Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-16-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 LE PROCUREUR

4 C/

5 KUPRESKIC

6 Mardi 13 juillet 1999

7 L'audience est ouverte à 9 heures 05.

8 Mme Lauer. – Affaire IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran

9 Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan

10 Papic et Vladimir Santic.

11 M. Terrier. – Monsieur le Président ?

12 M. le Président. – Oui, Maître Terrier ?

13 M. Terrier. – Je me suis simplement aperçu que le livre de

14 Mme Bringa n'a pas reçu de numéro et n'a pas été versé au dossier du

15 Tribunal ; je souhaite que cela soit fait, Monsieur le Président.

16 M. le Président. – Oui, quel est le numéro ?

17 Mme Lauer. – Ce livre prendra le numéro 374 des pièces du

18 Procureur.

19 M. le Président. – Merci.

20 (L'orateur continue en anglais.)

21 Maître Radovic ?

22 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, nous avons

23 préparé la requête contre une décision prise par la Chambre et, comme

24 cette requête sera liée à un certain nombre de nos autres propositions, je

25 vais vous demander de bien vouloir me permettre de verser cela au dossier.

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1 M. le Président (interprétation). – Oui, mais ce n'est pas à

2 nous qu'il faut remettre ce document. S'il s'agit d'un appel, il faut

3 déposer cet appel auprès du Greffe, en tant que tel. Et je suppose qu'à ce

4 moment-là, ce document sera transmis, en vertu de l'application de tel ou

5 tel article, à trois juges qui vont décider s'il y a un appel motivé.

6 Je vous remercie, Maître Radovic. Nous allons poursuivre le

7 contre-interrogatoire qui était mené par Me Pasaric. Mais, Maître Pasaric,

8 avant que vous ne commenciez, je vais vous demander d'énoncer des

9 questions claires et distinctes.

10 M. Pasaric (interprétation). – Bonjour, Madame le Témoin.

11 Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

12 Je vais essayer de grouper les questions. C'est grâce au Bureau

13 du Procureur que j'ai pu avoir également le transcript de la cassette

14 vidéo et j'ai essayé de me préparer pour poser les questions ; ainsi, je

15 pense que le témoin pourra me répondre très brièvement.

16 Je voudrais simplement quand même me référer à quelques

17 questions de caractère général. Nous en avons parlé quelque peu hier du

18 contexte dans le cadre duquel les Croates et les Musulmans étaient

19 effectivement des alliés contre les Serbes au début de la guerre. Par

20 conséquent, c'est juste pour donner le contexte général.

21 Dans votre livre, dites-vous qu'au cours de la Deuxième Guerre

22 mondiale le gouvernement croate se trouvait du côté des forces de l'Axe,

23 tuait les Serbes, les Musulmans ? Est-ce que vous en parlez en détail ?

24 Est-ce que cela voulait dire que les Croates et les Musulmans n'étaient

25 pas en conflit pendant la Deuxième Guerre mondiale ? Est-ce que vous

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1 pouvez nous donner des précisions à ce sujet-là ?

2 Mme Bringa (interprétation). – Je vais parler de la région que

3 je connais le mieux, celle de Bosnie centrale. A ma connaissance, il n'y a

4 pas eu de combats opposant Croates et Musulmans dans cette région, sauf si

5 les Musulmans ou les Croates...

6 M. Radovic (interprétation). – Nous ne recevons pas la

7 traduction.

8 M. le Président (interprétation). – Apparemment, il n'y a pas

9 d'interprétation vers le serbo-croate. Est-ce qu'on va recommencer ? Est-

10 ce que vous entendez, Maître Radovic ? Il y a un problème de canal.

11 Veuillez poursuivre, Professeur Bringa. Excusez-nous de cette

12 interruption.

13 Mme Bringa (interprétation). – Eh bien, aujourd'hui, je ne

14 parlerai que de la région que je connais le mieux, celle de la Bosnie

15 centrale. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'affrontement entre Croates

16 et Musulmans de Bosnie. Ils se sont trouvés de part et d'autre du conflit

17 au moment de la Deuxième Guerre mondiale, sauf au moment où des soldats se

18 sont rangés du côté des partisans, à savoir les Musulmans et les Serbes et

19 les Croates dans le camp adverse. Mais il y a aussi des Croates qui ont

20 combattu parmi les partisans dans ce village particulier. Il y a eu des

21 combats dans les collines, mais il n'y a pas eu d'affrontement dans les

22 villages.

23 M. Pasaric (interprétation). - Si je vous pose cette question,

24 c'est qu'un témoin musulman nous a expliqué son engagement au HVO, au

25 cours de cette guerre, parce que son père avait combattu au cours de la

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1 Deuxième Guerre mondiale ensemble avec des Croates. Par conséquent, il y

2 avait quelques alliances au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Que

3 pensez-vous à ce sujet ?

4 Mme Bringa (interprétation). – Oui, je l'ai déjà dit, il y a eu

5 des individus qui se sont rangés du côté de l'Etat que l'on appelait

6 l'Etat indépendant de Croatie, mais il y a aussi au cours de la Deuxième

7 Guerre mondiale des Musulmans, des Croates qui se sont rangés aux côtés

8 des partisans. La situation est complexe. Je sais qu'il y a eu des

9 Musulmans de Bosnie qui ont été mobilisés dans les rangs du HVO, surtout

10 au début de la guerre parce que c'était l'armée qui était la mieux

11 organisée. C'était surtout vrai du côté de Mostar et de Sarajevo, dans les

12 grandes villes.

13 M. Pasaric (interprétation). – Ce n'est peut-être pas une

14 question, car la réponse est logique. Il n'y avait véritablement pas de

15 raisons pour lesquelles les Musulmans et les Croates ne seraient pas de

16 véritables alliés jusqu'à la fin de la guerre. Tout au moins, je pense à

17 ces dernières guerres.

18 Mme Bringa (interprétation). – Si c'est une question, je ne la

19 comprends pas.

20 M. Pasaric (interprétation). – Oui, mais je viens de dire que ce

21 n'est pas une question, c'est la logique même. Je pense que l'on pouvait

22 s'attendre au fait que les Musulmans et les Croates restent des alliés

23 pendant cette guerre. Nous allons plutôt poursuivre.

24 Hier, nous avons parlé du référendum pour l'indépendance de

25 Bosnie-Herzégovine qui a eu lieu le 3 mars 1992. Pourriez-vous nous dire

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1 quelle était la question qui a été formulée pour le référendum ? Je pense

2 que nous n'avons pas précisé cette question, hier.

3 Mme Bringa (interprétation). – Pourriez-vous resituer cette

4 question dans son contexte ? Je ne saisis pas tout à fait ce contexte.

5 M. Pasaric (interprétation). – Hier, je vous ai demandé si, au

6 cours du référendum, les Musulmans et les Croates ont voté ensemble pour

7 les questions qui ont été formulées lors de ce référendum. De toute façon,

8 c'est un référendum qui a eu un résultat positif. Par conséquent, ce qui

9 m'intéresse est de savoir si vous connaissiez la question, quelle était la

10 question exacte. Il fallait se prononcer pour ou contre.

11 Mme Bringa (interprétation). – Je ne dispose pas des

12 statistiques sous les yeux me permettant de dire combien de Bosniens ou de

13 Croates sont allés aux urnes. Mais c'est vrai, si j'ai bien compris la

14 situation, que des Croates ont voté pour l'indépendance de la Bosnie-

15 Herzégovine.

16 M. Pasaric (interprétation). – Oui, bien évidemment, ce sont les

17 maths, des résultats mathématiques. Sinon les Bosniens n'auraient pas pu

18 obtenir le référendum s'il n'y avait pas des Croates avec eux. Ceci a été

19 démontré par la suite également.

20 La question que je pose est la suivante : savez-vous de quoi on

21 avait parlé dans ce référendum ? Quelle était la décision qu'ils devaient

22 prendre ?

23 Mme Bringa (interprétation). – Eh bien, je vais fonder ma

24 réponse sur ce que les gens m'ont dit au moment du vote. Pour ces

25 électeurs, le choix était soit de rester dans une Yougoslavie qui, à ce

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1 moment-là, serait dominée par la Serbie ou par les Serbes et où eux

2 auraient le sentiment que ce pays est dominé par les Serbes, mais aussi

3 par une Serbie qui n'est pas très démocratique, ou encore ils voudraient

4 l'indépendance. Voilà comment ils m'ont présenté le choix qu'ils avaient.

5 M. Pasaric (interprétation). – Si je vous dis que la question

6 portait sur la Bosnie intégrale, souveraine ?

7 Mme Bringa (interprétation). – Oui. Si vous voulez cette phrase

8 en particulier, oui.

9 M. Pasaric (interprétation). – C'était comme ça, n'est-ce pas ?

10 Merci.

11 Mme Bringa (interprétation). – Effectivement.

12 M. Pasaric (interprétation). – Ce qui m'intéresse également, on

13 en avait parlé un petit peu hier : y avait-il des différences qui se

14 manifestaient entre les groupes ethniques avant la guerre ? A la page 111

15 de votre livre, vous dites que les Croates et les Musulmans, les jeunes

16 Croates et les jeunes Musulmans, organisaient des manifestations de danse,

17 je ne sais pas exactement où, mais séparément. C'est l'organisation de la

18 jeunesse qui les organisait. Les manifestations et les soirées avaient

19 lieu un jour pour les Musulmans, un autre pour les Croates. Jusqu'aux

20 années 70, les Musulmans et les Croates n'avaient même pas le droit de

21 parler. J'avoue avoir été très surpris par cette constatation.

22 Mme Bringa (interprétation). – Oui, il y avait une tradition

23 selon laquelle les jeune Croates allaient danser le vendredi soir, ce qui

24 était un jour religieux pour les Musulmans qui, eux, y allaient le samedi.

25 Dans mon livre, je parle de ce que les mariages mixtes n'étaient pas

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1 souhaités, étaient mal vus. Et je suppute que cela tient à ce fait que

2 c'est au moment d'aller danser qu'on flirte, qu'on rencontre d'autres

3 personnes, peut-être la personne qu'on va épouser ; donc ces personnes ne

4 se rencontraient pas. Mais, plus récemment, il y avait des bars, des

5 cafétérias, des endroits où les gens pouvaient se rencontrer. Il y avait,

6 bien sûr, cette habitude traditionnelle, mais qui diminuait de plus en

7 plus et, dans les centres urbains, les gens allaient plus souvent dans des

8 cafés où ils se rencontraient.

9 M. Pasaric (interprétation). - Vous voulez dire, par conséquent,

10 que cela a évolué dans le sens positif. Mais dans les années 70, d'après

11 vous, ils ne pouvaient pas se parler ?

12 Mme Bringa (interprétation). - Bien sûr qu'ils pouvaient se

13 parler, ils étaient autorisés à le faire, mais c'est ce que m'a dit une

14 jeune femme qui m'a raconté comment ça s'était passé avec sa sœur. Je ne

15 pense pas que certains parents aient dit que ceci portait sur les sorties

16 des jeunes et qu'on n'avait pas le droit de parler à un représentant du

17 sexe opposé, mais ceci a peut-être un rapport avec le fait que les

18 mariages ethniques n'étaient pas très bien vus.

19 M. Pasaric (interprétation). - C'est ce que vous avez entendu

20 quand vous avez parlé avec les gens et c'est ce que vous avez écrit dans

21 le livre ?

22 Mme Bringa (interprétation). - Je l'ai entendu dire de plusieurs

23 personnes, notamment d'une jeune femme croate, mais cela ne veut pas dire

24 que tout le monde souscrivait à cette tradition. Vous savez qu'il y a

25 beaucoup d'interdictions apposées au cours de la jeunesse et on ne peut

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1 pas dire que tout le monde s'y soumette.

2 M. Pasaric (interprétation). - Oui, mais il me semble que c'est

3 tout de même un indice, comme quoi ces différences et la séparation

4 existaient déjà depuis longtemps.

5 Hier, on a parlé également d'un certain nombre de causes qui ont

6 provoqué le conflit et j'avoue que j'ai été très surpris, une fois de

7 plus, par une constatation que j'ai trouvée dans votre livre, à savoir que

8 le plan Vance-Owen avait des effets catastrophiques, dramatiques sur la

9 situation en Bosnie centrale ; d'ailleurs, les gens dans le film en

10 parlent.

11 Pourriez-vous nous donner quelques précisions, je parle

12 évidemment de la Bosnie centrale, notamment, et des effets de ce plan sur

13 l'évolution de la situation en Bosnie centrale ?

14 Mme Bringa (interprétation). - En premier lieu, étant donné que

15 ces provinces étaient définies sur des bases ethniques, ainsi que la

16 représentation politique d'ailleurs, ceci ne faisait qu'accentuer cette

17 situation où l'on avait une représentation politique selon des lignes

18 ethniques ; et cela ne pouvait que saper ce qu'on essayait de préserver, à

19 savoir une Bosnie-Herzégovine unie. Déjà se dessinaient des objectifs, des

20 prétentions politiques. Il y a eu des tentatives politiques, puis

21 militaires, destinées à constituer un Etat croate aussi sur le territoire

22 de la Bosnie-Herzégovine. A la suite des tentatives entreprises par les

23 Serbes, Zagreb voulait se constituer un Etat croate en Bosnie-Herzégovine.

24 Mais dès qu'il y a eu un plan de paix qui attribuait une région

25 de la Bosnie-Herzégovine à une entité appelée croate, pour moi, c'était là

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1 le feu vert permettant aux autorités croates et aux zones contrôlées par

2 la Croatie en Bosnie-Herzégovine, ainsi légitimisées, de s'emparer de ce

3 territoire.

4 Bien sûr, dans certaines de ces régions, il y avait une

5 population mixte. En Bosnie-Herzégovine, se pose le problème de définir,

6 de circonscrire une zone géographique comme étant ethnique. Je crois que

7 l'idée est née d'une absence ou d'un manque de tradition politique

8 pluraliste.

9 Quand vous vous êtes accaparé le contrôle, si l'on dit que telle

10 ou telle zone est dominée par un groupe qui dispose du contrôle, à ce

11 moment-là, c'est un contrôle absolu. Rappelez-vous : c'était un système

12 monopartite où il n'y avait qu'un parti, qui avait le pouvoir absolu. Et

13 si ceci maintenant était transféré, que ce soit à la Serbie, à la Croatie

14 ou à une autre région, le contrôle serait absolu.

15 M. Pasaric (interprétation). - Eh bien, la conséquence probable,

16 c'est qu'il s'agissait des premières élections démocratiques, donc il n'y

17 avait pas de tradition démocratique ; ceci en ressort clairement. Mais les

18 partis étaient les partis en fonction des groupes ethniques ; et je

19 suppose que les partis qui avaient obtenu les meilleurs résultats avaient

20 quand même automatiquement les prérogatives qu'ils ont reçues pour régner

21 dans cette région...

22 M. le Président (interprétation). - Désolé de vous interrompre,

23 Maître Pasaric, mais plutôt que de faire des commentaires sur les réponses

24 fournies par le témoin ou d'exprimer votre avis, vous devriez poser des

25 questions.

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1 M. Pasaric (interprétation). - Mais c'est ce que j'essayais de

2 faire, Monsieur le Président.

3 La question que je pose est que, par conséquent, il fallait s'y

4 attendre, ils ont obtenu la majorité lors des élections ?

5 Mme Bringa (interprétation). - Excusez-moi, à quoi fallait-il

6 s'attendre ?

7 M. Pasaric (interprétation). - Le gouvernement, dans des

8 communautés locales, a été partagé entre ceux qui ont obtenu les

9 élections : les partis ont été partagés effectivement selon les groupes

10 ethniques, mais nous supposons quand même qu'il a été tout à fait normal

11 de s'attendre à ce que ces deux partis organisent le pouvoir.

12 Mme Bringa (interprétation). - Pour quelqu'un qui est ici d'une

13 tradition démocratique, on ne s'attendait pas à ce que cela signifie qu'on

14 exclue tout à fait l'autre groupe et qu'on l'oblige à quitter le

15 territoire dans lequel il se trouvait. Non, je ne pense pas qu'il fallait

16 s'attendre à ce genre de choses ; il ne faudrait pas s'attendre à ce genre

17 de choses.

18 M. Pasaric (interprétation). - Certainement pas, de toute façon,

19 mais c'est tout le début, c'est de ça que je parle. Dans le cas concret,

20 dans notre affaire, je vous pose la question tout simplement parce que

21 nous avons eu.

22 Donc le pouvoir a été organisé en fonction des résultats des

23 élections et ce n'est que par la suite que le parti minoritaire a pris ses

24 distances par rapport à l'autre. C'était tout au début, de toute façon au

25 lendemain des élections. Je suppose, comme je l'ai dit, qu'il manquait des

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1 traditions démocratiques.

2 Au moment où nous avons parlé du plan Vance-Owen, il y a

3 plusieurs personnes qui en parlent sur la cassette vidéo : est-ce que ceci

4 veut dire qu'au moment où la communauté internationale a proposé quelque

5 chose, ils l'acceptaient plus facilement que si ceci avait été proposé à

6 un autre niveau, au niveau intérieur. Ils ne parlent pas, par exemple, des

7 décisions des autorités bosniennes, mais ils disent : le plan est

8 international, a été établi... Donc il a eu probablement un peu plus de

9 poids parce que la population avait plus de confiance en ce plan qui a été

10 fait sur le plan international que, par exemple, dans des décisions prises

11 au niveau gouvernemental, n'est-ce pas ?...

12 Mme Bringa (interprétation). - Comme cela apparaît dans le film,

13 la population n'aimait pas tellement ce plan. Ils espéraient pouvoir se

14 trouver dans un Sarajevo neutre, poursuivre ainsi le type de vie qu'ils

15 avaient mené en Bosnie jusqu'alors, dans une Bosnie multiethnique,

16 multiculturelle. Parce que si Sarajevo restait neutre, elle n'aurait pas

17 de définition, de limitation ethnique. Ce qu'ils craignaient, c'est que

18 Sarajevo devienne une province, un canton qui serait totalement dominé ou

19 administré par les Croates. Ils auraient peut-être été prêts à accepter ce

20 plan international de paix parce qu'il avait été le fruit de négociations.

21 L'autre solution, c'était d'arriver à une solution obtenue par l'action

22 militaire, par des souffrances. Et c'est là que réside la différence

23 puisqu'une des solutions serait obtenue par la force des armes alors que

24 l'autre serait le fruit de négociations pacifiques.

25 M. Pasaric (interprétation). - La question que je vous ai posée,

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1 c'est s'ils avaient un peu plus de confiance ou non. Si j'ai bien compris,

2 par exemple, on dit qu'il y avait également des familles qui ont envoyé

3 les enfants dans des territoires qui étaient sous le contrôle des

4 Musulmans ; par conséquent, ils s'attendaient à quelque chose.

5 Mme Bringa (interprétation). - Je ne comprends pas très bien à

6 quoi sert votre question. Effectivement, des enfants ont été éloignés,

7 envoyés dans certaines régions. Je l'ai dit hier. Ce qui les inquiétait,

8 ces gens, ce n'est pas tant les bombes, les obus ; il y en avait plein du

9 côté de Visoko. Mais ils craignaient les soldats, les fantassins qui

10 pouvaient faire irruption dans leur domicile, les attaquer, eux,

11 directement, commettre des atrocités quelquefois sous les yeux des enfants

12 ou devant les autres membres de la famille. Ces soldats pouvaient attaquer

13 l'essence même de leur identité en perpétrant des attaques personnalisées,

14 individualisées. C'est cette violence individualisée qui leur faisait peur

15 parce que cela pouvait mettre un terme à l'essence même de leur identité.

