Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 30 août 2000.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 50 minutes.)

3 (Audience publique.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 M. le Président: (S'adressant aux accusés) Vous pouvez-vous asseoir, s'il

6 vous plaît.

7 Bonjour Mesdames, Messieurs. Bonjour cabine technique. Bonjour interprètes.

8 Les interprètes: Bonjour, Monsieur le Président.

9 M. le Président: Bonjour, assistants juridiques et bonjour Madame Chen.

10 Bonjour, Monsieur Keegan, M. Waidyaratne, Bureau du Procureur. Bonjour, la

11 défense. Je vois qu'ils sont tous là. Bonjour, les accusés.

12 Nous nous excusons de ce retard, mais nous avons dû travailler un peu

13 avant de venir à l'audience.

14 Maintenant, je crois que M. Keegan a quelque chose à nous communiquer.

15 Donc, vous avez la parole. Pas pour réouvrir la discussion mais seulement

16 pour information.

17 (Questions relatives à la procédure.)

18 M. Keegan (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

19 Compte tenu du débat qui a eu lieu hier, j'ai jugé utile de dire aux Juges

20 que nous avons discuté avec la défense pour voir s'il pouvait y avoir un

21 accord au sujet de la requête portant sur la modification de la liste des

22 témoins. Et l'accord s'est fait sur le désaccord au sujet des éléments

23 fondamentaux de cette requête. Cependant, comme cela a été dit hier, si la

24 Chambre prend une décision au sujet de cette requête, nous pouvons nous

25 prononcer sur l'ordre d'arrivée des témoins. Mais en tout cas, nous nous

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1 sommes mis d'accord sur un désaccord et nous aurons besoin donc d'une

2 décision le plus rapidement possible au sujet de ce point pour pouvoir

3 organiser le calendrier d'arrivée des témoins, etc., etc.

4 Et puis, deuxièmement, la défense m'a annoncé qu'avant de pouvoir se

5 prononcer sur la requête de consolidation de l'Acte d'accusation, elle a

6 besoin d'une traduction en BCS. Nous sommes d'accord et nous demandons

7 donc que cela puisse aller le plus vite possible, que ce travail de

8 traduction puisse être accéléré de façon à ce que les choses puissent être

9 commentées assez rapidement.

10 Ah! Il y a un troisième point, Monsieur le Président. La défense a retiré

11 son objection au sujet du Témoin F. Il y a donc à présent deux témoins

12 dans cette catégorie; nous avons donc sept témoins qui sont contestés et

13 deux sur lesquels il y a accord.

14 M. le Président: Très bien. Nous enregistrons cette information et, comme

15 je vous ai dit, à la fin de cette journée, à la fin de l'audience, nous

16 rendrons notre décision.

17 Donc, maintenant, Monsieur Keegan, c'est à vous. Quel est le témoin que

18 nous allons avoir? Ah! Monsieur Waidyaratne?

19 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Le

20 Procureur appelle le Témoin AN.

21 M. le Président: Oui, Maître Stojanovic. Objection?

22 M. Stojanovic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Nous avons

23 une objection. En effet, s'agissant du point 3, du résumé d'interrogatoire

24 de ce témoin qui nous a été fourni par le Procureur, il est question de

25 Zoran Zigic, de Zeric et de Sikura, ainsi que d'un quatrième homme. Et

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1 tout ce point est en dehors de la période couverte par l'Acte d'accusation

2 relative à Zoran Zigic. On ne trouve aucune information sur cet événement

3 dans l'Acte d'accusation ou d'ailleurs à l'ancien paragraphe D, au

4 chapitre D.

5 Je pense qu'il est inadmissible à cette étape du procès d'agir de la

6 sorte; nous ne sommes pas à l'étape de l'enquête et je crois que le

7 Procureur n'a porté des accusations qu'au sujet d'un certain nombre

8 d'événements pour lesquels il existe des éléments de preuve. La défense

9 s'est préparée uniquement sur la base des informations contenues dans

10 l'Acte d'accusation. Nous aimerions donc invoquer l'Article 65ter du

11 Règlement de Procédure et de Preuve, selon lequel la liste des témoins que

12 le Procureur a l'intention d'entendre doit contenir dans le détail les

13 références aux chefs d'accusation concernés.

14 Nous demandons, s'agissant du point 3 du document intitulé en anglais

15 "Points for re-examination", nous demandons quelles sont exactement les

16 charges.

17 M. le Président: La Chambre n'a pas le document quand même. De toute

18 façon, je vais donner au Procureur l'opportunité de répondre.

19 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, je pense que le

20 conseil de la défense fait référence au document intitulé "Points for

21 examination", c'est-à-dire les "Points de l'interrogatoire" qui a été

22 remis à la défense par nous, il y a quelque temps. Nous en avons des

23 copies pour les Juges, si c'est nécessaire.

24 (L'huissier s'exécute.)

25 (Mme Chen remet aux Juges les copies.)

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1 M. le Président: Monsieur Waidyaratne, pour répondre à l'objection?

2 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Le Procureur

3 a communiqué à la défense la déclaration du Témoin AN, faite le 10 janvier

4 1999, dans laquelle il fait référence à ces incidents.

5 Les noms des personnes dont il parle sont cités dans ce document

6 également. Puis par ailleurs, dans l'Acte d'accusation, nous disons à

7 l'encontre de Zoran Zigic qu'il a aidé, encouragé, commis ou encouragé à

8 commettre des actes de persécution contre les Musulmans de Bosnie et les

9 Croates de Bosnie qui concernent notamment les personnes mentionnées au

10 point D.

11 J'ajouterai également qu'aux chefs d'accusation 11 à 13, nous disons qu'il

12 a participé aux actes de persécution commis contre les autres détenus du

13 camp de Keraterm en dehors des personnes mentionnées au chapitre D.

14 Donc, Monsieur le Président, je pense que l'objection est impossible à

15 retenir.

16 M. le Président: La parole est à Me Stojanovic pour répondre.

17 M. Stojanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Eh bien!

18 Monsieur le Président, le chapitre D de l'Acte d'accusation est très

19 précis, notamment lorsqu'il est question de persécution. Dans ce passage

20 très précis, les noms de ces personnes ne figurent pas. Je pense qu'il est

21 tout de même inacceptable pour nous de nous voir contraints à nous

22 défendre par rapport à tout un groupe de personnes absolument inconnues.

23 Dans aucun des paragraphes de l'Acte d'accusation, y compris au paragraphe

24 "Persécutions", ces personnes ne sont pas mentionnées.

25 M. le Président: Monsieur Waidyaratne, je n'ai pas eu l'opportunité de

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1 vous suivre. Quels sont les paragraphes de l'Acte d'accusation que vous

2 avez mentionnés, s'il vous plaît? Excusez-moi, c'est ma faute.

3 M. Waidyaratne (interprétation): Paragraphe 29, les chefs d'accusation 11

4 à 13, 1 à 3. Donc, les chefs d'accusation 1 à 3 et 11 à 13.

5 Permettez-moi de signaler également, Monsieur le Président, le chapitre D

6 ainsi que les chefs d'accusation 1 à 3, "Persécutions, Actes inhumains,

7 Atteintes à la dignité des personnes". Il est dit dans ce passage que tous

8 les prisonniers des camps de Trnopolje et de Keraterm, pendant la période

9 du 24 mai 1992 et du 30 août 1992, sont concernés.

10 M. le Président: Quelle est donc la période que vous allez considérer,

11 Monsieur Waidyaratne? Les dates?

12 M. Waidyaratne (interprétation): La période sera celle qui va du 24 mai

13 1992 au 30 août 1992, comme il est signalé aux chefs d'accusation 1 à 3 de

14 l'Acte d'accusation.

15 M. le Président: Un moment, s'il vous plaît.

16 (Les Juges se concertent sur le siège.)

17 Mme Wald (interprétation): Puis-je vous poser une question, Monsieur

18 Waidyaratne?

19 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, Madame la Juge.

20 Mme Wald (interprétation): Dans les déclarations du Témoin AN qui ont été

21 communiquées à la défense, est-il fait mention de ces personnes comme

22 ayant subi des persécutions dans ce document?

23 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, Madame la Juge.

24 Mme Wald (interprétation): Donc, cela figure déjà dans une déclaration de

25 témoin?

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1 M. Waidyaratne (interprétation): Oui.

2 Mme Wald (interprétation): Au cœur de l'objection de la défense, figure

3 l'argument selon lequel ces personnes ne sont mentionnées ni à l'annexe D

4 ni dans la déclaration de témoin?

5 M. Waidyaratne (interprétation): Oui. Effectivement, Madame la Juge, les

6 noms ne sont pas mentionnés précisément.

7 (Les Juges se concertent sur le siège.)

8 M. le Président: Avant de décider, Maître Stojanovic, vous confirmez ces

9 données que l'accusation vous a données ou non? Vous lisez cela dans l'Acte

10 d'accusation, les informations que le Procureur vient de donner, ou non?

11 M. Stojanovic (interprétation): Dans l'Acte d'accusation, Monsieur le

12 Président, non. Effectivement, les noms de ces personnes ne sont

13 mentionnés ni dans l'Acte d'accusation ni dans l'annexe à cet Acte

14 d'accusation. Nous n'avons nulle part trouvé ces noms. Quant au fait que

15 ces noms figurent dans la déclaration du témoin, c'est exact. Cette

16 déclaration du témoin nous a été communiquée, c'est exact. Cependant…

17 M. le Président: En tenant compte de l'information, la Chambre ne fait pas

18 droit à l'objection et demande au Procureur de poursuivre et d'appeler le

19 témoin.

20 Monsieur l'Huissier, vous pouvez faire entrer le Témoin AN.

21 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 (Audience publique avec mesures de protection.)

23 (Le Témoin AN est introduit dans le prétoire.)

24 M. le Président: Bonjour, Témoin AN. Vous m'entendez?

25 Témoin AN (interprétation): Oui.

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1 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.

2 l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

3 Témoin AN (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

5 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir.

6 Témoin AN (interprétation): Merci.

7 M. le Président: M. l'huissier va vous montrer une liasse de papier où en

8 principe est inscrit votre nom. Vous allez regarder et répondre seulement

9 par oui ou non s'il s'agit vraiment de votre nom.

10 Témoin AN (interprétation): Oui. Oui.

11 M. le Président: Maintenant, vous allez répondre aux questions que M.

12 Waidyaratne, qui est debout à votre droite, va vous poser, s'il vous

13 plaît.

14 Témoin AN (interprétation): Oui.

15 (Interrogatoire du Témoin AN par M. Waidyaratne.)

16 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

17 Monsieur le témoin.

18 Monsieur le Président, j'aimerais demander un huis clos partiel, car le

19 témoin va dans l'immédiat nous donner des informations personnelles.

20 M. le Président: Nous allons passer à huis clos partiel.

21 (Séance à huis clos partiel.)

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24 (L'audience redevient publique avec mesures de protection.)

25 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

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1 témoin, j'aimerais appeler votre attention sur le jour de votre

2 arrestation. Vous rappelez-vous cette journée?

3 Témoin AN (interprétation): C'était le 30 mai 1992 à Prijedor.

4 Question: Où vous trouviez-vous à ce moment-là? Chez vous, à la maison?

5 Réponse: J'ai été arrêté à 5 heures de l'après-midi, le 30 mai, devant

6 ma maison.

7 Question: Pouvez-vous en quelques mots dire aux Juges de cette Chambre

8 ce qui s'est passé à ce moment-là?

9 Réponse: Un homme est arrivé, il s'appelait Svjetlica, il portait un

10 uniforme de policier. Il avait un comportement tout à fait correct et m'a

11 demandé à moi et à mes frères d'enfiler une veste et il a dit qu'il y

12 avait un autobus un peu en contrebas de la route par rapport à l'endroit

13 où nous habitions. Il nous a dit que nous devrions aller en ville pour

14 participer à une conversation informative et, ensuite, que nous

15 retournerions à la maison, mes frères et moi, car nous étions tous en

16 famille à ce moment-là, ensemble. Nous sommes partis et on nous a emmenés

17 à la caserne. Quand nous sommes arrivés à la caserne, on ne nous a pas

18 fait sortir de l'autobus, le chauffeur est simplement entré pour régler un

19 problème, sans doute quelques minutes. Puis il est revenu et on nous a

20 emmenés à Omarska. A notre arrivée..

21 Question: Vous avez parlé de caserne, où se trouve cette caserne?

22 Réponse: Cette caserne se trouve à Pista et se trouve sur la route qui

23 sort de Prijedor pour aller à Bosanska Dubica.

24 Question: Vous avez dit dans votre déposition que vous aviez été emmenés

25 en autobus. Y avait-il d'autres personnes dans cet autobus et qui étaient

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1 ces personnes?

2 Réponse: Les autres personnes étaient mes frères, mes voisins, tous de

3 nationalités croate et musulmane. Tous avaient été mis à bord de ces

4 autobus, de cet autobus.

5 Question: Vous dites que l'autobus est allé à Omarska. Savez-vous quel

6 est cet endroit? Pouvez-vous le décrire?

7 Réponse: Cet endroit se trouve dans la direction de Banja Luka, à six

8 ou sept kilomètres sur la droite, le long de la grand-route. Il y avait

9 là, à l'époque des garages, des hangars, un bâtiment administratif où se

10 trouvait une cantine. C'est là que nous avons été amenés en autobus. Nous

11 sommes restés dans l'autobus, nous ne sommes pas descendus de l'autobus.

12 On nous a dit qu'il n'y avait pas de place et on nous a ramenés à Prijedor

13 où l'on nous a amenés dans les entrepôts de l'usine de Keraterm.

14 Question: Ce complexe de Keraterm dont vous venez de parler, pouvez-vous

15 en quelques mots dire où il se trouve?

16 Réponse: Keraterm se trouve à la sortie de Prijedor quand on va vers

17 Banja Luka, sur la gauche. Après l'usine de tuiles, on trouve Keraterm qui

18 était une usine où se fabriquait du matériel utilisé par les pompiers

19 d'extinction de feu

20 Question: Une fois que vous êtes arrivés à Keraterm, on vous a ordonnés

21 de faire quoi?

22 Réponse: La nuit tombait déjà et on nous a donné l'ordre de descendre

23 de l'autobus. Des soldats -sans doute des soldats serbes- nous ont

24 fouillés et nous ont fait pénétrer dans une grande pièce qui se trouvait

25 là-bas. A l'intérieur, il n'y avait pas de lumière dans cette pièce. Nous

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1 sommes rentrés dans la pièce et on nous a dit -soi-disant- qu'on allait

2 passer la nuit là, de façon temporaire, et que demain on verrait.

3 Question: Pendant le temps que vous avez passé à Keraterm, avez-vous

4 fini par apprendre quel était le nom que les détenus donnaient à cette

5 pièce?

6 Réponse: C'était une très grande pièce. A notre arrivée, je ne savais

7 pas comment on l'appelait mais, par la suite, j'ai su appris qu'on

8 l'appelait "la pièce n°2".

9 Question: Merci. Combien de temps êtes-vous resté à Keraterm?

10 Réponse: Je suis resté quatre jours à Keraterm.

11 Question: Avez-vous vu un homme répondant au nom de Zoran Zigic à

12 Keraterm, pendant le temps que vous y avez passé?

13 Réponse: Nous sommes arrivés à Keraterm, nous y avons passé la nuit et,

14 le lendemain matin, un homme qui portait un uniforme militaire, un couvre-

15 chef rouge et une arme -sans doute une Kalachnikov- à la main est arrivé.

16 Il portait son fusil comme ça, avec les mains en l'air, et il disait: "Je

17 m'appelle Zoran Zigic. Espèce de Balija! J'encule vos mères!"

18 Question: Connaissiez-vous déjà cet homme?

19 Réponse: Compte tenu de mon travail, je le connaissais: c'était un

20 chauffeur de taxi qui avait sa voiture garée à la gare ferroviaire, et je

21 connais son… Je le connaissais de vue parce que quand j'allais chercher de

22 l'essence, notamment là-bas en haut, je passais par-là et, en parlant avec

23 d'autres chauffeurs de taxi, tout le monde racontait qu'il était largement

24 porté sur la boisson. Et il a s'est présenté lui-même à notre arrivée à

25 Keraterm.

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1 Question: Lorsque vous dites "il", vous parlez de Zoran Zigic?

