Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                     AFFAIRE N° IT-95-16-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Vendredi 4 Septembre 1998

  4   L'audience est ouverte à 9 heures 35.

  5   Mme le Greffier (interprétation). – L'affaire n° IT-95-16-T : le

  6   Procureur du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko

  7   Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic, alias Vlado.

  8   M. le Président (interprétation). – Merci. Bonjour.

  9   Avant de commencer, je voudrais me tourner vers M. Zoran

 10   Kupreskic. Je voudrais vous demander de vous lever et de nous dire si vous

 11   avez eu la possibilité hier d'avoir une heure d'air pur dans l'unité de

 12   détention pénitentiaire.

 13   M. Zoran Kupreskic (interprétation). – Oui, Monsieur le

 14   Président. Nous avons eu cette occasion et je vous en remercie.

 15   M. le Président (interprétation). – Merci. Vous pouvez vous

 16   asseoir. Je suis très heureux qu'on ait donné suite à notre demande, car

 17   c'est un droit fondamental des détenus, principalement en cours de procès.

 18   Mais l'on m'avait fait savoir, hier, qu'il y avait des réparations en

 19   cours et que cela était très difficile. C'est pourquoi, publiquement, je

 20   voudrais exprimer les remerciements, au nom de la Chambre, de M. Hubke et

 21   Kriste Rude, l'un étant le commandant et l'autre un juriste du Greffe, qui

 22   ont rendu possible cette heure d'air frais dans la grande cour, hier. Je

 23   voudrais les en remercier. La même chose devra être faite ce soir ; c'est

 24   un droit fondamental, comme je l'ai déjà dit.

 25   Ce n'est pas un privilège ni une concession mais, parfois, il


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  1   n'est pas possible de respecter un droit fondamental pour des raisons

  2   diverses. Je remercie Me Radovic d'avoir

  3   soulevé cette question. Nous allons maintenant poursuivre.

  4   Je me tourne vers le Bureau du Procureur.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le

  6   Président. Avant d'entendre le prochain témoin, je souhaiterais informer

  7   la Chambre sur les derniers développements concernant un témoin et

  8   j'aimerais le faire en audience à huis clos, si cela est possible,

  9   Monsieur le Président.

 10   L'audience se poursuit à huis clos.

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 13   pages 1793-1816 expurgées – audience à huis clos

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 20   M. le Président (interprétation). - Séance publique ?

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Séance publique,

 22   Monsieur le Président.

 23   M. le Président (interprétation). - Bonjour,

 24   Monsieur Sakib Ahmic. Pourriez-vous prononcer la déclaration solennelle ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Je déclare solennellement que je


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  1   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  2   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous

  3   pouvez vous asseoir. Maître Moskowitz, vous avez la parole.

  4   M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le

  5   Président.

  6   Bonjour, Monsieur Ahmic. Pourriez-vous nous donner votre nom,

  7   aux fins du compte rendu ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – Bonjour, je m'appelle Sakib Ahmic.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, pourriez-vous

 10   nous dire quel âge vous avez ou, si c'est plus facile, nous dire en quelle

 11   année vous êtes né ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Je suis né le 17 janvier 1933.

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Au mois d'avril 1993, où

 14   habitiez-vous ?

 15   M. Ahmic (interprétation). – J'ai habité à cette époque-là dans

 16   le village de Pirici.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que c'est un quartier du

 18   village connu sous le nom d'Ahmici ?

 19   M. Ahmic (interprétation). – Oui, effectivement, ça fait partie

 20   d'Ahmici, Pirici, une partie de Zume également, en bas. Mais étant donné

 21   que je suis né dans ce village de Pirici, moi, je dis Pirici. Mais ça fait

 22   partie d'Ahmici. C'est Ahmici, donc.

 23   M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie. Combien de

 24   temps avez-vous vécu dans le village d'Ahmici ?

 25   M. Ahmic (interprétation). – Vous pensez donc à mon village où


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  1   je suis né ? Je vous ai déjà précisé que je suis né à Pirici, et ma maison

  2   se trouve sur le territoire donc d'Ahmici et de Pirici. J'habite ce

  3   territoire d'Ahmici depuis 1957, au moment où j'ai construit ma maison.

  4   M. Moskowitz (interprétation). – Puis-je demander à l'huissier

  5   de montrer cette pièce à conviction au témoin ?

  6   (L'huissier s'exécute).

  7   Mme le Greffier (interprétation). - La pièce de l'accusation

  8   n° 150.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, vous voyez

 10   devant nous cette pièce à conviction 150 alors vous pouvez déplacer cette

 11   photographie comme vous le voulez pour bien voir ce que représente cette

 12   pièce ; après avoir regardé, pourriez-vous nous dire ce que représente

 13   cette pièce à conviction ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, cette photographie

 15   représente mon village, mon agglomération, tous les voisins qui étaient

 16   autour de moi.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que vous aviez

 18   construit une maison dans les années cinquante, n'est-ce pas ?

 19   M. Ahmic (interprétation). – Numéro 57.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Avant de venir à l'audience

 21   aujourd'hui, vous avez déjà eu la possibilité de regarder cette carte et

 22   d'indiquer avec des cercles les maisons que vous reconnaissiez ; ensuite,

 23   nous avons repris ces cercles par ordinateur pour qu'ils soient bien nets.

 24   Est-ce que ces cercles que vous voyez ici correspondent bien aux cercles

 25   que vous avez tracés vous-même avant de venir à l'audience ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

  2   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pourriez

  3   identifier votre maison sur cette pièce à conviction 150 et, avec le

  4   pointeur que vous avez maintenant dans votre main, nous indiquer quel est

  5   le chiffre ou la lettre qui se trouve à côté de ce cercle ?

  6   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je le peux. Ma maison porte le

  7   nom 56.

  8   (Le témoin place le pointeur).

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Quels étaient vos voisins les

 10   plus proches, musulmans ou croates, dans ce voisinage, au voisinage de

 11   votre maison qui se trouve sur cette photographie ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Pour ce qui est de mes voisins, il

 13   y avait d'abord Vlatko Kupreskic et sa maison : c'est le cercle que je

 14   montre.

 15   M. Moskowitz (interprétation). – En indiquant avec le pointeur

 16   les maisons, est-ce que vous pourriez nous indiquer quel est le chiffre ou

 17   la lettre qui correspond à ces maisons ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – C'est la lettre B.

 19   M. Moskowitz (interprétation). – Voyez-vous d'autres maisons

 20   ainsi indiquées que vous reconnaîtriez comme étant des maisons de vos

 21   voisins ou de votre famille.

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. La lettre "L", c'est

 23   Franjo, Kupreskic c'est le père de Vladko. Ensuite le chiffre 56 et le

 24   chiffre 55, c'est Sukrija Ahmic, ensuite la lettre "K", c'était le dépôt

 25   de Vladko Kupreskic, la lettre "C", la maison de Zoran Kupreskic, la


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  1   lettre

  2   "D", la maison de Mirjan Kupreskic, la lettre "J", la maison d'Ivica

  3   Kupreskic.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de la maison de

  5   Sukrija. Qui était-ce Sukrija ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Sukret, c'est mon fils.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire comment

  8   se composait sa famille sans donner de nom ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui, vous parlez de sa famille ?

 10   M. Moskowitz (interprétation). - C'est exact oui, de sa famille.

 11   M. Ahmic (interprétation). - Il avait son épouse et les trois

 12   filles.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de la maison de

 14   Vlatko Kupreskic, depuis quand connaissiez-vous Vlatko Kupreskic ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je connais Vladko Kupreskic depuis

 16   sa naissance, depuis qu'il était tout jeune.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Et est-ce que vous connaissiez

 18   bien Zoran Kupreskic ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - La même chose, depuis sa naissance

 20   jusqu'à nos jours.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Et Mirjan Kupreskic est-ce que

 22   lui aussi vous le connaissiez bien ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - C'est toujours la même chose, je le

 24   connais depuis sa naissance jusqu'à maintenant.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une


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  1   idée de la fréquence à laquelle vous les rencontriez, dans quelles

  2   occasions, à quelle occasion vous rencontriez Vladko Kupreskic, Zoran

  3   Kupreskic, Mirjan Kupreskic ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Bien sûr, on se voyait

  5   régulièrement, nous sommes des voisins. Ils travaillaient dans leur

  6   jardin, moi je travaillais dans mon propre jardin, par conséquent tous les

  7   jours on se voyait régulièrement. On était les voisins les plus proches,

  8   par conséquent on se voyait régulièrement.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - En 1993, est-ce que vous étiez

 10   retraités ou est-ce que vous travailliez encore ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - J'étais à la retraite.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Vous pourriez nous dire une

 13   idée de ce que vous faisiez, quel était votre travail ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Moi, j'étais conducteur des

 15   voitures particulières, je conduisais les directeurs des sociétés

 16   différentes ; j'ai travaillé à  la société nommée Sipada Travnik, et cette

 17   société portait le nom Impregnacia et dépendait de Vitez qui est la

 18   municipalité. Je conduisais les directeurs ou les responsables des

 19   sections commerciales. J'ai même conduit le ministre des finances de

 20   Bosnie-Herzégovine Drago Bilanojija.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que, dans votre travail

 22   de conducteur, de chauffeur, vous avez été examiné médicalement

 23   régulièrement pour savoir si vous étiez physiquement en mesure de

 24   conduire ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui, tous les ans on avait à passer


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  1   des examens systématiques, de faire un check-up, un bilan et pas

  2   uniquement moi, mais ceux qui se trouvaient à des postes importants de

  3   responsabilité.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’il y avait également

  5   un examen de votre vision dans ces examens médicaux ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui, évidemment.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel

  8   était le résultat de ces examens oculaires ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Vous parlez de l'appareil 

 10   ophtalmologique ? Vous pensez aux nombres, aux chiffres que j'ai dû

 11   reconnaître ?

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'on vous a dit de

 13   porter des lunettes à un moment donné ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que votre vision était

 16   bonne, est-ce que vous voyiez suffisamment bien pour conduire toutes ces

 17   personnes importantes ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'avais une bonne vision et

 19   une bonne ouïe. Il fallait beaucoup de soins.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur l'Huissier, pourriez-

 21   vous montrer au témoin la pièce à conviction déjà versée au dossier, la

 22   pièce 138 ?

 23   (L'huissier s'exécute).

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous avez

 25   décrit quels étaient vos voisins sur le gros plan. J'aimerais que vous


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  1   regardiez maintenant la pièce à conviction 138 et que vous nous disiez ce

  2   que vous voyez à l'avant plan de cette photographie, c'est-à-dire en fait

  3   cet objet important qui se trouve au premier plan de la photographie.

  4   Pourriez-vous nous le décrire ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - C'est ma maison, c'est ma maison

  6   ici.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Ce n'était pas comme cela

  8   qu'était votre maison en 1993, n'est-ce pas ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Derrière votre maison,

 11   pourriez-vous identifier certaines des maisons qui se trouvent à

 12   l'arrière-plan de la photographie, derrière votre maison ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux le faire.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pourriez

 15   d'abord regarder d'abord la maison qui porte un 1. A qui appartient-elle ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - La maison N° 1 est la maison de

 17   Mirjan Kupreskic.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Et la maison qui porte un 2, à

 19   qui appartenait-elle ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - La maison N° 2 appartient à

 21   Zoran Kupreskic.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Et la maison N° 3 ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - La maison N° 3 est la maison

 24   d'Ivica Kupreskic.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous identifier l'une


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  1   quelconque des autres maisons, celles sur lesquelles ne figurent aucun

  2   numéro ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Dans le prolongement

  4   de la maison d'Ivica Kupreskic on voit un toit, le toit de la maison du

  5   père d'Ivica Kupreskic et au-dessus de la maison N° 1, on a la maison de

  6   Jozina et derrière la maison de Branka, de son frère.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Peut-on maintenant montrer au

  8   témoin la pièce à conviction déjà versée au dossier, pièce 139 ?

  9   (L'huissier s'exécute.)

 10   Monsieur Ahmic, je vous prierai de regarder cette pièce à

 11   conviction 139 et de nous dire si vous pouvez identifier l'une quelconque

 12   des maisons qui figurent sur cette photographie et si la maison dont vous

 13   parlez porte un numéro, je vous prierai de citer ce numéro de façon à ce

 14   que tout soit clair dans le compte rendu d'audience.

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Oui, oui, je peux

 16   dire avec précision que la maison sur laquelle est inscrit le N° 1 est

 17   celle de Mirjan Kupreskic.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Voyez-vous d'autres maisons que

 19   vous reconnaissez sur cette photographie ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'en vois. La maison sur

 21   laquelle est inscrit le N° 2 est la maison de Zoran Kupreskic.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - En voyez-vous d'autres que vous

 23   reconnaissez ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, je vois la maison de

 25   Chukrija Ahmic, je vois


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  1   la maison de Vlatko Kupreskic.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'un numéro est inscrit

  3   sur la maison de Vlatko Kupreskic ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Vlatko Kupreskic ? Est-ce qu'un

  5   numéro y est inscrit, c'est cela ?

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Oui, est-ce que vous voyez un

  7   numéro sur la photographie qui correspond à la maison de

  8   Vlatko Kupreskic ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je vois, c'est le N° 3.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez dit avoir vu la

 11   maison de Choukrija*. Pourriez-vous, toujours avec l'aide du pointeur,

 12   nous montrer où se trouve cette maison ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux le montrer. Celle-ci

 14   est la maison de Sukrija Ahmic.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - C'est donc la maison qui se

 16   trouve au centre de la photographie, non loin de cet arbre à feuilles

 17   persistantes ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous voyez votre

 20   maison ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Ici, ce sont mes toilettes

 22   extérieures, ici. Puis, on voit cet arbre, ce pin qui est à moi aussi.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la

 24   pièce à conviction suivante, la pièce 140 ?

 25   (L'huissier s'exécute).


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Je vous prierai,

  2   Monsieur Ahmic, de bien vouloir regarder cette pièce à conviction et de

  3   nous dire si vous pouvez identifier l'un quelconque des bâtiments qui y

  4   est représenté ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Nous voyons ici le

  6   N° 4, c'est la maison de Vlatko Kupreskic. Ici, le N° 3, c'est la maison

  7   de Hrustanovic. Eci, le N° 2, c'est la maison de Sukrija Ahmic.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Quand vous avez placé le

  9   pointeur sur la première maison, vous avez parlé du N° 4, cette

 10   inscription est un peu difficile à lire. Pourriez-vous replacer le

 11   pointeur sur cette maison, je vous prie ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - La maison qui correspond au N° 4 ?

 13   C'est à ce sujet que vous m'interrogez ?

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Oui, celle sur laquelle est

 15   inscrit un chiffre qui ressemble à un 4, mais qui est en fait un 1.

 16   M. Ahmic (interprétation). - Excusez-moi, c'est ma faute. La

 17   maison, donc, sur laquelle est inscrit le N° 1 est la maison

 18   Vlatko Kupreskic. J'ai dit que celle qui correspondait au N° 3 était la

 19   maison de Hrustanovic et la maison sur laquelle est inscrit le N° 2 est la

 20   maison de Sukrija Ahmic.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Merci.

 22   Vous avec dit que certains de vos voisins, notamment

 23   Zoran Mirjan et Vlatko Kupreskic, vous les connaissiez depuis votre

 24   naissance.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une

  2   idée du genre de rapports que vous entreteniez avec ces trois hommes et

  3   leurs familles, dans les années qui ont précédé l'attaque de 1993 ? Ces

  4   rapports étaient-ils bons ou mauvais ?

  5   M. Ahmic (interprétation). – C'étaient de bons rapports. Moi, je

  6   n'avais de mauvais rapports avec aucun d'entre eux et ils n'avaient pas de

  7   mauvais rapports avec moi.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Au fil des années, avez-vous eu

  9   la possibilité de voir Zoran, Mirjan et Vlatko grandir pour devenir des

 10   jeunes gens ?

 11   M. Ahmic (interprétation). – Oui. Ils ont grandi tout à fait

 12   normalement ; leur comportement était tout à fait correct. C'étaient des

 13   jeunes gens bien élevés.

 14   M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous dire, de façon

 15   générale, quels étaient les rapports qui existaient entre les Musulmans et

 16   les Croates, à Ahmici, au cours des années qui ont précédé les troubles de

 17   1992 et 1993 ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, en toute honnêteté, je

 19   puis dire que ces rapports étaient globalement, en moyenne, de très bons

 20   rapports : tout le monde avait de bons rapports avec tout le monde.

 21   C'étaient de bons rapports, pour autant que je le sache.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Avez-vous remarqué toutefois

 23   que ces rapports ont eu tendance à se dégrader avec le temps, que des

 24   problèmes sont apparus ? Et, disant cela, je vous demande de concentrer

 25   votre attention sur la période immédiatement préalable à l'attaque de


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  1   1992-1993.

  2   M. Ahmic (interprétation). – Moi, je ne sais pas, je ne suis

  3   pas... Il n'y a rien eu, tout le monde vivait bien.

  4   M. Moskowitz (interprétation). – Avant l'attaque de 1993, vous

  5   rappelez-vous une situation qui est survenue à Ahmici en 1992, situation

  6   liée à une barricade ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'en ai entendu parler, mais

  8   pour vous dire la vérité, je ne sais rien à ce sujet.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous où vous vous

 10   trouviez pendant cette période ? Etiez-vous dans votre maison à Ahmici ou

 11   quelque part ailleurs ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Pour vous dire la vérité, je ne

 13   sais pas moi-même où je me trouvais à ce moment précis.

 14   M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous dire quelques

 15   mots de la garde villageoise ou de la Défense territoriale ? Qu'est-ce que

 16   vous savez de ces deux organismes et est-ce que vous en avez fait partie ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Oui. Il existait une Défense

 18   territoriale qui menait des patrouilles dans le village, qui patrouillait

 19   dans le village, la nuit, de façon à éviter que des extrémistes pénètrent

 20   dans le village et mettent le feu à une étable ou attaquent quelqu'un ou

 21   ce genre de choses.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – En tant que retraité, avez-vous

 23   occupé des fonctions particulières dans cette garde villageoise ou cette

 24   Défense territoriale ?

 25   M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'avais des heures de


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  1   permanence à l'école pour la Défense territoriale, dans le cadre de cette

  2   défense civile, parce que c'est le terme exact " défense civile ". J'étais

  3   chargé de rester à l'école à Ahmici, en bas, où il y avait un poste de

  4   radio ; j'y avais des permanences.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Aviez-vous une arme ?

  6   M. Ahmic (interprétation). – Non.

  7   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez parlé de l'école ;

  8   s'agit-il de l'école élémentaire d'Ahmici, qui se trouve en face de la

  9   mosquée pourvue d'un minaret ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est exactement cela. C'est

 11   exactement ce bâtiment, cette école.

 12   M. Moskowitz (interprétation). – Comment décririez-vous cette

 13   garde villageoise ? La qualifieriez-vous d'armée ou lui donneriez-vous un

 14   autre nom ?