16 Ce qui ne les inquiétait pas... enfin, ce qui les inquiétait

17 moins, c'étaient les obus et tout cela, car ils ne voulaient pas être

18 attaqués personnellement. Ils envoyaient leurs enfants dans des régions

19 qui étaient, certes, bombardées mais qui, à l'époque, étaient contrôlées

20 par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Donc cela veut dire qu'ils espéraient

21 que leurs enfants seraient davantage en sécurité alors que, dans la région

22 dont on parle, ils avaient vu que le HVO ne cessait de se rapprocher. Les

23 habitants avaient entendu des récits de ce qui s'était passé et ils

24 étaient terrifiés à l'idée que cela se produise dans leur village à eux

25 aussi.

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1 M. Pasaric (interprétation). - Je me dois de vous dire que je ne

2 l'ai pas remarqué en regardant le film. Ils envoyaient les enfants sur le

3 territoire musulman même si les bombes y tombaient. Moi, je ne suis pas

4 sûr que vous donnez une bonne interprétation, tout au moins je n'en

5 conviens pas.

6 Mme Bringa (interprétation). - J'ai essayé de vous expliquer

7 pourquoi, à leur avis, cette région où ils envoyaient leurs enfants était

8 plus sûre, même si elle était pilonnée, bombardée et attaquée par l'armée

9 serbe de Bosnie.

10 M. Pasaric (interprétation). - Excusez-moi, quand est-ce que

11 vous êtes arrivée pour la première fois ? Je pense qu'à ce moment-là, les

12 patrouilles étaient conjointes ; et c'est au moment où vous y étiez que

13 les patrouilles se sont séparées. Puis, il y a quelques autres indices

14 selon lesquels, quand vous y étiez fin janvier, début février 93, vous

15 avez assisté à un incident.

16 Mme Bringa (interprétation). - Je suis arrivée début janvier,

17 jusque dans la première semaine de février.

18 M. Pasaric (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

19 ce qui s'est passé vraiment ? Je ne parle pas du village, bien évidemment.

20 Je parle de ce qui s'est passé sur l'ensemble du territoire et des raisons

21 pour lesquelles les destructions ont commencé, les souffrances et le

22 reste, d'après vous.

23 Mme Bringa (interprétation). - Eh bien, la seule explication qui

24 m'ait été donnée était celle-ci : les Croates des gardes conjointes, les

25 habitants du village, auraient reçu un ordre du commandement du HVO, je

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1 pense à Kiseljak, ordre selon lequel ils devaient mettre fin à ces

2 patrouilles conjointes. Je ne peux pas vous en donner les raisons. Cela,

3 il faudrait le demander à ceux qui ont donné ces ordres.

4 M. Pasaric (interprétation). - S'il vous plaît, vous n'avez pas

5 entendu à ce moment-là des nouvelles, par exemple, sur le massacre qui a

6 été commis à Dusina, par exemple ?

7 Mme Bringa (interprétation). - Dusina... Non. Je connais Dusina,

8 j'y suis allée. J'y étais en 1993 et je le sais parce qu'on a parlé de ce

9 qui s'y est passé ; mais, à ce moment-là, ni les Croates ni les Musulmans

10 ne m'en ont parlé.

11 M. Pasaric (interprétation). - On parle également du fait que

12 Mme Josefina, la soeur de Slavka, a été expulsée à plusieurs kilomètres

13 par rapport à l'endroit où elle habitait. Elle est soi-disant partie à

14 cause des Musulmans. Est-ce que vous pouvez me dire quand, à quelle époque

15 cela s'est produit et d'où elle est partie ?

16 Mme Bringa (interprétation). - Ceci s'est produit au moment des

17 combats qui se déroulaient autour de Busovaca, Kacuni. Elle, elle habitait

18 à un endroit près de Brestosto qui était alors la ligne de front et,

19 effectivement, elle a pris la fuite. Toutefois, sa maison n'a pas été

20 détruite. Les maisons ne furent pas détruites et les gens y sont

21 d'ailleurs restés. Cela se trouve bien sûr dans les... Bien sûr, dans les

22 sous-titres du film, il a fallu faire certaines coupures. Enfin, cette

23 femme est rentrée le lendemain chez elle pour voir ce qu'il en était de sa

24 maison, de leurs biens.

25 Certaines personnes étaient restées là pour s'occuper des biens

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1 et un des hommes fait état des voisins musulmans qui se sont occupés de

2 leurs maisons, qui leur auraient dit qu'il fallait partir puisque la

3 sécurité n'était plus assurée. Mais tout le monde était rentré et tout le

4 monde est rentré désormais. Mais il s'agissait de combats se déroulant sur

5 une ligne de front entre le HVO et l'armée de Bosnie.

6 M. Pasaric (interprétation). - Vous avez mentionné Kacuni. Vous

7 savez probablement quelque chose sur ce village. Est-ce que vous savez si

8 c'était un village croate ou un village musulman ?

9 Mme Bringa (interprétation). - Je sais qu'il y avait des

10 Musulmans et des Croates qui y habitaient. Je ne sais pas comment on

11 pourrait identifier cette différence.

12 M. Pasaric (interprétation). - Est-ce que vous savez s'il y a

13 maintenant un seul Croate qui habite Kacuni ?

14 Mme Bringa (interprétation). - Non, je ne sais pas. Je ne sais

15 pas s'ils ont commencé à rentrer, à s'installer de nouveau. Je sais

16 qu'entre Fojnica et Kiseljak, il y a eu des échanges : des Musulmans,

17 vivant dans des maisons croates à Fojnica et l'inverse, ont pu rentrer

18 dans leurs domiciles respectifs.

19 M. Pasaric (interprétation). - Quand vous dites que vous ne

20 savez pas si les Croates sont retournés à Kacuni, vous savez par

21 conséquent qu'ils ont été expulsés de ce village.

22 Mme Bringa (interprétation). - Je n'ai aucune connaissance de

23 ces faits. C'est au moment de notre présence là que les combats se

24 déroulaient et je ne sais pas exactement ce qui s'est passé à cet endroit.

25 Je sais que tant les maisons des Croates que celles des Musulmans ont été

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1 détruites, qu'il y a eu des combats très durs. Je ne me souviens plus des

2 dates exactes, mais fin janvier/début février 93, au moment où nous y

3 étions, il y a eu des combats qui ont diminué en intensité par la suite. A

4 cause des combats, beaucoup de personnes ont quitté ce village, surtout

5 les Musulmans sont partis de ce village près de Kiseljak. Ils sont revenus

6 au moment de l'accalmie, car ils croyaient que le problème était résolu.

7 C'est pour cela que le village était vraiment plein de personnes lorsqu'il

8 a été attaqué par le HVO, le 18. C'est ce que je sais.

9 Je suis passée par des villages lors de mon retour. Nous avions

10 une escorte des Nations Unies. J'ai vu des maisons qui appartenaient aux

11 Musulmans et aux Croates, qui avaient été détruites. Mais je ne sais rien

12 de la situation militaire, de ce qui s'est passé au plan militaire, des

13 forces respectives en présence.

14 M. Pasaric (interprétation). – Quand vous dites que vous étiez à

15 Dusina, que vous connaissiez ce village, vous étiez à cette époque-là dans

16 ce village ?

17 Mme Bringa (interprétation). – J'y suis allée à plusieurs

18 reprises.

19 M. Pasaric (interprétation). – Et personne ne vous a parlé d'un

20 massacre éventuel ?

21 Mme Bringa (interprétation). – Non. Bien sûr, je l'aurais su, je

22 m'en serais souvenue si l'on en avait parlé, évidemment. C'est un village

23 très ancien. Il y a quelques maisons habitées par des Croates vers le bout

24 du village, les autres sont des maisons musulmanes. C'est à peu près tout

25 ce que je sais à propos de ce village. Je crois que si les Croates avaient

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1 été au courant, ils m'auraient informée.

2 M. Pasaric (interprétation). – Vous avez parlé avec les Croates

3 également, à Dusina ?

4 Mme Bringa (interprétation). – Non, non. Dans le village où nous

5 avons fait ce film. Non, non, je n'ai pas parlé à d'autres personnes dans

6 d'autres villages.

7 M. Pasaric (interprétation). – Dites-nous, s'il vous plaît, nous

8 avons pu voir en regardant le film les soldats bosniens sur le front et

9 chez eux également. Nous avons vu également qu'ils étaient en tenue

10 militaire. Nous en avons vu d'autres qui étaient habillés en partie en

11 uniforme et en partie en civil , est-ce que c'était de coutume ? Est-ce

12 qu'il y en avait qui portaient des uniformes complets, d'autres en civil

13 et en uniforme ? Est-ce que c'était quelque chose que vous avez remarqué ?

14 Mme Bringa (interprétation). – Oui. Effectivement, puisqu'il n'y

15 avait pas suffisamment d'uniformes complets pour tout le monde. D'autant

16 qu'à l'époque, ils luttaient sur la ligne de front de la Serbie avec les

17 Serbes à Sarajevo, puisqu'on essayait de lever le siège de Sarajevo. Ceci

18 permettrait aux gens de retourner travailler et de libérer Sarajevo.

19 Ils devaient donc travailler ou se rendre toutes les deux

20 semaines en équipes. Quelquefois, c'était un départ toutes les deux

21 semaines, ils restaient deux ou trois jours et puis, ils rentraient chez

22 eux. Donc, c'est vrai : tout le monde n'avait pas d'uniforme à l'époque.

23 M. Pasaric (interprétation). – Mais moi, je n'ai vu aucune

24 personne qui ne portait pas de fusil automatique, tout au moins sur le

25 film. Nous avons vu également qu'ils avaient des stations radios, des

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1 émetteurs radio ; et puis, nous avons vu également quelques mortiers. Tout

2 ceci, c'était début 1993.

3 Mme Bringa (interprétation). – Oui, bien sûr. Mais il y avait ce

4 qu'on a appelé l'armée de Bosnie-Herzégovine ; et ces hommes luttaient

5 dans cette armée.

6 M. Pasaric (interprétation). – Mais vous avez dit qu'elle

7 n'existait pas, cette armée !

8 Mme Bringa (interprétation). – Ce n'est pas ce que j'ai dit.

9 J'ai dit qu'il y avait un gouvernement de Sarajevo qui gouvernait le pays.

10 Est-ce que j'ai dit cela ?

11 M. Pasaric (interprétation). – Non, je n'ai pas dit que c'est

12 vous. De toute façon, nous avons entendu dans cette affaire que l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine n'existait pas. Dites-moi, est-ce que les civils

14 également portaient de temps à autres des parties de vêtements de

15 camouflage ?

16 Mme Bringa (interprétation). – Non. Je ne comprends pas...

17 M. Pasaric (interprétation). – Est-ce que, parmi les jeunes

18 notamment, il était de coutume -ou tout simplement parce que c'était la

19 situation- que les gens qui n'étaient pas membres de l'armée- portent, par

20 exemple, des vestes ou quelques objets militaires ?

21 Mme Bringa (interprétation). – Impossible de répondre à cette

22 question. Je ne sais pas.

23 M. Pasaric (interprétation). – D'accord. Si vous n'avez pas vu,

24 d'accord.

25 Dites-moi, nous avons vu que vous étiez dans la maison de

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1 quelqu'un : il se préparait pour aller monter la garde, il avait un bonnet

2 qui était multicolore. Certains avaient d'autres bérets, d'autres

3 chapeaux. De toute façon, tous portaient des fusils automatiques. Est-ce

4 que j'ai bien remarqué ?

5 Mme Bringa (interprétation). – Oui. Oui, ils avaient des armes.

6 Je crois que c'est mentionné dans le film. Vous savez sans doute qu'en

7 Bosnie, la plupart des hommes possédaient une arme, surtout s'ils avaient

8 fait partie des forces de l'armée. Je ne vois vraiment pas où vous voulez

9 en venir. Effectivement, ils avaient des armes.

10 M. Pasaric (interprétation). – Mais la question que je vous

11 posais était de le savoir, parce que je pense que j'ai bien vu : il y en

12 avait qui étaient en uniforme, il y en avait qui étaient en civil et qui

13 sortaient avec des fusils de chez eux pour aller monter la garde.

14 Mme Bringa (interprétation). – Mais ils surveillaient, ils

15 protégeaient leur maison ; ils n'étaient pas en train de combattre en tant

16 que membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

17 M. Pasaric (interprétation). – Bon, d'accord, mais ce qui

18 m'intéressait, c'est qu'effectivement, ils étaient en civil et qu'ils

19 portaient des armes.

20 Mme Bringa (interprétation). - Mais nous parlons de deux hommes.

21 Vous savez qu'ils sortaient à deux et ils sortaient pour surveiller ces

22 quelques maisons ; puis, ils revenaient. Et cela se passait pendant toute

23 la nuit. C'était quelque chose de courant. Nous en avons parlé hier.

24 La maison, c'est quelque chose de tout à fait capital dans la

25 vie de ces gens. C'est là le fruit de toutes leurs économies, de toute une

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1 vie. La maison, c'est aussi le signifiant de toute l'unité du foyer qui, à

2 son tour, était significative de tout le groupe. C'est là que l'identité

3 se formait, que la socialisation se faisait, c'est là que tous les rituels

4 importants avaient lieu, c'était l'unité de socialisation dans le village.

5 Et une attaque perpétrée sur une maison, c'était une attaque perpétrée sur

6 l'essence, la quintessence même de l'être humain. C'était beaucoup plus

7 qu'une simple destruction de quelque chose de matériel.

8 C'est pour ça que la maison revêtait une telle importance. On

9 détruisait par la maison toute l'unité de la famille. L'attaque sur la

10 maison, c'était l'attaque sur le groupe et je l'ai dit dans le livre que

11 j'ai écrit, c'est là la signification de la maison dans l'identité. Il

12 était donc très important de garder cette maison. C'est ce qu'ils ont fait

13 dans les régions où les habitants avaient le sentiment, avaient vu qu'il y

14 avait une armée puissante qui risquait d'attaquer alors qu'eux, habitants,

15 ne pouvaient pas assurer une même mobilisation de forces. D'où la

16 protection qu'ils assuraient de leur propre maison. Un point, c'est tout.

17 M. Pasaric (interprétation). – Quand vous dites que leurs

18 maisons, pour eux, étaient très importantes, pensez-vous que ces maisons

19 étaient importantes également pour les autres ? Pour l'autre groupe

20 ethnique ?

21 Mme Bringa (interprétation). – Bien évidemment que la maison est

22 importante et la vie sociale, etc. Il faut dire également qu'ils ne se

23 sont pas ménagés pour les construire. On travaille pendant des années

24 entières, mais il y en a qui on dit : "Oublie la maison, il faut se

25 sauver, il faut partir, il faut rester en vie".

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1 M. Pasaric (interprétation). – Pensez-vous avoir trouvé la même

2 situation chez les Musulmans et chez les Croates ?

3 Mme Bringa (interprétation). - La première question que j'ai

4 posée, et c'était dans le contexte de la nécessité de sauver ces enfants,

5 de les mettre à l'abri, en sécurité. Dans l'analyse que j'ai faite,

6 effectivement, la maison est importante, très importante pour les deux

7 groupes parce que c'est là que se fait la socialisation des enfants,

8 notamment. C'est l'unité où s'établit l'action sociale.

9 Toutefois, je crois que la maison revêt une signification

10 particulière pour les Musulmans. Je vais vous dire pourquoi. Cela vous

11 paraîtra peut-être un argument académique, universitaire, mais voici ce

12 que je pense : l'identité pour les Musulmans n'est pas perçue par le sang.

13 Les Musulmans ne disent pas "Je suis Musulman de sang", alors que les

14 Croates et les Serbes le disent. Cela veut dire qu'on est né en tant que

15 croate ou serbe, c'est quelque chose –entre guillemets- de presque

16 "génétique". Pourquoi ? Parce que l'origine ethnique des Musulmans est la

17 même que l'origine ethnique des Serbes ou des Croates ; enfin ça dépend.

18 A un moment donné de l'histoire, cette population indigène s'est

19 convertie à l'Islam. L'identité, au départ, n'est pas une identité

20 ethnique, c'est une identité définie par la religion, mais aussi par un

21 aspect moral, par l'aspect, donc à travers la religion, par la morale

22 plutôt que par le sang, par la lignée. C'est pour cela que les Musulmans

23 ne parlent pas des lignées par le sang.

24 Pour moi, ce qui importait, c'était de savoir ce qu'on fait si

25 on n'a pas ce symbolisme pratiquement sanguin, de sang. Comment on définit

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1 son identité ? Eh bien, par l'environnement, par l'endroit où vous

2 grandissez, par l'environnement moral. Et la maison fournit cet

3 environnement moral qui incarne, qui matérialise, votre identité. Vous

4 direz que c'est peut-être un argument d'universitaire, mais je pourrais

5 préciser ceci dans le détail si vous le voulez. Mais pour moi, c'est la

6 raison pour laquelle il y a tellement d'importance attachée à la maison

7 qui fournit cet environnement moral où vous allez acquérir votre identité.

8 M. Pasaric (interprétation). – Je ne suis pas sûr de vous avoir

9 compris. Pourquoi serait-ce différent pour les Musulmans et que ce ne soit

10 pas vrai pour les Croates ? Ils sont tous de la même origine ethnique ;

11 vous venez de le dire.

12 Bien évidemment, il y a les théories selon lesquelles les

13 Musulmans étaient des Bogomils convertis à l'Islam. Mais de toute façon,

14 ils sont de la même origine.

15 Mme Bringa (interprétation). – Excusez-moi, ne me reformulez pas

16 ce que j'ai dit en disant que c'est ce que j'ai dit parce que ce n'est pas

17 une démarche correcte.

18 M. Pasaric (interprétation). – Non, d'accord. J'ai dit que je

19 n'ai pas compris, parce qu'il s'agit des gens de la même origine et que,

20 tout d'un coup, pour les uns, la maison a une importance qui a du poids et

21 pour les autres, pas du tout. Ils vivaient ensemble depuis des siècles.

22 Mme Bringa (interprétation). – Excusez-moi, ce n'est pas ce que

23 je dis. Ce que je suis en train de dire, c'est que, dans les communautés

24 rurales, la maison est importante pour les deux groupes parce que la

25 maison constitue l'unité dans laquelle les enfants sont formés, éduqués,

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1 socialisés, c'est là que les rituels de l'unité familiale se déroulent

2 autour de la maison. La maison, c'est l'unité où se fait l'interaction du

3 village.

4 J'écris à ce propos : on n'a pas d'interactions en temps

5 qu'individu, mais en tant que membre d'un foyer, et c'est vrai pour tous

6 les groupes. Ensuite, j'ai opéré une distinction très subtile. C'est

7 l'analyse un peu universitaire que je fournis parce que j'ai beaucoup

8 réfléchi à cette question de savoir pourquoi on attaque la maison.

9 Pourquoi, si vous avez des troupes d'assaut, des fantassins qui vont dans

10 une maison, pourquoi ils font telle ou telle chose bien particulière dans

11 la maison ? Pourquoi ne suffisait-il pas de bombarder la maison ? Pourquoi

12 avoir pénétré dans la maison ? Il devait y avoir quelque chose d'important

13 qui s'y déroulait.

14 En 1992, je suis entrée dans plusieurs des maisons du village

15 après qu'elles ont été détruites. Ce que j'ai remarqué, c'est que les gens

16 avaient pris un certain temps, un temps certain pour désacraliser certains

17 objets qui étaient essentiels à l'identité musulmane.

18 Par exemple, il y avait ces pantalons que portaient les femmes.

19 Eh bien, ils avaient été remplis de foin et pendus. Il y avait le fez, le

20 petit couvre-chef du vieux monsieur où il y avait de la merde –excusez le

21 terme. Cela veut dire que l'on a essayé de salir des marqueurs d'identité.