2 Réponse: Oui, c'est Zoran Zigic qui s'est présenté lui-même à nous

3 quand nous sommes arrivés à Keraterm.

4 Question: Quand vous l'avez vu ce jour-là, quels vêtements portait-il?

5 Vous venez de dire qu'il portait un uniforme militaire?

6 Réponse: Oui, un uniforme de camouflage de l'armée avec un couvre-chef

7 rouge et il était armé: il avait dans les mains une Kalachnikov sans

8 doute, en tout cas, un fusil automatique.

9 Question: L'avez-vous bien vu? L'avez-vous reconnu?

10 Réponse: Oui, je l'ai reconnu. Il faisait jour, il est entré dans la

11 pièce que l'on appelait la "pièce n°2", donc je l'ai bien vu.

12 Question: Monsieur le Témoin AN, connaissiez-vous un homme répondant au

13 nom de Zeric?

14 Réponse: Je connaissais M. Zeric. Oui. M. Zeric était un prisonnier,

15 tout comme nous. Et Zigic l'a reconnu quand il s'est baladé dans ces

16 pièces à Keraterm. Et il s'est mis immédiatement à le frapper. Il a

17 insulté sa mère "Balija", en alléguant du fait qu'il aurait vendu des

18 grenades sur le marché. Et il a continué à le frapper jusqu'à ce que cet

19 homme perde conscience.

20 Question: Mais Zeric, pendant qu'il était frappé par Zigic, lui a-t-il

21 dit quelque chose?

22 Réponse: Il le suppliait, il a dit: "Ziga, je n'ai rien à voir avec ça.

23 Je n'ai rien fait". Et l'autre n'arrêtait pas de crier: "Nique ta mère!"

24 et il n'arrêtait pas de le frapper sur les jambes, sur le dos, au niveau

25 de la colonne vertébrale. Et il continuait, il continuait… Nous, nous

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1 étions assis sur le béton.

2 Question: Connaissiez-vous l'appartenance ethnique de Zeric?

3 Réponse: Zeric était musulman, d'appartenance ethnique musulmane.

4 Question: J'aimerais à présent vous interroger au sujet d'un autre

5 homme, son nom est Samir Sistek.

6 Réponse: Sistek?

7 Question: Le connaissiez-vous avant la guerre?

8 Réponse: Oui, je le connaissais; c'était un homme qui travaillait pour

9 la municipalité. Un cocher.

10 Question: Quel âge avait-il? Etait-il jeune?

11 Réponse: Oui, oui, assez jeune, 25 ans à peu près, sans doute. Un homme

12 fort, corpulent.

13 Question: Avez-vous vu Samir Sistek dans le camp?

14 Réponse: Oui, il était dans le camp. Il était dans la même pièce que

15 moi.

16 Question: Avez-vous vu quelqu'un faire sortir Samir Sistek à quelque

17 moment que ce soit?

18 Réponse: Oui, Zigic lui a dit: "Allez! Toi, le cocher, sors de là".

19 Samir s'est levé et il est sorti. Après sa sortie de la pièce, on a

20 entendu des coups à l'extérieur, à travers la porte, et Zigic a dit:

21 "Regardez un peu, il est si fort qu'on ne peut même pas l'abattre d'un

22 coup unique". Et il l'a forcé à chanter des chant chetniks. Samir les a

23 chantés.

24 Question: Avez-vous vu Samir revenir dans la pièce?

25 Réponse: Oui, Samir nous a rejoints. Il était complètement tabassé, il

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1 avait le visage couvert d'ecchymoses. Et il a dit: "Regardez un peu ce

2 qu'il m'a fait. Moi, je n'ai rien fait de mal".

3 Question: Connaissiez-vous l'appartenance ethnique de Samir?

4 Réponse: Samir est musulman.

5 Question: Témoin AN, pendant la durée de votre détention dans la salle

6 n°2, avez-vous vu un homme répondant au nom de Ivo Sikura?

7 Réponse: Oui, j'ai vu un homme qui s'appelait Ivo Sikura. Il avait à

8 peu près 60 ans et il était de nationalité croate. Ivo Sikura.

9 Question: Avez-vous vu quelqu'un appeler son nom et le faire sortir de

10 la pièce?

11 Réponse: Oui, Zoran Zigic a prononcé son nom et a dit: "Ivo, sors de

12 là". Ivo est sorti, Zigic a commencé à le frapper. Ivo suppliait en

13 disant: "Zoran, ne me frappe pas! Je suis vieux, je n'ai eu aucune

14 activité politique". Et Zoran répondait: "Fils de pute! Tu sais ce que

15 faisait ton fils".

16 Question: Zigic l'a-t-il accusé d'autre chose, lui a-t-il dit autre

17 chose?

18 Réponse: Il l'accusait en raison de son fils, Zeljko, qui était médecin

19 à Prijedor.

20 Question: Avez-vous vu revenir Ivo dans la pièce?

21 Réponse: Oui. Ivo est rentré dans la pièce. C'était un homme assez âgé,

22 il était complètement tabassé.

23 Question: Pendant la durée de votre détention à Keraterm, avez-vous été

24 interrogé?

25 Réponse: Oui, on nous a emmenés subir un interrogatoire. L'inspecteur

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1 qui nous interrogeait était Modic. Une liste a été apportée, notre nom a

2 été prononcé et je suis monté là-haut rejoindre un homme que je

3 connaissais personnellement. Il a eu un comportement correct; c'était un

4 officier, un capitaine de première classe dans l'ex-armée yougoslave. Et

5 le soldat qui m'a amené à cet endroit m'a ramené ensuite; personne ne nous

6 a rien fait, personne n'a touché à un cheveu de notre tête. Après

7 l'interrogatoire, nous avons reçu un document stipulant que nous avions

8 été interrogés, que nous pouvions être libérés et qu'il convenait qu'ils

9 nous raccompagnent à la maison.

10 Question: Après votre remise en liberté, vous êtes resté chez vous?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Avez-vous été arrêté une nouvelle fois?

13 Réponse: Nous sommes rentrés chez nous; on a obtenu un certain nombre

14 de papiers. Moi, je n'ai plus circulé de toute façon: on a commencé à

15 incendier les maisons, on a arrêté les gens. Au bout de 80 jours, autour

16 du 14, deux policiers sont arrivés: l'un répondait au nom de Bato

17 Kovacevic; il est venu à la maison. Et puis, on le connaissait déjà

18 auparavant; il nous a dit qu'il fallait que nous trois, les frères, on se

19 prépare parce qu'on devait se rendre au SUP, au ministère des Affaires

20 intérieures pour passer un interrogatoire. Nous nous sommes rendus là-bas;

21 des policiers nous ont vus et on dit que personne ne nous demandait là-

22 bas. Bato nous a dit que c'est à Keraterm qu'on nous a demandés. Puis, il

23 a dit qu'il n'y avait absolument rien à faire avec nous. Et c'est lui qui

24 nous a fait revenir au SUP à Prijedor. Il a dit: "Peut-être, il y a

25 quelqu'un qui vous cherche à Omarska?". C'est la raison pour laquelle il

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1 nous a mis derrière le bâtiment du SUP et qu'on attende pour qu'il nous

2 conduise jusqu'à Omarska.

3 Question: Est-ce que qu'on vous a emmenés à Omarska?

4 Réponse: Vers 17 heures, un bus est arrivé. Nous étions trois. D'autres

5 de Dubija. Ils nous ont fait monter dans le bus; nous sommes allés devant

6 Keraterm où trois autres prisonniers se sont joints à nous. Ensuite, on

7 nous a emmenés à Omarska.

8 Question: Avez-vous reconnu cette personne dont vous parlez comme d'une

9 personne qui répond au nom de Sunce?

10 Réponse: Oui, c'est un homme d'un âge moyen et je pense qu'il était

11 avec nous ensemble dans le bus. C'est le juge.

12 Question: Est-ce que vous connaissiez son nom?

13 Réponse: Esad Mehmedagic.

14 Question: Au moment où vous êtes arrivés à Omarska, vous a-t-on demandé

15 de sortir du bus?

16 Réponse: Au moment où nous sommes arrivés à Omarska, nous sommes

17 descendus du bus. Il y a un certain M. Delic qui est venu; nous avons dit

18 que nous étions de Puharska: c'est une banlieue, c'est là où j'ai joué au

19 football. Il a dit aux gardes: "Ne les touchez pas". Les gardes nous ont

20 demandé de lever les mains en l'air, de les mettre derrière la tête et,

21 ensuite, on nous a emmenés jusqu'à la pièce n°15.

22 Question: Vous parlez de la pièce n°15? Vous a-t-on emmenés dans cette

23 pièce?

24 Réponse: Oui. Quand les gardes sont arrivés à la porte, ils nous ont

25 montré où il fallait se rendre. Nous sommes rentrés dans la pièce n°15.

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1 Nous avons trouvé là-bas beaucoup de gens de Prijedor et qui se trouvaient

2 déjà dans cette pièce.

3 Question: Eh bien, une fois que vous vous êtes rendus dans cette pièce

4 -vous parlez de la pièce n°15-, avez-vous vu également le garde à la

5 porte?

6 Réponse: Oui, il y avait un garde qui était devant la pièce. Il ne nous

7 a rien fait. Nous lui avons montré les papiers comme quoi nous avons été

8 mis en liberté du camp de Keraterm. Nous nous sommes adressés au garde; il

9 a lu les papiers et nous a dit qu'il ne pouvait pas nous aider, qu'il

10 fallait qu'il attende le commandant de son équipe. C'est pourquoi nous

11 sommes retournés dans la pièce.

12 Question: Eh bien! après cela, y avait-il quelqu'un qui éventuellement

13 s'est rendu dans la pièce pour voir que vous y étiez?

14 Réponse: Après un certain temps, ce même garde est venu nous voir; il a

15 dit: "Ceux qui sont venus en derniers doivent apparaître à la porte." Nous

16 nous sommes présentés, nous avons montré les papiers. Nous étions trois;

17 il y avait un policier assez grand. Nous avons présenté nos papiers, il a

18 lu les papiers que nous avons présentés à ce policier. Il a dit:

19 "Malheureusement, je ne peux pas vous aider jusqu'à lundi, car ceux qui

20 procèdent aux interrogatoires actuellement ne sont pas sur place". Nous

21 avons appris par la suite qu'il répondait au nom de Ckalja. Quelqu'un qui

22 travaillait avec lui s'appelait Hazim Okic; ils travaillaient ensemble. Et

23 celui surnommé Ckalja s'appelait Momo Gruban.

24 Question: Eh bien! vous avez parlé d'une personne répondant au nom de

25 Okic; c'était un détenu de la pièce?

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1 Réponse: Oui, c'était un détenu qui était ensemble avec moi dans la

2 pièce.

3 Question: Après que cette personne qui répondait au nom de Ckalja s'en

4 est allée, est-ce qu'on vous a appelés pour l'interrogatoire?

5 Réponse: Nous sommes arrivés le vendredi soir; le lundi matin, un

6 soldat est arrivé avec une liste. Il a fait un appel et nous a demandé de

7 venir à l'interrogatoire. C'est alors que nous nous sommes rendus dans un

8 bâtiment administratif dans le camp d'Omarska. Au premier étage, il y

9 avait des personnes qui interrogeaient.

10 Question: Mais avant de parler de l'interrogatoire, j'aimerais vous

11 poser encore une autre question qui concerne cette personne dont le surnom

12 est Ckalja. Est-ce que vous savez quel était le poste qu'il occupait dans

13 le camp?

14 Réponse: Le soldat qui nous a reçus avait dit qu'il attendait son

15 commandant. Bien évidemment, on ne le connaissait pas au moment où on est

16 arrivé. Ce n'est qu'après que nous avons appris que son surnom était

17 Ckalja et que son vrai nom était Momo Gruban. Il était commandant,

18 commandant de l'équipe, chef d'équipe.

19 Question: Merci. Maintenant, nous allons passer à l'interrogatoire.

20 Vous avez dit qu'il y avait un soldat qui a fait l'appel, qui vous a

21 emmené pour l'interrogatoire?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Où vous a-t-il emmené?

24 Réponse: C'est de la pièce n°15 que je suis allé dans le bâtiment

25 administratif; c'est là, au premier étage, qu'on procédait aux

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1 interrogatoires.

2 Question: Est-ce que, dans cette pièce, il y avait d'autres personnes?

3 Réponse: Au moment où le soldat m'a fait entrer dans cette pièce, il y

4 avait deux personnes assises. L'un était plutôt pas très grand et était en

5 uniforme de camouflage; par la suite, nous avons appris qu'ils étaient de

6 Banja Luka. L'un répondait au nom de Mirko. L'autre était très grand et

7 très costaud; je ne sais pas comment il s'appelait. Il m'a demandé que je

8 sorte tout ce que j'avais comme objets: la carte d'identité, les autres

9 objets. Il m'a posé un certain nombre de questions: il m'a demandé

10 également pour [expurgée], ce qu'il faisait, quelles étaient les

11 activités politiques de cet homme. Moi, j'ai dit que, de toute façon, moi,

12 ça ne m'intéressait pas.

13 J'ai tout simplement conduit mon camion privé, que je ne m'en occupais

14 pas. Celui qui était à côté de lui et qui avait l'uniforme de policier, il

15 s'appelait Zeljko Prcac; et l'homme de Banja Luka s'est levé, il a dit:

16 "J'encule ta mère! Et puis tu ne sais rien, tu veux dire ça?" Alors, moi,

17 je ne comprenais pas.

18 Question: Excusez-moi, je vous interromps. Mais pourriez-vous, s'il vous

19 plaît, ralentir le débit?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner la description du

22 déroulement des événements?

23 Réponse: Quand Mirko s'est levé, quand il a dit qu'il niquait ma mère,

24 alors le jeune homme qui était en uniforme de police -il était de réserve

25 ou de je ne sais pas quoi-, il s'appelait Zeljko Prcac; Mirko a demandé de

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1 me coucher. Alors celui qui était en uniforme de police m'a donné un coup,

2 effectivement, dans le dos, qui m'a fait tomber. Et ensuite, ils m'ont

3 frappé tous les deux! Ensuite, la deuxième personne qui interrogeait le

4 grand et le costaud, il a dit: "Mais pourquoi vous le frappez? Il n'est

5 peut-être pas au courant". C'est là où il s'est arrêté de me tabasser. Et

6 Mirko a dit: "Je vais enculer ta mère si jamais tu te manifestes une fois

7 de plus ici. Et tu vas voir ce que tu vas voir!".

8 Question: Eh bien! est-ce que vous avez eu quelques blessures après ce

9 passage à tabac?

10 Réponse: Une fois que je suis sorti de cette pièce, cinq soldats m'ont

11 accueilli, ils portaient des uniformes; ils m'ont demandé de me tourner

12 contre le dos, de lever les mains, et puis, c'est avec les crosses qu'ils

13 m'ont donné des coups dans le dos. Moi, j'étais à moitié mort et ils m'ont

14 pratiquement soulevé, traîné car je suis tombé inconscient.

15 Question: Combien de temps êtes-vous resté sur la Pista?

16 Réponse: Je suis resté pendant un mois sur la Pista.

17 Question: Pendant que vous étiez dans le camp d'Omarska, avez-vous fait

18 connaissance d'une personne qui répondait au nom de Drago Prcac?

19 Réponse: Sur la Pista, il y avait Meho Mahmutovic, policier de

20 Prijedor, que je connaissais. Moi, je le connais bien parce que moi, je

21 conduisais mon camion. Et à ce moment-là, il y avait quelqu'un qui était

22 bien rasé, qui est venu et qui s'est approché de moi. Il a dit: "Drago

23 Prcac également, il est là". Et c'est comme cela que j'ai fait sa

24 connaissance.

25 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner la description

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1 maintenant de cette personne, pour laquelle vous dites que c'était Drago

2 Prcac, au moment où vous l'avez vue dans le camp d'Omarska?

3 Réponse: Mais c'était quelqu'un qui était bien rasé, qui était en

4 uniforme de police. C'était quelqu'un de sérieux, de taille moyenne.

