelle Petar Puliselic. Je suis avocat de Zagreb et je défends

9 M. Dragan Papic. A ma droite se trouve mon assistant, M. Nika Grospic.

10 M. le Président (interprétation). - Merci. Je suppose et

11 j'espère que tous les accusés peuvent m'entendre dans une langue qu'ils

12 comprennent. Vous m'entendez, Messieurs ?

13 (Signe affirmatif de la tête des accusés.)

14 Je voudrais d'abord vous prier de m'excuser pour mon retard et

15 pour le début retardé de notre audience qui ne dépend pas de notre

16 responsabilité. Mais je demanderai maintenant que tout soit fait pour que

17 la police néerlandaise soit informée de l'heure exacte de l'audience et

18 que les accusés soient à l'heure dans la salle d'audience de façon à ce

19 que nous puissions commencer tous les matins à 9 heures précises.

20 Maintenant, si vous me le permettez, j'aimerais que nous

21 traitions d'un certain nombre de points en suspens, des points de

22 procédure. Après quoi nous entendrons quelques arguments au sujet de la

23 présente audience, puis nous aurons une pause de trente ou

24 quarante minutes qui nous permettra de rendre toute décision nécessaire

25 éventuellement.

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1 Puis, avant de commencer le procès à proprement parler, nous

2 examinerons un certain nombre de points d'intendance juridique, si je puis

3 m'exprimer ainsi, qu'il convient de régler avant de commencer les

4 audiences du procès à proprement parler.

5 Permettez-moi maintenant, après avoir lu tous les documents en

6 ma possession, de vous dire quels sont les points qui à mon avis sont

7 encore en suspens et qu'il convient de régler avant le début de notre

8 procès.

9 J'ai énuméré quatre points que je vais vous dire. Après quoi je

10 demanderai aux deux parties si elles estiment qu'il y a d'autres points

11 que j'aurais éventuellement omis de faire figurer sur cette liste.

12 Le premier point dont je pense qu'il convient que nous

13 discutions consiste à savoir si des mémoires ont été déposés par la

14 défense en réponse aux mémoires préalables au procès de l'accusation. En

15 vertu d'un ordre signé par le Juge Mumba en date du 11 août, ce matin je

16 vous informe que nous n'avons reçu qu'un document de Me Glumac et

17 j'aimerais savoir si les autres conseils de la défense ont également

18 déposé des documents. Je vous rappelle que la date limite était vendredi

19 dernier à 13 heures, si je ne m'abuse. Donc cela sera le premier point

20 dont nous allons traiter.

21 Le deuxième point c'est la requête déposée par les conseils

22 de Zoran et Mirjan Kupreskic le 13 août, requête portant sur la production

23 des déclarations préalables de témoins par l'accusation.

24 Le troisième point consistera à examiner quelques-uns des

25 éléments évoqués dans la requête du conseil de Vlatko Kupreskic. Cette

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1 requête demandait le rejet de l'acte d'accusation et je vous rappellerai

2 que le Juge Mumba a rendu une ordonnance au sujet de cette requête,

3 ordonnance rejetant cette requête, mais prévoyant que nous examinions dans

4 l'audience que nous tenons en ce moment un certain nombre de points en

5 suspens.

6 Le quatrième point qui figure sur ma liste, c'est la possibilité

7 de tenir des audiences ex parte au sujet de deux requêtes ex parte

8 déposées par l'accusation. Je demande à l'accusation si elle souhaite

9 présenter des arguments oraux au sujet de ces deux requêtes ou de l'une

10 d'entre elles. Bien entendu il s'agira à ce moment-là d'une audience

11 ex parte, après quoi nous rendrons notre décision. Sur tous ces points,

12 comme je viens de le dire, nous avons l'intention d'entendre les arguments

13 éventuels de l'une ou l'autre ou des deux parties, après quoi, au cours de

14 la pause de ce matin, nous rendrons notre décision puis nous reprendrons

15 nos débats, les débats de la présente audience. Et après avoir réglé ce

16 que j'appellerai donc des points d'intendance nous passerons au procès à

17 proprement parler que nous commencerons.

18 J'aimerais donc demander aux deux parties pour l'immédiat si

19 elles estiment qu'il y a

20 des points que j'ai omis ou négligés sur la liste dont je viens de vous

21 donner lecture, des points que vous estimez que nous devrions traiter

22 avant le début du procès. Je m'adresse d'ailleurs d'abord à l'accusation.

23 M. Terrier. - S'agissant des questions juridiques que vous avez

24 évoquées, je n'en vois pas d'autres qui doivent être évoquées aujourd'hui

25 parmi les points d'intendance, peut-être est-ce un peu tôt pour les

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1 évoquer. Je souhaiterais que nous parlions de la question des mesures de

2 protection dont certains témoins devront bénéficier à notre sens, et de la

3 manière dont le Tribunal souhaite que ces questions soient réglées

4 préalablement aux audiences de manière à ce que nous ne perdions que le

5 moins de temps possible.

6 M. le Président (interprétation). - J'aimerais demander aux

7 conseils de la défense s'ils estiment qu'il y a d'autres points que nous

8 devrions discuter. Pas d'autres points ?

9 Je vous en prie, Monsieur. Je vous prie de m'excuser mais nous

10 n'en sommes qu'au début de ces audiences donc je ne me rappelle pas bien

11 votre nom et je vous prierai de dire comment vous vous appelez avant de

12 prendre la parole. Je suis sûr que dans quelques jours nous connaîtrons

13 parfaitement vos noms.

14 M. Krajina (interprétation). - Le conseil de la défense de

15 Mirjan Kupreskic, Monsieur le Président. Je dirai d'abord que nous sommes

16 d'accord avec ce que vous venez de dire mais au sujet des points que vous

17 venez d'évoquer plus précisément, de la requête relative à

18 Vlatko Kupreskic, je demanderai que l'on examine aussi le problème de la

19 restitution des objets personnels de l'accusé Kupreskic, objets personnels

20 qui ne lui ont pas encore été restitués. La question n'a pas été réglée et

21 la défense estime que c'est un point tout à fait important.

22 Deuxièmement, je demanderai que l'on discute de notre requête

23 relative à des examens médicaux spécialisés de l'accusé Vlatko Kupreskic

24 qui est invalide à 100 % et malade du coeur. Je vous remercie.

25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Oui, nous

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1 ajoutons donc ces

2 deux points à la liste des questions qu'il reste à examiner.

3 Je commencerai donc par aborder le premier point, à savoir si

4 les conseils de la défense autres que Me Glumac ont déposé ou entendent

5 déposer une réponse aux mémoires, préalables au procès, de l'accusation.

6 Nous avons lu le mémoire de Me Glumac et nous constatons que

7 selon elle, il est encore trop tôt pour que les conseils de la défense

8 puissent déposer un mémoire détaillé établissant les différents points

9 admis par la défense et les différents points remis en cause par la

10 défense. Donc j'aimerais savoir si les autres conseils de la défense sont

11 d'accord avec l'avis de Me Glumac, auquel cas nous attendrons deux ou

12 trois semaines. C'est d'ailleurs ce qu'a proposé Me Glumac qui a dit que

13 dans les deux ou trois semaines à venir, les conseils de la défense seront

14 plus en mesure de déposer un mémoire approfondi.

15 Est-ce que les autres conseils de la défense sont d'accord avec

16 cet avis de Me Glumac ? Je rendrai une décision à ce sujet mais je dirai

17 d'emblée qu'à mon avis il me semble qu'un délai supplémentaire serait

18 approprié pour tous les conseils de la défense. Je vous en prie, Maître.

19 M. Krajina (interprétation). - Je tiens à redire que cela fait

20 sept jours que nous avons reçu le document de l'accusation et nous avons

21 d'ailleurs remis une réponse par écrit et détaillée au sujet de tous les

22 éléments que comportait ce texte.

23 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,

24 Maître Glumac.

25 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, je prends

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1 la liberté de m'exprimer quelques instants. La lettre que je vous ai

2 adressée n'est pas une simple lettre préalable au procès, c'est un

3 document officiel qui représente l'ensemble de l'équipe de la défense.

4 Nous sommes tous dans la même situation et c'est la raison pour

5 laquelle j'estime que nous avons tous besoin de ce délai supplémentaire

6 qui nous permettra de répondre avec précision et dans le détail à tous les

7 points figurant dans le mémoire préalable au procès de l'accusation.

8 En ce qui concerne la requête, j'aimerais vous présenter une

9 explication supplémentaire. En effet, il s'agit bien comme je l'ai déjà

10 dit d'un problème qui se pose à tous les conseils de la défense. Les

11 points sur lesquels nous sommes d'accord, à savoir les points factuels,

12 c'est-à-dire un certain nombre de points qui figurent dans le texte, ont

13 notre accord mais ils figurent dans le texte et sont placés dans un

14 contexte tel que, si nous commençons à discuter de toutes les

15 circonstances qui sont mal interprétées par l'accusation, à notre avis

16 nous rentrons déjà dans une plaidoirie.

17 Nous pensons que les problèmes qui se posent à nous sont déjà

18 assez nombreux. Si nous commençons à agir de la sorte il faudra que nous

19 abordions les point les uns après les autres en rentrant dans le détail de

20 chacun d'entre eux, ce qui dévoilera notre système de défense. Je pense

21 qu'il convient que nous éclaircissions ce point quant à savoir notamment

22 ce que la Chambre de première instance attend à ce que nous fassions à ce

23 stade du procès. Bien entendu après que nous avons entendu votre avis,

24 nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous aider.

25 Mais au préalable, il convient que nous sachions dans quelle

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1 mesure nous sommes tenus de rentrer dans le détail des circonstances. En

2 effet, pour le moment nous pensons que la charge de la preuve repose sur

3 l'accusation. Nous sommes des conseils de la défense, je pense que nous

4 n'avons pas reçu de moyens de preuve jusqu'à présent et il me paraît

5 impropre que nous devions divulguer notre système de défense à ce stade du

6 procès. C'est la raison pour laquelle j'aimerais avoir un éclaircissement

7 à ce stade de nos débats. Merci.

8 M. Le Président (interprétation). - Je vous remercie. Avant de

9 donner la parole aux autres conseils de la défense, j'aimerais souligner

10 que ce que nous avons à l'esprit, bien entendu, c'est la possibilité pour

11 les conseils de la défense et pour l'accusation de parvenir à une sorte

12 d'accord sur des points factuels et sur des points de droit qui feraient

13 l'objet d'un accord entre eux.

14 C’est ce que nous avons fait dans le cas de

15 l'affaire Dokmanovic. Vous vous rappellerez que dans l'affaire Dokmanocic,

16 après trois ou quatre semaines à peu près, les conseils de la défense et

17 l'accusation se sont réunis et ont préparé une liste de faits. Il ne

18 s'agit pas d'allégations au sujet des accusés, je me rend bien compte à la

19 lecture de votre document que vous contestez les affirmations de

20 l'accusation concernant les accusés. Mais, ce à quoi nous pensions,

21 c'était des questions comme par exemple : est-ce qu'il y avait ou pas un

22 conflit armé ce jour-là ? Quel était le type de ce conflit armé ? Et

23 d'autres points de nature juridique.

24 Je me demande si à un certain moment vous ne pourriez pas vous

25 réunir avec l'accusation pour arriver à une sorte d'accord, de façon à ce

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1 que nous n'ayons pas besoin d'approfondir un certain nombre de points.

2 Mais bien entendu, tout dépend de vous, nous n'exerçons aucune pression

3 sur vous. Il s'agit simplement de ce que nous pensions être une solution

4 propre à accélérer un petit peu le procès. Cela nous permettrait de nous

5 concentrer sur les éléments les plus controversés, des éléments de droit

6 en particulier, et cela nous permettrait de laisser de côté les points sur

7 lesquels les deux parties sont entièrement d'accord.

8 Donc, je vous propose d'attendre quelques semaines pour voir si

9 à ce moment-là, après avoir parlé avec l'accusation, peut-être vous serez

10 en mesure de parvenir à un accord de ce genre, qui pourra être établi par

11 écrit dans un document où figureront les différents éléments qui ne font

12 pas l'objet d'une contestation entre les parties.

13 M. Radovic (interprétation). - Sur le principe, nous ne sommes

14 pas contre une rencontre avec l'accusation, mais nous pensons qu'il nous

15 sera difficile de parvenir à un accord factuel ou de droit. Le seul accord

16 possible entre nous et l'accusation peut consister à admettre que

17 le 16 avril il y avait un conflit à Ahmici. Tout le reste fera l'objet de

18 contestation.

19 Qui plus est, en ce qui concerne les points de droit, nous

20 sommes entièrement en

21 désaccord avec le point de vue de l'accusation. Dans son document écrit,

22 l'accusation ne cesse d'évoquer le précédent qui vient de l’affaire Tadic.

23 Or l'affaire Tadic ne peut pas être un précédent dans notre procès puisque

24 l'affaire Tadic est relative à un système de camp, de prison, alors qu’ici

25 nous parlons de faits d'une nature tout à fait différente.

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1 Par ailleurs, l'accusation tente d'introduire dans notre procès

2 des éléments du procès de Nuremberg et semble oublier que le procès de

3 Nuremberg a été tenu à l'issue du règne des nazis, alors qu'ici nous

4 sommes en train de parler de paysans qui défendaient leur maison. Donc,

5 d'un côté nous avons le procès de Nuremberg où les accusés défendaient

6 leur tête, et des accusés, ici, qui se défendent dans des circonstances

7 tout à fait différentes. Il n'y a aucun rapport entre les deux affaires.

8 Nous reviendrons sur ce point quand nous rentrerons davantage

9 dans le détail, au sujet de nos arguments de droit, mais je tiens à dire

10 que les précédents proposés par l'accusation ne coïncident pas du tout

11 avec notre vision de l'affaire. C’est tout ce que j'avais à dire pour le

12 moment. Je vous remercie Monsieur le Président.

13 M. Le Président (interprétation). - Merci beaucoup de vos

14 commentaires. Je vois à présent que deux autres conseils de la défense

15 souhaitent s'exprimer sur ce point particulier, et je fais appel à vous

16 pour vous demander d'être aussi bref que possible. Vous vous rappellerez

17 sans doute qu'au début nous avons soumis un certain nombre de lignes

18 directrices aux deux parties, sur lesquelles je reviendrai, des lignes

19 directrices régissant la conduite de ce procès. J'insiste donc pour que

20 les conseils de la défense s'efforcent de ne pas répéter des déclarations

21 déjà faites. Il importe qu'il y ait coordination au niveau de l'équipe des

22 conseils de la défense, de façon à ce que l'un d'entre eux s'exprime au

23 nom de l'ensemble de l'équipe et que nous évitions de perdre du temps dû à

24 des répétitions sur des questions procédurières. Mais aujourd’hui nous

25 ferons exception.

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1 M. Puliselic (interprétat ion). – Oui Monsieur le Président.

2 Je voudrais, si vous

3 me le permettez, dire très brièvement à la Chambre de première instance

4 que j’ai également déposé une requête distincte qui s’ajoute à Me Glumac.

5 Dans ce document j’ai donné brièvement mon avis au sujet du document de

6 l'accusation. C’est tout ce que je voulais vous dire pour le moment.

7 M. le Président. - Merci Monsieur Puliselic.

8 Excusez-moi pour la mauvaise prononciation de vos noms mais peu

9 à peu, je réussirai à mieux les prononcer.

10 M. Pavkovic (interprétation). – Je défends Vladimir Santic. Il

11 n'y a aucun doute, Monsieur le Président, quant aux fait que les éléments

12 que vous venez de citer méritent une attention toute particulière. Mais je

13 voudrais rappeler chacun ici… , à chacun ici, l'obligation qui a été

14 respectée par la défense. Je tiens à éviter que quiconque ait le sentiment

15 que la défense a laissé quoi que ce soit de côté. Depuis, selon la

16 décision de la Chambre de première instance, la défense a été tenue depuis

17 le 28 juillet de déposer une réponse aux documents de l'accusation.

18 J'ai déposé notre demande, notre réponse à ce document, et à mon

19 avis, le seul point qui ne peut faire l'objet de contestations, c'est le

20 fait que les événements sont survenus. Tout le reste, comme l’a dit mon

21 confrère, fera l'objet de contestations.

22 S'agissant maintenant du mémoire préalable déposé par

23 l'accusation, je tiens à dire que nous l'avons reçu extraordinairement

24 tard, donc, c'est la raison... raison qui incombe à l'accusation et pas à

25 nous. D'ailleurs, l'accusation a essayé d'expliquer pourquoi ce document a

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1 été déposé tard, mais c'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas

2 d'accord avec le contenu de ce document. Je suis donc d'accord qu'il

3 importera aujourd'hui de confirmer de quelle façon la défense peut

4 apporter son aide à la Chambre de première instance pour faire bien

5 comprendre quel est son point de vue par rapport au point de vue de

6 l'accusation.

7 Quelques mots encore, si vous me le permettez. Sur le point des

8 éléments de droit, il y a un certain nombre de faits qu'il convient

9 d'expliciter. Nous savons bien, depuis l'époque des Romains, que c'est

10 seulement lorsque les faits sont établis qu'il est possible d’en arriver à

11 une discussion de droit. Je vous remercie, Monsieur le Président.

12 M. le Président. – Merci. Eh bien, pour mettre un point final au

13 débat sur ces questions, je dirai qu'il est exact, comme tous les Conseils

14 de la défense viennent de le souligner, que tous les Conseils de la

15 défense ont déjà déposé une brève réponse à la requête émanant de la

16 Chambre , à la demande de la Chambre de première instance pour s'efforcer

17 de répondre aux différents éléments évoqués dans le mémoire préalable au

18 procès de l'accusation.

19 Mais cela étant, et c'était également le point de vue de

20 l'accusation, nous estimons que ces réponses étaient un petit peu trop

21 concises. Et le Juge Mumba, au nom de la Chambre de première instance a

22 émis une ordonnance demandant au conseil de la défense, et je donne

23 lecture de la partie pertinente de cette ordonnance. Je cite : "d'établir

24 les points pertinents dans un mémoire s'ils existent, eu égard aux élément

25 acceptés, aux éléments rejetés, et d'établir dans des termes généraux, je

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1 répète, d'établir dans des termes généraux le système de défense qui sera

2 appliqué dans l'intérêt des accusés", fin de citation.

3 Nous admettons qu'il est sans doute encore trop tôt aujourd'hui

4 pour que les conseils de la défense puissent respecter pleinement

5 l'ordonnance émanant de la Chambre de première instance. Nous espérons

6 qu’en temps voulu, donc sans doute dans trois ou quatre semaines,

7 l'ensemble des conseils de la défense, ou au moins quelques-uns d'entre

8 eux, seront en mesure de produire un document de cette nature. Ce n'est

9 pas une requête contraignante que je vous propose.

10 Mais je vous demanderai, si vous le voulez bien, d'énumérer de

11 façon détaillée les points factuels et les points de droits avec lesquels

12 vous êtes d'accord et ceux que vous rejetez. Si vous estimez ne pas être

13 en mesure d'agir de la sorte, nous devrons attendre sans doute la fin de

14 la présentation des moyens de preuve de l'accusation. Mais, après avoir

15 dit ce que je viens de dire, je vous renouvelle mon appel, c'est-à-dire

16 que je vous redemande de voir si avec l'accusation vous pouvez vous mettre

17 d'accord sur une liste de points ne faisant pas l'objet de contestations,

18 et une liste de points faisant l'objet de contestations.

19 Je pense que vous comprenez bien la logique qui sous-tend cette

20 proposition de la Chambre de première instance à savoir le souhait de

21 réduire, autant que faire se peut, la liste des points contestés. Si vous

22 ne pouvez pas parvenir à un tel accord bien sûr nous attendrons et verrons

23 ce qu'il est possible de faire un peu plus tard.

24 Maintenant, je pense qu'il importe que nous passions à notre

25 deuxième point qui est plus complexe et plus grave. Mais avant cela, je

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1 vois que Me Terrier voudrait prendre la parole. J'ai cru comprendre,

2 Maître Terrier, que vous vouliez vous exprimer devant la Chambre de

3 première instance sur ce point particulier ?

4 M. Terrier. – Monsieur le Président, si vous me le permettez,

5 juste deux brèves observations. Bien entendu l'accusation ne voit aucun

6 inconvénient à ce qu’un délai supplémentaire soit accordé aux

7 représentants de la défense pour transmettre au ministère public et à

8 l'accusation et au Tribunal leur mémoire.

9 J'observe seulement que cela enlève à cette réponse une part de

10 son intérêt dans la mesure où si des faits devaient... avancés par

11 l'accusation avaient été admis par la défense, nous aurions pu

12 effectivement au cours de la présentation de nos preuves modifier notre...

13 l'ordre d'apparition des témoins ou éviter de faire perdre au Tribunal du

14 temps. Néanmoins, il reste que même dans trois semaines ce mémoire pourra

15 présenter un certain intérêt. Mais je regrette que ce délai soit... ait

16 été rendu nécessaire.

17 La deuxième observation est la suivante : j'ai pris connaissance

18 bien entendu de tous les mémoires qui ont été déposés et il me semble,

19 peut-être puis-je me tromper, mais il me semble que les avocats de la

20 défense ont déjà pour l'essentiel pris position sur ce qu'ils acceptaient

21 du mémoire de l'accusation et sur ce qu'ils en rejetaient. Et en

22 particulier, dans le mémoire que nous avons évoqué tout à l'heure, qui a

23 été présenté ce matin au nom de tous les

24 représentants de la défense, il est clairement spécifié, en même temps

25 qu'une demande de délai est formulée, il est clairement spécifié que le

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1 seul fait accepté par la défense est le fait que la Bosnie-Herzégovine ait

2 déclaré son indépendance le 3 mars 1992 et qu'elle ait été reconnue comme

3 Etat indépendant. Et toutes les autres allégations ou affirmations de fait

4 ou de droit présentées dans le mémoire préalable de l'accusation

5 paraissent être purement et simplement rejetées. Je doute donc, même si ce

6 délai doit être accordé, je doute donc qu'il soit quelque peu utile au

7 déroulement de ce procès.

8 M. le Président (interprétation). - Merci Monsieur le Procureur.

9 Moi j'ai lu, si vous permettez, j'ai lu d'une manière différente ce

10 document présenté par Mme Glumac parce que, si je ne m'abuse pas, à la fin

11 il souligne qu'en effet la défense admet le fait qu'il y avait un conflit

12 armé le 16 avril 93.

13 Donc il y a aussi un autre élément qui est admis par la

14 défense : non seulement l'indépendance de la part de la Bosnie-Herzégovine

15 mais aussi le fait que le jour crucial sur lequel il faut que la Chambre

16 se penche. En effet les éléments, c'est une question principale qui se

17 pose dans ce procès. Ce jour, le 16 avril, il y avait un conflit armé.

18 M. Terrier. - Tout à fait Monsieur le Président. Mais cette

19 notion... J'observe, peut-être est-ce trop tôt pour cette discussion,

20 j'observe que cette notion de conflit armé est à la fois une notion

21 juridique, mais une notion de fait, une notion de droit et une notion

22 militaire. Pour ce qui concerne la notion de fait, l'accusation ne

23 considère pas qu'à Ahmici le 16 avril 1993 s'est produit un conflit entre

24 deux armées, comme semble l'indiquer le mémoire, entre l'armée des Croates

25 de Bosnie et l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce n'est pas une allégation de

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1 fait que nous acceptons pour notre part.

2 M. le Président. - Merci.

3 Je vous suggère de passer aux points suivants, c'est-à-dire les

4 questions soulevées par Mme Glumac dans sa requête déposée le 13 août. Sur

5 cette question précise, je suggère à

6 Mme Glumac de brièvement faire un commentaire sur le point essentiel de sa

7 requête. A ce moment-là nous demanderons à l'accusation de répondre. Nous

8 entendrons donc des arguments présentés oralement sur ce point très

9 important.

10 Par la suite, au cours de notre pause, nous nous prononcerons et

11 nous prendrons une décision là-dessus. Madame Glumac ?

12 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

13 Nous avons déposé cette requête parce que nous estimons que l'accusation

14 n'a pas respecté la Règle 66 du Règlement de procédure et de preuve.

15 L'accusation aurait dû, conformément à cette Règle, soumettre toutes les

16 déclarations de témoins, les témoins qu'elle entend citer. Et nous

17 estimons qu'il y a eu un retard de quatre jours, c'était en accord avec

18 l'accusation et nous-mêmes.

19 Toutes les autres déclarations qui sont intervenues

20 ultérieurement ont été déposées jusqu'au 12 août, si mes souvenirs sont

21 bons. Les deux dernières dépositions ont été déposées ; l'une d'entre

22 elles était celle d'un témoin protégé, très bien, mais quelques jours

23 auparavant nous avons reçu encore des dépositions de nouveaux témoins.

24 Par ailleurs, tout un ensemble de... Je vous prie de m'excuser,

25 tout un ensemble de dépositions de témoins portant... enfin, sont

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1 parvenues à la défense autour du 21 juillet de cette année. En d'autres

2 termes, c'était après l'expiration du délai d'un mois à compter du jour...

3 délai où toutes ces dépositions auraient dû être déposées.

4 Compte tenu d'une telle situation, j'aimerais signaler par

5 ailleurs qu'autant que je sache des dépositions de 10 témoins figurant sur

6 la liste de l'accusation n'ont pas encore été déposées. Nous ne disposons

7 toujours pas de l'ensemble des éléments de preuve donc.

8 Nous estimons que la défense n'a pas pu bien se préparer. Nous

9 n'avons pu achever l'ensemble de notre défense. Les dépositions

10 continuaient de nous parvenir sans cesse, et compte tenu de cela, nous

11 demandons à la Chambre de première instance de prendre une décision selon

12 laquelle toutes ces dépositions de témoins ont été présentées après le

13 délai de 60 jours.

14 Nous demandons que ces témoins ne soient pas cités avant

15 60 jours à compter de la date où nous avons reçu leurs dépositions. Ainsi

16 nous pourrions nous préparer et nous... Je sais qu'il s'agit de documents

17 qui posent problème. Je sais qu'il s'agit de documents confidentiels et

18 que cela peut poser problème mais l'article 21 du Statut du Tribunal dit,

19 énonce le principe du procès équitable ce qui signifie que la défense doit

20 avoir suffisamment de temps pour se préparer. Nous demandons donc à la

21 Chambre de première instance, dans le contexte de cette communication des

22 moyens de preuve, nous souhaitons que la Chambre de première instance se

23 prononce dans ce sens. Merci.

24 M. le Président (interprétation). - Si j'ai bien compris ce que

25 vous avez dit, vous avez quelque peu modifié votre requête ; dans votre

Page 18

1 document vous avez demandé la délivrance d'une ordonnance, en effet, qui

2 interdirait à l'accusation de citer un témoin dont la déclaration

3 préalable n'a pas été fournie 60 jours auparavant. Or apparemment, vous

4 semblez demander maintenant que le témoin, que les témoins peuvent être

5 cités mais pas immédiatement, 60 jours uniquement après la divulgation de

6 leur déclaration à la défense. Est-ce que j'ai mal compris ?

7 Mme Glumac (interprétation). - Je pense que vous avez mal

8 interprété ce que j'ai dit, peut-être que mon anglais n'était pas

9 suffisamment clair. J'ai demandé que tout témoin dont la déclaration n'a

10 pas été fournie au moins 60 jours auparavant à la défense ne soit pas...

11 Je répète donc cette période de 60 jours à partir de la communication des

12 déclarations des témoins... que la déclaration du témoin soit présentée

13 60 jours avant la comparution du témoin.

14 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie mais vous

15 êtes bien consciente des retards que cela entraînera. Cela signifie que

16 nous devrons attendre un mois ou plus, probablement six semaines avant que

17 ces témoins ne soient cités par l'accusation. Si tel est le cas, cela va

18 ralentir la procédure mais c'est bien votre position ?

19 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, le

20 problème qui se pose c'est que nous avons eu connaissance de 34, ou plus,

21 déclarations de témoins dans cette période

22 après l'expiration du délai. Il s'agit d'un grand nombre de témoins.

23 Par ailleurs, pour dix autres témoins, nous n'avons toujours pas

24 reçu de déclaration. Nous devons voir quels sont les intérêts en jeu. Nous

25 n'avons toujours pas reçu certaines déclarations et nous ne savons

Page 19

1 absolument pas sur quoi ces témoins vont déposer. Cette affaire est très

2 importante pour les accusés, ils risquent l'emprisonnement à vie et je

3 pense que, sur de telles questions et surtout pour ce qui est de la

4 préparation de la défense, nous ne devons pas prendre les choses à la

5 légère. Je pense que l'accusation devrait comprendre la chose. Je pense

6 que l'accusation n'a pas été suffisamment responsable sur ce point.

