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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Vendredi 4 Septembre 1998
4 L'audience est ouverte à 9 heures 35.
5 Mme le Greffier (interprétation). – L'affaire n° IT-95-16-T : le
6 Procureur du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko
7 Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic, alias Vlado.
8 M. le Président (interprétation). – Merci. Bonjour.
9 Avant de commencer, je voudrais me tourner vers M. Zoran
10 Kupreskic. Je voudrais vous demander de vous lever et de nous dire si vous
11 avez eu la possibilité hier d'avoir une heure d'air pur dans l'unité de
12 détention pénitentiaire.
13 M. Zoran Kupreskic (interprétation). – Oui, Monsieur le
14 Président. Nous avons eu cette occasion et je vous en remercie.
15 M. le Président (interprétation). – Merci. Vous pouvez vous
16 asseoir. Je suis très heureux qu'on ait donné suite à notre demande, car
17 c'est un droit fondamental des détenus, principalement en cours de procès.
18 Mais l'on m'avait fait savoir, hier, qu'il y avait des réparations en
19 cours et que cela était très difficile. C'est pourquoi, publiquement, je
20 voudrais exprimer les remerciements, au nom de la Chambre, de M. Hubke et
21 Kriste Rude, l'un étant le commandant et l'autre un juriste du Greffe, qui
22 ont rendu possible cette heure d'air frais dans la grande cour, hier. Je
23 voudrais les en remercier. La même chose devra être faite ce soir ; c'est
24 un droit fondamental, comme je l'ai déjà dit.
25 Ce n'est pas un privilège ni une concession mais, parfois, il
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1 n'est pas possible de respecter un droit fondamental pour des raisons
2 diverses. Je remercie Me Radovic d'avoir
3 soulevé cette question. Nous allons maintenant poursuivre.
4 Je me tourne vers le Bureau du Procureur.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le
6 Président. Avant d'entendre le prochain témoin, je souhaiterais informer
7 la Chambre sur les derniers développements concernant un témoin et
8 j'aimerais le faire en audience à huis clos, si cela est possible,
9 Monsieur le Président.
10 L'audience se poursuit à huis clos.
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20 M. le Président (interprétation). - Séance publique ?
21 M. Moskowitz (interprétation). - Séance publique,
22 Monsieur le Président.
23 M. le Président (interprétation). - Bonjour,
24 Monsieur Sakib Ahmic. Pourriez-vous prononcer la déclaration solennelle ?
25 M. Ahmic (interprétation). - Je déclare solennellement que je
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1 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
2 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous
3 pouvez vous asseoir. Maître Moskowitz, vous avez la parole.
4 M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le
5 Président.
6 Bonjour, Monsieur Ahmic. Pourriez-vous nous donner votre nom,
7 aux fins du compte rendu ?
8 M. Ahmic (interprétation). – Bonjour, je m'appelle Sakib Ahmic.
9 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, pourriez-vous
10 nous dire quel âge vous avez ou, si c'est plus facile, nous dire en quelle
11 année vous êtes né ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Je suis né le 17 janvier 1933.
13 M. Moskowitz (interprétation). – Au mois d'avril 1993, où
14 habitiez-vous ?
15 M. Ahmic (interprétation). – J'ai habité à cette époque-là dans
16 le village de Pirici.
17 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que c'est un quartier du
18 village connu sous le nom d'Ahmici ?
19 M. Ahmic (interprétation). – Oui, effectivement, ça fait partie
20 d'Ahmici, Pirici, une partie de Zume également, en bas. Mais étant donné
21 que je suis né dans ce village de Pirici, moi, je dis Pirici. Mais ça fait
22 partie d'Ahmici. C'est Ahmici, donc.
23 M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie. Combien de
24 temps avez-vous vécu dans le village d'Ahmici ?
25 M. Ahmic (interprétation). – Vous pensez donc à mon village où
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1 je suis né ? Je vous ai déjà précisé que je suis né à Pirici, et ma maison
2 se trouve sur le territoire donc d'Ahmici et de Pirici. J'habite ce
3 territoire d'Ahmici depuis 1957, au moment où j'ai construit ma maison.
4 M. Moskowitz (interprétation). – Puis-je demander à l'huissier
5 de montrer cette pièce à conviction au témoin ?
6 (L'huissier s'exécute).
7 Mme le Greffier (interprétation). - La pièce de l'accusation
8 n° 150.
9 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, vous voyez
10 devant nous cette pièce à conviction 150 alors vous pouvez déplacer cette
11 photographie comme vous le voulez pour bien voir ce que représente cette
12 pièce ; après avoir regardé, pourriez-vous nous dire ce que représente
13 cette pièce à conviction ?
14 M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, cette photographie
15 représente mon village, mon agglomération, tous les voisins qui étaient
16 autour de moi.
17 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que vous aviez
18 construit une maison dans les années cinquante, n'est-ce pas ?
19 M. Ahmic (interprétation). – Numéro 57.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Avant de venir à l'audience
21 aujourd'hui, vous avez déjà eu la possibilité de regarder cette carte et
22 d'indiquer avec des cercles les maisons que vous reconnaissiez ; ensuite,
23 nous avons repris ces cercles par ordinateur pour qu'ils soient bien nets.
24 Est-ce que ces cercles que vous voyez ici correspondent bien aux cercles
25 que vous avez tracés vous-même avant de venir à l'audience ?
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1 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
2 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pourriez
3 identifier votre maison sur cette pièce à conviction 150 et, avec le
4 pointeur que vous avez maintenant dans votre main, nous indiquer quel est
5 le chiffre ou la lettre qui se trouve à côté de ce cercle ?
6 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je le peux. Ma maison porte le
7 nom 56.
8 (Le témoin place le pointeur).
9 M. Moskowitz (interprétation). – Quels étaient vos voisins les
10 plus proches, musulmans ou croates, dans ce voisinage, au voisinage de
11 votre maison qui se trouve sur cette photographie ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Pour ce qui est de mes voisins, il
13 y avait d'abord Vlatko Kupreskic et sa maison : c'est le cercle que je
14 montre.
15 M. Moskowitz (interprétation). – En indiquant avec le pointeur
16 les maisons, est-ce que vous pourriez nous indiquer quel est le chiffre ou
17 la lettre qui correspond à ces maisons ?
18 M. Ahmic (interprétation). – C'est la lettre B.
19 M. Moskowitz (interprétation). – Voyez-vous d'autres maisons
20 ainsi indiquées que vous reconnaîtriez comme étant des maisons de vos
21 voisins ou de votre famille.
22 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. La lettre "L", c'est
23 Franjo, Kupreskic c'est le père de Vladko. Ensuite le chiffre 56 et le
24 chiffre 55, c'est Sukrija Ahmic, ensuite la lettre "K", c'était le dépôt
25 de Vladko Kupreskic, la lettre "C", la maison de Zoran Kupreskic, la
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1 lettre
2 "D", la maison de Mirjan Kupreskic, la lettre "J", la maison d'Ivica
3 Kupreskic.
4 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de la maison de
5 Sukrija. Qui était-ce Sukrija ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Sukret, c'est mon fils.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire comment
8 se composait sa famille sans donner de nom ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Oui, vous parlez de sa famille ?
10 M. Moskowitz (interprétation). - C'est exact oui, de sa famille.
11 M. Ahmic (interprétation). - Il avait son épouse et les trois
12 filles.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de la maison de
14 Vlatko Kupreskic, depuis quand connaissiez-vous Vlatko Kupreskic ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Je connais Vladko Kupreskic depuis
16 sa naissance, depuis qu'il était tout jeune.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Et est-ce que vous connaissiez
18 bien Zoran Kupreskic ?
19 M. Ahmic (interprétation). - La même chose, depuis sa naissance
20 jusqu'à nos jours.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Et Mirjan Kupreskic est-ce que
22 lui aussi vous le connaissiez bien ?
23 M. Ahmic (interprétation). - C'est toujours la même chose, je le
24 connais depuis sa naissance jusqu'à maintenant.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une
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1 idée de la fréquence à laquelle vous les rencontriez, dans quelles
2 occasions, à quelle occasion vous rencontriez Vladko Kupreskic, Zoran
3 Kupreskic, Mirjan Kupreskic ?
4 M. Ahmic (interprétation). - Bien sûr, on se voyait
5 régulièrement, nous sommes des voisins. Ils travaillaient dans leur
6 jardin, moi je travaillais dans mon propre jardin, par conséquent tous les
7 jours on se voyait régulièrement. On était les voisins les plus proches,
8 par conséquent on se voyait régulièrement.
9 M. Moskowitz (interprétation). - En 1993, est-ce que vous étiez
10 retraités ou est-ce que vous travailliez encore ?
11 M. Ahmic (interprétation). - J'étais à la retraite.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Vous pourriez nous dire une
13 idée de ce que vous faisiez, quel était votre travail ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Moi, j'étais conducteur des
15 voitures particulières, je conduisais les directeurs des sociétés
16 différentes ; j'ai travaillé à la société nommée Sipada Travnik, et cette
17 société portait le nom Impregnacia et dépendait de Vitez qui est la
18 municipalité. Je conduisais les directeurs ou les responsables des
19 sections commerciales. J'ai même conduit le ministre des finances de
20 Bosnie-Herzégovine Drago Bilanojija.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que, dans votre travail
22 de conducteur, de chauffeur, vous avez été examiné médicalement
23 régulièrement pour savoir si vous étiez physiquement en mesure de
24 conduire ?
25 M. Ahmic (interprétation). - Oui, tous les ans on avait à passer
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1 des examens systématiques, de faire un check-up, un bilan et pas
2 uniquement moi, mais ceux qui se trouvaient à des postes importants de
3 responsabilité.
4 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’il y avait également
5 un examen de votre vision dans ces examens médicaux ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Oui, évidemment.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel
8 était le résultat de ces examens oculaires ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Vous parlez de l'appareil
10 ophtalmologique ? Vous pensez aux nombres, aux chiffres que j'ai dû
11 reconnaître ?
12 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'on vous a dit de
13 porter des lunettes à un moment donné ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Non.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que votre vision était
16 bonne, est-ce que vous voyiez suffisamment bien pour conduire toutes ces
17 personnes importantes ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'avais une bonne vision et
19 une bonne ouïe. Il fallait beaucoup de soins.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur l'Huissier, pourriez-
21 vous montrer au témoin la pièce à conviction déjà versée au dossier, la
22 pièce 138 ?
23 (L'huissier s'exécute).
24 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous avez
25 décrit quels étaient vos voisins sur le gros plan. J'aimerais que vous
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1 regardiez maintenant la pièce à conviction 138 et que vous nous disiez ce
2 que vous voyez à l'avant plan de cette photographie, c'est-à-dire en fait
3 cet objet important qui se trouve au premier plan de la photographie.
4 Pourriez-vous nous le décrire ?
5 M. Ahmic (interprétation). - C'est ma maison, c'est ma maison
6 ici.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Ce n'était pas comme cela
8 qu'était votre maison en 1993, n'est-ce pas ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Non.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Derrière votre maison,
11 pourriez-vous identifier certaines des maisons qui se trouvent à
12 l'arrière-plan de la photographie, derrière votre maison ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux le faire.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pourriez
15 d'abord regarder d'abord la maison qui porte un 1. A qui appartient-elle ?
16 M. Ahmic (interprétation). - La maison N° 1 est la maison de
17 Mirjan Kupreskic.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Et la maison qui porte un 2, à
19 qui appartenait-elle ?
20 M. Ahmic (interprétation). - La maison N° 2 appartient à
21 Zoran Kupreskic.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Et la maison N° 3 ?
23 M. Ahmic (interprétation). - La maison N° 3 est la maison
24 d'Ivica Kupreskic.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous identifier l'une
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1 quelconque des autres maisons, celles sur lesquelles ne figurent aucun
2 numéro ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Dans le prolongement
4 de la maison d'Ivica Kupreskic on voit un toit, le toit de la maison du
5 père d'Ivica Kupreskic et au-dessus de la maison N° 1, on a la maison de
6 Jozina et derrière la maison de Branka, de son frère.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Peut-on maintenant montrer au
8 témoin la pièce à conviction déjà versée au dossier, pièce 139 ?
9 (L'huissier s'exécute.)
10 Monsieur Ahmic, je vous prierai de regarder cette pièce à
11 conviction 139 et de nous dire si vous pouvez identifier l'une quelconque
12 des maisons qui figurent sur cette photographie et si la maison dont vous
13 parlez porte un numéro, je vous prierai de citer ce numéro de façon à ce
14 que tout soit clair dans le compte rendu d'audience.
15 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Oui, oui, je peux
16 dire avec précision que la maison sur laquelle est inscrit le N° 1 est
17 celle de Mirjan Kupreskic.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Voyez-vous d'autres maisons que
19 vous reconnaissez sur cette photographie ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'en vois. La maison sur
21 laquelle est inscrit le N° 2 est la maison de Zoran Kupreskic.
22 M. Moskowitz (interprétation). - En voyez-vous d'autres que vous
23 reconnaissez ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, je vois la maison de
25 Chukrija Ahmic, je vois
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1 la maison de Vlatko Kupreskic.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'un numéro est inscrit
3 sur la maison de Vlatko Kupreskic ?
4 M. Ahmic (interprétation). - Vlatko Kupreskic ? Est-ce qu'un
5 numéro y est inscrit, c'est cela ?
6 M. Moskowitz (interprétation). - Oui, est-ce que vous voyez un
7 numéro sur la photographie qui correspond à la maison de
8 Vlatko Kupreskic ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je vois, c'est le N° 3.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez dit avoir vu la
11 maison de Choukrija*. Pourriez-vous, toujours avec l'aide du pointeur,
12 nous montrer où se trouve cette maison ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux le montrer. Celle-ci
14 est la maison de Sukrija Ahmic.
15 M. Moskowitz (interprétation). - C'est donc la maison qui se
16 trouve au centre de la photographie, non loin de cet arbre à feuilles
17 persistantes ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
19 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous voyez votre
20 maison ?
21 M. Ahmic (interprétation). - Ici, ce sont mes toilettes
22 extérieures, ici. Puis, on voit cet arbre, ce pin qui est à moi aussi.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la
24 pièce à conviction suivante, la pièce 140 ?
25 (L'huissier s'exécute).
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous prierai,
2 Monsieur Ahmic, de bien vouloir regarder cette pièce à conviction et de
3 nous dire si vous pouvez identifier l'un quelconque des bâtiments qui y
4 est représenté ?
5 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Nous voyons ici le
6 N° 4, c'est la maison de Vlatko Kupreskic. Ici, le N° 3, c'est la maison
7 de Hrustanovic. Eci, le N° 2, c'est la maison de Sukrija Ahmic.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Quand vous avez placé le
9 pointeur sur la première maison, vous avez parlé du N° 4, cette
10 inscription est un peu difficile à lire. Pourriez-vous replacer le
11 pointeur sur cette maison, je vous prie ?
12 M. Ahmic (interprétation). - La maison qui correspond au N° 4 ?
13 C'est à ce sujet que vous m'interrogez ?
14 M. Moskowitz (interprétation). - Oui, celle sur laquelle est
15 inscrit un chiffre qui ressemble à un 4, mais qui est en fait un 1.
16 M. Ahmic (interprétation). - Excusez-moi, c'est ma faute. La
17 maison, donc, sur laquelle est inscrit le N° 1 est la maison
18 Vlatko Kupreskic. J'ai dit que celle qui correspondait au N° 3 était la
19 maison de Hrustanovic et la maison sur laquelle est inscrit le N° 2 est la
20 maison de Sukrija Ahmic.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Merci.
22 Vous avec dit que certains de vos voisins, notamment
23 Zoran Mirjan et Vlatko Kupreskic, vous les connaissiez depuis votre
24 naissance.
25 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une
2 idée du genre de rapports que vous entreteniez avec ces trois hommes et
3 leurs familles, dans les années qui ont précédé l'attaque de 1993 ? Ces
4 rapports étaient-ils bons ou mauvais ?
5 M. Ahmic (interprétation). – C'étaient de bons rapports. Moi, je
6 n'avais de mauvais rapports avec aucun d'entre eux et ils n'avaient pas de
7 mauvais rapports avec moi.
8 M. Moskowitz (interprétation). – Au fil des années, avez-vous eu
9 la possibilité de voir Zoran, Mirjan et Vlatko grandir pour devenir des
10 jeunes gens ?
11 M. Ahmic (interprétation). – Oui. Ils ont grandi tout à fait
12 normalement ; leur comportement était tout à fait correct. C'étaient des
13 jeunes gens bien élevés.
14 M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous dire, de façon
15 générale, quels étaient les rapports qui existaient entre les Musulmans et
16 les Croates, à Ahmici, au cours des années qui ont précédé les troubles de
17 1992 et 1993 ?
18 M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, en toute honnêteté, je
19 puis dire que ces rapports étaient globalement, en moyenne, de très bons
20 rapports : tout le monde avait de bons rapports avec tout le monde.
21 C'étaient de bons rapports, pour autant que je le sache.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Avez-vous remarqué toutefois
23 que ces rapports ont eu tendance à se dégrader avec le temps, que des
24 problèmes sont apparus ? Et, disant cela, je vous demande de concentrer
25 votre attention sur la période immédiatement préalable à l'attaque de
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1 1992-1993.
2 M. Ahmic (interprétation). – Moi, je ne sais pas, je ne suis
3 pas... Il n'y a rien eu, tout le monde vivait bien.
4 M. Moskowitz (interprétation). – Avant l'attaque de 1993, vous
5 rappelez-vous une situation qui est survenue à Ahmici en 1992, situation
6 liée à une barricade ?
7 M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'en ai entendu parler, mais
8 pour vous dire la vérité, je ne sais rien à ce sujet.
9 M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous où vous vous
10 trouviez pendant cette période ? Etiez-vous dans votre maison à Ahmici ou
11 quelque part ailleurs ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Pour vous dire la vérité, je ne
13 sais pas moi-même où je me trouvais à ce moment précis.
14 M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous dire quelques
15 mots de la garde villageoise ou de la Défense territoriale ? Qu'est-ce que
16 vous savez de ces deux organismes et est-ce que vous en avez fait partie ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Oui. Il existait une Défense
18 territoriale qui menait des patrouilles dans le village, qui patrouillait
19 dans le village, la nuit, de façon à éviter que des extrémistes pénètrent
20 dans le village et mettent le feu à une étable ou attaquent quelqu'un ou
21 ce genre de choses.
22 M. Moskowitz (interprétation). – En tant que retraité, avez-vous
23 occupé des fonctions particulières dans cette garde villageoise ou cette
24 Défense territoriale ?
25 M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'avais des heures de
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1 permanence à l'école pour la Défense territoriale, dans le cadre de cette
2 défense civile, parce que c'est le terme exact " défense civile ". J'étais
3 chargé de rester à l'école à Ahmici, en bas, où il y avait un poste de
4 radio ; j'y avais des permanences.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Aviez-vous une arme ?
6 M. Ahmic (interprétation). – Non.
7 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez parlé de l'école ;
8 s'agit-il de l'école élémentaire d'Ahmici, qui se trouve en face de la
9 mosquée pourvue d'un minaret ?
