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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Lundi 21 Septembre 1998
4 L'audience est ouverte à 9 heures 35.
5 Mme le Greffier (interprétation). – L'affaire n° IT-95-16-T, le
6 Procureur du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirijan Kupreskic, Vlatko
7 Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic, alias Vlado.
8 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Avant de demander
9 au Procureur d'appeler le prochain témoin, permettez-moi d'attirer votre
10 attention sur une motion présentée le 17 septembre par deux accusés
11 concernant des preuves non matérielles dans ce dossier. Je me demande si
12 l'accusation et la défense pourraient nous faire part de leurs
13 commentaires oraux, mercredi ou jeudi, avant que nous ne prenions une
14 décision. Nous aimerions connaitre leur avis sur cette requête. Pouvons-
15 nous nous mettre d'accord pour que vos remarques nous arrivent dès
16 mercredi matin ? Oui ? Bien. Nous pouvons maintenant passer au témoin
17 suivant.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Avec la permission de la Cour,
19 Monsieur le Président, pendant que nous attendons le prochain témoin nous
20 avons présenté aujourd'hui un ordre de comparution des témoins pour cette
21 semaine. Je voudrais attirer votre attention sur une petite modification
22 dans l'ordre de passage. Le témoin n °2 de notre liste actuelle témoignera
23 à la place du témoin 4. En fait le témoin 2 devient le témoin n° 4 et le
24 témoin n 4 devient le témoin 3. J'espère que c'est clair ?
25 M. le Président (interprétation). - Comme nous attendons
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1 toujours le témoin, je me demandais si vous avez présenté à la Chambre la
2 déclaration du témoin n°°11. Peut-être que je manque un peu d'ordre, mais
3 dans mon dossier je ne retrouve par cette déclaration, c'est peut-être un
4 problème personnel.
5 (L'accusation se concerte.)
6 M. Moskowitz (interprétation). - D'après nos notes, la
7 déclaration a été enregistrée et présentée à la Chambre mais peut-être
8 qu'il y a eu un certain degré de confusion concernant le nom. En fait, si
9 la Chambre a du mal à retrouver la déclaration, nous pouvons parfaitement
10 vous en présenter une nouvelle aujourd'hui, si nécessaire.
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Parfait.
12 Je crois que vous allez utiliser un pseunodyme pour ce témoin-ci, c'est le
13 témoin M.
14 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
15 Témoin M, puis-je vous inviter à vous lever et à lire la
16 déclaration solennelle.
17 (Le témoin M litla déclaration en serbo-croate, il n'y a pas de
18 traduction.)
19 M. le Président (interprétation). - Pourriez-vous, s'il vous
20 plaît, relire la déclaration ?
21 Témoin M (interprétation). - Je déclare solennellement que je
22 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 M. le Président (interprétation). – Merci, je vous en prie,
24 prenez place.
25 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je
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1 demanderai maintenant à l'huissier de bien vouloir transmettre au témoin
2 la pièce suivante. Il s'agit d'un bout de papier.
3 Témoin M (interprétation). - Oui.
4 M. le Greffier. - Pièce 171. Document 178.
5 (Le greffier remet le document au Président.)
6 M. le Président (interprétation). - Monsieur l'huissier,
7 pourriez-vous veiller à ce que le témoin s'exprime dans le micro parce que
8 les interprètes me signalent qu'ils ont du mal à entendre le témoin ?
9 Merci.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
11 Bonjour, Témoin M.
12 M. le Président (interprétation). – Pardon, Maître Radovic ?
13 M. Radovic (interprétation). - Je pense qu'il ne s'agit pas d'un
14 nom réel. En fait, la première lettre est "ch" et pas "ce".
15 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Radovic,
16 d'avoir attiré notre attention sur une petite coquille. Je vous en prie.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Bonjour, Témoin M.
18 Témoin M (interprétation). - Bonjour.
19 M. Moskowitz (interprétation). - Je voulais vous préciser que ce
20 Tribunal vous a accordé les mesures de protection que vous avez demandées.
21 Est-ce que vous le comprenez ?
22 Témoin M (interprétation). - Oui, je comprends.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Vous pouvez donc vous exprimer
24 librement et nous faire part d'un témoignage clair et complet.
25 Témoin M (interprétation). - Merci.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demanderais également,
2 si cela vous est possible...
3 M. le Président (interprétation). - (Hors micro.)
4 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas de quoi vous parlez.
5 M. le Président (interprétation). - Maître Moskovitz parle
6 anglais. Est-ce que le son passe, Madame ? Oui, bien. Pardonnez-nous, je
7 vous en prie.
8 Témoin M (interprétation). – Moi, je vous entends.
9 M. le Président (interprétation). - Ceci n'a pas été traduit.
10 Est-ce que que les interprètes entendent le témoin maintenant ?
11 L'Interprète - La cabine française a bien entendu.
12 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, je vous en
13 prie. J'espère que les problèmes sont maintenant réglés.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Président.
15 Témoin M, pourriez-vous nous dire quand vous êtes née ?
16 Témoin M (interprétation). - Je suis née en 1948.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Témoin M, nous avons quelques
18 problèmes techniques avec l'interprétation, c'est ce qui explique ce petit
19 retard. Alors, je vous demanderai de bien vouloir faire preuve de
20 patience.
21 Témoin M (interprétation). - Il n'y a pas de problème.
22 J'attends, je patiente.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Merci.
24 (Problèmes techniques.)
25 Madame le Témoin M, je vais devoir vous reposer la même
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1 question. Où êtes-vous née ?
2 Ensuite, nous verrons si la technique fonctionne. Il est peut-
3 être dommage de répéter ce type de question, mais en même temps c'est
4 peut-être la question la plus logique à reposer.
5 Pourriez-vous nous dire, une fois de plus, quand vous êtes née
6 (en vous exprimant dans le micro) ?
7 Témoin M (interprétation). - Je suis née en 1940.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Sans donner les noms des
9 membres de votre famille, est-ce que vous pourriez nous décrire quelle
10 était la composition de votre famille en 1993 ?
11 Témoin M (interprétation). - J'avais trois fils, deux filles,
12 trois petits enfants, moi-même et mon mari.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
14 de la date à laquelle vous êtes venue à Ahmici ?
15 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas exactement.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
17 de l'année ?
18 Témoin M (interprétation). - Non plus, je suis désolée.
19 M. Moskowitz (interprétation). - Votre village d'origine,
20 c'était lequel ?
21 Témoin M (interprétation). - A Karavla.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi n'y êtes-vous pas
23 restée ?
24 Témoin M (interprétation). - On ne pouvait pas y rester.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Que s'y est-il passé ?
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1 Témoin M (interprétation). - Eh bien, on a été obligé de partir
2 à Travnik. On nous a évacués pour parler plus précisément. La guerre avait
3 commencé, et puis je ne sais pas. On nous a demandé de partir à Travnik.
4 C'était obligatoire. On nous a demandé ça.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous êtes restés à
6 Travnik ou avez-vous dû quitter Travnik aussi ?
7 Témoin M (interprétation). - Nous étions à Travnik pendant un
8 certain temps. Au moment où Karavla est tombé, nous sommes partis à Vitez,
9 à Dubravica.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez passé combien de
11 temps environ à Dubravica ?
12 Témoin M (interprétation). - Trois jours seulement.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Après avoir quitté Dubravica,
14 vous êtes allés où ?
15 Témoin M (interprétation). - Nous sommes allés à Ahmici.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce vous vous souvenez de
17 l'endroit où vous êtes allés à Ahmici, la maison ?
18 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que je m'en souviens,
19 c'est comme si je la vois maintenant. Malheureusement, elle n'existe plus,
20 elle est partie.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Qui était le propriétaire de
22 cette maison ?
23 Témoin M (interprétation). – (expurgé).
24 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que (expurgé)
25 fait partie de votre famille ?
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1 Témoin M (interprétation). - Non, nous ne sommes pas en
2 relation.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi êtes-vous allés vivre
4 dans sa maison lorsque vous êtes allés à Ahmici ?
5 Témoin M (interprétation). - C'est par l'intermédiaire de nos
6 amis.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous viviez, vous et
8 votre famille, avec (expurgé) juste avant le début de l'attaque en 1993 ?
9 Témoin M (interprétation). – (expurgée)
10 M. Moskowitz (interprétation). (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 Témoin M (interprétation). - Oui, je me souviens que le voisin
14 le plus proche c'était Vlatko Kupreskic.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez
16 Vlatko Kupreskic de vue ? Est-ce que vous pourriez le reconnaître ?
17 Témoin M (interprétation). - Non.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Saviez-vous où il habitait et à
19 quoi ressemblait sa maison ?
20 Témoin M (interprétation). - Oui, la maison n'était pas très
21 loin par rapport à la maison de (expurgé).
22 M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous voir la maison de
23 Vlatko Kupreskic à partir la maison de (expurgé) ?
24 Témoin M (interprétation). - Oui on pouvait bien voir à travers
25 la fenêtre la maison de Vlatko, et le soir, quand il y avait des lumières
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1 on voyait des personnes qui se déplaçaient, la mère le père ; c'est
2 vraiment pas loin.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Pour préciser l'orientation des
4 maisons, est-ce que que vous vous souvenez de certains de vos voisins
5 musulmans les plus proches ?
6 Témoin M (interprétation). - Oui je me souviens. Il y avait
7 Redzib Ahmic, Meho Hrustanovic, Huso Krozalic, Sakib Ahmic ses deux fils.
8 Naser, Sukrija, Budo. Il y avait également une autre personne de la maison
9 de (expurgé), mais je ne me souviens pas de son nom.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'à l'extérieur de la
11 maison de Razim, il y avait une prise d'eau et, si c'était le cas, où se
12 trouvait cette prise d'eau par rapport à la maison de (expurgé) ?
13 Témoin M (interprétation). - Oui je peux vous le dire. Si on
14 part de la maison de Vlatko vers la maison de (expurgé), c'était le premier
15 angle à gauche. Il y avait une prise d'eau ou plutôt un puits.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que de temps à autre,
17 vous utilisiez cette prise d'eau, pendant que vous viviez dans la maison
18 de (expurgé)?
19 Témoin M (interprétation). - Oui c'était tous les jours. C'est
20 là où on lavait le linge également.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous discerner la
22 maison de Vlatko de ce point-là, de cette prise d'eau ?
23 Témoin M (interprétation). - Bien sûr parce que c'était
24 tellement près, je ne peux pas vous dire à quelle distance c'était, mais
25 c'était tout à fait près. La maison de Vlatko est tout près la maison des
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1 Razko.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
3 du jour de l'attaque et, sans décrire ce qui s'est passé ce jour-là, je
4 pose simplement la question : est-ce que
5 vous vous en souvenez ?
6 Témoin M (interprétation). - Je m'en souviens.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Je souhaiterais attirer
8 maintenant votre attention sur la veille ou le soir précédant l'attaque.
9 Est-ce que vous vous souvenez vous être rendu à la prise d'eau ce jour-là,
10 donc la veille de l'attaque ?
11 Témoin M (interprétation). – Oui, je me souviens très bien,
12 c'était le 15 avril, c'était un jeudi.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Et pendant que vous étiez
14 devant cette prise d'eau, ce puits, le 15 avril, est-ce que que vous avez
15 regardé la maison de Vlatko Kupreskic ?
16 Témoin M (interprétation). – Oui, j'ai jeté un coup d'oeil,
17 peut-être que je ne l'aurais pas fait, mais j'ai entendu un véhicule qui
18 s'approchait de la maison. J'ai vu un camion. Il y avait les soldats
19 également ; je n'aurais pas su que c'étaient les soldats qui se trouvaient
20 dans le camion, mais j'ai vu qu'ils descendaient du camion et puis ils
21 descendaient dans la cave de la maison de Vlatko.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
23 du type de véhicule ?
24 Témoin M (interprétation). - Je ne peux pas vous dire plus que
25 le camion.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de soldats.
2 Vous les avez vus où ces soldats ? D'où venaient-ils ?
3 Témoin M (interprétation). - Ils sont arrivés en provenance de
4 l'autre village et ils ont emprunté la route qui était goudronnée.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez vu les
6 soldats rentrer dans la maison de Vlatko ?
7 Témoin M (interprétation). - Cela, non. Il y a l'entrée de la
8 maison de Vlatko. Ils se sont arrêtés à ce niveau-là devant la cave. A ce
9 niveau-là.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Il s'agit de la cave de la
11 maison de Vlatko à laquelle vous faites référence ?
12 Témoin M (interprétation). - Oui c'est un entrepôt, quelque
13 chose comme ça, je ne peux pas vous dire exactement. Il y avait quelque
14 chose qu'il mettait là-dedans, mais il y avait un entrepôt, il y avait une
15 ouverture. C'était comme un cave. Je ne peux pas décrire davantage.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
17 du nombre de soldats que vous avez vus ?
18 Témoin M (interprétation). - Je ne m'en souviens pas, je n'ai
19 pas vu et je n'ai pas eu le temps pour compter.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que que vous pourriez
21 nous donner un idée ? Est-ce qu'il y en avait un ou deux ou plutôt une
22 dizaine, voire plus
23 Témoin M (interprétation). - Non, ça je ne sais pas, je pense
24 qu'il y avait probalement cinq ou six, mais je n'ai vraiment pas regardé,
25 j'ai lavé mes chaussures et puis je suis retourné chez moi.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avait mentionné qu'il
2 s'agissait de soldats. Comment le saviez-vous ?
3 Témoin M (interprétation). - Bien évidemment, que j’ai pu les
4 reconnaître. Tout d’abord, je savais comment les soldats étaient habillés,
5 leur propre armée, la nôtre également. J'ai vu les uniformes et j'ai vu
6 que c'étaient les soldats, j'en suis sûr. Ils portaient des uniformes,
7 c’étaient les uniformes militaires.
8 M. Moskowitz (interprétation). - A ce stade, je voudrais
9 demander à l'huissier de bien vouloir présenter au témoin la pièce 32 qui
10 a été déjà déposée. Il s'agit de la pièce 32.
11 (L'huissier s’exécute.)
12 Est-ce que que vous pourriez regarder l'écran et nous dire si
13 vous reconnaissez ce qui y figure ? Il s'agit donc de la pièce 32 déjà
14 déposée. Pourriez-vous nous dire ce que montre
15 cette image ?
16 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que je peux, ça c'est la
17 maison, et on le voit bien sur cette image, de Vlatko Kupreskic.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que cette photographie
19 montre l'endroit où vous avez vu le camion la veille de l'attaque ?
20 Témoin M (interprétation). - Non. C'est l'entrée par rapport à
21 la route. La route traversait donc de là à là, et là vous voyez la maison
22 de Vlatko, là c’est l'entrée de la maison de Vlatko. Pendant cinq mois je
23 regardais cette maison comme ça et je traversais souvent cette route là,
24 je suis passé plusieurs fois à côté de cette maison.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Je voudrais préciser une chose,
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1 vous avez parlé d'une cave il y a quelques instants et vous nous avez dit
2 que les soldats se sont rendus dans une cave. Est-ce que la cave se
3 trouvait dans cette maison-ci ? Est-ce que c’est là que sont entrés les
4 soldats ?
5 Témoin M (interprétation). - C’est au-dessous, au-dessous de la
6 maison et vous la voyez bien sur l’image.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous avez vu les
8 soldats se rendre au sous-sol, est-ce que vous les avez vus avant qu’ils
9 ne rentrent dans la cave, est-ce que vous les avez vus sortir du camion,
10 ou est-ce qu'ils étaient déjà descendus du camion avant que vous ne les
11 voyiez ?
12 Témoin M (interprétation). - Je les ai vus, ils sortaient, ils
13 descendaient du camion. Ils ne pouvaient donc pas disparaître. Je ne sais
14 pas si c’était une cave, un entrepôt. Ils descendaient du camion, ils
15 rentraient quelque part. Ils descendaient quelque part dans le sous-sol.
16 M. Moskowitz (interprétation). - D’accord. Est-ce que vous avez
17 parlé à quelqu’un de ce que vous avez vu ce jour-là ? Vous avez parlé à
18 votre mari ou à quelqu’un d’autre en leur
19 disant que vous aviez vu certains soldats qui descendaient d’un camion et
20 qui rentraient...
21 Témoin M (interprétation). - Non, je n'ai pas parlé de cela. Je
22 ne me suis même pas posé la question : quelle était la raison pour
23 laquelle ils se sont rendus dans cette maison ? Non, cela ne me venait
24 même pas à l'esprit, non, absolument pas, je n'en pas parlé.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Je voudrais maintenant vous
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1 demander de repenser au lendemain de la journée dont nous avons parlé,
2 c’est-à-dire le 16 avril 1993. Est-ce que vous pouvez nous dire quel est
3 votre souvenir de ce jour-là ?
4 Témoin M (interprétation). - Oui, je peux. Je me souviens bien
5 de cette journée. C'était tôt le matin, c’était le 16 avril, c’était un
6 vendredi. Je dormais. J’étais dans la maison d’été de Redzib, chez sa
7 fille plus particulièrement. Elle avait les deux enfants, elle était
8 seule, moi je dormais chez elle. Le matin, c'était 6 heures moins 25,
9 6 heures moins 20 à peu près, j'ai entendu les coups de feu. Tout de
10 suite, les vitres ont été brisées. Nous sommes sortis de cette maison
11 d’été et nous sommes partis vers la maison de Redzib. Il bruinait. Nous
12 sommes restés quelque peu sur ce terrain. On ne pouvait pas rester
13 longtemps, bien évidemment. Nous nous sommes dirigés vers la colline. Nous
14 nous sommes rendus à Vhrovine, c'est un village qui porte ce nom. On nous
15 a dit qu'on ne pouvait pas rester, que de toute façon on allait commencer
16 à pilonner le village. Nous sommes partis un peu plus loin et nous nous
17 sommes rendus dans le village de Poculica.
18 Une fois dans ce village, nous avons passé dix jours chez un
19 homme, dans sa maison. Le onzième jour, on nous a déplacés de cette maison
20 dans une maison croate. Nous y sommes restés pendant trois jours et,
21 encore, on nous a demandé de nous déplacer dans une autre maison croate.
22 Nous avons passé à cet endroit, jusqu'au moment où Slimena, à côté de
23 Travnik, n'était pas tombé.
24 Ensuite, on nous avait donné une voiture. C'est du quartier
25 général qu'on nous a envoyé la voiture. On nous a déplacés dans une
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1 troisième maison croate. C'est dans cette maison
2 que nous sommes restés pendant deux ans et demi.
3 Quand Karavla, le village, a été libéré et au moment où
4 Varosluk, un village serbe, était tombé, c'est juste à côté de Turbe, nous
5 sommes allés dans le village qui s'appelle (expurgé). C'était le
6 septième foyer, si je peux m'exprimer ainsi, pour nous. Je me trouve
7 encore à cet endroit-là, nous sommes encore là-bas. Nous ne sommes plus
8 partis de là-bas.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Témoin M, j'aimerais vous poser
10 quelques questions afin d'apporter quelques précisions.
11 Vous avez dit que, le 16 avril à Ahmici, vous aviez passé la
12 soirée qui avait précédé l'attaque et que vous aviez passé la nuit à une
13 maison d'été. A quelle distance ?
14 Témoin M (interprétation). - C'était la veille, avant l'attaque.
15 J'ai passé effectivement la nuit dans cette maison d'été de Redzib.
16 M. Moskowitz (interprétation). – (expurgée)
17 (expurgée) ?
18 Témoin M (interprétation). – (expurgée)
19 (expurgée)
20 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez fui Ahmici, vous vous
21 êtes enfuis de cette maison d'été. A ce moment-là, avez-vous vu des
22 incendies dans le village ?
23 Témoin M (interprétation). - Oui, tout le monde, qui y était,
24 pouvait voir les incendies. Tous ceux qui étaient vivants pouvaient voir
25 les incendies. On n'est pas allé trop loin par rapport à la maison de
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1 Redzib, une cinquantaine de mètres à peu près. C'est tout le village qui
2 était incendié, tout était en flammes. On ne voyait rien d'autre que des
3 incendies, tout était en flammes et on entendait des coups de feu, rien
4 d'autre. Et nous, on marchait vers le-Haut.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez un
6 souvenir précis d'une maison, que vous auriez vue, en feu alors vous
7 quittiez Ahmici ?
8 Témoin M (interprétation). - Je me souviens des maisons, mais je
9 ne sais pas si je
10 serais capable véritablement de vous dire quelles étaient les maisons de
11 manière très précise parce que, ce qui m'intéressait, c'était tout
12 simplement de constater que c'étaient les maisons qui étaient incendiées
13 mais, à partir du moment où elle a été incendiée, je ne savais pas. Je ne
14 pourrais pas probablement reconnaître toutes ces maisons.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Une dernière question. Vous
16 souvenez-vous de l'heure ? En ce qui concerne la veille, lorsque vous avez
17 vu ces soldats descendre du camion et entrer dans la maison de Vlatko,
18 quelle heure était-il à peu près à ce moment-là ?
19 Témoin M (interprétation). - C'était vers la fin de la journée.
20 Je n'ai pas regardé ma montre, bien évidemment. Ma fille était rentrée de
21 son poste de travail parce qu'elle travaillait. Elle travaillait à
22 Slimena, à Olip, dans une société qui s'appelle Olip. Je ne peux pas vous
23 dire exactement l'heure, mais c'était avant que la nuit tombe. Il faisait
24 encore jour mais c'était avant que la nuit tombe. Je ne sais pas
25 véritablement l'heure, j n'ai pas regardé la montre.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Permettez-moi de consulter mon
2 confrère.
3 (L'accusation se consulte.)
4 Nous n'avons plus de questions à poser à ce témoin. Nous
5 demandons que la pièce 178 soit versée sous plis scellés.
6 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,
7 Maître Moskowitz.
8 Témoin M (interprétation). - Au revoir.
9 M. le Président (interprétation). - Témoin M, non, non, vous
10 vous restez ici, avec nous, vous ne partez pas encore.
11 Je m'adresse à Maître Pavkovic pour lui demander quels seront
12 les conseils de la défense qui vont procéder aux contre-interrogatoires du
13 témoin.
14 M. Pavkovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
15 Madame et Monsieur les Juges. Notre témoin sera contre-interrogé par
16 Me Borislav Krajina, par Me Radovic et, je pense, par Me Slokovic-Glumac.
17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
18 Maître Krajina, vous avez la parole.
19 M. Krajina (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
20 Bonjour, Madame le témoin. Je voudrais tout simplement vous poser une
21 question, si vous voulez bien.
22 Témoin M (interprétation). - Oui, d'accord, je vous écoute.
23 M. Krajina (interprétation). - Vous avez dit que vous avez
24 habité dans la maison de (expurgé)
25 Témoin M (interprétation). - Oui.
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1 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire si
2 le 15 avril 1993 vous avez vu (expurgé) ?
3 Témoin M (interprétation). - Non, je ne sais absolument pas où
4 il se trouvait. Il était parti quelque part, mais de toute façon il
5 n'était pas à la maison.
6 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez qui
7 était avec vous dans cette maison ?
8 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que je m'en souviens.
9 M. Krajina (interprétation). - Mais le jour même, ce jour-là ?
10 Témoin M (interprétation). - Il y avait la femme de (expurgé), ma
11 fille, mon fils également qui a été opéré. Il avait subi un intervention
12 chirurgicale et il était à la maison.
13 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que ce jour-là vous avez
14 apercu (expurgé) ?
15 Témoin M (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas.
16 M. Krajina (interprétation). - Vous ne savez pas ? Est-ce que
17 vous l'avez vu ce jour-là ?
18 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que nous l'avons vu.
19 M. Krajina (interprétation). - Où ?
20 Témoin M (interprétation). - Il était à la maison, mais à ce
21 moment-là je ne sais pas où il était, à l'heure où je me suis rendue à la
22 prise d'eau je ne l'ai pas vu. Il avait passé la nuit dans cette maison.
23 Ils sont partis le lendemain.
24 M. Krajina (interprétation). - Mais le jour qui avait précédé
25 l'attaque, je parle du 15 avril ?
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1 Témoin M (interprétation). - Il était à la maison.
2 M. Krajina (interprétation). - Mais où il était dans la maison ?
3 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas, je ne peux pas vous
4 le dire. Ce que je n'ai pas vu, je ne peux pas vous le dire.
5 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous avez passé la
6 journée entière, le 15 avril, chez vous ?
7 Témoin M (interprétation). - Non.
8 M. Krajina (interprétation). - Où est-ce que vous étiez si vous
9 n'étiez pas à la maison ?
10 Témoin M (interprétation). - Je n'ai pas passé toute la journée
11 à la maison.
12 M. Krajina (interprétation). - Mais où avez-vous été toute cette
13 journée-là ? Où l'avez-vous passée ?
14 Témoin M (interprétation). - J'ai été invitée par une famille à
15 Ahmici-le-Haut.
16 M. Krajina (interprétation). - A quel moment vous êtes partie à
17 Ahmici-le-Haut ?
18 Témoin M (interprétation). - Mais c'était vers midi, autour du
19 déjeuner.
20 M. Krajina (interprétation). - Qui était parti avec vous ?
21 Témoin M (interprétation). - Il y avait (expurgé)qui
22 était avec nous, moi-même, (expurgé). Eh bien, nous sommes partis
23 à Ahmici-le-Haut.
24 M. Krajina (interprétation). - Vous êtes restés combien de
25 temps ?
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1 Témoin M (interprétation). - Deux heures et demi à peu près.
2 M. Krajina (interprétation). - Est-ce vous êtes tous rentrés ?
3 Témoin M (interprétation). - Oui.
4 M. Krajina (interprétation). - Mais à ce moment-là, (expurgé) se
5 trouvait où ?
6 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas, il est parti
7 quelque part.
8 M. Krajina (interprétation). - Mais est-ce qu'il était à la
9 maison au moment où vous êtes rentrés ?
10 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.
11 M. Krajina (interprétation). - Vous ne le savez pas ?
12 Témoin M (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire parce
13 que je ne le sais pas.
14 M. Krajina (interprétation). - Est-ce vous êtes partis par la
15 suite quelque part ?
16 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.
