Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 24 Mars 1999

4 L'audience est ouverte à 9 heures.

5 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

6 Mme Ameerali (interprétation). – Bonjour Monsieur le Président,

7 Madame le Juge, Monsieur le Juge.

8 Affaire n° IT-95-16-T : le Procureur du Tribunal contre

9 Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic,

10 Dragan Papic, Vladimir Santic.

11 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Veuillez vous

12 asseoir. Mais avant d'entendre ce témoin, je propose que l'on se penche

13 très précisément sur deux questions techniques.

14 Tout d'abord, il s'agit de la requête du conseil Susak

15 concernant la déposition du Général Blaskic.

16 Si j'ai bien compris cette requête, il nous propose -ou suggère-

17 de verser à notre dossier d’audience la transcription d'une ou deux

18 audiences au cours desquelles le Général Blaskic a déposé. Est-ce que le

19 Procureur pourrait nous faire part de son point de vue ?

20 Excusez-nous, Maître Susak, mais soyez concis.

21 M. Šušak (interprétation). – Monsieur le Président, en ce qui

22 concerne la teneur de cette requête, il s'agit tout simplement d'avoir le

23 contenu du 24 février, du 25 février, pardon.

24 Il s'agit d'une réunion où Blaskic était avec Pero Skolpjak,

25 Nikola Krizinac également.

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1 C'est une information qui m'intéresse, compte tenu de nouveaux

2 faits, d'après lesquels on peut conclure qu'il y avait une autre réunion

3 où l'on parle également de la participation de Nenad Santic, de

4 Ivica Vidovic, de Jevco, dans la maison de Jozo Livancic.

5 C'est la raison pour laquelle nous considérons qu'il s'agit là

6 d'un fait extrêmement important pour pouvoir véritablement constater

7 l'état de fait, sur la base duquel on pourrait faire un parallèle entre

8 cette réunion et les deux dernières.

9 M. le Président (interprétation). – Maître Terrier ?

10 M. Terrier. – Bonjour Madame et Messieurs les Juges. Sur la

11 motion de Me Susak, à mon sens, se pose d'abord une question de principe.

12 Votre Tribunal a déjà -sur une demande un peu similaire de

13 l'accusation, si je me souviens bien- pris une décision négative, au motif

14 (que nous avons parfaitement compris) que le témoin, dont le transcript

15 pourrait être joint au dossier de cette présente procédure, n'a pas pu

16 être contre-interrogé par les différentes parties.

17 Je crois qu'il y a une décision de la Cour d'appel qui semble

18 autoriser la chose. Au-delà de cette question de principe, je dirai que je

19 ne vois pas d'inconvénient à ce que -dans le souci que la vérité soit

20 établie le mieux possible dans ce procès- ce transcript soit joint au

21 dossier du Tribunal.

22 Mais je souhaite que l'on ne sorte pas de leur contexte des

23 extraits d'une déposition, et que ce soit l'ensemble de la déposition qui

24 soit versée dans le dossier du Tribunal.

25 Et j'ajoute, je souhaite aussi que soient jointes à l'ensemble

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1 de cette déposition, toutes les pièces auxquelles peut se référer le

2 témoin.

3 La déposition, à laquelle nous nous référons, à laquelle

4 Maître Susak se réfère, n'est pas terminée aujourd'hui. Elle le sera dans

5 un avenir proche, mais elle n'est pas encore terminée.

6 Je pense que l'on pourrait effectivement envisager de joindre au

7 dossier de cette

8 procédure -peut-être cela posera-t-il des problèmes matériels, mais je ne

9 pense pas qu'ils soient insurmontables- l'ensemble de cette disposition et

10 l'ensemble des pièces auxquelles le témoin a pu se référer. Et quand je

11 parle de la déposition, je parle évidemment de l'interrogatoire principal,

12 mais aussi du contre-interrogatoire réalisé par le représentant de la

13 poursuite de l'accusation.

14 M. le Président. – Lorsque vous dites "l'ensemble de la

15 déposition", c'est toute la déposition du Général Blaskic ?

16 M. Terrier. – Il me semble qu'il est souhaitable que le contexte

17 de la déposition soit connu, et qu'il est tout à fait dangereux,

18 dommageable ou risqué qu'un extrait seulement de cette déposition soit

19 versé au dossier du Tribunal.

20 M. le Président. - Merci.

21 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

22 La Chambre de première instance estime que la déposition en tant

23 que telle, ou du moins sa transcription, la déposition fournie par le

24 Général Blaskic, ne peut pas être versée au dossier.

25 Maître Susak peut très vite trouver une solution. Il peut

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1 simplement demander au Général Blaskic de venir déposer ici, quand il en

2 aura terminé de sa déposition dans l'affaire Blaskic.

3 Il pourra, à ce moment-là, être interrogé sur ce point précis et

4 sur d'autres questions, et rentrer à Ahmici.

5 M. Šušak (interprétation). – Monsieur le Président, je vous

6 comprends. Je vous suis de très près mais je suis très sérieusement

7 préoccupé.

8 Je me demande pourquoi le Procureur évite de parler de la date

9 du 15 avril, à 22 heures 30 minutes. Il y a cette réunion qui a eu lieu,

10 juste à la veille du 16 avril. C'est justement cela. C'est la raison pour

11 laquelle, nous allons prendre la décision ; éventuellement,

12 par la suite, nous allons citer le témoin Blaskic.

13 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Cela veut

14 dire que la requête est rejetée. Cependant, la Chambre a fourni au conseil

15 de Josipovic des indications permettant de régler la question, notamment

16 en appelant à la barre de ce procès-ci le Général Blaskic.

17 De surcroît, comme vient de le suggérer le Juge Mumba, Me Susak

18 a toute latitude pour appeler à la barre d'autres personnes ayant assisté

19 à cette réunion-là. Libre à vous de les appeler pour que ces personnes

20 viennent déposer devant nous, en sus du général Blaskic.

21 Fort bien. Passons rapidement à une autre question. Je me

22 souviens que nous en avions laissé une en suspens, à savoir quand nous

23 allions appeler à la barre les trois témoins de la Chambre dont nous avons

24 parlé il y a quelques jours. Est-ce que les conseils de la défense ont

25 consulté le Bureau du Procureur et sont parvenus à une espèce d'accord ?

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1 Maître Slokovic-Glumac, vous vous en souvenez. Nous en avons

2 discuté ; nous nous sommes demandé quand appeler ces témoins.

3 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président,

4 M. le Procureur avait dit qu'il ne s'opposerait à aucune date, et compte

5 tenu du fait qu'il s'agit de deux témoins qui sont les nôtres, nous

6 pensons qu'il serait plus utile de les citer dès le début du débat qui

7 commencera au mois de mai. En ce qui nous concerne, ils peuvent être cités

8 dès le début mai. J'ai une autre proposition qui concerne Tomo Alilovic,

9 témoin qui aurait dû venir aujourd'hui ; il n'est pas venu. La défense

10 considère qu'il est extrêmement important comme témoin. Il était le

11 16 avril avec Jozo Alilovic à la maison. Un témoin qui a été cité devant

12 la Chambre lors de sa déposition, dans la partie où il a été interrogé par

13 le Procureur, avait également cité Tomo Alilovic comme quelqu'un qui avait

14 été à la maison. Cet autre témoin dit également que Zoran et

15 Mirjan Kupreskic étaient présents. C'est la raison pour laquelle nous

16 considérons que ce témoignage aurait été très important pour nous.

17 Cependant le témoin n'est pas venu à La Haye. C'est la raison pour

18 laquelle nous vous prions de bien vouloir le citer comme un

19 témoin de la Chambre pour le mois de mai. Il est en Allemagne et si vous

20 êtes d'accord bien évidemment, nous allons formuler cette demande sous

21 forme écrite pour la déposer. Nous vous saurions gré de vouloir le citer

22 au nom de la Chambre. Je vous remercie.

23 (Les Juges se consultent sur le siège.)

24 M. le Président (interprétation). - S'agissant des témoins de la

25 Chambre, effectivement, nous avons l'intention de les citer pour le 3 mai,

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1 les trois, pas seulement les deux dont vous venez de parler, que vous

2 venez de suggérer, mais le troisième également, Maître Glumac.

3 Pour ce qui est de Tomo Alilovic, vous n'avez pas expliqué la

4 raison de son absence, pourquoi il ne venait pas, pourquoi nous devions le

5 transformer en témoin de la Chambre ?

6 Mme Glumac (interprétation). - Il faut dire, Monsieur

7 le Président, que nous ne savons pas pourquoi il ne vient pas. Nous avons

8 pris contact avec lui et lui avons demandé de venir. Je pense qu'il

9 refuse ; d'une manière ou d'une autre, il n'a pas donné de réponse très

10 précise, mais pour véritablement découvrir la vérité, découvrir et

11 constater les faits, il est indispensable qu'il soit cité. Nous pensons

12 qu'il évite de se présenter devant cette Chambre : il en est capable, mais

13 il ne vient pas. Pour véritablement constater les faits , et notamment se

14 référer à ce jour-là, nous considérons que sa déclaration, que sa

15 déposition est fort importante.

16 M. le Président (interprétation). - Nous ne voulons pas que

17 cette pratique que nous avons entamée ici -le fait que les Juges appellent

18 à la barre des témoins- conduise à des abus. Rappelez-vous : nous avons

19 commencé à envisager ce type de témoin parce que, étant donné leur

20 appartenance ethnique, ces personnes avaient manifesté des réticences à

21 venir à La Haye si elles étaient appelées par un conseil de la défense.

22 C'est aux fins de sauvegarder les droits de la défense que nous avons jugé

23 utile de prendre ceci en main, et de les avoir sous forme de témoins de la

24 Chambre. Mais en l'espèce, nous ne voyons vraiment pas pourquoi il nous

25 faudrait recourir à une telle mesure. Nous pourrions vous demander de

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1 faire une enquête, d'essayer de contacter le témoin, témoin éventuel,

2 potentiel, afin de comprendre la raison de son refus ou de sa non-venue.

3 S'il refuse, à ce moment-là, vous pourriez nous demander de sommer le

4 témoin de venir. Nous pourrions lui envoyer une injonction, puisqu'il est

5 en Allemagne, mais nous ne voulons pas forcément le transformer en témoin

6 de la Chambre.

7 Ce qui veut dire que pour cette semaine qui commence le 3 mai

8 -et là, nous avons cinq journées d'audience- il nous serait possible

9 d'entendre les trois témoins de la Chambre et en plus, espérons-le,

10 M. Tomo Alilovic ainsi que l'un ou l'autre témoin que la défense a

11 l'intention de citer.

12 M. May (interprétation). - Deux témoins de plus.

13 M. le Président (interprétation). - Ce qui ferait six ou sept

14 témoins en tout. Parfait.

15 Passons à notre témoin. C'est bien M. Fafulovic, n'est-ce pas ?

16 Monsieur, désolé de vous avoir fait subir ces questions de procédure, mais

17 je vous souhaite le bonjour.

18 Monsieur, veuillez donner lecture de la déclaration solennelle.

19 M. Fafulovic (interprétation). - Je déclare solennellement que

20 je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous

22 rasseoir. Maître Radovic ?

23 M. Radovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur Fafulovic. Je

24 vais vous demander de décliner votre identité, de dire votre nom, votre

25 prénom, le nom de votre père, votre date de naissance et votre adresse.

