Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                    Affaire IT-95-16-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3   LE PROCUREUR

  4   C/

  5   KUPRESKIC

  6   Mercredi 21 juillet 1999

  7   L'audience est ouverte à 9 heures 10.

  8   (Le témoin est introduit dans le prétoire).

  9   Mme Lauer. - Affaire IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran

 10   Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan

 11   Papic et Vladimir Santic.

 12   M. le Président (interprétation). - Bonjour.

 13   Maître Slokovic-Glumac, vous avez la parole.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Bonjour, Monsieur le

 15   Président. Bonjour, Madame le Juge, Monsieur le Juge. Bonjour, Monsieur

 16   Kupreskic.

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le

 18   Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge. Bonjour, aux parties.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous ce que vous

 20   faisiez le 15 avril 1993, si vous vous en souvenez ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Le 15 avril 1993, je me

 22   suis rendu à mon travail à Sutra, à Vitez, comme tous les jours.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Cette journée, était-ce une

 24   journée tout à fait ordinaire pour vous ou y avait-il quelque chose

 25   d'inhabituel ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, c'était comme

  2   tous les autres jours où je travaillais dans ce magasin.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Auriez-vous rencontré

  4   quelques-uns de vos amis ce jour-là ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je me souviens qu'il y

  6   avait des gens qui venaient régulièrement acheter de la marchandise. Et il

  7   y avait donc mes amis Zdravko Vrebac, Ivo Grabovac, Veljko Cato, mon

  8   parrain, qui venaient s'approvisionner, Grbovic Batrovic, Gavro Mucibabic.

  9   Je me souviens d'eux parce qu'ils se sont attardés assez longtemps dans le

 10   magasin.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Que faisaient-ils dans votre

 12   magasin, le 15 ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). - Ils sont venus acheter

 14   de la marchandise. Deux ou trois d'entre eux avaient des cafés ou des

 15   restaurants, c'est pour cela qu'ils venaient s'approvisionner chez moi ;

 16   donc ils sont venus chercher la marchandise.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Comment pouvez-vous vous

 18   rappeler le fait que ces gens-là étaient bien dans votre magasin le jour

 19   en question ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, c'est par

 21   rapport au lendemain précisément, la guerre d'Ahmici, qui me permet de me

 22   rappeler la journée du 15.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit que Zdravko

 24   Vrebac, lui aussi, est venu vous voir dans ce magasin ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - L'auriez-vous revu une fois

  2   de plus, le jour en question ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, j'ai terminé

  4   mon travail vers 5 heures de l'après-midi. J'avais l'habitude de venir

  5   dans ce café qu'il possédait où, nous, les musiciens, on se réunissait, et

  6   ce jour-là, en fin d'après-midi, je me suis également rendu là-bas.

  7   Comme je n'avais pas de voiture, quand je rentrais chez

  8   moi, je trouvais toujours quelqu'un pour me conduire chez moi ; il y avait

  9   toujours quelqu'un dans le café.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Comment s'appelle ce café ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). - Il s'appelait Set.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Et dans ce café, vous auriez

 13   pu remarquer quelque chose d'inhabituel, quelque chose qui vous aurait

 14   indiqué que la situation n'était pas du tout ordinaire, comme d'habitude ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - Dans le café, je n'ai

 16   remarqué rien d'anormal, tout était comme tous les jours.

 17   Mme Glumac (interprétation). - A quel moment êtes-vous

 18   rentré chez vous ? Qui vous a conduit ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je suis peut-être resté

 20   une heure, une heure et demie sur place. C'est une cousine de Zdravko,

 21   Ivana Vrebac, qui m'a permis de rentrer chez moi. Il y avait un autre

 22   cousin avec sa voiture et puis, après, à pied jusqu'à chez moi, donc à

 23   partir de leur maison.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et où se trouve leur

 25   maison ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - On vous a parlé de cet

  2   abri et cette maison se trouve un peu avant l'abri, à Zume.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Sur le chemin, en rentrant

  4   chez vous, sur la route, auriez-vous remarqué des déplacements de

  5   l'armée ? Est-ce qu'il y avait davantage de postes de contrôle

  6   qu'habituellement ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). - Non, rien

  8   d'inhabituel : comme tous les jours ; c'était comme tous les jours sauf ce

  9   poste qui était à la gare. Il s'y trouvait également.

 10   Mme Glumac (interprétation). – Et quand vous êtes rentré chez

 11   vous ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Quand je suis rentré chez

 13   moi, mon fils Marko était malade, il avait de la fièvre : c'était un rhume

 14   assez fort. Mon épouse m'a dit qu'Ivica était arrivé d'Allemagne avec son

 15   épouse, mais qu'il s'était rendu quelque part ; elle ne savait pas où.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Et vous-même, vous êtes parti

 17   où ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). - J'étais chez moi. J'ai

 19   entendu une voiture s'arrêter ; j'ai supposé que c'était Ivica. Je suis

 20   sorti et j'ai bien vu que c'était sa voiture. Par la suite, je suis allé

 21   dans sa maison, la maison d'Ivica.

 22   Mme Glumac (interprétation). – Qui s'y trouvait sur place ? Y

 23   avait-il beaucoup de monde ou les gens ne commençaient qu'à arriver ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, la maison était

 25   déjà pleine : il y avait Ivica, Ankica, le père d'Ivica, Ivo, puis Nana,


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  1   la tante, puis Marica et Manda Didak, Mirko Sakic, Miroslav Pudja ; il y

  2   avait déjà beaucoup de monde à la maison.

  3   Mme Glumac (interprétation). – De quoi parlait-on ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je me souviens d'avoir parlé

  5   avec Ankica ; on a parlé de son séjour en Allemagne. Je lui ai demandé ce

  6   qu'il en était des cousins, enfin de Branko, un autre frère d'Ivica. Cela

  7   faisait quinze ans qu'il était en Allemagne ; je ne l'avais pas vu depuis

  8   cinq ans. Puis on a parlé de Josip, qui était parti parmi les derniers.

  9   Puis, de Branko, le cadet des frères qui était handicapé. Donc je me suis

 10   renseigné sur lui. Voilà, c'était cela le sujet de notre conversation.

 11   Mme Glumac (interprétation). – Vous auriez abordé un sujet en

 12   particulier avec Ivica Kupreskic ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). - Pendant deux jours, il avait

 14   était absent ; on a parlé du travail que j'avais fait depuis deux jours :

 15   ce que j'avais fait, ce qu'il me restait à faire. Je me souviens lui avoir

 16   dit qu'il nous manquait de la marchandise, qu'il allait falloir se rendre

 17   dans le magasin en gros pour s'approvisionner. Donc j'ai eu une

 18   conversation avec lui au sujet du travail.

 19   Mme Glumac (interprétation). – Jusqu'à quand êtes-vous resté

 20   chez Ivica Kupreskic, le soir en question ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je suis resté un peu plus

 22   longtemps, je crois, plus longtemps que mon épouse qui est partie plus

 23   vite à cause de Marko qui était malade. Il était peut-être 11 heures quand

 24   je suis rentré chez moi.

 25   Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous fait partie de la


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  1   patrouille le soir en question ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). - Non.

  3   Mme Glumac (interprétation). – Pour quelle raison ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - A l'époque, je ne

  5   patrouillais pas.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Pendant combien de temps vous

  7   n'avez pas eu de patrouille, depuis ce jour-là ? Et pour quelle raison ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, Mirko Vidovic était

  9   parti en Allemagne quinze ou vingt jours plus tôt ; je ne sais pas

 10   exactement. Puis Ivica était tout le temps en déplacement. Moi-même,

 11   j'étais pris par ce travail, par la musique. Puis Mirko Sakic, qui en

 12   avait fait partie avant, était pris par Zerce. Donc on ne sait pas mis

 13   d'accord de ne pas faire de patrouille : tout simplement, c'est comme ça

 14   que c'est arrivé, on ne le faisait pas.

 15   Mme Glumac (interprétation). – Qui vous a réveillé le matin ?

 16   Que s'est-il passé le matin ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est mon frère Zoran qui

 18   m'a réveillé. Il m'a dit qu'on s'attendait à une attaque en provenance de

 19   Baringaj.

 20   Mme Glumac (interprétation). – Comment l'avez-vous compris ?

 21   Est-ce que cela vous semblait sérieux, pas sérieux ? Comment vous l'a-t-il

 22   communiqué ? Etait-il agité, énervé ?

 23   M. M. Kupreskic (interprétation). - Au moment où il m'en a

 24   parlé, il était lui déjà équipé. Quant au premier conflit, je ne l'avais

 25   jamais oublié : tout ce que j'y ai expérimenté, comment j'ai sorti les


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  1   enfants et tout. Je réagissais à chaque information de ce genre.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Entre-temps, entre le premier et

  3   le deuxième conflit, vous est-il arrivé de partir après avoir reçu ce

  4   genre d'information ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Il est arrivé qu'on déplace

  6   nos familles après avoir reçu ce type d'avertissement, et on revenait à la

  7   maison après un certain laps de temps puisqu'il ne se passait rien.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi dites-vous que ce temps

  9   était inhabituel ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, parce que les

 11   avertissements précédents, c'étaient soit avant la soirée, soit le soir,

 12   alors que cette fois-ci, c'était le matin.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Que vous a-t-il dit précisément,

 14   Zoran ? Pouvez-vous vous le rappeler ? Vous lui avez posé une question

 15   vous-même ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je lui ai demandé d'où il

 17   l'avait appris et il m'a dit que c'était Dragan Vidovic qui le lui avait

 18   appris.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Et vous-même, avez-vous informé

 20   qui que ce soit de ce que Zoran venait de vous dire ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je n'en ai informé personne.

 22   Ma belle-mère était chez moi, elle était malade elle aussi. En exemple, je

 23   peux dire qu'il lui fallait dix minutes pour traverser cent mètres. Elle

 24   avait mal au dos, elle avait une blessure au dos, elle se servait d'une

 25   canne pour marcher, elle avait du mal à marcher. Marko était malade et


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  1   quand j'ai réveillé mon épouse, elle m'a dit qu'elle n'avait pratiquement

  2   pas fermé l'œil de la nuit parce que Marko avait pleuré.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Vous habitiez avec vos parents,

  4   n'est-ce pas ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Vos parents étaient au rez-de-

  7   chaussée de la maison ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, ils étaient au rez-de-

  9   chaussée et moi, j'étais à l'étage.

 10   Mme Glumac (interprétation). – Et cet appartement à l'étage, a-

 11   t-il une entrée séparée ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, les entrées sont

 13   différentes. Il y a un escalier commun, mais il y a une entrée séparée

 14   pour l'appartement de mes parents et une entrée pour le mien.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Qui a informé vos parents du fait

 16   qu'on s'attendait à une attaque et qu'il fallait quitter la maison ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est Zoran ; il m'a

 18   réveillé et, lorsqu'il m'a réveillé, il a réveillé aussi les parents.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Très bien. Alors pour quelle

 20   raison n'avez-vous informé personne ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mais qui devais-je

 22   informer ? Moi, je répondais de ma famille. A moi, Zoran m'a dit :

 23   "Réveille ta famille pour qu'on se mette à l'abri".

 24   Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous informé les Croates qui

 25   se trouvaient autour de vous, avez-vous appelé Ivica Kupreskic, Vlatko


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  1   Kupreskic, vos cousins ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, je ne les ai pas

  3   appelés. Mais une fois qu'on était déjà partis, Zoran m'a dit que Dragan

  4   avait réveillé Ivica.

  5   Mme Glumac (interprétation). – Lorsque votre famille était

  6   prête, une fois partie, comment êtes-vous parti, de quelle manière ?

  7   Comment vous êtes-vous préparé pour ce déplacement à Zume ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mon épouse a préparé les

  9   enfants. Moi et mon épouse, nous avons essayé de voir comment emmener ma

 10   belle-mère ; nous avions une brouette et nous nous sommes mis d'accord de

 11   la mettre dans la brouette. Donc, c'est ce que nous avons décidé : nous

 12   l'avons placée dans la brouette ; mon épouse allait porter le petit Marko

 13   alors que Marija pouvait marcher seule.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous emmené des affaires ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mon épouse avait un sac,

 16   elle a pris des affaires dont elle avait besoin pour les enfants, un petit

 17   sac. Et justement, je l'ai placé dans la brouette où on avait installé ma

 18   belle-mère.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Et quel est le chemin que vous

 20   avez emprunté pour aller à Zume ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). – Par la dépression ; c'est le

 22   chemin que nous avons toujours emprunté, c'est le chemin le plus court qui

 23   mène au cœur de Zume et vers la population croate.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Où se trouvaient vos parents et

 25   Zoran avec sa famille, à ce moment-là ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quand je suis sorti et quand

  2   on avait installé ma belle-mère dans la brouette, mon père et ma mère

  3   étaient déjà arrivés ; mon père m'a aidé à installer ma belle-mère. Zoran

  4   était lui aussi sur place et nous sommes partis ensemble en passant par la

  5   maison de notre oncle. Donc nous sommes partis en direction de la

  6   dépression.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Donc vous êtes passés par la

  8   dépression, n'est-ce pas ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, par la dépression, par

 10   la maison de Niko Sakic et puis en direction de Zepce.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Auriez-vous remarqué des

 12   individus près de la maison de Niko Sakic ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). – Il y avait des gens, oui,

 14   des voisins autour de la maison de Niko ; il y en avait devant et puis, il

 15   y avait aussi des gens qui étaient déjà sur le chemin, un peu plus loin.

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – En plus de ces personnes-là,

 17   c'étaient vos voisins, n'est-ce pas ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 19   Mme Glumac (interprétation). - En plus de ces personnes là,

 20   auriez-vous rencontré qui que ce soit d'autre sur le chemin qui mène à

 21   l'abri ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, en face de la

 23   maison d'Anto Pudja, la route débouche à cet endroit. On a rencontré un

 24   groupe de soldats qui se déplaçaient sur le chemin. Moi, je conduisais la

 25   brouette et je suis passé à côté d'eux. En fait, on s'est croisés en


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  1   allant dans des directions opposées. Et puis, il y avait aussi des soldats

  2   qui sortaient du chemin à côté de la maison d'Anto Pudja.

  3   Mme Glumac (interprétation). – Comment étaient-ils ces soldats ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). – Vous savez, c'est uniquement

  5   dans les films que j'ai vu des soldats équipés ainsi. J'avais l'impression

  6   que c'était un commando : ils avaient le visage maquillé, ils portaient

  7   des uniformes de camouflage, des uniformes noirs. J'ai vu des ceinturons

  8   blancs, des étuis à pistolets blancs. Mais, en fait, je n'ai fait que

  9   passer, je n'avais pas beaucoup de temps pour les observer. Je conduisais

 10   la brouette, j'avais les enfants avec moi. A cet endroit, j'ai pu aussi

 11   voir qu'ils portaient des caisses de munitions. Ils marchaient par deux en

 12   portant ces caisses. C'est ce groupe-là qui sortait sur le chemin, mais je

 13   ne les ai vus qu'en passant.

 14   Mme Glumac (interprétation). – Auriez-vous posé une question

 15   quelconque à ces soldats ? Avez-vous eu l'occasion de discuter avec eux,

 16   de savoir où ils allaient, de voir ce qui se passait ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, mon père et ma mère

 18   marchaient devant. Zoran lui aussi était devant moi ; il venait déjà de

 19   passer, moi j'étais avec mon épouse et je conduisais la brouette. J'étais

 20   parmi les derniers, on s'est croisés, et on est passés les uns à côté des

 21   autres. Eux, ils étaient extrêmement silencieux ; il n'y a eu aucune

 22   conversation.

 23   Mme Glumac (interprétation). – Et entre eux, ils ne se parlaient

 24   pas ces soldats ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je n'ai pas entendu un seul


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  1   mot, tellement ils étaient silencieux ; même en marchant, ils ne faisaient

  2   pas de bruit.

  3   Mme Glumac (interprétation). – Comment avez-vous pu savoir de

  4   quelle armée il s'agissait ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Ces maisons-là, on les a

  6   vues ; ce sont toutes des maisons croates. Si cela avait été une autre

  7   armée, il y aurait déjà eu quelque chose ; donc, ça ne pouvait être qu'une

  8   armée croate.

  9   Mme Glumac (interprétation). – D'après leur aspect, il vous a

 10   été possible de savoir de quelle unité il s'agissait ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). – La seule chose qu'on a pu en

 12   déduire venait des ceinturons blancs , on a pu en conclure que c'était la

 13   police militaire. C'est la seule conclusion qu'on a pu en tirer.

 14   Mme Glumac (interprétation). – Quant aux insignes sur les

 15   uniformes, en portaient-ils, avaient-ils des badges ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je n'ai pas pu distinguer

 17   cela, mais il y a eu des insignes.

 18   Mme Glumac (interprétation). – Donc, vous avez laissé votre

 19   famille dans l'abri de Joso Vrebac ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, j'ai laissé ma famille

 21   dans l'abri de Joso Vrebac et je suis revenu en direction de la maison de

 22   Niko Sakic.

 23   Mme Glumac (interprétation). – Et pour quelle raison êtes-vous

 24   revenu vers la maison de Niko Sakic ? Pourquoi n'êtes-vous pas resté dans

 25   l'abri avec votre famille ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – La fois précédente

  2   également, quand on a emmené notre famille, on est revenus et on avait

  3   l'intention de revenir à l'étable de notre oncle. C'est là qu'on passait

  4   le reste de la journée. Et si rien ne se passait, on retournait chez

  5   nous ; on pensait que cela se passerait de la même manière ce jour-là.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Très bien. Donc vous reveniez

  7   parce que vous faisiez comme cela d'habitude ; vous reveniez toujours dans

  8   cette dépression. Mais pour quelle raison vous rendiez-vous dans cette

  9   dépression ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas dit que l'on est

 11   revenus dans cette dépression ; je n'ai pas dit cela précisément. Les fois

 12   précédentes où il y avait des avertissements, on revenait vers la maison

 13   de Niko ; il y a là la dépression puis l'étable de notre oncle. C'est là

 14   qu'on passait notre temps.

 15   Mme Glumac (interprétation) - Et qu'aviez vous l'intention de

 16   faire là-bas ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – A ce moment-là, on n'avait

 18   aucune idée. On ne savait pas ce que l'on allait faire. Auparavant, quand

 19   il nous est arrivé de revenir, on attendait, on se demandait si quelque

 20   chose allait se produire ou non. C'est comme cela que l'on a fait, mais ce

 21   jour-là la situation a été complètement différente, finalement.

