Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL  AFFAIRE N° IT-95-16-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mercredi 7 Juillet 1999

  4   L'audience est ouverte à 9 heures.

  5   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

  6   Mme Lauer. - Affaire IT-95-16-T, le Procureur contre

  7   Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic,

  8   Dragan Papic et Vladimir Santic.

  9   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Monsieur Vidovic,

 10   vous êtes déjà parmi nous, je le vois. Bonjour, veuillez vous lever pour

 11   donner lecture de la déclaration solennelle.

 12   M. Vidovic (interprétation). - Bonjour. Je déclare

 13   solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

 14   vérité.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez vous

 16   asseoir.

 17   Maître Pavkovic, vous avez la parole.

 18   M. Pavkovic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,

 19   Madame, Messieurs les Juges. Tout d'abord, permettez-moi de vous annoncer

 20   qu'un groupe de mes témoins est arrivé très tard hier soir vers

 21   22 heures 30 et que c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas pu

 22   prévoir leur comparution aujourd'hui.

 23   Ainsi donc, seul M. Vidovic déposera aujourd'hui.

 24   Bonjour Monsieur Vidovic.

 25   M. Vidovic (interprétation). - Bonjour.


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  1   M. Pakovic (interprétation). - Pouvez-vous, s'il vous plaît,

  2   vous présenter à la Chambre ?

  3   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  4   M. Pavkovic (interprétation). - Où êtes-vous né, quand êtes-vous

  5   né ?

  6   M. Vidovic (interprétation). - Je suis né à Vitez. J'y vis

  7   aujourd'hui dans le village de Pirici. Je suis menuisier de formation.

  8   J'ai suivi un stage et je travaille à Busovaca.

  9   M. Pavkovic (interprétation). – C'est au TKC* que vous avez été

 10   formé ?

 11   M. Vidovic (interprétation). - Oui, il s'agit de

 12   télécommunication.

 13   M. Par (interprétation). - Vous êtes né à Pirici ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 15   M. Par (interprétation). - Par rapport à ce que nous savons

 16   déjà, il existe Pirici-le-Bas et Pirici-le-Haut. Vous êtes d’où ?

 17   M. Vidovic (interprétation). - Je suis de Pirici-le-Bas, c'est

 18   là que je suis né et c'est là que je vis.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - Pourriez-vous, s'il vous plaît,

 20   attendre la fin de ma question avant de commencer à répondre, tout en

 21   laissant une pause entre la fin de ma question et le début de votre

 22   réponse ?

 23   S'il vous plaît, là dans ce bas Pirici, quelle est la

 24   composition ethnique qui y prévalait jusqu'au premier et deuxième conflit

 25   avec les Musulmans ?


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  1   M. Vidovic (interprétation). - C'était une population

  2   majoritairement croate .

  3   M. Pavkovic (interprétation). - Et dans le haut Pirici ?

  4   M. Vidovic (interprétation). – Là, c'étaient les Musulmans.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur Vidovic, nous allons

  6   nous intéresser aujourd'hui à deux sujets. Notamment, nous allons aborder

  7   la question des patrouilles villageoises et nous allons parler de votre

  8   départ à Kuber, votre séjour à Kuber, ainsi que tout ce qui s'est produit

  9   pendant cette période-là.

 10   En premier lieu, pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, ce que

 11   vous savez des patrouilles villageoises qui ont été organisées dans le bas

 12   Ahmici, excusez moi à Pirici ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - Cela était organisé par les

 14   villageois.

 15   M. Pavkovic (interprétation). - Et pour quelle raison a-t-on

 16   organisé les patrouilles villageoises ?

 17   M. Vidovic (interprétation). - A cause de la population serbe

 18   qui habitait dans un village en amont du nôtre.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - Pourquoi à cause de la

 20   population serbe ?

 21   M. Vidovic (interprétation). - Parce qu'ils avaient déjà

 22   commencé à lancer des attaques contre des villages croates et musulmans.

 23   La guerre avait déjà commencé. Ils s'emparaient du pouvoir et ainsi de

 24   suite.

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel


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  1   moment cela s'est produit ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - Je ne connais pas la date exacte,

  3   mais les gens se sont organisés eux-mêmes par village dans chaque village.

  4   M. Pavkovic (interprétation). – Etait-ce en 1992, la deuxième

  5   moitié de l'année ?

  6   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  7   M. Pavkovic (interprétation). - Très bien. Alors dites-moi

  8   comment se sont organisées ces patrouilles villageoises ? Y avait-il une

  9   personne en charge qui était responsable ? Qui a ordonné que cela se

 10   fasse ? Pouvez-vous nous le décrire un peu dans le détail ?

 11   M. Vidovic (interprétation). - Pour autant que je sache, il n'y

 12   avait pas de responsable. Les villageois se sont mis d'accord entre eux et

 13   nous montions la garde ensemble avec les Musulmans.

 14   M. Pavkovic (interprétation). - Pendant ces tours de garde,

 15   portiez-vous des armes ?

 16   M. Vidovic (interprétation). - Non, mais les patrouilles que

 17   nous venions relever nous remettaient des armes. Il y avait deux fusils,

 18   pour autant que je m'en souvienne ,pour nous les villageois croates, deux

 19   carabines M48.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Vous aviez des armes alors ?

 21   Seulement, vous n'emportiez pas ces armes à la maison, mais à chaque

 22   moment où il y avait relève, vous rendiez vos armes ? En fait, vous les

 23   remettiez à la nouvelle équipe ?

 24   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Combien de temps duraient vos


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  1   tours de garde lorsque vous en étiez chargé ? Combien de temps restiez

  2   vous de garde ?

  3   M. Vidovic (interprétation). - Cela durait deux heures pour tout

  4   le monde.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Et que faisiez-vous pendant tout

  6   ce temps là ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Eh bien, on faisait un tour du

  8   village, des maisons.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - En parlant de ces patrouilles,

 10   vous nous avez dit qu'à l'époque les Musulmans montaient la garde ensemble

 11   avec vous.

 12   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 13   M. Pavkovic (interprétation). - Autrement dit, à un moment

 14   ultérieur, il y a eu une séparation de ces patrouilles.

 15   M. Vidovic (interprétation). - Oui, cela s'est produit lorsque

 16   les Musulmans ont dressé un barrage sur la route principale Vitez -

 17   Busovaca. Ils ont d'abord monté un poste de contrôle à la gare

 18   autoroutière, en face de la maison d'Ahmic Mehmet et Papic Ivo.

 19   Par la suite, le lendemain, ils ont déplacé cela à l'endroit où

 20   se trouve le cimetière croate. C'est à 150... 200 mètres. C'est là qu'ils

 21   ont creusé. Ils ont creusé et installé des obstacles sur la route et ils

 22   contrôlaient la circulation. Ils arrêtaient tous ceux qui passaient sur la

 23   route.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Et pourquoi ont-ils installé ces

 25   obstacles, ces postes de contrôle, le savez-vous ?


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  1   M. Vidovic (interprétation). - A l'époque, personne n'en

  2   connaissait la raison.

  3   M. Pavkovic (interprétation). - Et quelles étaient les relations

  4   à l'époque entre les Croates et les Musulmans ?

  5   M. Vidovic (interprétation). - Eh bien, jusqu'à ce moment-là,

  6   ces relations étaient bonnes.

  7   A partir du mois d'octobre 1992, à partir du moment où ils ont

  8   dressé ce poste de contrôle...

  9   M. Pavkovic (interprétation). - Donc ils ont installé ce

 10   barrage. Pour contrôler qui ?

 11   M. Vidovic (interprétation). - Tous les véhicules qui passaient

 12   étaient obligés de s'arrêter, ils ne pouvaient pas passer librement, que

 13   ce soit un véhicule ou un piéton.

 14   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que cela révoltait ou

 15   mécontentait les Croates ?

 16   M. Vidovic (interprétation). - Oui, parce qu'il y avait là des

 17   maisons habitées, des enfants. S'il y avait eu un incident, ils auraient

 18   été pris pour cible.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - On peut donc dire que les

 20   relations se dégradaient entre les Croates et les Musulmans.

 21   M. Vidovic (interprétation). - Oui, ils se sont mis à nous

 22   éviter un petit peu.

