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1 (Jeudi 25 janvier 2001.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte 9 heures 20.)
4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
5 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
6 Maître Jovan Simic, pouvez-vous savoir ce qui se passe avec M. Prcac, s'il
7 vous plaît?
8 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je puis
9 m'approcher parce que je n'ai pas d'information sur la situation?
10 M. le Président: Oui, Maître Jovan Simic.
11 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, M. Prcac a des
12 douleurs terribles depuis ce matin, des douleurs à la tête, une forte
13 migraine; il commence à voir moins bien, à y voir flou. Il a pris des
14 médicaments mais cela n'a pas aidé. Avec votre accord, nous voudrions
15 savoir si nous pourrions continuer sans sa présence, appeler un médecin et
16 voir ce qui pourrait être fait.
17 Je crois que ce serait la meilleure des choses à faire pour qu'il se
18 repose et, si vous êtes d'accord, nous pourrions continuer sans lui.
19 M. le Président: Oui, tout à fait d'accord.
20 Madame Thomson, y a-t-il des mesures à prendre pour l'aider? Y a-t-il une
21 infirmière, ici, ou un médecin pour aider M. Prcac?
22 Mme Thomson (interprétation): Monsieur le Président, nous pouvons appeler
23 une infirmière et voir si celle-ci peut l'aider tout de suite.
24 M. le Président: Monsieur Prcac peut sortir tout de suite pour être aidé.
25 M. J. Simic (interprétation): Une chose encore: je vous demanderais
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1 l'autorisation d'accompagner M. Prcac, ne serait-ce qu'au début, pour
2 l'aider à communiquer avec l'infirmière. Je reviendrai ensuite dans la
3 salle d'audience.
4 M. le Président: Maître Masic est présent. C'est donc d'accord. Allez-y.
5 (Maître Jovan Simic sort de la salle d'audience.)
6 M. le Président: Nous allons reprendre aujourd'hui notre affaire, avec le
7 témoignage du témoin qui témoignait hier, pour le contre-interrogatoire,
8 non, plutôt pour des questions supplémentaires par Me K. Simic et Me
9 Stojanovic.
10 Monsieur l'huissier, pouvez-vous faire introduire le témoin? Pardon, un
11 moment.
12 M. Stojanovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
13 Suite à quelques consultations, la défense de M. Zigic a décidé de ne pas
14 poser de questions. Je voulais juste vous informer de la chose pour que
15 vous soyez au courant.
16 M. le Président: Très bien, de toute façon, vous avez eu l'opportunité.
17 Très bien, Monsieur l'huissier, maintenant, s'il vous plaît?
18 (Le témoin, M. Brane Bolta, est introduit dans le prétoire.)
19 Bonjour, Monsieur Bolta. Vous m'entendez?
20 M. Bolta (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je vous
21 entends.
22 M. le Président: Je vous rappelle que vous continuez sous serment. Vous
23 allez répondre encore aux questions que Me K. Simic va vous poser, s'il
24 vous plaît. Vous pouvez peut-être vous rapprocher des micros.
25 Très bien. Maître K. Simic, vous avez la parole, s'il vous plaît.
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1 (Interrogatoire principal supplémentaire au témoin, M. Brane Bolta, de Me
2 K. Simic.)
3 M. K. Simic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, je vous
4 remercie.
5 Bonjour Monsieur Bolta.
6 M. Bolta (interprétation): Bonjour.
7 Question: Mon collègue vous a interrogé hier et vous a demandé si vous et
8 vos collègues, Domo Stojakovic, et le réserviste dont j'ai oublié le nom,
9 aviez ouvert la fenêtre de la portière de cette fourgonnette "Marica",
10 notamment vis-à-vis de ce compartiment destiné au transport des personnes
11 suspectes. Est-ce qu'il y a une fenêtre qui pourrait être ouverte à cet
12 endroit-là?
13 Réponse: Sur cette voiture de service, il n'y a pas de fenêtre pouvant
14 être ouverte.
15 Question: Dans ce véhicule de service, que nous appelons "Marica", comment
16 a-t-on apporté des solutions quant à l'arrivée d'air à l'intention des
17 personnes transportées dans cet espace, ou ce compartiment destiné à ces
18 personnes?
19 Réponse: Cela est résolu à l'usine: ce véhicule spécial appelé "Marica"
20 dispose de cela, installé d'usine.
21 Question: Je vous demanderai une fois de plus de patienter un peu après ma
22 question pour répondre; vous pouvez suivre sur le moniteur la fin du
23 texte.
24 Réponse: Mais je n'ai rien sur mon moniteur!
25 Question: Alors, essayez de faire une pause quand même.
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1 On vous a également demandé si vous aviez donné de l'eau à ces personnes
2 transportées de Keraterm à Omarska. Dans ce contexte, je vous demanderai
3 de me répondre à deux questions: quelle est la distance entre Keraterm et
4 Omarska et, deuxième question, combien de temps faut-il pour franchir cet
5 itinéraire entre Keraterm et Omarska?
6 Réponse: La distance de Keraterm à Omarska est de quelque 25 kilomètres,
7 et le temps nécessaire pour faire le trajet, c'est une demi-heure, 30
8 minutes, 25 à 30 minutes.
9 Question: A l'occasion de ces deux transports -du poste de police à
10 Keraterm et de Keraterm au camp d'Omarska-, vous êtes vous arrêtés quelque
11 part, sauf à Keraterm, devant un café? Avez-vous fait une halte, en
12 laissant le véhicule et les prisonniers à l'intérieur?
13 Réponse: Non.
14 Question: Mon éminent collègue vous a demandé aussi, vous a posé des
15 questions concernant l'existence des postes de police, quelles étaient les
16 normes pour les postes et les département de stations de police.
17 Je voulais, moi, vous poser la question suivante: qui décide de
18 l'emplacement d'un poste de police ou d'un département du poste de police?
19 Qui a attribution pour ce faire?
20 Réponse: Eh bien, cela relève des compétences du ministère ou du ministre,
21 voire de la personne autorisée par le ministre. En général, c'est le
22 ministre qui a les compétences nécessaires.
23 Question: Mon éminent collègue vous a également demandé quand vous y êtes
24 allé pour la première fois? Vous avez répondu que c'était vers la mi-mai,
25 que vous n'arriviez pas à vous souvenir exactement, mais certainement au
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1 mois de mai, étant donné que vous transportiez des personnes que vous ne
2 connaissiez pas.
3 Concernant ce premier trajet de Keraterm au camp d'Omarska, y a-t-il un
4 autre événement qui pourrait nous indiquer avec davantage de précisions la
5 période de temps à laquelle cela s'est situé? J'entends votre premier
6 déplacement vers Omarska.
7 Réponse: J'ai du mal à définir la période avec exactitude, mais je sais
8 que nous avions reçu des ordres concernant certaines conditions à Keraterm
9 et que des personnes étaient censées être transportées à Omarska. Ils
10 avaient parlé de conditions quelconques, mais je ne sais pas ce qui avait
11 été contesté, ce qu'il y avait de litigieux au sujet de Keraterm.
12 Question: Si je vous ai bien compris -et vous allez confirmer ou nier la
13 chose-, cela a pu se faire concernant le transfert de gens de Keraterm
14 vers Omarska?
15 Réponse: C'est exact.
16 Question: Je vous ai également posé la question de savoir, dans le détail:
17 lorsque vous étiez déjà à Omarska et que M. Kvocka avait pris la liste des
18 noms des mains du réserviste que vous ne connaissiez pas pour se diriger
19 vers le bâtiment administratif et qu'il est revenu avec cette liste, qu'a-
20 t-il dit au juste concernant M. Nusret Sivac?
21 Réponse: Etant donné que j'étais assis dans le véhicule, le moteur à
22 l'arrêt et les fenêtres ouvertes, j'ai pu entendre que des chefs avaient
23 dit à M. Kvocka que Nusret Sivac n'était pas celui qu'ils voulaient; ils
24 [expurgé].
25 [expurgée].
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1 Question: Si je vous ai bien compris, ces chefs, ces supérieurs ont dit
2 que M. Sivac n'était pas la personne qu'il leur fallait?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Monsieur le Président, je vous remercie. Je n'ai pas de
5 questions complémentaires autres que celle-ci.
6 M. le Président: Merci, Maître Krstan Simic.
7 Monsieur le Juge Riad, avez-vous des questions?
8 (Questions au témoin, M. Brane Bolta, par M. le Juge Riad.)
9 M. Riad (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
10 Bonjour, Monsieur Bolta.
11 M. Bolta (interprétation): Bonjour, Monsieur le Juge.
12 M. Riad (interprétation): Peut-être allez-vous pouvoir m'aider à mieux
13 comprendre certains faits que vous aviez mentionnés.
14 Je reviens au moment où vous aviez dit être arrivé au camp -nous allons
15 abréger les choses- et que M. Kvocka vous a vu. Il a vu M. Nusret Sivac,
16 il avait été surpris et avait dit: "Les gars, ne le traitez pas de façon
17 brutale!" ou quelque chose de ce genre. Et vous avez dit que, tout de
18 suite après, ces actes brutaux ont cessé. Non seulement cela a cessé mais,
19 lorsque Kvocka est parti, on n'a pas continué à le traiter de façon
20 mauvaise ou brutale.
21 Maintenant, est-ce que vous avez eu l'impression que Kvocka avait,
22 disposait d'une certaine autorité dans le camp, à savoir que ses paroles
23 avaient été respectées, même quand il s'est éloigné de ces lieux?
24 Réponse: Je n'ai pas eu l'impression qu'il était responsable, en quelque
25 sorte. Il les avait juste avertis que les règlements de service concernant
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1 la sécurité publique n'étaient pas appliqués de cette façon-là. Il avait
2 donc prévenu ce monsieur avec des cheveux coupés très courts, qui était
3 grand de taille, qui était une sorte de commandant ou quelque chose de ce
4 genre. Ce n'est que lorsque cet autre monsieur avait donné des ordres dans
5 ce sens que les autres ont cessé de se comporter ainsi.
6 Question: Mais avez-vous pu voir qu'il s'agissait d'un camp où la
7 discipline régnait, étant donné que quelqu'un a donné un ordre et que,
8 lorsque cet homme s'est éloigné, l'ordre continuait d'être respecté?
9 S'agissait-il d'un camp où il y avait de la discipline ou s'agissait-il
10 d'un endroit où chacun pouvait faire ce que bon lui semblait, où il n'y
11 avait aucun contrôle?
12 Réponse: Il y avait un contrôle au sein du camp d'Omarska.
13 Question: Et M. Kvocka était-il l'une des personnes qui exerçaient ce
14 contrôle?
15 Réponse: Je ne pense pas, car il était chef du secteur de patrouilles dans
16 ce département du poste de police à Omarska; il n'avait donc pas
17 d'ingérence au niveau du commandement parce qu'il était juste à ce poste
18 de département de police, en tant que chef de ce petit département.
19 Question: Oui, mais ce qu'il avait dit, cela était respecté,
20 indépendamment de son statut? Et je me réfère à ce que vous avez vu, ils
21 ont cessé les mauvais traitements, et une fois qu'il s'est éloigné, ils
22 n'ont pas continué à faire subir de mauvais traitements à ces gens ?
23 Réponse: Etant donné que Kvocka connaît les attributions, et la façon dont
24 on doit procéder à la fouille de quelque personne que ce soit, il a juste
25 attiré l'attention du responsable chargé de cette unité spéciale qui se
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1 trouvait à Omarska en lui disant que ce n'était pas la façon normale de
2 procéder. Cette personne avait, elle, des attributions à l'égard du
3 commandement concernant ces individus-là.
4 Question: Et quelle était l'autorité qu'il pouvait exercer à l'égard de ce
5 chef-là ? Est-ce qu'il pouvait le punir? Pourquoi ce chef lui a obéi,
6 s'est conformé à ce qu'il lui a dit? Vous étiez là-bas, je n'y étais pas.
7 Je voudrais juste avoir votre opinion, car si cet homme-là était un chef
8 quelconque, pourquoi a-t-il obéi à ce que Kvocka lui a dit? Avait-il peur
9 de lui plus ou moins?
10 Réponse: Je ne pense pas qu'il ait eu une crainte quelconque, mais il
11 devait savoir que Kvocka travaillait au sein de la police et qu'il
12 connaissait la réglementation et la loi, la façon dont il fallait se
13 comporter. Il a dû constater lui-même que ces hommes avaient procédé à
14 cette fouille de façon brutale.
15 Question: Et il ne l'a pas réalisé avant que Kvocka ne vienne? J'entends,
16 il a changé sa méthode ou sa façon de faire conformément aux instructions
17 de Kvocka, c'est bien ce que vous avez dit?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Autre chose: vous nous avez dit que M. Delic était venu
20 remplacer M. Drljaca, et vous avez déclaré: "Je pense qu'il avait proposé
21 Kvocka au poste de chef d'équipe, et qu'il avait fait cette proposition au
22 ministre. Maintenant, cela veut dire que l'on jugeait M. Kvocka être un
23 bon policier, et qu'il était vu d'un bon oeil? Est-ce que c'est
24 l'impression que vous avez eue?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Maintenant, il a été mis de côté par M. Drljaca, si j'ai bien
2 compris, et Delic voulait le faire revenir. Qu'est-il arrivé par la suite
3 concernant cette proposition?
4 Réponse: Pourriez-vous me réitérer la question, Monsieur le Juge?
5 Question: Je répéterai: vous avez dit que Delic avait proposé Kvocka pour
6 être chef d'équipe, qu'il avait fait cette proposition au ministre. Vous
7 n'avez pas dit ce qu'il a fait par la suite?
8 Réponse: Etant donné que cette proposition a été faite au ministre, le
9 ministre l'a confirmée et Kvocka est devenu chef d'équipe de ce poste de
10 police à Prijedor, vers la fin de 1994, début 1995.
11 Question: Par conséquent, on a jugé que c'était un policier très bon? Les
12 autorités l'ont pensé, et l'on a jugé que c'était un policier loyal?
13 Réponse: Absolument.
14 Question: Je vous remercie.
15 M. le Président: Merci, Monsieur le Juge Riad.
16 (Questions au témoin, M. Brane Bolta, par Mme la Juge Wald.)