 22   Mme Glumac (interprétation) – Quand les premiers tirs ont

 23   éclaté, où vous trouviez-vous ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). – Aux premiers tirs, j'étais

 25   avec Dragan Vidovic, Mirko Sakic, Dragan Samija, Drago Grgic, Milutin


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  1   Vidovic. On se trouvait devant l'abri, en bas de la maison de Mirko ; il y

  2   a une entrée à la maison, et lui habitait à l'étage. De cette partie

  3   inférieure, il y a une entrée indépendante par rapport à l'appartement où

  4   était son père, et c'est de ce côté-là qu'il y a une entrée dans l'abri.

  5   Mme Glumac (interprétation) – Avez-vous vu si l'abri de Niko

  6   Sakic était plein à ce moment-là ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – oui.

  8   Mme Glumac (interprétation) – Au moment où vous avez entendu les

  9   coups de feu, qu'avez-vous fait ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Au moment où les coups de

 11   feu ont éclaté, où les balles sifflaient, en fait quand je vous ai décrit

 12   le premier conflit, quand les balles sifflaient, j'ai dit aussi que je ne

 13   savais pas à quelle distance c'était de nous. Là aussi il y avait des

 14   balles, et nous nous sommes précipités en bas, vers la dépression. On

 15   s'est déplacés vers la partie supérieure, vers ce petit chemin qui mène

 16   depuis nos maisons ; donc d'où on est arrivés ce matin-là.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi vous êtes-vous installé

 18   dans cette partie-là de la dépression, en direction de ce petit chemin ?

 19   Pour quelle raison êtes-vous resté dans cette partie-là ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, dans ce premier

 21   moment, on s'est abrités devant ces tirs, donc on s'est précipité vers la

 22   dépression et -comme on ne savait pas ce qui était en train de se passer-

 23   le seul chemin par lequel on pouvait arriver, depuis nos maisons, c'est là

 24   qu'on s'est installé pour observer, pour voir si qui que ce soit allait

 25   arriver.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Je demanderai l'assistance de

  2   l'huissier. Je voudrais que vous regardiez ces photographies pour nous les

  3   décrire.

  4   (L'huissier s'exécute).

  5   Mme Lauer. - Il s'agit de la pièce D109/2.

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). - Il s'agit de cette

  7   dépression et voilà le petit sentier qui part de la maison de Niko Sakic

  8   vers la dépression. C'est là que nous sommes rentrés en courant et

  9   ensuite, nous nous sommes rendus dans cette partie-là de la dépression.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Ces photos ont été prises au mois

 11   d'avril cette année, donc comme ce fut l'époque dont vous parlez. Est-ce

 12   que, d'après vous, la végétation était comme sur la photo ou il y avait un

 13   peu plus de verdure, plus ou moins de végétation ?

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je pense que c'était un peu

 15   plus vert, mais de toute façon les feuilles commençaient à sortir, donc ça

 16   bourgeonnait déjà.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent, il s'agit de la

 18   dépression vue à partir de la maison de Niko Sakic, n'est-ce pas ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

 21   montrer par où vous êtes passé à partir de chez vous ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). - On voit ce sentier, il y a

 23   très peu d'arbustes, il y a donc ce sentier qui descend et, par ici, on

 24   passe jusqu'à la maison de Niko Sakic et, ensuite, il y a un sentier qui

 25   mène vers la maison de Vrebac.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Il s'agit du sentier qui longe

  2   donc la dépression et que vous avez utilisé ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, il y a ce sentier qui

  4   longe, mais par moments on utilisait l'autre partie de la route. Mais, de

  5   toute façon, il y a de l'herbe ; c'est la raison pour laquelle, pour ne

  6   pas marcher là-dessus, on utilisait plutôt l'autre sentier.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Vous êtes venu par conséquent par

  8   ce sentier ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est ce sentier-là que

 10   nous avons emprunté. Moi j'ai pris la brouette et je l'ai conduite.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous voir l'autre

 12   photographie, s'il vous plaît ? Je vais demander à l'huissier de m'aider

 13   pour soumettre la photo au témoin.

 14   (L'huissier s'exécute).

 15   Mme Lauer. - Il s'agit de la pièce D110/2.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Que voit-on sur cette photo, s'il

 17   vous plaît ? Pourriez-vous nous le dire ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est la partie qui mène

 19   depuis notre maison et c'est l'entrée d'en haut dans la forêt. Et puis, il

 20   y a cette partie du sentier, dont j'ai parlé tout à l'heure, qui mène vers

 21   le petit sentier que j'ai montré tout à l'heure, et qui descendait vers la

 22   maison de Niko Sakic. Puis, le sentier -que je montre- est le sentier qui

 23   traverse le milieu de la forêt. Et au moment où nous sommes arrivés en

 24   courant dans la dépression, nous étions à droite, donc quelque peu en

 25   contrebas, et on a pu voir les deux sentiers. C'est le seul sentier qui


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  1   menait vers nos maisons. Là, à l'endroit que vous voyez, il y a plusieurs

  2   sentiers, c'est un petit branchement, si l'on peut dire ainsi.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Donc vous avez utilisé cette

  4   partie du sentier ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, effectivement. Nous

  6   sommes descendus vers la maison de Niko Sakic en longeant le sentier que

  7   j'ai montré tout à l'heure.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Je vais vous montrer les photos.

  9   Mme Lauer. - Il s'agit de la pièce D111/2.

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). - Est-ce que je peux prendre

 11   la photo pour la voir de près ?

 12   Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce qu'on voit sur la

 13   première et la deuxième photos, s'il vous plaît ? Qu'est-ce que vous voyez

 14   là-dessus ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est un bâtiment, une

 16   maison que je ne vois que pour la première fois, car, à l'époque, il n'y

 17   en avait pas, c'est nouvellement construit. En bas, vous voyez justement

 18   ce sentier qui nous mène vers la dépression. Et c'est cette direction, à

 19   partir de la maison de l'oncle, Ivica Kupreskic, vers cette dépression.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Et où se trouve l'étable d'Ivo

 21   Kupreskic, dont vous avez parlé ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). - Elle se trouve derrière

 23   cette maison, à dix mètres à droite quand on regarde la photo, et quelque

 24   peu également plus bas par rapport à la maison, en contrebas de la maison.

 25   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous pouvez voir


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  1   maintenant la photo n° 3 ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, on voit justement

  3   ce dont j'ai parlé tout à l'heure : c'est la partie qui mène vers la

  4   forêt, vers la dépression ; c'est le sentier qui mène vers cet endroit que

  5   j'ai appelé embranchement, où il y a les deux sentiers. Il y a un sentier

  6   que nous avons emprunté, il y a l'autre qui traverse le milieu de la forêt

  7   et puis, il y a un troisième sentier qui rejoint celui que nous avons

  8   emprunté. En bas, il y a la dépression.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Le sentier que vous n'avez pas

 10   utilisé et qui traverse le milieu de la forêt, il mène lui aussi vers la

 11   maison de Niko Sakic ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 13   Mme Glumac (interprétation). – Pourriez-vous regarder maintenant

 14   la photo n° 4 ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est le même sentier, mais

 16   filmé de plus près. Vous voyez donc l'entrée directement dans la forêt et

 17   puis, de plus près, également la dépression.

 18   Mme Glumac (interprétation). – Et les photos 5 et 6 ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - Ici, c'est la prise de vue

 20   depuis la dépression : vous voyez le sentier entre nos maisons jusqu'à la

 21   dépression. Et c'est là où vous voyez vraiment de très près le début, le

 22   tout début de la dépression ; et puis la partie du sentier qui mène depuis

 23   nos maisons.

 24   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que qu'on peut voir les

 25   photos 7 et 8, s'il vous plaît, et nous dire ce que l'on voit sur ces deux


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  1   photos ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est la même partie de la

  3   dépression. Et puis, le sentier qui mène de nos maisons. Là, vous voyez

  4   également cette maison qui a été construite récemment et qui, à l'époque,

  5   n'existait pas. Donc c'est ce sentier qui mène vers la dépression que l'on

  6   voit sur la photo.

  7   Mme Glumac (interprétation). – Les photos suivantes ont été

  8   prises un peu plus tard et la végétation est quelque peu plus luxuriante ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, effectivement.

 10   Mme Glumac (interprétation). – Vous avez dit que vous vous êtes

 11   installés dans cette partie de la dépression, donc en avant et un peu plus

 12   près par rapport à vos maisons ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est dans cette partie de

 14   la dépression que nous pouvions observer le sentier dont j'ai parlé et

 15   montré tout à l'heure. On pouvait regarder vers la maison de notre oncle.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Et où se trouve Zoran au moment

 17   où vous vous êtes rendus dans la dépression ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). - Tant que nous étions à

 19   l'abri, c'est Zoran qui a emmené les Didak jusqu'à l'abri où se trouvaient

 20   son épouse avec ces femmes. Pendant que nous sommes entrés dans la

 21   dépression, Zoran n'était pas avec nous : il était du côté de la maison de

 22   Niko pour emmener les Didak. Mais, tout de suite après les tirs qui ont

 23   été échangés, il s'est joint à nous.

 24   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que les gens qui étaient

 25   avec vous dans la dépression étaient armés ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - Moi, j'avais un fusil que

  2   j'utilisais pendant que je montais la garde et je l'avais reçu ; Mirko

  3   Sakic également avait un fusil. Je pense que Dragan également en avait un

  4   et Vidoc. Drago Gorgic et Dragan Sami n'avaient aucune arme. Zoran, au

  5   moment où il nous a rejoints, avait également un fusil.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez

  7   comment ces gens-là étaient vêtus ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne peux pas me souvenir

  9   véritablement de la manière dont étaient vêtues toutes les personnes. Mais

 10   je sais que Zoran avait une veste de camouflage ; il me semble que Dragan

 11   également avait une veste de camouflage. En ce qui concerne les autres, je

 12   n'ai pas l'impression qu'ils portaient quelque chose de ce genre-là.

 13   Mme Glumac (interprétation). – Et vous, comment étiez-vous

 14   vêtu ?

 15   Mme Glumac (interprétation). – J'avais un jean bleu parce que,

 16   la veille, que je suis rentré de mon travail comme ça. Et puis, j'avais

 17   une veste grise ; elle était marron, pardon. J'avais également un pull en-

 18   dessous. C'était un peu comme j'étais vêtu la veille, à part la veste

 19   marron que j'ai mise.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Mais vous dormiez vêtu, habillé ? 

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, mais je dis que, la

 22   veille, donc en rentrant du travail, j'ai laissé tous mes vêtements pour

 23   les reprendre le lendemain matin et c'est comme ça que je me suis vêtu au

 24   moment où je me suis réveillé.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que c'est tout


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  1   simplement la veste que vous avez mise ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, c'est la veste qui

  3   était un peu plus chaude. C'est la raison pour laquelle je l'ai mise et

  4   que je ne l’ai pas utilisée la veille.

  5   Mme Glumac (interprétation). – Et quel temps faisait-il ce

  6   matin-là ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Il faisait froid.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il pleuvait ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, mais il bruinait. A mon

 10   avis, si mes souvenirs sont bons, je pense que c'était une toute petite

 11   pluie fine, il bruinait effectivement.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Eh bien, combien de temps vous

 13   êtes restés dans cette dépression ?

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). – Ces tirs très violents,

 15   terribles ont duré pendant une heure, deux heures, trois heures ; et

 16   c'était certainement le pire que j'ai jamais vécu, car nous avons essayé,

 17   à quelques reprises également, de sortir pour observer, pour voir un peu

 18   mieux. Mais au bout d'un quart d’heure, une demi-heure, un obus est

 19   tombé ; cela nous a fait très peur et nous avons essayé un peu de

 20   ressortir et de regarder, mais l'obus est tombé dans la forêt.

 21   Heureusement, cela n'a pas provoqué de blessures ou autre chose.

 22   Au bout d'un certain temps, une fois de plus, nous avons essayé

 23   de sortir de cet abri, de voir ce qui se passait mais, à côté de cet obus

 24   qui était tombé, qui nous a fait peur, il y avait également des balles qui

 25   sifflaient au-dessus de nos têtes et on avait très peur. On avait tenté à


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  1   plusieurs reprises de sortir un peu de notre cachette, de voir ce qui

  2   passait mais on n'a pas réussi.

  3   Mme Glumac (interprétation). – A partir de la position où vous

  4   vous êtes trouvés, dans cette partie de la dépression où vous pouviez vous

  5   déplacer, circuler, est-ce que vous avez pu vraiment voir ce qui se

  6   passait dans le village ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, on n'a pas pu voir ce

  8   qui se passait dans le village, mais on a pu voir la fumée. Cette fumée

  9   venait en provenance de nos maisons. Quand on sortait sur ce sentier, à

 10   travers les arbres, on pouvait voir la fumée sur la route, quelque part

 11   également autour de la mosquée parce que la fumée se levait déjà et on

 12   pouvait la voir.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment-là, quand

 14   vous avez pu vous rendre compte que les maisons étaient en flammes, avez-

 15   vous pu vous imaginer ce qui s’est passé ? Est-ce que vous avez pu en

 16   déduire quelque chose ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – A ce moment-là, on savait

 18   que les coups de feu étaient très violents, très intenses. On ne savait

 19   pas de quoi il s'agissait. Au moment où on a vu la fumée qui venait à

 20   partir de nos maisons, je me souviens que Zoran a dit : "C'est ta maison

 21   qui est en flammes !" ; ensuite, il a dit : "Je pense que c'est la mienne

 22   maintenant qui est en flammes". Nous avons tout simplement pensé que

 23   toutes nos maisons étaient en flammes, ont été incendiées et que tout

 24   était incendié autour de nos maisons, mais on ne savait absolument pas de

 25   quelles maisons il s'agissait.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait un

  2   obus qui était tombé dans la dépression, une autre dépression, pas dans la

  3   dépression où vous étiez. Est-ce que vous avez entendu plusieurs

  4   détonations ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Nous avons entendu plusieurs

  6   détonations qui venaient de cette direction où il y avait des tirs

  7   d'artillerie ; et à droite également, il y avait des obus qui tombaient.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez pu vous

  9   rendre compte d'où venait le pilonnage ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non.

 11   Mme Glumac (interprétation). – Et pendant que vous étiez dans la

 12   dépression, il y avait quelqu'un qui est venu se joindre à vous pendant

 13   ces trois premières heures ?

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). – Dès qu'il y avait une

 15   accalmie, Milutin Vidovic est venu jusqu'à l'endroit où nous nous sommes

 16   trouvés, et puis je ne sais pas avec qui il se trouvait encore. Il a dit

 17   que tout simplement, il est venu nous voir et nous demander si

 18   éventuellement, on avait nous-mêmes une information.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que lui-même il avait

 20   quelques informations ? En savait-il un peu plus ? Est-ce qu'il avait une

 21   information ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Tout ce que nous savions,

 23   lui également le savait. C'est la raison pour laquelle il était venu chez

 24   nous pour demander, justement, si nous on avait des informations. Il a

 25   peut-être pu observer un peu mieux, parce que lui, il était sur un endroit


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  1   qui était quelque peu surélevé. Par conséquent, il voyait éventuellement

  2   la fumée de manière un peu plus visible, si vous voulez, mais il n'avait

  3   pas d'information.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il vous a dit

  5   exactement où il se trouvait ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne savais pas exactement,

  7   mais il avait dit que c'est la partie de Belezem, donc à gauche par

  8   rapport à chez nous, quelque peu en haut par rapport à la maison de Mira

  9   Shamija ou de Vidovic, dans cette partie-là.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que sa maison se trouvait

 11   à proximité ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas quelle était

 13   la distance par rapport à sa maison, mais peut-être entre 300 et

 14   400 mètres.

 15   Mme Glumac (interprétation). - C'est chez Milutin Vidovic où un

 16   certain nombre de femmes et d'enfants s'étaient abrités, n'est-ce pas ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez quitté cette

 19   dépression ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quand il y avait cette

 21   accalmie et vu les obus également qui venaient du côté droit, parce que on

 22   avait pensé également qu'il s'agissait de Zume, qu'on pilonnait Zume, on

 23   ne savait pas ce qui se passait avec nos familles. Lors cette accalmie,

 24   nous en avons profité pour aller voir ce qui se passait avec nos familles.

 25   C'est donc le même sentier que nous avons emprunté pour aller voir nos


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  1   familles, celui que nous avons emprunté le matin pour emmener les familles

  2   à l'endroit dont j'ai parlé.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Et qu'avez-vous fait au moment où

  4   vous avez traversé ce sentier de Zume ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Nous nous sommes arrêtés

  6   d'abord au premier abri qui se trouvait à la maison de Niko -"Satko",

  7   c'est le surnom- mais c'est Anto Vidovic qui m'a appelé et il m'a dit que

  8   mon ami Fahrudin a été tué.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce qu'il vous a dit ? D'où

 10   il tirait cette information ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mais je lui ai posé la

 12   question. Je lui ai dit : "Mais comment tu le sais, est-ce que tu en es

 13   sûr ?" Il m'a dit que quelqu'un de la partie basse de Zume le lui a dit,

 14   je ne sais pas qui, et que de toute façon, c'est la mère de Fahrudin qui

 15   avait appris à ce quelqu'un que Fahrudin était mort.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent, l'information

 17   était exacte ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il vous a décrit dans

 20   quelles circonstances Fahrudin Ahmic a été tué ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, il ne m'a pas dit les

 22   détails. Tout ce que je lui ai posé comme questions, c'est s'il en était

 23   sûr, si, dans ces circonstances, il ne fallait pas avoir de doute ;

 24   n'importe qui aurait pu perdre la tête, enfin aurait pu être tué.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Au moment où vous avez appris que


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  1   Fahrudin a été tué, comment vous avez réagi ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mais comment voulez-vous

  3   réagir ? Alors que vous avez travaillé dix ans avec quelqu'un, vous avez

  4   la fête de Pâques, la dernière, nous étions ensemble, sans lui, on aurait

  5   pu être ensemble, c'est lui qui nous a rassemblés, on était ensemble,

  6   c'était cinq jours avant que ceci arrive.