 23   M. Pavkovic (interprétation). - Parlant de ces patrouilles, à

 24   partir du moment où elles se sont séparées, vous étiez de garde d'un côté,

 25   eux de l'autre. J'aimerais savoir comment ils étaient équipés, eux,


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  1   comment ils étaient armés. Est-ce qu’ils organisaient leur tour de garde ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - Oui, leur commandement se

  3   trouvait à l'école du village d'Ahmici. C'est là qu'ils avaient une

  4   station radio, un émetteur, et s'agissant des armes, ce sont les réfugiés

  5   venus de Jajce et de Krajina qui leur ont apporté des armes parce qu'ils

  6   avaient déjà été en guerre contre les Serbes là-bas. Et ils étaient mieux,

  7   considérablement mieux armés que nous.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Je voudrais aborder un autre

  9   sujet à présent.

 10   Le deuxième sujet que je souhaite aborder aujourd'hui concerne

 11   Kuber. Devant cette Chambre, il a été déjà beaucoup question de Kuber.

 12   J'essaierai d'éviter la répétition.

 13   Que savez-vous de Kuber et de l'organisation des gardes à

 14   Kuber ?

 15   M. Vidovic (interprétation). - Moi, je m'y suis rendu pour une

 16   première fois et j'ai été surpris : je ne savais pas ce qui se passait là-

 17   bas. Donc je ne l'ai appris qu'une fois que j'y suis arrivé.

 18   M. Pavkovic (interprétation). - Quand vous êtes-vous rendu alors

 19   à Kuber ?

 20   M. Vidovic (interprétation). - Avant le conflit pour trois ou

 21   quatre jours. Il me semble que c'était le 13. Un ami est venu et voilà.

 22   M. Pavkovic (interprétation). - Vous dites "avant le conflit".

 23   Quel conflit ?

 24   M. Vidovic (interprétation). - Avant le deuxième conflit.

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Vous avez dit que vous êtes


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  1   parti vers le 13. Le 13 de quel mois ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - 13 avril.

  3   M. Pavkovic (interprétation). - Quelle année ?

  4   M. Vidovic (interprétation). - 1993.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Ainsi donc le 13 avril 1993 vous

  6   êtes parti à Kuber ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Et dites-moi, en compagnie de

  9   qui êtes-vous allé à Kuber ?

 10   M. Vidovic (interprétation). - J'étais chez moi. Un ami,

 11   Zarko Kristo est venu et il m'a demandé si je souhaitais partir avec lui à

 12   Kuber. Nous étions de très bons amis. A l'époque, je n'étais pas obligé

 13   d'y aller, mais puisque je sais que c'est très beau là-haut et comme nous

 14   étions amis, je lui ai dit qu'effectivement je souhaitais y aller avec

 15   lui.

 16   M. Pavkovic (interprétation). - Vous dites que vous n'étiez pas

 17   obligé d'y aller ?

 18   M. Vidovic (interprétation). - Je ne savais pas qu'on y allait

 19   et je n'avais pas été informé qu'il fallait y aller. Tout simplement, un

 20   collègue, un ami est venu me voir et me l'a demandé.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Les autres personnes qui y sont

 22   allées avec vous étaient obligées d'y aller ?

 23   M. Vidovic (interprétation). - Les gens se sont organisés eux-

 24   mêmes pour y aller.

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Mais pourquoi allait-on à


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  1   Kuber ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - C'était un village serbe là-bas

  3   et les gens avaient peur qu'ils ne fassent quelque chose.

  4   M. Pavkovic (interprétation). - Les Musulmans se rendaient-ils à

  5   Kuber ?

  6   M. Vidovic (interprétation). - Oui, ils étaient à une distance

  7   de 100 à 150 mètres de nous.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Vous vous y rendiez ensemble ?

  9   M. Vidovic (interprétation). - Non, nous empruntions la route

 10   jusqu'à Nadioci et nous montions par la suite en traversant Nadioci,

 11   Kratina, etc.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Revenons au 13, le jour où

 13   Zarko Kristo est venu vous voir et où vous êtes partis en direction de

 14   Kuber. Vous vous êtes rassemblés à un endroit. Où ?

 15   M. Vidovic (interprétation). - Dans le village de Nadioci. Il y

 16   avait un magasin là-bas et nous avons acheté des produits alimentaires et

 17   puis nous avions déjà emporté des choses de chez nous à manger.

 18   M. Pavkovic (interprétation). - Aviez-vous des armes ?

 19   M. Vidovic (interprétation). - Nous n'avions pas d'armes, c'est

 20   là que nous les avons trouvées.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce qu'une personne

 22   quelconque d'entre vous, le jour en question où vous êtes allé à Kuber,

 23   portait des armes sur elle ?

 24   M. Vidovic (interprétation). - Non.

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que l'un quelconque


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  1   d'entre vous avait un équipement militaire ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - Non, il y en a peut-être eu

  3   quelques uns qui avaient un pantalon.

  4   M. Pavkovic (interprétation). - Qui sont les personnes qui se

  5   sont rassemblées le jour en question à Nadioci, dans ce magasin qui est en

  6   fait une brasserie ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Nous étions 12 à 15. Vous

  8   souhaitez que je donne les noms ?

  9   M. Pavkovic (interprétation). - Si vous arrivez à vous rappeler

 10   les noms de quelques personnes.

 11   M. Vidovic (interprétation). - Oui. Mon ami Zarko Kristo,

 12   Ivica Plavcic, Stipica Grgic, un autre Stipica Grgic, Ivo Pranjkovic,

 13   Zeljo Livancic, Mirko Livancic, Anto Santic, Mirko Vidovic, surnommé

 14   Pitola.

 15   M. Pavkovic (interprétation). - Ivan Pranjkovic y était-il ?

 16   M. Vidovic (interprétation). - Oui, j'ai déjà dit son nom.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Oui, excusez moi. Vous êtes donc

 18   parti là-haut sans y avoir été contraint ?

 19   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Avez-vous demandé à votre ami

 21   combien de temps vous alliez rester là-bas ?

 22   M. Vidovic (interprétation). - Oui, je lui ai posé cette

 23   question, il m'a dit 7 jours.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Donc, ces tours de garde

 25   duraient ce nombre de jours ?


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  1   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Essayons d'accélérer. Ainsi

  3   donc, vous êtes parti, vous vous êtes organisé, vous avez pris de la

  4   nourriture et vous êtes parti en direction de Kuber ?

  5   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  6   M. Pavkovic (interprétation). - Pendant combien de temps avez-

  7   vous marché jusque là-bas ?

  8   M. Vidovic (interprétation). - Une heure et demie, deux heures.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - A pied ?

 10   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 11   M. Pavkovic (interprétation). - Auriez-vous pu prendre une

 12   voiture ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - Non, on ne pouvait pas circuler

 14   en voiture.

 15   M. Pavkovic (interprétation). - Arrivé à Kuber, où vous êtes-

 16   vous installé ?

 17   M. Vidovic (interprétation). - Il y avait deux maisons de

 18   campagne là-haut.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - Qui appartenaient à qui ?

 20   M. Vidovic (interprétation). - L'une appartenait à quelqu'un qui

 21   s'appelle Samija et l'autre probablement à quelqu'un qui est de sa

 22   famille.

 23   M. Pavkovic (interprétation). - Et qui avez-vous trouvé sur

 24   place ?

 25   M. Vidovic (interprétation). - Des gens, des villageois, je ne


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  1   me rappelle pas exactement qui j'ai vu.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - C'étaient des gens qui montaient

  3   la garde avant vous ?

  4   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Vous êtes venu les relever ?

  6   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  7   M. Pavkovic (interprétation). - A ce moment-là, ils vous ont

  8   remis des armes ?

  9   M. Vidovic (interprétation). - Oui. Ivo Pranjkovic et Zeljo

 10   Livancic ont accusé réception de tout cela. Et ils nous ont remis les

 11   armes, ainsi que tout ce qui se trouvait là-haut.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Parlant des armes, pouvez-vous

 13   nous préciser de quoi il s'agissait ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Il y avait un Kinez, un fusil-

 15   mitrailleur, des fusils, des fusils anciens M48, un fusil antiaérien, puis

 16   un fusil russe Spagin, et puis des fusils automatiques.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que chacun d'entre vous a

 18   accusé réception d'une arme à ce moment-là ?