17 M.Wald (interprétation): Monsieur Bolta, je voudrais comprendre un peu
18 mieux votre témoignage concernant ce fourgon que vous conduisiez, et
19 lorsque ce fourgon s'était arrêté au camp. Je voudrais savoir si j'ai bien
20 compris, les deux occasions où votre fourgon s'était arrêté à Omarska,
21 vous nous avez dit que vous pouviez voir les prisonniers sortir du fourgon
22 et être fouillés de façon brutale. La fois où M. Kvocka avait été là, et
23 il est intervenu, et la fois où il n'était pas là. Vous avez vu que les
24 gens étaient traités de façon brutale, et vous nous avez mentionné un
25 incident où M. Kvocka avait dit que M. Nusret Sivat était la mauvaise
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1 personne.
2 Vous nous avez également dit que ces deux fois-là vous vous étiez arrêté
3 au camp pendant quelque cinq minutes. Si je me souviens bien, vous nous
4 avez dit qu'à l'occasion de cette deuxième visite, à savoir quand vous
5 êtes allé en fourgon à Keraterm, que vous n'avez pas pu voir ce qui se
6 passait derrière au moment où on faisait monter les détenus, et vous nous
7 avez dit que lorsqu'on vous a demandé si vous aviez vu si on avait sorti
8 les détenus et qu'on les avait battus, vous nous avez dit que l'on ne
9 pouvait pas voir derrière ce qui se passait alors, à l'occasion de leur
10 montée et de leur descente de ce fourgon.
11 Je voudrais savoir, parce que vous étiez dans le fourgon tout le temps, le
12 moteur était à l'arrêt, les fenêtres du fourgon étaient ouvertes, comment
13 avez-vous pu voir et entendre tant de choses en ces deux occasions quand
14 le fourgon s'est arrêté à Omarska, et vous n'avez rien pu entendre et voir
15 de ce qui aurait pu se passer ou de ce qui s'était passé avec les détenus
16 au moment où vous vous étiez à Keraterm?
17 Réponse : Je crois vous avoir dit que j'étais assis dans le fourgon, mon
18 collègue Domo est sorti par la portière arrière, les gens sont sortis et
19 ont été pris en charge par le réserviste qui se trouvait-là. A ce moment-
20 là, cette unité spéciale est arrivée et a commencé à fouiller ces gens-là,
21 et comme je m'étais arrêté au coin de ce bâtiment administratif, je ne
22 pouvais pas voir le côté tout entier, mais juste une partie, et ce à
23 travers des vitres latérales. Je ne pouvais donc pas voir toute une partie
24 du bâtiment administratif.
25 Question : C'est exact. Mais vous n'êtes pas en train de parler d'Omarska,
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1 vous ne parlez pas du moment où vous étiez arrêté à Omarska. A la
2 différence de l'arrêt que vous aviez eu à Keraterm, ce que j'essaie de
3 comprendre, c'est que vous êtes tout le temps assis dans ce fourgon, vous
4 pouvez tout voir à Omarska, et à Keraterm vous n'avez rien pu voir au
5 moment où on a fait monter et sortir des gens. Je voudrais que vous nous
6 clarifier le fait de savoir si vous étiez en ces deux occasions à
7 l'intérieur du fourgon ?
8 Réponse : Oui, j'étais à l'intérieur, c'est Domo qui est sorti. Les
9 détenus étaient prêts à être chargés, ou à monter dans le fourgon, et nous
10 avons juste continué notre voyage vers Omarska.
11 Question : Pour finir avec cette question, si j'ai bien compris, vous
12 allez me dire si j'ai bien compris, vous avez dit que vous ne pouviez rien
13 voir et entendre pour ce était de ce qu'il advenait des détenus, des
14 prisonniers, lorsqu'ils sont montés à Keraterm? Est-ce bien vrai: on vous
15 a demandé si vous aviez entendu quelque chose arriver, vous avez dit que
16 non, que vous étiez assis à l'intérieur du fourgon, que vous ne pouviez
17 rien voir et entendre étant donné que votre collègue Stojakovic était la
18 personne qui était sortie à Keraterm et qui se trouvait être avec les
19 prisonniers quand on les faisait monter?
20 Réponse: Il n'est rien arrivé à Keraterm, au moment où on faisait monter
21 les gens.
22 Question: C'est justement ce que j'essaie de comprendre. Je n'avais pas
23 bien compris auparavant. En d'autres termes, vous n'avez rien pu dire
24 parce que vous étiez à l'avant, M. Stojakovic était à l'arrière, vous ne
25 pouviez pas nous dire ce qu'il se passait parce que vous n'avez rien vu,
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1 ou alors vous n'avez rien pu nous dire parce qu'il n'est rien arrivé du
2 tout. Maintenant dites-nous, est-ce que vous avez vu que rien ne se
3 passait ou est-ce que vous n'avez rien pu voir?
4 Réponse: Je ne pouvais pas voir, d'une part, parce que quand j'avais
5 tourné mon fourgon à Keraterm, je faisais face à la route, à la sortie
6 vers la route menant en direction d'Omarska.
7 Question: Très bien. A Keraterm, une fois que vous avez fait monter les
8 prisonniers au deuxième voyage, et que votre collègue Stojakovic est
9 revenu, une fois qu'il avait fait monter les prisonniers, est-ce qu'il
10 vous a dit si quelque chose d'inhabituel s'était passé, parce que c'était
11 lui qui se trouvait à l'extérieur quand les prisonniers montaient? Est-ce
12 qu'il vous a dit quoi que ce soit, concernant l'un quelconque des
13 événements inhabituels au moment où on faisait monter les prisonniers à
14 bord du fourgon?
15 Réponse: Non, il n'a rien mentionné du tout.
16 Question: Bien. Au cours de ces deux trajets que vous avez faits, avez-
17 vous été en mesure de voir dans quel état se trouvaient les prisonniers,
18 au moment où vous les aviez pris au poste de police, lorsqu'on les a fait
19 monter dans le fourgon? Est-ce que vous avez pu voir dans quel état ils
20 étaient lorsqu'ils sont sortis du poste de police pour monter à bord du
21 fourgon?
22 Réponse: Je crois que vous parlez maintenant des trois autres qui étaient
23 avec Nusret Sivac, de cette fois-là où j'ai...
24 Question: Je me réfère aux deux trajets. Vous nous avez dit que vous aviez
25 fait deux fois le trajet. Je parle donc de n'importe lequel des trajets et
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1 des deux à la fois, au moment où l'on faisait sortir des prisonniers pour
2 les faire monter à bord du fourgon. Ce que je voulais savoir, c'est si
3 vous avez pu voir les prisonniers s'approcher et monter à bord du fourgon.
4 Réponse: Oui.
5 Question: Bien. Ma question suivante est celle-ci: est-ce que l'une
6 quelconque de ces personnes, au cours de ces deux trajets… Ou plutôt
7 dites-nous dans quel état étaient ces gens: est-ce qu'ils avaient des
8 blessures, des ecchymoses? Est-ce qu'ils avaient des traces de passage à
9 tabac? Dans quel état se trouvaient ces gens-là lorsqu'on les a fait
10 monter à bord du fourgon, une fois qu'ils étaient sortis du poste de
11 police?
12 Réponse: Ces trois, à savoir Nusret Sivac et les deux autres qui se
13 trouvaient au poste de police, d'après ce que j'ai pu voir, ils ne
14 portaient pas de trace de coup ni quelque blessure que ce soit.
15 Question: Bien. Et la deuxième fois, est-ce qu'au cours de ce premier
16 trajet, vous avez ramassé ces gens au poste de police? La première fois
17 que vous êtes allé de Keraterm à Omarska, au mois de mai, ces gens-là,
18 vous les aviez pris au poste de police aussi?
19 Réponse: Non, non. Là, nous avions pris des gens de Keraterm pour les
20 emmener à Omarska.
21 Question: Fort bien. Je comprends maintenant. Merci d'avoir apporté ces
22 éclaircissements. Mais quand vous les avez pris en charge à Keraterm, est-
23 ce que vous avez pu les voir s'approcher du fourgon? Nous parlons donc de
24 ce premier trajet, pas du trajet où il y avait Nusret Sivac: est-ce que
25 vous avez pu voir les prisonniers, la première fois, à Keraterm, au mois
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1 de mai, lorsqu'on les faisait monter à bord du fourgon?
2 Réponse: Non.
3 Question: Vous n'avez pas pu les voir à Keraterm? Bien. Je vous remercie.
4 (Questions au témoin, M. Brane Bolta, par M. le Président.)
5 M. le Président: Merci, Madame le Juge Wald.
6 Monsieur, j'ai moi-même trois questions. La première: quand M. Kvocka a
7 pris la liste des noms du gardien de réserve pour aller faire quelque
8 chose, il a dit quelque chose. Est-ce que vous vous rappelez ses mots
9 exacts? Qu'est-ce qu'il a dit?
10 Réponse: Vous pensez à M. Kvocka, vous me demandez ce que M. Kvocka a dit?
11 M. le Président: Oui.
12 M. Bolta (interprétation): Pour autant que je me souvienne, M. Kvocka
13 était étonné et a demandé avec étonnement: "Pourquoi? Qu'est-ce que tu
14 fais ici, Nusret?" Celui-ci a répondu qu'on l'a amené pour une raison
15 qu'il ne connaissait pas. A ce moment-là, M. Kvocka a pris un billet de ce
16 gardien de réserve pour aller voir la direction, le chef dans la direction
17 du bâtiment, pour voir s'ils avaient vraiment besoin de Nusret, pour voir
18 quelle était la raison de sa présence là.
19 Question: Est-ce que maintenant vous vous rappelez ses mots? Qu'est-ce
20 qu'il a dit? Avant d'aller, après avoir eu la liste dans ses mains et
21 avant d'aller, qu'est-ce qu'il a dit?
22 Réponse: Eh bien, il a dit qu'il allait voir avec les chefs de quoi il en
23 était.
24 Question: Il a dit "les chefs" ou "le chef"?
25 Réponse: Les chefs. Ils étaient plusieurs, les gradés. Je ne sais pas qui
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1 ils étaient exactement. Je pense qu'il a dit les chefs, peut-être qu'il a
2 dit chef d'ailleurs. Je n'ai pas pu bien l'entendre parce que j'étais
3 assis dans le véhicule et je ne sais pas s'il a mentionné un nom.
4 Réponse: J'ai entendu dire maintenant qu'il y avait plusieurs chefs.
5 Pourquoi dites-vous qu'ils étaient plusieurs?
6 Réponse: Eh bien, c'est ce que j'ai entendu dire: il a dit qu'il allait
7 voir avec ses chefs pour voir ce qui se passait. Je ne saurais pas vous
8 répondre combien ils étaient dans la direction.
9 Question: J'ai bien compris. Vous avez dit qu'il y avait plusieurs chefs
10 parce que M. Kvocka a dit qu'il allait voir les chefs; vous avez donc
11 conclu qu'il y en avait plusieurs. C'est cela?
12 Réponse: Je vous dis qu'en réalité, je ne saurais pas vous dire s'il a dit
13 qu'il allait vérifier auprès du chef ou des chefs. En tout cas, quand il
14 est rentré de l'immeuble administratif, il a dit qu'en réalité, il n'avait
15 pas besoin de Nusret Sivac [expurgé]. C'est comme cela qu'il a pu
16 rentrer à Prijedor.
17 Question: Une autre question. Nusret Sivac, ce nom, quelle est la première
18 fois que vous avez appris ce nom? Ou quand avez-vous appris ce nom?
19 Réponse: Nusret Sivac a travaillé dans le poste de sécurité publique de
20 Prijedor; c'était un téléphoniste. Donc moi, quand j'ai été transféré de
21 Zagreb, quelques mois plus tard, je l'ai rencontré. J'ai pu rencontrer M.
22 Sivac: cela aurait pu se passer au mois de mars ou au mois d'avril 1984.
23 Question: Très bien, merci. Une autre question: vous avez mentionné la
24 façon de faire la fouille, que vous avez observée, de "façon brutale",
25 c'est le mot que vous avez utilisé? Connaissez-vous les règles de faire
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1 une fouille?
2 Réponse: Absolument.
3 Question: Et donc pourquoi n'êtes-vous pas intervenu quand vous avez vu
4 qu'il y avait une façon brutale de faire une fouille?
5 Réponse: Eh bien, je n'ai rien pu faire à ce moment-là, parce que je
6 n'avais aucune compétence, je n'avais pas d'autorité. Il y avait des gens
7 qui avaient plus de compétences que moi, il y avait les chefs d'équipe,
8 les chefs de cette unité.
9 Question: En compétence, vous n'avez pas d'autorité pour le faire:
10 pourquoi M. Kvocka l'a fait?
11 Réponse: Parce qu'il se trouvait là à ce moment-là. Il était là, il a pu
12 le voir, il était à l'extérieur et sans doute qu'il a pu vraiment voir que
13 la façon de procéder à la fouille était brutale. C'est pourquoi il a
14 attiré l'attention du chef de l'unité.
15 Question: Vous avez vu aussi que la façon de faire était brutale: quelle
16 est la différence?
17 Réponse: Eh bien, la différence est la suivante: moi, on m'a ordonné juste
18 de faire le transport. Je n'avais rien d'autre à faire que cela. Il faut
19 obéir aux ordres, on fait ce qu'on vous dit de faire!
20 M. le Président: Sûrement, il faut. Très bien. Je vois que M. le Juge Riad
21 a une question encore?
22 (Question supplémentaire au témoin, M. Brane Bolta, par M. le Juge Riad.)
23 M. Riad (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
24 Monsieur Bolta, en écoutant votre témoignage hier et ce que vous avez dit
25 aujourd'hui au Président, j'ai l'impression que M. Kvocka a entrepris deux
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1 actions différentes. Par exemple, quand ils ont emmené les hommes, il leur
2 a dit: "Ecoutez, cette façon de procéder est brutale". Ensuite vous
3 continuez et vous dites qu'un homme est arrivé et qu'il a arrêté de le
4 traiter de cette façon-là; ceci a donc arrêté l'action. Ensuite, vous
5 dites qu'il est allé voir le chef pour vérifier la question de Nusret
6 Sivac.
7 Je vous pose donc la question suivante: quand il a dit que ces traitements
8 n'étaient pas convenables, que c'était un mauvais traitement, est-ce
9 qu'ils ont arrêté immédiatement de les traiter de cette façon-ci, ou bien
10 est-ce qu'il est allé voir les chefs et ce sont les chefs qui ont décidé
11 que ces traitements n'étaient pas appropriés?