  7   Zdravko, moi-même et puis Fahrudin, nous sommes allés jouer

  8   ensemble, c'était le Calvaire, donc le moment du Calvaire, et nous

  9   sommes... La pluie tombait. Nous avons sorti les instruments. Et puis, on

 10   nous a dit : "On ne va pas avoir de concert là-haut, par conséquent il

 11   faut descendre jusqu'au café". Il fallait une fois de plus prendre les

 12   instruments. Et puis Zdravko a dit : "on ne va pas jouer", moi-même j'ai

 13   dit non, et Fahrudin lui-même nous a dit : "Ecoutez, si on a pu jouer

 14   pendant Baïram, nous allons le faire également pour Pâques". C'est grâce à

 15   cet homme que nous avons joué véritablement. Et le jour où j'ai appris sa

 16   mort... je ne sais pas quoi vous dire.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez transmis

 18   cette information à quelqu'un d'autre ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai rencontré Zdravko

 20   Vrebac qui a joué, ensemble, avec nous, ce jour-là et je lui ai transmis

 21   ce message, enfin cette information, que j'avais appris.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Zdravko Vrebac également a joué,

 23   ensemble, avec Fahrudin ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, nous étions trois

 25   copains, enfin trois amis, très bons amis. On ne se séparait jamais.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Au moment où vous êtes allé

  2   jusqu'à l'abri, jusqu'à votre femme, est-ce là où vous avez appris

  3   quelques détails sur ce qui se passait à Ahmici, ce jour-là ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - Il y en avait qui avaient un

  5   certain nombre d'informations. Je pense que Zoran nous a dit que ceux qui

  6   étaient avec son épouse avaient appris, qu'autour de la route, il y avait

  7   d'autres personnes qui avaient été tuées.

  8   Tout le monde se posait la question, posait des questions aux

  9   autres, personne n'était vraiment au courant des détails.

 10   Moi j'étais avec Zdravko et c'est moi qui lui ai transmis ce que

 11   Cato m'avait dit, et Cato me l'a dit parce qu'il savait bien en quelles

 12   relations j'étais avec Fahrudin.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez appris

 14   d'autres noms d'autres personnes qui ont été tuées ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas entendu, je n'ai

 16   pas appris de noms, mais on a dit qu'il y en avait d'autres qui étaient

 17   victimes et qui se trouvaient le long de la route et autour de Fahran.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, par la suite, vous

 19   êtes retournés dans la dépression ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). - Après un certain temps, je

 21   ne sais pas combien de temps, nous sommes restés là-bas avec Zdravko. J'ai

 22   vu ma famille ; avec Mirko et Zoran, nous sommes allés jusqu'à la maison

 23   de Niko Sakic.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et vous êtes restés combien de

 25   temps à cet endroit-là ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - Nous sommes restés très peu

  2   de temps chez Niko Sakic et, ensuite, nous sommes allés vers la

  3   dépression ; et puis nous avons rejoint les gens qui y sont restés.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous aperçu quelqu'un ? Est-

  5   ce que vous avez vu quelques voisins ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). - Au moment où nous sommes

  7   arrivés jusqu'à la maison de Niko Sakic, nous avons vu Nikola Omazic qui

  8   nous a dit que Mirjan Santic avait été tué.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que Nikola Omazic était en

 10   tenue militaire ou en civil ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je pense qu'il était en

 12   civil.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que sa maison se trouve

 14   quelque part à proximité ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - En face de la maison de Niko

 16   Sakic, à une centaine de mètres.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que lui, également, il

 18   montait la garde, ensemble, avec vous ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - Non, jamais.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne connais pas les

 22   raisons, mais de toute façon il n'était pas dans les patrouilles avec

 23   nous.

 24   Mme Glumac (interprétation). - C'est lui qui vous a dit que

 25   Mirjan Santic a été tué ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est lui qui nous a

  2   dit que Mirjan Santic a été tué.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez

  4   Mirjan Santic ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je le connaissais, il était

  6   dans la partie du village où notre soeur a été mariée. Et puis, les

  7   derniers temps, je le voyais au point de contrôle, à côté de la gare.

  8   Chaque fois que je passais à côté pour aller au travail, je le voyais.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Mais qu'est-ce qu'il avait fait

 10   là-bas ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). - Il était policier militaire,

 12   il contrôlait la circulation, le trafic.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez qui avait

 14   emporté Mirjan Santic, le corps de Mirjan Santic ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - Au moment où nous sommes

 16   arrivés jusqu'à l'endroit qui mène vers nos maisons, Ivica et Nikola ont

 17   mis le corps de Mirjan Santic sur le brancard. Nous étions quatre, nous

 18   nous sommes rapprochés, nous les avons aidés, et nous avons emmené le

 19   corps jusqu'au garage de Niko Sakic.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Mirjan Santic, avait-il le visage

 21   peint ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). - Non, son visage n'était pas

 23   maquillé.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Vous rappelez-vous s'il y avait

 25   un insigne sur son uniforme ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - Le corps de Mirjan Santic

  2   était vêtu d'un uniforme de camouflage. Il avait l'insigne du HVO, police

  3   militaire, à l'épaule. Et je me rappelle d'un ruban de couleur bleu ciel,

  4   plutôt clair, plutôt vers le blanc.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Donc vous avez porté son corps

  6   vers le garage, le corps de Mirjan Santic. Par la suite, savez-vous où ce

  7   corps a été emporté ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne suis pas sûr si

  9   c'était son père ou des membres de la famille qui sont arrivés pour

 10   emporter le corps ailleurs.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Et sa maison, elle se trouve à

 12   Santici ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, dans la deuxième partie

 14   de Santici, pas dans la partie Zume-Santici, mais au-delà.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Auriez-vous remarqué dans ce

 16   groupe de soldats, qui arrivaient le matin par la route, donc au moment où

 17   vous vous rendiez à l'abri, auriez-vous remarqué, dans ce groupe, Mirjan

 18   Santic ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne l'ai pas vu.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Dites-moi, le 16 avril, les coups

 21   de feu se sont-ils calmés à un moment donné pour s'arrêter complètement ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, quand on a entendu les

 23   transporteurs de la Forpronu et quand on a pu les voir, puisque nous

 24   étions sur ce sentier, c'est à ce moment-là que l'accalmie était entière :

 25   il n'y avait plus du tout de coups de feu et ces deux transporteurs sont


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  1   passés par le dépôt en direction d'Ahmici.

  2   Mme Glumac (interprétation). – Vous les avez vus ou vous les

  3   avez entendus uniquement ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - Nous étions sur la partie du

  5   sentier d'où nous avions la possibilité de les voir par la forêt ; en

  6   fait, on entend d'abord le son, puis, c'est le son qui nous a incités à

  7   sortir. Et quand nous sommes venus dans cette partie-là d'où la visibilité

  8   était meilleure, nous les avons vus passer en direction d'Ahmici.

  9   D'Ahmici-le-Haut ?

 10   Mme Glumac (interprétation). – Quand les transporteurs sont

 11   partis d'Ahmici, est-ce qu’il y a eu des tirs ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, dès que les

 13   transporteurs sont partis, les tirs ont repris.

 14   Mme Glumac (interprétation). – Ce jour-là, à un moment

 15   quelconque, est-ce que les coups de feu se sont complètement arrêtés ?

 16   Peut-on dire qu'à un moment quelconque, il n'y avait plus aucun bruit

 17   d'activité militaire ? Pouvez-vous nous dire s'il y a eu un tel moment, le

 18   16 avril ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - A ce moment où, pour la

 20   première fois, nous avons saisi l'occasion pour aller voir nos familles,

 21   il n'y avait pas de tirs. Et quand les transporteurs sont arrivés, je ne

 22   sais pas combien cela a duré, mais il n'y a pas eu de tirs. Et puis, peut-

 23   être, vers 4 ou 5 heures de l'après-midi, il n'y a eu également une

 24   accalmie avant que les tirs ne reprennent plus tard. Ce n'est qu'avec la

 25   nuit que les tirs se sont complètement arrêtés.


Page 11012

  1   Mme Glumac (interprétation). – Et dans quelle partie d'Ahmici, y

  2   a-t-il des tirs alors ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). - Par rapport à l'endroit où

  4   nous étions, devant nous. Je ne peux pas dire exactement, mais partout,

  5   dans toutes les parties qui sont devant nous, il y a eu des tirs

  6   également ; de droite, en bas où il y a la route, également, il y a des

  7   tirs.

  8   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce qu'on entend des coups de

  9   feu également dans l'après-midi autour de vos maisons ou ces tirs

 10   s'étaient-ils éloignés ? Comment pourriez-vous le qualifier ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne peux pas vous le

 12   décrire précisément. Peut-être y en a-t-il eu un peu moins depuis la

 13   partie où étaient nos maisons, moins par rapport au matin du même jour. Et

 14   puis, au crépuscule, c'est depuis la mosquée et en bas de la route

 15   principale qu'il y a eu le plus de tirs.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Après donc, le 16 au soir, vous

 17   avez dit que les tirs cessent. Et, à ce moment-là, saviez-vous où étaient

 18   les unités croates, au moment où les tirs ont cessé ? Pouvez-vous les

 19   localiser, savez-vous où se trouvent leurs positions, auriez-vous entendu

 20   quelque chose ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne pouvais pas l'évaluer.

 22   Une fois que les coups de feu ont cessé, nous sommes sortis vers

 23   l'étable ; je l'ai expliqué avant. Et là, on pouvait entendre des appels.

 24   Je ne sais pas comment dire : il y avait un mot, un mot vraiment répété

 25   beaucoup, beaucoup de fois ; plus tard, j'ai cherché à me rappeler ce mot


Page 11013

  1   parce qu'il retentissait dans mon souvenir, quelque part, mais je n'arrive

  2   pas à le retrouver. Je me suis dit que c'est ce mot-là qui leur permettait

  3   de s'appeler, de savoir où ils étaient.

  4   Mme Glumac (interprétation). – Et où entendait-on ces appels ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est dans la nuit, cela

  6   retentit dans la nuit, mais je peux dire que c'est devant nos maisons et

  7   puis, au-delà, en direction d'Ahmici.

  8   Mme Glumac (interprétation). – Par-dessus vos maisons ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). - Devant, pas vers nous, mais

 10   au-dessus, vers Ahmici.

 11   Mme Glumac (interprétation). – Où avez-vous passé la nuit du 16

 12   au 17 ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je vous ai montré la maison

 14   qui vient d'être construite sur les photos : et bien, il y a un sentier et

 15   puis, une crevasse à côté où nous avons passé la majeure partie de la

 16   nuit. Peut-être que, de temps en temps, quelqu'un se serait rendu dans

 17   l'étable, mais, en fait, nous avons passé la meilleure partie de la nuit

 18   dans cette crevasse, dans cette vallée encaissée.

 19   Mme Glumac (interprétation). – Vous avez monté la garde pour que

 20   personne ne rentre dans l'abri ? Avez-vous dormi ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, on n'a pas dormi,

 22   pas dormi du tout. On ne pouvait pas fermer l'œil. On est allés dans cette

 23   vallée encaissée. On était à l'extérieur du bois et, devant, il y avait un

 24   espace découvert. Donc on pouvait voir quiconque cherchait à venir vers

 25   l'abri.


Page 11014

  1   Mme Glumac (interprétation). – Le 17 avril, est-ce qu'il y a

  2   toujours des coups de feu dans le village ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). - A l'aube, dès l'aube, les

  4   tirs ont repris. Seulement, c'était au loin et en direction d'Ahmici-le-

  5   Haut ; et, en bas, autour de la mosquée on n'entendait plus du tout de

  6   tirs ni autour de nos maisons. Donc on sentait que ces tirs s'étaient

  7   déplacés vers le haut d'Ahmici.

  8   Mme Glumac (interprétation). – Et dans la partie inférieure

  9   d'Ahmici, est-ce que qu'on entendait quelque chose ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). - Non, on n'a rien pu entendre

 11   là-bas.

 12   Mme Glumac (interprétation). – Et, à ce moment-là, que pensiez

 13   vous, qu'était-il arrivé aux Musulmans du village ? Vous entendiez ces

 14   coups de feu se déplacer vers Ahmici-le-Haut et que pensiez-vous au sujet

 15   des Musulmans qui habitaient dans Ahmici-le-Bas, autour de vos maisons,

 16   près de la route ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, le 16, d'après ce

 18   qu'on a vu, entendu, appris et d'après ce qu'Ivica m'a dit, que toutes ces

 19   maisons de nos voisins étaient en feu, en flammes ; nous avons également

 20   appris que la mosquée avait été démolie. Et puis, deux ou trois fois, nous

 21   nous sommes rendus dans nos familles. Nous avons vu qu'à Zume, des maisons

 22   avaient été incendiées. Enfin, en apprenant cela, nous avons pu savoir que

 23   les Musulmans avaient été des victimes de ces destructions.

 24   Mme Glumac (interprétation). – Mais donc, il y a des feux en

 25   direction d'Ahmici-le-Haut, dans Ahmici-le-Haut et, d'après ces tirs,


Page 11015

  1   quelles sont vos conclusions ? Vous en déduisez qu'il y a des combats ou

  2   qu'on attaque des civils ? Qu'avez-vous pensé ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). - Mais je n'avais aucun

  4   conclusion au sujet des combats, je ne savais pas qui était engagé dans

  5   les combats. Mais la partie des maisons que j'ai décrites et dont j'ai

  6   parlé, c'étaient des maisons qui appartenaient aux Musulmans ; ces maisons

  7   avaient été donc détruites et incendiées. Nous ne savions pas, à ce

  8   moment-là, ce qu'il était advenu des gens. Nous espérions qu'ils avaient

  9   eu la possibilité de s'enfuir et de se mettre à l'abri. A ce moment-là,

 10   nous ne savions pas quel avait été leur sort.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Le 17 avril, hormis ces coups de

 12   feu que vous entendiez en direction d'Ahmici-le-Haut, est-ce qu'il se

 13   passe autre chose ? Y a-t-il quelque chose d'autre dont vous vous

 14   souvenez ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). – Le 17 au soir, la nuit était

 16   déjà tombée, Mirko Sakic nous a dit que, depuis l'abri où était ma

 17   famille, que tous s'étaient enfuis vers Rovna ; et depuis la maison de

 18   Niko Vidovic, que tous s'étaient enfuis parce que sa famille, elle,

 19   s'était trouvée également dans cet abri.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Et pour quelles raisons ces gens

 21   se sont-ils enfuis ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Il y aurait eu une

 23   information que, de Krtina Mahala, une partie de la ligne avait été percée

 24   et que les gens avaient eu peur ; c'est pour cette raison-là qu'ils

 25   s'étaient enfuis de l'abri.


Page 11016

  1   Mme Glumac (interprétation). - On aurait appris que des

  2   Musulmans allaient arriver ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai dit qu'on a dit que les

  4   Moudjahidine avaient percé une partie de la ligne sur le tronçon Krtina

  5   Mahala.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Très bien. Et savez-vous ce qui

  7   se passe avec votre famille ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). – A ce moment-là, je ne le

  9   savais pas. Je suis parti tout de suite vers l'abri pour voir comment ils

 10   allaient.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Et qui avez-vous vu sur place ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je suis parti avec Zoran.

 13   Nous y avons trouvé l'épouse de Zoran ; c'est elle qui m'a dit que ma

 14   famille était partie vers Rovna.

 15   Mme Glumac (interprétation). – Et vous-même, vous êtes parti

 16   vers Rovna pour retrouver votre épouse et vos deux enfants, ainsi que

 17   votre belle-mère ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – A ce moment-là, je ne suis

 19   pas parti ; c'était la nuit, je ne suis pas parti à Rovna.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Quand est-ce que vous êtes parti

 21   à Rovna ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Le lendemain, dès l'aube.

 23   J'y suis allé, j'ai trouvé ma famille dans la maison de Pero Santic. Mes

 24   parents, mon épouse, ma belle-mère y étaient, je les ai retrouvés là-bas

 25   sains et saufs.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Quand êtes-vous parti à Rovna ?

  2   Tôt le matin ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). – A l'aube, à la première

  4   lumière du soleil, je suis parti tout de suite.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Et ensuite, une fois que vous

  6   avez vu que votre famille était en sécurité, qu'avez-vous fait ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je suis revenu voir mon

  8   frère et mes voisins qui se trouvaient dans la maison de Niko.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Et pour quelle raison êtes-vous

 10   revenu ? Pourquoi êtes-vous revenu puisque votre famille était en

 11   sécurité ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je reviens là où est mon

 13   frère, là où sont les autres hommes.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que d'autres femmes et

 15   enfants croates étaient encore dans des abris à Zume, le savez-vous ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, quand on a appris

 17   cela de Krtina Mahala, la plupart de ces hommes, de ces femmes et enfants

 18   sont descendus dans l'abri où s'était déjà installée ma famille. Donc, en

 19   fait, il y a eu simplement une relève : une partie est partie pour Ravan,

 20   d'autres personnes sont venues s'installer à leur place.

 21   Mme Glumac (interprétation). – Dites-nous, à quel moment êtes-

 22   vous revenu chez vous, à votre maison, pour la première fois ?

 23   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, je suis revenu de

 24   Rovna, et là où se trouve la maison de Niko, Zdravko Vrebac est arrivé en

 25   voiture pour voir comment on allait. Et c'est là que j'ai eu l'idée, vu la


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  1   voiture et vu Zdravko, que je devrais peut-être essayer de sortir mon

  2   accordéon de la maison pour le mettre chez lui, pour le mettre à l'abri.

  3   Donc je suis parti avec Zdravko chez moi, dans ma maison.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Donc ce n'est pas à cause de la

  5   maison que vous êtes parti ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'était un pur hasard que

  7   Zdravko s'y trouve avec sa voiture ; et quand je l'ai vu comme ça avec la

  8   voiture, j'ai eu cette idée d'aller chercher mon accordéon.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Mais pour quelle raison cet

 10   accordéon était-il aussi important pour vous ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mais je vous ai décrit la

 12   période allant depuis 1992 ; tout ce que j'avais, tout ce que j'étais,

 13   c'était grâce à cet instrument et je ne savais pas si j'allais pouvoir

 14   continuer à vivre ici ; et quelque soit l'endroit où j'allais m'installer,

 15   c'était mon moyen de survie.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Et dans quel état était votre

 17   maison quand vous l'avez revue ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, c'était le bordel !