17 M. Krajina (interprétation). - Vous ne le savez pas ?
18 Témoin M (interprétation). - Mais bien évidemment, je n'ai pas
19 fait attention parce qu'il était dans une autre chambre et moi dans une
20 autre.
21 M. Krajina (interprétation). - Mais l'avez-vous vu au cours de
22 la journée ?
23 Témoin M (interprétation). - Le matin, je l'ai vu parce que, de
24 toute façon, tous les matins, il a pris le café avec nous, le petit-
25 déjeuner.
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1 M. Krajina (interprétation). - Est-ce qu'il est allé
2 travailler ?
3 Témoin M (interprétation). - Oui.
4 M. Krajina (interprétation). - Mais quand il rentrait de son
5 travail ?
6 Témoin M (interprétation). - Le soir.
7 M. Krajina (interprétation). - Le soir ?
8 Témoin M (interprétation). - C'était déjà la nuit quand il
9 rentrait. Il travaillait chez les voisins, des Croates.
10 M. Krajina (interprétation). - Et ce jour-là, vous l'avez vu au
11 moment où il est
12 rentré et quand il est rentré ?
13 Témoin M (interprétation). - Non, cela je ne m'en souviens pas
14 exactement. Je ne sais pas s'il est allé travailler quelque part. Je ne
15 m'en souviens pas, mais ce que je sais c'est que le matin il était chez
16 lui et nous sommes partis dans le village.
17 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai
18 plus de questions.
19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
20 Maître Radovic vous avez la parole.
21 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit que vous avez eu
22 trois fils et également des petits-enfants. Pouvez-vous me dire si un de
23 vos fils était à l'armée ou faisait partie de la Défense territoriale ?
24 Témoin M (interprétation). - Tous les trois étaient à l'armée.
25 M. Radovic (interprétation). - Donc, ils n'étaient pas avec vous
Page 2361
1 à la maison ?
2 Témoin M (interprétation). - Ils étaient avec moi quand ils
3 retournaient de ces lignes. On les appelait les lignes de front. Ils
4 venaient un peu se reposer, ils passaient une ou deux nuit à peu près.
5 M. Radovic (interprétation). - Le 15 avril, à la veille de
6 l'attaque, est-ce qu'ils étaient avec vous ou bien ils étaient sur la
7 ligne de front ?
8 Témoin M (interprétation). - Les deux n'étaient pas avec nous,
9 ils étaient sur la ligne de front.
10 M. Radovic (interprétation). - Il y en avait un qui était avec
11 vous ?
12 Témoin M (interprétation). - Oui, un s'était fait opérer, par
13 conséquent il était resté à la maison.
14 M. Radovic (interprétation). - Il était resté le 16 avril ?
15 Témoin M (interprétation). - Oui, il était le 16 avril avec moi.
16 M. Radovic (interprétation). - Et ce fils-là qui est retourné de
17 la ligne de front, qui
18 était à la maison pendant l'attaque, avait-il un uniforme, une arme sur
19 lui ?
20 Témoin M (interprétation). - Il avait l'uniforme. Il est venu en
21 uniforme.
22 M. Radovic (interprétation). - Au moment où vous êtes partie de
23 chez vous, il était en uniforme ou en civil ?
24 Témoin M (interprétation). - Il avait porté l'uniforme.
25 M. Radovic (interprétation). - Il était en uniforme. C'est comme
Page 2362
1 cela que vous vous êtes enfuis ?
2 Témoin M (interprétation). - Il est sorti en uniforme, il était
3 malade, et en trois jours, il devait se présenter devant une commission
4 médicale et ensuite se rendre sur la ligne de front. Il n'a pas pu
5 procéder de cette manière. Le troisième jour, on lui avait donné une arme.
6 M. Radovic (interprétation). - On ne s'est pas compris. Le jour
7 où vous vous êtes enfuis, il portait l'uniforme ou non ?
8 Témoin M (interprétation). - Il a porté l'uniforme et c'est
9 comme cela qu'il est sorti.
10 M. Radovic (interprétation). - Jusqu'à Vrhovine, il était en
11 uniforme ?
12 Témoin M (interprétation). - Oui.
13 M. Radovic (interprétation). - Portait-il également des armes ?
14 Témoin M (interprétation). - Non, il n'avait pas d'arme et
15 jamais il ne prenait d'arme. Il laissait les armes à Travnik.
16 M. Radovic (interprétation). - Pourquoi ?
17 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.
18 M. Radovic (interprétation). - Vos fils vous en ont parlé ?
19 Témoin M (interprétation). - Non, ils n'en ont pas parlé. Ils
20 n'ont jamais apporté les armes avec eux. Ils venaient tout simplement
21 comme cela.
22 M. Radovic (interprétation). - Mais au moment où ils étaient
23 chez vous, est-ce qu'ils faisaient partie des patrouilles de la Défense
24 territoriale ?
25 Témoin M (interprétation). – Oui, de temps à autre. Pendant la
Page 2363
1 nuit, ils marchaient dans le village. Ils faisaient partie des
2 patrouilles.
3 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'ils avaient un
4 programme qu'ils suivaient, de la Défense territoriale, pour savoir à quel
5 moment ils devaient aller patrouiller, monter la garde ?
6 Témoin M (interprétation). - Probablement, mais ils ne portaient
7 pas d'armes comme je l'ai dit, mais de toute façon ils se déplaçaient dans
8 le village.
9 M. Radovic (interprétation). - Mais est-ce que quelqu'un leur
10 avait donné des armes pour faire partie de la patrouille ?
11 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas, mais ce que je peux
12 vous dire c'est qu'à la maison ils n'avaient jamais les armes. Je n'ai
13 jamais vu les armes dans leurs mains, mais devant la maison probablement
14 on leur donnait les armes.
15 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous les avez
16 rencontrés quelques fois quant ils faisaient partie de la patrouille ?
17 Témoin M (interprétation). - Non c'est la nuit surtout qu'ils
18 faisaient partie de cette garde et, nous, la nuit, on ne se déplaçait pas
19 dans le village.
20 M. Radovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire quelque chose
21 au sujet de votre mari ? Est-ce que lui faisait également partie de la
22 Défense territoriale ?
23 Témoin M (interprétation). - Oui.
24 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que lui également portait
25 les armes ?
Page 2364
1 Témoin M (interprétation). - Non.
2 M. Radovic (interprétation). - Qu'a-t'il fait lui ? Avait-il une
3 tâche toute spéciale ?
4 Témoin M (interprétation). - Cela, je ne le sais pas bien
5 évidemment, mais ce que je sais c'est qu'il accompagnait (expurgé)
6 et ils marchaient dans le village.
7 M. Radovic (interprétation). - Mais votre mari qui a fait partie
8 de la Défense
9 territoriale, il portait un uniforme ?
10 Témoin M (interprétation). - Non. Il portait les vêtements
11 civils.
12 M. Radovic (interprétation). - Au moment il faisait de la
13 patrouille également ?
14 Témoin M (interprétation). - En civil.
15 M. Radovic (interprétation). - Et quand vos fils revenaient du
16 front, et faisaient partie de cette patrouille, ils patrouillaient en
17 uniforme ?
18 Témoin M (interprétation). - Cela dépend.
19 M. Radovic (interprétation). - Cela n'était pas tellement bien
20 défini, ils pouvaient sortir à l'extérieur en uniforme, en civil ?
21 Témoin M (interprétation). - Par moment ils étaient en civil,
22 par moment en uniforme. Il fallait également laver l'uniforme, ils
23 passaient une journée ou deux, puis ils devaient revenir sur la ligne de
24 front.
25 M. Radovic (interprétation). - Très brièvement, ils passaient le
Page 2365
1 temps chez vous ?
2 Témoin M (interprétation). - Oui.
3 M. Radovic (interprétation). - Je vais vous poser une autre
4 question, si vous voulez bien. Au moment où vous avez fuit, vous avez dit
5 qu'ils vous ont déplacée à plusieurs reprises et qu'ils vous ont installée
6 dans des maisons croates ?
7 Témoin M (interprétation). - Oui.
8 M. Radovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire si vous
9 saviez ce qui se passait avec les Croates qui étaient propriétaires de
10 cette maison ? Où ils se trouvaient ?
11 Témoin M (interprétation). – Non, je ne savais absolument rien.
12 M. Radovic (interprétation). - Mais je n'ai pas dit que c'est
13 vous qui les avez expulsés. Vous étiez venue dans la maison qui était
14 vide ?
15 Témoin M (interprétation). - Bien évidemment, nous n'avons vu
16 personne.
17 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez vu les
18 personnes qui pouvaient
19 vous dire où ils étaient partis, s'ils avaient fui, où se trouvaient ces
20 propriétaires ?
21 Témoin M (interprétation). - Mais nous n'avons vu personne, je
22 suppose qu'ils étaient partis.
23 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez parlé avec
24 vos voisins, les Musulmans, de ce qui s'était passé avec les propriétaires
25 de ces maisons ?
Page 2366
1 Témoin M (interprétation). - Non, ça ne m'est même pas venu à
2 l'esprit.
3 M. Radovic (interprétation). - Mais on parle de tout dans les
4 villages. Par conséquent, on a probablement parlé également de ce qui
5 s'était passé avec les propriétaires de ces maisons. Il y a eu une rumeur
6 qui est passée dans le village, n'est-ce pas ?
7 Témoin M (interprétation). - Mais ça ne m'intéressait guère. Moi
8 j'avais mes propres problèmes, j'étais malade, j'étais également opérée,
9 j'avais une blessure, une plaie, des fils qui sont restés, je suis sortie
10 de l'hôpital et tout ce dont je me souviens c'est que j'ai marché, j'ai
11 fui.
12 M. Radovic (interprétation). - Je comprends parfaitement, vous
13 vous êtes enfuie, vous avez marché beaucoup, mais ce que j'aimerais savoir
14 également c'est ce que les propriétaires de cette maison ont fait ; eux
15 aussi ils devaient se déplacer.
16 Témoin M (interprétation). - Oui.
17 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz ?
18 M. Moskowitz (interprétation). - J'aimerais élever une objection
19 car il semble que ces questions ont déjà été posées à plusieurs reprises
20 et la réponse fut toujours la même :le témoin ne savait pas. Nous
21 demanderons que Me Radovic passe à une autre question.
22 M. le Président (interprétation). - Effectivement,
23 Maître Radovic, auriez-vous l'obligeance de passer à une autre question.
24 Il est exact que vous avez déja posé cette question à plusieurs reprises.
25 M. Radovic (interprétation). - Je pense que le témoin allait
Page 2367
1 répondre au moment où
2 Me Moskowitz l'avait interrompu, mais ça ne fait rien, Monsieur le
3 Président.
4 M. le Président (interprétation). - Nous n'avons pas reçu la
5 traduction en anglais.
6 M. Radovic (interprétation). - Je vais répéter ce que j'avais
7 dit. Je viens de dire que le témoin était prêt à nous répondre à la
8 question, il a commencé à parler au moment ou Me Moskowitz l'avait
9 interrompu ; mais ça ne fait rien Monsieur le Président, je vais poser
10 d'autres questions.
11 M. le Président (interprétation). - J'avais le sentiment que le
12 témoin avait répété qu'elle ne savait pas et qu'elle ne tenait pas à
13 savoir où se trouvaient les propriétaires croates de ces maisons. Je
14 comprends bien que votre question présente un certain intérêt, mais je
15 pense que le témoin a déjà répondu en disant qu'elle n'était pas en mesure
16 de répondre, elle ne savait pas.
17 M. Radovic (interprétation). - D'accord. Je pense que j'ai
18 compris à peu près de quoi il s'agissait. Par conséquent, je ne vais pas
19 insister, je respecte votre décision.
20 Vous avez dit que vous vous êtes rendue dans un village où la
21 majorité de la population était des Serbes ?
22 Témoin M (interprétation). - Oui.
23 M. Radovic (interprétation). - Mais qu'est-ce qui s'était passé
24 avec les propriétaires serbes et où sont partis ces Serbes ?
25 Témoin M (interprétation). - Les Serbes ? Eh bien, les Serbes de
Page 2368
1 ce villages sont partis. Qui étaient les propriétaires ? Je ne peux pas
2 vous dire si c'était uniquement l'armée ou si c'étaient les vieillards, ça
3 je ne peux pas vous le dire. Ils sont partis, ça je le sais.
4 M. Radovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire pourquoi
5 ils sont partis ? Est-ce tout simplement parce que le village a été pris
6 par l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Ou sont-ils partis tout simplement
7 comme cela, parce qu’ils ne voulaient plus rester dans leur village ? Ou
8 bien vous ne le savez pas ?
9 Témoin M (interprétation). - Ils sont partis, c’est tout ce que
10 je sais.
11 M. Radovic (interprétation). - D’accord. Moi je suis satisfait.
12 Je ne vais pas insister. Maintenant nous allons revenir au 16 avril, en ce
13 qui concerne les conditions météorologiques au moment où l’attaque a
14 commencé, où le témoin disait des choses différentes. Vous avez dit qu’il
15 pleuvait. Est-ce que vous en êtes sûre ?
16 Témoin M (interprétation). - Oui, je suis sûre qu’il pleuvait.
17 Je sais que je n’avais pratiquement rien sur moi. Au moment où nous nous
18 sommes réveillés, nous n’avons pas véritablement mis des vêtements
19 convenables et c’est pratiquement pieds nus que nous sommes partis.
20 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu’il pleuvait vraiment ?
21 Est-ce que c’étaient des averses ? Est-ce que vous étiez mouillés en
22 allant vers Vrhovine ?
23 Témoin M (interprétation). - Non, il bruinait. Mais de toute
24 façon nous sommes arrivés mouillés, nous sommes arrivés plein de boue et
25 nous sommes restés là-bas quelques jours. Nous nous sommes séchés là-haut.
Page 2369
1 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous voulez dire que
2 ce n’était pas une averse mais que cela bruinait ?
3 Témoin M (interprétation). - Non, effectivement, ce n’était pas
4 une averse, mais ça bruinait. Je me souviens que j’étais pleine de boue,
5 mes enfants, moi-même, ma fille, et puis on a été un peu mouillé. C’est
6 comme ça que nous sommes restés dans la maison où on a été reçu du
7 vendredi au dimanche.
8 M. Radovic (interprétation). - Ce n’est pas cela que je posais
9 comme question. Ce qui m’intéressait, c’était simplement de savoir s’il
10 pleuvait fort ou pas.
11 Témoin M (interprétation). - Oui, d’accord.
12 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire
13 quels étaient les uniformes que portaient les soldats que vous avez vus le
14 jour avant l’attaque ?
15 Témoin M (interprétation). - Les uniformes, c’étaient les
16 uniformes de camouflage,
17 les uniformes que portaient les soldats du HVO.
18 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez des uniformes de
19 camouflage, n’est-ce pas ?
20 Témoin M (interprétation). - Oui, c’étaient des couleurs
21 différentes.
22 M. Radovic (interprétation). - Les couleurs différentes ?
23 Témoin M (interprétation). - Oui, effectivement.
24 M. Radovic (interprétation). - Merci, monsieur le Président, je
25 n’ai plus de questions.
Page 2370
1 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,
2 Maître Radovic. Maître Glumac ?
3 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je
4 n’ai plus de questions. C’est mon confrère qui a posé toutes les
5 questions.
6 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
7 Maître Moskowitz, vous voulez procéder à un interrogatoire
8 supplémentaire ?
9 M. Moskowitz (interprétation). - Nous n’avons pas de questions
10 supplémentaires, merci Monsieur le Président.
11 M. le Président (interprétation). - Merci. J’ai une question à
12 vous poser, Madame, qui enchaîne sur les questions posées par
13 Maître Radovic.
14 Témoin M, vous avez dit qu’à un moment donné, après le 16 avril,
15 vous vous êtes rendue dans un village, dont je ne me souviens pas le nom,
16 en tout cas que vous avez été logée dans une maison croate.
17 Voici ma question : y avait-il des Croates dans ce village au
18 moment où, vous, vous y êtes arrivée ?
19 Témoin M (interprétation). - Non, non, il n’y avait aucun
20 Croate.
21 M. le Président (interprétation). - Y avait-il que des
22 Musulmans ?
23 Témoin M (interprétation). - Uniquement des Musulmans.
24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Madame.
25 Témoin M (interprétation). - Merci à vous.
Page 2371
1 M. le Président (interprétation). - Je suppose que vous ne
2 verrez aucun inconvénient à ce que le témoin se retire. Témoin M, je vous
3 remercie infiniment d’être venue témoigner devant nous aujourd’hui. Vous
4 pouvez vous retirer.
5 Témoin M (interprétation). - Merci à vous tous, merci Monsieur
6 le Président. Je peux partir maintenant ? Je peux enlever le casque ?
7 M. le Président (interprétation). – Oui.
8 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
9 M. le Président (interprétation). - Nous passons, si vous le
10 voulez bien, au témoin qui était auparavant le témoin 4 et qui est devenu
11 le témoin 2. Maître Moskowitz ?
12 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Président, le
13 moment est peut-être opportun pour régler les questions qui n’avaient pas
14 été terminées vendredi. Je pensais que les conseils de la défense
15 voulaient faire une présentation. Je pensais que le moment serait peut-
16 être bienvenu car nous ne savons pas exactement est le témoin qui est prêt
17 pour le moment.
18 M. le Président (interprétation). - Tout à fait. Je m’adresse à
19 Maître Pavkovic. Les conseils de la défense sont-ils prêts à émettre leur
20 avis sur les questions dont nous avons discutées vendredi, soulevées par
21 la défense ? Il s’agit de la question des contacts entre l’accusation, les
22 témoins à charge, la défense et ces témoins. Etes-vous arrivés à un
23 terrain d’entente ? Est-ce que l’un d’entre vous peut parler au nom de
24 tous les autres ?
25 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, notre
Page 2372
1 confrère Moskowitz a proposé justement que nous en parlions. Je vais être
2 très bref. Nous avons une attitude qui nous est commune. Je vais parler au
3 nom de tous les conseils de la défense. Par conséquent, les conseils de la
4 défense ont examiné un certain nombre d’aspects de la question qui a été
5 soulevée. Ils ont également examiné des raisons différentes de l’idée qui
6 a été lancée par le Procureur. Sont tirées de leurs conclusions, les
7 choses suivantes.
8 Tout d’abord, les conseils de la défense remercient le Président
9 et la Chambre de nous permettre de dire également notre position. Les
10 conseils de la défense considèrent tout d'abord que ce que le Procureur
11 avait dit, avec les arguments qu’il avait avancés, le vendredi
12 18 septembre, est acceptable, à savoir que le témoin, une fois qu’il
13 commence sa déposition, est le témoin du Tribunal et que, par conséquent,
14 indépendamment du fait qu’il soit le témoin du Procureur ou de la défense,
15 il est sous serment, il ne parlera que sous serment et il ne dira que la
16 vérité.
17 Toutefois, les conseils considèrent qu'en ce qui concerne
18 l'interdiction des contacts
19 avec les témoins, c'est une question, qui a été soulevée au moment où un
20 bon nombre de témoins ont déjà été cités, ont déjà déposé, et les contre-
21 interrogatoires ont eu lieu, et par conséquent dans le cadre de ce régime
22 a pu également obtenir quelques avantages. A ce propos, les conseils
23 expriment leurs préoccupations et considèrent que cela pourrait
24 éventuellement apporter un certain déséquilibre dans le cadre de ce procès
25 si le régime était maintenant modifié et que ce droit doit être maintenu
Page 2373
1 également pour les droits de la défense.
2 D'un autre côté également, les conseils de la défense ont noté
3 que devant le Tribunal il y a un certain nombre de témoins qui ont été
4 cités et qui ont quelques caractéristiques qui sont assez spécifiques. Il
5 s'agit au fond aussi bien des témoins que des victimes, des victimes qui
6 ont traversé des événements tragiques et qui ont subi dans le cadre de
7 leur famille également des épreuves, qu'ils sont très sensibilisés, par
8 conséquent que leur déposition pourrait être également un moyen
9 d'influencer l'évolution du procès et qu'il faudrait tenir compte que,
10 lors de ces contacts, il s'agit d'une situation où on essaie de faire
11 appel aux souvenirs des témoins et non pas de suggérer une situation
12 donnée.
13 Lors de l'examen de cette position et de notre conclusion
14 définitive, je me dois de vous dire que les conseils de la défense avaient
15 en vue tout d'abord l'attitude qui a été définie par le Juge Mumba qui
16 avait eu à l'esprit le cas de Furundzija, et l'iniative du conseil de la
17 défense sur l'interdication des contacts.
18 En se fondant sur ces situations différentes, les conseils de la
19 défense ont arrêté l'attitude suivante, la position suivante : ils sont
20 d'avis qu'à partir du moment où le témoin apparaît devant la Chambre, où
21 il fait le serment, qu'à partir de ce moment il devient le témoin du
22 Tribunal et qu'il ne devrait être contacté par personne, indépendamment du
23 fait de qui l'avait cité, que ce soit le Procureur ou la défense, sans que
24 la Chambre prenne une décision à ce sujet-là.
25 Si vous portez une décision à ce sujet-là, les conseils de la
Page 2374
1 défense sont d'avis qu'il
2 faudra avoir en vue également quelques exceptions, exceptions par rapport
3 à cette attitude à savoir que, si la Chambre en donne l'autorisation, sous
4 son contrôle, à titre tout à fait exceptionnel, on pourrait adopter,
5 arrêter cette décision et autoriser les contacts.
6 En guise de conclusion, les conseils de la défense sont d'avis
7 que ce point de vue ne se fonde pas sur le Règlement de procédure et de
8 preuve, mais a le fondement dans un certain nombre d'articles du Statut
9 qu'au cours du procès, par conséquent pour véritablement connaître la
10 vérité et aboutir à une justice équitable, il est indispensable d'agir
11 ainsi. C'est la raison pour laquelle nous demandons à la Chambre de bien
12 vouloir en tenir compte et d'examiner le plus tôt possible toutes ces
13 questions et de prendre la décision à ce sujet là.
14 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que
15 l’accusation veut apporter un commentaire ? Pas nécessairement ? Oui, je
16 pense que votre position était des plus claires dès vendredi. Avez-vous
17 des commentaires ? Fort bien. Je tiens à remercier Maître Pavkovic ainsi
18 que ses confrères pour nous avoir communiqué leur position qui est
19 désormais très claire. Nous savons ce qu’il en est de la position de
20 chacune des parties. Nous trancherons la question sans doute d’ici demain
21 matin.
22 Je vous propose une pause. Nous reprendrons à 11 heures 15
23 précises.
24 L’audience, suspendue à 10 heures 45, est reprise à
25 11 heures 15.
Page 2375
1 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
2 M. le Président (interprétation). - Tout d’abord, je vais
3 demander au témoin de faire la déclaration solennelle. Pourriez-vous, je
4 vous prie, vous lever et lire la déclaration solennelle ?
5 M. Dooley (interprétation). - Je déclaire solennellement de dire
6 toute la vérité, rien que la vérité.
7 M. le Président (interprétation). - Merci.
8 M. Terrier. - Monsieur le témoin, pouvez-vous dire au Tribunal
9 votre nom, votre prénom et votre date de naissance ?
10 Témoin (interprétation). - Certainement. Major Michael Dooley.
11 Je suis né le 15 mars 1966.
12 M. Terrier. - Pouvez-vous dire au Tribunal ce qu’est votre
13 affectation actuelle ?
14 M. Dooley (interprétation). - Je suis le responsable des
15 opérations d’une brigade qui consiste en une partie du (?) dans le cadre
16 de l’ONU.
17 M. Terrier. - Pouvez-vous nous indiquer ce qu’est votre
18 expérience professionnelle, ce qu’a été votre formation ?
19 M. Dooley (interprétation). - Oui, j’ai rejoint l’armée en 1990,
20 notamment le corps royal de transmission en 1992. J’ai été désigné
21 commandeur de section dans le régiment du Cheshire pour une période
22 d’environ 18 mois et j’étais commandeur des Warriors. Après quoi je suis
23 allé à Katarik où j’ai été conseiller à l’infanterie pour le corps de
24 transmission et ensuite j’ai participé aux Armed brigade* en tant que
25 directeur des opérations.
Page 2376
1 Ensuite, j’ai été envoyé à l’Académie Royale de Sanders. Là
2 j’étais instructeur. Et récemment, j’ai reçu mon mandat actuel, c’est-à-
3 dire operation officer.
4 M. Terrier. - A quelle date avez-vous été envoyé en Bosnie-
5 Herzégovine ?
6 M. Dooley (interprétation). - J’ai été envoyé en octobre 1992 et
7 nous sommes partis en mai 1993.
8 M. Terrier. - Quelle était votre mission en Bosnie pendant cette
9 période ?
10 M. Dooley (interprétation). - Notre mission initiale était de
11 protéger les convois ONU, HCR, et d’apporter l’aide humanitaire aux
12 victimes de la région.
13 M. Terrier. - En Bosnie, vous commandiez un peloton ?
14 M. Dooley (interprétation). - C’est exact, oui.
15 M. Terrier. - Pouvez-vous nous dire comment est composé un
16 peloton ?
17 M. Dooley (interprétation). - Certainement. Il y avait environ
18 36 soldats dans un peloton. Le peloton disposait de quatre warriors,
19 c’est-à-dire des véhicules blindés et un commandant.
20 M. Terrier. - J’aimerais maintenant que nous nous intéressions à
21 cette période qui précède le mois d’avril 1993. Vous étiez un observateur
22 dans cette région et je voudrais que vous nous disiez ce que vous avez vu
23 des forces en présence dans la région de Vitez. Est-ce que vous avez vu
24 des éléments de l’armée de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que vous avez vu
25 des éléments du HVO ? Pouvez-vous indiquer cela au Tribunal ?
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1 M. Dooley (interprétation). - Oui, certainement. Je voudrais
2 préciser une chose. Est-ce que vous voulez que je parle depuis le mois
3 d’octobre ou des jours qui précèdent avril ?
4 M. Terrier. - Sur cette période de plusieurs semaines ou de
5 plusieurs mois, donc depuis le mois d’octobre 1992 jusqu’au mois d’avril
6 1993.