12 M. Bolta (interprétation): Il a dit cela immédiatement. Dès qu'il est
13 arrivé, il a dit: "Ecoutez, les gars, on ne procède pas à la fouille de
14 cette façon-là". A ce moment-là, il a pris ce mot, ce bout de papier de ce
15 réserviste et il est allé voir le chef.
16 Question: Mais les mauvais traitements se sont arrêtés immédiatement, dès
17 qu'il a dit cela?
18 Réponse: Leur commandant, le commandant de cette unité spéciale, après que
19 Kvocka a dit cela, eh bien, c'est lui qui a commandé, qui a demandé, qui a
20 donné l'ordre d'arrêter ces traitements.
21 Question: Donc Kvocka n'avait pas besoin d'aller voir les chefs pour
22 obtenir un ordre pour qu'ils arrêtent les mauvais traitements. Il est allé
23 voir le chef uniquement au sujet de Nusret, n'est-ce pas?
24 Réponse: Eh bien, puisque Nusret Sivac, il le connaissait -tout le monde
25 le connaissait, tous ces gens qui avaient travaillé avec lui auparavant-,
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1 c'est pour cela qu'il a été étonné, qu'il est allé voir les chefs pour
2 voir où était le problème.
3 Question: Mais concernant Nusret, il est allé voir… Je veux dire que les
4 mauvais traitements s'étaient déjà arrêtés?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Merci.
7 M. le Président: Merci beaucoup d'être venu ici, Monsieur Bolta.
8 Je vois que M. K. Simic a quelque chose à observer avant de finir ce que
9 j'allais dire. Maître Krstan Simic?
10 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais demander
11 à la Chambre de me donner la possibilité de poser uniquement une question
12 au témoin, une question concernant les questions qui viennent d'être
13 posées par le Juge Riad et la façon dont le témoin a répondu à ces
14 questions?
15 M. le Président: Quelle est la question, Maître Krstan Simic?
16 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, ma question serait la
17 question suivante: je voudrais demander au témoin de dire si, à cette
18 occasion-là, M. Kvocka a donné un ordre ou bien s'il s'agissait juste d'un
19 conseil donné par un policier expérimenté, rien d'autre?
20 M. le Président: J'ai vu M. Saxon se lever?
21 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, ce témoin a témoigné. Il
22 a dit qu'il n'avait pas travaillé dans le camp, il a dit qu'il n'avait pas
23 de connaissance d'expert concernant le camp. En 1992, il n'a passé que dix
24 minutes dans le camp d'Omarska. Donc il ne s'agirait que d'une pure
25 spéculation, que de donner une telle opinion et, franchement, ce témoin a
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1 témoigné longuement hier et aujourd'hui, il a parlé de cela. Nous avons
2 donc une objection.
3 M. le Président: Posez votre question, Maître K. Simic.
4 (Question supplémentaire au témoin, M. Brane Bolta, par Me Krstan Simic.)
5 M. K. Simic (interprétation): Monsieur Bolta, je vous prie de dire à la
6 Chambre: vous êtes un policier, est-ce que à cette occasion-là, M. Kvocka
7 a donné un ordre à ces hommes, ou bien s'agissait-il d'un conseil donné
8 par un policier expérimenté, leur suggérant quelle était la façon
9 appropriée de procéder à la fouille? Que pensez-vous?
10 M. Bolta (interprétation): Monsieur Kvocka a donné un conseil. Il a leur
11 dit de quelle façon il fallait procéder à la fouille. Il a dit: "Ecoutez
12 les gars, selon le règlement en vigueur, ce n'est pas comme cela qu'il
13 faut faire!" Comme ils avaient procédé à la fouille de façon brutale, il a
14 attiré l'attention des gardes là-dessus. Leur supérieur hiérarchique a
15 pris le rôle actif et il les a empêchés de fouiller de cette façon-là.
16 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame,
17 Messieurs les Juges.
18 M. le Président: Maître Saxon, avez-vous des questions.
19 M. Saxon (interprétation): Je n'ai pas de question, Monsieur le Président.
20 M. le Président: J'ai une question, Monsieur Bolta.
21 (Question supplémentaire au témoin, M. Brane Bolta, de M. le Président.)
22 Je crois vous avoir entendu dire, mentionner un membre des unités
23 spéciales ici. Est-ce qu'il y avait d'autres policiers présents au-delà de
24 M. Kvocka, ou était-il seul?
25 M. Bolta (interprétation): Au moment où je suis arrivé, je n'ai vu
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1 personne.
2 Question: Pardon. Au moment où M. Kvocka dit: "Si, si!", je pose la
3 question d'une autre façon: quelles ont été les paroles, les mots que M.
4 Kvocka a utilisés pour faire cesser la fouille, les mots de M. Kvocka? Ne
5 me dites pas: "Il a dit que..". Dites les mots!
6 Réponse: "Les gars, on ne procède pas à la fouille des personnes de cette
7 façon-là, il faut travailler longuement dans la police pour apprendre le
8 travail d'un policier."
9 Question: C'est ce qu'il a dit?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Je crois que… Mais c'est une question qu'on va voir sur le
12 transcript. Vous avez dit en premier lieu: "Il a ordonné de cesser". Mais
13 vous dites: "Il a dit que ce n'est pas la bonne façon de faire une
14 fouille". C'est cela?
15 Réponse: Oui, en réalité, il a juste attiré leur attention sur la façon
16 appropriée d'agir. Ensuite, c'est le chef, le chef de ces gens qui leur a
17 donné ordre d'arrêter. C'est le chef, le leader qui était là, qui se
18 trouvait là, sur place, qui était assez grand, avec des cheveux coupés
19 courts.
20 Question: Est-ce qu'il y avait d'autres personnes, au-delà de M. Kvocka?
21 Réponse: Je n'ai vu personne.
22 M. le Président: Qui est ce chef que vous mentionnez? Vous mentionnez un
23 chef d'une unité spéciale: qui est ce chef? C'était le chef qui faisait la
24 fouille?
25 Réponse: Non, je ne sais pas qui est ce chef, mais ce n'est pas lui qui a
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1 procédé à la fouille.
2 Question: Vous avez mentionné, je suis sûr sur le transcript, la page 20,
3 lignes 6, où vous dites: "Et l'autre leader de l'unité spéciale était
4 celui qui a donné l'ordre." Qui était ce chef?
5 Réponse: Qui était le chef de l'unité spéciale?
6 Question: Oui.
7 Réponse: Je ne sais pas.
8 Question: Vous ne savez pas le nom, mais vous savez que c'était un chef.
9 Comment les choses se sont passées? Quels sont les mots que le chef a
10 utilisés? Qu'est-ce que le chef a dit?
11 Réponse: Eh bien, c'est moi qui suis arrivé à la conclusion que lui aurait
12 pu être le chef de cette unité. A partir du moment où M. Kvocka a dit
13 cela, il les a empêchés de continuer à agir ainsi. Il a agi et c'est
14 pourquoi je me suis dit que c'était peut-être lui le chef de cette unité.
15 Question: Vous savez combien de temps a duré cela?
16 Réponse: Eh bien, c'était très bref.
17 Question: Très bien, Monsieur. Je crois que nous n'avons pas d'autre
18 question à vous poser.
19 Nous vous remercions beaucoup d'être venu ici. Nous vous souhaitons un bon
20 retour à votre endroit de résidence.
21 Je vais demander à M. l'huissier de vous raccompagner. Je vous remercie
22 beaucoup.
23 (Le témoin, M. Brane Bolta, est reconduit hors du prétoire.)
24 M. le Président: Maître Krstan Simic?
25 (Questions relatives à la procédure.)
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1 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, selon le plan
2 annoncé, la défense appelle le témoin Novak Pusac.
3 M. le Président: Quelle est la situation par rapport au nombre de témoins
4 présents cette semaine?
5 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, nous avons encore un
6 témoin et nous pensions pouvoir terminer aujourd'hui. Nous espérons que
7 nous allons y arriver de façon à ce que les témoins ne reviennent à
8 nouveau demain.
9 (Le témoin, M. Novak Pusac, est introduit dans le prétoire)
10 M. le Président: Bonjour Monsieur Pusac, vous m'entendez?
11 M. Pusac (interprétation): Bonjour, je vous entends.
12 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.
13 l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.
14 M. Pusac (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
16 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît. Vous allez
17 répondre aux questions que M. K. Simic va vous poser. Maître K. Simic?
18 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Bonjour.
19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Novak Pusac, par Me Krstan Simic.)
20 Comme vous le savez, je m'appelle Krstan Simic et, avec mon confrère
21 Branko Lukic, je représente les intérêts de M. Kvocka. Dans ce contexte,
22 je vais vous poser un certain nombre de questions concernant cette
23 affaire. Etes-vous prêt?
24 M. Pusac (interprétation): Oui.
25 Question: Monsieur Pusac, pour les besoins du compte rendu, je vais vous
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1 demander de vous présenter.
2 Réponse: Novak Pusac.
3 Question: Monsieur, quand êtes-vous né?
4 Réponse: Le 5 mars 1962.
5 Question: Où?
6 Réponse: A Omarska.
7 Question: Habitez-vous toujours à Omarska?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Je pense que le lieu de naissance n'apparaît pas dans le compte-
10 rendu. Je vais vous demander de respecter une pause entre les questions et
11 de répondre ensuite. Ou êtes-vous né?
12 Réponse: A Omarska.
13 Question: Quelles études avez-vous faites?
14 Réponse: Je suis un mécanicien électricien, des études secondaires.
15 Question: Etes-vous marié?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Avez-vous des enfants?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Avez-vous effectué votre service militaire?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Où et quand?
22 Réponse: En 1981 à Nis.
23 Question: Et où avez-vous servi? Où étiez-vous, dans quelle unité?
24 Réponse: J'étais électromécanicien.
25 Question: A la fin de votre service militaire obligatoire, est-ce que vous
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1 tombiez toujours sous l'obligation militaire? Si oui, vous dépendiez de
2 quelle unité, de quel lieu?
3 Réponse: Oui, je suis tombé sous l'obligation militaire à Prijedor. Je
4 dépendais de Prijedor.
5 Question: Monsieur, nous n'allons pas discuter des événements qui se sont
6 produits à Prijedor, puisqu'on a déjà beaucoup parlé de cela devant la
7 Chambre. Nous allons parler de votre rôle dans le cadre des événements;
8 c'est dans ce sens-là que je vais vous poser la question suivante: est-ce
9 que vous avez été mobilisé par les autorités militaires de l'époque, en
10 1991?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Dans quelle unité, le savez-vous?
13 Réponse: La 43e Brigade motorisée de Prijedor.
14 Question: Dans le cadre de la 43e Brigade motorisée de Prijedor, avez-vous
15 participé dans des conflits armés au cours de 1992?
16 Réponse: Non.
17 Question: Et où était déployée la 43e Brigade motorisée?
18 Réponse: Je ne comprends pas la question.
19 Question: Où était le quartier général, où se trouvait cette brigade?
20 Réponse: A Prijedor.
21 Question: S'agissait-il de la caserne Zarko Zgonjanin?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Est-ce qu'au cours du mois d'avril, mois de mai 1992, est-ce que
24 vos obligations militaires ont changé? Est-ce que vous avez été déplacé
25 dans une autre unité?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Dans quelle unité?
3 Réponse: La Défense territoriale d'Omarska.
4 Question: Et où se trouvait l'unité de la Défense territoriale d'Omarska?
5 Réponse: Dans la ville d'Omarska, dans Omarska.
6 Question: Savez-vous comment s'appelait le commandant de l'unité de la
7 Défense territoriale d'Omarska?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Quel est son nom?
10 Réponse: Ranko Radanovic.
11 Question: Monsieur, est-ce que vous, ainsi qu'un certain nombre de
12 soldats, vers la fin mai, début juin, vous avez reçu une mission
13 militaire, vous en tant qu'unité?
14 Réponse: Oui.
15 Question: A quel moment avez-vous commencé à accomplir cette mission,
16 mission dont nous allons parler plus tard?
17 Réponse: Vers la fin du mois de mai.
18 Question: Et quelle était la mission attribuée à cette petite unité dans
19 le cadre de la Défense territoriale d'Omarska?
20 Réponse: Une unité subalterne. Nous étions dans le deuxième cercle.
21 Question: Quel cercle?
22 Réponse: Eh bien, nous devions assurer la sécurité de cet espace qu'on a
23 demandé d'assurer.
24 Question: Est-ce que vous assuriez la sécurité du complexe d'affaires
25 d'Omarska où, à l'époque, se trouvaient détenues un certain nombre de
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1 personnes?
2 Réponse: Oui.
3 Question: De quelle façon était organisé ce service de sécurité de ce
4 deuxième cercle, comme vous dites? Vous vous trouviez à quelle distance
5 par rapport au complexe d'affaires d'Omarska où se trouvaient enfermées un
6 certain nombre de personnes?
7 Réponse: On était à 500 ou 600 mètres de là.
8 Question: Est-ce qu'une autre unité subalterne, dans le cadre de la
9 Défense territoriale, a reçu l'ordre d'assurer la sécurité de complexe et,
10 si une telle unité avait existé, qui était le commandant de cette unité?
11 Réponse: Il s'agissait d'une compagnie en réalité, et son commandant était
12 Maric Zdravko.
13 Question: Comment était organisé le système de relève, ou plutôt pendant
14 combien d'heures d'affilée une équipe devait assurer sa relève, la
15 sécurité?
16 Réponse: Par exemple, il y avait quatre gardiens au poste de garde, deux
17 gardiens étant actifs, c'est-à-dire qu'ils montaient la garde, et deux
18 autres se reposaient.
19 Question: Pour vérifier si je vous ai bien compris, je vais donc
20 reformuler: vous et un autre soldat montiez la garde pendant 24 heures et,
21 après, deux autres soldats venaient prendre la relève; et vous, vous étiez
22 libre pendant 24 heures?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Savez-vous combien il y avait de postes de garde en tout?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Quelle était la distance qui séparait les autres postes de garde
2 du vôtre? Je parle des postes de garde qui étaient situés sur votre gauche
3 et sur votre droite, s'il y en avait.