5 Voilà. Il n'était pas très gros.

6 Question: Est-ce que vous l'avez vu? L'avez vous vu de près?

7 Réponse: Oui. Il circulait. C'était quelqu'un qui était très sérieux,

8 il ne contactait pas d'autres policiers. Il y avait Zijad Badnic, il y

9 avait l'inspecteur également qui était avec nous. Mais il ne contactait

10 pas tellement ces policiers; mais il circulait sur la Pista.

11 Question: Avez-vous éventuellement appris quel était son poste qu'il

12 occupait dans le camp?

13 Réponse: Il était le second adjoint du commandant dans le camp

14 d'Omarska. C'est après Kvocka, qui était commandant, qui est arrivé.

15 Question: Vous dites "après Kvocka". Qu'est-ce que ceci veut dire et à

16 quoi pensez-vous exactement?

17 Réponse: Au moment où nous sommes arrivés, c'est ce qu'ils disaient,

18 ceux qui étaient sur place: que le commandant du camp était Kvocka. Et

19 nous, on a pu le remarquer: il circulait, il se déplaçait dans le camp.

20 Question: Est-ce qu'éventuellement, il y avait eu une période pendant

21 laquelle vous n'avez pas vu Kvocka?

22 Réponse: Pendant un certain temps, nous ne n'avons plus revu Kvocka. Il

23 ne s'est plus manifesté dans le camp.

24 Question: Monsieur le Témoin AN, quand nous parlons de la personne

25 répondant au nom de Drago Prcac, pourriez-vous nous dire si,

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1 éventuellement, il avait fait un appel au moment où vous, vous étiez

2 détenu dans le camp?

3 Réponse: Oui, c'était à la fin du mois de juillet. C'était le soir, à

4 20 heures à peu près. Je suis allé aux toilettes. Je dormais en contrebas

5 par rapport aux bâtiments administratifs. La porte s'est ouverte et puis,

6 il y a quelqu'un qui est entré. Il portait un manteau sur le bras et puis

7 il avait une liste. Moi, je me suis arrêté, il s'est approché de moi et

8 puis, lui, il a fait un appel. Il a dit: "Esad Sadikovic". Après un

9 certain temps, Esad Sadikovic est sorti de la Chambre. Ensuite, il est

10 venu devant Drago. Il voulait juste aller voir son ami qui dormait de

11 l'autre côté, par rapport aux toilettes, chez mon frère. Donc, il lui a

12 porté deux conserves, il lui a remis donc les deux conserves, il a obtenu

13 des cigarettes. Ensuite, il est venu jusqu'à Drago, il est allé devant lui

14 et Drago a fermé la porte.

15 Question: Eh bien! vous avez parlé de la personne qui portait sur le

16 bras un manteau et qui portait également une liste dans les mains. Et

17 puis, vous avez dit que cette personne s'appelait Drago?

18 Réponse: Oui.

19 Question: C'était qui?

20 Réponse: C'était Drago Prcac; c'était l'homme que j'ai connu et c'est

21 Mahmutovic de la Pista qui me la dit.

22 Question: Vous avez parlé de cette personne répondant au nom d'Esad

23 Sadikovic. Comment le connaissiez-vous? Est-ce que vous le connaissiez

24 bien?

25 Réponse: C'était un médecin. C'était un médecin auprès des Nations

Page 4406

1 Unies. Il a travaillé à Prijedor, il était médecin spécialiste. Et moi, je

2 le connaissais bien. Enfin, on a eu l'occasion de se mettre sur la

3 terrasse d'un café, de prendre un verre ensemble. Oui, je le connaissais

4 bien, nous étions des amis.

5 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir auparavant Esad

6 Sadikovic dans le camp?

7 Réponse: Oui, il était à la "maison blanche"; ensuite il est venu dans

8 le bâtiment administratif, là où nous étions. Il est resté tout le temps

9 avec nous.

10 Question: Et il était de quelle appartenance ethnique?

11 Réponse: Il était musulman.

12 Question: Au cours de votre détention, Monsieur le Témoin AN -je parle

13 de la détention dans le camp d'Omarska-, pourriez-vous nous dire si vous

14 avez fait connaissance d'une personne répondant au nom de Krkan?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Qui était dans le camp?

17 Réponse: Krkan était chef d'une équipe dans le camp.

18 Question: Vous dites qu'il était chef d'équipe dans le camp, mais

19 comment vous l'avez-vous su? Comment avez-vous pu le savoir?

20 Réponse: Mais tous les matins, vers 7 heures, il ramenait de nouveaux

21 gardes et, devant le bâtiment administratif où il y avait des toilettes et

22 tout cela, ils s'alignaient. Puis il procédait aux relèves. Krkan n'était

23 pas avec les gardes qui nous accompagnaient jusqu'aux toilettes, etc. Il

24 était commandant, il était chef d'équipe de ces gens-là qu'il ramenait

25 tous les matins.

Page 4407

1 Question: Le connaissiez-vous avant de venir dans le camp? Est-ce que

2 vous l'avez vu auparavant?

3 Réponse: Eventuellement, deux ans avant que la guerre éclate, moi,

4 j'étais au poste de police à Prijedor, avec Fikret Sarajlic, policier de

5 Prijedor. Il y avait une personne assez costaude qui est arrivée, que je

6 ne connaissais pas. On l'a salué, il a dit: "Salut Radic". Ils ont parlé

7 entre eux. Et une fois, quand je suis arrivé à Ormarka, j'ai tout de suite

8 constaté que c'était effectivement la personne dont j'ai fait la

9 connaissance et que son nom était Radic et que le surnom était "Krkan".

10 Question: Au moment où vous l'avez rencontré, où vous l'avez vu dans le

11 camp, pourriez-vous nous dire comment il se présentait, comment il était

12 habillé?

13 Réponse: Il avait beaucoup de ventre. Il avait un visage assez sérieux.

14 Il portait des armes, un uniforme. Il ne contactait pas avec les détenus

15 et souvent il se rendait au bâtiment administratif. Il circulait dans le

16 camp.

17 Question: Avez-vous eu l'occasion de le rencontrer souvent pendant que

18 vous étiez au camp?

19 Réponse: Oui, assez souvent; moi, je suis resté au camp d'Ormaska

20 pendant 55 jours.

21 Question: Où avez-vous eu l'occasion de le voir? Est-ce que vous l'avez

22 vu à un endroit très précis?

23 Réponse: Souvent, il se promenait, il circulait, il se rendait -comme

24 je l'ai dit- souvent au bâtiment administratif. J'ai eu l'occasion

25 également de le voir dépasser et monter l'escalier; il y avait une cage

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1 d'escalier, puis il montait à l'étage, là où se trouvaient des gens qui

2 interrogeaient, qui procédaient aux interrogatoires.

3 Question: Connaissiez-vous une personne qui s'appelait Muharem

4 Murselovic?

5 Réponse: Oui c'était un hôtelier. Il travaillait dans l'hôtellerie à

6 Prijedor.

7 Question: Pouvez-vous nous dire de quelle appartenance ethnique était-

8 il?

9 Réponse: Il était albanais.

10 Question: Il a été arrêté ensemble, avec vous?

11 Réponse: Oui, il était ensemble avec nous dans le camp d'Omarska.

12 Question: Avez-vous vu si on le frappait?

13 Réponse: Oui. Au cours d'une journée, je me souviens: il y avait un

14 commandant Zeljaja qui s'est rendu en visite du camp d'Omarska; ce jour-

15 là, les gardes ne sont pas partis déjeuner; nous avons été dans la cantine

16 et puis il y a des haricots qui ont été versés par terre; et si quelqu'un

17 glissait et tombait, on savait très bien ce qui pouvait lui arriver. Je me

18 souviens que lui, il a couru, il a glissé, il est tombé et les gardes

19 l'ont frappé. Il y avait donc cette cage d'escalier et à la porte se

20 trouvaient Krkan, Mijo Milic, l'inspecteur, et tout le monde riait en

21 voyant ce qu'il se passait avec lui, avec nous.

22 Question: Est-ce que quelqu'un de ces personnes -et notamment Krkan-

23 éventuellement avait intervenu dans le but d'arrêter ces événements et

24 d'arrêter les gardes?

25 Réponse: Non, absolument pas. Personne n'a rien essayé. Ils riaient

Page 4409

1 tout simplement. Il y avait quelqu'un qui était à côté et qui travaillait

2 à la station de radio. Il était très peu occupé et il a dit: "Pourquoi

3 véritablement quelqu'un ose vous frapper ici?". Il a été soi-disant

4 surpris; tout au moins, il avait l'air d'être surpris

5 Question: Est-ce que vous-même, vous avez appris si –éventuellement- un

6 des gardes avait été sanctionné de se comporter de cette manière-là?

7 Réponse: Non, ils n'ont jamais été sanctionnés. Ils nous pillaient, ils

8 nous prenaient de l'or, les montres, ils nous frappaient, ils nous

9 passaient à tabac; personne ne l'empêchait. Au contraire, il y en avait

10 qui les incitait pour qu'ils le fassent.

11 Question: Monsieur le Témoin AN, pendant votre détention dans cet

12 endroit appelé Pista, avez-vous vu la personne qui répondait au nom de

13 Safet Ramadanovic.

14 Réponse: Oui, c'était une personne de 70 ans, un hôtelier de Prijedor

15 qui avait ses propres installations qui étaient intitulées "Rudar".

16 C'était un café-bar.

17 Question: Avez-vous vu qu'on le frappait, qu'il était maltraité pendant

18 qu'il était au camp?

19 Réponse: Oui. Les gardes, une fois quand il a été interrogé, les gardes

20 ont continué à le frapper. Lui, il disait: "Enfants, moi je n'ai pas

21 d'argent et je ne me suis pas mêlé dans politique". Alors, on a continué

22 le frapper et cet homme qui avait 70 ans, il allait à la selle sur place,

23 et puis les gardes sont venus pour le sortir de la Pista. C'était les deux

24 gardes qui l'ont frappé et l'ont passé à tabac comme cela.

25 Question: Avez-vous pu reconnaître quelqu'un de ces gardes?

Page 4410

1 Réponse: Non. Je n'ai pas reconnu les gardes car on n'a pas osé

2 tellement regarder de ce côté là.

3 Question: Est-ce que, plus tard, vous avez appris ce qu'il s'est passé

4 avec Safet Ramadanovic?

5 Réponse: Son surnom était "Cifut". Au bout de trois jours Esad est

6 décédé des conséquences du passage à tabac, trois jours plus tard à la

7 sortie de cette pièce où il a été mis.

8 Question: Mais comment l'avez-vous appris? Est-ce que avez vu son corps?

9 Réponse: Non, mais c'est Esad Sehic qui s'est occupé de lui. Safet est

10 décédé et son ami l'a sorti sur le pré, à côté de la maison, de la "maison

11 blanche".

12 Question: Vous l'avez appris trois jours plus tard, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Au moment où on vous a relâché du camp ou plutôt, quand est-ce

15 que vous avez été relâché?

16 Réponse: Le 6 août entre 3 heures et 5 heures de l'après-midi. On nous

17 a fait monter dans les bus. Nous, on ne savait même pas où on se

18 dirigeait. Ce n'est qu'après un certain temps que nous avons appris qu'on

19 nous conduisait à Manjaca.

20 Question: Vous êtes resté combien de temps à Manjaca?

21 Réponse: Je suis resté cent jours, jour pour jour.

22 Question: Serait-il exact de dire que vous avez été relâché de Manjaca,

23 le 14 novembre 1992?

24 Réponse: Oui, exactement le 14 novembre 1992.

25 Question: Avez-vous quitté la Bosnie après cela et quand? A quel moment?

Page 4411

1 Réponse: J'ai quitté la Bosnie…, d'abord le 14 novembre nous sommes

2 allés de Manjaca au centre de rassemblement dec Karlovac.

3 Question: Qu'avez-vous fait avec votre maison et puis toute la

4 propriété, enfin tout ce que vous possédiez?

5 Réponse: Une fois que j'ai été détenu à Keraterm, les policiers sont

6 arrivés. Ils ont pris le camion et une fois que je suis sorti du camp, ils

7 ont expulsé ma femme, mes enfants. C'est ma femme qui avait rédigé un

8 papier et puis tout ceci est remis aux autorités de la Republika Srpska.

9 Question: Monsieur le Témoin AN, maintenant nous approchons de la fin de

10 votre déposition. J'aimerais vous poser la question suivante: seriez-vous

11 en mesure d'identifier un certain nombre de personnes dont vous avez

12 parlées lors de votre témoignage. Neuf années se sont écoulées depuis ces

13 événements, pourriez-vous identifier la personne qui répond au nom de

14 Zoran Zigic s'il est présent dans le prétoire?

15 Réponse: Je vais essayer, mais il est vrai que beaucoup de temps s'est

16 écoulé.

17 Question: Pouvez-vous me dire où il se trouve, s’il vous plaît? Pouvez-

18 vous, s’il vous plaît, jeter un coup d’œil autour du prétoire et bien

19 regarder et essayer de voir si vous reconnaissez cette personne. Si vous

20 ne pouvez pas voir la personne en question à partir de la place où vous

21 êtes assis, éventuellement avec l'autorisation du Président et des Juges,

22 vous pourriez quelque peu vous pencher en avant pour bien regarder. Vous

23 pouvez même vous lever si c’est indispensable. Merci.

24 Réponse: Je pense que c'est le monsieur qui est là.

25 (Le témoin montre du doigt.)

Page 4412

1 Question: Seriez-vous en mesure, s’il vous plaît, de nous donner la

2 description de ce qu'il porte, de la couleur de son costume?

3 Réponse: Il a une veste bleue. Il a une cravate de plusieurs couleurs,

4 dans les bleus.

5 Question: Pourriez-vous, de manière très exacte s'il vous plaît, nous

6 dire où il est assis? Il y a les deux rangées.

7 Réponse: Ici, au premier rang.

8 Question: Et quel endroit, s'il vous plaît? Quelle place exactement?

9 Réponse: Au milieu.

10 Question: Par rapport aux gardes de sécurité, pourriez-vous nous dire

11 exactement à quel endroit?

12 Réponse: Il y a d'abord la porte, ensuite le garde de sécurité, ensuite

13 Zigic.

14 Question: Pour la transcription, je vais demander qu’on prenne note que

15 le témoin a identifié l'accusé Zoran Zigic. Merci, Monsieur le Témoin. Et

16 vous avez parlé d'une autre personne répondant au surnom de Krkan?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Pourriez-vous maintenant identifier la personne en question si

19 vous la voyez?

20 Réponse: C'est la personne qui a une cravate noire, qui a un costume

21 bleu et qui est dans la dernière rangée, le dernier rang à côté du

22 policier, donc au dernier rang.

23 Question: Vous regardez dans une direction et vous voyez la porte.

24 Pourriez-vous nous dire maintenant à quel endroit exactement la personne

25 en question se trouve par rapport à la porte?

Page 4413

1 Réponse: Il y a d'abord la porte, ensuite il y a l'officier de sécurité

2 et ensuite Krkan.

3 Question: Je vais demander qu’on prenne note dans la transcription que

4 le témoin a identifié l'accusé Krkan. Je demande l'autorisation de la

5 Chambre, pardon, avec l'autorisation de la Chambre, je vais demander

6 également que les accusés regardent droit, notamment au moment où le

7 témoin essaie de les identifier. Qu'ils ne penchent pas la tête mais

8 qu'ils regardent devant, la tête haute. Merci, Monsieur le Président.

9 M. le Président: Si le Procureur demande une autre identification, si

10 c’est possible, les accusés peuvent enlever leurs écouteurs.

11 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Monsieur le Témoin AN, au cours de votre déposition, vous avez parlé de la

13 personne répondant au nom de Drago Prcac.

14 Témoin AN (interprétation): Oui.

15 Question: Neuf ans se sont écoulés bien sûr, mais êtes-vous en mesure de

16 l'identifier aujourd’hui dans ce prétoire?