 15   M. Ahmic (interprétation). – Non, ce n'était pas une armée et je

 16   vais vous la décrire très simplement et très facilement. Il s'agissait de

 17   civils qui faisaient des permanences, la nuit, avec des roulements toutes

 18   les deux heures au sein de ces patrouilles de nuit. C'étaient des

 19   patrouilles, pas une garde. Donc ces hommes circulaient dans le village

 20   d'un bout à l'autre, ils se promenaient. C'est en cela que consistaient

 21   ces patrouilles.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – J'aimerais appeler votre

 23   attention sur la journée qui a précédé l'attaque de 1993. Vous rappelez-

 24   vous avoir vu quelque chose qui a éveillé vos

 25   soupçons, ou, dans votre souvenir, tout était il absolument calme et


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  1   tranquille ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Tout n'était pas comme d'habitude.

  3   Les nôtres patrouillaient dans le village et juste avant l'attaque, je

  4   suis parti avec Cenot Sukret et Naser Raklija dans la direction de Kaonik

  5   où habite ma soeur. Nous avons pris place dans une voiture et nous avons

  6   démarré mais quelqu'un nous a dit :" hier quelqu'un a voulu sortir sur la

  7   route principale en bas et le HVO a placé un barrage routier, si bien

  8   qu'ils n'ont pas pu traverser." Mais nous, vers 11 heures, midi, nous nous

  9   sommes assis dans cette voiture et nous avons pris la route de la route

 10   principale et juste avant d'arriver sur la route principale, j'ai vu qu'en

 11   effet un peu plus haut, il y avait des soldats du HVO sur la route dont

 12   Borko Milisevic. Il y avait le fils Sime Milisevic qui était là aussi et

 13   Vlatko Kupreskic qui était aussi avec eux, il y avait Ivo Kupreskic qui

 14   était aussi avec eux. Et Ivo Sutra avait une chaise qu'il avait apportée

 15   de l'école et devant lui, il y avait un litre de cognac.

 16   Nous sommes arrivés. Personne ne nous a dit un mot. Nous avons

 17   débouché sur la grande route, nous sommes allés jusqu'à Kaonik voir ma

 18   soeur sans aucun problème. Donc voilà ce que j'ai pu voir en ce qui me

 19   concerne.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Mais dans les jours qui ont

 21   précédé l'attaque, avez-vous vu quelque chose qui vous ait frappé comme

 22   étant étonnant ou suspect en rapport avec Ivica Kupreskic ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est vrai, je voyais circuler

 24   Ivica Kupreskic en uniforme militaire et j'ai entendu dire qu'il était une

 25   espèce de commandant parmi ces gens-là.


Page 1832

  1   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous pu remarquer des

  2   activités que vous ayez pu trouver intéressantes ou suspectes aux

  3   alentours de la maison d'Ivica Kupreskic ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Je me rappelle très bien

  5   quelque chose qui s'est passé peut-être le 13 ou le 14, aux premières

  6   heures de la soirée, aux alentours de 19 heures. Une camionnette Tam est

  7   arrivée devant la maison d'Ivica Kupreskic, une camionnette d'une

  8   tonne et demie ; ce soir là, il n'y avait pas une lumière qui brûlait à

  9   l'extérieur de la maison, alors que d'habitude, le soir, les lumières sont

 10   allumées dans les maisons. Cette camionnette est restée toute la nuit

 11   devant la maison et le matin, à environ 7 heures du matin, cette

 12   camionnette est sortie de la cour d'Ivica Kupreskic. Un coup de klaxon a

 13   été donné devant la maison de Zoran Kupreskic et ensuite la camionnette a

 14   poursuivi son chemin, a débouché sur la route principale et est partie.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - En dépit de ces incidents,

 16   compte tenu de ces incidents, est-ce que vous avez eu la moindre idée de

 17   ce qui allait se passer le 16 avril ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Je ne pouvais pas imaginer ni

 19   prévoir ce que nous avons vécu dans la réalité.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - A ce stade de l'interrogatoire

 21   pourriez-vous nous parler un petit peu de votre maison ? Je crois que vous

 22   nous avez dit en quelle année elle a été construite mais pouvez-vous nous

 23   donner une idée de sa taille, du nombre de pièces qu'elle comportait, du

 24   nombre de personnes qui y habitaient ? Cela nous permettra de savoir avec

 25   plus de précisons quel était l'aspect de votre maison en 93.


Page 1833

  1   M. Ahmic (interprétation). - Je peux la décrire. C'était une

  2   maison dont la superficie était de huit fois neuf mètres trente. Elle

  3   comportait deux pièces, il y avait la salle de séjour, la cuisine, et puis

  4   du même côté, la véranda avec un petit couloir sur lequel donnait une

  5   salle de bain, ensuite une petite salle de séjour et c'est dans cette

  6   partie de la maison que l'on dormait.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que c'était une grande

  8   maison ou une petite maison ? Comment la décririez-vous ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien je crois qu'on peut parler

 10   d'une maison moyenne, de taille moyenne. Excusez-moi j'ai oublié de dire

 11   aussi qu'il y avait une cave, parce que sur la moitié de la superficie de

 12   cette maison, il y avait encore un étage inférieur qui

 13   comportait deux pièces.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Donc, pour être très clair, la

 15   maison était construite sur une espèce de talus, donc une partie de la

 16   maison comportait une cave et le reste n'en comportait pas, n'est-ce pas ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas compris ce que vous me

 18   dites au sujet de la partie qui avait une cave. Je n'ai pas compris le

 19   reste de votre question.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Excusez-moi, elle n'était sans

 21   doute pas très bien formulée cette question. Mais en tout cas, est-ce que

 22   votre maison était construite sur un terrain plat ou sur un terrain en

 23   pente ?

 24   Donc si elle était sur un terrain en pente, il y avait une

 25   partie de la maison en-dessous de laquelle il n'y avait plus d'espace.


Page 1834

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui. En fait, le terrain sur lequel

  2   était construite la maison était légèrement en pente et donc nous avons

  3   tiré profit de cette pente pour construire une cave en-dessous de la

  4   moitié de la maison.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Je prierai l'huissier de

  6   remettre au témoin la pièce à conviction suivante.

  7   Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 151.

  8   (L'huissier s'exécute).

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vous

 10   demanderais de regarder cette pièce à conviction enregistrée sous la

 11   cote 151, vous pouvez d'ailleurs la tourner dans le sens que vous voulez

 12   de façon à la comprendre du mieux possible. Ne craignez pas de la bouger

 13   de façon à ce qu'elle prenne un sens pour vous. C'est mieux comme ça ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui, cela me convient mieux de

 15   cette façon.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, de façon

 17   générale, dans les grandes lignes, ce que représente cette pièce à

 18   conviction ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Cette pièce à conviction représente

 20   le plan de la maison.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demanderais de nous

 22   faire nous promener dans votre maison à l'aide du pointeur comme si nous

 23   pénétrions dans la maison par la porte d'entrée en nous montrant où se

 24   trouvaient les chambres et puis en nous disant tout ce qui, à votre avis,

 25   vous paraît intéressant.


Page 1835

  1   Donc nous démarrons si vous le voulez bien par la porte d'entrée

  2   et vous nous faites une visite de votre maison.

  3   M. Ahmic (interprétation). - Je peux. Ca c'est ma maison. Ici,

  4   se trouve la porte d'entrée qui mène dans la véranda. Ici la salle de

  5   bain, ici un cellier, une fenêtre, deux fenêtres, trois fenêtres, la porte

  6   d'entrée dans la salle de séjour, une fenêtre ici, dans la salle de séjour

  7   et une deuxième fenêtre dans la salle de séjour. Ensuite, la porte qui

  8   entre dans la chambre où j'habitais et ici une deuxième porte qui donne

  9   dans une deuxième pièce avec une fenêtre ici dans une chambre et une autre

 10   fenêtre dans l'autre chambre.

 11   Voilà. C'était ma maison. Ici c'est l'entrée de la maison et

 12   l'entrée de toutes les pièces. Ici, il y avait le fourneau, ici un canapé,

 13   ici un évier, ici un autre canapé, une petite vitrine ici avec la

 14   télévision, là une table et des chaises et à peu près ici, un petit lit

 15   pour un enfant.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Vous venez de parler d'un bébé.

 17   Le 15 avril 1993, la veille de l'attaque, pouvez-vous nous dire qui se

 18   trouvait dans la maison ce soir-là, en dehors de vous ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Le 15 avril ? C'est ce que vous

 20   avez dit ?

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Oui, Monsieur Ahmic, la veille

 22   de l'attaque.

 23   M. Ahmic (interprétation). - Le 15 avril au soir, nous sommes

 24   allés voir Rejib Ahmic dans le village, moi, Nevjesta, Redzib et les

 25   enfants et nous y sommes restés jusqu'à


Page 1836

  1   10 heures du soir à peu près, heure à laquelle nous sommes rentrés à la

  2   maison pour dormir.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui était

  4   dans la maison quand vous êtes tous allés dormir, ce soir-là ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Dans la maison il y avait Naser qui

  6   est mort ensuite, Nevesta sa femme, Elver. Il y avait ma belle-fille, il y

  7   avait le beau-fils, le gendre d'Elver, son fils Zeljo également décédé

  8   aujourd'hui et moi-même dans ma chambre.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez d'abord parlé de

 10   Naser, c'était votre fils, n'est-ce pas ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de sa femme,

 13   c'est donc votre bru, votre belle-fille ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Et vous avez parlé d'Elves. Qui

 16   est Elves ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Elves est le fils de la femme de

 18   Naser. La femme de Naser avait été mariée une première fois ; elle avait

 19   divorcé et s'est remariée ensuite avec mon fils Naser. Et cet Elves était

 20   son fils du premier mariage ; c'est un peu par hasard qu'il s'est trouvé

 21   chez nous parce qu'il y a passé une quinzaine de jours en visite.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous à peu près

 23   quel était l'âge d'Elves, ce jour-là ?

 24   M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas exactement, mais je

 25   pensais qu'il avait six ou sept ans. Mais pour Sejo, je connais très bien


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  1   son âge.

  2   M. Moskowitz (interprétation). – Donc, Elves était en fait un

  3   petit garçon ?

  4   M. Ahmic (interprétation). – Oui, tout à fait.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Sejo. Parlez-nous de Sejo. Qui

  6   était il ? Quel âge avait-il à peu près ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – Sejo était un nouveau-né ; il avait

  8   trois mois et, le vendredi 16 avril au matin, il a fêté ses trois mois

  9   exactement.

 10   M. Moskowitz (interprétation). – Comment vous rappelez-vous si

 11   précisément que le matin du 16 avril il avait trois mois ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Vous savez pourquoi je me rappelle

 13   cela ? Parce que le soir où nous sommes allés chez Redzib Ahmic, dans le

 14   village là-haut, lui aussi avait un fils qui avait cinq ou six mois et qui

 15   devait être circoncis ; il ne l'était pas encore. Donc nous en avons parlé

 16   et nous nous sommes mis d'accord pour que moi, j'aille à l'hôpital et que

 17   je discute, à Zenica, à quel moment les circoncisions pouvaient se faire.

 18   Donc, je me rappelle très bien leur âge d'après cette conversation.

 19   M. Moskowitz (interprétation). – Je prierai l'huissier de

 20   montrer au témoin la pièce à conviction suivante.

 21   Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 152.

 22   (L'huissier s'exécute).

 23   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, pourriez-vous

 24   regarder cette pièce à conviction 152, la tourner comme vous le souhaitez

 25   pour que vous compreniez bien comment cela se situe et nous dire ce que


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  1   représente cette pièce ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Sur ce schéma, on voit les objets

  3   qui se trouvaient dans les pièces. Alors, après avoir dit cela, je peux

  4   maintenant décrire ces objets. Ici donc, le canapé, ici, le corps sans vie

  5   de ma Nevesta*. Ici, le lit dans lequel dormait Elves ; ici, le fourneau,

  6   ici, la chaise qui était à côté de la porte. Là, le petit lit dans lequel

  7   dormait Sejo Ahmic. Ici, la petite table sur laquelle se trouvait la

  8   télévision et puis, ici, la vitrine, à côté de la fenêtre.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire où vous

 10   avez dormi cette nuit-là, en utilisant le plan que vous avez sous les

 11   yeux ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Moi, je dormais dans cette pièce

 13   ici, au fond, dans cette partie de la pièce. Exactement ici.

 14   M. Moskowitz (interprétation). – Alors, si nous regardons

 15   maintenant le lit où dormait Elves, est-ce que vous pourriez nous montrer

 16   ce lit à nouveau ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux. Voilà ce lit.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous décrire ce

 19   canapé, de quoi il avait l'air ? De quel genre de canapé ou de sofa il

 20   s'agissait ?

 21   M. Ahmic (interprétation). – Bien. C'était un canapé-lit qu'on

 22   ouvrait pour la nuit.

 23   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez

 24   s'il avait été ouvert, ce canapé, pour qu'on puisse dormir cette nuit-là ?

 25   M. Ahmic (interprétation). – Oui, il était ouvert ?


Page 1839

  1   M. Moskowitz (interprétation). – Les bras de ce canapé, comment

  2   étaient-ils ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, un petit peu comme la

  4   chaise sur laquelle je suis assis ici. Vous voyez, d'un côté et de l'autre

  5   côté, il y avait des accoudoirs de ce genre.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Vous dites que ces accoudoirs

  7   avaient la forme de ceux de la chaise sur laquelle vous êtes assis

  8   actuellement, un peu courbés de cette manière ?

  9   M. Ahmic (interprétation). – Non, ce que je veux dire, c'est que

 10   c'était du bois plein. Ces accoudoirs étaient assez larges, vous voyez, à

 11   peu près vingt centimètres ; je parle de l'épaisseur surtout : c'était du

 12   bois plein. Mais il y avait un rembourrage en mousse.

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Je voudrais que vous vous

 14   concentriez maintenant sur les événements du 16 avril 1993. Pourriez-vous

 15   nous dire où vous vous trouviez, ce matin, avant que l'incident ne

 16   commence ? Indiquez avec votre pointeur où vous vous trouviez.

 17   M. Ahmic (interprétation). – Moi, à ce moment-là, je me trouvais

 18   dans cette chambre-là, sur ce lit.

 19   M. Moskowitz (interprétation). – Et de quoi vous vous souvenez ?

 20   Qu'est-ce que qui s'est passé, ce matin-là, et que vous ayez entendu ?

 21   Votre premier souvenir ce jour-là ?

 22   M. Ahmic (interprétation). – Ce matin-là, j'ai d'abord entendu

 23   l'appel à la prière du matin. Quand l'appel à la prière du matin s'est

 24   terminé, j'ai d'abord entendu que l'enfant s'était réveillé, que Nevesta*

 25   criait quelques mots à Naser et lui disait de lui donner son biberon.


Page 1840

  1   Après cela, j'ai entendu une explosion. J'ai sauté du lit, je

  2   suis allé près de la porte et, quand je suis arrivé à la porte, j'ai vu

  3   que la lumière avait été allumée. J'ai vu Naser qui disait : "Eteins les

  4   lumières !". A ce moment-là, quand je lui ai dit d'éteindre les lumières à

  5   la porte, un soldat a fait son apparition. Il portait un uniforme noir et

  6   avait de la couleur noire sur le visage. Et c'était Zoran Kupreskic qui

  7   est entré, qui a franchi la porte.

  8   Naser était à côté de la télévision ; donc, il a immédiatement

  9   tiré sur Naser. Et Mirjan avait dans les mains une bouteille avec du

 10   liquide à l'intérieur. Il a versé ce liquide sur le sofa qui a pris feu.

 11   Il a tiré sur ma belle-fille, il a tiré sur ma belle-fille et ils se sont

 12   ensuite dirigés vers Elves. A ce moment-là, je suis tombé au sol et je me

 13   suis frappé la tête contre le mur.

 14   C'est là qu'était mon corps et c'est là qu'il était debout. Il

 15   m'a tiré une balle à travers l'accoudoir du canapé. J'ai entendu une balle

 16   et aussi une grenade qui tombait. Je suis retourné en arrière, j'ai

 17   entendu l'enfant qui pleurait, qui criait. Il y avait des coups de feu :

 18   ils ont tiré sur l'enfant et ils sont partis. A ce moment-là, je me suis

 19   levé malgré ma blessure et j'ai regardé par la petite fenêtre qui se

 20   trouve ici, j'ai regardé du côté de la maison de Vlatko.

 21   J'ai vu des soldats du HVO, des Oustachis. Avant, je pensais

 22   sortir de la maison, mais, quand je les ai vus, je n'ai plus osé sortir

 23   parce que j'avais peur de leur tomber vivant entre les mains. Donc, j'ai

 24   continué à regarder et j'ai vu un câble qui menait à l'ampoule électrique.

 25   J'ai entendu aussi des cris, des gens qui disaient : "Cours, cours,


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  1   cours !". A mon avis, c'était un cri qui venait de la maison de Gavrilo et

  2   de son frère Jure. Gavrilo était près de la maison de Hrustanovic et son

  3   frère se trouvait à peu près à côté du chêne, mort. Moi, c'est ce que j'ai

  4   cru déterminer d'après le son de leur voix.

  5   Je suis donc resté où j'étais. J'ai attendu que le destin me

  6   donne l'occasion de sortir par la fenêtre. Je n'avais pas le courage de

  7   sortir de la maison par la porte : c'était impossible d'ailleurs parce

  8   qu'elle brûlait. Il y avait le plafond qui brûlait aussi et qui était en

  9   train de tomber. J'ai vu que la fenêtre était en flammes, la porte était

 10   en flammes.

 11   J'ai encore une fois regardé par la fenêtre devant laquelle je

 12   me trouvais et j'ai vu Vlatko Kupreskic qui sortait de la cour de la

 13   maison de Sukrija Ahmic, qui passait non loin de la mienne pour aller vers

 14   la sienne. J'ai remarqué qu'il portait quelque chose sous son manteau, sur

 15   le bras gauche. Je ne sais pas exactement ce que c'était. Enfin, j'ai

 16   supporté autant que j'ai pu et quand je n'ai plus pu respirer, quand il

 17   n'y avait plus d'air, je n'avais plus le choix : donc, j'ai traversé le

 18   feu pour sortir de la maison. Je suis arrivé jusqu'à l'étable, j'ai réussi

 19   à ouvrir la porte de l'étable, j'ai monté les escaliers.

 20   Il y avait , 80 centimètres d'épaisseur de paille dans

 21   l'ensemble de l'étable. Donc, je me suis enfoncé sous la paille dans un

 22   coin de l'étable où je pouvais voir un peu tout l'espace. J'ai vu Frano

 23   Sutra* qui sortait dans la cour...

 24   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, avant d'arriver

 25   au moment où vous entrez dans l'étable, je voudrais remonter un peu pour


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  1   préciser certaines des choses que vous avez dites.

  2   Pourriez-vous nous dire où se trouvait votre fils Naser lorsque

  3   vous êtes arrivé à la porte de votre chambre, en utilisant votre

  4   pointeur ? Où se trouvait Naser avant que les tirs ne commencent ?

  5   M. Ahmic (interprétation). – A peu près ici.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pourriez

  7   prendre le marqueur qui est à côté de vous, avec peut-être l'aide de

  8   l'huissier, et mettre une petite croix à cet endroit

  9   là de manière que nous puissions identifier très clairement l'emplacement

 10   où se trouvait Naser, où vous avez vu Naser avant que les tirs ne

 11   commencent ? Une petite croix, un petit X pour que ce soit clair, s'il

 12   vous plaît.

