Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                      AFFAIRE N° IT-95-16-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

  3   Jeudi 26 août 1998

  4   L'audience est ouverte à 9 heures 34.

  5   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

  6   Mme le Greffier (interprétation). – L’affaire n° IT-95-16-T : le

  7   Procureur du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic,

  8   Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic, alias

  9   Vlado.

 10   M. le Président (interprétation). – Bonjour. Nous pouvons

 11   commencer à présent. Maître Moskowitz ?

 12   M. Moskowitz (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

 13   Nous attendons encore le témoin et j'aimerais communiquer à la

 14   Chambre le calendrier de la semaine prochaine, qui a été transmis aux

 15   conseils de la défense aujourd’hui.

 16   Par ailleurs, nous aurons une légère modification au sujet d’un

 17   témoin de la deuxième semaine du procès. Nous l’avons notifiée à la

 18   défense hier, après l’audience. Le témoin n° 8 de la liste de la semaine

 19   dernière ne sera pas cité : il ne déposera pas. Je pense que cela

 20   correspond à notre position vis-à-vis d'une rationalisation de la

 21   présentation des éléments de preuve.

 22   Le témoin n° 5, Payam Akhavan, déposera, nous l'espérons, plus

 23   tard dans la journée, aujourd'hui.

 24   Par ailleurs, nous avons désormais une liste pour la suite de

 25   cette semaine et pour la semaine prochaine, que nous avons transmise à la


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  1   défense et à la Chambre.

  2   M. le Président (interprétation). - Mais le premier témoin est

  3   celui qui est ici en train de déposer et nous espérons qu'il en aura

  4   terminé aujourd’hui.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Oui.

  6   M. le Président (interprétation). – Nous commençons donc avec le

  7   n° 2 de la nouvelle liste.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – En réalité, nous espérons

  9   pouvoir commencer avec le n° 2 de la nouvelle liste dès aujourd'hui.

 10   M. le Président (interprétation). - Très bien. Nous avons

 11   préparé un calendrier des dates d'audience qui a été distribué aux

 12   parties. Ensuite, nous allons soulever un point important à l'issue du

 13   contre-interrogatoire et interrogatoire supplémentaire du témoin qui est

 14   en train d'être entendu.

 15   M. Puliselic (interprétation). – Monsieur le Président, il me

 16   semble qu'hier, une légère erreur s’était glissée sur le transcript, à la

 17   page 130, 11e ligne. On dit, dans le procès-verbal, que Dragan Papic

 18   aurait dit au témoin que “c'était une maison croate”. Ainsi lit-on dans le

 19   procès-verbal. Or, le témoin, lui, dépose comme quoi "Dragan Papic, à

 20   l'attention des soldats qui prétendument étaient là, aurait dit : Ne

 21   touchez pas à cette maison-là, parce que c’était une maison croate". Or,

 22   d’après la déposition du témoin, "Dragan Papic s’est tourné pour

 23   s’adresser aux soldats, mais pas à lui-même".

 24   M. le Président (interprétation). – Oui, je pense que vous avez

 25   raison, vous avez entièrement raison. Merci d’avoir fait cette remarque.


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  1   Nous vérifierons et nous apporterons les modifications qui s'imposent au

  2   compte rendu.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

  4   Bonjour, Monsieur Ahmic.

  5   M. F. Ahmic (interprétation). – Bonjour.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Hier, nous en étions arrivés au

  7   moment où nous allions aborder les événements qui précédaient

  8   immédiatement le 16 avril 93. Mais avant d'y arriver, j'aimerais vous

  9   montrer un certain nombre de photographies pour que nous puissions mieux

 10   voir où se trouvait votre maison et certaines des maisons de vos voisins

 11   que vous avez mentionnés dans votre déposition.

 12   J'aimerais donc demander à l'huissier de bien vouloir montrer au

 13   témoin, cette pièce à conviction.

 14   Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 76.

 15   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, est-ce que vous

 16   voyez votre maison sur cette photographie ou ce qu'il en reste ? Est-ce

 17   que vous pourriez le montrer, s'il vous plaît ?

 18   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je la vois, c'est ici.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - Cela serait la maison sur la

 20   gauche de la photographie, n'est-ce pas ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est cela, mais moi je vous

 22   montre par ma droite que c'est ici.

 23   M. Moskowitz (interprétation). – Merci. Est-ce que vous voyez

 24   une autre maison sur cette photographie que vous pouvez identifier, à

 25   droite de votre maison ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Je vois la maison de Pero Papic.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Cela serait donc à l'extrémité

  3   gauche de la photographie, n'est-ce pas ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui. C'est cela.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Maintenant, examinons l'autre

  6   côté photographie au lointain, à droite de votre maison. Est-ce qu'il y a

  7   une maison que vous pouvez identifier ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est le maison de

  9   Sulejman Ahmic.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que c'est la maison où

 11   habitait Abdulah Ahmic ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, ce n'est pas cette maison-

 13   là.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous voyez la maison

 15   d'abdulah Ahmic sur cette photographie ou est-ce qu'on ne la voit pas ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne la vois pas, elle est en

 17   bas par rapport à ma maison, je ne la vois pas.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Pour que nous puissions relier

 19   cette photographie à la pièce 75 qui était l'agrandissement de la

 20   photographie aérienne, peut-être que l'huissier pourrait montrer au témoin

 21   l'agrandissement de la photographie aérienne pour que le témoin puisse le

 22   faire. Merci.

 23   Votre maison est la maison numéro 37, n'est-ce pas ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Donc la photographie montrerait


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  1   votre maison comme maison 37 ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est cela.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que l'huissier pourrait

  4   montrer au témoin la photographie suivante, s'il vous plaît ?

  5   Mme le Greffier. – La pièce de l'accusation 77.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Une fois de plus, est-ce que

  7   vous voyez une image de votre maison sur cette photographie ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je la vois, c'est ici.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous voyez

 10   deux maisons immédiatement à la gauche de votre maison sur cette

 11   photographie ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je vois la maison

 13   Pero Papic, la maison de Marija Papic.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Donc vous dites que la maison

 15   de Marija Papic est directement derrière celle de Pero, n'est-ce pas ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est exact.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pouvez regarder

 18   l'agrandissement, la pièce 75, l'huissier va vous la tendre dans un

 19   instant.

 20   Est-ce qu'on peut dire que les maisons "H" et "I" sont les

 21   maisons de Pero et Marija qu'on voyait sur la photographie ?

 22   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, la maison de Marija est

 23   marquée par la lettre "I" et celle de Pero marquée par la lettre "H".

 24   M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, je pense

 25   bien que cette question n'est pas pertinente. Le Procureur n'a pas à poser


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  1   une question comme quoi ; est-ce exact que telle ou telle maison

  2   appartient à tel ou tel propriétaire ? Si M. le Procureur veut savoir si

  3   le témoin reconnaît les maisons marquées pas ces cercles, alors ne serait-

  4   il pas pertinent les moins du monde de demander à qui sont les maisons

  5   marquées par ces lettres ou ces chiffres, parce qu'il ne s'agit pas d'une

  6   identification pertinente si le Procureur indique au témoin à la fois les

  7   propriétaires et les maisons ainsi marquées par les cercles et les

  8   numéros. Merci.

  9   M. le Président (interprétation). – Oui, Maître Moskowitz, je

 10   pense que vous devriez vous abstenir de questions qui soufflent la réponse

 11   au témoin.

 12   M. Moskovitz (interprétation). - Il s'agissait de questions

 13   tendancieuses, je le reconnais, même si hier nous avons examiné la

 14   photographie aérienne. Je lui ai demandé à qui appartenait la maison "H"

 15   et la maison "I", il nous a donné ces renseignements hier dans ses

 16   réponses aux questions et je pense que c'était tout simplement une

 17   tentative de vérifier cela.

 18   M. May (interprétation) - Peut-être que je pourrais soulever une

 19   question auprès de la défense. Si j'ai bien compris, le fait de savoir à

 20   qui appartient telle maison ne prêtait pas à controverse et s'il y a

 21   controverse, nous devrions en être informés. S'il n'y a pas controverse

 22   là-dessus, le conseil peut poser une question de cette manière

 23   tendancieuse, mais s'il y a une controverse autour des propriétaires de

 24   cette maison, vous devriez le dire à l'accusation pour que la Chambre se

 25   fasse une idée de ; à qui appartient quelle maison.


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  1   S'il y a une controverse nous devrions le savoir. Peut-être que

  2   la défense peut réfléchir à cette question.

  3   M. Moskovitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous avez cette

  4   pièce 75 sous les yeux. Pourriez-vous nous indiquer la route que vous avez

  5   empruntée lorsque vous rentriez chez vous après les incidents d'octobre et

  6   où vous avez rencontré les Papic, y compris Dragan Papic à proximité de la

  7   mitrailleuse ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, c'est que j'avais emprunté

  9   ce chemin-là, je n'ai pas dit que j'avais rencontré Papic à coté de la

 10   mitrailleuse. La mitrailleuse se trouvait sur la casemate chez

 11   Sime Vidovic.

 12   Vinko Vidovic et Dragan Papic m’ont abordé là où j'étais

 13   justement près de la casemate. C'est là où ils m'ont arrêté.

 14   M. Moskovitz (interprétation). - Je vous remercie. Il y a eu une

 15   erreur apparemment. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, et je

 16   demanderai à l'huissier de vous montrer la pièce 76, la photographie sur

 17   le rétroprojecteur, est-ce que vous pourriez nous montrer où se trouve

 18   cette petite allée ?

 19   L’image n’est pas parfaite, mais est-ce que vous voyez sur cette

 20   photographie l'allée que vous avez empruntée ce jour-là, et est-ce que

 21   vous pourriez nous l'indiquer, s'il vous plait ?

 22   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, cette petite route-là qui

 23   mène vers ma maison.

 24   M. Moskovitz (interprétation). - Je crois que vous avez dit hier

 25   que vous avez remarqué des parpaings qui avaient été utilisés pour la


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  1   casemate qui appartenait à votre maison. D'où seraient-ils venus ? De

  2   devant votre maison, de l'intérieur de la maison ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). - Les parpaings étaient ici devant

  4   la maison pour être rangés ici. Alors on les a emmenés près de la maison

  5   de Pero Papic pour en faire une casemate, justement moyennant les

  6   parpaings à moi.

  7   M. Moskovitz (interprétation). - Je vous remercie.

  8   Avant de poursuivre et avant de parler des événements qui ont

  9   suivi, je souhaitais éclaircir un point dont nous avons parlé hier. C'est

 10   lié à l'incident qui s'est produit en octobre 92 et c'est lié au barrage.

 11   Peut-être que vous avez mal compris ma question au moment où je vous ai

 12   demandé ce que vous saviez de cette situation liée au barrage. Alors ma

 13   question précise est la suivante : que saviez-vous personnellement de ce

 14   que vous avez vu et entendu, de ce que vous avez vu ce jour-là. Quand,

 15   lorsque vous vous en êtes aperçu ce jour-là ou par la suite, en parlant

 16   avec d'autres personnes, que saviez-vous de cette situation de barrage,

 17   que s'est-il passé le 20 octobre 92 ?

 18   M. F. Ahmic (interprétation). - Quant à moi, je ne me trouvais

 19   pas près du barrage mais j'ai entendu dire par d'autres qui racontent,

 20   pour dire que les barrages on été construits par l'armée de Bosnie-

 21   Herzégovine près du cimetière. Les barrages ont été posés là par l'armée

 22   de Bosnie-Herzégovine, ainsi ai-je entendu, du fait que le HVO est en

 23   campagne contre Novi Travnik depuis Busovaca ou Kacuni, je ne sais plus,

 24   mais qu'il y avait beaucoup de soldats du HVO car Novi Travnik a été

 25   attaquée. C'est ce jour-là que les barrages ont été construits. Nous avons


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  1   été attaqués, agressés, on nous a chassés en fait. Rien qu'en 45 minutes,

  2   une heure, tout était fait. Tout simplement le HVO a pris possession de

  3   tout cela, nous nous sommes retirés en fuyant vers le haut Ahmic. C'est ce

  4   que j'ai entendu, mais pour ce qui est d'avoir vu ou d'y avoir été, ceci

  5   n'est pas vrai.

  6   M. Moskovitz (interprétation). - Savez-vous si, suite à cet

  7   incident, où le HVO a forcé le barrage et a remporté un succès ce jour-là,

  8   est-ce que vous savez si suite à cela on a exigé que les citoyens

  9   musulmans d'Ahmici remettent leurs armes ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas à quel moment il

 11   y a eu des demandes du genre, mais on a demandé aux Ahmici de remettre les

 12   armes.

 13   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous savez qui leur

 14   a demandé de remettre leurs armes ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien c'était leur commandant,

 16   leur officier commandant, Nenad Santic, je ne sais pas dire concrètement

 17   de qui il s'agit, mais je sais que ce sont les commandants du HVO qui ont

 18   demandé à l'armée de Bosnie-Herzégovine de remettre les armes. Il ne

 19   s'agit pas vraiment de dire proprement des armes, le peu d'armes qu'on

 20   avait, c'était les armes emmenées depuis Slimena.

 21   Lorsque Slimena a été pilonné, bombardé, notre Défense

 22   territoriale y est allée pour tout simplement récupérer les armes. Tout

 23   était presque brûlé ou esquinté, par conséquent il fallait encore réparer

 24   pas mal et c'est ainsi que nous avons pu parler d'armes auprès de nous.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu des menaces


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  1   quant à ce qui allait se passer si les armes n'étaient pas rendues ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). - Il y a eu des menaces. Dragan

  3   m'a dit en personne le jour où il était chez moi, on était à table, que si

  4   on ne remettait pas les armes on allait nous pilonner, qu'on allait nous

  5   détruire purement et simplement, tout ce que nous étions là-haut.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que c'est Dragan Papic

  7   qui vous aurait dit cela ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est Dragan Papic qui me

  9   l'a dit, qui me l'a appris ce matin lorsque j'étais de retour, et il me

 10   l'a dit dans ma maison, à table. On était assis, lui et Vinko Vidovic et

 11   ma femme et moi.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - C'est là que M. Papic avait une

 13   mèche et M. Vidovic la carte ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - Il m'a montré sa carte

 15   d'identité comme quoi il a appartenait aux unités de police spéciales,

 16   soit auprès des "Joker", soit auprès du "Bungalow". Je n'y ai pas touché

 17   d'ailleurs à cette carte d'identification, c'est lui qui me l'a montrée en

 18   la gardant dans sa propre main.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - Suite au conflit, au barrage

 20   en 1992, est-ce que vous avez eu la possibilité de constater des dégâts au

 21   minaret de la mosquée, la mosquée du bas d'Ahmici ?

 22   M. F. Ahmic (interprétation). - Ce matin, lorsque je me retirais

 23   vers les Ahmici, de concert avec ma femme et mes enfants, j'ai vu

 24   justement le pourtour, le parapet de la mosquée du haut complètement

 25   anéanti, démoli.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - J'aimerai demander encore une

  2   chose à l'huissier : est-ce qu'on pourrait montrer les pièces 28 et 29 au

  3   témoin ? Merci.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Avant d'indiquer au moyen du

  5   pointeur, veuillez-nous dire de quoi il s'agit ? Il s'agit de la pièce 28.

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - C'était la mosquée qui

  7   anciennement était construite. Mais voilà, c'est la partie supérieure de

  8   cette mosquée, le minaret complètement troué, je ne sais pas par quoi,

  9   mais on a vu pas mal de trous.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Pièce suivante je vous prie.

 11   Pièce 29 qui a déjà été versée au dossier. Qu'indique cette photographie,

 12   M. Ahmic ?

 13   M. F. Ahmic (interprétation). - Ce sont justement les points où

 14   le minaret était touché. Mais pour ce qui est de la partie supérieure

 15   probablement, elle n'y est plus parce que seule la partie supérieure, avec

 16   ce que j'ai montré tout à l'heure sur la photo préalable, le pourtour du

 17   minaret. Donc ce cercle a été démoli.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que cette photographie

 19   reflète, de manière fidèle en tout cas, une partie des dégâts subis par le

 20   minaret après l'attaque ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Cela montre bien, on le voit

 22   bien, mais tout à l'heure ce qu'on a vu, il y a encore un parapet qui n'a

 23   pas été détruit.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'on a réparé le

 25   minaret après l'incident du mois d'octobre ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui les réparations ont été

  2   faites comme si de rien n'était.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Je vous remercie

  4   Monsieur Ahmic.

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - Je voudrais, si vous le

  6   permettez, dire que le matin, ma femme me dit, comme quoi au lever, elle a

  7   vu nos voisins croates, elle les a regardés par la fenêtre, qu'ils étaient

  8   tous sous armes et en uniforme de camouflage. Et elle m'a appelé pour que

  9   je vois aussi moi par la fenêtre.

 10   Pourtant, moi, j'ai vu justement cet épisode : mes voisins armés

 11   qui emmènent de la cave de Marija Papic des caisses qui avaient l'air

 12   d'être des militaires, je ne sais pas ce qu'il y avait là-dedans. Ces

 13   gens-là étaient en uniforme de camouflage et c'est à ce moment-là où j'ai

 14   dit à ma femme : "Prépare-toi, prépare les enfants pour que tout le monde

 15   soit prêt pour nous retirer vers le haut d'Ahmici. Quant à moi, je vais

 16   voir de quoi il s'agit".

 17   Je n'en avais rien su bien sûr mais en les abordant, Papic,

 18   Ivo Papic,

 19   Marija Papic, Dragan Papic, Pero Papic, Zoran... tous des

 20   voisins vêtus comme je viens de le dire et sous les armes. Ils m'ont reçu.

 21   Je leur ai demandé : "Alors, mes voisins, de quoi il s'agit ?"

 22   C’est alors qu’en me rétorquant, Papic Ivo me répondit comme quoi l'armée

 23   de Bosnie-Herzégovine a agressé Busovaca, Rovna et Kovacevac. Et que cette

 24   armée a perpétré des massacres.

 25   Quant à moi, j'ai dit que je n'en savais rien et je leur ai


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  1   demandé ce qu'il me fallait faire.

  2   Papic Ivo me répondit : “ Il n'y a plus de vie commune avec

  3   vous. Tu n'as qu'à te retirer et aller rejoindre les tiens là-haut. Et va

  4   dire à Sakib Ahmic -avec qui il était en très bons termes d'amitié- qu'il

  5   ne vienne plus jamais me voir et qu'il n'a plus rien à chercher ici ;

  6   qu'il ne vienne plus jamais pleurer ici. Or, mes enfants et ma femme ont

  7   pris le chemin vers les hauteurs et, après avoir eu cette rencontre avec

  8   mes voisins, je suis allé chez Sakib Ahmic, prénommé Bajricin, pour lui

  9   dire ce que l’autre, Ivo, avait demandé. Or, Sakib Ahmic me dit :

 10   "Fahrudin, je ne te crois pas". Or, moi, qu’avais-je à faire sinon de me

 11   retourner et de regagner Krcevine, c’est-à-dire les membres de la

 12   famille ?

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous savez quand cet

 14   incident se serait produit ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). – Je sais qu'on m'a dit que

 16   c'était au moment où Rovna Kovacevac et Busovaca ont été agressés. Mais

 17   pour ce qui est de la date, je ne le sais pas.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pouvez dire si

 19   c'était avant ou après le conflit du mois d'octobre ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). – C'était après le premier

 21   conflit, lorsque la vie encore était tout à fait normale et en bons

 22   termes. C'est ainsi que je le pense au moins.

 23   M. Moskowitz (interprétation). – Pour que les choses soient bien

 24   claires, vous avez mentionné Sakib Ahmic. A quel Sakib Ahmic pensiez-

 25   vous ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). – Je pense à ce Sakib Ahmic de

  2   Baracina, qui était un des plus grands amis d'Ivo.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Et c’est le Sakib qui a un lien

  4   de parenté avec Abdulah Ahmic ? C’est cela ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, c’est cela. C’est correct :

  6   c'est l'oncle d'Abdulah.

  7   M. Moskowitz (interprétation). – J'aimerais attirer votre

  8   attention sur le jour qui a précédé le 16 avril 1993. Est-ce que vous vous

  9   souvenez d’avoir vu quelque chose d'inhabituel ce jour-là, qui aurait

 10   éveillé vos soupçons quant au fait que quelque chose pourrait se passer le

 11   lendemain ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). – Le 15 avril, ma belle-mère était

 13   venue me voir avec sa fille. Lorsqu'elles étaient venues là, la fille de

 14   ma belle-mère me dit, entre autres, qu'elle avait vu à motocyclette

 15   deux soldats en uniforme, en treillis de camouflage. L'un d'entre eux

 16   avait arboré le drapeau de Bosnie-Herzégovine avec des lilas, des lys

 17   (L’interprète se corrige). Evidemment, ils roulaient à motocyclette et

 18   criaient à tue-tête en la voyant. C’est ce qu’elle déclara.

 19   Ce même jour, cette fille de ma belle-mère était allée voir une

 20   autre sœur qui était mariée et habitait près de la gare et qui était venue

 21   me voir chez moi, à la maison, de concert avec son enfant. Le soir de la

 22   même journée, j'étais allé à la prairie pour cueillir des herbes pour les

 23   cochons ; à ce moment-là, ma belle-mère était sortie de la maison pour

 24   s'entretenir avec Marija sur tant de choses à la fois et sur rien. Après

 25   quoi, elle a regagné la maison et nous avons vu, moi-même, ma femme et


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  1   tout le monde a pu le voir, par la fenêtre, que la femme de Pero avait

  2   préparé les bagages, les valises : une voiture était venue la prendre. Or,

  3   elle, l'enfant et les valises partaient pour Zenica. Ils ne pouvaient pas

  4   parvenir à Zenica étant donné que la route était bloquée ; ils ont dû

  5   prendre le chemin de Busovaca.

  6   Or, la remarque de ma femme était comme quoi quelque chose se

  7   préparait et que la situation n'était plus bonne. Sur ce, je répondais que

  8   je devais aller voir vers les hauteurs pour rencontrer mes commandants

  9   pour leur demander, pour me renseigner sur ce qu'il y avait de nouveau. Et

 10   c’est d’ailleurs ce qui s’est passé.

 11   Je me suis rendu à la mosquée parce que c'était le moment de la

 12   prière et, chemin faisant, j'ai pu voir Vinko Vidovic lui-même, ayant fait

 13   ses valises. Une voiture étant parvenue et tous évidemment ont pris la

 14   voiture et c'est ainsi que la femme et les enfants de Vinko étaient

 15   partis.

 16   Or, une fois à la mosquée, j'ai dit à mes compatriotes croyants,

 17   que la situation était mauvaise à en juger d'après la fuite de mes

 18   voisins. Où ils allaient ? Je n'en savais rien. Mes compatriotes citadins

 19   ont réagi en me disant qu'il ne fallait pas faire de panique et que tout

 20   simplement on n'avait qu'à regagner nos maisons respectives, et qu'on

 21   n'avait rien à craindre, et que je n'avais rien à craindre. Moi j'ai

 22   répondu tout simplement que je ne craignais rien, mais comme je suis seul

 23   à la maison et le seul homme adulte, alors qu'il y avait ma femme et

 24   beaucoup d'enfants. Sur ce, ils m'ont répondu s'il faut défendre sa

 25   maison, eh bien la maison doit être défendue sur le seuil de la maison.


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  1   Mais lorsque j'ai dit la même chose auprès de mes officiers

  2   commandants ils m'ont répondu tout simplement que si j'avais peur, si je

  3   craignais quoi que ce soit, je ne devais pas dormir dans ma maison, et que

  4   je pouvais peut-être m'évacuer ailleurs vers les hauteurs. Et c'est ainsi

  5   qu'après la prière j'ai regagné la maison.

  6   En rentrant à la maison, ma femme me demande sur les nouveautés.

  7   J'ai gardé le silence en disant sèchement que je n'en savais rien et que

  8   personne n'en savait rien. Et c'est ainsi qu'on a bavardé un moment pour

  9   savoir ce qu'il fallait faire parce que, où qu'on aille, nous étions huit

 10   pour ce qui est de la maisonnée. Nous étions nombreux : il y avait la

 11   belle-mère, mes enfants, ma belle-soeur et si elles n'étaient pas là

 12   probablement je serais allé vers les hauteurs. Mais, étant donné que ces

 13   personnes étaient là, je suis resté chez moi pour passer la nuit.

 14   Et pour toute sécurité, j'étais sorti dehors de dix heures à

 15   minuit pour observer s'il n'y avait pas eu de mouvements quelconques ou

 16   des signes suspects selon lesquels, d'après lesquels j'aurais pu penser

 17   que la situation allait s'empirer. Je n'avais rien remarqué. Je rentre

 18   donc, je regagne la maison. Ma femme avait l'air de faire des préparatifs.

 19   J'ai vu une espèce de sac rouge. Alors j'ai essayé de la gronder un petit

 20   peu ; pourquoi elle faisait tant de bruit en faisant des préparatifs et

 21   c'est ainsi qu'on est allé au lit. Ma femme disait : "Juste au cas".

 22   Le matin, on a entendu beaucoup de bruit. J'ai été réveillé

 23   pratiquement par des coups de feu tirés. J'ai sauté de mon lit, j'ai

 24   demandé ce qui s'était passé. Ma belle-mère qui me demandait à moi si je

 25   savais ce qui s'était passé. Or elle a répondu sèchement : "C'était la


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  1   guerre mes enfants". Moi, je suis sorti sur le balcon. Je ne vois

  2   personne, je regarde en direction de mes voisins, ils n'y étaient plus.

  3   J'ai compris que c'était des obus qui tombaient là-haut et que des coups

  4   de feu tiraient de toute sorte d'armes, et c'est ainsi que j'ai regagné la

  5   maison.