7 M. Dooley (interprétation). - D’accord. Au départ la région
8 était divisée en un certain nombre de groupes localisés, de troupes sans
9 doute croates et HVO ; et les concentrations générales étaient à Travnik.
10 ABiH principalement, Vitez, là, principalement croates, même s'il y avait
11 également des ABiH sur place, et il y avait un mélange entre la vallée de
12 la Lasva entre les troupes BHV et de l'armée.
13 M. Terrier - Quelle est votre opinion de l'Etat de l'armée de
14 Bosnie-Herzégovine à ce moment-là, de son organisation, de son armement ?
15 M. Dooley (interprétation). - Oui. Equipement faible dans la
16 majorité des régions, sauf Travnik où ils étaient bien armés, je veux dire
17 qu'ils ne disposaient que d'armes à feu automatiques. Je n'ai jamais rien
18 vu de gros calibres surtout à Vitez. Les seules choses que j'ai vues
19 étaient des armes légères automatiques et lorsqu'on quittait la région de
20 Vitez, une fois de plus, je voyais uniquement des armes légères pour
21 l'ABiH. Les Croates, quant à eux, disposaient d'armes plus lourdes, de
22 plus gros calibres, par exemple point 5/0, antiaériennes automatiques,
23 montées sur camion et qu'ils utilisaient de temps à autre.
24 M. Terrier - Est-ce que dans les semaines qui ont précédé le
25 16 avril 1993, pendant la première quinzaine du mois d'avril 1993, vous
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1 avez constaté la présence d'éléments de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans
2 la région de Vitez-Ahmici ?
3 M. Dooley (interprétation). - Non. Non, il n'y avait pas de
4 soldat ABiH dans la région d'Ahmici. Il y en avait quelques, mais peu
5 nombreux, pratiquement pas à Vitez même. Le gros des soldats se trouvait
6 plutôt dans la région de Travnik.
7 M. Terrier - Est-ce que dans les semaines qui ont précédé le
8 16 avril 1993 vous avez senti une évolution de la situation entre les
9 communautés ?
10 M. Dooley (interprétation). - Oui. Les tensions étaient plus
11 grandes. Il y a eu de nombreux cas de tirs dans l'ensemble de la vallée,
12 allant de Travnik jusqu'à Vitez notamment.
13 M. Terrier - Est-ce que vous pouvez maintenant nous raconter
14 cette journée du 16 avril 1993 selon les souvenirs que vous avez
15 conservés ? Vous étiez bien entendu en service cette journée-là ?
16 M. Dooley (interprétation). - Oui. En fait, j'étais le
17 responsable des opérations, dès très tôt le matin, vers 6 heures, (je
18 m'étais peut-être couché vers 2 heures du matin), j'ai été réveillé par un
19 de mes collègues et de grandes explosions avaient été causées par un
20 mortier de gros calibre. Je dois dire que cette explosion a fait que je me
21 suis levé très rapidement pour diriger les opérations.
22 Mon commandant en second, le Major Watters, m'a dit ensuite
23 d'aller sur place pour voir ce qui se passait à la ville de Vitez. J'ai
24 estimé l'heure à laquelle je suis arrivé à Vitez, 6 heures 30 environ. La
25 ville de Vitez était couverte de fumée des premiers bâtiments jusqu'au
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1 centre et il y avait énormément de tirs. A cause de l'écho provoqué par
2 les bâtiments, il était très difficile de détecter l'origine du feu, des
3 tirs et au départ, nous avons choisi une route au centre
4 de la ville pour essayer d'identifier l'origine des tirs. Ensuite, nous
5 avons lancé un appel radio vers la région qui nous semblait être à
6 l'origine des tirs, le stade à Vitez, nous nous y sommes rendus. Nous
7 avons vu des troupes qui tiraient sur certaines maisons et mettaient le
8 feu à certaines maisons également. Voulez-vous que je poursuive ?
9 M. Terrier - Les troupes que vous avez vues ce matin-là à Vitez,
10 à quelles unités appartenaient-elles ?
11 M. Dooley (interprétation). - Je ne pourrais pas préciser les
12 unités pratiques. Je sais qu'il s'agissait de troupes croates, j'ai
13 reconnu leurs uniformes, etc. Quand je les ai vus, ils tiraient sur des
14 civils uniquement et je n'ai pas vu de troupes à ABiH sur place et il n'y
15 a pas eu non plus de morts à ABiH que j'ai pu détecter.
16 M. Terrier - Voulez-vous poursuivre le récit de cette journée ?
17 M. Dooley (interprétation). - Oui. On m'a ensuite dit d'aller
18 dans le nord de Vitez, dans un village dont le nom m'échappe, parce qu'il
19 y avait des menaces, où qu'il était possible que des tirs aient lieu.
20 Lorsque je suis arrivé à ce village tout semblait calme, même si les
21 villageois se cachaient derrière des murs. Il n'y avait pas de signe de
22 lutte, de combat, je n'en ai pas vu en tout cas. Entre temps, le tir se
23 poursuivait à Vitez, à la ville, donc nous nous sommes rendus une fois de
24 plus à Vitez. Il est important de noter que chaque fois que nous sommes
25 arrivés dans un des quartiers de Vitez, le feu s'arrêtait dans cette
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1 région-là. Les troupes croates s'accroupissaient et attendaient notre
2 départ. En général lorsque nous mettions pied-à-terre, lorsque nous
3 descendions des véhicules, le tir commençait dans un autre quartier donc
4 nous nous déplacions et une fois de plus, les tirs s'arrêtaient dans ce
5 point-là.
6 Vers la pause déjeuner, ma radio m'a dit que je devais me rendre
7 dans le village d'Ahmici où, apparemment, il y avait aussi des incidents
8 de tirs échangés. Je me suis rendu de Vitez à Ahmici avec les quatres
9 Warriors, les véhicules transporteurs, j'ai empreinté la route principale,
10 je peux vous la montrer, et je me suis rendu vers le parking qui est au
11 nord du
12 cimetière et ensuite j'ai fait demi-tour.
13 A ce stade, nous voyions ce qui s'est passé dans cette région,
14 mais de la route. Alors j'ai appelé par radio mon commandant,
15 M. Matten Thomas, Major Montooth Thomas, pour lui dire quel était l'état
16 de la situation. Je lui ai dit qu'il y avait toute une série de cadavres
17 qui jonchaient les côtés de la route, qui jonchaient également le sol des
18 maisons, le sol devant les maisons, et, de temps à autres, il y avait un
19 coup de feu qui venait du sud-ouest, c'est vrai, mais que sinon moi je
20 n'avais vu aucune résistance et que je n'avais pas non plus vu de
21 survivants. Certaines personnes locales se trouvaient dans cette région et
22 qui essayaient de récupérer leurs morts.
23 Alors, il m'a dit qu'il avait l'intention d'envoyer des
24 renforts, c'est-à-dire des éléments Simetar, avec Simetar, donc je les ai
25 attendus ici, dans la région sud-est, sur un parking jusqu'à ce que les
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1 renforts arrivent du camp de Vitez.
2 (Le témoin montre l'endroit sur le plan.)
3 M. Terrier. - Il s'agit là de la première viste que vous faites
4 à Ahmici. Quelle heure était-il à peu près lorsque vous êtes arrivé à
5 Ahmici, la première fois ?
6 M. Dooley (interprétation). - Il était environ midi.
7 M. Terrier. - Vous étiez à la tête de quatre véhicules blindés,
8 c'est ce que vous avez dit ?
9 M. Dooley (interprétation). - C'est correct, oui.
10 M. Terrier. - Sur quel véhicule vous étiez ?
11 M. Dooley (interprétation). - Je me trouvais toujours dans le
12 véhicule de tête. La composition du peloton était telle pour les quatre
13 véhicules que je serais toujours, moi, en tête, je serais suivi par un
14 corporal dans un deuxième véhicule et suivi ensuite par mes sergents de
15 peloton. Bon, c'est un peu délicat, il y en a deux : il y en a un qui est
16 un sergent Warrior qui commande le troisième véhicule et son corporal à
17 lui se trouverait dans le troisième véhicule.
18 Donc c'est toujours la même formation que nous utilisions.
19 M. Terrier. - Est-ce que, à l'occasion de cette première visite
20 à Ahmici, vous avez constaté des tirs, l'existence de tirs ?
21 (Le témoin montre le plan.)
22 M. Dooley (interprétation). - Oui, lors de la première visite,
23 les tirs étaient relativement limités mais ils étaient suffisants pour que
24 nous nous rendions sur place pour mener une enquête. Mais il y avait un
25 coup de feu de temps à autres, ce n'était pas énorme.
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1 M. Terrier. - C'est à l'occasion de cette première visite à
2 Ahmici qu'un film vidéo a été pris par un de vos hommes ?
3 M. Dooley (interprétation). - C'est exact, oui, c'est lors du
4 premier voyage.
5 M. Terrier. - Je souhaiterais, Monsieur le Président, que nous
6 projetions ce film vidéo que votre Tribunal connaît déjà car il a déjà été
7 projeté à l'occasion de l'audition du témoin G. Mais je souhaiterais que
8 le major Dooley, qui se trouvait présent, puisse faire éventuellement
9 quelques commentaires sur ce film. Il s'agit de la pièce de l'accusation
10 numéro 120. Pouvons-nous projeter ce film ?
11 (Projection de la cassette vidéo.)
12 Monsieur le Major Dooley, vous pouvez faire quelques
13 commentaires, bien entendu, quand vous le souhaitez, sur la projection de
14 ce film. Nous n'avons pas le son.
15 M. Dooley (interprétation). - C'est la vue que l'on a depuis la
16 route et c'est ce que nous avons constaté au moment du premier passage.
17 Comme vous l'avez constaté, bon, d'après nous, il n'y avait pas de
18 survivants. Il y avait un certain nombre de corps, peut-être un peu plus
19 d'ailleurs que ceux que vous voyez sur cette vidéo, donc devant les
20 portes, à côté des maisons. A ce stade, on avait donc l'impression qu'il
21 s'agissait d'une opération de nettoyage, sans plus. Alors il y avait de
22 temps à autres des coups de feu dans le plateau surélevé que vous voyez à
23 l'arrière-plan. La vidéo n'est peut-être pas très précise ici, mais il y
24 avait énormément de fumée
25 qui nous gênait quelque peu la vue, notamment du côté nord-ouest.
Page 2383
1 (Projection de la cassette vidéo.)
2 Ici, le tout premier véhicule que vous avez vu est celui dans
3 lequel je me trouvais. Et en fait, c'est le sergent de peloton qui est en
4 train de filmer. Moi, je n'ai jamais vu quelqu'un de vivant. Mon sergent
5 de peloton a pris cette vue, mais moi je dois dire que je ne l'avais pas
6 vue.
7 Ici, nous sommes un peu plus tard, lors du deuxième passage, et
8 je vous le signale parce qu'ici il n'y a pas de tirs ; ceci arrive plus
9 tard et dans cette scène-ci je suppose que moi j'étais à l'arrière du
10 bâtiment que vous voyez à gauche de l'écran, je suppose.
11 (Projection de la cassette vidéo.)
12 M. Terrier. - A ce moment-là, s'agissant de votre deuxième
13 passage à Ahmici sur la grande route, est-ce qu'il y avait des tirs
14 importants ?
15 M. Dooley (interprétation). - Oui, lors de chaque passage nous
16 avons vu que les tirs s’accroissaient. Au moment du premier passage, la
17 vidéo l’a montré, il n’y avait pas de gros incidents. Ici, j’estime qu’il
18 s’agit d’un deuxième passage parce qu’ici les coups de feu restent
19 extrêmement limités.
20 Je vais vous montrer sur la carte. En fait, nous avons enlevé un
21 certain nombre de corps -six, c’est une estimation- et nous les avons
22 transportés de cette région -je crois d’ailleurs que c’est ce que vous
23 avez sur la vidéo- et là nous avions vu certains Musulmans, auparavant,
24 qui essayaient de récupérer leurs corps, et nous les avons alignés sur le
25 parking afin que les gens puissent récupérer les corps. Ensuite, après
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1 cela, nous avons fait demi-tour et nous sommes revenus dans cette région-
2 là une troisième fois.
3 Je poursuis ?
4 M. Terrier. - Vous pouvez.
5 M. Dooley (interprétation). - Lors du troisième passage, nous
6 sommes revenus une
7 fois de plus, en gros en suivant le même itinéraire, mais les tirs
8 commençaient à être plus importants et nous avons dû utiliser les
9 véhicules blindés pour former un mur. Nous les avons mis l’un à la suite
10 de l’autre afin que les tirs qui venaient de cette région, dans ce sens-
11 là, ne nous touchent pas. Nous avons fait un mur horizontal, si vous
12 voulez, en utilisant les blindés face aux collines. Nous avons dû faire
13 entrer l’ambulance par la suite et mettre les corps dans l’ambulance pour
14 que celle-ci se trouve entre les tirs et nous. Ce n’est peut-être pas très
15 clair ici, mais la fumée était telle que nous ne voyions pas d’où
16 provenaient les tirs. La seule chose que nous pouvions dire, c’est qu’il
17 s’agissait de très gros calibres. Nos estimations parlent de 5.0.
18 Nous avons pu le constater d’après les traces que laissaient les
19 balles dans la fumée. Nous ne pouvions pas vraiment réagir aisément parce
20 qu’il était impossible d’identifier l’origine des tirs, à cause de la
21 fumée. Lors de ce troisième passage, nous nous sommes rendus ici, nous
22 avons déchargé les corps, mais là aussi les tirs commençaient à arriver.
23 Auparavant, lors du passage précédent, il n’y avait pas de coups de feu,
24 mais ces coups de feu commençaient à arriver.
25 Nous avons aligné d’autres corps, cinq, six, une dizaine peut-
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1 être, je ne sais plus. Certaines personnes attendaient les blessés et les
2 corps, mais ils n’y étaient plus maintenant. Moi je n’avais pas vu ce que
3 les autres sergents avaient vu sur la vidéo. Donc je partais du principe
4 qu’il n’y avait plus de survivants. Et lors du quatrième passage, les tirs
5 devenaient extrêmement intenses. Les soldats se faisaient tirer dessus à
6 côté des bâtiments dans lesquels ils essayaient d’évacuer les corps.
7 Cela n’avait pas beaucoup de sens d’exposer mes soldats
8 puisqu’il n’y avait, d’après moi, personne de vivant à protéger. Donc quel
9 était le but, ici inutile, d’exposer mes soldats. Tel que moi j’avais vu
10 la situation, tout le monde était mort, il n’y avait pas non plus de
11 blessés.
12 Ces personnes, nous les avons ramenées dans cette région que
13 j’indique sur la carte et là aussi, nous avons subi des tirs de deux
14 directions, les deux directions que je vous indique.
15 Les tirs étaient suffisants pour que je ne débarque plus les personnes.
16 Donc tout le monde restait à l’intérieur des blindés, sinon je risquais
17 d’exposer mes soldats sans véritable raison. C’est à ce stade que j’ai
18 décidé de reprendre les corps vers la ville de Vitez puisqu’on m’avait dit
19 qu’il y avait un centre médical à Vitez. C’est la raison pour laquelle je
20 suis retourné en ville. En fait, je les ai pris dans un centre médical
21 croate. Cela, nous l’avons constaté par la suite. Je ne le savais pas à
22 l’époque et là nous avons débarqué les corps dans une morgue, à
23 l’intérieur d’un hôpital de fortune.
24 M. Terrier. - Est-ce qu’on peut dire qu’entre votre premier
25 passage et votre quatrième passage la situation s’est aggravée à Ahmici
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1 par le nombre des tirs plus intenses, plus lourds ?
2 M. Dooley (interprétation). - Certainement, oui c'est exactement
3 ce qui s’est passé.
4 M. Terrier. - Vous avez dit qu’à l’occasion de votre troisième
5 passage, vous aviez vu des tirs d'armes de gros calibre provenant de
6 l’intérieur du village. Est-ce que vous pouvez préciser de quelle zone ces
7 tirs provenaient ?
8 M. Dooley (interprétation). - Dans Ahmici, il n’y avait qu’une
9 région d’où venait le tir. Nous ne pouvions pas la voir, mais nous
10 connaissions la direction. Là je vous l’indique. Le calibre était de .50.
11 Vous pouviez en juger en fonction du son et en fonction de la trace
12 laissée dans la fumée.
13 M. Terrier. - Quelle heure était-il approximativement, lorsque
14 vous avez constaté ce tirs ?
15 M. May (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre et
16 de préciser une chose. Le témoin nous dit que les tirs venaient d’un point
17 précis. Ce point a déjà été mentionné dans l’un des témoignages comme le
18 point central. Je crois que le témoignage devrait le préciser, le point
19 central ou le rond-point.
20 M. Terrier - Monsieur le Juge, en effet je pense qu'il convient
21 de préciser, pour le
22 transcript en particulier, que le témoin a indiqué, comme zone d'où
23 provenaient ces tirs de gros calibres, qu'il a constaté à son troisième
24 passage une zone qui se trouve à proximité du parking qu'on appelle Sutra,
25 Krabovi, où se trouvent implantées les maisons de certains des accusés
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1 Kupreskic. Pouvez-vous indiquer à quelle heure vous avez constaté ces tirs
2 provenant de cette zone de Sutra ?
3 M. Dooley (interprétation) - Il est probablement important de
4 noter que lors de tous les passages il y avait des tirs, mais les tirs
5 plus nourris ont eu lieu vers 13 heures 30.
6 M. Terrier - A quelle heure s'est passée votre dernière visite à
7 Ahmici ?
8 M. Dooley (interprétation) - C’est difficile à dire bien
9 évidemment mais je dirais environ 15 heures 30, je devais encore faire un
10 voyage et je me souviens que lorsque je suis rentré à la base, il faisait
11 noir, donc encore un voyage vers Ahmici, village au nord de Vitez.
12 Il y a une chose importante que j'ai oubliée de signaler au
13 sujet de mon premier passage qui est que, ici dans ce ravin (je ne voyais
14 pas très loin parce qu'il y avait de la fumée) nous avons vu peut-être une
15 dizaine de soldats croates qui étaient couchés dans cette direction-là,
16 donc moi j'avais l'impression que c'était un groupe qui devait faire
17 barrage et intercepter les gens qui descendaient du village, c'est
18 difficile à dire.
19 M. Terrier - Comment étaient habillés ces soldats que vous avez
20 vus dans ce fossé ?
21 M. Dooley (interprétation) - Ils avaient le style croate
22 américain, tenue de camouflage traditionnelle.
23 M. Terrier - Est-ce que leur appartenance à l'armée croate ne
24 fait aucun doute pour vous ?
25 M. Dooley (interprétation) - Aucun doute.
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1 M. Terrier - Pouvez-vous de nouveau nous montrer à quel endroit
2 se trouvaient ces soldats sur le tableau qui se trouve derrière vous ?
3 M. Dooley (interprétation) - Il s'agit d'un petit ravin qui est
4 très net ici, sur cette
5 partie-là de la rive, juste en-dessous de la partie supérieure, et ils ont
6 essayé de se cacher au moment du passage des véhicules blindés, mais,comme
7 nous sommes plus hauts dans ces véhicules blindés, nous avons pu les voir.
8 (Le témoin l'indique sur le plan.)
9 M. Terrier - On peut peut-être préciser pour le transcript que
10 ce fossé, ce ravin, est parallèle à la route qui rentre dans Ahmici, dans
11 la direction de Vitez. Il est effectivement bien visible sur la
12 photographie aérienne.
13 Monsieur le Témoin, pouvez-vous préciser le nombre de corps que
14 vous avez enlevés à Ahmici, que vous avez trouvés et enlevés au cours de
15 cette journée ?
16 M. Dooley (interprétation) - Il y en a moins de vingt que nous
17 avons enlevés sur les trois passages, peut-être dix ou douze déposés sur
18 le parking, et ensuite peut-être six que nous avons déposés à la morgue.
19 Vu le nombre de corps que j'ai vus, j'aurais pu continuer toute la
20 journée, et c'est vrai que si moi, j'avais vu des survivants, j'aurais
21 changé toute mon approche. Mais comme d'après moi il n'y avait que des
22 personnes décédées, ça n'avait pas de sens de rester.
23 M. Terrier - Dans quelle zone les avez-vous trouvés ?
24 (Le témoin montre le plan.)
25 M. Dooley (interprétation) - Environ de là à là, environ sur
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1 toute cette zone.
2 M. Terrier - Ces corps, s'agissait-il de corps d'hommes, de
3 femmes, de vieillard, d'enfants ?
4 M. Dooley (interprétation) - Les corps que nous avons enlevés
5 concernaient les corps d'hommes et de femmes, tous les corps étaient
6 habillés en vêtements civils et la majorité d'entre-eux n'avaient pas de
7 chaussures, ça c'est l'un des soldats qui me l'a indiqué, ce qui montre
8 bien que ces personnes ont été surprises. Moi, je n'ai pas vu d'enfants
9 tués, mais des hommes des femmes et un certain nombre de personnes âgées.
10 M. Terrier - Avez-vous vu des armes à proximité de ces corps ?
11 M. Terrier - Non, il s'agissait dans tous les cas de civils. Et
12 il y a peut être un point important à signaler qui est que le nombre de
13 blessures par balles dans chacune des victimes était important. Ce qui
14 semble suggérer, d'après moi en tous cas, que les tirs étaient très
15 rapprochés, parce que plus vous êtes proche plus l'impact est réduit.
16 d'oeil.
17 M. Terrier - Ce qui signifie l'utilisation d'armes automatiques
18 à une distance rapprochée ?
19 M. Dooley (interprétation) - - C'est correct.
20 M. Terrier. - J’aimerais, Monsieur le Président, qu’on montre au
21 Tribunal un autre film vidéo qui est très court, qui est un film de la
22 télévision croate, de la communauté croate de Bosnie, studio de Zenica.
23 J’aimerais que le témoin puisse nous faire un commentaire. J’ai
24 ici, sur ce film... Il est important d’avoir le son. J’aimerais que nous
25 ayons le son parce qu’on entend les tirs et j’aimerais que le témoin
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1 puisse identifier les armes dont il s’agit. Peut-être peut-on commencer au
2 début ?
3 (Le greffier s’exécute.)
4 Sur ce film, un homme apparaît qui fait un commentaire. J’ai ici
5 la transcription en anglais de ce commentaire qui est en langue croate.
6 Monsieur l’huissier peut-être....
7 M. Bos (interprétation). - La vidéo sera notée comme
8 pièce 179 A.
9 (L'huissier distribue le document de traduction.)
10 M. Terrier. - Monsieur le Président, il est important que nous
11 entendions le son de ce film.
12 (Diffusion de la vidéo.)
13 M. Terrier. - C’est intéressant, mais ce qu’on entend est encore
14 plus intéressant.
15 M. le Président (interprétation). - Est-ce que nous pourrions
16 demander aux techniciens de veiller à ce que nous ayons la bande sonore ?
17 M. le Président (interprétation). - A ce qui paraît, on a besoin
18 d'un peu de temps. Pourrait-on passer à d'autres questions et vers la fin,
19 nous verrons la vidéo avec le son.
20 M. Terrier - Oui. Monsieur le témoin, est-ce que vous pouvez
21 dire au Tribunal ce que vous pensez de ce qui s'est passé à Ahmici cette
22 journée-là ? Quelle opinion avez-vous de ce qui s'est passé à Ahmici ?
23 M. Dooley (interprétation). - D'accord. Je connais les
24 événements du petit matin parce que j'ai discuté avec mes collègues d'un
25 autre bataillon qui étaient là le matin. Mais lorsque je suis arrivé vers
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1 midi, il semblait que l'attaque initiale était terminée et les personnes
2 que j'ai enlevées essayaient de se rendre vers la route. Elles étaient
3 toutes devant les maisons et se rendaient dans cette direction. Ce qui,
4 une fois de plus, coïncide avec les tirs qui ont été constatés par la
5 suite et qui provenaient de ce point-là. Il semble voler dans cette
6 direction-là.
7 Un grande partie des corps qui se trouvaient à cet endroit-là
8 avaient aussi des balles dans leur côté droit. Ce qui semble montrer, une
9 fois de plus, qu'ils ont été touchés par un tir croisé venant de cette
10 direction, puisqu'ils ont été frappés de cette façon. Parfois, nous avons
11 vu des impacts de balles différents, un calibre plus petit pour les tirs
12 croisés donc apparemment les armes utilisées de devant et de derrière sont
13 différentes.
14 Lorsque je suis arrivé les tirs venaient de cet endroit-là et
15 plus tard dans la journée, lorsque nous étions en train de ramasser les
16 corps, ils ont décidé que nous étions gênants et c'est la raison pour
17 laquelle, à ce moment-là, ils ont commencé à tirer dans notre direction à
18 travers la fumée. Mais nous ne les voyions pas et eux ne nous ont pas vus.
19 Il est probable qu'ils ont peut-être vu les véhicules blindés, mais il ne
20 nous ont pas vus nous de façon spécifique. C'est sans doute au bruit des
21 véhicules qu'ils nous ont plus ou moins repérés. C'est la raison pour
22 laquelle ils ont sans doute dirigé le tir dans notre direction. C'est tout
23 ce que je pourrais dire. J'ai l'impression qu'ils repoussaient les
24 habitants vers cette direction, ils les attendaient sur la route et de
25 cette direction que j'indique sur la carte.
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1 M. Terrier - Est-ce que vous pensez qu'il s'agissait d'une
2 opération militaire ? Est-ce vous qualifieriez cela d'opération
3 militaire ? Je parle des Croates bien entendu.
4 M. Dooley (interprétation). - J'ai vu des preuves de présence de
5 soldats croates, cela me pousserait à tirer cette conclusion, en effet.
6 Mais il s'agissait d'une attaque extrêmement bien coordonnée. Où que nous
7 soyions avec nos blindés, les tirs s'arrêtaient. Il est clair qu'ils
8 bénéficiaient d'une communication radio pour interrompre les tirs dans
9 cette région. Dès que nous sommes arrivés quelque part, les tirs
10 commençaient ailleurs. On leur faisait la chasse. Il est clair que
11 l'ensemble de l'opération était dirigé de façon militaire. Alors que nous
12 avions coupé des troupes ici, il y avait des points de tir à cet endroit-
13 là et cela semblait relativement bien orchestré par quelqu'un qui maîtrise
14 les questions de tactique.