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1 M. Fafulovic (interprétation). - Bonjour, je m'appelle

2 Adil Fafulovic. Je suis né le 20 décembre 1965 à Travnik. J'habite Vitez,

3 dans un petit village, à côté de Krucice Sofa.

4 M. Radovic (interprétation). – Vous avez le numéro de la

5 maison ?

6 M. Fafulovic (interprétation). – Le 69. Mon père s'appelle

7 Mustafa.

8 M. Radovic (interprétation). - Combien de frères et de sœurs

9 avez-vous ?

10 M. Fafulovic (interprétation). – J'ai deux frères et une soeur.

11 M. Radovic (interprétation). – En fin 1992, début 1993, dans

12 quelle maison avez-vous vécu ? Qu'aviez-vous comme famille ?

13 M. Fafulovic (interprétation). – J'avais mon épouse, mon père

14 avec moi, et ma fille.

15 M. Radovic (interprétation). – Fin de 1992 et début 1993, étiez-

16 vous employé ? Où avez-vous travaillé ?

17 M. Fafulovic (interprétation). – Au début ?

18 M. Radovic (interprétation). – Non, je parle de la fin de 1992

19 et du début de 1993. Et je demande si vous avez travaillé.

20 M. Fafulovic (interprétation). – Oui. J'ai travaillé à l'usine

21 Slobodan Princip Seljo à Vitez.

22 M. Radovic (interprétation). – Jusqu’à quand avez-vous

23 travaillé ?

24 M. Fafulovic (interprétation). – Jusqu'au début du conflit.

25 M. Radovic (interprétation). – Le premier ou le deuxième ?

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1 M. Fafulovic (interprétation). – Jusqu'au 16 avril 1993.

2 M. Radovic (interprétation). – Quelle est votre confession ?

3 M. Fafulovic (interprétation). – Je suis Rom, et je suis de

4 confession musulmane.

5 M. Radovic (interprétation). – Est-ce que vous connaissez

6 Zoran Kupreskic ?

7 M. Fafulovic (interprétation). – Oui. Je le connais.

8 M. Radovic (interprétation). – Est-ce que vous connaissez

9 Mirjan Kupreskic ?

10 M. Fafulovic (interprétation). – Oui. Je le connais également.

11 M. Radovic (interprétation). – Où les avez-vous rencontrés pour

12 la première fois ?

13 M. Fafulovic (interprétation). – Nous avons travaillé ensemble

14 dans cette même société. Je les ai connus un peu plus au moment où j'ai

15 fait partie de groupes de folklore, en 1982.

16 M. Radovic (interprétation). – Pour ce qui concerne cette

17 association artistique, il occupait quel poste ?

18 M. Fafulovic (interprétation). – Zoran était chorégraphe, et

19 Mirjan jouait de l'accordéon. Et puis ils ont aussi dansé des danses

20 folkloriques.

21 M. Radovic (interprétation). – Quelle était la composition

22 nationale de cette association ?

23 M. Fafulovic (interprétation). – En ce qui nous concerne, nous

24 appartenions à des communautés ethniques différentes. Il y avait des

25 Musulmans, des Croates et des Serbes.

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1 M. Radovic (interprétation). – Jusqu'à quand y a-t-il eu cette

2 composition mixte ?

3 M. Fafulovic (interprétation). – Jusqu'au début du conflit,

4 pratiquement.

5 M. Radovic (interprétation). – Vous souvenez-vous d'une

6 manifestation au début de 1993 ? C'était la fin du Ramadan. C'était le

7 Baïram. Avez-vous organisé ce spectacle ?

8 M. Fafulovic (interprétation). – C'était à Mahala, agglomération

9 musulmane ; l’occasion était justement la fin du ramadan, Baïram.

10 M. Radovic (interprétation). – Vous souvenez-vous de danses que

11 vous avez dansées ?

12 M. Fafulovic (interprétation). – Nous avons dansé toutes les

13 danses de l’ex-Yougoslavie.

14 M. Radovic (interprétation). – Avez-vous dansé également des

15 danses musulmanes bosniaques ?

16 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

17 M. Radovic (interprétation). – A la fin de 1992, au début de

18 1993, avez-vous vu -à un moment ou un autre- Zoran Kupreskic ou Mirjan,

19 portant l'uniforme ?

20 M. Fafulovic (interprétation). – Non. Jamais.

21 M. Radovic (interprétation). – Les avez-vous vu porter les

22 armes ?

23 M. Fafulovic (interprétation). – Non.

24 M. Radovic (interprétation). – Après la fin de la guerre, au

25 moment où on avait distribué les titres, les valeurs, les actions, est-ce

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1 que vous les avez eus ?

2 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

3 M. Radovic (interprétation). – Avez-vous obtenu les actions

4 parce que vous étiez membre du HVO ?

5 M. Fafulovic (interprétation). – J'étais membre de la formation

6 du HVO.

7 M. Radovic (interprétation). – Aviez-vous l'uniforme ?

8 M. Fafulovic (interprétation). – Je portais l'uniforme de la

9 protection civile.

10 M. Radovic (interprétation). – Quelqu'un de votre famille a-t-il

11 été tué pendant la guerre ?

12 M. Fafulovic (interprétation). – Mon frère a été blessé ; il a

13 perdu une jambe, il est invalide. Mon père a également été blessé, au

14 niveau de la jambe et au bras.

15 M. Radovic (interprétation). – Ce village que vous habitez est-

16 il majoritairement croate ou musulman ?

17 M. Fafulovic (interprétation). – Non. Ce sont les Roms.

18 M. Radovic (interprétation). - Vous voulez dire qu'il n'y a pas

19 de cas de Musulmans mais pratiquement que des Roms.

20 M. Fafulovic (interprétation). – Oui. Pratiquement que des Roms.

21 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que ce groupe de folklore

22 auquel appartenaient Zoran et Mirjan Kupreskic, a continué à travailler

23 après la guerre ?

24 M. Fafulovic (interprétation). – Oui. Moi aussi.

25 M. Radovic (interprétation). – Est-ce qu'ils sont maintenant

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1 membres d'un nouveau groupe ? Est-ce qu'il y a une nouvelle association ?

2 M. Fafulovic (interprétation). – Actuellement, ils s'appellent

3 "Renouveau".

4 M. Radovic (interprétation). - Comment vous-mêmes êtes-vous

5 devenu participant à cette association ? Qui a lancé cette initiative ?

6 Comment vous êtes-vous engagé dans cette association artistique ?

7 M. Fafulovic (interprétation). – C'était en 1994. C'est Zoran

8 qui m'avait demandé de venir le voir. Au moment où je suis venu pour la

9 répétition, ils avaient déjà commencé. Moi-même, je les ai rejoints. Il y

10 avait également Ahmed Delic qui n'est pas ici. Il lui avait demandé qu'on

11 vienne les rejoindre pour cette répétition. Et puis, il m'a dit qu'il

12 souhaiterait qu'on continue les activités de ce folklore.

13 M. Radovic (interprétation). – Ahmed Delic est un Croate ou un

14 Bosnien ?

15 M. Fafulovic (interprétation). – Bosnien.

16 M. Radovic (interprétation). – Vous voulez dire que Zoran a

17 essayé de l'engager de nouveau, plutôt de le convaincre de revenir ?

18 M. Fafulovic (interprétation). – Il n'a pas essayé de le

19 convaincre. Déjà, avant la guerre, il était membre de cette association et

20 il avait accepté.

21 M. Radovic (interprétation). – Voulez-vous dire qu'il n'a pas

22 essayé de le convaincre et que de toute façon, c'était déjà clair qu'il

23 allait rejoindre le groupe de nouveau ?

24 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

25 M. Radovic (interprétation). – Quand avez-vous vu Zoran ? Est-ce

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1 que vous vous souvenez ? Avant le cessez-le-feu ?

2 M. Fafulovic (interprétation). – Je pense que c'était en été ;

3 c'était lors des répétitions.

4 M. Radovic (interprétation). – Vous ne vous souvenez pas de la

5 date ?

6 M. Fafulovic (interprétation). – Non.

7 M. Radovic (interprétation). - Qu'avez-vous fait avant le début

8 de la guerre ?

9 M. Fafulovic (interprétation). – J'étais au travail.

10 M. Radovic (interprétation). – Où ?

11 M. Fafulovic (interprétation). – Je travaillais normalement dans

12 une équipe de nuit… de jour –pardon- et je suis rentré à 3 heures de

13 l'après-midi.

14 M. Radovic (interprétation). - Qu'avez-vous fait le jour même,

15 le 16 avril, le matin ?

16 M. Fafulovic (interprétation). – J'ai entendu les tirs, la

17 détonation. Je sentais qu'il se passait quelque chose. Je ne suis pas

18 parti au travail. J'étais très surpris, mais je ne suis pas parti au

19 travail, quand j'ai entendu les tirs.

20 M. Radovic (interprétation). – Vous avez dit que vous avez été

21 mobilisé. Vous étiez à la protection civile, si je comprends bien ?

22 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

23 M. Radovic (interprétation). – Pouvez–nous dire si vous avez été

24 mobilisé au sein de la protection civile, dès que le conflit s'est

25 déclenché ou plus tard ?

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1 M. Fafulovic (interprétation). – Plus tard. Quand vraiment la

2 guerre s'est déclenchée, nous étions dans le village. Nous sommes restés

3 trois ou quatre jours peut-être, même cinq jours. Personne ne nous a

4 mobilisé. Nous sommes restés dans le village parce que la partie croate

5 n'était pas trop loin par rapport à nous.

6 M. Radovic (interprétation). - Vous étiez, en quelque sorte,

7 tourné vers les Croates ?

8 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

9 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit qu'après les débuts

10 de la guerre, vous avez été mobilisé pour la protection civile. C'était

11 quand ?

12 M. Fafulovic (interprétation). – C'était vers le 20, autour du

13 20 avril.

14 M. Radovic (interprétation). – Pouvez-vous nous montrer votre

15 village sur cette carte ?

16 M. Fafulovic (interprétation). – Je vais essayer. Je ne sais pas

17 si je vais réussir.

18 M. Radovic (interprétation). – Si vous ne pouvez pas trouver

19 votre village, vous n'y êtes pas obligé à ce moment-là. Mais prenez le

20 pointeur et vous allez donc essayer de trouver votre village et de nous le

21 montrer. Si vous ne réussissez pas, ça n'est pas bien grave.

22 M. Fafulovic (interprétation). – Je pense que c'est ici à cet

23 endroit-là.

24 M. Radovic (interprétation). - Pouvez-vous montrer aux Juges,

25 vous vous enlevez un petit peu pour que les Juges le voient.

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1 (Le témoin a montré le village.)

2 Vous pouvez vous asseoir. A partir du moment où vous vous êtes

3 retrouvés tous, est-ce que vous êtes allé quelque part avec ce groupe

4 folklorique en dehors de Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Fafulovic (interprétation). – C'est la raison pour laquelle

6 Zoran nous a appelés : parce qu'il n'y avait pas suffisamment de membres.

7 C'est la raison pour laquelle il nous a expliqué justement, cette nuit là,

8 que nous devions nous préparer. C'est un groupe folklorique qui doit

9 répéter à plusieurs reprises car nous avons plusieurs spectacles non

10 seulement dans la ville, mais en dehors également.