17 Réponse: Aujourd'hui, je ne le vois pas ici. C'était un homme qui était

18 d'âge moyen. Il n'était plus tout à fait jeune et je ne le vois pas ici

19 aujourd'hui.

20 Question: Merci.

21 Monsieur le Témoin, pour en finir avec votre déposition, je vous demande

22 si vous pouvez dire aux Juges, si vous avez subi des séquelles physiques

23 ou psychologiques des souffrances que vous avez vécues dans le camp de

24 Keraterm, Omarska et Manjaca.

25 Réponse: A Omarska, ils ont tué trois de mes cousins et un autre membre

Page 4414

1 de ma famille. Tout cela, psychiquement, c'est très dur. Et il n'y a pas

2 un mal qu'ils n’aient pas commis à Keraterm et à Manjaca. A Omarska,

3 c’était différent, leur comportement était plus humain.

4 M. Waidyaratne (interprétation): Merci Monsieur le Président, c’est la fin

5 de mon interrogatoire principal.

6 M. le Président: Merci beaucoup, Monsieur Waidyaratne. C'est le moment

7 opportun pour faire la pause. On va faire la pause d'une demi-heure et

8 après on va revenir, mais avant je demanderai à l'huissier de baisser les

9 rideaux et de faire sortir le témoin avant nous.

10 (L'huissier s'exécute.)

11 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

12 (Questions relatives à la procédure.)

13 M. Keegan (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

14 La question s'est posée hier. Au moment d'une identification dans le

15 prétoire et nous disons que des problèmes de même nature ont surgi

16 aujourd'hui. Manifestement, neuf ans se sont écoulés depuis que les

17 accusés étaient dans les camps. Certains des accusés, malgré les

18 instructions des Juges, continuent à garder leurs écouteurs sur la tête et

19 M. Prcac, en outre, a gardé la tête baissée pendant toute

20 l'identification. Il a gardé ses lunettes sur le nez et il n'a pas fait la

21 moindre tentative pour faciliter le travail d’identification. Nous

22 demandons une ordonnance de la Cour. Au moment des identifications, nous

23 demandons que les Juges exigent des accusés qu’ils gardent la tête haute

24 pendant toute la durée de l'identification, qu'ils enlèvent les lunettes

25 s’il ne les portaient pas à l'époque et qu’ils contribuent donc à une

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1 meilleure identification.

2 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je ne voudrais pas

3 entrer dans une polémique. Jusqu’à aujourd’hui, il n'a jamais été question

4 du fait que les accusés devraient retirer leurs écouteurs au moment de

5 l’identification et de regarder dans telle ou telle direction. Donc les

6 accusés n’ont rien fait volontairement. S’ils écrivent, ils ont la tête

7 baissée et s’ils regardent, ils regardent autour d’eux.

8 S'il est décidé aujourd’hui que les accusés doivent regarder dans une

9 certaine direction et enlever leurs écouteurs, ils le feront à partir

10 d’aujourd’hui. Mais jusqu’à présent, cela n’a pas été mentionné. Donc tout

11 à fait d’accord pour une règle à appliquer à partir d’aujourd’hui, mais

12 j'explique cela pour justifier la raison de ce qu'il vient de se passer.

13 M. le Président: Nous sommes tous des professionnels et nous avons

14 toujours des risques. C'est toujours un peu difficile, on doit quand même

15 voir bien les conditions. C'est très difficile de demander d’identifier un

16 accusé quand on a seulement un accusé par exemple. Ici, on a cinq

17 personnes mais il y a toujours une possibilité d'erreur comme vous savez.

18 C'est vrai qu'on doit créer certaines conditions. On doit maintenir un

19 critère. Je crois que c'est bien. Voilà, si le témoin a vu un accusé avec

20 des lunettes; peut-être qu'avoir des lunettes, c'est important.

21 S'il l'a connu sans lunettes, c'est important,. Mais ce n'est peut-être

22 pas le détail qui intéresse. Je crois que je vais demander aux accusés

23 cette coopération. Vous savez que c'est très compliqué souvent de faire la

24 justice. Mais, de toute façon, je crois qu'il faudrait avoir des

25 conditions; peut-être qu'il y a une autre condition qu'il faudrait

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1 demander aux accusés: c'était de se lever. Quand même, la personne est un

2 peu cassée derrière une table. Donc, si possible, nous aimerions bien

3 avoir votre coopération. Vous savez qu'une telle situation est toujours

4 difficile et compliquée. Mais si vous enlevez vos écouteurs, si vous levez

5 vos têtes et éventuellement -je ne sais pas si c'est beaucoup vous

6 demander- si vous vous levez, à ce moment, nous serions très

7 reconnaissants de votre coopération. Nous allons voir.

8 Je crois donc, je ne sais pas mais je crois qu'il y a quelque… Maître

9 Fila?

10 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, le Procureur demande

11 toujours au témoin s'il reconnaît telle ou telle personne –Krkan, par

12 exemple- dans le prétoire? Et le témoin, à ce moment-là, regarde toutes

13 les personnes présentes dans le prétoire. Si on faisait mettre debout les

14 cinq hommes qui sont là, ce serait beaucoup plus facile. Je suis tout à

15 fait d'accord qu'on leur demande d'enlever les écouteurs, qu'on leur

16 demande de regarder droit devant eux -ce qu'a demandé M. Waidyaratne-,

17 mais c'est tout de même trop leur demander que de leur demander de fixer

18 le témoin tout le temps et de ne pas écrire un mot sur les papiers qu'ils

19 ont devant eux. Ce serait vraiment trop.

20 M. le Président: Maître Stojanovic?

21 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de

22 m'excuser. J'ai proposé un jour que les accusés se lèvent pour que

23 l'identification soit plus facile et ceci a été rejeté. En dépit de tout

24 cela, je continue à penser que ce serait le moyen sans doute le plus

25 facile pour une bonne identification.

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1 Mais, puisque la Chambre souhaite qu'il y ait cohérence dans ses

2 décisions, je rappelle simplement que cette proposition que j'avais faite

3 a été rejetée par la Chambre. Merci.

4 M. le Président: Je ne sais pas s'il y a un ordre d'intervention, mais

5 j'ai vu Me O'Sullivan se lever en premier lieu. Je lui laisse la parole.

6 M. O'Sullivan (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Très

7 rapidement.

8 Nous faisons objection à une quelconque procédure selon laquelle les cinq

9 accusés devraient être distingués des autres personnes présentes dans le

10 prétoire, qu'il s'agisse de se lever, d'enlever les écouteurs ou de

11 quelque autre moyen de distinction. Nous disons que c'est un préjudice

12 contre eux.

13 M. le Président: Une chose: tout dépend de la façon dont la question est

14 posée. Si une partie demande: "Voyez-vous ici, dans le prétoire, cette

15 personne?", si on demande aux personnes de se lever, on voit

16 immédiatement. Mais si la réponse est: "Oui, je vois". "Où?" et qu'elle

17 indique une certaine position, là, oui peut-être. Il faut bien voir cette

18 personne. Donc cela dépend, je crois, de la façon dont la question est

19 posée.

20 Et donc, oui, je suis d'accord que, si quelqu'un demain… "Vous voyez une

21 personne dans le prétoire?", vous voyez cette personne dans le prétoire.

22 Les personnes se lèvent: cela induit le résultat. Mais, après que la

23 personne dit: "Oui, je vois" et pointe dans la direction; là, oui, peut-

24 être qu'il faut bien voir.

25 Mais peut-être devons-nous tous réfléchir à cette question. Je crois que

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1 c'est toujours compliqué; comme le vous savez, la reconnaissance, même

2 dans l'investigation, c'est toujours très compliqué. Très compliqué. Je ne

3 vais pas entrer dans le détail car, notamment, il y a des préjudices qui

4 peuvent fonctionner dans la reconnaissance. Je ne vais pas vous expliquer

5 cela. De toute façon, je sais que c'est compliqué; nous savons que c'est

6 toujours compliqué. C'est pour cela qu'on doit admettre toutes ces

7 diligences et toutes ces démarches avec précaution.

8 Maître Simic, excusez-moi.

9 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je serai très bref.

10 Je soutiens absolument ce qui vient d'être dit, mais j'ajouterai que tous

11 les témoins ont vu les accusés dans des circonscriptions dans des

12 circonstances particulières, lorsqu'ils passaient à tel ou tel endroit,

13 qu'ils portaient des papiers à la main, etc. Donc, je pense qu'il serait

14 tout à fait acceptable qu'ils essaient de les reconnaître dans des

15 circonstances normales.

16 Car la circonstance dans la réalité était une circonstance particulière

17 dans laquelle ces hommes ont été vus. Je pense donc qu'il serait

18 préférable que les témoins les voient en train d'avoir une occupation,

19 dans une situation plus similaire à la réalité, dans laquelle ils les ont

20 vus auparavant, ce qui permettrait éventuellement de les reconnaître.

21 M. le Président: Vous voulez dire quelque chose, Maître Fila?

22 M. Fila (interprétation): Je suis tout à fait d'accord sur le fait que,

23 lorsque le témoin procède à l'identification, la personne peut se lever de

24 façon à être mieux vue. Je soutiens donc votre proposition.

25 Le témoin a reconnu Krkan malgré les écouteurs, malgré ceci ou cela. Cela

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1 ne l'a donc pas dérangé et je n'ai pas remarqué qu'à ce moment-là, Krkan

2 le regardait fixement dans les yeux. Donc, si quelqu'un reconnaît

3 quelqu'un, il le reconnaîtra quelles que soient les circonstances.

4 Pourquoi procéder autrement? Il a dit qu'il avait vu Prcac deux fois: une

5 fois à son arrivée et une deuxième fois. Autrement, il ne l'a jamais vu de

6 sa vie. Je ne vois donc pas où est le problème.

7 M. le Président: Seulement Maître Keegan, pour terminer.

8 M. Keegan (interprétation): Monsieur le Président, je suis d'accord avec

9 pas mal de ces commentaires. Evidemment, la fréquence des rencontres

10 influe sur l'identification. Hier, par exemple, le témoin a dit qu'il

11 connaissait la personne en question depuis deux ou trois ans; dans ce cas-

12 là, l'identification est logique.

13 Mais ici, il y a quelque chose qui me dérange, que j'ai remarqué hier

14 aussi. Si le témoin ne connaît la personne qu'il cherche à identifier

15 qu'en l'ayant vue quelques rares fois, il faut qu'il y ait une bonne

16 possibilité donnée au témoin de regarder le visage de la personne qu'il

17 essaie d'identifier. Si la personne en question garde le visage penché sur

18 son bureau pendant toute la durée de l'identification, il est impossible

19 au témoin de bien le regarder.

20 Je n'ai pas soulevé ce point jusqu'à présent car, évidemment, cela est lié

21 automatiquement à la question de la validité de l'identification. C'est

22 tout de même une question qui se pose. Nous ne sommes pas ici non plus en

23 train de parler d'un cambriolage ou d'un hold-up avec quelqu'un qui arrive

24 dans la rue et qui s'enfuit en courant. Ces hommes ont admis avoir été

25 présents dans le camp. Les accusés sont les seuls qui sont entourés de

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1 responsables de sécurité armés. Quand on demande au témoin de regarder

2 dans le prétoire, il ne va pas regarder du côté des avocats, du Procureur

3 ou des Juges pour voir s'il y trouve les accusés. Il y a tout de même des

4 éléments concrets qui rendent évident l'emplacement des accusés dans le

5 prétoire.

6 Il faut se rappeler que neuf ans se sont écoulés; il est donc raisonnable

7 -me semble-t-il- de donner au témoin une bonne possibilité de procéder à

8 cette identification. Si quelqu'un est un peu hésitant par rapport à

9 l'identification, il le fera savoir, mais il faut donner une meilleure

10 possibilité au témoin. Bien sûr, il ne faut pas qu'il y ait de préjudice

11 contre l'accusé, mais il serait normal de demander aux accusés de regarder

12 le témoin quand l'identification arrive et d'enlever leurs lunettes -car,

13 souvent, ils n'avaient pas de lunettes à l'époque- de façon à ce que le

14 témoin ait au moins une chance raisonnable de reconnaissance.

15 M. le Président: On va finir cette discussion. Nous allons y réfléchir. De

16 toute façon, comme vous le savez, il y a toujours des risques, par

17 exemple, de demander à un témoin de se déplacer dans le prétoire. Vous

18 savez que la communication de l'espace est plus puissante que la

19 communication des mots. Souvent, il y a des choses qu'il faut laisser

20 spontanément et voir, observer la spontanéité; et ne pas créer des

21 conditions pour aboutir à ce résultat: car là on peut induire, ou non.

22 Je crois que cette démarche est un peu délicate. Il faut bien tenir compte

23 de cela. C'est cela qu'au moins, nous sommes ici pour observer et pour

24 voir. Comme je vous ai dit, ici, la communication non verbale -notamment

25 l'espace- est plus puissante que les mots. Il faut bien tenir compte de

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1 cela.

2 Pour le moment, je crois qu'on doit faire la pause d'une demi-heure. On

3 maintient après avoir débattu de cela. Mais peut-être que chaque situation

4 est une situation particulière: peut-être que définir une règle générale

5 ne sera bien la bonne solution. Dans les conditions, on verra peut-être.

6 Mais on peut avoir des principes, au moins des précautions.

7 Une demi-heure de pause.

8 (La séance, suspendue à 11 heures 22, est reprise à 12 heures.)

9 M. le Président: Maintenant, Maître Keegan, s'il vous plaît.

10 M. Keegan (interprétation): Excusez-moi, je reprends la parole pour la

11 deuxième fois mais, pendant la pause, j'ai entendu quelque chose. Mais

12 pouvons-nous passer à huis clos partiel, s'il vous plaît?

13 (L'audience passe à huis clos partiel.)

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25 (L'audience redevient publique avec des mesures de protection.)

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1 Oui, nous y sommes déjà, Maître Krstan Simic, excusez-moi vraiment.

2 M. K. Simic (interprétation): Merci. Les personnes qui se sont chargées de

3 vous quand vous avez quitté Bato Kovacevic, où vous ont-ils emmené

4 exactement?

5 Témoin AN (interprétation): Bato nous a laissé au SUP à Prijedor, alors

6 que le policier qui a escorté le bus nous a fait monter en bus. Il nous a

7 d'abord emmené à Keraterm et ensuite à Omarska.

8 Question: Et à Omarska qui s’est chargé de vous?

9 Réponse: Il y avait quelques gardes, nous avons parlé avec Delic,

10 quelqu’un qui a travaillé à Gunja(?) et il a dit aux gardes de nous

11 emmener dans la chambre n°15 et comme il travaille dans la localité

12 municipale, il nous connaissait, donc il a dit qu'il fallait qu'on nous

13 conduise jusqu’à la chambre n°15.

14 Question: Par conséquent, vous êtes allé à la Chambre n°15, vous avez

15 été escorté par les gardes et il n’y avait personne d'autre?

16 Réponse: Oui, j’ai été conduit à la chambre n°15, dans la pièce n°15.

17 Question: Vous avez parlé de l'interrogatoire auquel on a procédé à

18 Omarska, vous avez dit qu'à ce moment-là, un des enquêteurs d'une façon

19 pas tout à fait directe, avait ordonné à la personne qui était de la

20 sécurité de commencer à vous frapper, est-ce exact?

21 Réponse: Oui, il a émis l'ordre à un jeune homme qui portait l’uniforme

22 de police que je me couche sous forme de carré.

23 Question: Vous connaissiez cet homme?

24 Réponse: Oui, je le connaissais, il s’appelait Mirko.

25 Question: Au moment où l'interrogatoire a pris fin, vous-même, vous avez

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1 dit que dans le couloir vous avez été passé à tabac par les gardes, par la

2 sécurité?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que quelqu'un a donné l'ordre?

5 Réponse: Je ne sais pas. Le jeune homme qui était en uniforme de police

6 était présent et ceux qui m'ont passé à tabac portaient des uniformes de

7 camouflage militaires.

8 Question: Donc, il s'agissait bien de soldats?

9 Réponse: Oui, mais ils portaient des uniformes militaires.

10 Question: Y avait-il des membres de la police?

11 Réponse: Il y avait cet homme qui s'appelait Prcac Zeljko; il portait

12 un uniforme de police.