  6   Or, en rentrant j'ai tout simplement dit à ma femme et à mes

  7   enfants de gagner la cave parce qu'un obus peut tomber sur la maison. Il

  8   n'y avait pas eu pratiquement d'étage, il n'y avait pas eu de couche de

  9   béton pour marquer un étage. Comme quoi dans la cave on pourrait être

 10   davantage en sécurité. Ma femme a réagi aussitôt pour dire : "Nous ne

 11   voulons pas aller dans la cave, nous voulons nous enfuir vers les hauts

 12   d'Ahmici". Il n'y avait plus de dilemme. Je n'ai pas pu réagir. Tout

 13   simplement j'ai dit : "Sortez de la maison, ne prenez rien avec vous,

 14   fuyez droit vers les hauts d'Ahmici".

 15   Moi, j'étais resté pour fermer la porte à clef, la cave, et

 16   peut-être encore jeter un coup d'oeil aux alentours, s'il n'y avait pas

 17   encore des gens autour. Pendant que les miens étaient en fuite vers la

 18   route, moi je m'occupais des deux portes à fermer à clef. Et j'étais juste

 19   à un coin de ma maison, je n'avais vu personne mais lorsqu'il me fallait

 20   courir vers la route, et ayant traversé la route, je me suis tourné à

 21   gauche, à droite, et en me tournant à droite, j'ai pu remarquer près de la

 22   maison d'Ivo, face à moi, deux soldats légèrement en position courbée.

 23   Et c'est ainsi que j'ai vu évidemment l'éclat de feu, d'une arme

 24   à feu, c'est ce que j'ai pu comprendre, du haut de la fenêtre de la maison

 25   de Papic Dragan. Brusquement, je me suis mis à courir pour regagner ma


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  1   femme, ma belle-mère et les enfants qui couraient. Et c'est ma femme qui

  2   me disait de prendre, de m'occuper du sac que portait l'une de mes filles,

  3   mais je n'ai même pas eu le temps de l'aborder. J'ai senti que j'étais

  4   touché, blessé. Ayant été touché, j'ai tout simplement dit : "Ah ! Je suis

  5   blessé, couchez-vous par terre !"

  6   Et c'est ainsi que j'ai pu voir les maisons de Mehmed Ahmic et

  7   Papic Dragan. C'est depuis cette direction-là qu'on entendait les coups de

  8   feu tirés. Et c'est au coin, depuis la maison de Mehmed Ahmic que j'ai pu

  9   encore voir l'éclat d'une arme à feu qui tirait au moment où je m'étais

 10   mis à courir depuis le lieu où se trouvaient mes plus chers, à savoir ma

 11   femme, mes enfants, ma belle-mère. Et c'est ainsi qu'en courant vers la

 12   mosquée du haut d’Ahmici, j'ai compris que c'est d'en haut qu'on tirait,

 13   de Soutra. Je savais, j'ai compris que je ne pouvais pas évidemment aller

 14   vers le haut d’Ahmici et c'est ainsi que j'ai pénétré dans la maison de

 15   Hilmija Ahmic.

 16   Pratiquement, j’avais l'impression que ma main a été coupée et

 17   je la portais de l'autre main. En entrant, j'ai vu que la maison était

 18   pleine d'enfants et de femmes. Tous se mettaient à crier, en confusion, et

 19   c'est ainsi que je me suis couché sur un canapé, une setja, qui était en

 20   forme de lettre L. Et pratiquement ainsi couché, j'ai été posé

 21   parallèlement à la route que j'avais empruntée. J'ai demandé qu'on m’aide.

 22   Personne ne voulait m’aider ; ils avaient tous peur. Tout simplement, on

 23   m'a fait un bandage pour ne pas que je perde trop de sang. C'est ainsi que

 24   je leur ai dit à toutes qu'il ne fallait pas sortir de la maison ; on

 25   n’avait qu’à faire appel à la Forpronu, la seule à pouvoir nous aider et


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  1   qu'il n'y avait pas d'autre issue.

  2   C’est ainsi que la bru de Hilmija a appelé la fille de Hilmija

  3   qui, elle, était magistrat à Zenica pour qu'elle fasse appel à la Forpronu

  4   pour venir secourir les Ahmici.

  5   Et c’est ce qui s’est produit, en effet. Elle les a appelés, je

  6   ne sais pas si elle les a eus au bout du fil -je ne m'en souviens plus.

  7   Plus tard, ma femme était venue pour me demander si j'avais besoin d’aide

  8   quelconque. En réponse, j'ai tout simplement dit d'aller, de se sauver

  9   elle-même, de sauver les enfants, de me laisser là où j'étais et de ne pas

 10   s'occuper de moi. Pourtant, celle-ci a envoyé sa sœur pour qu'elle me

 11   tienne compagnie ; cette dernière est restée tout ce temps qu'il fallait

 12   pour attendre la venue de la Forpronu.

 13   La Forpronu arrivée, un premier secours m'a été administré, une

 14   perfusion ma été donnée, j'ai été pansé et bandé. Quant à moi, j'ai

 15   demandé à la Forpronu de m'évacuer, de me transporter vers un hôpital,

 16   grâce à l'aide d'un traducteur qui était là. Ce dernier a répondu qu'il ne

 17   pouvait pas, il n'avait pas le droit d’aider. Tel était prétendument

 18   l'ordre donné par l'armée croate. Et c'est ainsi que les gens de la

 19   Forpronu étaient partis. Je ne sais plus combien de temps s'était écoulé.

 20   J'étais là, couché ; les fenêtres de la maison de Hilmija

 21   étaient bien protégées, c'est-à-dire les fenêtres donnant sur la route ;

 22   je dis bien les fenêtres protégées moyennant des madriers. Une fois de

 23   plus, on a entendu des coups tirés des armes à feu ; c'étaient cette fois-

 24   ci des balles incendiaires. Peu importe cette protection, une balle

 25   incendiaire a pu pénétrer pour justement incendier le canapé, mais pas


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  1   celui-là sur lequel j'étais couché. Comme j'ai dit tout à l'heure, c'était

  2   un canapé en forme de lettre L. Evidemment, la setja, le canapé a brûlé.

  3   Comme je me suis mis à crier "Au feu !", Hilmija et Ismet Pezer, en

  4   rampant, ont pu pénétrer dans la pièce pour éteindre le feu. Après un

  5   certain temps, les gens de la Forpronu étaient venus ; ils se sont occupés

  6   de moi. Il y avait quelqu'un encore -il me semble que c'était

  7   Pezer Nedira.

  8   Je n'ai pas dit qu'on a pris une photo de moi lorsque les gens

  9   de la Forpronu étaient venus pour me donner des secours, me donner des

 10   soins. A ce moment-là donc, dis-je, lorsque la Forpronu était là, on a

 11   pris des photos de moi. Egalement, lorsqu’on m'a transporté vers

 12   l'hôpital, ils me disaient que tout allait être en ordre ;"OK", disaient-

 13   ils. Mais, chemin faisant, il me semble que c'était une localité, la ville

 14   de Nova Bila ; c’est là où l’on s'était arrêté pour qu'on m'hospitalise.

 15   Probablement, il a dû y avoir encore des malentendus : on ne leur a pas

 16   permis ou quoi. En tout cas, on m'a transporté, on m’a repris pour me

 17   transporter vers Stari Travnic, vers l'hôpital. C'est là où j'ai été

 18   hospitalisé.

 19   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que je peux demander à

 20   l'huissier de bien vouloir placer la pièce 75 sur le rétroprojecteur ?

 21   J'aimerais éclaircir un certain nombre de choses,

 22   Monsieur Ahmic. Pourriez-vous nous montrer, au moyen du pointeur, le

 23   chemin que vous avez emprunté, vous et votre famille, lorsque vous vous

 24   êtes enfuis de votre maison vers le haut d'Ahmici ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). – Eh bien, j'ai emprunté cette


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  1   route-là. Je place le pointeur.

  2   M. Moskowitz (interprétation). – Je crois que vous avez dit,

  3   dans vos réponses, que vous êtes arrivés jusqu’à la route. Est-ce que vous

  4   avez traversé cette route, la route principale Vitez-Busovaca ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, j'ai traversé cette route.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que sur cette carte on

  7   voit ou est-ce que vous pouvez nous montrer où vous étiez environ au

  8   moment où la balle vous a atteint ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien, j'étais à cet endroit-

 10   là entre la maison d'Omer et l'étable de Sakib. Je place le pointeur, vous

 11   le voyez bien. Je ne peux pas vous dire exactement, mais comme je l'ai

 12   précisé c'est entre l'étable de Sakib et la maison d'Omer. C'est là où ça

 13   s'est passé. Je ne peux pas vous donner plus de précision, mais c'est à

 14   peu près là où je place le pointeur.

 15   M. Moskovitz (interprétation). - Donc c'est plus ou moins où se

 16   trouvent le "X" et la flèche sur la pièce qui se trouve sous les yeux.

 17   Cela montre de manière relativement fidèle l'endroit où vous étiez

 18   approximativement au moment où vous avez été frappé.

 19   M. F. Ahmic (interprétation). - Voilà, c'est ici, là où je place

 20   le pointeur.

 21   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

 22   quelle partie de votre corps a été touchée par la balle. La partie gauche

 23   ou la partie droite ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est le bras droit, la balle

 25   est rentrée là où je montre et elle est sortie de l'autre côté. Comme vous


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  1   voyez, mon bras maintenant est dans une position qui n'est pas tout à fait

  2   normale.

  3   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous avez été touché

  4   à un autre endroit de votre corps par des tirs ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai été également touché du

  6   côté droit, à la hanche droite.

  7   M. Moskovitz (interprétation). - Vous dites que vous êtes allé à

  8   la maison d'Hilmija. Est-ce que vous pouvez nous montrer sur cette pièce à

  9   conviction où se trouve la maison d'Hilmija, vous y êtes allé après avoir

 10   été blessé ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien c'est par là que je me

 12   suis enfui et je me suis trouvé dans ce cercle-là. C'est là où se trouve

 13   cette maison.

 14   M. Moskovitz (interprétation). - Ce serait la maison numéro°15

 15   sur l'agrandissement, n'est-ce pas ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est vrai, c'est exact.

 17   M. Moskovitz (interprétation). - Vous nous avez également dit

 18   que vous avez vu des tirs, des coups de feu tirés de la maison de Mehmed.

 19   Est-ce que vous voyez cette maison sur l'agrandissement, et si oui, est-ce

 20   que vous pouvez le montrer ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Voilà c'est là, c'est le

 22   numéro°3, je place mon pointeur.

 23   M. Moskovitz (interprétation). - Vous avez dit également avoir

 24   vu des coups de feu en direction de la maison de Papic. Quelle maison de

 25   Papic voulez-vous dire par là ? Pouvez-vous nous l'indiquer ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Voici, c'est la maison de Papic,

  2   je place le pointeur.

  3   M. Moskovitz (interprétation). - Ce serait la maison d'Ivo Papic

  4   marquée d'un "A", n'est-ce pas ?

  5    M. F. Ahmic (interprétation). – Effectivement, c'est la maison

  6   d'Ivo Papic, c'est vrai et Ivo et Dragan Papic habitaient cette maison.

  7   M. Moskovitz (interprétation). - Etiez-vous armé ce jour-là ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, je n'ai jamais porté

  9   d'armes, je n'ai jamais porté d'uniforme et je me dois de vous dire que

 10   j'étais tellement sûr, je me sentais en sécurité, je me disais que jamais

 11   une chose pareille ne se produirait, tout au moins en ce qui concerne les

 12   Croates et les Musulmans, je ne pensais jamais que ça pouvait se produire.

 13   M. Moskovitz (interprétation). - Qui était à côté de vous

 14   lorsqu'on vous a touché à l'épaule et à la hanche, qui se trouvait à côté

 15   de vous ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Je me souviens qu'il y avait ma

 17   femme. Elle m'avait donc arrêté, elle m'a demandé de prendre un sac rouge

 18   d'une jeune fille qui le portait, et c'est là où j'ai été touché pour la

 19   première fois, et c'est là où j'ai dit également : " couchez-vous par

 20   terre, moi je suis blessé, on tire de tous les côtés ! ". Et c'est là où

 21   j'ai regardé et j'ai pu voir à l'angle de la maison de Mehmed, que les

 22   obus tombaient, on entendait également les balles. A côté de Pezer Omer

 23   également, il y avait des tirs qui partaient, il y avait des tirs qui

 24   partaient vers ma direction et c'est la raison pour laquelle je me suis

 25   enfui.


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  1   M. Moskovitz (interprétation). - Où se trouve la maison

  2   d'Omer Pezer ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien c'est à peu près à cet

  4   endroit-là qu'elle se trouvait.

  5   M. Moskovitz (interprétation). - Vous avez dit que votre femme

  6   se trouvait à côté de vous. Est-ce que vous vous souvenez des vêtements

  7   qu'elle portait ce jour-là ?

  8   M. Z. Ahmic (interprétation). - Croyez-moi, je ne m'en souviens

  9   pas vraiment, je ne sais pas comment elle était vêtue, je ne sais même pas

 10   si elle portait le pull-over ou autre chose. Non je ne me souviens

 11   vraiment pas comment les gens étaient habillés ce jour-là.

 12   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des

 13   enfants autour de vous et de votre femme au moment où vous avez été

 14   touché ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens de rien, je ne

 16   sais pas à quelle distance ils étaient. Je sais qu'ils n'étaient pas très

 17   loin, je sais que les enfants n'étaient pas loin, ma femme, ma belle-mère,

 18   ma belle-fille, tous n'étaient pas trop loin. Je suis arrivé à peu près à

 19   l'endroit où ils se trouvaient et j'ai ralenti ma course et quand ma femme

 20   m'avait demandé justement de prendre de ma fille le sac, c'est là où j'ai

 21   été touché et avant que j'arrive même à prendre le sac, j'ai été touché

 22   par une balle.

 23   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que je peux demander à

 24   l'huissier de montrer au témoin la photographie suivante ?

 25   Mme le Greffier - La pièce de l'accusation 78.


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  1   M. Moskovitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, il s'agit de la

  2   pièce 78 qui vient d'être placée sur le rétroprojecteur. Est-ce que vous

  3   reconnaissez ce convoi sur cette photographie ? Si oui, veuillez-nous le

  4   dire ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - D'abord, il y avait les tirs qui

  6   ont endommagé la maison. Je sais que je suis rentré dans cette maison et

  7   j'y suis resté. J'ai été de ce côté-là, du côté du mur. Il y avait un

  8   canapé donc qui était à droite par rapport à la fenêtre qu'on voit sur la

  9   photographie, en bas il y avait un canapé.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous voyez des

 11   impacts sur cette maison ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). - Je vois que les vestiges des

 13   balles. Enfin il y avait des coups de tir.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - J'aimerais qu'on montre la

 15   photographie suivante.

 16   M. Le Président (interprétation). - Est-ce que vous pourriez

 17   demander au témoin à qui appartenait cette maison ?

 18   M. Moskowitz (interprétation). - A qui appartient cette maison ?

 19   M. F. Ahmic (interprétation). - Elle appartenait à

 20   Sulejman Ahmic.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez l'agrandissement

 22   devant vous Monsieur Ahmic. Est-ce que vous pourriez l'examiner un

 23   instant, s'il vous plaît ? Est-ce que vous pourriez nous indiquer la

 24   maison de Hilmija Ahmic et nous donner le numéro qui figure sur

 25   l'agrandissement ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est le numéro 15 et c'est là,

  2   où je pointe, que se trouvait cette maison.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Merci.

  4   Mme Le Greffier. - C'est la pièce de l'accusation 79.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Je crois que vous nous avez dit

  6   que certaines photographies étaient prises à la maison de Hilmija. Qu'est-

  7   ce qu'on voit ici ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien, au moment où les

  9   représentants de la Forpronu sont arrivés, ils m'ont accordé le premier

 10   secours et c'est sur la photographie, c'est présenté sur la photographie.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous savez plus ou

 12   moins à quel moment la Forpronu est arrivée ?

 13   M. F. Ahmic (interprétation). - La Forpronu est arrivée à peu

 14   près vers 11 heures.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Et votre famille s'était déjà

 16   enfuie vers Ahmici-le-Haut au moment où la Forpronu est arrivée, n'est-ce

 17   pas ?

 18   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est exact. Ils sont

 19   partis vers Ahmici-le-Haut grâce à la Forpronu. Il leur a rendus possible

 20   d'y aller.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'on pourrait avoir la

 22   pièce à conviction suivante ?

 23   Mme Le Greffier. - C'est la pièce de l'accusation 80.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pourriez nous

 25   dire ce que représente cette photographie ? Et nous dire quelles sont les


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  1   personnes représentées si vous le savez ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). - Monsieur, ce que je pointe avec

  3   le pointeur était le propriétaire Ahmic, Hilmija Ahmic. Il y a ensuite sa

  4   belle-fille, et la femme qui est tout en arrière était la voisine Pezer.

  5   Elle était de la maison de Pezer, je ne peux pas vous dire exactement quel

  6   était son nom. Et là, on m'avait donné le premier secours. C'était

  7   l'interprète à mon avis, et à côté de lui, le représentant de la Forpronu.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Par interprète, vous entendez

  9   quelqu'un qui parlait la langue bosniaque avec vous ? Et donc vous pouviez

 10   communiquer avec la Forpronu par son intermédiaire ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est exact. Il est arrivé

 12   avec les représentants de la Forpronu.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Je vois que sur la photographie

 14   l'interprète porte des vêtements comme ceux d'un soldat. Est-ce que ça

 15   correspond à votre souvenir ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens pas exactement

 17   de cet homme.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que nous pourrions avoir

 19   la dernière photographie, s'il vous plaît ?

 20   Mme Le Greffier. - C'est la pièce de l'accusation 81.

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien c'est le propriétaire,

 22   Hilmija Ahmic, enfin de la maison de Hilmija Ahmic et j'ai bien précisé

 23   tout à l'heure qu'il s'agissait de l'interprète, tout au moins c'est ce

 24   qu'il me semble. Il a été accompagné d'une personne de la Forpronu.

 25   La belle-fille d'Hilmija et puis, la femme en rouge c'est une


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  1   dame qui est une voisine, je ne me souviens pas exactement son nom.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - La femme qui a ses mains sur

  3   son visage, la belle-fille, est-ce que c'est elle qui a appelé Zenica ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est elle qui avait appelé

  5   Zlatija. C'est la fille de Hilmija et c'est elle qui avait appelé la

  6   Forpronu.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous souffriez

  8   énormément à ce moment-là ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). - Bien sûr, je souffrais parce que

 10   mon bras, je le tenais par l'autre bras à tel point je souffrais.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous êtes resté

 12   conscient ce jour-là, toute la journée ?

 13   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai été conscient en permanence

 14   et j'ai été même à l'hôpital. Je ne me suis jamais évanoui.

 15   M. Moskovitz (interprétation). - Savez-vous vers quel type

 16   d'hôpital on vous a amené à Novi Travnik ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai été transporté à Travnik à

 18   l'hôpital. J'ai été emmené à l'hôpital. Il y avait des soldats du HVO, il

 19   y avait les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine nous étions

 20   tous dans le même hôpital.

 21   M. Moskovitz (interprétation). - Quand avez-vous retrouvé votre

 22   famille, est-ce que vous pouvez nous le dire rapidement ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - Au bout de vingt jours à peu

 24   près, j'ai été transporté à Zenica et au moment où on nous a transportés,

 25   c'était dans un minibus, je ne sais pas combien nous étions, nous étions à


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  1   peu près... nombreux. Le minibus était pratiquement comblé, on nous a

  2   arrêtés à un moment donné et puis on nous avait retenus pendant une heure.

  3   C'est le HVO qui nous avait arrêtés, par conséquent les soldats du HVO,

  4   ils nous ont laissés après un certain temps pour partir à Zenica, mais ils

  5   ont mis du temps. Et au moment donc où j'étais installé à Zenica, à

  6   l'hôpital, ce n'est qu'à cette époque-là que j'ai entendu où se trouvaient

  7   ma femme et mes enfants.

  8   C'est là où on m'avait cherché et on m'avait trouvé à l'hôpital.

  9   M. Moskovitz (interprétation). - Très bien. Est-ce qu’ils ont

 10   survécu votre femme et vos enfants ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui tout le monde a survécu,

 12   tout le monde est en bonne santé.

 13   M. Moskovitz (interprétation). - Je crois que vous avez dit

 14   qu'au moment où vous êtes entré dans l'ambulance il y avait déjà une autre

 15   personne. Vous pensiez que son nom était Nedira. Est-ce que vous avez eu

 16   la possibilité de voir ses blessures ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, je n'ai pas pu voir mais

 18   j'ai entendu qu'elle a été touchée à la tête. Ce n'est qu'au moment où je

 19   suis sorti de l'hôpital que je l'ai appris.

 20   M. Moskovitz (interprétation). - J'aimerais revenir un instant à

 21   la veille, pour éclaircir un certain nombre de points. Vous avez parlé

 22   d'une moto qui faisait des allées et venues sur la route la veille ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

 24   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous avez vu vous-

 25   même cette moto ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je ne l'ai pas vue, c'est ma

  2   belle-soeur qui me l'a dit au moment où elle est arrivée chez moi.

  3   M. Moskovitz (interprétation). - Vous avez également parlé du

  4   fait que vous avez vu Vinko Vidovic sur le chemin de la mosquée ce soir-

  5   là.

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien, au moment où je partais

  7   vers la mosquée, j'ai pu remarquer sur la route, Vidovic Vinko, sa femme

  8   et les enfants qui se préparaient. Il y avait une voiture qui les

  9   attendait pour les ramener quelque part, je ne peux pas vous dire

 10   exactement où, mais de toute façon j'ai pu remarquer qu'ils se dirigeaient

 11   vers Zenica, et j'ai dit, étant donné qu'à Grabje il y avait beaucoup de

 12   destructions, ils ne pouvaient probablement pas aller vers Zenica, mais

 13   ils sont allés vers Busovaca probablement.

 14   M. Moskovitz (interprétation). - C'est ce que vous pensez, mais

 15   vous ne savez pas cela ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne le sais pas mais je le

 17   suppose.

 18   M. Moskovitz (interprétation). - Quand vous dites qu'ils sont

 19   partis vers Zenica, quelle direction devaient-ils emprunter, vers le

 20   cimetière ou vers Vitez ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Ils sont allés vers le

 22   cimetière.

 23   M. Moskovitz (interprétation). - C'est la direction dans

 24   laquelle ils sont partis, donc vous avez supposé qu'ils allaient vers

 25   Zenica ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui je suppose qu'ils sont allés

  2   vers Busovaca étant donné qu'ils ne pouvaient pas véritablement se rendre

  3   à Zenica, étant donné que, à Grabje comme je l'ai dit, il y avait

  4   énormément de destructions, il y avait beaucoup de terre et de rochers qui

  5   se trouvaient sur la route, par conséquent je suppose qu'ils ne pouvaient

  6   pas passer.

  7   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

  8   avoir fait une déclaration à un enquêteur en 95 au sujet de ces faits ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). - Je me souviens effectivement que

 10   j'avais présenté une déclaration.

 11   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

 12   d'avoir parlé longtemps au moment où vous avez fait cette déclaration, ou

 13   est-ce que vous n'avez eu qu'un bref entretien. Quels sont vos souvenirs ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - Je me souviens que quelqu'un est

 15   venu me chercher, ils m'ont demandé de présenter une déclaration au sujet

 16   d'Ahmici, je les ai accompagnés sans savoir véritablement de quelle

 17   déclaration il s'agissait, pourquoi je devais donner la déclaration, mais

 18   je me suis rendu avec ces gens-là à l'endroit qu'ils m'ont indiqué, je ne

 19   me souviens pas exactement quel était l'endroit où j'ai donné la

 20   déclaration, mais je l'ai donnée, je ne peux pas vous dire exactement

 21   combien de temps ça a duré. J'avais mal au bras, c'étaient les grandes

 22   douleurs et je ne pouvais pas véritablement me concentrer comme j'aurais

 23   dû l'être. J'ai perdu tout, j'ai perdu la maison, j'ai tout perdu, par

 24   conséquent c'est la concentration qui me manquait. J'avais des douleurs,

 25   je souffrais comme je l'ai dit, mon bras a été blessé. Je le répète, je


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  1   n'ai pas eu véritablement une très grande concentration, je n'avais pas

  2   une attention soutenue.

  3   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que les enquêteurs se

  4   sont entretenus avec vous dans votre langue ou est-ce qu'il y avait...

  5   M. F. Ahmic (interprétation). -  Quelle était la langue qu'ils

  6   parlaient ? Je ne me souviens pas qu'il y avait un interprète, si c'était

  7   un homme ou une femme non plus, je ne m'en souviens pas car je n'ai pas

  8   ressenti le besoin véritablement de penser à ces choses-là, je vous

  9   répète, je n'étais pas véritablement concentré pour donner une

 10   déclaration.

 11   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

 12   du fait, est-ce que vous vous souvenez si la déclaration vous a été lue

 13   après que vous l'avez faite ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens pas, elle a

 15   été lue peut-être après, mais je ne m'en souviens véritablement pas, je ne

 16   m'en souviens vraiment pas.

 17   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que maintenant au cours

 18   de ces quelques derniers jours, vous avez eu la possibilité d'examiner

 19   cette déclaration ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui j'ai eu cette occasion. J'ai

 21   pu voir la déclaration et j'ai été sous le choc, j'ai été véritablement

 22   catastrophé par la déclaration et chaque fois, quand je parle de ce qui

 23   s'est passé, je suis très troublé, je suis perturbé parce que j'ai vécu

 24   quand même des moments très éprouvants.

 25   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce que vous pensez que la


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  1   déclaration que vous avez lue récemment contient des erreurs ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). - Eh bien au moment où l'avocat

  3   m'avait donné la lecture de la déclaration, j'ai pu constater un certain

  4   nombre d'erreurs, et moi j'affirme que je n'ai jamais dit un certain

  5   nombre de faits.