11 M. Radovic (interprétation). – C'était où ?

12 M. Fafulovic (interprétation). – En suisse et à Zagreb.

13 M. Radovic (interprétation). - Vous étiez à Zagreb ?

14 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

15 M. Radovic (interprétation). – En Suisse, vous y êtes allé

16 également ?

17 M. Fafulovic (interprétation). – Moi, personnellement, non.

18 M. Radovic (interprétation). – Pourquoi n'y êtes-vous pas allé ?

19 M. Fafulovic (interprétation). – Nous avons été appelés trop

20 tard. On ne pouvait pas avoir tous les documents. Je parle des passeports.

21 M. Radovic (interprétation). – Vous parlez des documents, des

22 cartes d'identité et des passeports ?

23 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

24 M. Radovic (interprétation). – Si je vous demande quel était le

25 comportement de Zoran et Mirjan Kupreskic vis-à-vis des personnes qui

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1 appartenaient aux autres groupes ethniques, pensez-vous qu'ils haïssaient

2 les Musulmans, qu'ils ne voulaient pas avoir affaire à des Musulmans ou

3 bien éventuellement, ils étaient différents. Pouvez-vous nous dire comment

4 ils étaient ?

5 M. Fafulovic (interprétation). – Je pense qu’ils sont restés

6 toujours les mêmes et n'ont jamais fait de différence entre les gens. En

7 ce qui nous concerne, notre groupe ethnique, ils n'ont jamais fait la

8 distinction et le fait même qu'ils me convoquent et Ahmed Delic pour

9 poursuivre nos activités dans l'association en témoigne.

10 Je pense que, lors des répétitions également, pendant les

11 pauses, Mirjan jouait les danses musulmanes, croates et même les serbes.

12 C'était pour nous chauffer lors des répétitions.

13 M. Radovic (interprétation). - Vous voulez parler d'après la

14 guerre ?

15 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

16 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dansé les danses serbes

17 après la guerre ?

18 M. Fafulovic (interprétation). – Non, c'était juste pour nous

19 chauffer, pour les répétitions, pas pour les spectacles.

20 M. Radovic (interprétation). - Merci Monsieur le Président, j'ai

21 terminé mon interrogatoire principal. Je pense que je n'ai pas été très

22 long et surtout pas au sujet du folklore.

23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je suppose

24 que les autres conseils de la défense n'ont pas l'intention de procéder au

25 contre-interrogatoire.

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1 Maître Terrier, vous avez la parole.

2 M. Terrier. – Merci Monsieur le Président. Quelques très brèves

3 questions. Bonjour Monsieur Fafulovic. Mon nom est Franck Terrier. Je suis

4 l'un des avocats de l'accusation. Je vais vous poser quelques questions à

5 la suite de votre témoignage.

6 Vous nous avez dit que vous faites partie de la communauté rom.

7 Je voudrais que vous nous disiez : est-ce que cette appartenance avait des

8 conséquences dans la municipalité de Vitez, à l'époque dont nous parlons,

9 c'est-à-dire 1992-1993, sur le plan social, du travail ou politique.

10 Bien entendu, je ne parle pas des accusés que vous connaissez.

11 Je parle de la vie économique, de la vie sociale et de la vie politique en

12 général dans la municipalité de Vitez ? Est-ce que cette appartenance

13 communautaire avait des conséquences particulières ?

14 M. Fafulovic (interprétation). – Non. Pour ce qui concerne cet

15 aspect social, j'ai travaillé dans l'usine militaire

16 Slobodan Princip Seljo. Vous connaissez déjà cette usine. Ce qui nous

17 intéressait, c'est qu'on puisse gagner notre vie et vivre. Pour la

18 politique, je ne m'y suis pas véritablement intéressé. Je pense que la

19 communauté rom ne s'y intéresse pas tellement.

20 M. Terrier. – Pouvez-vous nous dire si, dans le conflit qui a

21 surgi entre les communautés musulmane et croate, à la fin de l'année 1992

22 et le début 1993, la communauté rom a pris partie; s'est déterminée dans

23 un sens ou dans l'autre ou est restée neutre ?

24 M. Fafulovic (interprétation). – Je ne sais pas pourquoi vous

25 parlez de neutralité. Est-ce que vous pouvez me redire ce que vous

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1 pensez ? Je ne que comprends pas tout à fait ce vous voulez dire ?

2 M. Terrier. – Je vais vous poser simplement cette question.

3 Monsieur Fafulovic, est-ce que dans le conflit qui a surgi en 1992 et

4 1993, vous avez et votre communauté a pris un parti en faveur de l'un ou

5 l'autre des adversaires ?

6 M. Fafulovic (interprétation). – Nous avons rejoint l'armée

7 croate parce que nous étions sur le terrain déjà.

8 M. Terrier. – Est-ce que vous avez fait partie de la JNA ?

9 M. Fafulovic (interprétation). – Oui.

10 M. Terrier. – Est-ce que vous avez fait partie de l'armée de

11 Bosnie ?

12 M. Fafulovic (interprétation). – J'étais à la Défense

13 territoriale pendant les conflits avec les Serbes.

14 M. Terrier. – Jusqu'à quand êtes-vous resté à la Défense

15 territoriale ?

16 M. Fafulovic (interprétation). – Jusqu'au début du conflit.

17 M. Terrier. – A quelle date fixez-vous le début du conflit ?

18 M. Fafulovic (interprétation). – Avec des Musulmans ?

19 M. Terrier. – J'ai bien compris le sens que vous donniez à ce

20 conflit. A quelle date fixez-vous le début de ce conflit, puisque vous

21 nous dites que vous êtes resté à la défense territoriale jusqu'au début du

22 conflit ? A quelle date fixez-vous le début de ce conflit ?

23 M. Fafulovic (interprétation). - Le 16 avril, jusqu'à ce conflit

24 avec des Musulmans, donc.

25 M. Terrier. - Comment s'est manifesté votre engagement à ce

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1 moment-là, le 16 avril ?

2 M. Fafulovic (interprétation). - Voulez-vous me préciser sur

3 quel plan ?

4 M. Terrier. - Quelles ont été vos activités le 15 et le

5 16 avril, et les jours qui ont suivi ?

6 M. Fafulovic (interprétation). - Le 15 avril, comme je l'ai déjà

7 précisé, j'ai travaillé et comme j'ai fait l'école d'hôtellerie, j'ai

8 travaillé comme cuisinier. Le 16, j'étais chez moi, à la maison.

9 M. Terrier. - Que s'est-il passé ? Est-ce qu'il s'est passé

10 quelque chose ce 16 avril, pour vous ?

11 M. Fafulovic (interprétation). – Oui, bien sûr.

12 M. Terrier. - Pouvez-vous nous dire, en quelques mots, ce qui

13 s'est passé ?

14 M. Fafulovic (interprétation). - Cela s'est passé le matin. Moi,

15 je me préparais pour aller au travail et j'ai entendu le sifflement des

16 obus, des tirs. Voilà.

17 M. Terrier. - Ensuite, quels sont vos souvenirs de cette journée

18 du 16 avril ?

19 M. Fafulovic (interprétation). - Nous étions tous à la maison,

20 je parle bien de cette agglomération que j'habitais. Ensuite des soldats

21 croates sont arrivés, ils nous ont dit qu'il faudrait qu'on rejoigne leur

22 propre formation.

23 M. Terrier. - Qu'avez-vous fait ?

24 M. Fafulovic (interprétation). - Nous avons accepté.

25 M. Terrier. - Qu'est ce que cela signifiait "rejoindre leur

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1 formation" ?

2 M. Fafulovic (interprétation). - Nous avons été obligés

3 d'accepter, bien évidemment. Les Musulmans ne sont pas venus nous demander

4 quoi que ce soit, nous on est restés quatre ou cinq jours, comme ça, chez

5 nous. A partir d'un moment donné, ils étaient les premiers à venir nous

6 demander si on voulait rejoindre leur formation et nous l'avons fait,

7 c'est tout.

8 M. Terrier. - Vous voulez dire que vous avez été obligé

9 d'accepter de rejoindre les formations croates ? Est-ce que cela veut dire

10 que vous avez été arrêté le 16 avril ?

11 M. Fafulovic (interprétation). - Non. Nous étions sur place et

12 vu les conditions, cela s'est produit... Nous étions entre le côté croate

13 et le côté musulman, vraiment entre les deux. C'était pour notre propre

14 sécurité. Ils sont venus et nous, nous avons accepté leur proposition,

15 étant donné que nous sommes vraiment entre les Croates et les Musulmans.

16 C'est un village qui sépare les deux, si vous voulez.

17 M. Terrier. - Je comprends. Et que s'est-il passé, dans les

18 heures qui ont suivi ce contact avec le HVO ou dans les jours qui ont

19 suivi ? Pour vous-même, personnellement ? Qu'est-ce que vous avez fait ?

20 M. Fafulovic (interprétation). - Nous avons tout accepté. Dans

21 la maison, il y avait moi, mes deux frères, mon père, mon oncle et ma

22 tante. Donc nous avons parlé, nous nous sommes mis d'accord et puis nous

23 avons accepté, tout comme la plupart des autres qui étaient là-bas.

24 M. Terrier. - Monsieur Fafulovic, je n'ai pas très bien compris

25 ce que vous avez accepté, vous et les membres de votre famille.

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1 Précisément ?

2 M. Fafulovic (interprétation). - Nous avons accepté de rejoindre

3 les rangs de l'armée croate, étant donné qu'ils étaient les seuls à nous

4 fournir la sécurité et la protection. Nous avons donc accepté d'être avec

5 eux.

6 M. Terrier. - Bien. Et en quoi, pratiquement, matériellement,

7 cela a-t-il consisté d'être avec eux ? Qu'avez-vous fait, matériellement ?

8 M. Fafulovic (interprétation). - Pendant le conflit ?

9 M. Terrier. - Le 16 avril et les jours qui ont suivi le conflit,

10 en quelques mots ?

11 M. Fafulovic (interprétation). - Ce jour-là, nous étions à la

12 maison, et dès le lendemain, nous nous sommes déplacés un peu plus en

13 haut, donc nous n'étions plus directement dans notre hameau. Nous sommes

14 partis un peu plus loin, sur une colline, et c'est là que nous avons

15 pratiquement passé toute la guerre. Nous étions logés dans des maisons.

16 M. Terrier. - Et qu'est-ce que vous avez fait, pendant toute la

17 guerre, à cet endroit-là ?

18 M. Fafulovic (interprétation). - Nous avons été mobilisés. Moi,

19 j'ai travaillé dans le peloton de travail. Non pas seulement moi, mais les

20 autres aussi.

21 M. Terrier. - Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le peloton de

22 travail ?

23 M. Fafulovic (interprétation). - Le peloton de travail était

24 constitué de plusieurs d'entre nous. Il n'y a pas eu que des Roms, il y a

25 eu aussi des Croates qui ont creusé des tranchées.

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1 M. Terrier. - Donc, Monsieur Fafulovic, est-ce que je résume

2 correctement votre témoignage en disant que vous avez été contactés, le

3 16 avril, par les forces du HVO qui vous ont demandé de les rejoindre ;

4 vous avez accepté -je ne sais pas si c'était de votre plein gré, mais vous

5 avez accepté- et vous avez passé la guerre à creuser des tranchées ?