10 M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est exactement cela. C'est
11 exactement ce bâtiment, cette école.
12 M. Moskowitz (interprétation). – Comment décririez-vous cette
13 garde villageoise ? La qualifieriez-vous d'armée ou lui donneriez-vous un
14 autre nom ?
15 M. Ahmic (interprétation). – Non, ce n'était pas une armée et je
16 vais vous la décrire très simplement et très facilement. Il s'agissait de
17 civils qui faisaient des permanences, la nuit, avec des roulements toutes
18 les deux heures au sein de ces patrouilles de nuit. C'étaient des
19 patrouilles, pas une garde. Donc ces hommes circulaient dans le village
20 d'un bout à l'autre, ils se promenaient. C'est en cela que consistaient
21 ces patrouilles.
22 M. Moskowitz (interprétation). – J'aimerais appeler votre
23 attention sur la journée qui a précédé l'attaque de 1993. Vous rappelez-
24 vous avoir vu quelque chose qui a éveillé vos
25 soupçons, ou, dans votre souvenir, tout était il absolument calme et
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1 tranquille ?
2 M. Ahmic (interprétation). - Tout n'était pas comme d'habitude.
3 Les nôtres patrouillaient dans le village et juste avant l'attaque, je
4 suis parti avec Cenot Sukret et Naser Raklija dans la direction de Kaonik
5 où habite ma soeur. Nous avons pris place dans une voiture et nous avons
6 démarré mais quelqu'un nous a dit :" hier quelqu'un a voulu sortir sur la
7 route principale en bas et le HVO a placé un barrage routier, si bien
8 qu'ils n'ont pas pu traverser." Mais nous, vers 11 heures, midi, nous nous
9 sommes assis dans cette voiture et nous avons pris la route de la route
10 principale et juste avant d'arriver sur la route principale, j'ai vu qu'en
11 effet un peu plus haut, il y avait des soldats du HVO sur la route dont
12 Borko Milisevic. Il y avait le fils Sime Milisevic qui était là aussi et
13 Vlatko Kupreskic qui était aussi avec eux, il y avait Ivo Kupreskic qui
14 était aussi avec eux. Et Ivo Sutra avait une chaise qu'il avait apportée
15 de l'école et devant lui, il y avait un litre de cognac.
16 Nous sommes arrivés. Personne ne nous a dit un mot. Nous avons
17 débouché sur la grande route, nous sommes allés jusqu'à Kaonik voir ma
18 soeur sans aucun problème. Donc voilà ce que j'ai pu voir en ce qui me
19 concerne.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Mais dans les jours qui ont
21 précédé l'attaque, avez-vous vu quelque chose qui vous ait frappé comme
22 étant étonnant ou suspect en rapport avec Ivica Kupreskic ?
23 M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est vrai, je voyais circuler
24 Ivica Kupreskic en uniforme militaire et j'ai entendu dire qu'il était une
25 espèce de commandant parmi ces gens-là.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous pu remarquer des
2 activités que vous ayez pu trouver intéressantes ou suspectes aux
3 alentours de la maison d'Ivica Kupreskic ?
4 M. Ahmic (interprétation). - Oui. Je me rappelle très bien
5 quelque chose qui s'est passé peut-être le 13 ou le 14, aux premières
6 heures de la soirée, aux alentours de 19 heures. Une camionnette Tam est
7 arrivée devant la maison d'Ivica Kupreskic, une camionnette d'une
8 tonne et demie ; ce soir là, il n'y avait pas une lumière qui brûlait à
9 l'extérieur de la maison, alors que d'habitude, le soir, les lumières sont
10 allumées dans les maisons. Cette camionnette est restée toute la nuit
11 devant la maison et le matin, à environ 7 heures du matin, cette
12 camionnette est sortie de la cour d'Ivica Kupreskic. Un coup de klaxon a
13 été donné devant la maison de Zoran Kupreskic et ensuite la camionnette a
14 poursuivi son chemin, a débouché sur la route principale et est partie.
15 M. Moskowitz (interprétation). - En dépit de ces incidents,
16 compte tenu de ces incidents, est-ce que vous avez eu la moindre idée de
17 ce qui allait se passer le 16 avril ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Je ne pouvais pas imaginer ni
19 prévoir ce que nous avons vécu dans la réalité.
20 M. Moskowitz (interprétation). - A ce stade de l'interrogatoire
21 pourriez-vous nous parler un petit peu de votre maison ? Je crois que vous
22 nous avez dit en quelle année elle a été construite mais pouvez-vous nous
23 donner une idée de sa taille, du nombre de pièces qu'elle comportait, du
24 nombre de personnes qui y habitaient ? Cela nous permettra de savoir avec
25 plus de précisons quel était l'aspect de votre maison en 93.
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1 M. Ahmic (interprétation). - Je peux la décrire. C'était une
2 maison dont la superficie était de huit fois neuf mètres trente. Elle
3 comportait deux pièces, il y avait la salle de séjour, la cuisine, et puis
4 du même côté, la véranda avec un petit couloir sur lequel donnait une
5 salle de bain, ensuite une petite salle de séjour et c'est dans cette
6 partie de la maison que l'on dormait.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que c'était une grande
8 maison ou une petite maison ? Comment la décririez-vous ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien je crois qu'on peut parler
10 d'une maison moyenne, de taille moyenne. Excusez-moi j'ai oublié de dire
11 aussi qu'il y avait une cave, parce que sur la moitié de la superficie de
12 cette maison, il y avait encore un étage inférieur qui
13 comportait deux pièces.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Donc, pour être très clair, la
15 maison était construite sur une espèce de talus, donc une partie de la
16 maison comportait une cave et le reste n'en comportait pas, n'est-ce pas ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas compris ce que vous me
18 dites au sujet de la partie qui avait une cave. Je n'ai pas compris le
19 reste de votre question.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Excusez-moi, elle n'était sans
21 doute pas très bien formulée cette question. Mais en tout cas, est-ce que
22 votre maison était construite sur un terrain plat ou sur un terrain en
23 pente ?
24 Donc si elle était sur un terrain en pente, il y avait une
25 partie de la maison en-dessous de laquelle il n'y avait plus d'espace.
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1 M. Ahmic (interprétation). - Oui. En fait, le terrain sur lequel
2 était construite la maison était légèrement en pente et donc nous avons
3 tiré profit de cette pente pour construire une cave en-dessous de la
4 moitié de la maison.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Je prierai l'huissier de
6 remettre au témoin la pièce à conviction suivante.
7 Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 151.
8 (L'huissier s'exécute).
9 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vous
10 demanderais de regarder cette pièce à conviction enregistrée sous la
11 cote 151, vous pouvez d'ailleurs la tourner dans le sens que vous voulez
12 de façon à la comprendre du mieux possible. Ne craignez pas de la bouger
13 de façon à ce qu'elle prenne un sens pour vous. C'est mieux comme ça ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Oui, cela me convient mieux de
15 cette façon.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, de façon
17 générale, dans les grandes lignes, ce que représente cette pièce à
18 conviction ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Cette pièce à conviction représente
20 le plan de la maison.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demanderais de nous
22 faire nous promener dans votre maison à l'aide du pointeur comme si nous
23 pénétrions dans la maison par la porte d'entrée en nous montrant où se
24 trouvaient les chambres et puis en nous disant tout ce qui, à votre avis,
25 vous paraît intéressant.
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1 Donc nous démarrons si vous le voulez bien par la porte d'entrée
2 et vous nous faites une visite de votre maison.
3 M. Ahmic (interprétation). - Je peux. Ca c'est ma maison. Ici,
4 se trouve la porte d'entrée qui mène dans la véranda. Ici la salle de
5 bain, ici un cellier, une fenêtre, deux fenêtres, trois fenêtres, la porte
6 d'entrée dans la salle de séjour, une fenêtre ici, dans la salle de séjour
7 et une deuxième fenêtre dans la salle de séjour. Ensuite, la porte qui
8 entre dans la chambre où j'habitais et ici une deuxième porte qui donne
9 dans une deuxième pièce avec une fenêtre ici dans une chambre et une autre
10 fenêtre dans l'autre chambre.
11 Voilà. C'était ma maison. Ici c'est l'entrée de la maison et
12 l'entrée de toutes les pièces. Ici, il y avait le fourneau, ici un canapé,
13 ici un évier, ici un autre canapé, une petite vitrine ici avec la
14 télévision, là une table et des chaises et à peu près ici, un petit lit
15 pour un enfant.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Vous venez de parler d'un bébé.
17 Le 15 avril 1993, la veille de l'attaque, pouvez-vous nous dire qui se
18 trouvait dans la maison ce soir-là, en dehors de vous ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Le 15 avril ? C'est ce que vous
20 avez dit ?
21 M. Moskowitz (interprétation). - Oui, Monsieur Ahmic, la veille
22 de l'attaque.
23 M. Ahmic (interprétation). - Le 15 avril au soir, nous sommes
24 allés voir Rejib Ahmic dans le village, moi, Nevjesta, Redzib et les
25 enfants et nous y sommes restés jusqu'à
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1 10 heures du soir à peu près, heure à laquelle nous sommes rentrés à la
2 maison pour dormir.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui était
4 dans la maison quand vous êtes tous allés dormir, ce soir-là ?
5 M. Ahmic (interprétation). - Dans la maison il y avait Naser qui
6 est mort ensuite, Nevesta sa femme, Elver. Il y avait ma belle-fille, il y
7 avait le beau-fils, le gendre d'Elver, son fils Zeljo également décédé
8 aujourd'hui et moi-même dans ma chambre.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez d'abord parlé de
10 Naser, c'était votre fils, n'est-ce pas ?
11 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de sa femme,
13 c'est donc votre bru, votre belle-fille ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Et vous avez parlé d'Elves. Qui
16 est Elves ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Elves est le fils de la femme de
18 Naser. La femme de Naser avait été mariée une première fois ; elle avait
19 divorcé et s'est remariée ensuite avec mon fils Naser. Et cet Elves était
20 son fils du premier mariage ; c'est un peu par hasard qu'il s'est trouvé
21 chez nous parce qu'il y a passé une quinzaine de jours en visite.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous à peu près
23 quel était l'âge d'Elves, ce jour-là ?
24 M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas exactement, mais je
25 pensais qu'il avait six ou sept ans. Mais pour Sejo, je connais très bien
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1 son âge.
2 M. Moskowitz (interprétation). – Donc, Elves était en fait un
3 petit garçon ?
4 M. Ahmic (interprétation). – Oui, tout à fait.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Sejo. Parlez-nous de Sejo. Qui
6 était il ? Quel âge avait-il à peu près ?
7 M. Ahmic (interprétation). – Sejo était un nouveau-né ; il avait
8 trois mois et, le vendredi 16 avril au matin, il a fêté ses trois mois
9 exactement.
10 M. Moskowitz (interprétation). – Comment vous rappelez-vous si
11 précisément que le matin du 16 avril il avait trois mois ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Vous savez pourquoi je me rappelle
13 cela ? Parce que le soir où nous sommes allés chez Redzib Ahmic, dans le
14 village là-haut, lui aussi avait un fils qui avait cinq ou six mois et qui
15 devait être circoncis ; il ne l'était pas encore. Donc nous en avons parlé
16 et nous nous sommes mis d'accord pour que moi, j'aille à l'hôpital et que
17 je discute, à Zenica, à quel moment les circoncisions pouvaient se faire.
18 Donc, je me rappelle très bien leur âge d'après cette conversation.
19 M. Moskowitz (interprétation). – Je prierai l'huissier de
20 montrer au témoin la pièce à conviction suivante.
21 Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 152.
22 (L'huissier s'exécute).
23 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, pourriez-vous
24 regarder cette pièce à conviction 152, la tourner comme vous le souhaitez
25 pour que vous compreniez bien comment cela se situe et nous dire ce que
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1 représente cette pièce ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Sur ce schéma, on voit les objets
3 qui se trouvaient dans les pièces. Alors, après avoir dit cela, je peux
4 maintenant décrire ces objets. Ici donc, le canapé, ici, le corps sans vie
5 de ma Nevesta*. Ici, le lit dans lequel dormait Elves ; ici, le fourneau,
6 ici, la chaise qui était à côté de la porte. Là, le petit lit dans lequel
7 dormait Sejo Ahmic. Ici, la petite table sur laquelle se trouvait la
8 télévision et puis, ici, la vitrine, à côté de la fenêtre.
9 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire où vous
10 avez dormi cette nuit-là, en utilisant le plan que vous avez sous les
11 yeux ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Moi, je dormais dans cette pièce
13 ici, au fond, dans cette partie de la pièce. Exactement ici.
14 M. Moskowitz (interprétation). – Alors, si nous regardons
15 maintenant le lit où dormait Elves, est-ce que vous pourriez nous montrer
16 ce lit à nouveau ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux. Voilà ce lit.
18 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous décrire ce
19 canapé, de quoi il avait l'air ? De quel genre de canapé ou de sofa il
20 s'agissait ?
21 M. Ahmic (interprétation). – Bien. C'était un canapé-lit qu'on
22 ouvrait pour la nuit.
23 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez
24 s'il avait été ouvert, ce canapé, pour qu'on puisse dormir cette nuit-là ?
25 M. Ahmic (interprétation). – Oui, il était ouvert ?
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Les bras de ce canapé, comment
2 étaient-ils ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, un petit peu comme la
4 chaise sur laquelle je suis assis ici. Vous voyez, d'un côté et de l'autre
5 côté, il y avait des accoudoirs de ce genre.
6 M. Moskowitz (interprétation). – Vous dites que ces accoudoirs
7 avaient la forme de ceux de la chaise sur laquelle vous êtes assis
8 actuellement, un peu courbés de cette manière ?
9 M. Ahmic (interprétation). – Non, ce que je veux dire, c'est que
10 c'était du bois plein. Ces accoudoirs étaient assez larges, vous voyez, à
11 peu près vingt centimètres ; je parle de l'épaisseur surtout : c'était du
12 bois plein. Mais il y avait un rembourrage en mousse.
13 M. Moskowitz (interprétation). – Je voudrais que vous vous
14 concentriez maintenant sur les événements du 16 avril 1993. Pourriez-vous
15 nous dire où vous vous trouviez, ce matin, avant que l'incident ne
16 commence ? Indiquez avec votre pointeur où vous vous trouviez.
17 M. Ahmic (interprétation). – Moi, à ce moment-là, je me trouvais
18 dans cette chambre-là, sur ce lit.
19 M. Moskowitz (interprétation). – Et de quoi vous vous souvenez ?
20 Qu'est-ce que qui s'est passé, ce matin-là, et que vous ayez entendu ?
21 Votre premier souvenir ce jour-là ?
22 M. Ahmic (interprétation). – Ce matin-là, j'ai d'abord entendu
23 l'appel à la prière du matin. Quand l'appel à la prière du matin s'est
24 terminé, j'ai d'abord entendu que l'enfant s'était réveillé, que Nevesta*
25 criait quelques mots à Naser et lui disait de lui donner son biberon.
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1 Après cela, j'ai entendu une explosion. J'ai sauté du lit, je
2 suis allé près de la porte et, quand je suis arrivé à la porte, j'ai vu
3 que la lumière avait été allumée. J'ai vu Naser qui disait : "Eteins les
4 lumières !". A ce moment-là, quand je lui ai dit d'éteindre les lumières à
5 la porte, un soldat a fait son apparition. Il portait un uniforme noir et
6 avait de la couleur noire sur le visage. Et c'était Zoran Kupreskic qui
7 est entré, qui a franchi la porte.
8 Naser était à côté de la télévision ; donc, il a immédiatement
9 tiré sur Naser. Et Mirjan avait dans les mains une bouteille avec du
10 liquide à l'intérieur. Il a versé ce liquide sur le sofa qui a pris feu.
11 Il a tiré sur ma belle-fille, il a tiré sur ma belle-fille et ils se sont
12 ensuite dirigés vers Elves. A ce moment-là, je suis tombé au sol et je me
13 suis frappé la tête contre le mur.
14 C'est là qu'était mon corps et c'est là qu'il était debout. Il
15 m'a tiré une balle à travers l'accoudoir du canapé. J'ai entendu une balle
16 et aussi une grenade qui tombait. Je suis retourné en arrière, j'ai
17 entendu l'enfant qui pleurait, qui criait. Il y avait des coups de feu :
18 ils ont tiré sur l'enfant et ils sont partis. A ce moment-là, je me suis
19 levé malgré ma blessure et j'ai regardé par la petite fenêtre qui se
20 trouve ici, j'ai regardé du côté de la maison de Vlatko.
21 J'ai vu des soldats du HVO, des Oustachis. Avant, je pensais
22 sortir de la maison, mais, quand je les ai vus, je n'ai plus osé sortir
23 parce que j'avais peur de leur tomber vivant entre les mains. Donc, j'ai
24 continué à regarder et j'ai vu un câble qui menait à l'ampoule électrique.
25 J'ai entendu aussi des cris, des gens qui disaient : "Cours, cours,
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1 cours !". A mon avis, c'était un cri qui venait de la maison de Gavrilo et
2 de son frère Jure. Gavrilo était près de la maison de Hrustanovic et son
3 frère se trouvait à peu près à côté du chêne, mort. Moi, c'est ce que j'ai
4 cru déterminer d'après le son de leur voix.
5 Je suis donc resté où j'étais. J'ai attendu que le destin me
6 donne l'occasion de sortir par la fenêtre. Je n'avais pas le courage de
7 sortir de la maison par la porte : c'était impossible d'ailleurs parce
8 qu'elle brûlait. Il y avait le plafond qui brûlait aussi et qui était en
9 train de tomber. J'ai vu que la fenêtre était en flammes, la porte était
10 en flammes.
11 J'ai encore une fois regardé par la fenêtre devant laquelle je
12 me trouvais et j'ai vu Vlatko Kupreskic qui sortait de la cour de la
13 maison de Sukrija Ahmic, qui passait non loin de la mienne pour aller vers
14 la sienne. J'ai remarqué qu'il portait quelque chose sous son manteau, sur
15 le bras gauche. Je ne sais pas exactement ce que c'était. Enfin, j'ai
16 supporté autant que j'ai pu et quand je n'ai plus pu respirer, quand il
17 n'y avait plus d'air, je n'avais plus le choix : donc, j'ai traversé le
18 feu pour sortir de la maison. Je suis arrivé jusqu'à l'étable, j'ai réussi
19 à ouvrir la porte de l'étable, j'ai monté les escaliers.
20 Il y avait , 80 centimètres d'épaisseur de paille dans
21 l'ensemble de l'étable. Donc, je me suis enfoncé sous la paille dans un
22 coin de l'étable où je pouvais voir un peu tout l'espace. J'ai vu Frano
23 Sutra* qui sortait dans la cour...
24 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, avant d'arriver
25 au moment où vous entrez dans l'étable, je voudrais remonter un peu pour
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1 préciser certaines des choses que vous avez dites.
2 Pourriez-vous nous dire où se trouvait votre fils Naser lorsque
3 vous êtes arrivé à la porte de votre chambre, en utilisant votre
4 pointeur ? Où se trouvait Naser avant que les tirs ne commencent ?