  6   M. Moskovitz (interprétation). - Est-ce qu'il y a des éléments

  7   dont vous vous souvenez plus précisément maintenant, qui selon vous sont

  8   des erreurs dans la déclaration. Est-ce que vous souhaitez les éclaircir ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). - Voyez-vous, c'est à propos de ma

 10   blessure c'est ce qui m'a perturbé le plus. Je n'ai pas pu venir avec ma

 11   famille, me rendre avec ma famille à la maison de Hilmija, d'y pénétrer et

 12   sans ensuite d'en sortir et d'être blessé, soi-disant parce que j'ai

 13   cherché le commandant pour demander les armes de lui.

 14   Eh bien, ça, ce n'est absolument pas possible je n'ai pas pu le

 15   dire parce que ce n'est pas à cet endroit-là que j'ai été blessé, je

 16   n'étais pas avec ma famille, j'étais tout seul au moment où j'ai couru, où

 17   je me suis rendu à la maison.

 18   M. Moskovitz (interprétation). - Je crois que vous parlez d'une

 19   phrase dans la déclaration qui indique que vous êtes allé à la maison de

 20   Hilmija avant d'être blessé, ensuite, vous avez quitté la maison

 21   d'Hilmija, vous avez été blessé et vous y êtes retourné une seconde fois.

 22   Vous dites que cela n'est pas exact, n'est-ce pas ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

 24   M. Moskowitz (interprétation). – Un instant, s'il vous plaît,

 25   Monsieur le Président.


Page 1104

  1   M. le Président (interprétation). - Oui.

  2   M. Moskowitz (interprétation). – Je n'ai pas d'autres questions,

  3   Monsieur le Président.

  4   J'aimerais demander le versement au dossier des pièces 75, 76,

  5   77, 78, 79, 8O et 81, je crois. Toutes les pièces.

  6   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Pavkovic ?

  7   M. Pavkovic (interprétation). – Bonjour, Monsieur le Président.

  8   Monsieur le Président, j'aimerais poser quelques questions au témoin et,

  9   ensuite, c'est Maître Puliselic qui va poser les questions.

 10   Mais, Monsieur le Président, je ne sais pas ce que vous allez

 11   prendre comme décision : il y a dix minutes avant la pause.

 12   Personnellement, je ne pense pas que les dix minutes me suffisent pour les

 13   questions que je souhaiterais poser. Par conséquent, j'aimerais vous

 14   demander votre point de vue à ce sujet-là.

 15   M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre

 16   l'audience maintenant et nous reprendrons à 11 heures 20. Vous pourrez

 17   commencer votre contre-interrogatoire à ce moment-là. C’est préférable

 18   pour vous-même et pour la procédure.

 19   M. Pavkovic (interprétation). – Merci.

 20    (L'audience suspendue à 10 heures 48 reprend à 11 heures 20.)

 21   M. Le Président (interprétation). - Maître Pavkovic ?

 22   M. Pavkovic (interprétation). - Bonjour Monsieur.

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - Bonjour.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Je m'appelle Maître Pavkovic.

 25   M. F. Ahmic (interprétation). - D'accord.


Page 1105

  1   M. Pavkovic (interprétation). - Je voudrais vous poser quelques

  2   questions. Vous avez, Monsieur le Témoin, déclaré hier que vous êtes né

  3   en 53 à Ahmici.

  4   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Vous avez dit que vous avez

  6   passé toute votre vie à Ahmici.

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui. Et notamment pendant

  8   trois ans et demi j'ai travaillé dans une société de construction.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

 10   quelques mots au sujet des relations entre les deux communautés

 11   nationales ? Ou plus précisément la première question : qui habitent

 12   Ahmici ? Qui habitaient Ahmici en fonction des nationalités ?

 13   M. F. Ahmic (interprétation). - En ce qui concerne les

 14   nationalités, je dois dire que je ne pensais pas à ça du tout, et je

 15   n'avais même pas besoin d'y penser. Nous avons vécu bien, nous étions en

 16   bonnes relations, ça ne nous intéressait pas de quelle nationalité il

 17   était. Ce qui m'intéressait c'était s'il était appliqué au travail, et

 18   s'il était bon voisin.

 19   Nous avons vécu véritablement de très très bonnes relations.

 20   Nous nous sommes même mariés entre les deux communautés, et il n'y avait

 21   jamais de problèmes. Je n'ai jamais remarqué qui venait de quelle

 22   communauté.

 23   M. Pavkovic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, vous

 24   aussi ainsi que d'autres voisins étaient en bonnes relations avec tout le

 25   monde.


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Avec tout le monde.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Avec les Serbes ? Avec les

  3   Croates ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui avec tout le monde.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Ceci donc, se passe comme ça

  6   jusqu'en 1992 ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Qu'est-ce que vous avez remarqué

  9   à cette époque-là ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai remarqué ce que je n'ai

 11   jamais remarqué auparavant ; c'étaient les uniformes de camouflage chez

 12   mes voisins et ce que j'ai pu voir également, c'est qu'ils avaient des

 13   armes.

 14   M. Pavkovic (interprétation). - Mais c'est à cette époque-là que

 15   vous avez ensemble mené le combat contre les Serbes. Et pourquoi c'était

 16   bizarre, étrange ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - Mais je sais qu'on avait ce

 18   combat et qu'il y avait la guerre, mais en ce qui me concerne je n'avais

 19   vraiment pas compris que c'était une véritable guerre, et ça ne

 20   m'intéressait pas du tout. Je n'étais pas pour la guerre.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous étiez au

 22   courant, à cette époque-là, que la guerre était déjà déclenchée dans

 23   l'espace de l'ex-Yougoslavie, en Slovénie et en Croatie ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Bien sûr que j'étais au courant.

 25   Je savais que la guerre avait commencé. Pourquoi elle avait commencé ?


Page 1107

  1   Quand elle a commencé ? Ca ne m'intéressait pas, je n'y pensais pas.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous avez demandé à

  3   quelqu'un, à vos voisins avec lesquels vous étiez en bonnes relations, ce

  4   qui se passait ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai posé la question.

  6   C'est normal que j'ai posé la question à mes voisins pour demander

  7   pourquoi on fait la guerre. Et tout simplement, ils m'avaient répondu que

  8   c'était les Serbes qui ont attaqué.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - Entendu. Et ensuite, un jour, on

 10   vous avait dit ce que vous avez déclaré hier : que vous devez vous rendre

 11   chez les vôtres, dans votre famille. Comment vous l'avez compris ? Vous

 12   aviez les patrouilles qui étaient les patrouilles communes donc, vous

 13   étiez ensemble et tout d'un coup, un jour on vous a dit qu'il fallait que

 14   vous vous rendiez dans votre famille ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui on me l'a dit effectivement.

 16   Moi, je n'avais pas compris beaucoup les raisons pour lesquelles on me

 17   l'avait dit, mais de toute façon j'ai demandé à ma famille de se rendre

 18   là-bas et d'être ensemble avec ma famille. Et c'est à cette époque-là que

 19   nous avons organisé les patrouilles, mais des patrouilles qui n'étaient

 20   pas véritablement spécifiques. Nous sommes allés pour monter la garde ; on

 21   jouait aux échecs, même à la maison on avait les échecs. J'étais soi-

 22   disant... je faisais la garde mais je jouais aux échecs. Ce n'était pas de

 23   véritables patrouilles et des gardes.

 24   C’était tout simplement pour empêcher les incidents. ; c'est

 25   entre nous. Je ne peux pas vous en dire plus ; je ne sais pas comment vous


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  1   l'expliquer.

  2   M. Pavkovic (interprétation). – Depuis quand êtes-vous membre de

  3   l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Auriez-vous l'amabilité de me le

  4   préciser ? A partir de 1992 ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). – En 1992 : avril. Je suis monté

  6   dans ma famille, dans Ahmici-le-Haut. C'est là où j'ai été intégré dans

  7   ses rangs. J’ai travaillé à l'aciérie ; par conséquent, il fallait

  8   également disposer des attestations et il fallait que je puisse me

  9   justifier à l'aciérie. Il fallait donc que j'explique les raisons pour

 10   lesquelles je ne pouvais pas m’y rendre. Il fallait que je puisse disposer

 11   de mon salaire en permanence.

 12   M. Pavkovic (interprétation). – Mais vous êtes allé là-haut,

 13   dites-vous. Est-ce que vous voulez me préciser ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). – En haut, donc en face de la

 15   route.

 16   M. Pavkovic (interprétation). – Où c’est là-haut ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). – A Krcevine.

 18   M. Pavkovic (interprétation). – Et qui avez-vous dû contacter ?

 19   M. F. Ahmic (interprétation). – C’est Bilic Hidzo.

 20   M. Pavkovic (interprétation). – Qui c'était ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). – Le commandant.

 22   M. Pavkovic (interprétation). – Quel commandant ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). – Cela ne m’intéressait pas

 24   beaucoup ; c’étaient les commandants qui organisaient les gardes, les

 25   patrouilles et qui désignaient les hommes qui y étaient.


Page 1109

  1   M. Pavkovic (interprétation). – Combien il y en avait ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). – A cette époque-là, je me

  3   souviens : tout au début, il y avait Pjanic ; et ensuite Sizo et

  4   Amhic Muris. C’est de ces commandants-là que je me souviens. Je ne peux

  5   pas vous dire exactement tout ce qui s’est passé, mais, à cette époque-là,

  6   je me souviens qu'ils étaient les commandants.

  7   M. Pavkovic (interprétation). – Ils étaient les commandants. Par

  8   conséquent, ils étaient les commandants de qui ? Qui commandaient-ils ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas qui ils

 10   commandaient. Je ne sais pas avec qui. Je sais qu'ils contactaient avec

 11   Vitez.

 12   M. Pavkovic (interprétation). – Mais à Krcevine, il y avait

 13   combien d'autres personnes qui étaient en contact direct avec ce

 14   commandant ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas.

 16   M. Pavkovic (interprétation). – Est-ce que vous me comprenez ?

 17   Vous parlez des commandants. Mais à partir du moment où vous avez les

 18   commandants, vous avez les subalternes, etc. Qui avaient- ils commandé ?

 19   M. F. Ahmic (interprétation). – Il n'y avait pas de commandant,

 20   mais ils étaient là tout simplement pour désigner les gardes, les

 21   patrouilles. Je ne me souviens pas d'autres commandants qui faisaient

 22   autre chose.

 23   M. Pavkovic (interprétation). – Est-ce que vous avez pu

 24   apercevoir qu’ils portaient des armes ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, ils ne portaient pas


Page 1110

  1   d’arme ; je n’ai pas vu cela.

  2   M. Pavkovic (interprétation). – Il n'y avait aucune arme ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, aucune arme.

  4   M. Pavkovic (interprétation). – Et qu'est-ce que qui se passait

  5   avec les armes à Slimena, qui ont été rassemblées à cet endroit-là ?

  6   M. F. Ahmic (interprétation). – C'étaient les armes qui ont été

  7   transportées à Grabovi et à Ahmici-le-Haut pour les personnes qui

  8   montaient à ces endroits. C'est pour eux qu'ils avaient préparé ces armes,

  9   pour pouvoir les utiliser.

 10   M. Pavkovic (interprétation). – Est-ce que vous pouvez me dire

 11   quelques noms de ceux qui ont emmené ces armes, qui les ont dirigées ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). – Je sais que Suad Ahmic se

 13   rendait à ces endroits-là et je sais que c'est lui qui avait emmené les

 14   armes.

 15   M. Pavkovic (interprétation). – De quelles armes s’agit-il ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas de quelles armes

 17   il s’agissait ; d’autant plus que je n'en ai jamais vu.

 18   M. Pavkovic (interprétation). – Vous n'avez jamais vu aucune

 19   arme ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). – Je n’ai jamais vu aucune arme.

 21   M. Pavkovic (interprétation). – Maintenant, si vous voulez bien,

 22   j'aimerais revenir aux événements à la veille de la première attaque, du

 23   premier conflit. Vous avez donc donné quelques explications comment cet

 24   événement s’est produit, je pense, au mois d’octobre 1992 ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). – Vous avez dit qu'il vous a été

  2   donné l'ordre, de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine, de dresser le

  3   barrage. Pas vous personnellement, mais, de toute façon, qu'il y avait un

  4   ordre de dresser, d’ériger le barrage.

  5   M. F. Ahmic (interprétation). – J'ai dit que, pour ce qui

  6   concerne le barrage, je n'ai pas moi-même effectué un ordre, je n’ai pas

  7   reçu l’ordre, je ne savais même pas qu’il y avait un barrage qui avait été

  8   érigé, je ne me suis jamais rendu sur ce barrage. Mais j’ai entendu dire,

  9   par les personnes autour de moi, qu’ils avaient raconté, au moment où tout

 10   ceci s'est passé où le barrage a été démantelé, que ce barrage a été

 11   indispensable pour Novi Travnik. Novi Travnik a été attaqué, par

 12   conséquent il y avait l'armée qui devait y passer et il y avait un

 13   commandant qui devait le détruire.

 14   M. Pavkovic (interprétation). - Qui avait reçu cet ordre ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Je sais que ce barrage a été

 16   érigé de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine, c'est comme ça que je

 17   l'ai entendu dire. Je ne peux pas vous dire davantage, je ne connais rien

 18   de plus concret en ce qui concerne ce barrage.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez vous en

 20   souvenir, est-ce que vous pouvez nous dire qui vous l'a dit ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne le peux pas parce que

 22   c'étaient tout simplement des rumeurs. Autour de moi, les gens racontaient

 23   ça et je ne peux pas vous préciser.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Mais qui avait monté le barrage

 25   à votre connaissance ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - A ma connaissance, le barrage a

  2   été monté par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  3   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que c'étaient les

  4   personnes d'Ahmici ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'il y avait

  6   les deux personnes d'Ahmici.

  7   M. Pavkovic (interprétation). – Et les autres ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). – Zad Ahmic et un autre Ahmic

  9   également, je n'ai jamais entendu parler qu'il y avait d'autres personnes

 10   d'Ahmici qui étaient sur ce barrage. Et à cette époque-là, je sais qu'il y

 11   avait des armes qui ont été prises d'un certain nombre de personnes qui se

 12   trouvaient sur le barrage, mais je ne peux pas vous répondre de manière

 13   très précise.

 14   M. Pavkovic (interprétation). – Est-ce que vous avez dit que ce

 15   barrage a été démantelé en une heure, une heure et demie, à peu près, de

 16   force ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). -  D'après ce que j'ai entendu

 18   dire, effectivement le barrage a été démantelé très vite, une heure,

 19   une heure et demie, à peu près. D'après ce que j'ai entendu dire, c'était

 20   comme ça.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Après le démantèlement du

 22   barrage vous vous y êtes rendu ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, je n'ai jamais été à

 24   proximité du barrage. Je ne me suis jamais rendu à cet endroit-là et

 25   personnellement je ne l'ai jamais vu de mes propres yeux.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Vous ne savez même pas comment

  2   elle était ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, je ne sais pas, je n'ai

  4   jamais été à ce barrage.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Vous avez parlé hier que le

  6   20 octobre 1992, Halid Pezer a été tué et que vous avez donné son corps à

  7   sa mère.

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas si j'avais parlé

  9   de la date, mais il est un fait que je me suis rendu là-bas un

 10   an…(l'interprète se corrige) pardon un jour ou deux jours après mais je

 11   sais que je suis descendu avec Mirza Ahmic, c'était mon neveu, et j'ai

 12   entendu dire que Halid Ahmic a été tué là-bas et que sa mère avait demandé

 13   de trouver son corps. Je ne savais pas où le corps se trouvait mais

 14   Mirza Ahmic avait entendu dire où se trouvait le corps et c'est avec lui

 15   que je suis allé à l'endroit.

 16   Nous avons pris le corps et nous l'avons transporté jusqu'à la

 17   mosquée, nous l'avons transporté par un camion, par un tracteur plutôt,

 18   qu'on appelait "Japaner", et c'est là où nous l'avons transporté.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - Vous avez parlé de la même

 20   personne, c'est Halid Pezer ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). – Halid Pezer a été tué, et

 22   Mirza Ahmic était avec moi. Et c'est avec moi qu'il est allé pour prendre

 23   le corps.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Où se trouvait exactement le

 25   corps d'Halid Pezer ?


Page 1114

  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Derrière la maison de Pjanic.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Mais c'est là où il a été tué ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est là où il a été tué.

  4   M. Pavkovic (interprétation). – Est-ce que vous êtes sûr qu'il a

  5   été tué là-bas ?

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne suis pas sûr, c'est là où

  7   nous l'avons trouvé.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Vous l'avez vu quand il avait

  9   été touché par la balle ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, ce n'est pas moi qui l'ai

 11   vu.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Après la première attaque, c'est

 13   mieux peut-être comme ça de parler que de parler des dates, après ce

 14   premier conflit, vous avez dit qu'il avait été demandé à des Bosniens de

 15   rendre les armes.

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Qui avait demandé de vous, par

 18   exemple, de rendre les armes ?

 19   M. F. Ahmic (interprétation). – C'est les représentants du HVO.

 20   M. Pavkovic (interprétation). – HVO. Est-ce que vous pouvez me

 21   dire la personne que vous connaissez ?

 22   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne connais pas mais c'est ce

 23   que j'ai entendu dire qu'on demandait de rendre les armes, c'est

 24   Ahmic Murad qui me l'a dit. C'est lui donc qui avait désigné les gardes au

 25   moment où nous avons été attaqués. Je pense que c'est le lendemain


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  1   exactement qu'il avait demandé de rendre les armes aux Croates car il

  2   avait été menacé. On nous a dit qu'on allait tous nous tuer.

  3   M. Pavkovic (interprétation). - Vous étiez où à la garde ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). – C'est Ahmici-le-haut. Je ne peux

  5   pas vous ire exactement combien de temps j'y ai passé.

  6   M. Pavkovic (interprétation). - Qu'est-ce que vous ne savez

  7   pas ? Combien vous étiez ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). – Mais nous n'étions pas nombreux,

  9   c'étaient les villageois. Nous étions dix ou quinze éventuellement de

 10   villageois. Il y avait quelqu'un qui était sur le front contre les Serbes.

 11   Il y en avait qui travaillaient, on n'était pas nombreux.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - C'était une ligne de front où

 13   vous étiez ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - On n'avait pas de ligne de

 15   front.

 16   M. Pavkovic (interprétation). - Je vais vous demander de bien

 17   vouloir maintenant nous rappeler des événements qui ont précédé le

 18   deuxième conflit, comme vous l'avez expliqué ici même.

 19   M. F. Ahmic (interprétation). - D'accord.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Vous avez dit que vous avez été

 21   réveillé par les tirs, les coups de feu, et ensuite vous avez dit que vous

 22   vous êtes préparé avec votre famille. C'est très brièvement que je répète

 23   ce que vous avez dit, je résume. Et vous avez donc précisé que vous avez

 24   demandé à votre famille d'aller vers la maison d'Hilmija Ahmic.

 25   Auriez-vous l'amabilité de me préciser et aujourd'hui d'ailleurs


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  1   vous en avez parlé quand vous vous êtes dirigé vers la maison

  2   d'Hilmija Ahmic, quand vous avez rattrapé votre famille, quand votre femme

  3   vous a demandé de prendre le sac rouge de la jeune fille, que c'est à ce

  4   moment-là que vous avez été blessé, c'est ce que vous avez dit.

  5   Est-ce que je vous ai bien compris ? Il y avait votre femme

  6   également qui était présente à ce moment-là ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Tout le monde y était.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Votre belle-mère ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, c'était ma famille, c'était

 10   la belle-sœur, c'était la belle-mère, etc. Je les ai rattrapés, j'ai bien

 11   précisé.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - C'était à peu près quelle heure,

 13   s'il vous plaît ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - C'était à peu près 5 heures 20,

 15   5 heures 30. C'était au moment de la prière, au moment où nous faisons la

 16   prière.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Et si on vous avait dit devant

 18   les Juges aujourd'hui, quelles étaient vos blessures après le coup de tir

 19   et après avoir été emmené par les représentants de la Forpronu. Vous étiez

 20   où exactement ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Mais j'étais dans le blindé. Je

 22   ne sais pas où on m'avait dirigé.

 23   M. Pavkovic (interprétation). - Mais où est-ce qu'on vous a

 24   emmené ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). - On m'a emmené, tout au moins


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  1   j'ai supposé que c'était Nova Bila et c'est là où on m'avait installé. Ils

  2   ont ouvert le transporteur, le blindé, ils ont enfermé le blindé et puis

  3   ils ont continué. Mais une fois que je suis arrivé à l'endroit donc, le

  4   blindé une fois de plus a été ouvert, on devait m'évacuer et j'ai pu

  5   constater que c'est à Stari Travnik que j'étais devant l'hôpital.

  6   M. Pavkovic (interprétation). - Vous étiez donc installé à

  7   l'hôpital ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui j'étais à l'hôpital.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - Combien de temps avez-vous passé

 10   à l'hôpital ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Vingt jours à peu près.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Après quoi ?

 13   M. F. Ahmic (interprétation). - Après ce temps-là, on ne m'a pas

 14   soigné véritablement, on m'a tout simplement fait un bandage. On ne m'a

 15   pas fait grand-chose et c'est tout. On m'a également servi à manger. Je

 16   n'avais pas d'assiette, je mangeais dans un récipient. Je n'avais pas de

 17   vêtements, de pyjama, ni rien. J'ai passé six jours d'abord ensuite les

 18   vingt jours. On n'a pas pu véritablement me soigner, et c'est la raison

 19   pour laquelle on a constaté qu'il était indispensable de me transporter à

 20   Zenica. Et c'est comme ça qu'on avait fait, et pas uniquement avec moi

 21   d'ailleurs. Avec d'autres personnes aussi.

 22   Il y a le minibus donc, qui nous a transporté jusqu'à Ovnak.

 23   C'est là où les soldats du HVO nous ont arrêtés.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Vous étiez arrivé à quel moment

 25   à l'hôpital de Zenica ?


Page 1118

  1   M. F. Ahmic (interprétation). - C'était dans l'après-midi à peu

  2   près.

  3   M. Pavkovic (interprétation). - L'après-midi ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - C'est tout de suite qu'on vous a

  6   pris, qu'on vous a placé à l'hôpital ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté

  9   à l'hôpital ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens pas

 11   exactement.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Mais à peu près, combien de

 13   temps êtes-vous resté à l'hôpital ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - Un mois à peu près.

 15   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous avez été opéré ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je n'ai pas été opéré. Mon

 17   bras avait été infecté. On n'avait pas à Travnik également des

 18   possibilités d'être traité correctement, il n'y avait pas de médicaments,

 19   pas de pansements etc. Et le docteur Savic m'avait dit que mon bras était

 20   infecté et que par conséquent, il ne pouvait rien faire.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Et que s’est-il passé par la

 22   suite ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est comme ça que mon bras est

 24   resté raidi. J'avais des douleurs, des douleurs qui étaient très vives,

 25   pendant un mois, deux mois. Des douleurs permanentes car tous les os ont


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  1   été fracturés.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Je m'excuse auprès de vous, mais

  3   est-ce que vous pouvez me dire à quel moment exactement vous avez quitté

  4   l'hôpital ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai quitté l'hôpital pour me

  6   rendre dans un dispensaire, et c'est dans ce dispensaire que j'ai fait la

  7   récupération fonctionnelle, enfin c'est le chauffage également. Ensuite,

  8   on m'a transporté dans une école de médecine. Je peux pas vous dire

  9   exactement combien j'y suis resté, et ce n'est qu'après ça que j'avais

 10   demandé qu'on m'accorde un appartement pour pouvoir m'installer avec ma

 11   famille.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Mais ce qui m'intéresse

 13   maintenant, c'est le temps que vous avez passé dans ces hôpitaux, dans des

 14   centres hospitaliers.

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Mais je ne m'en souviens pas

 16   exactement. Mais de toute façon il y a tous les papiers, il y a des

 17   feuilles de maladie donc, c'est là où c'est marqué les dates. Mais moi je

 18   ne retiens pas les dates.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - Ce qui m'intéresse c'est

 20   approximativement combien de temps vous êtes resté. Un mois ? Deux mois ?

 21   Trois mois ?

 22   Est-ce que je vous ai compris ? Vous avez eu des douleurs et

 23   vous avez souffert pendant deux mois, trois mois ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui j'ai beaucoup souffert. J'ai

 25   eu de très grandes douleurs.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Eh bien, quand est-ce que votre

  2   traitement s'est terminé ? Quand êtes-vous rentré chez vous ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens pas exactement

  4   quand je suis sorti de l'hôpital, je ne me souviens pas. Je vous précise

  5   qu'il y a des feuilles de maladie, il y a les dates qui sont marquées sur

  6   les papiers.

  7   M. Pavkovic (interprétation). - Mais c'est de cette manière-là

  8   que tout simplement, je voudrais préciser un certain nombre de points.

  9   Est-ce vous pourriez me dire par la suite, au bout de deux, trois mois par

 10   exemple, est-ce que vous avez eu des douleurs également au niveau du

 11   bras ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). - Pendant trois années j'avais des

 13   problèmes, parce que c'était une très grave fracture. Et c'était tout

 14   naturellement que les fractures se sont soudées, parce que je n'ai pas

 15   suivi une intervention chirurgicale, et on n'a pas pratiquement soigné mon

 16   bras.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Je vais vous demander maintenant

 18   de bien vouloir me préciser quelque chose et, Monsieur le Président, ce

 19   sera ma dernière question.