 19   Tout avait été sorti, les armoires étaient éventrées, tous les tiroirs ont

 20   été arrachés, la porte du frigidaire, je l'ai retrouvée au milieu de la

 21   cuisine dans la chambre d'enfants, tous les carreaux ont été cassés. Même

 22   aujourd'hui, on peut le voir, on peut y aller pour voir, on voit des

 23   traces de balles aux murs des chambres d'enfants, le rideau a commencé à

 24   brûler, heureusement cela s'est éteint. Enfin, je ne sais même pas si

 25   c'est bien que ce feu se soit éteint, parce que si la maison avait été


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  1   incendiée complètement peut-être que moi, je ne me serais pas retrouvé

  2   ici.

  3   Mme Glumac (interprétation). – Dites-nous, vous auriez pu

  4   constater qu'il y avait des choses qui manquaient dans votre maison, enfin

  5   des objets de valeur ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, il y a eu des

  7   pièces d'or. Je n'ai pas pu tout constater ; j'avais une veste en cuir.

  8   Enfin, il y avait des objets de mon épouse qui manquaient. En tout cas, la

  9   maison a été pillée.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Et dans les parages, autour de

 11   votre maison, auriez-vous remarqué des traces de balles, en fait, qu'il y

 12   a eu du feu qui aurait été ouvert depuis votre maison ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, j'ai vu pas mal de

 14   douilles, donc dans la partie d'accès à la maison.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez vu beaucoup de douilles

 16   vides : c'est ce que vous êtes en train de dire ? Auriez-vous remarqué

 17   autre chose en plus de ces douilles ? Vous vous souvenez de quelque

 18   chose ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, autour de la maison,

 20   non, je ne me souviens de rien.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Et la porte d'entrée de votre

 22   maison était-elle ouverte ou fermée quand vous y êtes arrivé ?

 23   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mais elle avait été

 24   complètement arrachée, le cadre, vous savez ; c'était une porte en pin et

 25   donc cette partie du cadre était complètement arrachée.


Page 11020

  1   Mme Glumac (interprétation). - Et par la suite, vous êtes revenu

  2   dans la dépression. A qui avez-vous remis l'accordéon ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je suis arrivé voir Zdravko,

  4   je lui ai remis l'accordéon et, pendant toute la guerre, c'est Zdravko qui

  5   l'a gardé.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Donc, à ce moment-là, vous ne

  7   saviez pas si vous alliez continuer à vivre dans votre maison ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, ce que j'ai pensé à

  9   ce moment-là, c'était qu'effectivement, je n'allais plus vivre dans cette

 10   maison.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu d'autres

 12   événements durant la journée du 17 ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). – Dans l'après-midi, on était

 14   près de l'étable de notre oncle, par là. C'est là que quatre ou cinq

 15   policiers militaires sont arrivés ; je ne me souviens pas exactement

 16   combien ils étaient. Ils escortaient un groupe de civils de Vitez. Il y en

 17   avait quelques-uns que je connaissais parmi eux. Il y avait mon témoin de

 18   mariage, Miro Mujinovic entre autres. Ils nous ont croisés et nous ont dit

 19   que nous devions aller à Pirici pour constituer une ligne de défense,

 20   qu'il fallait creuser les tranchées.

 21   Mme Glumac (interprétation) – En plus de ces civils, il y avait

 22   combien de personnes ?

 23   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quatre.

 24   Mme Glumac (interprétation) – Combien de soldats sont venus vous

 25   chercher ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quatre ou cinq, je ne sais

  2   pas exactement.

  3   Mme Glumac (interprétation) – Et vous êtes partis, ils vous ont

  4   emmenés dans quelle direction ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – On est passés par la maison

  6   de Branko Kupreskic, le frère d'Ivica, par le pré, en passant par la

  7   maison d'Enver Sehic, en amont de sa maison, par le pré, vers Pirici.

  8   Mme Glumac (interprétation) – Et qu'avez-vous vu en chemin ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – Ce n'est que là que l'on a

 10   pu se rendre compte des atrocités qui s'étaient produites. Quand on est

 11   passés par la maison d'Enver, j'ai vu un corps -j'étais à peu près au

 12   milieu de la colonne- j'ai vu un corps et j'ai supposé que c'était le

 13   corps de notre voisin Enver Sehic. Et puis plus loin, sur une autre

 14   portion du chemin, on a vu deux autres cadavres qui gisaient sur la route,

 15   et encore plus loin, en direction de Pirici, on a une vue vers le bas.

 16   Mme Glumac (interprétation) – Alors vu de Pirici, quelle était

 17   la scène ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'était fantomatique ;

 19   c'était un village fantomatique, tout avait été incendié et calciné : une

 20   horreur, une horreur. C'est difficile de décrire cela.

 21   Mme Glumac (interprétation) – Ces soldats étaient-ils des

 22   policiers militaires ou des soldats ? Qu'avez-vous dit ?

 23   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'étaient des policiers

 24   militaires, ceux qui nous ont emmenés là-bas.

 25   Mme Glumac (interprétation) – Que vous ont-ils dit ?


Page 11022

  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quand nous sommes arrivés

  2   là-haut, ils nous ont répartis en groupes de deux ou trois, sur 40 ou

  3   50 mètres. Et puis, ils ont déterminé des endroits, ils ont dit qu'il

  4   fallait creuser là-bas, que c'était une ligne qu'il fallait constituer à

  5   cet endroit-là et que c'est là que nous allions passer la nuit.

  6   Mme Glumac (interprétation) – Y avait-il déjà du monde quand

  7   vous êtes arrivés sur place ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). – Il y avait des civils sur

  9   place ; ils s'y trouvaient avant que nous n'arrivions et ils avaient

 10   commencé à creuser. Il y avait un autre groupe de policiers, militaires

 11   aussi, qui portaient les mêmes vêtements que ceux qui nous avaient amenés.

 12   J'ai vu aussi quelques hommes en uniforme noir ; deux ou trois portaient

 13   des bandeaux aussi sur la tête.

 14   Mme Glumac (interprétation) – Ainsi donc, ces gens vous ont

 15   ordonné de creuser des tranchées ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, ils nous ont répartis

 17   en groupe de deux ou trois sur 30, 40, 50 mètres, sur une ligne, et c'est

 18   là que nous avons passé la nuit.

 19   Mme Glumac (interprétation) – Et auparavant, y a-t-il eu des

 20   tranchées à Ahmici qui auraient été creusées par des Croates, près de vos

 21   maisons ou ailleurs ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, moi, je n'ai jamais vu

 23   une tranchée creusée dans cette partie-là.

 24   Mme Glumac (interprétation) – Vous êtes resté combien de temps à

 25   Pirici ?


Page 11023

  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'y suis resté quelques

  2   jours. Ensuite, ils m'ont transféré en amont par rapport à Ahmici-le-Haut,

  3   et c'est là que je suis resté jusqu'à la fin de la guerre.

  4   Mme Glumac (interprétation) – Et, en amont par rapport à

  5   Gornji Ahmici, Ahmici-le-Haut, vous avez creusé des tranchées également,

  6   n'est-ce pas ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, on est arrivés dans un

  8   pré, on a commencé à creuser des tranchées, et au bout de quelque temps

  9   une ligne s'est constituée.

 10   Mme Glumac (interprétation) – Vous êtes resté combien de temps

 11   dans cette tranchée à Ahmici ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Jusqu'à la fin de la guerre,

 13   jusqu'au moment où j'ai été démobilisé.

 14   Mme Glumac (interprétation) – Et c'était quand ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai commencé à travailler

 16   peut-être fin avril, quand l'entreprise a repris son travail. Quant au

 17   document de démobilisation, je l'ai reçu peu de temps après, en 1994.

 18   Mme Glumac (interprétation) – Monsieur le Président, si cela

 19   convient à la Chambre, nous pourrions faire une pause maintenant, puisque

 20   j'ai quelques documents à présenter par la suite. J'en aurai terminé en

 21   une demi-heure.

 22   M. le Président (interprétation). – Oui, très bien. Nous allons

 23   faire une pause à présent.

 24   L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 11 heures.

 25   M. le Président (interprétation). – Maître Glumac, vous avez la


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  1   parole.

  2   Mme Glumac (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). – Monsieur Kupreskic, je vais

  4   vous montrer certains documents. Est-ce que je peux avoir l'aide de

  5   l'huissier pour ce faire ?

  6   (L'huissier s'exécute).

  7   Mme Lauer. – Il s'agit de la pièce D112/2.

  8   Mme Glumac (interprétation). - M. Kupreskic, est-ce que vous

  9   reconnaissez ce document ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Et de quoi s'agit-il ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est mon avis de

 13   démobilisation.

 14   Mme Glumac (interprétation). - En d'autres termes, c'est un

 15   certificat de démobilisation ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Du 1er juin 1994 ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je pense qu'il s'agit en

 19   fait du 31 mai 1994.

 20   Mme Glumac (interprétation). – Certes, mais ce document a été

 21   délivré à la date du 1er janvier 1994. Pourriez-vous me dire si ce

 22   document vous avait été remis ?

 23   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et quand vous a-t-il été remis ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas si c'est ce


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  1   jour-là qu'il m'a été remis, mais en tout cas autour de cette date-là.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez cessé d'être

  3   un soldat étant donné la délivrance de ce certificat de démobilisation ?

  4   Est-ce que c'est à ce moment-là que vous avez cessé d'exercer vos devoirs

  5   militaires ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). – Lorsque la société Sutra a

  7   repris ses activités au mois d'avril, j'ai quitté les lignes et j'ai rendu

  8   tout ce qui m'avait été délivré et, par la suite, j'ai reçu ce certificat

  9   de démobilisation.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez été démobilisé à votre

 11   propre demande ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Fort bien, merci.

 14   Est-ce que M. l'Huissier pourrait présenter au témoin la pièce

 15   de l'accusation 353 ?

 16   (L'huissier s'exécute).

 17   Veuillez examiner la page 30 et plus exactement le n° 217.

 18   Est-ce qu'on y voit, au regard du 217, votre nom et votre

 19   prénom ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Il y a une date, celle de

 22   l'engagement dans l'unité, et c'est la date qui va jusqu'au 22 janvier

 23   1996. Est-ce que cette date est exacte ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, elle n'est pas exacte.

 25   Mme Glumac (interprétation). - A quel moment avez-vous été


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  1   démobilisé ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, d'après ce

  3   document, le 31 mai, mais j'ai dit que j'avais quitté les lignes du front

  4   au mois d'avril 1994.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Il y a une signature à cet

  6   endroit. Etait-ce votre signature ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, moi, je n'ai pas signé

  8   ce document.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Et pourquoi n'avez-vous pas

 10   apposé votre signature ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, personne ne m'a

 12   appelé pour me demander de signer. Si on m'avait appelé, eh bien, j'aurais

 13   apposé ma signature.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous qui a signé en votre

 15   nom ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, je ne sais pas.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Merci. Savez-vous pourquoi, à

 18   quelle fin, cette liste a été dressée ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, à ma connaissance,

 20   c'est parce qu'il y avait des actions en jeu.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Je vais demander une fois de plus

 22   l'aide de l'huissier s'agissant d'un autre document.

 23   (L'huissier s'exécute).

 24   Mme Lauer. – Il s'agit de la pièce D113/2.

 25   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Kupreskic, est-ce que


Page 11027

  1   vous avez déjà vu ce certificat ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, jamais.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Il y a donc des certificats

  4   s'agissant de soldes supplémentaires versées aux membres des forces

  5   armées. Vous avez un premier certificat sous les yeux. Est-ce qu'il est

  6   délivré à l'attention de Zoran Kupreskic ? Et la date qui y figure, est-

  7   elle exacte ainsi que les renseignements relatifs au père, à la mère, à

  8   leurs noms, ainsi qu'au numéro de matricule ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Et combien de mois de service

 11   ont-ils été accordés à Zoran Kupreskic aux fins d'une solde

 12   supplémentaire ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). –  Ici, je vois qu'il y a le

 14   numéro 52.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Passez à la page suivante pour

 16   voir le deuxième certificat qui est délivré à l'intention de Mira

 17   Kupreskic, fille de Franjo et épouse de Zoran.

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est donc la femme de

 19   Zoran.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Combien de mois supplémentaires

 21   a-t-elle obtenus ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quarante cinq.

 23   Mme Glumac (interprétation). - La troisième personne est Milka

 24   Sakic, fille d'Ivo.

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est la mère d'Ivo Sakic.


Page 11028

  1   Elle est née en 1933, d'après les informations consignées ici.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez voir

  3   combien de mois lui ont été accordés ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quarante cinq.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Le certificat suivant concerne

  6   Luca Kupreskic, la fille de Mato. Qui est-ce ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Ma mère.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Et quand est-elle née ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – En 1937.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Combien de mois lui ont-ils été

 11   accordés ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quarante cinq.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Veuillez examiner le certificat

 14   suivant qui est adressé à Katica Vidovic, la fille de Mijo. Connaissez-

 15   vous cette personne ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je pense qu'il s'agit de

 17   l'épouse de Mirko Vidovic.

 18   Mme Glumac (interprétation). - A l'époque, est-ce qu'elle se

 19   trouvait à Vitez ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, cette femme a passé

 21   la totalité de la période de la guerre en Allemagne, elle est rentrée en

 22   1995.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Et de combien d'actions a-t-elle

 24   bénéficié ? Quel a été l'équivalent en mois ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quarante cinq mois.


Page 11029

  1   Mme Glumac (interprétation). - S'agissant du certificat suivant,

  2   il concerne Anto Kupreskic, fils d'Anto. Qui est-il ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, c'est feu mon père.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Quand est-il né ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – En 1938.

  6   Mme Glumac (interprétation). - De combien de mois a-t-il

  7   bénéficié ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). – Quarante cinq.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Quand est-il mort ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Il est mort le 9 octobre

 11   1993.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Ensuite, vous avez Milka Vidovic,

 13   fille de Ilija.

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est la mère de Mirko

 15   Vidovic.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Elle est née en 1927 ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Elle a reçu combien d'actions ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – L'équivalent de 45 mois.

 20   Mme Glumac (interprétation). – Nous avons maintenant Luca Rajic-

 21   Miskovic, née en 1924.

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est la tante d'Ivo dont

 23   nous avons parlé tout du long.

 24   Mme Glumac (interprétation). – C'est donc la tante d'Ivo

 25   Kupreskic, qui vivait dans la vieille maison des Kupreskic, n'est-ce pas ?


Page 11030

  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  2   Mme Glumac (interprétation). – Ivo Kupreskic, fils d'Anto, né

  3   en 25 : qui est-ce ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est mon oncle, le père

  5   d'Ivica.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Et de combien d'actions a-t-il

  7   bénéficié ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - L'équivalent de 45 mois.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Il y a des certificats

 10   supplémentaires ici, mais je vais vous demander d'expliquer celui de

 11   Mirjan Kupreskic, fils d'Anto, né en 63. S'agit-il bien de vous ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 13   Mme Glumac (interprétation). – Combien d'action vous êtes-vous

 14   vu octroyer ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - L'équivalent de 49 mois.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Et Ljubica Kupreskic, fille

 17   d'Ivo, née en 66 : qui est-ce ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est ma femme.

 19   Mme Glumac (interprétation). – Combien de solde supplémentaire

 20   a-t-elle reçue ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - L'équivalent de 45 mois.

 22   Mme Glumac (interprétation). – Au cours de la guerre, vous vous

 23   êtes trouvé dans les tranchées et vous avez dit qu'avant la guerre, vous

 24   faisiez partie des gardes villageoises ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est exact.


Page 11031

  1   Mme Glumac (interprétation). – Mira Kupreskic, votre femme, la

  2   mère de Vidovic, que faisaient ces femmes ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). - Elles travaillaient à la

  4   maison. C'est ce qu'elles ont toujours fait.

  5   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce qu'elle ont en aucune

  6   façon participé aux activités ? Je veux dire pendant la guerre.

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). - Non, elles n'ont jamais eu

  8   d'engagement actif dans l'effort de guerre.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Merci.

 10   Monsieur Kupreskic, pourriez-vous dire aux Juges quels étaient

 11   vos rapports avec Sakib Ahmic et sa famille ? Je parle aussi de ses fils.

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, mes rapports avec

 13   Sakib Ahmic étaient semblables à ceux que j'avais avec tous les voisins de

 14   cette génération. Quand nous nous rencontrions, nous nous saluions

 15   cordialement et, pour ce qui est de ses fils, j'avais d'excellents

 16   rapports avec Naser. Nous avons pratiquement le même âge, nous avons

 17   fréquenté l'école ensemble pendant huit ans. Et aussi le cadet : Ezo, je

 18   pense qu'il s'appelle. Je m'entendais très bien avec lui.

 19   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous étiez un ami de

 20   Naser, même après avoir quitté l'école ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Naser était cordonnier, il

 22   avait un petit magasin à la gare. Donc, quand je travaillais au dépôt de

 23   commerce en gros, lorsqu'il avait terminé de travailler, il passait par

 24   là, il prenait un verre avec moi ou il achetait quelque chose dont il

 25   avait besoin. Voilà le type de rapport que nous avions.


Page 11032

  1   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous vous voyiez aussi

  2   au village et pas seulement à l'atelier ou au magasin de cordonnerie qu'il

  3   avait ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas dit qu'on se

  5   voyait à la cordonnerie ; j'ai dit qu'il avait effectivement un magasin à

  6   la gare et que, quand il arrêtait de travailler, quand il rentrait chez

  7   lui, il passait devant l'entrepôt, ils s'arrêtait pour me voir, il

  8   achetait même de temps en temps quelque chose pour faire le ménage ou il

  9   s'arrêtait pour prendre un verre avec moi.

 10   Mme Glumac (interprétation). – Et quels étaient vos rapports

 11   avec Sukrija Ahmic ? Est-ce que vous le voyiez en dehors du travail ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Sukrija est un quand même

 13   beaucoup plus âgé que moi. Donc c'était un peu comme avec Sakib : on se

 14   disait bonjour en rue, mais on n'était pas vraiment des amis proches.

 15   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, est-ce que

 16   nous pourrions passer à huis clos partiel, ne serait-ce que pour quelques

 17   instants ?

 18   M. le Président (interprétation). – Oui

 19   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

 20   (expurgée)

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 12   Pages 11033 à 11037 – expurgées – audience à huis clos partiel.

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 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   L'audience se poursuit en session publique.