4 Réponse: Ils étaient à peu près à 200 mètres de nous.
5 Question: Vous passiez la nuit sur place, n'est-ce pas? Je vous demande
6 donc si des dispositions particulières avaient été prises pour vous
7 permettre de dormir quelque part?
8 Réponse: Nous nous organisions nous-mêmes pour dormir.
9 Question: Est-ce que vous aviez des possibilités matérielles pour vous
10 reposer? Est-ce que vous aviez par exemple une petite tente?
11 Réponse: Oui, nous avions une petite tente.
12 Question: Est-ce que cela signifie que vous-même et votre collègue,
13 pendant les 24 heures de votre travail, vous vous organisiez l'un avec
14 l'autre pour vous répartir le temps de garde? C'est-à-dire que l'un
15 d'entre vous montait la garde pendant que l'autre dormait?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Vous a-t-il été dit quel était le but de la création de ce
18 deuxième cercle de sécurité? Vous a-t-on donné des instructions à ce
19 sujet?
20 Réponse: Oui.
21 Question: La création de ce deuxième cercle de sécurité, quel était son
22 objet?
23 Réponse: Empêcher les entrées provenant de l'extérieur et empêcher
24 également les évasions de l'intérieur.
25 Question: Vous a-t-on mentionné également la possibilité d'une attaque de
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1 la part des "Bérets verts", par exemple, afin de libérer des prisonniers?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Dans le cadre...
4 M. le Président: Oui, Madame Somers?
5 Mme Somers (interprétation): Merci Monsieur le Président. J'aimerais
6 simplement demander aux Juges de cette Chambre si, en ce moment, puisque
7 nous abordons des sujets beaucoup plus contestés que les sujets relatifs
8 au contexte, est-ce que les Juges n'envisageraient pas de demander au
9 conseil de cesser de guider le témoin?
10 M. le Président: Maître Krstan Simic?
11 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, vraiment, je n'ai pas
12 remarqué avoir posé une seule question qui guidait le témoin, à part la
13 dernière peut-être qui, à mes yeux, finalement, n'est pas très pertinente.
14 Elle n'est pas très pertinente du point de vue de la présente affaire,
15 parce que nous avons l'intention de démontrer la structure de
16 l'organisation du camp sans parler forcément des attaques éventuelles.
17 M. le Président: Vous pouvez continuer après cette observation, vous
18 continuez, s'il vous plaît.
19 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
20 Monsieur le témoin, cette unité de la Défense territoriale de la défense
21 d'Omarska, comptait-elle dans ses rangs un peloton chargé de l'intendance?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Quelle est la mission de l'intendance?
24 Réponse: L'intendance a pour mission d'organiser la préparation des repas.
25 Question: Savez-vous où était stationné ce peloton de l'intendance?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Où?
3 Réponse: Dans ce que l'on appelait Separacija à Omarska.
4 Question: Mon confrère attire mon attention sur un tout-petit problème. Je
5 vais donc vous poser une autre question sur le même sujet: quelle est la
6 distance qui séparait Separacija des bâtiments principaux de la mine
7 d'Omarska?
8 Réponse: 1900 mètres.
9 Question: Les bâtiments qui constituent ce qu'il est convenu d'appeler
10 Separacija faisaient-ils partie également de la mine de fer de Ljubija?
11 Ces bâtiments appartenaient-ils à la mine de Ljubija?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Le peloton de l'intendance comptait-il dans ses rangs des
14 réservistes de l'armée qui avaient pour tâche de préparer la nourriture?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Et y avait-il d'autres soldats qui étaient chargés de la
17 distribution de la nourriture, puisque vous avez parlé de distribution de
18 nourriture?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Qui commandait le peloton de l'intendance?
21 Réponse: Milan Andjic.
22 Question: Connaissez-vous un homme correspondant au nom de Pero Rendic?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Quelles étaient ses fonctions?
25 Réponse: Il était l'organisateur de tout cela, de la préparation de la
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1 nourriture notamment.
2 Question: Vous ai-je bien compris? Pero Rendic était-il donc le supérieur
3 des hommes qui s'occupaient de la nourriture?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Dans ces conditions, quelles étaient les fonctions de Milan
6 Andjic?
7 Réponse: Milan Andjic avait pour tâche de s'approvisionner en nourriture,
8 en produits alimentaires au sein du peloton de l'intendance.
9 Question: Pendant votre séjour, enfin pendant l'accomplissement de votre
10 mission, vous êtes-vous rendu à Separacija?
11 Réponse: Non.
12 Question: La nourriture qui était préparée par le peloton de l'intendance
13 à Separacija était-elle distribuée également aux membres de la Défense
14 territoriale d'Omarska?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Combien de repas était distribués chaque jour?
17 Réponse: Deux.
18 Question: Pouvez-vous nous dire quelle était la qualité de cette
19 nourriture que vous receviez vous-même, en tant que membre de cette unité?
20 Réponse: La nourriture était bonne. Du point de vue de la quantité, mais
21 elle n'était pas savoureuse, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'épices, de
22 sauce. Cela ne correspondait pas tout à fait à l'alimentation à laquelle
23 nous étions habitués.
24 Question: Vous avez servi dans l'armée, n'est-ce pas?
25 Réponse: Oui.
Page 7242
1 Question: Y avait-il une différence entre la nourriture que vous receviez
2 à l'armée et la nourriture que vous receviez sur le terrain? Je ne parle
3 pas du point de vue du goût, de la saveur?
4 Réponse: Il n'y avait pas de différence.
5 Question: Est-ce que vous receviez du pain avec cette nourriture?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Combien de pain?
8 Réponse: Quelquefois, cela dépendait de ce que j'appellerais "la
9 situation" mais, en général, un quart de miche de pain.
10 Question: Monsieur, vous-même et les autres soldats, avez-vous de temps à
11 autres eu des observations négatives à faire au sujet de la qualité de ce
12 pain?
13 Réponse: Oui.
14 Question: De quelle nature étaient vos remarques?
15 Réponse: Eh bien, ces remarques consistaient à dire que le pain était mal
16 cuit et que, tout simplement, il n'était pas bon, que sa qualité n'était
17 pas bonne; ce genre de chose.
18 Question: Ce problème était-il lié au fait que, de temps en temps, il y
19 avait des pannes d'électricité?
20 Réponse: C'était le principal problème.
21 M. le Président: Voilà! Il y a plusieurs situations. Ici, vous avez un bon
22 exemple d'induire le témoin. Voilà! Peut-être que vous vous ne vous rendez
23 pas compte. Nous, nous rendons compte, poursuivez et faites attention,
24 s'il vous plaît.
25 M. K. Simic (interprétation): J'accepte tout à fait votre remarque,
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1 Monsieur le Président et je vous en remercie.
2 Monsieur le témoin, de quelle façon régliez-vous le problème de votre
3 alimentation durant votre mission?
4 Réponse: Quand nous étions en permission, nous étions chez nous à la
5 maison et nous pouvions manger comme nous voulions. Quand nous étions au
6 travail, de permanence, nous apportions de la nourriture de chez nous.
7 Question: Qui était votre supérieur direct, votre premier supérieur dans
8 la hiérarchie?
9 Réponse: Zdravko Maric.
10 Question: Qui était le supérieur de Zdravko Maric?
11 Réponse: Ranko Radanovic.
12 Question: Zdravko Maric, ou un quelconque membre de l'unité de la Défense
13 territoriale d'Omarska, avait-il le droit de vous transmettre un ordre
14 quelconque émanant de M. Zeljko Mejakic, le commandant du poste de police?
15 Réponse: Non.
16 Question: Monsieur Mejakic a-t-il jamais visité vos postes de garde?
17 Réponse: Non.
18 Question: Savez-vous de qui dépendait le commandant de votre unité de la
19 Défense territoriale, je veux parler de M. Ranko Radanovic?
20 Réponse: Je ne sais pas.
21 Question: Au sein de cette unité, y avait-il des règlements de discipline?
22 Les gardiens ont-ils consciencieusement rempli leurs obligations vis-à-vis
23 de leur mission de sécurité dans ce deuxième cercle?
24 Réponse: La discipline n'a posé aucun problème, et n'était pas un
25 problème.
Page 7244
1 Question: En quoi consistait cette absence de disciplines?
2 Réponse: Les hommes dormaient; certains entraient chez eux alors qu'ils
3 auraient dû être au travail. Ils jouaient aux cartes, ce genre de chose.
4 Question: Avez-vous personnellement jamais constaté, jamais… Etes-vous
5 personnellement jamais allé dans le camp d'Omarska, là où se trouvaient
6 les détenus?
7 Réponse: Non.
8 Question: Connaissiez-vous l'un quelconque des membres de ce deuxième
9 cercle de sécurité qui se serait éventuellement rendu à Omarska, à
10 l'endroit où étaient enfermés les détenus?
11 Réponse: Non, nous n'allions pas à Omarska.
12 Question: Enfin, je vous demande si la sécurité que vous assuriez avait la
13 moindre similitude du point de vue fonctionnel avec la sécurité assurée à
14 l'intérieur des installations d'Omarska par les représentants de la
15 police?
16 Réponse: Non.
17 M. le Président: Oui Madame Somers?
18 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, nous aimerions élever
19 une objection, car il n'y a rien qui permette de penser que ce témoin
20 aurait des connaissances à ce sujet.
21 M. le Président: Maître Simic, peut-être que vous pouvez poser la question
22 d'avoir l'information du témoin, mais de ce qu'il a pu observer ou voir,
23 mais si le témoin vous dit que... Je crois avoir entendu qu'il n'est
24 jamais entré à l'intérieur du centre d'Omarska, il n'est pas en condition
25 de comparer. Peut-être qu'il faut tenir compte de cela. Vous pouvez
Page 7245
1 continuer s'il vous plaît.
2 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je vais répondre à
3 Mme Somers et, de toute façon, c'était ma dernière question. Il y avait un
4 fondement justifiant que je pose cette question, car quelques instants
5 auparavant, j'en avais posé une autre qui consistait à demander au témoin
6 de nous dire si le commandant de la police, M. Mejakic, pouvait donner un
7 ordre aux hommes dont faisait partie le témoin. Sa réponse a été non.
8 J'ai également demandé au témoin si Zeljko Mejakic était venu voir les
9 hommes dont faisait partie le témoin. La réponse a été non. J'ai donc
10 ensuite posé une autre question, et la réponse n'avait pour but que de
11 confirmer ce qui était écrit dans l'ordre du 31/12. Je n'ai pas d'autres
12 questions.
13 M. le Président: Vous avez terminé?
14 M. K. Simic (interprétation): Oui.
15 M. le Président: Merci beaucoup de toute façon. Est-ce qu'il y a quelque
16 conseil qui veut interroger? Je vois des signes négatifs.
17 Madame Somers, combien de temps, à peu près, avez-vous besoin pour le
18 contre-interrogatoire?
19 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais poser
20 quelques questions au témoin sur la base de sa déposition, de ce qu'il a
21 dit jusqu'à présent et, ensuite, lui demander son aide pour un document.
22 Je pense que cela correspondra au temps prévu pour ce témoin. Je dirais
23 que nous dépasserons 11 heures. Une demi-heure peut-être, 40 minutes au
24 plus.
25 M. le Président: Je demandais cela pour savoir s'il était préférable de
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1 faire la pause maintenant ou après. Si vous n'avez besoin que d'un quart
2 d'heure, on pourrait terminer. Je crois que c'est mieux de faire la pause
3 maintenant. Nous allons faire une pause d'une demi-heure.
4 (L'audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures 20.)
5 M. le Président: Veuillez vous asseoir s'il vous plaît.
6 Maître Jovan Simic, excusez-moi de vous interrompre, pouvez-vous nous
7 donner quelques informations à propos de la situation de M.Prcac? Comment
8 la chose se passe? Va-t-il bien, y a-t-il des personnes pour l'aider?
9 M. J. Simic (interprétation): Monsieur Prcac a été transféré vers l'unité
10 de détention. Il y a chez lui ou avec lui, maintenant un médecin. Il y a
11 une tension artérielle très élevée, plus de 200, c'est la raison pour
12 laquelle il a si mal à la tête et au cou, et c'est la raison pour laquelle
13 sa vue est perturbée. On espère que cela ira mieux, une thérapeutique
14 permanente sera fixée pour lui faire baisser la tension artérielle, et on
15 lui donnera quelque chose pour son coeur, d'après ce que l'on m'a dit.
16 Pendant cette pause, c'est ce qui m'a été dit, et je le rappelerai à la
17 pause suivante. Il se sent un peu mieux, mais c'est assez critique quand
18 même.
19 M. le Président: Monsieur, vous pouvez donc faire introduire le témoin,
20 s'il vous plaît.
21 (Le témoin, M. Pusac, est introduit dans le prétoire.)
22 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir.
23 M. Pusac (interprétation): Merci.
24 M. le Président: Maintenant, vous allez répondre aux questions que le
25 Procureur va vous poser. Madame Somers, vous avez la parole.
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1 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Novak Pusac, par Mme Somers.)
2 Mme Somers (interprétation): Monsieur, avant que de procéder au contre-
3 interrogatoire, pourriez-vous nous donner la date, le mois et le jour de
4 votre arrivée à Omarska; et la date exacte donc, le mois et l'année, de
5 votre départ?
6 M. Pusac (interprétation): Je voudrais savoir si vous me demandez si j'ai
7 travaillé dans la société de quelle date à quelle date.
8 M. K. Simic (interprétation): Objection!
9 M. le Président: Oui Maître Simic?
10 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, le témoin a témoigné
11 et n'a jamais dit qu'il était venu travailler au camp. Son unité était
12 chargée de sécuriser les alentours, et je crois qu'on pourrait lui poser
13 la question de savoir quand est-ce que l'unité a reçu pour mission de
14 sécuriser le camp et non pas de travailler dans le camp.
15 M. le Président: Oui, Madame Somers?
16 Mme Somers (interprétation): Oui, je vais reformuler ma question Monsieur
17 le Président.
18 Excusez-moi, Monsieur, permettez-moi de formuler la chose de façon plus
19 claire. Quand est-ce que vous avez commencé à travailler en tant que
20 gardien dans ce deuxième cercle et quand est-ce que vous avez cessé
21 d'accomplir ces tâches? Je vous demande donc le mois et l'année du début
22 et le mois et l'année de la fin de cette activité?