7 M. le Président (interprétation). - Je demanderai à présent à

8 l'accusation de préciser sa position et de nous dire pourquoi de tels

9 retards sont intervenus dans la communication de déclarations de témoins ;

10 et comment faut-il relier cela aux articles pertinents du Règlement et

11 notamment l'article 66(A) 2 ancienne version. Je pense en effet que

12 Mme Glumac a raison de dire que nous devrions appliquer l'ancienne version

13 du Règlement car, sinon, le nouveau Règlement aurait une incidence sur les

14 droits de la défense.

15 M. Terrier. - Monsieur le Président, tout d'abord l'accusation

16 considère qu'elle a parfaitement rempli son obligation de divulgation de

17 communication des éléments à charge en sa possession, conformément aux

18 dispositions du Règlement de procédure et conformément aussi aux ordres de

19 votre Tribunal. Nous étions liés bien entendu par votre décision du 20 mai

20 dernier et nous étions liés de la même manière par l'article 66 du

21 Règlement de procédure qui disposait à l'époque où nous avons tenu cette

22 conférence de mise en état que ce délai de 60 jours devait être respecté

23 entre la communication et le début de l'audience et qui dispose aussi

24 qu'après ce délai les copies de déclarations d'autres témoins à charge

25 sont mises à la disposition de la défense dès que la décision de les citer

Page 20

1 est prise.

2 Ce Règlement, cette rédaction de l'article 66 paragraphe A

3 signifie que les auteurs du Règlement n'ont en aucune manière souhaité que

4 le procès puisse être figé avant son terme. Il

5 est permis, il est souhaité, il est recommandé à l'accusation que, pendant

6 tout le délai qui lui est accordé pour la présentation de ces preuves,

7 elle continue de travailler et de rechercher des éléments qui puissent

8 être utiles au Tribunal.

9 Nous avons donc fait un certain nombre de communications de

10 pièces, la première étant du 16 juin 98 qui ne soulève guère de

11 difficultés pour ce qui concerne sa date, c'était effectivement la date

12 fixée par votre Tribunal. Nous avons fait le choix que peut-être le

13 Tribunal pourrait regretter, mais sur lequel je vais m'expliquer quelques

14 instants, de divulguer un grand nombre de témoignages en visant à la fois

15 l'article 66 du Règlement, mais aussi l'article 68. Il me semblait sans

16 aucun inconvénient que les conseils de la défense aient davantage de

17 témoignages qu'il n'en était nécessaire. Cela donne à ces conseils de la

18 défense une vaste information sur les éléments de cette affaire.

19 Il me paraissait aussi que certains témoignages, sans entrer

20 très précisément et très nettement dans les dispositions de l'article 68

21 sur la communication des éléments à décharge, pouvaient être considérés

22 comme utiles à la préparation de la défense. Nous avons eu certaines

23 difficultés à interpréter cet article 68 qui est parfaitement clair dans

24 sa rédaction, absolument nécessaire dans son Règlement mais d'application

25 pratique quelquefois difficile. Nous ne savons pas toujours ce qu'est un

Page 21

1 élément à décharge dans la mesure où nous ignorons souvent ce qu'est le

2 système de défense des accusés. Est-ce que par exemple il devait admettre

3 se trouver présent à Ahmici le 16 avril 93 ou avoir un autre type de

4 système de défense ?

5 Nous avons fait le choix en juin 1998, à la date fixée par votre

6 Tribunal, de divulguer très largement un très grand nombre de décisions en

7 visant à la fois l'article 66 et l'article 68 et, ce faisant, il me semble

8 que l'accusation a pris le plus grand compte des intérêts de la défense et

9 lui a donné tout un matériel important lui permettant de se préparer. Il y

10 a eu ensuite d'autres communications faites par l'accusation à la défense

11 de différents témoignages dont certaines s'expliquent par la décision

12 prise par votre Tribunal d'accorder un délai pour protéger un certain

13 nombre de témoins et d'autres se fondent sur l'article 66(A) 2 dont j'ai

14 donné lecture il y a quelques instants.

15 Il est vrai qu'un certain nombre de témoins, de noms de témoins

16 communiqués à la défense n'ont pas été accompagnés de déclaration. C'est

17 que nous ne disposons pas de déclaration. Si nous avions eu des

18 déclarations ou si ces témoins avaient fait des déclarations, il est bien

19 évident que nous aurions communiqué ces déclarations à la défense. Si bien

20 qu'aujourd'hui il me semble que nous avons parfaitement rempli nos

21 obligations conformément au Règlement, conformément aux décisions et aux

22 souhaits du Tribunal.

23 Pour ce qui concerne la requête qui est soumise aujourd'hui au

24 Tribunal qui vise en fin de compte à interdire à l'accusation de présenter

25 tout témoin dont le nom n'aurait pas été communiqué 60 jours auparavant,

Page 22

1 c'est-à-dire à communiquer tout nouveau témoin, elle me semble en

2 contradiction flagrante avec l'article 66 du Règlement, paragraphe 1,

3 deuxième membre, et pour cette raison, elle ne me paraît pas pouvoir être

4 acceptée par votre Tribunal.

5 Du reste, si une décision de cette sorte était prise, il me

6 semble que cela conduirait à priver le Tribunal d'un grand nombre

7 d'éléments d'appréciation utiles sur cette affaire et votre Tribunal sait

8 bien par expérience que c'est quand le procès approche ou quand il

9 commence que quelquefois certaines informations importantes, véridiques et

10 utiles, sont portées à la connaissance de l'accusation et que l'accusation

11 peut les utiliser devant votre Tribunal. Cette requête me paraît contraire

12 à une bonne administration de notre justice et contraire à la lettre du

13 Règlement de procédure.

14 (Discussion entre le Président et les Juges.)

15 M. le Président. - Monsieur l'Avocat général, je voudrais au nom

16 de la Chambre vous poser quelques questions pour éclaircir la position.

17 Tout d'abord un problème de chiffres : dans un document que vous avez

18 soumis récemment, vous dites que vous comptez demander la comparution de

19 71 témoins, tandis qu'il découle du document présenté par Mme Glumac qu'en

20 effet les déclarations des témoins qui ont été petit à petit passées à la

21 défense sont au nombre de 82 ou 81.

22 Tout d'abord on souhaiterait savoir quels sont les 71 témoins,

23 pardon, non... parmi lesquels des 81 ou 82 témoins vous comptez convoquer

24 ici comme témoins à charge. Donc, pour éviter de... pour comprendre le

25 décalage, comprendre quelle est la raison de ce décalage. Ensuite, le

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1 problème qu'on aimerait bien poser est si vous avez passé à la défense les

2 déclarations des 71 témoins, et quand ?

3 Autre point : si j'ai bien compris votre position, vous

4 justifiez le fait que presque la moitié, la moitié des déclarations de

5 témoins que vous comptez appeler ici à la barre, un peu moins que la

6 moitié peut-être, a été passée, divulguée à la défense après le délai

7 prévu de 60 jours.

8 Alors, sur le plan juridique, quelle est la justification que

9 vous nous donnez pour ce retard ? Si j'ai bien compris, vous invoquez deux

10 règles de notre Règlement, l'article 66(A) 2, deuxième membre de phrase,

11 c'est-à-dire : "les copies des déclarations d'autres témoins à charge sont

12 mises à la disposition de la défense dès que la décision de les citer est

13 prise", et d'un autre côté, vous invoquez l'article 68 : "Le Procureur

14 informe la défense aussitôt que possible de l'existence d'éléments de

15 preuve dont il a connaissance qui sont de nature à disculper en tout ou en

16 partie l'accusé et qui pourraient porter atteinte à la crédibilité des

17 moyens de preuve à charge". Dans cette règle, il est clair qu'il n'y a pas

18 de délais.

19 Donc, vous dites que comme on ne dit pas que dans ce cas il faut

20 communiquer les moyens de preuve 60 jours avant le commencement du procès,

21 donc on est autorisé à présenter ces déclarations de témoins même après

22 les 60 jours. Donc si j'ai bien compris, le fondement juridique de ce

23 retard consiste, se base sur ces deux règles que je viens d'invoquer.

24 Tout d'abord, j'aimerais bien vous demander si cela est correct,

25 si mon interprétation de ce que vous venez de dire est correcte, c'est le

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1 premier point. Deuxième point : si cela est

2 vrai, vous vous rendez compte que quand même cela vaut pour presque la

3 moitié des témoins que vous comptez convoquer ici à la barre. Presque la

4 moitié. Donc, quand même, il n'y a pas d'équilibre. D'après une

5 interprétation acceptable, admissible, des deux règles, des

6 deux dispositions que je viens de mentionner, en effet la plupart des

7 déclarations des témoins devraient être passées à la défense dans le

8 délai... avant le délai de 60 jours avant le commencement du procès. Et si

9 d'autres témoins, mais un nombre relativement limité de témoins, sont

10 appelés à l'attention, sont découverts par le Procureur, dans ce cas, bien

11 sûr, le Procureur a tout droit de passer à la défense, même à la dernière

12 minute, les déclarations de ces témoins.

13 Mais quand même, il faut qu'il y ait un certain équilibre, parce

14 qu'autrement ce serait un moyen de venir à la dernière minute et présenter

15 à la défense ces déclarations de témoins, et là, la défense a raison. Cela

16 ne donnerait pas à la défense le temps nécessaire pour présenter leur

17 position. La défense a droit à avoir un laps de temps considérable pour

18 présenter sa position par rapport à ces témoins dont les déclarations sont

19 produites à la dernière minute.

20 Alors, j'aimerais bien que vous vous expliquiez votre position

21 sur ces différents points que je viens d'évoquer.

22 M. Terrier. - Je vais m'y efforcer, Monsieur le Président. Tout

23 d’abord pour ce qui concerne les références juridiques sur lesquelles

24 l'accusation se fonde, j'évoquais tout à l'heure l'article 68 du

25 Règlement, c'est-à-dire la communication des éléments à décharge à la

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1 défense, pour expliquer le choix fait au mois de juin dernier de

2 communiquer à la défense un grand nombre de témoignages dont certains

3 témoins que nous n'envisagions pas à ce moment-là de citer à l'audience.

4 Mais il nous paraissait utile aux intérêts de la défense de

5 connaître la substance de ces témoignages, mais ne pouvant très

6 précisément les qualifier... qualifier ces témoignages comme éléments à

7 décharge sur le fondement de l'article 68, nous avons fait le choix,

8 encore

9 une fois peut-être contestable par le Tribunal, mais en tout cas c'est un

10 choix que j'explique, de communiquer un grand nombre de déclarations en

11 visant à la fois l'article 66 et l'article 68 de notre Règlement.

12 Pour ce qui concerne ce que vous considérez comme un retard dans

13 la communication des déclarations des témoins à la défense sur le

14 fondement de l'article 66 et en application des ordres du Tribunal,

15 le 3 août, comme notre Tribunal l'avait souhaité, nous avons communiqué

16 une liste de 71 témoins dont nous envisagions à l'époque qu'ils pourraient

17 être invités à présenter leur témoignage devant le Tribunal.

18 Je dis d'ores et déjà au Tribunal que, sur cette liste

19 de 71 personnes, nous savons aujourd'hui que 7 ne viendront pas. Elles

20 n'ont pas souhaité venir pour des raisons nombreuses que je pourrais

21 expliquer au Tribunal, s’il le souhaite, mais cela me paraît en dehors du

22 débat pour cet instant.

23 Huit autres de ces témoins sur les 71 n'ont jamais fait de

24 déclaration, si bien que nous n'avons aucun matériel à communiquer, nous

25 ne pouvons pas demander de faire ce qui est impossible. Si bien qu'il ne

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1 reste sur ces 71 témoins, dont les noms ont été communiqués à votre

2 Tribunal le 3 août dernier, que 56 déclarations. Nous avons à la date

3 du 16 juin, puis à la date du 30 juin, et le 17 juillet dernier,

4 communiqué certaines déclarations. A la date du 16 juin, je n'y reviens

5 pas, car je ne pense pas qu'il y ait de contestation sur cette première

6 communication. A la date du 30 juin, nous avons communiqué 16 déclarations

7 de témoins, dont 7 étaient ces témoins pour lesquels le Tribunal nous

8 avait accordé un délai spécial de communication. Les autres témoins sont

9 des témoins effectivement dont nous avons remarqué, noté ou pris en

10 considération... que nous avons pris en considération comme pouvant être

11 un témoin de l'accusation sur le fondement que j'évoquais de

12 l'article 66 paragraphe A, deuxièmement... deuxième membre de phrase.

13 De la même manière, sur le même fondement et pour les mêmes

14 motifs, le 17 juillet,

15 nous avons communiqué 13 autres déclarations de témoins, et enfin, dans

16 les premiers jours d'août, mais cela conformément à l'ordre du Tribunal,

17 nous avons communiqué un dernier témoignage.

18 Je crois que, dès lors, tout est une question d'appréciation sur

19 la portée qu'il convient d'accorder à l'article, aux membres de phrase de

20 l'article 66 que j'évoquais. Encore une fois, il me semble que le

21 Règlement, à la différence d'autres systèmes judiciaires que je connais

22 bien et qui présentent leurs avantages mais aussi leurs inconvénients, il

23 me semble que ce Règlement a souhaité qu’en aucune manière les éléments de

24 l'affaire puissent être figés au moment de la mise en état.

25 Cette affaire doit pouvoir continuer à évoluer jusqu'au procès

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1 et jusqu'à la fin de la présentation de ces preuves par l'accusation pour

2 ce qui concerne l'accusation, de manière à ce que le Tribunal soit le plus

3 complètement possible et le mieux possible informé des éléments d'une

4 affaire. Je pense qu'il serait dommage, regrettable pour la justice et le

5 Tribunal qu’avant le procès ou 60 jours avant le procès, les éléments d'un

6 dossier, d'une affaire soient complètement figés. Je pense que cela serait

7 regrettable pour la justice et pour l'information du Tribunal.

8 Je ne pense pas, compte tenu des chiffres que j'ai indiqués,

9 qu'il y ait de la part de l'accusation un abus d'usage de l'article 66,

10 paragraphe A, deuxième membre, il me semble que nous avons utilisé cet

11 article de façon tout à fait raisonnable et de façon tout à fait loyale à

12 l'égard de la défense. Si le Tribunal, bien entendu, a un autre point de

13 vue, je m'y conformerai sans aucune difficulté, mais je ne peux pas avoir

14 à l’instant sur cette question-là, d'autres opinions que celles que je

15 viens de donner au Tribunal.

16 M. le Président (interprétation). - Merci,

17 Monsieur l'Avocat général.

18 Bien sûr la Cour est d'accord avec vous pour ce qui est de

19 l'exigence de ne pas figer dans le temps le nombre des témoins qu'il faut

20 entendre mais j'aimerais bien, pour arriver à une solution concrète et

21 pour respecter les droits de la défense, vous poser deux questions : si

22 mes

23 calculs sont corrects, mais je pourrais me tromper bien sûr,

24 37 déclarations de témoins ont été passées à la défense après le délai

25 de 60 jours. Trente-sept moins 8, parce que c’était les 8 témoins

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1 protégés. Et vous aviez été autorisé à divulguer ces témoignages avec un

2 certain retard. Donc cela fait 29.

3 Ma question est la suivante, deux questions : tout d'abord,

4 combien parmi les 29 témoignages de témoins sont-ils des témoins à

5 décharge couverts par l'article 68 de notre Règlement ? Combien de ces 29

6 sont à décharge, donc, sont justifiés dans le retard à la soumission des

7 déclarations des témoignages et justifiés par l'article 68 ?

8 Deuxième question : combien de ces 29 figurent parmi

9 les 56 témoins que vous comptez appeler ici à la barre et dont vous avez

10 la déclaration ?

11 Je parle de 56, parce que cela fait 71 moins 7 et moins 8. Les

12 chiffres que vous venez d'évoquer sur les 71, donc il faut enlever 7

13 plus 8. Donc on reste avec 56. Combien d'entre eux sont parmi les 29 ?

14 De cette manière, la Cour peut décider si vous avez bien

15 appliqué l'article 66(A) petit 2, deuxième membre de phrase, ou bien vous

16 avez un peu trop… peut-être pas abusé, mais vous avez adopté une

17 interprétation plutôt extensive de ce membre de phrase.

18 M. Terrier. - Je comprends bien les préoccupations du Tribunal.

19 Je vais m'efforcer d'éclairer le Tribunal sur ces questions de chiffres.

20 Pour ce qui concerne les 29 déclarations dont vous dites,

21 Monsieur le Président, et je ne conteste pas qu'elles ont été communiquées

22 après le délai de l'article de 60 jours et en dehors des ordres de la

23 Cour, du Tribunal, j'observe que 8 de ces témoins n'ont pas fait de

24 déclaration. Donc, les noms ont ont été communiqués mais nous n'avons pas

25 de déclarations que nous puissions remettre à la défense et donc ils me

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1 paraissent devoir être soustraits de ce total de 29.

2 Pour le reste, je demanderai... Votre Tribunal… Vous souhaitiez

3 Monsieur le Président, savoir si des 37 déclarations communiquées, parmi

4 les déclarations communiquées au mois de juin 1998, le 16 juin, certaines

5 déclarations en retard, communiquées en retard, seraient justifiées par

6 l'article 68. Ma réponse est non. Parmi les déclarations communiquées

7 postérieurement au délai de 60 jours, aucune communication ne se fonde sur

8 l'article 68.

9 Les communications qui se fondent sur l’article 68, notamment

10 sur l'article 68 ont été faites dans le délai de 60 jours. Ce sont des

11 communications que nous connaissions et nous n'avons pas trouvé d'autres

12 éléments qui puissent être considérés comme étant à décharge sinon, bien

13 entendu, nous aurions eu recours à cet article.

14 Je ne suis peut-être pas davantage à cet instant en mesure

15 d'éclairer votre Tribunal. Si vous souhaitez, Monsieur le Président,

16 d'autres calculs, peut-être pourriez-vous nous accorder quelques instants

17 de réflexion, mais en l'état, c’est tout ce que je puis vous dire sur

18 cette question.

19 M. le Président. - Parfait. Alors dernière question : quelle est

20 votre position par rapport à la requête de la défense telle que définie ce

21 matin oralement ? Moi, je n'ai peut-être pas bien compris le texte écrit,

22 même s'il me paraissait très clair, donc demande ou requête visant à ce

23 qu'il y ait un report des témoins pour lesquels la déclaration a été

24 passée à la défense avec un retard, c'est-à-dire pas dans les 60 jours.

25 Donc, si j'ai bien compris maintenant, ce matin la défense a dit

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1 qu'elle ne souhaitait pas exclure que la Chambre décide d'exclure les

2 témoins pour lesquels le témoignage a été déposé avec un retard mais

3 souhaite avoir un laps de temps de 60 jours, ce qui signifie que ces

4 témoins pourraient passer ici seulement dans trois, quatre semaines, même

5 plus. Quelle est votre position au sujet de cette position prise ce matin

6 par Mme Glumac ?

7 M. Terrier. - Monsieur le Président, j'avais eu comme vous

8 quelques difficultés à interpréter le sens exact de cette requête. Si le

9 sens de cette requête est que l'audition de ces

10 témoins par votre Tribunal, leur interrogatoire par l'accusation et le

11 contre-interrogatoire par la défense soient repoussés au-delà de 60 jours

12 à compter de la communication de leurs déclarations, cela me paraît tout à

13 fait contraire à l'intérêt de la justice. Et comme je le disais tout à

14 l'heure, de la même manière, contraire au Règlement.

15 Si la défense souhaite que l'occasion lui soit donnée par votre

16 Tribunal de procéder ultérieurement à un contre-interrogatoire de ces

17 témoins qui viendraient donc dans un premier temps déposer devant le

18 Tribunal et répondre aux questions de l'accusation puis qui ensuite, pour

19 des raisons évidemment sérieuses, seraient invités à revenir et seraient

20 contre-interrogés à ce moment-là par la défense, mettons au moment où la

21 défense sera invitée à présenter ses preuves, je n'y vois pour ma part

22 aucun inconvénient. Et de cette manière-là d'ailleurs, il me semble que

23 les soucis exprimés par la défense seraient parfaitement apaisés.

24 M. le Président. - Parfait, merci. Je vois que M. le Juge May

25 souhaite poser une question.

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1 M. May (interprétation). - Oui. Maître Terrier, le fond du

2 problème réside dans le fait que la défense doit disposer d'un délai

3 suffisant pour préparer sa défense. Un procès mené à coups d'embuscades

4 est inacceptable.

5 Mais, pour le moment, et peut-être qu'à l'époque j'avais laissé

6 ce point un peu trop de côté, mais je n'ai pas sous les yeux la liste des

7 dates auxquelles les déclarations ont été communiquées. Il est possible

8 que le problème puisse être surmonté si un temps suffisant a été accordé à

9 la défense pour préparer le contre-interrogatoire des témoins qu'elle doit

10 contre-interroger, car à l'évidence la défense doit disposer d'un délai

11 suffisant en la matière.

12 Mais ce qui me manque pour me prononcer, c'est la liste des noms

13 des témoins avec, au regard de leur nom, la date à laquelle leur

14 déclaration a été communiquée.

15 Et je vous renvoie à l'ordre d'audition des témoins. Je crois

16 que c'est la liste des interrogatoires principaux que vous avez produite

17 le 3 août. Page 20-53 du registre : c'est là que

18 figure votre liste des témoins. Et je crois comprendre, sur la base de la

19 façon dont est présentée cette liste, que l'ordre qui est suivi est celui

20 de l'audition que vous prévoyez de ces témoins, à commencer par

21 M. Watters.

22 Alors moi j'essaie de tout comprendre et il y a un élément qui

23 me manque encore. J'aimerais savoir quels sont sur cette liste les témoins

24 que vous vous proposez aujourd'hui de ne pas entendre, de façon à ce que

25 nous ne nous préoccupions plus de ces témoins.

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1 J'aimerais également savoir à quelle date la déclaration

2 préalable de ces témoins a été communiquée à la défense. Par exemple, les

3 témoins que vous vous proposez d'entendre dans les quelques jours à venir,

4 c'est-à-dire dans le courant de la semaine actuelle, est-ce que ces

5 déclarations préalables de ces témoins ont été communiquées conformément

6 aux articles du Règlement ? Ou est-ce que, au vu des délais qui ont été

7 mis en œuvre, il serait plus approprié de ne pas les citer au cours de la

8 présente semaine ? Est-ce que nous pourrions avoir cette liste ?

9 M. Terrier. - Bien entendu Monsieur le Juge, Monsieur le

10 Président, Madame le Juge. Nous allons vous communiquer... au regard de la

11 liste de ces 71 noms qui a été remise à votre Tribunal le 3 août, nous

12 allons vous communiquer dans quelques instants les dates précises de

13 communication à la défense de leur déclaration.

14 Simplement, j'indiquerai aussi sur cette liste ceux de ces

15 témoins qui n'ont jamais fait de déclaration et pour lesquels bien entendu

16 nous ne pouvons pas être tenus à une obligation de communication, cela va

17 de soi, et ceux de ces témoins dont nous savons aujourd'hui qu'ils ne

18 viendront pas. Pour ce qui concerne 8 témoins qui n'ont pas fait de

19 déclaration, 7 témoins qui ne viendront pas, pour ce que nous savons bien

20 entendu.

21 Pour ce qui concerne la semaine qui s'ouvre aujourd'hui, je puis

22 dire -et cela sera vérifié très attentivement mais je ne crois pas que

23 cela puisse être contesté par la défense- je puis dire que toutes les

24 déclarations ont bien entendu été communiquées aux représentants de la

25 défense. Si bien que pour ce qui concerne cette semaine, il ne me paraît

Page 33

1 pas qu'il puisse s'ouvrir

2 des difficultés.

3 J'ajoute tout de même que, même pour ce qui concerne cette

4 semaine, nous ne sommes pas absolument certains que l'ordre d'apparition

5 des témoins figurant dans cette communication du 3 août puisse être

6 totalement respecté. Je pense que votre Tribunal comprendra que nous

7 subissons le poids de certaines contingences, que nous jugeons ici des

8 faits qui ont été commis à 1500 kilomètres et il y a cinq ans, que

9 certaines personnes ont déménagé, sont parties, que certaines personnes

10 ont des obligations professionnelles ou familiales et que nous devons

11 -dans toute la mesure du possible- subir et respecter un certain nombre de

12 souhaits ou d'obligations, si bien qu'il pourra arriver, et je prie

13 vraiment le Tribunal de considérer que ce n'est pas inconséquence ou

14 désinvolture de la part des représentants de l'accusation, il pourra

15 arriver que l'ordre de ces témoins, l'ordre d'apparition de ces témoins

16 soit bouleversé.

17 De la même manière, il peut arriver encore que certains des

18 témoins figurant sur cette liste, dont nous pensons aujourd'hui qu'ils

19 viendront, décideront finalement de ne pas se présenter devant le

20 Tribunal.

21 M. May (interprétation). - Maître Terrier, est-ce que vous

22 accepteriez, je vous prie, de nous communiquer une liste sur laquelle

23 figurerait la date précise de la communication de chacune des déclarations

24 des témoins ? Ce serait bon, je pense, que cette liste suive l'ordre qui

25 figure sur la liste que vous avez produite le 3 août.

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1 Et puis, il y a un autre point que j'aimerais évoquer, si vous

2 me le permettez, et ce point est le suivant : c'est vous, Maître Terrier,

3 qui avez déclaré que, sur la base des propos de la défense, il n'était pas

4 absolument aisé de savoir s'il est incontesté ou contesté que les accusés

5 étaient présents à Ahmici le 16 avril. Pour un accusé, en fait, la chose

6 est admise, je crois qu'il s'agit de Vlatko Kupreskic, même si celui-ci

7 déclare qu'il était dans un abri ce jour-là. Mais, à ma connaissance,

8 aucun des autres accusés n'a répondu à cette question très importante.

9 Donc, s'il devait être suggéré que l'un ou l'autre des accusés

10 n'était pas présent à Ahmici à cette date, ce serait bien entendu un

11 argument d'alibi. Et sur le fondement des articles du Règlement, il

12 faudrait qu'il y ait communication de cet élément avant le début du

13 procès. Peut-être que je suis en train de parler à la défense en

14 m'adressant à vous, mais s'il devait être suggéré que l'un ou l'autre des

15 accusés n'était pas présent à Ahmici ce jour-là, il faudrait que cet

16 élément soit communiqué rapidement car, en l'absence d'une telle

17 communication, nous partirions du principe que ce n'était pas le cas.

18 Cela étant, il serait très utile pour nous de savoir quelle est

19 la position des accusés sur ce point : un des accusés s'est prononcé, je

20 crois, et je pense que les autres devraient le faire également.

21 M. Terrier. - Sur les deux questions de M. le Juge May, je dirai

22 que dans quelques instants, après un bref délai que nous autoriserait le

23 Tribunal, nous lui communiquerons sur cette liste de 71 noms ceux... les

24 dates de communication de leur déclaration.

25 Pour ce qui concerne la question de la défense alibi,

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1 effectivement la défense de M. Vlatko Kupreskic, dans les termes de

2 l'article 67 du Règlement, a communiqué au ministère public son intention

3 de faire déposer certains témoins concernant l'alibi de M. Vlatko

4 Kupreskic au moment des faits. Nous n'avons eu aucune communication sur

5 cette question-là des autres avocats de la défense, si bien que la

6 conséquence paraît en être que, certes ils pourraient bien entendu déposer

7 eux-mêmes sur un moyen de défense spéciale -c'est le dernier alinéa, le

8 troisième... le deuxième paragraphe de l'article 67- mais ils ne

9 pourraient pas être admis à faire valoir des témoins pour un moyen de

10 défense spéciale tel que l'alibi.

11 Cela dit, il me semble avoir noté dans les déclarations, je

12 crois, qui ont été remises ce matin ou qui ont été remises il y a quelques

13 jours, que plusieurs des accusés ne contestaient pas leur présence à

14 Ahmici le 16 avril. Ils contestaient évidemment les termes de

15 l'accusation, mais du moins pas leur présence le 16 avril à Ahmici. Mais

16 là, il me semble que la défense

17 pourrait s'expliquer beaucoup mieux, beaucoup plus utilement que moi au

18 Tribunal.

19 M. le Président - Merci. Avant d'aborder d'autres questions et

20 avant la pause qui devrait se situer aux alentours de 11 heures, je me

21 demandais si je ne pourrais pas donner la parole à Me Glumac pour lui

22 demander d'apporter ses commentaires à la réponse qui vient d'être faite

23 par l'accusation sur ce point particulier.

24 Je vous prierai de laisser de côté le problème de la défense

25 d'alibi car, sur ce point particulier, je m'adresserai à Me Krajina.

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1 Maître Glumac, vous avez la parole.

2 Mme Glumac (interprétation). - Dans notre dernier mémoire, donc

3 eu égard à Mirjan et à Zoran Kupreskic, nous avons bien dit que les

4 deux hommes en question étaient présents à Ahmici dans notre dernier

5 document. La chose est donc claire.