22 Et j'ai entendu ceci raconté par plusieurs personnes. Je me suis

23 interrogée, je me suis dit qu'il y avait quelque chose de particulier à

24 propos de la maison, autour de la maison, de tout ce qui symbolise

25 l'identité musulmane. Je me suis demandé pourquoi il était nécessaire de

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1 les détruire. Et c'est ce que j'ai essayé d'appréhender, toute cette

2 question, toute cette problématique.

3 M. Pasaric (interprétation). – Mais vous ne pensez pas que c'est

4 une habitude que les soldats, au cours de la guerre justement,

5 désacralisent des objets ou bien incendient les drapeaux ? Ici, il n'y

6 avait peut-être pas de drapeau et c'étaient des symboles musulmans qu'ils

7 avaient désacralisés ? Vous ne pensez pas que c'est quelque chose qui est

8 de coutume pendant la guerre ?

9 Mme Bringa (interprétation). – Mais un drapeau, c'est un autre

10 symbole, vous savez. Il est différent parce qu'il symbolise la nation,

11 alors qu'ici, dans une certaine mesure… Là, on peut prendre ses distances

12 par rapport à la nation, alors que les attaques ici sont perpétrées sur la

13 personne elle-même, sur ses objets personnels, sur ce que cette personne a

14 porté comme vêtements, ce que chaque individu porte comme vêtements pour

15 s'identifier, alors que le drapeau, c'est quelque chose de différent.

16 M. Pasaric (interprétation). – Eh bien, est-ce qu'ils ont

17 pénétré dans les maisons tout simplement parce qu'ils n'avaient pas

18 d'armes et qu'ils ne pouvaient pas détruire des maisons différemment ?

19 Nous avons entendu ici également quelle était la stratégie militaire : par

20 exemple, on crève les pneus des chars et ce n'est pas le char qui

21 enfoncera la porte d'une maison. Est-ce que ce n'est pas comme cela qu'on

22 peut expliquer également ce fait de pénétration dans les maisons ?

23 Mme Bringa (interprétation). – J'en doute parce que tout ceci

24 s'est passé après le déroulement de l'action militaire. Vous savez qu'en

25 général, ces dégâts sont provoqués par la suite, a posteriori ; ça ne peut

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1 pas se faire simplement à la main. Certaines des maisons étaient

2 incendiées, pilonnées. Vous savez que, par exemple, certaines mosquées,

3 comme dans ce village aussi, ont été détruites. Là, après l'action

4 militaire, en juillet donc, quelqu'un s'y est rendu par la suite pour y

5 provoquer toutes ces choses.

6 Il suffit d'utiliser ses yeux pour voir le type de destructions

7 infligées. Je ne pense pas que ce type de destructions, quand on pense à

8 l'extérieur de la maison, puisse être provoqué à la main ; à l'intérieur,

9 par contre, là on voit que quelqu'un a utilisé ses mains, son corps pour

10 détruire certaines choses.

11 M. Pasaric (interprétation). – Bien. Tout à l'heure, vous m'avez

12 dit que je devrais savoir que les hommes de réserve de la JNA avaient des

13 armes. Vous m'avez dit également hier que je pouvais ne pas comprendre

14 tous les mots de la langue que je parle. Est-ce que vous pensez

15 véritablement que chaque homme qui était à la JNA avait des armes sur

16 lesquelles il pouvait compter ?

17 Mme Bringa (interprétation). – J'ai dit que des hommes faisaient

18 partie des forces de réserve, alors je ne sais pas qui a reçu des armes et

19 qui n'en a pas reçu. Mais, à propos de ce fusil-là et de cet homme-là en

20 particulier, que vous avez vu, je sais que ce fusil, il l'avait obtenu

21 dans les années 80.

22 Je ne sais pas comment fonctionnait la JNA, je n'ai pas

23 particulièrement étudié la question à l'époque et je ne connais pas les

24 règles de distribution d'armes. Peut-être que si l'on faisait partie de la

25 police militaire, on en reçoit une, mais je ne connais pas ces critères

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1 car ils ne font pas partie de mes connaissances.

2 M. Pasaric (interprétation). – C'est tout simplement parce qu'on

3 avait parlé de cette personne qui avait son fusil depuis quinze ans. Comme

4 la plupart des hommes, il en disposait, mais ce n'est pas toujours vrai.

5 Je ne sais pas si je me dois de prouver ceci, mais les réservistes de la

6 JNA n'avaient pas obligatoirement des armes sur eux.

7 M. le Président (interprétation). – Maître Pasaric, est-ce que

8 vous pourriez poser des questions, vous limiter au problème qui nous

9 concerne, car certaines des questions que vous posez n'ont rien à voir

10 avec toute la question. Nous avons ici un témoin expert, professeur en

11 anthropologie ; elle devrait témoigner à propos du cadre général, des

12 cultures de chaque communauté. Est-ce que vous pourriez passer à quelque

13 chose de plus précis ?

14 M. Pasaric (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

15 Au moment où vous avez fait traduire tous les textes qui sont le

16 résultat de vos recherches, vous avez eu des contacts avec des

17 représentants de la communauté musulmane ; puis, vous avez également

18 enregistré cette cassette vidéo et toujours dans les familles musulmanes.

19 Je pense que vous avez passé très peu de temps de l'autre côté et que vous

20 n'avez pas véritablement fait vos recherches du côté de l'autre groupe

21 ethnique. Est-ce vrai ?

22 Mme Bringa (interprétation). – Nous nous sommes rendus dans

23 cette communauté précise pour filmer les effets qu'avait eus la guerre sur

24 certaines familles. Vous l'avez indiqué lorsque j'ai effectué cette

25 recherche pour des raisons évidentes : au cours des années 80, j'ai vécu,

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1 j'ai résidé dans une famille musulmane. Dans ce type de contexte, alors

2 qu'une guerre éclate, si vous amenez une équipe pour filmer, il était

3 important que les gens, les habitants vous connaissent bien. C'était une

4 solution commode que d'habiter là. Mon équipe vivait avec une famille

5 croate ; moi, je vivais dans une famille musulmane.

6 Vous l'avez vu dans ce film, nous avons interviewé des Croates,

7 mais j'avoue, je reconnais que c'était souvent difficile et que l'on ne

8 nous a pas permis de filmer certaines choses. Dans les maisons croates, il

9 y avait des hommes en uniforme et je ne pense pas qu'on voulait qu'on les

10 filme. Mais je ne peux pas vraiment répondre à votre question, je ne peux

11 pas vous dire pourquoi il était plus difficile de savoir ce qui se passait

12 dans la communauté croate. Mais effectivement, nous avons filmé les

13 Musulmans ici. En fait, il y a deux facteurs qui interviennent : c'étaient

14 les gens que je connaissais le mieux, je connaissais très bien cette

15 famille-là et c'était aussi le groupe social qui était le plus attaqué,

16 qui était le plus sur la défensive. Nous avons vu aussi le résultat de ce

17 qui s'est passé en avril.

18 M. Pasaric (interprétation). – Si j'ai bien remarqué -dans une

19 partie de votre rapport, on en parle très brièvement- les Croates

20 également ont été victimes des attaques des Musulmans, mais vous en parlez

21 très brièvement. Aujourd'hui, vous nous dites que, même si ceci n'a pas

22 été filmé, ceci n'était pas véritablement de la même façon comme de

23 l'autre côté ; que, de toute façon, les gens n'ont pas subi les mêmes

24 pertes et n'ont pas été les mêmes victimes.

25 Mme Bringa (interprétation). – Je vais vous donner le contexte

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1 parce que ceci est intervenu dans un contexte tout à fait différent

2 lorsque vous parliez de Kacuni.

3 Non, non. Nous avions laissé les personnes s'exprimer. Nous

4 avons fait la même chose pour les Croates que pour les Musulmans. Nous les

5 avons laissés parler, nous n'avons pas dit : non, non, oui, mais… Nous

6 sommes revenus tel ou tel jour. Nous avons écouté les gens, nous avons

7 laissés les gens s'exprimer, parler de leur perception de leur vie

8 quotidienne et de la guerre.

9 On le dit dans le contexte et je vous l'ai dit dans le contexte

10 de plusieurs questions que vous m'avez posées. Je vous ai rappelé que ces

11 gens étaient entrés dans leur maison et qu'il n'y a pas eu de purification

12 ethnique pour ainsi dire, que toutes les maisons n'avaient pas été

13 détruites, que toutes les personnes n'avaient pas été expulsées. C'est ce

14 que je vous ai dit.

15 Mais je ne vous dis pas pour autant… mais je n'ai pas voulu dire

16 non plus qu'il n'y a pas eu de victimes croates. Bien sûr qu'il y a eu des

17 victimes parmi les Croates.

18 M. Pasaric (interprétation). - J'aimerais vous poser une autre

19 question. Dans le préambule du livre XX, vous dites que les deux lecteurs

20 vous ont beaucoup aidée également dans vos réflexions, mais vous ne les

21 avez pas identifiés. Est-ce que ce sont les lecteurs de l'université de

22 Princetown ? Pouvez-vous nous le dire ?

23 M. le Président (interprétation). – Mais quel est l'intérêt de

24 poser une question pareille, Maître Pasaric ? Ce sont des lecteurs.

25 Mme Bringa (interprétation). – Oui, ce sont des lecteurs

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1 anonymes, des réviseurs anonymes.

2 M. le Président (interprétation). – Dans toute université digne

3 de ce nom, ou dans toute maison d'édition en général, on utilise deux

4 lecteurs qui vérifieront la qualité de votre contribution académique. Les

5 auteurs ne connaissent pas les noms des lecteurs. De toute façon, même si

6 le Professeur Bringa connaissait le nom de ces lecteurs, quel est

7 l'intérêt de poser une telle question ?

8 M. Pasaric (interprétation). - J'ai souhaité simplement voir

9 l'ensemble de cette déposition et de ce film. A mon avis, cela a été un

10 peu biaisé et c'est pour cela que j'ai voulu vérifier quelles sont les

11 personnes qui ont donné leurs recommandations, leurs conseils, leurs

12 opinions étant donné que je considérais cela comme important. Mais si elle

13 ne les connaît pas, là, bien sûr, nous ne pouvons pas insister là-dessus.

14 Vous avez dit que vous connaissez le contenu de cette affaire.

15 Dans l'introduction de votre livre, vous indiquez qu'en Bosnie il y a eu

16 plusieurs manières différentes : les membres de communautés différentes

17 vivaient ensemble et la situation était différente entre des villages

18 différents, des villes différentes, même des familles différentes.

19 Dites-nous, s'il vous plaît, si vous connaissez la teneur de

20 cette affaire en général, étant donné qu'on a beaucoup écrit là-dessus.

21 Connaissez-vous certaines différences, savez-vous quelles étaient les

22 différences entre les villages que vous avez appelés sous le nom de Dolina

23 et le village d'Ahmici ?

24 Mme Bringa (interprétation). – Non, je ne connais pas cette

25 région, je ne peux rien dire là-dessus.

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1 M. Pasaric (interprétation). – Excusez-moi. Vous avez dit que

2 vous connaissiez la teneur de cette affaire, donc je me suis dit que peut-

3 être vous connaissiez les différences entre ce village et les autres.

4 Mme Bringa (interprétation). – Ah ça, d'accord. Vous savez, la

5 seule différence que je puisse penser concernerait plutôt la structure

6 ethnique. Je ne sais pas statistiquement combien de Musulmans et combien

7 de Croates il y a eu à Ahmici, je ne sais rien sur l'histoire du village

8 ni sur les rapports entre les voisins dans le village. Donc, vraiment, je

9 ne peux pas vous aider.

10 M. Pasaric (interprétation). – Dites-nous, à Dolina, il est

11 difficile de trouver le temps exact, mais je crois que c'est déjà au

12 moment de votre première visite qu'il a été indiqué que les Croates

13 creusaient les tranchées et préparaient des positions de combats en haut

14 du village.

15 Mme Bringa (interprétation). – Oui, je pense que ceci s'est

16 produit vers la fin de notre visite au mois de février, je crois.

17 M. Pasaric (interprétation). – Donc, au début du mois de

18 février ?

19 Mme Bringa (interprétation). – Oui, ou bien vers la mi-février.

20 Nous sommes partis le 13 et vraiment, je ne me souviens pas de la date

21 exacte.

22 M. Pasaric (interprétation). – Savez-vous si les Musulmans, dans

23 Dolina, dès 1992, effectuaient des opérations militaires, justement,

24 contre les Croates ? Ou bien s'ils plaçaient des points de contrôle, vers

25 la fin de l'année 1992 ou bien à l'automne 1992 ?

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1 Mme Bringa (interprétation). – Pouvez-vous préciser le terme

2 "opérations militaires" ?

3 M. Pasaric (interprétation). - Il est surtout dit que la

4 situation était calme dans Dolina. Savez-vous s'il y a eu de telles

5 actions militaires ou de telles actions entreprises par des Musulmans,

6 telles que les constitutions des points de contrôle, par exemple ?

7 Mme Bringa (interprétation). - Il n'y a pas eu de points de

8 contrôles bosniaques constitués par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

9 M. Pasaric (interprétation). - Les rapports entre les Croates et

10 les Musulmans sont devenus plus tendus et ont fini par être coupés suite à

11 ce premier conflit, ce conflit qui a eu lieu en janvier/février.

12 Mme Bringa (interprétation). – Oui, c'est ce qui a été décrit

13 dans le film.

14 M. Pasaric (interprétation). – Donc, ils ont arrêté leurs

15 contacts ?

16 Mme Bringa (interprétation). – Non, pas pour autant que je le

17 sache, et non pas les personnes qui sont décrites dans le film. Je ne sais

18 pas en ce qui concerne chaque individu si la personne a gardé ses contacts

19 ou pas.

20 M. Pasaric (interprétation). – Donc, Dolina appartenait en

21 partie à la municipalité de Kiseljak. La municipalité de Kiseljak, la

22 ville de Kiseljak se trouve-t-elle juste à côté de l'Herzégovine ?

23 Mme Bringa (interprétation). - Non.

24 M. Pasaric (interprétation). – Est-elle liée directement à

25 l'Herzégovine ?

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1 Mme Bringa (interprétation). - Géographiquement ? Non, pour

2 autant que je le sache, vous devez traverser une montagne.

3 M. Pasaric (interprétation). – La question est la suivante :

4 est-ce que la communication entre l'Herzégovine et Kiseljak n'a jamais été

5 coupée ? Kiseljak n'a-t-elle jamais été encerclée par des forces

6 bosniaques ?

7 Mme Bringa (interprétation). - Vous savez, je n'ai pas voyagé

8 dans cette région pendant toute la guerre. A l'époque où nous y étions,

9 effectivement, l'accès vers l'Herzégovine était libre, mais je ne peux pas

10 vous répondre étant donné que je ne connais pas des informations

11 militaires très précises à ce sujet.

12 M. Pasaric (interprétation). – Cela veut dire qu'au moment de

13 votre séjour, l'accès, le passage était libre ?

14 Mme Bringa (interprétation). - C'est l'ONU qui contrôlait la

15 route et il a fallu se déplacer dans le cadre d'un convoi de l'ONU.

16 M. Pasaric (interprétation). - Dans le film, il est dit qu'il a

17 été interdit aux Musulmans de se rassembler en nombre plus grand que celui

18 de trois personnes. Ceci s'est produit dès votre séjour au mois de

19 février ?

20 Mme Bringa (interprétation). - C'était en janvier/février.

21 M. Pasaric (interprétation). – Il était interdit aux Musulmans

22 de se rassembler à Dolina en janvier/février ?

23 Mme Bringa (interprétation). – Oui, c'est ce qui a été décrit

24 dans le film. Effectivement, c'est exact.

25 M. Pasaric (interprétation). – Dites-nous, s'il vous plaît, j'ai

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1 trouvé cela intéressant quand j'ai vu qu'on a mentionné la fête de Baïram.

2 Ceci s'est-il produit pendant votre premier séjour, ou par la suite

3 lorsqu'un Croate vous a dit que la personne qui souhaitait fêter Baïram

4 devait se rendre à Visoko ?

5 Mme Bringa (interprétation). - Voici ce dont j'ai parlé : il y a

6 eu une redéfinition graduelle de la région de Kiseljak en tant que région

7 purement croate. Les non-Croates avaient l'impression de ne pas appartenir

8 à cet endroit, de ne plus y appartenir. Il y avait plusieurs indices de

9 cela. Et là, il y a eu un épisode qui montre bien cela.

10 Quelqu'un est allé à la crèche où se déroulait, pour les

11 enfants, une fête de Noël. Puis, la personne a voulu se renseigner de la

12 manière dont ces manifestations pourraient être organisées pour le Noël

13 orthodoxe et la fête de Baïram. La réponse que la personne a obtenue,

14 c'est que ceux qui souhaitent fêter Baïram doivent aller à Visoko. Là, il

15 s'agissait d'une région sous le contrôle bosniaque ; puis, ils ont dit

16 qu'en ce qui concerne la Noël orthodoxe, que la personne devait aller je

17 ne me souviens plus où, mais dans un territoire sous le contrôle serbe.

18 Ceci montre bien comment une région qui avait été partagée par

19 des gens originaires de différents groupes ethniques est devenue, petit à

20 petit, appropriée par un seul groupe ethnique, alors qu'il n'y a plus eu

21 de place pour les autres groupes et les autres coutumes. Si la personne

22 souhaitait continuer à garder son identité musulmane ou croate, il fallait

23 qu'elle aille ailleurs.

24 M. Pasaric (interprétation). - Ma question était la suivante :

25 quand ceci s'est-il produit ?

Page 10457

1 Mme Bringa (interprétation). - Approximativement, je crois que

2 ceci s'est produit au cours de l'année 1992. Je ne suis pas sûre ; peut-

3 être en 1991 ou 1992.

4 M. Pasaric (interprétation). - Dans votre livre, vous dites -et

5 j'ai trouvé ça intéressant- qu'à Dolina, il n'y a eu que trois mariages

6 mixtes et qu'il s'agissait des mariages entre des Musulmans et des Serbes.

7 Et c'était particulièrement intéressant, étant donné que la population

8 était constituée des Musulmans et des Serbes.

9 Mme Bringa (interprétation). - Oui. C'est intéressant.

10 M. Pasaric (interprétation). - Je sais que nous ennuyons la

11 Chambre de première instance avec les sociétés folkloriques mais, même

12 dans le film, on mentionne une jeune Musulmane, Suhreta, qui dit

13 littéralement que dans la société folklorique, il n'était pas important de

14 savoir qui était qui. Déjà, elle employait le temps passé, elle a dit :

15 "Il n'était pas important".

16 Cela veut-il dire qu'au moment où elle parle de ce sujet, la

17 société folklorique n'existe plus ?

18 Mme Bringa (interprétation). - Si cette société existait sous

19 une forme ou une autre, de toute façon, elle n'aurait pas pu s'y rendre.

20 Mais je crois que la société n'existait plus. De toute façon, elle ne

21 pouvait pas y aller.

22 M. Pasaric (interprétation). - Dans le livre, dans le contexte

23 des mariages mixtes, je souhaite savoir s'il s'agit là d'un phénomène plus

24 général. On dit que, dans les villes et surtout dans la classe urbanisée

25 et éduquée, les différences sociales étaient plus importantes que les

Page 10458

1 différences ethniques. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si une telle

2 attitude était plus répandue dans des zones plus urbanisées.

3 Si la zone était plus urbanisée et si les personnes étaient plus

4 éduquées, est-ce que l'appartenance ethnique était moins importante ?

5 Mme Bringa (interprétation). - Vous voulez dire qu'ils

6 s'opposaient moins aux mariages mixtes ?