23 Réponse: J'ai commencé à travailler en début juin 1992 et j'ai cessé de le
24 faire début août de la même année 1992.
25 Question: Sauriez-vous nous dire le nom du commandant du camp d'Omarska?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Avez-vous jamais entendu parler d'une personne appelée Dusan
3 Jankovic?
4 Réponse: Oui, j'en ai entendu parler.
5 Question: Et à quel propos?
6 Réponse: Eh bien, j'ai entendu parler de ce nom d'individu.
7 Question: Je voudrais être sûre d'avoir bien compris votre témoignage tout
8 à l'heure. Avez-vous indiqué que vous n'étiez pas autorisé à entrer au
9 sein du camp, ni vous ni le groupe dont vous faisiez partie en tant que
10 gardien?
11 Réponse: Non, nous n'avions pas le droit de le faire.
12 Question: C'est un fait que de dire, n'est-ce pas, que ce premier cercle
13 dans lequel on détenait des prisonniers était gardé par des policiers?
14 M. K. Simic (interprétation): Objection! Le témoin ne se trouvait pas à
15 l'intérieur du camp, et ne sait pas ce qu'il se passait à l'intérieur. Il
16 ne saurait confirmer des faits comme l'a demandé Mme Somers.
17 M. le Président: Mais il travaillait dans le deuxième cercle, le deuxième
18 suit donc le premier. Posez la question Madame Somers?
19 Mme Somers (interprétation): Monsieur Pusac, voulez-vous que je vous
20 réitère la question ou vous vous en souvenez?
21 Mais je vais la reprendre: ce premier cercle au camp, à savoir l'endroit
22 où avaient été gardés des prisonniers, des détenus, cela avait été gardé
23 par la police?
24 Réponse: Je ne sais pas quelles sont les formations qui étaient chargées
25 de ce premier cercle.
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1 Question: Vous nous avez dit que, vous-même et d'autres gardiens, faisant
2 partie de ce deuxième cercle, receviez deux repas par jour, et si j'ai
3 bien compris, la quantité était appropriée. Bien entendu, cela ne
4 convenait pas à la saveur à laquelle vous étiez habitués. Pouvez-vous nous
5 dire si vous receviez des légumes, des oeufs, de la viande ou quelques
6 desserts?
7 Réponse: De dessert, non. On avait toujours de la viande, pour ce qui est
8 des fruits, je ne saurais vraiment pas vous le dire, je ne sais pas. Je
9 n'ai pas fait attention.
10 Question: Et au niveau des légumes, des oeufs?
11 Réponse: Les oeufs, oui, des légumes, non.
12 Question: Et du beurre?
13 Réponse: Du beurre, oui.
14 Question: Et d'où preniez-vous l'eau potable à l'époque où vous étiez là-
15 bas?
16 Réponse: Nous apportions de l'eau potable de chez nous.
17 Question: Sauriez-vous nous dire combien de fois par jour les détenus
18 recevaient à manger?
19 Réponse: Non.
20 Question: Est-ce que vous sauriez nous dire ce qu'ils mangeaient?
21 Réponse: La même chose que nous.
22 Question: Comment le savez-vous?
23 Réponse: Eh bien, quand on distribuait la nourriture, on l'a distribuée
24 d'abord à eux, et ensuite, à nous. C'était le même peloton qui distribuait
25 la nourrriture à eux et à nous. C'était la même nourriture.
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1 Question: Avez-vous vu la nourriture que prenaient, qu'emportaient ces
2 pelotons?
3 Réponse: On pouvait le voir, quand ils nous apportaient de la nourriture à
4 nous.
5 Question: Et dans quel genre de récipient ils transportaient cette
6 nourriture, est-ce que vous pourriez nous décrire ce processus?
7 Réponse: Les récipients étaient des récipients classiques militaires,
8 c'est dans ces récipients qu'ils apportaient la nourriture.
9 Question: Et il fallait qu'ils fassent combien d'allées et venues pour
10 apporter la nourriture pour nourrir tous les détenus?
11 Réponse: Ils venaient chez nous deux fois par jour, une fois pour un
12 repas, et une deuxième fois pour nous donner un deuxième repas.
13 Question: Est-ce que cette unité de gens qui préparaient la nourriture se
14 trouvaient près de vous? Est-ce qu'ils étaient plus près de vous ou d'eux?
15 Réponse: Ils étaient à même distance.
16 Question: Il y avait beaucoup de gens détenus dans le camp, n'est-ce pas?
17 Je voudrais juste voir si vous avez bien compris ma précédente question.
18 Réponse: Je n'ai pas remarqué cela. Je ne pouvais pas le voir à partir de
19 la distance où je me trouvais.
20 Question: Quand les gardiens apportaient ce que vous pensez être leur
21 nourriture, quand ils leur apportaient cette nourriture, est-ce que vous
22 pourriez nous dire combien ils étaient? Il y avait combien de gardiens,
23 combien de camions, de récipients, de marmites? Vous avez dit que
24 c'étaient des marmites classiques, c'était quel genre de marmites, là où
25 on met du liquide ou autre chose?
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1 Réponse: Eh bien, ces récipients, par exemple, qu'ils utilisaient pour
2 nous apporter de la nourriture à nous, il y avait un récipient pour la
3 nourriture, un autre pour le pain, et un autre pour le thé par exemple. Je
4 pense qu'on pouvait y mettre un peu près 100 litres, 50 à 100 litres.
5 Question: Savez-vous de combien de récipients avait-on besoin pour nourrir
6 les gens se trouvant dans les camps?
7 Question: Je ne sais pas.
8 Question: Je voudrais vous poser une autre question: pourquoi apportiez-
9 vous l'eau de chez vous?
10 Réponse: Parce que là où j'étais gardien, il n'y avait pas d'eau.
11 Question: Il n'y avait pas d'eau potable, il n'y avait pas d'eau que vous
12 pouviez boire, c'est cela?
13 M. K. Simic (interprétation): Objection!
14 Réponse: Il n'y avait pas d'eau du tout.
15 M. K. Simic (interprétation): Je retire mon objection. Le témoin a répondu
16 M. le Président: De toute façon, Maître Simic, je crois que si vous faites
17 confiance au témoin, le témoin va toujours répondre. Nous faisons beaucoup
18 d'interruptions, peut-être sans utilité, parce que le témoin répond. Il
19 est là, le témoin répond, comme vous le voyez.
20 Faites confiance au témoin. Merci. Allez-y Madame Somers.
21 Mme Somers (interprétation): Monsieur Pusac, est-ce que les équipes
22 travaillant dans le deuxième cercle, est-ce que ces équipes travaillaient
23 aussi de nuit? Parce que je sais que vous avez dit qu'il y avait des gens
24 qui travaillaient de nuit. Est-ce que vous vous avez travaillé la nuit?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Quand vous travailliez pendant la nuit...
2 Tout d'abord, vous avez dit que ce cercle se trouvait à 500 ou 600 mètres
3 du camp? Est-ce exact?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Avant de vous poser cette question, je me demande si vous
6 pourriez nous montrer quelque chose, si cela ne vous dérange pas de vous
7 lever.
8 Devant vous, vous avez une maquette du camp d'Omarska. Je me demande si
9 vous pourriez prendre le pointeur et nous montrer un certain nombre de
10 choses. Ceci va durer juste une minute. J'espère que cela ne va pas vous
11 déranger. Pourriez-vous vous lever et faire cela? Vous devriez laisser vos
12 écouteurs.
13 Vous m'entendez? M'entendez-vous?
14 Monsieur Pusac, à partir de cette maquette du camp d'Omarska, pourriez-
15 vous nous montrer de quel côté vous montiez la garde, de quel côté du camp
16 d'Omarska?
17 (Le témoin l'indique sur la maquette.)
18 Sur le modèle, vous montrez la partie verte, ce qui se trouve devant la
19 partie verte. Pour le compte rendu d'audience, il s'agit donc de l'endroit
20 à droite par rapport à ce que l'on appelle la maison blanche. Est-ce
21 exact? Vous avez montré la partie se trouvant à droite de la maison
22 blanche?
23 Réponse: Ceci dépend de l'endroit où vous êtes.
24 M. K. Simic (interprétation): Objection! Le témoin n'a pas mentionné la
25 maison blanche et je voudrais...
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1 M. le Président: Pardon, excusez-moi, mais nous arrivons à une situation
2 où les interruptions commencent à perturber, Maître Simic. C'est vrai,
3 mais Mme Somers essaie, comme vous le savez, de placer le point que le
4 témoin a indiqué dans le compte rendu; elle a dit que c'était à droite de
5 la maison blanche, le point indiqué. Il est vrai que le témoin n'a pas
6 parlé de maison blanche; nous le savons tous, Maître Simic. Nous entendons
7 tous aussi. Et le témoin a bien observé qu'il faut savoir quel est le
8 point: à droite de la maison blanche, mais d'où?
9 Il est vrai que Mme Somers à une position et le témoin une autre. Mais
10 nous suivons le débat! Peut-être, il y a le bâtiment administratif, il y a
11 le réfectoire; moi-même, dans la position du témoin, si le témoin
12 connaissait -mais il ne connaît pas-, je dirais: à la suite du restaurant,
13 dans la direction de la maison blanche, à droite, oui. Mais c'est à Mme
14 Somers de décrire.
15 C'est vrai, Maître Krstan Simic, c'est vrai que le témoin n'a pas
16 mentionné la maison blanche. Oui, mais si vous suiviez avec attention, qui
17 a mentionné? c'était Mme Somers quand elle a essayé de mettre dans le
18 compte rendu le point que le témoin a indiqué. Epargnons le temps!
19 Allez-y, Madame, vous poursuivez avec vos connaissances de la géographie:
20 le nord, l'est et l'ouest; placez-vous dans un endroit et orientez le
21 témoin. Dites-lui: vous êtes sur ce point et vous avez indiqué dans cette
22 direction. Allez-y!
23 Mme Somers (interprétation): Nous allons dire que le nord se trouve par
24 là-bas. Pourriez-vous à nouveau nous montrer l'endroit où vous
25 travailliez? Pourriez-vous nous le montrer à nouveau à l'aide du pointeur?
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1 (Le témoin s'exécute.)
2 Donc cet endroit se trouve au nord-est par rapport à l'endroit peint en
3 vert et, par rapport à la bâtisse blanche, c'est à droite. Je pense que je
4 ne me trompe pas si je dis que c'est à droite de cette bâtisse blanche.
5 C'est bien cela que vous m'avez montré?
6 M. Pusac (interprétation): Oui.
7 Question: Merci. Est-ce que, de temps en temps, vous changiez d'endroit
8 dans le cadre de ce deuxième cercle, d'endroit de travail?
9 Réponse: Non.
10 Question: Vous étiez donc toujours à ce même endroit, l'endroit que vous
11 venez de nous montrer?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Très bien. Je pense que vous pouvez vous rasseoir. L'huissier va
14 vous aider.
15 (Le témoin se rassoit.)
16 M. le Président (interprétation): Je profite de l'interruption, Madame,
17 pour faire une suggestion. Il y a un papier avec la carte de cette
18 maquette. Je crois que c'est peut-être plus pratique, si vous en avez
19 besoin une prochaine fois, de préparer une pièce de papier avec la
20 maquette, et le témoin peut indiquer. Ce qui serait plus facile, et nous
21 pouvons alors aller plus vite.
22 C'est une suggestion. Vous la prenez, si vous le voulez ou non.
23 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président. C'est en effet
24 une suggestion très, très utile.
25 Monsieur, à partir de l'endroit que vous nous avez montré, où vous
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1 effectuiez différentes tâches, soit pendant le jour soit pendant la nuit,
2 quand vous étiez de garde, est-ce que vous avez à aucun moment entendu des
3 cris, des cris de personnes?
4 M. Pusac (interprétation): Non.
5 Question: A partir de cet endroit que vous nous avez montré, avez-vous
6 jamais entendu des coups de feu, des sons, des bruits d'armes?
7 Réponse: Des coups de feu? Non.
8 Question: Avez-vous jamais aperçu des véhicules ou bien des camions sortir
9 du camp d'Omarska, chargés de corps sans vie, de cadavres?
10 Réponse: Non.
11 Question: Je vais vous poser une question au sujet d'un véhicule
12 particulier: est-ce que vous avez jamais vu un véhicule que l'on peut
13 décrire comme un camion de marque TAM, de couleur jaune, circuler dans
14 Omarska? Est-ce que vous avez jamais pu voir ce véhicule de marque TAM, de
15 couleur jaune, dans le camp d'Omarska?
16 Réponse: Non, jamais.
17 Question: Mon collègue de la défense vous a posé des questions au sujet de
18 votre service militaire que vous avez effectué en 1991. Vous avez dit que
19 vous avez, au début, été assigné pour travailler dans la 43e Brigade
20 motorisée?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Avez-vous participé à des activités de combat, en 1992?
23 Réponse: Non.
24 Question: Avez-vous jamais été membre de la 5e Brigade légère de Kozarac?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Et quand cela? Pendant quelle période?
2 Réponse: 1993, 1994 et 1995.
3 Question: Et vous étiez dans quelle unité ou dans quel bataillon de cette
4 brigade?
5 Réponse: J'étais dans le 3e Bataillon?
6 Réponse: Avez-vous jamais reçu des médailles militaires, avez-vous jamais
7 été félicité pendant la période que vous avez passée dans cette brigade de
8 Kozarac?
9 Réponse: Non. Mais en revanche, j'ai été en prison.
10 Question: Pourquoi? Que s'est-il passé?
11 Réponse: Je ne me suis pas bien comporté.
12 Question: Qu'avez-vous fait?
13 Réponse: J'ai évité...
14 Question: J'ai évité quoi?
15 Réponse: J'ai évité d'aller sur le champ de bataille.
16 Question: Pendant combien de temps étiez-vous enfermé?
17 Réponse: Brièvement.
18 Question: Cela veut dire?
19 Réponse: L'enquête a duré sept à dix jours. Ensuite, on m'a à nouveau
20 envoyé sur le champ de bataille.
21 Question: Pendant votre détention, où étiez-vous exactement?
22 Réponse: A Banja Luka.
23 Question: Dans quel genre d'installation? Quel est le nom de cet endroit?
24 S'agissait-il d'un camp militaire, d'une prison, c'était quoi exactement?
25 Réponse: C'était un établissement militaire. Ce n'était pas une prison,
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1 pas un camp.