6 M. Fafulovic (interprétation). - Pour la plupart, oui.

7 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic ?

8 M. Radovic (interprétation). - Le Procureur présente au témoin

9 une situation qui n'est pas conforme à la situation que le témoin a

10 présentée. Le témoin n'a pas dit que c'était le 16 qu'il a eu le contact

11 avec le HVO, mais plus tard.

12 M. Fafulovic (interprétation). - Cinq ou six jours plus tard.

13 M. Radovic (interprétation). - Donc je demande que si l'on

14 présente une situation au témoin, il faudrait s'en tenir aux donnés

15 correctes.

16 M. le Président. - Mais le Procureur a posé une question et a

17 demande au témoin de dire si c'était bien ça, si la proposition qu'il a

18 faite reflétait la vérité. C'est au témoin de dire oui au non. Je ne crois

19 pas que le Procureur ait forcé la main au témoin.

20 M. Terrier. - Nous allons reposer la question, Monsieur

21 le Président.

22 M. le Président (interprétation). - Oui, reposez la question.

23 M. Terrier. - A quelle date, Monsieur Fafulovic -vous l'avez

24 sans doute déjà dit mais je vous demande de le répéter- avez-vous été

25 contacté par les forces du HVO qui vous ont demandé de les rejoindre ?

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1 M. Fafulovic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire la

2 date exacte, mais ceci s'est produit probablement cinq ou six jours après

3 le début du conflit. Nous avons pratiquement passé toute cette période

4 dans le village, mais personne n'était venu.

5 M. Terrier. - Je vous remercie, Monsieur Fafulovic. Je n'ai pas

6 d'autres questions, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Radovic ?

8 M. Radovic (interprétation). - Je n'ai qu'une seule question.

9 Lorsque vous avez parlé des combats du 16 avril, veuillez décrire ces

10 combats : s'agissait-il de combats violents ? Y a-t-il eu des coups de feu

11 violents ? Donnez-nous une seule phrase à ce sujet.

12 M. Fafulovic (interprétation). - Ceci s'est produit tôt le

13 matin. Au début, nous avons entendu des tirs d'artillerie, de canons, deux

14 ou trois fois, mais c'étaient surtout des tirs de fusils.

15 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu des

16 tirs provenant seulement d'un seul côté, ou bien de plusieurs côtés ?

17 M. Fafulovic (interprétation). - Je n'ai pas pu m'orienter,

18 étant donné que j'étais dans la maison.

19 M. Radovic (interprétation). - Merci. Je n'ai plus de questions

20 à poser.

21 M. le Président (interprétation). - Merci. Moi, j'ai une

22 question pour le témoin. Monsieur Fafulovic, vous avez dit que vous avez

23 vu beaucoup de fois Zoran et Mirjan Kupreskic. Ma question est la

24 suivante : dans quel cadre rencontriez-vous habituellement Zoran et

25 Mirjan Kupreskic ? De quelle sorte d'occasions s'agissait-il ? S'agissait-

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1 il tout simplement de vos manifestations de folklore ou bien d'autres

2 situations aussi :

3 par exemple, dans la rue, au travail ? Veuillez nous expliquer cela.

4 M. Fafulovic (interprétation). – Cela se produisait surtout au

5 travail et dans le cadre du folklore, pendant que nous dansions. Parfois,

6 nous étions ensemble dans des cafés. Ce genre de choses...

7 M. le Président (interprétation). – A quelque moment que ce

8 soit, les avez-vous vus, ou bien leur avez-vous parlé à Ahmici ?

9 M. Fafulovic (interprétation). – Non. Jamais !

10 M. le Président (interprétation). – Donc, normalement, où les

11 avez-vous rencontrés ? Vous avez dit que c'était au travail ou dans le

12 groupe de folklore. Mais où était-ce ? Quel était l'endroit où vous les

13 rencontriez ?

14 M. Fafulovic (interprétation). – C'était surtout dans la société

15 où je travaillais. J'étais le cuisinier : c'était pendant que je

16 distribuais le déjeuner, ils venaient manger ; et aussi dans la salle de

17 cinéma où nous dansions dans le cadre du groupe folklorique.

18 M. le Président (interprétation). – Merci beaucoup de votre

19 témoignage. Vous pouvez disposer.

20 M. Fafulovic (interprétation). – Merci.

21 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

22 M. le Président (interprétation). - Si j'ai bien compris, c'est

23 M. Veljko Cato qui va être le témoin suivant ?

24 Mme Glumac (interprétation). – Oui.

25 M. le Président (interprétation). – Cato, oui. J'ai mal

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1 prononcé, mais c’est votre faute étant donné que maintenant vous ne mettez

2 plus l'accent. Je me rappelle qu’avant, vous insistiez. Pendant que le

3 Procureur soumettait ses propres listes, vous insistiez là-dessus, mais

4 maintenant on ne retrouve plus cet accent.

5 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

6 Bonjour Monsieur Cato. Veuillez lire la déclaration solennelle.

7 M. Cato (interprétation). – Je déclare solennellement que je

8 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation). – Merci. Veuillez vous

10 asseoir. Maître Slokovic Glumac ?

11 Mme Glumac (interprétation). – Merci beaucoup, Monsieur

12 le Président. Bonjour Monsieur Cato. Avez-vous bien mis vos écouteurs ?

13 M. Cato (interprétation). – Oui. Très bien.

14 Mme Glumac (interprétation). – Veuillez décliner votre identité

15 aux Juges.

16 M. Cato (interprétation). – Je m'appelle Veljko Cato, je suis né

17 le 24 juillet 1960 à Vitez. Je suis serbe d'origine ethnique. Je suis né à

18 Vitez et j'ai vécu à Vitez pendant toute la période.

19 Mme Glumac (interprétation). – Quelle est votre adresse de

20 résidence ?

21 M. Cato (interprétation). – L'adresse est hrvatske mladosti 45.

22 Mme Glumac (interprétation). – Que faisiez-vous en 1992 ? Quel

23 était votre travail, et où travailliez-vous ?

24 M. Cato (interprétation). – En 1992, je travaillais en tant que

25 chef dans un magasin de meubles à Vitez.

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1 Mme Glumac (interprétation). – Jusqu'à quand ?

2 M. Cato (interprétation). – Jusqu'au mois d’août 1992.

3 Mme Glumac (interprétation). – Après cela, qu'avez-vous fait, et

4 pourquoi avez-vous arrêté de travailler à ce poste ?

5 M. Cato (interprétation). – Après cela, j'ai demandé à partir en

6 vacances. Après, il a fallu que je me présente dans ma société afin de me

7 faire enregistrer.

8 Mme Glumac (interprétation). – Vous voulez dire que vous étiez

9 en stand-by ?

10 M. Cato (interprétation). – Oui.

11 Mme Glumac (interprétation). – Pourquoi étiez-vous en stand-by ?

12 Que s’est-il passé avec votre magasin ?

13 M. Cato (interprétation). – C’est parce que dans l’entrepôt de

14 ma société, on a placé l’aide humanitaire.

15 Mme Glumac (interprétation). – Il s'agissait de médicaments ?

16 M. Cato (interprétation). – Oui.

17 Mme Glumac (interprétation). – Ces médicaments étaient

18 distribués à tous les groupes ethniques et toutes les structures civiles à

19 Vitez, n'est-ce pas ?

20 M. Cato (interprétation). – Oui.

21 Mme Glumac (interprétation). – Vu que ces dons étaient placés

22 dans l'entrepôt de votre magasin, est-ce que vous avez commencé à faire

23 partie d'une certaine structure ?

24 M. Cato (interprétation). – Oui. La défense civile, dans le

25 cadre de la Défense territoriale. Moi, j'avais les clefs de ce magasin.

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1 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous receviez un

2 salaire de la Défense territoriale ?

3 M. Cato (interprétation). – Oui. Une fois.

4 Mme Glumac (interprétation). – Après, qui vous a payé ?

5 M. Cato (interprétation). – C’est ma société qui a continué,

6 parce qu'officiellement j'étais toujours leur employé.

7 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-vous nous dire à quel

8 moment vous avez reçu ce salaire de la Défense territoriale ? Etait-ce au

9 moment où la Défense territoriale s'était déjà séparée... ou plutôt

10 lorsque les Croates ont quitté la Défense territoriale, en octobre ou en

11 novembre ?

12 M. Cato (interprétation). – Non, c'était plus tôt que cela. Je

13 ne sais pas exactement, mais je crois que c'était au mois de septembre.

14 Mme Glumac (interprétation). – Ce travail concernant le fait de

15 garder ces médicaments, vous vous acquittiez de cette tâche jusqu'au début

16 de la guerre, n'est-ce pas ?

17 M. Cato (interprétation). – Oui.

18 Mme Glumac (interprétation). – Qu’est-ce que vous faites quand

19 la guerre éclate ?

20 M. Cato (interprétation). – Quand la guerre a éclaté, je n'ai

21 plus travaillé dans ma société.

22 Mme Glumac (interprétation). – Qu'avez-vous fait alors ?

23 M. Cato (interprétation). – Quand la guerre a éclaté, j'ai

24 travaillé dans les urgences médicales.

25 Mme Glumac (interprétation). – Que faisiez-vous ?

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1 M. Cato (interprétation). – Je conduisais une voiture.

2 Mme Glumac (interprétation). – Donc vous travailliez, d'une

3 certaine manière, pour les ambulances ?

4 M. Cato (interprétation). – Oui.

5 Mme Glumac (interprétation). – Jusqu'à quand ?

6 M. Cato (interprétation). – Je ne m'en souviens pas très

7 exactement, mais je pense que c’était à peu près jusqu’en juillet 1993.

8 Mme Glumac (interprétation). – Qu’avez-vous fait ensuite ?

9 M. Cato (interprétation). – Ensuite, j'ai été engagé dans le

10 cadre du HVO.

11 Mme Glumac (interprétation). – Et vous êtes resté sur la ligne

12 de front ?

13 M. Cato (interprétation). – Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). – En tant que soldat ?

15 M. Cato (interprétation). – Oui.

16 Mme Glumac (interprétation). – Vous pouvez parler un peu plus

17 librement, si vous voulez. Ce n'est pas la peine que je vous pose chaque

18 question. Vu que vous étiez un Serbe de Vitez, est-ce que vous avez eu des

19 problèmes à cause de cela ? Après les élections, entre la fin de l'année

20 1991 et le début du conflit ?

21 M. Cato (interprétation). – Non. Je n'ai pas eu de problèmes.

22 Pas du tout.

23 Mme Glumac (interprétation). – Y a-t-il eu des problèmes avec

24 des membres du groupe ethnique serbe dans la région de Vitez ?

25 M. Cato (interprétation). – Non. Il n'y a pas eu de problèmes du

Page 8456

1 tout.

2 Mme Glumac (interprétation). – Que s'est-il produit dans le

3 village de Tolovici ?

4 M. Cato (interprétation). – Dans le village de Tolovici ? Je ne

5 m'en souviens pas très exactement. Je ne sais pas s'il y a eu des

6 conflits, mais les Serbes de Tolovici ont quitté Tolovici en 1992.

7 Mme Glumac (interprétation). – Savez-vous contre qui les Serbes

8 sont entrés en conflit à Tolovici ?