 20   Aujourd'hui vous avez déjà répondu, en partie, à la question que

 21   je vais vous poser. Est-ce que vous pouvez me préciser, à part hier et

 22   aujourd'hui même, à combien de reprises avez-vous parlé sur les événements

 23   qui se sont produits le 16 avril à Ahmici ? Donc 16 avril 93 ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas combien de fois

 25   nous avons parlé.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Combien de fois, et avec qui,

  2   avez-vous parlé ? Je parle pas de vos voisins bien évidemment, mais avec

  3   des personnes qui avaient dit qu'elles venaient d'une institution précise.

  4   Officiellement, les entretiens officiels.

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - Deux fois je me suis entretenu

  6   avec les représentants de nos autorités sur ceux qui m'avaient demandé de

  7   présenter un certain nombre de déclarations.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez à

  9   quel moment vous avez parlé avec les personnes qui vous ont dit qu'ils

 10   sont arrivés au nom du Tribunal international du bureau du Procureur ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Je sais que j'en ai parlé, mais

 12   j'étais traumatisé et je ne me souviens pas combien de fois. Je vous ai

 13   dit que j'avais beaucoup souffert, j'avais beaucoup de douleurs au niveau

 14   de mon bras. Ma maison était détruite et je ne parlais pas de bon gré.

 15   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que ceci veut dire,

 16   Monsieur Ahmic, qu'aujourd'hui même vous êtes traumatisé ? Car je vois que

 17   votre bras malheureusement n'a pas été reconstitué véritablement.

 18   M. F. Ahmic (interprétation). - Bien évidemment, je ne parle pas

 19   de bon gré parce que je suis traumatisé chaque fois.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Je vous comprends parfaitement

 21   bien Monsieur Ahmic, mais nous aurions besoin, et vous l'avez dit au début

 22   de votre témoignage, nous devrons quand même savoir et connaître tous les

 23   détails, tout ce que vous avez vécu et je pense que vous voulez bien me

 24   comprendre si je vous demande tous ces détails et toutes ces précisions.

 25   Je sais que vous êtes blessé, que vous êtes traumatisé, mais je suis


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  1   obligé de poursuivre.

  2   Est-ce que vous voulez bien me dire si vous vous souvenez, je ne

  3   sais pas si vous vous souvenez, mais je vais quand même vous rappeler :

  4   est-ce que au bout de deux années après cet événement, est-ce qu'en 95,

  5   vous avez donné une déclaration à une personne qui avait dit qu'elle était

  6   enquêteur et qu'elle travaillait pour le bureau du Procureur ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Monsieur, je ne me souviens

  8   vraiment pas, je sais que j'avais donné des déclarations, mais je ne peux

  9   certainement pas vous préciser les dates et cette période-là est brouillée

 10   quelque peu dans ma tête, donc je ne considérais pas véritablement que

 11   c'était le plus important de retenir les dates, j'ai donné les

 12   déclarations, mais je n'ai pas vraiment pensé que j'allais me rendre ici

 13   et être cité devant le Tribunal.

 14   M. Pavkovic (interprétation). - Mais au moment où vous avez su

 15   que vous alliez être cité, est-ce que vous avez parlé avec quelqu'un ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je n'ai jamais parlé avec

 17   personne. C'est de ma propre tête que je parle et j'ai dit ce que j'ai vu

 18   chez moi. Je n'ai jamais vraiment pris de notes par écrit. C'est ce que je

 19   sais, ce que j'ai gardé comme souvenir dans ma tête, c'est de ça que je

 20   parle.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Mais si je vous rappelle

 22   aujourd'hui un certain nombre de vos paroles, de ce qui a été dit par

 23   vous-même, car nous disposons des déclarations que vous avez données et

 24   elles ont été signées, et si je vous rappelle un certain nombre de vos

 25   paroles, est-ce que vous pensez que vous allez pouvoir vous en souvenir ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, je vais essayer.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Lors de votre déclaration...

  3   Monsieur le Président, il serait peut-être indispensable

  4   également de vous rappeler de quelle déclaration il s'agit, car moi j'ai

  5   la version croate.

  6   Il s'agit d'une partie de votre déclaration dont la version en

  7   croate est devant mes yeux où vous dites que Halid Pezer, au moment où le

  8   corps de Halid Pezer, que vous l'avez pris pour le transporter et le

  9   remettre à sa mère, vous avez été obligé de le sortir d'un fossé.

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas vu le fossé. Moi

 11   j'ai vu Halid qui était couché par terre, il gisait par terre et j'ai vu

 12   les deux soldats. Je ne connaissais pas les deux soldats et nous avons eu

 13   très peur. On a eu peur que quelqu'un fasse quelque chose à notre

 14   encontre. Nous l'avons sorti derrière la maison. Je n'ai jamais vu la

 15   tranchée.

 16   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que je peux vous

 17   rappeler, j'aurais du le faire probablement auparavant, il s'agit de la

 18   déclaration de 1995, le 7 février, et vous dites dans cette déclaration

 19   que c'est la seule déclaration que vous avez donnée, alors que maintenant

 20   vous me dites qu'il y en avait plusieurs que vous avez données.

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne vous comprends pas,

 22   qu'est-ce que ça veut dire Lavelaca en croate ?

 23   M. Pavkovic (interprétation). - C'est le mois de février, c'est

 24   le deuxième mois de l'année, c'est le mois de février.

 25   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est le mois de février, je


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  1   vous comprends.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que c'est bien vrai que

  3   le 7 février 95, vous avez déclaré à l'enquêteur qui venait du bureau du

  4   Procureur, que c'était votre seule déclaration que vous avez présentée,

  5   alors qu'ici même, vous venez de me dire qu'il y avait plusieurs

  6   déclarations que vous avez données. De quoi s'agit-il, s'il vous plaît ?

  7   Qu'est-ce qui est exact ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Je me souviens que je me suis

  9   rendu une fois ou deux fois à la société métallurgique. Il y avait les

 10   représentants des autorités qui m'avaient posé un certain nombre de

 11   questions ça c'est un fait. Je ne peux pas vous dire à quelle période

 12   exactement ça s'est passé, mais je me souviens fort bien que j'ai été

 13   interrogé. Pourquoi on m'a interrogé, ça je ne peux pas vous le dire je ne

 14   le sais pas.

 15   M. Pavkovic (interprétation). - Excusez-moi, auriez vous

 16   l'amabilité de me préciser ce que c'est CSB ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est notre police qui se

 18   trouvait à la société métallurgique. Ce sont eux qui m'avaient donc appelé

 19   au moment où il y avait un certain nombre de représentants qui se sont

 20   rendus dans notre village pour donner la déclaration. Je ne sais pas qui

 21   étaient les personnes qui étaient venues.

 22   M. Pavkovic (interprétation). - Mais à partir du moment où vous

 23   avez donné cette déclaration, vous l'avez lue ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je ne l'ai pas lue et je ne

 25   me souviens même pas qu'ils m'ont donné lecture de cette déclaration


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous l'avez signée ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je l’ai signée ; ça oui, je

  3   l’ai signée. Mais je ne me souviens pas de détails, car j'étais dépressif.

  4   J'avais mal au bras et, quand j'avais parlé de tout cela, comme je l’ai

  5   dit, j'étais perturbé, traumatisé. Je ne me souviens pas de tout.

  6   M. Pavkovic (interprétation). – Monsieur, c'étaient deux ans

  7   après avoir été blessé, n'est-ce pas ? Vous avez dit que vos douleurs ont

  8   duré pendant trois mois, alors que la déclaration a été donnée deux ans

  9   après.

 10   M. F. Ahmic (interprétation). – J'ai eu des douleurs pendant

 11   trois mois, constamment, nuit et jour, où je ne pouvais pas fermer l'œil,

 12   nuit et jour.

 13   M. Pavkovic (interprétation). – Mais, Monsieur, c’est deux ans

 14   après avoir été blessé que vous avez fait cette déclaration ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je l’ai faite. Mais je ne

 16   m'en souviens pas.

 17   M. Pavkovic (interprétation). – Vous ne vous souvenez pas de

 18   quoi ?

 19   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne me souviens pas qu'on

 20   m'avait donné lecture de la déclaration que j'ai faite et qu'on me l’avait

 21   traduite en bosniaque, en langue bosniaque.

 22   M. Pavkovic (interprétation). – Puis-je vous rappeler, un peu

 23   rafraîchir votre mémoire : est-ce que vous croyez que vous pouvez vous en

 24   souvenir ? En effet, vous avez dit, ce matin et hier, lorsque vous avez

 25   été blessé, que vous vous rendiez vers la maison de Halid. Vous étiez avec


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  1   votre épouse parce que vous avez voulu sécuriser votre famille là-bas.

  2   C’est ce que vous avez dit. Et que c'est à ce moment-là que vous avez été

  3   blessé ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, je ne l'avais pas dit.

  5   M. Pavkovic (interprétation). – Je crois qu'on ne se comprend

  6   plus. Lors de ce second conflit, tôt le matin, en date du 16, lorsque vous

  7   avez voulu mettre en sécurité votre famille avec votre belle-mère, vers la

  8   maison de Halid ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). – Non ! Pas la maison de Halid !

 10   La maison de Hilmija.

 11   M. Pavkovic (interprétation). – Excusez-moi. La maison de

 12   Hilmija ; c’est très bien. Mais savez-vous ce que vous avez dit, en 1995 ?

 13   Et puis-je vous donner la lecture, Monsieur le Président ?

 14   Vous avez dit notamment : "Lorsque ma famille a été installée

 15   dans l'intérieur de la maison, j'ai pris décision d'aller chercher mon

 16   commandant. Je n'avais aucune arme sur moi et je pensais bien que celui-ci

 17   pouvait m'en procurer. J'ai été blessé au moment où j'étais sur mon

 18   départ, depuis la maison de Ahmic Hilmija. J'ai été touché au coude

 19   droit."

 20   Aujourd'hui, vous venez d'expliquer que vous avez été touché à

 21   une autre partie du corps.

 22   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui.

 23   M. Pavkovic (interprétation). – Voyez-vous la différence entre

 24   ce que vous avez dit dans cette déclaration et ce que vous avez dit hier ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). – J'observe bien la différence et


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  1   j'en suis troublé profondément.

  2   M. Pavkovic (interprétation). – Troublé pourquoi ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, troublé parce que je

  4   n'avais jamais déclaré de la sorte et je ne m'en souviens pas du tout.

  5   M. Pavkovic (interprétation). – Et quand vous en êtes-vous

  6   souvenu ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). – Je m'en suis souvenu uniquement

  8   lorsque je suis venu ici et lorsque mon avocat m'a fait voir cette

  9   déclaration.

 10   M. Pavkovic (interprétation). – Lorsque vous avez dit “lorsque

 11   vous êtes venu ici”, c’est où ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). – Ici, au Tribunal.

 13   M. Pavkovic (interprétation). – De quel avocat parlez-vous ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). – Je parle de Monsieur, là, de

 15   l'accusation.

 16   M. Pavkovic (interprétation). – Quelle déclaration vous a-t-il

 17   fait voir ?

 18   M. F. Ahmic (interprétation). – La déclaration dont vous parliez

 19   tout à l’heure, que vous avez lue.

 20   M. Pavkovic (interprétation). – Et qu'est-ce qu’il vous a fait

 21   lire ou voir ?

 22   M. F. Ahmic (interprétation). – Il m'a demandé de lire cette

 23   déclaration.

 24   M. Pavkovic (interprétation). – Mais vous a-t-on lu ou vous a-t-

 25   on traduit ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). – Il l'a d'abord lue et, après ça,

  2   cela a été traduit.

  3   M. Pavkovic (interprétation). – Et que s’est-il passé ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). – Il s'est passé que je lui ai dit

  5   à lui-même que je ne me souviens plus de rien.

  6   M. Pavkovic (interprétation). – Qu'avez-vous dit ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). – Je dis que je ne me souviens

  8   plus de rien de ce qui figure dans cette déclaration que j'avais faite.

  9   M. Pavkovic (interprétation). – Alors, ce que vous venez de

 10   relater dans le prétoire, comment vous en souvenez-vous tout à coup ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). – Je m'en souviens parce que c'est

 12   ça la vérité, c'est ce que je viens de dire.

 13   M. Pavkovic (interprétation). – Vous venez de dire devant le

 14   prétoire ce qui, dans une majeure partie déjà, figure dans cette

 15   déclaration. Vous me comprenez bien ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je vous comprends bien.

 17   M. Pavkovic (interprétation). – Tout simplement, j’ai observé

 18   quelques différences, de légères différences. Je voulais savoir comment

 19   elles se sont produites ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas comment elles se

 21   sont produites ; d'ailleurs, je ne m'en souviens pas.

 22   M. Pavkovic (interprétation). – Comment votre avocat, comme vous

 23   dites, vous a-t-il parlé ? Qu'est-ce qu'il vous a dit encore ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). – Mon avocat m'a dit que je ne

 25   devais dire que la vérité et que ce que j'avais vu ; et de ne dire plus


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  1   rien, de ne plus parler de rien.

  2   M. Pavkovic (interprétation). – Vous a-t-il montré, fait voir

  3   des photos ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, il m'a fait voir des photos

  5   et des cartes d'ailleurs aussi. Des photos concernant mes blessures, etc.

  6   M. Pavkovic (interprétation). – Je vous remercie.

  7   Monsieur le Président, je vous remercie. Je n’ai plus de question.

  8   M. le Président (interprétation). – Merci, Monsieur Pavkovic.

  9   Monsieur Puliselic, vous avez la parole.

 10   M. Puliselic (interprétation). – Bonjour, Monsieur. Je suis

 11   avocat. Puliselic, je me nomme.

 12   M. F. Ahmic (interprétation). – Bonjour.

 13   M. Puliselic (interprétation). – Vous avez dit, dans votre

 14   déclaration faite, que les Bosniens et les Croates d'abord ont eu à tenir

 15   des tours de garde ensemble.

 16   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est cela.

 17   M. Puliselic (interprétation). – Pouvez-vous vous souvenir des

 18   circonstances, à peu près ? Dans quelles circonstances et à quel moment

 19   les Bosniens et les Croates se sont mis à organiser les tours de garde

 20   séparément ? A peu près, dans les à peu près.

 21   M. F. Ahmic (interprétation). – Eh bien, pour parler dans les à

 22   peu près, en réalité, je ne le sais pas. Je sais qu'avec mes voisins, mes

 23   tours de rôle étaient de l'autre côté, en bas de la route. Et je sais que

 24   Rafail Skoro m’a dit : "Vraiment, je suis désolé ; mais nous ne pouvons

 25   plus organiser les tours de garde ensemble. Va vers les tiens, là-haut."


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  1   M. Puliselic (interprétation). – Vous avez fait mention de cet

  2   épisode où des barrages ont été dressés à Ahmici, en 1992, disant

  3   notamment que vous n’étiez pas présent.

  4   M. F. Ahmic (interprétation). – C’est cela.

  5   M. Puliselic (interprétation). – Avez-vous peut-être

  6   connaissance du fait que, dans la région de Hidzo des combats ont été

  7   livrés, menés entre forces serbes et HVO ? Et avez-vous su que le HVO a eu

  8   besoin d'aide en soldats, car Hidzo devait évidemment se rendre ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). – Je n'en ai aucune connaissance

 10   pour la simple et bonne raison que je n'ai jamais compris que la guerre

 11   devait y avoir lieu.

 12   M. Puliselic (interprétation). – Avez-vous eu connaissance de la

 13   route qu'il fallait emprunter pour parvenir à Hidzo, car, disait-on, les

 14   unités du HVO étaient en mouvement en direction de Novi Travnik ? Savez-

 15   vous quelque chose ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Je n'en sais rien.

 17   M. Puliselic (interprétation). - Avez-vous eu connaissance

 18   préalable comme quoi les Bosniens, c'est-à-dire les Musulmans allaient

 19   dresser les barrages en octobre 92 ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je ne sais pas. Vous me

 21   parlez encore en croate.

 22   M. Puliselic (interprétation). - Avez-vous entendu dire par

 23   quelqu'un que ce barrage allait être dressé ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Je vous ai dit que je l'ai su

 25   après que le barrage ait été dressé. Je ne savais rien, je ne savais pas


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  1   que le barrage a été construit. Plus tard, lorsque j'étais sorti voir les

  2   gens au village, j'ai entendu dire de ce barrage, c'est que l'armée de

  3   Bosnie

  4   Herzégovine, après avoir entendu que Novi Travnik a été agressée, qu'il y

  5   a eu beaucoup de soldats du HVO venant de la direction de Busocava et je

  6   ne sais pas d'où encore, et que d'autres forces soldats venaient vers

  7   Novi Travnik et que les barrages ont été construits par la BH pour arrêter

  8   justement la campagne de ces soldats.

  9   Ainsi donc, disais-je, en une heure, une heure et demi tous ces

 10   gens ont été dispersés et les barrages ont été pris, et sans aucun

 11   problème dans la campagne, ils y sont passés.

 12   M. Puliselic (interprétation). - Vous souvenez-vous bien à quel

 13   moment vous avez emmené votre maisonnée, les membres de votre famille vers

 14   le haut d'Ahmici ? Vous avez dit que c'était le matin lorsque des coups de

 15   feu se sont déclarés. Est-ce que peut-être ça ne s'est pas produit avant ?

 16   Peut-être la veille ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - Je sais que les deux conflits

 18   ont eu lieu au moment de Sabha, au moment de la prière.

 19   M. Puliselic (interprétation). - Oui, d'accord, mais je voulais

 20   savoir tout simplement si peut-être vous n'avez pas emmené votre famille

 21   la veille avant que les feux de tir se déclarent ?

 22   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, j'ai été avec ma famille à

 23   la maison aux temps des deux conflits.

 24   M. Puliselic (interprétation). - Vous avez dit que votre voisin

 25   le plus proche Alija Ahmic...


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui du côté des Musulmans, c'est

  2   lui oui.

  3   M. Puliselic (interprétation). - C'est du côté musulman qu'il

  4   est votre voisin le plus proche ou d'une manière générale ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui du côté musulman, c'est mon

  6   voisin le plus proche, mais Marijan et Pero sont les voisins les plus

  7   proches du côté des Croates.

  8   M. Puliselic (interprétation). - Vous avez dit qu'il a Abdulah

  9   pour fils.

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui Abdulah.

 11   M. Puliselic (interprétation). - A-t-il eu d'autres fils aussi ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, Munir et Muris qui ont péri

 13   tous les deux.

 14   M. Puliselic (interprétation). - Muris, qu'est-ce qu'il a fait à

 15   cette époque-là ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Pendant la première attaque, il

 17   était le commandant.

 18   M. Puliselic (interprétation). - Commandant de quoi ?

 19   M. F. Ahmic (interprétation). - Commandant de nos tours de

 20   garde.

 21   M. Puliselic (interprétation). - Si vous pouvez vous rappeler

 22   avec exactitude, est-ce que c'est justement Muris qui vous a averti du

 23   fait que le barrage allait être construit ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, personne ne m'en a averti.

 25   Je n'en savais rien quant à ces barrages. Tout simplement j'ai pu entendre


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  1   parler par d'autres, par hasard c'est tout.

  2   M. Puliselic (interprétation). - Vous avez dit que pendant le

  3   premier conflit Pezer Halid a péri. Et dans cette déclaration faite devant

  4   l'enquêteur, vous avez mentionné qu'il a été tué par un snipper. Comment

  5   avez-vous pu le supposer ?

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - Il a été tué par une seule balle

  7   et c'est ainsi que je peux supposer que c'était un snipper.

  8   M. Puliselic (interprétation). - Donc vous le supposez tout

  9   simplement parce qu'il s'agit d'une seule balle, d'une seule blessure

 10   qu'il a eu ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est cela.

 12   M. Puliselic (interprétation). - Avez-vous eu connaissance que,

 13   lors de cette occasion-là, quelqu'un d'autre des Croates aurait pu périr

 14   également ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je ne m'en souviens pas. Je

 16   n'ai jamais entendu dire qu'un seul soldat des Croates aurait pu tomber.

 17   M. Puliselic (interprétation). - Dans cette déclaration faite

 18   devant le Juge d'instruction, vous avez dit qu'il y a eu des maisons

 19   brûlées et entre autre, vous avez dit que les maisons d'Ahmic Mehmed,

 20   Pjanic Hajrudin, Pezer Sakib et de l'autre Ahmic, de Mehmed Ahmic ont été

 21   brûlées. Et vous avez dit aussi que quatre étables ont été incendiées

 22   aussi et vous avez mentionné les noms de leurs propriétaires. Est-ce

 23   vraiment ainsi que cela s'est produit ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui il est vrai que les étables

 25   d'Alija, la maison de Mehmed, l'étable de Hidzo Bilic ont été incendiées.


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  1   Pour ce qui est des autres, je ne m'en souviens pas et je ne me souviens

  2   pas les avoir énumérées. Mais pour ce qui est d'Alija Ahmic, Mehmed Ahmic,

  3   Hidzo Bilic leurs maisons ont été incendiées. Mais pour ce qui est de

  4   cette énumération je l'ai faite, mais je ne m'en souviens pas.

  5   M. Puliselic (interprétation). - D'après les données recueillies

  6   par la défense, seule la maison de Mehmed Ahmic prénommé Sudzuka a été

  7   brûlée, a été incendiée. En partie la maison de Hajrudin Pjanic et

  8   l'étable de Sakib Pezer. Et c'est de cela qu'un des témoins a déposé ici

  9   en audience, devant le prétoire. Que pensez-vous ? Où est la vérité ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - La vérité c'est ce que je viens

 11   de dire. J'ai bien énuméré les maisons et bâtiments mais je ne me souviens

 12   pas exactement des noms des propriétaires dont les maisons ont été

 13   incendiées.

 14   M. Puliselic (interprétation). - Donc, vous vous rappelez avec

 15   exactitude de la déclaration faite quant au nombre de maisons brûlées et

 16   étables mises en flammes ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens pas exactement

 18   du nombre de maisons et d'étables.

 19   M. Puliselic (interprétation). - Je vous remercie bien.

 20   Pouvez-vous me répondre à la question suivante : à Ahmici

 21   combien y a-t-il eu de membres de soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine

 22   à peu près ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - A peu près ? Je ne le sais pas.

 24   Il n'y a pas eu vraiment de membres de l'armée. Ce n'était pas une armée à

 25   proprement parler. Non, il n'y avait pas de commandement. Tout se


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  1   déroulait, d'après moi, selon la volonté des gens et basé sur un

  2   volontariat et le bénévolat.

  3   M. Puliselic (interprétation). - Etait-ce de même pour parler

  4   des Croates ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - Je pense que non parce que chez

  6   eux il y avait un commandement et le commandement était bien strict autant

  7   que j'ai  pu l'observer.

  8   M. Puliselic (interprétation). - Mais vous aussi vous avez du

  9   observer un commandement et exécuter les ordres pour les tours de garde.

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, lorsqu'il y avait une liste

 11   dressée pour organiser les tours de garde.

 12   M. Puliselic (interprétation). - Lors de la déclaration faite

 13   devant le Juge d'instruction vous avez dit qu'à un moment donné, un jour,

 14   Dragan Papic était venu chez vous pour vous informer d'aller voir

 15   Skoro Slavko. Hier, en audience, vous avez dit quelque chose de différent,

 16   à savoir que Vinko Vidovic et Dragan Papic vous auraient intercepté lors

 17   de votre retour à la maison et c'est à ce moment-là qu'ils vous ont dit

 18   d'aller voir Skoro Slavko. Qu'est-ce qu'il y a de vrai là-dedans ?

 19   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, ils m'ont arrêté justement

 20   là où se trouve cette casemate formée en parpaings qui sont à moi où se

 21   trouvait un nid de mitrailleuses, mitrailleuses à mettre sur un affût, qui

 22   pouvaient d'ailleurs fonctionner sans affût. C'est là où j'ai vu également

 23   Simo Vidovic.

 24   Dragan Papic et Simo Vidovic étaient aimables en me disant que

 25   je devais rentrer chez moi et m'en aller une fois pour toutes avec ma


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  1   famille, et c'est pour cela que je devais avoir la permission de

  2   Slavko Skoro pour pouvoir retourner chez moi pour vivre en sécurité.

  3   M. Puliselic (interprétation). - Ne voyez-vous pas une

  4   différence maintenant entre ce que vous avez dit hier et ce que vous avez

  5   dit dans votre déclaration faite devant le juge d'instruction ?

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai dit ce qui est la vérité.

  7   M. Puliselic (interprétation). - Qui est Vinko Skoro ? Pouvez-

  8   vous nous dire ?

  9   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, non, non, pas Vinko Skoro,

 10   Vinko Vidovic.

 11   M. Puliselic (interprétation). - Vous avez dit que Dragan Papic

 12   vous avait dit d'aller voir Vinko Skoro.

 13   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, non, non, non, c'est

 14   Slavko Skoro.

 15   M. Puliselic (interprétation). - Je m'en excuse, Slavko Skoro.

 16   Qui est Slavko Skoro ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - Slavko Skoro était un des

 18   commandants, je ne sais pas qui il avait commandé mais je sais qu'il avait

 19   le commandement.

 20   M. Puliselic (interprétation). - Hier, vous avez déclaré qu'on a

 21   tiré sur la maison d'Ahmic Mehmed depuis la forêt sur la maison de

 22   Papic Dragan mais vous avez dit que vous ne l'avez pas vu, que c'est

 23   d'après ouï-dire c'est-à-dire que vous-même, cela vous a semblé ainsi.

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, j'étais derrière l'étable

 25   de Sakib Bilic, j'étais sur la route et on m'a dit que Mehmed Ahmic est


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  1   avec sa famille dans la maison, qu'on tirait depuis la forêt et depuis la

  2   maison de Dragan Papic sur la maison de Ahmic Mehmed.

  3   M. Puliselic (interprétation). - Vous n'avez pas dit non plus,

  4   lors de la déclaration faite en 1995 devant le juge d'instruction ces

  5   détails-là.