7 M. Pasaric (interprétation). - Ce n'est pas vraiment le contexte

8 des mariages mixtes, qui m'intéresse tellement, mais je voudrais savoir si

9 les gens qui vivaient dans des zones plus près des zones urbanisées et qui

10 étaient plus éduqués avaient tendance à accorder moins d'importance aux

11 questions ethniques par rapport à la population rurale ?

12 Mme Bringa (interprétation). – Oui, effectivement, c'était

13 souvent le cas.

14 M. Pasaric (interprétation). – Dites-nous, s'il vous plaît,

15 Dolina, si j'ai bien compris, c'était le dernier village de la

16 municipalité de Kiseljak qui a été attaqué. On dit sans arrêt que la

17 guerre sévissait tout autour et ils étaient plus ou moins épargnés, n'est-

18 ce pas ?

19 Mme Bringa (interprétation). – Je crois qu'il y a eu plusieurs

20 autres villages au sud de ce village, plutôt vers Sarajevo, qui ont été

21 attaqués par la suite, mais c'était l'un des derniers villages, c'est sûr.

22 M. Pasaric (interprétation). – J'ai trouvé intéressant aussi

23 lorsque vous avez dit hier que, mis à part l'architecture... Vous avez dit

24 d'ailleurs que les nouvelles maisons croates et musulmanes avaient

25 tendance à être pareilles. Puis, vous avez dit aussi qu'il y avait une

Page 10459

1 autre distinction entre les maisons croates et musulmanes. Mais dites-

2 nous, est-ce que les maisons croates portaient des inscriptions

3 religieuses sur leur façade ? Vous avez mentionné des croix.

4 Mme Bringa (interprétation). – Oui. Je n'ai pas remarqué ceci

5 dans ce village, dans le village en question. La croix, oui, mais non pas

6 les inscriptions.

7 M. Pasaric (interprétation). – Et la croix, à quoi ressemblait-

8 elle ?

9 Mme Bringa (interprétation). – Pardon, vous voulez dire où se

10 trouvait la croix ou quel type de croix ? Je ne sais pas quel est le terme

11 technique, mais, par exemple si vous avez une maison comme ça, et si la

12 partie courte était par ici...

13 M. le Président (interprétation). – Maître Pasaric, puis-je vous

14 demander de terminer votre contre-interrogatoire ?

15 M. Pasaric (interprétation). – J'ai presque terminé, oui. Est-ce

16 que chaque maison croate ou presque chaque maison avait ceci ?

17 Mme Bringa (interprétation). – En ce qui concerne les maisons de

18 la vieille partie du village ou bien les maisons qui avaient été

19 construites il y a longtemps, c'était le cas.

20 M. Pasaric (interprétation). – Et dans le village, en ce qui

21 concerne les nouvelles maisons croates, est-ce qu'elles avaient une croix

22 elles aussi ou pas ?

23 Mme Bringa (interprétation). – Je n'ai pas remarqué.

24 M. Pasaric (interprétation). – Dites-moi, s'il vous plaît, dans

25 le film encore une fois, et il s'agit de la page 53 du transcript de la

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1 cassette vidéo, ai-je bien compris si je dis qu'après tous les événements,

2 lorsque vous avez posé la question à Mme Slavka la question de savoir ce

3 qui s'était produit, elle avait répondu que les soldats sont arrivés et

4 qu'ils ont dit qu'une attaque allait être lancée ailleurs ; et que c'est

5 seulement ultérieurement qu'ils ont compris que c'est leur village qui

6 allait être attaqué. Donc la conclusion que l'on peut tirer sur la base de

7 cela, c'est que l'armée ne faisait pas confiance aux villageois.

8 Mme Bringa (interprétation). – Je ne peux pas répondre à cette

9 question.

10 M. Pasaric (interprétation). – Mais confirmez simplement.

11 Mme Bringa (interprétation). – Oui, c'est ce qu'elle a dit.

12 M. Pasaric (interprétation). – Et dans le film, on dit aussi que

13 les frères de Mme Ida ont été tués et que c'est les voisins directs qui

14 ont perpétré ce meurtre. Est-ce que vous savez si l'identité exacte de ces

15 personnes a été établie ?

16 Mme Bringa (interprétation). – Elle dit qu'elle connaît

17 l'identité des assassins.

18 M. Pasaric (interprétation). – Oui, j'ai compris cela. Elle a

19 dit que c'étaient les premiers voisins qui l'ont fait et vous, vous

20 connaissiez ces personnes-là. Est-ce qu'elle vous a dit de qui il

21 s'agissait ?

22 Mme Bringa (interprétation). – Vous voulez dire si elle m'a

23 communiqué le nom de la personne ?

24 M. Pasaric (interprétation). – Ou d'autres éléments d'identité.

25 Mme Bringa (interprétation). – Non. Et puis, je ne lui ai pas

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1 posé cette question.

2 M. Pasaric (interprétation). – Très bien. Donc ça veut dire que

3 les noms ne vous intéressaient pas, donc c'est pour cela que vous n'avez

4 pas posé la question. Mais est-ce que vous savez si elle a communiqué ce

5 nom, le nom de ses premiers voisins à qui que ce soit d'autre ?

6 Mme Bringa (interprétation). – Non, je ne le sais pas.

7 M. Pasaric (interprétation). – Je n'ai qu'une dernière question

8 qui vous concerne en tant qu'expert en général et non pas en tant que

9 quelqu'un qui connaît particulièrement bien la situation en Bosnie-

10 Herzégovine.

11 Voici ma question : si l'on vous dit qu'à Vitez, une société

12 folklorique avait existé et puis, si l'on vous dit qu'après ces partages,

13 il y a eu deux sociétés, une société musulmane et une autre croate, mais

14 qu'il y a eu une troisième société qui a gardé son caractère à la fois

15 musulman et croate, et si l'on vous dit qu'ils assistaient, qu'ils

16 préparaient ensemble des manifestations à la fois pour des fêtes

17 catholiques et musulmanes, est-ce que ceci constituerait à vos yeux une

18 grande différence par rapport à Dolina ?

19 Donc la question est : cela voudrait-il dire que la situation

20 là-bas, que la situation à Dolina et à Vitez était très différente ?

21 Mme Bringa (interprétation). – Je ne sais pas quel est le sens

22 de cette question. Ce que vous me dites est tout à fait intéressant sur le

23 plan ethnographique, mais je ne vois pas quelle doit être ma réponse.

24 M. Pasaric (interprétation). – Ma question est la suivante : si

25 tel était le cas, est-ce que ceci voudrait dire que la situation étaient

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1 bien différente à Dolina et ailleurs ? C'est-à-dire si l'on savait que et

2 les Musulmans et les Croates fêtaient Baïram ensemble, qu'ils avaient

3 maintenu leur société folklorique mixte, si cette supposition est exacte,

4 est-ce que ceci voudrait dire que la situation que je viens de décrire est

5 bien différente par rapport à la situation que vous avez rencontrée à

6 Dolina pendant votre séjour ?

7 Mme Bringa (interprétation). – Cette femme parlait de Kiseljak.

8 Ces femmes parlaient de Kiseljak. Moi, les danses folkloriques ne

9 constituaient pas l'objet de mon intérêt. Il y a eu d'autres

10 anthropologues qui se penchaient plus là-dessus. Donc je n'ai pas vraiment

11 insisté sur cette question ; peut-être que j'aurais dû, mais il y a eu

12 d'autres questions que je trouvais bien importantes. Donc je ne peux pas

13 vous dire quelle était la situation dans laquelle se trouvait ce groupe

14 folklorique à Kiseljak ; je ne sais pas s'ils fêtaient ensemble Baïram et

15 Pâques.

16 M. Pasaric (interprétation). – En 1993 ?

17 Mme Bringa (interprétation). – Vous parlez de quel mois ?

18 M. Pasaric (interprétation). – Baïram était au mois de mars

19 1993.

20 Mme Bringa (interprétation). – Bien évidemment que non, étant

21 donné qu'il n'y a plus eu de Musulmans qui auraient pu rester pour fêter.

22 M. Pasaric (interprétation). – Là, je parle du mois de mars.

23 Mme Bringa (interprétation). – Dans ce cas-là, je ne sais pas.

24 Vraiment, je ne sais pas, je ne dispose pas de suffisamment d'informations

25 ethnographiques pour me permettre de connaître mieux la situation.

Page 10463

1 M. Pasaric (interprétation). – Merci. Je n'ai plus de question à

2 poser.

3 M. le Président (interprétation). – Merci. Plus de questions à

4 poser ? Oui, Maître Slokovic-Glumac ?

5 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, si vous me

6 permettez une seule question portant sur les faits. Personne n'a posé

7 cette question et j'aimerais bien qu'on ait une réponse plus précise à ce

8 sujet.

9 Bonjour, Madame, je suis Maître Slokovic-Glumac. J'ai vraiment

10 une question seulement sur une partie des faits présentés dans votre film.

11 Je sais que vous avez travaillé sur ce film en deux parties : d'abord en

12 janvier, février 1993 et ensuite au mois d'avril 1993, n'est-ce pas ?

13 Mme Bringa (interprétation). – Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez à

15 quel moment vous avez filmé les premières parties du film, les parties qui

16 sont marquées en tant que première et deuxième parties du film ?

17 Mme Bringa (interprétation). – L'ensemble du film, sauf au

18 moment où l'on annonce "Huit semaines plus tard", donc toute cette partie

19 a été filmée en janvier, février, pendant notre séjour de trois semaines ;

20 après, je crois que c'est indiqué "Huit semaines plus tard" et cela

21 commence par le moment où je sors de la voiture et où je rencontre les

22 gens.

23 Mme Glumac (interprétation). – Très bien, merci. Je croyais que

24 peut-être vous aviez filmé ceci auparavant, je n'avais pas bien compris et

25 je vous remercie.

Page 10464

1 Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Slokovic-

3 Glumac.

4 Donc il n'y a plus de question. Professeur Bringa, merci d'être

5 venue témoigner à La Haye. Vous pouvez disposer maintenant et je propose

6 que l'on procède à une pause de 30 minutes.

7 L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 11 heures.

8 (Le nouveau témoin est introduit dans le prétoire.)

9 M. le Président (interprétation). – Je suppose que vous êtes

10 M. Majstorovic ? Maître Pavkovic, auparavant ?

11 M. Pavkovic (interprétation). – Monsieur le Président, excusez-

12 moi de vous arrêter mais je me dois de vous donner une réponse concernant

13 le témoignage de Slavko Marin. Voulez-vous que je vous dise ce que je dois

14 vous dire ? La défense ne va pas interroger ce témoin et c'est par la même

15 occasion que nous le confirmons au Bureau du Procureur.

16 M. le Président (interprétation). – Est-ce parce que M. Slavko

17 Marin n'est pas prêt à venir à La Haye ? Ou cela fait-il partie de votre

18 stratégie juridique de ne pas le citer ? Autant que je puisse vous poser

19 la question, simplement parce que le Procureur l'a soulevée. Mais si vous

20 vous voulez vous abstenir de répondre à ma question, libre à vous de le

21 faire.

22 M. Pavkovic (interprétation). – Je vais vous donner la réponse,

23 Monsieur le Président, mais je vais être très bref. Il s'agit de ce

24 deuxième point que nous vous avez soulevé. Nous avons considéré que les

25 choses sont claires, suffisamment claires. C'est de cette manière-là que

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1 nous contribuons également à accélérer la procédure.

2 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Pavkovic. Pas

3 de commentaire de la part du Procureur ?

4 M. Terrier. – Pas pour le moment, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie.

6 Monsieur Majstorovic, veuillez donner lecture de la déclaration

7 solennelle.

8 M. Majstorovic (interprétation). – Je déclare solennellement que

9 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Veuillez

11 vous asseoir. Maître Glumac, vous avez la parole.

12 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

13 Bonjour, Monsieur Majstorovic. Je vais vous demander de décliner votre

14 identité, de nous dire où vous habitez, quand et où vous êtes né et ce que

15 vous faites en ce moment.

16 M. Majstorovic (interprétation). – Merci. Je m'appelle Dragan

17 Majstorovic. Je suis né le 21 mars 1968 à Zenica. J'habite en ce moment

18 dans la municipalité de Vitez, Hrvatskih Branitelja B/43. A partir de

19 1994, je travaille au bureau de la défense de Vitez, de la municipalité de

20 Vitez.

21 Mme Glumac (interprétation). - Qu'avez-vous comme formation,

22 s'il vous plaît ?

23 M. Majstorovic (interprétation). – J'ai terminé la Haute Ecole

24 Economique et je suis dans les affaires.

25 Mme Glumac (interprétation). - Vous venez de dire que vous

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1 travaillez dans le bureau de la défense de la municipalité de Vitez.

2 Pouvez-vous nous dire quel est le poste que vous occupez ? Quelle est

3 l'appellation, la désignation du poste de travail ?

4 M. Majstorovic (interprétation). – En 1994, j'ai commencé à

5 travailler comme chargé d'affaires et je m'occupe des forces armées. Je

6 suis chargé d'affaires également pour compléter les forces armées ; je

7 m'occupe de la mobilisation des gens, je crée des fichiers.

8 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-nous expliquer très

9 brièvement comment on procède à une mobilisation, si c'est une

10 mobilisation régulière ?

11 M. Majstorovic (interprétation). – Régulière ?

12 Mme Glumac (interprétation). – Oui.

13 M. Majstorovic (interprétation). – Pour mobiliser les personnes,

14 il est indispensable de faire un certain nombre de démarches préalables.

15 Chaque unité militaire doit d'abord disposer des fichiers et de ses

16 documents. Dans le cas contraire, il s'agit de convocations pour la

17 mobilisation. C'est un formulaire MOB-11 qui est envoyé par un coursier

18 sur le terrain, et c'est le coursier qui est convoqué de cette manière-là

19 pour venir, s'il s'agit de manœuvres ou d'un entraînement ou d'une

20 formation.

21 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce une manière de procéder à

22 la mobilisation, normalement ?

23 M. Majstorovic (interprétation). – Oui. Il y a bien évidemment

24 un appel public par les mass media. Ceci est une autre forme.

25 Mme Glumac (interprétation). - Est-il possible, dans des

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1 conditions exceptionnelles, de procéder à la mobilisation de la même

2 manière que celle que vous venez de décrire ?

3 M. Majstorovic (interprétation). – C'est de cette manière qu'il

4 faut procéder. Il est important également, si nous envoyons une

5 signification et que l'on ne répond pas à cette signification, qu'on soit

6 en possibilité de traduire en justice la personne qui n'a pas répondu à la

7 convocation. Chaque conscrit est dans l'obligation de répondre à la

8 convocation.

9 Mme Glumac (interprétation). - Pour procéder à la mobilisation

10 dans n'importe quelle situation, même une situation extraordinaire,

11 exceptionnelle, est-il indispensable de compter sur un temps ? Est-il

12 possible, par exemple, de mobiliser mille personnes en une journée ?

13 M. Majstorovic (interprétation). – En ce moment, il serait

14 probablement possible d'y aboutir, mais pendant la guerre ce n'était

15 certainement pas possible. Chaque formation militaire a un temps qui lui

16 est imparti pour mobiliser les gens, pour aboutir à une mobilisation

17 complète. Actuellement, ce sont 24 heures qui sont à notre disposition.

18 Mais à la fin 1993, début 1994, c'était absolument impossible.

19 Mme Glumac (interprétation). – Et pourquoi cela était impossible

20 à cette époque-là ?

21 M. Majstorovic (interprétation). – Tout simplement parce qu'à

22 cette époque-là, les formations militaires n'avaient pas une stratégie

23 bien élaborée. Il n'y avait pas de fichiers, il n'y avait pas non plus de

24 convocations établies. Il y avait également des conflits qui ont eu lieu

25 dans l'ensemble de la municipalité, sur l'ensemble du territoire.

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1 Mme Glumac (interprétation). – Y avait-il également à cette

2 époque une liste des personnes qui étaient des réserves, des unités de

3 réserve ? Cette liste correspondait à vos besoins ? Donc il y avait les

4 personnes avec les dates de naissance, les domiciles, etc. ?

5 M. Majstorovic (interprétation). – Pouvez-vous reposer la

6 question ? Je ne vous ai pas très bien compris.

7 Mme Glumac (interprétation). – A l'époque, le bureau pour la

8 défense qui se devait de mobiliser les personnes, ce bureau disposait-il

9 des dossiers, des listes avec toutes les adresses, les dates de naissance,

10 les lieux de résidence ?

11 M. Majstorovic (interprétation). – Non, pas à ce moment-là.

12 Mme Glumac (interprétation). - Dites au Tribunal, s'il vous

13 plaît, quelle est la différence entre les unités de réserve et d'active ?

14 M. Majstorovic (interprétation). – Réserve, le mot le dit en

15 lui-même. Pendant la guerre, comme il y avait un danger de guerre, cette

16 différence n'existait pas. Quand il n'y a pas de guerre, la différence est

17 très grande. Les formations de réserve, ce sont les personnes qui sont

18 démobilisées, qui travaillent normalement. Ceux qui sont opérationnels

19 sont en tenue militaire et sont remboursés, payés pour leur activité.

20 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez déclaré que, lorsqu'il

21 y a une guerre, il n'y a pas de différence entre les forces de réserve et

22 les forces d'active, mais est-ce qu'il y a une différence entre les forces

23 de réserves et les forces d'active lorsqu'il y a danger de guerre ?

24 M. Majstorovic (interprétation). - Pendant la guerre, il n'y a

25 pas eu de différence pour une raison toute simple : chacun se voyait

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1 affecté à la même tâche, tous se retrouvaient sur la ligne de front, la

2 ligne de défense, alors qu'après la guerre, chacun avait retrouvé son

3 emploi. J'espère que vous me comprenez.

4 Mme Glumac (interprétation). - Et qui constitue les forces de

5 réserve ?

6 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, les forces de

7 réserve se composent de tous les hommes en âge de combattre de l'âge de 17

8 à 60 ans, alors qu'en cas de guerre ou de menace imminente de guerre, on

9 fait passer la limite supérieure à 65 pour les membres de la défense

10 civile et pour les gens qui ont des obligations de travail.

11 Mme Glumac (interprétation). - Quelle est l'importance qu'il

12 faut accorder au serment que prêtent les soldats de réserve ou les

13 conscrits militaires ?

14 M. Majstorovic (interprétation). - On prête serment une seule

15 fois ; un conscrit prête ce serment une seule fois lorsqu'il fait partie

16 de l'armée d'un état donné. Mais puisqu'il y avait eu désintégration de

17 l'ex-Yougoslavie en plusieurs petits Etats, étant donné qu'il fallait

18 établir de nouvelles formations sur tout le territoire de l'ex-

19 Yougoslavie, cela voulait dire que toutes les unités devaient prêter ce

20 serment ; c'était une formalité.

21 En d'autres termes, ils promettaient qu'ils seraient des soldats

22 loyaux et fidèles de cette unité donnée.

23 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ce serment a une autre

24 signification hormis celle qui est attachée à une cérémonie ?

25 M. Majstorovic (interprétation). - Non, c'est une simple

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1 cérémonie.

2 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que quelqu'un peut devenir

3 soldat dans une unité sans prêter serment ?

4 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

5 Mme Glumac (interprétation). - Autre chose : dans le cadre du

6 statut de ces forces de réserve, vous avez dit que, pendant la guerre, les

7 forces d'active et celles de réserve avaient le même statut, n'est-ce

8 pas ?

9 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

10 Mme Glumac (interprétation). - Au cours de la guerre ou s'il y a

11 menace imminente de guerre, les forces de réserve sont les civils, n'est-

12 ce pas ?

13 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y a une différence

15 quelconque entre un réserviste et un conscrit au plan terminologique ?