 21   M. le Président – Maître Radovic ? Non. Maître Terrier, vous

 22   avez la parole.

 23   M. Terrier. – Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le

 24   Témoin.

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). – Bonjour.


Page 11039

  1   M. Terrier. - Tout d'abord, Monsieur Kupreskic, j'aimerais que

  2   vous nous parliez de vos relations avec votre frère Zoran. Pendant tout ce

  3   procès, je vous ai vu assis l'un à côté de l'autre et j'ai eu le sentiment

  4   que vous étiez inséparables. Mais peut-être, compte tenu des

  5   circonstances, est-ce une impression fausse. Est-ce que vous pouvez parler

  6   de vos relations à l'époque et de ce qu'elles sont peut-être aussi

  7   depuis ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mon frère Zoran est plus âgé

  9   de cinq ans. Nous n'appartenons pas à la même génération, mais nous sommes

 10   des frères et nous sommes très attachés l'un à l'autre. En plus, nous

 11   étions ensemble au sein de la section folklorique, on avait dansé et joué

 12   ensemble. Zoran était le chef de cette section folklorique ; moi, j'ai été

 13   chargé des répétitions, que des répétitions. Outre ces relations entre

 14   frères, on avait en plus cette distraction qui nous était commune.

 15   M. Terrier. – Reprenons cette époque de la fin de l'année 1992,

 16   début de l'année 1993. Est-ce qu'à cette époque-là, vous et votre frère,

 17   vous vous rencontriez, par exemple, tous les jours chez l'un ou chez

 18   l'autre ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne peux pas dire que nous

 20   nous sommes rencontrés tous les jours et qu'on se visitait tous les jours,

 21   mais de toute façon on avait les répétitions du folklore quatre fois par

 22   semaine et nous allions ensemble. Et puis on rentrait ensemble. Et j'ai

 23   partagé les mêmes amitiés comme Zoran.

 24   M. Terrier. – Donc, en dehors de ces répétitions du groupe

 25   folklorique, vous aviez des relations de frères, bien entendu, mais vous


Page 11040

  1   n'étiez pas toujours ensemble ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). – Zoran a travaillé dans

  3   l'entreprise SPS, et moi, j'ai travaillé dans l'entrepôt Sutra. Donc

  4   j'étais commerçant en gros. Nous étions séparés bien évidemment dans la

  5   journée. Je ne peux pas vous dire exactement si on prenait un verre ou un

  6   café ensemble tous les soirs ou tous les deux jours. Mais, de toute façon,

  7   pendant que moi, je travaillais dans ma boutique et lui, dans son

  8   entreprise, on ne pouvait pas se voir bien évidemment.

  9   M. Terrier. – Est-ce qu'il serait juste ou au contraire inexact

 10   de dire que Zoran, étant donné sa qualité d'aîné, avait sur vous une

 11   certaine autorité ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – A cette époque-là, nous

 13   étions déjà deux adultes. Moi, j'avais ma famille, lui, il avait la

 14   sienne. Moi, je pouvais lui obéir éventuellement si jamais il me donnait

 15   de bons conseils, s'il me proposait des choses qui étaient utiles, mais je

 16   ne peux pas dire qu'il avait une autorité véritablement parlant.

 17   M. Terrier. – Monsieur le Témoin, nous sommes aujourd'hui, je

 18   crois, au 102ème jour de ce procès, nous avons longuement débattu de ce qui

 19   s'est passé à Ahmici le 16 avril. Je voudrais que vous nous disiez ce que,

 20   maintenant, vous pensez de cet événement dramatique. Comment vous le

 21   considérez, comment vous l'analysez ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Aujourd'hui, je peux dire

 23   qu'un crime dramatique, terrible s'est produit à Ahmici et que ce crime...

 24   Les auteurs doivent être sanctionnés.

 25   Mais la question que je me pose : pourquoi suis-je ici ?


Page 11041

  1   Pourquoi on m'attache à ce crime ? Moi, je n'ai rien fait de mal. Tout ce

  2   que j'ai pu faire au cours de cette journée était en dehors de mon

  3   possible. Je suis désolé vraiment de le constater. Je suis très triste

  4   devant le fait que mon très bon ami ait été tué, nous étions des copains ;

  5   c'est un ami qui me manque. Je parle de Fahrudin, c'est lui qui a

  6   travaillé avec moi et je ne pourrais jamais compenser avec qui que ce soit

  7   ce que j'ai perdu avec lui.

  8   M. Terrier. – Monsieur le Témoin, je vous rappellerai brièvement

  9   que Fahran n'est pas la seule victime de cette journée et que l'événement

 10   est suffisamment considérable pour que, peut-être, vous ayez été conduit à

 11   vous interroger sur ce qui s'est passé, en dehors de votre situation

 12   personnelle.

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'approuve tout ce que vous

 14   venez de dire, Monsieur le Procureur. Fahran n'est pas l'unique et la

 15   seule victime, il y avait beaucoup de victimes. Je sais que des gens ont

 16   été tués, ont beaucoup souffert et qu'il y avait beaucoup de brutalités.

 17   Je suis très sincèrement triste à cause de ça. Mais la question que je me

 18   pose, je le répète, c'est pourquoi, moi, suis-je ici ?

 19   M. Terrier. – Vous nous avez dit, Monsieur Kupreskic, que vous

 20   aviez fait votre service militaire en 1984 dans le cadre de la JNA. Est-ce

 21   que vous pouvez nous indiquer quelles sont les qualifications que vous

 22   avez obtenues au cours de ce service militaire ? Quel type d'entraînement

 23   avez-vous reçu ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). – Pendant que j'ai fait mon

 25   service militaire, j'étais à l'orchestre militaire de l'ex-JNA et, la


Page 11042

  1   plupart du temps, j'étais avec les membres de cet orchestre ; nous étions

  2   cinq à peu près.

  3   M. Terrier. – N'avez-vous pas reçu, en dehors de cette activité

  4   musicale, un entraînement militaire, réellement militaire ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Au moment où j'ai fait mon

  6   service militaire, j'ai suivi une formation au sein de l'infanterie

  7   pendant quatre mois. J'étais quelque peu privilégié parce que je jouais de

  8   mon instrument et que j'étais membre de cet orchestre.

  9   M. Terrier. – Laissons de côté la musique cinq minutes. Je vous

 10   demande si vous avez, pendant votre service militaire, reçu un

 11   entraînement à caractère militaire, et en particulier, si vous avez appris

 12   le maniement des armes. Pouvez-vous répondre précisément à cette question,

 13   s'il vous plaît ?

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui. J'ai dit que j'ai suivi

 15   une formation pendant quatre mois, comme tout autre soldat.

 16   M. Terrier. – Donc vous avez appris le maniement des armes à

 17   feu, des fusils en usage dans l'armée de l'ancienne Yougoslavie ? Nous

 18   sommes d'accord ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui. C'est cela.

 20   M. Terrier. – Vous nous avez dit, Monsieur Kupreskic, que vous

 21   avez, à partir d'août 1992, commencé à travailler pour la compagnie Sutra.

 22   Il me semble avoir compris que vous avez d'abord travaillé à Grabovi et

 23   ensuite à Vitez. C'est bien exact ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est exact, j'ai commencé à

 25   travailler dans cette compagnie en gros qui était à Ahmici. Avant le


Page 11043

  1   conflit, j'ai déménagé à Vitez.

  2   M. Terrier. – Est-ce que vous pouvez nous dire pendant quelle

  3   période vous avez travaillé au magasin Sutra de Grabovi et pendant quelle

  4   période vous avez travaillé au magasin de Vitez ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai parlé du mois d'août

  6   1992. J'ai travaillé dans ce magasin à Ahmici pendant une dizaine de

  7   jours. Je ne sais pas si c'était le mois de juin ou le mois de juillet ou

  8   d'août quand j'ai déménagé à Vitez. Avant, j'ai travaillé à Ahmici.

  9   M. Terrier. – Donc l'essentiel du temps que vous avez passé à la

 10   compagnie Sutra jusqu'au mois d'avril 1993, c'était à Vitez que vous le

 11   passiez, dans le magasin de Vitez ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne me souviens pas

 13   exactement, mais c'était au mois de juin ou de juillet que je suis parti

 14   là-haut, et j'allais déjà dans le magasin à Vitez.

 15   M. Terrier. – Mais, à cette même époque, le magasin Sutra

 16   fonctionnait ? Il était ouvert ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – Le magasin en gros

 18   travaillait à ce moment-là. Il y avait quelqu'un qui travaillait avec moi

 19   pendant que moi-même j'y étais. Il a travaillé, ensemble, avec moi. Et

 20   quand, moi, je suis parti dans cette boutique de Vitez, c'est l'autre qui

 21   est resté tout seul et il a continué les activités de ce grand magasin.

 22   M. Terrier. – J'ai compris. Il me reste à vous demander qui est

 23   cet autre qui a continué à s'occuper du magasin Sutra.

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'était Ivica Covic, le

 25   gendre de Vlatko Kupreskic.


Page 11044

  1   M. Terrier. – Est-ce que, pendant toute cette période, il est

  2   exact de dire que votre patron, votre employeur le plus direct, était

  3   Ivica Kupreskic ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). – Pendant tout le temps,

  5   pendant que j'y travaillais, cette première période et après la guerre, le

  6   chef était Ivica. C'est lui qui m'avait employé, c'est devant lui que

  7   j'étais responsable.

  8   M. Terrier. – Est-ce que vous pouvez nous dire si, quand Ivica

  9   partait, par exemple, en Allemagne ou dans ses voyages en Croatie,

 10   quelqu'un le remplaçait ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). – En ce qui concerne le poste

 12   qu'Ivica occupait, les activités qu'il avait, il y avait très peu de

 13   personnes qui pouvaient véritablement le remplacer. Mais s'il passait très

 14   peu de temps en voyage, à ce moment-là, je pouvais éventuellement faire

 15   quelque chose, notamment en ce qui concerne un certain nombre de papiers à

 16   préparer, à signer, etc. Mais on ne peut pas véritablement dire qu'il y

 17   avait quelqu'un qui le remplaçait.

 18   M. Terrier. – Est-ce que vous pouvez nous dire de quelle manière

 19   vous vous rendiez de chez vous à votre travail à Vitez et de quelle

 20   manière vous en reveniez ? Est-ce que quelqu'un vous conduisait ? Est-ce

 21   que vous preniez les transports en commun ?

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Le plus fréquemment, je

 23   parle de ces dix jours qui ont précédé le conflit, la plupart du temps, et

 24   c'est la raison pour laquelle j'ai dit que je me suis rendu dans le café

 25   de Zdravko Vrebac, parce qu'on se rassemblait en tant que musiciens, il y


Page 11045

  1   avait toujours un de mes amis qui me conduisait ou bien quelqu'un qui

  2   allait dans cette direction-là ; et justement, le plus souvent, quelqu'un

  3   m'a conduit.

  4   M. Terrier. – Mais, par exemple, le matin, lorsque vous quittiez

  5   votre maison pour aller à votre travail, vous alliez à votre travail

  6   comment ? De quelle manière ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Si Ivica était à la maison,

  8   à ce moment-là, c'est dans sa voiture, avec lui, ensemble, qu'on s'y

  9   rendait, sinon il y avait un bus ou il y avait un autocar, un minibus

 10   également, ou bien je sortais sur la route et quelqu'un s'arrêtait, qui me

 11   prenait en voiture ; tout dépendait.

 12   M. Terrier. – Vous nous avez dit qu'à cette époque-là, vous

 13   viviez dans la même maison que vos parents. Est-ce que cette maison vous

 14   appartenait ou appartenait-elle à vos parents ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est la maison de mon père.

 16   Je n'ai rien à voir avec cette maison, même pas aujourd'hui.

 17   M. Terrier. – Est-ce que vous aviez le téléphone dans cette

 18   maison ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 20   M. Terrier. – Est-ce que votre père avait une voiture ? Je parle

 21   du mois d'avril 1993, bien sûr.

 22   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non.

 23   M. Terrier. – Vous avez dit, hier je crois, que vous aviez de

 24   très bonnes relations avec beaucoup de Musulmans habitant soit Ahmici,

 25   soit Vitez, mais qu'aucun, ou pratiquement aucun d'entre eux n'a voulu


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  1   témoigner au cours de ce procès parce qu'ils ont subi des pressions, voire

  2   des menaces.

  3   Je voudrais que vous nous disiez si ces témoins auxquels vous

  4   pensez sont des témoins de personnalités qui auraient pu informer le

  5   Tribunal sur votre personnalité, votre caractère ? Ou s'il s'agit de

  6   témoins des faits qui auraient pu dire, par exemple, que vous ne vous

  7   trouviez pas dans la maison où l'accusation dit que vous vous trouviez ?

  8   Vous voyez ce que je veux dire ? Sont-ils des témoins de personnalité ou

  9   des témoins de faits ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Au moment où j'ai parlé de

 11   ces témoins, j'ai parlé de trois ou quatre de mes amis qui me connaissent

 12   très, très bien. Et, eux, ils ne pouvaient pas parler des faits, car ils

 13   n'étaient pas sur place, mais ils pouvaient tout simplement parler de moi,

 14   de ma personnalité, si j'étais capable ou pas d'entreprendre quelque chose

 15   de ce type-là.

 16   M. Terrier. – Donc aucun témoin de fait n'a été empêché de

 17   paraître devant le Tribunal ou d'apporter son témoignage pour votre

 18   défense ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je n'ai contacté aucun

 20   témoin. J'en ai mentionné trois ou quatre que j'ai pu contacter par

 21   l'intermédiaire de mes conseils et j'en ai parlé tout à l'heure, enfin

 22   j'ai dit de qui il s'agit.

 23   M. Terrier. – S'agissant justement de ces témoins de

 24   personnalité qui ont subi des pressions ou des menaces pour ne pas

 25   apporter leur témoignage à la défense, pouvez-vous dire qui a exercé ces


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  1   pressions ou ces menaces, sous quelle forme et pour quelle raison ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire qui

  3   les a menacés. Quand j'ai déposé hier, j'ai dit que c'était une des

  4   conclusions. Car, la première fois, quand ils ont été contactés, ils

  5   étaient prêts à venir. La deuxième fois, c'était déjà d'une autre façon,

  6   par la vidéo. Ensuite, ils ont refusé. C'est comme ça que j'ai déduit tout

  7   simplement que, ou bien il y avait des menaces, parce que moi, je connais

  8   très bien ces gens-là et je sais qu'eux, ils viendraient sans faute s'il

  9   n'y avait pas de menaces, mais je ne peux pas vous dire qui, très

 10   concrètement.

 11   M. Terrier. - Puisque vous y avez réfléchi, si vous ne pouvez

 12   pas dire qui a exercé ces pressions et ces menaces, ce que je comprends

 13   fort bien, du moins avez-vous une idée sur le pourquoi ?

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai dit que je ne pouvais

 15   pas vous dire qui les avait menacés, c'était des hypothèses. Je ne peux

 16   pas vous dire les noms et les prénoms des personnes qui les ont menacés.

 17   M. Terrier. - Une dernière question. Monsieur le Témoin, je ne

 18   vous demande pas les noms et les prénoms de ceux qui les ont menacés, je

 19   ne demande pas de qui il s'agit puisque vous ne pouvez pas le dire. Je

 20   vous demande si vous avez une idée du pourquoi de l'exercice de ces

 21   pressions pour empêcher des témoins de la défense de paraître ? Le

 22   pourquoi, pas le qui. Si vous n'avez pas d'idée, vous n'avez pas d'idée,

 23   mais si vous en avez une, je vous invite à la dire.

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je vais le redire, je ne

 25   sais pas concrètement, mais je suppose, connaissant les gens, je sais


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  1   comment ils sont et je sais qu'ils seraient venus sans faute si quelqu'un

  2   ne les avait menacés, si quelqu'un leur avait conseillé de ne pas venir,

  3   parce qu'ils vivent dans ce milieu, ils vivent également de l'aide et des

  4   moyens de ce côté-là.

  5   M. Terrier. - Bien, nous allons passer à un autre sujet puisque

  6   vous pensez qu'il y a eu des pressions sur les témoins, mais vous n'avez

  7   aucune idée du pourquoi.

  8   Je voudrais que l'on soumette de nouveau au témoin la pièce de

  9   la défense D112, c'est l'une des toutes dernières pièces qui a été

 10   communiquées ce matin.

 11   (L'huissier s'exécute.)

 12   Sur ce certificat de démobilisation, nous pouvons lire une

 13   phrase, ensuite il y a un premier paragraphe et ensuite une deuxième

 14   phrase. Une deuxième phrase qui dit que : "La personne visée par le

 15   certificat doit rester dans le cadre RR de son unité d'origine". C'est

 16   comme ça que je peux le traduire. Qu'est-ce que veut dire cette phrase, à

 17   votre avis ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je suppose qu'il s'agit de

 19   l'affectation de guerre dans l'unité où j'étais, sur la ligne de la

 20   défense, pendant la guerre.

 21   M. Terrier. - Monsieur le Témoin, très respectueusement, je

 22   voudrais vous faire observer que cette phrase me semble valoir pour

 23   l'avenir, c'est-à-dire la période qui suit le 31 mai 1994. Ce n'est pas

 24   une phrase qui dit dans quelle unité ou dans quel assignement vous avez

 25   été pendant la guerre. C'est une phrase qui dit qu'après cette


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  1   démobilisation, vous devez rester dans une position qui est qualifiée RR.

  2   Est-ce que je me trompe ? Cette phrase vaut pour l'avenir, pas pour le

  3   passé.

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - Vous avez raison, il est

  5   dit : le susnommé reste dans son unité de base. C'est pendant la guerre

  6   que j'étais dans cette unité de base. Par conséquent, à l'avenir, je

  7   serais resté dans cette unité de base.

  8   M. Terrier. - Compte tenu de cette précision, est-ce que vous

  9   pouvez nous dire ce qu'est votre statut au regard du HVO, lorsque vous

 10   êtes démobilisé ? En d'autres termes, est-ce que vous redevenez ou devenez

 11   réserviste ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Au moment où j'ai été

 13   démobilisé, j'ai remis tout l'équipement. J'étais à la disposition de

 14   l'unité d'origine, comme avant la guerre.