15 M. Terrier - Monsieur le Président, avec l'autorisation du
16 Tribunal j'aimerais soumettre au témoin, pour avoir son opinion, son
17 commentaire, une déclaration faites par Me Hayman dans le cadre d'un autre
18 procès, celui qui est conduit actuellement devant une autre Chambre contre
19 le Général Blaskic. Il s'agit d'un document public, la déclaration
20 initiale de Me Hayman agissant au nom...
21 M. Radovic (interprétation). – (Hors micro.)
22 M. Terrier. - Je termine simplement. Vous me permettez de
23 terminer ?
24 Il s'agit donc de la déclaration de Me Hayman, agissant au nom
25 de l'accusé M. Blaskic, qui à un moment donné a donné un certain nombre
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1 d'explications sur ce qui s'est passé, selon lui, à Ahmici le
2 16 avril 1993. C'est un document public. Cette déclaration a été faite
3 publiquement.
4 J'aimerais simplement soumettre au témoin le contenu de cette
5 déclaration concernant Ahmici -il s'agit d'une demi-page- pour avoir son
6 commentaire.
7 M. le Président (interprétation). - Merci.
8 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, nous
9 faisons objection. Nous considérons que le témoin n'a rien à faire avec
10 les déclarations des conseils de la défense dans un autre procès.
11 Monsieur le Président, je pense que ce n'est pas une question
12 pertinente, d'autant plus que, dans le procès Blaskic, notre accusé n'a
13 pas participé. Par conséquent, je considère effectivement que cette
14 question n'est pas pertinente et elle ne peut pas être un moyen et une
15 pièce à conviction pour ce procès.
16 (Les Juges se consultent sur le siège.)
17 M. le Président. - Monsieur Terrier, nous considérons que vous
18 pourriez peut-être résumer en quelques mots, assez brièvement, le contenu
19 essentiel de la déclaration faite, si j'ai bien compris, par Me Hayman
20 qui, si j'ai bien compris, reflète la position du général Blaskic. Mais,
21 dans ce cas, vous pourriez peut-être résumer en quelques mots le contenu
22 essentiel de cette déclaration pour poser une question.
23 Si j'ai bien compris, vous allez demander à votre témoin quelle
24 est son opinion en tant qu'expert militaire, concernant l'opinion que vous
25 allez rapporter ?
Page 2394
1 M. Terrier. - En tant qu'expert militaire et surtout en tant que
2 témoin des faits, présent à Ahmici le 16 avril 1993 de midi à peu près
3 jusqu'à 4 heures, 3 heures et demie de l'après-midi.
4 C'est une déclaration faite par Me Hayman, le 7 septembre
5 dernier, devant donc une autre Chambre de ce Tribunal. Je suppose qu'elle
6 reflète la position du Général Blaskic, mais je ne la prends que comme une
7 déclaration de Me Hayman bien entendu.
8 Ce que Me Hayman dit, c'est que, certes -je la résume en
9 substance mais je tiens à la disposition de votre Tribunal et des avocats
10 de la défense une version de cette déclaration, la version complète de
11 cette déclaration- il y a eu certes un massacre de civils musulmans à
12 Ahmici ; toutes les maisons musulmanes ont été brûlées à Ahmici. Ce
13 massacre s'inscrit tout de même, selon Me Hayman, dans le cadre d'une
14 opération militaire car il y avait une résistance organisée et
15 significative à Ahmici le 16 avril 1993.
16 Ma première question est donc : avez-vous constaté qu'à Ahmici
17 le 16 avril 1993 il y avait une résistance organisée et significative à
18 une attaque lancée contre ce village ?
19 M. Dooley (interprétation). - Il n'y a eu absolument aucune
20 résistance et il n'y a pas eu de signes du tout de présence d'éléments
21 Abih (?).
22 M. Terrier. - Deuxième question, Me Hayman dit que ce massacre
23 était terminé à peu près vers midi, si ce n'est à la fin de la matinée du
24 16 avril 1993. Est-ce que c'est votre opinion ?
25 M. Dooley (interprétation). - Oui, c'est mon avis.
Page 2395
1 M. Terrier. - Je crois que nous pouvons maintenant voir le petit
2 film vidéo.
3 (Diffusion de la cassette vidéo.)
4 M. Dooley (interprétation). - Eh bien, c’est peu sûr ici pour
5 notre équipe. Nous sommes obligés de nous retirer. Nous allons essayer,
6 une fois de plus, de nous rapprocher. Nous sommes à deux kilomètres de
7 Vitez et probablement que nous n'allons pas pouvoir nous y rendre car tout
8 est miné. Et puis, vous voyez que c’est impossible de se rapprocher de la
9 ville.
10 M. Terrier. - J’ai quelques questions après la projection de ce
11 film. Est-ce que ce que l’on voit sur ce film correspond à votre souvenir
12 d'Ahmici ?
13 M. Dooley (interprétation). - Oui, en voyant la vidéo, vous
14 voyez l'écran de fumée. Le reporter s'était mis un peu plus haut sans
15 doute, pour éviter cette fumée, et on entend également les armes à gros
16 calibre. Les petits calibres ne font pas ce genre de bruit. Donc, oui.
17 M. Terrier. - Pour les armes à gros calibres, est-ce que vous
18 pouvez préciser de quel genre d’armes il s’agit ?
19 M. Dooley (interprétation). - Le type d’armes dont j’ai déjà
20 parlé, donc un
21 calibre 5.0.
22 M. Terrier. - Est-ce que vous aviez déjà vu dans la région,
23 avant le 16 avril, des armes de ce type ?
24 M. Dooley (interprétation). - Oui, j’avais vu ce type d’armes
25 montées sur un camion. En général, ils l’utilisaient pour intimider l'ABiH
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1 dans la région autour de Vitez.
2 M. Terrier. - Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres
3 questions à poser au témoin. Simplement, je demanderai que soient versées
4 au dossier de la procédure la pièce 179 et son annexe 179.1.
5 S’agissant de la déclaration de Me Hayman, dont j'ai donné la
6 substance, mais peut-être le Tribunal souhaiterait vérifier si cette
7 substance est bien conforme au texte même de la déclaration, je me demande
8 s'il n'est pas nécessaire de verser au dossier du Tribunal un extrait ?
9 M. le Président - Nous considérons que ce n’est pas nécessaire.
10 Ce n’est pas un élément de preuve. En tout cas, vous avez bien résumé
11 l’essence de la déclaration.
12 Je me tourne maintenant vers Maître Pavkovic pour lui demander
13 qui va procéder au contre-interrogatoire.
14 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, il est
15 12 heures 10. Je ne sais pas si c’est éventuellement le temps propice pour
16 lever la séance. Au début de l’après-midi, les conseils de la défense
17 pourront contre-interroger le témoin. De toute façon, Me Radovic a demandé
18 également à contre-interroger, ainsi que Me Puliselic et moi-même.
19 M. le Président (interprétation). - Pourrais-je vous proposer de
20 commencer par les questions de Maître Radovic ? Il pourrait peut-être
21 avoir l’amabilité de se présenter comme volontaire et se lancer.
22 M. Radovic (interprétation). - Je vais avoir probablement besoin
23 d’un peu plus de vingt minutes, mais dans ce cas-là je vais vous proposer
24 également de nous interrompre. J’ai déjà appris à agir comme les autres et
25 à me préparer pour ces cas-là.
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1 Monsieur le Témoin, vous avez été dans l’infanterie. Par
2 conséquent, vous avez été formé pour l’officier d’infanterie, n’est-ce
3 pas, dans l’armée britannique ? Est-ce que je vous ai bien compris ?
4 M. Dooley (interprétation). - Tous les officiers sont formés de
5 la même façon à Sanders. C’est seulement après avoir quitté Sanders qu’on
6 se spécialise. Moi, je faisais les transmissions.
7 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que votre formation
8 d’infanterie comprenait la stratégie ou la tactique ?
9 M. Dooley (interprétation). - C’est exact.
10 M. Radovic (interprétation). - Vous n’avez pas répondu à la
11 question. Est-ce que votre formation comprenait la stratégie ou uniquement
12 la tactique ?
13 M. Dooley (interprétation). - Les deux.
14 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, étant donné que votre
15 formation comprenait les deux, la stratégie et la tactique, je vais vous
16 poser un certain nombre de questions qui portent sur la stratégie.
17 Par conséquent, je vais vous demander de regarder la route qui
18 est derrière vous et de me dire si le contrôle sur cette route était d’une
19 importance stratégique pour le HVO ?
20 M. Dooley (interprétation). - Il y avait des éléments mujahidins
21 qui essayaient de parvenir à Travnik afin d’apporter du renfort aux
22 brigades de l'ABiH à cet endroit. Ils auraient utilisé cette artère comme
23 artère principale. Donc celle-ci revêtait une importance stratégique pour
24 le contrôle de la région, effectivement.
25 M. Radovic (interprétation). - Je vous remercie de cette réponse
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1 car, en ce qui concerne le colonel Watters, je n'étais pas content étant
2 qu'il n'avait pas parlé de l'importance stratégique de cette route.
3 Eh bien, maintenant, vous avez traversé à plusieurs reprises
4 cette route, vous avez
5 pu voir tout ce qui se passe dans la vallée de la Lasva. Si vous voulez
6 bien, nous allons maintenant dire à la Chambre quelques-unes de nos
7 réflexions stratégiques sur les événements à cet endroit-là.
8 Quand il s'agit d'une région qui a été sous le contrôle du HVO,
9 donc de la vallée de la Lasva, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour
10 dire que les forces du HVO étaient en quelque sorte encerclées par les
11 Musulmans ?
12 M. Dooley (interprétation). - Vous vous rendez sans doute compte
13 que c'était peut-être comme une cible où il y avait des gens qui se
14 trouvaient au centre de la cible et qui étaient entourés de personnes
15 représentant un autre groupe, en cercles concentriques ?
16 M. Radovic (interprétation). - Nous sommes d'accord, maintenant
17 donc. Le HVO a contrôlé un certain nombre de villes, d'une façon ou d'une
18 autre : Vitez, Busovaca, etc., à titre d'exemple.
19 L'armée qui souhaite s'emparer de la région dans l'ensemble,
20 qu'est-ce qu'elle doit faire d'abord, quelles sont les démarches à
21 entreprendre pour occuper cette région ? Pour être plus direct, pour que
22 vous puissiez bien me comprendre, que vous ne soyez pas dans l'obligation
23 de lire entre les lignes, est-ce que l'armée qui souhaite prendre une
24 région essaie -donc on parle des forces de la défense- de séparer les
25 forces de la défense et les forces de l'ennemi ? A titre d'exemple, est-ce
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1 qu'elle aurait pour but de séparer l'armée qui siège à Vitez par rapport à
2 celle qui est à Busovaca, à Kiseljak, etc. ?
3 M. Dooley (interprétation). - Est-ce que vous voulez dire qu'on
4 essaie d'interrompre, de couper les lignes de communication pour empêcher
5 les renforts d'arriver ?
6 M. Radovic (interprétation). - Oui, exactement. Couper la
7 communication pour empêcher les manoeuvres sur le terrain, est-ce exact ?
8 (Le témoin acquiesce.)
9 Par conséquent, nous sommes d'accord que l'armée qui veut
10 occuper le terrain a
11 pour but de disperser en groupes séparés les troupes d'ennemis pour ne pas
12 permettre qu'une unité rejoigne l'autre en renfort, pour couper les
13 communications. C'est la raison pour laquelle vous avez considéré que
14 cette route était d'une importance stratégique pour le HVO. Est-ce que
15 nous sommes d'accord là-dessus ?
16 M. Dooley (interprétation). - Oui, on pourrait avoir cette
17 impression-là.
18 M. Radovic (interprétation). - Eh bien maintenant, nous allons
19 revenir à votre affirmation selon laquelle à Ahmici il n'y avait pas de
20 membres de l'armée de l'ABiH. Comment vous pouvez conclure une telle
21 chose ? Est-ce que vous pensez tout simplement que, n'ayant pas vu les
22 hommes portant l'uniforme ou bien il n'y avait pas d'installations
23 militaires à Ahmici ou il y avait d'autres hypothèses que vous voudrez
24 avancer ici ?
25 M. Dooley (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés à
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1 Ahmici, nous avons surpris manifestement les assaillants car ils se
2 seraient manifesté s'ils avaient voulu à ce que nous soyons là où s'ils
3 s'attendaient à ce que nous soyons. Je crois que nous aurons surpris tout
4 le monde, n'importe quelle force… (Hors micro). Je n'ai vu aucun.... J'ai
5 vu des Croates en uniforme mais je n'ai pas vu d'éléments de l'armée de
6 Bosnie-Herzégovine. Et toutes les personnes blessées ou tuées étaient des
7 civils.
8 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit que parmi les
9 civils il y avait deux hommes -je parle des cadavres. Je comprends
10 parfaitement votre estimation, votre appréciation : qui est le soldat, qui
11 ne l'est pas. C'est en votre qualité de soldat britannique que vous portez
12 une telle conclusion, étant donné que les officiers britanniques ou les
13 soldats bien évidemment portent l'uniforme.
14 Est-ce que vous avez eu l'habitude, par exemple, d'agir sur un
15 terrain où les gens qui appartenaient à un groupe militaire ne portaient
16 pas d'uniforme mais étaient quand même des combattants ? Est-ce que vous
17 avez eu cette expérience-là ?
18 M. Dooley (interprétation). - Si vous pensez à la participation
19 britannique en
20 Irlande du Nord, j'y ai servi cinq ans, même si je n'ai jamais vu de
21 terroristes. J'ai vu beaucoup de civils qui étaient effectivement, ou
22 beaucoup de vidéo de civils, qui étaient des terroristes. Donc je peux
23 répondre par l'affirmative.
24 M. Radovic (interprétation). - Je n'ai pas parlé de l'Irlande,
25 bien évidemment, mais je pensais aux autres pays où il y avait de tels
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1 genres de conflit. L'Irlande est un bon exemple : tout combattant ne doit
2 pas porter l'uniforme.
3 Est-ce que vous permettez qu'en Bosnie il y a eu également une
4 telle situation que tout combattant ne portait pas l'uniforme ou que par
5 exemple un combattant, quand il avait l'uniforme, a tout simplement changé
6 son uniforme pour un vêtement civil parce qu'il a vu qu'il ne pouvait plus
7 résister à Ahmici ? On sait qu'il n'y avait pas de caserne, il n'y avait
8 pas d'installations militaires où on pouvait placer un groupement
9 militaire important.
10 M. Dooley (interprétation). - Non seulement ces gens étaient
11 habillés en civil, je comprends bien, mais ils n'ont même pas eu le temps
12 de mettre des chaussures au pied. Je ne sais pas, ceux qui les ont tués
13 auraient dû cacher leurs armes.
14 M. Radovic (interprétation). - Ecoutez cela est votre point de
15 vue, ce que vous avez vu au moment où vous vous êtes rendu sur les lieux.
16 Mais là nous avons également des témoins, je ne vais pas dire leurs noms,
17 qui ont précisé que le fils ou le frère voulait d'abord mettre l'uniforme
18 et, ensuite, il avait hésité, il avait vu qu'il y avait des soldats, il a
19 mis le vêtement civil et il était sorti comme cela devant la maison. Est-
20 ce que vous êtes d'accord avec une telle possibilité ?
21 M. Dooley (interprétation). - Je ne peux pas dire ce qu'il en
22 est d'individus qui auraient eu cette pratique, mais aucune de ces
23 personnes n'avait une arme.
24 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, je peux même vous
25 énumérer le nombre de personnes qui portaient les armes, qui étaient à
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1 Ahmici et qui ont même prétendu qu'ils avaient tiré. En dehors de cela,
2 vous avez dit qu'au moment où vous vous êtes rendu à Ahmici il y avait
3 un combat qui se déroulait.
4 Qu'entendez-vous par combat ?
5 M. May (interprétation). - Maître Radovic, ce témoin dépose sur
6 ce qu'il a vu. Il lui est impossible de vous donner des commentaires sur
7 les informations que vous avez peut-être. Il vous a dit ce qu'il a vu à
8 l'époque. Il a vu des civils et aucune arme. Si vous avez d'autres
9 éléments de preuve, à vous de les produire. Il est inutile de lui poser la
10 question puisqu'il n'en connait rien.
11 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et
12 Monsieur les Juges, le témoin a quand même beaucoup parlé de ce que lui-
13 même pensait. Par conséquent, je pensais moi aussi qu'il avait affirmé
14 qu'il n'y avait pas de soldat. Mais cela ne fait rien, je n'insiste pas.
15 Le témoin nous a dit qu'il y avait des combats au moment où lors
16 du troisième passage, je ne peux pas le dire exactement, il était rentré à
17 Ahmici. Qu'est-ce qu'il sous-entend par combat ? C'est ça ce que je lui
18 pose comme question. Y avait-il combat ou pas ?
19 M. Dooley (interprétation). - Le terme le plus adéquat serait de
20 savoir s'il y avait des coups de feu tirés depuis le nord-ouest vers le
21 village. C'était uniquement dans une direction.
22 M. Radovic (interprétation). - Nord-est ou sud-ouest ? Est-ce
23 que vous voulez montrer sur la photo quelle était l'originie des coups de
24 tirs ?
25 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez dire, d'où j'ai vu
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1 l'origine des tirs ?
2 M. Radovic (interprétation). - Oui, je voulais tout simplement
3 savoir d'où l'on tirait et vers où ?
4 M. Dooley (interprétation). - Au départ, mais pratiquement
5 pendant toute la durée, c'est de cette région-ci en direction de la route.
6 Par contre, plus tard, lorsque nous avons déposé les corps dans ce
7 parking, il y avait des coups de feu venant de cette direction-ci et de
8 cette
9 direction-là qui passaient par-dessus nos têtes dans le parking.
10 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, vous avez parlé
11 également des armes de gros calibres. Est-ce que vous pensez que c'étaient
12 les coups de tir sur Ahmici également ?
13 M. Dooley (interprétation). - Les calibres point 5.0 venaient de
14 la région du parking que j'ai montré en direction de l'endroit où nous
15 étions sur la route, mais c'était à une hauteur de 15 à 20 pieds, donc
16 6 mètres, cela passait par-dessus nos têtes.
17 M. Radovic (interprétation). - Je n'ai pas tout à fait bien
18 compris. Il s'agit de quelle arme point 5.0 ? Est-ce que c'est un fusil
19 mitrailleur, un canon à recul ou un lance-roquette, c'est quoi ?
20 M. Dooley (interprétation). - C'est la mitrailleuse la plus
21 lourde que l'on peut trouver avec une cartouche d'un demi-pouce de large.
22 M. Radovic (interprétation). - Une mitrailleuse antiaérienne ?
23 M. Dooley (interprétation). - Ce serait une arme antiaérienne
24 très large, mais cela pourrait être une mitraillette plus lourde. On peut
25 l'utiliser pour la terre, mais on peut l'utiliser éventuellement aussi
Page 2404
1 comme arme antiaérienne.
2 M. Radovic (interprétation). - Ce calibre laisse-t-il des traces
3 particulières sur la cible qu'il a touchée ?
4 M. Dooley (interprétation). - Non, l'orifice est important. On
5 voit une trace en l'air, mais cela ne laisse aucune trace sur ce qui est
6 frappé par la balle, à part l'impact bien entendu.
7 M. Radovic (interprétation). - C'est comme une balle incendière,
8 n'est-ce pas ?
9 M. Dooley (interprétation). - Oui.
10 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez vu lors de
11 votre patrouille à Ahmici, vous avez trouvé les traces de ces balles ?
12 M. Dooley (interprétation). - Oui nous avons vu des trous
13 importants, provoqués manifestement par de telles armes, dans les murs et,
14 par la suite, lors de patrouilles, nous avons
15 trouvé des cartouches vides. Il y en avait manifestement dans toute la
16 vallée.
17 M. Radovic (interprétation). - Avez-vous trouvé également les
18 traces d'armes d'artillerie. Vous avez parlé de gros calibres, je pensais
19 que vous parliez de canon mais vous parlez de la mitrailleuse si je
20 comprends bien. Ce qui m'intéresse c'est si vous avez trouvé les traces
21 des armes d'artillerie ou éventuellement de lance-roquettes ou des
22 mortiers, etc..Donc, c'est pour moi le grand calibre et des armes lourdes.
23 M. Dooley (interprétation). - A Ahmici même, il n'y en avait
24 pas. Ce n’était pas le cas dans d'autres villages, comme à Travnik. Là, on
25 trouvait des signes.
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1 M. Radovic (interprétation). - Là, on parle d’Ahmici, car tous
2 les accusés le sont pour ce qui s’est passé à Ahmici. Par conséquent, ce
3 qui s’est passé ailleurs ne m’intéresse pas. Ce que je vous ai demandé,
4 c’était tout simplement de savoir si, du point de vue que vous avez, la
5 route a une importance stratégique.
6 Par ailleurs, vous avez dit également que les victimes que vous
7 avez vues étaient les victimes qui étaient touchées d’une distance assez
8 rapprochée, une dizaine par exemple, dont vous avez parlées, que vous avez
9 ramassées.
10 Est-ce que vous pouvez me dire, s’il vous plaît, quels sont les
11 fondements matériels sur lesquels vous vous fondez au moment où vous le
12 dites ? Qu’est-ce que la distance rapprochée ? Est-ce que vous pouvez me
13 dire cela, en pieds ou en mètres, comme vous voulez. Qu’est-ce que c’est ?
14 M. Dooley (interprétation). - Bien sûr. On utilise des cibles en
15 bois, en formation. Donc on a eu une idée de ce que cela représente. En
16 tout cas si une cartouche avait frappé ces personnes, les trous étaient
17 séparés de deux ou trois pouces. Pour avoir un tel groupement, il faut
18 être très près de la cible. Je dirais qu’il se trouvait à une distance de
19 dix pieds, peut-être la distance qui nous sépare, vous et moi, entre celui
20 qui a tiré et la victime.
21 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous pensez que vous
22 êtes tout à fait
23 exact dans votre appréciation, car il y a un certain nombre de méthodes
24 scientifiques qui ont donné un certain nombre de résultats, d'après
25 lesquels tout est approximatif ; on ne peut pas avec exactitude préciser
Page 2406
1 de quelle distance il s'agissait. A combien de pourcentage, vous êtes
2 sûr ?
3 M. Dooley (interprétation) - Vous voulez me demander comment je
4 sais que c'était à ce point proche ?
5 M. Radovic (interprétation). - Vous l'avez dit, mais sur quoi
6 vous fondez votre exactitude, le pourcentage ? Est-ce que d'après vous
7 c'est exact dans 80 %, 99 %, 100 % ? Je suppose que ça n'est pas à 100 %
8 que vous êtes sûr ?
9 M. Dooley (interprétation) - S'il n'y avait eu qu'une victime,
10 là je serais d'accord avec vous, je ne pourrais pas être aussi sûr, mais
11 puisque toutes les victimes ont été frappées de la même façon, je suis
12 assez convaincu que j'ai raison. Si je devais placer une cible sur ce
13 pilier, je pourrais donner les mêmes résultats, mais si je m'écartais de
14 dix mètres supplémentaires, je ne pourrais pas avoir un tel regroupement
15 de balles.
16 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez de la densité ?
17 M. Dooley (interprétation) - C'est exact.
18 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, c'est le
19 moment de faire la pause, je continuerai cet après midi.
20 L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 14 heures.
21 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina ?
22 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, j'ai
23 l'impression que tous les accusés ne sont pas dans le prétoire .
24 M. le Président (interprétation). - Tout d'abord, bonne après-
25 midi. Je crois comprendre que les conseils de la défense ont marqué leur
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1 accord à l'absence de deux accusés,
2 en l'occurence Zoran et Vlatko Kupreskic, est-ce exact ?
3 M. Krajina (interprétation). - Nous n'avons pas été mis au
4 courant. Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation). - On ne vous a pas tenu au
6 courant ? Désolé. N'ont-ils pas été emmenés à l'hôpital pour faire l'objet
7 d'un traitement, ils avaient un rendez-vous auprès d'un médecin, nous ne
8 le savions pas, on vient de nous le dire, on vient de m'apprendre que les
9 conseils de la défense avaient marqué leur accord. Il y avait un rendez-
10 vous à 14 heures, je ne sais pas quand ils avaient été pris ce rendez-
11 vous.
12 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, nous
13 n'avons pas été informés de cela. Bien évidemment nous n'avons rien
14 contre, si vous le dites maintenant.
15 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Même si à mon
16 grand regret vous n'aviez pas été informé de ce fait, vous êtes d'accord
17 pour que ces deux accusés soient absents du prétoire, puisqu'ils doivent
18 faire l'objet d'une visite médicale.
19 Nous pouvons poursuivre. Je m'interroge ; est-ce que Me Radovic
20 avait fini son interrogatoire ? Voulez-vous poursuivre Me Radovic ?
21 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai
22 encore quatre questions à poser. Ce sont des questions d'ordre général, ce
23 ne sont pas des questions qui portent sur des événements très précis. Vous
24 permettez Monsieur le Président ?
25 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
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1 M. Radovic (interprétation). - Si j'ai bien compris, vous êtes
2 arrivé sur place vers 11 heures du matin. A quel moment exactement vous
3 vous êtes rendu à Ahmici, s'il-vous-plaît ?
4 M. Dooley (interprétation) - Difficile de vous le dire, car je
5 n'avais pas regardé ma montre, je crois que c'était vers midi.
6 M. Radovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui
7 s'était passé à Ahmici avant midi ? Vous ne le savez pas parce que vous ne
8 l'avez pas vu de vos propres yeux, n'est-ce
9 pas ?
10 M. Dooley (interprétation) – Non, effectivement, je n'avais reçu
11 qu'un rapport par radio.
12 M. Radovic (interprétation). - Entendu. Maintenant nous allons
13 parler de ce que vous avez vu de vos propres yeux.