6 Mais j'aimerais m'adresser à l'accusation. Il me semble que

7 l'accusation ne sait pas très bien à quelle date elle a déposé quel

8 document. Moi j'ai vérifié la liste des témoins de l'accusation et j'ai

9 inscrit au regard des noms des témoins la date de communication de leur

10 déclaration. Je peux remettre ce document à l'accusation et je dois dire

11 que le Procureur semble ne pas prendre en compte de façon importante ces

12 éléments.

13 Le Procureur déclare que pour 8 témoins il n'y a pas de

14 déclaration, alors que nous, nous avons compté et nous avons trouvé

15 10 témoins pour lesquels il n'y a pas de déclaration. Donc cela montre

16 bien que l'accusation ne se préoccupe absolument pas de ce qui se passe au

17 niveau des moyens de preuve. Il est très important, me semble-t-il, dans

18 un procès aussi grave et aussi sérieux que les moyens de preuve soient

19 considérés comme des éléments sérieux et communiqués à la défense dans les

20 délais et il n'est pas normal qu'il y ait une telle légèreté dans le

21 traitement de cette affaire.

22 Nous voulons croire les propos tenus par l'accusation en ce qui

23 concerne les nombres. Je crois me rappeler que le Procureur a déclaré

24 avoir déjà communiqué la liste des témoins qu'il n'avait pas l'intention

25 de citer et que leurs déclarations nous ont été communiquées alors que

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1 l'accusation ne nous a pas communiqué les documents relatifs aux témoins

2 qui seront cités.

3 De quoi s'agit-il ici ? Il s'agit d'obstruction de la défense.

4 En effet, ce qui nous importe ce sont bien les témoins que le Procureur a

5 l'intention de citer dans cette salle. C'est ce que je dis d'ailleurs par

6 écrit dans la première partie de mon document. Et je crois qu'en ce qui

7 concerne les droits de la défense, ces comportements sont des

8 comportements qui nuisent au droit de la défense. Enfin, je pense qu'il ne

9 faut pas, bien entendu, figer le procès. Il est probable que des témoins

10 surgissent en cours de procès, nous ne mettons pas cela en cause, mais il

11 est important je crois, de se demander ce qui s'est passé, ce qui se passe

12 en ce moment.

13 Nous n'avons pas reçu de nouvelles déclarations de témoins dans

14 la période récente. Nous n'avons reçu que des déclarations qui datent de

15 plusieurs années, ce ne sont pas les produits d'enquêtes menées dans la

16 période récente. Donc, je crois vraiment que les arguments présentés par

17 l'accusation eu égard aux déclarations des témoins ne sont pas acceptables

18 et, outre le mémoire que j'ai déposé au Tribunal, j'ai l'intention

19 d'ajouter la liste sur laquelle figure les noms des témoins, de façon à ce

20 que la Chambre de première instance soit informée de façon appropriée de

21 la façon dont le Procureur s'est comporté à l'égard de la défense.

22 Je ne m'exprime pas ainsi pour rien. Nous ne devons pas perdre

23 de temps. Les accusés sont en prison depuis pas mal de temps déjà et nous

24 avons droit, me semble-t-il du côté de la défense, à un procès équitable

25 et rapide.

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1 Je vous remercie.

2 M. le Président (interprétation). – Merci. J'aimerais vous

3 apporter quelques éclaircissements sur un point. Maître Radovic.

4 M. Radovic (interprétation). – En ce qui concerne la défense

5 particulière, défense d'alibi, nous savons que conformément au Règlement

6 il convenait que nous nous prononcions à ce sujet au cas où nous avions

7 l'intention de recourir à la défense d'alibi. Mais, au cours du

8 procès il n'y aura pas de contestation sur le fait que les accusés étaient

9 ou n'étaient pas à Ahmici. Ce qui fera l'objet de contestations, c'est

10 l'endroit exact où ils se trouvaient. Est-ce qu'ils se trouvaient à

11 l'endroit où ils n'auraient pas dû être, ou est-ce qu'ils se trouvaient

12 ailleurs ? C’est ce que je voulais dire en réponse à la question qui vient

13 d'être posée.

14 M. le Président (interprétation). – Bien. Laissons de côté, si

15 vous le voulez bien pendant quelques secondes, le problème de l'alibi car

16 il nous faut suspendre l'audience pour la pause, mais il est clair

17 désormais que le Procureur communiquera à la défense et au Tribunal la

18 liste des 71 témoins avec les noms de ces témoins, et qu'il dira de façon

19 précise à quelle date les déclarations de ces témoins ont été produites.

20 Le Procureur communiquera également la liste des 8 ou 10 témoins

21 pour lesquels il n'y a pas eu production de déclaration, ainsi que la

22 liste des témoins parmi les 71 qui ont déjà déclaré qu'ils ne viendraient

23 pas déposer. Cela nous permettra de nous prononcer, de rendre une décision

24 sur cette question.

25 Puis il y a un point que j'aimerais éclaircir, sans doute, en

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1 raison d'un malentendu dû à des problèmes d'interprétation. Maître Glumac

2 a déclaré que le Procureur n'avait pas l'intention de fournir à la défense

3 certaines déclarations de témoins. En fait, le Procureur a dit qu'eu égard

4 à 8 témoins, si je ne m'abuse, le Procureur n'était pas en possession de

5 leurs déclarations, donc il ne s'agit pas d'une volonté de non-

6 communication mais simplement de l'absence de déclaration de la part des

7 témoins.

8 Cela étant, eu égard à ces témoins, nous aimerions également, au

9 sein de la Chambre de première instance, avoir une indication précise de

10 leurs noms, de façon à ce qu'à 11 heures 25 ou 11 heures 30, lorsque nous

11 reprenons nos débats, et je pense qu'à 11 heures 25 ou 11 heures 30, quand

12 nous reprendrons nos débats le Procureur sera en mesure de communiquer

13 cette liste à la défense et au Tribunal.

14 Maintenant je crois qu'il faut que nous suspendions l'audience

15 et que nous

16 reprenions le problème de la défense d'alibi après la reprise de nos

17 travaux. Je vois que certains conseils de la défense ont l'intention de

18 traiter de ce point et à 11 heures 30, à la fin de la pause, je crois que

19 nous pourrons également… j'espère que nous pourrons aborder un certain

20 nombre de points relatifs à la procédure. Après quoi, après la pause

21 déjeuner, cet après-midi, nous aborderons rapidement les éléments

22 d'intendance pour entendre les déclarations liminaires du Procureur. Cela

23 consistera, je pense, une façon assez rapide de procéder. Je suspends

24 maintenant l'audience pour trente minutes, pour la pause. Nous reprendrons

25 nos débats à 11 heures 32 précises.

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1 (L'audience, suspendue à 11 heures 02, est reprise

2 à 11 heures 35).

3 M. Le Président. - Je dois vous prier de m'excuser pour ce

4 retard, j'ai cru comprendre que l'accusation avait besoin de quelques

5 instants supplémentaires. J'aimerais savoir si l'accusation est en mesure

6 actuellement de nous donner ce document. Si tel n'est pas le cas, nous

7 passerons à un autre sujet.

8 M. Terrier. - Nous sommes effectivement en mesure de vous donner

9 ce document, et peut-être pourrions-nous tout de même examiner quelques

10 autres points à l'ordre du jour du Tribunal, de manière à ce que je puisse

11 procéder à quelques vérifications et procéder aussi à une petite synthèse,

12 si vous me le permettez, Monsieur le Président.

13 M. Le Président (interprétation). - Très bien, merci. Dans ces

14 conditions, je proposerai que nous passions à un autre point, à savoir les

15 questions... certaines des questions juridiques évoquées dans la requête

16 déposée par le conseil de la défense de Vlatko Kupreskic. Il s'agit d'une

17 requête aux fins de rejet de l'acte d'accusation qui pose un certain

18 nombre de questions suscitées, je pense, pour la plupart, par un

19 malentendu.

20 J'aimerais attirer l’attention du conseil de la défense sur la

21 page 5, paragraphes 19 à 22 de la requête de la défense, et je demanderai

22 au conseil de la défense de bien vouloir nous éclairer quant à sa position

23 sur ces éléments particuliers car, comme je viens

24 de le dire, j'ai véritablement le sentiment que la plupart des questions

25 posées par Me Krajina sont probablement dues à un malentendu, à une

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1 mauvaise interprétation, une mauvaise compréhension de la position de

2 l’accusation. Donc je prierai Maître Krajina de bien vouloir prendre la

3 parole pour s'exprimer au sujet de ces paragraphes 19 à 24 , disons, de sa

4 requête.

5 M. Krajina (interprétation). - Si vous le permettez, c'est mon

6 collègue Me Par qui répondra à votre question.

7 M. Le Président (interprétation). - Je suis désolé, mais nous

8 avons un problème avec Me Par, c'est d'ailleurs un point que j’avais

9 l'intention d'aborder un peu plus tard, dans le cadre de ce que j'ai

10 intitulé des questions d'intendance, à savoir le droit d'intervenir en

11 audience pour Me Par.

12 Maître Par est en effet assistant juridique. Il n'a donc pas, à

13 ce titre, le droit de s’exprimer dans le prétoire. Il est autorisé à être

14 assis dans le prétoire, mais pas à s'exprimer et puisque le problème est

15 évoqué, à l'instant, je vais en traiter immédiatement.

16 En effet, je crois comprendre que Me Krajina a demandé que la

17 situation de Me Par soit modifiée pour que Me Par soit considéré comme un

18 coconseil de la défense qui, bien entendu, a le droit de s'exprimer et

19 d'être présent au débat.

20 Eu égard à cette question, la Chambre de première instance s'est

21 déjà prononcée sur la base des éléments suivants : premièrement, une

22 décision a été rendue par la Chambre de première instance numéro 2 dans

23 les affaires Tadic et Kupreskic, et cette décision stipule que chaque fois

24 qu'un chef d'équipe de conseil de la défense ne s'exprime pas avec aisance

25 dans l’une ou l'autre des deux langues officielles du Tribunal, à savoir

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1 le français ou l’anglais, il peut demander la nomination d'un coconseil de

2 la défense étant entendu, bien entendu, que ce coconseil de la défense

3 doit parler couramment l'une ou l'autre des deux langues de travail du

4 Tribunal. Il nous faut donc respecter cette décision, et c'est à cette fin

5 que la Chambre de première instance a demandé au Greffe, qui a le dernier

6 mot sur ces questions comme vous le

7 savez, donc a demandé au Greffe de nous faire connaître sa position.

8 Et la position du Greffe est la suivante : donc de l’avis du

9 Greffier et du Greffier-adjoint, Me Par ne répond pas aux exigences

10 linguistiques établies, si je ne m'abuse, dans l'article 14 du document

11 pertinent que j'ai dans mes papiers ici quelque part, mais je le

12 retrouverai dans quelques minutes.

13 En effet, dans ce document, il est stipulé que le chef de

14 l'équipe des conseils de la défense doit s'exprimer couramment dans l'une

15 ou l'autre des deux langues du Tribunal. Telle est donc la position du

16 Greffe, mais le Greffier a proposé que la Chambre de première instance

17 puisse examiner de plus près cette exigence et se prononcer

18 ultérieurement. Donc, il s'agit là du deuxième point que nous avons décidé

19 de prendre en considération.

20 Le troisième point, c'est la pratique des autres Chambres de

21 première instance sur le plan judiciaire. Les autres Chambres de première

22 instance ont toujours décidé que le chef d'une équipe de défenseur ou le

23 coconseil doit remplir les conditions établies dans cette disposition

24 précise, à savoir l'article 14 que je viens d'évoquer. Donc, si le Greffe

25 ou le Greffier-adjoint estime que cette condition n'est pas remplie, la

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1 personne proposée pour être coconseil n'est pas autorisée à remplir les

2 fonctions de coconseil, mais peut se voir attribuer les fonctions

3 d'assistant juridique. Dans ces conditions... assistant juridique,

4 oui...dans ces conditions, nous avons donc décidé que Me Par devrait se

5 voir attribuer les fonctions d'assistant juridique et c'est donc

6 Me Krajina qui est autorisé à s'adresser au Tribunal pour toute question

7 relative aux accusés qu'il défend.

8 Les choses étant ce qu'elles sont, j'aimerais savoir si

9 Me Krajina est en mesure de s'exprimer sur les points dont nous sommes en

10 train de discuter, à savoir les paragraphes que j'ai cités il y a quelques

11 instants dans la requête de la défense. Et je parle de la requête déposée

12 bien entendu le 27 juillet par la défense, dans laquelle il est proposé

13 que l'acte d'accusation dressé contre Vlatko Kupreskic soit rejeté, et

14 dans laquelle il est également proposé qu'une audience

15 séparée soit inscrite au calendrier.

16 Comme vous le savez, le Juge Mumba a déjà rendu une ordonnance

17 sur cette requête particulière, mais dans cette ordonnance, comme je vous

18 l'ai déjà dit ce matin, le Juge Mumba agissant au nom de la Chambre de

19 première instance a décidé que tout problème de procédure encore à régler

20 soit traité ce matin dans ce prétoire.

21 Je me tourne donc une nouvelle fois vers Me Krajina pour lui

22 demander s'il est prêt à agir de la sorte, ou s’il préférerait traiter de

23 cette question cet après-midi.

24 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, puisque

25 c'est mon confrère, Me Par, qui s'est préparé pour traiter de cette

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1 question, je vous demanderai de pouvoir m'exprimer sur ce même point dans

2 le courant de l'après-midi. Je ne sais pas si j'ai bien compris,

3 Monsieur le Président, ce que vous venez de dire. J'aimerais savoir s’il y

4 a déjà eu décision rendue en réponse à notre requête pour la modification

5 des fonctions attribuées à Me Par.

6 En effet, les circonstances se sont modifiées en ce qui concerne

7 la connaissance d'une ou l'autre des deux langues du Tribunal. Nous avons

8 déposé une requête au Greffe sur ce point, et nous avons reçu une réponse

9 mais bien entendu il importe encore que la Chambre de première instance

10 rende une décision officielle à ce sujet.

11 Donc, il y a un point que je n’ai pas bien compris, à savoir

12 est-ce que la Chambre de première instance a bien eu connaissance du

13 dernier point de vue exprimé par le Greffier sur cette question ?

14 M. le Président (interprétation). - Non, nous avons reçu une

15 lettre du Greffe que j'ai entre les mains en ce moment, dans laquelle il

16 est indiqué que selon le Greffe, les conditions ne sont pas remplies, et

17 que c'est la Chambre de première instance qui aura le dernier mot.

18 Pour ce qui nous concerne, nous avons décidé de nous en tenir à

19 la pratique judiciaire des autres Chambres de première instance ainsi qu'à

20 la décision rendue par notre Chambre de première instance dans les

21 affaires Tadic et Kupreskic. Nous avons donc décidé d'accorder à Me Par le

22 titre d'assistant juridique. La même remarque s'applique à toute question

23 éventuellement posée à l'avenir, ainsi qu'à votre requête.

24 Et bien entendu, je suis tout à fait prêt dans ces conditions à

25 respecter votre demande et à vous donner la parole sur cette question dans

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1 le courant de l’après-midi pour vous permettre de vous préparer.

2 Je voudrais maintenant demander à l'accusation si elle peut

3 revenir sur cette question immédiatement, ou s'il serait préférable que

4 nous passions… enfin je pourrais poser une question à l'accusation au

5 sujet des deux requêtes ex parte, déposées récemment par elle. Nous avons

6 le sentiment qu'il est probablement inutile que l'accusation présente des

7 arguments par oral au sujet de ces requêtes, car leur contenu est tout à

8 fait clair, et nous pouvons donc rendre une décision à leur sujet sans

9 entendre aucun argument présenté oralement. Mais, si l'accusation

10 souhaite, est prête et veut présenter ses arguments oralemement, bien

11 entendu il faudra que nous nous réunissions ex parte.

12 Quelle est votre position du côté de l'accusation ?

13 M. Terrier. – Monsieur le Président, je m'en rapporte à votre

14 précession. Je pense qu’effectivement les requêtes sont par elles-mêmes

15 claires. Si le Tribunal souhaite des explications complémentaires, nous

16 nous efforcerons de les fournir. Je pense qu'effectivement les éléments du

17 problème sont dans les mains du Tribunal.

18 M. le Président (interprétation). - Merci. Très bien, donc nous

19 nous prononcerons sur cette question au cours de la pause déjeuner si cela

20 est possible.

21 J'aimerais maintenant que nous abordions deux autres points déjà

22 évoqués ce matin, qui s'ajoutent aux divers éléments que j'ai énumérés

23 dans ma première intervention.

24 La première question, c'est la situation du point de vue des

25 mesures de protection qui a été évoquée par l'accusation -les autres

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1 problèmes ayant été soulevés par les Conseils de la défense- à savoir en

2 particulier, la restitution des biens, des objets personnels de

3 Vlatko Kupreskic.

4 Deuxième point, l'examen par un médecin spécialiste de

5 Vlatko Kupreskic.

6 Si vous le voulez bien, j'aimerais que nous commencions par les

7 mesures de protection, et je prierai l'accusation si elle en est d'accord

8 pour traiter brièvement de ce point, ce qui nous permettra en cas de

9 nécessité par la suite de donner la parole au Conseil de la défense et de

10 procéder plus avant.

11 M. Terrier. – Oui, Monsieur le Président. Ce que l'accusation

12 souhaitait à cet instant évoquer, c'est la manière dont le Tribunal

13 souhaite que nous procédions, la défense et nous-mêmes en l'occurrence,

14 pour les mesures de protection qui seront sollicitées par un certain

15 nombre de témoins.

16 D'ores et déjà, nous savons que certains témoins, évidemment

17 tous résidant en Bosnie, demanderont des mesures de protection et à

18 l'appui de cette demande feront valoir des arguments que j'estime, pour ma

19 part, tout à fait bien fondés.

20 Par exemple, certains témoins se trouvent engagés dans des

21 relations professionnelles ou sociales avec des membres de l'autre

22 communauté et souhaitent que le concours qu'ils apportent au Tribunal

23 international reste le plus discret possible. Le Tribunal sait bien que la

24 situation en Bosnie-Herzégovine, et en particulier dans le centre de la

25 Bosnie-Herzégovine, reste une situation relativement instable et que des

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1 tensions assez vives et quelquefois même très vives opposent toujours les

2 communautés entre elles. Et donc les demandes de protection, qui seront

3 formulées, seront pour la plupart... et si nous les reprenons à notre

4 compte nous estimerons qu'elles seront parfaitement justifiées par des

5 données de fait, par la nécessité de protéger la vie privée et la sécurité

6 des témoins comme le prévoit, non seulement le statut, mais plusieurs

7 dispositions du Règlement de procédure.

8 Ce que nous envisageons de suggérer de manière à aller le plus

9 vite possible, à perdre le moins de temps possible sur cette question et à

10 simplifier le travail de chacun, c'est

11 que, lorsque la défense acceptera les mesures de protection sollicitées

12 qui tiendront par exemple, en l'altération de la voix, la dissimulation du

13 visage et pour certains mais pas pour tous, l'utilisation en outre d'un

14 pseudonyme, dans la mesure où la défense accepte ces mesures de

15 protection, le Tribunal n'a pas à rendre une décision particulière.

16 Pour ce qui concerne les demandes de huis clos en revanche, la

17 situation est évidemment différente dans la mesure où, selon le Règlement

18 de procédure, le Tribunal est tenu d'expliquer les raisons de sa décision

19 ordonnant le huis clos, cela compte tenu bien entendu du principe de

20 publicité de l'audience de ce Tribunal.

21 Nous n'envisagerons que très rarement, et je ne sais pas même à

22 cet instant si nous le ferons, de demander des audiences à huis clos. Je

23 n'exclue pas de devoir le faire mais je ne suis pas en mesure d'affirmer

24 quand je serai... quand l'accusation sera contrainte de le faire. Mais

25 d'ores et déjà, et même pour des témoins qui sont prévus cette semaine,

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1 des mesures de protection minimale si je puis dire, telles que

2 l'altération de la voix, la dissimulation du visage et peut-être

3 l'utilisation d'un pseudonyme, seront demandées. Et ce que je souhaite

4 simplement, c'est que le Tribunal nous dise de quelle manière pratique,

5 selon quel délai par exemple, il souhaite que nous procédions pour ces

6 demandes de protection selon qu'elles seront acceptées par la défense ou

7 éventuellement ne seront pas acceptées par la défense.

8 M. le Président (interprétation). - Je me demandais si l'un ou

9 l'autre des conseils de la défense avait quelque chose à dire sur ce point

10 particulier. Après une rapide consultation de mes collègues les Juges,

11 nous avons le sentiment que pour répondre à la demande de l'accusation,

12 nous pouvons vous expliquer notre philosophie. Bien entendu nous pensons

13 que cette philosophie consiste à penser que les mesures de protection

14 demandées par l'une ou l'autre des parties doivent, dans la majeure partie

15 des cas, être respectées pour peu qu'elles ne nuisent pas bien entendu aux

16 droits de la défense, qui sont sacro-saints. Nous avons donc, en général,

17 tendance à être très généreux dans la satisfaction de toute demande visant

18 à protéger les

19 témoins.

20 Mais notre deuxième réflexion sur le sujet consiste à penser que

21 nous ne pouvons pas bien sûr rendre une décision globale sur un sujet de

22 cette nature et que ces décisions doivent être rendues au cas par cas,

23 comme il est inutile de l'expliciter davantage.

24 Et puis, troisième réflexion s'agissant des délais, dans le

25 concret, je pense que lorsque les parties sont d'accord pour les mesures

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1 de protection, il conviendrait que nous demandions à la partie qui n'a pas

2 demandé les mesures de protection un jour avant la date prévue pour

3 l'apparition du témoin, si elle est d'accord ou pas avec l'application de

4 ces mesures de protection, après quoi elles seront appliquées. Est-ce que

5 cela vous paraît réalisable si, par exemple, un jour avant la date de

6 citation du témoin, vous proposez au Tribunal des mesures de protection

7 applicables à tel ou tel témoin, nous pouvons nous prononcer immédiatement

8 après consultation de l'autre partie ? Quel est votre avis sur ce mode de

9 fonctionnement ?

10 M. Terrier. - Je ne vois aucun inconvénient à cette manière de

11 procéder. Peut-être le Tribunal souhaitera-t-il que l'un des avocats de la

12 défense soit désigné comme étant notre interlocuteur sur ces questions-là

13 et que systématiquement avant de saisir le Tribunal, nous sollicitions cet

14 avocat de manière à savoir s'il est d'accord ou pas avec cette mesure de

15 protection envisagée par l'accusation, et de cette manière-là en informer

16 complètement le Tribunal. Mais il serait souhaitable que l'un des avocats

17 soit désigné à cette fin.

18 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois

19 que votre suggestion est tout à fait sensée, nous avions déjà pensé à

20 l'idée d'un conseil chargé de la coordination et nous aimerions savoir ce

21 matin si un tel conseil a déjà été désigné. Nous avons posé la question il

22 y a quelques temps de cela déjà et je crois me souvenir que quelques

23 conseils de la défense ont dit qu'ils ne pouvaient désigner un seul

24 conseil chargé de la coordination. Ils ont fait allusion à deux conseils,

25 un conseil qui s'exprimerait au nom d'un groupe précis, je pense que vous

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1 avez parlé du groupe de Zagreb, est-ce que je me trompe ? Et vous avez

2 parlé d'un autre groupe lié à

3 une autre région, à une autre ville.

4 Mais puisque nous parlons de cette question, étant donné qu'il

5 s'agit d'une question que je souhaitais soulever cet après-midi dans le

6 cadre des questions d'intendance comme je les ai appelées, est-ce que vous

7 pourriez me dire si vous vous êtes mis d'accord ou non sur un conseil de

8 la défense qui pourrait intervenir au nom des autres pour discuter de tous

9 ces points-là, et notamment pour être en contact avec l'accusation pour

10 que nous puissions accélérer les questions d'ordre pratique et pour que

11 nous puissions en traiter le plus rapidement possible ? Est-ce que je peux

12 demander à l'un d'entre vous de s'exprimer sur ce point ?

13 Monsieur Radovic, je crois, si mes souvenirs sont bons... Est-ce

14 que Me Radovic pourrait nous en parler ? Est-ce que vous pourriez, vous,

15 nous rappeler quelle a été votre décision, ou si vous avez changé d'avis ?

16 M. Radovic (interprétation). - Malheureusement,

17 Monsieur le Président, nous n'avons pas encore pris de décision à ce

18 sujet-là. Si c'est indispensable bien évidemment, nous pouvons désigner le

19 coordonnateur, mais si vous voulez bien, nous pouvons lever la pause et

20 voir entre nous qui serait désigné comme coordinateur.

21 M. le Président (interprétation). - Je pense que le coordinateur

22 a déjà été désigné, c'est Petar Pavkovic, c'est déjà formulé dans le

23 procès-verbal, nous l'avons déjà précisé, notre collègue Me Radovic a été

24 l'auteur de cette proposition.

25 M.Susak (interprétation). – Monsieur le Président, oui, je crois

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1 que vos souvenirs sont exacts.

2 Mme le Greffier (interprétation). - Le 15 mai.

3 M. le Président (interprétation). - Vous avez entièrement le

4 temps de disposer de tout le temps dont vous avez besoin et peut-être que

5 vous pourrez faire rapport cet après-midi. Est-ce que cela vous convient,

6 de nous communiquer le résultat à 14 heures, après la suspension

7 d'audience, pour pouvoir en parler pendant la pause déjeuner ? J'ai bien

8 peur qu'à la fois les

9 parties et les Juges devront travailler pendant la pause déjeuner, ce qui

10 est fatigant.

11 Voilà donc pour les mesures de protection.

12 Peut-être que nous pourrions rapidement examiner la question

13 soulevée par le conseil de Vlatko Kupreskic quant à la restitution des

14 documents et des biens appartenant à Vlatko Kupreskic ? Et étant donné que

15 cette question a été brièvement évoquée ce matin par Me Krajina, est-ce

16 que l'accusation est en mesure d'énoncer son point de vue sur cette

17 question précise ?

18 M. Moskowitz (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

19 Nous avons déposé le 20 mai, je crois, une suite à l'ordonnance de la

20 Chambre de première instance, un compte rendu détaillé de ce qui figurait

21 dans la serviette et nous avons décrit les documents qui se trouvaient

22 dans cette serviette, et nous n'avons pas trouvé ces documents. Un

23 inventaire a été effectué, une vérification a été faite. Nous avons essayé

24 de faire en sorte que M. Kupreskic examine la serviette lui-même, mais la

25 serviette avait déjà été renvoyée en Bosnie à ce moment-là. Nous estimons

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1 donc que ces documents ne se trouvaient pas dans la serviette lorsque nous

2 l'avons obtenue de la SFOR en 1997.

3 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

4 Etant donné que vous avez la parole, est-ce que vous pourriez

5 dire à la Chambre de première instance ce que vous pensez de l'examen

6 médical spécialisé qui a été soulevé par Me Krajina ?

7 M. Moskowitz (interprétation). - Nous avons besoin de quelques

8 isntants pour nous consulter.

9 Nous n'avons pas d'objection à ce type d'examen.

10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

11 Maître Krajina, est-ce que vous pouvez réagir à cela, je vous prie ?

12 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, tout

13 d'abord, je voudrais

14 vous remercier de bien vouloir donc intégrer dans l'ordre du jour les deux

15 questions qui, à notre sens, sont extrêmement importantes du point de vue

16 de la défense de l'accusé Kupreskic et pour ce qui concerne la restitution

17 des documents qui se sont trouvés dans la serviette de l'accusé Kupreskic,

18 je voudrais, avec votre permission, très brièvement, vous faire quelques

19 précisions… vous donner quelques explications concernant ce problème.

20 Nous avons eu un certain nombre de fois des contacts avec le

21 Bureau de l'accusation, on en a parlé également à la conférence le 15 mai

22 de cette année et c'est dans ce sens-là également qu'il y a eu une

23 décision de la Chambre de première instance. Il a été donc expressément

24 demandé de restituer tous les biens à l'accusé.

25 Le Bureau de l'accusation a contesté 14 documents en prétendant

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1 ceci : notre collègue de l'accusation prétendait qu'ils ne se trouvaient

2 pas dans le suitcase au moment où il a été pris par les personnes qui ont

3 entouré l'accusé. C'est le 2 juin donc que nous avons envoyé une demande à

4 la Chambre et la défense, une fois de plus, avait précisé que les biens

5 qui se trouvaient dans la serviette, donc les biens contestés se sont

6 trouvés donc dans cette serviette de l'accusé, étant donné qu'il avait

7 l'intention d'en profiter au moment où il allait parler devant le

8 Tribunal. Il avait gardé toutes les copies de ses documents et il est en

9 possession de toutes les copies des documents en question.