 15   M. Terrier. - Donc avant la guerre, puis ensuite après cette

 16   démobilisation, vous êtes réserviste ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 18   M. Terrier. - Je ne demande pas qu'on ressorte encore cet

 19   ouvrage qui a été beaucoup utilisé, mais je parle du registre. Dans ces

 20   conditions, à moins que vous vouliez revoir le registre, les mentions qui

 21   se rapportent à votre nom vous paraissent-elles inexactes, compte tenu de

 22   ce que vous venez de dire ? Puisque, je vous le rappelle, il est mentionné

 23   dans votre registre que vous êtes catégorie P, c'est-à-dire réserviste,

 24   d'avril 1992 à 1996. Cela ne semble pas inexact ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). - Ce n'est pas exact, car le


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  1   18 avril, j'ai été mobilisé jusqu'au 31 mai. Par conséquent, pendant cette

  2   période, j'ai été mobilisé avant. J'ai fait partie des réservistes. Et

  3   après le 3 mai jusqu'à aujourd'hui, je suis réserviste.

  4   M. Terrier. - Bon.

  5   Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu'étaient, à l'époque,

  6   les obligations d'un réserviste, en termes aussi précis que possible ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). - Pouvez-vous me dire à quelle

  8   période vous pensez ?

  9   M. Terrier. - Je parle en termes généraux de la personne

 10   appartenant à la communauté croate de Bosnie, qui se trouve réserviste à

 11   cette époque en Bosnie centrale. Quelles sont ses obligation à l'égard des

 12   forces armées ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). - Moi, j'étais réserviste et

 14   j'étais sur la liste des réservistes dans le bureau de la défense. Si, par

 15   exemple, on m'appelait, on pouvait m'appeler, éventuellement, pour

 16   inscrire des données différentes ou bien pour me mobiliser, etc. Donc mon

 17   nom se trouvait sur la liste du bureau de la défense, sinon je continuais

 18   à travailler comme avant.

 19   M. Terrier. - Est-ce que vous étiez astreint, par exemple, à un

 20   entraînement ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Moi, personnellement, je

 22   n'ai jamais fait d'entraînement. Une fois, je pense en 85 ou 86, après

 23   avoir fait mon service militaire, j'ai été convoqué au bureau de la

 24   défense. On m'avait demandé d'aller à l'entraînement, mais cette période

 25   coïncidait avec mon départ en Allemagne pour un concert et pour des


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  1   spectacles, donc je me suis justifié justement de cette façon-là et je ne

  2   suis pas allé à l'entraînement. C'était la seule convocation que j'ai eue

  3   de ce type-là.

  4   M. Terrier. - Vous avez dit, hier, que vous aviez obtenu un

  5   fusil M48, à un certain moment. Est-ce que vous pouvez dire à quelle date

  6   vous vous êtes procuré ce fusil M48 ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne connais pas la date,

  8   véritablement.

  9   M. Terrier. - Je vous demande simplement l'époque, la période.

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je pense que c'était au mois

 11   de décembre, quand les réfugiés Didak sont arrivés dans la maison d'Ivica

 12   et de Ranko Josip. C'était les Didak, c'est Zarko Didak qui m'a donné ce

 13   fusil.

 14   M. Terrier. - Pourquoi ce réfugié vous a-t-il donné un

 15   fusil M48 ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). - Ces gens-là étaient sur la

 17   ligne de défense face aux Serbes. Ils étaient originaires de Turbe, ils

 18   avaient des armes, ils ont emmené leur famille dans cette partie du

 19   village, ils savaient qu'on organisait des patrouilles. Il n'y avait

 20   absolument pas d'armes chez moi et, comme lui, il avait ce fusil, il me

 21   l'a donné, comme ça pour protéger sa famille, car il continuait à vivre à

 22   cet endroit.

 23   M. Terrier. - Est-ce que vous avez entendu parler, à cette

 24   époque-là, de Nenad Santic ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je connais Nenad Santic,


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  1   mais je ne sais pas à quoi vous pensez et de quoi vous voulez que je vous

  2   parle.

  3   M. Terrier. - Je souhaiterais que vous nous parliez du rôle que

  4   pouvait jouer dans le village, selon vous, à cette époque-là, Nenad

  5   Santic.

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). - Tout ce que je sais au sujet

  7   de Nenad Santic, eh bien, c'est qu'il était l'un des initiateurs du HDZ,

  8   il en faisait partie. Quant à sa fonction, quant au rôle qu'il a joué dans

  9   tout cela, je ne les connais pas.

 10   M. Terrier. - Est-ce que vous aviez des rapports avec lui, des

 11   contacts ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Des contacts particuliers,

 13   non, je n'en ai pas eus avec Nenad Santic. Si je le croisais dans la rue,

 14   je lui disais bonjour, comme je faisais avec toutes les autres personnes.

 15   M. Terrier. - Est-ce que vous diriez que Nenad Santic à cette

 16   époque, à Ahmici Santici Pirici, était un homme d'autorité, un homme

 17   d'influence, un notable ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne le voyais pas comme

 19   cela, non. Pour moi, il ne représentait rien.

 20   M. Terrier. - Tout à l'heure, on a parlé d'un témoin qui vous a

 21   vu en uniforme. On a été incomplets, semble-t-il, car d'autres témoins ont

 22   déposé ici -et vous vous en souvenez sans doute- vous avoir vu en

 23   uniforme, en uniforme de camouflage pour être précis, pendant la période

 24   qui précède le mois d'avril 1993.

 25   Je pense au témoin S en particulier, à la page 2935 du


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  1   transcript.

  2   Je pense surtout au témoin Z. Le témoin Z, qui a déposé ici le

  3   5 octobre 1998, a dit que -peu après les événements d'octobre 1992-, il

  4   vous a vu monter la garde auprès du barrage qui avait été installé à

  5   l'entrée d'Ahmici. Vous vous souvenez que nous avons parlé souvent de ce

  6   barrage.

  7   Est-ce que vous avez bien, comme le dit ce témoin Z, monté la

  8   garde à ce barrage en compagnie d'autres Croates ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). - S'il s'agit du témoin auquel

 10   je pense et qui est venu déposer ici, il était avec moi à ce poste de

 11   contrôle. C'est ce que j'ai dit au sujet de la réunion qui a eu lieu à la

 12   terrasse de la maison d'Ivica. J'y suis allé avec Ivica et nous étions les

 13   premiers à arriver à ce poste de contrôle, ce qui était convenu, au poste

 14   de contrôle commun. (expurgé), me semble-t-il, ce témoin et moi-même,

 15   nous trois, nous étions les premiers à ce poste.

 16   M. Terrier. - J'aurais souhaité que vous ne me donniez aucun

 17   nom, mais le nom que vous avez donné ne me semble pas correspondre à celui

 18   que j'ai sous les yeux.

 19   Donc peut-être convient-il que nous passions en huis clos

 20   partiel, Monsieur le Président, ou, si vous le souhaitez, je peux montrer

 21   le nom.

 22   M. le Président (interprétation). - Oui.

 23   (Maître Terrier montre le nom au témoin.)

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). - (Il acquiesce de la tête.)

 25   M. Terrier. - Je vous prie, Monsieur le Témoin, de prendre garde


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  1   à ne pas citer le nom que vous venez de lire.

  2   Est-ce que vous vous souvenez d'avoir monté la garde à ce

  3   barrage en compagnie de cette personne ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  5   M. Terrier. - Est-ce que vous confirmé ce qu'a dit cette

  6   personne, c'est-à-dire qu'Ivica Kupreskic et Vinko Vidovic se trouvaient

  7   aussi à cet endroit, au même endroit que vous ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - Vinko Vidovic aurait pu

  9   l'être puisque la maison de Vinko Vidovic est à cinquante mètres de

 10   l'endroit où se trouve ce poste de barrage. Mais je dis qu'avec Ivica, ce

 11   témoin et le nom que j'ai mentionné, la première fois, nous y étions

 12   ensemble. Vinko aurait pu y être, mais il n'y était pas nécessairement

 13   comme garde. Je sais qu'il y avait simplement des gens qui passaient et,

 14   puis, ils s'arrêtaient un instant à cet endroit. Je peux vous donner

 15   d'autres noms de personnes qui passaient par là et qui s'arrêtaient.

 16   M. Terrier. - Est-ce que vous souvenez que ce témoin -et c'est

 17   la page 3596 du transcript- a dit que vous trois, c'est-à-dire vous,

 18   Mirjan Kupreskic, Ivica Kupreskic et Vinko Vidovic, montiez la garde à ce

 19   check-point, en uniforme de camouflage et porteurs de fusils

 20   automatiques ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai dit qu'il m'est arrivé

 22   de porter la veste de Zoran, de mon frère. Le jour en question, il est

 23   possible que j'ai enfilé cette veste. Quant au fusil, à l'époque, Ivica

 24   avait un fusil automatique. Il y avait aussi un fusil automatique dont se

 25   servaient les patrouilles. Donc il y avait ces deux fusils automatiques au


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  1   barrage pour les gardes.

  2   M. Terrier. - Est-ce qu'il est possible que ce soit vous qui

  3   portiez le fusil automatique ? Est-ce que vous avez déjà porté dans vos

  4   gardes un fusil automatique ? Un AK47 pour être clair ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Dans ces patrouilles, j'ai

  6   dit qu'il y avait un fusil automatique qui appartenait à Miroslav Pudja.

  7   Et il y avait le fusil de chasse de Mirko Sakic. Peu après ce conflit,

  8   Ivica lui aussi s'est acheté un fusil, un fusil automatique. Mirko Sakic a

  9   acheté un fusil automatique. Je ne sais pas exactement lequel j'avais avec

 10   moi, mais il y avait deux fusils automatiques à ce poste de contrôle, et

 11   ils y étaient pour d'autres personnes qui venaient à ce poste.

 12   M. Terrier. - Pour que les choses soient parfaitement claires,

 13   vous n'excluez pas avoir pu monté la garde à ce poste de contrôle en

 14   portant un fusil automatique ? C'est possible ? C'est ce que vous dites ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai dit que je confirme que

 16   j'étais à ce poste de contrôle et j'y étais avec un fusil automatique.

 17   J'ai expliqué de quel fusil automatique il s'agit. J'ai tout dit !

 18   M. Terrier. - Est-ce que vous avez eu, en d'autres occasions,

 19   entre les mains un fusil automatique de ce genre ? En d'autres occasions ?

 20   En d'autres endroits ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - Au moment où on montait la

 22   garde, il est possible que je portais ce fusil automatique ou bien le

 23   fusil de chasse, l'un où l'autre ; c'est possible.

 24   M. Terrier. - Ce fusil automatique, c'est bien un AK47 auquel

 25   vous vous référez ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est un fusil automatique,

  2   je ne sais pas si c'est exactement ce que vous dites, mais enfin un fusil

  3   automatique.

  4   M. Terrier. - Vous savez ce que c'est qu'un AK47 tout de même !

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je suppose que je sais.

  6   M. Terrier. - Bien. Alors ce fusil automatique que vous aviez

  7   entre les mains, était-ce bien un AK47 ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui. On peut l'appeler

9   "Kalachnikof" ou "Tzigan", enfin c'est cela oui.

 10   M. Terrier. - Je vous remercie. De cette manière, nous voyons ce

 11   dont il s'agit.

 12   Parlons maintenant d'un autre témoin. Nous sommes toujours en

 13   session publique, alors je ne citerai pas son nom. Il s'agit d'un jeune

 14   homme qui a déposé ici et qui a déclaré vous avoir vu ce 16 avril 1993 à

 15   la maison de Jozo Livancic. Je ne donne pas son nom, mais vous voyez de

 16   qui il s'agit ? Il s'agit du témoin C. Vous voyez de qui il s'agit, n'est-

 17   ce pas ?

 18   Mme Glumac (interprétation). - (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23   M. Terrier. - Maître Glumac a tout à fait raison : j'ai fait une

 24   erreur ; je prie le Tribunal de m'en excuser, mais je ne pense pas qu'il y

 25   avait de confusion dans l'esprit du témoin.


Page 11057

  1   Monsieur le Témoin, est-ce que vous souhaitez que je vous montre

  2   le nom de cette personne, du témoin C ? Non. Vous voyez de qui il s'agit.

  3   Je voulais vous demander si vous aviez des relations avec cette personne

  4   avant le 16 avril 1993 ? Est-ce que vous vous connaissiez ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Vous pensez au témoin ou à

  6   l'homme dont la maison est en question ?

  7   M. Terrier. - Je pense à cet instant au témoin qui est venu

  8   s'exprimer ici.

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'était un enfant. Il m'est

 10   peut-être arrivé de croiser cet enfant le matin, quand j'allais au

 11   travail. Il aurait pu être à vélo. Mais enfin quel genre de relations

 12   aurais-je pu avoir avec cet enfant ? Nous ne sommes absolument pas de la

 13   même génération. A l'époque, c'était un enfant.

 14   M. Terrier. - Est-ce que du moins vous le connaissiez ? S'il

 15   vous arrivait de le voir, est-ce que vous pourriez dire : "Je connais

 16   cette personne, c'est un habitant d'Ahmici, sa maison est dans ce

 17   quartier" ? Vous voyez ce que je veux dire. Est-ce que vous comprenez ce

 18   que je veux dire ? Est-ce que vous voyez de qui il s'agissait ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). - Aujourd'hui je sais très

 20   bien de qui il s'agit, mais, à l'époque, comme je le disais, c'était un

 21   enfant. Est-ce que, parmi les enfants, j'aurais pu sans erreur

 22   l'identifier ? Je ne sais pas. Est-ce que j'aurais pu le faire avec une

 23   certitude absolue ? Mais aujourd'hui, je le sais très bien, je connais

 24   très bien ses parents puisque nos parents se fréquentaient.

 25   M. Terrier. - C'était ma question suivante. Je voulais vous


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  1   demander si, avec cette famille, vous aviez des relations particulières.

  2   Je pense à ses parents, aux parents de ce garçon et je pense aussi à la

  3   soeur aînée de ce garçon. Vous venez de dire que vos parents et ses

  4   parents se fréquentaient. C'est bien exact ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mes parents étaient en

  6   bonnes relations avec ses parents. Quant à sa soeur, je ne crois pas qu'il

  7   me soit arrivé dans ma vie de lui parler longuement. Enfin, si je la

  8   voyais, je lui disais bonjour, enfin comme avec tous les copains, voisins.

  9   M. Terrier. - Vous ne contestez donc pas que ce jeune homme vous

 10   connaissait ?

 11   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas si ce jeune

 12   homme me connaissait, mais je vous ai dit comment moi, je le connaissais.

 13   Probablement, ce garçon me connaissait.

 14   M. Terrier. - A cette époque-là, entre vos deux familles -la

 15   famille de ce jeune garçon et la vôtre ou celle de votre frère- y avait-il

 16   une quelconque difficulté ?

 17   M. M. Kupreskic (interprétation). – Jamais, jamais, il n'y a eu

 18   de difficultés ni de problèmes entre ces deux familles.

 19   M. Terrier. - Vous avez entendu le témoignage de ce jeune

 20   garçon. Qu'en avez-vous pensé ? Pouvez-vous nous donner une explication ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). – La seule chose que je sais,

 22   c'est que ce garçon n'a pas dit la vérité ici. Est-ce parce qu'il a fait

 23   une erreur ? Je ne sais pas pour quelle raison ; mais moi, je n'avais pas

 24   de raison, je n'avais pas la force non plus, je n'avais pas non plus le

 25   courage de me trouver à l'endroit où il dit m'avoir vu à ce moment-là.


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  1   M. Terrier. – Pouvez-vous nous dire maintenant si vous aviez des

  2   contacts particuliers, réguliers ou épisodiques avec Jozo Alilovic ?

  3   M. M. Kupreskic (interprétation). – Moi, personnellement,

  4   s'agissant de Jozo Alilovic, jamais, jamais je ne suis allé chez lui, dans

  5   sa maison, et je n'avais pas de contact personnel avec lui. Je le

  6   connaissais comme quelqu'un qui était employé à l'église, qui travaillait

  7   à l'église. (L'interprète ne connaît pas le terme religieux.)

  8   Et les contacts étaient bons entre lui et mes parents, mais moi,

  9   personnellement, je n'ai jamais eu de relations particulières avec lui.

 10   M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez nous indiquer s'il en est

 11   de même ou s'il en va différemment pour votre frère Zoran ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). – A peu près comme je l'ai dit

 13   pour moi : c'était le même genre de relations qu'il avait avec Zoran.

 14   M. Terrier. - Est-ce que Jozo Alilovic est venu rendre visite à

 15   vos parents dans la maison que vous occupez ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Cela aurait pu arriver

 17   puisque Jozo avait un petit tracteur ; au moment des travaux saisonniers,

 18   il aurait pu arriver avec ce tracteur pour labourer le champ. Voilà. Cela

 19   aurait pu être dans ce genre de circonstance que la visite aurait pu avoir

 20   lieu.

 21   M. Terrier. - Mais est-ce que vous souvenez de cela ? Est-ce que

 22   vous avez un souvenir précis ? Vous dites : "Cela 'aurait pu arriver." Je

 23   vous demande si vous vous en souvenez ou pas ; si selon vos souvenirs,

 24   c'est arrivé ou ce n'est pas arrivé.

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). –  Jozo Alilovic est venu à


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  1   plusieurs reprises et il a fait ce que je viens de décrire avec son

  2   tracteur, de son père et de sa mère.

  3   M. Terrier. - Vous nous avez dit tout à l'heure que, le 16 avril

  4   au matin, vous avez été réveillé par votre frère Zoran. Est-ce que vous

  5   avez une idée de l'heure à laquelle votre frère Zoran vous a réveillé ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). – C'était vers 4 heures et

  7   demie.

  8   M. Terrier. - Est-ce que vous vous souvenez avoir consulté une

  9   montre, une pendule, une horloge ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Dans la maison, j'avais une

 11   horloge ; je l'ai consultée.

 12   M. Terrier. – Lorsque Zoran est venu vous prévenir, vous

 13   réveiller, est-ce qu'il était habillé ?

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). – Zoran était habillé ; il

 15   portait déjà cette veste de camouflage.

 16   M. Terrier. - Est-ce que Zoran, en vous prévenant et en vous

 17   demandant de vous préparer, vous a dit ce qu'il convenait de faire ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – Zoran m'a dit qu'il fallait

 19   se préparer parce qu'on avait été informés que les Moudjahidine de Barin-

 20   Gaj allaient lancer une attaque. Je lui ai demandé : "D'où as-tu appris

 21   cela ?" Il m'a dit que Dragan était venu le voir et que c'est Dragan qui

 22   le lui a dit.