13 Question: Seulement lui?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Lors de cet événement où vous avez mentionné qu'on vous a fait

16 sortir sur la Pista, c'est là que vous avez séjourné pendant un certain

17 temps?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Qui a donné l'ordre qu'on vous fasse sortir sur la Pista et

20 non pas qu'on vous remette dans la chambre n°15?

21 Réponse: Eh bien, c'était l'interrogateur qui a dit: "Sortez-le sur la

22 Pista!" C'est là que je suis resté pendant tout mon séjour.

23 Question: Vous avez séjourné sur la Pista; vous y avez passé une

24 trentaine de jours?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Vous avez pu apercevoir les gardiens?

2 Réponse: Oui.

3 Question: En fait, c'étaient des policiers de réserve ou des policiers

4 d'active?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Parmi ces gens, ces membres de la réserve, de la police de

7 réserve, est-ce que vous avez vu s'ils portaient des téléphones mobiles,

8 s'ils avaient un système de talkie-walkie?

9 Réponse: Non, je n'ai pas aperçu ce genre de choses.

10 Question: Est-ce que vous avez vu si M. Ckalja, que vous avez mentionné

11 également, portait ou était muni d'un téléphone mobile ou de ce genre?

12 Réponse: Non, je n'ai pas vu ce genre de chose.

13 Question: Est-ce qu'on pourrait être d'accord pour dire que personne des

14 membres qui étaient là, ni la police ni les gardiens, n'avait pas

15 téléphone portable?

16 Réponse: Non, je n'ai absolument pas vu de téléphone portable sur

17 aucune de ces personnes, pendant tout mon séjour à Omarska.

18 Question: Lors de votre témoignage, vous avez parlé du fait que

19 certaines personnes vous auraient dit que M. Kvocka était le commandant?

20 Quelque chose de ce genre-là?

21 Réponse: Oui, lorsque je suis arrivé sur la Pista, j'ai vu des voisins

22 et mon beau-frère également; et c'est eux qui me l'ont dit.

23 Question: Merci.

24 Réponse: Il n'y a pas de quoi.

25 Question: Vous avez également mentionné que Kvocka est resté un certain

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1 temps à Omarska: est-ce que, pendant ce laps de temps, vous avez pu

2 remarquer s'il avait emmené certains paquets?

3 Réponse: Après mon arrivée à Omarska, Kvocka -je ne sais pas quel est

4 son prénom- mais il est vrai qu'il apportait certains colis, il portait un

5 uniforme de camouflage -qui lui faisait très (?) d'ailleurs- et il portait

6 un fusil à pompe. Il arrivait en Mercedes, il ouvrait le coffre arrière et

7 il appelait les gens -des Musulmans- et il emmenait des paquets à Omarska;

8 il est vrai. Il portait également des mitaines.

9 Question: Vous vous êtes entretenu avec les enquêteurs du Bureau du

10 Procureur?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Je ne vais pas vous montrer ce document; nous savons que vous

13 avez donné des déclarations: ce n'est donc pas nécessaire. Mais vous avez

14 mentionné, lors de cette entrevue, qu'il avait apporté de la nourriture à

15 "Braca" Burazorovic, à Ahmet Sadikovic, à Aziz Maksuti, à Ismet Ajkic, à

16 Bajram Zgoc et à plusieurs autres personnes?

17 Réponse: Oui, oui. Il est vrai sauf que, malheureusement, ces personnes

18 ne sont plus là.

19 Question: Dans votre déposition, vous avez parlé d'une personne appelée

20 Zeljko Meakic?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Est-ce que vous connaissez cette personne?

23 Réponse: Oui. Comme je vous l'ai déjà dit, lorsque j'étais là, Meho

24 Mahmutovic, le policier de Prijedor qui était également sur la Pista, cet

25 homme est arrivé -je ne le connaissais pas- et Meho m'a dit: "Regarde!

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1 Drago est là aussi!"

2 Question: Je vous ai parlé de Zeljko Meakic.

3 Réponse: Ah! Zeljko Meakic. Oui, il était là également. Le commandant,

4 oui, absolument oui.

5 Question: Mais lors de votre séjour, avez-vous pu faire sa connaissance?

6 Réponse: Non, je n'ai pas fait sa connaissance personnelle. Lors de mon

7 séjour, je n'avais pas de contact avec lui. Je n'ai pas eu d'occasions.

8 Question: Je suis désolé. Je me suis mal exprimé: est-ce que vous avez

9 pu savoir qui il était? est-ce que vous le voyiez?

10 Réponse: Oui, je le voyais tous les jours. Il était présent. On m'a dit

11 qu'il était le commandant du camp d'Omarska.

12 Question: Est-ce que vous l'avez vu immédiatement après votre arrivée au

13 camp?

14 Réponse: Oui. Peut-être pas immédiatement après, mais peu de temps

15 après mon arrivée, j'ai pu voir cet homme que les gens connaissaient déjà

16 d'auparavant, qui avait été un policier d'active et qui s'appelait Zeljko

17 Meakic.

18 Question: Donc les gens vous ont dit qu'il était le commandant?

19 Réponse: Oui, le commandant.

20 Question: Merci. Je n'ai plus d'autre question.

21 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Krstan Simic. Je crois que

22 maintenant que c'est à Me Fila? Maître Jovanovic?

23 (Contre-interrogatoire du Témoin AN par M. Jovanovic.)

24 M. Jovanovic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin AN.

25 Témoin AN (interprétation): Bonjour.

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1 Question: Je m'appelle Zoran Jovanovic. Je suis de Belgrade. Monsieur

2 Toma Fila et moi-même, nous représentons le défendeur Mladjo Radic, appelé

3 Krkan. Je vais donc vous poser quelques questions.

4 Réponse: Très bien.

5 Question: Vous avez décrit, vous avez dit que, vers 7 heures du matin,

6 vous avez aperçu dans cette partie de l'enceinte, tout près du bureau

7 administratif, de l'immeuble administratif, tout près de ce robinet, vous

8 pouviez apercevoir Krkan.

9 Réponse: Oui, et durant le jour aussi.

10 Question: Pourriez-vous m'expliquer, s'il est possible… Pourriez-vous me

11 parler de l'endroit où vous le voyiez?

12 Réponse: Le matin, je sais que, lorsque l'autobus arrivait pour emmener

13 les gardiens lors du changement d'équipes -il y avait certaines personnes

14 qui arrivaient également par tracteurs- ça dépendait de la personne qui se

15 faisait relayer: il y avait Krkan, il y avait Krle, il y avait Ckalja, ça

16 dépendait du changement d'équipe; il y avait alors un certain alignement:

17 ils changeaient d'équipes. Et c'est à ce moment-là qu'ils alignaient leurs

18 soldats. Ils s'organisaient de cette façon-là, devant la porte.

19 Question: Mais vous avez dit que vous avez vu Krkan qui se dirigeait

20 vers l'immeuble administratif?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Une question. Est-ce qu'il prenait les escaliers?

23 Réponse: Oui, les escaliers, parce que moi, j'ai dormi sous les

24 escaliers par la suite, puisque j'ai séjourné sur la Pista. C'est là que

25 nous étions, devant. Par la suite, lorsqu'il montait à l'étage, nous

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1 pouvions l'apercevoir.

2 Question: Est-ce qu'il lui arrivait de rester sur la partie -je crois

3 que vous pouvez même voir cette partie, la verrière- est-ce que qu'il se

4 tenait là debout? Est-ce qu'il s'arrêtait toujours là lorsque Muharem

5 Murselovic avait été battu?

6 Réponse: Donc, ce jour-là, je l'ai vu personnellement: il était là, sur

7 les escaliers et il observait ce qui se passait.

8 Question: Vous parlez de la verrière?

9 Réponse: Oui, oui, oui. La verrière, là.

10 Question: Pourriez-vous m'expliquer alors où se trouvait ce corridor où

11 l’événement a eu lieu, où ce passage à tabac de Murselovic a eu lieu?

12 Réponse: Murselovic a été battu à l’extérieur, à la sortie, il est

13 tombé juste là au tout début de la Pista, juste là en sortant du couloir

14 lorsqu’on revenait de l’interrogatoire, Murselovic est tombé juste là, et

15 les gardiens qui se trouvaient à l’extérieur l’ont battu juste là, ils

16 étaient là, il y avait des interrogateurs et tout le monde regardait à

17 partir de cette verrière.

18 Question: Qui se trouvait là à côté de Krkan? Qui d’autre était à côté

19 de lui?

20 Réponse: Il y avait Mijo Milic, l’inspecteur, il y avait Bijelic, je ne

21 connais pas son prénom, il était enseignant à Banja Luka, il y avait

22 également Lakic, un inspecteur, et il y avait également d’autres personnes

23 mais je ne pourrais pas vous préciser, vous donner plus de détails là-

24 dessus. Les gens que j’ai énumérés étaient des gens que je connaissais.

25 Question: Où vous trouviez-vous?

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1 Réponse: Je me trouvais sur la Pista.

2 Question: Est-ce que vous, personnellement, avez pris part à cet

3 incident, c’est-à-dire lorsque l’incident où Murselovic a été battu?

4 Réponse: Eh bien, on a tous reçu des coups ce jour-là, il y avait des

5 policiers qui nous ont battu, nous avons tous été battus lorsqu'on

6 revenait du réfectoire.

7 Question: Vous avez dit que quelque chose avait été renversé, c'était

8 où?

9 Réponse: C’était en sortant du réfectoire; tout en sortant, il y a une

10 courbe où on doit sortir à l'extérieur car vous pouvez monter à l’étage,

11 nous dans la courbe juste avant la sortie, juste avant de pénétrer,

12 d’arriver sur la Pista.

13 Question: Vous voulez dire dans le couloir?

14 Réponse: Oui, c'était dans le couloir, juste tout près de la sortie.

15 Question: Donc, ces personnes vous les avez vues debout à l'étage?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Donc cela, c’était après que vous ayez passé un certain temps

18 dehors?

19 Réponse: Oui, nous sommes revenus du réfectoire puisqu’ils étaient sur

20 la Pista, ils étaient là, ils regardaient, ils riaient, ils observaient ce

21 qu’il se passait avec Murselovic. Je ne le connaissais pas mais les autres

22 qui le connaissaient m’ont dit: "Voilà, c’était le commandant Zeljaja,

23 militaire actif". Il était là, c’était un homme que je ne connaissais pas.

24 Question: Puisque je vois que vous connaissez les noms des inspecteurs,

25 vous avez énuméré certains noms?

Page 4440

1 Réponse: Oui, je connais tous ces noms,.

2 Question: Mais savez-vous quelle était la relation entre les inspecteurs

3 et les gardiens, quel était le supérieur hiérarchique, quelle était la

4 hiérarchie qui existait entre eux?

5 Réponse: Je ne peux pas vous le dire. J’ai travaillé à Prijedor,

6 c’était des professeurs de mes enfants, et même j’en connaissais certains

7 sur une base privée. Et je suis né dans cette ville et j’y ai passé 40

8 ans.

9 Question: Merci.

10 Réponse: Il n’y a pas de quoi.

11 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Jovanovic.

12 Maître Stojanovic?

13 (Contre-interrogatoire du Témoin AN par M. Stojanovic.)

14 M. Stojanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 Monsieur le Témoin, je m’appelle Stojan Stojanovic, avocat de Belgrade, à

16 ma droite se trouve Simo Tosic, avocat de Banja Luka et nous représentons

17 M. Zoran Zigic.

18 Témoin AN (interprétation): Oui, allez-y.

19 Question: Nous aimerions vous poser quelques questions. Nous avons

20 entendu dire que vous avez appris le nom de Zoran Zigic au camp, le

21 connaissiez-vous d'avant?

22 Réponse: J’ai fait du transport pendant vingt ans dans la ville et M.

23 Zigic et les autres chauffeurs de taxi étaient là. Il y avait aussi un

24 autre collègue qui était avec moi et qui m’a dit qu’il était là et ce M.

25 Zigic avait une tendance de bouleverser la paix et, quelques années avant

Page 4441

1 la guerre, il avait tué un homme. C'était écrit dans nos journaux ça, on

2 pouvait l'entendre même à la Radio de Prijedor. Donc, cette personne

3 n'était pas une personne inconnue.

4 M. le Président: Témoin, excusez-moi de vous interrompre. Répondez

5 directement aux questions que l'avocat vous pose. Et peut-être que vous

6 pouvez ajuster vos écouteurs. Vous voyez? Pouvez-vous me regarder? Vous

7 pouvez mettre vos écouteurs comme ça, c'est plus confortable peut-être

8 pour vous. Très bien. Excusez-moi. Merci beaucoup. Vous pouvez continuer..

9 M. Stojanovic (interprétation): Excusez-moi, je ne voulais vraiment pas

10 poser cette question, mais vous m'avez un peu provoqué si vous me

11 permettez de dire cela: est-ce que c'était contre les Serbes ou les

12 Musulmans? Est-ce qu'il y avait…

13 Témoin AN (interprétation): Je n'ai absolument rien contre les Serbes.

14 Question: Non. Vous voulez dire: M. Zigic?

15 Réponse: Vous allez devoir lui poser cette question à lui. Je ne

16 pourrais vraiment pas vous le dire.

17 Question: Bon, très bien. Nous allons nous en tenir simplement à votre

18 témoignage. Vous avez dit qu'il était chauffeur de taxi à Prijedor?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Est-ce que vous avez connaissance de l'allure de son véhicule?

21 Un véhicule de quelle marque?

22 Réponse: Je crois que c'était un PZ et la couleur était couleur un peu

23 café; c'était une couleur de ce genre-là.

24 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de précision

25 s'agissant de la période à laquelle il a agi en tant que chauffeur de

Page 4442

1 taxi? Vous n'êtes pas obligé de me donner les mois exacts.

2 Réponse: Eh bien, c'était avant la guerre. Vous savez, je ne m'étais

3 pas particulièrement intéressé à lui avant la guerre, mais bon, il

4 conduisait un taxi, mais -maintenant- pendant combien de temps, je ne

5 pourrais vraiment pas vous le dire.

6 Question: Mais est-ce que c'était juste avant la guerre? En fait,

7 l'année qui a précédé le début de la guerre. Est-ce que c'était à ce

8 moment-là qu'il a travaillé en tant que chauffeur de taxi?

9 Réponse: Je sais seulement qu'il était chauffeur de taxi avant la

10 guerre, mais maintenant pendant combien de temps, je ne sais pas.

11 Question: Mais savez-vous à quel moment l'avez-vous vu pour la dernière

12 fois avant le début de la guerre?

13 Réponse: Je ne pourrai pas vous donner plus de précision. La dernière

14 fois que je l'ai vu, c'était à Keraterm. C'est là que je l'ai vu la

15 dernière fois.

16 Question: Vous avez décrit d'une certaine façon l'uniforme que portait

17 M. Zigic à Keraterm. Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions

18 concernant son apparence physique?

19 Réponse: Oui. Eh bien, il était un peu plus mince. Il était mince.

20 C'était un homme mince qui portait un uniforme de camouflage vert olive.

21 Il portait un couvre-chef. Il était très souvent en état d'ébriété.

22 Question: Quelle était la couleur de ses cheveux?

23 Réponse: Eh bien, je sais qu'il avait un couvre-chef, donc je n'ai pas

24 pu apercevoir la couleur de ses cheveux; mais j'ai vu qu'à Keraterm il

25 portait un béret rouge.

Page 4443

1 Question: Mais avez-vous remarqué sil portait des boucles d'oreille?

2 Réponse: Non, ça, je ne l'ai pas remarqué.

3 Question: Est-ce que vous avez aperçu sur son visage quelque cicatrice

4 que ce soit?

5 Réponse: Oui, il avait une cicactrice juste là sur le visage, au-dessus

6 du menton, là.

7 M. le Président: Il faut peut-être décrire le geste. C'est important pour

8 vous. Je crois savoir quelle est la cicatrice que le témoin a vu. Le

9 témoin a fait un geste, peut-être qu'il faut le décrire; sinon on ne le

10 sait pas pour le compte rendu.

11 M. Stojanovic (interprétation): Merci beaucoup Monsieur le Président. donc

12 la question et la suivante ou se trouvait là.