5 M. Ahmic (interprétation). – A peu près ici.
6 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pourriez
7 prendre le marqueur qui est à côté de vous, avec peut-être l'aide de
8 l'huissier, et mettre une petite croix à cet endroit
9 là de manière que nous puissions identifier très clairement l'emplacement
10 où se trouvait Naser, où vous avez vu Naser avant que les tirs ne
11 commencent ? Une petite croix, un petit X pour que ce soit clair, s'il
12 vous plaît.
13 (Le témoin s'exécute)
14 M. Moskowitz (interprétation). – Et le commutateur, où se
15 trouvait-il pour allumer la lumière ?
16 M. Ahmic (interprétation). – L'interrupteur se trouvait ici. Là,
17 sur le mur.
18 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous mettre une petite
19 marque pour nous indiquer l'endroit où se trouvait cet interrupteur ? Pas
20 un X, mais un petit point peut-être.
21 M. Ahmic (interprétation). – C'est là que se trouvait
22 l'interrupteur. Nous avions deux sources d'éclairage dans cette pièce : il
23 y en avait une ici à peu près et la deuxième se trouvait à peu près ici.
24 Il y avait un double interrupteur ici, sur le mur, pour allumer les
25 lumières.
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous pourriez mettre
2 des petits cercles là où se trouvaient les ampoules dans cette pièce ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je le peux. A peu près ici et
4 là... En haut, bien sûr.
5 M. Moskowitz (interprétation). – J'ai peut-être oublié de vous
6 poser cette question plus tôt ; j'aurais dû le faire. Mais est-ce que vous
7 pourriez nous décrire le type de lit dans lequel votre bru, votre belle-
8 fille a dormi cette nuit-là ?
9 M. Ahmic (interprétation). – Ce n'était pas un lit, c'était un
10 matelas, un matelas sans sommier, un matelas qui était placé sur le sol.
11 Et c'est sur ce matelas qu'ils dormaient.
12 M. Moskowitz (interprétation). – Sur ce plan, on a l'impression
13 qu'il y a quand même pas mal de distance entre l'endroit où se trouvait
14 Naser et l'interrupteur. Alors, dans la réalité, dans cette pièce, est-ce
15 que la distance entre l'interrupteur et Naser était grande ?
16 M. Ahmic (interprétation). – Un mètre et demi, à peu près, parce
17 c'était une petite pièce, ce n'était pas... Un mètre et demi, à peu près.
18 Disons entre un mètre et demi et deux mètres entre l'interrupteur et… Deux
19 mètres, disons deux mètres, peut-être.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous montrer à
21 nouveau avec le pointeur l'endroit où vous vous trouviez lorsque vous avez
22 vu Naser, avant qu'il soit abattu ?
23 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux le faire : ici, sur le
24 seuil de la porte.
25 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous tracer un petit
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1 cercle à cet endroit-là ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Je peux.
3 (Le témoin trace un cercle).
4 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire où se
5 trouvait la personne -ou l'homme que vous dites être Zoran Kupreskic- se
6 trouvait lorsque vous l'avez vue la première fois ?
7 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux le faire : c'était
8 ici.
9 M. le Président (interprétation). – Maître Radovic ?
10 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, le témoin
11 a déclaré avoir d'abord vu un soldat et, derrière lui, Zoran Kupreskic.
12 M. le Président (interprétation). – Non, je ne m'en souviens
13 pas. On vérifiera le compte rendu. Quoi qu'il en soit la question était :
14 " L'homme que vous avez vu ".
15 M. Moskowitz (interprétation). – Je vais certainement poser
16 cette question.
17 M. Radovic (interprétation). – Pourriez-vous vérifier, je vous
18 prie ?
19 M. May (interprétation). - Peut-être que l'on pourrait demander
20 au témoin de préciser ? Il a parlé d'abord d'un soldat et ensuite de
21 Zoran, mais il n'a pas dit où ils se trouvaient.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Nous vérifierons.
23 Monsieur Ahmic, pouvez-vous nous dire où se trouvait le soldat
24 lorsque vous l'avez aperçu la première fois, lorsqu'il est entré dans la
25 pièce ?
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1 M. Ahmic (interprétation). – Je le peux. Il était ici quand il
2 est entré dans la pièce, mais c'était Zoran Kupreskic tout de suite ;
3 peut-être que je me suis mal exprimé quand j'ai parlé d'un soldat, sans
4 tout de suite l'appeler Zoran Kupreskic.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous faire une marque
6 là, pour indiquer l'endroit où vous avez vu Zoran Kupreskic entrer dans la
7 pièce ?
8 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux. Voilà, ici.
9 M. Moskowitz (interprétation). – A partir de là où vous vous
10 trouviez, c'est-à-dire sur le seuil de votre chambre, est-ce que vous
11 pouviez voir sans problème, sans difficulté, Zoran Kupreskic qui est entré
12 dans votre salle de séjour ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui. Je le voyais tout à fait
14 clairement : il n'y avait pas d'obstacle. Je le voyais comme nous nous
15 regardons nous, ici. Vous voyez ?
16 M. Moskowitz (interprétation). – Lorsqu'il est entré dans la
17 pièce, est-ce que vous avez regardé son visage, vu son visage ?
18 M. Ahmic (interprétation). – Je l'ai vu complètement, j'ai vu
19 ses peintures noires qu'il avait sur le nez, sur le menton, sur le visage,
20 un peu partout. Mais en le regardant dans les yeux, j'ai vu que c'était
21 Zoran Kupreskic : son front, ses cheveux étaient bien ceux de Zoran
22 Kupreskic, mon voisin.
23 M. Moskowitz (interprétation). – A quelle distance vous
24 trouviez-vous de lui lorsqu'il est entré dans la pièce ? Vous pouvez me
25 prendre comme point de référence pour comparer.
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1 Regardez-moi et dites-nous : est-ce que vous étiez à peu près à
2 la même distance de moi que vous vous trouvez aujourd'hui ou est-ce que
3 vous étiez plus loin ?
4 M. Ahmic (interprétation). – Un peu plus loin, un peu plus loin.
5 Peut-être jusqu'à la table qui se trouve là-bas, à peu près, la table que
6 vous avez dans le dos. Celle-là, oui, celle là. A peu près à cette
7 distance. Oui, à peu à peu près cela, à cette distance.
8 M. May (interprétation). – Oui, je crois quand même que ceci
9 devrait être précisé pour le compte rendu, n'est-ce pas ?
10 M. Moskowitz (interprétation). – Je me trouvais devant la table,
11 devant Me Pavkovic.
12 M. May (interprétation). – En mètres, cela faisait combien ?
13 M. Moskowitz (interprétation). – Je ne suis pas très bon pour
14 estimer le nombre de mètres.
15 M. Ahmic (interprétation). – (Hors micro)
16 M. Radovic (interprétation). – Peut-être pourrait-on mesurer
17 cette distance en pas de manière à avoir une estimation un peu plus
18 concrète ? Un pas d'homme mesure en général 75 centimètres.
19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Nous
20 ferons cela tout à l'heure.
21 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que les lumières étaient
22 allumées lorsque vous avez vu Zoran Kupreskic entrer dans la pièce ?
23 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
24 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que Zoran
25 Kupreskic avait des bariolages noirs sur le visage. Est-ce que vous
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1 pourriez nous décrire un peu cela ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je peux. Sur le front, il
3 avait un trait noir qui ressemblait à un trait de stylo noir ; il en avait
4 sur le nez, sur le menton, sur le visage. Il se créait comme cela une
5 espèce de masque de façon à ne pas être reconnu, éventuellement, sur-le-
6 champ.
7 M. Moskowitz (interprétation). – Et lorsque vous l'avez vu, vous
8 l'avez reconnu
9 immédiatement ?
10 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je l'ai su dès le première
11 instant, dès l'instant où je l'ai vu : j'ai jeté un coup d'œil et, à
12 partir de cet instant, j'ai su que c'étaient Zoran et son frère Mirjan.
13 M. Moskowitz (interprétation). – Arrêtons-nous à Zoran, pour un
14 instant : comment pouvez-vous être aussi sûr que c'était Zoran lorsque
15 vous l'avez aperçu, entrant dans la pièce ?
16 M. Ahmic (interprétation). – Comment est-ce que je ne serais pas
17 sûr puisque je connais cet enfant depuis sa naissance ? Je connaissais sa
18 famille avant sa naissance. Je vois son visage, l'aspect physique de cet
19 homme.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire ce que
21 vous avez vu Zoran Kupreskic faire après qu'il fut entré dans la pièce ?
22 M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, il avait le fusil à la
23 main, il visait l'intérieur de la pièce avec son fusil quand il est entré.
24 Il a vu Naser qui était debout à côté de la table tout de suite et il lui
25 a tiré dessus.
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que Naser était toujours
2 là où il a été tué ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Non, il était impossible de rester
4 debout. Si vous me le permettez, je vais vous dire quelque chose : je vous
5 ai décrit tout à l'heure comment il nous a tous abattus dans cette pièce
6 et… Comment est-ce que je pourrais dire ? Mais je ne souhaiterais pas
7 devoir répéter la description de ce genre de choses. Si vous y tenez, je
8 répète maintenant son entrée dans la pièce et le meurtre de l'ensemble
9 d'entre nous.
10 Alors, il est entré dans la pièce ; à ce moment-là, la lumière
11 était allumée. Il a vu immédiatement Naser qui était debout ; il a
12 immédiatement visé sur Naser. En même temps, il a frappé Nevjesta*. En
13 même temps, Mirjan jetait de l'essence et mettait le feu. En même temps,
14 il a tué Elves sur ce sofa, ce canapé. Et puis, moi, je tombe sur le sol,
15 ma tête frappe contre le
16 mur. Cette partie de mon corps est devant lui ; lui, il était debout à peu
17 près à cet endroit et il m'a visé à travers l'accoudoir. Heureusement, il
18 ne m'a pas atteint à une partie vitale. Je pense donc que les balles de
19 son fusil n'étaient pas assez grosses et qu'elles sont sorties par le dos.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, permettez-moi
21 de vous interrompre. Oui, je sais. Je sais que c'est très difficile pour
22 vous de nous décrire ces événements. Mais, pour le Tribunal, il est très
23 important de savoir en détail ce qui s'est produit.
24 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui.
25 M. Moskowitz (interprétation). – Je crains fort que nous devions
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1 avoir cette description lentement. Si vous avez besoin de vous reposer, si
2 vous avez besoin d'un peu de temps pour vous remettre, dites-le et je
3 demanderai à la Chambre de vous donner ce temps. D'ailleurs, nous sommes
4 proches de l'heure du déjeuner.
5 M. Ahmic (interprétation). – Non, je n'ai pas besoin de repos.
6 Non, nous continuerons à travailler. Je ne sais pas si ce que j'ai déjà
7 dit est suffisamment clair pour vous. Est-ce qu’il faut que je répète
8 encore une fois cette même chose ?
9 M. Moskowitz (interprétation). – J'aurai des questions de
10 détails sur ce que vous avez vu dans cette pièce, ce jour-là. Je vous
11 demanderai de répéter certaines choses.
12 M. Ahmic (interprétation). – Oui, bon.
13 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, nous
14 allons entrer dans des détails ; cela pourrait prendre pas mal de temps.
15 M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre et
16 nous reprenons à 14 heures.
17
18 L'audience, suspendue à 12 heures 27, est reprise à
19 14 heures 50.
20 M. le Président (interprétation). – Nous allons reprendre nos
21 travaux. En attendant que le témoin soit introduit, je précise que nous
22 venons de recevoir de M. Baudouin, le responsable de la section d'aide aux
23 victimes et aux témoins, un exemplaire du dossier médical. C'est
24 M. Baudouin qui nous l'a remis et qui a fait preuve, ce faisant, de sa
25 totale efficacité. Je confie cet exemplaire à Madame le Greffier
Page 1850
1 d'audience qui va le remettre aux deux parties.
2 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
3 M. le Président (interprétation). – Monsieur le témoin, vous
4 pouvez vous réinstaller. Monsieur Ahmic, je vous en prie, prenez votre
5 siège.
6 M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, je vous salue aussi,
7 Monsieur le Juge. Merci.
8 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, puis-je
9 continuer ?
10 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
11 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, nous allons
12 reprendre, si vous le voulez bien.
13 M. Ahmic (interprétation). – Certainement.
14 M. Moskowitz (interprétation). – Si, dans le courant de l'après-
15 midi, vous ressentez le besoin de vous reposer, ne manquez pas de me le
16 faire savoir ; je demanderai aux Juges de cette Chambre s'il est possible
17 que vous preniez une pause. Je sais que c'est une épreuve extrêmement
18 éprouvante pour vous.
19 M. Ahmic (interprétation). – Je vous remercie.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Ce matin, nous étions en train
21 de reprendre point par point les événements qui se sont produits dans
22 votre maison, le 16 avril 1993 au matin. Je sais que c'est un peu
23 difficile, mais nous allons revenir un tout petit peu en arrière pour ne
24 manquer aucun détail.
25 Ayez l'obligeance de vous pencher sur la pièce à conviction qui
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1 est à votre côté. Il s'agit d'un schéma qui présente l'agencement de votre
2 maison.
3 Ayez l'obligeance de nous dire une nouvelle fois où vous vous
4 teniez lorsque vous avez vu pour la première fois Zoran Kupreskic entrer
5 dans la maison ? Utilisez le pointeur, je vous prie.
6 M. Ahmic (interprétation). – Je me tenais ici, à ce point-ci.
7 C'est là que je me tenais lorsque Zoran Kupreskic est entré.
8 M. Moskowitz (interprétation). – Nous allons continuer à parler
9 de Zoran Kupreskic et nous allons le suivre dans ses déplacements à
10 l'intérieur de votre maison. C'est vous, par votre récit, qui nous
11 expliquerez ces déplacements. Où se trouvait Zoran Kupreskic lorsque vous
12 avez vu pour la première fois cet homme entrer dans la maison ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Il se tenait ici, à l'endroit que
14 j'indique. Sur le seuil de la porte qui donne sur cette pièce.
15 M. Moskowitz (interprétation). – Quelle est la première chose
16 qu'a faite Zoran Kupreskic lorsqu'il est entré dans cette pièce, en
17 passant par cette porte ?
18 M. Ahmic (interprétation). – Il a observé la pièce ; il a vu
19 Naser qui se tenait là et il a tiré sur lui.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Vous l'avez vu de vos propres
21 yeux ?
22 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je l'ai observé depuis
23 l'endroit que j'ai indiqué tout à l'heure.
24 M. Moskowitz (interprétation). – Et qu'a fait Zoran Kupreskic
25 après avoir ouvert le feu sur votre fils Naser ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je l'ai vu se tourner vers
2 ma belle-fille et il a tiré sur elle.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Vous l'avez vu de vos propres
4 yeux ?
5 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je l'ai vu de mes propres
6 yeux.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Et ensuite, qu'avez-vous vu
8 faire à Zoran Kupreskic après qu'il a ouvert le feu sur votre belle-
9 fille ?
10 M. Ahmic (interprétation). - A ce moment-là, il s'est dirigé
11 dans cette direction que j'indique, moi je suis tombé.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Avant de nous décrire ce que
13 vous, vous avez fait, dites-nous ce que Zoran Kupreskic a fait. Est-ce que
14 vous, vous êtes resté sur le seuil de la porte tandis que Zoran Kupreskic
15 tirait sur votre fils Naser ?
16 M. Ahmic (interprétation). - Oui, exactement, je me tenais sur
17 le seuil de la porte.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Et vous y êtes resté au moment
19 où vous avez vu Zoran Kupreskic tirer sur votre belle-fille ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez vu Zoran Kupreskic
22 tirer sur votre fille. Est-ce qu'après cela, vous avez vu Zoran Kupreskic
23 faire un mouvement quelconque ou se déplacer d'une quelconque façon ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Je l'ai vu se déplacer. Il s'est
25 dirigé vers moi et Elves.
Page 1853
1 M. Moskowitz (interprétation). - Il s'est dirigé vers vous et
2 vers Elves, c'est bien cela ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Tout à fait et pendant un moment
4 j'ai perdu mon équilibre et je suis tombé.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Nous allons revenir sur ce
6 passage en détail avant que vous ne perdiez l'équilibre, avant que vous ne
7 tombiez. Nous allons revenir un petit peu en arrière, si vous le voulez
8 bien. Dites-nous si vous avez vu une autre personne entrer dans la pièce
9 ce jour-là.
10 M. Ahmic (interprétation). - Oui, au moment où Zoran est entré,
11 il était suivi par
12 Mirjan qui est entré au même moment.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez pu voir le
14 visage de Mirjan Kupreskic lorsqu'il est entré dans la pièce ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Je l'ai regardé mais, j'avais les
16 yeux voilés si vous voulez... Moi, c'était Zoran qui était la personne sur
17 laquelle je me fixais.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez reconnu
19 Mirjan Kupreskic lorsqu'il est entré dans la pièce ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Absolument, je l'ai reconnu. J'ai
21 reconnu et Zoran et Mirjan Kupreskic.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'a fait Mirjan au moment où
23 il est entré dans la pièce ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Il avait une petite bouteille à la
25 main et il a versé du liquide sur ce sofa que j'indique. Il y a mis le
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1 feu.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Mirjan et Zoran étaient-ils
3 l'un à côté de l'autre dans la pièce ? Est-ce que vous pouviez les voir
4 tous les deux en même temps ?
5 M. Ahmic (interprétation). - Mirjan est arrivé juste après
6 Zoran, il le suivait. Ils sont entrés dans la pièce l'un après l'autre,
7 l'un derrière l'autre.
8 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic, vous avez la
9 parole.
10 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, une fois
11 encore, le conseil, ou Maître Moskowitz, pose des questions
12 tendancieuses : on demande au témoin si ces deux personnes étaient
13 suffisamment proches l'une de l'autre pour que le témoin puisse les voir
14 en même temps ; on suggère au témoin la réponse qu'il doit fournir puisque
15 le témoin est tenté de dire : "Oui, elles étaient l'une à côté de
16 l'autre". La bonne question était la suivante : "Où se trouvaient ces deux
17 personnes dans à pièce ?", enfin, si j'ose formuler cette question. Puis-
18 je demander à ce que la Chambre demande au Procureur de reposer la
19 question ?
20 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Radovic, de
21 votre intervention.
22 Maître Moskowitz, je vous demanderai de reformuler la question.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le
24 Président.
25 Monsieur, je crois qu'avec votre pointeur, vous nous avez
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1 indiqué l'endroit où se tenait Mirjan. Ayez l'obligeance de nous indiquer
2 à nouveau son emplacement ?
3 Indiquez-nous l'endroit où il se tenait au moment vous
4 l'observiez.