9 M. Cato (interprétation). – Ils étaient en conflit avec les

10 Musulmans.

11 Mme Glumac (interprétation). – Et ce village a été entièrement

12 vidé. Donc, les Serbes se sont échappés ; ils ont quitté le village ?

13 M. Cato (interprétation). – Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). – Y a-t-il eu d'autres régions,

15 autour de Vitez, que les Serbes ont dû quitter en raison des pressions

16 exercées par les Musulmans ?

17 M. Cato (interprétation). – Il n'y a pas eu plus de régions de

18 ce genre.

19 Mme Glumac (interprétation). – Qu’avez-vous fait le

20 15 avril 1993 ?

21 M. Cato (interprétation). – Le 15 avril 1993 je suis allé, comme

22 toujours, me présenter dans ma société et à ce moment-là, avec

23 Zdravko Vrebac, je me suis rendu au magasin dans lequel Mirjan

24 travaillait.

25 Mme Glumac (interprétation). – Où se trouvait ce magasin ?

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1 M. Cato (interprétation). – Ce magasin se trouve dans le

2 bâtiment Vucjak, dans la partie sud de la ville.

3 Mme Glumac (interprétation). – Quand est-ce que vous y êtes

4 resté, et pendant combien de temps ?

5 Quand y êtes-vous venu, et pendant combien de temps êtes-vous

6 resté là-bas ?

7 M. Cato (interprétation). – Nous sommes arrivés vers 12 heures

8 et nous sommes restés jusqu’à environ 3 heures. Mais Zdravko Vrebac a

9 acheté tout de suite des affaires pour son magasin et lui, il est parti

10 tout de suite.

11 Mme Glumac (interprétation). – De quoi était responsable

12 Zdravko Vrebac ? Qu’est-ce qu’il avait ?

13 M. Cato (interprétation). – A l'époque, Zdravko Vrebac était

14 propriétaire d’un café appelé "set ".

15 Mme Glumac (interprétation). – Qui avez-vous trouvé dans le

16 magasin ?

17 M. Cato (interprétation). - Dans le magasin, nous avons trouvé

18 Ivo Grabovac, Gavro Mujcibabic et Batric Krgovic.

19 Mme Glumac (interprétation). - Que s'est il produit ? Vous êtes-

20 vous assis, avez-vous discuté ?

21 M. Cato (interprétation). - A ce moment-là, nous sommes partis

22 dans une autre partie du magasin. C'est là que nous avons bu un verre, et

23 puis nous avons discuté.

24 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez parlé de la

25 situation politique, de la situation assez dense, des problèmes politiques

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1 de Vitez ?

2 M. Cato (interprétation). - Non. Nous n'avons pas parlé ni de la

3 politique ni de la situation politique à Vitez. Tout simplement, nous nous

4 racontions des blagues.

5 Mme Glumac (interprétation). - Après ce jour-là, est-ce que vous

6 avez vu Zoran et Mirjan Kupreskic ?

7 M. Cato (interprétation). - Non. Je ne les ai plus revus.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que Mirjan Kupreskic a

9 travaillé après le cessez-le-feu qui a eu lieu en 1994 ?

10 M. Cato (interprétation). - Oui, il a continué à travailler.

11 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez du

12 mois ?

13 M. Cato (interprétation). - Mirjan a commencé à travailler à peu

14 près dix ou quinze jours après le cessez-le feu.

15 Mme Glumac (interprétation). - A quel endroit ? Est-ce que vous

16 le savez ?

17 M. Cato (interprétation). - Au même endroit où il avait

18 travaillé auparavant, c'est-à-dire dans le bâtiment Vucjak.

19 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez s'il a

20 travaillé là-bas sans cesse en 1994, 1995, 1996 ?

21 M. Cato (interprétation). - Oui. Il y a travaillé sans cesse.

22 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous où Zoran a travaillé ?

23 Et quand il a continué à travailler, est-ce que vous l'avez vu ?

24 M. Cato (interprétation). - Zoran Kupreskic a continué à

25 travailler tout de suite après le conflit, peut-être un mois plus tard, et

Page 8459

1 il a travaillé à Vitezit.

2 Mme Glumac (interprétation). - Depuis quand connaissez vous

3 Zoran et Mirjan Kupreskic ? Depuis combien de temps ?

4 M. Cato (interprétation). - Zoran Kupreskic, je le connais

5 depuis 1978, lorsque la société culturelle, le centre culturel

6 Slobodan Princip Seljo a été constitué à Vitez. Quant à Mirjan Kupreskic,

7 je le connais depuis 1992, lorsque qu'il s'est joint au centre culturel

8 Slobodan Princip Seljo après avoir terminé ses études.

9 Mme Glumac (interprétation). - Où a-t-il fait ses études ?

10 M. Cato (interprétation). -A Trstenik, en Serbie.

11 Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous, vous souvenez-vous

12 qui a été le président de ce centre culturel SPS ?

13 M. Cato (interprétation). - Le président du centre culturel

14 était Senad Desic, et le dernier président était Zaid Hidic.

15 Mme Glumac (interprétation). - Sont-ils croates ou musulmans ?

16 M. Cato (interprétation). - Ils sont musulmans.

17 Mme Glumac (interprétation). - Quand est-ce que ce centre s'est

18 vu changer de nom et pourquoi ? Est-ce que d'autres centres culturels ont

19 été constitués à Vitez, quand et pourquoi ?

20 M. Cato (interprétation). - Après les élections, ce groupe

21 culturel folklorique de SPS a été rebaptisé et a été appelé centre

22 folklorique de la ville ou de la société, de l'entreprise.

23 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que d'autres sociétés ont

24 été constituées après les élections ?

25 M. Cato (interprétation). - Après les élections, nous avons eu

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1 une société folklorique musulmane, Preporod, et il y avait la société

2 croate Napredak.

3 Mme Glumac (interprétation). - Quelle était la différence entre

4 les deux ?

5 M. Cato (interprétation). - La société folklorique Napredak

6 comprenait des Croates, alors que Preporod avait des membres musulmans.

7 Pour ce qui est du centre culturel de Vitez, de la ville elle même, celui-

8 là est resté mixte.

9 Mme Glumac (interprétation). - En d'autres termes, il s'agissait

10 de sociétés culturelles mono-ethniques, puisqu'une société croate et une

11 société musulmane ont été créées ?

12 M. Cato (interprétation). - Oui.

13 Mme Glumac (interprétation). - Comment les membres de votre

14 société folklorique se rencontraient-ils ? Est-ce qu'ils avaient des

15 activités sociales ? Vous les voyiez pour les répétitions, mais est-ce que

16 vous les avez vus après ces répétitions ?

17 M. Cato (interprétation). - Oui. Oui, on se revoyait, on prenait

18 un verre ensemble après les répétitions. Nous nous voyions chez nous, chez

19 les uns et chez les autres, pour des fêtes d'anniversaire, des occasions

20 de ce genre...

21 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous fêtiez vos fêtes

22 nationales ensemble ?

23 M. Cato (interprétation). - Oui.

24 Mme Glumac (interprétation). - Assistiez-vous à des mariages ? Y

25 a-t-il eu des mariages mixtes au sein de la société folklorique ?

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1 M. Cato (interprétation). - Tout à fait. Il y en a eu.

2 Nezvrudin Ahmic, par exemple, a épousé Vesna Pavlovic. Quant à

3 Zoran Kupreskic, il a épousé une fille qui était aussi membre de notre

4 groupe folklorique. Il y a donc eu des mariages parmi ceux qui dansaient

5 dans ce groupe.

6 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous alliez les uns

7 chez les autres, au cours des vacances par exemple ?

8 M. Cato (interprétation). - Tout à fait.

9 Mme Glumac (interprétation). - Où êtes-vous allé pour la fête de

10 Baïram en 1993 ? En compagnie de qui ?

11 M. Cato (interprétation). - Pour la fête de Baïram en 1993,

12 Zoran Kupreskic et sa femme Mira, Mirjan Kupreskic et sa femme Ljubica,

13 moi et ma femme Lenka nous sommes allés chez Mustafa Dzidic pour le

14 Baïram, à Mahala.

15 Mme Glumac (interprétation). - Cet homme, Mustafa Dzidic, il est

16 musulman, n'est-ce pas ?

17 M. Cato (interprétation). - Oui.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous rendiez

19 visite les uns chez les autres ?

20 M. Cato (interprétation). - Oui.

21 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous assistiez aux

22 mariages les uns des autres ? Avez-vous été témoin à ce genre de mariages,

23 ou parrain lorsqu'il y a eu des baptêmes chez les uns ou chez les autres ?

24 M. Cato (interprétation). - Oui. Lorsque la femme de

25 Mirjan Kupreskic, Ljubica, était censé accoucher de son premier enfant,

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1 Mirjan Kupreskic m'a dit que s'il avait un fils je serais le parrain, et

2 que s'il avait une fille, ma fille en deviendrait la marraine. Le premier

3 bébé de la famille fut une fille, ce qui fait que ma femme est devenue la

4 marraine.

5 Mme Glumac (interprétation). - Quel a été l'effet de cette

6 offre ?

7 M. Cato (interprétation). - J'en étais ravi, j'étais flatté

8 parce que les parrains sont supposés être d'excellents amis des parents.

9 Mais il y avait quand même quelque chose d'étrange à ce propos. En effet,

10 moi je suis de confession orthodoxe et je devais maintenant être parrain

11 dans une église catholique. C'était un geste tout à fait amical de

12 Mirjan Kupreskic Il m'a dit : "On va s'occuper de tout. Tout ce qui

13 compte, c'est que nous soyons de bons amis".

14 Mme Glumac (interprétation). - Fort bien. Vous connaissez Zoran

15 et

16 Mirjan Kuprekic depuis environ vingt ans. Comment sont-ils, ces deux

17 hommes ?

18 M. Cato (interprétation). - Je les connais effectivement depuis

19 vingt ans. Ce sont des hommes de famille, des pères honnêtes. Ils sont

20 toujours prêts à prêter assistance à autrui.

21 Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce qui les intéressait ? A

22 quoi participaient-ils ?

23 M. Cato (interprétation). - Ils s'intéressaient surtout au

24 folklore, aux danses folkloriques et aux activités sociales. Mirjan jouait

25 aussi au cours de fêtes de mariage et dans des restaurants. Il

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1 s'intéressait surtout à la musique, à la danse et aux activités sociales.

2 Mme Glumac (interprétation). - Comment était-il par rapport à

3 d'autres groupes ethniques ? Comment s'est-il comporté avec vous ? Son

4 comportement avec vous était-il celui qu'il adoptait envers les Musulmans

5 également ?

6 M. Cato (interprétation). - Il avait la même attitude, le même

7 comportement par rapport à qui que ce soit. Le premier témoin au mariage

8 de Mirjan Kupreskic était serbe, lui aussi.

9 Mme Glumac (interprétation). - De qui étaient-ils proches ?

10 Avaient-ils, parmi les membre de la communauté musulmane, des amis

11 proches ?

12 M. Cato (interprétation). - Ils étaient très proches de

13 Fahran Ahmic. Lui, il était batteur ou jouait du tambour dans notre

14 société folklorique. Ainsi il était proche de tous ceux qui faisaient

15 partie du groupe folklorique.