13 Témoin AN (interprétation): Juste là.

14 Question: Mais pourriez-vous le dire puisque le compte rendu d'audience

15 est pris par écrit. Est-ce que c'était sous le menton?

16 Réponse: C'était juste ici, sous la lèvre, sur le menton même.

17 Question: Merci. Maintenant, est-ce que vous avez remarqué s'il portait

18 des pansements sur son corps?

19 Réponse: Eh bien, après son arrivée à Keraterm, il ne portait pas de

20 pansement; il portait un uniforme et je n'ai pas remarqué s'il avait

21 quelque pansement que ce soit.

22 Question: Est-ce que cette cicatrice sous le menton, vous est-il arrivé

23 de l'apercevoir avant la guerre?

24 Réponse: Eh bien, cet homme ne m'intéressait pas particulièrement. Je

25 n'étais jamais monté à bord de son taxi, donc je n'ai pas remarqué.

Page 4444

1 Question: Aujourd'hui, vous nous avez parlé d'un incident impliquant un

2 homme qui s'appelle Zeric. S'agissant du même événement, est-ce que vous

3 avez donné une déclaration au Bureau du Procureur, une déclaration orale,

4 qui avait été prise par la suite par écrit, au début de l'année 1998?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Vous avez même signé cette même déclaration?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Dans cette déclaration, nous lisons -et vous pouvez nous dire

9 si c'est bien la vérité- que Zigic battait M. Zeric avec ses mains et ses

10 pieds?

11 Réponse: Oui, il l'a battu avec les mains et les pieds pendant que

12 l'homme était assis, c'était un jeune homme -il était assez jeune- et il

13 était assis sur le béton.

14 Question: Pourriez-vous nous décrire ces coups portés par les mains?

15 Est-ce que vous pourriez nous les décrire?

16 Réponse: Eh bien, l'homme était assis comme ça. Nous, en fait, on était

17 tous assis par terre, et Zigic se promenait autour. Il était complètement

18 énervé. Il est arrivé –je ne sais pas s'il le connaissait- et puis il a

19 dit: "Tiens, je nique ta mère. C'est toi qui vendais des bombes au

20 marché!" Et il l'a battu avec le coup de pied, juste là. Et il l'a battu

21 comme ça, avec les mains, là, comme ça.

22 Question: Mais je voulais simplement voir avec les… S'agissant des

23 mains, est-ce qu'il s'agissait de gifles? Est-ce que c'était avec des

24 poings fermés? Est-ce que c'était avec la main ouverte?

25 Réponse: Eh bien! je ne sais pas si c'était avec les poings fermés.

Page 4445

1 C'était vraiment avec les mains ouvertes, avec les deux mains.

2 Question: Maintenant, parlons de l'incident dont vous avez parlé,

3 impliquant M. Sistek à la page 9 de cette même déclaration; pour le compte

4 rendu d'audience, dans la version en langue anglaise, il s'agit de la page

5 10. Il y est dit que "Zigic a commencé à le battre avec les mains". Le

6 monsieur s'appelait Sistek. Est-ce que vous pourriez nous décrire avec

7 plus de précision?

8 Réponse: Eh bien! je ne sais pas si je le connaissais un peu avant,

9 parce qu'il avait des chevaux, il était charretier. Donc il est sorti à

10 l'extérieur. Je ne sais pas quelle est la raison pour laquelle il est

11 sorti.

12 Question: Non, non. Je vous demande simplement de nous décrire les

13 choses.

14 Réponse: Il battait Samir. Samir était plus corpulent que Zigic.

15 Question: Non, non. Je suis désolé de vous interrompre. Cela, on l'a

16 déjà entendu. Est-ce que vous l'avez vu, cet événement?

17 Réponse: Oui, oui et Zigic était vraiment surpris de ne pas pouvoir le

18 faire tomber.

19 Question: Mais est-ce que c'était avec des mains ouvertes? Est-ce que

20 c'était avec un poing fermé?

21 Réponse: Eh bien! il le battait avec ses mains; je ne sais pas si

22 c'était avec les poings fermés.

23 Question: Maintenant, vous avez parlé également d'un incident qui

24 impliquait Sikura Ivo?

25 Réponse: Oui.

Page 4446

1 Question: Dans cette déclaration, il est écrit que vous n'avez pas vu

2 l'incident mais vous avez simplement entendu?

3 Réponse: Oui, devant la porte, j'ai entendu ce qui s'est passé. J'ai

4 simplement entendu qu'Ivo suppliait Zigic de ne pas le battre, qu'il

5 n'était pas impliqué dans la politique, qu'il était âgé. Zigic a dit: "Je

6 nique ta mère et tu sais que…"

7 Question: Oui, oui, très bien. Nous l'avons déjà entendu. Par contre, il

8 y a peut-être un détail que nous aimerions savoir: quel était l'âge de cet

9 homme?

10 Réponse: Il avait environ 70 ans.

11 Question: Dans la transcription, il était écrit qu'il avait 75 ans.

12 Réponse: Je ne sais pas exactement quel âge il avait, mais je crois

13 qu'il avait autour de 70 ans.

14 Question: Est-ce que Zigic vous a battu, vous a frappé, vous

15 personnellement, à quelque moment que ce soit?

16 Réponse: Non.

17 Question: Est-ce que Zigic a battu vos frères?

18 Réponse: Non.

19 Question: Combien de frères étiez-vous à Keraterm?

20 Réponse: Il y avait moi-même et encore deux frères, donc nous étions

21 trois. Il y avait également un cousin qui était avec moi et il n'a pas été

22 battu non plus.

23 Question: Mais est-ce que vous avez vu si Zigic a tué quelqu'un, qui que

24 ce soit?

25 Réponse: Pendant mon séjour à Keraterm, non. Ça, je ne l'ai pas vu.

Page 4447

1 Question: Dans votre déclaration écrite, vous avez dit que, lors de

2 votre séjour, 70 personnes ont été relâchées après interrogatoire?

3 Réponse: Oui, c'est vrai. C'étaient des gens qui appartenaient à ma

4 communauté locale et nous avons tous été relâchés avec les papiers

5 nécessaires nous permettant de circuler librement.

6 M. Waidyaratne (interprétation): Maintenant, deux incidents qui sont

7 mentionnés dans cette déclaration. Vous n'en n'avez pas parlé aujourd'hui,

8 j'aimerais avoir quelques explications.

9 M. le Président: Si le témoin n'a pas parlé ici, je crois que vous ne

10 pouvez pas en parler parce que la déclaration n'est pas le témoignage,

11 comme vous le savez. Donc, vous pouvez contre-interroger le témoin à

12 partir de la déclaration sur des objets, des sujets dont le témoin a parlé

13 ici. Donc, s'il n'en a pas parlé, vous ne pouvez pas poser de question.

14 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je peux

15 poser les questions qui sont directement liées aux charges qui se trouvent

16 contre mon client? Indépendamment, bien sûr, de …

17 M. le Président: Je crois qu'il y a une confusion. Cette déclaration que

18 vous avez, n'est pas un témoignage. Du point de vue technique. Son seul

19 témoignage, c'est ce que le témoin a dit ici. Et donc le contre-

20 interrogatoire est fait sur la base, à partir de ce qu'il a dit,

21 éventuellement avec une information que vous avez. Mais si le témoin a

22 parlé, si le témoin a témoigné. Nous avons beaucoup discuté de cette

23 question; vous vous rappelez: c'était Me O'Sullivan qui a pris la position

24 de la défense. Et donc ce qui est important, c'est ce que le témoin dit

25 ici; tout le reste ne sont que des instruments pour y arriver.

Page 4448

1 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, puis-je poser des

2 questions concernant les événements à Keraterm.

3 M. le Président: Vous pouvez poser des questions relatives à l'Acte

4 d'accusation dans le cadre du contre-interrogatoire, c'est-à-dire si le

5 témoin a parlé de cela. Posez la question, on verra.

6 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, je vais poser une

7 question et je vous demanderai d'apporter votre décision, ou j'aimerais

8 que la Chambre en décide.

9 Est-ce que, pendant votre séjour à Keraterm, se trouvait au camp un

10 certain Fajzo Mujkanovic?

11 Témoin AN (interprétation): Oui, ils l'ont emmené, il était emmené avec

12 nous, dans notre pièce.

13 Question: Est-ce qu'un certain M. Duca Knezevic a demandé que l'on

14 apporte cet homme?

15 Réponse: Oui, il l'a trouvé à Keraterm.

16 Question: Pourriez-vous nous expliquer ce qui s'est passé entre ces deux

17 personnes?

18 Réponse: Pejza(?) était avec nous, c'était un homme que nous ne

19 connaissions pas, il était de Kozarac, de Kozarusa. Par la suite, un autre

20 homme est arrivé, que nous ne connaissions pas. Il était tout énervé: "Il

21 l'a cherché, il l'a trouvé!" Il a dit: "Je nique ta mère! Tu as tué Nenad,

22 une tante" et il a voulu l'égorger, et il l'a jeté par terre. Par la

23 suite, peu de temps après, ils ont emmené la femme de Pejza et l'enfant de

24 Pejza. Et il a dit: "Si ça se trouve être vrai, ils vont égorger sa femme

25 et son enfant".

Page 4449

1 Question: Oui, très bien. C'est tout ce que j'avais à poser là-dessus.

2 Je n'aurai qu'une autre question: est-ce que vous avez rencontré à Omarska

3 un certain (expurgé)

4 Réponse: Oui, oui, oui. Il avait été apporté dans la "maison blanche";

5 c'était un homme de Prijedor.

6 Question: Est-ce que qu'il a rencontré ce même homme que nous avons

7 mentionné tout à l'heure?

8 Réponse: Oui, Duca, oui. Duca, c'est probablement lui qui a liquidé cet

9 homme.

10 Question: Est-ce qu'il l'a tué?

11 Réponse: Oui, je crois que oui.

12 Question: De quelle façon le savez-vous?

13 Réponse: Eh bien, nous étions sur la Pista; cet homme était devant la

14 "maison blanche", il l'a frappé. Je ne sais pas si c'était une boule qui

15 est sortie d'une matraque mais, en tout cas, sa tête s'est fendue et cet

16 homme n'y est plus.

17 Question: Est-ce que vous l'avez vu personnellement?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Merci. Juste une autre question: est-ce que vous connaissez un

20 homme qui s'appelle Senad Ferhatovic?

21 Réponse: Senad Ferhatovic de Prijedor, oui. C'est un homme qui est

22 mort.

23 Question: Et Azedin Oklopcic?

24 Réponse: Oui, je le connaissais. C'était un enseignant.

25 Question: Et qu'en est-il d'Abdulah Brkic?

Page 4450

1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce qu'ils étaient avec vous dans des camps?

3 Réponse: Abdulah était avec moi à Manjaca et Omarska. Azedin était à

4 Omarska. Ferhatovic était à Omarska avec moi.

5 Question: Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Monsieur le Président,

6 je n'ai plus d'autres questions. Merci.

7 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Stojanovic. Maître Waidyaratne?

8 (Questions supplémentaires de M. Waidyaratne au Témoin AN.)

9 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, Monsieur le Président, brièvement.

10 Je n'ai que deux questions. Alors, c'est une question qui découle du

11 contre-interrogatoire de M. Jovanovic.

12 Monsieur le Témoin AN, vous avez dit avoir vu Krkan le matin et vous avez

13 également parlé de deux noms: Ckalja et d'un autre nom qui s'appelle Krle.

14 Est-ce que vous savez qui étaient ces personnes? Est-ce que vous savez

15 quel était son rôle au camp?

16 Témoin AN (interprétation): C'est à moi que vous demandez, que vous posez

17 la question, je pense?

18 Question: Oui.

19 Réponse: Oui, je les connaissais. C'étaient Krle Ckalja et Krkan: ils

20 étaient des chefs d'équipe.

21 Question: Est-ce que vous avez vu Krle souvent au camp?

22 M. O'Sullivan (interprétation): Objection!

23 M. le Président: Oui, Maître O'Sullivan?

24 (Questions relatives à la procédure.)

25 M. O'Sullivan (interprétation): Est-ce que je pourrais demander au témoin

Page 4451

1 d'enlever ses écouteurs pendant mon objection?

2 M. le Président: Témoin, est-ce que vous pouvez enlever vos écouteurs.

3 Est-ce que vous comprenez l'anglais?

4 Témoin AN (interprétation): Non.

5 M. le Président: Parce qu'enlever les écouteurs par soi-même ne suffit

6 pas.

7 Est-ce que vous pouvez enlever vos écouteurs, Témoin, s'il vous plaît?

8 Témoin AN (interprétation): Oui.

9 M. le Président: Allez-y, Maître O'Sullivan.

10 M. O'Sullivan (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Nous faisons

11 objection à ce genre de questions au cours des questions supplémentaires.

12 En effet, aucune question n'a été posée à ce témoin au cours de

13 l'interrogatoire principal qui aurait porté sur Krle. Au cours du contre-

14 interrogatoire, répondant à une question qui lui était posée, le témoin a

15 prononcé son nom en disant qu'il s'agissait d'un commandant d'équipe de

16 gardiens. Avec le respect que je dois à la Chambre, j'affirme que les

17 questions complémentaires sont circonscrites.

18 Je cite comme source une décision prise par le Tribunal dans l'affaire:

19 "Le Procureur contre Kupreskic", décision au sujet de l'ordre de

20 présentation des éléments de preuve, datée du 21 janvier 1999. La Chambre

21 était composée des Juges Cassese, May et Mumba. Cette chambre de première

22 instance a cité et approuvé l'extrait suivant de l'ouvrage de "Peter

23 Murphy, intitulé en anglais: "A pratical Approach of Evidence", en

24 français, (traduction officieuse de l'interprète): "Approche pratique des

25 éléments de preuve".

Page 4452

1 Le Professeur Murphy écrit ce qui suit et que je cite: "Il n'est pas

2 nécessaire de s'étendre longuement sur les questions complémentaires.

3 C'est un processus au cours duquel une des deux parties, lorsqu'elle a

4 cité un témoin, a la possibilité de demander des explications ou des

5 éclaircissements sur tout point évoqué au cours du contre-interrogatoire

6 et qui s'avérerait défavorable pour elle. Donc poser des questions

7 complémentaires n'est possible que dans des situations où un contre-

8 interrogatoire a eu lieu précédemment et ces questions complémentaires

9 sont circonscrites aux éléments évoqués au cours du contre-interrogatoire.

10 Elles n'offrent pas d'occasion d'apporter de nouveaux éléments de preuve

11 apportés pour la première fois", fin de citation.

12 J'affirme que c'est une bonne façon d'appliquer le droit et c'est le droit

13 qui est appliqué par ce Tribunal au cours des interrogatoires, en tout cas

14 s'agissant des questions complémentaires.

15 Comme je l'ai déjà dit au cours de l'interrogatoire principal, Krle n'a

16 été évoqué à aucun moment. Et au cours du contre-interrogatoire, son nom a

17 été évoqué comme étant celui d'un commandant d'équipe de gardiens.

18 C'était une question très claire à une question très claire. Il n'y avait

19 aucune ambiguïté dans cette réponse et le Procureur n'est pas habilité à

20 présenter de nouvelles preuves qui surgiraient pour la première fois en

21 rapport avec cet homme. Il n'est pas permis de dire que ce qui a été dit

22 au cours du contre-interrogatoire était défavorable à l'argumentation du

23 Procureur. Donc j'affirme qu'il n'y a aucun fondement pour que ce genre de

24 question continue à être posée à ce témoin.

25 M. le Président: Merci beaucoup, Maître O'Sullivan, de votre leçon. Maître

Page 4453

1 Waidyaratne?

2 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, le Procureur

3 affirme que les questions qui seront posées au témoin seront bel et bien

4 circonscrites aux questions posées au témoin en contre-interrogatoire. Le

5 conseil de la défense a posé une question au sujet du commandant des

6 équipes de gardiens au témoin et c'est à ce moment-là que le nom de cet

7 homme a été prononcé; j'avais l'intention de me limiter strictement à

8 cela.