 13   (Le témoin s'exécute)

 14   M. Moskowitz (interprétation). – Et le commutateur, où se

 15   trouvait-il pour allumer la lumière ?

 16   M. Ahmic (interprétation). – L'interrupteur se trouvait ici. Là,

 17   sur le mur.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous mettre une petite

 19   marque pour nous indiquer l'endroit où se trouvait cet interrupteur ? Pas

 20   un X, mais un petit point peut-être.

 21   M. Ahmic (interprétation). – C'est là que se trouvait

 22   l'interrupteur. Nous avions deux sources d'éclairage dans cette pièce : il

 23   y en avait une ici à peu près et la deuxième se trouvait à peu près ici.

 24   Il y avait un double interrupteur ici, sur le mur, pour allumer les

 25   lumières.


Page 1843

  1   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pourriez mettre

  2   des petits cercles là où se trouvaient les ampoules dans cette pièce ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je le peux. A peu près ici et

  4   là... En haut, bien sûr.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – J'ai peut-être oublié de vous

  6   poser cette question plus tôt ; j'aurais dû le faire. Mais est-ce que vous

  7   pourriez nous décrire le type de lit dans lequel votre bru, votre belle-

  8   fille a dormi cette nuit-là ?

  9   M. Ahmic (interprétation). – Ce n'était pas un lit, c'était un

 10   matelas, un matelas sans sommier, un matelas qui était placé sur le sol.

 11   Et c'est sur ce matelas qu'ils dormaient.

 12   M. Moskowitz (interprétation). – Sur ce plan, on a l'impression

 13   qu'il y a quand même pas mal de distance entre l'endroit où se trouvait

 14   Naser et l'interrupteur. Alors, dans la réalité, dans cette pièce, est-ce

 15   que la distance entre l'interrupteur et Naser était grande ?

 16   M. Ahmic (interprétation). – Un mètre et demi, à peu près, parce

 17   c'était une petite pièce, ce n'était pas... Un mètre et demi, à peu près.

 18   Disons entre un mètre et demi et deux mètres entre l'interrupteur et… Deux

 19   mètres, disons deux mètres, peut-être.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous montrer à

 21   nouveau avec le pointeur l'endroit où vous vous trouviez lorsque vous avez

 22   vu Naser, avant qu'il soit abattu ?

 23   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux le faire : ici, sur le

 24   seuil de la porte.

 25   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous tracer un petit


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  1   cercle à cet endroit-là ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Je peux.

  3   (Le témoin trace un cercle).

  4   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire où se

  5   trouvait la personne -ou l'homme que vous dites être Zoran Kupreskic- se

  6   trouvait lorsque vous l'avez vue la première fois ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux le faire : c'était

  8   ici.

  9   M. le Président (interprétation). – Maître Radovic ?

 10   M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, le témoin

 11   a déclaré avoir d'abord vu un soldat et, derrière lui, Zoran Kupreskic.

 12   M. le Président (interprétation). – Non, je ne m'en souviens

 13   pas. On vérifiera le compte rendu. Quoi qu'il en soit la question était :

 14   " L'homme que vous avez vu ".

 15   M. Moskowitz (interprétation). – Je vais certainement poser

 16   cette question.

 17   M. Radovic (interprétation). – Pourriez-vous vérifier, je vous

 18   prie ?

 19   M. May (interprétation). - Peut-être que l'on pourrait demander

 20   au témoin de préciser ? Il a parlé d'abord d'un soldat et ensuite de

 21   Zoran, mais il n'a pas dit où ils se trouvaient.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Nous vérifierons.

 23   Monsieur Ahmic, pouvez-vous nous dire où se trouvait le soldat

 24   lorsque vous l'avez aperçu la première fois, lorsqu'il est entré dans la

 25   pièce ?


Page 1845

  1   M. Ahmic (interprétation). – Je le peux. Il était ici quand il

  2   est entré dans la pièce, mais c'était Zoran Kupreskic tout de suite ;

  3   peut-être que je me suis mal exprimé quand j'ai parlé d'un soldat, sans

  4   tout de suite l'appeler Zoran Kupreskic.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous faire une marque

  6   là, pour indiquer l'endroit où vous avez vu Zoran Kupreskic entrer dans la

  7   pièce ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux. Voilà, ici.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – A partir de là où vous vous

 10   trouviez, c'est-à-dire sur le seuil de votre chambre, est-ce que vous

 11   pouviez voir sans problème, sans difficulté, Zoran Kupreskic qui est entré

 12   dans votre salle de séjour ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui. Je le voyais tout à fait

 14   clairement : il n'y avait pas d'obstacle. Je le voyais comme nous nous

 15   regardons nous, ici. Vous voyez ?

 16   M. Moskowitz (interprétation). – Lorsqu'il est entré dans la

 17   pièce, est-ce que vous avez regardé son visage, vu son visage ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – Je l'ai vu complètement, j'ai vu

 19   ses peintures noires qu'il avait sur le nez, sur le menton, sur le visage,

 20   un peu partout. Mais en le regardant dans les yeux, j'ai vu que c'était

 21   Zoran Kupreskic : son front, ses cheveux étaient bien ceux de Zoran

 22   Kupreskic, mon voisin.

 23   M. Moskowitz (interprétation). – A quelle distance vous

 24   trouviez-vous de lui lorsqu'il est entré dans la pièce ? Vous pouvez me

 25   prendre comme point de référence pour comparer.


Page 1846

  1   Regardez-moi et dites-nous : est-ce que vous étiez à peu près à

  2   la même distance de moi que vous vous trouvez aujourd'hui ou est-ce que

  3   vous étiez plus loin ?

  4   M. Ahmic (interprétation). – Un peu plus loin, un peu plus loin.

  5   Peut-être jusqu'à la table qui se trouve là-bas, à peu près, la table que

  6   vous avez dans le dos. Celle-là, oui, celle là. A peu près à cette

  7   distance. Oui, à peu à peu près cela, à cette distance.

  8   M. May (interprétation). – Oui, je crois quand même que ceci

  9   devrait être précisé pour le compte rendu, n'est-ce pas ?

 10   M. Moskowitz (interprétation). – Je me trouvais devant la table,

 11   devant Me Pavkovic.

 12   M. May (interprétation). – En mètres, cela faisait combien ?

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Je ne suis pas très bon pour

 14   estimer le nombre de mètres.

 15   M. Ahmic (interprétation). – (Hors micro)

 16   M. Radovic (interprétation). – Peut-être pourrait-on mesurer

 17   cette distance en pas de manière à avoir une estimation un peu plus

 18   concrète ? Un pas d'homme mesure en général 75 centimètres.

 19   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Nous

 20   ferons cela tout à l'heure.

 21   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que les lumières étaient

 22   allumées lorsque vous avez vu Zoran Kupreskic entrer dans la pièce ?

 23   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 24   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que Zoran

 25   Kupreskic avait des bariolages noirs sur le visage. Est-ce que vous


Page 1847

  1   pourriez nous décrire un peu cela ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux. Sur le front, il

  3   avait un trait noir qui ressemblait à un trait de stylo noir ; il en avait

  4   sur le nez, sur le menton, sur le visage. Il se créait comme cela une

  5   espèce de masque de façon à ne pas être reconnu, éventuellement, sur-le-

  6   champ.

  7   M. Moskowitz (interprétation). – Et lorsque vous l'avez vu, vous

  8   l'avez reconnu

  9   immédiatement ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je l'ai su dès le première

 11   instant, dès l'instant où je l'ai vu : j'ai jeté un coup d'œil et, à

 12   partir de cet instant, j'ai su que c'étaient Zoran et son frère Mirjan.

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Arrêtons-nous à Zoran, pour un

 14   instant : comment pouvez-vous être aussi sûr que c'était Zoran lorsque

 15   vous l'avez aperçu, entrant dans la pièce ?

 16   M. Ahmic (interprétation). – Comment est-ce que je ne serais pas

 17   sûr puisque je connais cet enfant depuis sa naissance ? Je connaissais sa

 18   famille avant sa naissance. Je vois son visage, l'aspect physique de cet

 19   homme.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire ce que

 21   vous avez vu Zoran Kupreskic faire après qu'il fut entré dans la pièce ?

 22   M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, il avait le fusil à la

 23   main, il visait l'intérieur de la pièce avec son fusil quand il est entré.

 24   Il a vu Naser qui était debout à côté de la table tout de suite et il lui

 25   a tiré dessus.


Page 1848

  1   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que Naser était toujours

  2   là où il a été tué ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Non, il était impossible de rester

  4   debout. Si vous me le permettez, je vais vous dire quelque chose : je vous

  5   ai décrit tout à l'heure comment il nous a tous abattus dans cette pièce

  6   et… Comment est-ce que je pourrais dire ? Mais je ne souhaiterais pas

  7   devoir répéter la description de ce genre de choses. Si vous y tenez, je

  8   répète maintenant son entrée dans la pièce et le meurtre de l'ensemble

  9   d'entre nous.

 10   Alors, il est entré dans la pièce ; à ce moment-là, la lumière

 11   était allumée. Il a vu immédiatement Naser qui était debout ; il a

 12   immédiatement visé sur Naser. En même temps, il a frappé Nevjesta*. En

 13   même temps, Mirjan jetait de l'essence et mettait le feu. En même temps,

 14   il a tué Elves sur ce sofa, ce canapé. Et puis, moi, je tombe sur le sol,

 15   ma tête frappe contre le

 16   mur. Cette partie de mon corps est devant lui ; lui, il était debout à peu

 17   près à cet endroit et il m'a visé à travers l'accoudoir. Heureusement, il

 18   ne m'a pas atteint à une partie vitale. Je pense donc que les balles de

 19   son fusil n'étaient pas assez grosses et qu'elles sont sorties par le dos.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, permettez-moi

 21   de vous interrompre. Oui, je sais. Je sais que c'est très difficile pour

 22   vous de nous décrire ces événements. Mais, pour le Tribunal, il est très

 23   important de savoir en détail ce qui s'est produit.

 24   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui.

 25   M. Moskowitz (interprétation). – Je crains fort que nous devions


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  1   avoir cette description lentement. Si vous avez besoin de vous reposer, si

  2   vous avez besoin d'un peu de temps pour vous remettre, dites-le et je

  3   demanderai à la Chambre de vous donner ce temps. D'ailleurs, nous sommes

  4   proches de l'heure du déjeuner.

  5   M. Ahmic (interprétation). – Non, je n'ai pas besoin de repos.

  6   Non, nous continuerons à travailler. Je ne sais pas si ce que j'ai déjà

  7   dit est suffisamment clair pour vous. Est-ce qu’il faut que je répète

  8   encore une fois cette même chose ?

  9   M. Moskowitz (interprétation). – J'aurai des questions de

 10   détails sur ce que vous avez vu dans cette pièce, ce jour-là. Je vous

 11   demanderai de répéter certaines choses.

 12   M. Ahmic (interprétation). – Oui, bon.

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, nous

 14   allons entrer dans des détails ; cela pourrait prendre pas mal de temps.

 15   M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre et

 16   nous reprenons à 14 heures.

 17  

 18   L'audience, suspendue à 12 heures 27, est reprise à

 19   14 heures 50.

 20   M. le Président (interprétation). – Nous allons reprendre nos

 21   travaux. En attendant que le témoin soit introduit, je précise que nous

 22   venons de recevoir de M. Baudouin, le responsable de la section d'aide aux

 23   victimes et aux témoins, un exemplaire du dossier médical. C'est

 24   M. Baudouin qui nous l'a remis et qui a fait preuve, ce faisant, de sa

 25   totale efficacité. Je confie cet exemplaire à Madame le Greffier


Page 1850

  1   d'audience qui va le remettre aux deux parties.

  2   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

  3   M. le Président (interprétation). – Monsieur le témoin, vous

  4   pouvez vous réinstaller. Monsieur Ahmic, je vous en prie, prenez votre

  5   siège.

  6   M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, je vous salue aussi,

  7   Monsieur le Juge. Merci.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, puis-je

  9   continuer ?

 10   M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

 11   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, nous allons

 12   reprendre, si vous le voulez bien.

 13   M. Ahmic (interprétation). – Certainement.

 14   M. Moskowitz (interprétation). – Si, dans le courant de l'après-

 15   midi, vous ressentez le besoin de vous reposer, ne manquez pas de me le

 16   faire savoir ; je demanderai aux Juges de cette Chambre s'il est possible

 17   que vous preniez une pause. Je sais que c'est une épreuve extrêmement

 18   éprouvante pour vous.

 19   M. Ahmic (interprétation). – Je vous remercie.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Ce matin, nous étions en train

 21   de reprendre point par point les événements qui se sont produits dans

 22   votre maison, le 16 avril 1993 au matin. Je sais que c'est un peu

 23   difficile, mais nous allons revenir un tout petit peu en arrière pour ne

 24   manquer aucun détail.

 25   Ayez l'obligeance de vous pencher sur la pièce à conviction qui


Page 1851

  1   est à votre côté. Il s'agit d'un schéma qui présente l'agencement de votre

  2   maison.

  3   Ayez l'obligeance de nous dire une nouvelle fois où vous vous

  4   teniez lorsque vous avez vu pour la première fois Zoran Kupreskic entrer

  5   dans la maison ? Utilisez le pointeur, je vous prie.

  6   M. Ahmic (interprétation). – Je me tenais ici, à ce point-ci.

  7   C'est là que je me tenais lorsque Zoran Kupreskic est entré.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Nous allons continuer à parler

  9   de Zoran Kupreskic et nous allons le suivre dans ses déplacements à

 10   l'intérieur de votre maison. C'est vous, par votre récit, qui nous

 11   expliquerez ces déplacements. Où se trouvait Zoran Kupreskic lorsque vous

 12   avez vu pour la première fois cet homme entrer dans la maison ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Il se tenait ici, à l'endroit que

 14   j'indique. Sur le seuil de la porte qui donne sur cette pièce.

 15   M. Moskowitz (interprétation). – Quelle est la première chose

 16   qu'a faite Zoran Kupreskic lorsqu'il est entré dans cette pièce, en

 17   passant par cette porte ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – Il a observé la pièce ; il a vu

 19   Naser qui se tenait là et il a tiré sur lui.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Vous l'avez vu de vos propres

 21   yeux ?

 22   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je l'ai observé depuis

 23   l'endroit que j'ai indiqué tout à l'heure.

 24   M. Moskowitz (interprétation). – Et qu'a fait Zoran Kupreskic

 25   après avoir ouvert le feu sur votre fils Naser ?


Page 1852

  1   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je l'ai vu se tourner vers

  2   ma belle-fille et il a tiré sur elle.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Vous l'avez vu de vos propres

  4   yeux ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je l'ai vu de mes propres

  6   yeux.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Et ensuite, qu'avez-vous vu

  8   faire à Zoran Kupreskic après qu'il a ouvert le feu sur votre belle-

  9   fille ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - A ce moment-là, il s'est dirigé

 11   dans cette direction que j'indique, moi je suis tombé.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Avant de nous décrire ce que

 13   vous, vous avez fait, dites-nous ce que Zoran Kupreskic a fait. Est-ce que

 14   vous, vous êtes resté sur le seuil de la porte tandis que Zoran Kupreskic

 15   tirait sur votre fils Naser ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui, exactement, je me tenais sur

 17   le seuil de la porte.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Et vous y êtes resté au moment

 19   où vous avez vu Zoran Kupreskic tirer sur votre belle-fille ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez vu Zoran Kupreskic

 22   tirer sur votre fille. Est-ce qu'après cela, vous avez vu Zoran Kupreskic

 23   faire un mouvement quelconque ou se déplacer d'une quelconque façon ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Je l'ai vu se déplacer. Il s'est

 25   dirigé vers moi et Elves.


Page 1853

  1   M. Moskowitz (interprétation). - Il s'est dirigé vers vous et

  2   vers Elves, c'est bien cela ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Tout à fait et pendant un moment

  4   j'ai perdu mon équilibre et je suis tombé.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Nous allons revenir sur ce

  6   passage en détail avant que vous ne perdiez l'équilibre, avant que vous ne

  7   tombiez. Nous allons revenir un petit peu en arrière, si vous le voulez

  8   bien. Dites-nous si vous avez vu une autre personne entrer dans la pièce

  9   ce jour-là.

 10   M. Ahmic (interprétation). - Oui, au moment où Zoran est entré,

 11   il était suivi par

 12   Mirjan qui est entré au même moment.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez pu voir le

 14   visage de Mirjan Kupreskic lorsqu'il est entré dans la pièce ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je l'ai regardé mais, j'avais les

 16   yeux voilés si vous voulez... Moi, c'était Zoran qui était la personne sur

 17   laquelle je me fixais.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez reconnu

 19   Mirjan Kupreskic lorsqu'il est entré dans la pièce ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Absolument, je l'ai reconnu. J'ai

 21   reconnu et Zoran et Mirjan Kupreskic.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'a fait Mirjan au moment où

 23   il est entré dans la pièce ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Il avait une petite bouteille à la

 25   main et il a versé du liquide sur ce sofa que j'indique. Il y a mis le


Page 1854

  1   feu.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Mirjan et Zoran étaient-ils

  3   l'un à côté de l'autre dans la pièce ? Est-ce que vous pouviez les voir

  4   tous les deux en même temps ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Mirjan est arrivé juste après

  6   Zoran, il le suivait. Ils sont entrés dans la pièce l'un après l'autre,

  7   l'un derrière l'autre.

  8   M. le Président (interprétation). - Maître Radovic, vous avez la

  9   parole.

 10   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, une fois

 11   encore, le conseil, ou Maître Moskowitz, pose des questions

 12   tendancieuses : on demande au témoin si ces deux personnes étaient

 13   suffisamment proches l'une de l'autre pour que le témoin puisse les voir

 14   en même temps ; on suggère au témoin la réponse qu'il doit fournir puisque

 15   le témoin est tenté de dire : "Oui, elles étaient l'une à côté de

 16   l'autre". La bonne question était la suivante : "Où se trouvaient ces deux

 17   personnes dans à pièce ?", enfin, si j'ose formuler cette question. Puis-

 18   je demander à ce que la Chambre demande au Procureur de reposer la

 19   question  ?

 20   M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Radovic, de

 21   votre intervention.

 22   Maître Moskowitz, je vous demanderai de reformuler la question.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le

 24   Président.

 25   Monsieur, je crois qu'avec votre pointeur, vous nous avez


Page 1855

  1   indiqué l'endroit où se tenait Mirjan. Ayez l'obligeance de nous indiquer

  2   à nouveau son emplacement ?

  3   Indiquez-nous l'endroit où il se tenait au moment vous

  4   l'observiez.