16 Mme Glumac (interprétation). - Jusqu'au moment de la guerre,

17 vous aviez surtout des activités folkloriques. Combien de répétitions

18 avez-vous par semaine ?

19 M. Cato (interprétation). - Deux par semaine. Et lorsqu'on était

20 censé avoir une représentation, à un moment donné auparavant, avant cette

21 représentation, nous avions davantage de répétitions.

22 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez fait des

23 répétitions, mais

24 aussi donné des représentations jusqu'au début du conflit, jusqu'au

25 16 avril 1993 ?

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1 M. Cato (interprétation). - Oui.

2 Mme Glumac (interprétation). - A quel moment, quand Mirjan et

3 Zoran Kupreskic ont-ils repris ces activités folkloriques ?

4 M. Cato (interprétation). - Dès la signature du cessez-le-feu,

5 juste après le conflit, nous nous sommes retrouvés.

6 Mme Glumac (interprétation). - Qui s'est rassemblé de nouveau au

7 sein de ce groupe folklorique ?

8 M. Cato (interprétation). - Là, disons qu'on avait le noyau

9 dur ; tous les anciens danseurs étaient là. Il y avait des Croates, des

10 Serbes, des Musulmans, des membres de la communauté Rom ; tous ceux qui

11 voulaient continuer à travailler.

12 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie. J'en ai terminé

13 de mon interrogatoire principal, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation). - Merci. Je suppose qu'il n'y

15 aura pas d'autre interrogatoire mené par les conseils de la défense.

16 Maître Blaxill ?

17 M. Blaxill (interprétation). - Merci Monsieur le Président,

18 Madame et Monsieur les Juges.

19 Bonjour, Monsieur Cato. Je m'appelle Michael Blaxill ; je suis

20 un des avocats de l'accusation. En l’espèce, je n'ai que quelques

21 questions à vous poser ce matin.

22 Le 15 avril 1993, est-ce que vous avez vu M. Zoran Kupreskic ?

23 M. Cato (interprétation). - En 1993, je n'ai pas vu

24 Zoran Kupreskic.

25 M. Blaxill (interprétation). - Et vous avez dit avoir vu ce

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1 jour-là M. Mirjan Kupreskic ; vous auriez quitté son lieu de travail vers

2 15 heures cet après-midi là ; est-ce exact?

3 M. Cato (interprétation). - Ce jour-là, j'ai vu

4 Mirjan Kupreskic. Nous étions ensemble, nous avons passé de deux à trois

5 heures ensemble.

6 M. Blaxill (interprétation). - Et je crois que vous avez dit

7 avoir quitté cet endroit vers trois heures de l'après-midi, alors que

8 Mirjan Kupreskic est resté sur son lieu de travail : est-ce bien ce que

9 vous avez dit ?

10 M. Cato (interprétation). - J'ai quitté le magasin vers

11 15 heures. Mirjan, lui, est resté sur son lieu de travail.

12 M. Blaxill (interprétation). - Le lendemain, le 16 avril 1993,

13 où étiez-vous ?

14 M. Cato (interprétation). - Le 16 avril, j'étais chez moi.

15 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que vous avez vu, ce jour-

16 là, soit Mirjan soit Zoran Kupreskic, c'est-à-dire le 16 avril 1993 ?

17 M. Cato (interprétation). - Non, je ne les ai pas vus.

18 M. Blaxill (interprétation). - Avez-vous vu l'un ou l'autre

19 d'entre eux le lendemain de ce jour-là, à savoir le 17 avril 1993 ?

20 M. Cato (interprétation). - Le 17 avril 1993, je n'ai vu ni

21 Mirjan ni Zoran.

22 M. Blaxill (interprétation). - Vous souvenez-vous de la

23 rencontre suivante que vous avez eue avec l'un ou l'autre de ces hommes ?

24 M. Cato (interprétation). - J'ai revu pour la première fois ces

25 deux hommes à peu près un mois, un mois et demi plus tard.

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1 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit que, pendant un

2 certain temps, vous avez contribué à l'aide humanitaire. Vous étiez

3 chauffeur pour transporter des produits d'aide humanitaire ?

4 M. Cato (interprétation). - Oui.

5 M. Blaxill (interprétation). - Qui organisait votre travail ?

6 Qui dirigeait l'unité dans laquelle vous travailliez en tant que chauffeur

7 pour le secours humanitaire ?

8 M. Cato (interprétation). - Les chauffeurs d'aide humanitaire

9 voyaient leur travail organisé par la Défense territoriale.

10 M. Blaxill (interprétation). - Qui, au sein de la Défense

11 territoriale, assumait cette responsabilité ? Avez-vous un nom à nous

12 citer ?

13 M. Cato (interprétation). - Je ne me souviens pas.

14 M. Blaxill (interprétation). - Je crois qu'à partir d'environ

15 juillet 1993, vous étiez engagé dans des combats sur la ligne de front ;

16 est-ce exact ?

17 M. Cato (interprétation). - Oui.

18 M. Blaxill (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-

19 vous resté, à titre de soldat, sur la ligne de front ?

20 M. Cato (interprétation). - Je n'étais pas soldat sur la ligne

21 de front. J'étais là, chez moi. C'est chez moi que je me trouvais sur la

22 ligne, jusqu'au cessez-le-feu de février.

23 M. Blaxill (interprétation). - Et au cours de cette période où

24 vous étiez chez vous, occupé à assurer la défense de votre territoire

25 domestique, avez-vous vu Zoran ou Mirjan Kupreskic ?

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1 M. Cato (interprétation). - Je me souviens les avoir vus parce

2 que je suis allé les voir au moment de la mort de leur père.

3 M. Blaxill (interprétation). - Avez-vous eu des contacts

4 réguliers avec Mirjan ou Zoran au cours de cette période ou est-ce qu'il

5 n'y a eu que ce contact-là, dont vous venez de parler ?

6 M. Cato (interprétation). - Ce fut la seule occasion au cours de

7 laquelle j'y suis allé. Nous n'avions pas d'autres contacts.

8 M. Blaxill (interprétation). - Merci. Je n'ai plus de question à

9 poser à ce témoin. Je vous remercie, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac ?

11 Mme Glumac (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

12 Monsieur Cato, pourquoi les gens ne sont-ils pas allés souvent à

13 Ahmici pendant la guerre ? Pourquoi les habitants de Pirici et de Santici

14 n'allaient pas souvent à Vitez ? A quoi ressemblait la situation à ce

15 moment-là ?

16 M. Cato (interprétation). - La situation était telle qu'on ne

17 pouvait pas franchir cette zone. Il y avait des opérations de combat, des

18 tireurs d'élite postés, isolés. Il n'était pas vraiment possible

19 d'utiliser la route, ce qui voulait dire qu'on devait aller à pieds si on

20 voulait se déplacer. Il fallait suivre un autre itinéraire.

21 Mme Glumac (interprétation). - Vous souvenez-vous d'un endroit

22 précis où se trouvait la ligne de front à Ahmici, ou plutôt à Pirici ou

23 Santici ? Est-ce que la ligne était proche du village ?

24 M. Cato (interprétation). - Je ne me souviens pas, mais je crois

25 qu'effectivement, c'était le cas.

Page 8468

1 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, je

2 n'ai plus de question à poser.

3 M. le Président (interprétation). - Monsieur, nous n'avons pas

4 de question à vous poser. Monsieur Cato, merci d'être venu déposer devant

5 ce Tribunal. Vous pouvez désormais vous retirer.

6 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

7 M. le Président (interprétation). - Appelons le témoin suivant,

8 Marko Martinovic.

9 M. Blaxill (interprétation). - Permettez-moi d'intervenir.

10 J'aurais une remarque à faire par rapport à ce témoin suivant.

11 L'accusation n'a pas reçu de sommaire, s'agissant de la déposition

12 éventuelle du témoin.

13 Si je me souviens bien des conditions générales de l'accord

14 auquel nous sommes parvenus il y a un certain temps, alors que Me Terrier

15 a abordé cette question directement avec la défense... En quintessence,

16 nous avons dit que nous n'allions pas insister sur la production de telles

17 déclarations ou résumés, surtout pour des témoins de moralité. Je me

18 demande si, par conséquent, nos confrères seraient en mesure de confirmer

19 qu'étant donné l'absence de production de sommaire, ce témoignage portera

20 uniquement sur la moralité, la personnalité, et que c'est bien dans ce

21 contexte que nous allons le comprendre. Je sais bien qu'on a souvent parlé

22 de moralité ou de témoins de moralité pour des questions de conduite

23 générale, mais ici j'aimerais que l'acception du terme soit circonscrite.

24 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Slokovic-

25 Glumac ?

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1 Mme Glumac (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

2 nous avons dit à Me Terrier, précédemment, qu'il s'agissait ici d'un

3 témoin de moralité uniquement. Nous n'avons même pas parlé à ce témoin

4 auparavant ; nous nous sommes contentés de le citer pour qu'il fasse part

5 de son avis à propos de ces deux hommes qu'il connaît bien. Me Terrier a

6 marqué son accord à ce moment-là, en disant qu'il n'insisterait pas sur la

7 production d'un sommaire.

8 Pourtant, il y a un autre problème auquel il faut faire face. En

9 effet, ce témoin va venir à 10 heures 30. Est-ce que nous pourrions

10 prendre une pause maintenant et avoir sa déposition après la pause ? Il va

11 arriver à 10 heures 30, moment auquel nous pourrons poursuivre nos débats.

12 M. le Président (interprétation). - Quand vous parlez du témoin

13 suivant, vous

14 parlez de Marko Martinovic ?

15 Mme Glumac (interprétation). - Tout à fait.

16 M. le Président (interprétation). - Donc, il n'est pas là ?

17 Mme Glumac (interprétation). - Non, il n'est pas encore là.

18 M. le Président (interprétation). - D'accord. Nous allons

19 prendre les 30 minutes habituelles de pause maintenant.

20 L'audience, suspendue à 10 heures 15, reprend à 10 heures 50.

21 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

22 M. le Président (interprétation). – Bonjour.

23 Monsieur Martinovic, je vais vous demander de vous lever pour

24 donner lecture de la déclaration solennelle.

25 M. Martinovic (interprétation). – Je déclare solennellement que

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1 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 M. le Président (interprétation). – Merci. Veuillez vous

3 asseoir. Maître Radovic, vous avez la parole.

4 M. Radovic (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

5 Monsieur Martinovic, nous sommes tous bien réveillés maintenant. Nous

6 pouvons commencer, n'est-ce pas ?

7 M. Martinovic (interprétation). – Oui.

8 M. Radovic (interprétation). - Veuillez décliner votre identité,

9 nom, prénom, nom de votre père, votre date de naissance et votre adresse,

10 à l’intention des Juges.

11 M. Martinovic (interprétation). – Je m’appelle Marko Martinovic.

12 Je suis écrivain. Je suis né le 8 mars 1933. Mon père s'appelle Ivo. Je

13 suis né à Travnik et j'habite aujourd'hui à

14 Vitez.

15 M. Radovic (interprétation). - Vous dites être écrivain. Est-ce

16 que vous êtes membre d’une société littéraire ?

17 M. Martinovic (interprétation). – En fait, de deux. Je suis

18 membre de l'association des écrivains de Croatie.