 19   M. Vidovic (interprétation). - Non, les cuisiniers n'avaient pas

 20   d'armes.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Et vous-même vous avez accusé

 22   réception d'une arme ?

 23   M. Vidovic (interprétation). - Non, parce que je n'avais pas été

 24   prévu là-bas. Il y avait autant de personnes que d'armes. Moi, il n'était

 25   pas prévu que je m'y rende.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce qu'il y avait un émetteur

  2   sur place ?

  3   M. Vidovic (interprétation). - Oui, mais il ne fonctionnait pas.

  4   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce qu'il y avait d'autres

  5   appareils de communication ?

  6   M. Vidovic (interprétation). - Non, peut-être un téléphone... En

  7   fait, il y avait un coursier.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - Vous n'aviez aucun moyen d'être

  9   en contact avec le village ?

 10   M. Vidovic (interprétation). - Non, seulement par le truchement

 11   du coursier.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Quand vous parlez du coursier,

 13   qui était-il, que faisait-il ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Eh bien, si quelque chose se

 15   produisait, il fallait qu'il puisse mettre en garde les villageois, qu'ils

 16   soient, eux, sur leur garde.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - A présent, je souhaite dire

 18   quelques mots au sujet de ces gardes, de ces tours de garde, à Kuber.

 19   Combien de temps restiez-vous de garde ? Qui ? A quel moment ? Etc..

 20   Dites-moi, les tours de garde se passaient de jour comme de nuit ?

 21   M. Vidovic (interprétation). - Non, pas le jour, puisque nous

 22   étions tous debout, éveillés, ensemble. Et puis, la nuit, on montait la

 23   garde par deux pendant deux heures.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Et vous étiez ensemble jusqu'à

 25   quelle heure ?


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  1   M. Vidovic (interprétation). - Jusqu'à 10 heures du soir, toute

  2   la journée.

  3   M. Pavkovic (interprétation). - Par la suite, donc il y avait

  4   des tours de garde qui duraient deux heures chacun par deux hommes ?

  5   M. Vidovic (interprétation). - Oui, cela commençait à 10 heures

  6   du soir.

  7   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce qu'il y avait une

  8   personne qui était chargée d'organiser ces tours de garde ?

  9   M. Vidovic (interprétation). - Oui, c'était Ivo Pranjkovic et

 10   Zeljo Livancic.

 11   M. Pavkovic (interprétation). - Ils étaient chefs d'équipe, on

 12   peut le dire comme ça ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - Oui, ce sont eux qui nous

 14   répartissaient. Voilà !

 15   M. Pavkovic (interprétation). - S'il vous plaît, pourriez-vous

 16   attendre la fin de ma question, patienter un petit moment et ne commencer

 17   votre réponse qu'à ce moment-là.

 18   A partir de 10 heures du soir, commencent les tours de garde qui

 19   durent chacun deux heures ?

 20   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Pendant que les uns montent la

 22   garde, où se trouvent les autres ?

 23   M. Vidovic (interprétation). - Les autres sont dans l'une des

 24   deux maisons de campagne qui étaient sur place ; ils dormaient.

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Et que se trouvait-il dans


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  1   l'autre maison ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - C'était comme une cuisine, c'est

  3   là qu'on préparait à manger.

  4   M. Pavkovic (interprétation). - Où montiez-vous la garde dans la

  5   nuit du 15 au 16 avril 1993 ?

  6   M. Vidovic (interprétation). - Autour de ces maisons de

  7   campagne, il y avait un chemin qui débouchait là et c'est uniquement ce

  8   chemin qui permettait d'atteindre ces maisons de campagne.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - C'est à quelle distance de

 10   l'endroit où dormaient les autres ?

 11   M. Vidovic (interprétation). - C'est à 40 mètres environ.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - A l'endroit où vous montiez la

 13   garde, vous étiez debout, immobile, ou bien vous marchiez ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Nous nous déplacions autour de

 15   ces maisons de campagne et, parfois, nous nous arrêtions un petit peu sur

 16   le chemin.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Vous voyiez bien la maison où

 18   dormaient les autres depuis cet endroit ?

 19   M. Vidovic (interprétation). - Oui, on voyait tout.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Pendant la nuit du 15, vous

 21   souvenez-vous du moment où, vous, vous avez monté la garde ?

 22   M. Vidovic (interprétation). - Entre 2 heures et 4 heures du

 23   matin.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Donc du matin, n'est-ce pas,

 25   entre 2 heures et 4 heures du matin ?


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  1   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  2   M. Pavkovic (interprétation). - Vous montiez la garde donc le 16

  3   au matin, entre 2 heures et 4 heures, n'est-ce pas ?

  4   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Vous souvenez-vous en compagnie

  6   de qui vous étiez ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Avec Zarko Kristo, c'était tout

  8   le temps mon compagnon.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - Quand vous êtes-vous couché

 10   cette nuit-là ?

 11   M. Vidovic (interprétation). - Vers 10/11 heures.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Vous souvenez-vous où se

 13   trouvait Zeljo Livancic à ce moment-là ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Lui et Ivo Pranjkovic... Zeljo a

 15   monté la garde jusqu'à 10 heures ou minuit et Ivo Pranjkovic a repris la

 16   garde à ce moment-là lorsque l'autre s'est couché.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Etant donné qu'ils étaient chefs

 18   d'équipe, qu'Ivo Pranjkovic était son remplaçant en quelque sorte, ils

 19   surveillaient les gardes, n'est-ce pas ?

 20   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Donc, Zeljo Livancic était

 22   debout et de garde jusqu'à minuit ?

 23   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Vous vous êtes couché un peu

 25   plus tôt, n'est-ce pas ?


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  1   (Le témoin acquiesce.)

  2   Lorsqu'on vous a réveillé à 2 heures du matin, avez-vous vu

  3   Zeljo Livancic à ce moment-là ?

  4   M. Vidovic (interprétation). - Oui, son lit se trouvait à côté

  5   du mien.

  6   M. Pavkovic (interprétation). - Lorsque vous êtes rentré à

  7   4 heures, avez-vous vu Zeljo Livancic et où se trouvait-il ?

  8   M. Vidovic (interprétation). - Il se trouvait au même endroit,

  9   endormi, là où je l'avais laissé dans cette maison de campagne.

 10   M. Pavkovic (interprétation). - Vous vous êtes couché vers

 11   4 heures du matin ?

 12   M. Vidovic (interprétation). – Oui, après avoir monté la garde.

 13   M. Pavkovic (interprétation). - Et quand vous êtes-vous réveillé

 14   ce matin là ?

 15   M. Vidovic (interprétation). - Vers 5 heures et demie, 6 heures.

 16   On se levait toujours à la même heure.

 17   M. Pavkovic (interprétation). - Vous tous ?

 18   M. Vidovic (interprétation). - Oui, on prenait tous notre café à

 19   cette heure-ci.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - L'avez-vous vu, Zeljo Livancic,

 21   lorsque vous vous êtes levé ?

 22   M. Vidovic (interprétation). - Oui, il était avec nous, il a

 23   pris son café avec nous.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - On parle à présent du

 25   16 avril 1993. Donc vous êtes en train de prendre votre café du matin.


Page 10113

  1   Quand les tirs ont-ils commencé à Kuber ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - Vers 10 heures.

  3   M. Pavkovic (interprétation). – Qui tirait en direction de qui ?

  4   M. Vidovic (interprétation). - On était là, on plaisantait, on

  5   prenait notre petit déjeuner et un obus est tombé à une quinzaine de

  6   mètres de la maison de campagne, mais c'était heureusement de l'autre

  7   côté. Donc on n'a pas été blessés, uniquement le toit était un peu

  8   endommagé. On a été quelque peu étonnés.

  9   On ne savait pas ce qui se passait, jusqu'au moment où les

 10   Musulmans ont commencé à tirer sur nous. On était surpris, personne ne

 11   savait de quoi il s'agissait, et puis l'attaque à commencé. On s'est

 12   défendus, nous nous sommes déployés sur place et nous nous sommes retirés,

 13   chacun faisait comme il pouvait jusqu'au village de Kratine.

 14   M. Pavkovic (interprétation). - Donc, suite aux tirs que vous

 15   avez entendus, vous vous êtes déployés ? Où vous trouviez-vous ?