2 Question: Quand on vous a de nouveau envoyé sur le champ de bataille,
3 après votre libération de cette prison de Banja Luka, où étiez-vous
4 exactement, sur quel champ de bataille?
5 Réponse: Gradacac.
6 Question: Et pendant quelle période de temps: de quelle date à quelle
7 date?
8 Réponse: Je ne sais pas exactement.
9 Question: Pendant que vous étiez enfermé, comment était la nourriture dans
10 la prison?
11 Réponse: Elle était bonne. On pouvait recevoir de la nourriture de
12 l'extérieur; alors mon frère, ma sœur m'apportaient de la nourriture.
13 Question: Je voudrais vous poser une question au sujet de votre poids.
14 Pendant que vous travailliez dans le second cercle, quelle était votre
15 poids? Pendant que vous travailliez, par exemple au mois de juin 1992, et
16 quel était votre poids au moment où vous avez fini de travailler là-bas,
17 au mois d'août?
18 Réponse: Quand j'ai commencé à travailler, je pesais 89 kilos et, au
19 moment où j'ai arrêté de travailler, 89 kilos. Mon poids est resté le
20 même.
21 Question: Je m'excuse de cette digression. Quand vous étiez enfermé
22 pendant cette brève période à Banja Luka, n'y avait-il que des soldats
23 enfermés là-bas? Si c'est le cas, n'étaient-ce que des soldats serbes?
24 Réponse: Oui, il n'y avait que des soldats et des soldats serbes. En
25 réalité, il y avait aussi des soldats musulmans et croates, mais qui
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1 faisaient partie de notre armée. Ils étaient là parce qu'ils avaient
2 commis un certain nombre de délits: ils ne sont pas rendus à leur mission,
3 ils ont désobéi en quelque sorte. Les membres de la police militaire les
4 emmenaient là-bas et, après quelques jours, ils partaient.
5 Question: Est-ce que vous avez fait une comparution devant un juge avant
6 d'être enfermé?
7 Réponse: Non.
8 Question: Je vais vous poser quelques questions supplémentaires. Je pense
9 qu'il faudrait communiquer à la Chambre la pièce...
10 Un instant, je vous prie... Il s'agit de la pièce 2/4.11.
11 Il s'agit d'un document datant du 31 mai et de la création du camp
12 d'Omarska. Maître Simic l’a déjà présenté. Je pense que tout le monte ici
13 dispose d'une copie de ce document.
14 M. le Président: Maître Simic?
15 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur
16 les Juges, je voudrais tout d'abord que Mme Somers vérifie si le témoin a
17 jamais vu ce document.
18 Il est électromécanicien. Je me souviens qu'à l'occasion où j'ai demandé à
19 un témoin, le témoin J, de se prononcer par rapport à ces documents, on
20 m'a dit que ce témoin ne pouvait pas discuter ou commenter un tel document
21 juridique, même s'il s'agissait d'un document juridique très simple.
22 M. le Président: On va voir, Maître Krstan Simic.
23 J’en profite pour rappeler le temps à Mme Somers: faites attention.
24 Poursuivez donc.
25 Mme Somers (interprétation): Oui, j'en suis bien consciente. Merci,
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1 Monsieur le Président.
2 Est-ce que je dois répondre à cette objection?
3 M. le Président (interprétation): Non, je crois que non. Il faut seulement
4 tenir compte de cela. Allez-y, sinon nous perdons beaucoup de temps.
5 Mme Somers (interprétation): Très bien, merci beaucoup.
6 Monsieur Pusac, pourriez-vous, s'il vous plaît, juste faire votre
7 commentaire sur un certain nombre de points? Peut-être que vous n'avez
8 jamais vu ce document. Mais ce n'est pas tellement important puisqu'il
9 s'agit de l'endroit où vous avez travaillé. Et pour cela...
10 M. le Président: Ou vous demandez au témoin: est-ce que vous connaissez le
11 document, et après vous posez la question. Mais si vous posez la question
12 sans le document, il ne faut pas mettre le document devant le témoin: il
13 faut seulement poser la question.
14 Si la question est relative au document, il faut demander: est-ce que vous
15 connaissez le document? Et après, vous posez la question. Si vous admettez
16 et posez la question sans que le témoin connaisse le document, il n'est
17 pas nécessaire d'avoir le document.
18 Mme Somers (interprétation): Oui, Monsieur le Président. J'ai voulu poser
19 cette question sous un autre angle. Mais je vais poser la question
20 différemment.
21 Le document que vous avez devant vous est un document daté du 31 mai 1992.
22 Ce document est signé par M. Simo Drljaca. Avez-vous jamais vu ce document
23 avant?
24 M. Pusac (interprétation): Non.
25 Question: Savez-vous s'il y avait des lois ou des réglementations venant
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1 d'un niveau supérieur concernant le rôle de différentes personnes, les
2 règles de la création ou du fonctionnement du camp d'Omarska?
3 Réponse: Non.
4 Question: Je vais poser cette question à un autre témoin. Je pense qu'il
5 serait peut-être en effet difficile pour le témoin de répondre à ma
6 question.
7 Merci, Monsieur Pusac, je n'ai pas d'autres questions pour vous.
8 M. le Président: Madame Somers, merci. Maître Krstan Simic?
9 (Interrogatoire principal supplémentaire au témoin, M. Novak Pusac, par Me
10 Krstan Simic.)
11 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je n'ai qu'une
12 seule question à poser au témoin.
13 Monsieur Pusac, mon éminente collègue vous a posé une question concernant
14 l'endroit où se trouvait votre tente, si je puis dire, à partir duquel
15 vous assuriez la sécurité dans le cadre du deuxième cercle. Je vais vous
16 demander de dire aux Juges si, entre votre tente et le centre d'Omarska,
17 il y avait des obstacles? Est-ce que le terrain était configuré de sorte
18 que vous puissiez voir ce qui se passait dans l'immeuble?
19 M. Pusac (interprétation): Nous ne pouvions pas bien voir: il y avait des
20 buissons, nous nous trouvions à 500 ou 600 mètres. Il y avait donc des
21 buissons et des arbustes, et il fallait que nous aussi nous soyons un peu
22 camouflés, que l'on ne nous voit pas des champs, de l'extérieur, donc on
23 pouvait très mal voir, on ne voyait presque rien.
24 Question: Question supplémentaire: est-ce que vous avez posé votre tente
25 dans les règles de l'art? Est-ce que vous vous êtes camouflé pour ne pas
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1 être vu de l'ennemi, etc.?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Est-ce que cela vous empêchait de voir le centre?
4 Réponse: Oui.
5 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame et
6 Monsieur les Juges, je n’ai pas d’autres questions.
7 M. le Président: Merci, Maître Krstan Simic.
8 Monsieur le Juge Riad, avez-vous des questions?
9 M. Riad (interprétation): Non, Monsieur le Président.
10 M. le Président: Madame la Juge Wald, s’il vous plaît?
11 Mme Wald (interprétation): J'ai quelques questions à poser.
12 (Questions au témoin, M. Novak Pusac, de Mme la Juge Wald.)
13 Je pense que vous avez dit que, d'après votre compréhension, vous et vos
14 collègues du deuxième cercle, il était de votre mission de garder, c'est-
15 à-dire d'empêcher les prisonniers de s'échapper du camp ou bien d'empêcher
16 des personnes qui n'avaient pas l'autorité de se rendre dans le camp de
17 s'y rendre. C'est comme cela que vous avez compris votre fonction dans le
18 cadre de ce deuxième cercle.
19 Pendant que vous étiez de garde, que regardiez-vous, à quoi faisiez vous
20 attention?
21 M. Pusac (interprétation): A l'endroit où j'étais pendant que j'étais de
22 garde, je faisais attention à ce que personne ne rentre de l'extérieur et
23 que personne ne sorte du camp.
24 Question: Très bien.
25 Ma deuxième question est la suivante: comment vous et les autres soldats
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1 du deuxième cercle pouviez-vous savoir qui étaient les personnes
2 autorisées à pénétrer dans le camp?
3 Si, par exemple, vous voyiez quelqu'un s'approcher de l'entrée, de
4 l'entrée principale du camp, est-ce que vous pouviez voir à partir de
5 l'endroit où vous étiez, d'où vous montiez la garde, la garde principale,
6 la garde par où entraient les camions, les gens? Est-ce que vous pouviez
7 voir les gens sortir, entrer?
8 Réponse: Non.
9 Question: Que gardiez-vous alors? Je ne comprends pas très bien: si vous
10 ne pouviez pas voir les gens entrer et sortir, qu'étiez-vous supposés
11 garder, regarder?
12 J'entends le français dans mes écouteurs, pas l'anglais. Excusez-moi.
13 Mme Thomson (interprétation): Les interprètes peuvent-ils vérifier leur
14 micro?
15 M. le Président: De notre côté, tout va bien.
16 Mme Wald (interprétation): Maintenant, ça va.
17 Je vous demande, Monsieur le Témoin, ce que vous surveilliez quand vous
18 étiez de garde. Si vous ne pouviez pas voir les gens qui entraient ou qui
19 sortaient de l'entrée principale, qu'étiez-vous censés surveiller?
20 M. Pusac (interprétation): Mon poste de garde ne se trouvait pas à cet
21 endroit-là, mais à l'extrémité opposée par rapport à l’entrée.
22 Question: Donc d'après vous, ce que vous étiez censés faire, c’était de
23 vérifier les entrées et les sorties non autorisées du camp, mais vous ne
24 travailliez pas aux entrées officielles du camp.
25 Vous avez dit que vous étiez censés surveiller les gens qui entraient et
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1 qui sortaient. Donc ce que j'essaie de faire, c’est de comprendre en quoi
2 consistait exactement votre travail: étiez-vous censés vérifier peut-être
3 que des gens ne se glissent pas hors du camp, à des endroits qui n'étaient
4 pas les portes officielles du camp?
5 Réponse: Oui, c'est cela.
6 Question: Donc pour que tout soit clair, aviez-vous la possibilité de voir
7 les camions qui apportaient tous les jours la nourriture dans le camp?
8 Lorsque la nourriture arrivait, aviez vous la possibilité de voir ces
9 camions pénétrer dans le camp, ces camions dont nous avons parlé, qui
10 transportaient la nourriture?
11 Réponse: Non. Je ne voyais que les camions qui venaient chez nous.
12 Question: Quelle était la nature exacte des camions qui venaient chez
13 vous? Etaient-ce des camions militaires?
14 Réponse: Non.
15 Question: Mais alors quels autres camions avez-vous vus?
16 Réponse: Des camions d'entreprises privées qui avaient été réquisitionnés
17 et qui venaient jusqu'à nous en traversant les champs.
18 Question: Mais ils venaient jusqu'à vous, ils n'allaient pas dans le camp,
19 les camions dont nous parlons en ce moment. Est-ce qu’à un moment ou un
20 autre, ils ont pénétré dans le camp ou est-ce qu’ils venaient simplement
21 jusqu'à votre poste de garde, à vous?
22 Réponse: Ils ne venaient que jusqu'à nos postes de garde, notre poste de
23 garde et celui des autres gardiens, bien sûr.
24 Question: Pendant les deux mois que vous nous avez dit avoir passés au
25 même poste de garde, avez-vous, à un moment ou un autre, vu quelqu'un
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1 tenter de pénétrer dans le camp ou tenter de sortir du camp, depuis votre
2 poste de garde, avez-vous vu cela?
3 Réponse: Non, personne n'est entré ou...
4 Question: Vous n'avez jamais vu aucune personne sortir ou entrer du camp
5 sans autorisation?
6 Réponse: Non, non, il n'y a eu personne.
7 Question: D'accord. D’après vous -je crois connaître la réponse, mais
8 j'aimerais le vérifier auprès de vous-, depuis l'endroit où vous vous
9 trouviez, depuis votre poste de garde, vous était-il possible de voir des
10 prisonniers? Je parle simplement de les voir, pas nécessairement de les
11 reconnaître parce que vous n'étiez pas très près, mais est-ce que vous
12 pouviez voir des corps humains circuler dans le camp? Je ne parle pas de
13 corps sans vie, je parle de prisonniers. Est-ce que vous pouviez voir des
14 silhouettes à l'intérieur du camp à partir de l'endroit où se trouvait
15 votre poste de garde?
16 Réponse: Non, on ne voyait que le toit de ce bâtiment que je montre ici
17 sur la maquette. Je ne sais pas comment il s'appelle.
18 Question: Vous ne pouviez pas voir où étaient les groupes d'êtres humains
19 à l'intérieur du camp? Je vous demande s'il est exact ou inexact que,
20 pendant les deux mois que vous avez passés à l'endroit où vous avez
21 travaillé, vous n'avez jamais vu un seul détenu, un seul prisonnier à
22 l'intérieur du camp. C'est bien cela?
23 Réponse: Oui, c'est exact, je n'en ai vu aucun.
24 Question: D'accord. J'arrive à ma dernière question qui est la suivante:
25 vous nous avez dit que, sur la base de ce que vous saviez, vous receviez
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1 la même nourriture que les prisonniers? Je parle de cette nourriture qui
2 était apportée dans des récipients par les membres du peloton de
3 l'intendance.
4 Réponse: Oui.
5 Question: Aviez-vous le moindre moyen de savoir si la quantité de
6 nourriture qui vous était servie à vous était la même que celle qui était
7 servie aux détenus, aux prisonniers? Je ne sais pas si vous aviez un tel
8 moyen, mais aviez-vous, oui ou non, un moyen de déterminer si la quantité
9 de nourriture qui vous était servie à vous était identique à celle qui
10 était servie aux personnes à l'intérieur du camp?
11 Réponse: Je ne sais pas.
12 Question: D'accord, merci.
13 Réponse: Je vous en prie.
14 (Questions au témoin, M. Novak Pusac, par M. le Président.)
15 M. le Président: Monsieur Pusac, est-ce que vous pouvez nous dire quelles
16 ont été les instructions, par exemple, que Zdravko Maric qui était votre
17 supérieur hiérarchique vous a données à accomplir? Quelles ont été les
18 instructions?
19 M. Pusac (interprétation): "Personne ne doit entrer ou sortir. Pour le
20 reste, vous recevrez des informations".