  5   M. Ahmic (interprétation). Bien sûr, je vais vous le montrer.

  6   Donc, juste au même moment, Zoran est entré dans la pièce,

  7   Mirjan est arrivé et est entré dans la pièce. Ce qui signifie que Zoran,

  8   voyant Naser se se tenir debout dans la pièce, lui a tiré dessus

  9   immédiatement et puis au même moment, Mirjan a commencé à verser ce

 10   liquide sur le sofa et il y a mis le feu. Donc, il était tout à fait

 11   facile pour moi de voir les mouvements de ces deux hommes depuis l'endroit

 12   où je me tenais.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il y a un doute

 14   quelconque dans votre esprit quant au fait que c'était bien Zoran et

 15   Mirjan  Kupreskic qui se tenaient ce jour-là dans votre maison ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - C'est bien ces deux personnes qui

 17   se trouvaient chez moi ce matin-là, je suis sûr à cent pour cent.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez dit qu'après que

 19   Zoran a tiré sur votre belle-fille, il s'est dirigé vers vous et vers

 20   Elves. Pouvez-vous nous dire ce qui vous est arrivé lorsque Zoran a

 21   commencé à se diriger vers vous ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - A ce moment-là, j'ai perdu mon

 23   équilibre, je suis tombé et j'ai heurté le mur de ma tête.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Je vois que vous faites

 25   quelques indications sur le rétroprojecteur, mais pour le compte rendu,


Page 1856

  1   pourriez-vous exactement nous décrire comment cela s’est passé, comment

  2   vous êtes tombé et comment vous avez heurté le mur de votre tête ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Cela s'est passé exactement ici,

  4   juste à côté du canapé et juste à côté du mur, dans ce coin.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous marquer cet

  6   emplacement d'une croix afin qu'il nous soit possible d'un trait de

  7   revenir par la suite sur cet emplacement précis ? Vous avez un feutre à

  8   votre disposition.

  9   Et puisque vous avez le feutre à la main, et pour que tout soit

 10   clair, placez la lettre "Z" à l’endroit où se tenait Zoran quand vous

 11   l'avez vu entrer dans la pièce pour la première fois.

 12   (Le témoin s'exécute.)

 13   Très bien. Et pourriez-vous maintenant marquer la lettre "M" à

 14   l’endroit où vous avez vu Mirjan Kupreskic mettre le feu au canapé ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 16   Eh bien, je dirais qu'il se tenait là, enfin à peu près.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez expliqué que

 18   c'est juste à côté du lit où dormait Elves que vous étiez tombé. Où se

 19   trouvait votre tête et où se trouvaient vos pieds par rapport à ce lit ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Je vais l'indiquer. Est-ce que je

 21   fais un trait avec le feutre ?

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Contentez-vous du pointeur.

 23   M. Ahmic (interprétation). - Ma tête était à cet endroit-ci et

 24   mes jambes étaient tournées de ce côté-là.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Donc votre tête était vers le


Page 1857

  1   mur tandis que vos jambes, elles, étaient en direction de la table ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - J’avais la tête contre le mur

  3   exactement.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Vous dites que vous avez eu un

  5   malaise, que vous

  6   êtes tombé, mais qu'entendez vous par là exactement ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je crois que j'ai fait une

  8   petite crise cardiaque. Enfin, à mon avis, c'est ça qui s’est passé : j'ai

  9   traversé cette seconde qui sépare la mort de la vie, je ne sais pas

 10   comment vous expliquer ce qui s'est passé.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez perdu connaissance

 12   pendant quelques instants ?

 13   M. Ahmic (interprétation). -  J’ai tout perdu pendant quelques

 14   instants.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Une fois tombé à terre, étiez-

 16   vous à même d'observer quoi que ce soit ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous entendre quoi que

 19   ce soit ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai entendu des tirs.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Etiez-vous à même de dire si

 22   ces tirs à nouveau son emplacement ?

 23   Indiquez-nous l'endroit où il se tenait au moment vous

 24   l'observiez.

 25   M. Ahmic (interprétation). Bien sûr, je vais vous le montrer.


Page 1858

  1   Donc, juste au même moment, Zoran est entré dans la pièce,

  2   Mirjan est arrivé et est entré dans la pièce. Ce qui signifie que Zoran,

  3   voyant Naser se se tenir debout dans la pièce, lui a tiré dessus

  4   immédiatement et puis au même moment, Mirjan a commencé à verser ce

  5   liquide sur le sofa et il y a mis le feu. Donc, il était tout à fait

  6   facile pour moi de voir les mouvements de ces deux hommes depuis l'endroit

  7   où je me tenais.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il y a un doute

  9   quelconque dans votre esprit quant au fait que c'était bien Zoran et

 10   Mirjan  Kupreskic qui se tenaient ce jour-là dans votre maison ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - C'est bien ces deux personnes qui

 12   se trouvaient chez

 13   moi ce matin-là, je suis sûr à cent pour cent.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez dit qu'après que

 15   Zoran a tiré sur votre belle-fille, il s'est dirigé vers vous et vers

 16   Elves. Pouvez-vous nous dire ce qui vous est arrivé lorsque Zoran a

 17   commencé à se diriger vers vous ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - A ce moment-là, j'ai perdu mon

 19   équilibre, je suis tombé et j'ai heurté le mur de ma tête.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Je vois que vous faites

 21   quelques indications sur le rétroprojecteur, mais pour le compte rendu,

 22   pourriez-vous exactement nous décrire comment cela s’est passé, comment

 23   vous êtes tombé et comment vous avez heurté le mur de votre tête ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Cela s'est passé exactement ici,

 25   juste à côté du canapé et juste à côté du mur, dans ce coin.


Page 1859

  1   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous marquer cet

  2   emplacement d'une croix afin qu'il nous soit possible d'un trait de

  3   revenir par la suite sur cet emplacement précis ? Vous avez un feutre à

  4   votre disposition.

  5   Et puisque vous avez le feutre à la main, et pour que tout soit

  6   clair, placez la lettre "Z" à l’endroit où se tenait Zoran quand vous

  7   l'avez vu entrer dans la pièce pour la première fois.

  8   (Le témoin s'exécute.)

  9   Très bien. Et pourriez-vous maintenant marquer la lettre "M" à

 10   l’endroit où vous avez vu Mirjan Kupreskic mettre le feu au canapé ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   Eh bien, je dirais qu'il se tenait là, enfin à peu près.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez expliqué que

 14   c'est juste à côté du lit où dormait Elves que vous étiez tombé. Où se

 15   trouvait votre tête et où se trouvaient vos pieds par rapport à ce lit ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Je vais l'indiquer. Est-ce que je

 17   fais un trait avec le feutre ?

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Contentez-vous du pointeur.

 19   M. Ahmic (interprétation). - Ma tête était à cet endroit-ci et

 20   mes jambes étaient tournées de ce côté-là.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Donc votre tête était vers le

 22   mur tandis que vos jambes, elles, étaient en direction de la table ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - J’avais la tête contre le mur

 24   exactement.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Vous dites que vous avez eu un


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  1   malaise, que vous êtes tombé, mais qu'entendez vous par là exactement ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je crois que j'ai fait une

  3   petite crise cardiaque. Enfin, à mon avis, c'est ça qui s’est passé : j'ai

  4   traversé cette seconde qui sépare la mort de la vie, je ne sais pas

  5   comment vous expliquer ce qui s'est passé.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez perdu connaissance

  7   pendant quelques instants ?

  8   M. Ahmic (interprétation). -  J’ai tout perdu pendant quelques

  9   instants.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Une fois tombé à terre, étiez-

 11   vous à même d'observer quoi que ce soit ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous entendre quoi que

 14   ce soit ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai entendu des tirs.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Etiez-vous à même de dire si

 17   ces tirs venaient d’à côté de vous ou d'un peu plus loin ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - C’était tout près de moi, je

 19   sentais les douilles tomber sur mon bras droit.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'avez-vous entendu ensuite ?

 21   Vous en souvenez-vous ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - J’ai entendu des coups de feu.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Et ensuite, qu'avez-vous

 24   entendu ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - J'ai entendu le bébé pleurer.


Page 1861

  1   M. Moskowitz (interprétation). - Il s'agit de Sejo ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - C’est ça, feu Sejo, c'est lui qui

  3   criait. Je l’ai entendu pleurer et j'ai entendu une rafale juste après

  4   cela. Puis, il n'y a plus rien eu, c'était terminé.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Après cette rafale de coups de

  6   feu, est-ce que vous avez encore entendu le bébé pleurer ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Non.

  8   La dernière chose que j'ai entendue, c'est le soupir qui a été

  9   poussé par feu ma belle-fille dans cette même pièce alors que la maison

 10   flambait.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Vous rappelez-vous ce que vous

 12   avez fait après avoir entendu le bébé pleurer ? Vous dites qu'il y a eu

 13   ces coups de feu, ensuite que le silence s'est installé. Quelle est la

 14   chose suivante que vous, vous avez faites ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien je me suis levé et une fois

 16   debout, j'ai regardé feu Naser qui gisait à l’endroit que j'indique. J'ai

 17   vu cette grande flaque de sang, le sang qui s'épanchait de sa poitrine.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Vous êtes allé en direction de

 19   votre fils ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Non. Non, lorsque je me suis levé,

 21   j'ai vu Naser qui baignait dans cette flaque de sang et ensuite, je suis

 22   allé dans ma chambre, vers cette fenêtre que j'indique.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Alors que vous étiez encore

 24   étendu derrière le canapé, est-ce que vous avez eu l'impression que l'on

 25   vous tirait dessus ?


Page 1862

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Justement, il y avait des

  2   rafales qui étaient tirées, il y a eu 1 rafale, 2 rafales, 3 rafales,

  3   toutes tiraient dans ma direction, je le sentais et j'ai senti les

  4   douilles tomber sur mon bras droit. Je n'ai pas vu tout cela, mais c'est

  5   la sensation que j'ai eue.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Mais d'après vous, comment

  7   est-il possible que vous n'ayez pas été atteint par une de ces balles ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien moi, je pense que c'est

  9   parce que j'étais contre le canapé. Ma tête était tournée dans ce sens-là

 10   donc je pense qu'en fait, le canon de son fusil ne me visait pas très

 11   précisément et par conséquent, les balles sont passées au-dessus de moi ce

 12   qui signifie, en tout cas c'est ce que j'ai toujours cru, que si son canon

 13   avait été incliné un peu plus vers le bas, j'aurais été touché. Enfin,

 14   c'est ce que j'ai toujours pensé. C'est ce que j'ai pensé à ce moment-là,

 15   c'est ce que j'ai pensé par la suite et à ce jour, je suis encore

 16   convaincu que c'est ainsi que les choses se sont passées.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Je vais demander à l'huissier

 18   de faire parvenir cet autre document au témoin, s'il vous plaît.

 19   (L'huissier s'exécute).

 20   Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 153.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic.

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Sur cette photographie, nous

 24   voyons un canapé.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Ce n'est pas le canapé qui se

  2   trouvait dans votre maison le 16 avril, n'est-ce pas ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Non, non. Ce n'est pas du tout le

  4   canapé qui se trouvait dans ma maison. Mais enfin c'est un canapé tout à

  5   fait similaire à celui qui se trouvait chez moi.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - En quoi ce canapé ressemble-t-

  7   il au vôtre et en quoi en est-il différent ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - En fait, la différence, c'est que

  9   ce canapé que nous voyons ici repose sur le sol alors que notre canapé à

 10   nous avait des pieds -si vous voulez- et puis d'autre part, mon canapé

 11   était un canapé-lit. Et je ne sais pas si ce canapé-ci en est un

 12   également,.

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Et puis, je crois que vous avez

 14   également précisé précédemment qu'en fait, le canapé chez vous était

 15   déplié, que le lit était déplié. C'est là aussi une différence, n'est-ce

 16   pas ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Excusez-moi, je n'ai pas très bien

 18   compris votre question, je crois. Au moment dont nous parlons, le lit

 19   était déplié parce que le petit enfant dormait dans ce lit.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Bien. Maintenant, regardez ce

 21   canapé attentivement et dites-nous en quoi il ressemble au canapé que vous

 22   aviez chez vous.

 23   M. Ahmic (interprétation). – Oui, vraiment, il ressemble

 24   beaucoup au canapé que nous avions chez nous : ce canapé-ci a des

 25   accoudoirs et le nôtre aussi en avait.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). – Et nous voyons, sur cette

  2   photographie, une personne qui est allongée à terre. Est-ce que vous aviez

  3   à peu près cette position-là, le 16 avril 1993 ?

  4   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – En vous référant à cette

  6   photographie, expliquez-nous comment il est possible que les balles tirées

  7   par la mitrailleuse ne vous aient pas atteint ce jour-là.

  8   M. Ahmic (interprétation). – Si je n'ai pas était touché, c'est

  9   pour les raisons que j'ai avancées tout à l'heure. En fait, il tirait

 10   justement dans cet accoudoir. Moi, je pense que le

 11   canon était légèrement surélevé, ce qui signifie que les balles passaient

 12   au-dessus de moi. Si le canon avait été incliné vers le bas, les balles

 13   m'auraient touché et je ne serais pas ici aujourd'hui pour vous en parler.

 14   M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie. Nous pouvons

 15   retirer cette photographie du rétroprojecteur.

 16   (L'huissier s'exécute).

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, vous souvenez-

 18   vous des vêtements portés par Zoran et Mirjan Kupreskic ce matin-là ?

 19   M. Ahmic (interprétation). – Ils portaient des uniformes noirs.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous avoir vu

 21   quelque arme que ce soit ?

 22   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 23   M. Moskowitz (interprétation). – Qui portait ces armes ou cette

 24   arme ? Est-ce que Zoran portait une arme ? Est-ce que Mirjan portait une

 25   arme ? Ou bien en portaient-ils une tous les deux ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). – J'ai vu cette arme. Elle était

  2   entre les mains de Zoran. Je n'ai pas vraiment observé Mirjan ; je l'ai vu

  3   entrer dans la pièce, mais je ne me suis pas vraiment concentré sur ses

  4   mouvements. Moi, je me concentrais surtout sur ce que faisait Zoran.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous avez essayé

  6   d'observer l'arme que portait Zoran ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – A ce moment-là, j'ai vu qu'il

  8   s'agissait d'un fusil de petite taille. Il y avait un barillet

  9   transparent ; à l'intérieur, il y avait des balles. Enfin, c'est ce que

 10   j'ai pu observer à ce moment-là.

 11   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous êtes sûr que

 12   c'est bien ce type

 13   d'arme qu'il avait entre les mains ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – Non, je n'en suis pas sûr. Je n'en

 15   suis pas sûr parce que, franchement, ce n'est pas l'arme qu'il portait qui

 16   m'intéressait. Moi, c'est Zoran qui m'intéressait. Je regardais les

 17   auteurs des actes qui étaient en train d'être commis.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Vous nous avez dit qu'après

 19   vous être levé, près du lit d'Elves, vous ne vous êtes pas approché du

 20   corps de votre fils. Alors, où vous êtes-vous dirigé, où êtes-vous allé ?

 21   M. Ahmic (interprétation). – Je suis allé dans ma chambre, à la

 22   fenêtre de ma chambre.

 23   M. Moskowitz (interprétation). – Pourquoi êtes-vous allé là ?

 24   M. Ahmic (interprétation). – Je me suis dit que je devrais

 25   essayer de sauter par la fenêtre. J'ai ouvert la fenêtre de droite et je


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  1   me suis dit : " Je vais sauter, essayer de sauver ma vie comme je le

  2   peux", mais lorsque j'ai vu Jako Kupreskic dans la cour, j'ai eu peur de

  3   sauter parce que je me suis dit : "Ils vont m'attraper vivant". Et il y

  4   avait également d'autres soldats du HVO dans la cour.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur l'huissier, pourriez-

  6   vous montrer la pièce à conviction suivante au témoin ?

  7   (L'huissier s'exécute).

  8   Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation n° 154.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, pourriez-vous

 10   regarder la photographie qui se trouve sur le rétroprojecteur, qui est la

 11   pièce à conviction 154 ; pourriez-vous nous dire ce que représente cette

 12   photographie ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Voilà ma maison, et

 14   ici, on voit l'étage inférieur et ici, l'étage supérieur avec les deux

 15   chambres. Ce sont les fenêtres de chacune de ces chambres.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Donc, vous êtes rentré dans

 17   votre chambre, vous avez regardé par la fenêtre ; est-ce que cette

 18   photographie montre au moins une partie de la fenêtre dont vous parlez ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui. C'est cette fenêtre-ci et

 20   cette partie de la fenêtre, donc à droite.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce que l'on voit par

 22   cette fenêtre ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - On voit les maisons de Vlatko et de

 24   Zoran Kupreskic et on voit également la maison de Mirjan.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous êtes rentré à


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  1   nouveau dans votre chambre et que vous avez regardé par la fenêtre,

  2   qu'avez-vous vu ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - J'ai vu un soldat dans la cour de

  4   Vlatko Kupreskic.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez commencé à

  6   grimper sur la fenêtre pour essayer de vous sauver ou êtes-vous resté dans

  7   la chambre ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Non, lorsque j'ai vu le soldat, là,

  9   je suis resté dans cette pièce, dans cette chambre, parce que je n'ai pas

 10   osé poursuivre, j'ai eu peur qu'ils me voient, qu'ils m'attrapent vivant

 11   et qu'à ce moment-là, ils me torturent et qu'ils me brûlent comme ils ont

 12   brûlé toute ma famille.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Que se passait-il dans le reste

 14   de votre maison alors que vous étiez à cette fenêtre et que vous étiez en

 15   train de réfléchir comment vous échapper ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, j'ai entendu un profond

 17   soupir, c'était ma belle-fille, ma bru, et ce fut son dernier soupir. Elle

 18   était en feu, elle brûlait, elle brûlait, tout brûlait, la salle de séjour

 19   où ils se trouvaient tous, où tous ces membres de la famille qui ont été

 20   tués se trouvaient, brûlait.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous sentiez la

 22   chaleur qui émanait de

 23   ces flammes quand vous vous trouviez dans votre chambre ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - J'ai senti une énorme chaleur du

 25   feu et la seule chose qui apportait un peu d'air, c'est que la fenêtre


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  1   était ouverte et je pensais continuellement : Que dois-je faire ? Sauter

  2   par la fenêtre ?". Puis je me disais : "si je sautais par la fenêtre et

  3   que j'étais tué, bon, ça c'est très bien", mais je ne voulais pas qu'ils

  4   m'attrapent pour me torturer ensuite.

  5   Ensuite, j'ai décidé d'aller de la maison à la grange, à

  6   l'étable, et j'ai entendu quelqu'un qui criait : "Jure ! Jure", et je

  7   pensais que Jure venait de là où se trouve le chêne et qu'il disait : "Ne

  8   tirez pas, c'est moi !". Et je continue de penser qu'il s'agissait là de

  9   Gavrilo Vrebac et de son frère Jure, c'était d'eux qu'il s'agissait, et

 10   que Gavrilo se trouvait près de ma maison et que son frère se trouvait à

 11   Suhihats*.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous avez

 13   entendu cela alors que vous vous trouviez dans votre chambre ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire à quel

 16   moment vous avez décidé de sortir de la maison, de vous sauver de la

 17   maison ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - J'ai pris cette décision quand je

 19   ne pouvais plus tenir dans la chaleur du feu et de l'incendie. Les flammes

 20   étaient tout près de l'installation électrique, comme si elles allaient

 21   passer à travers le plafond et le plafond commençait à tomber et en fait,

 22   le passage entre ma chambre et la salle de séjour avait déjà brûlé et les

 23   flammes commençaient à entrer.