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

  7   M. Puliselic (interprétation). - Ici, en audience, hier, vous

  8   faites mention également de la mitrailleuse M53 et vous mentionnez

  9   également la casemate construite moyennant les parpaings qui sont

 10   d'ailleurs votre propriété et qui étaient rangés près de votre maison.

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est cela.

 12   M. Puliselic (interprétation). - Je voudrais vous dire également

 13   une fois de plus que vous n'en aviez dit mot au Juge d'instruction

 14   en 1995.

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens pas de l'avoir

 16   fait ou de l'avoir fait.

 17   M. Puliselic (interprétation). - Pouvez-vous donc nous faire la

 18   description de cette mitrailleuse, de quel calibre il s'agit ? Qu'est-ce

 19   que cette mitrailleuse ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est la mitrailleuse qui m'a

 21   été assignée quand j'ai, dans le temps, fait le service militaire, qu'on

 22   pouvait utiliser avec un trépied ou bipied mais lorsqu'avec il a fallu

 23   avoir des servants, moi, j'ai été le pointeur de la mitrailleuse et

 24   lorsqu'il s'agit de mitrailleuse à l'affût avec trépied, on pouvait la

 25   considérer comme une mitrailleuse antiaérienne. Cette mitrailleuse peut


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  1   fonctionner avec un seul servant. C'est ainsi que j'ai pu juger d'ailleurs

  2   le type de la mitrailleuse.

  3   M. Puliselic (interprétation). - A quelle distance était

  4   positionnée cette mitrailleuse, parlant en mètres, par rapport à l'endroit

  5   où vous étiez vous-même ?

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai pu la voir depuis la route

  7   de la maison de Spiro à peu près à 30 mètres ou quelque chose de ce genre.

  8   M. Puliselic (interprétation). - Cette mitrailleuse a-t-elle été

  9   abritée par ces parpaings, cette construction de casemate ou quoi ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - La casemate a été faite en

 11   hémicycle et la mitrailleuse étant un peu en bas. C'est ainsi que j'ai pu

 12   la voir pratiquement devant la casemate.

 13   M. Puliselic (interprétation). - A quel moment de la journée

 14   vous avez pu voir tout ça ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire avec

 16   exactitude, mais vers midi à peu près.

 17   M. Puliselic (interprétation). - Pouvez-vous nous répondre à la

 18   question de savoir si à cette époque-là, rappelons nous de l'année 1992,

 19   les Musulmans d'Ahmici avaient créé une ligne de combat, une ligne de

 20   front parce que c'est la ligne... c'est cette expression-là que vous avez

 21   empruntée devant l'enquêteur du Tribunal international, et je voudrais

 22   savoir ce que vous entendez par ligne de combat, ligne de front ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). -  Je ne m'en souviens pas et je

 24   sais qu'il n'y avait aucune ligne de combat à Ahmici.

 25   M. Puliselic (interprétation). - Lors de cette interview dans


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  1   votre déclaration à l'enquêteur du Tribunal vous avez mentionné pour dire

  2   que le commandant Muris Ahmic était venu à la ligne de front pour demander

  3   quelque chose à des gens qui s'y trouvaient. Vous souvenez-vous de la

  4   venue de Muris Ahmic ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - Je me souviens que nous étions

  6   en tour de garde, en patrouille, ce n'était pas une ligne de front c'était

  7   le jour où il était venu pour demander que l'on remette les armes.

  8   M. Puliselic (interprétation). - Quelles étaient les armes que

  9   vous déteniez à cette époque-là ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Je n'avais aucune arme, non plus

 11   que d'uniforme.

 12   M. Puliselic (interprétation). - Je vous demandais pour les

 13   armes seulement.

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - Je n'avais aucune arme.

 15   M. Puliselic (interprétation). - Quel était le but d'être en

 16   sentinelle en patrouille si vous n'aviez pas d'arme?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - Je me suis révolté

 18   personnellement d'ailleurs, j'ai rouspété parce que pour être en tour de

 19   garde sans arme, je ne le voulais pas et ceux qui avaient des armes ne

 20   nous en donnaient pas, parce qu'ils en gardaient chez eux à la maison.

 21   M. Puliselic (interprétation). - Hier vous avez dit que vous

 22   étiez près de l'étable de Sakib Ahmic et que deux de vos voisins vous ont

 23   dit qu'on tirait depuis la forêt sur la maison de Papic. Là-dessus vous

 24   n'avez rien dit, vous n'avez rien mentionné devant l'enquêteur, comment

 25   expliquez-vous ce fait-là ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne me souviens pas du tout de

  2   ces détails.

  3   M. Puliselic (interprétation). - Alors, il s'avère que

  4   maintenant vous vous souvenez mieux qu'en 1995. De même hier, vous avez

  5   dit qu'à un moment donné un matin, Dragan Papic, et Vinko Vidovic seraient

  6   venus chez vous, et que Dragan Papic avait dans sa main une espèce de

  7   détonateur d'une bombe ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est cela.

  9   M. Puliselic (interprétation). - Ca c'est un nouveau détail, ce

 10   dont vous n'avez fait aucune mention devant l'enquêteur. Comment

 11   l'expliquez-vous ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas parce

 13   que j'ai ressenti le besoin de dire devant cette honorable Cour, tout ce

 14   dont je pouvais me souvenir en détail, rien que pour dire la vérité et la

 15   vérité pure.

 16   M. Puliselic (interprétation). - Je veux attirer votre attention

 17   sur une autre différence : jamais avant, vous n'avez dit que Dragan Papic

 18   aurait menacé comme quoi les Croates s'apprêtaient à démolir les hauts

 19   Ahmici, alors que vous avez parlé hier devant le prétoire.

 20   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, j'en ai parlé hier.

 21   M. Puliselic (interprétation). - Vous avez dit devant

 22   l'enquêteur que, une fois sorti de la maison d'Ahmic Hilmija, vous avez

 23   été blessé.

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je ne m'en souviens pas.

 25   M. Puliselic (interprétation). - Et vous avez dit que lorsque


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  1   vous aviez été touché, vous aviez vu l'éclat du coup tiré par un fusil du

  2   haut de la fenêtre de la maison de Papic Ivo.

  3   M. F. Ahmic (interprétation). - Non je ne m'en souviens pas.

  4   D'ailleurs, depuis l'endroit où j'étais on ne peut même pas le voir.

  5   M. Puliselic (interprétation). - Et pourtant, c'est ce que vous

  6   avez dit devant l'enquêteur.

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

  8   M. Puliselic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire la

  9   distance qu'il y a entre la maison de Hilmija Ahmic et celle de

 10   Papic Ivo ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Je ne saurais vous le dire avec

 12   exactitude, à peu près.

 13   M. Puliselic (interprétation). - C'est ainsi que je vous pose la

 14   question. Parlons dans les à peu près.

 15   M. F. Ahmic (interprétation). -  Peut-être il y a 200 mètres.

 16   M. Puliselic (interprétation). - Je crois que vous l'avez située

 17   avec exactitude. Pourtant devant l'enquêteur, vous avez dit qu'il y avait

 18   100 mètres de distance. Que pensez-vous, quelle est la distance depuis la

 19   maison d'Ivo Papic, et l'endroit où vous avez été blessé ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). - Là aussi c'est à peu près que je

 21   peux essayer de dire. Dans les 40 -50 mètres.

 22   M. Puliselic (interprétation). - Aujourd'hui vous venez de dire

 23   que vous étiez dans la maison d'Ahmic Hilmija après avoir été blessé, vous

 24   avez été couché et que la fenêtre a été protégée ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est cela.


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  1   M. Puliselic (interprétation). - D'autre part devant

  2   l'enquêteur, vous avez dit qu'à partir de la maison de Hilmija Ahmic, vous

  3   avez pu voir les soldats courir autour de la maison Papic Ivo et vous en

  4   avez fait la description vous avez dit que ces soldats portaient un

  5   uniforme de camouflage, qu'ils avaient des couvre-chefs sous forme de

  6   cagoule, une espèce de bas avec des ouvertures marquant les yeux et la

  7   bouche.

  8   M. F. Ahmic (interprétation). -  Tout simplement je ne m'en

  9   souviens pas. J'étais blessé, couché sur le canapé. J'étais blessé au

 10   coude et à la hanche.

 11   M. Puliselic (interprétation). - J'attire tout simplement votre

 12   attention sur la différence qu'il y a dans vos déclarations devant

 13   l'enquêteur et devant le prétoire ici. A part la maison d'Ahmic,

 14   d'Alja Ahmic, quelles sont les maisons des Musulmans autour ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). -  Oui, il y a la maison de

 16   Suleyman Ahmic et d'Alja Ahmic, et puis sur la route il y a la maison du

 17   frère Ahmed, Salja Ahmic, et puis Zahid Ahmic, et puis Muris Ahmic, ce

 18   sont tous des frères.

 19   M. Puliselic (interprétation). – Donc, il y a eu pas mal de

 20   maisons de Musulmans tout autour.

 21   C’est par une autre question que je vais revenir à l'année 1992.

 22   Pouvez-vous nous répondre si, le 20 octobre 1992, à proximité de votre

 23   maison, il y avait des soldats qui auraient tiré sur la maison de

 24   Pero Papic ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). – Il est vrai que, le matin de


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  1   l’attaque, lorsque j'étais sorti avec ma femme et mes enfants pour

  2   m'engager vers le haut Ahmici, Pero et Vinko m'avaient dit qu'on avait

  3   tiré sur les fenêtres de la maison de Pero. Et il est vrai qu'on pouvait

  4   en voir les marques saillantes sur les fenêtres.

  5   M. Puliselic (interprétation). – Donc on a vu pas mal… qu'il y a

  6   eu des parties de maisons démolies ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est cela. Mais d'où

  8   étaient venus les tirs ? Comment ils étaient venus et qui a tiré ? Je n'en

  9   sais rien.

 10   M. Puliselic (interprétation). – Vous avez dit aujourd'hui que,

 11   lors de votre déclaration faite devant l'enquêteur du Tribunal

 12   international, vous sentiez des douleurs dans la main et que vous n'avez

 13   pas pu vous concentrer.

 14   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui.

 15   M. Puliselic (interprétation). – Il y a là certains épisodes sur

 16   lesquels j'attire votre attention -et qui sont d’ailleurs contenus dans la

 17   déclaration faite par vous- au sujet desquels vous dites que vous ne les

 18   avez jamais déclarés et que vous dites et redites que vous n'avez jamais

 19   déclarés devant l'enquêteur.

 20   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne m'en souviens pas ; je ne

 21   me souviens de rien. Peut-être que je l’ai dit ainsi.

 22   M. Puliselic (interprétation). – Vous avez dit que vous étiez

 23   bien concentré. Pourquoi donc ne les avez-vous pas dits devant

 24   l'enquêteur, ces mêmes faits, s'il en était ainsi ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne m'en souviens pas parce


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  1   que, moi, pour parler, j'emprunte les termes concrets et je réponds

  2   concrètement aux questions posées.

  3   M. Puliselic (interprétation). – Je vais vous donner lecture du

  4   texte que l'on peut lire à la fin de votre déclaration faite devant

  5   l'enquêteur. Cela se lit comme suit : "Cette déclaration m'a été lue à

  6   voix intelligible et haute voix, en bosniaque, ainsi que je l'ai déclaré

  7   d'après mes souvenirs et mes connaissances". Laquelle déclaration vous

  8   avez signée vous-même.

  9   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je sais ; j'ai vu que je

 10   l'ai signée, mais je n'en garde vraiment aucun souvenir.

 11   M. Puliselic (interprétation). – Monsieur le Président, c'est

 12   ainsi que je souhaite terminer la partie du contre-interrogatoire qui est

 13   la mienne. Je voudrais soumettre en tant que pièce à conviction la

 14   déclaration faite par le témoin, ici présent, devant l'enquêteur du

 15   Tribunal international.

 16   M. le Président (interprétation). - Est-ce qu'il y a une

 17   objection de la part de l'accusation ?

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Nous n'avons pas d'objection.

 19   M. le Président (interprétation). – Bien. Cette pièce est versée

 20   au dossier.

 21   Mme le Greffier (interprétation). – Numéro 2/5.

 22   M. le Président (interprétation). - J'imagine que la défense en

 23   a terminé avec son contre-interrogatoire. Et je me demande si le Procureur

 24   a des questions. Maître Radovic ?

 25   M. Radovic (interprétation). – Je serai bref, car mes collègues


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  1   ont plus ou moins épuisé toutes les questions. Dites-moi,

  2   Monsieur Fahrudin… Est-ce que j’ai le droit de donner son nom ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). – Vous avez le droit.

  4   M. Radovic (interprétation). – Est-ce que nous sommes en

  5   audience publique ou à huis clos ?

  6   M. le Président (interprétation). - Nous sommes en audience

  7   publique.

  8   M. Radovic (interprétation). – Bien. Cela ne fait rien : je

  9   serai prudent et je ne vais pas le nommer.

 10   Monsieur, dites-moi, qu'est-ce que cela voulait dire pour vous,

 11   au moment où vous avez signé le compte rendu dressé par l'enquêteur du

 12   Tribunal, qu'est-ce que cette signature apposée au bas de ce papier

 13   signifiait pour vous ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). – Ecoutez, je ne sais pas, je ne

 15   m'en souviens pas. Vraiment, j'ai fait cette déclaration. Je ne m'en

 16   souviens pas, j'étais touché par cette guerre, par tout cela et je sais

 17   que j'ai fait une déclaration. Mais tout simplement, je ne m'en souviens

 18   pas.

 19   M. Radovic (interprétation). – Ce qui m'intéresse, c'est que

 20   vous nous expliquiez, que vous expliquiez à la Chambre ce que votre

 21   signature au bas de ce morceau de papier signifiait pour vous. Qu’est-ce

 22   que vous vous êtes dit dans votre tête ? Pourquoi avez-vous signé ce

 23   papier ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). – Rien. Ecoutez, je ne sais pas,

 25   je n'en sais rien. J'ai signé. On m'a amené pour donner cette


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  1   déclaration ; j'ai fait la déclaration et je l'ai signée.

  2   M. Pavkovic (interprétation). – Mais qu’est-ce que cette

  3   signature signifie ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas ce qu’elle

  5   signifie. J’ai fait une déclaration, j’ai signé. Cela signifie que j’ai

  6   fait une déclaration, que je l’ai signée. Pourquoi ? je ne sais pas.

  7   M. Radovic (interprétation). – L'interprète vous a expliqué que

  8   ce que vous avez signé signifiait que cette déclaration écrite était votre

  9   déclaration ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne me souviens pas d'une

 11   telle explication de l'interprète, qu'il m’ait dit une chose de la sorte

 12   ou qu'il m’ait traduit cela vers le bosniaque.

 13   M. Pavkovic (interprétation). – Est-ce que vous avez votre

 14   dossier médical quelque part ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, je pense que je l’ai.

 16   Enfin, qu’il est chez l'autre avocat, que l'autre avocat dispose du

 17   dossier médical.

 18   M. Pavkovic (interprétation). – Je vous pose la question parce

 19   que votre dossier médical ne vous a pas été transmis. Donc vous avez

 20   transmis votre dossier médical à l’accusation ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). – Non, je ne l’ai pas donné. C’est

 22   eux-mêmes qui l'ont pris ; je ne leur ai pas transmis, je ne sais pas d'où

 23   ils l'ont obtenu.

 24   M. Radovic (interprétation). – Mais ils vous ont montré qu’ils

 25   l’avaient ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui.

  2   M. Radovic (interprétation). – Donc, ils disposent de quelque

  3   chose qu'il ne vous ont pas transmis. Vous êtes sûr qu'ils vous l'ont

  4   montré ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, ils me l'ont montré.

  6   M. Radovic (interprétation). – Au moment où les médecins qui

  7   s’occupaient de vous vous ont dit que votre état était critique, qu'ils ne

  8   pouvaient rien faire d'autre pour améliorer l'état de votre bras, est-ce

  9   que vous vous en souvenez ?

 10   M. F. Ahmic (interprétation). – Quand ils m'ont dit quoi ?

 11   M. Radovic (interprétation). – Qu'ils n'allaient plus

 12   entreprendre d'autre traitement médical.

 13   M. F. Ahmic (interprétation). – C'est lorsque je suis arrivé à

 14   l’hôpital de Zenica ; c’est le Dr Sabic qui me l’a dit.

 15   M. Radovic (interprétation). – Mais on vous a encore soigné

 16   pendant un certain temps ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, j’y suis resté longtemps ;

 18   on m’a soigné. Je ne sais pas combien. Je sais que j'ai été à Travnik, à

 19   Zenica, ensuite à l'infirmerie, ensuite à l'école de médecine. Mais

 20   combien de temps j’y suis resté ? Je ne sais pas.

 21   M. Radovic (interprétation). – Mais quand vous êtes sorti de la

 22   dernière infirmerie, ou du dernier dispensaire, en raison de cette

 23   blessure au bras, quand est-ce que c’était ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). – Je ne me souviens pas quand je

 25   suis sorti de l’école de médecine. J'y étais un certain temps, mais quand


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  1   je suis sorti je ne sais pas.

  2   M. Radovic (interprétation). - Quelle était la thérapie au sein

  3   de cette école ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). - J'allais pour qu'on m'enveloppe

  5   le bras. On me mettait de l'électricité.

  6   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez jamais été

  7   guéri, traité pour dépression ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Non jamais.

  9   M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit aujourd'hui que

 10   vous souffriez de dépression, vous n'avez jamais été soigné pour cela ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Non jamais. J'ai été touché par

 12   la guerre, et très longtemps j'ai souffert de peur, enfin de cette guerre.

 13   M. Radovic (interprétation). - Mais jamais vous n'avez recherché

 14   l'aide d'un psychiatre ou de quelqu'un comme ça ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Non cela n'était pas nécessaire.

 16   Je ne l'ai pas recherché.

 17   M. Radovic (interprétation). - Ce que je n'ai pas compris dans

 18   votre déclaration à l'enquêteur du bureau du Procureur, vous dites qu'à

 19   l'époque du conflit, vous étiez membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

 20   et on ne dit pas s'il s'agit du premier conflit, de la première attaque

 21   -20 octobre 1992- ou du 16 avril 1993. Depuis quand estimez-vous que vous

 22   étiez membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - Membre de l'armée de. Bosnie-

 24   Herzégovine, du mois d'avril 1992. C'est à ce moment-là que j'ai rejoint

 25   les rangs de cette armée et personnellement, en raison des attestations de


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  1   l'entreprise pour que je puisse justifier...

  2   M. Radovic (interprétation). - Oui nous avons entendu cela, pas

  3   la peine de répéter ce que vous avez dit aujourd'hui. Je ne vous pose pas

  4   de questions là-dessus. Vous ne devez pas le répéter car cela figure déjà

  5   au compte rendu. Donc, si j'ai bien compris, c'est à partir d'avril 1992

  6   que vous estimez que vous étiez membre de l'armée ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui membre de ce que nous

  8   appelions Défense territoriale. Nous appelions cela de cette manière.

  9   M. Radovic (interprétation). - Mais à partir de quand estimez-

 10   vous que vous étiez membre de l'armée ?

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est à ce moment-là que je suis

 12   devenu membre.

 13   M. Radovic (interprétation). - Donc vous, vous mettez un signe

 14   d'égalité entre Défense territoriale et armée si j'ai bien compris ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'était quelque chose comme

 16   ça. Défense territoriale, on l'appelait comme ça.

 17   M. Radovic (interprétation). - Bien, nous avons donc éclairci ce

 18   point maintenant. Vous avez dit par la suite, et vous avez parlé de

 19   "nous". "Nous avons érigé un barrage sur la route principale d'Ahmici". A

 20   la lecture d'un tel texte dans la déclaration, on pourrait en déduire que

 21   vous aussi avez participé à la mise en place du barrage.

 22   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, je n'y ai pas participé, je

 23   n'y étais pas, j'en ai entendu parler.

 24   M. Radovic (interprétation). - Mais alors, que faut-il entendre

 25   par ce "nous" ? Est-ce que vous vouliez parler des Bosniens sans votre


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  1   participation ? Ou est-ce que vous vouliez dire par-là que vous aussi avez

  2   participé à cette action ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). - Je sais que c'est l'armée de

  4   Bosnie-Herzégovine qui a érigé ce barrage.

  5   M. Radovic (interprétation). - Donc, vous vouliez parler de la

  6   partie, à laquelle vous apparteniez, qui a érigé ce barrage. Mais vous n'y

  7   étiez pas, si j'ai bien compris ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Radovic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser

 10   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges mais j'aimerais bien

 11   éclaircir ces points.

 12   Ensuite, vous avez dit que "nous devions empêcher le passage des

 13   soldats croates à travers Ahmici".

 14   Ici, une fois de plus – veuillez m'excuser si je me trompe - ici

 15   il s'agit une fois de plus des Bosniens, de la partie des Bosniens, qui

 16   devaient empêcher le passage des Croates à travers Ahmici. Mais vous

 17   personnellement, n'y avez pas participé ? C'est exact ?

 18   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est exact.

 19   M. Radovic (interprétation). - Ensuite, vous avez dit qu'on vous

 20   a demandé de vous adresser à Skoro Slavko ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - (Signe de la tête du témoin.)

 22   M. Radovic (interprétation). - Et vous ne l'avez pas contacté ?

 23   M. F. Ahmic (interprétation). - Non.

 24   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que par la suite, des

 25   conséquences néfastes ont suivi pour vous-même, parce que vous n'avez pas


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  1   contacté Skoro Slavko ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). - Non.

  3   M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit ensuite que vous

  4   avez vu Hakija Trako ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - Non. Trako Hakija non.

  6   M. Radovic (interprétation). - Non, je parle d'après.

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Jahija.

  8   M. Radovic (interprétation). - Bien, Jahija Trako. Veuillez

  9   m'excuser.

 10   M. F. Ahmic (interprétation). - Vous avez dit Hakija Trako.

 11   M. Radovic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,

 12   j'avais mal lu. Donc, vous avez vu cette personne et le commandant qui

 13   ramassaient des fusils et qui les rendaient, disons à la partie croate.

 14   Par la suite, vous avez dit que vous saviez que des personnes qui avaient

 15   rendu leurs armes ont été tuées au cours du deuxième conflit, c'est

 16   exact ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est exact. Ceux qui

 18   étaient vers le bas près de la route, en-dessous de la route.

 19   M. Radovic (interprétation). - Et Jahija Trako, était-il

 20   également en dessous de la route ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Non il était à Ahmici-le-Haut.

 22   Il est vivant.

 23   M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit par la suite, qu'à

 24   la veille du conflit, il s'agit donc du 15 avril, vous êtes allé voir

 25   votre commandant Bilic Hazrudin, qui était surnommé Hidzo ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Radovic (interprétation). - Vous lui avez dit ce que vous

  3   aviez vu et vous l'avez mis en garde vis-à-vis du danger ?

  4   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

  5   M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'il a pris cette mise en

  6   garde au sérieux ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, tout le monde ignorait

  8   cela, personne n'avait aucune idée.

  9   M. Radovic (interprétation). - Après, vous êtes allé à la

 10   mosquée et vous avez dit à tout le monde ce que vous aviez vu, c'est

 11   exact ?

 12   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

 13   M. Radovic (interprétation). - Vous êtes donc allé à

 14   deux endroits et vous avez mis en garde les gens à deux endroits ?

 15   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

 16   M. Radovic (interprétation). - Et comment ont réagi les

 17   personnes qui se trouvaient à la mosquée ?

 18   M. F. Ahmic (interprétation). - Personne ne savait rien. Ils

 19   m'ont interpellé, ils m'ont dit de ne pas créer une telle panique.

 20   M. Radovic (interprétation). - Qui se trouvait à la mosquée ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Il y avait la personne qui avait

 22   construit la mosquée, il y avait Pezer Kasim, Abdulah Ahmic.

 23   M. Radovic (interprétation). - Je ne vous demande pas d'énumérer

 24   tous les noms, je vous demande simplement de me dire s'il y avait des gens

 25   qui venaient de Krajina ?


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  1   M. F. Ahmic (interprétation). - Des étrangers non, il n'y en

  2   avait pas, je n'ai pu remarquer personne, pas un seul.

  3   M. Radovic (interprétation). - Et combien y avait-il de

  4   personnes environ autour de cette mosquée au moment où vous êtes arrivé ?

  5   M. F. Ahmic (interprétation). - C'étaient des personnes plus

  6   âgées, peut-être cinq, six personnes.

  7   M. Radovic (interprétation). - Au total ?

  8   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Radovic (interprétation). - Vous avez parlé d'uniformes de

 10   camouflage des Croates.

 11   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   M. Radovic (interprétation). - Mais quel était l'uniforme de

 13   l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 14   M. F. Ahmic (interprétation). - Si mes souvenirs sont bons,

 15   l'armée de Bosnie-Herzégovine n'avait absolument pas d'uniforme mais c'est

 16   ce qui avait été amené de Slimena, de ce qui était l'armée yougoslave. On

 17   apportait des choses et ensuite on faisait des uniformes à partir de ça

 18   mais il n'y avait pas d'uniforme.

 19   M. Radovic (interprétation). - Bien, donc ce qu'on a fait à

 20   partir de ce qui avait été amené de Slimena, de quoi s'agissait-il ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - De camouflage.

 22   M. Radovic (interprétation). - Donc, de par la couleur il n'y

 23   avait pas de différence ?

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui, donc c'était à partir de

 25   tentes qu'on a fait ces uniformes de camouflage.


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  1   M. Radovic (interprétation). - Je ne vais pas vous poser de

  2   question sur la mitrailleuse car vous l'avez très bien décrite.