14 Donc vous savez ce qui s'est passé à Ahmici à partir de midi et
15 plus tard parce que vous y avez été. Maintenant, il y a quelques questions
16 également descaractère militaire que j'aimerais vous poser.
17 Le facteur de surprise est un facteur qui d'après vous fait
18 partie de la formation, de l'habilité militaire, ou c'est quelque chose
19 qui est contraire à la règle de la guerre, à votre avis bien évidemment ?
20 M. Dooley (interprétation) - Effectivement, la surprise est la
21 clef de cet art, c'est quelque chose à quoi on revient toujours.
22 M. Radovic (interprétation). - Je suis parfaitement d'accord
23 avec vous. Est-il est possible que l'ennemi sont surpris à tel point qu'il
24 ne soit plus capable de s'organiser dans sa résistance ?
25 M. Dooley (interprétation) - Effectivement.
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1 M. Radovic (interprétation). - Merci. Eh bien, même si l'armée
2 britannique du point de vue technologique est beaucoup plus puissante que
3 celles que vous avez vues, pourriez-vous nous dire comment se déroulent
4 les combats dans les villages quand on doit s'emparer d'une maison après
5 l'autre (sans utiliser les canons, les chars etc., tout ce qui est
6 artillerie, on ne parle pas de ça) ?
7 M. Dooley (interprétation) - Excusez-moi, je n'ai pas tout à
8 fait saisi le sens de votre question ?
9 M. Radovic (interprétation). - Je vais donc essayer de décrire
10 ce que j'avais appris moi-même et vous me direz si c'est exact ou non, ça
11 va être plus simple peut-être. Etes-vous d'accord ?
12 M. Dooley (interprétation) - Naturellement.
13 M. Radovic (interprétation). - Tout d'abord, on arrive jusqu'à
14 la fenêtre, jusqu'à l'ouverture de la maison, on jette une grenade,
15 ensuite on enfonce la porte, et par la suite on tire d'une arme
16 automatique. Est-ce que c'est comme ça ? Tout au moins, c'est comme cela
17 qu'on m'avait appris à l'époque.
18 M. Dooley (interprétation). - C'est une option. On essaie de ne
19 pas utiliser les portes, mais effectivement c'est une option, celle que
20 vous présentez.
21 M. Radovic (interprétation). - Vous êtes d'accord avec moi que
22 c'est une des manières dont on peut procéder quand l'infanterie doit
23 s'emparer d'une maison puis de l'autre, puis de la troisième ?
24 M. Dooley (interprétation). - Je suis d'accord.
25 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que, en principe, pour de
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1 tels types de combats, on utilise des unités spécialisées, des unités
2 formées pour de tels genres d'opérations ?
3 M. Dooley (interprétation). - Dans une situation idéale, on a
4 des personnes formées à cet effet.
5 M. Radovic (interprétation). - Vous devez faire la distinction
6 entre une armée britanique et qui est professionnelle et, sur le terrain,
7 vous avez en face des personnes qui ont appris un certain nombre d'actions
8 au sein de la JNA pendant leur service militaire. Nous sommes parfaitement
9 d'accord qu'il faut être formé pour le faire.
10 Et maintenant, c'est la dernière question que je vais vous
11 poser. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une action synchronisée qui
12 n'avait pas compris tout simplement Ahmici mais toute
13 la vallée de Lasva. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit ?
14 (Le témoin fait un signe de tête.)
15 D'après votre appréciation, à quel niveau on avait pu planifier
16 une action aussi synchronisée ? A cette époque-là, vous étiez second
17 lieutenant, mais maintenant vous êtes un officier d'un haut rang, vous
18 allez donc pouvoir nous donner une appréciation. Quel niveau de
19 planification est-il indispensable d'atteindre pour planifier une telle
20 action ?
21 M. Dooley (interprétation). - Si je pensais à une brigade au
22 sens britannique du terme, cela veut dire que l'on a quatre grandes
23 formations de la taille d'un régiment, du bataillon. En ex-Yougoslavie les
24 brigades étaient beaucoup plus petites en nombre, mais le nombre
25 d'effectif concerné aurait été l'équivalent d'une brigade croate.
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1 M. Radovic (interprétation). - En d'autres termes, le niveau le
2 plus bas sur lequel on aurait pu planifier cette action était la brigade.
3 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, dites oui ou non, s'il vous
4 plaît ?
5 M. Dooley (interprétation). - Afin de coordonner une offensive
6 sur une échelle aussi grande, effectivement.
7 M. Radovic (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
8 Merci, Monsieur le témoin, je n'ai plus de questions.
9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Maître
10 Krajina, je ne m'en souviens plus, vouliez-vous intervenir ?
11 M. Krajina (interprétation). – (Hors micro.)
12 M. le Président (interprétation). - Maître Pavkovic ou Maître
13 Pulisevic, voulez-vous poser quelques questions ?
14 M. Pavkovic (interprétation). – Ou notre confrère Pulisevic.
15 C'est comme vous le voulez Monsieur le Président.
16 M. le Président (interprétation). - J'avais noté qu'après
17 Me Radovic, c'était Me Pulisevic qui voulait procéder au contre-
18 interrogatoire et que vous interviendriez en dernier lieu.
19 M. Pulisevic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai
20 quelques questions. Mon confrère a posé beaucoup de questions et il a
21 épuisé les questions que j'ai préparées également.
22 Je vais tout simplement demander au témoin la chose suivante.
23 Vous avez dit que vous vous êtes déplacé dans les quatre véhicules blindés
24 dans le village d'Ahmici et que vous étiez dans le premier, si mes
25 souvenirs sont bons.
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1 M. Dooley (interprétation). - C'est exact.
2 M. Pulisevic (interprétation). - Vous avez dit par ailleurs qu'à
3 un moment donné dans un ravin, vous avez pu voir les 9 soldats qui étaient
4 couchés par terre.
5 M. Dooley (interprétation). - C'est exact.
6 M. Pulisevic (interprétation). - Comment savez-vous que
7 c'étaient les soldats du HVO ?
8 M. Dooley (interprétation). - Par leurs uniformes.
9 M. Pulisevic (interprétation). - Quelle était la différence au
10 niveau des uniformes, si bien évidemment on n'y voyait pas des insignes,
11 entre les uniformes du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
12 M. Dooley (interprétation). - Dans cette région précise, le HVO
13 portait des uniformes à l'américaine alors que l'armée de Bosnie-
14 Herzégovine portait un treillis différent qui représentait plutôt
15 l'uniforme du treillis de Malaisie.
16 M. Pulisevic (interprétation). - D'accord, mais vous avez vu
17 tout cela tout en étant dans le véhicule blindé. Vous avez pu, de manière
18 très claire, voir ces différences ?
19 M. Dooley (interprétation). - Oui, depuis la tourelle je suis à
20 deux mètres et demi de hauteur et je peux voir la différence.
21 M. Pulisevic (interprétation). - A quelle distance entre la
22 route et la position où se trouvaient les soldats ?
23 M. Dooley (interprétation). - Ce ravin se trouve vraiment à
24 l'extrémité, au bord de la route. Le premier soldat était à moins de
25 10 pieds de moi.
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1 M. Pulisevic (interprétation). - Je voudrais vous poser une
2 autre question qui concerne la cassette vidéo que nous avons vue ce
3 mation. Vous avez dit qu'elle a été filmée du troisième au quatrième
4 véhicule blindé. Je pense que c'est bien ce que j'ai retenu. Savez-vous
5 qui a filmé cette cassette ?
6 M. Dooley (interprétation). - Oui, c'était le troisième Warrior,
7 c'était le sergent qui s'y trouvait qui avait filmé. Il s'appelait Ryan.
8 M. Puliselic (interprétation). - Est-ce que vous vous en
9 souvenez ? Est-ce que vous avez vu déjà cette cassette vidéo, s'il s'agit
10 d'une cassette complète où éventuellement des séquences qui ont été
11 coupées ?
12 M. Dooley (interprétation). - Je pense que c'est l'intégralité.
13 Je ne l'avais jamais vue avant hier, cette cassette. Je ne sais pas s'il
14 existe d'autres vidéos, je ne le pense pas.
15 M. Puliselic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,
16 je n'ai plus de questions.
17 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Pavkovic ?
18 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur, je m'appelle
19 Petar Pavkovic et je voudrais vous poser ces trois questions.
20 Est-ce que, avant de déposer aujourd'hui, vous avez déjà
21 éventuellement donné des déclarations devant des personnes de ce Tribunal,
22 des déclarations différentes ?
23 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez me demander si j'avais
24 déjà déposé devant ce Tribunal précédemment ?
25 M. Pavkovic (interprétation). - Non, mais je voulais tout
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1 simplement savoir si vous
2 vous êtes entretenu, par exemple, avec les enquêteurs du Bureau du
3 Procureur ?
4 M. Dooley (interprétation). - Effectivement, je les ai
5 rencontrés.
6 M. Pavkovic (interprétation). - Combien de tels entretiens avez-
7 vous eus ?
8 M. Dooley (interprétation). - En ce qui concerne cette affaire,
9 deux entretiens, même si pour le colonel Blaskic ce fut il y a deux ans de
10 cela.
11 M. Pavkovic (interprétation). - Je ne vous ai pas tout à fait
12 bien compris ; je m'excuse. Pour ce procès-là, pour cette affaire-là,
13 combien de fois, s'il vous plaît, vous vous êtes entretenu avec
14 l'enquêteur du Bureau du Procureur ?
15 M. Dooley (interprétation). - J'ai eu deux entretiens en ce qui
16 concerne cette affaire-ci.
17 M. Pavkovic (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de nous
18 dire à quel moment vous vous êtes entretenu avec ces personnes ?
19 M. Dooley (interprétation). - Le premier entretien a eu lieu à
20 Cambley, en Angleterre. Je ne pourrais pas vous donner une date exacte,
21 mais il y a de six mois à un an de cela, peut-être plus près de six mois
22 que d'un an. Et le deuxième entretien a eu lieu hier.
23 M. Pavkovic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, ce
24 n'était pas au mois de novembre 96 ?
25 M. Dooley (interprétation). - Là, ça aurait été la première
Page 2415
1 déclaration préalable qui avait trait à l'affaire Blaskic.
2 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur, aujourd'hui même, en
3 décrivant les corps, les cadavres des hommes et des femmes que vous avez
4 ramassés, vous avez dit entre autres qu'ils étaient pieds nus et que votre
5 collègue a fait un commentaire et qu'il avait dit qu'ils étaient surpris
6 probablement. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit tout à
7 l'heure ?
8 M. Dooley (interprétation). - Presque. J'ai dit que certains
9 d'entre eux étaient sans souliers. Le commentaire était tout à fait exact.
10 M. Pavkovic (interprétation). - J'ai peut-être commis une
11 erreur, mais vous n'avez pas dit : "Quelques-uns étaient pieds nus", vous
12 avez dit que la plupart étaient pieds nus. Est-ce que je vous ai bien
13 compris ?
14 M. Dooley (interprétation). - Auquel cas, je me corrige. Je
15 dirais que certains d'entre eux étaient pieds nus.
16 M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que la majorité était
17 pieds nus ?
18 M. Dooley (interprétation). - Non, certains d'entre eux
19 seulement.
20 M. Pavkovic (interprétation). - Aujourd'hui, à la question qui
21 vous a été posée par mon confrère Radovic, vous avez donné la réponse, au
22 sujet du facteur de la surprise, en disant que du point de vue tactique,
23 il s'agit d'un élément important et significatif.
24 Je pense que, à ce sujet-là, même le Procureur a attaché une
25 importance à cette question. C'est la raison pour laquelle je voudrais
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1 vous demander de bien vouloir me préciser combien parmi tous ces cadavres
2 étaient pieds nus et d'autres ne l'étaient pas, etc. ?
3 C'est une des raisons d'ailleurs pour lesquelles je vous ai posé
4 cette question parce que, Monsieur le Président, je voudrais vous rappeler
5 la déclaration de ce témoin, qu'il avait donnée le 27 et le
6 28 novembre 1996, page 9, deuxième paragraphe, la troisième phrase en
7 haut.
8 A ce moment-là, le témoin avait précisé et je cite :"Les
9 victimes que j'avais vues avaient des chaussures, en d'autres termes elles
10 devaient être informées sur l'attaque qui se préparait".
11 Est-ce que vous faites la différence entre les deux
12 déclarations, celle que vous avez donnée et celle que vous avez donnée
13 aujourd'hui ? Pouvez-vous faire un commentaire là-dessus s'il vous plaît ?
14 M. Dooley (interprétation) - Il y a bien sûr une différence
15 entre les deux. La majorité des personnes avaient leurs chaussures aux
16 pieds, certains étaient déchaussés, et ceux qui avaient des chaussures aux
17 pieds montraient qu'ils avaient eu le temps de se chausser, les
18 autres manifestement n'avaient pas eu le temps de le faire.
19 M. Pavkovic (interprétation). - Cela, c'est tout à fait correct,
20 votre commentaire, mais il y a quand même une différence, et je pense que
21 vous êtes d'accord avec moi, de ce que vous avez affirmé lors de votre
22 première déclaration, et de ce que vous venez de dire aujourd'hui dans ce
23 prétoire.
24 M. Dooley (interprétation) - Je ne peux vous dire que ce que je
25 sais aujourd'hui, à savoir que certains d'entre eux n'étaient pas
Page 2417
1 chaussés.
2 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne
3 vais pas insister là-dessus. Je pensais tout simplement que c'était utile
4 d'appeler votre attention sur ce fait-là et notamment dans le cadre du
5 facteur de la surprise.
6 Un autre question que je voulais vous poser ; vous avez dit
7 aujourd'hui que vous avez ramassé les cadavres et que vous les avez posés
8 à un endroit, que par la suite vous êtes retourné les chercher. Est-ce que
9 vous vous souvenez combien à cet endroitl y avait au total de cadavres
10 avant que vous les ayez transportés en direction de Vitez ?
11 M. Dooley (interprétation) - Si je vous ai bien compris, vous me
12 demandez le nombre de personnes que j'ai vues qui étaient mortes. Bien sûr
13 je n'ai pas fait le décompte précis, mais j'ai eu l'impression...
14 M. Pavkovic (interprétation). - Approximativement.
15 M. Dooley (interprétation) - D'accord. Une cinquantaine peut-
16 être. J'en ai repris 2/5ème.
17 M. Pavkovic (interprétation). - Je pense qu'à un moment donné
18 vous avez parlé de moins de vingt personnes ?
19 M. Dooley (interprétation) - Je ne pouvais pas être très précis,
20 j'avais dit de dix à douze au niveau du garage, près du parking, et puis
21 il y a certains qui ont été emmenés vers une morgue temporaire provisoire
22 à Vitez. C'était peut-être moins de vingt à ce moment-là, dix huit
23 disons.
24 M. Pavkovic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, vous
25 ne les avez pas trouvés tous à un même endroit, vous les avez tout
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1 simplement transportés à cet endroit pour ramasser tous ces corps ?
2 M. Dooley (interprétation) - C'est exact.
3 M. Pavkovic (interprétation). - Merci. Et la troisième
4 question : à un moment donné, vous avez dit que selon votre estimation, en
5 avril 1993, on sentait la tension et que ces tensions grandissaient, c'est
6 comme cela que vous l'avez dit. Sur quelle base vous fondez-vous quand
7 vous tirez une telle conclusion ? Quand vous parlez des tensions, je
8 suppose que vous pensez aux deux parties, d'un côté des Croates, et de
9 l'autre côté des Bosniens ?
10 M. Dooley (interprétation) - C'est exact. Nous faisions des
11 sorties quotidiennes en patrouille, il y avait des coups de feu à Travnik,
12 dans toute la vallée en direction de Kiseljak et aussi des coups de feux
13 moins nombreux à Vitez, et c'est effectivement la tension dont je parlais.
14 M. Pavkovic (interprétation). - Pourriez-vous me dire si le nom
15 de Zivko Totic vous dit quelque chose ?
16 M. Dooley (interprétation) - Rien du tout.
17 M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu
18 parler d'un accident qui s'est produit à Zenica au moment où on avait
19 arrêté un officier croate du HVO et quand on avait tué la personne qui
20 l'avait accompagné ?
21 M. Dooley (interprétation) - Pas à Zenica même. Je suis au
22 courant d'un incident similaire à Vitez mais pas d'un incident qui se
23 serait produit à Zenica.
24 M. Pavkovic (interprétation). - D'accord. Monsieur le Président,
25 je n'ai plus de questions, je vous remercie. Merci Monsieur le Temoin.
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1 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac ?
2 Mme Glumac (interprétation). - J'ai quelques questions à poser
3 si vous me le
4 permettez.
5 Est-ce que que vous pourriez me dire au moment où vous vous êtes
6 déplacé en provenance de Vitez, vous avez dit que vous avez passé quatre
7 fois, et quatre fois vous vous êtes rendu à Ahmici, si j'ai bien compris ?
8 M. Dooley (interprétation) - C'est tout à fait exact.
9 Mme Glumac (interprétation). - Quelle était la route que vous
10 avez empruntée ? C'était la route principale ou bien une autre route ?
11 M. Dooley (interprétation) - Nous avons utilisé la route
12 principale et puis nous avons emprunté les routes adjacentes.
13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous êtes rentré par
14 la route que vous avez indiquée, est-ce que vous êtes rentré à Ahmici ?
15 M. Dooley (interprétation) - Vous voulez parler de la zone qui
16 se trouve près du minaret ? Non.
17 Mme Glumac (interprétation). - En d'autres termes, vous êtes
18 resté pratiquement au bord de la route au moment où vous êtes sorti ? Vous
19 ne vous êtes pas déplacé vers cette région que vous avez indiquée, ce
20 blanc qui représente le parking ?
21 M. Dooley (interprétation). - Non, pas ce jour-là.
22 Mme Glumac (interprétation). - Où est-ce que vous avez fait
23 demi-tour avec vos véhicules au moment où vous deviez retourner à Vitez,
24 parce que vous alliez tout d'abord vers Ahmici et ensuite vous deviez
25 faire un demi-tour pour vous diriger vers Vitez ?
Page 2420
1 M. Dooley (interprétation). - Ce n'était pas toujours la même
2 chose. Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire. La première fois,
3 nous avons fait demi-tour ici au parking pour rebrousser chemin. Par la
4 suite, lors du dernier passage du côté de l'école de Vitez, nous avons
5 fait le tour du village et puis nous avons rebroussé chemin, fait demi-
6 tour.
7 Mme Glumac (interprétation). - A aucun moment vous n'êtes
8 rentrés dans le
9 village, vous êtes restés sur la route principale, est-ce vrai ?
10 M. Dooley (interprétation). - On est resté dans un rayon de
11 100 mètres par rapport à la route principale.
12 Mme Glumac (interprétation). - Combien de fois vous êtes sortis
13 des véhicules, est-ce que vous vous en souvenez ? Est-ce que chaque fois
14 quand vous avez emprunté la route principale, est-ce que vous descendiez
15 chaque fois de votre véhicule ou bien éventuellement à deux reprises quand
16 vous êtes allés pour ramasser les corps ?
17 M. Dooley (interprétation). - Nous avons repris des corps à
18 trois occasions et c'est seulement pour cela que je suis sorti. Pour le
19 premier passage, j'étais surtout debout dans la tourelle.
20 Mme Glumac (interprétation). - Combien de temps vous êtes restés
21 dehors ? Est-ce que c'était cinq minutes, dix minutes ? Combien êtes-vous
22 restés en dehors des véhicules blindés ?
23 M. Dooley (interprétation). - Difficile de le dire. Je dirai de
24 10 à 15 minutes. Il nous était difficile d'introduire les corps dans
25 l'ambulance. Malheureusement, nous avons dû les empiler.
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1 Mme Glumac (interprétation). - Les cadavres que vous avez
2 trouvés, ce sont les cadavres qui se trouvaient à gauche par rapport à la
3 route principale quand vous venez en provenance de Vitez. Est-ce bien
4 cela ? Pouvez-vous une fois de plus indiquer l'endroit où se trouvaient
5 les corps (pour la transcription ce serait très important), c'est avant ou
6 après la route qui mène vers Ahmici, le bord de cette route principale ?
7 Où est-ce que cela a commencé ?
8 M. Dooley (interprétation). - Sans doute au niveau de la route
9 qui va vers Ahmici, à partir d'ici jusque là.
10 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'à un moment
11 donné, au moment vous y êtes retournés pour la deuxième fois, que les tirs
12 ont été plus puissants, plus denses, une fois vous étiez vers midi, le
13 premier passage, ensuite à 16 heures. Vous êtes retourné, combien
14 de temps avez-vous passé en aller-retour ?
15 M. Dooley (interprétation). - La première fois cela s'est passé
16 vers 12 heures mais nous avons attendu dans le parking, qui ne se trouve
17 pas sur la carte, dans l'attente de renforts. Il a fallu informer ceux qui
18 étaient arrivés de ce qui passait. C'est difficile de l'estimer mais il
19 était peut-être une heure moins le quart, une heure.
20 Mme Glumac (interprétation). - Comment expliquez-vous que les
21 coups de feu sont devenus beaucoup plus denses ? Est-ce que cela avait
22 quelque chose à voir avec votre arrivée ou bien c'était indépendant de
23 votre passage ?
24 M. Dooley (interprétation). - Je dirais que cela n'avait rien à
25 voir avec notre arrivée. C'est difficile de le dire car manifestement
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1 quand la route descend on perd le son, mais j'avais l'impression qu'il y
2 avait une augmentation des tirs et vers 3 heures 30 les tirs étaient très
3 nourris.
4 Mme Glumac (interprétation). - La dernière fois, lors de votre
5 dernier passage,il y avait également les coups de feu qui étaient échangés
6 vers 4 heures également. Est-ce que, à ce moment-là, j'ai bien compris
7 qu'il y avait des tirs ?
8 M. Dooley (interprétation). - C'est à peu près exact. Les tirs
9 étaient très denses à la hauteur du cimetière, je pense.
10 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez pu
11 déterminer qu'il y avait des coups de feu et des tirs à proximité de la
12 mosquée ? C'est une route qui mène vers Ahmici. Est-ce que que vous avez
13 remarqué la mosquée ?
14 M. Dooley (interprétation). - Je ne cherchais pas la mosquée à
15 ce moment-là. Non, cela je ne sais pas.
16 Mme Glumac (interprétation). - Les tirs que vous avez entendus à
17 partir de cet espace blanc que vous avez montré sur la carte, vous êtes
18 sûr que c'est en provenance de cet endroit que les tirs venaient ?
19 M. Dooley (interprétation). - Oui, ne serait-ce que parce que,
20 après cet incident,
21 nous connaissions approximativement l'origine du tir, nous ne le savions
22 pas à l'époque mais, après l'incident, nous avons pu reconnaître le
23 terrain et c'était l'endroit qui se prêtait le plus à ce genre d'exercices
24 pour une arme de ce calibre.
25 Mme Glumac (interprétation). - C'est donc de cette manière-là
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1 que vous avez pu estimer que c'était de cet endroit-là que venaient les
2 tirs ? Est-ce que je vous ai bien compris ? C'est ce que vous vouliez
3 dire ?
4 M. Dooley (interprétation). - Oui, vous savez, nous avions la
5 trajectoire, on avait les balles traçantes, mais il fallait bien sûr
6 franchir ce barrage de fumée. Le lendemain ou le surlendemain, une fois de
7 nouveau sur place, nous avons pu regarder de plus près et tout indiquait
8 que c'était bien la direction du tir.
9 Mme Glumac (interprétation). - Quand, après, vous vous êtes
10 rendu à Ahmici, c'était le lendemain ou au bout de six jours avec le
11 colonel Stewart ?
12 M. Dooley (interprétation). - Oui, j'y suis retourné avec le
13 colonel Stewart mais, effectivement, la fois suivante, c'était sans doute
14 une mission à Ahmici, même si la route que nous avons empruntée... oui,
15 c'était celle-là, c'est bien le 18, le surlendemain ou le lendemain, que
16 nous sommes allés et que nous avons pris cette route.
17 Mme Glumac (interprétation). - A cette époque-là non plus vous
18 n'êtes pas rentré dans le village, vous avez traversé tout simplement la
19 route, vous êtes passé... Et c'est la première fois, c'est le 22 que vous
20 êtes rentré dans le village-même, avec le colonel Stewart ?
21 M. Dooley (interprétation). - C'est exact.
22 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie. En ce qui
23 concerne les soldats à Vitez, vous avez dit qu'il y avait quelques soldats
24 éventuellement qui appartenaient à l'armée de Bosnie-Herzégovine. Vous
25 avez dit : "quelques soldats". Vous pouvez me préciser à peu près combien
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1 il y avait de soldats, avant l'attaque bien évidemment ? Je parle de
2 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
3 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez dire le 16 ?
4 Mme Glumac (interprétation). - Oui.
5 M. Dooley (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir vu ces
6 soldats le 16, mais je sais (inaudible) qu'il y avait quelques soldats au
7 centre de Vitez. Les gens que j'ai vus le 16 étaient des civils, même si
8 un des civils portait un fusil de chasse.
9 Mme Glumac (interprétation). - Vous pensez à une personne, à un
10 soldat, à quelqu'un qui était un combattant ? Ce sont les deux combattants
11 de l'armée de Bosnie-Herzégovine que vous avez aperçus le 16 ?
12 M. Dooley (interprétation). - Aujourd'hui, je ne me souviens
13 plus exactement. Pas mal de temps s'est passé mais j'ai vu un homme assez
14 âgé avec une arme. C'est le seul homme que j'ai vu qui opposait une
15 quelconque résistance et il protégeait sa famille.
16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous êtes allé à Vitez
17 avant le 16 avril ? Probablement, vous êtes allé à Vitez plusieurs fois ?
18 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez dire avant cette
19 journée-là ?
20 Mme Glumac (interprétation). - Oui ?
21 M. Dooley (interprétation). - Oui.
22 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez remarqué les
23 fossés autour de Stari Vitez ? Est-ce que vous savez quelle est la partie
24 qu'on appelle Stari Vitez ?
25 M. Dooley (interprétation). - Oui.
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1 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des
2 bunkers autour de Stari Vitez ?