 24   Je ne pouvais plus tenir, donc j'ai décidé de courir et de

 25   traverser en courant la maison ; je me disais peut-être qu'ils ne pourront


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  1   pas me voir. Il y avait un arbre, un agrumier, un cyprès qui se trouvait

  2   dans la cour et des matériaux de construction et cela empêchait que l'on

  3   ne me voie de la maison de Vlatko. Et puis, il y avait l'étable. J'ai

  4   réussi à arriver à la porte, j'ai grimpé sur l'échelle et je me suis

  5   dirigé tout à fait à l'autre extrémité de la grange. Je me suis aplati

  6   contre le mur de cette grange, là où se trouvait le foin.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, pourriez-vous

  8   nous dire comment vous êtes sorti de la maison ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - J'ai traversé les flammes, puis la

 10   cuisine, puis la véranda, puis la porte de devant et je me suis dirigé

 11   vers cette étable.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que j'ai raison lorsque

 13   je dis que vous avez traversé les flammes dans la salle de séjour, ou

 14   disons, de la pièce principale ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est exactement ce que j'ai

 16   dit. Peut-être vous ne m'aviez pas compris, mais en partant de ma chambre,

 17   j'ai traversé en courant la salle de séjour où tous les enfants ont été

 18   tués, j'ai traversé cette salle de séjour jusqu'à la porte où Zoran est

 19   apparu la première fois, puis je suis arrivé. J'ai traversé la véranda, je

 20   suis arrivé à la porte d'entrée et je suis allé à la grange. J'ai donc

 21   couru en traversant toute la maison.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous été blessé en

 23   traversant les flammes ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Déjà dans la chambre, j'ai souffert

 25   de terribles brûlures parce que je suis resté dans la chambre autant de


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  1   temps que je pouvais le supporter, mais quand ça a été une question de vie

  2   ou de mort, j'ai décidé de traverser les flammes et d'essayer de me

  3   réfugier dans la grange.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire au

  5   mieux quel type de blessures vous avez eues et sur quelles parties du

  6   corps ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - J'ai été brûlé sur toute ma tête,

  8   mes bras, mes mains, mon visage. Je n'en pouvais plus, j'étais épuisé.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Avant de vous sauver de la

 10   maison alors que vous étiez encore dans votre chambre, vous nous avez dit,

 11   si je ne m'abuse, que vous aviez entendu une conversation et que vous

 12   aviez également vu un soldat HVO ; est-ce que vous vous

 13   souvenez avoir vu ou entendu qui que ce soit d'autre, à ce moment-là ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - J'ai entendu la conversation alors

 15   que je me trouvais dans la grange, lorsqu'ils faisaient sortir les animaux

 16   de l'étable. Les soldats n'ont pas parlé dans la maison, il n'y a pas eu

 17   de conversation entre Zoran et Mirjan, mais ce n'est que lorsque j'étais

 18   dans l'étable que deux soldats sont arrivés. Je ne les ai pas vu entrer,

 19   pénétrer dans l'étable, mais j'ai entendu leur conversation. Ils ont dit,

 20   en faisant sortir les vaches... il a dit : "Ne laisse pas les vaches

 21   entrer dans le jardin, dirige-les vers la route".

 22   Et ils ont cassé la clôture qui entoure ma propriété, ils sont

 23   allés vers la cour de Vlatko Kupreskic, mais je n'ai pas vu qui étaient

 24   ces soldats parce qu'ils me tournaient le dos. Je ne pouvais donc pas les

 25   voir.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de cette

  2   étable ; où se trouvait cette étable par rapport à votre maison ?

  3   Pourriez-vous nous le dire ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - A l'entrée de ma cour, devant la

  5   maison de Sukrija, et elle se trouvait à droite en entrant dans ma cour.

  6   Elle se trouvait donc à la droite de ma cour et de ma maison.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Je demanderai à l'huissier de

  8   vous montrer la pièce à conviction suivante.

  9   Mme le Greffier. - Pièce à conviction 155.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Afin d'informer la Chambre, je

 11   dirai que c'est un soldat britannique qui a pris cette photographie le

 12   jour de l'événement.

 13   M. May (interprétation). - Savez-vous quand cette photographie a

 14   été faite ?

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Nous aurons un témoin soldat

 16   britannique qui viendra témoigner et qui nous dira quand ces photographies

 17   ont été prises, probablement en début d'après-midi, entre une heure et

 18   deux heures, ce n’est pas tout à fait clair.

 19   Monsieur Ahmic, pourriez-vous regarder la photographie qui est

 20   devant vous, la

 21   pièce à conviction 155 ; pourriez-vous nous dire ce que représente cette

 22   photographie ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je le peux. Ici, vous voyez la

 24   maison de feu Sukrija Ahmic, là, les matériaux de construction, les tuiles

 25   pour le toit, du bois à brûler, là aussi, du bois déjà coupé, et voilà


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  1   l’étable où je me suis trouvé et un peu plus bas, la maison, une partie de

  2   la maison.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez indiqué brièvement

  4   l'endroit où vous vous trouviez le 16 avril 1993, après avoir quitté votre

  5   maison ; est-ce que vous pourriez nous indiquer où vous vous souvenez que

  6   vous vous trouviez ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Bien entendu, je peux le faire. A

  8   1000 %, je sais très très bien où j’étais. J'étais exactement ici. Vous

  9   voyez, ça, c'est le mur, et je me trouvais contre ce mur. Vous voyez qu'il

 10   y a une protection en fil de fer, du grillage, et le grillage un peu plus

 11   bas, et vous voyez un peu de rouge et de jaune ; ce sont des flammes. Et

 12   je me trouvais exactement à ce coin à ce moment-là ; l’étable était en feu

 13   et je me trouvais ici.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire comment

 15   vous étiez, quelle était votre position dans l’étable ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Je suis donc entré dans l'étable et

 17   j'étais en-dessous du foin et à partir de là, je voyais très bien, je

 18   voyais bien vers le bas et tout autour, en fait. Et c'étaient des panneaux

 19   qui constituaient la cloison et je pouvais voir entre ces panneaux de

 20   planches.

 21   Quand j'étais à l'intérieur de l'étable, les soldats sont

 22   arrivés, ils ont fait sortir les vaches, puis ils ont quitté l’étable, ils

 23   se sont rendus dans la cour de Vlatko. Pendant le temps ou j'étais dans

 24   l'étable, j'ai vu (expurgé), je voyais du haut, il portait quelqu'un et

 25   il y avait un brancard, il était devant et deux personnes derrière et il y


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  1   avait un blessé sur le brancard et il se dirigeait vers le haut d'Ahmici,

  2   vers la mosquée.

  3   Ca, c'est une chose, et puis la femme de Pezer Ahmic est passée

  4   avec deux enfants,

  5   avec un sac sur son dos, en direction de la maison de Sukrija. C’est là

  6   que Sukrija a été tué. Elle indiquait aux enfants de regarder Sukrija et

  7   j'étais toujours dans la même position et j'ai vu Franjo Kupreskic qui

  8   laissait sortir la volaille et puis ensuite Nikica Sofradin que l'on

  9   connaissait sous le nom de Cico est arrivé et s'est arrêté, et Franjo

 10   s'est arrêté et a dit : " Vas voir ce qui se passe dans la maison de Sakib

 11   ". J'entendais tout cela.

 12   En fait, il ne pouvait voir qu'un grand feu et Cico est revenu

 13   vers Franjo, et Franjo lui a dit : » Qu’est-ce que tu as vu ? » et il a

 14   dit à voix haute : " Rien, il n'y a rien, ils sont tous morts, ils sont

 15   tous calcinés ". Et je me suis dit : " Ils ne sont pas tous calcinés,

 16   Sakib n'est pas calciné ". J'écoutais, mais je ne pouvais rien faire.

 17   Quatre ou cinq jeunes gens sont passés là sur le chemin pendant

 18   que j'étais dans l'étable, ils sont allés à la maison de (expurgé).

 19   Ils sont passés par ces buissons. Il y a eu des coups de feu et ils ont

 20   été réduits, fauchés complètement par ces tirs. Ensuite, trois soldats

 21   sont venus de la maison de Vlatko ; ils sont venus par la route asphaltée,

 22   ils se sont regardés, ils se sont tapé sur l'épaule ; puis, ils sont

 23   repartis tous vers la maison de Vlatko.

 24   M. Moskowitz (interprétation). – Je voudrais quelques

 25   précisions. Je vais vous poser quelques questions pour préciser bien les


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  1   choses. Ensuite, vous pourrez poursuivre votre narration.

  2   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – (expurgé), est-ce que vous

  4   vous souvenez l'avoir vu ?

  5   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Qui est (expurgé) ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit qu'il portait

 11   quelque chose ; ce n'était pas très clair. Est-ce que vous pourriez nous

 12   décrire ce que vous avez vu ce que (expurgé) portait ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui. Maintenant, j'ai très

 14   bien compris votre question, que je n'avais pas comprise la première fois.

 15   J'ai vu d'ici (expurgé), donc à partir de l'étable ; il marchait sur la

 16   route, il était devant un brancard qu'il portait et il y avait deux

 17   personnes derrière lui. Chacune de ces deux personnes tenait un des bras

 18   du brancard. Ils portaient quelqu'un de blessé. Je ne sais pas qui était

 19   blessé, je ne connais pas… Je ne sais pas qui étaient les deux personnes

 20   qui portaient le brancard derrière, mais j'ai reconnu (expurgé). Ils se

 21   sont dirigés vers la mosquée du haut d'Ahmic.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez indiqué que quelqu'un

 23   a montré du doigt la maison de Sukrija. Première question : quand vous

 24   étiez dans l'étable, est-ce que vous pouviez voir la maison de Sukrija ?

 25   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui, c'était exactement en


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  1   face de moi.

  2   M. Moskowitz (interprétation). – Où se trouve la maison de

  3   Sukrija ?

  4   M. Ahmic (interprétation). – Elle est juste à côté de l'étable.

  5   Moi, j'étais dans l'étable, là, sur ce coin. Donc, je pouvais tout voir

  6   puisque c'était la maison ; je pouvais tout voir. En fait, je voyais

  7   devant et tout autour.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous avez vu des

  9   cadavres, des corps qui gisaient là ? Est-ce que vous pouviez voir cela ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – Près de l'étable ?

 11   M. Moskowitz (interprétation). – Vous étiez dans l'étable et

 12   vous regardiez vers l'extérieur : près de la -maison de votre fils,

 13   pouviez-vous voir des corps qui gisaient ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – Non. A partir de l'étable, à partir

 15   de là, je ne pouvais pas voir le corps de feu Sukrija ; moi, je ne savais

 16   pas qu'il était là et qu'il avait été tué là. Ce

 17   n'est que le jour suivant, alors que je me sauvais pour sauver ma vie, que

 18   je l'ai vu là. Il était plié d'une certaine manière et j'ai essayé de le

 19   déplier. Je me suis rendu compte que je n'y arrivais pas. Parce que je

 20   devais absolument sauver ma vie, j'ai continué dans la direction de

 21   Pirici.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Vous nous avez dit que vous

 23   aviez vue quelqu'un qui montrait du doigt la maison de Sukrija ; est-ce

 24   que vous pourriez nous dire de qui il s'agissait ?

 25   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui, je sais exactement qui


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  1   c'était. C'était la femme de Hezad, mon neveu ; elle passait devant la

  2   maison de Vlatko et, ensuite, elle est passée devant la maison de Sukrija

  3   et elle a montré à ses enfants le corps de Sukrija.

  4   M. Moskowitz (interprétation). – Mais, à ce moment-là, vous avez

  5   vu qu'elle indiquait un corps, mais vous ne savez pas que c'était le corps

  6   de votre fils, de Sukrija ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne savais pas ce qu'elle

  8   indiquait du doigt, ce qu'elle voyait là. Non, je ne savais pas ce qu'elle

  9   montrait. Mais, plus tard, quand j'ai vu le corps de Sukrija mort, j'ai

 10   compris.

 11   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que vous aviez vu

 12   ou entendu une rafale qui a semblé toucher des hommes ; est-ce que vous

 13   pouvez nous dire d'où venait cette rafale, si vous le pouvez ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui, je peux. Lorsque les

 15   jeunes gens sont venus de la maison de Vlatko, les tirs sont partis de cet

 16   espace près de la maison de Vlatko et les trois soldats qui sont allés de

 17   la maison de Vlatko sont allés aux trois jeunes gens, soldats, qui ont été

 18   tués et sont repartis à la maison de Vlatko.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous pu reconnaître l'un

 20   des trois soldats qui provenaient de la maison de Vlatko ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Non, je n'y suis pas parvenu.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Que vous rappelez-vous d'autre

 23   pendant que vous

 24   vous trouviez dans l'étable ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Deux chars, deux blindés sont


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  1   arrivés, qui sont arrivés depuis la grande route d'Ahmici-le-Haut; l'un de

  2   ces chars est allé devant la maison, dans la cour d'Ivica Kupreskic, et

  3   l'autre s'est arrêté devant l'entrée de ma cour à moi ; il s'est arrêté

  4   ici. Vous voyez ? Exactement ici, là où je place le pointeur. A côté du

  5   tas de sable.

  6   Nous étions à une distance de 4 ou 5 mètres à vol d'oiseau, moi

  7   et ce char qui s'est arrêté là.

  8   Quand le char s'est arrêté à cet endroit, la tourelle s'est

  9   ouverte et un soldat est sorti de ce char. Il a jeté un coup d'oeil tout

 10   autour avant de revenir à l'intérieur du char, de rebaisser la tourelle,

 11   et le char qui se trouvait dans la cour d'Ivica Kupreskic a démarré, celui

 12   qui était chez moi a démarré également et l'a suivi. Et ils sont partis

 13   dans la direction de Gorni Ahmici, Ahmici-le-Haut.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, pendant que le

 15   char était arrêté devant votre étable, est-ce que vous avez consacré une

 16   pensée à la possibilité de sortir de l'étable, de vous diriger vers le

 17   char et d'être sauvé ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui, sans aucun doute, j'y ai

 19   pensé, mais je n'étais pas sûr à cent pour cent d'être accueilli à

 20   l'intérieur de ce char. J'avais peur que l'on me rejette et qu'à ce

 21   moment-là, on me remarque de la maison de Vlatko ou d'ailleurs et qu'on me

 22   tue. Et je n'ai pas eu la force de me faire connaître. J'ai continué à

 23   miser sur la sécurité en ne comptant que sur moi.

 24   Les chars sont partis, ils sont partis pour Ahmici-le-Haut. Ils

 25   ne sont pas restés là longtemps. Ils sont repartis. Mais pendant le temps


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  1   que ces chars ont passé à cet endroit, tout était calme, il n'y a pas eu

  2   le moindre coup de feu, pas un seul fusil n'a tiré un coup de feu, je n'ai

  3   plus rien entendu. Et quand le char est retourné vers Ahmici par la route

  4   principale et qu'il a poursuivi son chemin vers Vitez en passant tout près

  5   du café Pican, à ce moment-là, des coups de feu ont éclaté de tous les

  6   côtés, absolument de tous les côtés, et ces coups étaient tirés par

  7   plusieurs armes de types différents.

  8   Je pense que c'était un peloton qui tirait. Il y a eu un coup de

  9   canon et puis le silence de nouveau et on n'a plus rien entendu, plus

 10   aucun coup de feu, plus aucune rafale n'a été tirée ensuite.

 11   J'ai vu devant la maison de Vlatko Kupreskic une voiture, j'ai

 12   entendu le klaxon de cette voiture et j'ai aussi entendu la sirène d'une

 13   voiture de pompiers, d'un camion de pompiers alors à ce moment-là, je me

 14   suis dit qu'ils avaient fait sonner toutes les sirènes pour fêter le

 15   succès de leur action sur le territoire d'Ahmici, totalement tué.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez dit que, pendant que

 17   les chars se trouvaient à cet endroit, les coups de feu ont cessé.

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous aviez entendu

 20   des coups de feu ou des tirs avant l'arrivée des chars ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui, bien sûr. Avant, il y avait

 22   des coups de feu, avant l'arrivée des chars. On entendait des coups de feu

 23   ici et là, mais quand les chars sont arrivés, il y a véritablement eu une

 24   accalmie, plus un coup de feu n'a été entendu et lorsque les chars sont

 25   repartis, je viens de le décrire très précisément, quand ils sont partis


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  1   là-haut vers le café Pican, alors à mon avis, ils ont utilisé absolument

  2   toutes les armes qu'ils avaient à leur disposition, je pense que c'était

  3   tout un peloton.

  4   L'accalmie a cessé, on a entendu le klaxon de la voiture de

  5   Vlatko Kupreskic, on a entendu le klaxon de la voiture d'Ivica Kupreskic,

  6   on a entendu la sirène municipale, on a entendu la sirène du poste des

  7   sapeurs-pompiers de Vitez et j'ai pensé, à ce moment-là, que c'était en

  8   signe de satisfaction pour la réussite de l'action menée à Ahmici, qui

  9   était un véritable massacre. C'est ce que je continue à penser

 10   aujourd'hui, d'ailleurs.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Après le départ des chars,

 12   avez-vous pu voir quelqu'un que vous auriez reconnu ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Dans l'immédiat, je n'arrive pas à

 14   me rappeler.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Eh bien je vais vous poser la

 16   question suivante : vous rappelez-vous à quel moment vous êtes sorti de

 17   l'étable, et pourquoi vous êtes sorti de l'étable ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas dire quand je suis

 19   sorti de l'étable, à quel moment précis, mais je peux dire pourquoi je

 20   suis sorti de cette étable.

 21   Il y a quelque chose que je n'ai pas vu, mais j'ai senti dans

 22   l'étable qu'un coup était porté à la porte d'entrée de l'étable ; j'ai

 23   entendu le coup des deux pneus que j'avais mis de côté dans l'étable.

 24   Alors, entendant ce coup des pneus contre la porte, j'ai pensé que

 25   quelqu'un était arrivé, mais je ne respirais même plus, je ne voulais pas


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  1   me montrer. J'ai senti des craquements et j'ai pensé que quelqu'un avait

  2   mis le feu, et c'est exactement ce qui s'était passé parce que très

  3   rapidement après, j'ai senti l'odeur de la fumée.

  4   Donc j'ai réfléchi à toute vitesse, je me suis dit : "Dans

  5   quelques instants, tout va être transformé en flammes" ; j'ai essayé, sans

  6   bruit, de sortir un peu la tête de la paille pour jeter un coup d'oeil et

  7   voir s'il y avait quelqu'un à l'intérieur de l'étable. J'ai donc jeté ce

  8   coup d'œil, j'ai vu qu'il n'y avait personne, mais j'ai vu que l'étable

  9   était en feu, que tout était en feu, et il n'y avait personne ni dans

 10   l'étable ni devant l'étable. Alors, je me suis dit : "Je pourrais peut-

 11   être traverser l'étable, traverser le foin, descendre, prendre les

 12   fourches que l'on utilise pour le fumier et m'infiltrer rapidement dans

 13   cette cuve dans laquelle on gardait le fumier pour pouvoir m'échapper par

 14   là".