9 M. le Président: Vous avez fini? Pardon.

10 M. Waidyaratne (interprétation): Le témoin a également été contre-

11 interrogé au sujet de sa possibilité de voir tel ou tel incident. Donc

12 j'aurais aimé poser des questions complémentaires à ce sujet.

13 M. le Président: Oui, Maître Jovanovic, vous avez quelque chose à voir

14 avec ça.

15 M. Jovanovic (interprétation): Pour revenir sur ce que vient de dire M. le

16 Procureur, au cours du contre-interrogatoire, il n'a pas été question du

17 commandant de l'équipe. La défense de Radic a interrogé le témoin à un

18 moment déterminé au niveau du bâtiment administratif, pas loin du robinet.

19 Mais aucune question n'a été posée au sujet de l'identité des commandants

20 d'équipe de gardiens.

21 M. le Président: Maître O'Sullivan, allez-vous ajouter quelque chose?

22 M. O'Sullivan (interprétation): Brièvement, pour répondre à mon collègue

23 du Bureau du Procureur. J'affirme qu'il a échoué dans sa tentative de

24 replacer la nature des questions qu'il voulait poser dans les questions

25 complémentaires, à l'intérieur du droit appliqué par ce Tribunal; il a

Page 4454

1 échoué. Donc ces questions ne devraient pas être posées. C'est ce que

2 j'affirme.

3 (Les juges se consultent sur le siège.)

4 M. le Président: J'aimerais bien dire que nous avons beaucoup apprécié,

5 avec tout le respect, la leçon que Me O'Sullivan nous a donnée. Mais il

6 faut tenir compte que, peut-être, l'auteur qu'il vous a cité, s'il

7 connaissait bien le système du Tribunal, peut-être on étudiera aujourd'hui

8 cela. Parce que, comme vous le savez, le système de ce Tribunal est un

9 système spécifique où cette règle de "examination in chief, cross

10 examination, etc." est flexible; elle ne s'applique pas ici, dans le

11 système du Tribunal, comme elle est appliquée dans des systèmes nationaux,

12 typiquement anglo-saxons.

13 Je ne veux pas entamer ici une discussion académique. Seulement pour dire

14 que, quel que soit le contenu, l'objet de l'objection, la Chambre fait

15 droit à l'objection. Nous allons donc dire au Procureur de ne pas poser

16 cette question.

17 C'est tout, Maître O'Sullivan. Nous allons continuer parce que, comme je

18 l'ai dit, je ne veux pas entamer une discussion académique. On peut lire

19 les bouquins, lire les rôles.

20 Est-ce que vous voudriez ajouter quelque chose? Ou voulez-vous faire une

21 deuxième objection?

22 M. O'Sullivan (interprétation): Non, Monsieur le Président. Je vous

23 présente mes excuses si je n'ai pas été assez clair: la citation que je

24 vous ai lue -qui était tirée de l'ouvrage de Murphy- a été adoptée et

25 appliquée par la Chambre de première instance, dans l'affaire Kupreskic.

Page 4455

1 C'est cela que je voulais dire. Si j'ai été mal compris, je vous prie de

2 m'excuser.

3 M. le Président: J'accepte et je vous remercie beaucoup. De toute façon,

4 comme vous le savez, il est possible de trouver aussi dans la

5 jurisprudence de ce Tribunal que la règle est flexible. Mais ici, dans le

6 cas concret, je crois que la défense, Maître O'Sullivan, a raison.

7 Donc, Maître Waidyaratne, vous continuez vos questions supplémentaires,

8 mais vous enlevez cette question relative à l'accusé Kos ou Krle.

9 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 Pourrais-je demander au témoin de remettre ses écouteurs?

11 M. le Président: Oui. Pouvez-vous remettre vos écouteurs, Monsieur le

12 Témoin?

13 (Questions supplémentaires de M. Waidyaratne au Témoin AN suite.)

14 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, on vous a interrogé

15 au sujet d'un incident dont vous aviez déjà parlé au cours de votre

16 témoignage, à savoir le passage à tabac de Muharem Zeric. Vous avez dit

17 qu'ils étaient à l'étage et que vous, vous étiez au rez-de-chaussée?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Ces personnes dont vous parlez en les appelant "elles", elles

20 étaient à l'étage?

21 Réponse: Oui?

22 Question: Comment pouviez-vous les voir?

23 Réponse: Nous étions assis sur la Pista et elles se dirigeaient vers

24 l'escalier qui mène vers le premier étage du bâtiment administration où se

25 déroulaient les interrogatoires.

Page 4456

1 Question: Bien. Merci. C'est tout, Monsieur le Président.

2 M. le Président: Merci beaucoup, Monsieur Waidyaratne.

3 Monsieur le Juge Riad?

4 (Question de M. le Juge Riad au Témoin AN.)

5 M. Riad (interprétation): Témoin AN, bonjour.

6 Témoin AN (interprétation): Bonjour.

7 Question: J'ai simplement un éclaircissement à vous demander. Vous avez

8 parlé du passage à tabac de Safet Ramadonovic et vous avez dit qu'il était

9 mort trois jours après. Pourriez-vous, s'il vous plaît, préciser un peu

10 plus -si vous le savez- de quelle façon s'est déroulé ce passage à tabac

11 et nous dire si le décès était vraiment une conséquence directe de ce

12 passage à tabac?

13 Je vous demande de nous le dire si vous en avez la possibilité.

14 Réponse: Safet Ramadonovic, surnommé "Cifut", était un homme déjà assez

15 âgé; il était albanais de nationalité et il était accusé d'avoir des

16 activités politiques. Après le passage à tabac, il est mort. Donc c'est

17 bien le passage à tabac qui était la cause de son décès.

18 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup.

19 M. le Président: Madame la Juge Wald?

20 (Question de Mme la Juge Wald au Témoin AN.)

21 Mme Wald (interprétation): Monsieur le Témoin, j'ai simplement une

22 question à vous poser, dans laquelle je vous demanderai un éclaircissement

23 au sujet de quelque chose dont vous avez déjà parlé, à savoir: ce moment

24 où Drago Prcac a appelé Esad Sadikovic à sortir de la pièce. Je n'ai pas

25 bien compris et je ne sais pas si c'est dû à l'interprétation anglaise ou

Page 4457

1 pas. Je n'ai pas très bien compris ce qui s'est passé une fois qu'il a dit

2 de sortir: pourriez-vous me le redire de façon à ce que je le comprenne

3 peut-être un peu mieux maintenant?

4 Témoin AN (interprétation): Esad Sadikovic a été appelé par Prcac; il est

5 passé à côté de Drago et il est allé voir mon frère, là où on passait la

6 nuit. Il avait deux boîtes de conserve qu'il avait reçues de quelqu'un; il

7 les a données à mon frère et mon frère lui a donné des cigarettes. Esad

8 est retourné vers Drago Prcac en nous saluant de la main et en nous disant

9 "Salut, salut!" Il est passé devant Drago; il est rentré dans la pièce, la

10 porte a été fermée derrière lui.

11 Question: Donc, si j'ai bien compris ce que vous dites: Drago a appelé

12 son nom, Esad est sorti, a donné ses boîtes de conserve, a reçu des

13 cigarettes; ensuite, ils ont quitté la pièce ensemble, tous les deux? Et

14 vous n'en avez plus jamais entendu parler? Et vous n'avez pas non plus

15 revu Esad depuis ce jour? Mais avez-vous entendu dire, de la bouche d'un

16 tiers, ce qu'il serait advenu d'Esad?

17 Réponse: Toute trace d'Esad est perdue ce jour-là; à aucun moment,

18 personne n'a entendu parler de lui. Personne ne sait ce qui lui est

19 arrivé. M. Prcac le sait sans doute mieux que quiconque.

20 Mme Wald (interprétation): Merci.

21 M. le Président: Témoin AN, nous sommes arrivés à la fin de votre

22 témoignage. Nous vous avons posé les questions, vous avez répondu. Nous

23 vous remercions beaucoup d'être venu ici. Vous n'allez pas bouger parce

24 qu'il faut fermer les rideaux. Après, l'huissier va vous accompagner.

25 Témoin AN (interprétation): Merci.

Page 4458

1 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

2 M. le Président: Maintenant, je me suis situé mais c'était de ma faute.

3 Parce que, quand j'ai donné la parole à Me Keegan, j'ai pensé que nous

4 avions déjà fermé le contre-interrogatoire. Donc c'était de ma faute.

5 Maintenant, Maître Keegan, quelle est la réponse à notre question?

6 (Questions relatives à la procédure.)

7 M. Keegan (interprétation): Oui, Monsieur le Président, mais je demande un

8 huis clos partiel, je vous prie.

9 M. le Président: Nous allons passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

10 (L'audience se poursuit à huis clos partiel.)

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21 (Audience publique.)

22 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

23 M. le Président: Monsieur le Témoin, vous m'entendez?

24 M. Brkic (interprétation): Oui.

25 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que l'huissier

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1 va vous tendre, s'il vous plaît.

2 M. Brkic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

5 M. Brkic (interprétation): Merci.

6 M. le Président: Vous pouvez vous rapprocher des micros un peu. Vous vous

7 sentez confortable?

8 M. Brkic (interprétation): Oui.

9 M. le Président: Très bien. Maintenant, vous allez répondre aux questions

10 que M. Keegan, qui est debout à votre droite, va vous poser. Et merci

11 avant tout d'être venu et de votre courage pour venir témoigner.

12 M. Brkic (interprétation): Merci.

13 (Interrogatoire de M. Abdulah Brkic par M. Keegan.)

14 M. Keegan (interprétation): Monsieur Brkic, je vous demande de décliner

15 votre identité et de nous donner votre nom complet pour le compte rendu

16 d'audience.

17 M. Brkic (interprétation): Abdulah Brkic.

18 Question: Quel âge avez-vous, Monsieur?

19 Réponse: 49 ans.

20 Question: Où êtes-vous né?

21 Réponse: A Bosanski Novi.

22 Question: Où avez-vous grandi?

23 Réponse: A Prijedor.

24 Question: Quel a été votre cursus scolaire?

25 Réponse: J'ai terminé l'école primaire et j'ai ensuite suivi des cours

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1 pour devenir chauffeur.

2 Question: Quelle profession avez-vous exercée?

3 Réponse: J'ai été chauffeur dans l'entreprise Autotransport de

4 Prijedor; j'ai travaillé huit ans à Zagreb en tant que chauffeur et j'ai

5 travaillé quatre ans à peu près en tant que chauffeur de taxi à Prijedor.

6 Question: Après votre travail en tant que chauffeur de taxi à Prijedor,

7 où avez-vous travaillé?

8 Réponse: A ce moment-là, j'ai trouvé un emploi chez un boucher privé.

9 Je travaillais donc comme chauffeur et comme boucher; je travaillais pour

10 Mirsad Kugic en tant que boucher.

11 Question: Où habitiez-vous avant le conflit?

12 Réponse: J'habitais dans un quartier de Prijedor que l'on appelait

13 Puharska, en périphérie de la ville.

14 Question: En 1992, quelle a été la date de votre dernier jour de

15 travail, Monsieur? En 1992?

16 Réponse: C'est le 29 mai qui a été mon dernier jour de travail. Je

17 crois que c'était un vendredi.

18 Question: Où avez-vous passé la nuit du 29 mai?

19 Réponse: Le 29 mai, j'ai dormi chez moi, à la maison, mais le lendemain

20 matin, je suis parti dans la ville de Prijedor pour retrouver des amis.

21 C'était le 30 et, le 30, j'ai dormi chez eux, dans la rue de la JNA.

22 Question: Pourquoi êtes-vous allé passer la nuit chez vos amis, dans le

23 centre de la ville de Prijedor?

24 Réponse: J'y suis parti sur décision personnelle car je pensais que,

25 dans le centre ville de Prijedor, la situation serait plus sûre. A

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1 Puharska, il y avait 7.000, 7.500 Musulmans.

2 Question: Pourquoi vous inquiétiez-vous? Pourquoi pensiez-vous qu'il y

3 aurait un problème à Puharska?

4 Réponse: Eh bien! j'étais inquiet parce que, pratiquement tous les

5 jours, à la radio, à la télévision, j'ai entendu de la propagande selon

6 laquelle les Musulmans -je suppose- enfin ceux qu'ils appelaient les

7 Bérets verts allaient s'insurger en ville. Et j'avais donc peur.

8 Question: Qu'est-il arrivé aux premières heures de la matinée du 30 mai?

9 Réponse: Tôt le matin, aux environs de 5 heures du matin, nous

10 écoutions, moi et mon ami, avec nos épouses, Radio Prijedor où nous

11 pouvions entendre ce qu'on appelle les chants chetniks; à un certain

12 moment, l'émission de radio s'est interrompue et nous avons entendu des

13 coups de feu.

14 Question: Quel genre de coups de feu avez-vous entendus?

15 Réponse: Des coups de feu tirés par des armes. C'était un vacarme

16 terrible, on entendait ces tirs pratiquement partout.

17 Question: Combien de temps le bruit de ces tirs a-t-il duré?

18 Réponse: Cela a duré longtemps. Je sais que, vers 10 heures ou 10

19 heures et demie, la radio a repris ses émissions, Radio Prijedor, et nous

20 avons entendu une annonce selon laquelle, ce jour-là, Puharska serait

21 fouillé de fond en comble, que tous les habitants devaient être chez eux

22 car s'ils n'étaient pas chez eux, la fouille se ferait tout de même.

23 Les responsables de la fouille entreraient en cassant les portes.

24 Question: Qu'avez-vous fait lorsque vous avez entendu cette annonce?

25 Réponse: Moi, je n'ai rien fait mais mon épouse a appelé la caserne par

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1 téléphone: Zarko Zgonjanin, dans la caserne de Prijedor. C’est un

2 capitaine dont le nom de famille était Drnkic qui lui a répondu. Elle lui

3 a demandé de quelle façon il nous serait possible de retourner à Puharska:

4 elle a dit où nous nous trouvions à ce moment-là, dans la rue de la JNA.

5 Il lui a répondu que nous pouvions sortir et parcourir la rue de la JNA

6 dans la direction de la gare ferroviaire, ensuite tourner à gauche. Il a

7 dit que la route vers Puharska était ouverte et que nous pourrions arriver

8 jusqu'à la maison. Mais il nous a dit aussi qu'il fallait que nous

9 mettions des brassards blancs sur le bras.

10 Question: Avez-vous obéi à ses instructions?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Vous-même et votre épouse êtes donc rentrés à pied jusqu’à

13 votre maison, à Puharska?

14 Réponse: Oui, moi, mon épouse et nos deux enfants.

15 Question: Avez-vous franchi un barrage routier en chemin?

16 Réponse: Oui, il y avait un barrage à l'entrée de Puharska, sur le

17 pont. Et un peu avant le barrage, il y avait un char à un certain endroit.

18 Quand je suis arrivé au barrage, le soldat m'a sans doute reconnu; moi, je

19 ne l’ai pas reconnu. On me surnomme Brda, il m’a dit: "Brda, où vas-tu?"

20 J’ai répondu que je rentrais chez moi, à la maison, qu'il fallait que je

21 sois à la maison puisque c'est ce qui avait été dit dans l’annonce.

22 Question: Ce soldat vous a-t-il laissés passer?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés à la maison?

25 Réponse: Je suis arrivé à la maison. Encore une fois, j'ai entendu une

Page 4464

1 annonce à Radio Prijedor selon laquelle les personnes loyales vis-à-vis du

2 pouvoir serbe devaient mettre un morceau de tissu blanc à un endroit

3 visible, c'est-à-dire à la fenêtre ou sur le toit de la maison, ou devant

4 l'entrée. C’est ce que ma femme a fait et moi, je suis allé dans la maison

5 de mes parents. Il y avait aussi là la maison de mon frère.

6 Question: Habitait-il dans une maison près de la vôtre?

7 Réponse: Non. J'habitais à 800 mètres ou un km de chez eux, à peu près.

8 Question: Que s'est-il passé quand vous étiez dans la maison de votre

9 frère?