  3   M. le Président (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,

  4   Maître Radovic, vous êtes le représentant de M. Zoran Kupreskic et nous

  5   voyons mal la pertinence de toutes les questions que vous posez. Si vous

  6   continuez à poser des questions pertinentes vis-à-vis des accusés

  7   mentionnés par le témoin. C'est une boîte de Pandore, comme je l'ai dit,

  8   nous n'allons jamais arriver au terme de ce procès. Est-ce que vous

  9   pourriez faire preuve de retenue, je vous prie, et poser des questions

 10   précises.

 11   Nous avons autorisé Maître Pavkovic à poser des questions même

 12   si son client, M. Santic, n'a pas été mentionné par le témoin mais, comme

 13   je l'ai dit, nous ne pouvons permettre à tous les conseils de poser un

 14   grand nombre de questions, à plus forte raison étant donné que des

 15   conseils ont déjà mis en cause la crédibilité du témoin, ont posé

 16   énormément de questions vis-à-vis de la déclaration écrite, et je me

 17   demande s'il est vraiment utile pour ce procès de revenir sans cesse sur

 18   un certain nombre de points même si vous ne répétez pas ce qui a été dit

 19   par vos collègues, mais vous insistez sans cesse sur les mêmes questions.

 20   J'aimerais maintenant vous proposer une pause déjeuner. Nous

 21   reprenons dans deux heures et si vous souhaitez poursuivre, vous pourrez

 22   poursuivre. Mais au cours du week-end, nous allons essayer de penser à des

 23   règles qui pourraient ne pas porter atteindre au droit de la défense de

 24   contre-interroger les témoins mais en même temps, arriver à une sorte

 25   d'équilibre et à une solution raisonnable pour éviter que le procès ne se


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  1   prolonge car cela pourrait s'avérer contre-productif.

  2   Je me demande si le Procureur a également des questions

  3   supplémentaires pour que nous puissions prévoir comment va se dérouler

  4   l'après-midi.

  5   Maître Moskowitz, avez-vous l'intention de poser des questions

  6   supplémentaires ? Bien sûr, maintenant, vous ne savez pas exactement si ce

  7   sera le cas.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - J'ai deux éclaircissements

  9   brefs à demander au témoin.

 10   M. le Président (interprétation). - Bien. Donc, vous aussi aurez

 11   un interrogatoire supplémentaire et il est donc préférable de faire une

 12   pause maintenant et nous reprenons à 14 heures 45, pour avoir une pause de

 13   deux heures complètes.

 14   M. Radovic (interprétation). - J'en ai terminé avec mes

 15   questions au témoin mais avant que le Procureur ne procède à

 16   l'interrogatoire supplémentaire, j'expliquerai pourquoi tous les conseils

 17   contre-interrogent le témoin.

 18   M. le Président (interprétation). - Bien, vous pourrez le faire

 19   cet après-midi.

 20   (L'audience suspendue à 12 heures 45 est reprise à

 21   14 heures 45.)

 22   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Avant de donner la

 23   parole à Me Radovic, j'aimerais lui dire que je lui dois des excuses. En

 24   effet, je me suis exprimé avec une certaine impatience avant la pause

 25   déjeuner au sujet de son contre-interrogatoire, mais je maintiens


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  1   toutefois la teneur de mes propos. Et je pense que nous pourrons procéder

  2   à un échange de vues ou à un débat sur ce point. Je me demande si

  3   Me Radovic souhaite traiter de ce point précis comme il l’a dit avant la

  4   suspension d'audience.

  5   M. Radovic (interprétation). – Il s'agit de deux points sur

  6   lesquels je voulais attirer votre attention. Tout d'abord, les défenseurs

  7   ont décidé qu'une attitude commune serait présentée par notre

  8   coordonnateur, Me Petar Pavkovic. C’est un point de vue.

  9   Il y a un autre problème. Le Procureur, en ce qui concerne le

 10   témoin précédent, n'a pas présenté la documentation médicale. Par

 11   conséquent, je vais demander au Président de bien vouloir demander au

 12   Procureur de bien vouloir nous remettre cette documentation. Ceci, pour

 13   une simple raison : le témoin avait prétendu que, vu les douleurs qu'il

 14   avait subies à cause de la blessure et, deux ans après, qu’il n’était pas

 15   en état de donner une déclaration exacte, pertinente au Procureur, étant

 16   donné que les deux années couvrent une période assez longue, nous

 17   souhaitons pouvoir disposer de ce dossier médical et ceci pour ne pas

 18   mettre en cause la crédibilité du témoin. C'est la raison pour laquelle

 19   nous avons besoin véritablement de ce dossier.

 20   En ce qui concerne l’autre question, c’est notre collègue

 21   Pavkovic qui va en parler.

 22   M. le Président (interprétation). - Merci.

 23   (Les Juges délibèrent sur le siège.)

 24   M. le Président (interprétation). - Sur ce point précis, la

 25   Chambre estime qu'il s'agit d'une question de détail, d'un point mineur


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  1   qui n'est pas lié à la question de la crédibilité du témoin. Donc nous

  2   n'avons même pas besoin de demander au Procureur de répondre. Nous passons

  3   à une autre question et je demanderais maintenant à Me Pavkovic de bien

  4   vouloir soulever le point d'ordre général lié au contre-interrogatoire.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, je vous

  6   remercie de bien vouloir nous offrir cette occasion pour attirer votre

  7   attention sur ces points. Si les conseils de la défense ont bien compris

  8   votre question sur la nécessité de restreindre le nombre de contre-

  9   interrogatoires et notamment sur les conseils dont le témoin avait parlé,

 10   surtout s'il a parlé de ces conseils-là et ceci pour être plus efficace et

 11   travailler de manière beaucoup plus rapide.

 12   Monsieur le Président, j'aimerais simplement très brièvement

 13   lier cette question avec la question dont vous avez parlée la semaine

 14   dernière et ceci parce que nous sommes d'avis que ceci est étroitement

 15   lié. Il s'agit également d'un besoin à ce que les conseils et l'acte

 16   d'accusation soient très précis. Si je vous ai bien compris la semaine

 17   dernière, vous avez demandé au bureau que ceci est également valable pour

 18   la défense et en parlant du cas Tadic, vous avez dit que l’acte

 19   d’accusation devrait être très précis notamment au sujet de la poursuite

 20   de l'incrimination. Vous avez dit, si je ne m'abuse, que quand il s'agit

 21   du meurtre comme d'un élément de la persécution, il faudrait également

 22   préciser dans l'acte d’accusation cet élément. Et en ce qui nous concerne,

 23   le conseil fait face à l'acte d'accusation qui n'est pas aussi précis vous

 24   l'avez remarqué Monsieur le Président si je ne m'abuse également, et tant

 25   que l'acte d'accusation est tel, les conseils de la défense, la défense,


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  1   et je me réfère au chef d'accusation numéro°1, on parle des accusés, on

  2   parle d'un nombre assez important de personnes, de soldats, etc., donc

  3   nous devons quand même apporter un certain nombre d'éléments pour y faire

  4   face et être très précis.

  5   Je pense que ceci est extrêmement important car une telle

  6   attitude s'appuie sur l'article 72 de la règle de procédure et le statut,

  7   je me réfère donc à l'article 82, jonction et disjonction d'instances, à

  8   savoir qu'en cas d'instances jointes, chaque accusé a les mêmes droits que

  9   s'il était jugé séparément. C'est la raison pour laquelle je vous demande

 10   Monsieur le Président de bien vouloir en tenir compte étant donné qu'il

 11   s'agit de chefs d'accusation qui sont très graves et les peines qui vont

 12   être prononcées également seront très graves. Nous savons tous qu'à partir

 13   du moment où des peines graves peuvent être envisagées, que toutes ces

 14   normes devraient être également interprétées de manière respective, et

 15   s'appliquer sur les faits, et être déterminées de manière très précise.

 16   D'autant plus que quand les actes d'accusation ne sont pas

 17   individualisés, à ce moment-là c'est un cas qui est différent. C'est la

 18   raison pour laquelle nous vous demandons de bien vouloir en tenir compte

 19   et nous donner ce droit d'exercer la défense telle que c'est conçu dans le

 20   règlement.

 21   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que

 22   l'accusation souhaite répondre à cela ?

 23   M. Terrier - Les représentants que nous sommes de l'accusation,

 24   ne partagent pas les sentiments qui viennent d'être exprimés par le

 25   représentant du collectif de défense. Est-ce que vous souhaitez


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  1   Monsieur le Président que nous nous exprimions cet après-midi même sur ces

  2   questions un peu générales, ou est-ce que vous préférez organiser une

  3   audience particulière pour cette question-là.

  4   Je souhaite simplement qu'il soit noté que nous ne partageons

  5   pas ces sentiments, que nous sommes à la disposition de votre Tribunal

  6   pour nous exprimer quand vous le souhaiterez et dans les formes que vous

  7   souhaiterez sur toutes ces questions. Si vous souhaitez que nous le

  8   fassions maintenant, nous le ferons bien entendu très volontiers, mais

  9   nous avons peut-être des témoins qui attendent. Je ne sais pas ce que vous

 10   souhaitez que nous fassions.

 11   M. le Président. - Nous considérons qu'il serait mieux de ne pas

 12   aborder ce problème cet après-midi parce qu'on a un témoin. Peut-être

 13   lundi ou mardi de la semaine prochaine avant de commencer avec un témoin.

 14   Donc je considère que c'est mieux de reporter le débat sur ce sujet et

 15   entre-temps peut-être, le Procureur pourrait mettre au point sa position

 16   sur ce problème.

 17   J'aimerais tout d'abord dire que je remercie Me Pavkovic pour

 18   ses commentaires et j'aimerais essayer, il s'agit uniquement d'une

 19   tentative car ce que je vais dire ne préjuge nullement de la position

 20   définitive de la Chambre après avoir entendue l'accusation et la défense.

 21   J'aimerais souligner deux éléments.

 22   Premièrement, en réalité lorsque j'ai demandé à l'accusation et

 23   à la défense d'essayer de déposer une requête supplémentaire, il s'agit

 24   bien sûr d'une requête supplémentaire pour l'accusation, sur cette idée de

 25   la persécution, je ne faisais qu'exprimer un doute mais je n'ai pas énoncé


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  1   notre position définitive sur cette question de la persécution. J'ai dit

  2   qu'il s'agissait d'une zone de difficulté où nous entrions sur un terrain

  3   inconnu, nouveau. Il était très important que nous soyons au courant du

  4   point de vue de l’accusation sur ce point de droit important. Nous serions

  5   heureux, bien entendu, si la défense pouvait également nous soumettre un

  6   mémoire là-dessus.

  7   Par ailleurs, je crois qu'il est, à ce stade, impossible ou très

  8   difficile de demander au Procureur de restructurer l’acte d’accusation

  9   comme vous l'avez suggéré. Peut-être que cela jetterait la lumière sur un

 10   certain nombre de points qui font l’objet d’un débat et peut-être que

 11   cela permettrait de mieux définir leur position vis-à-vis de la

 12   persécution, notamment. Je serais d’accord avec vous. Je n’ai pas l’acte

 13   d’accusation sous les yeux, mais je pense que le chef d'accusation

 14   numéro 1 porte sur tous les accusés. Comme vous l'avez dit, cela concerne

 15   tous les accusés et, à ce titre, vous avez raison de dire que vous avez le

 16   droit de contre interroger les témoins sur ce chef d'accusation précis.

 17   Mais, compte tenu de l'article 82-A, je ne sais pas s'il s'agit

 18   vraiment de la disposition pertinente. Mais j'aimerais résumer le débat en

 19   disant que nous sommes bien conscients du fait qu'il s'agit d'aboutir à un

 20   équilibre entre deux exigences : d'une part, équité, d'autre part, procès

 21   rapide.

 22   Par équité, il faut entendre que nous devons protéger, par tous

 23   les moyens, les droits des accusés compte tenu de l'article 82-A du

 24   Règlement, notamment. Mais, d'autre part, nous ne devons pas oublier

 25   l'autre exigence qui est celle d'un procès rapide. Nous souhaitons donc


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  1   éviter tout retard ; nous devrons éviter une procédure trop longue, car

  2   cela va à l'encontre des droits de l'accusé au sujet d'un procès rapide.

  3   Alors, je me demande si les conseils, lorsqu'ils posent des

  4   questions dans le cours des contre interrogatoires ne pourraient pas se

  5   borner à poser des questions pertinentes, des questions pertinentes et

  6   sans répétition.

  7   Pour l'instant, mon sentiment a été qu'à bien des reprises, les

  8   questions posées par les conseils, lorsqu'ils ont contre interrogé les

  9   témoins, les questions comportaient des redites, des répétitions ; il

 10   s'agissait de variations sur un même thème. Parfois, il s'agissait

 11   d’incohérences entre les déclarations écrites et les réponses faites au

 12   cours de la déposition du témoin ici. Nous n'avons pas besoin d'entendre

 13   parler de ce genre de question dix fois. Nous sommes des magistrats

 14   professionnels et nous comprenons bien où veulent en venir les conseils.

 15   Nous n'avons donc pas besoin d'entendre, enfin nous ne pouvons accepter

 16   qu'on répète sans cesse la même chose.

 17   Nous aimerions également vous demander la chose suivante : il

 18   s'agit là de questions d'ordre pratique. Maître Pavkovic, lorsque vous

 19   nous donnez la liste des conseils qui vont contre interroger les témoins,

 20   nous souhaiterions que cette liste soit une liste définitive. Bien sûr,

 21   peut-être qu'à la dernière minute, un conseil voudra poser une question.

 22   Mais, si possible, nous aimerions disposer d'une liste complète, sans

 23   adjonction de dernière minute.

 24   Je me demande si vous ne pourriez pas également respecter un

 25   principe que vous-même vous avez énoncé et proposé. ; je crois que c’est


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  1   un principe fort sensé. En d’autres termes, que le témoin devrait tout

  2   d’abord être contre interrogé par le conseil dont le client a été mis en

  3   cause par la déposition du témoin. Je crois que cela est un principe

  4   rationnel et logique. J'ai constaté que, parfois, vous n'avez pas respecté

  5   ce principe qui a été énoncé par vous-même, comme je l’ai dit.

  6   Cela étant dit, nous avons décidé au cours de la pause déjeuner,

  7   d'essayer à l'avenir d'être sensibles aux droits des accusés et d'être

  8   stricts dans le même temps ; et de pouvoir vous interrompre pour vous

  9   demander si la question est pertinente pour que vous puissiez nous

 10   l'expliquer.

 11   Voilà. Il s'agit d'une organisation d'ordre pratique et nous

 12   verrons comment nous pourrons mieux avancer à l'avenir. Nous estimons

 13   qu’en certaines occasions, les représentants de l'accusation pourraient

 14   abréger la déposition du témoin, dans certains cas. Il y a des raisons

 15   psychologiques qui poussent, bien sûr, les témoins à s'exprimer

 16   longuement ; nous comprenons tous les raisons qui expliquent cela. Et

 17   l'une des raisons d'être de notre Tribunal est également de permettre aux

 18   témoins de relater leur expérience tragique. Mais peut-être que les

 19   représentants de l’accusation pourront estimer judicieux de conduire le

 20   témoin dans sa déposition.

 21   Je vous propose de poursuivre à présent et j'espère que cet

 22   après-midi, nous pourrons passer à un autre témoin également. Y a-t-il des

 23   questions de la part des conseils de la défense ? Est-ce que Me Radovic

 24   était le dernier à s'exprimer ?

 25   M. Pavkovic (interprétation). – Nous n'avons pas d'autre


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  1   question. Nous allons-nous en tenir, Monsieur le Président, à vos

  2   suggestions et vos observations. Merci.

  3   M. le Président (interprétation). – Je vous remercie d'avoir

  4   fait preuve de compréhension et j'aimerais demander aux représentants de

  5   l'accusation s'ils ont des questions supplémentaires. Maître Moskowitz ?

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Nous avons quelques questions à

  7   poser brièvement.

  8   Monsieur Ahmic, un certain nombre de points que j'aimerais

  9   préciser avec vous. On vous a posé des questions sur la mitrailleuse

 10   devant la maison Papic, lorsque vous êtes rentré après l’incident de 1992.

 11   Et vous avez parlé d'une mitrailleuse qui aurait pu avoir une plate-forme.

 12   Il s'agirait d'une mitrailleuse antiaérienne où l’on pourrait l'utiliser

 13   sans plate-forme, auquel cas il ne s'agirait pas d'une arme antiaérienne.

 14   Est-ce que vous vous souvenez si la mitrailleuse que vous avez

 15   vue, ce jour-là, devant la maison Papic, avait une plate-forme ou non ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). – …

 17   (Interprète : Le témoin ne parle pas dans le micro.)

 18   M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, le

 19   Procureur pose des questions qui ne sont pas pertinentes concernant la

 20   description du fusil-mitrailleur. Au moment où le témoin avait parlé, il

 21   avait bien précisé que le fusil mitrailleur a une partie d'où l'on tire et

 22   l'autre qui est le bipied. Si c'est antiaérien, à ce moment-là, sur

 23   l'affût il faut rajouter un autre instrument.

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui.

 25   M. Radovic (interprétation). - Nous avons travaillé sur le même


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  1   fusil-mitrailleur, nous avons travaillé de la même manière par conséquent,

  2   ce que le Procureur lui pose comme question, ce n'est pas une question

  3   pertinente. Etant donné que le Procureur devrait poser la question en

  4   tenant compte de la description que le témoin avait précisé de manière

  5   très précise.

  6   M. Le Président (interprétation). - Je crois que la question

  7   était : "Est-ce que la mitrailleuse qu'il a vu ce jour-là avait un affût

  8   ou non". Je crois que c'est tout à fait pertinent. Ce jour-là. N'est-ce

  9   pas Maître Radovic ?

 10   M. Radovic (interprétation). - Le Procureur avait demandé les

 11   questions qui concernaient la mitrailleuse et pas le fusil-mitrailleur.

 12   S'il n'y a pas d'affût, c'est le fusil-mitrailleur, alors que s'il y a un

 13   affût c'est une mitrailleuse et il y a une différence entre les deux.

 14   M. Le Président (interprétation). - Bien, est-ce que vous pouvez

 15   reformuler votre question Maître Moskowitz ?

 16   M. May (interprétation). - Je suggère de demander au témoin de

 17   décrire l'arme.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, pouvez-vous

 19   décrire l'arme que vous avez vue ce jour-là ?

 20   M. F. Ahmic (interprétation). - Il s'agissait d'un fusil-

 21   mitrailleur. Il y a un seul tireur qui peut l'utiliser, en même temps

 22   viser-tirer, une seule personne peut également porter cette arme. Il n'y

 23   avait pas de bipied, pas d'affût, je ne l'ai pas vu. Voilà c'est ça le

 24   fusil-mitrailleur.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Vous dites qu'une personne peut


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  1   s'en servir. Est-ce qu'une personne peut transporter cette arme

  2   facilement ?

  3   M. F. Ahmic (interprétation). – Oui, il peut le porter tout seul

  4   et il peut tirer lui-même d'un fusil-mitrailleur. Personnellement, je

  5   portais le fusil-mitrailleur et j'étais le tireur au sein de la JNA à

  6   l'époque. Donc, je sais que bien évidemment il a besoin d'un chargeur pour

  7   voyeur et servant et d'un affût si c'est une mitrailleuse. Mais le fusil-

  8   mitrailleur a besoin tout simplement d'un servant mais s'il n'en a pas il

  9   peut être tout seul à tirer.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - On vous a également demandé si

 11   vous avez vu des tirs et des lueurs qui provenaient de la maison d'Ivo et

 12   Dragan Papic et j'aimerais préciser ce point : vous étiez en train de vous

 13   enfuir de votre maison et avant qu'on ne vous touche au coude et à la

 14   hanche, est-ce que vous avez vu des éclairs, des lueurs qui venaient de la

 15   maison de Dragan Papic ?

 16   M. F. Ahmic (interprétation). - Au moment où j'ai traversé la

 17   route, j'ai tourné un petit peu à gauche et à droite et quand j'ai regardé

 18   du côté droit, j'ai vu chez Dragan Papic les deux soldats qui étaient

 19   courbés et qui venaient de la forêt. C'est là où j'ai vu un éclair,

 20   l'éclair qui venait de la fenêtre de la maison de Papic, de la maison de

 21   Papic et ensuite j'ai continué ma course, j'ai couru.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que cet éclair semblait

 23   venir de l'intérieur de la maison à travers les fenêtres, ou de

 24   l'extérieur de la maison des soldats ?

 25   M. F. Ahmic (interprétation). - J'ai vu que c'était du côté de


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  1   la fenêtre et à partir de la fenêtre.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous étiez à

  3   l'intérieur de la maison de Hilmija, lorsque vous étiez blessé, est-ce que

  4   vous avez pu voir des éclairs ou des tirs en provenance de la maison des

  5   Papic ?

  6   M. F. Ahmic (interprétation). - Non, je n'ai pas vu, j'étais

  7   blessé et je n'ai pu voir quoi que ce soit. Je suis resté couché par terre

  8   et c'est la Forpronu, comme je l'ai dit, qui m'a pris sur le brancard et

  9   qui m'a sorti par la suite, qui m'avait transporté par la suite.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - J'en ai terminé avec mes

 11   questions supplémentaires, mais j'aimerais demander à la Chambre de bien

 12   vouloir entendre des questions sur un troisième point qui ne représente

 13   pas un interrogatoire supplémentaire, car au cours du contre-

 14   interrogatoire, on ne l'a pas abordé. Mais je pense que cela pourrait

 15   permettre d'éclaircir certains points.

 16   On a parlé d'une belle-soeur qui aurait vu une moto avec un

 17   drapeau Bosnie-Herzégovine qui passait par là, et je pense que cela a

 18   répondu à une question du type :"Avez-vous vu quoi que ce soit

 19   d'inhabituel le 15 qui a éveillé vos soupçons, quand au fait que quelque

 20   chose se préparait" ?

 21   Il en a parlé, je ne pense pas que cela occupe une place majeure

 22   dans les éléments de preuve, mais le témoin m'a dit que ce n'était pas là

 23   son intention, ce n'est pas ce qu'il avait l'intention de dire et je ne

 24   vais pas résumer à sa place ce qu'il veut dire, et je pense qu'il souhaite

 25   que le compte rendu soit bien précis sur ce qu'il voulait dire, étant


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  1   donné qu'il est venu de Bosnie.

  2   Donc, il ne s'agit pas à proprement parler d'interrogatoire

  3   supplémentaire mais j'aimerais demander à la Chambre ce qu'il faut faire.

  4   Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un point majeur et en tout état de cause,

  5   il souhaite pouvoir exprimer son point de vue là-dessus.

  6   M. Le Président (interprétation). - Maître Radovic avez-vous un

  7   commentaire là-dessus ?

  8   M. Radovic (interprétation). - J'ai compris que maintenant c'est

  9   un contre-interrogatoire, une duplique, et c'est la raison pour laquelle

 10   je me pose la question d'où ça vient. Si le Procureur a l'intention de

 11   poursuivre un interrogatoire supplémentaire à ce moment-là, il faut qu'il

 12   continue au lieu de lui dire de quoi on va parler lors de cet

 13   interrogatoire supplémentaire.

 14   M. Le Président (interprétation). - Nous avons décidé

 15   d'autoriser Maître Moskowitz à poser sa question au témoin au cours de

 16   l'interrogatoire supplémentaire, mais je pense que si la défense estime

 17   qu'elle doit poser une autre question sur ce point, je pense que la

 18   défense pourra poser une question et contre interroger le témoin là-

 19   dessus. Allez-y.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pourriez nous

 21   préciser s'il vous plaît un élément : que vous a dit votre belle-soeur ?

 22   Et je parle là, de cette moto avec le drapeau de Bosnie-Herzégovine le

 23   15 avril.

 24   M. F. Ahmic (interprétation). - Et bien oui. Au moment où elle

 25   est arrivée chez moi à la maison, elle m'a bien précisé qu'elle avait vu


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  1   les deux soldats du HVO qui étaient sur les motos et ils portaient le

  2   drapeau de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et il y avait les deux soldats

  3   de l'armée croate. Du HV pas du HVO (correction de l'interprète.)

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que ce drapeau était sur

  5   la moto ? Est-ce qu'on le traînait derrière la moto ou était-il fixé d'une

  6   autre manière ?

  7   M. F. Ahmic (interprétation). - Ils l'ont traîné derrière la

  8   moto par la route.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions.

 10   M. Le Président (interprétation). - Maître Pavkovic, est-ce

 11   qu'un conseil de la défense souhaite contre interroger le témoin sur ce

 12   point précis ?

 13   M. Pavkovic (interprétation). - C'est Maître Radovic qui a des

 14   questions à poser.

 15   M. Le Président (interprétation). - Maître Radovic ?

 16   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Témoin, encore une

 17   fois, nous allons discuter tous les deux.

 18   Les deux personnes qui traînaient le drapeau bosniaque ont-elles

 19   quelque chose à voir avec les accusés présents ici ? Est-ce que vous avez

 20   vu un des accusés faire ça ?

 21   M. F. Ahmic (interprétation). - Non.

 22   M. Le Président (interprétation). - Je vous remercie. Merci

 23   Maître Radovic. J'ai une question encore.

 24   Ce matin Monsieur Ahmic, et j'ai le transcript sous les yeux,

 25   vous avez dit que lorsque vous avez été blessé et ensuite soigné par les


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  1   soldats de la Forpronu qui sont venus vous voir et qui ont pansé vos

  2   plaies, qui vous ont donné une intraveineuse, vous leur avez demandé à

  3   être transféré vers l'hôpital. Et vous dites qu'un interprète était avec

  4   eux. Cet interprète a dit qu'il n'avait pas le droit d'aider quiconque car

  5   c'était là les ordres qu'il avait reçus de l'armée croate. Et après ils

  6   sont partis.