 15   Mais je me suis aussi dit très rapidement que, pendant que je

 16   descendrais de l'étage de l'étable au niveau inférieur, quelqu'un me

 17   verrait et je n'osais pas prendre ce risque.

 18   Je savais que, à cet endroit-là, dans l'étable, je pouvais

 19   enlever une bûche, donc

 20   enlever une bûche, la déposer sur la paille, mais tout cela sans le

 21   moindre bruit parce qu'il ne fallait pas que je fasse de bruit, je ne

 22   savais pas s'il y avait encore quelqu'un en bas, ailleurs ou autour de

 23   l'étable parce que tous ces gens-là portaient des semelles de crêpe et on

 24   ne les entendait pas arriver. Donc, j'ai enlevé cette bûche, je me suis

 25   retenu par les mains, j'ai sauté dans le fumier et ici, au niveau où se


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  1   trouve cette réserve de bois coupé, comme vous le voyez ici, eh bien, cet

  2   amas de bois se poursuit et arrive à peu près à un mètre de la maison

  3   Sukrija. Et à ce niveau là, l'hiver, on prenait des bûches pour se

  4   chauffer à l'intérieur des maisons. Comme certaines bûches avaient été

  5   enlevées, il y avait un petit trou. Donc, je me suis caché dans ce trou,

  6   et il y avait aussi des pièces de voiture, des pièces avant de voiture,

  7   deux pièces.

  8   Donc, je me suis couché dans ce trou, dans le tas de bois, et je

  9   me suis servi de ces pièces d'automobile pour faire une espèce de

 10   casquette en les adossant contre le tas de bois. J'ai passé toute la nuit,

 11   dans ce trou, jusqu'à à peu près 4 heures du matin.

 12   Et à ce moment là, si vous me permettez de poursuivre mon récit,

 13   le récit de ces événements...

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Oui, mais vous me permettrez de

 15   vous poser d'abord quelques questions d'éclaircissement.

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est possible.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Quand vous êtes sorti de

 18   l'étable, est-ce que vous avez pu voir le corps de votre fils Sukrija ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Non. Ah !... Non, non parce que je

 20   suis passé par le bois. Non, je ne l'ai pas vu.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Et vous rappelez-vous combien

 22   de temps vous êtes resté dans ce tas de bois, caché dans ce tas de bois ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, bien sûr, j'y suis resté toute

 24   la journée et toute la nuit.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous décrire pour nous


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  1   dans quel état physique vous vous trouviez pendant toute cette période ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Atroce. J'étais presque mort,

  3   j'étais tout nu, je n'avais pas de chaussettes, j'avais un pyjama brûlé...

  4   c'est difficile à décrire, vous savez... J'étais en pyjama, je n'avais pas

  5   de chaussettes, j'avais juste une espèce de veste imperméable que j'avais

  6   enfilée rapidement en sortant de la chambre, mais c'est tout ce que

  7   j'avais sur moi. Je n'avais rien sur les pieds.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Quand êtes-vous sorti du tas de

  9   bois ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Je suis sorti du tas de bois le

 11   17 avril aux premières heures du matin, vers 4 heures du matin.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Et quand vous êtes sorti de ce

 13   tas de bois, est-ce que vous avez pu voir quelque chose ? Est-ce que vous

 14   avez vu des cadavres ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Quand j'ai décidé de m'en

 16   aller, quand j'ai décidé que je ne pouvais plus rester à cet endroit,

 17   qu'il ne fallait pas que j'y reste, qu'il fallait que je parte avant le

 18   lever du jour, donc de nuit, je suis donc sorti du tas de bois et j'ai vu

 19   la voiture de feu Sukrja qui se trouvait devant la porte d'entrée de son

 20   atelier et son cadavre se trouvait devant la voiture quelque part. Vous

 21   voyez, devant cet arbre, il y a un petit chemin et son cadavre était à

 22   côté de ce petit bois.

 23   Je suis passé là, je l'ai vu, j'ai vu que son corps était sur le

 24   côté parce qu'il y avait un petit ruisseau à cet endroit, il est tombé à

 25   côté du ruisseau et j'ai essayé de le prendre par-dessous le corps pour le


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  1   tirer de façon qu'il soit allongé à plat, mais je n'avais pas la force

  2   suffisante pour le tirer, donc j'ai été obligé de le laisser dans l'état

  3   où il était et j'ai continué mon chemin.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

  5   dire ce que vous voulez dire par "Je n'avais pas la force" ? Comment vous

  6   avez essayé de tirer ce corps et

  7   pourquoi cela a été difficile pour vous ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Je ne l'ai pas déplacé, je n'ai pas

  9   réussi à le tirer parce qu'il était couché de travers et moi, comme il

 10   était mort, je souhaitais qu'il soit allongé à plat. J'ai essayé de le

 11   tirer, mais j'avais les mains brûlées et je n'ai pas eu la force, donc je

 12   l'ai laissé comme il était et j'ai continué mon chemin en suivant un

 13   trajet que j'avais déjà décidé dans ma tête, quand j'étais dans le tas de

 14   bois. C'est à ce moment-là que j'avais décidé par où j'allais sortir.

 15   Je me suis dirigé vers la route principale, vers la maison de

 16   Redzib Ahmic la haut, je suis passé entre la maison de Redzib Ahmic et de

 17   Suad mais quand je suis arrivé entre ces deux maisons, les moutons ont

 18   senti ma présence et ont commencé à bêler ; cela m'a fait peur parce que

 19   j'ai pensé que les soldats du HVO avaient établi leur quartier général pas

 20   loin, dans une maison qui était tout droit, donc je me suis dit : " ils

 21   vont se mettre à tirer " .

 22   Mais en fait, quand j'ai constaté que les moutons avaient

 23   circulé dans ce champ toute la nuit, finalement, il y avait du bruit, il y

 24   avait le bruit du mouvement des moutons qui circulaient à gauche et à

 25   droite et cela m'a un peu allégé la situation car j'ai pu avancer plus


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  1   facilement.

  2   Je me suis assis à un moment, très peu de temps, parce que je

  3   n'avais plus de souffle, je me suis reposé quelques instants. J'ai couvert

  4   encore une trentaine de mètres et je suis ressorti sur le plat là-haut, là

  5   où on fait les foins ; là, je me suis arrêté et j'ai pensé -j'étais sûr à

  6   cent pour cent- que je m'étais sorti du piège du HVO.

  7   Là, il y a un sentier, un sentier qui relie le village d'Ahmici

  8   et le village de Pirici, et je suis arrivé par ce sentier jusqu'à la

  9   maison de ma mère ; j'ai frappé à la fenêtre, ma mère était réveillée et

 10   j'ai dit à ma mère : "Maman, ouvre la porte, mais n'allume pas la

 11   lumière". Ma mère a ouvert la porte, j'ai pénétré à l'intérieur de la

 12   maison, je me suis assis sur son lit, je lui ai dit  "Maman, si tu peux,

 13   allume le feu le plus vite possible parce que je suis gelé" et ma mère a

 14   vraiment allumé le feu très vite, elle ma préparé un thé, elle m'a demandé

 15   si j'avais des cigarettes, j'ai dit  " Oui ", elle m'a dit : " Sors tes

 16   cigarettes ", j'ai sorti les cigarettes et les allumettes, je lui ai

 17   préparé une cigarette, elle m'a donné une tasse de thé, j'ai aussi fumé

 18   cette cigarette.

 19   Je ne sais pas si j'ai bu ce thé complètement ou pas, mais des

 20   rafales ont commencé autour de la maison de ma mère et donc je suis tombé

 21   au sol et je me suis dirigé directement vers la fenêtre de la chambre ; à

 22   250 mètres de la maison, des rafales étaient en train d'être tirées.

 23   Je suis revenu dans la cuisine, ma mère a entendu les rafales et

 24   elle m'a dit : "Enfuis-toi, mon fils, qu'ils ne te voient pas parce qu'ils

 25   vont t'arrêter " ; et très rapidement, elle a enlevé ses chaussettes et


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  1   j'ai rapidement enfilé une chaussette sur un pied, l'autre chaussette sur

  2   l'autre pied et je suis parti.

  3   Je suis sorti de la maison, je suis arrivé là-haut, près de la

  4   maison de Rifet, il n'y avait personne dans cette maison ; j'ai continué

  5   par les champs et quand je suis arrivé sur le plat, devant la maison de

  6   Gajo Barna, à côté du pylône électrique, j'ai emprunté la direction

  7   d'Ahmici en allant d'abord vers Zume.

  8   J'étais terriblement amer. J'ai vu que tout ce qui appartenait

  9   aux Musulmans était en feu ; je me suis dit que, en bas aussi, tout cela

 10   s'était passé comme cela s'était passé dans ma maison. En bas, moi,

 11   j'avais deux frères, un gendre, une fille, des cousins, de la famille et

 12   quand j'ai vu cela, j'ai vu qu'il n'y avait plus personne nulle part.

 13   J'ai continué à marcher vers Vhrovine, là-haut, et à la sortie

 14   de Barin Gaj, j'ai rencontré cinq jeunes gens qui entraient dans Barin

 15   Gaj ; ils portaient des fusils. Il y avait Vlbja Ahmic qui était derrière

 16   eux ; Vlbja m'a regardé et m’a dit : "Sakib, c’est toi ? Qu'est-ce qui se

 17   passe là-bas ? ", je lui ai dit : "eh bien les soldats du HVO sont arrivés

 18   à Pirici et il y a eu une rafale qui a été tirée au-dessus de la maison de

 19   ma mère, une autre rafale qui a été également tirée à 200, 250 mètres de

 20   sa maison à peu près, il faut que vous partiez, mais essayez d'aller

 21   vers les maisons pour prévenir les autres ".

 22   Moi, j'ai continué mon chemin jusqu'à Vhrovine ; il n'y avait

 23   personne dans les maisons. Je suis rentré dans trois maisons où je n'ai

 24   trouvé personne : j'ai essayé d'aller chez Kustre... personne chez lui,

 25   chez Hazim... personne, chez Sefer Mucinovic... personne non plus. Et moi


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  1   je ne pouvais plus, je ne pouvais plus continuer.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, permettez-moi

  3   de vous interrompre quelques instants. Je demanderai à l'huissier de bien

  4   vouloir remettre au témoin la prochaine pièce à conviction de

  5   l'accusation.

  6   (L'huissier s'exécute).

  7   Mme le Greffier (interprétation). - La pièce de

  8   l'accusation 156.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic...

 10   M. Ahmic (interprétation). - Oui ?

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous examiner cette

 12   pièce à conviction 156 et nous dire ce qu'elle représente ? Si vous avez

 13   des difficultés à vous orienter, n'hésitez pas à me le faire savoir.

 14   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas compris votre question.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demande de regarder la

 16   pièce à conviction qui se trouve devant vous sur le rétroprojecteur.

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Et je vous demande de nous

 19   dire, si vous le pouvez, ce que cette pièce à conviction représente ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien cette pièce à conviction

 21   représente le territoire de Pirici et d'Ahmici.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous voyez ce cercle

 23   au-dessus duquel est inscrit le chiffre 56 ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je vois le cercle. Je vois ce

 25   petit cercle.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez des

  2   difficultés à reconnaître ce qu'il représente ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Non, je n'ai pas de problèmes,

  4   c'est une photo très claire.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Dites-nous, est-ce qu'au niveau

  6   du n° 56, c'est votre maison que l'on voit ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Et la ligne blanche qui circule

  9   en zigzag sur cette carte indique-t-elle le chemin que vous avez suivi

 10   lorsque vous avez quitté Ahmici pour vous rendre dans la maison de votre

 11   mère ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est tout à fait cela.

 13   M. le Président (interprétation). – Maître Radovic ?

 14   M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, nous en

 15   sommes de nouveau à des questions qui guident tout à fait clairement le

 16   témoin. D'abord, première question : « est-ce que la maison qui correspond

 17   au cercle sur lequel se trouve le numéro 56 est votre maison ? » Deuxième

 18   question : « est-ce que le chemin qui circule en zigzag sur cette

 19   photographie représente le chemin que vous avez suivi ? » Il serait normal

 20   de poser la question : « que représente le cercle 56 » et « reconnaissez-

 21   vous cette ligne et dites-nous ce qu'elle représente ». Là, on souffle la

 22   réponse au témoin ; vraiment, cela dépasse les bornes.

 23   M. le Président (interprétation). – Monsieur Radovic, je crois

 24   qu'il est tout à fait clair que le témoin a déjà indiqué sur cette autre

 25   photographie où se trouvait sa maison. Quant à la ligne que l'on voit sur


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  1   cette pièce à conviction, je suppose que le Procureur a tracé cette ligne

  2   sur la base des dires du témoin, avant son entrée dans le prétoire.

  3   Je ne pense pas vraiment que cela vaille la peine de rentrer

  4   dans ces détails infimes. Bien entendu, vous avez raison, dans une

  5   certaine mesure, c'est une question qui guide le témoin, mais je propose

  6   que nous poursuivions.

  7   M. Moskowitz (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

  8   Vous avez cité Barin Gaj, dans votre récit ; pouvez-vous nous

  9   dire ce qu'est Barin Gaj ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 11   M. Moskowitz (interprétation). – Ne nous dites pas où cela se

 12   trouve, mais ce que c'est.

 13   M. Ahmic (interprétation). – C'est une sorte de plateau, de

 14   point de vue qui surplombe la totalité de Vitez, Ahmici, Santic, etc.

 15   Quand on dit Barin Gaj, simplement, on fait référence à une forêt.

 16   M. Moskowitz (interprétation). – Dans quel état physique vous

 17   trouviez-vous lorsque vous vous êtes arrêté à Barin Gaj pour regarder le

 18   village d'Ahmici d'en haut ? Est-ce que vous aviez mangé ?

 19   M. Ahmic (interprétation). – Non. C'était atroce, c'était à

 20   mourir. J'étais complètement perdu pendant ces instants. J'étais mort,

 21   comme on dit. A 70 %, j'étais mort quand j'ai jeté un coup d'œil sur le

 22   territoire d'Ahmici en bas et quand j'ai vu tout ce que j'ai vu, tout ce

 23   qui y a été fait. A ce moment-là, je me suis senti terriblement mal. Et

 24   c'est d'ici, voyez-vous, d'ici, que j'ai regardé en bas. C'est là que se

 25   trouve Barin Gaj ; là, il y a le plateau et c'est à partir de cet endroit


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  1   que j'ai vu tout ce qui se passait en bas. Quand j'ai vu tout cela, alors…

  2   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez placé le pointeur sur

  3   Barin Gaj ; est-ce qu'il y a une lettre ou un signe sur cette photo qui

  4   indique l'emplacement général de Barin Gaj ? Pourriez-vous lire à haute

  5   voix la lettre ou le signe qui est inscrit sur la photographie ?

  6   M. Ahmic (interprétation). –Eh bien, voilà, c'est cela. D'après

  7   moi, c'est cela. Ma

  8   maison est ici, la sortie de ma maison, tout droit là-haut entre la maison

  9   de Suad et de Redzib. Ensuite, j'ai suivi ce chemin, je suis sorti ici

 10   dans cette prairie parce que ce sont toutes des prairies, ici, vous

 11   voyez ? Avec une forêt à cet endroit.

 12   Quand je suis sorti ici, j'ai eu le sentiment que je m'étais

 13   sauvé, que j'étais sorti du piège du HVO, que j'étais hors de portée du

 14   HVO. Là, il y a la route qui relie Pirici au village d'Ahmici qui se

 15   trouve ici.

 16   Donc, par ce chemin, par cette route, je suis arrivé jusqu'à la

 17   maison de ma mère. Vous voyez, la maison de ma mère se trouve ici ; et là,

 18   il y a la maison de notre voisin, Hazim. A partir de là, à partir de la

 19   maison de ma mère, je suis ressorti et je suis passé à travers champs.

 20   Ici, il y a le village de Pirici ; tout cela, c'est le village de Pirici.

 21   Moi, j'ai continué à travers champs pour arriver au village de

 22   Vidovici. A partir de Vidovici, il y a ce chemin qui mène vers Barin Gaj.

 23   C'est là que je suis arrivé. Ça, c'est le chemin qui continue tout droit,

 24   qui traverse Barin Gaj ; mais moi, quand je suis arrivé à cet endroit-ci,

 25   je suis sorti dans cette clairière, dans cette prairie à droite qui me


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  1   donnait un panorama sur l'ensemble de la région.

  2   J'étais complètement abattu, j'étais complètement perdu quand

  3   j'ai vu tout cela, j'ai ensuite rebroussé chemin et je suis allé vers

  4   Vhrovine, là-haut et je suis arrivé à Vhrovine, où un jeune homme de mon

  5   village qui avait été expulsé m'a accueilli et ce matin-là, les soldats du

  6   HVO avaient pilonné Vhrovine et tous les habitants étaient debout sur la

  7   route, ils étaient sortis de leur maison.

  8   Quand je suis arrivé sur la route, cet homme s'est dégagé de la

  9   masse de population qui se trouvait-là, s'est approché de moi et m'a dit :

 10   "Sakib, mon Dieu, mais pourquoi est-ce que personne ne t'a fait un

 11   bandage ?" Et je lui ai répondu la vérité, je lui ai dit : "Vous êtes les

 12   premiers êtres humains que je vois, en bas, il n'y a pas âme qui vive."

 13   Et vraiment il m'a bandé une main, il m'a bandé l'autre main et

 14   m'a dit : "Nous avons

 15   deux autres blessés ici, vous êtes le troisième, il y a une voiture là-bas

 16   au carrefour, la voiture va arriver et on va vous transférer, vous trois,

 17   les blessés. On va vous emmener à l'hôpital de Zenica". Et c'est ce qui

 18   s'est passé. La voiture est arrivée, on nous a transférés à Zenica ; nous

 19   sommes arrivés jusqu'au village de Dobrijeno et ensuite, nous sommes

 20   descendus jusqu'à la ville de Mokosnjice, où nous attendait une ambulance

 21   qui nous a fait monter à bord. On nous a emmenés jusqu'à l'hôpital de

 22   Sovenice* ou Srebrenica, où on nous a accueillis.

 23   On nous a emmenés au service des urgences, où d'autres soins

 24   nous ont été dispensés. Et tout cela s'est passé, enfin mon entrée dans

 25   l'hôpital le 17 avril 1993, et je suis sorti de l'hôpital le 1er mai 1994.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Président, au vu de

  2   l'heure, est-ce que le moment est bien choisi pour faire une pause ?

  3   M. le Président (interprétation). - Absolument, une pause d'une

  4   demi-heure.