 16   M. Vidovic (interprétation). - Je me trouvais en bas de la

 17   maison de campagne avec un ami qui avait un fusil. Je ne pouvais pas

 18   sortir, il était trop tard.

 19   M. Pavkovic (interprétation). - Avez-vous riposté lorsque les

 20   Musulmans ont commencé ?

 21   M. Vidovic (interprétation). - Oui, tout le monde tirait.

 22   M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que quelqu'un était

 23   blessé à ce moment-là ?

 24   M. Vidovic (interprétation). - Mirko Livancic a été tué à cette

 25   occasion et Stipica Grbic aussi ; on a perdu toute trace d'eux.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). – Qu'est-ce qui s'est passé par la

  2   suite ?

  3   M. Vidovic (interprétation). - On n'avait plus de munitions et

  4   on se retirait vers Kratine ; les habitants nous ont accueillis là-bas.

  5   M. Pavkovic (interprétation). - Donc le conflit a commencé vers

  6   10 heures ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  8   M. Pavkovic (interprétation). - A quelle heure vous êtes-vous

  9   retiré vers Kratine ?

 10   M. Vidovic (interprétation). - Nous nous sommes retrouvés vers

 11   6 heures, 7 heures du soir à Kratine.

 12   M. Pavkovic (interprétation). - Avez-vous revu Zeljo Livancic ce

 13   jour-là, vers 6 heures, 7 heures ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Oui, lorsque nous nous sommes

 15   tous retrouvés à Kratine.

 16   M. Pavkovic (interprétation). - L'avez-vous vu à Kuber après

 17   10 heures du matin, après les premiers tirs ?

 18   M. Vidovic (interprétation). - Je l'ai vu lorsque j'ai entendu

 19   des tirs et, après, comme chacun occupait une position spéciale, je ne

 20   l'ai plus revu. Il y avait des buissons, donc je ne pouvais pas le voir.

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Vous l'avez revu pour la

 22   première fois à Kratine, le soir de ce jour-là ?

 23   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 24   M. Pavkovic (interprétation). - Où l'avez-vous vu ?

 25   M. Vidovic (interprétation). - Près de la maison de Jerko Bralo.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Avez-vous discuté avec lui ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - Je lui ai posé la question :

  3   "Est-ce que tout le monde est resté en vie ?". Et c'est à ce moment-là que

  4   j'ai appris que deux d'entre nous n'étaient plus là. On a perdu leur

  5   trace.

  6   M. Pavkovic (interprétation). - Dans la nuit du 16, les conflits

  7   ont-ils aussi eu lieu ?

  8   M. Vidovic (interprétation). - On n'a rien entendu, je ne sais

  9   pas.

 10   M. Pavkovic (interprétation). - Vous étiez à Kratine à ce

 11   moment-là ?

 12   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 13   M. Pavkovic (interprétation). - Les habitants du village vous

 14   ont accueillis ?

 15   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 16   M. Pavkovic (interprétation). - Il s'agit du 16 au soir, donc

 17   pendant cette nuit-là y a-t-il eu des conflits ?

 18   M. Vidovic (interprétation). - Oui, lorsque nous sommes

 19   descendus dans le village, on entendait des tirs de tous les côtés.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Que savez-vous de Zeljo

 21   Livancic ? Que lui est-il arrivé par la suite ?

 22   M. Vidovic (interprétation). - Le lendemain, nous avons établi

 23   une ligne juste au-dessus du village pour les empêcher d'entrer dans le

 24   village. J'ai entendu dire que Zeljo avait été tué. Je ne l'ai revu qu'au

 25   moment où on a transporté son corps.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Quand a-t-il été tué ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - Le 17.

  3   M. Pavkovic (interprétation). - Donc le 17. Monsieur Vidovic, à

  4   quelle distance se trouve Kuber du village d'Ahmici ?

  5   M. Vidovic (interprétation). - 4 à 5 kilomètres.

  6   M. Pavkovic (interprétation). – Peut-on rejoindre Ahmici en

  7   voiture par un autre moyen de transport ?

  8   M. Vidovic (interprétation). - Non, on ne peut pas rejoindre

  9   Ahmici en voiture, on ne peut prendre la voiture que jusqu'à Nadioci.

 10   M. Pavkovic (interprétation). - Ma dernière question sera la

 11   suivante. Vous avez dit que, depuis votre position de garde, vous pouviez

 12   bien voir la maison de campagne où dormaient vos compagnons ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 14   M. Pavkovic (interprétation). - Etait-il possible que Zeljo

 15   Livancic qui dormait, d'après ce que vous nous avez dit, lorsque vous vous

 16   êtes rendu pour monter la garde, qu'il sorte de cette maison sans que vous

 17   vous en aperceviez ?

 18   M. Vidovic (interprétation). - Non, ce n'était pas possible, non

 19   seulement lorsqu'il s'agit de Zeljo mais des autres aussi.

 20   M. Pavkovic (interprétation). - Pourquoi personne ne pouvait

 21   sortir ?

 22   M. Vidovic (interprétation). - Surtout la nuit ! Dans la

 23   journée, on était tous ensemble. La nuit, on ne pouvait pas circuler et on

 24   pouvait voir chaque mouvement dès que quelqu'un bougeait, on le voyait.

 25   M. Pavkovic (interprétation). - Merci, je n'ai plus de


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  1   questions. Merci, Monsieur le Président. Je souhaiterais, Monsieur le

  2   Président, dire que mes collègues Par et Susak poursuivront

  3   l'interrogatoire du témoin.

  4   M. le Président (interprétation). - Vous voulez parler de

  5   contre-interrogatoire ?

  6   M. Pavkovic (interprétation). - Oui.

  7   M. le Président (interprétation). - Merci.

  8   Maître Par ?

  9   M. Par (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je

 10   serai très bref.

 11   Monsieur Vidovic, aujourd'hui, lorsque vous avez cité les noms

 12   des personnes qui vous accompagnaient à Kuber, vous avez cité également

 13   Mirko Vidovic surnommé Pitola. Est-ce exact ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 15   M. Par (interprétation). - Pouvez-vous nous donner plus

 16   d'informations sur cette personne ? Quel âge a-t-il ?

 17   M. Vidovic (interprétation). - C'est mon cousin. Il était avec

 18   nous, il restait en vie au moment où nous étions à Kratine. Après, il

 19   s'est rendu vers la ligne de défense dans son village, la guerre avait

 20   déjà commencé.

 21   M. Par (interprétation). - Si vous pouvez juste nous donner ces

 22   éléments, les éléments le concernant, ses données personnelles... Est-il

 23   mort ?

 24   M. Vidovic (interprétation). - Oui, dans le village de

 25   Buhine Kuce. Lui, son frère, l'épouse de son frère et leur fils.


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  1   M. Par (interprétation). - Quand ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - C'était au moment où Buhine Kuce

  3   est tombée. Il a été massacré.

  4   M. Par (interprétation). - Quel âge avait-il à l'époque ?

  5   M. Vidovic (interprétation). - 40-45 ans.

  6   M. Par (interprétation). - Où habitait-il auparavant ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - A Buhine Kuce.

  8   M. Par (interprétation). - Je n'ai plus de questions, merci.

  9   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,

 10   Maître Par.

 11   Maître Susak ?

 12   M. Susak (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

 13   serai très bref.

 14   Monsieur Vidovic, vous avez dit que vous êtes né à Donje Pirici,

 15   Pirici-le-Bas.

 16   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 17   M. Susak (interprétation). - Vous avez dit également que le

 18   16 avril 93, vous vous trouviez à Kuber.

 19   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 20   M. Susak (interprétation). - Connaissez-vous Drago Josipovic ?

 21   M. Vidovic (interprétation). - Oui, c'est mon voisin.

 22   M. Susak (interprétation). - Drago Josipovic est de Santici et

 23   vous, vous êtes de Pirici.

 24   M. Vidovic (interprétation). - Oui, mais nos maisons se trouvent

 25   à une distance de 500 mètres environ.


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  1   M. Susak (interprétation). - Savez-vous où se trouvait

  2   Drago Josipovic pendant le premier conflit, à savoir le 20 octobre 92 ?

  3   M. Vidovic (interprétation). - Je ne sais pas où se trouvait

  4   Drago Josipovic durant le premier conflit.

  5   M. Susak (interprétation). - Avez-vous entendu parler de

  6   Drago Josipovic le 16 avril 1993 ? Saviez-vous où il se trouvait ? En

  7   avez-vous entendu parler ?

