LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I

Composée comme suit :
Monsieur le Juge Almiro Rodrigues, Président
Monsieur le Juge Fouad Riad
Madame le Juge Patricia Wald

Assistée de :
Madame Dorothee de Sampayo-Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le :
13 octobre 2000

LE PROCUREUR

C/

MIROSLAV KVOCKA
MILOJICA KOS
MLADO RADIC
ZORAN ZIGIC
DRAGOLJUB PRCAC

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DECISION RELATIVE A LA REQUETE DU PROCUREUR AUX FINS D’OBTENIR L’AUTORISATION DE DEPOSER UN ACTE D’ACCUSATION RECTIFICATIF ET DE CORRIGER LES ANNEXES CONFIDENTIELLES

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Le Bureau du Procureur :

Mme Brenda Hollis
M. Michael Keegan
M. Kapila Waidyaratne

Les Conseils de la défense :

M. Krstan Simic, pour Miroslav Kvocka
M. Zarko Nikolic, pour Milojica Kos
M. Toma Fila, pour Mlado Radic
M. Slobodan Stojanovic, pour Zoran Zigic
M. Jovan Simic, pour Dragoljub Prcac

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le «Tribunal international»),

VU la « Requête de l’accusation aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer un acte d’accusation rectificatif et de corriger les annexes confidentielles » (la « Requête »), déposée par le Bureau du Procureur le 28 août 2000, et la « Réponse de la défense à la requête de l’accusation aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer un acte d’accusation rectificatif et de corriger les annexes confidentielles » (la « Réponse »), déposée le 14 septembre 2000 par le conseil de Miroslav Kvocka,

OUÏ les arguments des parties les 4, 5 et 6 octobre 2000,

VU les articles 18 et 20 du Statut du Tribunal et les articles 50 et 54 du Règlement de Procédure et de preuve,

ATTENDU que l’accusation demande l’autorisation de consolider les deux actes d’accusation concernant l’accusé Prcac (IT-95-4), d’une part, et les accusés Kvocka, Radic, Kos et Zigic (IT-98-30), d’autre part, afin de disposer d’un document unique pour tenir compte de la jonction des procédures suivies contre ces cinq accusés dans le cadre de l’affaire IT-98-30/1 ; que le Procureur demande en outre de corriger de la manière suivante les erreurs typographiques qui affectent les Annexes confidentielles déposées avec l’acte d’accusation modifié :

ATTENDU que le conseil de l’accusé Kvocka s’oppose aux changements de date dans les Annexes au motif qu’il ne peut s’agir d’une erreur typographique et que corriger les dates à un stade aussi avancé de la présentation des moyens à charge serait contraire au principe du droit à un procès équitable et rapide tel que garanti par l’article 20 du Statut ; que, se fiant aux dates spécifiées dans les Annexes et à la reconnaissance par l’accusation que Miroslav Kvocka n’était plus Commandant ou Commandant adjoint du camp d’Omarska après le mois de juin 1992, il a restreint la préparation de la défense de M. Kvocka à la période s’achevant le 30 juin 1992,

ATTENDU que le conseil de l’accusé Žigic soulcve des objections similaires et souligne qu’un crime particulier (le meurtre de Hanki Ramic) a été ajouté r la liste des meurtres mentionnés dans le texte de l’acte d’accusation et que Zoran Žigic serait r présent accusé de « milliers d’assassinats supplémentaires »1,

ATTENDU que les conseils des accusés Radic, Kos et Prcac ne se sont pas opposés à la Requête2,

ATTENDU que la période de commission alléguée des crimes dans le texte de l’acte d’accusation lui-même s’est toujours étendue jusqu’au 30 août 1992,

ATTENDU que le 12 avril 1999, la Chambre de première instance alors saisie de l’affaire (Juge May, Président, Juges Bennouna et Robinson) a rendu une « Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation » a déclaré que « l’exception préjudicielle de vice de forme n’est pas le cadre approprié pour invoquer un désaccord [concernant un vice de forme en relation avec la période pendant laquelle l’accusé aurait été présent au camp d’Omarska] sur les faits allégués dans un acte d’accusation [et que t]out litige portant sur des questions de fait sera nécessairement tranché au procès. »3,

ATTENDU au surplus que, dans une autre décision de la même Chambre rendue le 8 novembre 1999, une note de bas de page précise que l’« [o]n considère à présent que les événements se sont déroulés durant la période allant du 24 mai au 30 août 1992 plutôt que du 26 mai au 30 août, comme l’indiquait le précédent acte d’accusation. »4,