  7   Ma question est la suivante : qui vous a dit que l'armée croate

  8   avait donné des ordres pour que personne ne puisse être soigné au sein de

  9   cet hôpital ? Si c'est bien là ce que vous vouliez dire. Vous avez

 10   dit "venir en aide". Qui vous l'a dit ? Est-ce que c'est l'interprète qui

 11   vous l'a dit ? Est-ce qu'il vous a dit que les ordres de l'armée croate

 12   étaient qu'il ne fallait aider personne à l'hôpital ?

 13   M. F. Ahmic (interprétation). - Oui c'est exact. C'est

 14   l'interprète qui m'avait dit qu'il n'avait pas le droit d'aider nos gens,

 15   les blessés, et qu'il n'avait pas donc le droit de le faire. C'est

 16   l'interprète qui me l'a dit.

 17   M. Le Président (interprétation). - Il s'agit de l'hôpital ?

 18   M. F. Ahmic (interprétation). - Non c'est au moment où il

 19   m'avait fait le premier pansement. C'étaient les premiers secours et

 20   c'était dans le blindé, le transporteur, et ensuite à la maison quand on

 21   m'avait secouru pour la première fois. C'est cet interprète qui me l'avait

 22   dit.

 23   M. Le Président (interprétation). - Oui, mais à quel hôpital

 24   précisément faisait-il référence ? Vous avez parlé d'être emmené à

 25   l'hôpital et ils ont dit non, parce qu'il y a des ordres émanant de


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  1   l'armée croate etc. Est-ce que vous pensiez à un hôpital précis ?

  2   M. F. Ahmic (interprétation). - Non mais bien évidemment je ne

  3   suis pas au courant, tout ce que je voulais c'est qu'on me tire de cette

  4   situation fort délicate. J'ai demandé tout simplement qu'on me transporte

  5   parce que personne ne nous aidait et personne ne voulait nous aider, ce

  6   n'est que la Forpronu qui nous a aidés, ils ont arrêté les coups de tirs,

  7   ils ont pris la femme les enfants, les ont dirigés vers le village, sinon

  8   on n'avait absolument bénéficié d'aucune autre aide.

  9   M. le Président (interprétation). - Est-ce que le Greffe ou

 10   l'huissier pourrait remettre au témoin la pièce P 80. Il s'agit d'une

 11   photographie où on vous voit à la maison de M. Hilmija Ahmic. Est-ce qu'on

 12   pourrait placer cette photographie sur le rétroprojecteur ?

 13   Est-ce que vous pourriez nous dire lequel de ces deux soldats de

 14   la Forpronu, enfin il y a peut-être un interprète, un soldat, qui vous a

 15   dit qu'on ne pouvait vous emmener à l'hôpital en raison des ordres reçus

 16   de l'armée croate ?

 17   M. F. Ahmic (interprétation). - C'est l'interprète qui me

 18   l'avait dit, je le sais très bien, alors je vais placer le pointeur :

 19   c'est ça l'interprète.

 20   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que

 21   les représentants de l'accusation ont une question supplémentaire ?

 22   M. Moskovitz (interprétation). - Nous avons encore une

 23   photographie que nous n'avons pas demandée à verser au dossier parce que

 24   nous pensions qu'elle ferait double emploi et peut-être que cela pourrait

 25   aider la Chambre ?


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  1   M. le Président (interprétation). - Non je pense que cela

  2   suffit. Leur uniforme diffère légèrement. Ce jeune homme que vous appelez

  3   "interprète" vous a donc parlé de ces ordres, je vous remercie.

  4   Merci Monsieur Ahmic.

  5   J'imagine qu'il n'y a pas d'objection à ce que ce témoin soit

  6   libéré.

  7   Monsieur Ahmic, je vous remercie d'être venu déposer ici, vous

  8   pouvez vous retirer.

  9   M. F. Ahmic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

 10   merci MM les Juges.

 11   M. le Président (interprétation). - J'aimerais soulever

 12   maintenant, avant que nous n'ayons le témoin suivant, une question sur

 13   laquelle j'aimerais attirer l'attention des deux parties.

 14   Hier, le Juge May vous a demandé d'être bien conscients des

 15   distances entre les différents édifices, les différents endroits, mosquée,

 16   cimetière, etc. et cela nous a amenés à une question plus générale ; est-

 17   ce que la Chambre devrait aller visiter l'endroit des crimes présumés, ce

 18   qui existe, y compris la Cour Internationale de justice ? et nous avons

 19   pensé que cela pourrait être très utile pour la Chambre de se faire une

 20   idée plus précise du village, c'est un petit village.

 21   Dans le règlement de procédure et de preuve, on en parle, il

 22   s'agit de l'article quatre qui dit : "la Chambre peut avec l'autorisation

 23   du Président, exercer ses fonctions hors le siège du Tribunal, si

 24   l'intérêt de la justice le commande".

 25   J'ai également examiné les articles pertinents du statut et de


Page 1172

  1   la Cour internationale de justice, la même possibilité y est évoquée et

  2   nous estimons qu'il serait important que la Chambre puisse se rendre sur

  3   place.

  4   Toutefois nous estimons qu'il serait bon de nous y rendre avec

  5   les conseils de défense, avec les représentants de l'accusation, mais sans

  6   les accusés, car cela pourrait représenter un certain nombre de problèmes

  7   pour les accusés. Mais la présence de tous les conseils de la défense

  8   serait utile. Je pense que nous pourrions envisager d'y passer une journée

  9   complète pour vérifier où se trouvent les différents bâtiments etc. Mais

 10   nous savons qu'il y a plusieurs problèmes qui se posent ; un problème est

 11   le problème de la sécurité pour les représentants de l'accusation, de la

 12   défense, les Juges et le Greffe, ainsi que les répercussions financières,

 13   ce qui est un problème majeur comme toujours.

 14   Avant de déposer une requête officielle auprès du Président et

 15   du Greffe, nous aimerions avoir votre point de vue et savoir si sur le

 16   principe, vous seriez pour. Si tel est le cas nous pourrions, comme je

 17   l'ai dit, envoyer une requête à cette fin au Président et au Greffe. Par

 18   ailleurs, la zone est sous contrôle des forces néerlandaises et

 19   américaines de la Forpronu, et probablement les forces néerlandaises

 20   pourraient s'occuper du transport à partir d'ici en avion militaire et

 21   peut-être qu'une journée complète serait suffisante, ce qui réduirait les

 22   répercussions financières. Eux-mêmes ou les autres forces de la Forpronu

 23   pourraient aider à garantir notre sécurité.

 24   Alors quelle est d'abord la position des représentants de

 25   l'accusation ?


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  1   M. Terrier - Monsieur le Président, nous ne pouvons que nous

  2   réjouir très sincèrement de l'idée que vous proposez aujourd'hui, nous

  3   pensons effectivement qu'il est très important pour cette affaire en

  4   particulier de connaître très précisément l'état des lieux. C'est du moins

  5   l'expérience que j'ai pour ma part, après m'être rendu là-bas à plusieurs

  6   reprises, après avoir pris connaissance des documents qui n'étaient pas

  7   suffisamment clairs ou illustratifs des faits, donc je pense que c'est

  8   très important et que c'est une excellente idée sur le principe.

  9   Pour ce qui concerne le côté pratique que vous avez évoqué, je

 10   pense qu'il n'y a aucun doute que votre Tribunal obtiendra la pleine et

 11   entière coopération et soutien du bataillon néerlandais de la SFOR qui est

 12   effectivement compétent sur la région de Vitez.

 13   Il y aura évidemment un certain nombre de questions pratiques à

 14   résoudre, des questions de sécurité. Par exemple, de s'assurer que les

 15   sentiers que voudront suivre les membres de votre Tribunal seront bien

 16   déminés et que leur sécurité sera assurée. Mais je pense qu'aucun de ces

 17   problèmes pratiques n'est insoluble. Je crois que tous pourront être

 18   surmontés.

 19   Je pense que, pour ce qui concerne les formalités juridiques, le

 20   cadre juridique de ce déplacement, pour ce qui me concerne, compte tenu de

 21   mon expérience, il est tout à fait familier : c'est un déplacement sur les

 22   lieux d’une juridiction ; c’est une chose qui, selon mon expérience, se

 23   fait fréquemment et ne pose pas de problème. En général, effectivement, il

 24   suffit d'assurer le caractère contradictoire de ce déplacement, c’est-à-

 25   dire que l’accusation et les représentants de la défense soient présents.


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  1   Sur le plan juridique, je ne vois donc pas d’obstacles majeurs. L’avis de

  2   l’accusation est évidemment très favorable à votre proposition.

  3   M. le Président. - Malgré l'absence des accusés ?

  4   M. Terrier. – A ma connaissance, je pense que nous n’avons rien

  5   dans le règlement sur cette question-là. Il me semble que le caractère

  6   contradictoire de ce déplacement sur les lieux me paraît tout à fait

  7   garanti par la présence des conseils de chacun des accusés.

  8   M. le Président (interprétation). – Maître Radovic ?

  9   M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, en ce qui

 10   nous concerne, au niveau des conseils de la défense, nous l'acceptons et

 11   nous pensons que ce serait très utile. Pour ce qui nous concerne du côté

 12   croate, il n'y a aucun danger ; tout au moins, en ce qui nous concerne. A

 13   notre connaissance, selon la mentalité des gens qui habitent Vitez et qui

 14   habitent dans les villages avoisinants, ils n’auront certainement rien

 15   contre cela. Par conséquent, nous abondons parfaitement dans votre sens,

 16   Monsieur le Président. Nous sommes sûrs également que ceci ne pourrait

 17   qu'améliorer la prise de position équitable et juste.

 18   Qu'est-ce que qui se passe au niveau de ce procès ? Nous sommes

 19   pratiquement déjà au niveau du stade de l'enquête ; nous avons demandé à

 20   l’accusation de se rendre à Vitez et surtout de ne pas nous accuser

 21   uniquement en écoutant une seule partie, donc un seul côté, mais également

 22   d’écouter les autres. Vous avez bien évidemment un certain nombre de

 23   documents qu’ils ont possédés. Mais ils n'ont pas enquêté sur les

 24   personnes croates. Par conséquent, il y a un équilibre auquel nous allons

 25   parvenir à partir du moment où vous allez voir sur place. Par la suite,


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  1   vous allez également entendre les témoins de la défense. Comme cela, on va

  2   aboutir à un équilibre. C’est une première chose.

  3   Malheureusement, c'est bien la première fois dans ma carrière

  4   d'avocat -j'ai été magistrat- que je rencontre cette distinction entre

  5   "mes" témoins et "ses" témoins ou les "nôtres" et les "vôtres". Parce que,

  6   chaque fois, quand on a eu un procès, on avait les témoins du Tribunal.

  7   Par conséquent, la personne se devait de dire la vérité, indépendamment du

  8   fait qu’elle parlait au profit de la défense ou au profit de l’accusation.

  9   Par conséquent, le témoin doit parler de ce qu’il a vu ou entendu.

 10   Par conséquent, nous acceptons que c'est un système qui a été

 11   mis en place à partir du moment où le Tribunal international a été créé.

 12   Donc ce n'est pas le Tribunal, ce n’est pas la Cour de justice -c'est le

 13   terme qui a été utilisé par Me Radovic-, mais c’est le Tribunal.

 14   Nous pensons par conséquent que ceci est extrêmement important.

 15   Et je vous remercie, Monsieur le Président, je vous remercie de cette idée

 16   et de cette position.

 17   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie pour ce qui

 18   est de cette question de nos témoins et de vos témoins. Il s'agit de la

 19   nature de la procédure ; il s'agit du système contradictoire qui est

 20   entièrement différent du système que vous connaissez dans votre pays,

 21   ainsi que dans d’autres ; qui prévaut également dans d'autres pays où

 22   l'approche est entièrement différente.

 23   Mais nous devons nous en tenir à notre règlement : nous avons

 24   des témoins de l'accusation et, d'ici à quelques semaines, nous entendrons

 25   les témoins de la défense. Maître Pavkovic ?


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  1   M. Pavkovic (interprétation). – Monsieur le Président, c'est à

  2   vous bien évidemment de prendre la décision de voir à quel moment nous

  3   allons nous rendre dans les lieux où ces événements se sont produits. Mais

  4   il me semble que je partage le point de vue avec mes confrères de la

  5   défense qu'une fois que les moyens de preuve du Procureur auront été

  6   présentés, on pourrait visiter les lieux avant les témoins que nous allons

  7   écouter, qui sont les témoins de la défense. Si vous êtes bien d'accord ?

  8   M. le Président (interprétation). - D'accord.

  9   M. Pavkovic (interprétation). – Merci. Ce serait ma proposition.

 10   M. le Président (interprétation). – Maître Radovic ?

 11   M. Radovic (interprétation). – Je m’excuse une fois de plus ;

 12   c'est à moi encore une fois la parole, mais ce que je vous demanderai,

 13   c'est de bien vouloir tenir compte de la date quand vous allez vous y

 14   rendre et surtout qu'il s'agit de la Bosnie centrale. Que, par conséquent,

 15   en décembre, vous pouvez également avoir la neige : c'est très haut. Du

 16   point de vue météorologique également, il est important de tenir compte du

 17   temps. C'est évidemment un aspect technique de tenir compte de ne pas vous

 18   y trouver au moment où il y a l'hiver et la neige.

 19   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, mais je

 20   pense que ce qu'a dit Me Pavkovic était très judicieux : la période la

 21   plus appropriée serait après l’exposé des moyens de preuve de l’accusation

 22   et avant l’exposé des moyens de preuve de la défense. Donc, au mois

 23   d'octobre. Le mois d'octobre correspond aux premiers événements, à la

 24   première attaque et ce serait donc tout à fait adapté. Nous pourrions donc

 25   nous rendre compte du temps qu'il fait au mois d'octobre. Je vous remercie


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  1   de toutes vos remarques.

  2  

  3   Compte tenu de votre position qui va dans le sens de notre

  4   suggestion, nous allons envoyer une requête officielle au Président et au

  5   Greffe. Maintenant, nous passons au témoin suivant de l'accusation.

  6   Bonjour, Monsieur Akhavan, est-ce que vous pouvez prononcer la

  7   déclaration solennelle ?

  8   M. Akhavan (interprétation). - Je déclare solennellement que je

  9   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   M. Le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous

 11   pouvez vous asseoir. Il s'agit d'un exemple où les représentants de

 12   l'accusation peuvent se concentrer sur certains points précis. D'autant

 13   plus, que nous avons la déclaration.

 14   Maître Terrier; est-ce que vous citez M. Akhavan comme témoin

 15   expert ou comme témoin de fait ?

 16   M. Terrier. - Monsieur le Président, M. Akhavan est cité par

 17   l'accusation comme témoin de fait, c'est-à-dire qu'il sera bien entendu

 18   soumis au contre interrogatoire des représentants de la défense.

 19   Monsieur Akhavan pouvez-vous indiquer au Tribunal vos noms,

 20   prénoms et votre date de naissance ?

 21   M. Akhavan (interprétation). - Mon nom est Payam Akhavan. Je

 22   suis né le 11 avril 1966.

 23   M. Terrier. - Monsieur Akhavan, aujourd'hui vous travaillez pour

 24   le bureau du Procureur du Tribunal international ?

 25   M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.


Page 1178

  1   M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez faire part au Tribunal de

  2   votre formation et de votre expérience en matière de droit humanitaire

  3   international ?

  4   M. Akhavan (interprétation). - J'ai un diplôme de droit dans le

  5   domaine du droit des Droits de l'Homme, droit international humanitaire.

  6   J'ai travaillé auparavant auprès des instituts des Droits de l'Homme du

  7   Danemark et de la Norvège ensuite, j'ai travaillé au centre des

  8   Nations Unies des Droits de l'Homme. J'ai travaillé avec

  9   Tadeus Mazowieski. Par la suite j'ai travaillé sur les violations des

 10   Droits de l'Homme en ex-Yougoslavie au sein de l'OSCE.

 11   M. Terrier. - Vous avez participé à la préparation et à la

 12   rédaction d'un rapport de la commission des Droits de l'Homme des

 13   Nations Unies qui est daté du 19 mai 1993, et dont le titre est :

 14   "Situation des Droits de l'Homme sur le territoire de l'ancienne

 15   Yougoslavie". Est-ce exact ?

 16   M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.

 17   M. Terrier. - Je souhaite déposer au dossier de votre Tribunal

 18   un exemplaire de ce rapport. J'indique, Monsieur le Président, que ce

 19   rapport de la commission des Droits de l'Homme est bien entendu un

 20   document public, que le témoin n'en est pas bien entendu le signataire.

 21   C'est un rapport de la commission des Droits de l'Homme dont la

 22   responsabilité avait été confiée à M. Mazowieski qui est ancien premier

 23   ministre de Pologne.

 24   Au titre de l'article 66 du règlement, nous avons communiqué aux

 25   représentants de la défense un exemplaire de ce rapport, bien qu'il ne


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  1   s'agisse pas à proprement parler d'une déclaration du témoin mais

  2   néanmoins, nous avons souhaité communiquer un exemplaire de ce rapport à

  3   chacun des avocats des accusés.

  4   S'ils le souhaitent, j'ai des exemplaires supplémentaires de ce

  5   rapport, et je peux en fournir de supplémentaires. En tout cas ils sont à

  6   la disposition des avocats.

  7   Mme Le Greffier. - La pièce de l'accusation 82.

  8   M. Terrier. - Monsieur Akhavan, pouvez-vous expliquer dans

  9   quelles circonstances vous avez été amené à prendre part à la rédaction de

 10   ce rapport ?

 11   M. Akhavan (interprétation). - J'étais membre du personnel qui

 12   travaillait avec le rapporteur spécial pour l'ex-Yougoslavie-

 13   M. Tadeus Mazewioski -. J'ai été posté à Zagreb avec un collègue

 14   (expurgé). Vers la moitié du mois d'avril, les membres de la

 15   mission de surveillance nous ont contactés au sujet d'allégations de

 16   violations des Droits de l'Homme dans la vallée de la Lasva en Bosnie

 17   centrale et plus particulièrement au village d'Ahmici.

 18   Tous deux, nous avions déjà vu la couverture médiatique des

 19   atrocités commises dans ces villages. A ce moment-là, nous avons décidé

 20   d'obtenir une autorisation du centre des Droits de l'Homme des

 21   Nations Unies à Genève pour effectuer une enquête sur place. Après quoi

 22   nous avons organisé avec la Forpronu une visite dans la région de la

 23   vallée de la Lasva.

 24   Au cours de cette visite, nous avons interrogé les membres du

 25   bataillon britannique, les membres d'autres institutions comme le HCR, le


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  1   CMM ainsi que d'autres qui avaient survécu aux événements d'Ahmici.

  2   Ce rapport reflète les constatations de cette mission. Il

  3   contient également des informations, de sources différentes, sur la ville

  4   de Mostar, et autres événements sur lesquels nous n'avons pas enquêté

  5   directement.

  6   M. Terrier. – Pour ce qui concerne les faits commis à Ahmici sur

  7   lesquels vous avez enquêté, pouvez-vous nous dire à quelle date

  8   approximativement si vous en avez le souvenir, et à combien de reprises

  9   vous vous êtes rendu àAhmici ?

 10   M. Akhavan  (interprétation). - Nous sommes arrivés à Vitez, le

 11   30 avril et nous sommes repartis le 7 mai, donc nous y avons passé environ

 12   une semaine. Au cours de cette période, nous nous sommes rendus à Ahmici à

 13   trois reprises le premier, deux et six mai si je ne m'abuse. En cours de

 14   cette période, nous avons également une fois rendu visite aux survivants

 15   de l'attaque contre Ahmici dans la ville voisine de Zenica. En plus

 16   d'entretien avec certains des commandements qui auraient pu participer à

 17   cette attaque.

 18   M. Terrier. - Parlons si vous le voulez bien de vos visites à

 19   Ahmici, est-ce que vous pouvez dire ce qui vous a plus particulièrement

 20   frappé dans ce village d'Ahmici ?

 21   M. Akhavan  (interprétation). - L'étendue des dégâts était

 22   considérable. Je dirais que sur 150 à 200 maisons dans le village, il en

 23   restait moins de 20 qui n'avaient pas été détruites. La destruction avait

 24   été conduite à une grande échelle, des maisons, deux semaines après

 25   l'attaque, fumaient encore et on pouvait sentir la mort dans le village.


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  1   Je m'exprimerais ainsi. On voyait qu'il y avait encore des cadavres qui

  2   n'avaient pas été évacués des décombres. Il n'y avait plus âmes qui vivent

  3   dans le village, les chiens, les chats, le bétail avaient été tués et il

  4   était partout mort. Donc ce qui m'a frappé, c'est la nature englobante de

  5   la destruction de ce village.

  6   M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez, avec la permission de

  7   M. le Président, vous rapprochez de cette photographie aérienne qui

  8   représente le village d'Ahmici et avec le pointeur qui est à votre gauche

  9   nous indiquer les quartiers de ce village que vous avez plus

 10   particulièrement visité au cours de ces différentes visites que vous avez

 11   faites à Ahmici ?

 12   M. Akhavan  (interprétation). - Je vais décrire les différents

 13   endroits où nous nous sommes rendus lors de ces trois visites sans donner

 14   forcément l'ordre où nous les avons vus.

 15   Ici il s'agit je crois de la route que nous avons empruntée pour

 16   arriver. Nous avons visité la zone qui se trouve immédiatement à côté du

 17   cimetière catholique car, selon certain des membres du bataillon

 18   britannique qui nous ont escorté ce champ juste ici est une zone où

 19   plusieurs cadavres, peut-être 20 cadavres ont été retrouvés. Leur

 20   impression était que "ce champ de la mort" comme ils l'ont appelé, était

 21   l'endroit où les personnes qui venaient d'autres parties du village ont

 22   été pris en embuscade. Nous avons inspecté ce creux à côté du champ et

 23   nous avons retrouvé des douilles vides qui montrent peut-être qu'il

 24   s'agissait d'un point de départ, d'un point d'où les tireurs isolés ont

 25   tiré. Nous avons emprunté cette route et nous nous sommes rendus vers la


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  1   région où la mosquée a été détruite, c'est la mosquée avec un minaret car

  2   il y en avait deux, une autre se trouvait un peu plus loin le long de

  3   cette route. Là nous avons pu constater les dégâts de la mosquée et le

  4   minaret détruit. Nous avons examiné brièvement les maisons avoisinantes

  5   pour voir quel était l'étendue des dégâts. Nous nous sommes également

  6   rendus plus loin en suivant cette route, comme je vous l'ai dit vers la

  7   mosquée de la partie supérieure qui avait brûlé. Nous avons également

  8   inspecté certaines des maisons de cette région-là et un peu plus loin le

  9   long de cette route. Voilà, je crois plus ou moins les parties du village

 10   que nous avons visitées.

 11   M. Terrier. - En ce qui concerne ce que vous avez appelé ou ce

 12   que les membres du bataillon britannique le "champ de la mort", est-ce que

 13   vous avez le souvenir, il s'agit donc du champ que vous avez indiqué qui

 14   se trouve en face du cimetière catholique.

 15   M. Akhavan  (interprétation). - Oui c'est exact à côté du

 16   cimetière catholique.

 17   M. Terrier. - Est-ce que vous avez le souvenir de ce que vous

 18   ont dit les membres du bataillon britannique, s'agissant des corps dont

 19   ils avaient constatés la présence dans ce champ ? S'agissait-il de

 20   combattants, de civils, d'hommes, de femmes ou d'enfants ?

 21   M. Akhavan  (interprétation). - Selon les membres du bataillon

 22   britannique, les 20 personnes qui ont été retrouvées dans ce qu'ils ont

 23   appelé "champ de la mort" étaient pratiquement uniquement des femmes et

 24   des enfants et peut-être également quelque personnes âgées.

 25   M. Terrier. – A proximité de ce "champ de la mort " " pour


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  1   reprendre cette expression, vous avez découvert des traces de munitions,

  2   des douilles de munitions. Est-ce que vous pouvez préciser de quel genre

  3   d'armes il s'agissait ?

  4   M. Akhavan  (interprétation). - Lorsque nous avons inspecté les

  5   différentes maisons nous avons vu 30 à 50 douilles vides autour des

  6   maisons, ce qui montrait qu'une quantité considérable de munitions avait

  7   été utilisée au cours de l'attaque. Par ailleurs, cela montrait que les

  8   munitions avaient été utilisées à proximité des maisons plutôt

  9   qu'ailleurs. Il s'agissait de douilles de munitions que l'on utiliserait

 10   dans des mitrailleuses mais nous avons également trouvé des douilles qui,

 11   selon les membres du bataillon britannique, étaient des douilles d'armes

 12   antiaériennes, ce qui était utilisé dans des attaques antipersonnelles

 13   même si cela n'était pas leurs utilisations prévues. Nous avons également

 14   trouvé d'autres munitions. Il s'agit de lance-grenades qui ont des

 15   douilles de taille relativement importante. Nous en avons retrouvées

 16   également certaines.

 17   Dans certains cas, je crois que nous avons également retrouvé

 18   des bouteilles vides ou cassées qui apparemment étaient utilisées pour

 19   transporter de l'essence, du pétrole ou un autre liquide inflammable.

 20   M. Terrier. - Est-ce que vous avez examiné l'intérieur des

 21   maisons ou de certaines maisons pour avoir une idée aussi précise que

 22   possible sur la manière dont ces maisons avaient été mises à feu ?

 23   M. Akhavan  (interprétation). - Nous avons inspecté un certain

 24   nombre de maisons et l'impression que nous en avons retirée était qu'on

 25   avait mis le feu à ces maisons, c'était clair, et plusieurs raisons nous


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  1   ont amené à cette conclusion. D'une part la nature des combats n'a pas

  2   fait que les maisons auraient pris feu en raison de tirs croisés ou en

  3   raison de l'utilisation d'armes lourdes. L'attaque s'est effectuée

  4   essentiellement au moyen de fusils, ce qui généralement n'entraînerait pas

  5   l'incendie des maisons.