 23   M. Terrier. - Est-ce que Zoran vous a dit où il fallait aller

 24   s'abriter ou conduire vos familles ? Est-ce qu'il vous a dit ce qu'il

 25   fallait faire ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – Zoran ne m'a pas dit ou nous

  2   allions nous rendre ; il m'a dit qu'on allait partir à l'abri. Et comme il

  3   nous est arrivé déjà plusieurs fois, par le passé, d'y aller, c'était

  4   quelque chose déjà de rôdé, on savait comment on allait le faire.

  5   M. Terrier. – Lorsque vous êtes sorti avec votre famille, est-ce

  6   que vous pouvez dire, même approximativement, quelle heure il était ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne peux pas le dire avec

  8   précision, je ne sais pas combien de temps il nous a fallu pour nous

  9   préparer. Et puis, il a fallu aussi que j'installe ma belle-mère ; mais

 10   enfin, c'était certainement avant cinq heures.

 11   M. Terrier. – Est-ce qu'il est permis de penser qu'en sortant de

 12   votre maison, vous regardez un peu autour de vous, peut-être en direction

 13   des maisons musulmanes ; est-ce qu'il est absurde de penser que vous avez

 14   noté que tout était calme et endormi dans cette direction-là, qu'aucune

 15   lumière n'était visible et qu'aucun bruit ne pouvait être entendu ?

 16   M. M. Kupreskic (interprétation). – Ecoutez, à ce moment-là, je

 17   n'avais pas le temps et je n'ai pas non plus regardé autour de ma maison.

 18   Ce que je cherchais à faire, c'est de m'éloigner au plus vite afin

 19   d'atteindre l'abri. Et je vous ai décrit qui je devais emmener ou porter

 20   avec moi.

 21   M. Terrier. – Est-ce que je peux vous demander de nous montrer,

 22   sur la photographie aérienne, où se trouve la direction, en tout cas de

 23   Barin-Gaj, et d'où vous pensiez que l'attaque pouvait venir ? Vous pouvez

 24   faire ça ?

 25   (Le témoin s'exécute).


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – Nos maisons sont à peu près

  2   par là, Barin-Gaj serait dans cette zone-là, ou bien plutôt cette partie-

  3   là. Donc là, c'est Pirici et, en amont de Pirici, ça, ce serait Barin-Gaj.

  4   Nos maisons sont ici.

  5   M. Terrier. – Je vous remercie. Je vous invite à vous rasseoir.

  6   Donc vous nous avez montré la direction de Barin-Gaj d'où vous

  7   pensiez que l'attaque des Moudjahidine pouvait arriver, et vous nous avez

  8   montré grosso modo la direction, compte tenu de l'orientation inverse de

  9   cette carte, la direction du nord ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, du nord.

 11   M. Terrier. – Expliquez-moi : puisque vous devez fuir le plus

 12   rapidement possible -vous nous avez dit que vous étiez très pressés, que

 13   vous vous trouviez devant une situation d'urgence-, est-ce que le plus

 14   rapide n'est pas de descendre cette route jusqu'à la route principale et,

 15   ensuite, de rejoindre par exemple Rovna ? Est-ce que ce n'est pas le plus

 16   simple, le plus rapide -si on le fait en voiture- et le plus sûr pour vos

 17   familles ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – Tout d'abord, il nous faut

 19   une demi-heure pour atteindre Rovna. Quant à l'abri de Vrebac, il nous

 20   faut au maximum dix à quinze minutes. L'endroit le plus proche qu'on

 21   pouvait atteindre, c'était l'abri de Vrebac ; et le chemin le plus court,

 22   le sentier le plus court, c'est celui exactement que nous avons emprunté.

 23   M. Terrier. – Vous nous avez dit que votre belle-mère était

 24   impotente ou, en tout cas, marchait très difficilement, qu'elle avait

 25   besoin d'une canne. Vous nous avez dit que votre fils Marko était malade,


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  1   et vous nous avez donc dit que vous avez mis dans une brouette à la fois

  2   un sac et votre belle-mère pour la transporter jusqu'à l'abri de Vrebac.

  3   Et je vous demande, compte tenu de ces difficultés, est-ce que le plus

  4   logique et le plus simple, le plus sûr aussi surtout, n'aurait pas été de

  5   vous faire aider par quelqu'un ayant une voiture ; votre frère, par

  6   exemple, ou Ivica ou Vlatko Kupreskic, et de vous rendre ensuite soit à

  7   Rovna, soit dans la direction de Busovaca ou de Vitez ? Est-ce que ce

  8   n'est pas ce comportement-là qu'on pouvait attendre ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – Il m'aurait fallu davantage

 10   de temps pour trouver quelqu'un avec une voiture qui serait venu pour

 11   s'installer dans la voiture, pour descendre par la route jusqu'à la route

 12   principale, puis... C'est vraiment… Ça prolonge énormément le chemin. Donc

 13   le plus rapide, c'était le sentier, c'était plus rapide que ce que je

 14   n'aurais fait en voiture.

 15   M. Terrier. – Vous voulez dire que c'était plus rapide de

 16   pousser la brouette avec la belle-mère dessus dans le vallon et puis,

 17   ensuite, jusqu'à Vrebac que d'y aller en voiture ?

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). – Le chemin que vous devez

 19   emprunter en voiture, c'est un chemin qui vous mène à la route principale,

 20   puis par la route principale jusqu'au café de Pizan, puis en passant par

 21   ce café vers le haut. Donc c'est comme ça, comme ça et comme ça que vous

 22   allez autour, en fait, alors que moi, je suis allé tout droit.

 23   M. Terrier. – Je vous rappelle aussi que, ce matin-là, vous nous

 24   avez dit qu'il faisait froid et qu'il bruinait et que vous aviez un enfant

 25   en bas âge. J'aimerais que vous expliquiez quelque chose : nous nous


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  1   trouvons devant une situation qui est une situation d'alerte et de danger

  2   pour toute une série de familles croates qui sont contraintes, soit à

  3   Grabovi, soit dans le bas d'Ahmici, de rejoindre de toute urgence un abri.

  4   Certaines vont dans la direction de Zume, d'autres vont par le pont de

  5   Radak, dans la direction de Rovna, d'autres se cachent dans les bois.

  6   Et alors que toutes ces familles, ou la plupart de ces familles,

  7   disposent d'une voiture, personne -corrigez-moi si je me trompe- personne

  8   ne prend sa voiture.

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas s'il y a

 10   quelqu'un qui a pris sa voiture et je ne sais pas à qui vous faites

 11   référence. Je sais que moi, je n'ai pas pris la voiture. Je sais que ni

 12   mon frère ni mes parents n'ont pris la voiture. Je vous ai dit comment

 13   nous sommes partis, par quel chemin, et je vous ai dit que nous étions

 14   sans voiture. Y a-t-il eu quelqu'un qui aurait pris sa voiture ? Cela, je

 15   ne le sais pas.

 16   M. Terrier. – Est-ce que vous avez entendu, au cours de ces

 17   débats, une seule personne dire, une seule personne appartenant à la

 18   nationalité croate et résidant d'Ahmici, dire qu'elle avait fui, ce matin

 19   du 16 avril, en prenant sa voiture ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). – Non, je ne l'ai pas entendu.

 21   La seule chose que je peux dire, c'est qu'un des témoins de Drago

 22   Josipovic a dit pour son épouse, pour autant que je m'en souvienne.

 23   M. Terrier. – Qu'est-ce qu'il est arrivé à votre père ? Je ne

 24   crois pas que vous en ayez parlé au cours de l'interrogatoire principal.

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). – Comment pensez-vous : que


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  1   s'est-il passé, que lui est-il arrivé ?

  2   M. Terrier. – Je demande : précisez-nous s'il est venu avec

  3   vous, s'il est resté dans la maison. Vous n'en avez pas parlé au cours de

  4   l'interrogatoire principal, c'est pour ça. Enfin, sauf erreur de ma part.

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Mon père est allé ensemble

  6   avec ma mère, avec ma famille et la famille de Zoran.

  7   M. Terrier. – C'est toute la réponse que je souhaitais entendre.

  8   Vous avez mentionné tout à l'heure ce groupe de soldats croates

  9   que vous avez vus sur le chemin de l'abri. Et à une question de Me Glumac,

 10   qui vous demandait de quelle manière vous avez pensé, que vous avez

 11   compris que ces soldats étaient croates, vous avez répondu qu'ils étaient

 12   croates parce qu'à l'endroit où ils se trouvaient, il n'y avait que des

 13   maisons croates.

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). - Dans cette partie où on les

 15   a croisés, on appelle cela les maisons de Pudja. Là, il n'y a que des

 16   maisons croates.

 17   M. Terrier. – Donc, parce que les soldats sont dans ce quartier

 18   croate, de votre point de vue, ce sont nécessairement des soldats

 19   croates ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas dit

 21   inévitablement, nécessairement que c'étaient des soldats croates, mais si

 22   cela avait été d'autres soldats, on aurait déjà entendu des coups de feu,

 23   il se serait produit quelque chose, mais rien ne s'était produit.

 24   M. Terrier. – Est-ce que ces soldats vous ont fait la même

 25   impression qu'à votre frère Zoran ? C'est-à-dire est-ce qu'ils vous ont


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  1   inspiré la peur, la terreur, l'inquiétude ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai eu peur, car j'ai dit

  3   que c'était quelque peu comme des commandos et, jusqu'à cette époque-là,

  4   je n'en ai jamais vu, moi, dans ma vie. Et puis je les ai vus sur les

  5   films et j'ai décrit la situation dans laquelle j'étais : je portais mon

  6   enfant, j'étais avec ma belle-mère.

  7   M. Terrier. – Est-ce que vous êtes certain qu'ils avaient des

  8   ceinturons et des holsters, des étuis de pistolet blancs ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je suis sûr que j'ai vu des

 10   ceinturons et des étuis de pistolet blancs. Je ne sais pas si tout le

 11   monde les avait, cela je ne peux pas vous le dire, mais je suis sûr que

 12   j'en ai vu.

 13   M. Terrier. – Je vous pose cette question, mais c'est juste sans

 14   importance, sans grande importance, car il est un peu surprenant qu'un

 15   soldat se mette du noir sur la figure et aille au combat avec un pistolet

 16   dans un étui blanc.

 17   Je passe à une autre question. Si vous avez eu peur de ces

 18   soldats, ce n'est pas parce que vous étiez en danger devant eux ; si vous

 19   avez eu peur de ces soldats, c'est parce que vous avez pensé à ce qu'ils

 20   pourraient faire dans les villages. C'est exact ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). - A ce moment-là, je ne savais

 22   pas s'ils allaient faire quelque chose et quelles étaient leurs

 23   intentions. Moi, j'ai eu peur parce que leur aspect m'a fait peur. Ce

 24   n'était pas habituel et je n'ai jamais vu auparavant comme je l'ai dit ;

 25   et puis, tout d'un coup, ils apparaissent.


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  1   M. Terrier. – Le chemin que vous avez pris pour rejoindre

  2   l'abri, ce chemin à travers la dépression qu'on a vue sur ces

  3   photographies versées tout à l'heure au dossier du Tribunal, est-ce qu'on

  4   peut dire que c'est le chemin le plus simple, le plus direct et le plus

  5   rapide lorsqu'on est à pied, bien entendu, entre le groupe des maisons

  6   Kupreskic et Zume ?

  7   M. M. Kupreskic (interprétation). - A partir de nos maisons

  8   jusqu'à Zume, c'est le chemin le plus rapide et le plus court. Il n'y en a

  9   pas d'autre.

 10   M. Terrier. – Il n'y a pas d'autre chemin que celui-là ? Est-ce

 11   qu'on peut dire qu'en dehors des moments où vous alliez voir votre

 12   famille, vous et vos amis, vous vous trouviez sur ce chemin, à un endroit

 13   ou l'autre de ce chemin ?

 14   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne sais pas à quel chemin

 15   vous pensez en ce moment même.

 16   M. Terrier. – Je pense au chemin que l'on a vu sur les

 17   photographies et dont vous venez de dire que c'était le chemin le plus

 18   naturel et le plus rapide pour aller de vos maisons à Zume, ou de Zume à

 19   vos maisons.

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). - La question était posée si

 21   l'on était sur ce chemin, si l'on s'était trouvés sur ce chemin, le matin

 22   en question.

 23   M. Terrier. – Dans la journée du 16 avril 1993, vous nous avez

 24   dit que vous étiez dans la dépression, vous avez stationné la plupart du

 25   temps dans la dépression. Est-ce que c'était sur ce chemin que vous


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  1   étiez ?

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai dit que, la plupart du

  3   temps, nous l'avons passé dans la partie haute de la dépression, par

  4   conséquent, à proximité de ce chemin dont on parle et qui n'est pas loin

  5   par rapport à nos maisons. J'ai dit également qu'on sortait à dix, quinze

  6   mètres par rapport à ce chemin, ceci justement pour observer, voir ce qui

  7   s'est passé après les détonations, pour éventuellement voir ce qui s'est

  8   passé également après les tirs.

  9   M. Terrier. – Donc il serait logique de penser que toute

 10   personne qui passait par là, qui se rendait de Zume aux maisons Kupreskic,

 11   vous deviez nécessairement la voir, vous ou vos amis ?

 12   M. M. Kupreskic (interprétation). - Ce n'est pas ça. Il s'agit

 13   du chemin qui mène du groupe de nos maisons jusqu'à Zume, mais il y a un

 14   autre chemin qui passe à côté de la maison de Dragan Vidovic. C'est une

 15   route pratiquement ou on pouvait l'emprunter en voiture et puis joindre

 16   par cette route la route principale.

 17   M. Terrier. – J'ai l'impression qu'on se comprend mal. Je vous

 18   demande... Je vous demandais tout à l'heure… Je me permets d'insister,

 19   Monsieur le Président, car je pense que c'est un point important. Je vous

 20   demandais tout à l'heure de nous dire si ce chemin qu'on a vu sur les

 21   photographies est bien le chemin le plus naturel, le plus direct et le

 22   plus rapide pour traverser la dépression entre la maison de Niko Sakic et

 23   le groupe des maisons Kupreskic. A travers la dépression, ce chemin qu'on

 24   a vu sur les photographies est bien le plus rapide ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je répète que c'est vrai


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  1   uniquement pour nos maisons. C'est le chemin le plus naturel uniquement

  2   pour les maisons Kupreskic, moi-même, mon frère, Ivica et ses frères.

  3   M. Terrier. – Est-ce que vous... Je pose cette question, car

  4   elle me semble nécessaire à cet instant-là. Est-ce que vous vous souvenez

  5   avoir vu, à un moment ou à un autre de cette journée, Vlatko Kupreskic ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas vu, ce jour-là,

  7   Vlatko Kupreskic. Pas du tout.

  8   M. Terrier. – Vous ne vous êtes pas inquiété de ce qu'il ne soit

  9   pas avec vous dans la dépression ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne savais même pas où il

 11   se trouvait, où se trouvait Vlatko et j'avoue qu'il ne m'est même pas venu

 12   à l'esprit ce matin-là.

 13   M. Terrier. – Vous avez dit tout à l'heure, au cours de

 14   l'interrogatoire, que vous étiez là sur ce bord de la dépression, on

 15   pourrait dire le bord ouest de la dépression, est pardon, près des maisons

 16   Kupreskic pour observer. Mais qu'est-ce que vous pouviez bien voir à cet

 17   endroit-là, exactement ? Quel était votre champ de vision de l'endroit où

 18   vous vous trouviez ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – A partir de l'endroit où

 20   nous nous trouvions, nous avons pu regarder la maison d'Ivo Kupreskic,

 21   notre oncle, et tout cet espace dégagé et, par conséquent, tout ce qui se

 22   passait.

 23   M. Terrier. – Alors, qu'est-ce que vous avez bien pu observer

 24   pendant cette journée, sur cet espace dégagé que vous venez de

 25   mentionner ? Qu'est-ce que vous avez vu, là ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je n'ai rien vu dans cet

  2   espace dégagé.

  3   M. Terrier. – Donc, de l'endroit où vous vous trouviez pour

  4   observer, vous ne voyiez rien ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je n'ai vu personne. Mais

  6   j'ai vu cet espace dégagé, et comme j'ai dit que cet espace dégagé

  7   descendait vers la route… Mais si vous pensez que j'ai pu éventuellement

  8   apercevoir une personne, je n'ai vu personne.

  9   M. Terrier. – Ne prenez pas mal mes questions : j'essaie

 10   simplement de comprendre. Vous nous dites : il y a des balles qui sifflent

 11   au-dessus de nous, il se passe quelque chose dans ce village, des maisons

 12   brûlent, vous ne savez pas lesquelles, vous êtes là pour observer mais

 13   vous ne voyez rien. Et ça se passe comme ça toute la journée, toute la

 14   nuit, encore une autre journée.

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai dit que, pendant les

 16   trois heures, pendant que les tirs étaient très intenses, violents, à ce

 17   moment-là, nous ne savions pas de quoi il s'agissait, on ne savait pas

 18   quelles étaient les maisons qui brûlaient, on avait vu, on a aperçu la

 19   fumée très dense en provenance de nos maisons et en provenance d'Ahmici-

 20   le-Bas. C'est là où nous avons vu cette fumée. A ce moment-là, on ne

 21   savait absolument pas de quelle maison s'agissait-il. Tout ce que l'on

 22   savait, c'est qu'on tirait et qu'il y avait des combats ; c'est tout ce

 23   qu'on savait.

 24   M. Terrier. – D'accord. Ça, ce sont les premières trois heures,

 25   les trois premières heures, mais après ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). – Après cela, nous sommes

  2   allés à l'abri où j'ai appris pour la première fois cette information

  3   concernant mon ami, cette terrible information. Nous avons pu remarquer

  4   qu'il y avait des maisons également qui brûlaient et qui étaient dans la

  5   partie basse de Zume. J'ai appris que mon ami a été tué une fois que nous

  6   étions dans l'abri, au retour de cet abri. Zoran a dit qu'il y avait

  7   quelques autres victimes dans la partie basse. Donc nous avions cette

  8   deuxième information.