10 Quelles sont les raisons pour lesquelles nous insistons de

11 manière persistante là-dessus ? C'est pour éviter de s'assurer un certain

12 nombre de documents… et de compliquer de cette manière-là tout le dossier,

13 tous les documents. Nous avons peur, par la suite également, qu'au moment

14 où les copies vont être présentées au Tribunal, qu'elles soient

15 contestées. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté et nous

16 insistons en permanence pour que les originaux puissent être trouvés et

17 restitués à l'accusé.

18 Il y a une requête également qui a été présentée à la Chambre de

19 présenter les documents en question et de préciser que le Procureur devait

20 à la fois également présenter une

21 liste, donc un inventaire de tous les biens qui ont été trouvés dans la

22 serviette de l'accusé au moment où cette serviette a été prise. C'est le

23 20 mai 1998 qu'il a été précisé que l'inventaire n'a pas été dressé, en ce

24 qui concerne les biens qui ont été dans la serviette et, par conséquent,

25 n'a pas satisfait à notre demande. Actuellement, l'accusation ne peut que

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1 prétendre que ces documents ne se trouvaient pas dans la serviette.

2 Nous avons proposé par ailleurs que le problème soit résolu sous

3 forme différente, enfin sous deux formes différentes, ou bien par la liste

4 et par les inventaires qui éventuellement existent ou par l'audition des

5 personnes qui étaient en contact avec la serviette en question,

6 éventuellement, elle n'était pas en possession de l'accusation auparavant,

7 donc de faire un constat ou bien dans le cas où ceci ne pourrait pas être

8 fait, de permettre à la défense que les copies de ces documents puissent

9 être utilisées lors du procès devant la Chambre d'instance, et que, par

10 conséquent, ces copies ne soit pas contestées par la suite. Je pense bien

11 évidemment aux copies des documents qui se trouvaient dans la serviette.

12 C'est la raison pour laquelle nous vous prions de bien vouloir nous donner

13 une réponse et surtout nous prions la Chambre de première instance de

14 prendre une décision à ce sujet-là. C'est une première question.

15 Une deuxième question porte sur la requête concernant l'examen

16 médical de notre accusé Vlatko Kupreskic, selon le dossier médical dont

17 nous disposons, il est invalide à 100 %. Tout d'abord, il a une maladie

18 congénitale du coeur, une intervention chirurgicale a été également faite,

19 pratiquée sur le cœur, depuis sept mois, depuis qu'il se trouve en

20 détention, nous avons demandé à ce que les experts, les cardiologues

21 puissent examiner notre client et qu'ils donnent leur diagnostic. Compte

22 tenu du fait que pendant que l'accusé se trouve en détention et nous

23 savons que, pour les cardiaques, cela peut être très délicat et dangereux,

24 il se trouve souvent également dans des situations critiques du point de

25 vue maladie.

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1 C'est la raison pour laquelle dans notre requête nous avons

2 demandé l'autorisation de l'examen de notre client par des experts

3 cardiologues de Croatie, nous avons proposé un

4 certain nombre de noms, les professeurs de la faculté de médecine, mais le

5 Greffe n'a pas accepté cette proposition. Il nous a informé que

6 M. Kupreskic sera examiné par un cardiologue, docteur Dijkman qui vient

7 des Pays-Bas. Pour le moment, il n'a pas été encore examiné, nous n'avons

8 pas encore reçu une information à ce sujet-là, tout au moins, on ne sait

9 pas quelles étaient les raisons pour lesquelles il n'a pas été examiné.

10 Nous nous devons également de souligner par ailleurs que nous

11 sommes fort préoccupés par la santé de notre client. On ne souhaiterait

12 pas en tant que… en notre qualité de sa défense, porter la responsabilité,

13 si jamais il lui arrivait quoi que ce soit, vu les conditions dans

14 lesquelles il se trouve dans la détention. Donc, en me référant une fois

15 de plus à ce problème médical, nous avons également demandé à

16 l'administration de la prison de permettre à notre client de pouvoir se

17 promener deux fois par jour et donc, deux fois plus que normalement, quand

18 les gens sont en bonne santé. Nous n'avons pas eu la permission de ce

19 côté-là, étant donné que même l'administration de manière officieuse a

20 répondu positivement à notre requête, mais nous n'avons pas eu la réponse

21 par écrit.

22 Par la suite, nous avons également demandé à ce que

23 Vlatko Kupreskic puisse sortir pendant le procès en dehors des cabines où

24 il n'a pas suffisamment d'air frais et de pouvoir donc, pendant les

25 pauses, séjourner dans des locaux, dans des pièces qui sont plus

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1 confortables où il y a un peu plus d'air frais. Pour le moment, nous

2 n'avons pas encore eu la réponse. Jusqu'à maintenant, c'est la raison pour

3 laquelle nous demandons à la Chambre de première instance de bien vouloir

4 en prendre la décision. Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

6 (Le Président et les Juges discutent entre eux.)

7 Très bien. Je commencerai par la question de la restitution des

8 documents ainsi que des biens à M. Vlatko Kupreskic.

9 Je crois savoir qu'il s'agit de 14 documents qui manquent qu'on

10 ne peut retrouver.

11 Nous ne mettons pas en doute la bonne foi des personnes qui ont saisi ces

12 documents. Ils se sont probablement égarés. Nous estimons donc que le

13 conseil de la défense a le droit d'utiliser des copies de

14 ces 14 documents. L'accusation, bien entendu, ne pourra contester

15 l'authenticité de ces copies. Il va sans dire que nous tiendrons compte du

16 fait que nous utiliserons des copies.

17 Pour ce qui est de l'examen médical spécialisé, la Chambre de

18 première instance partage pleinement les préoccupations du conseil de la

19 défense, et nous allons demander au Greffe de faire en sorte que

20 M. Vlatko Kupreskic reçoive la visite d'un ou deux cardiologues le plus

21 rapidement possible.

22 En réalité, j'espère que cela interviendra dans les quelques

23 prochains jours. Je suis d'accord avec vous, il est crucial que l'accusé

24 puisse être examiné par un ou d'autres spécialistes. Bien entendu, cela

25 relève de la compétence du Greffe, mais aujourd'hui, nous demanderons au

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1 Greffe de faire en sorte que les mesures adéquates soient prises.

2 Pour ce qui est maintenant de la question de l'air frais, nous

3 partageons vos préoccupations. Nous estimons qu'il s'agit d'une requête

4 fondée, mais il s'agit là d'une question qui doit être tranchée par le

5 Greffe. Nous demanderons au Greffe de faire en sorte que l'accusé dispose

6 d'air frais si possible, au lieu d'être enfermé dans une pièce. Je pense

7 que nous avons ainsi résolu ce point.

8 Etant donné qu'il nous reste encore du temps, je me demande si

9 l'accusation peut, à présent, nous en dire plus sur la liste des témoins ?

10 M. Terrier. - Oui, Monsieur le Président. Je me réfère donc à

11 cette liste de 71 noms de témoins, qui a été remise à votre Tribunal au

12 début du mois d'août conformément au souhait exprimé lors de la mise en

13 état. Je confirme, j'indique que 10 témoins et non pas 8 comme je l'ai

14 indiqué par erreur tout à l'heure -je prie le Tribunal de m'en excuser-

15 10 témoins n’ont fait, sur ces 71, aucune sorte de déclaration écrite, si

16 bien que nous ne pouvons pas communiquer quoi que ce soit sur le fondement

17 de l'article 66.

18 Effectivement, je crois que c'était une observation de la

19 défense tout à fait exacte. C'est bien 10 témoins de cette liste de 71, et

20 non pas 8 comme je l’ai indiqué tout à l'heure. A la date du 16 juin,

21 38 des déclarations de 38 témoins ont été communiquées, figurant sur cette

22 liste de 71 toujours, ont été communiquées à la défense.

23 A la date du 30 juin, les déclarations de 14 témoins ont été

24 communiquées à la défense. Parmi ces 14 témoins figurent 7 témoins dont le

25 Tribunal avait autorisé le report de communication.

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1 A la date du 17 juillet, les déclarations de 5 témoins ont été

2 communiquées à la défense, et à la date du 5 août, 3 témoins ont été

3 notifiés à la défense et j'ajoute que, mais là c'est conformément aux

4 ordres du Tribunal, le 10 août a été communiquée une déclaration, c'était

5 le dernier des témoins dont le Tribunal avait bien voulu accepter la

6 protection.

7 Et donc, si on fait un bref calcul arithmétique, sur cette liste

8 de 71 témoins dont il convient de retrancher 7 noms, 7 témoins qui ne

9 viendront pas et peut-être d'autres témoins, ce qu’aujourd'hui nous ne

10 savons pas bien entendu, ce sont effectivement 15 noms dont la

11 communication est justifiée, dont le Procureur entend justifier la

12 communication au-delà du délai de 60 jours sur le fondement de

13 l'article 66, paragraphe A, deuxième membre de phrase. C’est-à-dire, ce

14 sont des témoins dont il est apparu, après le délai, qu'ils étaient

15 nécessaires à l'accusation.

16 J'ajoute simplement une chose qui fait que la situation est, par

17 la force des choses, est quelquefois un peu confuse : c'est qu'après le

18 délai, dans le délai de 60 jours et pour certain des témoins qui avaient

19 été dénoncés à la défense dans le 16 juin, c’est-à-dire dans le délai

20 de 60 jours, des déclarations complémentaires pour les témoins déjà connus

21 de la défense ont été communiquées à la défense. Il s'agissait le plus

22 souvent de déclarations dont nous disposions, mais qui se trouvaient en

23 langue serbo-croate, si bien qu'une traduction était nécessaire, des

24 délais ont été exigés, et par conséquent, certaines déclarations n'ont pas

25 le nom

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1 du témoin mais certaines déclarations de ces témoins ont été communiquées

2 après le délai, le 16 juin 1998, et le délai de 60 jours.

3 Mais à cet égard, je peux affirmer au Tribunal, et je ne pense

4 pas être démenti par la défense, pour ce qui concerne les déclarations

5 complémentaires qui ont été communiquées par l'accusation, il s'agit

6 simplement de documents que, par acquis de conscience, nous avons souhaité

7 communiquer à la défense mais qui n'apportaient rien, ni pour

8 l'accusation, ni pour la défense par rapport aux précédentes déclarations.

9 Nous avons simplement souhaité être parfaitement complets, et

10 communiquer à la défense tout ce que nous possédions, intéressants ou pas,

11 sur nos mémoires informatiques ou dans nos armoires. Donc voilà quelles

12 sont les données de la communication. Encore une fois, je réitère le

13 sentiment que nous n'avons pas abusé des dispositions du Règlement de

14 procédure. Simplement nous nous sommes conformés à l'esprit de ce

15 Règlement de procédure, non seulement d’ailleurs à l'esprit mais aussi à

16 la lettre. Nous nous sommes conformés de la même manière aux ordres du

17 Tribunal et les 15 témoins dénoncés tardivement disons, ou plutôt en

18 dehors après le délai de 60 jours, sont… répondent aux activités qui ont

19 été déployées, que le Procureur a continué de déployer après ce délai

20 de 60 jours.

21 Il me semble donc que le Procureur et ses représentants se sont

22 parfaitement conformés au Règlement de procédure, à l'esprit de ce

23 Tribunal et aux ordres de votre Tribunal.

24 M. le Président (interprétation). - Merci. Il y a deux points.

25 Tout d'abord, est-ce qu'on pourrait avoir la liste telle qu'elle figure

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1 dans le document soumis le 3 août, l'ordre dans lequel vous comptez

2 appeler ici les différents témoins, cette liste avec un complément ?

3 C'est-à-dire, pour chaque témoin, vous indiquez quand vous avez déposé,

4 communiqé à la défense les déclarations, quels sont les témoins qui ne

5 pourraient pas venir, les sept témoins qui peut-être ne vont pas venir

6 ici, et quelles sont les quinze dont vous parliez.

7 Vous pourriez peut-être avant, parce qu’on comptait décider sur

8 cette question à l'heure du déjeuner. Si on pouvait avoir cette liste

9 avant la fin, peut-être dans une demi-heure, cela serait très utile.

10 Mais il y a un autre problème qui nous tracasse un peu et j'en

11 ai parlé avec mes collègues, on en a parlé pendant la pause : les

12 10 témoins pour lesquels vous n'avez pas donné... passé de déclaration à

13 la défense, parce qu'il n'y a pas de déclaration, mais la défense a le

14 droit de se préparer, préparer son examen des témoins et donc je crois que

15 nous estimons que la défense a le droit d'avoir du moins un petit sommaire

16 pour chaque témoin avec la liste des sujets que les témoins vont aborder

17 lors de leur témoignage. C'est un point essentiel. Autrement, la défense

18 ne peut pas se préparer... sa défense. Sans une indication ne serait-ce

19 que sommaire des points essentiels sur lesquels va porter le témoignage,

20 la défense n'est pas à même de savoir quels sont les problèmes sur

21 lesquels ils vont se pencher. Est-ce que le Procureur est en mesure de

22 nous...à même de nous présenter, de passer surtout à la défense ce

23 sommaire pour chacun des dix témoins ?

24 M. Terrier. - Si le Tribunal souhaite que cela soit fait par

25 l'accusation, bien entendu, nous le ferons, et je comprends parfaitement

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1 les raisons du Tribunal. J'exprime aussi une préoccupation du fait

2 qu'aucune disposition sur cette question n'est prévue dans le Règlement.

3 Il est prévu que les déclarations des témoins soient

4 communiquées à la défense, les noms de ces témoins. Il n'est pas prévu que

5 des mesures particulières soient prises pour l'une ou l'autre des parties

6 d'ailleurs, parce que la question pourra se poser de la même manière pour

7 la défense le moment venu, que des dispositions particulières soient

8 prises pour informer cette partie de la substance du témoignage.

9 Nous nous efforcerons de le faire bien entendu, car je conçois

10 que cette manière de procéder est évidemment souhaitable, avec cette

11 réserve qu'il sera souvent difficile d'être complètement exact ou surtout

12 d'être complet sur ce témoignage que nous escomptons soumettre au

13 Tribunal, simplement sur le fondement des supputations et des recherches

14 qui sont entreprises par le ministère public.

15 Par exemple, si nous faisons... nous invitons un démographe à

16 venir témoigner devant le Tribunal, il est clair que nous savons quel

17 sujet nous entendons lui voir développer devant le Tribunal, et il est

18 aisé non pas d'apporter à la défense les réponses qui sont fournies par

19 les témoins mais du moins la substance de son témoignage ou l'orientation

20 des questions qui seront posées. Mais en revanche, si nous invitons un ou

21 une ethnologue à s'exprimer devant le Tribunal sur la vie, les relations

22 entre les communautés qui vivaient en Bosnie centrale en 1992, avant 1992

23 et après 1993, il est moins aisé, pour nous en tout cas, de dire quelle

24 sera la substance de ce témoignage, sauf évidemment à se limiter à dire ce

25 que je viens de vous dire.

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1 Donc, sous ces réserves et comprenant parfaitement les

2 préoccupations et les voeux exprimés par le Tribunal, nous allons nous

3 efforcer dans les plus brefs délais d'apporter à la défense un certain

4 nombre d’indications même sommaires, et le Tribunal pourra peut-être

5 excuser dans certains cas qu'elles soient sommaires sur ces témoins qui

6 n'ont pas fait de déclaration écrite ou en tout cas dont nous ne disposons

7 d'aucune déclaration écrite. Si cet engagement correspond aux voeux du

8 Tribunal, nous le tiendrons bien entendu.

9 M. le Président. - Oui, tout à fait d’autant plus que je me

10 permets de ne pas être d'accord pour ce qui est du problème juridique :

11 vous dites qu'il n'y a pas de disposition dans le Règlement, mais, ce

12 n'est pas vrai, il y a un principe fondamental dans le Statut, c’est

13 l’article 21 paragraphe 4(B) : "Tout accusé a droit à disposer du temps et

14 des facilités nécessaires à la préparation de sa défense". Pour préparer

15 la défense, l'accusé a besoin de voir de quoi il s'agit, quels sont les

16 sujets.

17 D'abord, nous avons un fondement juridique très solide pour

18 protéger les droits de la défense d'un côté et, d'un autre côté, je me

19 permets d'insister sur un point sur lequel nous avons déjà parlé lors

20 d'une audience précédente pour ce qui est des témoins experts, c'est-à-

21 dire,

22 essayons de limiter autant que possible l'audition de témoins experts,

23 parce qu'il faut éviter cette tendance que parfois on peut constater chez

24 le Bureau du Procureur à élargir un peu trop la portée de l'affaire,

25 tandis qu'il faut se concentrer sur les allégations faites par le

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1 Procureur contre les accusés. Il faut essayer autant que possible de

2 limiter les témoins, le nombre de témoins ou d'experts, de témoins experts

3 qui ne parlent pas des accusés.

4 Je comprends bien qu'il y a un problème juridique, c’est-à-dire

5 le problème des crimes contre l'humanité qui implique le problème de la

6 persécution, etc. Donc, le Procureur a besoin de montrer ou d'insister sur

7 certains points généraux pour dans ce cadre, se pencher sur les charges

8 contre les accusés.

9 Mais essayons de focaliser notre attention sur ces charges

10 plutôt que sur les problèmes généraux dont la démographie, etc. Essayons

11 de limiter autant que possible tout ce qui a trait aux problèmes généraux

12 concernant, par exemple, les rapports entre groupes ethniques. Je me

13 demande -mais cela bien sûr vous avez toute liberté de produire des

14 témoins- mais nous avons aussi le droit de limiter le nombre des témoins

15 et aussi la durée du témoignage si nous considérons que ce n'est pas tout

16 à fait... ou bien n’est pas pertinent ou n’est pas crucial pour ce qui est

17 des accusations portées contre les accusés.

18 M. Terrier. - Monsieur le Président, j'entends bien. J’évoquais

19 un démographe à titre d'exemple, je ne dis pas qu'un témoin démographe

20 viendra devant le Tribunal, je ne le crois pas d’ailleurs nécessaire. Ce

21 que je voudrais dire simplement à ce stade, c'est que l'esprit,

22 l'intention de représenter l'accusation n'est certainement pas de faire

23 perdre au Tribunal son temps ou de le conduire sur des voies de traverse

24 parfaitement inutiles. Notre état d'esprit est bien entendu de nous

25 limiter aux faits de l'accusation le plus qu'il est possible, mais nous

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1 souhaitons aussi bien entendu donner un certain nombre d'explications sur

2 les circonstances des crimes qui sont inclus dans l'acte d'accusation et

3 sur les circonstances de l'époque.

4 Je pense que ce que nous souhaitons simplement faire, et peut-

5 être y parviendrons

6 nous, je ne sais pas, c'est donner au Tribunal tous les moyens de juger.

7 Vous me direz que c'est une très grande ambition, mais nous n'irons pas

8 au-delà et je prie le Tribunal de croire que nous ne souhaitons pas que ce

9 procès dure plus qu'il n'est nécessaire.

10 M. le Président. – Merci, je crois que maintenant on approche de

11 la fin de l'audience. Donc, on va suspendre l'audience, lever l'audience,

12 mais cet après-midi, on commence à 2 heures pile. Je souhaite qu'entre-

13 temps le Procureur, j'espère aussitôt que possible, peut-être dans les

14 dix ou quinze minutes, puisse nous donner le document dont je parlais et

15 j'espère que cet après-midi on ne va pas consacrer plus que trois quarts

16 d'heure à ces problèmes préliminaires, en incluant les problèmes pratiques

17 que j'aimerais bien soulever avec les deux parties pour passer

18 immédiatement aussitôt que possible, en tous cas, à la déclaration

19 liminaire de l'Avocat général et, de cette manière, commencer le véritable

20 procès.

21 Mais M. le Juge May souhaite poser une question.

22 M. May (interprétation). – Maître Terrier, avez-vous ce document

23 dont nous parlions avec les témoins ainsi que les dates de divulgation ?

24 Avez-vous ce document ? Derrière vous, on vous tend un document.

25 (L'huissier passe le document au Greffe qui le remet au

Page 66

1 Président.)

2 M. le Président. – Bien, même s'il ne s'agit pas d'un document

3 entièrement complet, nous pouvons l'utiliser pour parvenir à notre

4 décision. Nous allons maintenant suspendre l'audience et reprendre à

5 14 heures précises.

6 Nous commencerons avec les conseils de la défense, nous espérons

7 que les conseils de la défense nous communiqueront le nom du conseil

8 chargé de la coordination. Après cela, je demanderai à Me Krajina de nous

9 en dire plus sur la requête sur M. Vlatko Kupreskic, puis nous aborderons

10 quelques questions d'intendance et j'espère qu'avant même la pause, qui

11 interviendra vers 15 heures 30, l'accusation, le Procureur pourra

12 commencer par sa déclaration liminaire qui ne sera pas très longue, je

13 pense, car nous avons déjà reçu un mémoire précédant le procès très

14 détaillé.

15 Nous pourrons ensuite passer à plusieurs autres questions ou

16 témoins.

17 J'aimerais demander au conseil de la défense s'il souhaite faire

18 une déclaration liminaire à ce stade ou s'il préfère s'en acquitter après

19 la présentation des moyens de preuve de l'accusation. Veuillez me le

20 communiquer cet après-midi. Nous suspendons l'audience et nous reprendrons

21 à 14 heures précises.

22 (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 14 heures.)

23 M. le Président (interprétation). - Bonjour.

24 M.Susak (interprétation). - Monsieur le Président, je vais vous

25 demander d'inscrire à l'ordre du jour une certaine question, plutôt que

Page 67

1 nous éclaircissions la question de l'alibi soulevée par le Juge May.

2 J'aimerais prendre la parole sur cette question, merci.

3 M. le Président (interprétation). - Oui, nous allons le faire

4 dans un instant mais tout d'abord, j'aimerais que nous parlions d'autres

5 questions. J'aimerais tout d'abord vous donner lecture de notre décision

6 suite à la requête déposée le 13 août de la part des conseils de Zoran et

7 Mirjan Kupreskic. Elle se lit comme suit : "La Chambre de première

8 instance décide la chose suivante : les témoins de l'accusation dont les

9 déclarations ont été divulguées à la défense après le 16 juin 98 peuvent

10 être cités par l'accusation uniquement 30 jours après la date de

11 divulgation. Cette décision s'applique également aux dix témoins pour

12 lesquels l'accusation fournira un résumé de déposition, alors que cela ne

13 s'applique pas aux huit témoins pour lesquels la Chambre de première

14 instance a ordonné des mesures de protection."

15 D'ici à demain matin, nous rendrons une ordonnance sur les

16 deux requêtes ex parte déposées par l'accusation. Nous avons déjà délibéré

17 sur ces deux questions et à présent nous pouvons passer à d'autres

18 questions. J'aimerais tout d'abord demander aux conseils de la défense

19 s'ils ont désigné un conseil responsable de la coordination. J'aimerais

20 demander à Me Pavkovic si on l'a désigné en cette qualité.

21 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, suite à

22 une décision à l'unanimité de la part de mes collègues, à l'avenir c'est

23 moi qui exprimerai les points de vue exprimés nécessaires par mes

24 collègues en tant que points de vue communs. Bien entendu cela n'a pas

25 trait à la défense de chacun des accusés ; ici présents se trouvent des

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1 conseils pour chacun des accusés qui se chargeront de cette tâche. Merci.

2 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. C'est une

3 très bonne nouvelle. Quant à la définition du conseil chargé de la

4 coordination et quant aux tâches qu'il a à remplir, j'aimerais vous

5 rappeler les lignes directrices que nous avons adoptées pour le procès :

6 les conseils de la défense devront désigner parmi leurs rangs un conseil

7 chargé de la coordination qui sera chargé de s'adresser au Tribunal et

8 d'entrer en contact avec l'accusation sur les points de vue communs des

9 coaccusés, ce qui correspond tout à fait à ce que vous venez de dire. Je

10 suis donc très heureux de constater que les conseils de la défense ont

11 décidé à l'unanimité de vous désigner en tant que conseil chargé de la

12 coordination.

13 J'aimerais maintenant passer à la question de la défense d'alibi

14 et je demanderai à Me Susak de s'exprimer.

15 M.Susak (interprétation). - Monsieur le Président, en ce qui

16 concerne l'alibi, c'est une question fort délicate aussi bien pour moi que

17 pour mon client, Josipovic. En d'autres termes, dans l'acte d'accusation

18 on incrimine M. Josipovic, ainsi que les autres, d'avoir commis un certain

19 nombre d'actes entre le mois d'octobre et le mois de mai. Donc c'est

20 pendant cette période-là qu'il est pratiquement impossible que... de

21 pouvoir se référer à l'alibi étant donné qu'à cette époque-là il était

22 autour de sa... il se trouvait dans l'environnement de sa maison, là où

23 habitaient son épouse, sa mère, les enfants, etc.

24 Il y a autre chose également, et je voulais attirer votre

25 attention là-dessus Monsieur le Président : il y a Marinko Katava qui a

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1 été également... qui a fait l'objet de l'acte d'accusation. Il se référait

2 tout simplement à l'alibi du 16 avril et le Procureur a donc constaté ce

3 fait-là, ce qui a en quelque sorte préoccupé un petit peu mon client. Il

4 s'est référé à l'alibi alors que de l'autre côté il a été incriminé

5 pendant toute cette période-là. Cela, c'est une première question que je

6 voulais vous poser.

7 Une deuxième question, c'est que j'aimerais demander à

8 l'accusation de bien vouloir donc nous aider en donnant un peu plus

9 d'éléments. Dans l'acte d'accusation on parle du 16 avril et on parle

10 également de la ville de Vitez alors que mon client a fait part de la

11 garde villageoise. Par conséquent, je me demande s'il pouvait également

12 participer lors de cette opérartion, lors de cette attaque, d'autant plus

13 qu'il n'était pas civil, il n'était pas membre du parti, quel que

14 soit...Il n'était pas non plus membre de l'armée, d'une unité militaire,

15 etc. C'est la raison pour laquelle je considère qu'il faudrait peut-être

16 préciser un peu plus, davantage, et je vais le demander au Procureur, pour

17 avoir un peu plus d'éléments et donc avoir de manière plus précise la

18 date, l'endroit où l'acte s'était produit, acte dont il a été incriminé,

19 mon client Josipovic.

20 Et enfin la troisième question : je considère qu'après les

21 deux dernières questions, nous pourrions également invoquer l'alibi de

22 M. Josipovic. C'est tout, Monsieur le Président, je vous en remercie.

23 M. Le Président (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce

24 qu’un autre conseil souhaite s'exprimer sur cette même question de la

25 défense d'alibi ?

Page 70

1 Tel ne semble pas être le cas. Je passe donc à l'accusation et

2 je vais demander à l'accusation si elle peut nous donner son point de vue

3 là-dessus. Immédiatement ou en temps opportun.

4 M. Terrier. - Si le Tribunal souhaite que je présente

5 aujourd'hui quelques observations sur cette question, je le ferai. Peut-

6 être pourrai-je ensuite, si le Tribunal le veut bien, compléter mes

7 observations verbales, le cas échéant par quelques observations écrites, à

8 la suite une réflexion plus approfondie.

9 Je voudrais dire que sur cette question d'une certaine manière,

10 je partage un peu

11 l'embarras des représentants de la défense, cet embarras qui vient d'être

12 exprimé. Le texte de l'article 67 sur les échanges de moyens de preuve,

13 qui organisent les échanges particuliers, qui doivent avoir lieu en cas de

14 défense alibi, est évidemment parfaitement clair. Il n'y a pas de

15 discussion sur la rédaction de ce texte qui est parfaitement clair.

16 Toute la question est de savoir à partir de quel moment nous

17 nous trouvons dans une situation de défense alibi. Est-ce que c'est à

18 partir du moment où l'on prétend ne pas être sur les lieux mêmes de l'un

19 des crimes spécifiques par exemple, qui sont reprochés à certains des

20 accusés ? Ou est-ce que c’est seulement lorsqu'on prétend être, ne pas

21 avoir été le jour des faits, en particulier le 16 avril, présent à

22 l'intérieur sur la zone d'Ahmici ?

23 Je crois que là, il y a effectivement une question

24 d'appréciation qui relèvera en fin de compte et en dernier recours au

25 Tribunal. Mon point de vue serait le suivant : dans cette affaire, il est

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1 reproché à chacun des accusés, à la plupart des accusés -cinq sur six- à

2 la fois comme crime contre l'humanité le fait d'avoir pris part en

3 particulier à l'attaque du 16 avril 1993 contre la population civile

4 musulmane d’Ahmici, et d'autre part, en deuxième lieu, d'avoir commis à

5 cette occasion-là et dans ce cadre-là et le même jour, un certain nombre

6 de crimes spécifiques.

7 Je pense donc qu'une défense alibi ne peut consister pour les

8 accusés qu’à prétendre ne pas s'être trouvés à Ahmici le jour de cette

9 attaque, c'est-à-dire le 16 avril. Effectivement, s'ils prétendent s'être

10 trouvés dans une autre ville, s'être trouvés dans un autre pays, non

11 seulement, ils sont certainement en mesure de fournir... ils seraient

12 certainement en mesure de fournir au Tribunal et aux débats un certain

13 nombre d'arguments de moyens de preuve qui peuvent être discutés, et à ce

14 moment-là nous nous trouvons bien dans le cadre des dispositions de

15 l'article 67 paragraphe A, deuxième membre.