  6   Mais ce qui nous a le plus impressionné, c'est l'intensité de

  7   certains des incendies et la façon dont certaines parties des maisons

  8   étaient brûlées ; à tel point qu'il y a qu'elles étaient recouvertes de

  9   noir, ce qui semblait indiquer que l'incendie avait été déclenché suite à

 10   l'utilisation d'essence ou d'un autre liquide inflammable.

 11   Et comme je vous l'ai dit, pratiquement toutes les maisons -à

 12   l'exception peut-être de quinze ou vingt maisons- avaient été détruites

 13   dans de tels incendies.

 14   M. Terrier. - Au cours de vos différentes visites à Ahmici, vous

 15   étiez donc accompagné des représentants du bataillon britannique de

 16   l'UN Profor. Est-ce que vous avez rencontré des habitants d'Ahmici, dans

 17   Ahmici, au cours de ces visites à Ahmici ?

 18   M. Akhavan (interprétation). – Oui, nous avons trouvé une femme

 19   âgée avec deux jeunes enfants qui auraient pu être ses petits-enfants.

 20   Elle se promenait dans le village. Nous nous sommes approchés d'elle pour

 21   voir si elle voudrait bien nous parler des événements qui s'étaient

 22   déroulés le 16 avril à Ahmici. Nous lui avons demandé d'essayer de nous

 23   identifier certains des auteurs. A ce moment-là, nous avons remarqué que

 24   des tireurs isolés tiraient vers nous, ce qui nous a montré que le fait

 25   que nous parlions à cette dame ne plaisait pas à quelqu'un. Nous avons


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  1   donc dû quitter cette partie-là et revenir immédiatement au blindé.

  2   M. Terrier. - Je souhaite que nous parlions maintenant de votre

  3   rencontre avec certains des survivants chassés d’Ahmici, rencontre qui a

  4   eu lieu à Zenica. Est-ce que vous pouvez dire au Tribunal où se trouvaient

  5   ces survivants d'Ahmici ?

  6   M. Akhavan (interprétation). – Les survivants ont été placés à

  7   Zenica avec l'aide d'une institution. Je crois qu'il s'agissait d'un

  8   centre de rassemblement de preuves sur le génocide et les crimes de

  9   guerre. Je crois qu'il s'agissait... Enfin, ils ont identifié l'endroit où

 10   150 survivants d'Ahmici se trouvaient ; ils avaient été détenus, je crois,

 11   dans une école à Dubravica par le HVO.

 12   Je crois que l'endroit était peut-être un cinéma ou un autre

 13   centre communautaire qui était utilisé, de manière temporaire, comme

 14   centre de réfugiés. Nous avons rencontré environ 50 ou 60 des survivants

 15   de l'attaque contre Ahmici. Pratiquement tous étaient des femmes ou de

 16   jeunes enfants avec quelques personnes âgées -des hommes- qui y étaient

 17   mêlées.

 18   Nous leur avons posé des questions au sujet des événements de ce

 19   jour-là. Nous avons passé plusieurs heures avec eux à parler et nous avons

 20   essayé de voir si les récits des différentes personnes allaient dans le

 21   même sens ou non. Et tous, plus ou moins, nous ont décrit l'attaque de la

 22   même manière, ce qui nous a incités à penser qu'elle avait commencé très

 23   tôt le matin, au moment où la prière du matin, l'appel de la prière du

 24   matin, avait été lancé du minaret. Il s'est agi d'explosions au nord du

 25   village tout d'abord, suite à un pilonnage. Ensuite, des tirs nourris ont


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  1   eu lieu. Des soldats sont allés de maison en maison ; ils ont tiré sur les

  2   édifices. On avait le récit de personnes qui avaient été sorties de leur

  3   maison et exécutées. On a parlé d’essence versée dans les maisons ou de

  4   jerrycans d’essence jetés dans les maisons et ensuite des maisons

  5   incendiées. Une petite fille nous a raconté comment son père avait été

  6   sorti de sa maison : on lui avait promis de ne pas le tuer et on l'avait

  7   abattu dès qu'il était sorti de chez lui. On nous a raconté plusieurs cas

  8   de meurtre. Je me rappelle de quelques cas uniquement de personnes qui

  9   avaient réussi à fuir, car des membres du HVO avaient décidé de ne pas les

 10   tuer : une femme dont le mari avait été tué ; apparemment, l'auteur la

 11   connaissait d'avant et avait décidé de l'épargner. Il lui avait dit tout

 12   simplement de s'enfuir et qu'il n'allait pas lui faire de mal.

 13   Nous voulions être bien sûrs que nous connaîtrions l’identité

 14   des auteurs. Bien sûr, il ne s'agissait pas d'une enquête pénale ; nous

 15   enquêtions sur les Droits de l'Homme et il s'agissait de la responsabilité

 16   d'un Etat ou d'une autorité de facto -lorsque l'Etat n'existe pas- en cas

 17   de guerre. Pratiquement tous les survivants, sans exception, nous ont dit

 18   que les soldats portaient des uniformes du HVO, avec l'insigne et le signe

 19   distinctif de cette force armée.

 20   Nous avons essayé de nous assurer du fait que les soldats

 21   n'appartenaient pas à une autre formation paramilitaire, comme le HOS ou

 22   d'autres qui agissaient dans la région. Ce qui nous a convaincus du fait

 23   que l'attaque avait été perpétrée par le HVO est que, même dans ce court

 24   laps de temps, les témoins nous ont cité les noms de 18 auteurs

 25   responsables qu'ils connaissaient par le nom parce qu'il s'agissait soit


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  1   de leurs voisins soit de personnes qu'ils connaissaient des villages

  2   avoisinants. A ce moment-là, nous avons été convaincus que le HVO avait

  3   bien été responsable de l'attaque.

  4   M. Terrier. - Est-ce que vous vous souvenez d'un homme d'un

  5   certain âge dont le nom est Sakib Ahmic ?

  6   M. Akhavan (interprétation). – Sakib Ahmic ? Oui, c'est exact.

  7   La personne en question a été interrogée par mon collègue le lendemain,

  8   (expurgé), à l’hôpital à Zenica, je crois, et il se remettait de

  9   brûlures sur son corps. Selon les récits de Sakib Ahmic, il se cachait

 10   derrière un canapé et les unités du HVO ont attaqué la maison de son fils

 11   ou de sa fille. En tout état de cause, il se trouvait chez l'un de ses

 12   enfants. Il a entendu des tirs et, après cela, il a vu les personnes de

 13   cette maison tomber à terre. Il y avait également des enfants : selon lui,

 14   un nouveau-né de moins de six mois et un petit enfant de trois à quatre

 15   ans.

 16   Il a dit qu'après avoir entendu ces coups de feu et étant donné

 17   qu'il n'était pas sûr du fait que les personnes étaient mortes ou non, les

 18   soldats du HVO ont commencé à verser de l'essence sur la maison et, après

 19   cela, ils ont mis le feu à la maison sans savoir qu'il se cachait derrière

 20   le canapé. D'une manière ou d'une autre, il a réussi à s'enfuir, à passer

 21   par une fenêtre et à arriver à Zenica où on l'a soigné pour des brûlures

 22   importantes sur son corps, sur ses mains et ses pieds.

 23   Suite à cela, le 6 mai, nous sommes retournés à Ahmici, avec

 24   plusieurs ambassadeurs de la Communauté européenne -de l'Espagne, de la

 25   France et du Royaume-Uni- qui se trouvaient là en mission diplomatique


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  1   pour essayer de stabiliser la situation de la vallée de la Lasva. Nous

  2   sommes allés jusqu'à la maison décrite par Sakib Ahmic, grâce à une carte

  3   sommaire qu'il avait dessinée sur un morceau de papier.

  4   Nous avons retrouvé cette maison ; nous avons retrouvé également

  5   les corps des quatre personnes mentionnées. Il était clair qu'il y avait

  6   deux adultes. L'un des corps était tout simplement des vertèbres et un

  7   crâne ; pour ce qui est de l’autre, il y avait encore la cage thoracique.

  8   Mais d'une manière générale, ces corps n'étaient pas entiers. Mais on

  9   pouvait voir qu'il y avait deux adultes. Ensuite, il y avait les restes de

 10   ce qui semblait être le corps d'un nourrisson et d'un enfant, même si les

 11   brûlures étaient telles qu'il fallait être très attentif pour voir qu'il

 12   s'agissait vraiment d'êtres humains. Au début, nous avons pensé qu'il

 13   s'agissait peut-être de tissus ou d'autres choses qui avaient été brûlés.

 14   Après cela, les membres du bataillon britannique ont dégagé ces

 15   corps et leur ont donné une sépulture digne de ce nom.

 16   M. Terrier. - Monsieur le Président, je souhaiterais que nous

 17   puissions voir à cet instant un film vidéo qui est un film d'actualité,

 18   tourné par la SkyNews, le 6 mai 1993, à l’occasion de la visite de

 19   M. Akhavan, de (expurgé) à Ahmici, visite à laquelle ont évidemment pris

 20   part les membres du bataillon britannique. C’est un film que votre

 21   Tribunal n'a pas encore eu l'occasion de voir et où l'on peut voir en

 22   différentes occasions.

 23   (Projection du film.)

 24   M. Terrier - Ces très brèves séquences n'ont pas pu être vues à

 25   cette occasion-là, mais je souhaite que cette vidéo soit versée au dossier


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  1   de la procédure comme pièce à conviction et votre tribunal aura l'occasion

  2   de le revoir quand il le souhaitera.

  3   Mme le Greffier - C'est la pièce de l'accusation N °83.

  4   M. Terrier - Monsieur Payam, à l'occasion de cette mission en

  5   Bosnie centrale, est-ce que vous avez rencontré, pour vous faire une idée

  6   plus précise de ce qui s'était passé, des responsables politiques ou

  7   militaires des Croates de Bosnie ?

  8   M. Akhavan (interprétation). - Oui. Le jour ou mon collègue est

  9   allé rencontrer Sakib Ahmic à Zenica, je suis allé rencontrer les

 10   représentants de l'autorité du HVO dans la vallée de la Lasva.

 11   Tout d'abord j'ai rencontré le colonel, à l'époque Blaskic, à

 12   son quartier général à Vitez, après quoi j'ai rencontré Mario Cerkez qui

 13   je crois était le chef du HVO à Vitez et après cela j'ai rencontré

 14   Dario Kordic qui était Vice-Président du HVO et du parti politique HDZ je

 15   crois, en Herceg-Bosna au sein de la communauté de Herceg-Bosna.

 16   M. Terrier - Est-ce que ces différents responsables politiques

 17   ou militaires vous avaient demandé ce qui, selon leur point de vue, avait

 18   pu se produire à Ahmici ?

 19   M. Akhavan (interprétation). - Oui, le but de ces rencontres

 20   était de voir s'il y avait d'autres explications possibles quant à ceux

 21   qui ce qui aurait pu se passer à Ahmici. Aucune des personnes à qui nous

 22   avons parlé, n'a reconnu une implication du HVO dans ces crimes, au

 23   contraire, ils ont insisté sur le fait que le HVO était composé de soldats

 24   professionnels, qui n'auraient pas pû participer à des actes aussi

 25   terribles. Il n'y avait pas d'explication différente plausible.


Page 1190

  1   Dario Kordic a essayé de suggérer à un moment donné que les Serbes

  2   auraient pu avoir commis ces crimes ou que des extrémistes Musulmans

  3   auraient pu avoir commis ces crimes pour s'attirer la sympathie

  4   internationale. Aucune de ces théories n'a été jugée plausible compte tenu

  5   des témoignages si importants des témoins que nous avions rencontrés,

  6   compte tenu du fait qu'Ahmici n'était qu'à deux kilomètres peut-être du

  7   quartier général militaire du HVO à Vitez.

  8   Il aurait été extrêmement difficile par exemple, pour un groupe

  9   de Serbes, de franchir les lignes sans être détectés et de commettre une

 10   telle attaque sans être détectés de ces cinquante à cent soldats. Donc

 11   après ces réunions, nous avons été confortés dans notre conclusion, c'est-

 12   à-dire qu'il s'agissait d'une attaque perpétrée par les forces du HVO.

 13   M. Terrier - Est-ce que vous avez donné connaissance, à ces

 14   autorités croates que vous avez rencontrées, des conclusions de votre

 15   rapport ?

 16   M. Akhavan (interprétation). - Nous n'avions pas encore rédigé

 17   le rapport bien entendu. Nous étions encore au stade ou il s'agissait de

 18   rassembler les faits nécessaires.

 19   Après la publication du rapport, il a été diffusé je crois à

 20   l'ensemble des sources pertinentes, y compris le gouvernement de la

 21   République de Croatie, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine et nous

 22   n'avons pas donné officiellement ce rapport aux autorités de la vallée de

 23   la Lasva, car ce n'était pas notre mandat. Nous avons soumis le rapport à

 24   Genève et ce rapport devient un document officiel après approbation de la

 25   part du rapporteur spécial.


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  1   A partir de ce moment-là, le document est diffusé de manière

  2   classique aux états membres de la commission des Droits de l'Homme etc

  3   etc.. Mais je sais que les autorités de Herceg-Bosna ont en fin de compte

  4   reçu ce rapport et je le sais parce qu'ils ont adressé une longue lettre à

  5   Tadeus Mazoviecki, en critiquant ce rapport, en suggérant qu'il s'agissait

  6   d'un rapport partial et non précis.

  7   M. Terrier - Est-ce qu'à votre connaissance, ces autorités

  8   Croates de Bosnie ont conduit une enquête sur ce qui s'est passé à Ahmici

  9   le 16 avril 1996 ?

 10   M. Akhavan (interprétation). - Je sais qu'on a parlé d'un accord

 11   entre le gouvernement de Bosnie et les Croates de Bosnie, suggérant qu'il

 12   était prêt à mener une enquête. Mais, à ma connaissance, une telle enquête

 13   n'a jamais eu lieu. En tout état de cause, nous n'avons jamais entendu

 14   parler d'une personne qui aurait été mise en accusation où sanctionnée

 15   pour les événements survenus à Ahmici.

 16   M. Terrier - L'un de vos interlocuteurs Croates à fait état de

 17   pertes humaines Croates ou de dommages causés à des propriétés Croates

 18   dans la vallée de la Lasva à cette date du 16 avril 93 ?

 19   M. Akhavan (interprétation). - Pour ce qui est du village

 20   d'Ahmici non, aucun des représentants que nous avons rencontrés n'a

 21   suggéré des dégâts à des biens ou des pertes en vie humaine au sein des

 22   unité du HVO.

 23   M. Terrier - Est-ce qu'ailleurs que dans le village d'Ahmici,

 24   vous avez eu connaissance de pertes subies par des résidents Croates, en

 25   dehors du village d'Ahmici, dans la vallée de la Lasva ?


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  1   M. Akhavan (interprétation). -  A deux reprises, nous avons

  2   entendu parler de pertes Croates : au sein de la ville de Vitez le père du

  3   bataillon britannique, nous a dit que la veille, 101 personnes avaient été

  4   enterrées, l'interprète se reprend c'était l'aumonier du bataillon.

  5   Sur 101 personnes, 96 étaient des Musulmans et  5 étaient des

  6   Croates.

  7   Dans le cas d'un petit hameau qui s'appelait Melitici à quelques

  8   kilomètres de Vitez, on nous a dit que certains éléments qu'on appelait

  9   Mudjahidin, certains éléments s'étaient rendus dans ce village et avaient

 10   décapité plusieurs hommes Croates en âge de combattre. Donc les éléments

 11   dont nous disposons tendent à montrer que, dans le cas de Vitez, certains

 12   Croates auraient pu être tués dans des tirs croisés ou dans le conflit qui

 13   avait lieu à Vitez.

 14   Dans le cas de Miletici, il s'est agi d'un acte de violence de

 15   la part d'éléments criminels isolés, mais je pense que le cas d'Ahmici est

 16   différent. Très peu d'éléments tendaient à prouver une résistance

 17   militaire organisée ou soutenue à Ahmici, ce qui par opposition à Vitez où

 18   deux semaines après le 16 avril, les Musulmans bosniaques contrôlaient

 19   encore une partie de la ville.

 20   M. Terrier. - Ce qui s'est produit à Miletici et qu'on vous a

 21   relaté, est-il postérieur au 16 avril 93 ? Est-ce que ça s'est produit

 22   postérieurement à Ahmici ?

 23   M. Akhavan (interprétation). - Je vous prie de m'excuser. Est-ce

 24   que quoi s'est passé après le 16 avril ? Le fait que nous nous soyons

 25   rendus à Miletici ? Ou les événements qui ont eu lieu à cet endroit ?


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  1   M. Terrier. - Les événements qui ont eu lieu à Miletici. Sont-

  2   ils postérieurs aux événements d'Ahmici ?

  3   M. Akhavan (interprétation). - Oui, nous avons eu l'impression

  4   que les meurtres avaient eu lieu en représailles, et je pense que c'est

  5   après le 16 avril que ces meurtres ont eu lieu à Miletici. Mais les

  6   assassinats à Vitez se sont produits au cours des combats le 16 avril et

  7   après.

  8   M. Terrier. - Pour bien clarifier les choses et en particulier

  9   le sens de votre intervention à cette époque-là, la signification de votre

 10   rapport, votre objectif est-il, pour ce qui concerne le rapport de la

 11   commission des Droits de l'Homme, est-il de faire état de la

 12   responsabilité d'Etat ou d'entités engagées dans un conflit armée, ou de

 13   désigner des responsabilités individuelles ?

 14   M. Akhavan (interprétation). - Comme je vous l'ai déjà expliqué,

 15   le rapport ne visait pas à établir une responsabilité criminelle

 16   individuelle, il s'agissait d'établir la responsabilité d'une entité,

 17   entité qui devrait être tenue responsable, conformément au droit

 18   international pour ces violations des Droits de l'Homme. Le mandat du

 19   rapporteur spécial en matière de Droits de l'Homme dans de tels cas, vise

 20   à déterminer la responsabilité d'autorité étatique.

 21   Pour le cas d'un conflit civil armé, ou d'un conflit

 22   international armé où les autorités de l'Etat se désintègrent et où il

 23   n'est pas possible d'attribuer la responsabilité à un Etat au sens

 24   classique, il faut envisager les autorités qui exercent un contrôle "des

 25   facto" sur des zones données quel que soit leur statut, Etat ou autre type


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  1   d'entité.

  2   Et dans ce cas précis, l'entité qui nous intéressait était la

  3   communauté croate de Herceg-Bosna qui exerçait le pouvoir en tant qu'Etat

  4   "des facto" sur ce territoire.

  5   M. Terrier. - Pour remettre les choses dans un certain contexte,

  6   à la date de ce rapport, ce Tribunal international n'existait pas encore ?

  7   M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.

  8   M. Terrier. - Monsieur le Président je n'ai pas d'autres

  9   questions. Pour finir, je souhaiterai soumettre une série de photographies

 10   au témoin et à votre Tribunal. Ces photographies ont été prises le 6 mai

 11   ou dans les jours qui ont suivi immédiatement le 6 mai, le 7 mai

 12   probablement, et elles ont été prises par les militaires du bataillon

 13   britannique de l'Unprofor. Il s'agit de photographies prises dans la

 14   maison de Sakib Ahmic et qui relatent les opérations d'enlèvement des

 15   cadavres qui ont été découverts dans cette maison-là.

 16   Je pense qu'elles peuvent être soumises au témoin. Certaines de

 17   ces photographies appelleront peut-être un commentaire, mais en toute

 18   hypothèse un très bref commentaire.

 19   Mme Le Greffier. - La pièce de l'accusation 84.

 20   M. Terrier. -  Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez

 21   regarder ces différentes photographies qui vont vous être soumises, je

 22   pense assez rapidement, et faire les commentaires que vous paraissent

 23   devoir appeler ces photographies.

 24   Reconnaissez-vous bien ce que vous avez pu constater de vos

 25   propres yeux le 6 mai 93 dans la maison de Sakib Ahmic ?


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  1   M. Akhavan (interprétation). - Oui. Ici c'est le corps de l'un

  2   des adultes que nous avons découvert dans la maison décrite par

  3   Sakib Ahmic, maison située, ou plutôt nous avons trouvé ces restes dans

  4   une pièce qui était sans doute la salle de séjour ou une chambre à

  5   coucher, je n'en suis pas sûr, c'est difficile à dire.

  6   Nous voyons ici la cage thoracique pratiquement intacte alors

  7   que pour les autres corps il ne restait que la colonne vertébrale et le

  8   crâne. Apparemment, ce corps-ci n'était pas complètement décomposé.

  9   M. Terrier. - Si les photographies qui vous sont soumises

 10   n'appellent pas de commentaires particuliers, vous le dites. Je souhaite

 11   simplement que vous confirmiez que ces photographies ont bien toutes été

 12   prises dans la maison de Sakib Ahmic.

 13   M. Akhavan (interprétation). - Je crois que ceci représente

 14   probablement le corps du nouveau-né ou de l'enfant, et je m'appuie pour le

 15   dire sur la taille de ce corps qui a été très gravement calciné.

 16   Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 86.

 17   M. Terrier. - S'agit-il toujours d'une photographie prise dans

 18   la maison de Sakib Ahmic ?

 19   M. Akhavan (interprétation). - Oui, je crois que cette photo est

 20   toujours prise dans la pièce où nous avons trouvé tous les corps.

 21   M. Terrier. - (hors micro)... que l'on voit par terre à votre

 22   avis ?

 23   M. Akhavan (interprétation). - Je crois qu'il s'agit des tuiles

 24   qui ont été utilisées pour construire le toit de la maison.

 25   M. Terrier. - Photographie suivante je vous prie.


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  1   Mme le Greffier. - Pièce de l'accusation numéro 87.

  2   M. Akhavan (interprétation). - Je crois que nous voyons ici la

  3   même cage thoracique que sur la photographie précédente, c'est-à-dire

  4   celle de l'adulte. Et je suppose que nous voyons ici un représentant du

  5   bataillon britannique qui est venu sur les lieux après notre départ, pour

  6   enlever les corps et leur assurer une sépulture. Nous voyons toujours ici

  7   les restes de l'un des adultes.

  8   Comme je l'ai déjà dit, je crois que nous voyons sur cette

  9   photographie les membres du bataillon britannique qui placent les restes

 10   des corps dans un sac en plastique, de façon à permettre leur sépulture et

 11   nous sommes toujours dans la même maison que celle que j'ai décrite

 12   précédemment. Je crois que nous avons déjà vu cette photographie.

 13   M. Terrier. - Savez-vous où les corps découverts dans cette

 14   maison et emportés par le bataillon britannique ont été transportés et

 15   inhumés ?

 16   M. Akhavan (interprétation). - Je n'en suis pas sûr dans ce cas

 17   particulier, mais en général, les corps étaient transportés à Zenica où

 18   des autopsies étaient pratiquées à la morgue. Mais pour ce cas

 19   particulier, je ne suis pas sûr de l'endroit où ils ont été emportés.

 20   Cette photographie, je crois, représente encore une fois le

 21   corps d'un des enfants, sans doute le corps du nourrisson étant donné sa

 22   taille.

 23   M. Terrier. - Quand vous parlez du plus petit enfant, vous

 24   parlez d'un nourrisson ? D'un enfant de la taille d'un nourrisson ? Cette

 25   constatation était-elle conforme à ce que M. Sakib Ahmic vous avait dit


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  1   précédemment ?

  2   M. Akhavan (interprétation). - En effet.

  3   Toujours sur la base de la taille des restes de ce corps, je

  4   suppose que nous voyons ici les restes du nourrisson. Bien entendu, il est

  5   difficile de le dire avec certitude parce que les corps étaient si

  6   extrêmement calcinés et en outre, dans certains cas, certains morceaux du

  7   corps manquaient, que le simple examen des restes peut être trompeur

  8   parfois.

  9   M. Terrier. - Et l'objet qui est photographié en même temps que

 10   les restes humains permet d’en évaluer la grandeur, la taille ?

 11   M. Akhavan (interprétation). – C'est exact.

 12   M. Terrier. - Pas de commentaire ? Passons à la photographie

 13   suivante.

 14   M. Akhavan (interprétation). – Si ma mémoire ne m'abuse pas,

 15   nous avons pénétré dans cette pièce par la porte qui se trouve ici. Et les

 16   corps des adultes, les restes de ces corps se trouvaient dans cette partie

 17   de la pièce, alors que les restes des corps de l'enfant et du nourrisson

 18   se trouvaient dans cette partie-ci.

 19   M. Terrier. - C'est-à-dire que la porte, le seuil que nous

 20   voyons en haut de cette photographie est l'entrée de la maison ?

 21   M. Akhavan (interprétation). – Je crois que c'est l'entrée dans

 22   cette pièce de la maison. L'impression que j'ai eue était que l'entrée de

 23   la maison, en tant que telle, se trouvait quelque part par ici. Mais je

 24   n'en suis pas entièrement sûr.

 25   Je ne suis pas sûr... Sur cette photographie, je suppose que


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  1   nous voyons toujours les restes de l'enfant ou du nourrisson.

  2   M. Terrier. - Nous n'avons pas d'autres photographies ?

  3   Mme le Greffier. – Non, c’était la dernière. Elle porte le

  4   numéro 96.

  5   M. Terrier. – Monsieur le Président, je désire que les pièces 82

  6   à 96 soient versées au dossier de votre Tribunal comme pièces à

  7   conviction. Je n'ai pas d'autres questions.

  8   M. le Président. - Merci. Je crois qu'il est trop tard pour le

  9   contre-interrogatoire. Donc je lève la séance. Elle reprend demain à

 10   9 heures 30.

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 12   L'audience est levée à 16 heures 25.

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