3 M. Dooley (interprétation). - Il y avait des tranchées, je ne
4 sais pas c'est ce que vous appelez des bunkers. Il y avait des tranchées
5 de 3 pieds de profondeur qui relaient les maisons les unes aux autres pour
6 permettre le déplacement sans être touché par des tirs isolés.
7 Mme Glumac (interprétation). - Je ne parle pas des tranchées, je
8 parle des bunkers.
9 Vous ne les avez pas aperçus ?
10 M. Dooley (interprétation). - Non mais, effectivement, ils
11 auraient été dissimulés à l'intérieur de bâtiments, on ne les aurait pas
12 vus, étant des bunkers.
13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous saviez quelque
14 chose au sujet de la concentration de l'armée de Bosnie-Herzégovine avant
15 le 16, à Stari Vitez ?
16 M. Dooley (interprétation). - C'est de là que vient ma confusion
17 à propos de voir des soldats ou pas parce qu'il y en avait avant le 16 et
18 il y avait certains soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il n'y en
19 avait pas beaucoup parce que leur place principale était à Travnik. Mais
20 le 16, je ne me souviens pas avoir vu des soldats de l'armée de
21 Bosnie-Herzégovine.
22 Mme Glumac (interprétation). - Le commandant de l'armée de
23 Bosnie-Herzégovine à Vitez, Sefkija Dsipic, (expurgé)
24 (expurgé) avait entre 200 et 250 soldat de l'armée de
25 Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez. Est-ce que vous pouvez nous confirmer ou
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1 pas ces données ?
2 M. Dooley (interprétation). - S'ils se trouvaient là le 16, ils
3 étaient bien cachés et ils ne défendaient pas les civils qui étaient en
4 train d'être attaqués.
5 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que le HVO s'était emparé
6 de Stari Vitez le 16 avril ?
7 M. Dooley (interprétation). - Quand je les ai vus -c'était avant
8 Ahmici-, ils avaient déjà pris un tiers de ce qui semblait être
9 Stari Vitez, du côté occidental par rapport à l'église catholique et ils
10 se déplaçaient dans cette partie-là. Nous avons déplacé nos Warriors là où
11 se trouvaient des civils attaqués et, lorsqu’ils nous ont vu en face, ils
12 ont arrêté. Je pourrais vous dire exactement à Stari Vitez où ceci s’est
13 passé.
14 Mme Glumac (interprétation). - Je vous ai demandé si Stari Vitez
15 a été pris pendant ces actions militaires qui ont été menées le 16 avril
16 et après. Est-ce que le HVO a pris Stari Vitez ? C’est ce que je vous ai
17 posé comme question.
18 M. Dooley (interprétation). - Je ne sais pas si le HVO l’a fait
19 le 16, il l’a fait tôt ou tard, il y a fait encore des Musulmans,
20 quelques-uns d’entre eux qui se trouvaient à Stari Vitez.
21 Mme Glumac (interprétation). - C’est une erreur, car de toute
22 façon Stari vitez est resté isolé pendant toute la guerre. Ce sont les
23 endroits qui ne nous sont pas connus, mais cela ce n’est pas vrai, ce que
24 vous avez dit. Est-ce que vous savez qu’à Kruscica, avant le 16, il y
25 avait également une concentration de l’armée de Bosnie-Herzégovine ?
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1 M. Dooley (interprétation). - Pourriez-vous me rappeler où se
2 trouve Kruscica ?
3 Mme Glumac (interprétation). - Kruscica se trouve à côté de
4 Vitez, plus près de Vitez qu’Ahmici. Kruscica, c’est au sud-est avant
5 Vitez.
6 M. Dooley (interprétation). - Non.
7 Mme Glumac (interprétation). - Si je vous ai posé cette
8 question, c’est tout simplement parce que vous avez parlé de la
9 concentration de l’armée de Bosnie-Herzégovine qui existait à Travnik -je
10 pense que je vous ai bien compris- et quelque peu également dans la zone
11 entre Kiseljak et Busovaca. C’est ce que vous avez dit, je pense ?
12 M. Dooley (interprétation). - Il est certain qu’il y avait une
13 forte concentration à Travnik -c’est-à-dire le 6ème Corps, je ne suis pas
14 très sûr, vous le savez mieux que moi- mais vous savez aussi qu’il y avait
15 une poche de l’armée de Bosnie-Herzégovine car il nous a fallu escorter
16 des officiers croates de Busovaca à Kiseljak et le long de cette route il
17 y a eu des points de contrôle de l’armée de Bosnie-Herzégovine que nous
18 avons dû franchir.
19 Mme Glumac (interprétation). - Si vous permettez je voudrais
20 vous poser encore une question. Etant donné que vous vous êtes trouvé dans
21 cette région depuis fin 1992, est-ce que vous savez que l’armée de Bosnie-
22 Herzégovine était en conflit avec le HVO dans la région de Busovaca, étant
23 donné que le HVO, à un moment donné, était suivi quand même, est-ce qu’à
24 votre avis, en 1993, quelques opérations ont été menées ? Ce sont des
25 opérations qui ont eu lieu en janvier 1993.
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1 M. Dooley (interprétation). - Oui, effectivement, des tranchées
2 appartenant à l’armée de Bosnie-Herzégovine se trouvaient sur les
3 collines. Je ne peux pas vous dire exactement, mais c’est là où il y a la
4 bifurcation. Vous voyez cette route qui quitte la carte près de Kiseljak.
5 Là, en face de cette route, il y avait des positions de l’armée de Bosnie-
6 Herzégovine. Il y avait un point de contrôle -le nom m’échappe pour le
7 moment- plus en direction de Kiseljak. Vers le soir, on entendait souvent
8 des échanges de coups de feu entre les deux forces.
9 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez appris que
10 les premières victimes, au cours de cette guerre, étaient les victimes du
11 mois de janvier 1993, que c’est la première fois que des massacres ont été
12 perpétrés à Oseliste, Dusina, Grabovi ? Est-ce que vous étiez au courant ?
13 M. Dooley (interprétation). - Non, après les événements
14 effectivement, mais rappelez-vous qu’en janvier nous étions à Tuzla. C’est
15 en février, peut-être mars, que nous sommes retournés à Vitez.
16 Mme Glumac (interprétation). - D’accord, je vous remercie. Je
17 voudrais vous poser encore une question. Lors de votre déposition, vous
18 avez dit -c’est la dernière page de votre déposition- que l’armée de
19 Bosnie-Herzégovine portait les vêtements civils. Vous l’avez précisé à la
20 page où vous avez parlé également des déplacements des soldats du HVO et
21 de l’armée de Bosnie-Herzégovine et vous dites, vous précisez qu’ils
22 portaient, en gros, les vêtements civils. Je peux bien évidemment vous
23 montrer la page où vous parlez de ça.
24 M. Dooley (interprétation). - Cela m’étonne que j’y ai apposé ma
25 signature car à Travnik ils étaient tous en uniforme. J’en ai d’ailleurs
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1 des photographies. Il se peut qu’au niveau des points de contrôle il y ait
2 eu des gens de la milice qui ne portaient que des parties d’uniforme, mais
3 je suis surpris d’avoir signé ce genre de chose.
4 Mme Glumac (interprétation). - Encore une question. Je pense
5 qu’un confrère vous
6 a déjà posé cette question. Les 12, 13, 14 et 15 avril 1993, l’attaque
7 s’est produite à Travnik. Est-ce que vous vous souvenez de ce qui s’est
8 passé à Travnik, de l’enlèvement des officiers croates, du fait qu’ils ont
9 été arrêtés à cette époque-là, l’attaque qui a été organisée par l’armée
10 de Bosnie-Herzégovine ? Etes-vous au courant de ces événements ? C’étaient
11 les événements qui ont précédé -je parle des 11, 12, 13, 14 et 15 avril-
12 le 16 avril.
13 M. Dooley (interprétation). - Oui, j’étais en patrouille pendant
14 certaines de ces nuits. Effectivement j’étais témoin de certaines
15 offensives. Il y avait des combats de façon générale entre le HVO et
16 l'ABiH, à Travnik notamment.
17 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez quelque
18 chose au sujet de l’attaque de l’armée de Bosnie-Herzégovine à Guber, le
19 15 avril 1993 sur le HVO ?
20 M. Dooley (interprétation). - Pourriez-vous me rappeler où se
21 trouve cet endroit ?
22 Mme Glumac (interprétation). - Guber est une montagne, juste au-
23 dessus de Vitez. C’étaient les positions qui étaient gardées par le HVO,
24 jusqu’au 15 avril.
25 M. Dooley (interprétation). - J’entendais le bruit des combats,
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1 mais je ne peux rien vous dire de précis à ce propos. On entendait qu’il y
2 avait des combats, c’est tout.
3 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que même le
4 15 avril, vous avez entendu parler des combats autour de Vitez ?
5 M. Dooley (interprétation). - Absolument.
6 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie.
7 M. le Président (interprétation). - Maître Susak ?
8 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et
9 Monsieur les Juges, je voudrais poser juste deux questions, si vous me le
10 permettez.
11 La première question serait la suivante. Vous avez dit qu’il y
12 avait des échanges de coups de feu avant le 16 avril 1993, si je vous ai
13 bien compris ?
14 M. Dooley (interprétation). - C’est exact.
15 M. Susak (interprétation). - Est-ce que ces coups de feu
16 provenaient de l’artillerie lourde ou légère ?
17 M. Dooley (interprétation). - De quel endroit parlons-nous
18 précisément ?
19 M. Susak (interprétation). - Je vais vous le rappeler. Vous avez
20 dit que vous vous êtes déplacé à Vitez, que vous avez fait la patrouille
21 et le long de la vallée de la Lasva, n’est-ce pas ? Par la suite,
22 aujourd’hui même, vous avez dit que des coups de feu avaient été échangés
23 avant le 16 avril 1993. Par conséquent, la question que je pose porte sur
24 les coups de feu. Ces coups de feu provenaient-ils de l’artillerie lourde
25 ou d’armes légères ? Je parle bien évidemment de mortiers ou d’autre
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1 chose.
2 M. Dooley (interprétation). - Il y avait un peu de tout à
3 Travnik. C’étaient des fusils-mitrailleurs lourds. Vers Kiseljak, à une
4 occasion, j’ai entendu un lanceur de roquettes multiples, mais je ne l’ai
5 jamais vu. Et puis il y a eu des preuves aussi de petits canons, de fusils
6 sans recul, mais la plupart des armes utilisées étaient des armes légères.
7 M. Susak (interprétation). - Je vous ai demandé si dans la
8 région d’Ahmici et de Vitez il y avait de telles armes. Maintenant, vous
9 parlez de Travnik.
10 M. Dooley (interprétation). - Vous m’avez demandé d’être plus
11 précis. Dans un quartier de Vitez, dans un cas de tirs, il n’y a eu que
12 des tirs provenant d’armes légères, de petites mitraillettes.
13 M. Susak (interprétation). - Vous avez dit, répondant à notre
14 confrère Radovic, qu’il s’agissait de coups de feu qui ont été échangés le
15 16 avril. Est-ce que c’étaient des coups de feu croisés ou pas ?
16 M. Dooley (interprétation). - Aux trois premières occasions, les
17 seuls coups de feu venaient de la région déjà indiquée. Lors de notre
18 dernière tentative, lorsque nous avons essayé de parvenir jusqu’ici, nous
19 avons essuyé des coups de feu depuis cet endroit et cet autre endroit,
20 mais les deux directions étaient les mêmes. Donc il n’y a pas eu de tirs
21 croisés. La seule fois où il
22 y a eu un quelconque tir croisé, je vous l’ai indiqué, tout est passé par
23 dessus nos têtes.
24 M. Susak (interprétation). - Je vais vous demander maintenant
25 votre point de vue. Au moment où l’on tire, est-ce qu’il est dangereux de
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1 se déplacer sous les coups de feu ? Par exemple, un piéton osera-t-il se
2 déplacer au moment où il y a des tirs ?
3 M. Dooley (interprétation). - Non, effectivement c’est
4 dangereux.
5 M. Susak (interprétation). - Merci. Une autre question. Au
6 moment où l’on doit prendre une maison après l’autre -on en a parlé tout à
7 l’heure- vous avez dit qu’un des moyens de s’emparer de la maison est de
8 jeter la grenade à travers la fenêtre. Donc la question que j’aimerais
9 vous poser n’est pas ce que vous avez vu, mais ce que vous pensez. Est-il
10 possible que quelqu’un tire d’une distance de 20 mètres et qu’il se tienne
11 debout, tout en sachant que quelqu’un éventuellement pourrait tirer sur
12 lui ? Car il s’agit d’un soldat qui est formé dans ce sens-là.
13 M. Dooley (interprétation). - Ce serait intrépide et assez fou
14 si les personnes sur qui vous tiriez avaient une forme d’arme quelconque.
15 M. Susak (interprétation). - Je n’ai plus de questions, je vous
16 remercie.
17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
18 M. Terrier. - J’ai une question, monsieur le Président. Major
19 Dooley, vous avez dit tout à l’heure qu’à partir de votre deuxième passage
20 dans Ahmici, et au cours des passages suivants, vous aviez vu de quelle
21 direction générale venait un feu assez lourd. Vous avez décrit une grosse
22 mitrailleuse, si je puis m’exprimer ainsi.
23 Si vous aviez pu voir à travers la fumée où était exactement
24 cette mitrailleuse, est-ce que vous auriez répliqué avec vos propres
25 armements ?
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1 M. Dooley (interprétation). - Je crois que dans ce cas là nous
2 aurions eu le droit, oui, nous aurions sans doute commencé par tirer très
3 haut au-dessus des personnes et si les tirs s’étaient poursuivis, oui, je
4 crois qu’on l’aurait fait.
5 M. Terrier. - Est-ce qu’à bord de vos véhicules, vous aviez des
6 armements suffisants pour constituer, pour les forces HVO présentes, une
7 opposition sérieuse et dangereuse ?
8 M. Dooley (interprétation). - Oui.
9 M. Terrier. - Tout à l’heure, sur une question de Me Radovic,
10 vous avez dit que la route de circulation entre Busovaca et Vitez pouvait
11 être considérée, effectivement, comme ayant un intérêt stratégique pour le
12 HVO.
13 Est-ce que vous diriez la même chose pour la route qui est
14 perpendiculaire à la première, qui va vers la mosquée et monte vers
15 Ahmici-le-Haut ? Diriez-vous que cette petite route peut être stratégique
16 pour le HVO ?
17 M. Dooley (interprétation). - Pas vraiment, non.
18 M. Terrier. - S’agissant d’une route ayant un caractère
19 stratégique telle que celle-ci, comment procéderait une armée régulière
20 qui ne s’autorise que des buts de guerre légitimes pour assurer la
21 sécurité de cette route stratégique ? Comment ferait-elle techniquement
22 parlant ?
23 M. Dooley (interprétation). - En fait, nous avons exécuté cet
24 acte. Nous avons mis en place avec nos véhicules un certain nombre de
25 points de contrôle et nous avons interrompu toute colonne armée. Et ce
Page 2434
1 point de contrôle est juste en dehors de la carte, à ce stade, indiqué sur
2 la carte.
3 M. Terrier. - Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres
4 questions. Je remercie le Témoin.
5 M. le Président (interprétation). - Je souhaiterais poser une
6 question. Je me demandais si le témoin aurait l’amabilité de revenir sur
7 un point qui figure dans sa déclaration écrite et qu’il a répété
8 aujourd’hui oralement devant la Chambre. Vous avez dit que les opérations
9 du HVO, à l’inclusion de l’attaque d’Ahmici, constituaient une opération
10 bien planifiée et exécutée.
11 M. Dooley (interprétation). - Pour moi c’était clair, oui.
12 M. le Président (interprétation). - Merci. Quels sont les
13 éléments que vous pouvez utiliser et qui vous permettent de tirer cette
14 conclusion ?
15 M. Dooley (interprétation). - C’était une attaque simultanée. A
16 plus d’une occasion nous pouvions le constater à l’intensité du tir et
17 aussi quand on voyait, si une section se déplaçait d’un endroit à un
18 autre, l’attaque arrêtée. Ceci ne pouvait être fait que s’il y avait
19 vraiment recoupement de rapports. Manifestement, il y avait des ordres qui
20 étaient donnés pour relier le tir.
21 M. le Président (interprétation). - J’enchaîne à cette réponse.
22 Pour ce qui est d’Ahmici, diriez-vous que cette opération militaire
23 attaque a été effectuée par des soldats professionnels ?
24 M. Dooley (interprétation). - Absolument.
25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je suis
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1 sûr que nous pouvons permettre au Témoin de se retirer. Commandant, merci
2 d’avoir apporté ce témoignage devant la Chambre. Vous pouvez vous retirer.
3 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
4 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas de traduction.
5 Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit concernant le
6 pseudonyme.
7 M. Terrier - Ce témoin sera le témoin N.
8 M. le Président (interprétation). - C'est la seule mesure de
9 protection qui a été demandée.
10 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
11 Bon après-midi. Pourriez-vous, je vous prie, lire la déclaration
12 solennelle ?
13 Témoin N (interprétation). - Je déclare solennellement que je
14 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Asseyez
16 vous, je vous en prie.
17 M. Bos (interprétation). - La pièce est notée pièce 180.
18 M. Terrier - Puis je commencer, Monsieur le Président ?
19 M. le Président (interprétation). – Oui, je m'excuse, peut être
20 d'emblée on pourrait préciser une erreur qui s'est glissée dans le
21 document que nous avons sous les yeux, parce que ça n'a pas de sens
22 M. Terrier - Il ne faut pas lire 92, il faut lire 98.
23 Monsieur le Témoin vous avez sollicité une mesure de protection
24 qui est l'utilisation d'un pseudonyme. Cette mesure a été accordée par le
25 Tribunal,; ce qui fait que votre nom ne sera pas connu, en dehors des
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1 membres de ce Tribunal et des attorney ici présents.
2 Je voudrais que vous nous disiez votre date de naissance et
3 votre lieu de naissance.
4 Témoin N (interprétation). - Je suis né le 29 janvier 57 à
5 Prijedor, Bosnie-Herzegovine.
6 M. Terrier - A quelle date et dans quelle circonstances êtes
7 vous arrivé à Ahmici ?
8 Témoin N (interprétation). - Je suis arrivé du camp de Keraterm
9 Chambre n °3. Elle était fameuse, je ne sais pas si vous avez entendu
10 parler de cette Chambre dans le camp ?
11 M. Terrier - C'est la matière d'un autre procès.
12 Témoin N (interprétation). - C'est là où nous avons été
13 déportés. On avait été expulsé. Je dirais plutôt qu'on a été déplacé.
14 C'est une certaine paix qu'il fallait trouver après tout ce que nous avons
15 traversé comme épreuve.
16 M. Terrier - A quelle date, quelle époque, êtes-vous arrivé à
17 Ahmici ?
18 Témoin N (interprétation). - C'était le 20 août à mon avis, le
19 matin.
20 M. Terrier - Est-ce que vous aviez votre famille avec vous ?
21 (Le témoin fait un signe affirmatif de la tête.)
22 M. Terrier - Sans donner de noms, sans être trop précis, dans
23 quel quartier d'Ahmici est-ce que vous vous êtes installé ?
24 Témoin N (interprétation). - C'était le village à côté de la
25 mosquée, à côté de la route principale, à une vingtaine de mètres par
Page 2437
1 rapport à la mosquée, à une quarantaine de mètres par rapport à la route
2 principale qui mène à l'Ahmici-le-Haut.
3 M. Terrier - Monsieur le Président, peut-être pourrions-nous
4 très brièvement, quelques minutes, passer à huis clos de manière à pouvoir
5 montrer au témoin une photographie qui permettra au Tribunal d'être plus
6 précisemment informé sur l'endroit où il habitait.
7 L'audience se poursuit à huis clos.
8 (expurgée)
9 (expurgée)
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11 (expurgée)
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13 (expurgée)
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21 (expurgée)
22 (expurgée)
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24 (expurgée)
25 (expurgée)
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1 L'audience se poursuit en session publique.
2 M. Terrier - Monsieur le témoin, nous allons d'abord parler de
3 cette période qui va d'août 1992, époque à laquelle vous vous installez à
4 Ahmici avec votre famille, jusqu'à avril 1993. Tout d'abord est-ce que
5 votre famille est restée à Ahmici pendant toute cette période ?
6 Témoin N (interprétation). - Non, ils ne sont pas restés, au
7 bout de vingt jours ils sont partis en Autriche.
8 M. Terrier. - Vous êtes donc resté à Ahmici sans votre famille ?
9 Témoin N (interprétation). - Oui, ma belle-soeur n'avait pas
10 suffisamment de place là où elle habitait. Donc pour moi il n'y avait pas
11 de place et elle n'avait pas de moyens non plus pour me recevoir. Moi,
12 j'ai demandé qu'elle prenne les enfants et qu'elle prenne mon épouse si
13 c'était possible.
14 M. Terrier. - Pendant cette période d'août 1992 à 1993,
15 avril 1993, est-ce que vous avez fait partie de la Défense territoriale ?
16 Témoin N (interprétation). - Non, je n'étais pas membre de la
17 Défense territoriale, mais on avait des patrouilles qu'on avait
18 organisées, notamment le matin, à l'appel de la prière ou à d'autres
19 moments de prières également pour que les gens puissent véritablement
20 prier tranquillement dans la mosquée. C'est à ce moment-là qu'on faisait
21 les gardes, les patrouilles.
22 M. Terrier. - Est-ce qu'au cours de ces gardes ou de ces
23 patrouilles vous étiez armé personnellement ?
24 Témoin N (interprétation). - Non, je n'ai jamais été armé. Non,
25 je ne portais pas d'arme, mais j'avais le revolver, oui, le revolver, ça,
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1 je l'avais.
2 M. Terrier. - Est-ce que vous portiez le revolver en dehors de
3 la maison que vous habitiez ou est-ce que ce revolver restait dans la
4 maison ?
5 Témoin N (interprétation). - Oui, je portais avec moi le
6 revolver, le pistolet on l'appelait également.
7 M. Terrier. - Au cours de cette période, août 92 à avril 1993,
8 quelles relations aviez-vous avec les habitants croates d'Ahmici ?
9 Témoin N (interprétation). - Nous étions en très bonnes
10 relations. Si je peux dire, des relations normales. Il n'y avait rien
11 d'exceptionnel : on se saluait quand on se voyait dans la rue, on achetait
12 également des articles dans le magasin qui était là-bas, c'était le
13 magasin de Kupreskic.
14 M. Terrier. - Est-ce que vous connaissiez personnellement le
15 propriétaire de ce magasin ?
16 Témoin N (interprétation). - Non, personnellement, je ne le
17 connaissais pas, je dois dire, mais c'était tout simplement parce que
18 j'avais besoin de me rendre dans ce magasin, c'est pour ça.
19 M. Terrier. - Est-ce qu'au cours de cette période toujours de
20 quelques mois avant le 16 avril 1993, vous avez eu une quelconque
21 difficulté avec un habitant croate d'Ahmici ?
22 Témoin N (interprétation). - Oui. Je ne peux pas me souvenir
23 exactement de la date, mais je me souviens que c'était l'appel à la prière
24 et puis, c'était du temps du Ramadan, c'était à cette époque-là.
25 Dragan Papic m'avait menacé. Il portait l'uniforme noir, il avait des
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1 insignes de sa formation.
2 M. Terrier. - Quelle était sa formation ?
3 Témoin N (interprétation). - La formation...
4 M. Terrier. - Quels insignes portait-il ?
5 Témoin N (interprétation). - Il portait l'insigne : il y avait
6 le damier, l'uniforme noir comme je l'ai dit, HOS... De toute façon, moi,
7 je n'étais pas très au courant mais j'ai vu qu'il portait des insignes.
8 M. Terrier. - Etait-il armé ?
9 Témoin N (interprétation). - Non, ce n'était pas visible tout à
10 fait. Plutôt, il ne le montrait pas, il portait l'arme mais il ne montrait
11 par l'arme.
12 M. Terrier. - Est-ce que vous le connaissiez bien,
13 Dragan Papic ?
14 Témoin N (interprétation). - Non, je ne le connaissais pas
15 tellement bien. Ce que je peux dire bien évidemment : il était grand, il
16 était assez élancé, longiligne... C'est ça que j'ai en vue... Des cheveux
17 bruns.
18 M. Terrier. - Comment pouvez-vous être sûr que la personne qui
19 vous a menacé est bien Dragan Papic ?
20 Témoin N (interprétation). - Je pense que cette personne-là est
21 dans ce prétoire, si mon souvenir est bon.
22 M. Terrier. - La question que je vous posais est la suivante :
23 comment est-ce que vous pouvez être sûr que la personne qui, à l'époque,
24 vous a menacé, est bien la personne qui s'appelle Dragan Papic, puisque
25 vous venez de dire que Dragan Papic vous ne le connaissiez pas très bien.
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1 Comment est-ce que vous pouvez être sûr que c'est lui qui vous a menacé ?
2 Témoin N (interprétation). - J'ai dit que je ne le connaissais
3 pas personnellement mais j'avais posé la question aux voisins, j'ai
4 demandé qui c'était, ce qu'il faisait à Ahmici et ensuite ils m'ont
5 expliqué, ils m'ont dit c'est telle et telle personne, elle se nomme comme
6 ça. Eh bien le jour où il m'a menacé et il m'a montré l'insigne, c'est
7 tout simplement qu'il voulait me faire peur, c'était clair. Il m'avait
8 demandé également ou j'habitais, moi je ne voulais pas dire où j'habitais.
9 M. Terrier - Mais il ne vous a pas menacé avec une arme ?
10 Témoin N (interprétation). - Non, il ne m'a pas menacé avec une
11 arme. Sur place, vous savez tres bien comment on peut menacer les gens,
12 ça, on connait très bien de ce côté-là.
13 M. Terrier - Avec l'autorisation du Tribunal, j'aimerais
14 demander au Témoin s'il reconnaît dans cette salle la personne dont il
15 vient de parler.
16 Est-ce vous reconnaissez, Monsieur le Témoin, dans cette salle,
17 la personne dont vous venez de parler ?