16 Si la défense vise à établir devant le Tribunal qu'ils se

17 trouvaient certes à Ahmici mais pas sur les lieux des crimes spécifiques

18 par exemple qui ont été commis, pas sur les lieux de la maison de

19 Sakib Ahmic par exemple, nous ne nous trouvons pas, me semble-t-il, dans

20 le cas

21 d'une défense alibi. C'est tout simplement une défense au fond, ce n’est

22 pas un moyen de défense spéciale. C'est une défense au fond, ils n'ont pas

23 commis, nous disent-ils, les crimes dont ils sont accusés. Ils

24 développeront bien entendu dans ces conditions leurs raisons et leurs

25 moyens de preuve, mais et encore une fois c'est une opinion que j'exprime

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1 auprès du Tribunal et bien entendu je m'en rapporterai complètement à son

2 appréciation, il me semble que dans ces conditions-là il ne s'agit pas à

3 strictement parler d'une défense alibi.

4 La défense alibi, c'est me semble-t-il dans cette affaire et

5 dans ces circonstances, c'est soutenir, prétendre que pour l'un et pour

6 l'autre des accusés n'avoir pas été présents à Ahmici lorsque les crimes

7 de persécution caractérisant l'attaque du 16 avril et les crimes

8 spécifiques ont été commis.

9 Mais bien entendu, je m'en rapporte à l'appréciation du

10 Tribunal. Cette question effectivement est une question d'appréciation

11 assez pointue et difficile.

12 (Le Président et les deux Juges s'entretiennent entre eux.)

13 M. Le Président (interprétation). - Nous sommes d'accord avec

14 votre interprétation de la défense alibi, à savoir qu'elle ne

15 s'appliquerait uniquement lorsqu'on affirme qu'un accusé n'était pas

16 présent à Ahmici ce jour-là, le 16 avril, ou n'était pas dans le pays mais

17 cette défense alibi ne s'applique pas lorsqu'on affirme qu'il était

18 présent, mais qu'il n'a pas fait ce dont on l'accuse. Par conséquent, la

19 Chambre de première instance estime que votre interprétation est la bonne.

20 Quant à la question maintenant soulevée par Me Susak, conseil de

21 M. Josipovic, il s'agit d'une question qui a trait plus particulièrement à

22 l'accusé Josipovic. Peut-être que vous souhaiterez répondre à la question

23 de Me Susak dans votre déclaration liminaire si vous êtes en mesure de le

24 faire, pour voir si vous pouvez ainsi préciser votre position quant aux

25 crimes prétendument commis par M. Josipovic. Est-ce que vous pensez,

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1 Maître Terrier, que vous pourrez le faire lorsque vous passerez à votre

2 déclaration liminaire ?

3 M. Terrier. - Je m'y efforcerai, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

5 Bien, maintenant nous pouvons passer à une autre question. Il

6 s'agit d'une question que nous avons soulevée ce matin. Maître Krajina

7 s'en est occupé. Est-ce que Maître Krajina pourra nous en dire plus ? Est-

8 ce qu’il pourrait nous donner les raisons énumérées dans la requête pour

9 Vlatko Kupreskic ?

10 Ce matin, j'ai attiré l’attention des conseils de la défense sur

11 certains paragraphes de cette requête ; il s'agit des paragraphes 19 à 24,

12 pourquoi ? Car mon sentiment personnel est le suivant, et j'espère que la

13 Chambre de première instance obtiendra des précisions là-dessus : mon

14 sentiment est que certaines des questions posées dans ces paragraphes, et

15 certaines des critiques des conseils de la défense à l'encontre de

16 l'accusation, découlent probablement d'un malentendu sur le rôle approprié

17 de l'accusation et la possibilité des conseils de la défense de procéder

18 au contre-interrogatoire des témoins.

19 Mais je pense que pour éclaircir ce point il est certainement

20 préférable que Me Krajina nous confirme son point de vue sur cette

21 question. La position du conseil de Vlatko Kupreskic. Ainsi l'accusation

22 pourra répondre et nous pourrons parvenir à une conclusion là-dessus.

23 Maître Krajina, pourriez-vous traiter cette question, je vous prie ?

24 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, je vous

25 remercie. Tout d'abord, avant donc de vous donner quelques précisions au

Page 74

1 sujet de cette question, j'aimerais vous poser de mon côté une question et

2 vous prier également de quelque chose. Et ceci concerne la décision

3 concernant la défense. Il me semble qu'il y a quelque chose qui n'est pas

4 tout à fait clair là-dedans. Nous avons, nous craignons que cette décision

5 qui a été prise ce matin, a été prise sur la base de notre requête qui

6 date du mois de juillet de cette année.

7 D'un autre côté, le 11 août, nous avons présenté une autre

8 requête à la Chambre et nous avons demandé à la Chambre d'accorder ce

9 statut de codéfenseur à Me Par, et nous avons également apporté des moyens

10 de preuve comme quoi il remplit les conditions indispensables pour être le

11 codéfenseur.

12 Je ne sais pas si tout le monde était présent au moment où la

13 décision a été prise, mais le 3 août 98 nous avons reçu une réponse écrite

14 du Greffe, on nous a donné une réponse affirmative à notre requête.

15 On nous a dit tout simplement que le Greffe était d'accord, mais

16 que bien évidemment la décision est définitive uniquement si elle est

17 prise par la Chambre. C'est la raison pour laquelle je vais demander à la

18 Chambre de bien vouloir me répondre si elle est au courant de cette

19 nouvelle requête. Pendant la pause, nous l'avons présentée à Mme Natacha,

20 le Greffe, et nous lui avons demandée de remettre à la Chambre cette

21 nouvelle requête.

22 Eh bien, Monsieur le Président, si vous voulez une toute petite

23 pause pour juste jeter un coup d'oeil là-dessus, sinon moi je peux

24 continuer.

25 En ce qui concerne les explications portant sur les

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1 paragraphes 19, 24, propositions d'un débat spécifique, je me permettrai

2 de vous donner notre attitude -en ce qui concerne la requête de retirer

3 l'acte d'accusation que nous avons présenté- se fonde sur le fait que les

4 témoins ne viendront pas ici pour confirmer ce qui a été donc dit dans

5 l'acte d'accusation, car les déclarations de 94, 95, 96 ne sont pas

6 pertinentes étant donné que ces déclarations ont été présentées devant les

7 autorités de police locale et devant les enquêteurs sur les lieux.

8 Le Procureur avait interprété notre attitude en disant que nous

9 violons donc la décision de la Chambre sur l'interdiction des contacts

10 avec les témoins. Les paragraphes 19 à 24. Nous avons effectivement parlé

11 de notre préoccupation et nous avons dit que le Procureur avait une

12 tactique vis-à-vis des témoins, et il les citait comme témoins, un certain

13 nombre de personnes, tout en étant conscient que, selon notre sentiment,

14 ces témoins ne se présenteront pas à la barre ici.

15 Et par conséquent, le Procureur les traite comme les témoins

16 protégés et nous rend

17 impossible de nous référer à ces témoins et d'en profiter bien évidemment.

18 Par conséquent, dans l'exposé du Procureur de ce matin, il

19 confirme qu'il y a un certain nombre de déclarations, donc qui ont été

20 préalablement nommées par les témoins, mais que ces témoins ne seront pas

21 cités à la barre, et c'est la raison pour laquelle nous avons demandé le

22 débat, le débat spécifique avant l'ouverture du procès, et ceci pour

23 expliquer et donner plus de précisions en ce qui concerne les remarques et

24 observations du Procureur sur cette influence soi-disant qui est

25 interdite, et que nous exerçons sur les témoins.

Page 76

1 Il y avait un certain nombre de pressions également par les

2 autorités, par la police, etc., auxquelles ont été exposés les témoins.

3 C'est la raison pour laquelle nous avons donc demandé, moi tout

4 particulièrement maintenant... Je vous prie de bien vouloir donc autoriser

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'attirer votre attention sur

6 un certain nombre de questions qui me paraissent importantes et qui sont

7 intimement liées à ce problème.

8 Par conséquent, il s'agit de cette interdiction et

9 éventuellement de mettre en contact les témoins. Après le 16 juin 98 la

10 défense de Kupreskic avait présenté tous les éléments de preuve, tous les

11 moyens de preuve et nous sommes prêts également, bien évidemment si la

12 Chambre nous le demande et si le Procureur nous demande de donner d'autres

13 précisions, d’autres explications et de donner des précisions

14 complémentaires et ceci pour des raisons, bien évidemment, qui sont

15 évidentes : c’est que nous n'avons absolument aucune raison de cacher quoi

16 que ce soit en ce qui concerne la défense, et que personne de ceux qui

17 sont au contact avec les personnes, qui sont en corrélation avec l'accusé,

18 n'était pas effectivement en contact avec les témoins depuis le

19 16 juin 98.

20 Le Procureur n'a pas apporté d'autres moyens de preuve qui

21 auraient mis en question tout ceci et il y a bien évidemment la

22 préoccupation du Procureur.

23 Mais à notre avis, il s’agit donc d'une démarche tactique qui a

24 pour but également de démontrer la défense de Kupreskic sous un angle

25 négatif devant la Chambre. Les contacts qui

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1 ont eu lieu avant le 16 juin 98, et qui ont eu lieu donc notamment en ce

2 qui concerne l'épouse de Vlatko Kupreskic ainsi que d'autres personnes

3 dans son entourage, ces contacts qui ont été réalisés avec les témoins et

4 que le Procureur avait désignés comme témoins de l'accusation, à notre

5 avis, il s'agissait des contacts qui étaient tout à fait autorisés et il

6 n'y avait aucune interdiction à cette époque-là, parce que c'était avant

7 la date dont j'ai parlé.

8 Par conséquent, il n'y avait aucune pression qui a été exercée

9 sur les témoins en question. On n'a pas soutenu leurs déclarations par les

10 moyens financiers ou autres choses, ce que le Procureur bien évidemment

11 conteste, mais on le voit clairement de tout ce qui a été, ce qui fait

12 l'objet de notre demande. Il n'y a aucune aide financière, matérielle qui

13 a été donnée.

14 Le Procureur a oublié également de mettre l'accent sur le fait

15 que les témoins en question ne sont pas allés à la police, enfin au bureau

16 de police pour se plaindre mais c'est la police qui était venue les

17 chercher au moment où ils ont appris qu'ils étaient en contact avec les

18 personnes qui sont en relation avec l'accusé Vlatko Kupreskic.

19 La Chambre, par conséquent, se rendra compte d'où se trouve le

20 fondement juridique, et où est la vérité, nous en sommes parfaitement sûrs

21 et tous ces témoins seront cités probablement à la barre. Ils vont porter

22 leurs témoignages et par conséquent nous allons tous avoir l'occasion

23 d'entendre de leur propre bouche la vérité et de quelle nature étaient les

24 contacts qu'ils ont eus avec les personnes en question.

25 D'un autre côté, une autre question également nous paraît fort

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1 importante, qui porte également sur le même sujet et sur laquelle nous

2 avons demandé un débat, et qui concerne les témoins et les influences qui

3 étaient exercées sur les témoins au niveau des bureaux de police et

4 surtout de la part des personnes qui doivent les surveiller. Très

5 brièvement, je vais essayer de donner un peu plus d'explications et

6 surtout d'expliquer notre attitude. A partir du moment où l'acte

7 d'accusation a été confirmé, le Procureur a réparti les témoins entre les

8 Musulmans et les Croates et il a considéré... il les a donc répartis entre

9 les deux.

10 Depuis le 25 juillet cette année, nous avons dit clairement que

11 nous étions contre une telle démarche. Les témoins musulmans ont été

12 surveillés par la police probablement sur la demande du Procureur. Aucun

13 contact de la défense n'a plus été possible. Il a été rendu impossible, et

14 même avant le débat du 16 juin 98, car ces témoins ont été automatiquement

15 interpellés par la police. On a donc entrepris un certain nombre

16 d'interrogatoires et les personnes qui les ont accompagnés, qui les ont

17 contactés auparavant, étaient même sujettes à des arrestations, à des

18 interrogatoires, il y avait même le maltraitement physique auquel ils ont

19 été soumis, etc. Il y a des preuves là-dessus. C'est la raison pour

20 laquelle nous avons présenté les moyens, les éléments de preuve aussi bien

21 à la Chambre qu'à l'accusation à ce sujet-là.

22 Il s'agit de témoins qui ont peur actuellement de se trouver

23 dans une ambiance hostile si jamais ils donnent des déclarations qui

24 iraient en faveur des accusés.

25 Nous sommes d'avis qu'il est notoire que l'intérêt politique des

Page 79

1 autorités qui surveillent les témoins... que tous les accusés, les

2 Croates, soient incriminés indépendamment du fait qu'il y ait des preuves

3 ou pas en ce qui concerne leurs responsabilités. Et au nom de la défense

4 de Vlatko Kupreskic et sur la base également de notre expérience acquise

5 lors de la préparation de ce procès, nous souhaitons tout simplement

6 attirer l'attention de la Chambre sur le fait qu'il y a des influences qui

7 sont exercées, et qui ne sont pas permises, sur les témoins : on les

8 surveille et on les empêche de donner les déclarations à la défense, et en

9 même temps on leur demande pratiquement d'appuyer l'accusation et ceci

10 ressort clairement des déclarations qui nous ont été présentées par le

11 Procureur où les mêmes témoins qui ont été interrogés à plusieurs reprises

12 devant les autorités locales présentent les déclarations partiales et

13 souvent différentes au sujet d'un même événement.

14 C'est la raison pour laquelle nous demandons à la Chambre de

15 bien vouloir lors du procès, au moment où nous allons citer les témoins,

16 tenir compte de cette requête de notre part, de cette observation, ainsi

17 que de la demande du Procureur qui, soi-disant, prétendait que la

18 défense, de son côté, exerçait des influences sur les témoins. Merci,

19 Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que

21 l'accusation a des observations sur ce point ? Est-ce qu'elle pourrait

22 nous les présenter ?

23 M. Terrier. - Très brièvement parce qu'en fait je ne saisis pas

24 très bien quel est l'objet de la requête qui vient d'être soumise au

25 Tribunal. J'ai cru comprendre, mais peut-être est-ce une erreur de ma

Page 80

1 part, j'ai cru comprendre qu'on souhaitait que le cas de

2 M. Vlatko Kupreskic soit disjoint de celui des autres accusés et que

3 l'accusation, pour ce qui le concerne, soit purement et simplement

4 retirée ; si c'est bien ce qui est souhaité, il y a là véritablement une

5 sorte d'illogisme puisqu'il s'agirait de faire le procès de

6 M. Vlatko Kupreskic avant le procès de M. Vlatko Kupreskic.

7 Plus sérieusement, je voudrais dire deux choses : nous savons

8 -et votre Tribunal y a consacré au mois de mai dernier un certain temps et

9 a pris en compte cette situation- nous savons que des contacts illégitimes

10 ont été pris entre les représentants de l'un des accusés et certains

11 témoins. Nous savons que de l'argent a été offert, par exemple, et cela

12 n'est certainement pas une chose possible dans un procès de cette nature,

13 comme dans tout autre procès bien entendu. Cette situation a été prise en

14 compte par votre Tribunal qui a non pas interdit tout contact entre des

15 témoins de Bosnie et des représentants de la défense, mais qui a souhaité

16 qu'un certain nombre de précautions soient prises, précautions tout à fait

17 légitimes et bien fondées, et la procédure que votre Tribunal a souhaité

18 mettre en place pour ces contacts avec les témoins de Bosnie n'a jamais

19 fonctionné. Nous n'avons eu aucune demande de la part de la défense à cet

20 égard.

21 Mais en aucune manière il ne s'agissait d'interdiction pour la

22 défense de prendre des contacts avec un certain nombre de témoins compte

23 tenu de leur nationalité par exemple, ou de leur appartenance ethnique.

24 Cela n'a jamais été ni dans l'esprit de l'accusation, ni dans la décision

25 du Tribunal.

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1 Nous avons été cependant un peu surpris et inquiets aussi en

2 lisant dans l'une des motions de la défense de M. Vlatko Kupreskic cette

3 affirmation péremptoire selon laquelle les témoins de l'accusation ne

4 viendront pas déposer devant le Tribunal. Et naturellement, compte tenu de

5 ce qui s'était passé, nous nous sommes demandé si une infraction aux

6 ordres du Tribunal n'avait pas été commise. Je dis très honnêtement au

7 Tribunal que je n'ai pas d'indices aujourd'hui de ce qu'une infraction de

8 cette sorte aurait été commise. Je n'affirme pas au Tribunal que la

9 défense de Vlatko Kupreskic aurait violé l'ordre du 20 mai 1998. Je n'en

10 ai aucune sorte d'indice, mais j'ajoute que dans ce domaine délicat, et

11 compte tenu de ce que bien entendu un témoin, à supposer qu'il veuille

12 céder à des pressions de la défense, aurait décidé de ne pas venir, il est

13 évident qu'il ne va pas nous en informer complètement et immédiatement en

14 donnant tous les détails et toutes les raisons de sa nouvelle décision.

15 Donc, aujourd'hui, nous n'avons aucun indice d'un contact de

16 cette nature, d'un contact illicite mais je me réserve -et je prie le

17 Tribunal de me réserver la possibilité plus tard dans le cours de ce

18 procès, si des éléments nouveaux apparaissent- de solliciter le Tribunal

19 en lui faisant part de ces éléments ; mais aujourd'hui je n'ai pas

20 d'indices de cette nature si bien qu'il me semble que cet incident peut

21 être provisoirement, et j'espère définitivement, mais en tout cas

22 provisoirement clos par ces observations, si vous me le permettez

23 Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation). - Eh bien, permettez-moi de

25 tenter de synthétiser un certain nombre des points qui viennent d'être

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1 évoqués car je ne pense pas pouvoir les synthétiser tous. En ce qui

2 concerne la disjonction d'instance, c'est un point qui a déjà été traité

3 par le Juge Mumba dans l'ordonnance du Tribunal que nous avons déjà

4 évoquée, celle du 11 août 98 bien sûr, et il a été décidé qu'il n'y aurait

5 pas de procès séparé pour Vlatko Kupreskic.

6 En ce qui concerne la crédibilité des moyens de preuves

7 présentés, c'est un point bien sûr qui est lié aux différentes questions

8 que nous aborderons sur le fond au cours de ce

9 procès. Nous les traiterons donc ultérieurement.

10 S'agissant maintenant de la déclaration de Me Krajina qui

11 affirme que certaines déclarations de témoins ne sont pas pertinentes car

12 elles ont été fournies avant les enquêtes de la police, c'est encore une

13 fois un point qu'il conviendra d'examiner en temps utile. Pour le moment,

14 nous n'avons pas nécessité de nous prononcer sur ce point.

15 Et le troisième point que je souhaitais aborder est celui des

16 contacts avec les témoins : sont-ils licites ou pas ? Le Procureur vient

17 d'affirmer qu'il ne prétend pas qu'après une date particulière, date fixée

18 par la Chambre de première instance, de tels contacts ont eu lieu entre

19 des membres de la famille de l'accusé ou d'autres représentants liés à la

20 défense et les témoins en question.

21 Bien entendu, les conseils de la défense ont le droit d'établir

22 des contacts avec les témoins de l'accusation à condition qu'ils

23 respectent les obligations émises par cette Chambre de première instance,

24 et notamment qu'ils passent par le Procureur ou qu'ils informent le

25 Procureur lorsqu'ils souhaitent établir de tels contacts.

Page 83

1 Il y a un quatrième point qui a été évoqué par Me Krajina qui,

2 en effet, a utilisé à de nombreuses reprises le terme "tactique" parlant

3 des mesures prises par le Procureur, et Me Krajina a également dit que

4 certains témoins allaient refuser de répondre à leur citation à

5 comparaître devant la Chambre de première instance. Je dois dire que je

6 suis un peu perdu, j'ai du mal à comprendre la signification de cette

7 affirmation car si le conseil de la défense estime que ces témoins peuvent

8 être importants pour la défense, la défense peut bien entendu contacter

9 ces témoins de l'accusation, bien entendu toujours en respectant les

10 conditions fixées par le Tribunal et que je viens d'évoquer. Et si ces

11 témoins ne sont pas cités par l'accusation, la défense a toujours la

12 liberté de décider elle-même de les citer à la barre, en qualité de

13 témoin.

14 Si ces témoins sont cités bien entendu, ils peuvent subir un

15 contre-interrogatoire de la part du conseil de la défense après avoir été

16 entendus par l'accusation. Donc, je crois que

17 nous venons de débattre des différentes critiques, des différentes

18 observations et remarques qui ont été faites et je pense que ce débat qui

19 vient d'avoir lieu dans ce prétoire va contribuer à jeter quelque lumière

20 sur les éléments évoqués et bien montrer qu'il n'est pas nécessaire d'en

21 traiter plus avant au cours de cette audience.

22 J'aimerais maintenant aborder rapidement la question de la

23 nomination de Me Par. On nous a remis un document avant la pause déjeuner,

24 un document qui a été déposé le 17 août de cette année, c'est-à-dire

25 aujourd'hui, et ce document reproduit la demande soumise par Me Krajina,

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1 eu égard à la nomination d'un coconseil ainsi qu'une lettre qui lui a été

2 envoyée par le Greffe. Il est exact que Me Krajina est en droit de dire

3 que le Greffier lui a répondu dans sa lettre sur ce point, qu'il

4 s'agissait d'une question au sujet de laquelle le Greffe souhaitait que la

5 Chambre de première instance se prononce par voie de décision. Le Greffe

6 nous a donc laissé la possibilité de rendre une décision sur ce point,

7 mais je répète ce que j'ai déjà dit ce matin, au cours de l'audience de ce

8 matin, et je m'en tiendrai à cette décision. En effet, nous tenons

9 beaucoup à nous en tenir à la pratique judiciaire déjà en oeuvre dans ce

10 Tribunal de la part d'autres Chambre de première instance et de respecter

11 les précédents établis par notre Chambre de première instance et d'autres

12 Chambre de première instance, et sur la base de ce que des membres du

13 Greffe nous ont dit hier, dimanche, il est tout à fait apparent que

14 l'article 14 de la directive relative à la nomination des conseils de la

15 défense en date du 10 juillet 1998 stipule un certain nombre d'exigences

16 qui ne s'appliquent pas à la question dont nous traitons ici de façon

17 précise.

18 Donc, en tenant compte des précédents établis par notre

19 Tribunal, comme je viens de le dire, nous confirmons notre décision quant

20 au fait que Me Par se verra accorder le statut d'assistant juridique mais

21 pas celui de coconseil de la défense.

22 Et puisque nous venons, je pense, de régler toutes les questions

23 qui avaient été inscrites à l'ordre du jour par l'accusation et la

24 défense, je propose que nous passions rapidement à l'examen d'un certain

25 nombre de points d'intendance qui se résument à quelques questions

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1 concrètes et en nombre limité.

2 D'abord, nous insistons sur le fait que les deux parties doivent

3 respecter de façon pleine et entière les directives que nous avons

4 établies et distribuées il y a quelques mois, directives qui ont également

5 été remises par écrit au conseil de la défense.

6 Deuxièmement, j'aimerais appeler l’attention de tous les

7 conseils de la défense sur les nouvelles dispositions inscrites au nouveau

8 Règlement de procédure et de preuve, Règlement modifié. J'espère que vous

9 avez tous reçu un exemplaire des articles modifiés. Vous constaterez qu'un

10 certain nombre d'articles ont été amendés, révisés par la séance plénière

11 du Tribunal. D'autres dispositions sont nouvelles, elles ont été ajoutées

12 au texte de l'ancien Règlement et je vous prierai donc de bien vouloir

13 prendre en compte le fait que nous nous entendons impliquer ces nouvelles

14 dispositions ou ces dispositions modifiées pour autant qu'elles ne

15 réduisent en rien les droits de la défense, comme nous l'avons déjà dit ce

16 matin.

17 Cette remarque s'applique notamment à la nouvelle disposition

18 qui concerne les restrictions imposées au contre-interrogatoire, vous

19 remarquerez en effet qu'il existe de nouvelles dispositions relatives au

20 contre-interrogatoire ainsi qu'aux conférences tenues avant le procès, et

21 à toutes les dispositions prises avant le procès. Si les conseils de la

22 défense estiment qu'il est nécessaire de tenir une conférence de mise en

23 état, nous le ferons de façon à mettre au point de façon tout à fait

24 précise et détaillée les dispositifs qui interviendront dans la mise en

25 oeuvre du système de défense.

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1 Et puis, autre point, pratique également, s'agissant des

2 horaires : nous commencerons tous les jours à 9 heures 30, avec une pause

3 à 11 heures ; nous reprendrons jusqu'à 12 heures 30, reprendrons à

4 14 heures l'après-midi, nous aurons également une pause d'une demi-heure

5 et donc nous reprendrons nos travaux l'après-midi à 14 heures et

6 terminerons nos débats à 17 heures. Et entre 14 heures et 17 heures nous

7 aurons une pause de 15 heures 30

8 à 16 heures.

9 N'oublions pas que nous avons d'autres questions à traiter dans

10 le cadre d'autres procès et il nous faut donc au moins une demi-journée

11 libre. Nous proposons donc de ne pas siéger le vendredi après-midi, nous

12 souhaitons siéger le vendredi jusqu'à 13 heures et être libres le vendredi

13 après-midi de façon à pouvoir nous consacrer à d'autres problèmes.

14 A compter d'aujourd'hui, je pense qu'il y aura également un jour

15 libre le 31 août dans l'après-midi, n'est-ce pas ? L’après-midi, oui ?

16 Nous ne siégerons donc pas l'après-midi du 31 août, c'est un lundi si je

17 ne m'abuse. Oui, effectivement.

18 Et puis j'en arrive au quatrième point que je souhaitais

19 évoquer ; il s'agit de point tout à fait concret et terre à terre. Nous

20 souhaitons donc gagner le plus possible de temps et à cette fin, je

21 propose que tous les matins, après l'ouverture de l’audience par le

22 Greffe, nous demandions aux différents représentants de l'accusation et de

23 la défense de se présenter. S'il devait y avoir modification dans

24 l'identité des personnes présentes, nous vous demandons de nous le faire

25 savoir à l'avance.

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1 Et s'agissant des témoins que vous avez l'intention de citer au

2 cours des audiences, nous aimerions pouvoir partir du principe que les

3 documents dont le versement au dossier est demandé par une partie seront

4 admis en tant que pièces à conviction dans tous les cas où il n'y a pas

5 objection de la partie adverse. Cela me permettra de ne pas demander

6 chaque fois à l'autre partie si elle a des objections par rapport à telle

7 ou telle pièce à conviction. Par conséquent, au cas où, après la demande

8 de versement aux dossiers formulée par une partie, et portant sur une

9 pièce à conviction particulière, il n'y a pas d'objection de la partie

10 adverse, nous partirons du principe que ce document est admis au dossier.

11 Ce sont des mesures tout à fait pratiques destinées toujours à

12 gagner du temps et nous essaierons de penser à d'autres mesures qui

13 pourront éventuellement nous permettre d'accélérer un petit peu les

14 débats.

15 Je pense qu'il y a peut-être d'autres points qu'il conviendrait

16 d'évoquer, mais certains d'entre eux l’ont déjà été. Donc ; si vous n'avez

17 pas d'autres questions à soulever, je pense que nous pourrions maintenant

18 donner la parole au Procureur et je commencerai par demander au Procureur

19 s'il est prêt à présenter ses remarques liminaires.

20 Mais avant d’en arriver là, permettez-moi toutefois de passer

21 rapidement en revue la liste des témoins, une minute simplement si vous me

22 le permettez, car il y a peut-être un point à évoquer à ce sujet avant

23 d'entendre les remarques liminaires du Procureur.

24 J'ai remarqué... Vous savez, j'ai de nombreuses listes en ma

25 possession, j'ai donc du mal à trouver celle dont je suis en train de

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1 parler à l'instant, mais j'ai remarqué… moi en tout cas j'ai compté

2 32 témoins de l'accusation, 32 témoins de l’accusation qui, selon le

3 Procureur, ne porteront que sur le chef d'accusation numéro un et

4 j'aimerais savoir, c'est une question que je pose, j'aimerais savoir si le

5 Procureur a vraiment besoin d'un si grand nombre de témoins pour traiter

6 uniquement du chef d'accusation numéro un.

7 J'ai lu certaines des déclarations préalables des témoins, je ne

8 les ai pas lu toutes mais j'en ai lu certaines, et il me semble, après

9 cette lecture, que certains de ces témoins ne témoigneront pas sur un

10 accusé particulier. Ils ne traiteront pas du fait de savoir si un accusé

11 était présent au moment des faits ou s'il a commis tel ou tel crime mais

12 ces témoins ne parleront que de la légation de persécution, etc. Il est

13 possible que je me trompe, auquel cas je vous engage à me corriger, mais,

14 si je ne me trompe pas je crois qu'il est permis de se demander si vous

15 avez vraiment besoin d'un si grand nombre de témoins.