16 M. Majstorovic (interprétation). - Non, tout le monde fait

17 partie des forces de réserve et tout le monde est conscrit militaire.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ça veut dire que tous

19 les hommes en âge de porter des armes, en âge de combattre sont à la fois

20 des réservistes et des conscrits ?

21 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez occupé un emploi

23 supplémentaire en 1996 ; lequel est-il ?

24 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, en 1996, lorsque le

25 parlement de la République de Bosnie-Herzégovine a décidé d'accorder des

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1 traitements supplémentaires aux membres du HVO, moi, j'étais président du

2 groupe de travail chargé de calculer les salaires supplémentaires destinés

3 aux membres du HVO pour la période pendant laquelle ils avaient servi

4 pendant la guerre.

5 Mme Glumac (interprétation). - A quoi servait l'élaboration de

6 ces listes ?

7 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, ces listes devaient

8 permettre à tous ceux qui avaient participé à la guerre d'être payés, du

9 moins rétroactivement pour le temps qu'ils avaient passé, soit dans les

10 unités du MUP soit dans les unités de l'armée soit dans les unités du

11 ministère de l'Intérieur ainsi que dans les unités qui avaient des

12 obligations de travail, dans toutes les unités, en un mot, qui se sont

13 acquittées de tâches de défense.

14 Mme Glumac (interprétation). - Et cette obligation de l'Etat,

15 elle a été formulée à partir de quelle règle ?

16 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, les trois peuples

17 constituant la Bosnie-Herzégovine, tôt ou tard, ont œuvré à l'élaboration

18 de ces listes visant au paiement de traitements supplémentaires.

19 Personnellement, je ne sais pas quelle avait été la base pour ce

20 traitement supplémentaire. Je sais que le parlement de la République avait

21 voté dans ce sens, mais je sais que c'est l'élément militaire du HVO qui a

22 été le premier élément à entamer cette procédure.

23 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ça veut dire que les

24 deux autres peuples constituant aussi la Bosnie-Herzégovine ont fait le

25 même genre de calcul, ont adopté aussi une législation permettant l'octroi

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1 de ce salaire supplémentaire ?

2 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

3 Mme Glumac (interprétation). - Mais quelle est la législation ou

4 la réglementation précise qui fonde cette obligation, s'agissant des

5 éléments croates ?

6 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, dans la gazette

7 officielle de Bosnie-Herzégovine 16-96 du 25 avril 1996, c'est là qu'on

8 retrouve le moment où l'on a voté cette loi concernant les salaires

9 supplémentaires.

10 Mme Glumac (interprétation). - Soyons plus précis, car cette

11 information revêt une grande importance à l'examen de certaines listes.

12 Pourriez-vous dire précisément quelles étaient les catégories de

13 personnes reprises dans ces calculs ? En d'autres termes, quelles étaient

14 les catégories de personnes à qui on reconnaissait le droit d'obtenir ce

15 salaire supplémentaire ?

16 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, ce droit à un

17 traitement supplémentaire était attribué à tous les membres d'active et de

18 réserve du HVO, fonctionnaires et membres du ministère de l'Intérieur, la

19 police, donc, membres de la défense civile qui, au cours de cette période,

20 se trouvaient sous la tutelle du ministère de l'Intérieur.

21 Mais tous ceux qui avaient participé à la guerre, que ce soient

22 des invalides de 20 % à 100 % d'invalidité, toutes ces personnes étaient

23 considérées comme des conscrits militaires qui auraient été portés... Cela

24 veut dire aussi que tous les conscrits qui étaient portés disparus

25 pouvaient en bénéficier ainsi que ceux qui avaient participé à des

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1 combats.

2 Mme Glumac (interprétation). - Mais ceci est-il dit dans le

3 texte de loi ou est-ce que cela fait l'objet d'instructions

4 particulières ?

5 M. Majstorovic (interprétation). - Après l'adoption de la loi

6 sur les traitements supplémentaires, tous les ministères de la Défense ont

7 reçu des consignes quant à la façon de calculer ces salaires

8 supplémentaires. On précisait qui avait participé à ces activités et

9 aussi, on précisait la méthode de vérification et de calcul du traitement

10 précis.

11 Mme Glumac (interprétation). - Ces listes ont été ainsi dressées

12 et elles furent envoyées au ministère de la Défense, n'est-ce pas ?

13 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). - Et ceci s'est fait sur le

15 territoire de votre municipalité également, n'est-ce pas ?

16 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

17 Mme Glumac (interprétation). - Quelles furent les listes que

18 vous avez reçues et quelles unités concernaient-elles ?

19 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, toutes les unités

20 qui avaient des conscrits militaires sur la municipalité de Vitez devaient

21 envoyer une liste à leur ministère de la Défense, liste reprenant tous

22 ceux qui avaient eu une participation pendant la guerre. Ceci était envoyé

23 au ministère de la Défense, sauf pour le code postal 17/79 de Vitez.

24 Pendant la guerre, elles faisaient partie de la Brigade de Vitez et, à

25 partir de 94, on les a appelées la 2ème Garde, la Home Guard, le

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1 92ème Régiment des Home Guards (Domobrani). Et à partir du code

2 postal 17/71, on avait le Régiment indépendant de Zenica, qu'on appelait

3 la Brigade de Zenica pendant la guerre. Et puis il restait de plus petites

4 unités se trouvant sur le territoire de Vitez, par exemple la police

5 militaire, la division d'artillerie mixte, la défense antiaérienne, la

6 compagnie de liaison ; et il y avait aussi d'autres officiers qui

7 travaillaient dans le district militaire de Vitez.

8 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi de vous avoir

9 interrompu. Vous voulez dire que ces unités que vous avez citées (le MUP,

10 la police militaire, la défense antiaérienne, les membres des états-

11 majors) constituaient des personnes faisant l'objet d'une liste distincte,

12 n'est-ce pas ?

13 M. Majstorovic (interprétation). - C'est exact, cette liste-là

14 était intitulée "Autres unités".

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'une autre liste a été

16 dressée ?

17 M. Majstorovic (interprétation). - Tout à fait. Il y a une liste

18 d'affectations de travail obligatoire, d'unités chargées de travail

19 obligatoire, c'est-à-dire que ceci était fourni par des sociétés qui

20 avaient des obligations de travail pendant la guerre et cette liste qui

21 donnait le HDZ. On a eu une autre liste plus tard aussi intitulée "HDZ",

22 mais cette liste "HDZ" dont je parle concerne les gardes villageoises.

23 Mme Glumac (interprétation). - Je vais demander à l'huissier de

24 soumettre au témoin la pièce de l'accusation 353.

25 (Le document est remis au témoin.)

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1 Monsieur Majstorovic, voici cette liste, liste qui a été

2 délivrée par votre bureau. Ce sont des listes qui vous ont été soumises,

3 n'est-ce pas ?

4 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

5 Mme Glumac (interprétation). - Et cette liste, qu'est-ce que

6 c'est par rapport à celles que de vous avez nommées ?

7 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, c'est la liste du

8 code postal militaire 17/71, Brigade de Vitez, qui est devenue par la

9 suite Régiment de la Garde nationale ou Home Guard.

10 Mme Glumac (interprétation). - Les formulaires qui fournissent

11 la teneur de cette liste, qui les a remplis, vous ou l'unité ?

12 M. Majstorovic (interprétation). - L'unité.

13 Mme Glumac (interprétation). - On voit notamment le statut.

14 Pourriez-vous examiner cette colonne-là ?

15 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

16 Mme Glumac (interprétation). - Qui fournissait ces

17 informations ?

18 M. Majstorovic (interprétation). - Eh bien, il fallait indiquer

19 dans ces formulaires le PP 1, ce sont des inscriptions qu'il fallait

20 respecter, utiliser selon les instructions. Dans "PP", le premier "P" veut

21 dire simplement Réserve.

22 Mme Glumac (interprétation). - Donc "P" signifie Pricuva. En

23 d'autres termes, Réserve.

24 M. Majstorovic (interprétation). - Et "DDO", c'est le personnel

25 d'active.

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1 Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne "RVI", qu'est-

2 ce que ça veut dire ?

3 M. Majstorovic (interprétation). - Ça veut dire Invalide de

4 guerre, Invalide militaire de guerre.

5 Mme Glumac (interprétation). - Et "N" ?

6 M. Majstorovic (interprétation). - Disparus -"Nestali"- pendant

7 la guerre.

8 Mme Glumac (interprétation). - Et "Z" ?

9 M. Majstorovic (interprétation). - Arrêtés, Détenus. "Z",

10 "Zarobjeni".

11 Mme Glumac (interprétation). - Et MUP, M-U-P ?

12 M. Majstorovic (interprétation). - Ce sont les membres du

13 ministère des Affaires intérieures.

14 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que dans ces consignes

15 également, on parle du sigle "PS" ?

16 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

17 Mme Glumac (interprétation). - Qui avait cet insigne "PS" ?

18 M. Majstorovic (interprétation). - C'était les membres de la

19 garde, les employés, les fonctionnaires et les militaires sous contrat.

20 Les membres du bureau de la Défense portaient également cet insigne "PS".

21 Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent, c'était les

22 unités opérationnelles, professionnelles, n'est-ce pas ?

23 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

24 Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne cette liste,

25 dans la rubrique "Engagés" dans la formation, dans l'établissement,

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1 souvent il est marqué "8 avril 92".

2 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

3 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui

4 s'est passé ce jour-là, qu'est-ce qui a été mis en place, créé. Qu'est-ce

5 qui s'est passé ce jour-là ? Pourquoi le 8 avril, parce que le plus

6 souvent on voit le 8 avril ?

7 M. Majstorovic (interprétation). - Le 8 avril 92, c'est l'état

8 de guerre qui a été proclamé sur le territoire de Bosnie-Herzégovine et

9 c'est le jour également du HVO, mais c'est surtout le jour où on a

10 proclamé l'état de guerre dans l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine.

11 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit le HVO. C'est le

12 jour où le HVO a été créé ?

13 M. Majstorovic (interprétation). - C'est le jour où le HVO a été

14 créé.

15 Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne le temps

16 également dont on parle dans la même rubrique "Engagement dans la

17 formation", il y a donc ce terme "jusqu'à", souvent il y a les deux dates

18 qui sont citées : 1994, la première date, et une autre date : 96.

19 Pourriez-vous nous donner quelques précisions ou éclaircissements ? Est-ce

20 que vous savez si, même par rapport à ces dates, il y a éventuellement

21 quelques événements qui ont conditionné une telle statistique et la

22 démobilisation également ?

23 M. Majstorovic (interprétation). - Vous pensez à la

24 démobilisation de 1994 des formations de réserve ?

25 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

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1 M. Majstorovic (interprétation). – Au début de 1994, c'est

2 l'accord de Washington qui a été signé, et c'est en application de cet

3 accord que les membres du HVO devaient procéder à une démobilisation, ou

4 plutôt réduire le nombre de soldats. Ceci était la raison pour laquelle

5 nous avons démobilisé les formations de réserve du HVO. Mais ils ont

6 maintenu leurs affectations, ils ont été obligés de remettre les armes et

7 de rendre les vêtements militaires, tout l'équipement militaire.

8 Mme Glumac (interprétation). - Comment est-ce possible que les

9 personnes qui ont été démobilisées en 1994 -tout au moins ces personnes

10 l'ont dit- pouvaient obtenir des attestations à travers cette liste, étant

11 donné que la mobilisation véritable a été faite en 1996 ? Vous a-t-on

12 donné des explications à ce sujet-là ?

13 M. Majstorovic (interprétation). – J'ai dit qu'il s'agissait

14 d'une démobilisation temporaire. Tous les hommes en âge de combattre

15 avaient maintenu leur poste d'affectation. Pendant la guerre en Bosnie-

16 Herzégovine, on ne pouvait pas non plus se permettre de les démobiliser.

17 La guerre n'était pas encore terminée. C'est la raison pour laquelle, plus

18 tard, tous ces conscrits ont été appelés pour se rendre sur un certain

19 nombre de lignes de front.

20 Mme Glumac (interprétation). - Certains ou tous ?

21 M. Majstorovic (interprétation). – Certains et ceci en fonction

22 des besoins des formations.

23 Mme Glumac (interprétation). - Que s'est-il passé en 1996 ? La

24 démobilisation complète a-t-elle été faite ? Et sur la base de quel

25 accord ?

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1 M. Majstorovic (interprétation). – Au début de 1996 et en

2 application de l'accord de Dayton, on avait démobilisé l'ensemble du

3 92ème Régiment. Vous avez des attestations de démobilisation qui ont été

4 délivrées en avril 1996. Il s'agissait du 92ème Régiment de Domobrani.

5 Mme Glumac (interprétation). - Vous parlez de la démobilisation

6 de l'accord de Dayton. Ceci comprend toutes les forces ?

7 M. Majstorovic (interprétation). – Pas uniquement dans la

8 municipalité de Vitez, mais dans l'ensemble du territoire.

9 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit, par ailleurs… Je

10 m'excuse, je reprends.

11 Pouvez-vous dire, s'il vous plaît, ce que vous avez entrepris

12 sur la base de cet accord ? Et les attestations qui ont été signées par

13 les personnes démobilisées ?

14 M. Majstorovic (interprétation). – Nous avons d'abord vérifié

15 les données et les renseignements, tout au moins concernant le nom, le

16 prénom, le matricule. Il a été obligé également de transcrire tout ce qui

17 se trouvait dans le fichier militaire. Ensuite, on avait fait des calculs

18 pour pouvoir rembourser et accorder des salaires aux membres des

19 formations militaires d'active et de réserve.

20 Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous également été obligés

21 de contrôler toutes les données qui ont été marquées sur la liste ?

22 M. Majstorovic (interprétation). – Non, on ne pouvait pas

23 vérifier toutes les données. On n'avait pas la compétence de vérifier ces

24 données. Ce sont les signataires des listes qui en étaient responsables.

25 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'outre ce

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1 recensement, outre ces listes qui portent sur les membres de la brigade de

2 Vitez et les formations de réserve…

3 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

4 Mme Glumac (interprétation). - Il y avait également une autre

5 liste où, sur la première page, on voit le signe HDZ. Je vais demander à

6 l'huissier de m'aider et de soumettre à la Chambre et au Procureur

7 également ce document, cette pièce à conviction P 371.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 Avez-vous vu cette liste, ce recensement ?

10 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

11 Mme Glumac (interprétation). - Quand cette liste a-t-elle été

12 établie ?

13 M. Majstorovic (interprétation). – C'est une liste qui a été

14 établie parallèlement avec d'autres listes, comme la liste du

15 92ème Régiment de Domobrani.

16 Mme Glumac (interprétation). – En quelle année ?

17 M. Majstorovic (interprétation). – En 1996.

18 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-vous, s'il vous plaît,

19 jeter un coup d'œil sur la première page de cette liste que vous avez sous

20 vos yeux ?

21 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Le titre est : "Les membres qui

23 ont participé à l'agression."

24 Pouvez-vous nous dire également de quelle liste il s'agit, ce

25 que vous savez sur cette liste et à quelle fin cette liste a été établie ?

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1 M. Majstorovic (interprétation). – Nous avons reçu les consignes

2 en 1996 pour établir des listes et attribuer des salaires complémentaires.

3 Dans des consignes, il a été stipulé que nous pouvions compter ces

4 salaires complémentaires à partir du 18 septembre.

5 Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi cette date était

6 importante ?

7 M. Majstorovic (interprétation). – Mais c'est l'agression contre

8 la Bosnie-Herzégovine, et c'est la date à partir de laquelle on compte

9 l'agression. C'est une attaque contre Ravno sur le territoire de Bosnie-

10 Herzégovine ; c'est une région limitrophe, frontalière face à la Croatie,

11 sinon c'est un village, Ravno, qui se trouve en Herzégovine. Et cette

12 attaque s'est produite le 18 septembre 1991.

13 Mme Glumac (interprétation). - Qui avait l'obligation de

14 constituer la liste ? Qui se trouvait également sur cette liste ?

15 M. Majstorovic (interprétation). – Etant donné qu'en 1996, il a

16 fallu établir cette liste et que, sur la base des consignes en fonction

17 desquelles il fallait établir la liste, et que c'est le conseil municipal

18 qui en a été chargé…

19 Mme Glumac (interprétation). - De Vitez ?

20 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, de Vitez. Compte tenu du

21 fait également que, sur le terrain, il y avait déjà la démobilisation à

22 laquelle on avait procédé au niveau de la défense civile -je parle des

23 villages environnants de Vitez-, la seule structure qui aurait pu se

24 charger de cette liste dans les villages environnant Vitez se trouvait

25 dans Vitez, et c'étaient les succursales du HDZ. C'est la raison pour

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1 laquelle cette liste a été faite par cette structure.

2 La liste que j'ai sous les yeux indique les noms de tous ceux

3 qui ont participé contre l'agression à partir de 1991, qui se sont

4 organisés de manière autonome et qui se sont organisés à ce niveau-là au

5 sein des patrouilles et des gardes villageoises. Et ceci, pour préserver

6 les biens et leur vie, et partout où ils se trouvaient.

7 Mme Glumac (interprétation). - Sur la base de quel règlement les

8 patrouilles avaient-elles droit à des actions ?

9 M. Majstorovic (interprétation). - Mais ce sont les consignes

10 dont j'ai parlé sur les salaires complémentaires ; et la date est le

11 18 septembre 1991. Tous ceux qui ont participé dans les patrouilles sont

12 considérés comme faisant partie de ces patrouilles et de ces formations,

13 tous n'ont pas véritablement été des formations, ne faisaient pas partie

14 des formations militaires, mais ils ont tout simplement organisé, mis en

15 place des patrouilles et des gardes villageoises.

16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, dans les consignes,

17 dans les instructions qui ont servi de base d'établissement de cette

18 liste, tous les autres participants qui ont participé d'une façon ou d'une

19 autre dans les tâches de défense avaient été autorisés d'obtenir ces

20 salaires complémentaires ?

21 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Quand on parle de tout

23 participant, on pense également aux membres des patrouilles ?

24 M. Majstorovic (interprétation). - Oui et tous les autres

25 participants à la guerre, tous ceux qui ont permis que la vie se poursuive

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1 d'une façon plus ou moins normale pendant la guerre.

2 Mme Glumac (interprétation). - Ces listes ont été signées par

3 les trois personnes. Est-ce que vous voulez bien jeter un coup d'œil en

4 bas de cette première page ? On a cité le Président de cette section de

5 base, le commandant ; lequel, s'il vous plaît ?

6 M. Majstorovic (interprétation). - C'est le commandant à

7 l'époque où les listes ont été établies ; c'est en 1996, dans le cas

8 concret.

9 Mme Glumac (interprétation). - Et le coordonnateur, c'était

10 qui ?

11 M. Majstorovic (interprétation). - C'est la personne qui aidait

12 les activités, et notamment celles liées à l'établissement de ces listes.

13 C'était le greffe.

14 Mme Glumac (interprétation). - Eh bien, les personnes dont il

15 est question, ce sont les personnes qui se sont chargées de cette liste en

16 1996, qui ont établi les listes ; et les fonctions qui sont mentionnées

17 sont de l'époque où la liste a été établie, n'est-ce pas ?

18 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

19 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous préciser par

20 ailleurs s'il y avait encore quelques autres personnes qui ont été

21 chargées de signer, de contresigner, cette liste ?

22 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

23 Mme Glumac (interprétation). - Qui ?

24 M. Majstorovic (interprétation). - Comme cette liste a été

25 établie sur la base des consignes et que c'est la municipalité qui en a

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1 été chargée, c'est le président du conseil municipal qui contresignait, ou

2 le maire, en d'autres termes.

3 Mme Glumac (interprétation). - Cette liste a été établie en

4 fonction du principe territorial, communauté locale, n'est-ce pas ?