  8   M. Vidovic (interprétation). - Je ne le sais pas, mais j'ai

  9   entendu dire que... Les gens du bureau de la Défense venaient frapper à la

 10   porte, alors on m'a dit qu'il s'était dirigé vers Rovna.

 11   M. Susak (interprétation). - Quel âge a votre père ?

 12   M. Vidovic (interprétation). - Mon père est né en 39.

 13   M. Susak (interprétation). - Connaissez-vous Nenad Santic ?

 14   M. Vidovic (interprétation). - Si c'est bien la personne à

 15   laquelle je pense, c'est quelqu'un qui travaillait à la station-service à

 16   Vitez.

 17   M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'il y travaillait

 18   immédiatement avant la guerre ? Est-ce qu'il s'y trouvait le 15 avril 93 ?

 19   M. Vidovic (interprétation). - Je ne sais pas, mais probablement

 20   oui parce qu'il y travaillait.

 21   M. Susak (interprétation). - Avez-vous discuté avec lui, le

 22   connaissez-vous ?

 23   M. Vidovic (interprétation). - Oui, c'était quelqu'un de bavard.

 24   M. Susak (interprétation). - Donc vous le connaissez.

 25   Monsieur le Président, je n'ai plus de questions pour le témoin.


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  1   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

  2   Maître Puliselic ?

  3   M. Puliselic (interprétation). - Monsieur le Président, je

  4   souhaiterais juste poser une question au témoin, si c'est possible.

  5   M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

  6   M. Puliselic (interprétation). - Monsieur Vidovic, pouvez-vous

  7   nous dire si vous aviez un surnom ?

  8   M. Vidovic (interprétation). - Oui, Acko.

  9   M. Puliselic (interprétation). - Je vous remercie. Je n'ai plus

 10   de questions.

 11   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 12   Maître Terrier ?

 13   M. Terrier. - Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Témoin,

 14   mon nom est Franck Terrier. Je suis l'un des représentants de l'accusation

 15   dans ce procès. Je vais vous poser quelques questions.

 16   Vous nous avez dit tout à l'heure que vous habitiez Pirici-le-

 17   bas. Est-ce que vous pouvez préciser exactement où se trouve ou où se

 18   trouvait votre maison ? Quels étaient vos voisins ?

 19   M. Vidovic (interprétation). - Oui. Ma maison se trouve au bord

 20   de la route principale. Avant l'entrée dans le village d'Ahmici, ma maison

 21   se trouve à une centaine de mètres si on vient dans le village en

 22   provenance de Vitez, peut-être même moins.

 23   M. Terrier. - Monsieur le Témoin, quelle était votre profession

 24   à l'époque ? Vous nous avez dit qu'aujourd'hui, vous êtes menuisier, mais

 25   à l'époque, quelle était votre profession ?


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  1   M. Vidovic (interprétation). - Je venais de terminer mes études

  2   et je n'avais pas encore d'emploi. Avant la guerre, j'entends.

  3   M. Terrier. - Avez-vous suivi une formation professionnelle qui

  4   vous destinait à une profession particulière ?

  5   M. Vidovic (interprétation). - Oui. Après la guerre, un

  6   séminaire a été organisé à Vitez et j'ai obtenu une autre qualification

  7   plus tard, un autre diplôme.

  8   M. Terrier. - Vous nous avez dit que votre surnom est Acko. Quel

  9   est le nom de votre père ?

 10   M. Vidovic (interprétation). - Simun.

 11   M. Terrier. - Donc quand quelqu'un parle de Andljelko Vidovic,

 12   fils de Simun, autrement appelé Acko, c'est bien de vous qu'il s'agit ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 14   M. Terrier. - Avez-vous un ou des frères ?

 15   M. Vidovic (interprétation). - J'ai un frère et trois soeurs.

 16   M. Terrier. - Pouvez-vous indiquer le prénom de votre frère ?

 17   M. Vidovic (interprétation). - Vinko Vidovic.

 18   M. Terrier. - Quelles étaient les activités de Vinko à

 19   l'époque ? Je parle du mois d'octobre 92 au mois d'avril 93. Quelles

20   étaient les activités de votre frère Vinko à cette époque-là ?

 21   M. Vidovic (interprétation). - Comme tout le monde.

 22   M. Terrier. - Je suis obligé de vous demander de préciser tout

 23   de même.

 24   M. Vidovic (interprétation). - Ce qu'il faisait, comme tous les

 25   autres, il était déployé sur la ligne.


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  1   M. Terrier. - Vous voulez dire qu'il n'avait pas de profession

  2   dans le cadre civil mais qu'il avait des activités militaires ?

  3   M. Vidovic (interprétation). - Oui, probablement. Je ne suis pas

  4   sûr.

  5   M. Terrier. - Comment cela, vous n'êtes pas sûr ? Vous êtes

  6   nécessairement sûr ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Oui, moi je me trouvais à Kuber

  8   sur la ligne et on ne se voyait que rarement.

  9   M. Terrier. - Est-ce qu'il est exact de dire que vous, comme

 10   votre frère Vinko, vous n'aviez pas d'activité civile, mais vous étiez

 11   occupés à titre militaire pendant cette période qui va d'octobre 1992 à

 12   avril 1993 et au-delà bien entendu ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - J'étais mobilisé pendant la

 14   guerre, et j'allais à Kuber. Donc je suis devenu soldat.

 15   M. Terrier. - Pouvez-vous dire quand vous avez été mobilisé ?

 16   M. Vidovic (interprétation). - Au moment où la guerre a

 17   commencé, les circonstances l'ont voulu.

 18   M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez préciser l'époque ou même

 19   la date à laquelle vous avez été mobilisé ?

 20   M. Vidovic (interprétation). - Le jour, c'était la date quand

 21   les Musulmans nous ont attaqués à Kuber.

 22   M. Terrier. - Donc vous avez été mobilisé le 16 avril 1993 ?

 23   M. Vidovic (interprétation). - Oui, c'est exact.

 24   M. Terrier. - Mais depuis au moins le 13 avril 1993, vous aviez

 25   une activité militaire puisque vous montiez la garde sur une ligne de


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  1   front, est-ce bien exact ?

  2   M. Vidovic (interprétation). - On s'était organisés nous-mêmes.

  3   Il ne s'agissait pas de mobilisation au sens propre.

  4   M. Terrier. - Est-il exact dans ces conditions de dire, Monsieur

  5   le Témoin, que la notion de mobilisation est une notion purement formelle

  6   mais qu'en réalité elle n'a rien changé sur le terrain ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.

  8   M. Terrier. - Je vais passer à une autre question. Est-ce que

  9   vous connaissez Zeljo Vidovic ?

 10   M. Vidovic (interprétation). - Non.

 11   Oui, je connais une personne qui porte ce nom-là. Il a un frère,

 12   Bruno, et c'est un boulanger à Vitez. C'est mon cousin.

 13   M. Terrier. - Pardonnez-moi, Zeljo Vidovic est votre cousin,

 14   c'est bien cela ?

 15   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

 16   M. Terrier. - Est-ce que vous savez où il se trouvait le

 17   16 avril 1993, votre cousin Zeljo Vidovic ?

 18   M. Vidovic (interprétation). - Vous parlez de Zeljo Vidovic ?

 19   M. Terrier. - Zeljo Vidovic, où se trouvait-il le

 20   16 avril 1993 ?

 21   M. Vidovic (interprétation). - Je ne sais pas. Il habite à Vitez

 22   et moi, j'habite ailleurs. Je me trouvais à Kuber, je ne sais même pas où

 23   se trouvaient mes parents et encore moins où il se trouvait lui.

 24   M. Terrier. - Vous nous avez dit, Monsieur le Témoin, que le

 25   13 avril 1993, par amitié pour votre ami Zarko Kristo et parce que Kuber


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  1   est un bel endroit, vous êtes allé monter la garde, mais vous n'aviez pas

  2   d'uniforme et vous n'aviez pas d'armes car vous étiez en surnombre. J'ai

  3   bien compris vos déclarations ?