21 Question: Bien. Entrer et sortir d'où?
22 Réponse: Sortir de cet endroit et entrer à partir de l'extérieur.
23 Question: La traduction que j'ai reçue me dit "sortir de cet endroit":
24 quel endroit?
25 (Note de l'interprète: le mot "krug" utilisé par le témoin signifie
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1 littéralement "cercle".)
2 Réponse: Je ne comprends pas votre question, Monsieur le Président.
3 Question: Vous m'avez dit que l'instruction, c'était empêcher que
4 quelqu'un entre ou que quelqu'un sorte et je vous demande "entrer où et
5 sortir d'où"? Vous comprenez maintenant?
6 Réponse: Je comprends. Il ne fallait pas que quelqu'un entre en provenance
7 de l'extérieur et que quelqu'un sorte du "krug", c'est-à-dire du cercle.
8 Question: Quel est le cercle? Quel cercle?
9 Réponse: Je ne veux pas parler d'un rond, mais enfin de ces bâtiments-là.
10 Des bâtiments où se trouvaient les prévenus, les prisonniers.
11 Question: Le cercle était ce qu'on dit donc le centre d'Omarska, c'est
12 cela?
13 Réponse: Oui.
14 Question: La tâche était d'empêcher que quelqu'un entre ou sorte du ou
15 dans le centre d'Omarska?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Dans tout ce temps que vous avez été là -Mme la Juge Wald a déjà
18 mentionné ces deux mois-, est-ce que vous avez jamais vu quelque chose
19 d'anormal, de spécial du point de vue de la sécurité?
20 Réponse: Non.
21 Question: Est-ce qu'on peut dire que les choses se sont tellement bien
22 passées que, si vous n'étiez pas là, vous n'étiez pas nécessaire?
23 Réponse: On peut dire cela.
24 Question: Très bien. J'ai encore une petite question: comment était
25 transportée la nourriture?
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1 Réponse: Dans des camions appartenant à des entreprises privées.
2 Question: Est-ce que vous pouvez nous décrire quel type de camions était-
3 ce?
4 Réponse: Des camions de marque Zastava 750.
5 Question: Les marmites, si je peux dire: est-ce qu'il y avait des petites
6 marmites, si je peux dire ainsi, avec des doses individuelles ou c'était
7 l'ensemble de la nourriture? Vous comprenez, vous pouvez avoir une grande
8 portion de nourriture qu'après on divise entre les personnes, ou avoir
9 déjà des portions individuelles. Comment les choses se passaient-elles?
10 Réponse: Les marmites étaient de très grande taille et nous, nous avions
11 nos petits récipients personnels. A partir de la grosse marmite, on
12 versait la nourriture dans les petits récipients individuels.
13 Question: Quand la nourriture, si je peux dire, était mise dans les
14 camions, est-ce que vous avez pu voir la nourriture qui était là-dedans?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Les récipients étaient donc ouverts ou fermés?
17 Réponse: Fermés.
18 Question: Comment pouviez-vous voir?
19 Réponse: Quand on distribuait.
20 Question: Très bien. Monsieur Pusac, nous avons terminé nos questions.
21 Nous vous remercions beaucoup d'être venu ici. Nous vous souhaitons un bon
22 retour à votre endroit de résidence. Merci beaucoup.
23 Monsieur l'huissier va vous raccompagner.
24 Réponse: Merci.
25 (Le témoin, M. Novak Pusac, est reconduit hors du prétoire.)
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1 M. le Président: Maître Krstan Simic?
2 M. K. Simic (interprétation): La défense va citer à la barre son dernier
3 témoin pour la phase actuelle. Il s'agit du témoin Djordje Stupar.
4 (Le témoin, M. Djordje Stupar, est introduit dans le prétoire.)
5 M. le Président: Bonjour, Monsieur Stupar. Vous m'entendez?
6 M. Stupar (interprétation): Je vous entends.
7 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.
8 l'huissier va vous montrer.
9 M. Stupar (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît. Vous êtes bien
12 installé?
13 M. Stupar (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
14 M. le Président: Merci d'être venu, vous allez répondre aux questions que
15 M. K. Simic va vous poser, s'il vous plaît.
16 Maître Krstan Simic, vous avez la parole.
17 (Interrogatoire principal du témoin, M. Djordje Stupar, par Me Krstan
18 Simic.)
19 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
20 Monsieur Stupar, je tiens à vous dire bonjour. Vous savez que je suis
21 avocat, je m'appelle Krstan Simic et, avec Me Lukic, je représente les
22 intérêts de M. Kvocka.
23 C'est dans le cadre de nos fonctions que nous allons vous poser quelques
24 questions liées aux événements survenus en 1992 en Bosnie-Herzégovine.
25 M. Stupar (interprétation): Je vous en prie.
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1 Question: Je vous prierai de bien vouloir ménager une pause de quelques
2 instants à la fin de mes questions, de façon que le compte rendu
3 d'audience puisse correspondre tout à fait à ce qui est dit dans le
4 prétoire, grâce au travail des interprètes.
5 Pour le compte rendu d'audience, je vous prierai de bien vouloir décliner
6 vos nom et prénom?
7 Réponse: Djordje Stupar.
8 Question: Monsieur Stupar, quelle est votre date de naissance?
9 Réponse: Le 17 décembre 1950.
10 Question: Où êtes-vous né?
11 Réponse: A Banja Luka.
12 Question: Habitez-vous à Banja Luka?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Avez-vous accompli votre service militaire? Et si oui, où?
15 Réponse: Oui, du mois de novembre 1973 au mois de février 1975, à Nis.
16 Question: Quelle était votre spécialisation durant votre service
17 militaire?
18 Réponse: Je faisais partie du peloton de maintenance en tant que
19 sidérurgiste.
20 Question: Quand vous avez terminé votre service militaire, vous êtes-vous
21 fait enregistrer auprès des services de l'armée?
22 Réponse: Oui. Dans la même spécialité.
23 Question: Je vous rappelle la nécessité de ménager une pause.
24 A quel endroit, Monsieur le témoin, avez-vous été enregistré dans les
25 registres militaires?
Page 7270
1 Réponse: A Banja Luka.
2 Question: Etes-vous marié?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Avez-vous des enfants?
5 Réponse: Deux.
6 Question: Monsieur Stupar, durant les années 1990, 1991, 1992, quelles
7 étaient vos occupations dans la société civile?
8 Réponse: J'étais le propriétaire d'une entreprise privée, qui s'occupait
9 de récupération de papiers utilisés et de recyclage de papiers.
10 Question: Où était le siège de votre entreprise?
11 Réponse: A Banja Luka.
12 Question: Dans votre entreprise, aviez-vous une voiture ou des véhicules?
13 Réponse: Oui, j'en avais: j'avais trois camions et une chargeuse.
14 Question: Selon les règlements et la législation en vigueur à l'époque,
15 était-il possible que des moyens économiques privés, tels que des
16 véhicules, se voient réquisitionnés par des entités physiques ou morales
17 pour les besoins militaires dans le cadre d'un conflit armé?
18 Réponse: Oui, bien entendu.
19 Question: Les véhicules que possédait votre entreprise et les autres
20 moyens économiques à sa disposition étaient-ils pré-affectés dans le cadre
21 de ces règlements, en cas de conflits armé?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Quel était le véhicule concerné?
24 Réponse: Un de mes camions a été réquisitionné.
25 Question: Où a-t-il été réquisitionné?
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1 Réponse: A Rakovacke Bare.
2 Question: Que représentait cette localité?
3 Réponse: Eh bien, croyez-moi, je ne le sais pas avec précision. J'ai cru
4 comprendre que c'était un lieu d'entraînement au tir pour l'armée.
5 Question: Au cours du premier semestre 1992, votre camion a-t-il donc été
6 réquisitionné officiellement par l'armée, dans le cadre de la
7 mobilisation?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Connaissez-vous un homme répondant au nom de Franjo Gagula?
10 Réponse: Oui.
11 Question: De qui s'agit-il?
12 Réponse: C'est quelqu'un que je connais, c'est un fleuriste; son métier
13 consiste à acheter et à vendre des fleurs.
14 Question: Savez-vous si, lui aussi, s’est vu réquisitionner un véhicule
15 quelconque pendant l'année 1992?
16 Réponse: Oui. En effet, un véhicule de marque Nissan et un autre de marque
17 Golf, une Volkswagen.
18 Question: Monsieur Stupar, selon les règlements en vigueur à l'époque,
19 quels sont les droits dont jouissent les propriétaires de véhicules
20 réquisitionnés dans le cadre d'une mobilisation et pour lesquels il est
21 prévu qu'ils puissent être réquisitionnés?
22 Réponse: Eh bien, les propriétaires avaient le droit d'obtenir une
23 compensation et nous, lorsque nous remettions le véhicule à l'armée, nous
24 étions tenus de le remettre à l'armée en parfait état technique; l'armée,
25 elle, avait pour obligation de nous le rendre ensuite dans le même état,
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1 c'est-à-dire en parfait état technique.
2 Question: Savez-vous ce qu'il est advenu du véhicule de Franjo Gagula?
3 Réponse: Son véhicule a été utilisé pour les besoins pour lesquels il
4 avait été réquisitionné, mais ensuite il a disparu, il a été volé.
5 Question: Savez-vous si M. Gagula a fait valoir son droit à des dommages
6 et intérêts, en raison du fait que son véhicule de marque Golf avait
7 disparu, avait été volé pour être plus précis?
8 Réponse: Il a déclaré avoir obtenu un jugement de la part d'un tribunal,
9 jugement en sa faveur.
10 Question: Savez-vous quel est le tribunal qui a rendu ce jugement?
11 Réponse: Je pense avoir entendu dire que c'était le tribunal municipal de
12 Banja Luka.
13 Question: Savez-vous s'il a effectivement touché les dommages et intérêts
14 qui lui avaient été accordés pour la perte de son véhicule?
15 Réponse: Je pense que, jusqu'à il y a encore quinze jours, il n'avait
16 toujours pas touché son argent.
17 Question: Mais lorsqu’il a parlé avec vous, est-ce qu’il vous a dit que le
18 jugement était définitif?
19 Réponse: Je crois qu'il m’a dit que le jugement était définitif, mais je
20 n'en suis pas sûr.
21 Question: Quelle était l'appartenance ethnique de M. Franjo Gagula?
22 Réponse: Il est croate.
23 Question: Monsieur Stupar, si nous tenons compte de tout ce que vous avez
24 dit jusqu'à présent, je vous demande simplement de nous dire si vous étiez
25 un homme aisé?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Est-ce que vous étiez également propriétaire d'un appartement à
3 Belgrade?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Avez-vous des frères et des sœurs?
6 Réponse: J’ai un frère.
7 Question: Comment s'appelle-t-il?
8 Réponse: Bosko Stupar.
9 Question: Où réside votre frère Bosko Stupar?
10 Réponse: Il vit au Canada, à Toronto, depuis 1972.
11 Question: Quel âge avait votre fils en 1992?
12 Réponse: Il avait 16 ans.
13 Question: En 1992, vous-même, soumis donc aux obligations militaires,
14 avez-vous été mobilisé?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Où?
17 Réponse: En 1992, j'ai d'abord été mobilisé à l'aérodrome de Banja Luka.
18 Question: Quel était votre statut? Dans quelle spécialité avez-vous été
19 mobilisé?
20 Réponse: En tant que sidérurgiste.
21 Question: Non, je vous demandais simplement si vous aviez été affecté à la
22 police ou à l'armée?
23 Réponse: Lorsque j'ai été mobilisé pour la première fois, j’ai été versé
24 dans les rangs de l'armée mais, par la suite, j'ai été versé dans les
25 forces policières de réserve.
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1 Question: Vous rappelez-vous au cours de quel mois vous êtes entré dans
2 les rangs des réservistes de la police, ce qui a donc constitué une
3 modification de votre statut?
4 Réponse: Cela s'est passé au début du mois de juin 1992.
5 Question: Excusez-moi, je vais revenir sur quelques détails liés à la
6 mobilisation, car j'ai omis de vous poser certaines questions.
7 Si, en tant que propriétaire d'un véhicule motorisé ou d'un autre bien
8 matériel, qui selon les lois en vigueur est réquisitionné, après
9 mobilisation, pour satisfaire aux besoins d'une unité militaire, et si,
10 dans ces conditions, vous ne vous prêtez pas à cette obligation, quelles
11 auraient été les sanctions applicables?
12 Réponse: Je crois savoir qu'une certaine responsabilité pénale était
13 prévue.
14 Question: Monsieur le Président, j'aimerais que l'on distribue ce document
15 aux Juges de la Chambre, aux membres de l'accusation et au Greffe. Les
16 autres conseils de la défense ont déjà reçu ce document.
17 (L’huissier s’exécute.)
18 Ce sera donc, si ce document est versé au dossier et admis, la pièce à
19 conviction D41/1.
20 M. Riad (interprétation): Il n'y a pas d'interprétation en anglais.
21 Mme Thomson (interprétation): Je demande aux interprètes de vérifier leur
22 micro.
23 M. le Président: Maître Krstan Simic, allez-y, s'il vous plaît.
24 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
25 Ces plaintes ont-elles été déposées auprès de tribunaux militaires ou de
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1 tribunaux civils, pour ce qui est des assujettis au service militaire?
2 M. Stupar (interprétation): Aux tribunaux militaires.
3 Question: Je voudrais demander à M. l'huissier de vous présenter le
4 document que je tiens ici.
5 (L’huissier s’exécute.)
6 M. le Président: Maître Krstan Simic, le document dit "respect au témoin"
7 ou non?
8 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, ce document concerne
9 des faits pertinents dont nous avons traité ici. Et le témoin présent est
10 une personne dont le véhicule avait été réquisitionné.
11 Nous voulons que la Chambre se fasse une idée. Nous n'avons même pas à le
12 montrer. Nous avions parlé de plaintes en vertu du Code pénal et on avait
13 parlé des sanctions que cela impliquait. Nous voulions que la Chambre
14 dispose d'un état ou d'une vue d'ensemble pour ce qui est de l'obligation
15 qui concernait tous les assujettis au service militaire.
16 M. le Président: Maître Krstan Simic, le témoin n'est pas avocat; ces
17 faits disent "respect au témoin". Je vous autorise de toute façon à poser
18 la question; on va évaluer ce qu’il en résulte. Allez-y.