5 M. Majstorovic (interprétation). - Oui, tout à fait.

6 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, sur cette liste, il y

7 a des membres du HDZ ?

8 M. Majstorovic (interprétation). - Toutes les personnes qui

9 habitaient ces villages et qui ont participé aux tâches de défense ne sont

10 pas obligatoirement membres du HDZ parce qu'il n'est pas possible que tous

11 soient membres d'un seul parti.

12 Mme Glumac (interprétation). - En d'autres termes, sur la liste,

13 il y a des conscrits militaires d'un village donné : est-ce qu'on pourrait

14 définir ça comme ça ?

15 M. Majstorovic (interprétation). - Non seulement des conscrits,

16 mais également ceux qui n'ont pas été aptes au service militaire, mais qui

17 ont contribué, d'une façon ou d'une autre, à la défense.

18 Mme Glumac (interprétation). - Et qui ont eu un certain nombre

19 de tâches à remplir ?

20 M. Majstorovic (interprétation). - Oui. J'en ai parlé : par

21 exemple, des patrouilles villageoises.

22 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous dire pourquoi

23 on avait fait deux listes ? Cette liste et puis une autre liste qui porte

24 sur la brigade de Vitez ?

25 M. Majstorovic (interprétation). - Tout simplement parce

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1 qu'officiellement, aucun conscrit ne pouvait avoir une attestation d'avoir

2 appartenu à une formation militaire avant le 8 avril 1992.

3 Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi ?

4 M. Majstorovic (interprétation). - Parce que c'était la date où

5 la déclaration de la guerre a été proclamée.

6 Mme Glumac (interprétation). - Et, avant le 8 avril 1992, y

7 avait-il eu des formations militaires ?

8 M. Majstorovic (interprétation). - Non.

9 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, le 8 avril 1992, la

10 formation militaire a été créée ou c'est le début de la création du HVO ?

11 M. Majstorovic (interprétation). - C'était la première étape de

12 la création du HVO.

13 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous dire, en nous

14 fondant sur cette liste et sur la liste de la brigade de Vitez, s'il y a

15 des moyens qui ont été distribués ou bien éventuellement, s'il s'agit de

16 listes définitives ?

17 M. Majstorovic (interprétation). - Non, ces listes ont été

18 élargies : il y a un certain nombre de corrections qui ont été apportées à

19 ces listes et c'est sur la base de ces listes que nous avons calculé les

20 salaires, les soldes.

21 C'est en 1997 que les listes ont été élargies. Des attestations

22 ont été délivrées pour des soldes complémentaires pour les membres du HVO.

23 Mme Glumac (interprétation). - Mais pourquoi vous avez élargi

24 les listes ?

25 M. Majstorovic (interprétation). - A la fin de 1997, nous sommes

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1 parvenus à une constatation selon laquelle notre partenaire au sein de la

2 Fédération a indiqué un nombre assez grand de personnes pour les salaires

3 complémentaires.

4 Et puis il y avait cette deuxième étape de la privatisation et

5 les membres croates n'auraient pas eu suffisamment d'argent pour acheter

6 les actions au sein des entreprises où ils travaillaient, car il y avait

7 la privatisation ; ni des appartements. C'est la raison pour laquelle on

8 avait élargi les listes.

9 Mme Glumac (interprétation). - De quelle manière avait-on élargi

10 les listes ?

11 M. Majstorovic (interprétation). - Il y avait un acte auquel

12 nous nous sommes référés et qui nous a permis d'élargir cette liste pour

13 tous ceux qui ont eu une activité au sein de l'obligation du travail ou

14 qui ont pu assurer, comme j'ai dit, les conditions de vie normales pendant

15 la guerre. C'est sur la base de cette nouvelle consigne, de ce nouvel acte

16 que nous avons élargi la liste avec les personnes qui ont dépassé l'âge de

17 combattre et qui ont participé aux tâches de défense ensemble avec des

18 femmes également, qui ont participé, à travers la défense civile, au

19 développement de la situation, qui ont aidé l'armée. C'est sur la base de

20 tout ceci que nous sommes parvenus à une somme d'argent qui était de

21 l'ordre de trois milliards de deutschmark (DM). C'est sur la base de ceci

22 qu'on avait distribué les attestations sur les salaires complémentaires.

23 Mme Glumac (interprétation). - Ces listes étaient-elles

24 définitives ? Avez-vous réalisé ce que vous avez entrepris ?

25 M. Majstorovic (interprétation). – Non. Etant donné que la

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1 communauté internationale avait défini le plafond des salaires

2 complémentaires pour l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine qui était de

3 l'ordre de quinze milliards de DM, c'est la raison pour laquelle la

4 Fédération de Bosnie-Herzégovine avait eu 7,5 milliards de DM.

5 M. Westendorp, comme arbitre international, a attribué 1,5 milliard de DM

6 pour le HVO. C'est justement pour cette raison que nous étions dans

7 l'obligation de réduire de manière drastique les salaires, les salaires

8 complémentaires.

9 Mme Glumac (interprétation). - Après cette décision, il y a des

10 listes qui ont été établies pour la troisième fois avec un certain nombre

11 de réductions, de corrections, je pense ?

12 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, effectivement. En 1998,

13 nous avons distribué les attestations avec les premiers calculs. En 1999,

14 il y a eu ces réductions drastiques auxquelles nous étions obligés

15 d'arriver. Les personnes qui avaient à l'époque moins de 18 ans

16 bénéficiaient d'un droit au salaire complémentaire de l'ordre de

17 1 200 DM ; celles plus âgées que 67 ans de 1 600 DM et celles de la

18 défense civile de 3 200 DM. Tous ceux qui ont été victimes de la guerre se

19 sont vus attribuer 3 200 DM.

20 Mme Glumac (interprétation). - Selon cette troisième liste, les

21 soldes et les salaires ont-ils été véritablement attribués ?

22 M. Majstorovic (interprétation). – Le ministère de la Défense a

23 envoyé à Sarajevo, au ministère fédéral des Finances, toute cette liste et

24 toutes ces finances. Le mois dernier, nous avons pu faire quelques

25 corrections, car les gens n'ont pas été véritablement satisfaits : ils ont

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1 porté plainte sur les forfaits qu'ils ont reçus. C'est la raison pour

2 laquelle je dois dire que le calcul, en effet, n'a pas été terminé ; il

3 n'est pas du tout définitif.

4 Mme Glumac (interprétation). - Les documents P 353 et P 357, que

5 vous avez sous vos yeux, sont les deux premières versions, n'est-ce pas ?

6 M. Majstorovic (interprétation). – Non, c'est juste comme une

7 base de travail.

8 Mme Glumac (interprétation). – Pour le calcul ?

9 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

10 Mme Glumac (interprétation). - Mais ce ne sont pas des formules

11 définitives ?

12 M. Majstorovic (interprétation). – Non, absolument pas.

13 Mme Glumac (interprétation). - Concernant les deux listes, elles

14 ont été établies par votre bureau ?

15 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, c'était le 23 septembre

16 1998.

17 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous dire également

18 qui vous a pris ces documents ?

19 M. Majstorovic (interprétation). – Ce sont les enquêteurs du

20 Tribunal Pénal International qui sont arrivés avec des arrêts du

21 Tribunal ; ce sont eux qui nous les ont pris. Ils étaient escortés par la

22 SFOR. Ils se sont rendus dans notre bureau le 23 septembre 1998.

23 Mme Glumac (interprétation). - Vous a-t-on saisi d'autres

24 documents également ?

25 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, on nous a saisi d'autres

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1 documents, d'autres listes, mais tout ceci était des documents de base

2 pour le travail qui nous a servi justement pour compter les actions. Des

3 disques durs nous ont été pris, d'autres documents, je ne peux pas vous

4 dire exactement tout.

5 Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous obtenu également un

6 certain nombre de documents du Procureur ?

7 M. Majstorovic (interprétation). – Je ne peux pas vous dire

8 exactement ce qui a été obtenu, mais nous avons obtenu un certain nombre

9 de choses.

10 Mme Glumac (interprétation). - Les représentants de la SFOR ont-

11 ils été armés quand ils ont pénétré dans vos locaux ?

12 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, ils étaient escortés et

13 armés.

14 Mme Glumac (interprétation). - Merci Monsieur Majstorovic.

15 Monsieur le Président, nous avons un certain nombre de documents (la

16 législation en vigueur, les consignes pour l'établissement de ces listes

17 que le témoin nous a apportées), mais nous n'avons pas réussi à les faire

18 traduire. Si vous considérez qu'il est indispensable que le témoin

19 reconnaisse et confirme qu'il s'agit véritablement de ces documents, à ce

20 moment-là, nous allons vous demander de verser au dossier ces documents,

21 ensemble avec les traductions, demain.

22 Bien évidemment, si le Bureau du Procureur est d'accord et si

23 vous-même, Monsieur le Président, et la Chambre l'acceptez. Par

24 conséquent, nous allons pouvoir vous présenter tous ces textes auxquels

25 nous nous référons.

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1 (Les Juges se concertent sur le siège.)

2 M. le Président (interprétation). – Oui, peut-être demain.

3 Demain, vous pourriez peut-être nous remettre à la fois l'original et la

4 traduction.

5 Mme Glumac (interprétation). - Merci beaucoup.

6 M. le Président (interprétation). – Maître Blaxill, je suppose

7 qu'il n'y a pas d'autres questions de la part d'autres conseils de la

8 défense ?

9 M. Blaxill (interprétation). – Monsieur Majstorovic, bonjour. Je

10 m'appelle Michaël Blaxill. Je suis l'un des procureurs dans cette affaire.

11 J'ai quelques questions que je souhaite vous poser concernant ce que vous

12 avez dit ici, aujourd'hui.

13 Si je puis être sûr d'avoir bien compris vos propos, en ce qui

14 concerne les deux listes dont vous avez parlé, je crois que vous avez dit

15 que cette liste, la liste marquée P 353, est la liste de la brigade de

16 Vitez, de ce qui était à l'époque la brigade de Vitez, n'est-ce pas ?

17 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, c'est la liste de la

18 brigade qui s'appelait, pendant la guerre, la brigade de Vitez.

19 M. Blaxill (interprétation). - Et c'est la brigade qui, par la

20 suite, est devenue le 92ème Régiment des Domobrani ?

21 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

22 M. Blaxill (interprétation). - Et cette liste a été dressée, si

23 j'ai bien compris, par le personnel de la brigade. C'est eux-mêmes qui ont

24 fourni ces informations ?

25 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

Page 10491

1 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que les informations ont

2 été fournies sur des feuilles de papier dans ce format-là, ce qui vous

3 permettait de les rassembler simplement dans votre bureau ? Ou bien vous

4 ont-ils tout simplement fourni les informations que vous avez traduites

5 dans les formes qu'ont pris vos listes par la suite ?

6 M. Majstorovic (interprétation). - Non, les feuilles que vous

7 avez ont été établies dans le régiment : ce sont eux qui les ont établies

8 et nous avons tout simplement repris la même chose.

9 M. Blaxill (interprétation). - Donc, sur la base de ceci, le

10 fait que vous avez eu toutes ces feuilles de papier que vous avez

11 rassemblées pour constituer des listes, avez-vous pris certaines mesures

12 afin de vérifier des parties de ces feuilles, ou bien des signatures de

13 signataires qui figuraient au fond des listes ?

14 M. Majstorovic (interprétation). – Non, étant donné que nous

15 n'avions pas de compétence de pouvoir pour vérifier ce genre de chose.

16 M. Blaxill (interprétation). – Donc, en ce qui vous concerne

17 personnellement, vous n'avez pas recueilli les informations servant de

18 base à cette liste, vous n'avez pas rassemblé ces pages vous-même et vous

19 n'avez pas vérifié le contenu vous-même, personnellement, n'est-ce pas ?

20 M. Majstorovic (interprétation). - En ce qui concerne les

21 membres du département de la Défense, tout ce que nous avons fait, c'était

22 de rassembler, de mettre la quatrième de couverture autour de ces listes.

23 Pour les autres activités concernant la constitution de ces listes, nous

24 n'avons pas participé ; sauf qu'effectivement, à un moment, j'ai dû

25 apposer ma signature.

Page 10492

1 M. Blaxill (interprétation). - Et donc, si je vous pose une

2 quelconque question concernant la précision de ces listes, des questions

3 concernant les signatures sauf la vôtre, visiblement vous ne pourriez pas

4 me donner de réponses absolument précises étant donné que vous n'avez pas

5 travaillé là-dessus vous-même, n'est-ce pas ?

6 M. Majstorovic (interprétation). - Oui, c'est exact.

7 M. Blaxill (interprétation). - Merci. Penchons-nous sur l'autre

8 liste maintenant, que nous avons marquée par P 371. Vous avez dit que

9 cette liste a été préparée par l'administration du parti HDZ. Est-ce

10 exact ?

11 M. Majstorovic (interprétation). - Oui. L'une des personnes qui

12 a travaillé était le président de la branche de base du HDZ, étant donné

13 que c'était la seule structure à l'époque capable de le faire.

14 M. Blaxill (interprétation). - Est-il exact donc de dire que,

15 sur la base de votre expérience et de votre travail personnels, vous

16 n'avez pas participé personnellement à la préparation du contenu de ces

17 listes ?

18 M. Majstorovic (interprétation). - Oui, ni moi ni un quelconque

19 autre membre employé du département de la Défense.

20 M. Blaxill (interprétation). - Excusez-moi, je ne comprends pas

21 votre langue, mais je crois qu'en haut des pages de cette liste, donc

22 marquée par la cote P 371, il y a quelque chose. Est-ce que vous pouvez

23 m'aider pour me dire ce que cela veut dire ? Il est indiqué "Organizirani

24 Otpor Agresiji". Pourriez-vous me donner la traduction ? Je vois que les

25 collègues de la défense sourient, j'ai dû très mal prononcer ! Mais

Page 10493

1 pouvez-vous me dire quelle est la traduction de ceci ?

2 M. Majstorovic (interprétation). - Voici la traduction. C'était

3 la bonne, la traduction que j'ai reçue, c'est-à-dire qu'il s'agissait de

4 la "Résistance à l'agression organisée". Il s'agissait des participants,

5 des gens qui ont participé à la résistance organisée à l'agression, étant

6 donné que c'était la seule manière pour ces personnes-là de légaliser leur

7 initiative afin de protéger leur propre vie et leurs propriétés, vu que

8 durant cette période, en 1991, l'ex-JNA a déplacé ses hommes partout en

9 Bosnie-Herzégovine et armé les membres de sa propre population, c'est-à-

10 dire les Serbes, partout en Bosnie-Herzégovine.

11 Le résultat direct en a été l'accroissement du nombre de

12 pillages et de vols. Tout ceci a ébranlé la situation de sécurité et a

13 attisé les peurs auprès de la population. C'est pour cela que les gens se

14 sont organisés eux-mêmes pour monter des gardes villageoises et se

15 protéger de ce genre de phénomène.

16 M. Blaxill (interprétation). - Très bien, merci. Si nous

17 comparons ces deux listes, on a l'impression que la liste du HDZ finit le

18 8 avril 92 et la liste de la Brigade de Vitez commence avec la date du

19 8 avril 1992. Seriez-vous d'accord avec une telle conclusion sur la base

20 de ces deux documents, sur la base de la comparaison de ces deux

21 documents ?

22 M. Majstorovic (interprétation). - Il n'est pas nécessaire de

23 tirer la conclusion que ces personnes participaient à la résistance

24 organisée seulement à partir ou bien jusqu'au 8 avril 1992 : peut-être que

25 cela s'étendait jusqu'au mois de mai ? De toute façon, cette liste devait

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1 se terminer le 8 avril étant donné que le statut officiel a changé à

2 partir du 8 avril 1992. A partir de cette date-là, il était possible

3 d'avoir une formation militaire existante en Bosnie-Herzégovine. Avant

4 cette date, il s'agissait tout simplement des personnes qui faisaient

5 partie de la population locale, qui s'organisaient elles-mêmes. On voit

6 cela selon leur lieu de résidence.

7 M. Blaxill (interprétation). - Mais ce que j'essaie de dire,

8 c'est que la liste du HDZ couvre plus ou moins toutes les personnes qui

9 ont participé aux efforts de la défense avant la création du HVO, alors

10 qu'on a l'impression que les autres listes ont été préparées après la

11 formation du HVO. Est-ce exact ?

12 M. Majstorovic (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, il

13 n'y a pas eu que des membres du HDZ qui constituaient cette liste.

14 Effectivement, c'est une liste du HDZ, mais non pas parce qu'elle a été

15 constituée des membres du HDZ, mais étant donné qu'en 1991, le HDZ était

16 la seule structure capable de faire ce genre. En 1991, il y a eu encore

17 beaucoup de membres du Parti communiste, mais ils ont quand même participé

18 à la résistance contre l'agression et donc ils ont été inclus eux aussi

19 dans ces listes. Donc il n'est pas possible de dire qu'il s'agissait des

20 membres du HDZ. Tout simplement, une partie ou bien plutôt les présidents

21 des branches de base du HDZ ont participé à la préparation des listes.

22 M. Blaxill (interprétation). - Je vois très bien. Donc vous

23 voulez dire que le HDZ a été le mécanisme qui a préparé les listes qui

24 incluaient un grand nombre de personnes. Diriez-vous que tous ces noms qui

25 figurent dans la liste du HDZ -je ne dis pas qu'ils étaient tous membre du

Page 10495

1 HDZ- étaient tous des Croates.

2 M. Majstorovic (interprétation). - Je ne sais pas. En 1991, je

3 n'ai pas vécu dans la municipalité de Vitez et moi-même, je suis réfugié

4 de Zenica ; donc je ne peux pas affirmer que toutes ces personnes sont des

5 Croates.

6 M. Blaxill (interprétation). - Merci. Passons maintenant à autre

7 chose. Laissons de côté un peu ces listes. Apparemment, vous avez pris vos

8 fonctions en 94 au sein du département de la Défense, tout d'abord en ce

9 qui concerne le travail vis-à-vis des structures en dehors de l'armée,

10 n'est-ce pas ?

11 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

12 M. Blaxill (interprétation). - Et de quel genre de structures

13 s'agissait-il, les structures dont vous étiez chargé ?

14 M. Majstorovic (interprétation). - L'employé qui travaille dans

15 les travaux concernant les structures des forces armées est chargé de tout

16 ce qui a trait à l'obligation de travail, donc tout ce qui inclut d'autres

17 personnes que ceux qui font partie de la défense. Il est également chargé

18 des équipements, de l'inventaire des véhicules motorisés et du bétail.

19 M. Blaxill (interprétation). - Je sais que vous avez commencé à

20 travailler en 1994. A ce moment-là, les services médicaux étaient-ils

21 inclus dans ce genre de structure non armée ? Cela veut-il dire que votre

22 travail portait également sur les personnes qui étaient chargées de la

23 protection médicale au sein du HVO ?

24 M. Majstorovic (interprétation). – Je n'ai pas bien compris

25 votre question.

Page 10496

1 M. Blaxill (interprétation). - Je veux dire qu'une personne qui

2 constituait des cliniques, qui s'occupait des urgences, qui fournissait

3 les équipements médicaux, est-ce que ce genre de personnes, est-ce que ces

4 activités relèveraient de votre compétence ? Ou s'agirait-il de ces

5 structures qui se trouvaient à l'extérieur des forces armées ?

6 M. Majstorovic (interprétation). – En ce qui concerne les

7 formations militaires, elles avaient leur propre service sanitaire. Donc

8 si un soldat était mobilisé pendant la guerre, il faisait partie de la

9 structure militaire. Mais s'il se trouvait à l'hôpital, dans ce cas-là, il

10 s'agirait d'une obligations de travail.