  5   L'audience, suspendue à 15 heures 35 est reprise à 16 heures

  6   M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, vous

  7   pouvez reprendre.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  9   Monsieur Ahmic, avant de nous interrompre, nous étions en train de parler

 10   de votre arrivée à l'hôpital et de votre sortie de l'hôpital ; dans quelle

 11   ville êtes-vous allé à l'hôpital ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - C'était à Zenica.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Et pourriez-vous nous dire

 14   combien de temps vous avez passé à l'hôpital ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je suis entré à l'hôpital le

 16   17 avril 1993 et j'en suis sorti le 1er mai 1994.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il y aurait un doute

 18   quant à la véracité

 19   de la date de votre sortie d'hôpital qui figure dans le rapport ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Effectivement, il y a eu une

 21   erreur : ils ont dit que j'avais quitté l'hôpital le 26, enfin c'est la

 22   date qui apparaît. Et puis, il y a également une erreur pour ce qui est du

 23   mois. Ce sont des erreurs, mais des erreurs mineures, disons, quelques

 24   jours de différence, au plus.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Et vous êtes resté dans le même


Page 1892

  1   hôpital pendant toute cette période de temps ou bien est-ce qu'à un moment

  2   de votre hospitalisation, vous avez été transféré ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne suis pas resté tout le

  4   temps dans le même hôpital, j'étais dans l'hôpital général de Busovaca et

  5   on m'a transféré à l'école de médecine parce qu'il y avait énormément de

  6   blessés qui arrivaient à l'hôpital ; tous les lits étaient occupés, il y

  7   avait des gens qui étaient allongés dans les couloirs et pour essayer de

  8   libérer quelques lits pour les blessés graves, ceux qui, dans une certaine

  9   mesure, s'étaient remis de leurs blessures étaient transférés à l'école de

 10   médecine ; c'est là qu'ils poursuivaient leur traitement, un traitement

 11   tout à fait similaire à celui reçu à l'hôpital.

 12   Nous étions toujours sous le même traitement, les radios, les

 13   examens du poumon... tout était semblable.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Dans la mesure où vous le

 15   pourrez, pourriez-vous nous expliquer exactement quel genre de soins vous

 16   avez reçus lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital général de Zenica ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas compris

 18   votre question. Ah! oui... Tout de suite, j'ai reçu les premiers soins,

 19   les soins d'urgence, et puis on m'a traité à l'hôpital.

 20   M. Moskowitz (interprétation). -  Et  pour ce qui est de vos

 21   brûlures, quel genre de soins avez-vous reçus ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Ils ont appliqué certaines

 23   pommades.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez pris des

 25   médicaments ?


Page 1893

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai pris des médicaments.

  2   J'ai également eu des piqûres, enfin j'ai eu toutes sortes de choses.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous souffriez à ce

  4   moment-là ? Et le cas échéant, quelle était l'intensité de la douleur que

  5   vous ressentiez ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - J'avais très mal. Au tout début,

  7   lorsqu'ils m'administraient les premiers soins, la douleur était plus

  8   intense encore qu'au moment même où j'avais reçu ces brûlures. La douleur

  9   était vraiment très vive. J'ai subi plusieurs examens cardiaques, j'étais

 10   sous suivi médical permanent, et notamment sous suivi cardiaque permanent.

 11   J'avais constamment une infirmière à mes côtés, jamais je n'ai été laissé

 12   seul à l'hôpital.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Cette douleur, combien de temps

 14   l'avez-vous ressentie ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je l'ai ressentie pendant une

 16   longue période. J'ai souffert pendant trois ou quatre mois. Le traitement

 17   était lent, il fallait beaucoup de temps pour que ces brûlures

 18   cicatrisent, mes doigts étaient complètement raidis, je ne pouvais pas du

 19   tout bouger ces doigts, toute la peau que vous voyez sur mes mains, c'est

 20   de la nouvelle peau, si je puis dire, ce sont des greffes. J'avais perdu

 21   mes ongles, la peau, tout, et puis il y avait pénurie de médicaments.

 22   J'avais un ami à Zenica et il a réussi à trouver de l'huile de

 23   lys ; c'est une huile particulière qui a été utilisée dans des massages de

 24   mains. J'ai massé mes doigts avec cette huile ; il n'y a que ce doigt qui

 25   reste irrémédiablement raide. Voyez, je n'ai plus aucune force dans ce


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  1   doigt, je ne peux plus le bouger, il est raide, il est mort. Pour ce qui

  2   est de mes autres doigts, il n'y a pas de problèmes aujourd'hui.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Et pour ce qui est de votre

  4   visage, avez-vous reçu des blessures au visage et, le cas échéant, est-ce

  5   que vous avez été traité ? Est-ce que vous avez reçu des soins ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - J'ai également été gravement brûlé

  7   au visage. Oui j'ai reçu des soins, des soins semblables à ceux que je

  8   viens de décrire, pommades, des aérosols, et ça permettait d'empêcher

  9   l'infection, mais la douleur était tout de même extrêmement vive. C'est

 10   difficile de décrire ces choses-là.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Au cours de la période de temps

 12   que vous avez passée à l'hôpital, vous rappelez-vous avoir fait deux

 13   déclarations recueillies par des enquêteurs ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez tout

 16   raconté à ces enquêteurs ? Est-ce que vous avez expliqué tout ce qui

 17   s'était passé dans votre maison ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - Quelles sont les choses que

 20   vous ne leur avez pas dites ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Vous me demandez ce que je ne leur

 22   ai pas dit ou pourquoi je ne le leur ai pas dit ?

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demande ce que vous ne

 24   leur avez pas dit.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, tout d'abord, dans cette


Page 1895

  1   déclaration, je n'ai pas osé donner les noms des meurtriers de mes

  2   enfants. Je n'ai pas donné le nom de Zoran Kupreskic ni celui de

  3   Mirjan Kupreskic, ils n'apparaissent pas dans cette déclaration.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi n'avez-vous pas osé

  5   nommer les meurtriers de vos enfants ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Si je ne les ai pas nommés, c'est

  7   parce que c'était toujours la guerre en Bosnie-Herzégovine et à l'époque,

  8   je ne pouvais pas savoir quelle allait en être l'issue. Je ne savais pas

  9   quand ou comment elle allait s'arrêter, et c'est pour cela que je n'ai pas

 10   eu le courage de nommer qui que ce soit, à ce moment-là.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Dans des déclarations

 12   ultérieures, vous avez donné les noms de Zoran et de Mirjan Kupreskic et

 13   vous avez dit qu'ils avaient tué les membres de votre famille ; pourquoi

 14   avez-vous choisi de les nommer ultérieurement ? Que s'est-il passé entre

 15   ces deux déclarations ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - J'ai pris une décision. J'ai

 17   réfléchi et j'ai pris une décision. Je me suis dit : "Pourquoi protéger

 18   les personnes qui ont tué les êtres qui m'étaient le plus cher ? Ils ont

 19   perpétré un massacre, ils ont commis des actes monstrueux, de quoi aurais-

 20   je peur ? Est-ce que j'ai peur de dire la vérité ? Moi, je n'ai peur de

 21   personne désormais. Et je n'aurai jamais plus peur de qui que ce soit.

 22   Tous ceux qui ont commis ces actes, eh bien, que ce soient eux qui aient

 23   peur : ce sont eux les criminels. Moi, je ne suis pas un criminel. Que eux

 24   aient peur ! "

 25   Ça, c'est une des premières raisons. Et puis la deuxième chose,


Page 1896

  1   c'est que je veux la vérité, je veux toujours dire la vérité. D'après moi,

  2   chacun des êtres humains qui vit sur cette terre commet des actes et doit

  3   subir les conséquences de ces actes ; si moi, je travaille pour une

  4   entreprise pendant un mois, l'entreprise doit me payer pour les services

  5   que je lui rends, pour le travail que j'ai effectué.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, nous allons

  7   maintenant diffuser une séquence vidéo assez brève.

  8   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Cette séquence est brève ; nous

 10   allons donc la diffuser. Ensuite, je vous demanderai de faire un certain

 11   nombre de commentaires sur cette séquence, mais, pour le moment, je

 12   demanderai simplement que ces images soient diffusées, s'il vous plaît.

 13   (Diffusion de la séquence vidéo).

 14   M. le Président (interprétation). - Excusez-moi,

 15   Maître Moskowitz, mais Me Radovic souhaite prendre la parole.

 16   M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Procureur pourrait-il

 17   nous dire quand ces images ont été filmées et diffusées ? Parce

 18   qu'apparemment, elles font partie d'une émission télévisée ?

 19   M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz ?

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Eh bien, je vais demander au

 21   témoin s'il se souvient des circonstances dans lesquelles ces images ont

 22   été filmées.

 23   Monsieur, est-ce que c'est vous qui êtes sur ces images ?

 24   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 25   M. Moskowitz (interprétation). – Vous souvenez-vous où ces


Page 1897

  1   images ont été filmées et dans quel cadre cet entretien a eu lieu ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Ces images ont été filmées à

  3   Zenica, dans l'hôpital. Je crois que ça s'est passé le 18 ou le 19 avril,

  4   je n'en suis pas absolument certain. Mais ça a été filmé juste après les

  5   événements. C'est donc un de ces deux jours.

  6   M. Radovic (interprétation). – Encore une question : quelle est

  7   la chaîne de télévision qui a filmé ces images ?

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, pouvez-vous

  9   nous dire quelle équipe de télévision a filmé ces images ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – Je crois que c'étaient les équipes

 11   de Radio Zenica.

 12   M. Moskowitz (interprétation). – Nous voyons sur ces images que

 13   vous étiez blessé.

 14   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 15   M. Moskowitz (interprétation). – Si vous vous en souvenez,

 16   pourriez-vous nous dire comment vous vous sentiez, ce jour-là, lorsque

 17   vous avez donné cet entretien ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – J'étais dans un état déplorable :

 19   je ne me sentais pas bien du tout. C'est difficile de décrire l'état dans

 20   lequel je me trouvais. J'étais bouleversé, perdu ; j'avais tout perdu...

 21   Et aujourd'hui encore, je me sens très mal. Et, à l'époque, j'étais malade

 22   et j'étais en état de choc. Cet état a duré pendant des jours et des

 23   jours. J'avais perdu tout ce et tous ceux qui m'étaient cher. Vous pouvez

 24   imaginer l'état dans lequel je me trouvais.

 25   M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz, pardon de


Page 1898

  1   vous interrompre. Je suppose que vous allez fournir une retranscription de

  2   cette cassette vidéo aux Juges.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Absolument, Monsieur le

  4   Président. Nous disposons d'une retranscription de ces images et de la

  5   teneur de l'entretien.

  6   Monsieur le Président, il se peut que ces documents aient déjà

  7   été communiqués aux juges de la Chambre et aux conseils de la défense,

  8   mais si jamais ça n'avait pas été le cas, nous serions ravis de vous en

  9   fournir un exemplaire supplémentaire. Pour parer à toute éventualité, nous

 10   allons vous remettre un exemplaire de ce document, Monsieur le Président.

 11   Bien. Monsieur Ahmic, au moment où ces images ont été filmées,

 12   aviez-vous déjà décidé de révéler les noms des meurtriers des membres de

 13   votre famille ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – A l'époque où ces images ont été

 15   filmées, je ne sais plus ce que j'avais en tête. J'étais sans doute encore

 16   indécis sur ce point ; sans doute, ne savais-je pas encore si j'allais ou

 17   pas donner le nom de ces personnes.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez précisé tout à

 19   l'heure que c'était la guerre ; pendant toute la période durant laquelle

 20   la guerre a duré, est-ce que vous saviez qui allait gagner cette guerre ?

 21   M. Ahmic (interprétation). – Non.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Vous trouviez-vous dans

 23   l'hôpital de Zenica au moment où cette ville a été pilonnée ?

 24   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 25   M. Moskowitz (interprétation). – Au moment où vous avez accordé


Page 1899

  1   cet entretien, est-ce que vous saviez où se trouvaient les autres membres

  2   de votre famille ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne le savais pas. Je ne

  4   savais pas où ils se trouvaient.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous avez réussi à

  6   savoir ce qu'il était advenu des cadavres des membres de votre famille,

  7   tous ces corps qui se trouvaient dans votre maison ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – Oui. On m'a informé de ce qui

  9   s'était passé. Ils sont venus à l'hôpital et ils m'ont dit ce qu'il était

 10   advenu de tous les corps des personnes qui se trouvaient chez moi. Ils ont

 11   dit que chaque cadavre avait été placé dans un cercueil.

 12   Ils ont précisé qu'un prêtre musulman, un hodza, était venu pour

 13   accomplir le rituel des funérailles et ils ont dit que mon souhait avait

 14   été respecté, souhait quant au lieu où je voulais que mes enfants soient

 15   enterrés. Moi, j'ai précisé qu'il y avait des cimetières à Ahmici, mais

 16   qui n'étaient pas accessibles à l'époque. Mais je leur ai toutefois

 17   demandé de voir s'il était possible d'enterrer les membres de ma famille à

 18   Stari Vitez. Et j'ai demandé si c'était possible que mes enfants soient

 19   enterrés à Stari Vitez, mais j'ai également précisé que s'il n'était pas

 20   possible de les enterrer à Stari Vitez, je souhaitais qu'ils soient

 21   emmenés à Zenica.

 22   J'ai aussi ajouté que, si mes enfants devaient être enterrés à

 23   Zenica, il convenait qu'ils viennent me chercher pour que je sois présent

 24   lors de ces funérailles. Mais personne n'est revenu me voir. J'ai entendu

 25   dire qu'ils avaient été enterrés à Stari Vitez. Voilà ce qui s'est passé.


Page 1900

  1   M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous le nom de la

  2   personne avec laquelle vous avez discuté de ce problème de l'enterrement

  3   des membres de votre famille ?

  4   M. Ahmic (interprétation). – Je crois que c'était M. Thomas.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Quel était le numéro que

  6   portait votre maison en 93 ?

  7   M. Ahmic (interprétation). -  Elle portait le N °5.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur l'huissier s'il vous

  9   plaît, pourriez vous faire passer ce document au témoin s'il vous plaît ?

 10   (L'huissier s'exécute.)

 11   Mme le Greffier (interprétation). - La pièce de

 12   l'accusation 158, la cassette vidéo a été marquée pièce de

 13   l'accusation 157.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic pourriez-vous

 15   observer la pièce à conviction n °158 et identifier la personne qui est

 16   représentée ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - C'est mon fils Naser. (Il pleure.)

 18   Excusez-moi s'il vous plaît ... Veuillez m'excuser.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

 20   qu'il serait bon que nous suspendions nos travaux quelques instants.

 21   M. le Président (interprétation). - Nous prenons une pause de

 22   10 minutes.

 23   La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 40.

 24   M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, la Chambre

 25   est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de soumettre toutes ces photos au


Page 1901

  1   témoin. Ses proches ont été tués, c'est un fait qui ne pose absolument pas

  2   problème, il n'y a pas litige sur ce point et je ne vois absolument pas

  3   pourquoi il faudrait faire subir cette épreuve particulièrement atroce au

  4   témoin. Donc je pense qu'il serait bon que nous avancions et que nous

  5   passions à autre chose.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Mais, Monsieur le Président, le

  7   témoin m'a lui-même demandé à ce que les photos de son fils soient

  8   montrées. Mais nous n'avons pas d'autres photos à soumettre au témoin.

  9   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, est-ce que vous

 11   vous sentez à même de continuer à répondre à mes questions pendant encore

 12   quelque temps ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien je vais essayer.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Je n'ai plus que deux ou trois

 15   questions à vous poser. Monsieur le Président, ce sont des questions

 16   extrêmement délicates.

 17   M. le Président (interprétation). - Fort bien.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, veuillez

 19   regarder autour de vous et dites-nous si vous pouvez voir dans ce prétoire

 20   Zoran Kupreskic.

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux l'identifier.

 22   Zoran Kupreskic est l'homme qui se trouve à l'extrême-droite du banc des

 23   accusés.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Au premier rang ou au deuxième

 25   rang ?


Page 1902

  1   M. Ahmic (interprétation). - Au premier rang.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Le compte rendu peut-il faire

  3   état du fait que le témoin a identifié Zoran Kupreskic ?

  4   Monsieur Ahmic, pouvez-vous maintenant nous dire si vous voyez

  5   dans ce prétoire Mirjan Kupreskic ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je le vois. Mirjan Kupreskic

  7   est l'homme qui est assis à côté de Zoran.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Le compte rendu peut-il faire

  9   état du fait que le témoin a identifié Mirjan Kupreskic ?

 10   Est-ce que ces deux personnes sont bien les deux hommes qui se

 11   trouvaient dans

 12   votre maison le 16 avril 1993, lorsque les membres de votre famille ont

 13   été tués sous vos yeux ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 15   M. le Président (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vous en

 16   prie, reprenez votre siège.

 17   M. Ahmic (interprétation). - Je vous remercie.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, regardez autour

 19   de vous et dites-nous si vous pouvez voir Vlatko Kupreskic.

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je le vois.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Où est-il assis ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Il est assis sur la gauche, il est

 23   assis à gauche de Zoran et de Mirjan. C'est Vlatko Kupreskic.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - De quelle couleur sont les

 25   vêtements qu'il porte, s'il vous plaît ?


Page 1903

  1   M. Ahmic (interprétation). - Vlatko porte une chemise blanche et

  2   une cravate sombre... une cravate bleue.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Le compte rendu fera état du

  4   fait que le témoin a identifié Vlatko Kupreskic.

  5   Monsieur le Président, je n'ai plus de questions à poser au

  6   témoin, je souhaite simplement demander le versement au dossier des pièces

  7   que nous avons présentées.

  8   Mme le Greffier. - Pièces 450 à 458.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Madame Fauveau. Oui, il

 10   s'agit bien de ces pièces, Monsieur le Président. Je remarque qu'il nous

 11   reste un petit peu de temps, mais le témoin vient d'être soumis à une

 12   épreuve particulièrement épuisante et je me demande s'il est prêt à être

 13   soumis à un contre-interrogatoire. Il est évident que les contre-

 14   interrogatoires ne pourront pas être menées à bien aujourd'hui. Il faudra

 15   sans doute les reprendre à la reprise de nos travaux. Je

 16   crois que M. Ahmic est épuisé mais je ne sais pas, Monsieur le Président

 17   qu'en pensez-vous ?

 18   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie

 19   M. Moskowitz, je vais commencer par me tourner vers les conseils de la

 20   défense, et notamment les conseils de la défense de Zoran et Mirjan

 21   Kupreskic.

 22   Messieurs, souhaitez-vous contre-interroger le témoin

 23   aujourd'hui ?

 24   M Radovic, je vous vois faire "non" de la tête ?

 25   M. Radovic (interprétation). - Non, parce que, lorsqu'il a été


Page 1904

  1   question du fait que M. Sakib Ahmic serait entendu avant le témoin qui

  2   était prévu, nous nous sommes entendus, et vous l'avez dit vous-même

  3   d'ailleurs également, qu'il n'y aurait pas de contre-interrogatoire

  4   aujourd'hui de notre part. Donc, nous vous prions d'en rester à cette

  5   décision. Et puis, j'aimerais ajouter quelques mots.

  6   Je vois que des identifications d'accusés se produisent dans ce

  7   prétoire. Or, selon les règles, un accusé est identifié uniquement lorsque

  8   le fait qu'un témoin connaît ou ne connaît pas un accusé ou un autre

  9   témoin fait l'objet de contestation. Or, ici, il ne fait l'objet

 10   d'absolument aucune contestation que le témoin connaisse les accusés,

 11   puisqu'ils habitaient dans des maisons voisines. Donc je ne vois

 12   absolument aucune raison, dans des cas comme celui-ci, lorsqu'il n'y a

 13   aucune contestation de l'identification de l'accusé par le témoin, qu'il

 14   soit procédé une telle identification au prétoire. Je vous remercie.