5 M. Ahmic (interprétation). Bien sûr, je vais vous le montrer.
6 Donc, juste au même moment, Zoran est entré dans la pièce,
7 Mirjan est arrivé et est entré dans la pièce. Ce qui signifie que Zoran,
8 voyant Naser se se tenir debout dans la pièce, lui a tiré dessus
9 immédiatement et puis au même moment, Mirjan a commencé à verser ce
10 liquide sur le sofa et il y a mis le feu. Donc, il était tout à fait
11 facile pour moi de voir les mouvements de ces deux hommes depuis l'endroit
12 où je me tenais.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il y a un doute
14 quelconque dans votre esprit quant au fait que c'était bien Zoran et
15 Mirjan Kupreskic qui se tenaient ce jour-là dans votre maison ?
16 M. Ahmic (interprétation). - C'est bien ces deux personnes qui
17 se trouvaient chez moi ce matin-là, je suis sûr à cent pour cent.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez dit qu'après que
19 Zoran a tiré sur votre belle-fille, il s'est dirigé vers vous et vers
20 Elves. Pouvez-vous nous dire ce qui vous est arrivé lorsque Zoran a
21 commencé à se diriger vers vous ?
22 M. Ahmic (interprétation). - A ce moment-là, j'ai perdu mon
23 équilibre, je suis tombé et j'ai heurté le mur de ma tête.
24 M. Moskowitz (interprétation). - Je vois que vous faites
25 quelques indications sur le rétroprojecteur, mais pour le compte rendu,
Page 1856
1 pourriez-vous exactement nous décrire comment cela s’est passé, comment
2 vous êtes tombé et comment vous avez heurté le mur de votre tête ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Cela s'est passé exactement ici,
4 juste à côté du canapé et juste à côté du mur, dans ce coin.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous marquer cet
6 emplacement d'une croix afin qu'il nous soit possible d'un trait de
7 revenir par la suite sur cet emplacement précis ? Vous avez un feutre à
8 votre disposition.
9 Et puisque vous avez le feutre à la main, et pour que tout soit
10 clair, placez la lettre "Z" à l’endroit où se tenait Zoran quand vous
11 l'avez vu entrer dans la pièce pour la première fois.
12 (Le témoin s'exécute.)
13 Très bien. Et pourriez-vous maintenant marquer la lettre "M" à
14 l’endroit où vous avez vu Mirjan Kupreskic mettre le feu au canapé ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
16 Eh bien, je dirais qu'il se tenait là, enfin à peu près.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez expliqué que
18 c'est juste à côté du lit où dormait Elves que vous étiez tombé. Où se
19 trouvait votre tête et où se trouvaient vos pieds par rapport à ce lit ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Je vais l'indiquer. Est-ce que je
21 fais un trait avec le feutre ?
22 M. Moskowitz (interprétation). - Contentez-vous du pointeur.
23 M. Ahmic (interprétation). - Ma tête était à cet endroit-ci et
24 mes jambes étaient tournées de ce côté-là.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Donc votre tête était vers le
Page 1857
1 mur tandis que vos jambes, elles, étaient en direction de la table ?
2 M. Ahmic (interprétation). - J’avais la tête contre le mur
3 exactement.
4 M. Moskowitz (interprétation). - Vous dites que vous avez eu un
5 malaise, que vous
6 êtes tombé, mais qu'entendez vous par là exactement ?
7 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je crois que j'ai fait une
8 petite crise cardiaque. Enfin, à mon avis, c'est ça qui s’est passé : j'ai
9 traversé cette seconde qui sépare la mort de la vie, je ne sais pas
10 comment vous expliquer ce qui s'est passé.
11 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez perdu connaissance
12 pendant quelques instants ?
13 M. Ahmic (interprétation). - J’ai tout perdu pendant quelques
14 instants.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Une fois tombé à terre, étiez-
16 vous à même d'observer quoi que ce soit ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Non.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous entendre quoi que
19 ce soit ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai entendu des tirs.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Etiez-vous à même de dire si
22 ces tirs à nouveau son emplacement ?
23 Indiquez-nous l'endroit où il se tenait au moment vous
24 l'observiez.
25 M. Ahmic (interprétation). Bien sûr, je vais vous le montrer.
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1 Donc, juste au même moment, Zoran est entré dans la pièce,
2 Mirjan est arrivé et est entré dans la pièce. Ce qui signifie que Zoran,
3 voyant Naser se se tenir debout dans la pièce, lui a tiré dessus
4 immédiatement et puis au même moment, Mirjan a commencé à verser ce
5 liquide sur le sofa et il y a mis le feu. Donc, il était tout à fait
6 facile pour moi de voir les mouvements de ces deux hommes depuis l'endroit
7 où je me tenais.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il y a un doute
9 quelconque dans votre esprit quant au fait que c'était bien Zoran et
10 Mirjan Kupreskic qui se tenaient ce jour-là dans votre maison ?
11 M. Ahmic (interprétation). - C'est bien ces deux personnes qui
12 se trouvaient chez
13 moi ce matin-là, je suis sûr à cent pour cent.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez dit qu'après que
15 Zoran a tiré sur votre belle-fille, il s'est dirigé vers vous et vers
16 Elves. Pouvez-vous nous dire ce qui vous est arrivé lorsque Zoran a
17 commencé à se diriger vers vous ?
18 M. Ahmic (interprétation). - A ce moment-là, j'ai perdu mon
19 équilibre, je suis tombé et j'ai heurté le mur de ma tête.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Je vois que vous faites
21 quelques indications sur le rétroprojecteur, mais pour le compte rendu,
22 pourriez-vous exactement nous décrire comment cela s’est passé, comment
23 vous êtes tombé et comment vous avez heurté le mur de votre tête ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Cela s'est passé exactement ici,
25 juste à côté du canapé et juste à côté du mur, dans ce coin.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous marquer cet
2 emplacement d'une croix afin qu'il nous soit possible d'un trait de
3 revenir par la suite sur cet emplacement précis ? Vous avez un feutre à
4 votre disposition.
5 Et puisque vous avez le feutre à la main, et pour que tout soit
6 clair, placez la lettre "Z" à l’endroit où se tenait Zoran quand vous
7 l'avez vu entrer dans la pièce pour la première fois.
8 (Le témoin s'exécute.)
9 Très bien. Et pourriez-vous maintenant marquer la lettre "M" à
10 l’endroit où vous avez vu Mirjan Kupreskic mettre le feu au canapé ?
11 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
12 Eh bien, je dirais qu'il se tenait là, enfin à peu près.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Vous nous avez expliqué que
14 c'est juste à côté du lit où dormait Elves que vous étiez tombé. Où se
15 trouvait votre tête et où se trouvaient vos pieds par rapport à ce lit ?
16 M. Ahmic (interprétation). - Je vais l'indiquer. Est-ce que je
17 fais un trait avec le feutre ?
18 M. Moskowitz (interprétation). - Contentez-vous du pointeur.
19 M. Ahmic (interprétation). - Ma tête était à cet endroit-ci et
20 mes jambes étaient tournées de ce côté-là.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Donc votre tête était vers le
22 mur tandis que vos jambes, elles, étaient en direction de la table ?
23 M. Ahmic (interprétation). - J’avais la tête contre le mur
24 exactement.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Vous dites que vous avez eu un
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1 malaise, que vous êtes tombé, mais qu'entendez vous par là exactement ?
2 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je crois que j'ai fait une
3 petite crise cardiaque. Enfin, à mon avis, c'est ça qui s’est passé : j'ai
4 traversé cette seconde qui sépare la mort de la vie, je ne sais pas
5 comment vous expliquer ce qui s'est passé.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez perdu connaissance
7 pendant quelques instants ?
8 M. Ahmic (interprétation). - J’ai tout perdu pendant quelques
9 instants.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Une fois tombé à terre, étiez-
11 vous à même d'observer quoi que ce soit ?
12 M. Ahmic (interprétation). - Non.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous entendre quoi que
14 ce soit ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai entendu des tirs.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Etiez-vous à même de dire si
17 ces tirs venaient d’à côté de vous ou d'un peu plus loin ?
18 M. Ahmic (interprétation). - C’était tout près de moi, je
19 sentais les douilles tomber sur mon bras droit.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'avez-vous entendu ensuite ?
21 Vous en souvenez-vous ?
22 M. Ahmic (interprétation). - J’ai entendu des coups de feu.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Et ensuite, qu'avez-vous
24 entendu ?
25 M. Ahmic (interprétation). - J'ai entendu le bébé pleurer.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Il s'agit de Sejo ?
2 M. Ahmic (interprétation). - C’est ça, feu Sejo, c'est lui qui
3 criait. Je l’ai entendu pleurer et j'ai entendu une rafale juste après
4 cela. Puis, il n'y a plus rien eu, c'était terminé.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Après cette rafale de coups de
6 feu, est-ce que vous avez encore entendu le bébé pleurer ?
7 M. Ahmic (interprétation). - Non.
8 La dernière chose que j'ai entendue, c'est le soupir qui a été
9 poussé par feu ma belle-fille dans cette même pièce alors que la maison
10 flambait.
11 M. Moskowitz (interprétation). - Vous rappelez-vous ce que vous
12 avez fait après avoir entendu le bébé pleurer ? Vous dites qu'il y a eu
13 ces coups de feu, ensuite que le silence s'est installé. Quelle est la
14 chose suivante que vous, vous avez faites ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien je me suis levé et une fois
16 debout, j'ai regardé feu Naser qui gisait à l’endroit que j'indique. J'ai
17 vu cette grande flaque de sang, le sang qui s'épanchait de sa poitrine.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Vous êtes allé en direction de
19 votre fils ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Non. Non, lorsque je me suis levé,
21 j'ai vu Naser qui baignait dans cette flaque de sang et ensuite, je suis
22 allé dans ma chambre, vers cette fenêtre que j'indique.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Alors que vous étiez encore
24 étendu derrière le canapé, est-ce que vous avez eu l'impression que l'on
25 vous tirait dessus ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Oui. Justement, il y avait des
2 rafales qui étaient tirées, il y a eu 1 rafale, 2 rafales, 3 rafales,
3 toutes tiraient dans ma direction, je le sentais et j'ai senti les
4 douilles tomber sur mon bras droit. Je n'ai pas vu tout cela, mais c'est
5 la sensation que j'ai eue.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Mais d'après vous, comment
7 est-il possible que vous n'ayez pas été atteint par une de ces balles ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien moi, je pense que c'est
9 parce que j'étais contre le canapé. Ma tête était tournée dans ce sens-là
10 donc je pense qu'en fait, le canon de son fusil ne me visait pas très
11 précisément et par conséquent, les balles sont passées au-dessus de moi ce
12 qui signifie, en tout cas c'est ce que j'ai toujours cru, que si son canon
13 avait été incliné un peu plus vers le bas, j'aurais été touché. Enfin,
14 c'est ce que j'ai toujours pensé. C'est ce que j'ai pensé à ce moment-là,
15 c'est ce que j'ai pensé par la suite et à ce jour, je suis encore
16 convaincu que c'est ainsi que les choses se sont passées.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Je vais demander à l'huissier
18 de faire parvenir cet autre document au témoin, s'il vous plaît.
19 (L'huissier s'exécute).
20 Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation 153.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic.
22 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Sur cette photographie, nous
24 voyons un canapé.
25 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Ce n'est pas le canapé qui se
2 trouvait dans votre maison le 16 avril, n'est-ce pas ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Non, non. Ce n'est pas du tout le
4 canapé qui se trouvait dans ma maison. Mais enfin c'est un canapé tout à
5 fait similaire à celui qui se trouvait chez moi.
6 M. Moskowitz (interprétation). - En quoi ce canapé ressemble-t-
7 il au vôtre et en quoi en est-il différent ?
8 M. Ahmic (interprétation). - En fait, la différence, c'est que
9 ce canapé que nous voyons ici repose sur le sol alors que notre canapé à
10 nous avait des pieds -si vous voulez- et puis d'autre part, mon canapé
11 était un canapé-lit. Et je ne sais pas si ce canapé-ci en est un
12 également,.
13 M. Moskowitz (interprétation). – Et puis, je crois que vous avez
14 également précisé précédemment qu'en fait, le canapé chez vous était
15 déplié, que le lit était déplié. C'est là aussi une différence, n'est-ce
16 pas ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Excusez-moi, je n'ai pas très bien
18 compris votre question, je crois. Au moment dont nous parlons, le lit
19 était déplié parce que le petit enfant dormait dans ce lit.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Bien. Maintenant, regardez ce
21 canapé attentivement et dites-nous en quoi il ressemble au canapé que vous
22 aviez chez vous.
23 M. Ahmic (interprétation). – Oui, vraiment, il ressemble
24 beaucoup au canapé que nous avions chez nous : ce canapé-ci a des
25 accoudoirs et le nôtre aussi en avait.
Page 1864
1 M. Moskowitz (interprétation). – Et nous voyons, sur cette
2 photographie, une personne qui est allongée à terre. Est-ce que vous aviez
3 à peu près cette position-là, le 16 avril 1993 ?
4 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui.
5 M. Moskowitz (interprétation). – En vous référant à cette
6 photographie, expliquez-nous comment il est possible que les balles tirées
7 par la mitrailleuse ne vous aient pas atteint ce jour-là.
8 M. Ahmic (interprétation). – Si je n'ai pas était touché, c'est
9 pour les raisons que j'ai avancées tout à l'heure. En fait, il tirait
10 justement dans cet accoudoir. Moi, je pense que le
11 canon était légèrement surélevé, ce qui signifie que les balles passaient
12 au-dessus de moi. Si le canon avait été incliné vers le bas, les balles
13 m'auraient touché et je ne serais pas ici aujourd'hui pour vous en parler.
14 M. Moskowitz (interprétation). – Je vous remercie. Nous pouvons
15 retirer cette photographie du rétroprojecteur.
16 (L'huissier s'exécute).
17 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, vous souvenez-
18 vous des vêtements portés par Zoran et Mirjan Kupreskic ce matin-là ?
19 M. Ahmic (interprétation). – Ils portaient des uniformes noirs.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous avoir vu
21 quelque arme que ce soit ?
22 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
23 M. Moskowitz (interprétation). – Qui portait ces armes ou cette
24 arme ? Est-ce que Zoran portait une arme ? Est-ce que Mirjan portait une
25 arme ? Ou bien en portaient-ils une tous les deux ?
Page 1865
1 M. Ahmic (interprétation). – J'ai vu cette arme. Elle était
2 entre les mains de Zoran. Je n'ai pas vraiment observé Mirjan ; je l'ai vu
3 entrer dans la pièce, mais je ne me suis pas vraiment concentré sur ses
4 mouvements. Moi, je me concentrais surtout sur ce que faisait Zoran.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous avez essayé
6 d'observer l'arme que portait Zoran ?
7 M. Ahmic (interprétation). – A ce moment-là, j'ai vu qu'il
8 s'agissait d'un fusil de petite taille. Il y avait un barillet
9 transparent ; à l'intérieur, il y avait des balles. Enfin, c'est ce que
10 j'ai pu observer à ce moment-là.
11 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous êtes sûr que
12 c'est bien ce type
13 d'arme qu'il avait entre les mains ?
14 M. Ahmic (interprétation). – Non, je n'en suis pas sûr. Je n'en
15 suis pas sûr parce que, franchement, ce n'est pas l'arme qu'il portait qui
16 m'intéressait. Moi, c'est Zoran qui m'intéressait. Je regardais les
17 auteurs des actes qui étaient en train d'être commis.
18 M. Moskowitz (interprétation). – Vous nous avez dit qu'après
19 vous être levé, près du lit d'Elves, vous ne vous êtes pas approché du
20 corps de votre fils. Alors, où vous êtes-vous dirigé, où êtes-vous allé ?
21 M. Ahmic (interprétation). – Je suis allé dans ma chambre, à la
22 fenêtre de ma chambre.
23 M. Moskowitz (interprétation). – Pourquoi êtes-vous allé là ?
24 M. Ahmic (interprétation). – Je me suis dit que je devrais
25 essayer de sauter par la fenêtre. J'ai ouvert la fenêtre de droite et je
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1 me suis dit : " Je vais sauter, essayer de sauver ma vie comme je le
2 peux", mais lorsque j'ai vu Jako Kupreskic dans la cour, j'ai eu peur de
3 sauter parce que je me suis dit : "Ils vont m'attraper vivant". Et il y
4 avait également d'autres soldats du HVO dans la cour.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur l'huissier, pourriez-
6 vous montrer la pièce à conviction suivante au témoin ?
7 (L'huissier s'exécute).
8 Mme le Greffier. - La pièce de l'accusation n° 154.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, pourriez-vous
10 regarder la photographie qui se trouve sur le rétroprojecteur, qui est la
11 pièce à conviction 154 ; pourriez-vous nous dire ce que représente cette
12 photographie ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux. Voilà ma maison, et
14 ici, on voit l'étage inférieur et ici, l'étage supérieur avec les deux
15 chambres. Ce sont les fenêtres de chacune de ces chambres.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Donc, vous êtes rentré dans
17 votre chambre, vous avez regardé par la fenêtre ; est-ce que cette
18 photographie montre au moins une partie de la fenêtre dont vous parlez ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Oui. C'est cette fenêtre-ci et
20 cette partie de la fenêtre, donc à droite.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce que l'on voit par
22 cette fenêtre ?
23 M. Ahmic (interprétation). - On voit les maisons de Vlatko et de
24 Zoran Kupreskic et on voit également la maison de Mirjan.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous êtes rentré à
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1 nouveau dans votre chambre et que vous avez regardé par la fenêtre,
2 qu'avez-vous vu ?
3 M. Ahmic (interprétation). - J'ai vu un soldat dans la cour de
4 Vlatko Kupreskic.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez commencé à
6 grimper sur la fenêtre pour essayer de vous sauver ou êtes-vous resté dans
7 la chambre ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Non, lorsque j'ai vu le soldat, là,
9 je suis resté dans cette pièce, dans cette chambre, parce que je n'ai pas
10 osé poursuivre, j'ai eu peur qu'ils me voient, qu'ils m'attrapent vivant
11 et qu'à ce moment-là, ils me torturent et qu'ils me brûlent comme ils ont
12 brûlé toute ma famille.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Que se passait-il dans le reste
14 de votre maison alors que vous étiez à cette fenêtre et que vous étiez en
15 train de réfléchir comment vous échapper ?
16 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, j'ai entendu un profond
17 soupir, c'était ma belle-fille, ma bru, et ce fut son dernier soupir. Elle
18 était en feu, elle brûlait, elle brûlait, tout brûlait, la salle de séjour
19 où ils se trouvaient tous, où tous ces membres de la famille qui ont été
20 tués se trouvaient, brûlait.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous sentiez la
22 chaleur qui émanait de
23 ces flammes quand vous vous trouviez dans votre chambre ?
24 M. Ahmic (interprétation). - J'ai senti une énorme chaleur du
25 feu et la seule chose qui apportait un peu d'air, c'est que la fenêtre
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1 était ouverte et je pensais continuellement : Que dois-je faire ? Sauter
2 par la fenêtre ?". Puis je me disais : "si je sautais par la fenêtre et
3 que j'étais tué, bon, ça c'est très bien", mais je ne voulais pas qu'ils
4 m'attrapent pour me torturer ensuite.
5 Ensuite, j'ai décidé d'aller de la maison à la grange, à
6 l'étable, et j'ai entendu quelqu'un qui criait : "Jure ! Jure", et je
7 pensais que Jure venait de là où se trouve le chêne et qu'il disait : "Ne
8 tirez pas, c'est moi !". Et je continue de penser qu'il s'agissait là de
9 Gavrilo Vrebac et de son frère Jure, c'était d'eux qu'il s'agissait, et
10 que Gavrilo se trouvait près de ma maison et que son frère se trouvait à
11 Suhihats*.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous avez
13 entendu cela alors que vous vous trouviez dans votre chambre ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire à quel
16 moment vous avez décidé de sortir de la maison, de vous sauver de la
17 maison ?