  4   Vous nous avez dit qu'à Kuber étaient responsables

  5   Zeljo Livancic et Ivo Pranjkovic ?

  6   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  7   M. Terrier. - A quel titre ces deux personnes étaient-elles

  8   responsables ? S'agissait-il de soldats ?

  9   M. Vidovic (interprétation). - Ils étaient comme nous. Mais

 10   chaque village avait un président de la communauté locale, et c'est cette

 11   personne-là qui décidait des tâches confiées aux hommes. Personne n'avait

 12   d'uniforme. Pas eux.

 13   M. Terrier. - Pouvez-vous préciser, Monsieur le Témoin, quelles

 14   étaient les responsabilités d'un président de la communauté locale ?

 15   M. Vidovic (interprétation). - Quelle que soit la tâche, la

 16   mission, qu'il s'agisse de la construction d'une route, c'est lui qui

 17   décidait, c'était lui le responsable dans les villages j'entends, dans le

 18   village duquel il était responsable.

 19   M. Terrier. - C'était la situation de Zeljo Livancic ?

 20   M. Vidovic (interprétation). - Oui, lorsqu'il s'agit de Kuber.

 21   M. Terrier. - Monsieur le Témoin, est-ce qu'avant d'aller au

 22   mois d'avril 1993 à Kuber, vous aviez subi un entraînement à caractère

 23   militaire ?

 24   M. Vidovic (interprétation). - Non, je n'ai même pas fait de

 25   service militaire dans l'ancienne armée.


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  1   M. Terrier. - Je vous pose cette question parce qu'un témoin,

  2   Mirsad Ahmic, a déposé devant le juge d'instruction de Zenica le

  3   9 novembre 1994 et a dit que plusieurs mois avant le conflit, vous et

  4   votre frère Vinko, vous avez suivi un entraînement militaire à Celiste, à

  5   Nadioci.

  6   Qu'est-ce qu'il y a de drôle à cela ?

  7   M. Vidovic (interprétation). - Je n'ai jamais entendu parler

  8   d'une localité portant le nom Celiste ! Il n'y a pas eu d'entraînement.

  9   Mon frère a fait son service militaire dans l'ancienne Armée yougoslave,

 10   mais moi je n'ai même pas fait mon service militaire.

 11   M. Terrier. - Vous est-il arrivé de vous rendre avant le

 12   16 avril 1993 au Bungalow ? Vous connaissez le Bungalow ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - Oui, je sais où se trouve le

 14   Bungalow. Mais je ne m'y rendais pas.

 15   M. Terrier. - Vous avez parlé tout à l'heure des événements du

 16   20 octobre 1992. Où étiez-vous le 20 octobre 1992 ?

 17   M. Vidovic (interprétation). - Vous pensez à la date à laquelle

 18   le conflit a commencé ? Je n'ai pas très bien compris.

 19   M. Terrier. - Vous avez parlé de ce qui s'est passé le

 20   20 octobre 1992, à Ahmici, le premier conflit. Je vous demande où vous

 21   étiez ce jour-là.

 22   M. Vidovic (interprétation). - J'étais chez moi, une explosion

 23   m'a réveillé le matin.

 24   M. Terrier. - Qu'avez-vous fait au cours de cette journée ? Est-

 25   ce que vous avez pris part aux événements ?


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  1   M. Vidovic (interprétation). - Non, puisque je ne savais pas ce

  2   qui se produisait. Le poste de contrôle était un peu plus loin par rapport

  3   à ma maison là où le conflit à éclaté

  4   M. Terrier. - Je vous pose cette question parce qu'un témoin

  5   Salih Ahmic a déclaré au juge d'instruction de Zenica le 20 décembre 1994,

  6   vous avoir vu vous, Andjelko Vidovic, alias Acko, fils de Simun, tirer sur

  7   la maison de Mehmed Ahmic et mettre ainsi en danger sa famille.

  8   Mme Glumac (interprétation). - S'il vous plaît, Monsieur le

  9   Président, ce que je n'arrive pas à savoir, c'est de quel témoin il

 10   s'agit. Quels sont les témoins que cite Monsieur le Procureur ? Nous ne

 11   les avons pas entendus et il vient de mentionner un Ahmic, on n'a même pas

 12   pu saisir le prénom de cet Ahmic, en disant qu'il aurait déclaré telle ou

 13   telle chose. Je ne sais pas d'où il tire ces informations. Ce ne sont pas

 14   des témoins qui ont été cités à comparaître ici, pendant la présentation

 15   des moyens de preuve jusqu'à présent. Nous ne sommes pas en mesure de

 16   suivre les questions du Procureur, s'il vous plaît.

 17   M. Terrier. - Monsieur le Président je reconnais qu'il y a là

 18   une question de méthode, mais aussi une difficulté pour l'accusation.

 19   Il se trouve que nous avons évidemment des témoins qui, sur des

 20   questions tout à fait périphériques par rapport à l'accusation, sans citer

 21   par exemple l'un ou l'outre des accusés, mentionnent le témoin, le témoin

 22   qui vient aujourd'hui. Et il se trouve que ces déclarations de témoins

 23   sont tout à fait contradictoires avec ce que les témoins qui ont déposé

 24   par écrit, sont tout à fait contradictoires avec ce que dit ici le témoin.

 25   Alors, je me conformerai bien entendu aux directives du Tribunal, mais je


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  1   ne sais pas très bien comment procéder. Est-ce que nous devons remettre

  2   ces déclarations ? Est-ce que nous devons nous interdire d'évoquer ces

  3   déclarations écrites dont nous disposons ? Est-ce que nous devons

  4   auparavant les remettre à la défense ? C'est un point de méthode. Je

  5   conviens qu'il existe, je conviens qu'il peut y avoir une difficulté pour

  6   la défense dans la méthode que je suis à cet instant, et pour cette

  7   raison-là, je me conformerai aux directives de la Cour.

  8   J'ai plusieurs déclarations écrites de témoins que nous n'avons

  9   jamais communiquées il est vrai à la défense, car elles ne se rapportent

 10   pas directement à la situation des accusés, mais qui évoquent très

 11   précisément le témoin et son comportement dans des termes tout à fait

 12   différents de ce qu'il a dit lui-même au Tribunal. Je me conformerai à vos

 13   directives.

 14   (Les Juges se consultent sur le Siège.)

 15   M. le Président. - Nous considérons que comme il s'agit de

 16   déclarations que vous n'avez pas remises, si j'ai bien compris, à la

 17   défense, donc, il faudrait éviter, il faut éviter de mentionner ces

 18   déclarations, mais vous pourriez peut-être utiliser des informations que

 19   vous tirez de ces déclarations pour poser des questions au témoin pour

 20   contester des faits au témoin, et parce que nous considérons que les

 21   questions que vous allez poser ou que vous avez posées en effet peuvent

 22   être pertinentes pour ce qui est de la crédibilité du témoin. Mais donc,

 23   il faut éviter de citer une déclaration ou le nom de quelqu'un que vous

 24   avez interviewé à l'époque.

 25   M. Terrier. - En fait Monsieur le Président, il y a trois types


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  1   de déclarations que j'entends, dans le cadre de ce contre-interrogatoire,

  2   opposer au témoin. Il y a des déclarations qui ont été faites ici devant

  3   le Tribunal sous serment. Pas de difficulté bien entendu. Il y a des

  4   déclarations écrites de témoins qui ont été communiquées à la défense,

  5   dans le cadre de l'article 66. Certains de ces témoins sont venus mais

  6   n'ont pas évoqué la situation particulière de ce témoin, car il n'y avait

  7   pas de raison de le faire. Et ce sont des déclarations dont dispose la

  8   défense, et il y a effectivement des déclarations dont la défense ne

  9   dispose pas. Donc je me conforme aux directives du Tribunal pour ce qui

 10   concerne les déclarations dont la défense n'a pas connaissance.