10 Réponse: Nous étions là dans la maison. A ce moment-là, quelqu'un a

11 frappé à la porte. Ma mère s'est levée, elle a ouvert la porte. On

12 entendait des bruits de voix, des gens qui disaient que les hommes

13 devaient sortir de la maison, tous les hommes présents. Je suis sorti, mon

14 frère aussi. Devant la porte, se tenaient debout deux soldats. Il y en

15 avait un qui était de forte corpulence, qui avait les cheveux blonds, qui

16 était déjà sous l'influence de l'alcool: il tenait à peine debout. Il nous

17 a ordonné de mettre les mains sur la nuque, de baisser la tête et nous a

18 dit que nous n'avions pas le droit de nous retourner, qu'il fallait que

19 nous nous dirigions vers un carrefour qui se trouve à 50 mètres à peu près

20 de la maison. Il nous a dit qu’un autobus nous attendait là et il fallait

21 que nous montions à bord de cet autobus.

22 M. Keegan (interprétation): Pour le compte-rendu d’audience, le geste

23 décrit par le témoin consistait à placer ses mains sur sa nuque. Et il a

24 fait ce geste.

25 Monsieur le Témoin, vous avez dit qu'il y avait deux soldats. Quand vous

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1 êtes sortis de la maison, avez-vous vu d'autres soldats dans le secteur

2 qui aidaient ces deux soldats ou qui les couvraient avec leurs armes?

3 M. Berkic (interprétation): Non.

4 Question: Une fois que ces deux soldats vous ont donné l’instruction de

5 vous diriger vers l’autobus, avez-vous été escortés jusqu'aux autobus?

6 Réponse: Non.

7 Question: Alors que vous marchiez dans la direction de l'autobus, avez-

8 vous vu un quelconque autre soldat aux abords de la maison?

9 Réponse: Non, je n’en ai pas vu.

10 Question: Y avait-il d'autres soldats près de l'autobus?

11 Réponse: Oui. A l'avant de l'autobus, un soldat se tenait debout, donc

12 sur la droite de l'autobus. Et du côté gauche, il y en avait un autre, au

13 niveau des portes d’entrée.

14 Question: Que faisaient ces soldats à côté de l'autobus?

15 Réponse: Un des soldats m'a fait entrer dans l'autobus et, quand je

16 suis entré dans l'autobus, il m'a pris ma montre, mon alliance, un

17 bracelet, tout l'argent que j'avais dans les poches. Il m'a donné une

18 gifle et m'a dit: "Avance! Va vers l'arrière de l'autobus".

19 Question: Revenons en arrière. Avant que vous ne pénétriez à l'intérieur

20 de l'autobus, alors que vous marchiez dans la direction de l’autobus,

21 comment pourriez-vous décrire l’attitude des soldats, que faisaient-ils?

22 Réponse: Ils étaient debout à la porte d'entrée de l'autobus, à l'avant

23 de l'autobus.

24 Question: D'autres personnes vivant dans le même quartier que vous ont-

25 elles été arrêtées en même temps que vous?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Combien à peu près, si vous le savez?

3 Réponse: Eh bien! au bout de cinq à dix minutes à peu près, l'autobus a

4 été plein.

5 Question: Les soldats dont vous avez parlé, quels vêtements portaient-

6 ils?

7 Réponse: Le soldat qui nous a fait entrer dans l'autobus portait un

8 uniforme d'été, de couleur vert olive; c'était l'ancien uniforme de la

9 JNA.

10 Question: Et les autres, et notamment ceux qui sont venus dans la

11 maison?

12 Réponse: Ils portaient le même uniforme.

13 Question: Les hommes qui ont été arrêtés en même temps que vous et qui

14 ont dû monter en même temps que vous dans l'autobus, les avez-vous

15 reconnus?

16 Réponse: Oui, ils étaient tous mes voisins à Puharska.

17 Question: Connaissiez-vous leur appartenance ethnique?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Quelle était leur appartenance ethnique?

20 Réponse: Musulmane.

21 Question: Est-ce également votre appartenance ethnique?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Connaissiez-vous l'un ou l’autre des soldats qui vous ont

24 arrêtés ce matin-là? En avez-vous reconnu quelques-uns?

25 Réponse: Je n'ai pas reconnu celui qui m'a arrêté. Mais j'ai reconnu un

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1 de mes collègues qui travaillait avec moi comme chauffeur de taxi. Je

2 crois qu'il s'appelait Radanovic, je crois qu’on le surnommait "Zigo"; je

3 l'ai reconnu quand j'étais dans l'autobus. Ensuite, un voisin m'a appris

4 qu’il avait regardé dans pratiquement tous les autobus à Puharska pour me

5 chercher. Je ne sais pas pourquoi il me cherchait, nous avions de très

6 bons rapports.

7 Question: Connaissiez-vous son appartenance ethnique?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Quelle était-elle?

10 Réponse: Serbe.

11 Question: Les hommes arrêtés en même temps que vous et qui sont montés

12 dans l'autobus en même temps que vous, y en avait-il parmi eux qui

13 portaient un uniforme?

14 Réponse: Non.

15 Question: Lorsque l'autobus a été complet, où vous a-t-on emmenés?

16 Réponse: On nous a emmenés dans la caserne, Zarko Zgonjanin à Urije. Le

17 chauffeur et les hommes qui nous escortaient sont descendus, nous sommes

18 restés assis dans l'autobus.

19 C'est à ce moment-là que j'ai vu, le long du mur de la caserne, une

20 vingtaine de personnes à peu près, des civils. J'ai vu aussi deux soldats

21 qui étaient en train de déchirer une banderole sur laquelle étaient écrits

22 les mots: "Pour une Bosnie-Herzégovine souveraine". Et ils donnaient

23 l'ordre à ces civils de mâcher, de manger les morceaux de papiers

24 déchirés.

25 Question: Ces personnes que les soldats ont forcé à manger les morceaux

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1 de la banderole, les avez-vous reconnus?

2 Réponse: Non.

3 Question: Est-il arrivé un moment où vous êtes descendus de l'autobus

4 devant la caserne?

5 Réponse: Non.

6 Question: Où vous a-t-on emmenés depuis la caserne?

7 Réponse: Depuis la caserne, on nous a emmenés à Keraterm.

8 Question: Avant d'arriver à Keraterm, l'autobus est-il allé ailleurs?

9 Réponse: Non. Il est allé de la caserne jusqu'à Keraterm et nulle part

10 ailleurs.

11 Question: Quelle route l'autobus a-t-il empruntée pour vous emmener à

12 Keraterm?

13 Réponse: Nous avons quitté Urije, nous sommes passés devant la gare

14 ferroviaire; là, il y a le carrefour avec la route qui va vers Banja Luka

15 et nous sommes arrivés à Keraterm.

16 Nous sommes restés là une vingtaine de minutes; après quoi, nous avons

17 fait le chemin inverse, toujours en autobus. Et nous avons pris une autre

18 route qui menait à Banja Luka. Nous sommes arrivés à Omarska.

19 M. Keegan (interprétation): Monsieur le Président, j'aurais besoin de cinq

20 minutes pour terminer ces questions.

21 M. le Président: Nous avons encore la décision. Il faut que vous trouviez

22 un bon point dans le temps prochain pour interrompre. Vous nous le direz.

23 M. Keegan (interprétation): Oui, Monsieur le Président. A ce moment-là,

24 c'est un bon moment pour faire la pause.

25 M. le Président: Nous pourrions interrompre parce que nous avons encore

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1 une décision à rendre.

2 Témoin, nous sommes bien désolés de vous avoir interrompu. En principe,

3 nous devions terminer à 2 heures 30 et nous avons encore un autre travail.

4 Vous allez revenir demain pour continuer votre témoignage. Je vais

5 demander à M. l'huissier de vous accompagner.

6 M. Brkic (interprétation): Merci.

7 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

8 (Questions relatives à la procédure.)

9 M. le Président: Comme vous le savez, nous avons eu du travail

10 supplémentaire. C'est un peu la raison pour laquelle, après les pauses,

11 nous étions quand même un peu en retard. Nous nous en excusons, mais

12 c'était un travail supplémentaire qu'on devait faire vu l'urgence de cette

13 décision.

14 La Chambre rend sa décision relative aux requêtes du Procureur aux fins de

15 modification de la liste des témoins et des mesures de protection.

16 Le 21 août 2000, le Procureur a successivement déposé une requête aux fins

17 de mesures de protection des témoins AO, AP, AQ, AR et AS, et une requête

18 aux fins de modifier la liste des témoins concernant douze témoins.

19 Le 25 août 2000, la défense de l'accusé Kos s'est opposée à la requête

20 pour neuf des témoins concernés.

21 Le 28 août 2000, le Procureur déposait une troisième requête, cette fois

22 aux fins de mesures de protection du témoin AT.

23 Le 29 août 2000, hier, la Chambre a longuement entendu les parties et les

24 autres conseils se sont joints au conseil de la défense de Kos.

25 Le Procureur a maintenu sa demande s'appuyant notamment sur les Articles

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1 66 et 73bis du Règlement. Les conseils de la défense s'y sont tous opposés

2 en argumentant notamment du droit des accusés à un procès équitable et

3 rapide, et de leur droit à préparer leur défense conformément aux

4 dispositions des Articles 20 et 21 du Statut.

5 A l'issue de la Conférence de mise en état, la Chambre a suggéré aux

6 parties de se rencontrer afin d'examiner la possibilité, suite aux

7 arguments échangés, de trouver un accord. Dans les minutes qui ont suivi,

8 la Chambre a été informée qu'aucun accord n'était possible. Ce matin, les

9 parties ont cependant indiqué à la Chambre qu'elles étaient parvenues à un

10 accord en ce qui concerne la comparution du Témoin F.

11 C'est dans ces conditions que la Chambre rend sa décision.

12 Dans la mesure où nous devons mentionner le nom de certains témoins, je

13 souhaite que nous passions à huis clos pour quelques instants.

14 (L'audience se poursuit à huis clos partiel.)

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5 (Audience publique.)

6 M. le Président: Il convient de souligner qu'en réalité, pour dix des

7 témoins, le Procureur précise dans sa requête qu'il devra achever de

8 s'acquitter de ses obligations de communication au moins sept jours avant

9 la comparution du témoin concerné. En d'autres termes, la Chambre comprend

10 que le Procureur n'a pas à ce jour rempli l'intégralité de ses obligations

11 au titre de l'Article 66 du Règlement de Procédure et de Preuve.

12 Cela étant, il résulte des explications fournies par le Procureur que,

13 d'une part, plusieurs témoins n'ont donné que récemment leur accord au

14 Procureur pour qu'il les appelle à la barre.

15 D'autre part, que, selon le Procureur, les nouveaux témoins sont mieux à

16 même d'éclairer la Chambre sur les faits reprochés aux accusés et sur le

17 rôle précis de l'un ou l'autre d'entre eux, sans pour autant déposer sur

18 des crimes ou des éléments de crime dont la Chambre n'aurait pas eu déjà

19 connaissance.

20 La Chambre considère que, dans ces conditions, tout en s'inquiétant de

21 devoir intervenir sur une question aussi sensible, à un stade aussi avancé

22 de la procédure, tout en déplorant que le Procureur ait annoncé la

23 comparution de certains témoins nouveaux, en ait fait venir certains au

24 siège du Tribunal sans même attendre la réponse de la Chambre, il paraît,

25 a priori ou a posteriori, important de faire droit à la requête du

Page 4473

1 Procureur. Il est en effet dans l'intérêt de la justice de s'efforcer de

2 recueillir les éléments de preuve les meilleurs possible, même si sur ce

3 point, la Chambre ne peut en l'espèce que se fier à l'estimation faite par

4 le Procureur.

5 Encore la Chambre doit-elle s'assurer que cela ne porte pas atteinte sur

6 le plan de l'exercice des droits des accusés. A cet égard, la Chambre

7 observe qu'il est essentiel que le Procureur en tout état de cause

8 s'acquitte, par principe, immédiatement de l'intégralité de ses

9 obligations de communication.

10 Mais la Chambre note qu'au demeurant et comme elle a indiqué tout à

11 l'heure, la défense disposait dès avant le dépôt de la requête du

12 Procureur, pour certains témoins, au plus tard à la date de la requête

13 pour les autres, des éléments lui permettant de commencer à se préparer

14 spécifiquement pour les témoins en cause.

15 La Chambre note en outre que le nombre de témoins supplémentaires pour

16 lesquels les désaccords persistent est faible -je le répète, sept témoins-

17 et que tous les témoins ne concernent pas tous les accusés. En d'autres

18 termes, chaque défenseur ne doit se concentrer que sur certain des témoins

19 nouveaux en cause.

20 La Chambre relève enfin que les témoins nouveaux dont il s'agit

21 viendraient remplacer d'autres témoins et non se surajouter aux témoins

22 déjà prévus. Il ne résulterait donc pas de l'acceptation de ces nouveaux

23 témoins que le Procureur disposerait d'un temps supplémentaire pour

24 présenter ses éléments de preuve à titre principal. En comptant la journée

25 de demain, il reste au Procureur un maximum de 21 jours d'audience.

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1 Au total, la requête du Procureur se présente donc dans un ensemble de

2 circonstances relativement exceptionnelles qui permettent d'envisager d'y

3 répondre, exceptionnellement mais aussi favorablement.

4 Enfin, de ce que nous avons dit, il ne résulte pas a priori que la défense

5 subisse un quelconque préjudice. Toutefois, la Chambre rappelle qu'il lui

6 appartient d'assurer l'égalité des armes entre les parties, notamment en

7 permettant à la défense de disposer d'un délai raisonnable pour achever sa

8 préparation et en envisageant les mesures susceptibles de rétablir

9 l'équilibre entre les parties, si nécessaire.

10 C'est pourquoi la Chambre décide de faire droit à la requête aux fins de

11 modification de la liste des témoins du Procureur et autorise le Procureur

12 à faire comparaître les douze témoins visés dans la requête.

13 Que, s'agissant des sept témoins dont nous avons parlé et pour lesquels il

14 n'existe aucun accord entre les parties, ils ne pourront être cités que

15 pour la dernière session de présentation par le Procureur de ses éléments

16 de preuve à titre principal, c'est-à-dire la semaine du 25 au 29 septembre

17 2000 ou la semaine du 2 au 6 octobre 2000, sous réserve d'un changement de

18 calendrier.

19 Qu'après que ces sept témoins auront fini de déposer, c'est-à-dire après

20 qu'ils auront fait l'objet d'un interrogatoire et d'un contre-

21 interrogatoire dans les conditions habituelles, la défense de chacun des

22 accusés pourra, à titre individuel, saisir la Chambre de toute requête

23 précise et motivée tendant à décrire et à obtenir réparation du préjudice

24 que l'accusé concerné estimerait avoir subi du fait de la venue de l'un ou

25 l'autre des sept témoins pour n'avoir pas pu se préparer suffisamment. La

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1 Chambre prendra alors toute mesure quelle estime utile.

2 Enfin, la Chambre décide de faire droit aux mesures de protection

3 sollicitées pour les témoins AO, AP, AQ, AR, AS et AT.

4 Finalement, la Chambre rappelle que le Procureur dispose d'un maximum de

5 21 jours d'audience pour achever la présentation de ses moyens de preuve à

6 charge, à titre principal.

7 Donc voilà la décision de la Chambre.

8 M. O’Sullivan (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

9 les Juges, est-ce que la Chambre émettra une décision écrite?

10 M. le Président: Non. C'est la décision orale de la Chambre et c'est la

11 décision définitive.

12 Donc nous sommes arrivés à cet objectif d'éclaircir une question vraiment

13 importante pour conduire l'affaire. Pour aujourd'hui, nous allons en

14 rester là; demain nous nous verrons.

15 Je dois vous dire qu'il n'est pas possible d'avoir une mise en état des

16 sujets que nous avons à discuter. La Chambre a des engagements

17 aujourd'hui. Cela ne nous est pas possible. Mais je dois consulter mes

18 collègues, excusez-moi.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 M. le Président: Nous pouvons continuer notre conférence de mise en état

21 demain, à 15 heures 30, pour discuter des points dont nous n'avons pas pu

22 discuter.

23 Demain, de toute façon, nous nous revoyons ici à 9 heures 30.

24 (L’audience est levée à 14 heures 40.)