16 Vous n'avez pas besoin de répondre immédiatement, je vous donne

17 toute liberté pour réfléchir à la question et décider éventuellement en

18 temps utile s’il ne vous serait pas éventuellement possible d'abandonner

19 l'audition de certains de ces témoins, ce qui nous permettrait de

20 raccourcir la liste des témoins. Mais, comme je l'ai déjà dit, nous

21 n'avons pas besoin d'une réponse de votre part dans l'immédiat.

22 Nous pouvons donc maintenant vous proposer de présenter vos

23 remarques liminaires. Et est-ce que vous pensez pouvoir terminer à

24 15 heures 30 ou alors, si vous préférez que nous ayons la pause

25 maintenant, nous pourrions suspendre nos débats immédiatement et vous

Page 89

1 redonner la parole pour vos remarques liminaires après la pause d'une

2 demi-heure ? C'est à vous qu'il appartient de nous dire quelle est la

3 meilleure façon de procéder à votre avis.

4 M. Terrier. - Monsieur le Président je ne suis pas certain, je

5 ne peux pas m'engager sur le fait d'avoir fini à 15 heures 30, très

6 honnêtement.

7 M. le Président. - Vous avez besoin de combien de temps, à peu

8 près ?

9 M. Terrier. – Je dirai entre trois quarts d'heure et une heure.

10 Je souhaite vous présenter, évoquer ces cartes, faire quelques

11 commentaires et présenter deux films vidéo.

12 M. le Président. - Dans ce cas, je crois que ce serait mieux de

13 lever la séance maintenant et de revenir ici dans trente minutes, peut-

14 être un peu moins. Non, je crois qu'on a besoin de trente minutes.

15 Je léve la séance, on revient ici dans trente minutes pile et

16 avec votre déclaration liminaire. Parfait. La séance est levée.

17 (L'audience, suspendue à 14 heures 55, est reprise à

18 15 heures 30.)

19 M. Le Président (interprétation). - Monsieur Terrier.

20 M. Terrier. - Monsieur le Président, est-ce que vous souhaitez

21 que je vienne à cette place ou que je reste à la mienne ?

22 M. Le Président (interprétation). - Comme vous préférez.

23 M. Terrier. - Je vais peut-être rester à cette place.

24 Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge, nous avons eu au

25 cours de cette journée déjà, pendant toute la matinée et en début d'après-

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1 midi, un certain nombre de débats qui vont me permettre d'abréger quelque

2 peu les observations que j'entendais soumettre à votre Tribunal. Et votre

3 Tribunal comme tous les membres de la défense ont pris connaissance de ce

4 mémoire préalable au procès qui déjà donne sur ce que compte faire pendant

5 ce procès l'accusation un certain nombre d'indications utiles.

6 Aujourd'hui, par cette déclaration préalable, je souhaiterais

7 faire part au Tribunal d'un certain nombre d'indications de fait, et

8 notamment d'indications topographiques. Indications qui seront, je pense,

9 utiles au Tribunal dès l'audition des premiers témoins de l'accusation

10 comme plus tard pour ceux de la défense.

11 Je ne pense pas que ces indications notamment topographiques

12 mais en tout cas de fait que je vais donner au Tribunal soient contestées

13 par la défense à un moment ou l'autre, si bien que je ne pense pas que

14 nous soyons contraints d'y revenir au cours de ce procès.

15 En deuxième lieu, j'aimerais décrire à grands traits bien

16 entendu ce qui s'est passé précisément le 16 avril à Ahmici, c'est-à-dire

17 une opération de nettoyage ethnique dirigée contre une unité armée, contre

18 une population civile.

19 Je souhaiterais le faire à grands traits, mais il me paraît

20 nécessaire là encore de dresser une sorte de cadre dans lequel pourront

21 s'inscrire aisément les témoignages de l'accusation qui seront soumis au

22 Tribunal dans les jours qui viennent.

23 Et enfin très rapidement, car ce domaine a là aussi été très

24 précisément examiné dans le mémoire préalable, je voudrais tout de même

25 faire quelques observations sur la qualification juridique des faits

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1 reprochés aux accusés qui a été retenue dans le mémoire préalable à ce

2 procès.

3 Je vais donc commencer par évoquer la topographie, l'état des

4 lieux. Il me semble que c'est un bon moyen pour un enquêteur ou pour

5 un Juge ou pour un Procureur d'entrer dans un procès : d'abord reconnaître

6 l'état des lieux. Monsieur le Président, je vous demanderai l'autorisation

7 de me rapprocher de cette photographie pour vous donner un certain nombre

8 d'indications, je parlerai peut-être dans le micro là-bas.

9 (Me Terrier s'approche du tableau.)

10 Cette photographie aérienne est une photographie de la région de

11 la Lasva, de la vallée de la Lasva. Nous sommes ici à 80 kilomètres à peu

12 près au nord-ouest de Sarajevo. Cette vallée de la Lasva tire son nom

13 d'une rivière qu’on voit serpenter tout à son long et qui s'éloigne vers

14 le sud-est. La grande ville de Zenica qui est une grande ville à majorité

15 musulmane se trouve en fait dans cette direction-là, que j'indique par mon

16 crayon, à environ une quinzaine de kilomètres et elle peut être rejointe

17 assez facilement soit par cette route qui se prolonge le long de la vallée

18 de la Lasva, soit par cette route de montagne qui monte et qui ensuite, en

19 franchissant un col, rejoint ensuite la ville de Zenica.

20 Deux grands centres d'habitations croates ou presque

21 exclusivement croates figurent dans cette vallée, c’est d'une part

22 Buzovaca que vous voyez ici, et d'autre part la ville de Vitez que vous

23 voyez ici. La ville de Vitez comprend cependant un important quartier

24 d'habitations musulmanes ou plutôt comprenait car ce quartier n'existe

25 plus aujourd'hui, il a été détruit dans les heures qui ont suivi le

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1 16 avril 1993, comme Ahmici.

2 Ahmici se trouve au milieu de la photographie dans ce cadre-là.

3 Il y a deux éléments importants sur lesquels j'appelle votre attention,

4 deux sites : il s'agit de celui-ci sur cette route qui va de Busovaca à

5 Vitez et qui ensuite se poursuit vers Travnik, c'est le site de ce que

6 l'on appelait le "Bungalow" ; c'était un hôtel, un ancien hôtel, un ancien

7 restaurant occupé à l'époque, je parle du début de l'année 1993, par une

8 unité militaire croate appelée "les Jokers". Et nous aurons à plusieurs

9 reprises au cours de ces débats l'occasion de revenir sur les agissements

10 de ces prétendus "Jokers".

11 Deuxième site : c'est celui-ci, l’école de Dubravica. C'est un

12 site important dont nous reparlerons aussi, car c'est là qu'un grand

13 nombre des habitants musulmans d'Ahmici ont été rassemblés puis détenus

14 pendant une assez longue période de temps, pendant une quinzaine de jours

15 jusqu'à ce que la Croix-Rouge intervienne et procède à leur libération.

16 C'est l'école de Dubravica.

17 Enfin, à la fin de 1992 et début de 1993, le front de la lutte

18 contre les Serbes se trouve dans cette direction-là, toujours vers le

19 nord-ouest à environ une trentaine de kilomètres de Vitez au-delà de la

20 ville de Travnik et de la ville de Turbe.

21 Le Nord, et je prie la Cour de nous pardonner, le Nord se trouve

22 à cette position-là, qui est inhabituelle quand on présente une

23 géographie. Mais cette carte, cette photo aérienne en réalité, est

24 absolument illisible lorsqu'on la retourne pour mettre le Nord en position

25 verticale comme il se doit.

Page 93

1 Je vais, si vous me le permettez maintenant, examiner un

2 agrandissement de ce cadre-là, c'est-à-dire du village proprement dit

3 d'Ahmici.

4 (Un autre tableau est amené.)

5 M. Terrier. - Est-ce que la carte est bien visible ?

6 Cette photographie aérienne, toujours avec le Nord dans cette

7 direction est donc un agrandissement de cette photographie que je vous ai

8 présentée il y a quelques instants. Vous trouvez ici la route qui suit...

9 la route de circulation régionale qui suit la vallée, qui va donc de

10 Busovaca vers Vitez. Vous avez ici le "Bungalow" et vous avez au milieu de

11 la photographie l'ensemble des habitations de ce que j'appelle Ahmici, le

12 village d'Ahmici, mais qui souvent, dans les déclarations des résidents en

13 particulier, qu'ils soient croates ou musulmans, comprend des désignations

14 différentes, souvent d'ailleurs des désignations d'usage.

15 Vous avez ici, par exemple, une zone que l'on appelle "Ahmici-

16 le-bas" ou "Donji Ahmici". En remontant cette route, vous arrivez dans une

17 zone que l'on appelle quelquefois Sutra. En continuant par cette route qui

18 monte, qui est une route qui monte vers la forêt, vous traversez une zone

19 que l'on appelle, que l'on désigne assez souvent Grabovi, et en continuant

20 encore jusqu'en haut vous avez ce que l'on appelle "Gornji Ahmici" ou

21 encore "Upper Ahmici" ou "Ahmici-le-haut".

22 Dans cette zone qui est indiquée là, est une zone que l'on

23 désigne souvent par le nom de Zume mais qui peut être aussi Santici de

24 même que cette zone est aussi désignée comme étant Pirici.

25 Les zones d'habitation croates et musulmanes en 1993 à Ahmici

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1 sont assez nettement différenciées, assez clairement marquées. Un point de

2 repère est ici le cimetière catholique, souvent utilisé par beaucoup de

3 témoins. C'est effectivement un site remarquable que l'on ne peut pas

4 manquer d'apercevoir. Vous avez ici un autre point de repère qui est ce

5 qu'on appelle le "Pizan Café", c'est un établissement croate qui est

6 proche de la grande route et qui est aussi pour beaucoup de témoins un

7 point de repère important. Cette zone de Zume ou Santici est

8 principalement une zone d'habitation, était principalement une zone

9 d'habitation croate.

10 Une autre zone d'habitation croate est ici du côté de

11 Sutra Grabovi, avec en particulier le groupe de ce que beaucoup de témoins

12 appelleront au cours de nos débats les "maisons Kupreskic", c'est-à-dire

13 que plusieurs membres de la famille Kupreskic possèdent, dans cette

14 région-là, une maison.

15 D'ailleurs, l'accusé Vlatko Kupreskic a sa maison à cet endroit-

16 là, ainsi que son magasin à cet endroit là. L'accusé Mirjan Kupreskic a sa

17 maison ici, l'accusé Zoran Kupreskic a sa maison ici. L'accusé

18 Dragan Papic à sa maison ici et l'accusé Drago Josipovic a sa maison à cet

19 endroit-là. L'accusé Santic, lui, n'habite pas dans cette région-là. Il

20 habite du côté de la ville de Vitez, la ville de Vitez se trouvant sur

21 cette route à quatre kilomètre, pas davantage ; c'est donc une très brève

22 distance.

23 Voilà ce que je souhaitais vous montrer sur ces photographies.

24 Je vous propose de poursuivre cette reconnaissance topographique en

25 regardant un très bref film vidéo qui nous permettra de... qui a été filmé

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1 en 1996, donc longtemps après les faits, mais qui montre la ville d'Ahmici

2 pratiquement dans l'état où elle est restée de 1993 à aujourd'hui. Entre

3 ce que vous verrez dans ce petit film vidéo et la situation d'aujourd'hui,

4 il n'est pratiquement aucune

5 différence si ce n'est que depuis quelques mois certains des résidents,

6 des anciens résidents musulmans d'Ahmici, avec l'aide d'organisations non

7 gouvernementales ou de gouvernements, ont entrepris de déblayer les ruines

8 et de reconstruire certaines des maisons.

9 Aucune maison autrefois habitée à Ahmici par les Musulmans n'est

10 aujourd'hui de nouveau occupée par des Musulmans mais quelques

11 constructions ou reconstructions ont été entreprises, en particulier sur

12 certaines charpentes, et toutes dans la région de Gornji Ahmici, région

13 qui était en 1993, avant les événements dont nous parlerons, exclusivement

14 d'habitations musulmanes.

15 Au cours de ce petit film, nous allons examiner les lieux

16 d'Ahmici en trois séquences : dans une première séquence qui a été filmée

17 d'hélicoptère, nous suivrons un trajet qui est celui-ci.

18 (Il le montre sur la carte.)

19 Nous survolerons la mosquée basse, nous continuerons jusqu'à la

20 mosquée haute et nous ferons un tour pour revenir dans cette direction-là.

21 Dans une deuxième séquence qui sera filmée sur la route, d'une

22 voiture nous partirons de l'angle que forme la petite route avec la route

23 principale de circulation régionale, et nous monterons vers le centre

24 d'Ahmici, et en particulier Sutra Grabovi. Nous avancerons sur cette

25 petite voie pour regarder, pouvoir constater le groupe des maisons

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1 Kupreskic et nous repartirons sur cette route en montant jusque dans le

2 haut d'Ahmici.

3 Et dans une troisième séquence, nous ferons un bref, très bref

4 trajet en voiture sur cette partie de la route régionale où nous pourrons

5 voir les façades du quartier de Zume qui longe cette route ainsi que le

6 "Pizan Café". Nous apercevrons aussi une maison qui se trouve à cet

7 emplacement-là, exactement dans ce quartier croate et qui a été utilisée

8 au moment des événements d'avril 1993 pour regrouper certains musulmans

9 capturés par les forces HVO, avant de les envoyer sur les cols Dubravica

10 que j'évoquais il y a quelques instants.

11 Je vais rejoindre peut-être ma place, Monsieur le Président, et

12 faire quelques commentaires au fur et à mesure que le film vidéo sera

13 projeté.

14 (Projection du film vidéo.)

15 M. Terrier. - A ce moment-là, l'hélicoptère se dirige vers le

16 nord-ouest en suivant la route de circulation régionale. Au centre de

17 l'écran maintenant, vous apercevez le cimetière catholique. Au centre de

18 l'écran maintenant, vous apercevez, qui monte, la petite route dont j'ai

19 parlée, qui rejoint Ahmici-le-haut. Vous apercevez là la mosquée basse qui

20 était pourvue d'un minaret, lequel minaret a été abattu au moyen

21 d'explosifs dans la soirée du 16 avril 1993.

22 Tout autour, vous voyez des maisons qui sont, de toute évidence,

23 détruites et inoccupées. Vous voyez-là maintenant au milieu de l'écran en

24 bas la maison de l'accusé Vlatko Kupreskic et le chemin continue de monter

25 vers Ahmici-le-haut. Dans quelques instants, nous allons voir la mosquée

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1 haute, elle-même détruite de manière tout à fait… elle aussi détruite de

2 manière tout à fait spectaculaire ici au centre de l'écran. Les autres

3 maisons sont évidemment des maisons autrefois occupées par des Musulmans,

4 détruites de la même manière : totale et radicale.

5 Maintenant va nous parvenir la deuxième séquence. Nous partons

6 de la route régionale pour monter en direction d'Ahmici-le-haut.

7 (Projection de la vidéo.)

8 Est-il possible d'arrêter quelques instants ? Il y a un élément

9 d'information dont vous devez disposer. Il y a dans cette région une

10 tradition selon laquelle les maisons croates étaient construites selon le

11 type chalet suisse, c’est-à-dire avec un toit à deux pans, alors que les

12 maisons musulmanes étaient généralement construites avec un toit

13 pyramidal, c'est-à-dire à quatre pans. C'est la règle générale, mais vous

14 observerez en particulier sur ce film que cette règle générale souffrait

15 de très nombreuses exceptions et que certaines maisons musulmanes

16 pouvaient être construites avec un toit à deux pans, c'est-à-dire ne

17 présentaient strictement aucune différence perceptible pour un étranger au

18 village bien entendu, avec une maison de type croate.

19 Vous avez là et la maison qui suit également, nous évoquerons je

20 pense dès le début de la première semaine, de cette semaine le cas de la

21 maison de Mme Pjanic, M. et Mme Pjanic, le cas de la maison de Dana Zec.

22 Ces maisons qui se trouvent près de la route sont toutes des maisons avec

23 un toit à deux pans c'est-à-dire des maisons absolument comparables,

24 analogues que rien ne différencie d'une maison croate.

25 Nous pouvons continuer.

Page 98

1 (Projection de la vidéo.)

2 Vous avez là au milieu de l'écran, une maison musulmane avec une

3 toit pyramidal à quatre… une charpente puisque le toit est parti et là

4 vous avez la mosquée.

5 Ceci est l'école qui a été, elle aussi, détruite le

6 16 avril 1993. En revanche, vous avez là des maisons croates qui sont

7 absolument intactes.

8 A droite de l'écran, vous apercevez le magasin qui était

9 exploité par l'accusé Vlatko Kupreskic, sa maison d'habitation se trouvant

10 tout près à droite de ce magasin et juste derrière, à quelques dizaines de

11 mètres, il y a une maison ou plutôt à ce moment-là les ruines d'une

12 maison, celle de la famille de Sakib Ahmic dont nous parlerons, je pense,

13 au cours de la deuxième semaine de ce procès.

14 Nous pouvons continuer.

15 (Projection de la vidéo.)

16 Nous montons sur un petit chemin en direction des maisons

17 Kupreskic. Et vous avez à droite la maison… vous pouvez continuer. Cette

18 maison n'est pas la maison de l'un des accusés. En revanche à droite vous

19 avez les maisons de Zoran et Mirjan Kupreskic.

20 Ceci est la maison de Mirjan Kupreskic et la maison de

21 l'accusé Zoran est juste devant.

22 Nous repartons. La maison de l'accusé Vlatko Kupreskic se trouve

23 juste sur la gauche, et nous partons sur cette petite route qui conduit

24 vers le haut d'Ahmici et qui en 1993 n'était habitée que par des familles

25 musulmanes. Et toutes les maisons sont aujourd'hui détruites.

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1 En face de nous, au milieu de l'écran, maintenant à notre

2 droite, se trouve la mosquée haute. Voici la mosquée haute détruite de

3 manière spectaculaire.

4 Nous trouvons dans le haut d'Ahmici où toutes les maisons ont

5 été détruites le 16 avril 1993, dont certaines aujourd'hui ont donc fait

6 l'objet de certains travaux, comme des travaux de charpente. Nous sommes

7 pratiquement là arrivés à l'extrémité la plus haute du village d'Ahmici.

8 La troisième séquence a donc été filmée sur la route régionale

9 dans la direction de Vitez et va nous permettre de regarder, sur la droite

10 de cette route par rapport à ce sens de circulation, les maisons du

11 quartier de Dzema, maisons pratiquement toutes croates, et le "Pizan Café"

12 au terme de cette séquence.

13 (Projection de la vidéo.)

14 Peut-on arrêter ?

15 Les maisons que l'on voit, toutes maisons à deux pans, toutes

16 croates, sont les maisons de l'extrémité du quartier de Dzema, le "Pizan

17 Café" se trouve exactement immédiatement à droite de l'écran, et la maison

18 qui a servi de regroupement, qui a permis aux Croates de regrouper un

19 certain nombre de leurs détenus musulmans se trouve immédiatement sur

20 cette rue, à notre gauche,à gauche de l'écran.

21 Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur Le Juge, c'était

22 les principales indications topographiques que je souhaitais vous

23 présenter, et je crois que ce film que nous venons de voir nous montre,

24 illustre peut-être l'un des éléments de fait que nous devrons prouver au

25 Tribunal, c'est-à-dire que le 16 avril 1993, 180 maisons d'Ahmici ont été

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1 détruites, que toutes les maisons qui ont été détruites étaient

2 musulmanes, et que presque toutes les

3 maisons musulmanes d'Ahmici ont été détruites.

4 En revanche, les maisons croates sont restées intactes, aucune

5 d'entre elles n'a été abîmée de manière notable.

6 C'est un élément de fait qui aurait pu être admis par la défense

7 dans ces observations sur le mémoire préalable.

8 De même qu'auraient pu être admises par la défense les données

9 du recensement de 1991, selon lesquelles en 1993, au début de

10 l'année 1993, à la fin de l'année 1992, Ahmici comportait 466 habitants,

11 dont 356 étaient musulmans et 87 étaient croates.Une très large majorité

12 de la communauté musulmane, par conséquent.

13 Comme pourrait encore ne pas être contesté par la défense qu'à

14 la fin de l'année 1992, au début de l'année 1993 résident à Ahmici un

15 certain nombre de réfugiés musulmans qui ont été chassés de leur

16 habitation par les combats du front contre les Serbes, et qui sont venus

17 avec leur famille résider à Ahmici. Souvent ces personnes sont arrivées

18 en 1992, après l'été 1992, et quelquefois même au début de l'année 1993.

19 Ces réfugiés tous musulmans sont très mal connus de la population,

20 résidents de souche à Ahmici, mais et de ce fait leur nombre est difficile

21 à préciser. Néanmoins, on peut estimer que 50 réfugiés musulmans, chassés

22 de la zone du front de la guerre contre les Serbes, résidaient à Ahmici à

23 cette époque-là dans les maisons... le plus souvent dans des maisons qu'on

24 appelle, qu'on désigne comme maisons de week-end.

25 Il y a effectivement à Ahmici de part et d'autre de la route

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1 principale, dans le bas d'Ahmici, un certain nombre de petites maisons qui

2 étaient utilisées avant la guerre par des personnes résidant dans les

3 villes, et ces maisons ont été mises à la disposition très naturellement

4 de ces réfugiés.

5 Si l'on compare par conséquent le village d'Ahmici avant

6 le 16 avril 1993 et le village d'Ahmici dans les jours qui ont suivi et

7 encore aujourd'hui, on s'aperçoit que d'un village

8 à majorité musulmane, nous nous trouvons face à un village 100 % croate.

9 Et nous devons aussi considérer que ce bouleversement total

10 d'Ahmici est le fait d'une très brève période de temps de l'action menée

11 par les Croates au cours d'une très brève période de temps, une période

12 qui débute le 16 avril au petit matin et qui se poursuit pendant les

13 heures qui suivent et encore au début de la matinée suivante du 17 avril.

14 J'ai été frappé par le fait que, sur le mur de la mosquée basse,

15 on trouve les mots "48 heures de cendres". Et il est assez étrange que de

16 nombreux témoins musulmans aient dit que "48 heures de cendres" était le

17 nom de code donné par les forces HVO à cette opération de nettoyage.

18 Je dis tout de suite que nous n'avons pas pu prouver cette

19 assertion qui résulte essentiellement d'une rumeur, rumeur persistante

20 mais rumeur. Néanmoins, on ne peut que remarquer la parfaite adéquation de

21 cette désignation à l'opération elle-même et on ne peut pas s'empêcher de

22 penser aussi que cette désignation de "48 heures de cendres", peut-

23 être 48 heures de sang et de cendre, représente aussi et illustre

24 parfaitement la douleur et la souffrance des victimes de ces faits.

25 Je n'évoquerai pas le contexte, la situation politique de la

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1 Bosnie-Herzégovine centrale au début de l'année 1993. Je pense que le

2 Tribunal le connaît parfaitement, de même qu'il connaît parfaitement la

3 situation militaire qui prévalait à ce moment-là et l'existence d'un

4 conflit armé opposant les Croates et les autorités croates de Bosnie aux

5 autorités de Bosnie-Herzégovine. L'armée des Croates de Bosnie, le HVO,

6 était présente en force dans la région de Vitez Busovaca. En revanche,

7 l'armée de Bosnie-Herzégovine était pratiquement absente de cette région.

8 Les combats pouvaient opposer ces deux armées dans la région de Travnik,

9 c'est-à-dire à une trentaine ou une vingtaine de kilomètres à l'ouest de

10 Vitez.

11 Dans la région même d'Ahmici et à Ahmici même était présente ce

12 que l'on a appelé la Défense territoriale. La Défense territoriale ne peut

13 pas être considérée comme une force

14 armée. C'est un groupement de citoyens basé sur le volontariat qui se

15 rassemble pour veiller à la sécurité de leurs habitations et de leurs

16 familles. S'ils sont armés, ils le sont assez légèrement. En général, ils

17 ne disposent pas d'une arme chacun et s'ils sont commandés, ils

18 n'appartiennent pas à une véritable chaîne de commandement centralisé de

19 type militaire.

20 A cette époque-là, je parle donc de la fin de 1992, début de

21 l'année 1993, l’Unprofor bien entendu est présente dans la région. Vitez,

22 Ahmici relèvent de la zone de responsabilité du bataillon britannique basé

23 à Vitez et commandé à l'époque par le colonel Stewart dont l'adjoint était

24 le colonel Watters qui sera notre premier témoin et qui peut-être, si le

25 Tribunal le veut bien, apparaîtra dès que j'en aurai terminé.

Page 103

1 La mission opérationnelle de l’Unprofor dans cette région de

2 Bosnie, comme ailleurs, était bien entendu d'assurer l'acheminement des

3 convois humanitaires, de créer un réseau de sécurité, un réseau de

4 confiance, de protéger les populations, mais bien entendu en respectant

5 une stricte neutralité dans le conflit qui opposait, à l'époque, les

6 différentes communautés en Bosnie centrale comme dans d'autres régions de

7 la Bosnie. Mais ces hommes du bataillon britannique, présent dans la

8 région, ont été témoins d'un très grand nombre de faits essentiels pour la

9 compréhension de cette affaire et leur vigilance, leur compétence font

10 d’eux des observateurs privilégiés.

11 Je pense que votre Tribunal les entendra avec beaucoup

12 d'attention. Et en particulier, sur la situation des forces armées en

13 présence dans cette région de Vitez Busovaca, ils donneront à votre

14 Tribunal des indications importantes.

15 A la fin de l'année 1992, au début de l'année 1993, nous nous

16 trouvons dans une situation donc de conflits armés opposant les autorités

17 de Bosnie et les autorités croates de Bosnie. L'alliance qui les unissait

18 contre l'ennemi commun serbe ayant depuis quelque temps complètement

19 éclaté. Et cette situation de conflits armés a bien entendu un impact très

20 direct sur la situation à Ahmici.

21 En octobre 1992 se produit à Ahmici un événement qui est

22 l'immédiate répercussion de la situation de conflits armés dans laquelle

23 se trouve la Bosnie centrale à cette époque-là.

24 A la deuxième partie, dans la deuxième partie du mois

25 d'octobre 1992, des combats opposent à Travnik des éléments de l'armée de

Page 104

1 Bosnie à des éléments des unités du HVO. La Défense territoriale d'Ahmici

2 met alors en place, sur la route régionale qui relie Busovaca à Vitez,

3 puis ensuite à Travnik, un barrage qui a pour objet dans l'esprit de ses

4 auteurs, d'empêcher les forces HVO de Busovaca de progresser en direction

5 de Travnik et de constituer ainsi des renforts dans les combats de la

6 région de Travnik.

7 Ce barrage sur cette route à Ahmici est mis en place le

8 19 octobre. Il est tenu par une trentaine de Musulmans de la ville, du

9 village d'Ahmici, et de toute évidence, comme nous le montrerons au cours

10 des débats, cette trentaine de personnes est insuffisamment armée pour la

11 tâche qu'ils se sont assignés et très peu commandée.

12 Cette initiative suscite évidemment la colère du HVO qui exige

13 immédiatement le retrait de ce barrage et qui, après quelques menaces,

14 lance le 20 octobre au matin, au petit matin, une attaque extrêmement

15 déterminée puisque le HVO emploie à ce moment-là des armes lourdes contre

16 le barrage, mais aussi, et il est important de le noter, contre les

17 objectifs non militaires, c'est-à-dire contre les maisons qui se trouvent…

18 contre certaines des maisons qui se trouvent dans le bas d'Ahmici.

19 Et dans la journée, dès le début de l'après-midi, les membres de

20 la Défense territoriale d'Ahmici à l'évidence en situation de faiblesse se

21 retirent et laissent le champ libre au HVO. Plus d'une vingtaine de

22 maisons, habitations ou dépendances sont détruites. Le minaret de la

23 mosquée basse est sérieusement endommagé. Et cette cible a bien entendu

24 été atteinte volontairement, bien qu’en aucune manière il puisse être

25 considéré comme une cible militaire.

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1 Un jeune homme de 15 ans, Ali Pezer, non combattant, a été tué

2 par un snipper au cours de cette journée. Après cet événement du

3 20 octobre 1992, la situation à Ahmici entre les

4 communautés demeure extrêmement tendue. La violence pendant toute cette

5 période qui va du mois d'octobre 1992 au mois d'avril 1993 est une

6 violence rampante, et qui éclate quelquefois de manière extrêmement

7 marquée.