11 M. Blaxill (interprétation). - Merci. Pouvez-vous me dire

12 quelques mots sur la mobilisation et les difficultés liées à la

13 mobilisation, au cours de l'année 1992, ou au début de l'année 1993 ?

14 Etiez-vous en contact avec les gens qui s'occupaient de cela ?

15 M. Majstorovic (interprétation). – Non, je n'étais pas à Vitez à

16 l'époque ; j'y suis arrivé vers la mi-1993.

17 M. Blaxill (interprétation). – Et avant le milieu de l'année

18 1993, vous-même étiez soldat, n'est-ce pas ?

19 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, j'étais membre de

20 l'unité de réserve du HVO de Zenica.

21 M. Blaxill (interprétation). – Etiez-vous commandant de

22 peloton ? C'était votre rôle ?

23 M. Majstorovic (interprétation). – J'étais commandant de section

24 de l'unité de réserve, mais je n'ai jamais été activement engagé, nulle

25 part.

Page 10497

1 M. Blaxill (interprétation). - Très bien. Et l'unité à laquelle

2 vous avez appartenu, s'agissait-il en fait de la brigade de Zenica, en

3 tant que réserviste ?

4 M. Majstorovic (interprétation). – Oui. Elle s'appelait la

5 brigade de Zenica Jure Francetic.

6 M. Blaxill (interprétation). - C'est justement la question que

7 je voulais vous poser. J'étais curieux. Donc, il s'agissait bien de la

8 brigade Jure Francetic. Vous dites que votre premier contact a eu lieu en

9 1994 et que vous avez continué à travailler dans le cadre de ce travail

10 concernant les salaires complémentaires. Jusqu'à quelle date ? Cela

11 constitue toujours le fond de votre travail ?

12 M. Majstorovic (interprétation). – J'ai travaillé à ce sujet à

13 partir de l'année 1996. D'ailleurs, je continue à faire ce travail.

14 M. Blaxill (interprétation). – Très bien. Je souhaite que nous

15 revenions maintenant à une autre date, la première date que vous avez

16 mentionnée dans ces listes : il s'agit du 18 septembre 1991.

17 Vous dites que c'est la date à laquelle les hostilités ont

18 éclaté. Est-ce le moment où le conflit a éclaté entre la Croatie et les

19 Serbes ? L'attaque contre Rovna est-elle importante simplement parce qu'il

20 s'agissait d'une attaque qui s'est passée juste de l'autre côté de la

21 frontière de Bosnie-Herzégovine ?

22 M. Majstorovic (interprétation). – Concernant le conflit entre

23 les Serbes et les Croates, il a éclaté en avril 1991. Ceci n'est donc pas

24 directement lié à ce conflit. Là, il s'agissait d'une incursion de l'ex-

25 JNA dans le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

Page 10498

1 M. Blaxill (interprétation). - Merci d'avoir clarifié cela.

2 Très brièvement, nous pouvons dire que, concernant les listes

3 -je sais que je me répète, mais je souhaite qu'on confirme ce point-, vous

4 ne pouvez pas affirmer avec exactitude quoi que ce soit concernant ces

5 deux listes ?

6 M. Majstorovic (interprétation). – Les employés du département

7 de la défense pouvaient agir seulement au cas où il y aurait des erreurs

8 dramatiques, tout au début concernant le moment de l'entrée dans la

9 résistance. Dans ce cas-là, ils auraient pu corriger ce genre d'acte. Mais

10 de toute façon, ils n'auraient pas pu et ils ne pouvaient pas corriger

11 d'autres dates.

12 Je vais vous expliquer ce que je veux dire. Parfois, un certain

13 membre, à cause d'une erreur commise par un employé, par la personne qui

14 dactylographiait les coordonnées, par exemple, la personne avait écrit par

15 erreur une date qui se situait dans la première moitié de l'année 1991,

16 alors que ceci n'est pas possible étant donné qu'aucun participant à la

17 guerre pour la patrie n'aurait pu participer, à ce moment-là, à la

18 résistance. C'est le seul genre d'erreur que les employés avaient le droit

19 de corriger.

20 M. Blaxill (interprétation). – Merci. J'ai terminé avec mon

21 contre-interrogatoire.

22 M. le Président (interprétation). – Merci. Maître Slokovic

23 Glumac ?

24 Mme Glumac (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le

25 Président.

Page 10499

1 Monsieur Majstorovic, vous avez dit que vous étiez commandant de

2 section, n'est-ce pas ?

3 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

4 Mme Glumac (interprétation). – Etiez-vous soldat ou réserviste ?

5 M. Majstorovic (interprétation). – Réserviste.

6 Mme Glumac (interprétation). – C'était donc votre déploiement ?

7 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

8 Mme Glumac (interprétation). – En fait, à ce moment-là, vous

9 n'étiez pas activement engagé à l'époque ?

10 M. Majstorovic (interprétation). – Non, je l'ai déjà dit.

11 Mme Glumac (interprétation). – A quel moment vous êtes vous

12 engagé sur le plan militaire ?

13 M. Majstorovic (interprétation). – Seulement après l'arrivée

14 dans la municipalité de Vitez.

15 Mme Glumac (interprétation). - C'est à ce moment-là que vous

16 êtes devenu soldat ?

17 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, c'est à ce moment-là que

18 je suis devenu soldat.

19 Mme Glumac (interprétation). - Le Procureur vous a posé une

20 question concernant ces deux listes ; il a dit que, d'après lui, la

21 première liste se termine à la date à laquelle commence la deuxième liste.

22 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, et c'est d'ailleurs tout

23 à fait normal.

24 Mme Glumac (interprétation). - Très bien. Au fond, dans l'autre

25 liste, les membres des gardes villageoises figurent-ils aussi ?

Page 10500

1 M. Majstorovic (interprétation). – Oui, et c'est pour cela

2 qu'ils ont ainsi été rassemblés.

3 Mme Glumac (interprétation). – Et quelle est la marque attribuée

4 aux membres de la garde villageoise, dans la deuxième liste, conformément

5 à ce manuel comportant les instructions ?

6 M. Majstorovic (interprétation). – Il est marqué P pour indiquer

7 qu'il s'agit de Pricuva, donc réservistes.

8 Mme Glumac (interprétation). - La différence est seulement une

9 différence méthodologique ; il s'agit de périodes différentes, mais il

10 s'agit pour la plupart des mêmes personnes, n'est-ce pas ?

11 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

12 Mme Glumac (interprétation). – Ces personnes-là avaient le

13 statut de réservistes jusqu'à quel moment ?

14 M. Majstorovic (interprétation). – Jusqu'au jour de la

15 démobilisation.

16 Mme Glumac (interprétation). – Excusez-moi. Et à quel moment

17 ont-ils obtenu le statut de soldats ?

18 M. Majstorovic (interprétation). – Tous les soldats

19 appartenaient aux forces de réserve.

20 Mme Glumac (interprétation). - Mais à quelle date sont-ils

21 devenus soldats ?

22 M. Majstorovic (interprétation). – Avec la date de l'entrée dans

23 les forces armées.

24 Mme Glumac (interprétation). – N'est-ce pas à partir du jour de

25 la mobilisation que l'on devient soldat ?

Page 10501

1 M. Majstorovic (interprétation). – Non, un soldat, c'est aussi

2 un homme qui n'a pas reçu son déploiement dans une unité, mais c'est aussi

3 un réserviste qui est en train d'attendre pour avoir son déploiement.

4 Mme Glumac (interprétation). - Commençons par le début. Quel a

5 été le système de mobilisation, de recrutement, de conscription ?

6 M. Majstorovic (interprétation). – Le conscrit est enregistré

7 dans les registres au moment où il a 17 ans.

8 Mme Glumac (interprétation). – Est-il soldat à partir de ce

9 moment-là ?

10 M. Majstorovic (interprétation). – Il est conscrit, à ce moment-

11 là. Le conscrit doit passer des examens médicaux, il reçoit une évaluation

12 concernant sa capacité de faire son service militaire pour savoir s'il est

13 capable, capable partiellement ou incapable de le faire. Ensuite, il

14 reçoit le DS.

15 Mme Glumac (interprétation). – Qu'est-ce que c'est ?

16 M. Majstorovic (interprétation). – C'est la spécialité militaire

17 qui existe au sein de chaque partie, chaque branche de l'armée. Et après

18 avoir reçu tout ceci, il peut être envoyé pour accomplir son service

19 militaire.

20 Mme Glumac (interprétation). – A partir de ce moment-là, durant

21 cette période, est-il soldat pendant qu'il fait son service militaire ?

22 M. Majstorovic (interprétation). – Oui.

23 Mme Glumac (interprétation). - Après la fin de son service

24 militaire et après l'entrée dans les unités de réservistes, est-ce qu'à ce

25 moment-là, il est toujours soldat ?

Page 10502

1 M. Majstorovic (interprétation). - Oui, il est soldat

2 momentanément sans déploiement ; il attend le déploiement de guerre.

3 Mme Glumac (interprétation). - Donc tout le monde est soldat,

4 tout le monde est réserviste selon vous ?

5 M. Majstorovic (interprétation). - Oui, absolument. Ils sont

6 tous des soldats réservistes.

7 Mme Glumac (interprétation). - Et comment est-ce que l'on

8 procède lorsqu'on fait la mobilisation des réservistes ?

9 M. Majstorovic (interprétation). - On mobilise tous les

10 réservistes dont le déploiement concerne une certaine unité.

11 Mme Glumac (interprétation). - Et après la démobilisation, il

12 redevient réserviste, n'est-ce pas ?

13 M. Majstorovic (interprétation). - Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez à quel

15 moment on a procédé à la mobilisation des réservistes dans la municipalité

16 de Vitez, en avril 94 ? Est-ce que vous connaissez cette information ou

17 non ?

18 M. Majstorovic (interprétation). - Veuillez répéter la question.

19 Mme Glumac (interprétation). - A quel moment est-ce que l'on a

20 procédé à la mobilisation des réservistes dans la municipalité de Vitez en

21 1994, en avril 1994 ? Est-ce que vous connaissez la date ?

22 M. Majstorovic (interprétation). - Je ne sais pas étant donné

23 qu'à l'époque, je ne séjournais pas dans le territoire de la municipalité

24 de Vitez.

25 Mme Glumac (interprétation). - Merci beaucoup, je n'ai plus de

Page 10503

1 questions à poser.

2 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Slokovic-

3 Glumac. Nous n'avons pas de questions pour le témoin.

4 Monsieur Majstorovic, merci d'être venu témoigner, vous pouvez

5 disposer.

6 M. Majstorovic (interprétation). - Merci.

7 (Le témoin quitte le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac, est-

9 ce que vous allez citer à la barre un autre témoin ou l'un des accusés ?

10 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, avant de

11 citer à la barre les deux accusés, je souhaite parler d'un certain nombre

12 de problèmes. Le Procureur sait qu'à plusieurs reprises, et d'ailleurs les

13 Juges le savent aussi, nous avons proposé que certains documents soient

14 admis. Il s'agit là des documents... Juste un moment, je vais trouver les

15 dates exactes. Les documents concernant les activités de la Brigade de

16 Vitez : il s'agit des documents D 36/2, D 37/2 et D 38/2. Il s'agit

17 également du document D 16/2.

18 Je demanderai au Procureur, étant donné qu'il sait de quels

19 documents il s'agit, de bien vouloir s'exprimer pour dire s'il accepte

20 ultérieurement, après le procès Blaskic et après leur admission en tant

21 que pièces à conviction sans aucune objection du Procureur, est-ce que

22 maintenant il accepte lui-même ces documents ?

23 M. Terrier. - Monsieur le Président, je vais vous demander

24 quelques instants parce que je dois me remettre en mémoire ce que sont ces

25 documents.

Page 10504

1 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous parlez des

2 ordres signés par le général Blaskic ?

3 Mme Glumac (interprétation). - Exactement. Voici de quoi il

4 s'agit, Monsieur le Président. Le procès du général Blaskic touche à sa

5 fin et il s'agit là de pièces à conviction qui ont été acceptées par le

6 Procureur sans objection et qui ont été authentifiées par deux témoins. Il

7 s'agit des ordres du général Blaskic : M. Slavko Marin les a authentifiés

8 lui aussi. Et puis un autre document, le quatrième document, a été accepté

9 lui aussi sans aucun objection du Procureur dans cette affaire.

10 Je considère que le Bureau du Procureur doit être uniforme vis-

11 à-vis des différentes pièces à conviction présentées dans des affaires

12 différentes. Je peux comprendre le besoin, le souhait du Procureur de

13 procéder au contre-interrogatoire vis-à-vis de ces documents, mais dans

14 une affaire, le Procureur accepte sans aucune objection et, dans notre

15 affaire, le Procureur est contre l'admission de ces documents et il nie

16 leur authenticité.

17 Je pense qui n'est pas éthique de prendre une attitude

18 différente dans deux affaires vis-à-vis des mêmes faits. Le Bureau du

19 Procureur est un seul bureau, il connaît le fond des affaires. Et si, dans

20 des affaires différentes, en ce qui concerne les mêmes faits, parfois il

21 les accepte et parfois il les renie, nous serons dans une situation où les

22 faits seront différents et les résultats seront différents dans des

23 affaires différentes alors qu'il s'agit des mêmes faits. C'est pour cela

24 que je souhaite entendre ce que le Procureur a à dire sur ces documents et

25 sur ces faits aujourd'hui.

Page 10505

1 M. le Président (interprétation). - Avant de donner la parole au

2 Procureur, permettez-moi de vous rappeler que, pour autant que je m'en

3 souvienne, nous avons déjà pris une décision concernant ces documents-là.

4 Je me souviens, en ce qui concerne ces documents, je me souviens qu'ils

5 ont été signés par le général Blaskic et je me souviens que je vous ai

6 proposé de faire témoigner le général Blaskic pour qu'il reconnaisse la

7 signature. Mais, de toute façon, je peux donner la parole au Procureur

8 pour qu'il nous dise si son attitude ici est pareille que l'attitude du

9 Procureur dans l'autre affaire.

10 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, je voulais

11 tout simplement que le Procureur s'exprime au sujet de ces documents pour

12 voir s'il a changé d'attitude. Nous avons discuté avec le général Blaskic

13 à ce sujet et ses conseils de la défense nous ont répondu qu'il ne pouvait

14 pas témoigner dans le cadre de cette affaire étant donné qu'il se

15 préparait pour sa propre défense.

16 D'ailleurs, étant donné que Slavko Marin avait déposé dans

17 l'affaire Blaskic, nous nous attendions à ce qu'il arrive ici, lui aussi ;

18 il a été annoncé pour la semaine dernière et nous avons cru que, par le

19 biais de ce témoin, nous aurions pu authentifier certains de ces

20 documents. C'est seulement aujourd'hui que nous avons appris qu'il ne

21 pourrait pas venir du tout.

22 Troisièmement, pendant la dernière pause entre les deux

23 suspensions d'audience, entre les deux semaines d'audience, nous sommes

24 allés sur place, Me Radovic et moi-même, à Vitez pour chercher des

25 personnes qui pourraient confirmer l'authenticité de ces documents. Mais

Page 10506

1 il faut savoir qu'à l'époque, il y a eu très peu de personnes qui

2 travaillaient dans le commandement. Quant à M. Franjo Nakic qui était

3 l'adjoint de Blaskic, il a refusé de témoigner à cause de son état de

4 santé.

5 Donc notre situation est difficile. Le témoin que l'on attendait

6 ne va pas venir ; nous considérons que ces documents sont extrêmement

7 importants pour notre défense. Maître Radovic et moi-même, nous

8 considérons que nous ne pourrons pas toucher à la fin de notre

9 présentation des éléments de preuve avant l'acceptation, avant l'admission

10 de ces documents.

11 Aussi, si le Procureur ne change pas d'attitude et si,

12 conformément aux règles 94 B, la Chambre de première instance ne change

13 pas sa décision, nous devrons arrêter notre présentation de pièces à

14 conviction pendant quelques jours pour trouver d'autres témoins qui

15 pourront confirmer l'authenticité de ces documents-là.

16 Nous considérons que, pour nous, il serait risqué de terminer

17 avec notre présentation des éléments de preuve sans avoir admis ces

18 documents.

19 M. le Président (interprétation). – Ce n'est pas vous qui allez

20 interrompre le procès ; vous demanderez l'autorisation d'interruption

21 auprès de la Chambre de première instance.

22 Et puis autre chose : plus le document revêt d'importance, plus

23 il est important de l'authentifier par le truchement d'un témoin.

24 Troisième élément : il revient à la Chambre de première instance

25 de statuer s'agissant des éléments de preuve qui lui ont été soumis dans

Page 10507

1 ce procès-ci et pas dans un autre procès. Et c'est à nous de décider si le

2 document est recevable ou pas.

3 Maître Terrier ?

4 M. Terrier. - Oui, Monsieur le Président.

5 Lorsque ces documents ont été présentés au Tribunal à l'audience

6 du 13 janvier, nous avons fait remarquer que certaines suspicions

7 pouvaient s'y attacher dans la mesure où certains documents n'avaient pas

8 de numéro d'ordre, qu'il y avait des ratures et surtout, dans la mesure où

9 le témoin présent à l'époque, Zvonimir Cilic, n'était pas en mesure de les

10 authentifier. C'est pour cette raison que nous nous sommes opposés à ce

11 que ces documents soient communiqués au dossier du tribunal. Je pense que,

12 pour ces raisons aussi, le Tribunal a pris la décision qu'il a prise.

13 Alors moi, j'aurai une proposition à faire le cas échéant dans

14 la mesure où, aujourd'hui, bien entendu, je ne peux pas changer d'avis

15 puisqu'aucun élément nouveau ne nous est soumis. Ces documents restent à

16 authentifier. J'ai écouté tout à l'heure avec beaucoup d'attention

17 Me Pavkovic nous expliquer qu'il renonçait aujourd'hui à la venue du

18 témoin Slavko Marin pour ne pas rallonger les débats et parce qu'il

19 considérait que la preuve de l'alibi était faite.

20 Je me souviens que Me Pavkovic nous expliquait, au début, qu'il

21 ignorait pour quelle raison Slavko Marin avait décidé de son propre chef

22 de ne pas venir devant le Tribunal et de ne pas répondre à la convocation

23 que la défense lui avait adressée.

24 Je me demande si nous ne devrions pas considérer tous, défense

25 et accusation, que la venue de Slavko Marin devant le Tribunal est une

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1 nécessité, une nécessité à la fois pour établir la défense alibi de

2 l'accusé Vlado Santic, si cela est possible, mais aussi pour découvrir la

3 vérité dans ce Tribunal.

4 Je pense que Slavko Marin, compte tenu de la position qui était

5 la sienne à l'époque des faits, est en mesure de donner des indications

6 qui, peut-être, seront très précieuses pour le Tribunal dans sa recherche

7 de la vérité et qu'il pourra donner des indications qui permettront

8 d'authentifier les documents qui sont aujourd'hui discutés.

9 Et pour cette raison, je demande au Tribunal, aujourd'hui,

10 compte tenu des éléments d'information dont nous disposons de la part de

11 Me Pavkovic et compte tenu des préoccupations exprimées aussi par

12 Me Glumac, de considérer s'il ne convient pas de convoquer comme témoin du

13 Tribunal M. Pavkovic à une audience prochaine, peut-être après

14 l'interruption du mois d'août, mais en tout cas à une audience prochaine.

15 M. le Président (interprétation). - M. Marin !

16 M. Terrier. - Si ma langue a fourché, le Tribunal aura compris

17 qu'elle a fourché, simplement !