  9   Une fois, quand nous avons rejoint la dépression, nous avons

 10   aperçu Ivica ; je lui ai demandé si nos maisons ont été brûlées. Ivica

 11   nous a rétorqué que ce n'était pas le cas, que les maisons étaient en bon

 12   état, mais que toutes les autres maisons, dans notre voisinage, étaient

 13   brûlées. C'était encore une autre information. Et puis, au cours de la

 14   journée jusqu'au soir, et notamment pendant la nuit, quand nous avons

 15   entendu cette très grande détonation à côté de la mosquée, nous avons pu

 16   apercevoir qu'il n'y avait pas de minaret. C'est là qu'on a commencé à

 17   comprendre que des choses se passaient.

 18   M. Terrier. – Vous dites que, quand vous vous trouviez ce matin-

 19   là, cette journée, dans la dépression, les balles sifflaient au-dessus de

 20   votre tête. C'est l'expression que vous avez employée au cours de

 21   l'interrogatoire principal. Est-ce que c'est une image que vous avez

 22   employée ? Est-ce que cela veut dire qu'il y avait des tirs ? Ou est-ce

 23   que, vraiment, on tirait dans votre direction, au-dessus de vos têtes ?

 24   Vous comprenez ?

 25   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je vais essayer de vous


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  1   répondre. Je pense que je vous ai bien compris. Au moment où nous étions

  2   dans la dépression, ou pendant les moments où nous étions dans la

  3   dépression -nous sommes pratiquement dans un trou-, on ne sortait pas, on

  4   n'entendait pas les balles. Mais à partir du moment où l'on essayait de

  5   sortir sur le sentier, on avait entendu les balles. On entendait les

  6   balles siffler parce qu'elles traversaient la forêt et puis au-dessus des

  7   arbres. C'est pour ça qu'on revenait vite vers la dépression.

  8   M. Terrier. – Est-ce que vous vous sentiez en sécurité dans

  9   cette dépression ?

 10   M. M. Kupreskic (interprétation). – Dans ces moments-là, on ne

 11   se sentait pas en sécurité nulle part.

 12   M. Terrier. – Tout de même, peut-être que, dans un abri, avec

 13   une paroi de ciment autour de soi, on pouvait se sentir peut-être plus en

 14   sécurité ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). – Devrais-je, dans de telles

 16   circonstances, quand on tirait, rester dans un abri à côté de mon enfant

 17   et permettre que quelqu'un vienne me tuer, et que je suis un imbécile, et

 18   que je reste à l'intérieur au lieu de rester devant pour essayer de le

 19   protéger et de sauver ce que je pouvais sauver, éventuellement.

 20   M. Terrier. – Vous nous avez dit, tout à l'heure, que c'est

 21   Satko Vidovic qui vous a appris la mort de votre ami Fahran, Satko

 22   Vidovic. Est-ce que vous savez de quelle manière, et par qui, Satko

 23   Vidovic a appris cela, a appris cette mort ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai déjà dit qu'il

 25   s'appelle Anto Vidovic, et c'est un surnom "Satko". Quand il m'a dit ceci,


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  1   je lui avais donc demandé s'il en était sûr ; il m'a dit que quelqu'un de

  2   la partie basse de Zume l'avait appris et que l'information provient

  3   directement de la mère de Fahrudin.

  4   M. Terrier. – Donc, quelqu'un s'était déplacé de la partie basse

  5   d'Ahmici jusqu'à Zume pour communiquer notamment cette information ?

  6   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas qui est venu

  7   et d'où il est venu. Ce que je dis, c'est que j'ai appris et par qui j'ai

  8   appris. On m'a dit que c'est de la partie basse de Zume qu'il l'a appris

  9   et que l'information venait directement -comme je l'ai dit- de la mère de

 10   Fahrudin.

 11   M. Terrier. – Est-ce que vous vous rappelez approximativement de

 12   l'heure à laquelle vous avez appris cette nouvelle ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas exactement à

 14   quelle heure ceci s'est produit, mais je pense que c'était à peu près au

 15   moment où il y avait cette accalmie. Si les tirs ont duré pendant deux,

 16   trois heures, donc la première accalmie, le premier départ, notre départ,

 17   vers l'abri ; cela aurait dû être entre 9 heures, 9 heures 30, je ne peux

 18   pas vous le dire exactement et très précisément.

 19   M. Terrier. – Est-ce qu'il est exact que vous saviez que Fahran

 20   n'était pas armé ?

 21   M. M. Kupreskic (interprétation). – Comme Fahrudin était mon

 22   ami, et nous l'étions depuis longtemps, je sais que son fusil lui a été

 23   pris. C'est ce qu'il m'avait dit et je sais qu'il avait un pistolet. Je ne

 24   sais pas quelle était la munition qu'il utilisait. Je savais qu'il avait

 25   un pistolet sur lui car, au moment où nous avons joué à Turbe, quand le


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  1   pilonnage de Turbe a commencé par les Serbes, il portait ce pistolet sur

  2   lui parce que c'est comme ça qu'il nous rassurait, en quelque sorte, et

  3   ça, je savais qu'il portait ce pistolet.

  4   M. Terrier. - Est-ce que vous avez pensé ce matin-là, lorsque

  5   vous avez appris la mort de votre ami Fahran, que Fahran avait pu être un

  6   combattant ce 16 avril 1993, à Ahmici, et qu'il était peut-être mort au

  7   combat ? Est-ce que vous avez pensé cela ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - En ce qui me concerne, je ne

  9   pouvais pas penser que Fahrudin était un combattant. Je le connais très

 10   très bien, je ne pense pas du tout qu'il ait été dans l'armée, s'il avait

 11   monté la garde comme les autres. Je n'en suis pas sûr, mais la première

 12   pensée que j'avais, c'était qu'il s'agissait d'un obus, éventuellement, ou

 13   d'une balle qui l'a tué car, bien évidemment, j'aurais pu être tué de la

 14   même manière. C'était ma première pensée avant que j'aie appris de quoi il

 15   s'agissait.

 16   M. Terrier. - Donc votre première pensée, ça a été d'imaginer

 17   que Fahran avait pu être tué par une balle perdue ou par un obus qui était

 18   tombé par hasard sur sa maison ? C'est ce que vous avez pensé d'abord à

 19   9 heures, aux alentours de 9 heures, 9 heures et demie ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne savais même pas s'il

 21   était chez lui dans sa maison devant chez lui, mais la première chose à

 22   laquelle j'ai pensé, effectivement, c'est ce que je venais de vous dire:

 23   qu'il s'agissait d'un obus, d'une balle. Je l'ignorais, bien évidemment.

 24   M. Terrier. - Vous avez dit que vous aviez été bouleversé par

 25   cette mort et je ne mets pas cela en doute une seconde. Je vous demande si


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  1   vous avez pris des dispositions pour assurer la sécurité de la famille de

  2   Fahran : son épouse, ses enfants qui se trouvaient privés de leur père, de

  3   leur soutien. Est-ce que vous vous êtes assuré qu'ils se trouvaient à

  4   l'abri ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Croyez-moi, je ne savais pas

  6   où se trouvait sa famille. J'ai dit, au moment où j'ai appris qu'il a été

  7   tué, que je ne savais pas dans quelles circonstances il a été tué. Moi, je

  8   pensais à ma propre famille à ce moment-là et ce n'est que pendant la nuit

  9   et le lendemain matin que j'ai appris que c'était quelque chose de

 10   différent par rapport à ce que, moi, je pensais au moment où j'ai appris

 11   qu'il a été tué.

 12   M. Terrier. - Quelles dispositions avez-vous prises pour vous

 13   enquérir de la famille de Fahran lorsque vous avez appris ce qui s'était

 14   en réalité passé ? C'est-à-dire le soir ou le lendemain matin ?

 15   M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne savais pas où ils se

 16   trouvaient ; je pensais qu'ils étaient sortis, je ne savais absolument pas

 17   où ils se trouvaient. Le 17 au soir, quand ma famille est partie à Rovna,

 18   je ne savais même pas où ils étaient. Je savais qu'ils étaient à Rovna, je

 19   n'ai pas osé y aller pour les visiter. Ce n'est que le lendemain matin,

 20   quand le jour s'est levé, que je suis allé les voir à Rovna.

 21   M. Terrier. - Vous nous avez dit tout à l'heure que, le 16 avril

 22   dans l'après-midi, il y avait eu une accalmie dans les tirs à l'occasion

 23   du passage dans le village de la Forpronu, des transporteurs blindés de la

 24   Forpronu ; est-ce que vous avez vu ces transporteurs de l'endroit où vous

 25   vous trouviez ? Ces blindés ?


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  1   M. M. Kupreskic (interprétation). - Nous avons entendu le bruit

  2   des transporteurs blindés quand ils traversaient par la partie basse, par

  3   la route, et au moment où ils sont arrivés au carrefour, à côté du

  4   magasin, nous avons pu les voir à travers les arbres dans la forêt.

  5   Effectivement, il y avait une accalmie à ce moment-là.

  6   M. Terrier. - Et où se trouvaient les transporteurs lorsque vous

  7   les avez vus ? A quel endroit du village ?

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'était vraiment une

  9   fraction de seconde, c'est donc sur la route qui passe à côté du magasin.

 10   Après, je ne sais plus où ils sont partis.

 11   M. Terrier. - Donc, de l'endroit où vous vous trouviez, vous

 12   aviez une vision sur cette route ou sur une partie de cette route ?

 13   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'était vraiment une

 14   fraction de seconde. Au moment où on sortait sur le chemin, on pouvait

 15   regarder dans cette direction, mais c'était vraiment des moments et au

 16   moment où on ne tirait pas ou bien parce que les tirs étaient violents, et

 17   puis on s'abritait de nouveau. Mais c'est que nous avons essayé quand même

 18   d'observer.

 19   M. Terrier. - Le 16 avril, sur cette même route, vous avez vu

 20   une fraction de seconde les blindés de la Forpronu : vous n'avez jamais vu

 21   d'autres soldats ou des civils ? Vous n'avez vu personne sur cette route ?

 22   C'est bien ce que vous avez dit tout à l'heure, non ?

 23   M. M. Kupreskic (interprétation). - Non. A ce moment-là, non.

 24   M. Terrier. - Vous avez parlé d'une accalmie en fin d'après-midi

 25   de ce 16 avril ; vous avez parlé de l'explosion qui a abattu le minaret,


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  1   mais vous avez dit aussi que, sauf erreur d'interprétation de ma part -et,

  2   dans ce cas, corrigez-moi-, que la résistance, enfin que les combats

  3   avaient repris par la suite. Est-ce que j'ai commis une erreur

  4   d'interprétation ? Je vous ai bien compris ?

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). - Vous pensez après

  6   l'explosion à côté de la mosquée dont j'ai parlé ?

  7   M. Terrier. - Oui, Monsieur le Témoin, oui.

  8   M. M. Kupreskic (interprétation). - Après cette explosion que

  9   nous avons entendue et qui s'est produite à côté de la mosquée, il n'y

 10   avait plus de tirs.

 11   M. Terrier. - Et dans ce cas, pourquoi n'êtes-vous pas sortis de

 12   la dépression pour rejoindre vos maisons, pour voir ce qui s'était passé,

 13   pour constater l'état des choses à Grabovi ?

 14   Vous auriez déjà pu le faire, d'ailleurs, lorsque la Forpronu

 15   est venue dans le village puisque vous avez dit qu'il y avait une accalmie

 16   à cette occasion-là. J'aimerais comprendre pourquoi vous ne profitez pas

 17   de ces accalmies pour aller voir ce qui se passe.

 18   M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est facile de le dire, à

 19   partir d'ici, car maintenant, je le sais, maintenant, quand on parle, et

 20   je sais que, pendant une heure, quand les transporteurs blindés de la

 21   Forpronu n'y étaient pas, on ne tirait pas. Mais, à l'époque, je ne savais

 22   pas si on allait recommencer les tirs ou non. Maintenant, je sais que,

 23   pendant une heure ou deux heures, on n'avait pas des tirs.

 24   M. Terrier. – Mais vous nous avez dit encore que, le lendemain,

 25   le 17 avril, les tirs s'étaient déplacés vers le haut d'Ahmici et que, par


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  1   conséquent, dans le bas d'Ahmici -et vous me corrigez si je me trompe- à

  2   Grabovi également, il n'y a plus de combats. Enfin, plus rien qui

  3   ressemble à des tirs ou que l'on peut interpréter comme étant des combats,

  4   des situations dangereuses. Et pourtant vous restez dans la dépression.

  5   M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui. J'ai dit que les tirs

  6   se sont déplacés vers la partie haute. On peut dire Grabovi également.

  7   C'est le bord, donc de Grabovi, un peu plus loin par rapport à nos

  8   maisons, mais ce n'était quand même pas trop loin. Mais il y avait un

  9   autre danger, un danger qui était encore plus grand pour nous ; c'est

 10   qu'une partie -je ne sais pas comment vous l'expliquer- du côté de la

 11   maison de l'oncle et de cette maison nouvelle qui n'existait pas : c'était

 12   donc l'espace dégagé. Il a été extrêmement dangereux de traverser cet

 13   espace dégagé pour rejoindre nos maisons.

 14   Nous savons que, dans Pirici, il y avait un fusil-mitrailleur

 15   qui opérait. C'était vraiment dangereux parce que l'espace dégagé, on ne

 16   pouvait pas se cacher.

 17   M. Terrier. – Vous dites qu'une mitrailleuse, ou un fusil-

 18   mitrailleur, opérait à Pirici, ce jour-là, le 17 ?

 19   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas si vraiment

 20   ce fusil-mitrailleur opérait, mais on savait qu'à Pirici, il y avait un

 21   fusil-mitrailleur ou une mitrailleuse.

 22   M. Terrier. – Mais une mitrailleuse ou un fusil-mitrailleur qui

 23   appartenait à qui ? Qui était utilisé par qui ?

 24   M. M. Kupreskic (interprétation). – Nous savions que Nezir, ou

 25   peut-être pas Nezir mais Zehir Ahmic avait ce fusil-mitrailleur, et il


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  1   vivait à Pirici.

  2   M. Terrier. – Est-ce que vous avez entendu ce fusil-mitrailleur

  3   le 16 ou le 17 ? Est-ce que vous avez vu des tirs venant de Pirici ?

  4   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne peux pas dire que je

  5   l'ai entendu, car vraiment je ne pouvais pas faire la distinction entre

  6   les tirs, non.

  7   M. Terrier. – Est-ce que l'espace qui vous séparait de vos

  8   maisons était sous le feu possible de ce fusil-mitrailleur ?

  9   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne peux pas véritablement

 10   vous le dire, parce que je ne sais pas si l'on avait tiré véritablement,

 11   mais j'avais peur. C'était une des raisons pour lesquelles on n'a pas osé

 12   partir de cet endroit où l'on était.

 13   M. Terrier. – Donc, pour nous résumer : si toute la journée

 14   du 16, à partir des accalmies, toute la nuit du 16 et 17, toute la journée

 15   du 17 et la nuit suivante encore vous restez dans la dépression sans en

 16   bouger, et vous ne vous rendez pas vers vos maisons pour voir la

 17   situation, c'est que, bien que les tirs se soient éloignés, vous craignez

 18   toujours de pouvoir être visés par quelque chose ou par une arme qui se

 19   trouverait à Pirici ?

 20   M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai dit que c'était une des

 21   raisons, ce n'était pas la seule raison. Il y avait cet espace dégagé,

 22   nous avons risqué notre vie de tous les côtés, et ce n'est pas la maison

 23   d'ailleurs qui m'intéressait en fin de compte.

 24   M. Terrier. – Mais pourtant, Ivica Kupreskic, lui, se déplace

 25   assez librement sur cet espace dégagé, selon le témoignage que nous avons


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  1   reçu ici et que vous avez entendu.

  2   M. M. Kupreskic (interprétation). – Je n'aurais pas dit qu'il

  3   pouvait circuler librement. Comment il est resté à cet endroit-là ? C'est

  4   lui qui le sait. Ivica avait ce magasin en gros, il avait beaucoup de

  5   marchandises, il avait une maison, il avait investi énormément dans cette

  6   maison, c'est lui qui est comme ça. Il aimait l'argent, il aimait

  7   travailler, je pense que ce sont ces raisons. Pourquoi il est resté là-

  8   haut, et pour quelle raison ? Je ne sais pas.

  9   M. Terrier. – Monsieur le Président, je pense qu'il est temps

 10   que nous suspendions l'audience.

 11   M. le Président (interprétation). – Je vous en prie.

 12   M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, vous

 13   permettez que je dise juste quelques mots ?

 14   Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge, je

 15   voudrais tout simplement savoir s'il y a la possibilité à ce que demain,

 16   on commence un peu plus tôt, ou bien qu'on travaille un peu plus par la

 17   suite pour pouvoir terminer la déposition de Vlatko Kupreskic au cours de

 18   la semaine. Il en est de l'intérêt de la défense, pour que la déposition

 19   de Vlatko Kupreskic puisse se terminer dans l'intégralité et pour que nous

 20   ne commencions pas tout simplement cette semaine, et que le Procureur, par

 21   exemple, poursuive son contre-interrogatoire au mois de septembre.

 22   C'est la raison pour laquelle je m'adresse à la Chambre et je

 23   vais demander peut-être aux Juges de bien vouloir organiser la déposition

 24   pour qu'on puisse véritablement terminer avec la déposition de Vlatko

 25   Kupreskic.


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  1   Par la suite, je tiens tout simplement à signaler que la défense

  2   va pouvoir procéder au contre-interrogatoire au cours d'une seule journée

  3   de travail. Merci.

  4    (Les Juges se concertent sur le siège.)

  5   M. le Président (interprétation). – Maître Krajina, je pense que

  6   votre requête est tout à fait fondée. Vous avez raison, je crois qu'il

  7   faudrait terminer la déposition d'ici à vendredi. Tout ce que nous pouvons

  8   faire, c'est vous suggérer de siéger demain de 9 heures à 13 heures 30 et

  9   le vendredi de 9 heures à 13 heures, et puis de 14 heures 30 à

 10   17 heures 30, si nécessaire.

 11   Mais faisons l'impossible pour terminer dans les meilleurs

 12   délais. En tout état de cause, nous sommes d'accord avec vous pour dire

 13   que le contre-interrogatoire de Vlatko Kupreskic devrait se terminer d'ici

 14   à Vendredi. Nous reprendrons nos travaux demain matin.

 15   L'audience est levée à 13 heures 05.

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