8 Les forces HVO exigent en réalité à Ahmici comme à Vitez

9 d'ailleurs, la soumission totale des Musulmans. Ils exigent la restitution

10 des armes en particulier. Ils exigent le droit de pouvoir contrôler tous

11 les déplacements des Musulmans. Ils exigent que soit respecté un couvre-

12 feu, lequel s'applique aux Musulmans mais ne s'applique pas aux Croates.

13 En ce début d'année 1993, l'unité dite des "Jokers" s'installe au

14 "Bungalow", et les membres de cette unité, pendant les semaines qui vont

15 suivre et jusqu'au mois d'avril 1993, se signaleront tout particulièrement

16 par leur brutalité à l'égard de la population civile et leurs actes de

17 provocation manifeste consistant par exemple en des tirs sur les maisons

18 qui bordent la route en passant en voiture, ou des tirs à partir des

19 bungalows ou d'autres positions sur les voitures passant sur la route. De

20 très nombreux Musulmans au cours de cette période sont victimes d'actes,

21 de provocations de cette nature qui sont des faits de persécution.

22 Quelques semaines avant la tragédie d'avril, un nommé

23 Esad Salkic qui habite à Nadioci, c'est-à-dire tout près d'Ahmici en

24 direction du "Bungalow", est tué dans sa maison parce qu'il refusait de

25 remettre une arme qu'exigeait le HVO.

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1 Les Musulmans décident à ce moment-là d'assurer leur protection

2 par des patrouilles nocturnes dans les chemins d'Ahmici. Les Croates

3 réagissent aussitôt en exigeant la suppression de ces patrouilles et dans

4 la discussion qui suit entre les Musulmans et les Croates d'Ahmici sur la

5 suggestion formulée par les Musulmans, suggestion conciliatrice de

6 constituer des patrouilles communes Croates/Musulmans. Les représentants

7 croates parmi lesquels Zoran Kupreskic invoquent des ordres supérieurs

8 pour s'y opposer : il n'est pas question, par ordre supérieur, d'assurer

9 la sécurité des populations civiles par des patrouilles communes.

10 Et la veille du 16 avril, le 15 avril à Vitez, les Musulmans

11 reçoivent une fois encore, au cours d'une réunion, l'assurance que rien ne

12 sera entrepris contre eux et que leur sécurité était parfaitement assurée

13 dans la région.

14 Si bien que même si la tension était grande entre les

15 communautés, même si les difficultés étaient sérieuses, même si l'impact

16 du conflit armé était important à Ahmici, cependant, et la plupart des

17 témoins le diront, cependant aucun d'entre eux ne pouvait imaginer que des

18 faits comme ceux du 16 avril pouvaient se produire. Et il faut bien

19 reconnaître quand on examine, qu'on entend les différents témoins qui se

20 sont exprimé sur cette journée, que cette attaque déclenchée le 16 avril

21 au matin contre une population civile traduit une détermination et une

22 sauvagerie tout à fait extraordinaires.

23 D'autant que cette attaque n'a évidemment aucun caractère

24 d'improvisation ; cette attaque est un épisode d'une offensive HVO engagée

25 contre les habitations musulmanes dans toute la vallée de la Lasva et

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1 notamment à Vitez, et Ahmici est un des épisodes, sans doute le plus

2 marquant, mais n'est qu'un des épisodes de cette offensive.

3 Le 16 avril, l'attaque est déclenchée vers 5 heures 30. Les

4 attaquants bénéficient de l'appui d'armes lourdes, d'armes anti-aériennes

5 en particulier, chargées d'obus explosifs ou d'obus incendiaires.

6 Les forces armées terrestres, les fantassins qui appartiennent

7 au HVO et à l'unité dite des "Jokers", qui sont en uniforme de camouflage

8 quand ils sont du HVO ou en uniforme noir lorsqu'ils sont "Jokers", qui

9 sont armés d'armes automatiques, de grenades, de mortiers, de moyens

10 incendiaires, toute cette puissance militaire se déploie donc dans le bas

11 d'Ahmici d'abord, contre une population exclusivement civile, contre des

12 hommes, contre des femmes, contre des enfants qui à cette heure-là sont

13 surpris au terme de leur sommeil en vêtements de nuit.

14 L'attaque a débuté sur les parties basses du village mais il

15 faut savoir que l'attaque

16 commence aussi à Grabovi, c'est-à-dire de l'intérieur du village, le

17 village est à la fois encerclé, pilonné de l'extérieur mais aussi attaqué

18 de l'intérieur de la zone, des maisons Kupreskic, c'est-à-dire

19 Sutra Grabovi.

20 Les groupes de soldats pendant toute la journée passent

21 méthodiquement d'une maison à l'autre. Les premières atteintes sont celles

22 du bas, celles qui environnent les maisons Kupreskic. Ces soldats sont

23 parfaitement organisés, ils savent ce qu'ils ont à faire, ils communiquent

24 par radio ; chacun d'eux porte sur l'épaule ou sur le canon de l'arme un

25 ruban qui indique ce qu'est la tâche ou la zone qui lui a été assignée.

Page 108

1 Ils tirent sur les maisons, ils ordonnent aux habitants de sortir. Ils

2 séparent en principe les hommes et les femmes, le plus souvent ils

3 abattent les hommes sur place, et emmènent dans un centre de détention les

4 femmes et les enfants. Quelquefois, les femmes et les enfants ont été

5 abattus, les soldats tirant assez... à plusieurs reprises sur ceux qui

6 s'efforcent de fuir, quels qu'ils soient, qu'ils soient enfants ou

7 adultes. Et dans la totalité des cas de ces actions, les soldats mettent

8 le feu aux maisons.

9 Les membres de l'Unprofor, du bataillon britannique de

10 l'Unprofor à partir de 11 heures du matin et à plusieurs reprises dans la

11 journée, vont entrer dans Ahmici, porter secours aux blessés, essayer de

12 protéger les femmes et les enfants, s'efforcer de les évacuer vers la

13 sécurité.

14 Lorsque ces hommes du bataillon britannique entrent dans Ahmici

15 avec leurs véhicules blindés, les forces HVO s'éloignent, elles ne cessent

16 pas leurs tirs mais elles s'éloignent et lorsque les hommes du bataillon

17 britannique s'éloignent, se retirent d'Ahmici, les forces du HVO

18 reviennent et reprennent leur action. Les hommes du bataillon britannique

19 ont fait beaucoup pour la population civile, leur témoignage est

20 important. Ils ont secouru beaucoup de civils musulmans, beaucoup de

21 femmes et d'enfants et je pense que dans les circonstances dramatiques où

22 ils se trouvaient, ils ont fait tout ce que leur permettait leur mandat et

23 ceux qui viendront témoigner ici, ceux qui se trouvaient à Ahmici le

24 16 avril diront le dégoût et la colère

25 qu'ils ont alors ressentis.

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1 L'opération progresse pendant toute la journée et dans les

2 premières heures, dans la nuit qui suit et dans les premières heures du

3 matin, elle est achevée. Ahmici n'a pas résisté, Ahmici ne pouvait pas

4 résister. Seul quelques Musulmans de la Défense territoriale possédant

5 quelques armes légères ont tiré quelques cartouches. Jamais aucune victime

6 croate n'a été alléguée, si bien que la résistance de la Défense

7 territoriale à l'attaque d’HVO est avant tout symbolique, elle est celle

8 d’hommes qui essayaient de protéger leur famille contre les soldats qui la

9 mettaient en danger.

10 Cette opération a suscité une très importante émotion. Elle a

11 stupéfié beaucoup de témoins. L'ampleur des destructions, le nombre des

12 victimes, le nombre des cadavres, dont certains étaient encore présents

13 dans les ruines des maisons quinze jours après l'opération, tout cela

14 était constaté par différentes personnes, soit membres de l'Unprofor, soit

15 appartenant aux Nations Unies, ou à des institutions européennes ou

16 internationales.

17 Je vais vous proposer de regarder un très bref film vidéo qui

18 traduit assez exactement, me semble-t-il, cette émotion ressentie

19 quinze jours après les faits, lorsque des éléments d'information certains

20 avaient transparu sur cette affaire, sur ce massacre. Il s'agit de

21 deux sujets tournés par BBC News au tout début du mois de mai 1993, et

22 alors que les soldats britanniques de l'Unprofor sont venus dans le

23 village pour faire un certain nombre de constatations et pour aussi

24 retirer des ruines des maisons un certain nombre de cadavres. Nous pouvons

25 peut-être regarder maintenant ce film vidéo.

Page 110

1 (Projection du film vidéo.)

2 M. Terrier. - Le deuxième sujet va suivre.

3 (Projection du deuxième film.)

4 M. Terrier. - Bien entendu, nous remettrons à la défense une

5 copie de ces films vidéo comme les cartes et photographies aériennes que

6 j'ai présentées au début de cette

7 déclaration.

8 Je voudrais dire encore au Tribunal qu'à Vitez le 28 avril 1993,

9 douze jours après l'attaque, 99 corps dont tous n'ont pas pu être

10 identifiés ont été inhumés dans deux fosses communes creusées par les

11 hommes du bataillon britannique et, au cours de nos débats, vous verrez un

12 film vidéo tourné au cours de cette inhumation. Les quatre membres de la

13 famille de Sakib Ahmic qui ont été découverts plus tard par le bataillon

14 britannique dans les ruines de la maison incendiée seront enterrés

15 le 6 mai dans ce même cimetière, si bien qu'aujourd'hui 103 dépouilles y

16 reposent.

17 Ces 103 dépouilles sont des victimes de l'offensive HVO dans la

18 vallée de la Lasva. Mais 45 corps n'ont pas pu être identifiés avant leur

19 inhumation et nous savons que toutes ces victimes ne sont pas d'Ahmici.

20 Nous savons que beaucoup des victimes d'Ahmici ne sont pas enterrées dans

21 ce cimetière de Vitez et nous ignorons... et je veux dire surtout que les

22 familles ignorent le lieu d'inhumation de leurs parents. Il y a la

23 rumeur... a couru la rumeur d'un cimetière clandestin aménagé par les

24 Croates pour une raison que l'on ne connaît pas. Ceci n'a jamais été

25 établi, il reste qu'aujourd'hui encore de très nombreuses familles

Page 111

1 ignorent le lieu d'inhumation de leurs parents. Au cours de ces débats,

2 nous essaierons d'établir aussi exactement que possible le nombre des

3 victimes civiles d'Ahmici.

4 Je pense que ce chiffre pourra être établi autour

5 de 110 personnes dont plus de 30 femmes et près de 20 enfants, c'est-à-

6 dire d'adolescents de moins de 18 ans ou d'enfants. C'est un chiffre

7 considérable qui sera, au cours de notre débat, établi avec le plus de

8 précision qu'il est encore possible aujourd'hui. Les témoins que vous

9 entendrez, les résidents d'Ahmici relateront des tragédies individuelles,

10 celles qu'ils ont vécues au cours de ces journées et dans les jours et les

11 mois qui ont suivi.

12 Mais je voudrais insister sur le fait qu'il y a des tragédies,

13 il s'est produit des tragédies individuelles à Ahmici dont il n'est resté

14 aucun survivant et qui n’ont aucun témoin. Je

15 voudrais évoquer, peut-être certains témoins le feront aussi, le champ de

16 la mort qui se trouve en face du cimetière catholique. Le champ de la

17 mort, c’est la désignation donnée par les hommes du bataillon britannique

18 tant ils ont été émus et horrifiés par ce qu'ils ont vu.

19 En milieu de journée du 16 avril dans ce champ à l'opposé du

20 cimetière catholique, les hommes du bataillon britannique voient une

21 vingtaine de corps, une vingtaine de corps, tous à l'évidence civils.

22 Certains sont des femmes, certains sont des enfants et une femme en

23 particulier est tuée alors qu'elle tient son enfant encore par la main.

24 Une autre tragédie est certainement celle de ce père et de son enfant

25 qu'il tenait dans ses bras, fusillés en même temps, le père et l'enfant,

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1 sur le seuil de sa maison.

2 Une autre tragédie, et il en est certainement bien d'autres,

3 c'est cette maison dont parle le film à un moment donné, qui est la maison

4 de Sejad Ahmic ; le colonel Stewart évoque les victimes de cette maison

5 mais je dois dire au Tribunal que nous avons très peu d'informations sur

6 ce qui s'est passé dans cette maison dont parle le colonel Stewart, et

7 nous n'avons aucune indication précise sur les circonstances exactes dans

8 lesquelles tous les membres de cette famille ont trouvé la mort. Nous

9 sommes bien conscients de ce que, dans cette tragédie d'Ahmici, il y a

10 beaucoup de choses que nous ignorons encore aujourd'hui. Néanmoins, il y a

11 un certain nombre de faits précis dont nous ferons la preuve au cours de

12 ces débats et je pense que le Tribunal pourra être convaincu de la réalité

13 de ce que nous avançons.

14 Je vais m'arrêter là pour ce qui concerne les faits et faire

15 simplement, je m'aperçois que l'heure avance, donc je vais écourter la

16 suite de mes explications si le Tribunal me le permet, et dire en quoi à

17 mon sens le crime commis à Ahmici le 16 avril 1993 est, selon les termes

18 de l'acte d'accusation, un crime contre l'humanité, selon les termes de

19 l'article 5 du Statut et selon également la jurisprudence de ce Tribunal.

20 Je crois que pour ce qui concerne les motifs et l'objectif

21 poursuivi par les auteurs du crime, nous prouverons sans aucun doute

22 possible que leurs raisons étaient politiques, ethniques, raciales et

23 religieuses et que leur objectif était le nettoyage ethnique,

24 l'élimination d'une communauté par l'autre.

25 Le Tribunal sait bien entendu que le plan Vance-Owen avait été

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1 dévoilé en janvier 1993, qu'il prévoyait de constituer un canton dit

2 numéro 10 dont l'administration serait confiée aux Croates. Et Ahmici

3 ainsi que la région de Vitez devaient se trouver inclus dans ce canton. Si

4 dans ce canton la majorité des habitants était bien croate, en revanche

5 certaines municipalités, certains lieux, certains villages pouvaient être

6 à majorité de Musulmans et c'est bien entendu le cas d'Ahmici.

7 Nous dirons que l'offensive lancée par le HVO contre les

8 habitations musulmanes, civiles de la vallée de la Lasva le 16 avril 1993,

9 ne vise pas à combattre les positions d'une armée adverse, elle vise à

10 séparer les communautés en chassant par la destruction des maisons, par le

11 meurtre, par l'assassinat, par l'éloignement, la détention et la

12 déportation, à supprimer la communauté musulmane sur cette Terre.

13 Nous dirons que les caractères de cette opération sont

14 indiscutablement d'avoir été délibérée, planifiée, et exécutée

15 systématiquement sur une grande échelle. Nous montrerons que l'importance

16 des effectifs engagés dans l'opération d'Ahmici, dans l'opération contre

17 Ahmici, les moyens qui ont été mis en oeuvre et en particulier les moyens

18 matériels et militaires, impliquent une préparation, une organisation aux

19 différents niveaux de la hiérarchie militaire ; qu'une intense activité de

20 préparation des ordres donnés, des ordres confirmés, des ordres précisés,

21 a été développée à chaque échelon de cette hiérarchie militaire et malgré

22 l'importance de ces effectifs, le secret absolu a été préservé sur cette

23 opération. Dans les jours qui ont précédé, aucun Musulman, malgré la

24 vigilance de certains d'entre eux, n'a été prévenu de ce qui allait se

25 produire.

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1 Comme je l'ai dit, cette opération est incluse dans une

2 offensive générale dans toute la vallée de la Lasva contre les habitations

3 musulmanes. Cette offensive a duré plusieurs jours, et

4 elle n'a rencontré aucune résistance jusqu'à ce que l'armée de Bosnie

5 entreprenne une ou deux semaines plus tard une contre-offensive. A Vitez

6 par exemple, des faits de même nature qu'à Ahmici ont été commis le même

7 jour qu'à Ahmici et le quartier musulman de la ville, Stari Vitez, a été

8 complètement détruit. Des militaires du bataillon britannique diront que,

9 étant sortis vers les premières heures du matin à Vitez, ils ont vu les

10 cadavres des civils joncher les rues de la zone musulmane tandis que dans

11 la zone d'habitation croate tout était calme et aucun dommage n'avait été

12 causé.

13 Par conséquent, je crois que nous soumettrons toutes les preuves

14 que les hommes qui ont pris part à cette opération ont exécuté des ordres,

15 qu'ils se sont conformés à leurs ordres et qu'en aucune manière ils n'ont

16 poursuivi une motivation personnelle ou voulu satisfaire une inimitié à

17 l'égard de tel ou tel de leurs voisins musulmans.

18 Tous les Croates qui ont pris part à cette opération en sont

19 bien entendu responsables. Nous prouverons que les six accusés ici

20 présents devant le Tribunal ont pris part à cette attaque, qu'ils y ont

21 pris part directement, les armes à la main, ou qu'ils lui ont apporté leur

22 soutien tout à fait actif et un appui logistique.

23 Nous prouverons sans laisser subsister aucun doute que les

24 six accusés étaient à cette époque-là engagés dans les rangs HVO, avaient

25 manifesté leur sympathie pour la cause nationaliste, étaient soumis à la

Page 115

1 discipline de l'autorité croate et du HVO, et que certains d'entre eux,

2 même, avaient adopté un comportement fanatisé.

3 Et il est bien évident que l'engagement dans les rangs HVO pour

4 la cause nationaliste croate ne permettait pas qu'on reste inactif dans un

5 village lorsque le village qu'on habite est l'objet d'une opération de

6 cette sorte.

7 La logique militaire d'ailleurs impliquait elle aussi un appui

8 local. Elle impliquait... cette logique militaire impliquait que les

9 forces armées intervenant dans Ahmici soient très clairement informées de

10 leurs objectifs, que les maisons musulmanes ressemblant aux maisons

11 croates leur soient désignées, que les intérêts croates devant être

12 préservés soient clairement indiqués. Il était absolument impensable

13 qu'une opération de cette sorte soit conduite par des forces militaires

14 étrangères à la région, ignorant tout de ce village. La logique militaire

15 impose l'assistance et la présence des Croates résidant à Ahmici parmi ces

16 forces armées qui ont attaqué ce village.

17 Je dirai que la logique communautaire impose aussi que les

18 Croates d'Ahmici soient associés à l'opération. Il n'était pas pensable

19 que les familles croates résidant à Ahmici ou les intérêts croates

20 d'Ahmici, les habitations croates, soient mis en danger par une opération

21 de cette sorte. Il fallait donc que dans toute la mesure du possible, la

22 veille de l'opération, soient évacuées les familles croates, c'est ce qui

23 s'est produit dans bien des cas. Nous en apporterons la preuve et c'est

24 également un indice de l'implication des Croates d'Ahmici et tout

25 particulièrement des six accusés présents devant le Tribunal.

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1 Nous entendons aussi prouver que cinq des six accusés ont commis

2 des crimes dits "spécifiques" au cours de cette journée et nous avancerons

3 des preuves tenant à des témoignages nombreux, convergeants et

4 concordants.

5 Nous démontrerons que Zoran et Mirjan Kupreskic sont

6 responsables de la destruction de la famille Sakib Ahmic, leurs plus

7 proches voisins musulmans, les parents Naser et Zehrudina et

8 deux enfants : Elvis et Sejad. Sakib Ahmic ayant été blessé mais survivant

9 à cette attaque, il sera présent pour témoigner.

10 Je dis aussi que la crédibilité de ce témoin important qu'est

11 Sakib Ahmic sera établie par d'autres témoignages, mais aussi par le

12 résultat de recherches techniques qui ont été conduites dans les ruines de

13 la maison de sa famille.

14 Nous démontrerons que Vlatko Kupreskic est également responsable

15 de la mort de Fata Pezer, des blessures causées à Dzenana Pezer. Que

16 plusieurs témoins attestent notamment l'avoir vu, au plus fort de

17 l'attaque, près de sa maison tenant une arme. Au moins, un cas faisant

18 feu avec cette arme, qu'il ne subsistera donc aucun doute sur sa

19 responsabilité.

20 Et nous démontrerons enfin que Drago Josipovic et Vlado Santic

21 sont les auteurs de la mort de Musafer Puscul et de la destruction de sa

22 maison et que des témoins, qui m’apparaissent irréfutables, même si la

23 défense a exprimé un avis contraire ce matin, l'établiront devant le

24 Tribunal.

25 Je vais clore cette déclaration préliminaire en évoquant très

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1 brièvement, l'ordre de l'apparition des témoins pour donner encore peut-

2 être une information à votre Tribunal.

3 Nous avons souhaité présenter les témoins, inviter les témoins à

4 s'exprimer devant ce Tribunal selon un ordre logique. Nous avons souhaité

5 évoquer d'abord les circonstances de l'attaque et la participation de

6 Dragan Papic à cette attaque, sa préparation et son exécution.

7 Ensuite, nous avons souhaité évoquer des crimes, les crimes

8 spécifiques, ceux de Sakib Ahmic, la famille Pezer et Musafer Puscul, et

9 de cette manière examiner successivement, non seulement la participation

10 personnelle à l'attaque, mais aussi l'implication dans ce crime spécifique

11 de Zoran et Mirjan Kupreskic d’abord, Vlatko Kupreskic ensuite,

12 Drago Josipovic et Vlado Santic enfin.

13 Dans toute la mesure du possible, nous nous efforcerons de

14 respecter cet ordre que je crois logique. Mais je prie le Tribunal

15 d'excuser effectivement certaines difficultés qui pourront se présenter,

16 notamment des difficultés matérielles qui nous obligeront à modifier

17 l'ordre d'apparition de ces témoins, mais dans toute la mesure du possible

18 nous suivrons cet ordre logique.

19 Je vous remercie de m'avoir écouté, Monsieur le Président. J'en

20 ai terminé.

21 M. le Président. - Merci beaucoup, Monsieur l'Avocat général.

22 Comme il est 5 heures moins le quart, je considère que ce n'est

23 pas la peine de commencer avec votre premier témoin parce que j'imagine

24 que cela va prendre beaucoup plus que quinze minutes.

25 M. Terrier. – Oui, le premier témoin est le colonel Watters qui

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1 était donc l’adjoint du colonel Stewart qui commandait le bataillon

2 britannique de l'Unprofor à Vitez . Je crains effectivement que son

3 témoignage et surtout le contre-interrogatoire ne dépasse largement

4 quinze minutes.

5 Cependant, nous avons une difficulté qui tient à ce que le

6 commandant Watters nous a fait savoir tout à l'heure, il est en exercice

7 dans l'armée britannique, et il a ordre de retourner en Angleterre, en

8 Grande-Bretagne au plus tard en fin de matinée demain. Alors je ne veux

9 pas… j'étais sans doute trop long dans ma déclaration initiale, donc je ne

10 veux pas… mais peut-être peut-on envisager à titre exceptionnel, pour une

11 demi-heure, de recevoir les déclarations principales qu'il pourrait être

12 amené à faire aujourd'hui et en poursuivant demain matin. Je crains que

13 demain matin nous n'ayons qu'un temps insuffisant à consacrer à ce témoin.

14 Si nous commençons aujourd'hui, on peut peut-être gagner un peu de temps.

15 Je me permets de le suggérer, Monsieur le Président, très

16 respectueusement.

17 (Le Président et les Juges se consultent.)

18 M. le Président. - D'accord, à titre exceptionnel, oui, nous

19 décidons de continuer jusqu'à peut-être 17 heures 30.

20 Vous pouvez appeler votre témoin.

21 Entre-temps, puis-je vous poser une question : quels sont, dans

22 l'ordre, les témoins que vous comptez convoquer pour demain…oui, après

23 demain ?

24 Est-ce que on peut suivre l'ordre qui est dans le document que

25 vous avez soumis le 3 août ?

Page 119

1 M. Terrier. – A une exception près, Monsieur le Président, comme

2 certains témoins doivent regagner la Bosnie assez rapidement, je

3 suggérerai, j'avais envisagé le témoignage de Payam Akhavan qui est membre

4 du Bureau du Procureur et qui est ici à La Haye, soit repoussé un peu plus

5 tard de manière à permettre aux témoins de Bosnie de passer auparavant.

6 Sous cette

7 réserve-là effectivement, j'espère que nous pourrons suivre cet ordre.

8 M. le Président (interprétation). - D’accord, merci.

9 Monsieur Pavkovic, vous avez la parole.

10 M. Pavkovic (interprétation). – Monsieur le Président, la

11 défense de façon à pouvoir se préparer au contre-interrogatoire, demande

12 que lui soit fourni au moins 48 heures, j'insiste sur ce délai, au moins

13 48 heures avant l'arrivée des témoins, et la défense demande à être

14 informée par l'accusation de l'identité des témoins qui seront entendus

15 devant la Chambre de première instance, je vous remercie.

16 M. le Président (interprétation). – Oui, oui, je crois que c'est

17 une demande tout à fait raisonnable et je demanderai donc à l'accusation

18 si elle est prête à fournir 48 heures à l'avance le nom des témoins qui

19 seront entendus.

20 C'est une demande tout à fait raisonnable, il est tout à fait

21 normal que la défense puisse connaître à l'avance le nom des témoins qui

22 seront cités par le Procureur. Etes-vous en mesure de fournir cette liste,

23 Maître ?

24 M. Terrier. – En principe. Aucune opposition de principe, je

25 comprends cette demande formulée par la défense. Elle ne me paraît pas

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1 illégitime. Simplement, les difficultés auxquelles nous nous trouvons

2 quelquefois confrontés sont… difficultés d'ordres matériels

3 essentiellement, sont quelquefois telles qu'il est possible qu'à ce

4 moment-là l'information que nous donnions 48 heures à l'avance soit

5 inexacte ou mal fondée.

6 En souhaitant que, si l'on s'engage, si l’on prend cet

7 engagement, on ne nous tienne pas rigueur d'imprécisions ou de

8 modifications de dernière minute, je ne vois aucun inconvénient,

9 effectivement, à donner cette notification sous réserve aussi que nous

10 ayons un correspondant, M. l'avocat qui vient de s'exprimer qui pourrait

11 effectivement ensuite disperser l'information.

12 M. le Président.. - D'accord, mais cela signifie que cet après-

13 midi vous allez passer

14 à la défense la liste des témoins.

15 M. Terrier. - Ce soir nous allons communiquer au représentant de

16 la défense la liste de nos prochains témoins d'une part, et nous allons

17 aussi lui communiquer en même temps les mesures de protection qui sont

18 sollicitées, de manière à obtenir... en souhaitant obtenir bien entendu

19 son accord.

20 M. le Président.. – L’idéal serait de donner à la défense la

21 liste des témoins que vous comptez appeler ici jusqu'à vendredi peut-être,

22 en gros. Cela ne serait pas mal pour la défense d'avoir le cadre de la

23 semaine.

24 M. Terrier (interprétation). - D'accord, je m'y engage

25 Monsieur le Président.

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1 (Le témoin est introduit dans la salle.)

2 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Monsieur Watters.

3 Je vous prierai, si vous le voulez bien, de prononcer la déclaration

4 solennelle.

5 M. Watters (interprétation). - Je déclare solennellement que je

6 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président (interprétation). – Merci, vous pouvez vous

8 asseoir Monsieur.

9 M. Moskowitz (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

10 Bonjour, Colonel Watters.

11 M. Watters (interprétation). – Bonjour, Maître.

12 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous commencer par nous

13 dire ce que vous faites pour gagner votre vie ?

14 M. Watters (interprétation). - Je suis colonel dans l'armée

15 britannique et je commande le bataillon du Cheshire.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous résumer brièvement

17 l'expérience que vous avez acquise au sein de l'armée britannique ?

18 M. Watters (interprétation). - J'ai été posté dans mon régiment

19 il y a vingt-quatre ans aujourd'hui. Aujourd'hui, je suis commandant

20 d'état-major dans mon régiment pour l'armée britannique, je suis

21 commandant de bataillon, commandant de compagnie, aujourd'hui commandant

22 de bataillon et, au cours de toutes mes missions, j'ai commandé des

23 soldats en Irlande du Nord, en Rhodésie par le passé, en Bosnie et dans

24 d'autres régions du monde. En tant qu'officier d'état-major, j'ai opéré au

25 sein d'une brigade de l'Otan, j'ai été posté en Irlande du Nord et

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1 également dans une école d'infanterie.

2 M. Moskowitz (interprétation). – Merci. Vous avez dit que vous

3 aviez effectué une mission en Bosnie. Pouvez-vous nous donner les dates ?

4 M. Watters (interprétation). - J'ai été appelé au sein de mon

5 régiment pour prendre le commandement-adjoint à la fin du mois de

6 janvier 1993. Je suis arrivé au début de février en Bosnie et du 6 février

7 au 6 mai, j'ai occupé ces fonctions de commandement en Bosnie.

8 M. Moskowitz (interprétation). - Qui était votre adjoint ? Vous

9 avez dit que vous étiez commandant-adjoint, qui était votre commandant à

10 l'époque ?

11 M. Watters (interprétation). - Le colonel Stewart.

12 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous parler de

13 votre commandement ?