ATTENDU que la mention de la date du 30 juin dans la première case des tableaux dans les Annexes initiales est en évidente contradiction avec les dates mentionnées dans ces tableaux pour ce qui concerne des victimes particulières,

ATTENDU notamment que, dans les tableaux concernant les chefs de persécution et de torture retenus contre Miroslav Kvocka, les dates mentionnées pour certaines victimes sont postérieures au 30 juin 2000 ; que, par conséquent, à cet égard, la défense ne saurait raisonnablement prétendre qu’elle n’était pas avisée de l’intention de l’accusation de reprocher à Miroslav Kvocka des crimes commis aprcs le 30 juin 1992,

ATTENDU que si la défense de l’accusé Kvocka est fondée à affirmer que l’accusation elle-même a signalé que l’accusé a cessé d’être Commandant ou Commandant adjoint du camp d’Omarska au cours du mois de juin 1992, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’accusé ne pourrait être responsable d’aucun des crimes commis après que ses fonctions officielles dans le camp eurent cessé ; qu’au demeurant il appartient à l’accusation d’apporter la preuve éventuelle de tels crimes, dans le cadre de l’acte d’accusation modifié,

ATTENDU que, dans la décision du 8 novembre 1999, la Chambre III a rejeté l’argument de Zoran Žigic selon lequel l’accusation aurait apporté trop peu de précision pour ce qui concerne les dates auxquelles les crimes reprochés ont été commis, au motif que l’accusation avait « seulement reçu pour instruction de supprimer le terme « environ » et non de préciser la date et l’heure exactes où lesdits crimes ont été commis », et que la Chambre III a ensuite précisé que l’Annexe D fournit des précisions supplémentaires « sur les dates auxquelles les crimes allégués ont été commis, s’agissant d’actes individuels dirigés contre les victimes »5,

ATTENDU qu’aucun meurtre, et plus généralement aucun crime concernant l’accusé Žigic n’a été ajouté dans les Annexes r la Requete par rapport aux Annexes déposées avec l’acte d’accusation modifié le 31 mai 19996,

ATTENDU, de manière générale, que le Procureur, dans sa déclaration liminaire a clairement visé la période du 24 mai au 30 août 19927, usant d’expressions telles que « le printemps et l’été 1992 »8 et a soutenu que « [l]es éléments de preuve qui seront présentés au cours de ce procès permettront de prouver que les accusés comparaissant ici, et d’autres soumis à leur autorité, ont emprisonné, frappé, torturé, agressé sexuellement et assassiné un grand nombre des détenus musulmans et croates qui se trouvaient dans les camps dont nous parlerons durant l’été 1992 »9,

ATTENDU que l’accusation a affirmé de manière répétée que l’accusé a participé à une « entreprise criminelle »10 et pourrait être responsable pour des crimes ayant été commis après juin 1992 conformément à la théorie du « but commun »11,

ATTENDU par conséquent que les conseils des accusés Miroslav Kvocka et Zoran Žigic ne peuvent pas raisonnablement prétendre qu’il ont été induits en erreur par les dates erronées en cause,

PAR CES MOTIFS,

REJETTE les objections soulevées par la défense des accusés Kvocka et Zigic à l’égard de l’acte d’accusation consolidé,

AUTORISE le Procureur à déposer un acte d’accusation consolidé, en même temps que les annexes corrigées (Annexes A à E dans la Requête),

 

Fait en français et en anglais,

le 13 octobre 2000
À La Haye,
Pays-Bas

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Juge Almiro Rodrigues
Président de la Chambre de première instance I

[sceau du Tribunal]


1. Comptes rendus provisoire (« Comptes rendus ») p. 6371.
2. Comptes rendus pp. 6352-6356.
3. Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, Affaire IT-98-30-PT, 12 avril 1999, par. 40.
4. Décision relative aux objections soulevées par la Défense à l’égard de l’acte d’accusation modifié, affaire IT-98-30-PT, 8 novembre 1999, p. 5, (souligné par nous).
5. ibid. page 7, ce qui est vrai pour l’Annexe D l’étant aussi pour les autres.
6. L’annexe D est identique à l’exception de la date mentionnée à la première ligne des tableaux modifiés, en particulier au regard de la victime Hanki Ramic, dont le nom apparait dans la troisème case à partir du bas dans la liste des crimes, que ce soit dans l’ancienne ou la nouvelle annexe.
7. Déclarations liminaires du Procureur, 28 février 2000, transcript p. 606.
8. Transcript p. 571.
9. Comptes rendus p. 574.
10. Comptes rendus p. 572.
11. Comptes rendus p. 6587-6590.