18 M. Ahmic (interprétation). - J'ai pris cette décision quand je
19 ne pouvais plus tenir dans la chaleur du feu et de l'incendie. Les flammes
20 étaient tout près de l'installation électrique, comme si elles allaient
21 passer à travers le plafond et le plafond commençait à tomber et en fait,
22 le passage entre ma chambre et la salle de séjour avait déjà brûlé et les
23 flammes commençaient à entrer.
24 Je ne pouvais plus tenir, donc j'ai décidé de courir et de
25 traverser en courant la maison ; je me disais peut-être qu'ils ne pourront
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1 pas me voir. Il y avait un arbre, un agrumier, un cyprès qui se trouvait
2 dans la cour et des matériaux de construction et cela empêchait que l'on
3 ne me voie de la maison de Vlatko. Et puis, il y avait l'étable. J'ai
4 réussi à arriver à la porte, j'ai grimpé sur l'échelle et je me suis
5 dirigé tout à fait à l'autre extrémité de la grange. Je me suis aplati
6 contre le mur de cette grange, là où se trouvait le foin.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, pourriez-vous
8 nous dire comment vous êtes sorti de la maison ?
9 M. Ahmic (interprétation). - J'ai traversé les flammes, puis la
10 cuisine, puis la véranda, puis la porte de devant et je me suis dirigé
11 vers cette étable.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que j'ai raison lorsque
13 je dis que vous avez traversé les flammes dans la salle de séjour, ou
14 disons, de la pièce principale ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est exactement ce que j'ai
16 dit. Peut-être vous ne m'aviez pas compris, mais en partant de ma chambre,
17 j'ai traversé en courant la salle de séjour où tous les enfants ont été
18 tués, j'ai traversé cette salle de séjour jusqu'à la porte où Zoran est
19 apparu la première fois, puis je suis arrivé. J'ai traversé la véranda, je
20 suis arrivé à la porte d'entrée et je suis allé à la grange. J'ai donc
21 couru en traversant toute la maison.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous été blessé en
23 traversant les flammes ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Déjà dans la chambre, j'ai souffert
25 de terribles brûlures parce que je suis resté dans la chambre autant de
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1 temps que je pouvais le supporter, mais quand ça a été une question de vie
2 ou de mort, j'ai décidé de traverser les flammes et d'essayer de me
3 réfugier dans la grange.
4 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire au
5 mieux quel type de blessures vous avez eues et sur quelles parties du
6 corps ?
7 M. Ahmic (interprétation). - J'ai été brûlé sur toute ma tête,
8 mes bras, mes mains, mon visage. Je n'en pouvais plus, j'étais épuisé.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Avant de vous sauver de la
10 maison alors que vous étiez encore dans votre chambre, vous nous avez dit,
11 si je ne m'abuse, que vous aviez entendu une conversation et que vous
12 aviez également vu un soldat HVO ; est-ce que vous vous
13 souvenez avoir vu ou entendu qui que ce soit d'autre, à ce moment-là ?
14 M. Ahmic (interprétation). - J'ai entendu la conversation alors
15 que je me trouvais dans la grange, lorsqu'ils faisaient sortir les animaux
16 de l'étable. Les soldats n'ont pas parlé dans la maison, il n'y a pas eu
17 de conversation entre Zoran et Mirjan, mais ce n'est que lorsque j'étais
18 dans l'étable que deux soldats sont arrivés. Je ne les ai pas vu entrer,
19 pénétrer dans l'étable, mais j'ai entendu leur conversation. Ils ont dit,
20 en faisant sortir les vaches... il a dit : "Ne laisse pas les vaches
21 entrer dans le jardin, dirige-les vers la route".
22 Et ils ont cassé la clôture qui entoure ma propriété, ils sont
23 allés vers la cour de Vlatko Kupreskic, mais je n'ai pas vu qui étaient
24 ces soldats parce qu'ils me tournaient le dos. Je ne pouvais donc pas les
25 voir.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de cette
2 étable ; où se trouvait cette étable par rapport à votre maison ?
3 Pourriez-vous nous le dire ?
4 M. Ahmic (interprétation). - A l'entrée de ma cour, devant la
5 maison de Sukrija, et elle se trouvait à droite en entrant dans ma cour.
6 Elle se trouvait donc à la droite de ma cour et de ma maison.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Je demanderai à l'huissier de
8 vous montrer la pièce à conviction suivante.
9 Mme le Greffier. - Pièce à conviction 155.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Afin d'informer la Chambre, je
11 dirai que c'est un soldat britannique qui a pris cette photographie le
12 jour de l'événement.
13 M. May (interprétation). - Savez-vous quand cette photographie a
14 été faite ?
15 M. Moskowitz (interprétation). - Nous aurons un témoin soldat
16 britannique qui viendra témoigner et qui nous dira quand ces photographies
17 ont été prises, probablement en début d'après-midi, entre une heure et
18 deux heures, ce n’est pas tout à fait clair.
19 Monsieur Ahmic, pourriez-vous regarder la photographie qui est
20 devant vous, la
21 pièce à conviction 155 ; pourriez-vous nous dire ce que représente cette
22 photographie ?
23 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je le peux. Ici, vous voyez la
24 maison de feu Sukrija Ahmic, là, les matériaux de construction, les tuiles
25 pour le toit, du bois à brûler, là aussi, du bois déjà coupé, et voilà
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1 l’étable où je me suis trouvé et un peu plus bas, la maison, une partie de
2 la maison.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez indiqué brièvement
4 l'endroit où vous vous trouviez le 16 avril 1993, après avoir quitté votre
5 maison ; est-ce que vous pourriez nous indiquer où vous vous souvenez que
6 vous vous trouviez ?
7 M. Ahmic (interprétation). - Bien entendu, je peux le faire. A
8 1000 %, je sais très très bien où j’étais. J'étais exactement ici. Vous
9 voyez, ça, c'est le mur, et je me trouvais contre ce mur. Vous voyez qu'il
10 y a une protection en fil de fer, du grillage, et le grillage un peu plus
11 bas, et vous voyez un peu de rouge et de jaune ; ce sont des flammes. Et
12 je me trouvais exactement à ce coin à ce moment-là ; l’étable était en feu
13 et je me trouvais ici.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire comment
15 vous étiez, quelle était votre position dans l’étable ?
16 M. Ahmic (interprétation). - Je suis donc entré dans l'étable et
17 j'étais en-dessous du foin et à partir de là, je voyais très bien, je
18 voyais bien vers le bas et tout autour, en fait. Et c'étaient des panneaux
19 qui constituaient la cloison et je pouvais voir entre ces panneaux de
20 planches.
21 Quand j'étais à l'intérieur de l'étable, les soldats sont
22 arrivés, ils ont fait sortir les vaches, puis ils ont quitté l’étable, ils
23 se sont rendus dans la cour de Vlatko. Pendant le temps ou j'étais dans
24 l'étable, j'ai vu (expurgé), je voyais du haut, il portait quelqu'un et
25 il y avait un brancard, il était devant et deux personnes derrière et il y
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1 avait un blessé sur le brancard et il se dirigeait vers le haut d'Ahmici,
2 vers la mosquée.
3 Ca, c'est une chose, et puis la femme de Pezer Ahmic est passée
4 avec deux enfants,
5 avec un sac sur son dos, en direction de la maison de Sukrija. C’est là
6 que Sukrija a été tué. Elle indiquait aux enfants de regarder Sukrija et
7 j'étais toujours dans la même position et j'ai vu Franjo Kupreskic qui
8 laissait sortir la volaille et puis ensuite Nikica Sofradin que l'on
9 connaissait sous le nom de Cico est arrivé et s'est arrêté, et Franjo
10 s'est arrêté et a dit : " Vas voir ce qui se passe dans la maison de Sakib
11 ". J'entendais tout cela.
12 En fait, il ne pouvait voir qu'un grand feu et Cico est revenu
13 vers Franjo, et Franjo lui a dit : » Qu’est-ce que tu as vu ? » et il a
14 dit à voix haute : " Rien, il n'y a rien, ils sont tous morts, ils sont
15 tous calcinés ". Et je me suis dit : " Ils ne sont pas tous calcinés,
16 Sakib n'est pas calciné ". J'écoutais, mais je ne pouvais rien faire.
17 Quatre ou cinq jeunes gens sont passés là sur le chemin pendant
18 que j'étais dans l'étable, ils sont allés à la maison de (expurgé).
19 Ils sont passés par ces buissons. Il y a eu des coups de feu et ils ont
20 été réduits, fauchés complètement par ces tirs. Ensuite, trois soldats
21 sont venus de la maison de Vlatko ; ils sont venus par la route asphaltée,
22 ils se sont regardés, ils se sont tapé sur l'épaule ; puis, ils sont
23 repartis tous vers la maison de Vlatko.
24 M. Moskowitz (interprétation). – Je voudrais quelques
25 précisions. Je vais vous poser quelques questions pour préciser bien les
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1 choses. Ensuite, vous pourrez poursuivre votre narration.
2 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
3 M. Moskowitz (interprétation). – (expurgé), est-ce que vous
4 vous souvenez l'avoir vu ?
5 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
6 M. Moskowitz (interprétation). – Qui est (expurgé) ?
7 M. Ahmic (interprétation). – (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit qu'il portait
11 quelque chose ; ce n'était pas très clair. Est-ce que vous pourriez nous
12 décrire ce que vous avez vu ce que (expurgé) portait ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui. Maintenant, j'ai très
14 bien compris votre question, que je n'avais pas comprise la première fois.
15 J'ai vu d'ici (expurgé), donc à partir de l'étable ; il marchait sur la
16 route, il était devant un brancard qu'il portait et il y avait deux
17 personnes derrière lui. Chacune de ces deux personnes tenait un des bras
18 du brancard. Ils portaient quelqu'un de blessé. Je ne sais pas qui était
19 blessé, je ne connais pas… Je ne sais pas qui étaient les deux personnes
20 qui portaient le brancard derrière, mais j'ai reconnu (expurgé). Ils se
21 sont dirigés vers la mosquée du haut d'Ahmic.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez indiqué que quelqu'un
23 a montré du doigt la maison de Sukrija. Première question : quand vous
24 étiez dans l'étable, est-ce que vous pouviez voir la maison de Sukrija ?
25 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui, c'était exactement en
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1 face de moi.
2 M. Moskowitz (interprétation). – Où se trouve la maison de
3 Sukrija ?
4 M. Ahmic (interprétation). – Elle est juste à côté de l'étable.
5 Moi, j'étais dans l'étable, là, sur ce coin. Donc, je pouvais tout voir
6 puisque c'était la maison ; je pouvais tout voir. En fait, je voyais
7 devant et tout autour.
8 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous avez vu des
9 cadavres, des corps qui gisaient là ? Est-ce que vous pouviez voir cela ?
10 M. Ahmic (interprétation). – Près de l'étable ?
11 M. Moskowitz (interprétation). – Vous étiez dans l'étable et
12 vous regardiez vers l'extérieur : près de la -maison de votre fils,
13 pouviez-vous voir des corps qui gisaient ?
14 M. Ahmic (interprétation). – Non. A partir de l'étable, à partir
15 de là, je ne pouvais pas voir le corps de feu Sukrija ; moi, je ne savais
16 pas qu'il était là et qu'il avait été tué là. Ce
17 n'est que le jour suivant, alors que je me sauvais pour sauver ma vie, que
18 je l'ai vu là. Il était plié d'une certaine manière et j'ai essayé de le
19 déplier. Je me suis rendu compte que je n'y arrivais pas. Parce que je
20 devais absolument sauver ma vie, j'ai continué dans la direction de
21 Pirici.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Vous nous avez dit que vous
23 aviez vue quelqu'un qui montrait du doigt la maison de Sukrija ; est-ce
24 que vous pourriez nous dire de qui il s'agissait ?
25 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui, je sais exactement qui
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1 c'était. C'était la femme de Hezad, mon neveu ; elle passait devant la
2 maison de Vlatko et, ensuite, elle est passée devant la maison de Sukrija
3 et elle a montré à ses enfants le corps de Sukrija.
4 M. Moskowitz (interprétation). – Mais, à ce moment-là, vous avez
5 vu qu'elle indiquait un corps, mais vous ne savez pas que c'était le corps
6 de votre fils, de Sukrija ?
7 M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne savais pas ce qu'elle
8 indiquait du doigt, ce qu'elle voyait là. Non, je ne savais pas ce qu'elle
9 montrait. Mais, plus tard, quand j'ai vu le corps de Sukrija mort, j'ai
10 compris.
11 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que vous aviez vu
12 ou entendu une rafale qui a semblé toucher des hommes ; est-ce que vous
13 pouvez nous dire d'où venait cette rafale, si vous le pouvez ?
14 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui, je peux. Lorsque les
15 jeunes gens sont venus de la maison de Vlatko, les tirs sont partis de cet
16 espace près de la maison de Vlatko et les trois soldats qui sont allés de
17 la maison de Vlatko sont allés aux trois jeunes gens, soldats, qui ont été
18 tués et sont repartis à la maison de Vlatko.
19 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous pu reconnaître l'un
20 des trois soldats qui provenaient de la maison de Vlatko ?
21 M. Ahmic (interprétation). - Non, je n'y suis pas parvenu.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Que vous rappelez-vous d'autre
23 pendant que vous
24 vous trouviez dans l'étable ?
25 M. Ahmic (interprétation). - Deux chars, deux blindés sont
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1 arrivés, qui sont arrivés depuis la grande route d'Ahmici-le-Haut; l'un de
2 ces chars est allé devant la maison, dans la cour d'Ivica Kupreskic, et
3 l'autre s'est arrêté devant l'entrée de ma cour à moi ; il s'est arrêté
4 ici. Vous voyez ? Exactement ici, là où je place le pointeur. A côté du
5 tas de sable.
6 Nous étions à une distance de 4 ou 5 mètres à vol d'oiseau, moi
7 et ce char qui s'est arrêté là.
8 Quand le char s'est arrêté à cet endroit, la tourelle s'est
9 ouverte et un soldat est sorti de ce char. Il a jeté un coup d'oeil tout
10 autour avant de revenir à l'intérieur du char, de rebaisser la tourelle,
11 et le char qui se trouvait dans la cour d'Ivica Kupreskic a démarré, celui
12 qui était chez moi a démarré également et l'a suivi. Et ils sont partis
13 dans la direction de Gorni Ahmici, Ahmici-le-Haut.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, pendant que le
15 char était arrêté devant votre étable, est-ce que vous avez consacré une
16 pensée à la possibilité de sortir de l'étable, de vous diriger vers le
17 char et d'être sauvé ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Oui, sans aucun doute, j'y ai
19 pensé, mais je n'étais pas sûr à cent pour cent d'être accueilli à
20 l'intérieur de ce char. J'avais peur que l'on me rejette et qu'à ce
21 moment-là, on me remarque de la maison de Vlatko ou d'ailleurs et qu'on me
22 tue. Et je n'ai pas eu la force de me faire connaître. J'ai continué à
23 miser sur la sécurité en ne comptant que sur moi.
24 Les chars sont partis, ils sont partis pour Ahmici-le-Haut. Ils
25 ne sont pas restés là longtemps. Ils sont repartis. Mais pendant le temps
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1 que ces chars ont passé à cet endroit, tout était calme, il n'y a pas eu
2 le moindre coup de feu, pas un seul fusil n'a tiré un coup de feu, je n'ai
3 plus rien entendu. Et quand le char est retourné vers Ahmici par la route
4 principale et qu'il a poursuivi son chemin vers Vitez en passant tout près
5 du café Pican, à ce moment-là, des coups de feu ont éclaté de tous les
6 côtés, absolument de tous les côtés, et ces coups étaient tirés par
7 plusieurs armes de types différents.
8 Je pense que c'était un peloton qui tirait. Il y a eu un coup de
9 canon et puis le silence de nouveau et on n'a plus rien entendu, plus
10 aucun coup de feu, plus aucune rafale n'a été tirée ensuite.
11 J'ai vu devant la maison de Vlatko Kupreskic une voiture, j'ai
12 entendu le klaxon de cette voiture et j'ai aussi entendu la sirène d'une
13 voiture de pompiers, d'un camion de pompiers alors à ce moment-là, je me
14 suis dit qu'ils avaient fait sonner toutes les sirènes pour fêter le
15 succès de leur action sur le territoire d'Ahmici, totalement tué.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez dit que, pendant que
17 les chars se trouvaient à cet endroit, les coups de feu ont cessé.
18 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
19 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous aviez entendu
20 des coups de feu ou des tirs avant l'arrivée des chars ?
21 M. Ahmic (interprétation). - Oui, bien sûr. Avant, il y avait
22 des coups de feu, avant l'arrivée des chars. On entendait des coups de feu
23 ici et là, mais quand les chars sont arrivés, il y a véritablement eu une
24 accalmie, plus un coup de feu n'a été entendu et lorsque les chars sont
25 repartis, je viens de le décrire très précisément, quand ils sont partis
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1 là-haut vers le café Pican, alors à mon avis, ils ont utilisé absolument
2 toutes les armes qu'ils avaient à leur disposition, je pense que c'était
3 tout un peloton.
4 L'accalmie a cessé, on a entendu le klaxon de la voiture de
5 Vlatko Kupreskic, on a entendu le klaxon de la voiture d'Ivica Kupreskic,
6 on a entendu la sirène municipale, on a entendu la sirène du poste des
7 sapeurs-pompiers de Vitez et j'ai pensé, à ce moment-là, que c'était en
8 signe de satisfaction pour la réussite de l'action menée à Ahmici, qui
9 était un véritable massacre. C'est ce que je continue à penser
10 aujourd'hui, d'ailleurs.
11 M. Moskowitz (interprétation). - Après le départ des chars,
12 avez-vous pu voir quelqu'un que vous auriez reconnu ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Dans l'immédiat, je n'arrive pas à
14 me rappeler.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Eh bien je vais vous poser la
16 question suivante : vous rappelez-vous à quel moment vous êtes sorti de
17 l'étable, et pourquoi vous êtes sorti de l'étable ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas dire quand je suis
19 sorti de l'étable, à quel moment précis, mais je peux dire pourquoi je
20 suis sorti de cette étable.
21 Il y a quelque chose que je n'ai pas vu, mais j'ai senti dans
22 l'étable qu'un coup était porté à la porte d'entrée de l'étable ; j'ai
23 entendu le coup des deux pneus que j'avais mis de côté dans l'étable.
24 Alors, entendant ce coup des pneus contre la porte, j'ai pensé que
25 quelqu'un était arrivé, mais je ne respirais même plus, je ne voulais pas
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1 me montrer. J'ai senti des craquements et j'ai pensé que quelqu'un avait
2 mis le feu, et c'est exactement ce qui s'était passé parce que très
3 rapidement après, j'ai senti l'odeur de la fumée.