19 M. Radovic (interprétation). - Quelle est l’autre association ?

20 M. Martinovic (interprétation). – Celle de Herzeg-Bosnja.

21 M. Radovic (interprétation). - En tant qu’écrivain, dites-moi

22 quel est le genre de littérature que vous produisez ?

23 M. Martinovic (interprétation). – J'écris surtout des nouvelles.

24 J'ai écrit de la poésie aussi, et des essais. Mais j'ai aussi fait du

25 journalisme.

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1 M. Radovic (interprétation). – Ces rapports et ce genre de

2 choses... Travaillez-vous surtout pour un journal ou pour les moyens de

3 communication électronique.

4 M. Martinovic (interprétation). – Je travaille surtout pour les

5 journaux, mais aussi pour une chaîne de télévision locale. Je leur soumets

6 des reportages.

7 M. Radovic (interprétation). – Ces reportages et articles de

8 presse que vous avez faits, fort bien. Mais en 1992, avez-vous travaillé

9 également au cours de la période précédant la guerre ? En 1993, avez-vous

10 travaillé après le début de la guerre ?

11 M. Martinovic (interprétation). – Mais j’ai travaillé aussi à la

12 poste. J’ai travaillé comme journaliste. J'ai surtout écrit sur des

13 questions de culture. J'ai enregistré ce que des gens intéressants avaient

14 à dire dans des villages. J'ai parlé des artisanats en péril, en voie

15 d’extinction. J'ai également présenté des émissions de variété ou des

16 programmes où il y a des échanges souvent courtois, la plupart du temps

17 courtois, entre Musulmans, Croates.

18 M. Radovic (interprétation). - Dans votre travail littéraire,

19 dans vos articles, est-ce que vous vous faites le partisan d'idées

20 particulières, ou est-ce que vous avez toujours écrit de

21 façon neutre à propos de questions politiques ?

22 M. Martinovic (interprétation). – Jamais je n'ai défendu de vues

23 politiques, bien sûr ! Si ce n'est lorsque quelque chose était surtout

24 dans l'intérêt du peuple croate, mais je n'ai pas de récits, de

25 reportages, d'articles, qui seraient de nature à semer la haine. Après la

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1 guerre, j'ai reçu un premier prix pour un livre de nouvelles que j'avais

2 publié. Toute la critique a été des plus flatteuses à mon égard. Les

3 critiques ont insisté sur ma bonté, sur mon humanisme, mais j'ai aussi

4 entendu des Musulmans dire qu'ils avaient aimé ce livre dans lequel je

5 parlais pourtant un peu de la guerre, mais surtout des tentatives visant à

6 établir un cessez-le-feu.

7 M. Radovic (interprétation). - Et visant à la réconciliation ?

8 M. Martinovic (interprétation). – Oui. Le livre s'appelle "Je

9 suis dans la cave" J'ai passé effectivement beaucoup de temps dans de

10 telles conditions.

11 M. Radovic (interprétation). – Connaissez-vous Mirjan

12 Kupreskic ?

13 M. Martinovic (interprétation). – Je le connais depuis

14 longtemps.

15 M. Radovic (interprétation). – Où avez-vous rencontré Zoran et

16 Mirjan Kupreskic ?

17 M. Martinovic (interprétation). – C’étaient des gens qui avaient

18 des activités culturelles. C'est à ce titre que je les ai rencontrés. Ils

19 travaillaient à la société culturelle SPS. Ils y dansaient.

20 M. Radovic (interprétation). - Et en 1991, après les élections ?

21 M. Martinovic (interprétation). – Je ne sais pas quelle était la

22 date, mais après c’est devenu la société culturelle de Vitez.

23 M. Radovic (interprétation). – Auparavant, dans la société

24 culturelle SPS, s'agissait-il d'une société mono ou multi-ethnique ?

25 M. Martinovic (interprétation). – La société SPS était multi-

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1 ethnique.

2 M. Radovic (interprétation). - Quand il y avait des

3 représentations de danse et de chant, est-ce qu’il n’y avait des

4 représentations que d’un groupe ethnique, ou est-ce que toutes les nations

5 et nationalités de l’ex-Yougoslavie s’y retrouvaient ?

6 M. Martinovic (interprétation). – Ils chantaient et dansaient un

7 peu de tout, de toutes les régions. Ils portaient aussi les costumes

8 régionaux de Slavonie, de Sumadija en Serbie.

9 M. Radovic (interprétation). – Portaient-ils parfois le fez ?

10 M. Martinovic (interprétation). – Tout à fait, s'il y avait le

11 costume de Bosnie dont faisait partie le fez.

12 M. Radovic (interprétation). - A la suite des élections de 1991,

13 avez-vous regagné un mouvement politique quelconque ? Je ne parle plus de

14 culture, mais de politique.

15 M. Martinovic (interprétation). – Je n'ai jamais eu d'activité

16 politique. Jusqu'à ce jour, je le répète, jamais je n'ai fait partie d'un

17 parti politique. Cependant, je suis un des fondateurs de la société

18 culturelle croate intitulée Napredak.

19 Cette question existait avant, mais elle a été interdite ?

20 M. Radovic (interprétation). - Jusqu'à quelle date a-t-elle

21 existé ?

22 M. Martinovic (interprétation). – Je vais essayer de vous

23 fournir des informations concises. C’est en 1902 que cette société

24 culturelle a été fondée.

25 M. Radovic (interprétation). - Au moment de l'empire austro-

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1 hongrois ?

2 M. Martinovic (interprétation). – A l'époque, il y avait quatre

3 sociétés culturelles. Une pour les Juifs, une pour les Musulmans, une pour

4 les Croates et une pour les Serbes. C'est ainsi que cela a été jusqu'en

5 1948, moment où toutes les sociétés ont été interdites. Toutes celles

6 liées à un groupe ethnique ont été bannies.

7 M. Radovic (interprétation). - Par la suite, elles ont connu une

8 renaissance. Qui a relancé la société Napredak ?

9 M. Martinovic (interprétation). – Bien sûr que je le sais,

10 puisque c’est moi, ainsi que Franjo Kurevija, le père Bojo Blajevic,

11 Slavko Pavlovic. Il y avait pas mal d’entre nous qui avaient constitué un

12 comité de relance du groupe. Il était ainsi possible de poursuivre ces

13 intérêts par le biais de la culture, et pas par celui des armes.

14 M. Radovic (interprétation). - Vous ai-je bien compris ? Avez-

15 vous été un des cofondateurs de cette société Napredak qui avait connu une

16 renaissance ?

17 M. Martinovic (interprétation). – Oui.

18 M. Radovic (interprétation). - En tant que nouveau fondateur

19 -vous n'étiez pas le fondateur initial puisque cette société a été fondée

20 en 1902-, à ce titre, avez-vous eu des contacts avec Zoran et Mirjan

21 Kupreskic ?

22 M. Martinovic (interprétation). – Oui. A plusieurs reprises.

23 M. Radovic (interprétation). – Avec Zoran ou avec Mirjan ?

24 M. Martinovic (interprétation). – Avec les deux.

25 M. Radovic (interprétation). - Fort bien.

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1 M. Martinovic (interprétation). – J'ai essayé de les attirer

2 vers la société Napredak.

3 M. Radovic (interprétation). – Pourquoi ?

4 M. Martinovic (interprétation). – Parce que c'étaient des

5 danseurs consommés. Il nous fallait des chorégraphes, des danseurs, des

6 musiciens. La société culturelle Napredak n'avait pas de tels experts.

7 Mais nous ne voulions pas que le folklore. Nous voulions aussi publier des

8 livres, d’histoire par exemple.

9 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez de cette société

10 culturelle et vous avez utilisé un sigle pour la désigner ?

11 M. Martinovic (interprétation). – Oui. Je l’ai utilisé, c’est le

12 KUD. Mais ces deux hommes ne voulaient pas rejoindre notre groupe. J’en ai

13 été désolé ; à plusieurs reprises, nous avons eu des discussions assez

14 vives, assez animées. Nous avons eu une représentation au cinéma,

15 organisée par Napredak. Nous leur avons demandé de danser, mais ils ne

16 voulaient pas le faire sous le titre de Napredak -cela s'est passé en

17 1992- puis je suis intervenu et ils ne voulaient danser mais ils ont dansé

18 en tant que membres de la société culturelle de Vitez. Ils ont travaillé

19 avec des Musulmans.

20 M. Radovic (interprétation). - Pourquoi ne voulaient-ils pas

21 faire partie de Napredak ?

22 M. Martinovic (interprétation). – Ils n'aimaient pas cette

23 scission qui avait été établie entre groupes nationaux, groupes ethniques,

24 car eux vivaient et travaillaient depuis au moins dix ans avec les autres

25 membres, les autres communautés, et c'est ce qu'ils aimaient. Ils ne

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1 voulaient pas faire partie d'un groupe mono-ethnique.

2 M. Radovic (interprétation). - Avaient-ils des activités

3 sociales avec des membres d'autres groupes ethniques ?

4 M. Martinovic (interprétation). – C'est certain. Jusqu'en 1993,

5 nous avions tous des activités sociales, moi aussi. J'aimais côtoyer les

6 autres artistes et, jusqu'aux premiers jours de la guerre, tout le monde

7 avait des rapports sociaux avec les autres.

8 M. Radovic (interprétation). - Vous souvenez-vous de la veille

9 de la guerre ? Nous allons supposer que la guerre a débuté le 16 avril. Je

10 parle donc de la journée du 15 avril 1993. Mais on ne vous demande pas

11 d'en parler très exactement.

12 M. Martinovic (interprétation). – J'étais dans le village et

13 j'ai enregistré une émission sur un métier. Ensuite, je suis retourné chez

14 moi. J'étais dans un café et j'ai vu un certain nombre de musiciens. J'ai

15 vu Mirjan. C'était à 4 ou 5 heures. C'était un café où environ cinq

16 personnes pouvaient rester. Ce n'était pas un grand café. Il y avait des

17 Musulmans et des Croates.

18 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'avec Mirjan, il y avait

19 également des Musulmans ?

20 M. Martinovic (interprétation). – Je pense que c'était

21 Fahran Ahmic, le batteur. C'est le 15 après-midi que je l'ai rencontré

22 avec Mirjan dans ce café.

23 M. Radovic (interprétation). - Savez-vous quelque chose sur

24 leurs activités, celles qu'ils ont développées après la guerre et au sein

25 de cette association artistique. Maintenant vous dites qu'il s'agissait de

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1 l'association Napredak et qu'il y en a pas d'autres.

2 M. Martinovic (interprétation). – Oui.

3 M. Radovic (interprétation). – Avez-vous suivi leurs activités ?

4 Est-ce qu'ils ont éventuellement engagé d'autres personnes d'autres

5 nationalités ?

6 M. Martinovic (interprétation). – Après la guerre, il y avait

7 cette association Napredak. La guerre a fait ce qu'elle a fait. Un certain

8 nombre de personnes étaient très actives et eux, notamment, ils se sont

9 beaucoup engagés pour étudier notre folklore. Actuellement, il y a des

10 Musulmans dans notre groupe folklorique.

11 M. Radovic (interprétation). - Y a-t-il des Serbes également ?

12 M. Martinovic (interprétation). – Oui.

13 M. Radovic (interprétation). – Y a-t-il des Roms ?

14 M. Martinovic (interprétation). – Oui. Il y a des Roms.

15 M. Radovic (interprétation). - Savez-vous quelque chose sur ce

16 qu'ils avaient fait au moment où ils avaient appris qu'un acte

17 d'accusation avait été dressé à leur encontre devant le Tribunal de

18 La Haye ?

19 M. Martinovic (interprétation). – Moi, j'avais le sentiment

20 suivant : tout de suite après la guerre, je dois dire que je les

21 fréquentais beaucoup plus qu'avant la guerre.