18 M. le Président. - C'est un problème de traduction.

19 M. Terrier. - J'ajoute que, pour terminer, c'est une mesure que

20 le Tribunal a déjà prise à l'occasion de témoins cités ou envisagés par

21 l'accusation et auxquels l'accusation avait renoncé, ou que, pour une

22 raison quelconque, l'accusation avait décidé de ne pas faire venir. Donc,

23 ce ne serait pas la première fois que le Tribunal prendrait une décision

24 de ce genre. Mais, en l'occurrence, elle me paraît tout à fait justifiée.

25 M. le Président (interprétation). - Je vais demander à

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1 Me Pavkovic de faire un commentaire à propos de cette proposition que

2 vient de faire le Procureur.

3 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne

4 sais pas véritablement ce que j'aurais à dire de nouveau dans mon

5 commentaire. Monsieur Slavko Marin, comme témoin de la défense de Vladimir

6 Santic, s'est trouvé sur notre liste le 8 juillet de cette année et le 9.

7 J'ai déjà dit quelles étaient les raisons pour lesquelles il s'abstient de

8 venir.

9 Ensuite, j'ai cherché à vérifier, ensemble avec mon client ;

10 j'ai vu quel était l'état du dossier. Entre autres, il y avait deux autres

11 témoins qui ont été cités à la barre : il y avait d'abord Biletic, puis

12 Ivica Franjic.

13 Nous avons apprécié qu'indépendamment des raisons pour

14 lesquelles Slavko Marin ne s'est pas présenté devant ce Tribunal, nous

15 allions tout simplement renoncer à sa venue. C'est une décision dont je

16 voulais vous informer hier, mais je ne voulais pas déranger la déposition

17 de notre témoin.

18 Je ne sais pas ce que j'aurais à ajouter, Monsieur le Président.

19 Vous-même, vous m'avez donné raison de décider sur ce témoin. C'est la

20 raison pour laquelle d'ailleurs, moi-même, je n'ai pas abusé de votre

21 temps, mais nous avons pris la décision de ne pas le convoquer, de ne pas

22 le citer.

23 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie.

24 (Les Juges se consultent sur le siège.)

25 M. le Président (interprétation). – Maître Glumac, qu'en est-il

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1 de la pièce D 36/2 : est-ce que c'est un ordre signé par le

2 général Blaskic ?

3 Mme Glumac (interprétation). – Oui, il s'agit des trois ordres.

4 M. le Président (interprétation). – Et le D 16/2 aurait été

5 signé par M. Ljubic, est-ce bien cela ?

6 Mme Glumac (interprétation). – Par Pasko Ljubicic, Monsieur le

7 Président.

8 M. le Président (interprétation). – Merci.

9 Voici notre décision. Nous n'avons pas l'intention de citer à

10 titre de témoin de la Chambre, M. Slavko Marin, car nous avons le

11 sentiment que ce ne serait pas faire preuve d'équité à l'intention des

12 accusés. Mais nous avons l'intention de citer le général Blaskic aux

13 seules fins d'identification des trois ordres : D 16/2, D 37/2, D 38/2.

14 Nous allons donc émettre une ordonnance afin que M. le général

15 Blaskic comparaisse à titre de témoin à cette seule fin. Oui,

16 Maître Glumac ?

17 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, je ne sais

18 pas si éventuellement il y a une erreur dans le transcript. Mais le

19 général Blaskic, lors de son témoignage, a reconnu le document enregistré

20 D/16/2 où il s'agit de la police militaire, car c'est un rapport qui lui a

21 été adressé. Il l'a reçu le 16 avril au cours de l'après-midi. Bien

22 évidemment, il peut confirmer qu'il s'agit de ce document, du document

23 qu'il a reçu ce jour-là.

24 M. le Président (interprétation). – Tout à fait. Allez-y.

25 Mme Glumac (interprétation). – Si je peux encore ajouter quelque

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1 chose et, cette fois-ci, cela se réfère à ces documents et à notre

2 attitude à l'égard de ces documents : Monsieur le Président, dans tous les

3 cas, nous souhaiterions, si c'est possible, que M. Blaskic donne sa

4 déposition avec la confirmation de l'authenticité des documents avant que

5 Zoran et Mirjan Kupreskic soient cités en témoins. Nous souhaiterions par

6 conséquent que leurs témoignages soient entendus en dernier et que cette

7 partie soit terminée avec leurs témoignages. C'est la raison pour laquelle

8 je vous demande, Monsieur le Président, que ce témoignage de M. Blaskic,

9 concernant l'authenticité, puisse se dérouler avant leurs témoignages,

10 s'il vous plaît.

11 M. le Président (interprétation). – D'accord. Maître Radovic ?

12 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, Madame le

13 Juge, Monsieur le Juge, nous avons encore un autre problème. Nous avons

14 demandé à la Chambre de nous accorder l'appel contre les documents que le

15 Procureur a le droit de soumettre aux témoins lors des dépositions. Il y a

16 les trois degrés : d'abord, les témoins qui ont été cités devant le

17 Tribunal et nous ne nous y opposons pas, bien entendu ; nous considérons

18 que, dans ce cas-là, on peut leur soumettre des déclarations.

19 Ceux qui n'ont pas été devant le Tribunal, alors les conseils ne

20 disposent pas de telles déclarations. A ce moment-là, on ne peut pas non

21 plus soumettre de tels documents à ces témoins.

22 Mais là où nous ne sommes pas d'accord, c'est quand il s'agit

23 des déclarations des témoins qui n'ont pas été cités devant le Tribunal,

24 alors que le Procureur dispose de ces documents ; il s'en est muni soit

25 par le Tribunal de Zenica, par exemple, devant les enquêteurs de Zenica,

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1 ou bien ailleurs.

2 C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions qu'au moment où

3 nos clients seront cités comme témoins, nous soyons au courant de ce qu'on

4 peut leur soumettre au moment où ils déposent. C'est la raison pour

5 laquelle nous prions la Chambre de ne pas les citer sans connaître les

6 règles et les conditions dans lesquelles on peut les citer et ils peuvent

7 témoigner.

8 M. le Président (interprétation). – Cela va durer un certain

9 temps. D'abord, vous faites appel devant une formation de trois Juges, les

10 Juges de la Chambre d'appel, et ceux-ci devront décider de la question de

11 savoir s'il y aura appel ; puis, les écritures seront déposées par vous-

12 même, conseil de la défense, et par l'accusation. Ceci va prendre un mois

13 ou deux avant que la Chambre d'appel ne statue sur la question.

14 Comment voudriez-vous que nous arrêtions maintenant pour

15 reprendre seulement en septembre ou octobre, tout simplement parce que la

16 question n'aurait pas été réglée par la Chambre d'appel ?

17 Bien sûr, vous pouvez insister sur le caractère urgent de votre

18 appel lors du dépôt de celui-ci, mais c'est la Chambre d'appel qui devra

19 statuer et qui devra décider du moment où elle étudiera la question. Ceci

20 ne relève donc pas de nos compétences.

21 Nous, nous sommes une Chambre de première instance et nous ne

22 devrons aucunement nous immiscer dans les affaires de la Chambre d'appel.

23 Je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre la décision de la Chambre

24 d'appel avant d'appeler à la barre les accusés. C'est impossible.

25 (Les Juges se consultent sur le siège).

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1 Maître Radovic ?

2 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, quand

3 Me Terrier, comme représentant du Bureau du Procureur, avait dit quelles

4 étaient les raisons pour lesquelles il avait soumis les déclarations des

5 témoins qui n'ont pas été cités à la barre, il nous a dit que c'était de

6 cette manière-là qu'il voulait vérifier la fiabilité du témoin.

7 Donc, vous, vous ne l'avez pas entendu, vous ne l'avez pas vu,

8 ce témoin, et vous ne pouvez pas non plus apprécier s'il s'agit de témoins

9 qui sont fiables ou non. C'est la raison pour laquelle nous courons le

10 risque. Et puis, nous sommes très préoccupés également parce que nous nous

11 posons la question comment, à ce moment-là, les témoignages de nos clients

12 pourraient se dérouler et se comparer avec les témoins alors que, vous,

13 vous ne pouviez pas vous rendre compte et apprécier la fiabilité de ces

14 témoins.

15 M. le Président (interprétation). - Nous avons d'abord la

16 question du Gal Blaskic ; il sera cité. Nous espérons vivement qu'il

17 pourra déposer demain matin à 9 heures. Je vais délivrer une ordonnance

18 dans ce sens dès que l'audience sera levée.

19 Toutefois, si le Gal Blaskic ne peut pas comparaître demain -je

20 sais qu'il n'y a pas d'audience Blaskic cette semaine, ce qui voudrait

21 dire qu'il pourrait être libre, ou du moins disponible demain matin-, si,

22 pour une raison quelconque, il ne peut pas être présent demain à 9 heures,

23 mais disons jeudi plutôt, eh bien, nous allons poursuivre : nous

24 entendrons les accusés. Je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre la

25 comparution du Gal Blaskic parce que nous voulons simplement avoir des

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1 informations de sa part sur les trois documents.

2 Mais je le répète, nous allons délivrer une ordonnance qui

3 spécifiera qu'il devrait déposer dès demain à 9 heures. Toutefois, si,

4 pour une raison quelconque, il est dans l'impossibilité d'être présent à

5 l'audience, nous allons poursuivre l'audition des témoins cités par la

6 défense.

7 Maître Terrier ou un représentant du Procureur, j'aimerais vous

8 demander ceci : au moment du contre-interrogatoire, avez-vous l'intention

9 d'utiliser ces documents pour lesquels il y a une objection de la défense

10 ou il y a appel devant la Chambre d'appel également ?

11 M. Terrier. - Monsieur le Président, c'est un peu difficile de

12 dire à cet instant quels documents nous utiliserons pour le contre-

13 interrogatoire. Nous pouvons effectivement envisager d'utiliser un certain

14 nombre de déclarations faites par les témoins dans les conditions qui ont

15 été spécifiées par le Tribunal.

16 Mais je voudrais rappeler à Me Radovic que, faisant cela, nous

17 ne confrontons pas une déclaration écrite à une déclaration verbale du

18 témoin présent devant le Tribunal : nous confrontons une situation de fait

19 qui apparaît dans la déclaration écrite aux déclarations du témoin présent

20 et qui dépose sous serment. C'est une chose tout à fait différente de ce

21 que dit Me Radovic.

22 Et, encore une fois, je n'ai pas le sentiment que, faisant cela,

23 nous mettions en danger les droits exercés par la défense et exercés par

24 les accusés.

25 Donc, pour répondre à votre question, Monsieur le Président,

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1 nous ne pouvons pas, aujourd'hui, exclure de manière formelle que nous

2 nous abstiendrons d'évoquer des déclarations écrites qui n'auraient pas

3 été communiquées à la défense au préalable.

4 Néanmoins, bien entendu, si le Tribunal souhaite que, pour

5 éviter toute discussion, nous nous abstenions d'agir ainsi, nous le

6 ferons. Je pense d'ailleurs que, compte tenu de ce qui a été dit devant ce

7 Tribunal, compte tenu des déclarations qui ont été communiquées à la

8 défense, nous avons une matière importante, qui serait peut-être

9 suffisante pour procéder utilement et efficacement au contre-

10 interrogatoire des accusés. De toute façon, bien entendu, nous nous

11 conformerons aux directives du Tribunal.

12 Cela dit, Monsieur le Président, j'ai une autre question à

13 évoquer, si c'est le moment, si vous me le permettez.

14 J'ai compris que les deux accusés qui seront les premiers à

15 s'exprimer seront appelés par les deux avocats, c'est-à-dire que chaque

16 accusé sera le témoin de sa propre cause, mais aussi un témoin de la

17 défense d'un autre accusé. De cette manière, nous aurons pour chaque

18 accusé deux interrogatoires principaux et deux interrogatoires

19 supplémentaires.

20 Nous sommes devant une situation qui n'a pas de précédent ici ;

21 je me demandais si cela est bien conforme au Règlement de Procédure, car

22 l'accusé n'est pas un témoin comme les autres. Il est une personne qui est

23 autorisée à comparaître comme témoin pour sa propre défense, dit

24 l'article 98 du Règlement de Procédure. Et je me demande si un accusé peut

25 réellement comparaître comme témoin pour la défense d'une autre personne

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1 que lui-même.

2 Autrement dit, je me demande s'il est bien possible -et aussi

3 s'il est bien raisonnable- de permettre que chacun des accusés soit soumis

4 à deux interrogatoires principaux et, ensuite, à deux interrogatoires

5 supplémentaires.

6 C'est le problème que je souhaitais évoquer devant votre

7 Tribunal, sachant que, peut-être, il y a matière à émettre un principe de

8 procédure nouveau devant cette situation nouvelle.

9 Et Monsieur le Président, j'ai encore deux très brèves

10 observations à formuler.

11 A ce stade du procès, nous ne savons toujours pas si l'accusé

12 Vlado Santic envisage ou non de comparaître comme témoin pour sa défense.

13 Vendredi dernier, Me Pavkovic nous a dit que la situation était en cours

14 d'examen.

15 Et, dernière observation : Me Pavkovic a soumis au Tribunal des

16 affidavits sur la personnalité de Vlado Santic, en la base de

17 l'article 94 ter du Règlement ; j'avais souhaité que la recevabilité de

18 ces affidavits soit réservée. Je dois dire aujourd'hui que je ne m'oppose

19 pas à ce qu'ils soient communiqués au dossier du Tribunal.

20 Je vous remercie.

21 M. le Président (interprétation). - Merci.

22 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, si vous le

23 permettez, j'aimerais tout simplement dire quelque chose au sujet de ce

24 que Me Terrier vient de nous dire.

25 Maître Radovic, il y a une semaine, lors d'un débat devant votre

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1 Chambre, a dit que nous allons interroger ensemble les accusés au moment

2 où ils vont témoigner, ici, devant cette Chambre, et que nous allons par

3 conséquent partager notre tâche : un conseil qui va soulever un certain

4 nombre de questions et l'autre conseil, d'autres questions. Vous avez vu

5 que des conseils travaillent conjointement. Il y a également un certain

6 nombre de témoignages qui ne sont même pas indispensables du point de vue

7 de la défense.

8 De l'autre côté, M. le Procureur ne s'est pas opposé à une telle

9 procédure et à une telle attitude, c'est la raison pour laquelle nous

10 avons préparé notre défense de cette manière-là, moitié-moitié.

11 Nous préparons la défense depuis plus d'une semaine ; le temps

12 est déjà passé. C'est dès demain que nous devons commencer et il me semble

13 qu'il ne faut pas changer la méthodologie parce qu'il n'y avait aucune

14 objection au moment où nous avons proposé une telle attitude.

15 M. le Président (interprétation). - Merci. Nous avons décidé

16 ceci : lorsqu'il sera procédé au contre-interrogatoire des deux accusés,

17 il n'y aura pas de contre-interrogatoire mené par l'accusé sur des

18 documents qui n'auraient pas été communiqués sans l'autorisation expresse

19 de la Chambre de première instance.

20 Donc, chaque fois que vous voulez soulever une question basée

21 sur une déclaration d'une personne qui n'aurait pas été citée à titre de

22 témoin, vous devrez demander l'autorisation expresse à la Chambre de

23 première instance qui statuera au cas par cas.

24 Quant aux modalités d'interrogatoire de ces deux témoins, nous

25 avons le sentiment que, même si notre Règlement dit qu'un accusé peut

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1 témoigner pour sa propre cause, il faudrait quand même avoir une lecture

2 assez large de cette disposition ; ce qui veut dire qu'un accusé va

3 témoigner peut-être au nom d'un autre qu'accusé, ceci dans l'intérêt

4 suprême de l'administration de la justice.

5 De surcroît, nous avons le sentiment que Me Glumac a suggéré une

6 procédure idoine, à savoir que chaque accusé fera l'objet d'un examen

7 principal par les deux conseils, chacun de ces conseils se concentrant sur

8 un domaine particulier, puis il fera l'objet d'un contre-interrogatoire

9 par d'autres conseils, autres que ceux qui ont cité l'accusé à la barre

10 des témoins. Il y aura donc interrogatoire principal par les deux conseils

11 qui se partageront le travail, puis contre-interrogatoire uniquement par

12 un autre conseil ; c'est alors que l'accusation pourra procéder à son

13 contre-interrogatoire.

14 Si, par exemple, Me Glumac cite un des accusés dans le cadre de

15 l'interrogatoire principal, celui-ci sera mené par les deux conseils, vous

16 et Me Radovic, Maître Glumac, mais le contre-interrogatoire sera mené par

17 Me Radovic et pas par vous. J'espère que c'est clair ?

18 S'agissant de la question de savoir si oui ou non...

19 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, mais il

20 s'agit des questions techniques et cela nous pose quelques problèmes. En

21 ce qui concerne le contre-interrogatoire et savoir qui est le conseil qui

22 va contre-interroger, il faudrait peut-être que ce soit nous qui prenions

23 la décision : cela peut être Me Radovic, cela peut être moi ; par

24 conséquent, l'un ou l'autre, indépendamment donc de l'interrogatoire

25 principal.

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1 M. le Président (interprétation). - Oui, c'est ce que je dirais

2 puisque, de toute façon, nous avons décidé que l'interrogatoire principal

3 sera mené par les deux conseils. A vous de décider qui va procéder à

4 l'interrogatoire supplémentaire.

5 Puis, nous avions une question relative à M. Santic : allait-il

6 déposer ou pas ? Nous estimons qu'il convient à M. Pavkovic de décider,

7 peut-être pas maintenant, sur-le-champ, mais à un stade ultérieur.

8 Car j'avais le sentiment, peut-être erroné, que Me Pavkovic

9 avait laissé entendre qu'il prendrait une décision après avoir entendu les

10 deux ou trois premiers accusés, les trois Kupreskic, mais je crois qu'il

11 vous revient de décider cela, Maître Pavkovic. Mais plus tard : vous ne

12 devez pas vous exprimer dès maintenant.

13 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est

14 effectivement mon dernier message que je viens de revoir de M. Santic : il

15 m'a demandé justement d'attendre et nous en avons parlé déjà depuis un

16 certain temps. Par conséquent, une fois que les autres accusés auront

17 témoigné, nous prendrons la décision définitive et nous vous en

18 informerons. Monsieur le Procureur également aura suffisamment de temps

19 pour se préparer si jamais nous prenons la décision que notre client soit

20 cité à titre de témoin.

21 M. le Président (interprétation). - J'ajoute une précision à

22 l'intention de l'accusation. Je comprends qu'elle se voit dans une

23 position un peu inconfortable, car elle ne sait pas aussitôt ce qu'elle

24 passe. L'accusation sait que les conseils de la défense proviennent

25 d'origine et de tradition civilistes. Dans ces pays, nous ne connaissons

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1 pas la technique de l'interrogatoire de l'accusé. Donc je crois qu'il faut

2 quand même ménager certaines dispositions spéciales à la défense afin de

3 lui permettre de voir comment fonctionne ce système. Fort bien.

4 Eh bien, en l'absence d'autres questions, nous pourrons lever

5 l'audience. J'espère que demain nous pourrons avoir l'audition du général

6 Blaskic. Si ce n'est pas le cas, nous allons d'abord avoir le premier des

7 deux accusés.

8 M. Terrier. - Juste une seconde pour dire, à propos des

9 affidavits de Me Pavkovic, qu'il y avait une erreur tout à l'heure sur le

10 transcript : je ne m'oppose pas à ce que les affidavits soient

11 communiqués. Le contraire était inscrit.

12 M. le Président). - J'ai oublié de vous remercier et donc de

13 dire qu'ils sont versés au dossier.

14 (L'orateur poursuit en anglais.)

15 Madame le Greffier va nous dire le numéro, mais pas maintenant,

16 peut-être demain.

17 L'audience est levée à 13 heures.

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