4 Donc j'ai réfléchi à toute vitesse, je me suis dit : "Dans
5 quelques instants, tout va être transformé en flammes" ; j'ai essayé, sans
6 bruit, de sortir un peu la tête de la paille pour jeter un coup d'oeil et
7 voir s'il y avait quelqu'un à l'intérieur de l'étable. J'ai donc jeté ce
8 coup d'œil, j'ai vu qu'il n'y avait personne, mais j'ai vu que l'étable
9 était en feu, que tout était en feu, et il n'y avait personne ni dans
10 l'étable ni devant l'étable. Alors, je me suis dit : "Je pourrais peut-
11 être traverser l'étable, traverser le foin, descendre, prendre les
12 fourches que l'on utilise pour le fumier et m'infiltrer rapidement dans
13 cette cuve dans laquelle on gardait le fumier pour pouvoir m'échapper par
14 là".
15 Mais je me suis aussi dit très rapidement que, pendant que je
16 descendrais de l'étage de l'étable au niveau inférieur, quelqu'un me
17 verrait et je n'osais pas prendre ce risque.
18 Je savais que, à cet endroit-là, dans l'étable, je pouvais
19 enlever une bûche, donc
20 enlever une bûche, la déposer sur la paille, mais tout cela sans le
21 moindre bruit parce qu'il ne fallait pas que je fasse de bruit, je ne
22 savais pas s'il y avait encore quelqu'un en bas, ailleurs ou autour de
23 l'étable parce que tous ces gens-là portaient des semelles de crêpe et on
24 ne les entendait pas arriver. Donc, j'ai enlevé cette bûche, je me suis
25 retenu par les mains, j'ai sauté dans le fumier et ici, au niveau où se
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1 trouve cette réserve de bois coupé, comme vous le voyez ici, eh bien, cet
2 amas de bois se poursuit et arrive à peu près à un mètre de la maison
3 Sukrija. Et à ce niveau là, l'hiver, on prenait des bûches pour se
4 chauffer à l'intérieur des maisons. Comme certaines bûches avaient été
5 enlevées, il y avait un petit trou. Donc, je me suis caché dans ce trou,
6 et il y avait aussi des pièces de voiture, des pièces avant de voiture,
7 deux pièces.
8 Donc, je me suis couché dans ce trou, dans le tas de bois, et je
9 me suis servi de ces pièces d'automobile pour faire une espèce de
10 casquette en les adossant contre le tas de bois. J'ai passé toute la nuit,
11 dans ce trou, jusqu'à à peu près 4 heures du matin.
12 Et à ce moment là, si vous me permettez de poursuivre mon récit,
13 le récit de ces événements...
14 M. Moskowitz (interprétation). - Oui, mais vous me permettrez de
15 vous poser d'abord quelques questions d'éclaircissement.
16 M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est possible.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Quand vous êtes sorti de
18 l'étable, est-ce que vous avez pu voir le corps de votre fils Sukrija ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Non. Ah !... Non, non parce que je
20 suis passé par le bois. Non, je ne l'ai pas vu.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Et vous rappelez-vous combien
22 de temps vous êtes resté dans ce tas de bois, caché dans ce tas de bois ?
23 M. Ahmic (interprétation). - Oui, bien sûr, j'y suis resté toute
24 la journée et toute la nuit.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous décrire pour nous
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1 dans quel état physique vous vous trouviez pendant toute cette période ?
2 M. Ahmic (interprétation). - Atroce. J'étais presque mort,
3 j'étais tout nu, je n'avais pas de chaussettes, j'avais un pyjama brûlé...
4 c'est difficile à décrire, vous savez... J'étais en pyjama, je n'avais pas
5 de chaussettes, j'avais juste une espèce de veste imperméable que j'avais
6 enfilée rapidement en sortant de la chambre, mais c'est tout ce que
7 j'avais sur moi. Je n'avais rien sur les pieds.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Quand êtes-vous sorti du tas de
9 bois ?
10 M. Ahmic (interprétation). - Je suis sorti du tas de bois le
11 17 avril aux premières heures du matin, vers 4 heures du matin.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Et quand vous êtes sorti de ce
13 tas de bois, est-ce que vous avez pu voir quelque chose ? Est-ce que vous
14 avez vu des cadavres ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Oui. Quand j'ai décidé de m'en
16 aller, quand j'ai décidé que je ne pouvais plus rester à cet endroit,
17 qu'il ne fallait pas que j'y reste, qu'il fallait que je parte avant le
18 lever du jour, donc de nuit, je suis donc sorti du tas de bois et j'ai vu
19 la voiture de feu Sukrja qui se trouvait devant la porte d'entrée de son
20 atelier et son cadavre se trouvait devant la voiture quelque part. Vous
21 voyez, devant cet arbre, il y a un petit chemin et son cadavre était à
22 côté de ce petit bois.
23 Je suis passé là, je l'ai vu, j'ai vu que son corps était sur le
24 côté parce qu'il y avait un petit ruisseau à cet endroit, il est tombé à
25 côté du ruisseau et j'ai essayé de le prendre par-dessous le corps pour le
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1 tirer de façon qu'il soit allongé à plat, mais je n'avais pas la force
2 suffisante pour le tirer, donc j'ai été obligé de le laisser dans l'état
3 où il était et j'ai continué mon chemin.
4 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous
5 dire ce que vous voulez dire par "Je n'avais pas la force" ? Comment vous
6 avez essayé de tirer ce corps et
7 pourquoi cela a été difficile pour vous ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Je ne l'ai pas déplacé, je n'ai pas
9 réussi à le tirer parce qu'il était couché de travers et moi, comme il
10 était mort, je souhaitais qu'il soit allongé à plat. J'ai essayé de le
11 tirer, mais j'avais les mains brûlées et je n'ai pas eu la force, donc je
12 l'ai laissé comme il était et j'ai continué mon chemin en suivant un
13 trajet que j'avais déjà décidé dans ma tête, quand j'étais dans le tas de
14 bois. C'est à ce moment-là que j'avais décidé par où j'allais sortir.
15 Je me suis dirigé vers la route principale, vers la maison de
16 Redzib Ahmic la haut, je suis passé entre la maison de Redzib Ahmic et de
17 Suad mais quand je suis arrivé entre ces deux maisons, les moutons ont
18 senti ma présence et ont commencé à bêler ; cela m'a fait peur parce que
19 j'ai pensé que les soldats du HVO avaient établi leur quartier général pas
20 loin, dans une maison qui était tout droit, donc je me suis dit : " ils
21 vont se mettre à tirer " .
22 Mais en fait, quand j'ai constaté que les moutons avaient
23 circulé dans ce champ toute la nuit, finalement, il y avait du bruit, il y
24 avait le bruit du mouvement des moutons qui circulaient à gauche et à
25 droite et cela m'a un peu allégé la situation car j'ai pu avancer plus
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1 facilement.
2 Je me suis assis à un moment, très peu de temps, parce que je
3 n'avais plus de souffle, je me suis reposé quelques instants. J'ai couvert
4 encore une trentaine de mètres et je suis ressorti sur le plat là-haut, là
5 où on fait les foins ; là, je me suis arrêté et j'ai pensé -j'étais sûr à
6 cent pour cent- que je m'étais sorti du piège du HVO.
7 Là, il y a un sentier, un sentier qui relie le village d'Ahmici
8 et le village de Pirici, et je suis arrivé par ce sentier jusqu'à la
9 maison de ma mère ; j'ai frappé à la fenêtre, ma mère était réveillée et
10 j'ai dit à ma mère : "Maman, ouvre la porte, mais n'allume pas la
11 lumière". Ma mère a ouvert la porte, j'ai pénétré à l'intérieur de la
12 maison, je me suis assis sur son lit, je lui ai dit "Maman, si tu peux,
13 allume le feu le plus vite possible parce que je suis gelé" et ma mère a
14 vraiment allumé le feu très vite, elle ma préparé un thé, elle m'a demandé
15 si j'avais des cigarettes, j'ai dit " Oui ", elle m'a dit : " Sors tes
16 cigarettes ", j'ai sorti les cigarettes et les allumettes, je lui ai
17 préparé une cigarette, elle m'a donné une tasse de thé, j'ai aussi fumé
18 cette cigarette.
19 Je ne sais pas si j'ai bu ce thé complètement ou pas, mais des
20 rafales ont commencé autour de la maison de ma mère et donc je suis tombé
21 au sol et je me suis dirigé directement vers la fenêtre de la chambre ; à
22 250 mètres de la maison, des rafales étaient en train d'être tirées.
23 Je suis revenu dans la cuisine, ma mère a entendu les rafales et
24 elle m'a dit : "Enfuis-toi, mon fils, qu'ils ne te voient pas parce qu'ils
25 vont t'arrêter " ; et très rapidement, elle a enlevé ses chaussettes et
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1 j'ai rapidement enfilé une chaussette sur un pied, l'autre chaussette sur
2 l'autre pied et je suis parti.
3 Je suis sorti de la maison, je suis arrivé là-haut, près de la
4 maison de Rifet, il n'y avait personne dans cette maison ; j'ai continué
5 par les champs et quand je suis arrivé sur le plat, devant la maison de
6 Gajo Barna, à côté du pylône électrique, j'ai emprunté la direction
7 d'Ahmici en allant d'abord vers Zume.
8 J'étais terriblement amer. J'ai vu que tout ce qui appartenait
9 aux Musulmans était en feu ; je me suis dit que, en bas aussi, tout cela
10 s'était passé comme cela s'était passé dans ma maison. En bas, moi,
11 j'avais deux frères, un gendre, une fille, des cousins, de la famille et
12 quand j'ai vu cela, j'ai vu qu'il n'y avait plus personne nulle part.
13 J'ai continué à marcher vers Vhrovine, là-haut, et à la sortie
14 de Barin Gaj, j'ai rencontré cinq jeunes gens qui entraient dans Barin
15 Gaj ; ils portaient des fusils. Il y avait Vlbja Ahmic qui était derrière
16 eux ; Vlbja m'a regardé et m’a dit : "Sakib, c’est toi ? Qu'est-ce qui se
17 passe là-bas ? ", je lui ai dit : "eh bien les soldats du HVO sont arrivés
18 à Pirici et il y a eu une rafale qui a été tirée au-dessus de la maison de
19 ma mère, une autre rafale qui a été également tirée à 200, 250 mètres de
20 sa maison à peu près, il faut que vous partiez, mais essayez d'aller
21 vers les maisons pour prévenir les autres ".
22 Moi, j'ai continué mon chemin jusqu'à Vhrovine ; il n'y avait
23 personne dans les maisons. Je suis rentré dans trois maisons où je n'ai
24 trouvé personne : j'ai essayé d'aller chez Kustre... personne chez lui,
25 chez Hazim... personne, chez Sefer Mucinovic... personne non plus. Et moi
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1 je ne pouvais plus, je ne pouvais plus continuer.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, permettez-moi
3 de vous interrompre quelques instants. Je demanderai à l'huissier de bien
4 vouloir remettre au témoin la prochaine pièce à conviction de
5 l'accusation.
6 (L'huissier s'exécute).
7 Mme le Greffier (interprétation). - La pièce de
8 l'accusation 156.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic...
10 M. Ahmic (interprétation). - Oui ?
11 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous examiner cette
12 pièce à conviction 156 et nous dire ce qu'elle représente ? Si vous avez
13 des difficultés à vous orienter, n'hésitez pas à me le faire savoir.
14 M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas compris votre question.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demande de regarder la
16 pièce à conviction qui se trouve devant vous sur le rétroprojecteur.
17 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Et je vous demande de nous
19 dire, si vous le pouvez, ce que cette pièce à conviction représente ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien cette pièce à conviction
21 représente le territoire de Pirici et d'Ahmici.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous voyez ce cercle
23 au-dessus duquel est inscrit le chiffre 56 ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je vois le cercle. Je vois ce
25 petit cercle.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez des
2 difficultés à reconnaître ce qu'il représente ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Non, je n'ai pas de problèmes,
4 c'est une photo très claire.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Dites-nous, est-ce qu'au niveau
6 du n° 56, c'est votre maison que l'on voit ?
7 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
8 M. Moskowitz (interprétation). – Et la ligne blanche qui circule
9 en zigzag sur cette carte indique-t-elle le chemin que vous avez suivi
10 lorsque vous avez quitté Ahmici pour vous rendre dans la maison de votre
11 mère ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est tout à fait cela.
13 M. le Président (interprétation). – Maître Radovic ?
14 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, nous en
15 sommes de nouveau à des questions qui guident tout à fait clairement le
16 témoin. D'abord, première question : « est-ce que la maison qui correspond
17 au cercle sur lequel se trouve le numéro 56 est votre maison ? » Deuxième
18 question : « est-ce que le chemin qui circule en zigzag sur cette
19 photographie représente le chemin que vous avez suivi ? » Il serait normal
20 de poser la question : « que représente le cercle 56 » et « reconnaissez-
21 vous cette ligne et dites-nous ce qu'elle représente ». Là, on souffle la
22 réponse au témoin ; vraiment, cela dépasse les bornes.
23 M. le Président (interprétation). – Monsieur Radovic, je crois
24 qu'il est tout à fait clair que le témoin a déjà indiqué sur cette autre
25 photographie où se trouvait sa maison. Quant à la ligne que l'on voit sur
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1 cette pièce à conviction, je suppose que le Procureur a tracé cette ligne
2 sur la base des dires du témoin, avant son entrée dans le prétoire.
3 Je ne pense pas vraiment que cela vaille la peine de rentrer
4 dans ces détails infimes. Bien entendu, vous avez raison, dans une
5 certaine mesure, c'est une question qui guide le témoin, mais je propose
6 que nous poursuivions.
7 M. Moskowitz (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
8 Vous avez cité Barin Gaj, dans votre récit ; pouvez-vous nous
9 dire ce qu'est Barin Gaj ?
10 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
11 M. Moskowitz (interprétation). – Ne nous dites pas où cela se
12 trouve, mais ce que c'est.
13 M. Ahmic (interprétation). – C'est une sorte de plateau, de
14 point de vue qui surplombe la totalité de Vitez, Ahmici, Santic, etc.
15 Quand on dit Barin Gaj, simplement, on fait référence à une forêt.
16 M. Moskowitz (interprétation). – Dans quel état physique vous
17 trouviez-vous lorsque vous vous êtes arrêté à Barin Gaj pour regarder le
18 village d'Ahmici d'en haut ? Est-ce que vous aviez mangé ?
19 M. Ahmic (interprétation). – Non. C'était atroce, c'était à
20 mourir. J'étais complètement perdu pendant ces instants. J'étais mort,
21 comme on dit. A 70 %, j'étais mort quand j'ai jeté un coup d'œil sur le
22 territoire d'Ahmici en bas et quand j'ai vu tout ce que j'ai vu, tout ce
23 qui y a été fait. A ce moment-là, je me suis senti terriblement mal. Et
24 c'est d'ici, voyez-vous, d'ici, que j'ai regardé en bas. C'est là que se
25 trouve Barin Gaj ; là, il y a le plateau et c'est à partir de cet endroit
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1 que j'ai vu tout ce qui se passait en bas. Quand j'ai vu tout cela, alors…
2 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez placé le pointeur sur
3 Barin Gaj ; est-ce qu'il y a une lettre ou un signe sur cette photo qui
4 indique l'emplacement général de Barin Gaj ? Pourriez-vous lire à haute
5 voix la lettre ou le signe qui est inscrit sur la photographie ?
6 M. Ahmic (interprétation). –Eh bien, voilà, c'est cela. D'après
7 moi, c'est cela. Ma
8 maison est ici, la sortie de ma maison, tout droit là-haut entre la maison
9 de Suad et de Redzib. Ensuite, j'ai suivi ce chemin, je suis sorti ici
10 dans cette prairie parce que ce sont toutes des prairies, ici, vous
11 voyez ? Avec une forêt à cet endroit.
12 Quand je suis sorti ici, j'ai eu le sentiment que je m'étais
13 sauvé, que j'étais sorti du piège du HVO, que j'étais hors de portée du
14 HVO. Là, il y a la route qui relie Pirici au village d'Ahmici qui se
15 trouve ici.
16 Donc, par ce chemin, par cette route, je suis arrivé jusqu'à la
17 maison de ma mère. Vous voyez, la maison de ma mère se trouve ici ; et là,
18 il y a la maison de notre voisin, Hazim. A partir de là, à partir de la
19 maison de ma mère, je suis ressorti et je suis passé à travers champs.
20 Ici, il y a le village de Pirici ; tout cela, c'est le village de Pirici.
21 Moi, j'ai continué à travers champs pour arriver au village de
22 Vidovici. A partir de Vidovici, il y a ce chemin qui mène vers Barin Gaj.
23 C'est là que je suis arrivé. Ça, c'est le chemin qui continue tout droit,
24 qui traverse Barin Gaj ; mais moi, quand je suis arrivé à cet endroit-ci,
25 je suis sorti dans cette clairière, dans cette prairie à droite qui me
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1 donnait un panorama sur l'ensemble de la région.
2 J'étais complètement abattu, j'étais complètement perdu quand
3 j'ai vu tout cela, j'ai ensuite rebroussé chemin et je suis allé vers
4 Vhrovine, là-haut et je suis arrivé à Vhrovine, où un jeune homme de mon
5 village qui avait été expulsé m'a accueilli et ce matin-là, les soldats du
6 HVO avaient pilonné Vhrovine et tous les habitants étaient debout sur la
7 route, ils étaient sortis de leur maison.
8 Quand je suis arrivé sur la route, cet homme s'est dégagé de la
9 masse de population qui se trouvait-là, s'est approché de moi et m'a dit :
10 "Sakib, mon Dieu, mais pourquoi est-ce que personne ne t'a fait un
11 bandage ?" Et je lui ai répondu la vérité, je lui ai dit : "Vous êtes les
12 premiers êtres humains que je vois, en bas, il n'y a pas âme qui vive."
13 Et vraiment il m'a bandé une main, il m'a bandé l'autre main et
14 m'a dit : "Nous avons
15 deux autres blessés ici, vous êtes le troisième, il y a une voiture là-bas
16 au carrefour, la voiture va arriver et on va vous transférer, vous trois,
17 les blessés. On va vous emmener à l'hôpital de Zenica". Et c'est ce qui
18 s'est passé. La voiture est arrivée, on nous a transférés à Zenica ; nous
19 sommes arrivés jusqu'au village de Dobrijeno et ensuite, nous sommes
20 descendus jusqu'à la ville de Mokosnjice, où nous attendait une ambulance
21 qui nous a fait monter à bord. On nous a emmenés jusqu'à l'hôpital de
22 Sovenice* ou Srebrenica, où on nous a accueillis.
23 On nous a emmenés au service des urgences, où d'autres soins
24 nous ont été dispensés. Et tout cela s'est passé, enfin mon entrée dans
25 l'hôpital le 17 avril 1993, et je suis sorti de l'hôpital le 1er mai 1994.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Président, au vu de
2 l'heure, est-ce que le moment est bien choisi pour faire une pause ?
3 M. le Président (interprétation). - Absolument, une pause d'une
4 demi-heure.