22 Au moment où nous avons appris que cet acte d'accusation était

23 dressé, nous étions dans un café. Une fois de plus…

24 M. Radovic (interprétation). - Où ailleurs que dans un café ?

25 Tout commence et tout se termine dans un café ! N'est-ce pas ?

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1 M. Martinovic (interprétation). – Oui. J'avais pris un certain

2 nombre de notes, de détails sur ce qui s'était passé au cours de la

3 guerre, et j'ai même un journal de guerre qui va certainement en dire

4 davantage pour moi-même et les autres.

5 Mais en ce qui concerne ces deux personnes dont nous parlons,

6 elles ont été surprises, bien évidemment. Moi, je les ai quelque peu

7 interrogées. J'ai un petit peu tâté le terrain pour en connaître un peu

8 plus au sujet d'Ahmici, mais je n'ai pas pu savoir véritablement grand

9 chose de leur propre bouche.

10 Ils ne voyaient pas, ni moi d'ailleurs, ce qu'ils auraient pu

11 faire pour subir de telles allégations.

12 M. Radovic (interprétation). - Pour vous-même, c'est pour cette

13 raison que vous avez pris des notes ?

14 M. Martinovic (interprétation). – Oui, ce qui m'intéressait,

15 c'était de connaître les divers détails pour écrire des récits sur des

16 personnages, etc.

17 M. Radovic (interprétation). – Y a-t-il des données précises

18 dans votre journal ?

19 M. Martinovic (interprétation). – Non. Au contraire, j'avais

20 plutôt l'impression qu'ils ne savaient strictement rien sur ce qui s'était

21 passé. C'est ce que je voulais dire. Je faisais en quelque sorte un

22 recueil d'informations.

23 M. Radovic (interprétation). – Je pense que vous avez également

24 eu l'idée de contacter quelqu'un, au nom du Tribunal de La Haye. Savez-

25 vous qu'eux-mêmes avaient pris un certain nombre de contacts pour venir

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1 ici, au Tribunal ?

2 M. Martinovic (interprétation). - Je ne sais pas qui ils ont

3 contacté eux-mêmes et même, je ne sais pas quelles démarches ils avaient

4 entreprises, mais je sais qu'ils étaient fâchés et pas contents de l'avoir

5 appris.

6 M. Radovic (interprétation). - Il y avait une lettre, je pense.

7 Est-ce que vous en savez quelque chose ?

8 M. Martinovic (interprétation). – Oui, je sais qu'il y avait une

9 lettre qu'ils ont écrite au Tribunal.

10 M. Radovic (interprétation). – Zvonko Cilic, le journaliste, les

11 a aidés, je pense, pour rédiger une lettre.

12 M. Martinovic (interprétation). – Je pense effectivement qu'il y

13 avait une lettre qu'ils avaient rédigée ensemble avec Zvonko Cilic.

14 C'était justement pour dire que ce n'était pas juste d'être accusés, etc.

15 M. Radovic (interprétation). - Vous souvenez-vous de la teneur

16 de cette lettre ?

17 M. Martinovic (interprétation). – Non.

18 M. Radovic (interprétation). – Pouvez-vous nous donner quand

19 même quelques précisions ?

20 M. Martinovic (interprétation). – Non, je ne m'en souviens pas.

21 M. Radovic (interprétation). - Vous qui lisez les journaux,

22 savez-vous ce qui s'est passé dans votre région ?

23 M. Martinovic (interprétation). – Le premier conflit m'a choqué.

24 M. Radovic (interprétation). – Vous voulez dire que vous-même,

25 vous n'avez rien remarqué avant le premier conflit ?

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1 M. Martinovic (interprétation). – Non, absolument pas.

2 A cette époque-là, j'ai travaillé à la Poste.

3 M. Radovic (interprétation). – Si vous utilisiez votre langage

4 littéraire, qu'est-ce que vous diriez pour Zoran et Mirjan ?

5 M. Martinovic (interprétation). – Moi, j'ai la facilité d'écrire

6 et je ne suis pas un orateur. En ce qui me concerne, ce sont des personnes

7 très chères. Ils ont une largeur d'horizon. Ils aiment l'art, il aiment

8 les humains.

9 Avec Zoran, par exemple, j'ai une expérience particulière. Au

10 moment où j'ai a su qu'il a été accusé, je lui avais prêté un certain

11 nombre de livres sur la philosophie orientale et la philosophie hindoue.

12 Il est catholique, mais il a quand même souhaité lire tous ces textes

13 portant sur la philosophie hindoue. C'est une première chose. On jouait

14 aussi au billard ensemble également.

15 M. Radovic (interprétation). – Pouvez-vous imaginer qu'il

16 s'agissait de personnes capables de tuer des hommes ?

17 M. Martinovic (interprétation). – C'est justement de cela que

18 j'ai parlé au moment où ils ont appris que l'acte d'accusation avait été

19 établi. Nous étions tous consternés, car je ne crois absolument pas que de

20 telles personnes puissent commettre de tels actes.

21 M. Radovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

22 C'est tout.

23 M. le Président (interprétation). - Merci.

24 M. Blaxill (interprétation). - Il n'y aura pas de contre-

25 interrogatoire de l'accusation.

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1 M. le Président (interprétation). – Fort bien. Pas de contre-

2 interrogatoire et pas de questions des Juges.

3 Monsieur Martinovic, merci.

4 Maître Radovic, je suppose que vous n'allez pas vouloir procéder

5 à un nouvel interrogatoire, puisqu'il n'y a pas eu de contre-

6 interrogatoire.

7 Monsieur Martinovic, merci d'être venu déposer devant nous. Vous

8 pouvez vous retirer.

9 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, nous

10 avions également envie de citer Tomo Alilovic, et malheureusement nous

11 n'avons plus d'autre témoin pour aujourd'hui.

12 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

13 M. le Président (interprétation). - Merci. Nous allons suspendre

14 les débats.

15 Je suppose que vous allez appeler les accusés à la barre des

16 témoins, mais à la fin ?

17 (Monsieur Radovic fait un signe affirmatif de la tête.)

18 Vous le savez, nous reprendrons nos débats le 3 mai.

19 Tout d'abord, nous entendrons les trois témoins de la Chambre.

20 Puis nous aurons des témoins cités par Me Krajina.

21 Etant donné que Me Krajina va commencer par le Président de la

22 Cour suprême de Bosnie-Herzégovine, je tiens à lui demander confirmation

23 de cela.

24 Cependant j'ai lu les deux arrêts ou jugements. Je les ai relus.

25 Nous attendrons les commentaires de sa part sur ces jugements.

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1 Je me demande dans quelle mesure nous avons vraiment besoin de

2 sa déposition. Tout est fonction des questions que vous avez l'intention

3 de lui poser.

4 Franchement, je pense que ces deux jugements n'ont aucune

5 pertinence pour nous. J'espère que vous n'allez pas demander à ce témoin

6 son avis à propos de la persécution telle qu'établie dans la jurisprudence

7 de Bosnie-Herzégovine, car ceci ne nous intéresse pas particulièrement.

8 Nous aurons à appliquer la notion de concept de persécution, tel

9 qu'établi par notre Statut et dans le droit international public.

10 Pourriez-vous me rappeler, une fois de plus, sur quels points

11 vous avez l'intention de poser des questions au Président de la Cour

12 suprême de Bosnie-Herzégovine lorsque vous allez le citer en mai ?

13 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, nous avons

14 déjà parlé de cela et nous avons donné nos motifs au moment où nous avons

15 proposé ce témoin. Nous avons donné les raisons pour lesquelles nous avons

16 considéré qu'il était indispensable et utile que ce témoin vienne ici.

17 C'est sur la base de toute cette argumentation que la Chambre

18 nous a accordé de citer ce témoin. S'il le faut, je peux compléter ce qui

19 a déjà été dit. Nous avons tout simplement essayé de faire un parallèle

20 entre la législation et le Code pénal en Bosnie-Herzégovine d'un côté, et

21 la législation internationale, notamment quand il s'agit de persécutions.

22 Le Président de la Cour suprême, de par sa fonction, connaît la

23 pratique en Bosnie-Herzégovine et il sait ce qui est indispensable, pour

24 et sur quoi repose l'acte de persécution, sur cet acte de persécution

25 également et à partir de cet acte d’accusation, les sentences qui

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1 s’ensuivent dans le code pénal de Bosnie-Herzégovine.

2 Nous avons considéré qu’il aurait été utile à la Chambre

3 également de connaître un peu plus ces éléments, ces éléments qui sont

4 recherchés pour prouver l'acte criminel, d'autant plus qu'il s'agit des

5 ressortissants de Bosnie-Herzégovine et pour éclaircir un certain nombre

6 de points, et surtout les problèmes de faits, mais le problème juridique

7 et le problème de droit.

8 Il est indispensable de se référer à la législation en vigueur

9 en Bosnie-Herzégovine. Compte tenu du fait qu’il s’agit de termes très

10 précis, de la notion de persécution, il nous a semblé indispensable de

11 citer à la barre le Président de la Cour suprême. Cela ne va pas nous

12 prendre beaucoup de temps, mais pourrait être très utile à cette Chambre.

13 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

14 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina, pour ce qui

15 est du Président de la Cour suprême, il sera autorisé à déposer, mais

16 uniquement, en ce qui concerne la pratique judiciaire des tribunaux de

17 Bosnie-Herzégovine en matière de persécution. Il faudrait que ce soit une

18 déposition brève et concise. Il nous incombera alors d'accorder -s'il y a

19 à accorder- la pertinence qui convient à cette question.

20 Vous savez qu'il nous faut appliquer notre Statut, le droit

21 coutumier international et nous avons pour obligation d'examiner, de tenir

22 compte de la pratique en ex-Yougoslavie, mais uniquement en ce qui

23 concerne le prononcé de l’établissement de la peine et ceci, en fonction

24 de l'article 24-1 de notre Statut.

25 J’espère vivement que vous allez vous en tenir à ces directives

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1 au moment où nous

2 entendrons le Président de la Cour suprême.

3 Est-ce qu’il y a d'autres questions qu'il conviendrait d'évoquer

4 avant que nous nous retrouvions le 3 mai ? Le Bureau du Procureur n’a rien

5 à dire ? Qu’en est-il du point de vue de la défense ? J’espère que les

6 conseils de la défense nous remettrons une liste des témoins qu’ils ont

7 l’intention d’appeler, pour la semaine du 3 mai, et que nous la recevrons

8 d’ici au 26 avril.

9 Nous voulons disposer de quelques jours pour nous préparer. Le

10 conseil de la défense procurera cette liste aux Juges et au Bureau du

11 Procureur vers le 26 avril.

12 Nous reprendrons nos débats le 3 mai à 9 heures et nous

13 appliquerons, à ce moment-là, l'horaire habituel de 9 heures à

14 13 heures 30.

15 L'audience est levée à 11 heures 20.

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