 11   M. le Président. - Merci.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me

 13   le permettez, je tiens à préciser un point pour savoir quelle est

 14   l'attitude que nous devons adopter à l'avenir. Il y aura un certain nombre

 15   de problèmes puisqu'il y a des déclarations qui effectivement ont été

 16   communiquées à la défense, mais ces témoins n'ont pas comparu, ils n'ont

 17   pas déposé devant la Chambre. Ainsi donc, nous n'avons pas eu la

 18   possibilité de les contre-examiner, de les contre-interroger et nous

 19   n'avons pas pu contester un certain nombre de faits. Par conséquent, si

 20   l'accusation pose un certain nombre de questions, cherchant à dire que ce

 21   témoin a affirmé des choses alors que ce témoin n'a pas déposé ici, n'a

 22   pas été contre-interrogé et que sa déclaration ait été communiquée à la

 23   défense, à en juger d'après l'exposé du Procureur, c'est quand même très

 24   contestable de lui autoriser la possibilité de citer ces éléments.

 25   Donc nous estimons qu'effectivement il peut se servir de toutes


Page 10129

  1   les informations dont il dispose dans les déclarations, mais sans citer

  2   ces témoins et ces déclarations comme il vient de le faire. D'ailleurs la

  3   défense n'a pas le droit d'agir de la sorte.

  4   M. Terrier. - Monsieur le Président, je suis un peu surpris il

  5   me semble que donner le nom de la personne qui a fait la déclaration,

  6   c'est-à-dire citer la source à laquelle je me réfère, est une garantie

  7   pour la défense. Elle peut de cette manière-là vérifier les questions que

  8   je pose et le bien-fondé des questions que je pose. Il me semble que citer

  9   le nom, dès lors qu'ils ont le document à leur disposition, est pour eux

 10   une garantie. Bon, s'ils ne souhaitent pas disposer de cette garantie, je

 11   me conformerai à ce souhait, mais il me semble que c'est une garantie.

 12   Par ailleurs, il y a le problème que n'évoque pas Me Glumac, du

 13   témoin qui a été entendu par le Tribunal, mais qui a fait plusieurs

 14   déclarations écrites et qui dans ces déclarations écrites, a évoqué des

 15   faits qui n'ont pas été évoqués au cours de l'audience. Ces témoins

 16   évidemment n'ont pas été invités chacun à répéter tout ce qui se trouvait

 17   dans leur déclaration écrite, ils n'ont été invités à répéter que ce qui

 18   était utile à l'époque au procès, c'est-à-dire grosso modo les

 19   informations dont ils disposaient concernant les accusés mais non pas

 20   concernant toutes les personnes qui sont intervenues à un titre ou l'autre

 21   au cours de ces événements.

 22   Donc il me semble que pour garantir réellement les droits de la

 23   défense, qu'elle puisse vérifier la source à laquelle je me réfère, dès

 24   lors qu'ils disposent de cette source, que cette déclaration leur a été

 25   communiquée, il me semble utile que je puisse donner le nom.


Page 10130

  1   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne peux

  2   absolument pas accepter ce que vient d'affirmer le Procureur, avant tout

  3   pour la raison suivante : nous ne savons pas si le témoin que cite le

  4   Procureur devant cette Chambre, déclarerait la même chose que ce qu'il a

  5   dit devant le Tribunal de Zenica. Si on cherchait à suivre ce que vient

  6   d'affirmer le Procureur, à savoir qu'il faut faire confiance à ce qu'a dit

  7   le témoin devant le juge d'enquête de Zenica, alors, (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   Donc s'agissant de la déclaration préalable, il faudrait que ce

 11   témoin l'a confirme. Tant que nous n'avons pas la possibilité d'interroger

 12   ce témoin, afin de savoir s'il s'agit d'un témoin fiable et crédible ou

 13   non, le Procureur ne peut pas citer des documents et pour affirmer sur la

 14   base de ces témoins, de ces papiers que ce qui est dit est fiable et

 15   crédible. Nous nous opposons donc à cette ligne d'interrogatoire et nous

 16   estimons qu'il a violé le principe de la publicité et nous estimons que le

 17   Procureur cite des éléments pour lesquels personne ne sait si ces éléments

 18   auraient été confirmés devant la Chambre ou non. Je vous demande donc de

 19   ne pas autoriser le Procureur de poursuivre de la sorte puisque nous

 20   n'avons aucun moyen d'établir la fiabilité et la crédibilité de ces

 21   témoins, car il s'agit des témoins qui viennent du territoire musulman et

 22   qui de toute manière ne souhaitent pas prendre contact avec nous. Ce sera

 23   tout.

 24   M. Terrier. - Monsieur le Président, si vous me le permettez une

 25   observation sur ce que vient de dire Me Radovic.


Page 10131

  1   Maître Radovic vient de dire que j'affirme certains faits sur la

  2   base de documents qui ne sont pas soumis à l'examen contradictoire des

  3   parties. Je n'affirme rien, je ne fais que poser des questions en

  4   soumettant au témoin des déclarations qui sont contraires aux siennes. La

  5   vérité, je l'espère, viendra de cette confrontation faite à l'audience et

  6   devant les Juges.

  7   Par ailleurs, je pense que le fait que la défense dispose de

  8   documents écrits relatant les déclarations que j'évoque est une garantie

  9   que le contradictoire n'est pas mis en cause de ce point de vue.

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée) Il se trouve que si l'on suivait la position de Me Radovic et de

 20   Me Glumac, il faudrait, chaque fois qu'un témoin de l'accusation comparait

 21   devant le Tribunal, l'interroger sur tout ce qu'il a vu de manière à tout

 22   prévoir de ce qu'il peut après s'en suivre.

 23   Je pense qu'il faut garder raison, il faut permettre aux

 24   contradictoires de s'exercer, il faut que la défense puisse examiner de

 25   manières contradictoires les documents que l'accusation évoque, mais, si


Page 10132

  1   je considère qu'effectivement il y a un problème lorsque j'évoque ici dans

  2   le cadre de l'interrogatoire une pièce dont la défense n'a pas

  3   connaissance, là je reconnais qu'il y a un problème.

  4   Je pense que lorsque j'évoque une pièce qui a été communiquée à

  5   la défense il y a plusieurs mois, je suis dans le cadre du débat

  6   contradictoire et je ne porte pas atteinte aux droits de la défense.

  7   (Les Juges se consultent sur le Siège.)

  8   M. le Président. - Reprenons donc les trois catégories dont

  9   Me Terrier nous a parlé. Il va sans dire que pour ce qui est de la

 10   catégorie des personnes qui ont été entrevues par l'accusation, et pour

 11   lesquelles l'accusation n'a pas passé à la défense de déclarations, le

 12   Procureur ne peut pas poser des questions en citant la personne qui a été

 13   interviewée.

 14   On a déjà décidé que vous allez, Maître Terrier, vous borner à

 15   poser des questions, à contester des faits, sans citer toutefois la source

 16   de vos informations parce qu'en effet il s'agit de documents que la

 17   défense ignore parce qu'elle n'a pas eu la possibilité d'examiner ces

 18   documents.

 19   Autre catégorie, la catégorie des documents qui concernent les

 20   témoin pour lesquels on a passé à la défense les déclarations et qui ont

 21   été cités ici, donc qui ont été l'objet du contre-interrogatoire, même si

 22   le contre-interrogatoire n'a pas porté sur les faits ou les éléments que

 23   le Procureur souhaite soulever ici. Donc il a le droit de poser ces

 24   questions.

 25   Maître Terrier a raison, il ne peut pas, chaque fois qu'on cite


Page 10133

  1   un témoin, lui poser toute une série de questions en songeant qu'à

  2   l'avenir... Autrement, il faudrait revenir sur la question. Il a donc le

  3   droit de poser la question.

  4   Maintenant, que va-t-on faire pour ce qui est de la troisième

  5   catégorie, donc une personne pour laquelle, Me Terrier, l'accusation a

  6   passé les déclarations à la défense ; mais la défense, comme le témoin n'a

  7   pas été cité, n'a pas eu la possibilité de contre-interroger la personne.

  8   Nous considérons que Me Terrier a le droit de poser des

  9   questions en citant aussi la source. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas

 10   d'éléments de preuve. C'est-à-dire qu'il va citer une déclaration et non

 11   pas la preuve donnée par le témoin en salle d'audience. La déclaration

 12   n'est pas un élément de preuve, c'est une source qui peut être contestée ;

 13   donc qu'elle a la valeur qu'elle a, donc une valeur qui va être évaluée

 14   par la Cour à la lumière de la preuve qui se forme à l'audience. Dans ce

 15   système de contre-interrogatoire, la preuve se forme à l'audience. Ce

 16   n'est pas une preuve qui existe avant.