5 L'audience, suspendue à 15 heures 35 est reprise à 16 heures
6 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, vous
7 pouvez reprendre.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
9 Monsieur Ahmic, avant de nous interrompre, nous étions en train de parler
10 de votre arrivée à l'hôpital et de votre sortie de l'hôpital ; dans quelle
11 ville êtes-vous allé à l'hôpital ?
12 M. Ahmic (interprétation). - C'était à Zenica.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Et pourriez-vous nous dire
14 combien de temps vous avez passé à l'hôpital ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Je suis entré à l'hôpital le
16 17 avril 1993 et j'en suis sorti le 1er mai 1994.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il y aurait un doute
18 quant à la véracité
19 de la date de votre sortie d'hôpital qui figure dans le rapport ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Effectivement, il y a eu une
21 erreur : ils ont dit que j'avais quitté l'hôpital le 26, enfin c'est la
22 date qui apparaît. Et puis, il y a également une erreur pour ce qui est du
23 mois. Ce sont des erreurs, mais des erreurs mineures, disons, quelques
24 jours de différence, au plus.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Et vous êtes resté dans le même
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1 hôpital pendant toute cette période de temps ou bien est-ce qu'à un moment
2 de votre hospitalisation, vous avez été transféré ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne suis pas resté tout le
4 temps dans le même hôpital, j'étais dans l'hôpital général de Busovaca et
5 on m'a transféré à l'école de médecine parce qu'il y avait énormément de
6 blessés qui arrivaient à l'hôpital ; tous les lits étaient occupés, il y
7 avait des gens qui étaient allongés dans les couloirs et pour essayer de
8 libérer quelques lits pour les blessés graves, ceux qui, dans une certaine
9 mesure, s'étaient remis de leurs blessures étaient transférés à l'école de
10 médecine ; c'est là qu'ils poursuivaient leur traitement, un traitement
11 tout à fait similaire à celui reçu à l'hôpital.
12 Nous étions toujours sous le même traitement, les radios, les
13 examens du poumon... tout était semblable.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Dans la mesure où vous le
15 pourrez, pourriez-vous nous expliquer exactement quel genre de soins vous
16 avez reçus lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital général de Zenica ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas compris
18 votre question. Ah! oui... Tout de suite, j'ai reçu les premiers soins,
19 les soins d'urgence, et puis on m'a traité à l'hôpital.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Et pour ce qui est de vos
21 brûlures, quel genre de soins avez-vous reçus ?
22 M. Ahmic (interprétation). - Ils ont appliqué certaines
23 pommades.
24 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez pris des
25 médicaments ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai pris des médicaments.
2 J'ai également eu des piqûres, enfin j'ai eu toutes sortes de choses.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous souffriez à ce
4 moment-là ? Et le cas échéant, quelle était l'intensité de la douleur que
5 vous ressentiez ?
6 M. Ahmic (interprétation). - J'avais très mal. Au tout début,
7 lorsqu'ils m'administraient les premiers soins, la douleur était plus
8 intense encore qu'au moment même où j'avais reçu ces brûlures. La douleur
9 était vraiment très vive. J'ai subi plusieurs examens cardiaques, j'étais
10 sous suivi médical permanent, et notamment sous suivi cardiaque permanent.
11 J'avais constamment une infirmière à mes côtés, jamais je n'ai été laissé
12 seul à l'hôpital.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Cette douleur, combien de temps
14 l'avez-vous ressentie ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Je l'ai ressentie pendant une
16 longue période. J'ai souffert pendant trois ou quatre mois. Le traitement
17 était lent, il fallait beaucoup de temps pour que ces brûlures
18 cicatrisent, mes doigts étaient complètement raidis, je ne pouvais pas du
19 tout bouger ces doigts, toute la peau que vous voyez sur mes mains, c'est
20 de la nouvelle peau, si je puis dire, ce sont des greffes. J'avais perdu
21 mes ongles, la peau, tout, et puis il y avait pénurie de médicaments.
22 J'avais un ami à Zenica et il a réussi à trouver de l'huile de
23 lys ; c'est une huile particulière qui a été utilisée dans des massages de
24 mains. J'ai massé mes doigts avec cette huile ; il n'y a que ce doigt qui
25 reste irrémédiablement raide. Voyez, je n'ai plus aucune force dans ce
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1 doigt, je ne peux plus le bouger, il est raide, il est mort. Pour ce qui
2 est de mes autres doigts, il n'y a pas de problèmes aujourd'hui.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Et pour ce qui est de votre
4 visage, avez-vous reçu des blessures au visage et, le cas échéant, est-ce
5 que vous avez été traité ? Est-ce que vous avez reçu des soins ?
6 M. Ahmic (interprétation). - J'ai également été gravement brûlé
7 au visage. Oui j'ai reçu des soins, des soins semblables à ceux que je
8 viens de décrire, pommades, des aérosols, et ça permettait d'empêcher
9 l'infection, mais la douleur était tout de même extrêmement vive. C'est
10 difficile de décrire ces choses-là.
11 M. Moskowitz (interprétation). - Au cours de la période de temps
12 que vous avez passée à l'hôpital, vous rappelez-vous avoir fait deux
13 déclarations recueillies par des enquêteurs ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je m'en souviens.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez tout
16 raconté à ces enquêteurs ? Est-ce que vous avez expliqué tout ce qui
17 s'était passé dans votre maison ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Non.
19 M. Moskowitz (interprétation). - Quelles sont les choses que
20 vous ne leur avez pas dites ?
21 M. Ahmic (interprétation). - Vous me demandez ce que je ne leur
22 ai pas dit ou pourquoi je ne le leur ai pas dit ?
23 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demande ce que vous ne
24 leur avez pas dit.
25 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, tout d'abord, dans cette
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1 déclaration, je n'ai pas osé donner les noms des meurtriers de mes
2 enfants. Je n'ai pas donné le nom de Zoran Kupreskic ni celui de
3 Mirjan Kupreskic, ils n'apparaissent pas dans cette déclaration.
4 M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi n'avez-vous pas osé
5 nommer les meurtriers de vos enfants ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Si je ne les ai pas nommés, c'est
7 parce que c'était toujours la guerre en Bosnie-Herzégovine et à l'époque,
8 je ne pouvais pas savoir quelle allait en être l'issue. Je ne savais pas
9 quand ou comment elle allait s'arrêter, et c'est pour cela que je n'ai pas
10 eu le courage de nommer qui que ce soit, à ce moment-là.
11 M. Moskowitz (interprétation). - Dans des déclarations
12 ultérieures, vous avez donné les noms de Zoran et de Mirjan Kupreskic et
13 vous avez dit qu'ils avaient tué les membres de votre famille ; pourquoi
14 avez-vous choisi de les nommer ultérieurement ? Que s'est-il passé entre
15 ces deux déclarations ?
16 M. Ahmic (interprétation). - J'ai pris une décision. J'ai
17 réfléchi et j'ai pris une décision. Je me suis dit : "Pourquoi protéger
18 les personnes qui ont tué les êtres qui m'étaient le plus cher ? Ils ont
19 perpétré un massacre, ils ont commis des actes monstrueux, de quoi aurais-
20 je peur ? Est-ce que j'ai peur de dire la vérité ? Moi, je n'ai peur de
21 personne désormais. Et je n'aurai jamais plus peur de qui que ce soit.
22 Tous ceux qui ont commis ces actes, eh bien, que ce soient eux qui aient
23 peur : ce sont eux les criminels. Moi, je ne suis pas un criminel. Que eux
24 aient peur ! "
25 Ça, c'est une des premières raisons. Et puis la deuxième chose,
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1 c'est que je veux la vérité, je veux toujours dire la vérité. D'après moi,
2 chacun des êtres humains qui vit sur cette terre commet des actes et doit
3 subir les conséquences de ces actes ; si moi, je travaille pour une
4 entreprise pendant un mois, l'entreprise doit me payer pour les services
5 que je lui rends, pour le travail que j'ai effectué.
6 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, nous allons
7 maintenant diffuser une séquence vidéo assez brève.
8 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
9 M. Moskowitz (interprétation). – Cette séquence est brève ; nous
10 allons donc la diffuser. Ensuite, je vous demanderai de faire un certain
11 nombre de commentaires sur cette séquence, mais, pour le moment, je
12 demanderai simplement que ces images soient diffusées, s'il vous plaît.
13 (Diffusion de la séquence vidéo).
14 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi,
15 Maître Moskowitz, mais Me Radovic souhaite prendre la parole.
16 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Procureur pourrait-il
17 nous dire quand ces images ont été filmées et diffusées ? Parce
18 qu'apparemment, elles font partie d'une émission télévisée ?
19 M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz ?
20 M. Moskowitz (interprétation). – Eh bien, je vais demander au
21 témoin s'il se souvient des circonstances dans lesquelles ces images ont
22 été filmées.
23 Monsieur, est-ce que c'est vous qui êtes sur ces images ?
24 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
25 M. Moskowitz (interprétation). – Vous souvenez-vous où ces
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1 images ont été filmées et dans quel cadre cet entretien a eu lieu ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Ces images ont été filmées à
3 Zenica, dans l'hôpital. Je crois que ça s'est passé le 18 ou le 19 avril,
4 je n'en suis pas absolument certain. Mais ça a été filmé juste après les
5 événements. C'est donc un de ces deux jours.
6 M. Radovic (interprétation). – Encore une question : quelle est
7 la chaîne de télévision qui a filmé ces images ?
8 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Ahmic, pouvez-vous
9 nous dire quelle équipe de télévision a filmé ces images ?
10 M. Ahmic (interprétation). – Je crois que c'étaient les équipes
11 de Radio Zenica.
12 M. Moskowitz (interprétation). – Nous voyons sur ces images que
13 vous étiez blessé.
14 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
15 M. Moskowitz (interprétation). – Si vous vous en souvenez,
16 pourriez-vous nous dire comment vous vous sentiez, ce jour-là, lorsque
17 vous avez donné cet entretien ?
18 M. Ahmic (interprétation). – J'étais dans un état déplorable :
19 je ne me sentais pas bien du tout. C'est difficile de décrire l'état dans
20 lequel je me trouvais. J'étais bouleversé, perdu ; j'avais tout perdu...
21 Et aujourd'hui encore, je me sens très mal. Et, à l'époque, j'étais malade
22 et j'étais en état de choc. Cet état a duré pendant des jours et des
23 jours. J'avais perdu tout ce et tous ceux qui m'étaient cher. Vous pouvez
24 imaginer l'état dans lequel je me trouvais.
25 M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz, pardon de
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1 vous interrompre. Je suppose que vous allez fournir une retranscription de
2 cette cassette vidéo aux Juges.
3 M. Moskowitz (interprétation). – Absolument, Monsieur le
4 Président. Nous disposons d'une retranscription de ces images et de la
5 teneur de l'entretien.
6 Monsieur le Président, il se peut que ces documents aient déjà
7 été communiqués aux juges de la Chambre et aux conseils de la défense,
8 mais si jamais ça n'avait pas été le cas, nous serions ravis de vous en
9 fournir un exemplaire supplémentaire. Pour parer à toute éventualité, nous
10 allons vous remettre un exemplaire de ce document, Monsieur le Président.
11 Bien. Monsieur Ahmic, au moment où ces images ont été filmées,
12 aviez-vous déjà décidé de révéler les noms des meurtriers des membres de
13 votre famille ?
14 M. Ahmic (interprétation). – A l'époque où ces images ont été
15 filmées, je ne sais plus ce que j'avais en tête. J'étais sans doute encore
16 indécis sur ce point ; sans doute, ne savais-je pas encore si j'allais ou
17 pas donner le nom de ces personnes.
18 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez précisé tout à
19 l'heure que c'était la guerre ; pendant toute la période durant laquelle
20 la guerre a duré, est-ce que vous saviez qui allait gagner cette guerre ?
21 M. Ahmic (interprétation). – Non.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Vous trouviez-vous dans
23 l'hôpital de Zenica au moment où cette ville a été pilonnée ?
24 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
25 M. Moskowitz (interprétation). – Au moment où vous avez accordé
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1 cet entretien, est-ce que vous saviez où se trouvaient les autres membres
2 de votre famille ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne le savais pas. Je ne
4 savais pas où ils se trouvaient.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous avez réussi à
6 savoir ce qu'il était advenu des cadavres des membres de votre famille,
7 tous ces corps qui se trouvaient dans votre maison ?
8 M. Ahmic (interprétation). – Oui. On m'a informé de ce qui
9 s'était passé. Ils sont venus à l'hôpital et ils m'ont dit ce qu'il était
10 advenu de tous les corps des personnes qui se trouvaient chez moi. Ils ont
11 dit que chaque cadavre avait été placé dans un cercueil.
12 Ils ont précisé qu'un prêtre musulman, un hodza, était venu pour
13 accomplir le rituel des funérailles et ils ont dit que mon souhait avait
14 été respecté, souhait quant au lieu où je voulais que mes enfants soient
15 enterrés. Moi, j'ai précisé qu'il y avait des cimetières à Ahmici, mais
16 qui n'étaient pas accessibles à l'époque. Mais je leur ai toutefois
17 demandé de voir s'il était possible d'enterrer les membres de ma famille à
18 Stari Vitez. Et j'ai demandé si c'était possible que mes enfants soient
19 enterrés à Stari Vitez, mais j'ai également précisé que s'il n'était pas
20 possible de les enterrer à Stari Vitez, je souhaitais qu'ils soient
21 emmenés à Zenica.
22 J'ai aussi ajouté que, si mes enfants devaient être enterrés à
23 Zenica, il convenait qu'ils viennent me chercher pour que je sois présent
24 lors de ces funérailles. Mais personne n'est revenu me voir. J'ai entendu
25 dire qu'ils avaient été enterrés à Stari Vitez. Voilà ce qui s'est passé.
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Vous rappelez-vous le nom de la
2 personne avec laquelle vous avez discuté de ce problème de l'enterrement
3 des membres de votre famille ?
4 M. Ahmic (interprétation). – Je crois que c'était M. Thomas.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Quel était le numéro que
6 portait votre maison en 93 ?
7 M. Ahmic (interprétation). - Elle portait le N °5.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur l'huissier s'il vous
9 plaît, pourriez vous faire passer ce document au témoin s'il vous plaît ?
10 (L'huissier s'exécute.)
11 Mme le Greffier (interprétation). - La pièce de
12 l'accusation 158, la cassette vidéo a été marquée pièce de
13 l'accusation 157.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic pourriez-vous
15 observer la pièce à conviction n °158 et identifier la personne qui est
16 représentée ?
17 M. Ahmic (interprétation). - C'est mon fils Naser. (Il pleure.)
18 Excusez-moi s'il vous plaît ... Veuillez m'excuser.
19 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Président, je crois
20 qu'il serait bon que nous suspendions nos travaux quelques instants.
21 M. le Président (interprétation). - Nous prenons une pause de
22 10 minutes.
23 La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 40.
24 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, la Chambre
25 est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de soumettre toutes ces photos au
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1 témoin. Ses proches ont été tués, c'est un fait qui ne pose absolument pas
2 problème, il n'y a pas litige sur ce point et je ne vois absolument pas
3 pourquoi il faudrait faire subir cette épreuve particulièrement atroce au
4 témoin. Donc je pense qu'il serait bon que nous avancions et que nous
5 passions à autre chose.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Mais, Monsieur le Président, le
7 témoin m'a lui-même demandé à ce que les photos de son fils soient
8 montrées. Mais nous n'avons pas d'autres photos à soumettre au témoin.
9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, est-ce que vous
11 vous sentez à même de continuer à répondre à mes questions pendant encore
12 quelque temps ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien je vais essayer.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Je n'ai plus que deux ou trois
15 questions à vous poser. Monsieur le Président, ce sont des questions
16 extrêmement délicates.
17 M. le Président (interprétation). - Fort bien.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, veuillez
19 regarder autour de vous et dites-nous si vous pouvez voir dans ce prétoire
20 Zoran Kupreskic.
21 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je peux l'identifier.
22 Zoran Kupreskic est l'homme qui se trouve à l'extrême-droite du banc des
23 accusés.
24 M. Moskowitz (interprétation). - Au premier rang ou au deuxième
25 rang ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Au premier rang.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Le compte rendu peut-il faire
3 état du fait que le témoin a identifié Zoran Kupreskic ?
4 Monsieur Ahmic, pouvez-vous maintenant nous dire si vous voyez
5 dans ce prétoire Mirjan Kupreskic ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je le vois. Mirjan Kupreskic
7 est l'homme qui est assis à côté de Zoran.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Le compte rendu peut-il faire
9 état du fait que le témoin a identifié Mirjan Kupreskic ?
10 Est-ce que ces deux personnes sont bien les deux hommes qui se
11 trouvaient dans
12 votre maison le 16 avril 1993, lorsque les membres de votre famille ont
13 été tués sous vos yeux ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
15 M. le Président (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vous en
16 prie, reprenez votre siège.
17 M. Ahmic (interprétation). - Je vous remercie.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, regardez autour
19 de vous et dites-nous si vous pouvez voir Vlatko Kupreskic.
20 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je le vois.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Où est-il assis ?
22 M. Ahmic (interprétation). - Il est assis sur la gauche, il est
23 assis à gauche de Zoran et de Mirjan. C'est Vlatko Kupreskic.
24 M. Moskowitz (interprétation). - De quelle couleur sont les
25 vêtements qu'il porte, s'il vous plaît ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Vlatko porte une chemise blanche et
2 une cravate sombre... une cravate bleue.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Le compte rendu fera état du
4 fait que le témoin a identifié Vlatko Kupreskic.
5 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions à poser au
6 témoin, je souhaite simplement demander le versement au dossier des pièces
7 que nous avons présentées.
8 Mme le Greffier. - Pièces 450 à 458.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Madame Fauveau. Oui, il
10 s'agit bien de ces pièces, Monsieur le Président. Je remarque qu'il nous
11 reste un petit peu de temps, mais le témoin vient d'être soumis à une
12 épreuve particulièrement épuisante et je me demande s'il est prêt à être
13 soumis à un contre-interrogatoire. Il est évident que les contre-
14 interrogatoires ne pourront pas être menées à bien aujourd'hui. Il faudra
15 sans doute les reprendre à la reprise de nos travaux. Je
16 crois que M. Ahmic est épuisé mais je ne sais pas, Monsieur le Président
17 qu'en pensez-vous ?
18 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie
19 M. Moskowitz, je vais commencer par me tourner vers les conseils de la
20 défense, et notamment les conseils de la défense de Zoran et Mirjan
21 Kupreskic.
22 Messieurs, souhaitez-vous contre-interroger le témoin
23 aujourd'hui ?
24 M Radovic, je vous vois faire "non" de la tête ?
25 M. Radovic (interprétation). - Non, parce que, lorsqu'il a été
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1 question du fait que M. Sakib Ahmic serait entendu avant le témoin qui
2 était prévu, nous nous sommes entendus, et vous l'avez dit vous-même
3 d'ailleurs également, qu'il n'y aurait pas de contre-interrogatoire
4 aujourd'hui de notre part. Donc, nous vous prions d'en rester à cette
5 décision. Et puis, j'aimerais ajouter quelques mots.