18 Témoin N (interprétation). - Oui, si vous voulez, moi je veux
19 bien vous indiquer la personne dont je viens de parler.
20 M. Terrier - A quel endroit elle est assise ?
21 Témoin N (interprétation). - A côté de la porte ou presque. Il a
22 une petite barbe, moustache.
23 M. Terrier - Comment est-il habillé ?
24 Témoin N (interprétation). - Il a un chemise blanche, une
25 cravate et un costume.
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1 M. Terrier - Cette identification paraît-elle suffisante au
2 Tribunal ?
3 M. le Président (interprétation). - Oui.
4 M. Terrier - Pour le transcript, je pense que nous devons
5 indiquer que le tTmoin a donc désigné l'accusé Dragan Papic.
6 Maintenant Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire quel
7 souvenir vous conservez de la journée du 16 avril 1993 ?
8 Témoin N (interprétation). - Eh bien, je me souviens aussi bien
9 que de ce Monsieur, Dragan Papic. Depuis, six ans se sont écoulés, mais je
10 n'ai pas oublié tout ce qui s'est passé le 16 avril.
11 D'abord il y a eu cette attaque qui a commencé sur le village,
12 c'était une attaque qui a été planifiée j'en suis sûr à 6 heures du matin,
13 6 heures et quart. L'attaque a commencé par un coup de tir sur le minaret.
14 Je ne sais pas si vous savez ce qu'est le minaret, c'est le sommet de la
15 mosquée. Donc la charpente n'est pas en béton mais en cuivre le minaret a
16 été touché. La charpente n'est pas en béton, mais en cuivre, et donc le
17 minaret à été touché. Je suis sûr qu'on avait tiré exprès et qu'on avait
18 planifié, parce qu'il y avait du brouillard, et je suis sûr que personne
19 n'aurait pu toucher s'ils n'avaient pas planifié la positition d'où il
20 allait tirer. Moi je suis sorti à ce moment-là pour me laver, je suis
21 sorti à l'extérieur, c'est comme ça que ça a commencé, ensuite les tirs
22 ont commencé qui venaient de tous les côtés d'ailleurs. Et l'attaque de
23 l'infanterie venait en provenance du cimetière catholique.
24 M. Terrier - A quelle heure à votre avis le minaret a été
25 touché ?
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1 Témoin N (interprétation). - A 6 heures et quart. J'ai bien
2 regardé ma montre, j'en suis sûr.
3 M. Terrier - Est-ce qu'il faisait nuit ou déjà jour à cette
4 heure-là ?
5 Témoin N (interprétation). - Le jour se levait mais il y avait
6 du brouillard.
7 M. Terrier - Est-ce que vous êtes en mesure de préciser de
8 quelle direction venait ce tir sur le minaret ?
9 Témoin N (interprétation). - Moi je suis d'avis que le premier
10 tir que j'ai entendu était venu de Zume et du côté de la colline, pas les
11 maisons qui étaient sur le plateau mais celles qui surplombaient en haut
12 par rapport au centre-ville.
13 M. Terrier - Avec le pointeur, pouvez-vous indiquer d'où venait
14 à votre avis ce premier tir ? Regardez la photographie qui est derrière
15 vous. Est-ce que vous identifiez bien cette photographie ? Vous voyez où
16 est le minaret, la route principale, le minaret ?
17 Témoin N (interprétation). - C'est le minaret, j'indique avec le
18 pointeur, à mon avis c'est depuis Santici qu'on avait tiré. C'est le
19 minaret qui avait été touché à partir de Santici, c'est l'origine du tir,
20 il y avait une roquette multiple probablement ou quelque chose comme cela.
21 M. Terrier - Qu'est-ce que vous avez fait après le premier tir ?
22 Témoin N (interprétation). - J'habitais comme j'ai dit cette
23 maison nouvelle et le propriétaire avait beaucoup d'enfants. Il a fallu
24 d'abord évacuer les enfants, les femmes, les vieillards. Il y avait le
25 bétail également dans l'étable, et il a fallu laisser le bétail dans
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1 l'étable car l'étable a été incendiée. Il y avait plein de choses, il y
2 avait des bléssés également, il y avait des morts.
3 M. Terrier - Après, ou êtes-vous allé ? Vous avez quitté cette
4 maison ?
5 Témoin N (interprétation). - Non, je n'ai pas quitté la maison
6 tout de suite. Il y avait une maison de Vehbija Ahmic qui était en-dessous
7 de la mosquée et Fahro a été très grièvement blessé. Nous l'avons aidé.
8 Nous avons pansé sa blessure. Nous avons pensé également qu'il fallait
9 l'évacuer, le transporter quelque part. Mais comme on a été encerclé, on
10 ne savait pas comment faire. Il y avait des tirs de tous les côtés.
11 M. Terrier - D'où en particulier vous avez vu provenir des
12 tirs ?
13 Témoin N (interprétation). - Je me suis déplacé dans la cuisine
14 dans la maison où j'étais. C'était une cuisine d'été, en dehors de la
15 maison principale. On avait tiré sur moi de la maison de Kupreskic,
16 c'était la maison qui se trouvait à côté de la route, la route conduisait
17 vers la mosquée et vers la maison des Kupreskic.
18 M. Terrier - Quand vous dites "la maison de Kupreskic"; à quoi
19 vous faites allusion très précisément, aussi précisément que possible ?
20 Vous parlez de quoi ? De la maison elle-même ? D'autres bâtiments ? De
21 quel Kupreskic s'agit-il ?
22 Témoin N (interprétation). - Les Kuspreskic avaient plusieurs
23 maisons et plusieurs bâtiments. Il y avait également un magasin qui était
24 sous une dalle. C'est devant cette maison-là qu'il y avait des personnes
25 qui tiraient sur moi et sur les personnes qui étaient autour de moi. Cela,
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1 je m'en souviens.
2 M. Terrier - Quand vous parlez de cette maison, c'est devant
3 cette maison que l'on tirait, vous parlez de quoi pour que les choses
4 soient bien claires ? Vous dites qu'on tirait de devant cette maison. De
5 quelle maison s'agit-il ?
6 Témoin N (interprétation). - Tout ce que je peux faire, c'est
7 vous indiquer avec le pointeur, sur l'image, la maison d'où on tirait.
8 M. Terrier - Quelle photographie dois-je vous montrer ?
9 Témoin N (interprétation). - La photographie avec le magasin.
10 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, objection.
11 Nous considérons que ce n'est pas admissible que le témoin demande une
12 photographie toute précise. Il doit le dire verbalement. Il ne faut pas
13 lui montrer la photographie et qu'il l'indique avec le pointeur. Je ne
14 suis absolument pas d'accord.
15 Témoin N (interprétation). - Est-ce que je peux dire quelque
16 chose. Six ans se sont écoulés. Il y a beaucoup de choses qui se sont
17 passées depuis, des maisons ont été construites, d'autres détruites. Par
18 conséquent, ce que souhaite Me Krajina que j'explique verbalement, je peux
19 préciser que le magasin était une cave sous une dalle. Voilà. C'était dans
20 un sous-sol.
21 M. Terrier - J'étais aussi peu directif qu'il est possible. Il y
22 a une difficulté que l'on rencontre avec beaucoup de ces témoins, surtout
23 de ceux qui comme le témoin ici présent étaient réfugiés dans ce village.
24 Ce groupe de maisons de Sutra est généralement connu sous le nom générique
25 de maisons Kupreskic et rarement individualisé. Le témoin a dit d'ailleurs
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1 qu'il ne connaissait pas personnellement Vlatko Kupreskic même s'il savait
2 qu'il dirigeait et exploitait un magasin.
3 Ces témoins ont toujours ici des difficultés pour exprimer de
4 quel bâtiment il s'agit très précisemment. Je n'ai pas, sans est-ce
5 regretable, ici un plan très précis du groupe des maisons Kupreskic. Donc
6 je propose de lui montrer un certain nombre de photographies, qui sont
7 d'ailleurs des pièces à conviction déjà versées dans le dossier, et de
8 recueillir ses observations sur ces photographies si le Tribunal le veut
9 bien.
10 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, le Témoin
11 avait donné une réponse très claire à la question qui lui a été posée par
12 le Procureur. Il avait dit que les tirs venaient devant la maison et la
13 boutique. Je pense qu'il n'est pas indispensable de donner plus de
14 précisions. Tout au moins, c'est mon point de vue.
15 M. le Président - Je me demande si l'on peut demander au témoin
16 de donner plus d'indications sans lui montrer une photographie, surtout si
17 on lui montre une photographie avec déjà un cercle autour de la maison.
18 M. Terrier - Je n'envisageais pas de procéder ce cette manière,
19 Monsieur le Président. Peut-être pourrait-on poser la question suivante ?
20 Est-ce que le Témoin veut bien décrire le bâtiment devant lequel se
21 trouvait l'arme qu'il a aperçue ?
22 Monsieur le Témoin, pouvez-vous décrire aussi précisément que
23 possible comment était le bâtiment devant lequel vous avez aperçu une
24 arme, quelque chose avec lequel on tirait sur vous ?
25 M. Krajina (interprétation). - Une fois de plus Monsieur le
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1 Président, nous faisons une objection. A ma connaissance, le Témoin n'a
2 pas parlé de l'arme, il avait tout simplement parlé de la direction d'où
3 venaient les tirs.
4 M. le Président - Si on tire, on a bien une arme. Je crois que
5 c'est un peu implicite.
6 M. Krajina (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, mais
7 le Témoin peut ne pas voir l'arme.
8 M. Terrier - Monsieur le Témoin, avez-vous vu l'arme avec
9 laquelle on tirait dans votre direction ou sur vous selon ce que vous avez
10 dit tout à l'heure ?
11 Témoin N (interprétation). - Je m'excuse. Est-ce que je peux
12 vous montrer sur la photographie qui est devant moi, moi je connais bien
13 la géographie, j'avais même une très bonne note, excellente en géographie,
14 cela m'a beaucoup intéressé à l'époque. Je peux vous montrer d'où l'on
15 tirait.
16 M. Terrier - Auparavant, j'aimerais que vous répondiez à deux ou
17 trois questions.
18 Premièrement, avez-vous vu l'arme avec laquelle on tirait sur
19 vous ? Vous avez dit il y a quelques instants qu’on tirait sur vous. Avez-
20 vous vu cette arme ?
21 Témoin N(interprétation). - Eh bien j’ai vu tout d’abord un
22 bunker devant le
23 magasin... le bunker qui était dirigé vers le chemin qui conduisait vers
24 la route principale. Donc c’est un point de contrôle. Si jamais on
25 entrouvrait la porte, on regardait dans l’entrebaillement, tu recevais la
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1 balle tout de suite. C’était vraiment ma vie qui était en danger.
2 M. Terrier. - Est-ce que vous avez vu l’arme qui était utilisée
3 à ce moment-là pour tirer ?
4 Témoin N(interprétation). - Oui, c’était une arme de grand
5 calibre. Ce n’était certainement pas un fusil, ce n’était certainement pas
6 un fusil semi-automatique. C’était un Browning, éventuellement un fusil-
7 mitrailleur ou bien une arme antiaérienne. Pas un fusil simple.
8 M. Terrier. - Quand vous parlez de bunker, à quoi faites-vous
9 allusion ? Qu’est-ce que c’est qu’un bunker dans votre esprit ?
10 Témoin N(interprétation). - C’était une espèce de barrage, des
11 sacs de sable derrière lesquels se cachaient le tireur. C’était un mur de
12 protection pour le tireur.
13 M. Terrier. - Sur quelle hauteur, ces sacs de sable ?
14 Témoin N(interprétation). - C’était à une hauteur telle qu’il
15 pouvait rester assis et tirer. Voilà.
16 M. Terrier. - Derrière vous, il y a une photographie aérienne du
17 village d’Ahmici. Est-ce que vous pouvez prendre le pointeur et indiquer
18 où se trouvait ce bunker, ce tas de sable et cette arme ?
19 Témoin N(interprétation). - Je vais vous montrer pour que tout
20 soit clair. Regardez là, c’est un chemin qui est tout plat. Il y a le
21 carré blanc. C’est de là qu’on pouvait véritablement tirer. C’est la seule
22 origine des coups de feu... jusqu’à ce petit carrefour. Là il y a quelques
23 maisons. Par la suite, ce n’est pas tellement important, bien évidemment.
24 Par conséquent, c’est de là qu’on tirait, c’est le point de contrôle.
25 Ensuite, il y a un canal, il y a la forêt.
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1 J’indique avec le pointeur la forêt. Il y a un canal également à
2 côté. Je ne sais pas si
3 c’est satisfaisant comme réponse, si cela suffit...
4 M. Terrier. - Pour le transcript, le témoin a désigné le magasin
5 de Sutra comme étant le lieu d’où cette arme tirait.
6 A quelle heure est-ce que vous avez perçu ces tirs ? Est-ce que
7 vous vous en souvenez ?
8 Témoin N(interprétation). - On avait tiré le matin vers
9 10 heures.
10 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, objection.
11 (Les Juges se consultent sur le siège.)
12 M. le Président (interprétation). - Si j’ai bien compris, c’est
13 assez important pour vous que le témoin puisse indiquer la maison d’où
14 provenaient ces tirs. Je me demande si vous pourriez nous présenter, à la
15 fin de la pause, une photo assez grande, mais sans les cercles, c’est-à-
16 dire une photo qui soit beaucoup plus spécifique et détaillée que celle
17 qui est trop grande, de manière à lui permettre d’identifier la maison, si
18 c’est possible.
19 M. Terrier. - Nous allons examiner cette question.
20 M. le Président (interprétation). - Nous levons donc l’audience
21 30 minutes, comme d’habitude.
22 L'audience, suspendue à 15 heures 35, est reprise à
23 16 heures 10.
24 M. Terrier. – Monsieur l'Huissier, peut-on montrer cette
25 photographie au Témoin ? J'indique au Tribunal que pendant la suspension
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1 d'audience je n'ai pas rencontré le témoin, anticipant en quelque sorte
2 sur ce que je crois devoir être la décision du Tribunal.
3 M. le Président. - Merci. En effet, on vient de déposer notre
4 décision au Greffe. Donc vous l'aurez ce soir ou demain matin, la décision
5 concernant les contacts entre une partie et les témoins.
6 M. le Greffier (interprétation). - La photographie est la
7 pièce 182.
8 M. Terrier. - Monsieur le Témoin, avant la suspension vous avez
9 dit avoir vu une arme de fort calibre tirée derrière, installée derrière
10 des sacs de sable. Est-ce que vous pouvez sur cette photographie indiquer
11 avec le pointeur où se trouvait précisément cette arme que vous avez vu
12 tirer ?
13 Témoin N (interprétation). - Oui, je peux, c'est là. J'indique
14 avec le pointeur l'endroit.
15 M. Terrier. - Je vous remercie.
16 Témoin N (interprétation). - Voilà, c'est ce bâtiment-là.
17 M. Terrier. - Est-ce que je peux vous demander, avec un des
18 stylos qui se trouvent sur ce bureau, de faire un cercle autour de cet
19 endroit ?
20 (Le témoin s'exécute.)
21 Merci. Je voudrais qu'on montre au témoin la pièce de
22 l'accusation numéro 33.
23 (L'huissier s'exécute.)
24 Monsieur le Témoin, est-ce que vous reconnaissez ce qui figure
25 sur cette photographie ?
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1 Témoin N (interprétation). - Oui. Eh bien, ce bâtiment à gauche,
2 c'est le bâtiment dont j'ai parlé. C'est donc juste devant la voiture que
3 vous voyez sur la photo. Est-ce que c'est suffisant ?
4 M. Terrier. - Pour moi, ce sera effectivement suffisant.
5 Simplement, j'aimerais encore une précision -peut-être d'ailleurs l'avez-
6 vous déjà dit et dans ce cas j'aimerais que vous le redisiez. A quelle
7 heure est-ce que cette arme tirait, selon votre souvenir ?
8 Témoin N (interprétation). - C'était vers 10 heures. C'est à ce
9 moment-là que je me devais de passer en direction de la colline. Je
10 portais dans mes bras un enfant et c'est là, en passant, que j'ai pu voir
11 également le corps d'une femme qui gisait sur le sol. Elle habitait
12 derrière. Je peux vous montrer également la maison, elle a été tuée. Il y
13 a sa fille également qui a été blessée et un de mes cousins.
14 M. Terrier. - Est-ce que vous savez combien de temps ces tirs
15 ont duré, ces tirs qui provenaient de l’endroit que vous avez désigné ?
16 Témoin N(interprétation). - Oui, ce n’était pas très long. Mais
17 de toute façon, leur tâche a été accomplie.
18 M. Terrier. - Quels autres souvenirs avez-vous de cette journée
19 du 16 avril 1993 ?
20 Témoin N(interprétation). - C’était un enfer. Le village était
21 encerclé ou plutôt il y avait juste une partie par laquelle on pouvait
22 sortir du village et certainement pas au cours de la journée. Il y avait
23 l'artillerie qui a été utilisée, les canons, les mortiers les lance-
24 roquettes, les snippers entre autres, tireurs isolés.
25 M. Terrier. - Dans quelles circonstances et quand avez-vous pu
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1 quitter Ahmici ?
2 Témoin N(interprétation). - Eh bien nous avons réussi à sortir
3 du village vers 14 heures. Des véhicules blindés des Nations Unies sont
4 arrivés et à 14 heures cet enfer s'est arrêté en quelque sorte.
5 M. Terrier. - C’est à ce moment-là, en tout début d’après-midi,
6 que vous avez pu quitter Ahmici ?
7 Témoin N(interprétation). - C'est exact.
8 M. Terrier. - Dans quelle direction êtes-vous parti ?
9 Témoin N(interprétation). - En direction de Zenica.
10 M. Terrier. - Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Je n’ai pas,
11 Monsieur le Président, d’autres questions à poser. Je demanderai
12 simplement que les pièces 180, 181 et 182 soient versées au dossier du
13 Tribunal.
14 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Pavkovic ?
15 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et
16 Monsieur les Juges, Mes Krajina, Puliselic, Radovic, ainsi que Slokovic-
17 Glumac vont contre-interroger le Témoin.
18 M. le Président (interprétation). - Merci. Je vous en prie,
19 Maître Krajina.
20 M. Krajina (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le
21 Président.
22 Monsieur le témoin N, j’ai trois questions que j’aimerais vous
23 poser, si vous êtes d’accord avec moi. J’espère que les questions n’étant
24 pas très longues, vos réponses ne seront pas longues non plus.
25 Est-ce que j’ai bien compris, tout à l’heure, que vous avez dit
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1 que les tirs de fusil provenaient du bunker dont vous avez parlé ? Vous
2 avez dit que le bunker se trouvait devant la boutique, devant le magasin.
3 Est-ce que ces tirs en effet étaient une sorte de contrôle entre le bunker
4 et la mosquée ? Est-ce que je vous ai bien compris ?
5 Témoin N(interprétation). - Oui, vous m’avez bien compris.
6 M. Krajina (interprétation). - Merci.
7 Deuxième question : vous avez bien dit qu’à partir de cet
8 endroit-là, on ne pouvait pas contrôler, par les tirs de fusil, la
9 direction qui conduisait vers la forêt. Vous avez, je pense, montré
10 également sur la carte cet endroit-là.
11 Témoin N(interprétation). - Bien évidemment, avec ces armes, on
12 ne pouvait pas contrôler celles qui gardaient la route.
13 M. Krajina (interprétation). - Merci, c’était tout ce que je
14 voulais savoir.
15 Troisième question : j’aimerais vous demander de bien vouloir
16 regarder la pièce à conviction 182. C’est la pièce à conviction de la
17 défense. Je demande à l’huissier de bien vouloir porter au témoin cette
18 pièce à conviction.
19 (L'huissier s'exécute.)
20 Vous voyez la photo, auriez-vous l'amabilité d'indiquer par
21 exemple avec la lettre "S" la forêt dont vous avez parlé et dit que vous
22 ne pourriez pas contrôler en utilisant cette arme cette forêt tout au
23 moins cette direction ?
24 Témoin N (interprétation). - Je voudrais m'excuser auprès de
25 vous mais vous avez parlé d'une seule arme et d'un canon, il ne faut
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1 surtout pas penser à une seule arme, il y en avait plusieurs.
2 M. Krajina (interprétation). - Non ça n'est pas ça qui est
3 important et nous intéresse, s'il y avait une arme ou plusieurs. Je
4 voudrais savoir où se trouve la forêt, est-ce que vous pouvez l'indiquer ?
5 Témoin N (interprétation). - C'est là et la forêt, ensuite il y
6 a les maisons qui longent la route, et ensuite il y a le canal comme je
7 l'ai précisé tout à l'heure.
8 M. Krajina (interprétation). - Tout à fait à gauche, est-ce que
9 vous pouvez me dire ce que c'est ? Vous avez montré la mosquée, vous
10 montrez avec le pointeur la mosquée et ensuite à gauche par rapport au
11 bunker, qu'est-ce que c'est, s'il vous plaît ? Là où il y a cet espace
12 blanc, vous avez marqué le cercle rouge ensuite à gauche en haut, voilà ;
13 est-ce que que c'est la forêt ? Un peu en-dessous, s'il vous plaît, deux
14 centimètres plus bas, à l'opposé, est-ce que c'est la forêt, s'il vous
15 plait ? Est-ce que vous pouvez vous arrêter là où je vous ai demandé de
16 vous arrêter avec le pointeur, un centimètre à gauche, s'il vous plaît,
17 voilà ? Est-ce que c'est la forêt ?
18 Témoin N (interprétation). - Sur la photo c'est très difficile
19 de déterminer ce qu'est la forêt.
20 M. Krajina (interprétation). - D'accord.
21 Témoin N (interprétation). - Si vous voulez m'induire en erreur,
22 vous n'allez pas obtenir la réponse.
23 M. Krajina (interprétation). - Je ne veux pas vous induire en
24 erreur.
25 M. Terrier - Il faudrait demander simplement au Témoin
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1 d'indiquer où se trouve la forêt, ça me parrait plus simple.
2 M. Krajina (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président,
3 je peux encercler la forêt.
4 Témoin N (interprétation). - Mais ce n'est pas la forêt qui est
5 en continu, il y a des clairières, il y a la forêt, il y a des petites
6 collines, il y a le canal, tout n'est pas la forêt.
7 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, sur cette
8 photo, nous avons marqué l'endroit où nous considérions que se trouvait la
9 forêt. Est-ce que le témoin veut bien nous dire si c'était bien l'endroit
10 l'endroit où se trouvait la forêt ?
11 M. le Président (interprétation). - D'accord.
12 Témoin N (interprétation). - Est-ce que peux dire quelque chose.
13 Je m'excuse, tout d'abord il s'agissait d'un forêt qui a été abattue à un
14 moment donné, puis il y a la photo que vous me présentez maintenant.
15 M. Krajina (interprétation). - Nous parlons du 16 avril 93.
16 Témoin N (interprétation). - A moment-là, il y avait la forêt.
17 M. Krajina (interprétation). - Dans ce cas-là, il n'y a pas de
18 malentendu, on vous prie de bien vouloir constater où se trouve la photo.
19 Témoin N (interprétation). - Sur la photo, je ne peux pas vous
20 montrer la forêt parce qu'on ne la voit plus.
21 M. le Président (interprétation). - Pourquoi pas ?
22 Témoin N (interprétation). - Parce que sur la photo, il n'y a
23 plus cette forêt
24 M. Krajina (interprétation). - Ce qui nous intéresse c'est tout
25 simplement de nous préciser si, oui ou non, à cet endroit-là il y avait la
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1 forêt. Nous vous avons donc indiqué, et vous nous direz si en avril 93,
2 qu'il y avait la forêt à cet endroit-là, je pense que c'est clair.
3 M. Terrier - Je souhaiterais, Monsieur le Président, que
4 M. Krajina explique ce
5 qu'est une forêt. En Français, c'est un ensemble d'arbres massifs, un
6 massif d'arbres étroitement serrés les uns contre les autres, un ensemble
7 de végétation très développée. Je ne sais pas si c'est à ça que pense
8 M Krajina. Il me semble que s'est élevé entre le Témoin et M Krajina un
9 malentendu qui pourrait être dissipé de cette manière.
10 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, nous
11 sommes des Bosniens le Témoin et moi-même. Par conséquent, je suis sûr que
12 nous nous comprenons au niveau du terme. Lui n'est pas un Français, moi
13 non plus, on se comprend sur le terme.
14 Témoin N (interprétation). - C'est tout à fait clair.
15 M. Krajina (interprétation). - Je demande donc au Témoin de me
16 dire si c'est véritablement l'endroit où se trouvait la forêt, ce qu'il
17 appelait la forêt.
18 M. le Président (interprétation). - D'accord.
19 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous voulez répondre à
20 cette question, s'il vous plait ?
21 Témoin N (interprétation). - C'est la deuxième prise de vue.
22 M. Krajina (interprétation). - C'est la photo du Procureur.
23 M. le Président (interprétation). - Monsieur le Témoin, ne
24 pourriez-vous faire preuve de coopération et dire à Me Krajina si c'est
25 bien l'endroit de la forêt.
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1 Témoin N (interprétation). - Eh bien, une fois de plus,je répète
2 que ça n'est pas une forêt continue. Il y a la forêt, ensuite la
3 clairière, et le canal, et encore le bois, quelques arbre, etc..
4 M. Krajina (interprétation). – Moi, je connais Ahmici avant
5 vous. Par conséquent, voulez-vous me dire si c'est là où se trouvait cette
6 forêt ?
7 Témoin N (interprétation). - Mais c'est vous qui voulez
8 m'induire en erreur !
9 M. le Président (interprétation). - Non, Non. Témoin N,
10 Me Krajina n'essaie pas de vous induire en erreur, il vous pose simplement
11 une question et j'aimerais que vous y répondiez de façon claire et
12 directe. Dites-nous simplement si la marque figurant sur la photo indique
13 bien la présence d'une forêt ?
14 Témoin N (interprétation). - Est-ce que je peux montrer sur la
15 photo agrandie où se trouvait la forêt, où se trouvait la clairière ? Cela
16 serait plus clair, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges,
17 pour tout le monde dans le prétoire. Est-ce que vous êtes d'accord ?