 17   Donc nous considérons qu'à la lumière de tout cela, Me Terrier,

 18   et l'accusation, a le droit de poser des questions parce que la défense

 19   doit comprendre la valeur limitée de la référence qu'on va faire à une

 20   déclaration écrite d'une personne qui n'a pas témoignée.

 21   Comme elle n'a pas témoigné, la personne n'a pas témoigné, nous

 22   considérons bien qu'il s'agit d'un élément, de quelque chose qui n'a pas

 23   la valeur d'un élément de preuve, mais qui peut être très utile pour

 24   contester des faits ; et je crois que, là aussi, je suis d'accord avec

 25   Me Terrier, cela en effet constitue aussi une garantie pour la défense. Du


Page 10134

  1   fait qu'on cite une déclaration spécifique émanant d'une personne dont la

  2   défense connaît le nom et tous les éléments, la défense a des éléments de

  3   garantie.

  4   Maître Radovic ?

  5   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, nous ne

  6   nous attendions pas à ce que la décision de la Chambre soit comme vous

  7   venez de l'énoncer. Il s'agit là d'un point que nous avons contesté et

  8   nous allons utiliser notre droit de déposer une requête à ce sujet.

  9   M. le Président (interprétation). - D'accord, merci.

 10   Maître Par ?

 11   M. Par (interprétation). - Une question, si vous me le

 12   permettez, concernant votre décision. Ce que je ne comprends pas au sujet

 13   de ces déclarations de la troisième catégorie que vous venez d'énoncer,

 14   c'est si cela veut dire que M. le Procureur peut citer cette déclaration

 15   en en lisant une partie uniquement par rapport au témoin qu'il est en

 16   train d'interroger et non pas par rapport au reste du contenu de ces

 17   déclarations ?

 18   Je ne sais pas si je suis suffisamment clair. Nous avons

 19   aujourd'hui un exemple. On souhaite présenter au témoin une partie d'une

 20   déclaration. S'agit-il uniquement de la partie qui concerne ce témoin qui

 21   est présent ici, ou bien peut-on rentrer dans le reste du contenu de cette

 22   déclaration ?

 23   M. le Président. - Ce que nous avons décidé, c'est que le

 24   Procureur peut poser une question, peut contester un fait, un témoin en

 25   disant : "Ecoutez, quelqu'un d'autre -et il cite le nom, et il peut même


Page 10135

  1   lire un passage de la déclaration- affirme que ce jour-là vous étiez

  2   ailleurs", par exemple, je ne sais pas, à Pirici au lieu d'être à Kuber.

  3   On cite un fait, et voilà. Le témoin -et cela c'est l'élément de preuve-

  4   peut dire oui ou non, peut contester ce fait ou dire "Oui, c'est vrai".

  5   Donc l'élément de preuve qui se forme à l'audience résulte, découle de ce

  6   que le témoin dit. La contestation de la part du Procureur d'un fait

  7   spécifique avec citation de la source de ce fait a pour but de pousser le

  8   témoin à dire ce qu'il sait, donc à dire oui ou non ou à donner sa version

  9   des faits.

 10   M. Par (interprétation). - Je vous ai bien compris, mais je ne

 11   sais pas si j'ai moi-même été assez clair. Ainsi donc, au moment où

 12   Me Terrier cite cela, est-ce qu'il peut dire : "Ce témoin a dit au sujet

 13   de vous, Monsieur Vidovic, telle ou telle chose" ? Ou bien M. Terrier

 14   peut-il dire la chose suivante : "Ce témoin a déclaré dans ses

 15   déclarations telle ou telle chose sur telle ou telle personne" ? Autrement

 16   dit, peut-il uniquement citer des choses s'agissant concrètement du

 17   témoin ?

 18   M. le Président. – Oui, seulement le témoin, oui bien sûr, parce

 19   que c'est une contestation précise qui a pour but, je le répète, d'amener

 20   le témoin à se prononcer sur un fait qui peut être contesté.

 21   Vous comprenez bien la différence entre la valeur probante de la

 22   déclaration de cette personne qui n'a pas été citée et qui donc n'est pas

 23   venue à la Cour, qui n'a pas été contre-interrogée, et la valeur de preuve

 24   de ce que le témoin qui est là peut dire sur le même fait. Il y a une

 25   différence quand même.


Page 10136

  1   M. Par (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

  2   Président. Je me conformerai à votre décision.

  3   M. le Président – Merci. Maître Terrier ?

  4   M. Terrier. – Merci, Monsieur le Président.

  5   Monsieur le Témoin, puis-je avoir votre attention ? Avez-vous

  6   pris part aux événements du 20 octobre 1992 à Ahmici étant armé ? Avez-

  7   vous tiré sur des maisons ? Avez-vous agi militairement ce jour-là à

  8   Ahmici ?

  9   M. Vidovic (interprétation). - Non.

 10   M. Terrier. – Monsieur le Témoin, avez-vous, après le

 11   20 octobre 1992 et pendant quelques jours, tenu un point de contrôle à

 12   l'entrée d'Ahmici étant armé et en uniforme ?

 13   M. Vidovic (interprétation). - Non. Il y avait là uniquement ...

 14   (L'interprète signale qu'elle n'a pas compris le nom de

 15   famille.)

 16   ... et comme il n'était pas présent, je gardais leur maison, moi

 17   et mon père. Et ma mère aussi devait traire leurs vaches, tant qu'ils

 18   étaient absents.

 19   M. Terrier. – Avez-vous effectué cette garde étant en uniforme

 20   et armé ?

 21   M. Vidovic (interprétation). - Non, puisqu'à l'époque, je

 22   n'avais ni fusil ni aucune autre arme, ni uniforme.

 23   M. Terrier. – Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que le

 24   13 avril 1993, vous êtes donc allé à Kuber, et que, dans la nuit du 15 au

 25   16 avril, vous avez été de garde de 2 à 4 heures du matin, qu'à 4 heures


Page 10137

  1   du matin vous êtes allé vous coucher, que vous vous êtes réveillé vers 5

  2   ou 6 heures et que vous avez été attaqué vers 10 heures. J'ai bien compris

  3   vos déclarations ?

  4   M. Vidovic (interprétation). - Oui.

  5   M. Terrier. – Est-ce que lorsque vous vous êtes réveillé entre

  6   5 heures 30 et 6 heures, vous avez entendu le bruit du "conflit" qui avait

  7   lieu à Ahmici à ce moment-là ?

  8   M. Vidovic (interprétation). - Non, rien d'autre que cet obus

  9   qui est tombé sur nous. Nous ne pouvions rien voir en bas puisque le

 10   brouillard était très dense, voilà.

 11   M. Terrier. – Je ne parlais pas de voir, Monsieur le Témoin,

 12   mais d'entendre. Le brouillard ne devait pas vous empêcher d'entendre ce

 13   qui se passait à Ahmici.

 14   M. Vidovic (interprétation). - On n'entendait rien et personne

 15   ne nous a informés de rien.

 16   M. Terrier. – Monsieur le Témoin... Je vous demande une seconde,

 17   Monsieur le Président. Monsieur le Président, je vais évoquer le nom de

 18   certains témoins qui ont déposé ici et qui ont été protégés, donc je pense

 19   que nous devrions passer en audience à huis clos. Peut-être peut-on

 20   suspendre ?

 21   M. le Président. - Oui, en effet. Je crois comprendre que vous

 22   avez beaucoup d'autres questions. Donc un certain nombre de questions.

 23   M. Terrier. – La plupart se référant à des témoignages protégés.

 24   M. le Président. – Alors on va procéder à huis clos, mais peut-

 25   être que cela vaudrait la peine de faire maintenant une pause de


Page 10138

  1   30 minutes et ensuite, lorsqu'on recommencera, on passera à huis clos.

  2   Parfait.

  3   L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 11 heures

  4   Audience à huis clos partiel.

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


Page 10139

  1  

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 12   Pages 10139 à 10147 – expurgées – audience à huis clos partiel.

 13  

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 20  

 21  

 22   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. En

 23   l'absence d'autres questions, nous pouvons lever l'audience jusqu'à demain

 24   matin 9 heures.

 25   L'audience est levée à 11 heures 20.