6 Je vois que des identifications d'accusés se produisent dans ce
7 prétoire. Or, selon les règles, un accusé est identifié uniquement lorsque
8 le fait qu'un témoin connaît ou ne connaît pas un accusé ou un autre
9 témoin fait l'objet de contestation. Or, ici, il ne fait l'objet
10 d'absolument aucune contestation que le témoin connaisse les accusés,
11 puisqu'ils habitaient dans des maisons voisines. Donc je ne vois
12 absolument aucune raison, dans des cas comme celui-ci, lorsqu'il n'y a
13 aucune contestation de l'identification de l'accusé par le témoin, qu'il
14 soit procédé une telle identification au prétoire. Je vous remercie.
15 M. le Président (interprétation). - La question n'est pas de
16 savoir si le témoin les a identifiés en tant que voisins, la question est
17 de savoir s'il les a identifiés bel et bien en tant que les personnes qui
18 ont tué ses proches.
19 Maître Pavkovic, quelle est votre position ?
20 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, si vous
21 avez l'intention que nous poursuivions nos débats et pour autant que le
22 témoin soit capable d'accepter un contre-interrogatoire, notre confrère
23 Me Krajina a annoncé qu'il aurait deux questions à poser au témoin qui,
24 selon lui, sont des questions sans difficulté. Donc, si tout cela est
25 accepté, je pourrais le faire savoir à mon confrère, Me Krajina.
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1 Je vous remercie.
2 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Pavkovic. Je
3 me tourne maintenant vers M. Ahmic.
4 Monsieur Ahmic, souhaitez-vous que nous interrompions nos
5 travaux maintenant ? Souhaitez-vous rentrer chez vous à ce stade ? Vous
6 sentez-vous épuisé ou est-ce que vous vous sentez capable de continuer un
7 petit peu plus longtemps, auquel cas l'un des conseils de la défense de
8 l'un des accusés vous posera une ou deux questions ?
9 Mais, si vous êtes fatigué, faites-le-nous savoir, vous serez
10 autorisé à vous retirer dès à présent.
11 M. Ahmic (interprétation). - Franchement et honnêtement, je ne
12 suis pas fatigué, je suis épuisé, tout à fait à bout de forces. Et je
13 n'aurai pas la force de poursuivre le travail aujourd'hui.
14 M. le Président (interprétation). - C’est entendu, Monsieur,
15 vous pouvez vous retirer dès à présent du prétoire. Nous allons, quant à
16 nous, aborder quelques questions de procédure.
17 Monsieur Ahmic, vous reviendrez devant ce Tribunal au moment où
18 nous reprendrons nos travaux.
19 Je vous remercie.
20 M. Ahmic (interprétation). – Merci, à vous aussi.
21 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience).
22 M. le Président (interprétation). – Bien. Nous pourrions peut-
23 être discuter de quelques questions qui ont un rapport direct avec notre
24 procès. D'abord, la question du témoin n °6, la femme dont il a été
25 question ce matin. Notre proposition est la suivante : nous demanderons au
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1 médecin de La Haye de nous fournir les comptes rendus médicaux qui seront
2 rédigés après le bilan médical de cette personne. Je crois comprendre que
3 vous avez déjà vu ces comptes rendus puisqu'ils ont été diffusés dans
4 l'après-midi. Le bilan médical a été réalisé à l'heure du déjeuner. Je
5 suppose que, lundi, nous aurons les comptes rendus détaillés des médecins.
6 Entre-temps, cette femme sera autorisée à partir. J'ai cru
7 comprendre qu'elle désirait vivement retourner chez elle, mais, au vu de
8 ce qui figurera dans ces comptes rendus médicaux, nous déciderons de ce
9 qu'il convient de faire. Mais notre intention consiste à la rappeler pour
10 qu'elle dépose devant ce Tribunal. Nous agissons sur le fondement de
11 l'article 99. Ou est-ce l'article 98 ? Donc, sur le fondement de
12 l'article 98 qu'ils convient de lire en conformité, en même temps que
13 l'article 89. Sur la base de ces deux articles, nous avons l'intention de
14 rappeler ce témoin. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires -à part
15 bien entendu l'exercice d'une coercition à l'encontre de ce témoin- pour
16 qu'elle puisse revenir à La Haye, si elle se sent mieux. Car j'ai cru
17 comprendre qu'elle se verrait dispenser des soins psychologiques à son
18 retour chez elle et la division d'aide aux témoins et des victimes lui
19 fournira toute l'aide nécessaire pendant son séjour à La Haye.
20 Donc, dans ces conditions, je pense qu'il conviendrait qu'elle
21 témoigne, un ou deux jours au plus tard après son retour à La Haye, car ,
22 d'après ce que nous ont dit les personnes qui travaillent pour la division
23 de Protection des victimes et des témoins, nous avons compris que passer
24 plusieurs jours à La Haye est toujours une épreuve difficile pour les
25 témoins. Donc les choses sont difficiles. Autrement dit, dès qu'elle
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1 arrive à La Haye, le plus tôt possible après son arrivée, il conviendrait
2 qu'elle soit entendue à la barre des témoins.
3 C'est donc une question qui est encore à régler. Quant aux
4 autres témoins de l'accusation, je voudrais savoir si le Procureur est en
5 mesure de fournir aux conseils de la partie adverse et aux Juges une liste
6 des témoins qui seront cités dès la reprise de nos débats ; une liste dans
7 l'ordre de comparution des témoins.
8 Et puis, je voudrais savoir également si, à ce stade de nos
9 travaux, les représentants du Procureur peuvent nous donner une idée
10 globale du nombre total de témoins qu'ils ont l'intention d citer, de
11 façon que nous puissions planifier un peu notre travail en vue d'un
12 achèvement à la mi-octobre. C'est du moins ce que nous espérons.
13 A cet égard, nous avons le sentiment aujourd'hui qu'il nous faut
14 revenir à notre horaire ancien. Nous ne pouvons pas continuer à travailler
15 quatre heures quinze l'après-midi. Il va nous falloir revenir à l'horaire
16 qui nous permet de travailler cinq heures dans la journée. Donc, lorsque
17 nous reprendrons nos travaux, le 15 septembre, nous siégerons de
18 9 heures 30 à 12 heures 30, le matin, et de 14 heures à 17 heures,
19 l'après-midi. Sans audience le vendredi après-midi, mais dans certains
20 cas, si cela s'avère nécessaire, il nous faudra reprendre des horaires
21 plus longs, comme cela a été le cas hier et aujourd'hui. Enfin, pour le
22 moment, nous reprenons les horaires classiques, car les horaires appliqués
23 ces derniers jours sont un petit peu difficiles pour tout le monde.
24 J'aimerais savoir maintenant si les représentants du Procureur
25 ont des informations à nous fournir. Maître Terrier ?
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1 M. Terrier. – Monsieur le Président, sur la première question
2 que vous avez posée, avons-nous un ordre d'apparition des témoins pour la
3 semaine du 15 septembre, nous avions effectivement préparé un certain
4 nombre de noms de témoins. Je pense que, compte tenu du fait que l'examen
5 contradictoire de M. Sakib Ahmic va prendre certainement, je pense,
6 plusieurs heures d'audience, il nous faut revoir cette heure d'apparition
7 des témoins. Peut-être que, dans les premiers jours de la semaine
8 prochaine, nous pourrions faxer aux défenseurs, bien entendu,
9 et remettre à votre Tribunal une liste de témoins revue et corrigée, si je
10 puis dire.
11 Pour ce qui concerne la suite de nos audiences et des preuves de
12 l'accusation, jusqu'à cette échéance du mois d'octobre, nous comptions
13 effectivement nous entretenir, en début de semaine prochaine, faire le
14 point sur ces trois semaines d'audience et préparer les semaines à venir.
15 Je pense que l'on pourrait remettre à votre Tribunal, dans le courant de
16 la semaine prochaine, un état prévisionnel, si je puis dire, du nombre des
17 témoins.
18 Je précise simplement que les échéances qui nous préoccupent
19 sont les mêmes que les vôtres. Nous essayerons effectivement d'apporter
20 les preuves de l'accusation dans les délais que souhaite le Tribunal.
21 M. le Président (interprétation). - Parfait. Merci.
22 Quand pensez-vous que vous pourriez nous remettre la
23 transcription de la cassette vidéo ? Elle est sans doute prête ? Elle est
24 prête, n'est-ce pas. Donc, si nous pouvions l'obtenir cet après-midi, ce
25 serait bien.
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1 Je dois des excuses au Procureur. Effectivement, maintenant que
2 je vois cette liste, je me rends compte que ce document a dû se trouver
3 dans mes documents personnels. Et la défense en a également un exemplaire,
4 c'est-à-dire l'original de la transcription en croate.
5 Y a-t-il d'autres questions ?
6 Maître Terrier ?
7 M. Terrier. - Une question presque de droit et de procédure :
8 nous envisageons, la semaine du 15 septembre au 18 septembre, de citer
9 comme témoins des officiers de police néerlandais, qui nous ont
10 accompagnés en Bosnie pour certaines opérations de reconstitution et
11 d'examen de la scène du crime. La défense est informée, bien entendu, de
12 cette situation et a à sa disposition le rapport déposé par ces officiers
13 de police. Nous les citons –que cela soit bien clair- comme témoins de
14 faits ; et ils seront donc soumis aux contre-interrogatoires.
15 Nous avons révélé, communiqué à la défense leurs noms et la
16 matière, la substance
17 de leurs témoignages le 20 août 1998 ; ce qui fait que, à quelques jours
18 près pour ce qui concerne la règle que vous avez édictée des 30 jours, le
19 délai ne sera pas écoulé. Néanmoins, il s'agit de si peu de jours, 3 ou
20 4 jours je crois, que je me demandais si, sur la base de la règle 127 je
21 crois, votre Tribunal ne pouvait pas nous accorder une réduction de ce
22 délai. Encore que nous ne sommes même pas certains qu'ils pourront
23 absolument témoigner la semaine prochaine, compte tenu des échéances.
24 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Radovic ?
25 M. Radovic (interprétation). - Eu égard à la cassette vidéo qui
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1 a été diffusée aujourd'hui, nous avons une objection à élever. En effet,
2 cette cassette vidéo montre une partie de la conversation qu'a eue
3 Sakib Ahmic avec un journaliste ou une autre personne ; chaque fois que
4 des images vidéos sont diffusées ou montrées, nous éprouvons des
5 difficultés à savoir si, sur ces images vidéo, figurent bien la totalité
6 des propos tenus par Sakib Ahmic.
7 Nous avons quelques renseignements au sujet de cette émission,
8 nous avons également tenté de nous procurer cette cassette vidéo,
9 malheureusement, nous n'y sommes pas parvenus, mais nous constatons que le
10 Procureur, lui, a réussi à se procurer cette cassette vidéo.
11 Donc nous prions la Chambre de première instance de demander au
12 Procureur de nous montrer la totalité de l'émission, en tout cas toutes
13 les images qui montrent Sakib Ahmic, ce qui nous permettra de voir si,
14 dans cette partie de l'émission que nous avons vue aujourd'hui, nous avons
15 entendu tout ce qu'a dit Sakib Ahmic au moment de son séjour à l'hôpital
16 ou si, simplement, certaines images qui conviennent à l'accusation ont été
17 isolées du contexte.
18 Nous avons quelques doutes quant au fait que la totalité des
19 dires de M. Sakib Ahmic n'a pas été entendue aujourd'hui. Je n'entrerai
20 pas dans les détails.
21 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic, votre
22 demande est tout à fait raisonnable, me semble-t-il. J'aimerais donc
23 savoir si le Procureur, M. Moskowitz, peut nous fournir la totalité de la
24 cassette vidéo.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Je ne sais pas si nous avons
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1 une autre cassette vidéo en notre possession, mais je vais m'engager dans
2 des recherches pour savoir si, quelque part dans le bâtiment, il existe
3 une cassette vidéo plus longue.
4 Cela étant, pour le moment, je crois savoir que c'est la seule
5 cassette vidéo que nous ayons à notre disposition. Je sais qu'il y a
6 d'autres personnes qui sont interviewées sur cette cassette vidéo, mais je
7 n'ai pas connaissance du fait que l'interview de M. Sakib Ahmic ait pu
8 être plus longue. Mais je vérifierai.
9 M. le Président (interprétation). - Mais le témoin, semble-t-il,
10 nous a dit que c'est la télévision de Zenica qui a réalisé cette interview
11 donc vous pourriez, sans doute, demander à la société de télévision de
12 Zenica de vous fournir une copie de la totalité de l'interview parce que
13 je pense que Me Radovic a tout à fait raison sur ce point.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Oui, très bien.
15 M. le Président (interprétation). - Maître Terrier, vous avez
16 évoqué la question de ce que nous pensons être des témoins experts. En
17 tout cas, le Procureur, si j'ai bien compris, souhaite que ces témoins
18 soient appelés en tant que témoins de fait et il a été question de
19 renoncer au délai de 30 jours ; c’est le nouveau délai, je crois, qui a
20 été fixé eu égard, aux témoins experts.
21 Vous rappelez-vous le nombre exact de jours ?... Oui, c'est
22 30 jours, 30 jours. Donc si vous ne renoncez pas à ce droit, le témoin
23 peut être cité un peu plus tard.
24 Maître Pavkovic, êtes-vous en mesure de nous donner votre avis ?
25 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai
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1 l'impression que la défense accepterait l'audition de témoins experts, y
2 compris à l'intérieur de ce délai. Il n'est donc pas nécessaire d'attendre
3 l'écoulement des 30 jours à partir de la date à laquelle nous avons été
4 informés de l'identité de ces témoins et du contenu de leur déclaration
5 préalable.
6 M. le Président (interprétation). - D'autant plus que
7 l'article 94 bis, me semble-t-il,
8 du Règlement ne s'applique pas. Vous n'avez pas l'intention de les citer
9 en tant que témoins experts. Ce seront des témoins de fait. Donc les
10 règles normales de communication des déclarations préalables de témoins de
11 fait s'appliquent et, selon ces règles, je pense que le délai est
12 respecté.
13 M. Terrier. - Tout à fait, Monsieur, c'est aux lignes
14 directrices de ce Tribunal que je me réfère, et ces lignes directrices
15 prévoient un délai de 30 jours entre la communication du nom d'un témoin
16 et sa comparution à l'audience.
17 Ce délai de 30 jours n'est pas tout à fait écoulé puisque ne se
18 seront écoulés seulement 25 ou 26 jours, peut-être 27. C'est le seul
19 problème que je soulève.
20 M. le Président (interprétation). - Suis-je donc en droit de
21 comprendre, Maître Pavkovic, que vous n'allez élever aucune objection par
22 rapport au fait que le Procureur pourrait citer ces témoins deux ou trois
23 jours avant l'expiration du délai de 30 jours ?
24 M. Pavkovic (interprétation). - Vous avez raison, c'est tout à
25 fait cela, Monsieur le Président, nous ne nous opposons pas à ce que les
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1 témoins soient cités, entendus avant l'expiration de ce délai. Merci.
2 M. le Président (interprétation). - Merci. Y a-t-il d'autres
3 questions à discuter ? Maître Moskowitz ?
4 M. Moskowitz (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, en
5 quelques mots, si vous me le permettez, j'aimerais que le compte rendu
6 soit tout à fait clair au sujet de cette cassette vidéo.
7 La cassette vidéo que nous avons diffusée aujourd'hui a été
8 montrée aux conseils de la défense il y a une semaine, si je ne m'abuse,
9 vendredi dernier, donc le conseil de la défense était tout à fait courant
10 de la cassette vidéo que nous avions en notre possession et c'est
11 seulement à l'instant que les conseils de la défense font état de
12 l'existence éventuelle d'une cassette-vidéo plus longue, donc nous
13 exprimons d'abord notre surprise quant au fait que cet argument n'ai pas
14 été avancé plus tôt car si cela avait été le cas, nous aurions mené notre
15 recherche et s'il existait une cassette plus longue, elle aurait été
16 diffusée.
17 M. le Président (interprétation). - Oui mais les conseils de la
18 défense sont en droit d'élever leurs objections à n'importe quel moment,
19 et c'est probablement après avoir vu les images de cette cassette qu'ils
20 se sont rendu compte que la section, la séquence était courte et que
21 l'interview était sans doute beaucoup plus longue.
22 Donc, les conseils de la défense sont tout à fait habilités à
23 demander s'il existe une interview plus longue. Ils ont élevé leur
24 objection aujourd'hui, c'est tout à fait normal me semble-t-il. Donc, je
25 vous demanderai de vérifier et particulièrement à Zenica. Je pense que
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1 vous pourriez demander à la télévision de Zenica s'il en existe une plus
2 longue de vous la fournir. Dans l'idéal, nous devrions avoir l'original.
3 M. Moskowitz (interprétation). - J'ai parlé avec eux cet après-
4 midi, je les recontacterai pour avoir l'original.
5 M. le Président (interprétation). - Oui, oui, l'original si
6 possible comme je viens de le dire, sinon une copie certifiée par les
7 personnes responsables à Zenica, et si possible une séquence qui montre la
8 totalité de l'interview. Merci.
9 Maître Radovic ?
10 M. Radovic (interprétation). - Pendant la guerre, il y avait une
11 station de télévision qui s'appelait "Zeta" ; aujourd'hui elle fait partie
12 de la télévision de Bosnie-Herzégovine donc, peut-être conviendrait-il de
13 s'adresser non seulement à Zenica où il existe aujourd'hui un service
14 secondaire, mais également à Sarajevo. Mais nous serions très heureux s'il
15 était possible de montrer la totalité de l'émission en question à la
16 Chambre de Première Instance, ce qui nous permettrait d'éviter de faire
17 venir un certain nombre de témoins qui ont vu cette émission et la
18 connaissent de longue date.
19 M. le Président (interprétation). - Oui, c'est exactement ce que
20 j'avais à l'esprit,
21 essayer d'avoir la cassette vidéo qui montre la totalité de l'émission, et
22 je suis d'accord avec Me Radovic, l'original ou une cassette de cette
23 casquette vidéo se trouve peut-être aujourd'hui à Sarajevo, donc je me
24 demandais si le Procureur pourrait poursuivre ses recherches et enquêter
25 également à Sarajevo.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Je demanderai aux enquêteurs de
2 faire ce que vous venez de dire.
3 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres questions
4 à évoquer ?
5 Si tel n'est pas le cas, avant de suspendre l'audience
6 j'aimerais saisir l'occasion qui m'est donnée pour remercier les
7 interprètes. Vous ne savez sans doute pas que les interprètes qui, comme
8 chacun le sait ici, sont d'excellents interprètes, sont venus me voir hier
9 pour me demander s'il était possible de bénéficier d'une pose un peu plus
10 longue car normalement, ils travaillent une heure et demie d'affilée, et
11 bénéficient d'une pause ensuite, et j'ai insisté en leur disant qu'il
12 fallait travailler deux heures d'affilée sans aucune pose. Ils ont
13 accepté, ils ont donc manifesté une grande sympathie, et je tiens beaucoup
14 à les remercier pour leur compréhension.
15 L'interprète. - Les interprètes remercient le Président pour ces
16 propos tout à fait aimables.
17 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas d'autres
18 question à évoquer, donc nous reprendrons nos travaux mardi 15 septembre à
19 9 heures et demie précises.
20 La séance est levée à 17 heures 08.
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