18 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président...
19 M. le Président (interprétation). - Donc d'abord sur la grande
20 photo, ensuite sur celle-ci.
21 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, on va
22 faciliter les choses parce que de toute façon je pense que c'est un
23 malentendu qui est superficiel. Ce n'est pas un véritable malentendu.
24 L'endroit que nous avons marqué par le "x", le Témoin pourrait tout
25 simplement dire -qu'il s'agisse de la forêt ou non-, si, de l'endroit
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1 qu'il appelait bunker, on pouvait contrôler l'endroit que nous avons
2 marqué par la petite croix. C'est tout, voilà ?
3 Témoin N (interprétation). - Mais cette fois-ci, je ne comprends
4 plus la question. Est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît ?
5 M. Krajina (interprétation). - Vous avez vu sur la photo, nous
6 avons marqué par une petite croix ou "x" -vous pouvez l'appeler comme vous
7 voulez- l'endroit dont nous avons parlé comme une forêt. Maintenant,
8 laissons de côté la forêt.
9 Est-ce que de l'endroit où se trouvait le bunker, d'où l'on
10 tirait, on pouvait contrôler cet endroit qui a été marqué par la petite
11 croix, s'il vous plaît ?
12 Témoin N (interprétation). - De la route ?
13 M. Krajina (interprétation). - Non, je ne parle pas de la route,
14 je parle de la petite croix.
15 Témoin N (interprétation). - C'est une photo que je ne vois pas
16 clairement.
17 M. Krajina (interprétation). - Je renonce à reposer la question.
18 M. le Président (interprétation). - Témoin N, je voudrais vous
19 rappeler que vous devez dire la vérité et collaborer avec le Tribunal. Je
20 vous demande, s'il vous plaît, de bien vouloir répondre aux questions que
21 vous pose Me Krajina.
22 Témoin N (interprétation). - Moi, j'ai tout simplement demandé
23 de montrer sur la photo agrandie où se trouvait la forêt, où se trouvait
24 la clairière, etc., c'est tout ce que j'ai demandé.
25 M. le Président (interprétation). - Non, non, parce que
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1 Me Krajina vous a également posé une deuxième question.
2 Témoin N (interprétation). - Je vais également répondre à la
3 deuxième question. Je vais vous dire pourquoi.
4 On avait tout simplement découvert par la suite que je ne
5 faisais pas partie de la JNA et que j'avais donc réparé les armes
6 d'artillerie. Par conséquent, vous vous trompez si vous ne pensez pas que
7 je suis au courant de ce que l'on peut faire avec cette arme. C'est une
8 arme qui est tout à fait spéciale : elle peut donc tirer dans toutes les
9 directions, c'est un Browning, et je me souviens de cette arme et je sais
10 qu'on peut donc contrôler par cette arme plusieurs points.
11 M. le Président (interprétation). - Etes-vous en train de dire
12 que de ce point-là, avec cette arme-là, il était possible de contrôler
13 aussi la région indiquée par Me Krajina par un "x" ?
14 Témoin N (interprétation). - Non, pas toute la zone, pas tout à
15 fait à gauche mais, de toute façon, on avait l'intention de tirer,
16 notamment sur la route. Et c'est par cette route que les civils devaient
17 être évacués de l'école. Il y avait un civil qui a été blessé grièvement,
18 etc et c'est la route qu'ils visaient d'abord. C'est la raison pour
19 laquelle également on va parler des dommages et intérêts un jour ou
20 l'autre.
21 Par conséquent, une arme forte pouvait produire une telle
22 blessure, pas un tout petit
23 fusil.
24 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina, je vous en
25 prie.
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1 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, nous
2 allons demander tout simplement que cette photographie soit versée au
3 dossier comme pièce à conviction avec la petite croix que nous avons
4 marquée sur cette photo.
5 En ce qui nous concerne, de toute façon, nous n'avons plus
6 d'autres questions. C'est la configuration du terrain à laquelle nous
7 avions pensée.
8 Témoin N (interprétation). - Est-ce que je peux rajouter quelque
9 chose : les photographies sont différentes. Je peux vous dire d'où
10 viennent les différences. La clarté n'est pas la bonne.
11 M. le Président (interprétation). - Non, non, elles ne sont pas
12 différentes.
13 Témoin N (interprétation). - A mon avis, elles sont différentes.
14 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections de
15 la part de l'accusation à ce que cette pièce soit versée comme pièce à
16 conviction ? Pas d'objection ?
17 M. Terrier. - Il parle d'une différence, je n'ai pas bien saisi
18 de quelle différence il s'agit. Est-ce qu'il s'agit d'une différence entre
19 deux photographies ou d'une différence entre la photographie et la réalité
20 qu'il a vue ?
21 M. le Président (interprétation). - Non, il a dit qu'une
22 photographie est plus claire que l'autre, l'autre est plus sombre.
23 M. Terrier. - C'est ce qu'il a dit ?
24 M. le Président (interprétation). - Oui.
25 Témoin N (interprétation). - Excusez-moi, je peux préciser sur
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1 cette photographie bien évidemment où se trouvait la forêt,
2 approximativement, parce que Me Krajina me l'avait demandé. Ce n'est pas
3 ce que j'ai refusé de faire.
4 M. le Président (interprétation). - Je suis désolé, je ne vous
5 ai pas bien suivi. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, sur
6 l'autre photo, vous seriez en mesure d'indiquer la localisation de la
7 forêt ?
8 Témoin N (interprétation). – Oui, sur la grande photographie,
9 c'est beaucoup plus facile, visible. On peut la distinguer. On voit que
10 cette forêt a été coupée. Il y a quelques petits buissons qui sont restés.
11 M. le Président (interprétation). - D'accord, revenons donc à ce
12 document. Je repose la question : est-ce que l'accusation a des objections
13 à ce que l'on enregistre cette pièce, cette photo marquée par votre
14 confrère ?
15 M. Terrier - Non.
16 M. Bos (interprétation). - La pièce est enregistrée D3/3.
17 M. le Président - Merci. Nous passons à Maître Puliselic ?
18 M. Pulisevic (interprétation). - Monsieur le Témoin, j'aimerais
19 tout simplement vous demander, avez-vous déjà donné une déclaration au
20 sujet des événements qui se sont produits à Ahmici ? Vous en souvenez-vous
21 et à qui avez-vous donné une telle déclaration ?
22 Témoin N (interprétation). - Non, je n'ai jamais fait d'autres
23 déclarations. C'est que tout simplement vous demandez de l'argent, on vous
24 en offrait pour faire une déclaration. J'ai dit que je n'avais pas le
25 droit, je ne voulais pas m'enrichir sur les épreuves de quelqu'un et le
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1 malheur de quelqu'un.
2 M. Pulisevic (interprétation). - Avez-vous fait une déclaration
3 devant les autorités officielles ?
4 Témoin N (interprétation). - Non, jamais.
5 M. Pulisevic (interprétation). - Nous avons ici une déclaration
6 que vous avez donnée à AID. Connaissez-vous cette organisation AID ?
7 Témoin N (interprétation). - Non. S'ils s'étaient adressés à
8 moi, ils auraient dû dire :
9 "Nous représentons telle ou telle organisation" et, par conséquent,
10 j'aurais éventuellement parlé.
11 M. Pulisevic (interprétation). - Il y a une signature qui est la
12 vôtre sur ces déclarations. Est-ce que vous vous en souvenez ou pas ?
13 Avez-vous donné la déclaration à quelqu'un ?
14 Témoin N (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
15 M. Pulisevic (interprétation). - Vous avez dit, par ailleurs,
16 que vous êtes arrivé à Ahmici et que vous étiez dans le camp avant ?
17 Témoin N (interprétation). - Oui.
18 M. Pulisevic (interprétation). - Etiez-vous tout seul dans le
19 camp ou avec toute votre famille ?
20 Témoin N (interprétation). - J'étais dans ce camp. Il y avait
21 sept camps dans la municipalité de Prijedor.
22 M. Pulisevic (interprétation). - Qui était dans le camp ? Vous
23 avez dit que votre famille était partie en Autriche et qu'il n'y avait pas
24 de place pour vous là-bas. Etait-ce la seule raison pour laquelle vous
25 n'êtes pas parti en Autriche pour accompagner votre famille ou y a-t-il
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1 d'autres raisons éventuellement ?
2 Témoin N (interprétation). - Nous avons eu des conversations
3 téléphoniques. Ma belle-sœur nous avait dit qu'elle ne pouvait pas tous
4 nous accueillir, qu'elle voulait bien prendre les enfants, les vieillards,
5 ma femme mais pas les hommes, étant donné qu'elle habitait une maison qui
6 n'était pas la sienne et un appartement qui n'était pas le sien.
7 M. Pulisevic (interprétation). - Aujourd'hui même dans ce
8 prétoire, vous avez dit que Dragan Papic vous a menacé à un moment donné,
9 que vous l'avez vu porter l'uniforme noir et qu'il vous a menacé à cette
10 époque ? De quelle menace s'agissait-il ?
11 Témoin N (interprétation). - Il portait l'uniforme, les
12 insignes, il me menaçait.
13 M. Pulisevic (interprétation). - Il ne vous a pas parlé ?
14 Témoin N (interprétation). - Oui, il m'a demandé où j'habitais.
15 J'ai refusé de lui dire.
16 M. Pulisevic (interprétation). - Vous avez compris que c'était
17 une menace, le fait même qu'il soit apparu devant vous en uniforme noir ?
18 Témoin N (interprétation). - Oui, bien sûr. Nous étions des
19 réfugiés, des malheureux. On connaissait les maisons de Milicevic et,
20 nous, on savait que tous ceux qui étaient de Focek, et les familles qui
21 sont arrivées, en auraient terminé à peu près de la même façon. Tous ont
22 été abattus. Chez Milicevic, il n'y avait plus personne. Ils étaient
23 chargés d'abattre ces gens-là. Il n'y avait que les trois personnes qui
24 ont réussi à s'en sortir. L'homme qui avait le laissez-passer et qui
25 pouvait se déplacer à tout moment et qui travaillait dans la boulangerie
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1 est venu et a dit à ces gens-là qu'il fallait qu'ils se retirent de ces
2 maisons d'été. Malheureusement, il y avait beaucoup de personnes qui ont
3 été abattues et qui se trouvaient dans ce quartier-là.
4 M. Pulisevic (interprétation). - Mais tout ce que je vous
5 demande c'est de savoir à quel moment et à quel endroit vous vous êtes
6 rencontrés, avec cette personne pour laquelle les autres vous ont dit
7 qu’il s’appelait Dragan Papic.
8 Témoin N (interprétation). - Cette rencontre, comme je l’ai dit,
9 c'était la prière devant la mosquée. Le peuple se rendait à la mosquée
10 pour prier Dieu et M. Dragan -c'était l'après-midi- je l’ai rencontré à ce
11 moment-là. Je ne l'ai pas revu depuis jusqu'à aujourd'hui.
12 M. Puliselic (interprétation). - Vous ne l’aviez jamais vu
13 auparavant ni après ?
14 Témoin N (interprétation). - Non, ni avant ni après.
15 M. Puliselic (interprétation). - Est-ce que quelqu’un a assisté
16 à cette rencontre ?
17 Témoin N (interprétation). - Non, il n’y avait personne avec
18 moi, parce que tout le monde était à la mosquée, à l’intérieur, et priait,
19 comme je l’ai dit. Il n’y avait pratiquement pas de passants, il n’y avait
20 pas de citoyens, enfin de villageois.
21 M. Puliselic (interprétation). - Etes-vous tout à fait sûr que
22 la personne dont vous parlez et que vous avez indiquée aujourd’hui était
23 la personne que vous avez rencontrée ce jour-là ?
24 Témoin N (interprétation). - Beaucoup d'années sont passées
25 depuis.
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1 Je suis sûr à 100 % et je sais qui avait tué et les personnes
2 qu’il avait tuées. C’est à lui de porter cela sur sa propre conscience.
3 M. Puliselic (interprétation). - Vous avez vu qu'il avait tué
4 Hasim Pezer ?
5 Témoin N (interprétation). - Oui, je l'ai laissé dans la cuisine
6 à Ahmici. Elle est restée couchée par terre.
7 M. Puliselic (interprétation). - Vous l'avez vue ?
8 Témoin N (interprétation). - Son père également a été tué. C’est
9 Dragan qui l’a tué.
10 M. Puliselic (interprétation). - Comment le savez-vous et sur
11 quoi vous vous fondez ?
12 Témoin N (interprétation). - J'étais à côté et j'ai vu quand ils
13 ont été touchés l'un et l'autre, les deux personnes dont j'ai parlé.
14 M. Puliselic (interprétation). - Dans votre déclaration
15 précédente, vous avez dit que vous avez entendu parler de cet événement et
16 que vous ne l’avez jamais vu de vos propres yeux.
17 Témoin N (interprétation). - J’ai vu que les deux personnes ont
18 été touchées. Je les ai vues, elles gisaient par terre à ce moment-là.
19 Nous avons vu qu’ils étaient touchés. Les Vidovici, c'étaient nos voisins,
20 n'avaient pas d’armes et ils marchaient dans la cour. A ce moment-là il
21 n’y avait plus de tirs, à un moment donné, ça s’est arrêté.
22 M. Puliselic (interprétation). - Hasim Pezer avait quel âge ?
23 Témoin N (interprétation). - Il avait dans les soixante ans.
24 M. Puliselic (interprétation). - Dans les soixante ans ?
25 Témoin N (interprétation). - Oui.
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1 M. Puliselic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si,
2 lors de cette rencontre... et vous dites que les villageois vous ont dit
3 que cette personne s’appelait Dragan Papic. Avez-vous pu remarquer quelque
4 chose sur son visage ?
5 Témoin N (interprétation). - Non.
6 M. Puliselic (interprétation). - Avez-vous remarqué quelque
7 chose de caractéristique sur son visage, ce que vous auriez dû remarquer ?
8 Témoin N (interprétation). - C’est une personne qu'on pouvait
9 facilement reconnaître. Je pense qu'il y avait quelque chose qui m'avait
10 frappé dans le visage. Il ne pouvait pas me regarder droit dans les yeux,
11 par exemple, il fermait les paupières, ça je l'avais remarqué.
12 M. Puliselic (interprétation). - Portait-il la barbe ?
13 Témoin N (interprétation). - Je ne me souviens pas s’il portait
14 ou non la barbe.
15 M. Puliselic (interprétation). - Vous avez dit avoir remarqué un
16 certain nombre d’insignes et que vous avez conclu qu'il appartenait au
17 HOS. Vous en avez parlé.
18 Témoin N (interprétation). - A cette époque-là, c’était très
19 difficile de se rendre compte qui appartenait à quelle formation, quelle
20 unité, quelle armée, etc.
21 M. Puliselic (interprétation). - Mais l’uniforme qu’il portait
22 était reconnaissable. Vous avez dit que vous avez conclu qu’il appartenait
23 au HOS.
24 Témoin N (interprétation). - C’était difficile, tout simplement
25 parce qu’on ne savait pas qui commandait, qui était celui qui donnait les
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1 ordres. Si on savait véritablement qui donnait les ordres, à ce moment-là
2 on se serait débrouillé définitivement, tout simplement. Il y avait un
3 massacre tellement massif qui justement prouve qu'aucun ordre direct
4 n’avait été donné.
5 M. Puliselic (interprétation). - Avez-vous des informations
6 selon lesquelles le HVO et le HOS ont coopéré à un moment donné ?
7 Témoin N (interprétation). - C’était une ruse. L’important était
8 d’augmenter les effectifs. Ils achetaient les soldats pour l'argent. Ce
9 qui était important, c’était de gagner quelque chose pour pouvoir
10 survivre.
11 M. Puliselic (interprétation). - Vous souvenez-vous de
12 l’endroit, de la date et surtout de l’heure où vous avez rencontré cette
13 personne ?
14 Témoin N (interprétation). - C’était vers midi, donc 12 heures,
15 je ne peux pas vous dire le jour de la semaine, je ne me souviens pas.
16 M. Puliselic (interprétation). - Pouvez-vous dire quel était le
17 mois ?
18 Témoin N (interprétation). - Oui, mais je ne suis pas sûr, je
19 préfère ne pas vous le dire parce que s'il fallait que je vous dise tout,
20 à ce moment-là j'aurais été une personne anormale parce que j'aurais
21 retenu trop d’éléments. Je n’ai pas pu retenir tous ces éléments.
22 M. Puliselic (interprétation). - Merci. Monsieur le Président,
23 je n’ai plus de questions à poser.
24 M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur Puliselic.
25 Nous avons encore deux conseils de la défense qui souhaitent procéder au
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1 contre-interrogatoire du témoin. Nous devrons nous interrompre à 5 heures
2 moins 5. Je me demandais s’il était possible de clôturer nos travaux.
3 Peut-être que l’un d’entre vous, au moins, pourrait poursuivre jusqu’à
4 5 heures moins 5. Cela vous convient-il, Maître Radovic ? Dix minutes vous
5 suffiront ?
6 M. Radovic (interprétation). - Je vais essayer quand même,
7 Monsieur le Président, je n'ai pas beaucoup de questions à poser. Je
8 voudrais, Monsieur le Témoin, vous poser la question suivante. Vous avez
9 dit que vous ne faisiez pas partie de la Défense territoriale, que vous
10 montiez tout simplement la garde à côté de la mosquée. Est-ce que j’ai
11 bien compris ?
12 Témoin N (interprétation). - Oui.
13 M. Radovic (interprétation). - Vous avez donné une déclaration
14 le 6 mai 1998. C’est bien cela, Monsieur le Procureur ? Vous avez dit, je
15 cite : "J’ai rejoint la Défense territoriale à Ahmici".
16 Témoin N (interprétation). - Ce n’était pas la Défense
17 territoriale.
18 M. Radovic (interprétation). - Mais c’est bien marqué que vous
19 avez rejoint la Défense territoriale à Ahmici.
20 Témoin N (interprétation). - Mais c'était une démarche
21 préventive. Ce n’est rien par rapport à ce qu'ils ont préparé de l’autre
22 côté.
23 M. Radovic (interprétation). - Je ne vous ai pas posé cette
24 question, je vous ai demandé tout simplement s’il est vrai que vous avez
25 dit à AID que vous avez rejoint la Défense territoriale à Ahmici ou non.
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1 Témoin N(interprétation). - Vous devez savoir ce qu’est la
2 Défense territoriale.
3 M. Radovic (interprétation). - Pour moi, c’est tout à fait
4 clair. Je suis de la même région que vous, en ce qui concerne la Défense
5 territoriale et son organisation, je connais tout. Par conséquent, je vous
6 prie de me dire si vous avez rejoint ou non les rangs de la Défense
7 territoriale ou si vous ne vous en souvenez pas. Toutes les réponses me
8 sont bonnes.
9 Témoin N (interprétation). - Les patrouilles étaient
10 indispensables à organiser, à chaque fois qu’il y avait des prières. En ce
11 qui concerne la Défense territoriale, la Défense territoriale défend ce
12 qui lui appartient et n’est pas une formation offensive.
13 M. Radovic (interprétation). – Oui, pour moi, c’est important.
14 Est-ce que vous pouvez me répondre ? Monsieur le Président, je ne sais pas
15 comment poser la question au témoin si le témoin ne veut pas répondre à
16 mes questions. Si vous ne voulez pas répondre à cette question, si vous
17 avez rejoint la Défense territoriale, à ce moment-là je n'insiste plus et
18 je vais vous poser la question suivante.
19 Avez-vous eu une fonction dans le cadre de la Défense et de la
20 protection sociale -à cette époque-là c'est comme ça qu'on l'appelait- sur
21 la base de laquelle vous auriez disposé des données sur les faits qui ne
22 vous concernaient pas personnellement mais qui étaient en dehors de ce que
23 vous avez dû savoir ?
24 Témoin N (interprétation). - Non, je ne savais pas du tout, je
25 ne connaissais pas toutes ces informations. Ce qui était important pour
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1 moi, c'est que mes enfants étaient à un endroit sûr pour eux. En ce qui me
2 concerne, c'était le plus important.
3 M. Radovic (interprétation). - Mais ce que je vous pose comme
4 question, c’est : est-ce que vous avez occupé un poste qui vous a permis
5 de parler des choses qui ne vous concernaient pas particulièrement, mais
6 étaient en dehors de vous ?
7 Témoin N (interprétation). - Non, rien.
8 M. Radovic (interprétation). - Dans ce cas-là, nous sommes
9 d'accord et vous avez parlé quand même de choses qui ne vous concernaient
10 pas ni vous, ni votre famille. Vous avez dit par ailleurs qu’au mois
11 d'octobre 93 les membres du HVO se sont dirigés vers Travnik comme
12 renfort. Comment avez-vous pu conclure que ces soldats étaient de Busovaca
13 et comment avez-vous pu savoir qu’ils allaient vers Novi Travnik ?
14 Témoin N (interprétation). - Ce n’est pas important.
15 M. Radovic (interprétation). - Je ne vous demande pas ce qui est
16 important et ce qui ne l’est pas, mais ce que vous savez.
17 Témoin N (interprétation). - Je vais vous répondre. D'accord.
18 Moi, j'étais plutôt présent au moment de la première attaque et je me
19 souviens qu'ils avaient dit qu'ils ne pouvaient pas passer, qu'ils étaient
20 de Busovaca et qu’ils allaient retourner une fois de plus. Le lendemain
21 matin, ils sont retournés, effectivement.
22 M. Radovic (interprétation). - Donc ils vous ont dit qu'ils sont
23 de Busovaca. Vous étiez sur la barricade à ce moment-là ?
24 Témoin N (interprétation). - Oui.
25 M. Radovic (interprétation). - Mais où, à quel endroit vous
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1 trouviez-vous ?
2 Témoin N (interprétation). - C'était un barrage, une barricade.
3 Effectivement j'y étais.
4 M. Radovic (interprétation). - Mais où vous vous êtes trouvé
5 vous-même ?
6 Témoin N (interprétation). - Nous étions...
7 M. Radovic (interprétation). - Je vous prie de ne pas dire
8 "nous" mais "vous", vous vous trouviez où ?
9 Témoin N (interprétation). - Moi, j’étais à trente mètres par
10 rapport à la barricade. Il y avait des positions. On avait demandé de
11 détruire ces positions, il y avait le contrôle.
12 M. Radovic (interprétation). - Qui avait organisé la barricade à
13 la position, à la ligne de front ?
14 Témoin N(interprétation). - C’était la Défense territoriale.
15 M. Radovic (interprétation). - Mais quand vous étiez à une
16 trentaine de mètres par rapport à la route, sur cette position de la
17 Défense territoriale, avez-vous possédé des armes ?
18 Témoin N (interprétation). - Non.
19 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que quelqu’un sur la
20 barricade les avait ?
21 M. Radovic (interprétation). - Oui, des personnes, des hommes
22 qui faisaient partie de l’armée de Bosnie-Herzégovine, qui étaient
23 expérimentés et ils possédaient les armes.
24 M. Radovic (interprétation). - Combien de personnes avaient des
25 armes ?
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1 Témoin N (interprétation). - Quatre personnes de notre village.
2 M. Radovic (interprétation). - Y avait-il des renforts arrivés
3 d'autres villages ?
4 Témoin N (interprétation). - Non, pas de renfort, pas d’aide de
5 ce genre-là. On sait comment ça s’est terminé, la première fois en 1992.
6 M. Radovic (interprétation). - On sait comment ça s'est terminé,
7 ce qui m'intéresse, c'est comment ça a commencé.
8 Témoin N (interprétation). - On avait quelqu'un qui a été
9 abattu, un mineur, plusieurs maisons incendiées, ça s’est passé.
10 M. Radovic (interprétation). - Ceux qui ont été tués, c'était
11 après que la barricade a été érigée ?
12 Témoin N (interprétation). - Je ne dirais pas ça.
13 M. Radovic (interprétation). - Ils ont été tués avant ?
14 Témoin N (interprétation). - Non.
15 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne
16 voulais même pas parler de ces gens-là.
17 Témoin N (interprétation). - Mais c’est lors de cette attaque
18 que des personnes ont été tuées.
19 M. Radovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire, s'il vous
20 plaît, comment vous avez fait cette barricade, pourquoi l'avez-vous
21 érigée ? Etaient-ce tout simplement le peuple et les villageois qui
22 avaient décidé de monter le barrage ou est-ce qu'un ordre a été donné ?
23 Témoin N (interprétation). - A Novi Travnik tout le monde le
24 sait, la guerre avait commencé, tout le monde le savait. Nous avons suivi
25 les actualités, on était au courant.
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1 M. Radovic (interprétation). - Je vous demande si un ordre a été
2 émis d'un commandement pour ériger le barrage.
3 Témoin N (interprétation). - Oui, je pense que c’était un ordre
4 d’un commandement.
5 M. Radovic (interprétation). - Où ? De Zenica ou de Sarajevo ?
6 Témoin N (interprétation). - Ce n’était pas à moi, de toute
7 façon, je ne disposais pas de ces informations, je n’étais pas parmi les
8 officiers ni cadres, ni rien. Je n’étais pas au courant.
9 M. Radovic (interprétation). - A partir du moment où vous vous
10 êtes trouvé là-bas, vous étiez à une trentaine de mètres par rapport à la
11 route, qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez dit que vous n’étiez pas
12 armé, qu’il n’y avait aucune tâche à remplir, aucune mission, mais vous
13 vous êtes quand même trouvé sur cette barricade. Vous vous êtes dirigé
14 vers cette position. C’étaient des tranchées...
15 Monsieur le Président, je m’excuse, mais je pense que je ne vais
16 pas pouvoir terminer mon contre-interrogatoire. Je vais vous demander,
17 s’il vous plaît, Monsieur le Président, de pouvoir continuer dès demain
18 matin.
19 Témoin N (interprétation). - Mais si vous voulez, je peux
20 répondre à cette question-là.
21 M. Radovic (interprétation). - C’est demain que nous allons
22 poursuivre.
23 M. le Président (interprétation). - Donc nous reprendrons demain
24 matin à 9 heures 30 précises.
25 L’audience est levée à 16 heures 55.