 15   M. le Président (interprétation). - La question n'est pas de

 16   savoir si le témoin les a identifiés en tant que voisins, la question est

 17   de savoir s'il les a identifiés bel et bien en tant que les personnes qui

 18   ont tué ses proches.

 19   Maître Pavkovic, quelle est votre position ?

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, si vous

 21   avez l'intention que nous poursuivions nos débats et pour autant que le

 22   témoin soit capable d'accepter un contre-interrogatoire, notre confrère

 23   Me Krajina a annoncé qu'il aurait deux questions à poser au témoin qui,

 24   selon lui, sont des questions sans difficulté. Donc, si tout cela est

 25   accepté, je pourrais le faire savoir à mon confrère, Me  Krajina.


Page 1905

  1   Je vous remercie.

  2   M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Pavkovic. Je

  3   me tourne maintenant vers M. Ahmic.

  4   Monsieur Ahmic, souhaitez-vous que nous interrompions nos

  5   travaux maintenant ? Souhaitez-vous rentrer chez vous à ce stade ? Vous

  6   sentez-vous épuisé ou est-ce que vous vous sentez capable de continuer un

  7   petit peu plus longtemps, auquel cas l'un des conseils de la défense de

  8   l'un des accusés vous posera une ou deux questions ?

  9   Mais, si vous êtes fatigué, faites-le-nous savoir, vous serez

 10   autorisé à vous retirer dès à présent.

 11   M. Ahmic (interprétation). - Franchement et honnêtement, je ne

 12   suis pas fatigué, je suis épuisé, tout à fait à bout de forces. Et je

 13   n'aurai pas la force de poursuivre le travail aujourd'hui.

 14   M. le Président (interprétation). - C’est entendu, Monsieur,

 15   vous pouvez vous retirer dès à présent du prétoire. Nous allons, quant à

 16   nous, aborder quelques questions de procédure.

 17   Monsieur Ahmic, vous reviendrez devant ce Tribunal au moment où

 18   nous reprendrons nos travaux.

 19   Je vous remercie.

 20   M. Ahmic (interprétation). – Merci, à vous aussi.

 21   (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience).

 22   M. le Président (interprétation). – Bien. Nous pourrions peut-

 23   être discuter de quelques questions qui ont un rapport direct avec notre

 24   procès. D'abord, la question du témoin n °6, la femme dont il a été

 25   question ce matin. Notre proposition est la suivante : nous demanderons au


Page 1906

  1   médecin de La Haye de nous fournir les comptes rendus médicaux qui seront

  2   rédigés après le bilan médical de cette personne. Je crois comprendre que

  3   vous avez déjà vu ces comptes rendus puisqu'ils ont été diffusés dans

  4   l'après-midi. Le bilan médical a été réalisé à l'heure du déjeuner. Je

  5   suppose que, lundi, nous aurons les comptes rendus détaillés des médecins.

  6   Entre-temps, cette femme sera autorisée à partir. J'ai cru

  7   comprendre qu'elle désirait vivement retourner chez elle, mais, au vu de

  8   ce qui figurera dans ces comptes rendus médicaux, nous déciderons de ce

  9   qu'il convient de faire. Mais notre intention consiste à la rappeler pour

 10   qu'elle dépose devant ce Tribunal. Nous agissons sur le fondement de

 11   l'article 99. Ou est-ce l'article 98 ? Donc, sur le fondement de

 12   l'article 98 qu'ils convient de lire en conformité, en même temps que

 13   l'article 89. Sur la base de ces deux articles, nous avons l'intention de

 14   rappeler ce témoin. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires -à part

 15   bien entendu l'exercice d'une coercition à l'encontre de ce témoin- pour

 16   qu'elle puisse revenir à La Haye, si elle se sent mieux. Car j'ai cru

 17   comprendre qu'elle se verrait dispenser des soins psychologiques à son

 18   retour chez elle et la division d'aide aux témoins et des victimes lui

 19   fournira toute l'aide nécessaire pendant son séjour à La Haye.

 20   Donc, dans ces conditions, je pense qu'il conviendrait qu'elle

 21   témoigne, un ou deux jours au plus tard après son retour à La Haye, car ,

 22   d'après ce que nous ont dit les personnes qui travaillent pour la division

 23   de Protection des victimes et des témoins, nous avons compris que passer

 24   plusieurs jours à La Haye est toujours une épreuve difficile pour les

 25   témoins. Donc les choses sont difficiles. Autrement dit, dès qu'elle


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  1   arrive à La Haye, le plus tôt possible après son arrivée, il conviendrait

  2   qu'elle soit entendue à la barre des témoins.

  3   C'est donc une question qui est encore à régler. Quant aux

  4   autres témoins de l'accusation, je voudrais savoir si le Procureur est en

  5   mesure de fournir aux conseils de la partie adverse et aux Juges une liste

  6   des témoins qui seront cités dès la reprise de nos débats ; une liste dans

  7   l'ordre de comparution des témoins.

  8   Et puis, je voudrais savoir également si, à ce stade de nos

  9   travaux, les représentants du Procureur peuvent nous donner une idée

 10   globale du nombre total de témoins qu'ils ont l'intention d citer, de

 11   façon que nous puissions planifier un peu notre travail en vue d'un

 12   achèvement à la mi-octobre. C'est du moins ce que nous espérons.

 13   A cet égard, nous avons le sentiment aujourd'hui qu'il nous faut

 14   revenir à notre horaire ancien. Nous ne pouvons pas continuer à travailler

 15   quatre heures quinze l'après-midi. Il va nous falloir revenir à l'horaire

 16   qui nous permet de travailler cinq heures dans la journée. Donc, lorsque

 17   nous reprendrons nos travaux, le 15 septembre, nous siégerons de

 18   9 heures 30 à 12 heures 30, le matin, et de 14 heures à 17 heures,

 19   l'après-midi. Sans audience le vendredi après-midi, mais dans certains

 20   cas, si cela s'avère nécessaire, il nous faudra reprendre des horaires

 21   plus longs, comme cela a été le cas hier et aujourd'hui. Enfin, pour le

 22   moment, nous reprenons les horaires classiques, car les horaires appliqués

 23   ces derniers jours sont un petit peu difficiles pour tout le monde.

 24   J'aimerais savoir maintenant si les représentants du Procureur

 25   ont des informations à nous fournir. Maître Terrier ?


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  1   M. Terrier. – Monsieur le Président, sur la première question

  2   que vous avez posée, avons-nous un ordre d'apparition des témoins pour la

  3   semaine du 15 septembre, nous avions effectivement préparé un certain

  4   nombre de noms de témoins. Je pense que, compte tenu du fait que l'examen

  5   contradictoire de M. Sakib Ahmic va prendre certainement, je pense,

  6   plusieurs heures d'audience, il nous faut revoir cette heure d'apparition

  7   des témoins. Peut-être que, dans les premiers jours de la semaine

  8   prochaine, nous pourrions faxer aux défenseurs, bien entendu,

  9   et remettre à votre Tribunal une liste de témoins revue et corrigée, si je

 10   puis dire.

 11   Pour ce qui concerne la suite de nos audiences et des preuves de

 12   l'accusation, jusqu'à cette échéance du mois d'octobre, nous comptions

 13   effectivement nous entretenir, en début de semaine prochaine, faire le

 14   point sur ces trois semaines d'audience et préparer les semaines à venir.

 15   Je pense que l'on pourrait remettre à votre Tribunal, dans le courant de

 16   la semaine prochaine, un état prévisionnel, si je puis dire, du nombre des

 17   témoins.

 18   Je précise simplement que les échéances qui nous préoccupent

 19   sont les mêmes que les vôtres. Nous essayerons effectivement d'apporter

 20   les preuves de l'accusation dans les délais que souhaite le Tribunal.

 21   M. le Président (interprétation). - Parfait. Merci.

 22   Quand pensez-vous que vous pourriez nous remettre la

 23   transcription de la cassette vidéo ? Elle est sans doute prête ? Elle est

 24   prête, n'est-ce pas. Donc, si nous pouvions l'obtenir cet après-midi, ce

 25   serait bien.


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  1   Je dois des excuses au Procureur. Effectivement, maintenant que

  2   je vois cette liste, je me rends compte que ce document a dû se trouver

  3   dans mes documents personnels. Et la défense en a également un exemplaire,

  4   c'est-à-dire l'original de la transcription en croate.

  5   Y a-t-il d'autres questions ?

  6   Maître Terrier ?

  7   M. Terrier. - Une question presque de droit et de procédure :

  8   nous envisageons, la semaine du 15 septembre au 18 septembre, de citer

  9   comme témoins des officiers de police néerlandais, qui nous ont

 10   accompagnés en Bosnie pour certaines opérations de reconstitution et

 11   d'examen de la scène du crime. La défense est informée, bien entendu, de

 12   cette situation et a à sa disposition le rapport déposé par ces officiers

 13   de police. Nous les citons –que cela soit bien clair- comme témoins de

 14   faits ; et ils seront donc soumis aux contre-interrogatoires.

 15   Nous avons révélé, communiqué à la défense leurs noms et la

 16   matière, la substance

 17   de leurs témoignages le 20 août 1998 ; ce qui fait que, à quelques jours

 18   près pour ce qui concerne la règle que vous avez édictée des 30 jours, le

 19   délai ne sera pas écoulé. Néanmoins, il s'agit de si peu de jours, 3 ou

 20   4 jours je crois, que je me demandais si, sur la base de la règle 127 je

 21   crois, votre Tribunal ne pouvait pas nous accorder une réduction de ce

 22   délai. Encore que nous ne sommes même pas certains qu'ils pourront

 23   absolument témoigner la semaine prochaine, compte tenu des échéances.

 24   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Radovic ?

 25   M. Radovic (interprétation). - Eu égard à la cassette vidéo qui


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  1   a été diffusée aujourd'hui, nous avons une objection à élever. En effet,

  2   cette cassette vidéo montre une partie de la conversation qu'a eue

  3   Sakib Ahmic avec un journaliste ou une autre personne ; chaque fois que

  4   des images vidéos sont diffusées ou montrées, nous éprouvons des

  5   difficultés à savoir si, sur ces images vidéo, figurent bien la totalité

  6   des propos tenus par Sakib Ahmic.

  7   Nous avons quelques renseignements au sujet de cette émission,

  8   nous avons également tenté de nous procurer cette cassette vidéo,

  9   malheureusement, nous n'y sommes pas parvenus, mais nous constatons que le

 10   Procureur, lui, a réussi à se procurer cette cassette vidéo.

 11   Donc nous prions la Chambre de première instance de demander au

 12   Procureur de nous montrer la totalité de l'émission, en tout cas toutes

 13   les images qui montrent Sakib Ahmic, ce qui nous permettra de voir si,

 14   dans cette partie de l'émission que nous avons vue aujourd'hui, nous avons

 15   entendu tout ce qu'a dit Sakib Ahmic au moment de son séjour à l'hôpital

 16   ou si, simplement, certaines images qui conviennent à l'accusation ont été

 17   isolées du contexte.

 18   Nous avons quelques doutes quant au fait que la totalité des

 19   dires de M. Sakib Ahmic n'a pas été entendue aujourd'hui. Je n'entrerai

 20   pas dans les détails.

 21   M. le Président (interprétation). - Maître Radovic, votre

 22   demande est tout à fait raisonnable, me semble-t-il. J'aimerais donc

 23   savoir si le Procureur, M. Moskowitz, peut nous fournir la totalité de la

 24   cassette vidéo.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Je ne sais pas si nous avons


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  1   une autre cassette vidéo en notre possession, mais je vais m'engager dans

  2   des recherches pour savoir si, quelque part dans le bâtiment, il existe

  3   une cassette vidéo plus longue.

  4   Cela étant, pour le moment, je crois savoir que c'est la seule

  5   cassette vidéo que nous ayons à notre disposition. Je sais qu'il y a

  6   d'autres personnes qui sont interviewées sur cette cassette vidéo, mais je

  7   n'ai pas connaissance du fait que l'interview de M. Sakib Ahmic ait pu

  8   être plus longue. Mais je vérifierai.

  9   M. le Président (interprétation). - Mais le témoin, semble-t-il,

 10   nous a dit que c'est la télévision de Zenica qui a réalisé cette interview

 11   donc vous pourriez, sans doute, demander à la société de télévision de

 12   Zenica de vous fournir une copie de la totalité de l'interview parce que

 13   je pense que Me Radovic a tout à fait raison sur ce point.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Oui, très bien.

 15   M. le Président (interprétation). - Maître Terrier, vous avez

 16   évoqué la question de ce que nous pensons être des témoins experts. En

 17   tout cas, le Procureur, si j'ai bien compris, souhaite que ces témoins

 18   soient appelés en tant que témoins de fait et il a été question de

 19   renoncer au délai de 30 jours ; c’est le nouveau délai, je crois, qui a

 20   été fixé eu égard, aux témoins experts.

 21   Vous rappelez-vous le nombre exact de jours ?... Oui, c'est

 22   30 jours, 30 jours. Donc si vous ne renoncez pas à ce droit, le témoin

 23   peut être cité un peu plus tard.

 24   Maître Pavkovic, êtes-vous en mesure de nous donner votre avis ?

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai


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  1   l'impression que la défense accepterait l'audition de témoins experts, y

  2   compris à l'intérieur de ce délai. Il n'est donc pas nécessaire d'attendre

  3   l'écoulement des 30 jours à partir de la date à laquelle nous avons été

  4   informés de l'identité de ces témoins et du contenu de leur déclaration

  5   préalable.

  6   M. le Président (interprétation). - D'autant plus que

  7   l'article 94 bis, me semble-t-il,

  8   du Règlement ne s'applique pas. Vous n'avez pas l'intention de les citer

  9   en tant que témoins experts. Ce seront des témoins de fait. Donc les

 10   règles normales de communication des déclarations préalables de témoins de

 11   fait s'appliquent et, selon ces règles, je pense que le délai est

 12   respecté.

 13   M. Terrier. - Tout à fait, Monsieur, c'est aux lignes

 14   directrices de ce Tribunal que je me réfère, et ces lignes directrices

 15   prévoient un délai de 30 jours entre la communication du nom d'un témoin

 16   et sa comparution à l'audience.

 17   Ce délai de 30 jours n'est pas tout à fait écoulé puisque ne se

 18   seront écoulés seulement 25 ou 26 jours, peut-être 27. C'est le seul

 19   problème que je soulève.

 20   M. le Président (interprétation). - Suis-je donc en droit de

 21   comprendre, Maître Pavkovic, que vous n'allez élever aucune objection par

 22   rapport au fait que le Procureur pourrait citer ces témoins deux ou trois

 23   jours avant l'expiration du délai de 30 jours ?

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Vous avez raison, c'est tout à

 25   fait cela, Monsieur le Président, nous ne nous opposons pas à ce que les


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  1   témoins soient cités, entendus avant l'expiration de ce délai. Merci.

  2   M. le Président (interprétation). - Merci. Y a-t-il d'autres

  3   questions à discuter ? Maître Moskowitz ?

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, en

  5   quelques mots, si vous me le permettez, j'aimerais que le compte rendu

  6   soit tout à fait clair au sujet de cette cassette vidéo.

  7   La cassette vidéo que nous avons diffusée aujourd'hui a été

  8   montrée aux conseils de la défense il y a une semaine, si je ne m'abuse,

  9   vendredi dernier, donc le conseil de la défense était tout à fait courant

 10   de la cassette vidéo que nous avions en notre possession et c'est

 11   seulement à l'instant que les conseils de la défense font état de

 12   l'existence éventuelle d'une cassette-vidéo plus longue, donc nous

 13   exprimons d'abord notre surprise quant au fait que cet argument n'ai pas

 14   été avancé plus tôt car si cela avait été le cas, nous aurions mené notre

 15   recherche et s'il existait une cassette plus longue, elle aurait été

 16   diffusée.

 17   M. le Président (interprétation). - Oui mais les conseils de la

 18   défense sont en droit d'élever leurs objections à n'importe quel moment,

 19   et c'est probablement après avoir vu les images de cette cassette qu'ils

 20   se sont rendu compte que la section, la séquence était courte et que

 21   l'interview était sans doute beaucoup plus longue.

 22   Donc, les conseils de la défense sont tout à fait habilités à

 23   demander s'il existe une interview plus longue. Ils ont élevé leur

 24   objection aujourd'hui, c'est tout à fait normal me semble-t-il. Donc, je

 25   vous demanderai de vérifier et particulièrement à Zenica. Je pense que


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  1   vous pourriez demander à la télévision de Zenica s'il en existe une plus

  2   longue de vous la fournir. Dans l'idéal, nous devrions avoir l'original.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - J'ai parlé avec eux cet après-

  4   midi, je les recontacterai pour avoir l'original.

  5   M. le Président (interprétation). - Oui, oui, l'original si

  6   possible comme je viens de le dire, sinon une copie certifiée par les

  7   personnes responsables à Zenica, et si possible une séquence qui montre la

  8   totalité de l'interview. Merci.

  9   Maître Radovic ?

 10   M. Radovic (interprétation). - Pendant la guerre, il y avait une

 11   station de télévision qui s'appelait "Zeta" ; aujourd'hui elle fait partie

 12   de la télévision de Bosnie-Herzégovine donc, peut-être conviendrait-il de

 13   s'adresser non seulement à Zenica où il existe aujourd'hui un service

 14   secondaire, mais également à Sarajevo. Mais nous serions très heureux s'il

 15   était possible de montrer la totalité de l'émission en question à la

 16   Chambre de Première Instance, ce qui nous permettrait d'éviter de faire

 17   venir un certain nombre de témoins qui ont vu cette émission et la

 18   connaissent de longue date.

 19   M. le Président (interprétation). - Oui, c'est exactement ce que

 20   j'avais à l'esprit,

 21   essayer d'avoir la cassette vidéo qui montre la totalité de l'émission, et

 22   je suis d'accord avec Me Radovic, l'original ou une cassette de cette

 23   casquette vidéo se trouve peut-être aujourd'hui à Sarajevo, donc je me

 24   demandais si le Procureur pourrait poursuivre ses recherches et enquêter

 25   également à Sarajevo.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Je demanderai aux enquêteurs de

  2   faire ce que vous venez de dire.

  3   M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres questions

  4   à évoquer ?

  5   Si tel n'est pas le cas, avant de suspendre l'audience

  6   j'aimerais saisir l'occasion qui m'est donnée pour remercier les

  7   interprètes. Vous ne savez sans doute pas que les interprètes qui, comme

  8   chacun le sait ici, sont d'excellents interprètes, sont venus me voir hier

  9   pour me demander s'il était possible de bénéficier d'une pose un peu plus

 10   longue car normalement, ils travaillent une heure et demie d'affilée, et

 11   bénéficient d'une pause ensuite, et j'ai insisté en leur disant qu'il

 12   fallait travailler deux heures d'affilée sans aucune pose. Ils ont

 13   accepté, ils ont donc manifesté une grande sympathie, et je tiens beaucoup

 14   à les remercier pour leur compréhension.

 15   L'interprète. - Les interprètes remercient le Président pour ces

 16   propos tout à fait aimables.

 17   M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas d'autres

 18   question à évoquer, donc nous reprendrons nos travaux mardi 15 septembre à

 19   9 heures et demie précises.

 20   La séance est levée à 17 heures 08.

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