14 M. Watters (interprétation). - J'étais commandant-adjoint de

15 l'unité à cette époque. Il s'agissait du groupe du Cheshire qui portait ce

16 nom au sein du bataillon britannique et mon rôle consistait à remplacer

17 mon supérieur s'il était absent et à éviter des victimes. Mes occupations

18 routinières consistaient à contrôler les opérations et les informations au

19 sein du quartier général et donc j'agissais en exercice en tant que

20 commandant d'état-major.

21 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous, je vous prie,

22 décrire la zone d'opération qui vous incombait en Bosnie pendant cette

23 période ? Je parle du début de 1993.

24 M. Watters (interprétation). – Oui, Monsieur. Nous avions une

25 zone de responsabilité qui nous était assignée et qui allait au Nord de

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1 Tuzla, je veux d'abord expliquer la taille de cette zone et, ensuite, je

2 parlerai des responsabilités que nous assumions. Nous étions un groupe, un

3 bataillon qui comportait trois compagnies d'infanterie, une compagnie

4 chargée des armes légères, une compagnie de reconnaissance et une section

5 de reconnaissance qui dépendaient de nous directement. Nous avions

6 également le quartier général et l'échelon qui était l'élément de soutien

7 logistique.

8 Une de nos unités était basée à Tuzla quand je suis arrivé en

9 février et la compagnie d'appui était basée à Vitez, le reste étant à

10 Gornji Vakuf, ce qui ne rentre pas dans ce cadre était notre zone de

11 responsabilité.

12 M. Moskowitz (interprétation). – Merci. Je demanderai maintenant

13 l'aide de l'huissier. Nous avons en effet deux cartes qui sont sur le mur

14 de ce côté-ci de la salle et je demanderai que ces cartes soient placées

15 sur un chevalet de façon que nous puissions les voir plus distinctement

16 pendant le reste de cette déposition.

17 Est-ce que nous pourrions faire enregistrer la première carte en

18 tant que pièce à conviction, je vous prie ?

19 M. May (interprétation). - Est-ce que nous aurons une copie de

20 ces documents ?

21 Mme le Greffier. – C'est la pièce du Procureur numéro 5.

22 M. Moskowitz (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge.

23 Colonel Watters, je vous prierai de regarder cette pièce à

24 conviction qui est enregistrée sous la cote 5, si je ne m'abuse et je vous

25 prierai de vous lever, de vous rapprocher de la pièce à conviction, vous y

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1 trouverez un microphone.

2 (Les interprètes n'ont pas la carte sous les yeux.)

3 Pouvez-vous nous décrire ce qui figure sur cette carte ?

4 M. Watters (interprétation). - La carte nous montre le

5 territoire de l'ex-Yougoslavie et je commente ce qui est surligné ?

6 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous en prie.

7 M. Watters (interprétation). – C'est le centre de notre zone

8 d'opération basée à Vitez où se trouvait le bataillon britannique et

9 deux unités de manœuvre. Nous voyons les villes de Zenica, Travnik, Turbe,

10 Busovaca, qui sont les villes dans lesquelles nous opérions et sur

11 lesquelles nous nous sommes concentrés à partir du 16 avril et jusqu'à

12 notre départ, à la mi-mai.

13 M. Moskowitz (interprétation). - Ce carré jaune, est-ce que ce

14 carré définit la totalité de votre zone d'opération pendant toute cette

15 période ou est-ce une partie de votre zone de responsabilité qui était en

16 fait plus importante ?

17 M. Watters (interprétation). - C'est une partie de notre zone de

18 responsabilité qui

19 était beaucoup plus importante.

20 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pourriez du

21 doigt nous montrer quelle est la totalité de votre zone d'opération à

22 l'époque en dehors du carré jaune ?

23 M. Watters (interprétation). - C'est un peu difficile, si les

24 positions des Serbes ne sont pas indiquées sur la carte à l'époque, mais

25 de façon très générale, notre zone d'opérations passait par Zenica, Jebce

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1 Maglaj, incluait une partie de Doborje et se poursuivaient jusqu'à Tuzla

2 vers le haut de la carte.

3 M. Moskowitz (interprétation). - Où se trouvait votre quartier

4 général pendant cette période ?

5 M. Watters (interprétation). - Dans une école à l'extérieur de

6 la ville de Vitez.

7 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que l'on peut maintenant

8 enlever du chevalet cette pièce à conviction et je vous prierai de

9 regarder celle qui se trouve en-dessous ?

10 Peut-on enregistrer également cette pièce à conviction, je vous

11 prie ?

12 Mme le Greffier. – Cette pièce sera marquée la pièce du

13 Procureur numéro 6.

14 M. Moskowitz (interprétation). – Donc, la pièce est maintenant

15 enregistrée comme pièce à conviction numéro 6. Je vous demande si vous

16 pouvez établir une corrélation entre le carré qui figurait sur la pièce à

17 conviction numéro 5 et la carte qui est dénommée désormais pièce à

18 conviction numéro 6 ?

19 M. Watters (interprétation). - Oui.

20 M. Moskowitz (interprétation). – Oui, eh bien, faites-le, je

21 vous en prie, Monsieur.

22 M. Watters (interprétation). - Nous voyons la vallée de la

23 Lasva, la ville de Vitez au centre de cette vallée et la route de Vitez

24 qui établit un embranchement pour aller vers Zenica. Cette route va vers

25 le nord-ouest, c'est la route principale, elle sort de Vitez, elle passe

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1 par notre quartier général à Nova Bila et se poursuit vers Travnik.

2 Et cette carte a une échelle qui correspond tout à fait à

3 l'échelle des cartes que nous

4 utilisions lorsque nous étions sur les lieux.

5 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de la vallée de

6 la Lasva. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par ces termes

7 "vallée de la Lasva" ?

8 M. Watters (interprétation). - C'est la vallée dans laquelle

9 circule la rivière qui s'appelle Lasva. Pour nous, elle constituait le

10 centre de notre zone d'opération. On y trouve une route qui traverse la

11 carte dans la direction de Travnik et descend dans l'autre sens vers la

12 ville de Zenica.

13 Cette région est devenue très célèbre après le 16 avril. Je la

14 connaissais déjà très bien avant cette date car j'avais des activités de

15 liaison avec le commandant de Vitez. Il y avait également le commandement

16 régional qui était stationné à Vitez, le commandement du colonel Blaskic

17 et, à l'époque, je n'avais pas de raison particulière pour connaître très

18 bien cette région, mais je la connaissais déjà.

19 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez mentionné une route

20 qui traverse la vallée de la Lasva de Vitez à Zenica, je crois même vous

21 avoir entendu parler de deux routes différentes.

22 M. Watters (interprétation). – Oui, nous avions ce que nous

23 appelions la route de circulation régionale et l'autre que nous appelions

24 la route de montagne qui partait de Dubravica au carrefour à la sortie de

25 Vitez et se poursuivait jusqu'à Zenica. Quant à l'autre route qui suit le

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1 cours de la rivière, le long de la vallée de la Lasva, on trouve cette

2 autre route de circulation régionale qui atteint le carrefour que je vous

3 montre ici et qui se poursuit vers Zenica.

4 La route que nous empruntions dépendait de la situation

5 militaire du moment.

6 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez évoqué cette route

7 qui suit la vallée de la Lasva, je ne parle pas de la route de montagne,

8 mais de l'autre route. Est-ce que cette route traversait également la

9 ville d'Ahmici ?

10 M. Watters (interprétation). - J'ai toujours cru comprendre

11 qu'Ahmici se trouvait

12 au nord de cette route.

13 M. Moskowitz (interprétation). - Tout près de la route ?

14 M. Watters (interprétation). - Ensuite, vers le haut, la route

15 se poursuit vers le haut sur les collines.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez souvent

17 couvert la route qui va de Vitez, le long de la vallée de la Lasva, en

18 traversant Ahmici ?

19 M. Watters (interprétation). – Un nombre… très, très souvent.

20 M. Moskowitz (interprétation). - Quelle est la distance

21 approximative du centre de Vitez vers Ahmici le long de cette route ?

22 M. Watters (interprétation). - A peu près quatre kilomètres.

23 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez également parlé

24 de Blaskic et du quartier général de Vitez. Qui est le colonel Blaskic ?

25 M. Watters (interprétation). - Le colonel Blaskic était le

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1 commandant régional du HVO en Bosnie centrale qui rendait compte au

2 commandant Petkovic.

3 M. Moskowitz (interprétation). - Pour que les choses soient tout

4 à fait claires, qu'entendez-vous par HVO ?

5 M. Watters (interprétation). – Le HVO, c'était l'armée croate

6 des habitants croates de Bosnie centrale, de Bosnie.

7 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous nous dire où, si

8 vous vous le rappelez, était basé le quartier général du HVO et du

9 colonel Blaskic à Vitez ? Dans quel bâtiment ?

10 M. Watters (interprétation). - A l'hôtel Vitez au centre de la

11 ville, le long de la route principale, lorsqu'on traversait la ville.

12 M. Moskowitz (interprétation). – Maintenant, je vous demanderai

13 de regarder la carte qui se trouve à l'arrière sur le chevalet, c'est

14 peut-être un peu difficile, mais l'huissier va

15 pouvoir vous aider. Je vous demande de regarder la carte de grande taille

16 qui se trouve derrière.

17 En réalité, nous aurons à nouveau besoin du chevalet dans

18 quelques minutes. C'est peu pratique.

19 Nous aimerions que cette pièce à conviction soit également

20 enregistrée.

21 Mme le Greffier. - C'est la pièce du Procureur numéro 1.

22 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Colonel Watters,

23 peut-être que cela va semer la confusion, mais je vous demanderai de

24 prendre votre temps et de nous dire ce que cela montre selon vous.

25 M. Watters (interprétation). - Il s'agit d'une photographie

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1 aérienne de la zone que nous venons d'évoquer, avec Vitez au centre, et

2 ensuite, en allant vers le sud, en réalité, je crois, mais en remontant

3 vers le haut de la carte, il y a la route qui va vers Busovaca et qui

4 relie la route de Zenica et ensuite on trouve la route qui traverse Vitez

5 ou le contournement de Vitez qui nous amène à l'endroit où se trouvait

6 notre école à Bila. Il y a également le village de Butice que je connais

7 bien ici, ainsi qu'un autre endroit que je connaissais bien, ainsi que la

8 topographie générale du lieu.

9 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous montrer au

10 Tribunal où se trouve la route de Vitez qui passe à proximité d'Ahmici qui

11 suit la vallée et non pas la route de montagne ?

12 M. Watters (interprétation). - Du centre de Vitez ici, on

13 remontait ici, il s'agissait d'une zone peuplée de Croates. On traversait

14 un pont et on tournait sur la droite, la route suivait la vallée jusqu'à

15 ce carrefour qui était la route qui allait vers Ahmici, la route se

16 poursuivait par le bas du village d'Ahmici et elle continuait en tournant

17 à Busovaca vers la route de Zenica.

18 M. Moskowitz (interprétation). - Et du centre de Vitez à Ahmici,

19 il y a quatre kilomètres ?

20 M. Watters (interprétation). – Oui, quatre kilomètres.

21 M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez également parlé

22 de l'hôtel Vitez où le quartier général du HVO se situait. Est-ce que

23 c'était au centre de Vitez ou en périphérie ?

24 M. Watters (interprétation). - C'est au centre de Vitez, c'est

25 difficile à dire, mais je pense que c'était là probablement.

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1 M. Moskowitz (interprétation). - C'était un bâtiment de

2 plusieurs étages, relativement grand ?

3 M. Watters (interprétation). - Il était vers cet endroit-là,

4 dans cette direction et l'hôtel était dirigé de cette manière.

5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que Vitez avait des

6 zones ethniques bien définies à l'époque où vous vous y trouviez ?

7 M. Watters (interprétation). – Oui, c'était le cas. Elles

8 n'étaient pas forcément visibles directement pour nous au départ car ce

9 n'était pas ce sur quoi nous nous étions concentrés, mais ici à partir du

10 Nord, vous trouviez une zone croate mixte en allant ici vers une zone

11 musulmane autour de la mosquée puis en passant devant le bâtiment de la

12 municipalité de la mairie, vous trouviez cette zone ici croate au nord de

13 l'hôtel Vitez qui était pratiquement l'interface entre le secteur musulman

14 et le secteur croate de la ville, avec des maisons croates ici et avec des

15 maisons ici, à cet endroit-là, sur la route qui sort du village.

16 M. Moskowitz (interprétation). - L'huissier vous donnera un

17 surligneur. Maintenant, est-ce que vous pourriez nous indiquer sur cette

18 carte les zones que vous venez de décrire qui indiquent les différentes

19 zones ethniques de Vitez ?

20 M. Watters (interprétation). - Si je devais tracer un trait ici

21 et ici, c'est peut-être approximatif mais cela montre que cette zone ici

22 est croate.

23 Cette zone est mixte ou largement croate, cette zone ici est à

24 prédominance musulmane.

25 M. Moskowitz (interprétation). - Donc cette zone prise en

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1 sandwich serait à

2 prédominance musulmane ?

3 M. Watters (interprétation). - Oui.

4 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'en est-il de la route qui

5 sort de Vitez et qui va vers Ahmici, juste à côté de l'étiquette qui dit

6 "Vitez" ? Est-ce que cette zone serait croate ou musulmane ?

7 M. Watters (interprétation). - Croate, la zone croate se

8 poursuivait dans cette direction mais une fois de plus j'aurais des

9 difficultés à dire quelle maison appartenait à qui, de manière générale,

10 c'était une partie plus aisée de la ville.

11 M. Moskowitz (interprétation). - Suivez cette route pour aller

12 jusqu'au carrefour, quel était le nom de cette région si vous vous en

13 souvenez ?

14 M. Watters (interprétation). - Je ne peux m'en souvenir

15 malheureusement.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

17 de l'école de Dubravica ?

18 M. Watters (interprétation). - Oui, elle est située ici environ,

19 c'est là qu'est le carrefour de Dubravica, l’école était juste au nord de

20 la route qui sortait de Dubravica, ou c'est peut-être cet endroit ici,

21 cette partie. C'est difficile mais je pense que c'est là la route de

22 montagne qui va vers Zenica, à ce carrefour ici et l’école se trouve juste

23 au nord du carrefour.

24 M. Moskowitz (interprétation). - C'était une école élémentaire,

25 si vos souvenirs sont bons ?

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1 M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas, il n'y avait pas

2 énormément d'enfants qui allaient à l'école à cette période.

3 M. Moskowitz (interprétation). - Lorsqu'on continue sur cette

4 route, on arrive à la zone connue sous le nom de Santici-Ahmici, c’est

5 exact ?

6 M. Watters (interprétation). - Oui.

7 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous connaissez un

8 endroit qu'on

9 appelait le "Bungalow" ?

10 M. Watters (interprétation). - Oui, je connaissais cet endroit.

11 M. Moskowitz (interprétation). - Peut-être que cette carte est à

12 petite échelle, mais est-ce que vous pourriez essayer de l'identifier ?

13 M. Watters (interprétation). - C'est environ ici, cela pourrait

14 être par ici ou par là, mais c'est dans cette partie. Autant que je m'en

15 souvienne.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Et finalement, avec l'aide de

17 l'huissier une fois de plus, j'aimerais agrandir la zone d'Ahmici et

18 j'aimerais que le colonel puisse l'examiner et nous aimerions que cet

19 agrandissement soit placé sur le chevalet comme prochaine pièce à

20 conviction.

21 Nous aimerions que cette pièce soit enregistrée.

22 Mme le Greffier. - Cette pièce a été marquée la pièce de

23 l'accusation numéro 2.

24 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Colonel Watters,

25 est-ce que vous pourriez identifier cela pour nous, je vous prie ?

Page 133

1 M. Watters (interprétation). - C'est un agrandissement de la

2 photographie précédente, qui se concentre sur le croisement entre la route

3 principale de la vallée de la Lasva qui tourne sur la gauche vers Ahmici.

4 Le cimetière était un élément marquant Santici et nous avions un bataillon

5 hollandais des Nations Unies qui était posté environ ici.

6 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous remercie

7 Monsieur le Colonel Watters. Vous pouvez regagner votre place. Maintenant,

8 nous aimerions verser au dossier ces quatre pièces à conviction.

9 M. Le Président (interprétation). - Les interprètes vous

10 demandent de ralentir. Je viens de le voir sur le transcript.

11 M. Moskowitz (interprétation). - Très bien. J'aimerais

12 maintenant montrer au colonel Watters trois photographies, pièces à

13 conviction, et j'aimerais qu'il les identifie.

14 Mme Le Greffier. - Les pièces de l'accusation numéros 7, 8 et 9.

15 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demanderai de placer

16 ces pièces sur le rétroprojecteur. Merci.

17 Monsieur le Colonel Watters, pouvez-vous nous dire ce que montre

18 cette pièce ?

19 M. Watters (interprétation). - Une photographie aérienne de

20 Vitez.

21 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce la ville de Vitez dans

22 la vallée de la Lasva ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui.

24 M. Moskowitz (interprétation). - Peut-être que c'est difficile à

25 voir, mais est-ce que vous pouvez identifier le quartier général du HVO,

Page 134

1 l'hôtel ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui, je crois que c'est ce

3 bâtiment ici, où il y avait le quartier général régional du HVO. Le

4 quartier général de la ville se trouvait dans un cinéma plus loin, de ce

5 côté-là, je crois.

6 Je crois que cette zone ici, et l'hôtel Vitez avec l'entrée sur

7 la route principale ici, c'était le quartier général régional du HVO et du

8 colonel Blaskic.

9 M. Moskowitz (interprétation). - Je vois qu'il y a une route qui

10 va de droite à gauche sur la carte ; est-ce la route principale qui va

11 vers Ahmici ?

12 M. Watters (interprétation). - Oui.

13 M. Moskowitz (interprétation). - A quatre kilomètres ?

14 M. Watters (interprétation). - Oui.

15 M. Moskowitz (interprétation). - J'aimerais maintenant montrer

16 la photographie suivante une fois qu'on vous l'aura présentée. Est-ce que

17 vous pourriez identifier cette photographie ?

18 M. Watters (interprétation). - Il s'agit du côté de l'hôtel

19 Vitez, l'entrée se trouve de ce côté-là.

20 M. Moskowitz (interprétation). - C'est là où se trouvait le

21 quartier général du

22 HVO ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui, je leur ai rendu visite là-

24 bas.

25 M. Moskowitz (interprétation). - Il s'agit d'un agrandissement

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1 maintenant du bâtiment de la vue aérienne que nous venons d'examiner ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui.

3 M. Moskowitz (interprétation). - Et finalement la troisième

4 photographie. Que voit-on ici ?

5 M. Watters (interprétation). - L'hôtel Vitez vu de la route

6 principale à Vitez.

7 M. Moskowitz (interprétation). - Cette route qui passe devant

8 l'hôtel est la route principale, une fois de plus, qui va vers Ahmici ?

9 M. Watters (interprétation). - Oui.

10 M. Moskowitz (interprétation). - Dans la vallée de la Lasva ?

11 M. Watters (interprétation). - Oui.

12 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Colonel Watters,

13 lors de votre arrivée, au début de 1993, en Bosnie centrale, quelle était

14 votre mission et quelle était la mission du bataillon britannique à

15 l'époque ?

16 M. Watters (interprétation). - Notre mission était de faciliter

17 la distribution d'aide humanitaire dans notre zone de responsabilité afin

18 d'empêcher la famine et la dégradation des conditions de vie de la

19 population de Bosnie-Herzégovine, autant que je m'en souvienne.

20 M. Moskowitz (interprétation). - Pendant votre séjour en Bosnie

21 centrale, est-ce que l'essentiel de cette mission s'est quelque peu

22 modifié ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui, l'essence de notre mission

24 est restée identique et il s'agissait de préserver la vie. L'essentiel de

25 notre mission consistait à livrer l'aide humanitaire mais à mesure que la

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1 situation militaire se dégradait en Bosnie centrale, c'était de plus en

2 plus difficile et de moins en moins pertinent. Et sauver des vies... nous

3 pouvions sauver des vies en

4 essayant d'empêcher les combats entre les forces qui s'opposaient et en

5 établissant des cessez-le-feu, en appliquant des cessez-le-feu et en

6 créant une mission de mise en application des cessez-le-feu conformément à

7 l'ECMM. Nous pensions que cela nous permettrait de sauver des vies car la

8 distribution de l'aide était de plus en plus difficile et comme je l'ai

9 dit, de moins en moins pertinente.

10 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'un jour particulier

11 est resté gravé dans votre mémoire, qui serait le jour peut-être où votre

12 mission a changé et où elle est passée de la fourniture d'aide humanitaire

13 à la mission de sauver des vies de manière plus directe ?

14 M. Watters (interprétation). - Une série d'événements et de

15 situations ont commencé à modifier notre mission. Le fait de faciliter le

16 mouvement de réfugiés, suite à la consolidation des positions serbes à

17 Banja Luka, nous a amené à aider des réfugiés à traverser Turbe. Ensuite

18 il y a eu la poche à Srebenica ; nous nous sommes concentrés sur Zrebenica

19 au début du mois d'avril. Au centre de notre zone de responsabilité dans

20 la vallée de la Lasva, un changement brutal est intervenu le matin du

21 16 avril 1993.

22 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

23 d'où vous vous trouviez au tout début du matin du 16 avril ?

24 M. Watters (interprétation). - J'étais au quartier général à

25 l'école, l'officier commandant était à Bila et il passait la nuit à

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1 Zenica. Il essayait de voir comment nous pouvions retrouver M. Totic. Donc

2 j'ai commandé le bataillon à l'époque car nous n'avions pas de contact

3 radio avec lui ; depuis 3 heures du matin j'étais au centre des opérations

4 et étant donné que des événements étranges se produisaient, j'essayais de

5 comprendre de quoi il s'agissait..

6 M. Moskowitz (interprétation). - Vous parlez d'événements

7 étranges aux premières heures du matin du 16 avril. De quoi voulez-vous

8 parler ?

9 M. Watters (interprétation). - Ce qui s'est passé tout d'abord,

10 c'est qu'un groupe de journalistes est venu à l'école et nous a demandé de

11 lui offrir un abri. Ils étaient logés sur la

12 route qui faisait le tour de Vitez. Dans un garage se trouvait un ours

13 dans une cage, il se trouvait devant cet endroit, nous l’avons libéré par

14 la suite. Ces personnes-là nous ont dit que des hommes masqués étaient

15 entrés dans leurs chambres et leur avaient ordonné de partir, sinon ils

16 allaient les tuer. Ils ont donc abandonné tous leurs biens et ils ont

17 quitté l'endroit dans un état de choc extrême. C'était tout à fait

18 inhabituel.

19 M. Moskowitz (interprétation). – Vous parlez de la route qui

20 fait le tour de Vitez. Il s'agit d'une route qui contourne Vitez, n’est-ce

21 pas ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui.

23 M. Moskowitz (interprétation). – Je pense que ces journalistes

24 devaient être effrayés ?

25 M. Watters (interprétation). – Oui, ils étaient terrorisés.

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1 M. Moskowitz (interprétation). – Que s'est-il passé d'autre aux

2 premières heures du matin ce jour-là ?

3 M. Watters (interprétation). - Nous avons reçu des comptes

4 rendus de tirs, et dès 6 heures du matin nous avons entendu des tirs

5 d'artillerie en direction de Vitez et on nous a dit que des tirs nourris

6 se produisaient dans la zone de Vitez, et des tirs dans la zone de la

7 vallée de la Lasva.

8 M. Moskowitz (interprétation). – D’où vous venaient ces comptes

9 rendus ?

10 M. Watters (interprétation). - Des positions statiques qui se

11 trouvaient à l'intersection de la route principale qui entrait à Vitez et

12 de la route circulaire.

13 Vers 6 heures, j'ai envoyé des patrouilles de reconnaissance

14 pour voir ce qui se passait réellement dans la vallée de la Lasva.

15 M. Moskowitz (interprétation). – Vous parlez de patrouilles de

16 reconnaissance, qu'entendez-vous par là ?

17 M. Watters (interprétation). - Il s'agit de chars demi-lourds

18 qui devaient emprunter cette route et qui devaient nous dire ce qu'ils

19 pouvaient observer, qui devaient nous faire rapport pour voir ce qui se

20 passait car la situation était confuse.

21 M. Moskowitz (interprétation). – Vous nous parlez de "Simter",

22 pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ?

23 M. Watters (interprétation). - Nous avons un véhicule dans

24 l'armée britannique qui s'appelle le "CVRT". Nous avons un véhicule de

25 reconnaissance qui est un véhicule avec deux tours munies d'une

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1 mitrailleuse, c'est notre véhicule de reconnaissance principale dans

2 l'armée britannique.

3 M. Moskowitz (interprétation). – C'est donc un blindé qui est

4 armé d'un canon ?

5 M. Watters (interprétation). - C'est un blindé léger qui peut

6 traiter des tâches de petite importance mais ne peut pas retourner le feu.

7 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pourriez le

8 décrire de façon plus précise ?

9 M. Watters (interprétation). – Normalement, nous étions un

10 bataillon d'infanterie, nous avions donc des véhicules "Warriors 50". Le

11 "Warrior" est un blindé de taille beaucoup plus importante, un transport

12 de troupes qui peut transporter huit soldats à l'arrière, qui peut loger

13 deux hommes au niveau de la tourelle et qui a un degré de protection

14 beaucoup plus important. C'est un véhicule beaucoup plus lourd qui est

15 également beaucoup plus difficile à manoeuvrer.

16 Et il est donc moins facile à manoeuvrer que le "CVRT" que je

17 viens d'évoquer le "Simter". Nous avions 53 "Warriors" et c'était le gros

18 de notre capacité.

19 M. Moskowitz (interprétation). – Mais le matin du 16, à des fins

20 de reconnaissance, vous avez utilisé des "Simter" et pas des "Warriors".

21 M. Watters (interprétation). – Je ne me rappelle pas exactement

22 le nombre de l'un

23 et de l'autre, mais je crois avoir envoyé les deux types de véhicules en

24 reconnaissance. Nous avions notre section de reconnaissance et une

25 compagnie à Vitez à ce moment-là, et je pense avoir dû envoyer les deux

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1 types de véhicules.

2 M. Moskowitz (interprétation). – Vous dites avoir envoyé ces

3 véhicules dans l'ensemble de la vallée de la Lasva, pourriez-vous être

4 plus précis en nous disant où exactement dans la vallée de la Lasva, vous

5 avez envoyé ces véhicules ?

6 M. Terrier. - Il faudrait que je consulte mes registres radio

7 pour être plus précis, mais, en général, j'envoyais les blindés vers le

8 lieu d’où partaient les tirs de mortiers et les bruits d’artillerie.

9 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous avez pu

10 vérifier les choses sur la base des rapports de reconnaissance ?

11 M. Watters (interprétation). - Après quelques heures, nous nous

12 sommes rendus compte qu'il y avait des tirs importants dans la région de

13 Vitez et au-dessus de Vitez. Des maisons étaient en feu le long de la

14 vallée de la Lasva aux alentours de Santici, et vers le haut de la vallée,

15 le barrage routier qui se trouvait normalement à Dubravica était déserté,

16 comme également le barrage routier qui se trouvait au bas de la route à

17 l'endroit où la route rejoint l'embranchement qui va vers Zenica. On

18 entendait des bruits d'armes légères, et nous savions… nous avions entendu

19 parler d'une attaque d'infanterie à Vitez et nous avons pu vérifier qu'il

20 y avait effectivement eu une attaque d'infanterie contre la salle de

21 sports.

22 Mais il était encore difficile à ce moment-là de pronostiquer ce

23 qui allait se passer. Nous n’avions pas encore eu connaissance de tirs

24 très nourris dans la région. Alors je ne me rappelle pas exactement à

25 quelle heure cela s’est passé, mais je crois que c'est à 5 heures du matin

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1 environ que j'ai pris le contrôle de manière à vérifier de plus près ce

2 qui se passait.

3 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, ce

4 serait sans doute un bon moment pour lever la séance.

5 M. le Président (interprétation). – Merci. Avant de suspendre

6 l'audience, j'aimerais appeler l’attention des conseils de la défense sur

7 l’une de nos directives, à savoir la directive C, numéro 3 où nous disons

8 chaque fois que cela est possible, les conseils de la défense pourraient

9 envisager de nommer l'un de leurs représentants pour procéder au contre-

10 interrogatoire des témoins. Je vous engage, Messieurs les conseils de la

11 défense, à réfléchir à ce point avant notre prochaine audience demain

12 matin.

13 Et puis, je prierai le Greffier de faire ce qu'il faut pour que

14 tous les accusés soient précisément à 9 heures dans cette salle demain

15 matin, ce qui nous permettra de commencer à une heure précise. Nous

16 commencerons nos débats demain à 9 heures 30.

17 Je suspends l'audience.

18 L'audience est levée à 17 heures 30.

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