19 M. K. Simic (interprétation): Merci.
20 Monsieur Stupar, juste une question: est-ce que, si quelqu'un refuse de
21 céder son véhicule, c'est bien la procédure suivie?
22 M. Stupar (interprétation): Je pense que oui.
23 Question: Une question seulement, encore. On dit ici "demande d'enquête à
24 l'encontre de Jovic Andja"?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: De quelle nationalité était cette personne?
2 Réponse: Je ne le sais pas.
3 Question: Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de questions à poser
4 à ce sujet.
5 Excusez-moi, Monsieur Stupar, d'être revenu un peu en arrière. Nous allons
6 maintenant revenir à l'endroit où nous nous étions arrêtés tout à l'heure.
7 Quelles ont été vos tâches, lorsque vous étiez policier de réserve, au
8 cours de cette première moitié de l'année 1992?
9 Réponse: Eh bien, nous étions chargés de la sécurité physique du poste
10 émetteur de la radio de Banja Luka, de la poste et de l'assemblée
11 municipale de Banja Luka, de l'agence gouvernementale, du SDK, à savoir la
12 comptabilité sociale, et des tâches normales de la station de police.
13 Question: Votre statut était identique aux policiers professionnelles pour
14 ce qui est des tâches?
15 Réponse: Je ne sais vraiment pas.
16 Question: Les policiers actifs étaient-ils en train également de sécuriser
17 ces installations, étaient-ils de permanence aussi?
18 M. le Président: Monsieur Waidyaratne?
19 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, vient de dire
20 qu'il ne savait pas, qu'il n'était pas sûr pour ce qui était des personnes
21 qui étaient censées sécuriser ces installations, je voudrais que M. Krstan
22 Simic reformule la question.
23 M. le Président: Attendez, vous savez qu'il y a toujours ce délai de
24 traduction. Maître Simic, oui maintenant.
25 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, ce que je voulais
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1 demander, c'était de savoir si c'était le même statut que leur statut
2 respectif. Ma question suivante était de savoir s'il pouvait nous dire ce
3 que faisaient les uns et les autres. C'est une chose qu'il avait pu voir
4 ou constater par lui-même.
5 M. le Président: Posez la question, s'il vous plaît.
6 M. K. Simic (interprétation): Est-ce qu'avec vous, personnellement, au
7 niveau de ces tâches de sécurisation, il y avait des policiers
8 professionnels?
9 Réponse: Non.
10 Question: Monsieur Stupar, est-ce qu'à un moment donné, face aux problème
11 créés par les conditions en place avant la guerre et pendant la guerre,
12 vous avez décidé à un moment donné de quitter ces compositions de la
13 police de réserve, enfin ces effectifs de la police de réserve et Banja
14 Luka?
15 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur Simic est en train de guider le
16 témoin.
17 M. le Président: Maître Simic, posez la question mais reformulez la
18 question, s'il vous plaît?
19 M. K. Simic (interprétation): Monsieur Stupar, avez-vous quitté Banja
20 Luka?
21 Réponse: Oui, je l'ai quittée avec ma famille.
22 Question: Pourquoi?
23 Réponse: Eh bien, les conditions de vie n'étaient pas normales, et il en
24 allait de même pour ce qui est de la sécurité de ma famille.
25 Question: A quel groupe ethnique appartenez-vous?
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1 Réponse: Je suis Serbe.
2 Question: Quand avez-vous pris la décision de le faire?
3 Réponse: Vers la fin du mois de juillet 1992.
4 Question: Etait-ce facile de le faire? Est-ce qu'on pouvait dire "Je ne me
5 plaîs plus ici et je m'en vais".?
6 Réponse: Non, ce n'était pas si aisé. Cela demandait du temps, des
7 préparatifs.
8 Question: Pourquoi était-ce difficile à réaliser?
9 Réponse: Banja Luka se trouvait dans une sorte d'encerclement spécifique.
10 Il n'était guère possible de sortir sans papiers, sans autorisations de
11 sortie ou de passage, par le corridor ouvert en direction de la Serbie, de
12 Belgrade, pour aller ailleurs encore.
13 Question: Pouvez-vous dire à la Chambre quand est-ce que ce corridor a été
14 ouvert? A quelle date donc une liaison physique avait été établie entre
15 Banja Luka et Belgrade?
16 Réponse: Le 28 juin 1992, il s'est ouvert une communication terrestre
17 entre Banja Luka et Belgrade.
18 Question: Et avant cette date, y avait-il des passages de gens ou de
19 marchandises dans un sens ou dans l'autre?
20 Réponse: Non, Banja Luka et toute la région avaient été encerclées, en
21 état de blocage.
22 Question: Et comment ce blocage s'est répercuté sur l'approvisionnement de
23 la ville de Banja Luka en cigarettes, en denrées alimentaires et en
24 médicaments?
25 Réponse: Eh bien, tout se faisait à un niveau très peu élevé, il n'y avait
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1 pas de médicaments, il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait pas de
2 denrées alimentaires, il n'y avait pas d'oxygène. Par exemple, les bébés,
3 les nouveau-nés mouraient. Cela en raison de problème tout à fait
4 ordinaire. Alors, tous ceux qui ont vécu là-bas, on vécu une situation
5 très difficile.
6 Question: Monsieur Stupar, est-ce que vous vous souvenez du montant qu'il
7 fallait payer pour un sac de farine à l'époque, dans cet encerclement?
8 Réponse: Croyez-moi que je ne m'en souviens pas, parce que l'inflation
9 croissait de jour en jour, je sais qu'il s'agissait d'une quantité très
10 grande de dinars qu'il fallait payer.
11 Question: Pour ce qui est de l'électricité, pendant combien de temps, il
12 n'y en avait pas d'affilée?
13 Réponse: Je crois que le cycle le plus long sans électricité était de 42
14 jours.
15 Question: Est-ce qu'il s'agissait d'une période où les températures
16 étaient élevées?
17 Réponse: Oui, c'était l'été, et les chaleurs étaient immenses. Les denrées
18 alimentaires donc périssaient. On ne préparait que le repas qui venait, il
19 n'y avait pas de réfrigérateur. Il fallait faire du feu à la maison pour
20 cuire quelque chose; dehors, il faisait 40, à l'intérieur, dans la maison,
21 il faisait 40 et quelque. Voilà comment cela se passait.
22 Question: Lorsque vous avez parlé de difficultés pour ce qui était de se
23 déplacer à titre privé ou officiel vers Belgrade, est-ce que vous pouvez
24 nous décrire un peu comment cela se passait effectivement?
25 Question: Avant que d'emmener ma famille pour faire ce voyage, je suis
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1 passé par là deux fois pour vérifier de quoi cela avait l'air. J'avais des
2 papiers civils, mais je passais en uniforme, c'était plus simple. Il
3 s'agissait de traverser 430 à 440 kilomètre, et sur cette distance, une
4 quarantaine de kilomètres, sur deux segments, se situait en zone de
5 combat. Il y avait des obus qui tombaient sur la route.
6 Ce qui fait qu'il n'a pas été aisé de prendre la décision de placer entre
7 ses mains la vie de sa femme et de ses enfants, pour entreprendre un tel
8 voyage. Mais je l'ai fait!
9 Question: Monsieur Stupar, s'agissant de ce départ ou du départ de quelque
10 personne que ce soit de Banja Luka pour aller à Belgrade, fallait-il une
11 autorisation, un laissez-passer quelconque?
12 Réponse: Oui, il fallait demander une autorisation pour ce type de voyage.
13 Question: Qui est-ce qui délivrait ces autorisations?
14 Réponse: La police.
15 Question: Est-ce qu'à des moments donnés, il y a eu des changements
16 d'attribution pour ce qui était des personnes autorisées ou des
17 institutions organisées à délivrer ces organisations?
18 Réponse: Ce que j'ai remarqué c'est qu'ils avaient juste changé
19 l'emplacement, le lieu où ces autorisations étaient délivrées.
20 Question: Où est-ce que ces autorisations étaient délivrées auparavant?
21 Réponse: Au niveau du poste de police, et ensuite, ce bureau-là a été
22 déménagé vers la communauté locale de Borik, un ou deux.
23 Question: Vous souvenez-vous qui était la personne qui signait ce type
24 d'autorisation?
25 Réponse: Croyez-moi que je ne le sais pas.
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1 Question: Sur la route de Banja Luka à Belgrade, à savoir Bijelina là où
2 on quittait la Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'il y avait des contrôles?
3 Réponse: En me déplaçant avec ma famille vers Belgrade, mon fils avait
4 fait des marques pour compter les points de contrôle, il avait fait 64
5 marques, il y avait donc 64 points de contrôle.
6 Question: Et à chacun de ces points de contrôle, est-ce qu'on vous a
7 arrêtés, est-ce qu'il fallait rendre des comptes, montrer pourquoi on se
8 déplaçait?
9 Réponse: Presque à chacun de ces points-là.
10 Question: Est-ce qu'à chaque moment, on pouvait venir vers ce poste et
11 dire: "J'ai besoin d'un laissez-passer parce que je dois voyager à
12 Belgrade". Ou alors fallait-il documenter la chose d'une façon quelconque?
13 Réponse: Bien sûr, qu'il fallait documenter cela, chacun pouvait aller
14 demander l'autorisation, mais tout le monde ne pouvait pas l'obtenir.
15 Question: Quelle a été la raison, que vous aviez indiquée vous-même, pour
16 quitter la Bosnie-Herzégovine?
17 Réponse: J'ai précisé qu'il s'agissait d'un voyage de service pour raison
18 d'accomplissement d'affaires me concernant.
19 Question: Est-ce que vous pouviez y aller et dire: "J'en ai assez de ceci,
20 cela ne me plaît pas du tout, Messieurs. Donnez-moi un laissez-passer!"?
21 Réponse: Non, on ne pouvait pas le faire.
22 Question: Et conformément à la réglementation en vigueur à l'époque,
23 pouvons-nous dire que vous avez quitté la Bosnie-Herzégovine de façon
24 illicite, en recourant à une sorte de supercherie?
25 Réponse: Je n'ai pas compris.
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1 Question: Est-ce que vous avez quitté la Bosnie-Herzégovine en utilisant
2 un subterfuge?
3 Réponse: Oui, on pourrait s'exprimer ainsi.
4 Question: Est-ce que, conformément à la loi en vigueur, et à la pratique
5 de l'époque, il y avait des conséquences, des séquelles prévues pour les
6 personnes qui quittaient leur unité de leur plein gré, leur affectation
7 militaire ou leur obligation de travail?
8 Réponse: Oui, il y avait des poursuites pénales prévues pour les
9 déserteurs.
10 Question: Et de tels actes étaient-ils appuyés ou condamnés par la plupart
11 des citoyens de la Bosnie-Herzégovine?
12 Réponse: Cela était soutenu par la population.
13 Question: Est-ce que l'on disait que les déserteurs devaient faire l'objet
14 de poursuite, ou de récompense et félicitation?
15 Réponse: De poursuite et condamnation.
16 Question: Et arrivant à Belgrade avec votre famille, vous aviez un
17 logement. Vous étiez sécurisés sur le plan matériel du moins?
18 Réponse: Non, je ne pense pas.
19 Question: Combien de temps avez-vous passé à Belgrade?
20 Réponse: J'y suis resté du 15 septembre au 26 décembre 1992, cela signifie
21 environ deux mois et 9 ou 10 jours.
22 Question: Qu'avez-vous fait après?
23 Réponse: J'ai quitté le pays et me suis rendu au Canada.
24 Question: Pourquoi avez-vous décidé de quitter Belgrade aussi?
25 Réponse: Parce que tout se reflétait sur Belgrade aussi: beaucoup de
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1 réfugiés, une situation chaotique, pas de travail, insécurité. Voilà, ce
2 serait à peu près tout.
3 Question: Et cette décision de partir avec votre famille au Canada, vous
4 avez pu la réaliser, étant donné que vous aviez là-bas un frère, qui avait
5 là-bas sa famille, qui était déjà installé?
6 Réponse: Mon frère m'a procuré les papiers nécessaires pour que je puisse
7 émigrer vers le Canada.
8 Question: Vous avez dit, tout à l'heure, que de tels actes étaient censés
9 être sanctionnés par des notifications de plainte pénale?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Est-ce qu'une plainte a été déposée à votre égard?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Sauriez-vous nous dire si d'autres personnes ont fait l'objet de
14 telles notifications de plainte en vertu du code pénal?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Est-ce que, chez vous, il y avait un homme qui s'appelait Arso
17 qui travaillait?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Avait-il un fils unique?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Son fils travaillait dans quelle ville en 1991 et 1992?
22 Réponse: A Banja Luka.
23 Question: Et lui-même a-t-il également quitté Banja Luka?
24 Réponse: Oui. Au printemps 1992.
25 Question: Et il a fait l'objet de poursuite pénale?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Outre les dangers, et la conscience du fait que vous pourriez
3 faire l'objet de poursuite pénale, vous avez quand même pris une telle
4 décision?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Avez-vous eu l'opportunité d'apprendre quel type de sanction
7 était prononcé par les tribunaux militaires à l'encontre de personnes qui
8 avaient votre statut?
9 Réponse: Non.
10 M. le Président: Monsieur le Président, à ce moment-ci, je voudrais que M.
11 l'huissier distribue aux membres de la Chambre, et à nos collègues ainsi
12 qu'au Greffe, un ensemble de jugements émis par le tribunal militaire de
13 Banja Luka, et nous pourrions…
14 Pour informer le témoin? Le témoin a dit qu'il n'a jamais appris. Est-ce
15 que vous avez l'occasion d'entendre quel type de jugement avait été rendu
16 par ces tribunaux militaires. La réponse a été non. Pourquoi ces
17 documents, Maître Simic?
18 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, l'une des questions
19 qui a été posée, qui ont été posées à l'occasion de ce procès, était la
20 question qui concernait la possibilité de choisir, de quitter le lieu de
21 résidence, de qui que ce soit.
22 Nous voudrions que la Chambre puisse avoir une vue d'ensemble sur le fait
23 qu'il n'y avait pas de possibilité de partir comme l'a fait M. Stupar, qui
24 avait un logement à Belgrade et un frère au Canada. Si la Chambre accepte
25 cette pièce à conviction, cela lui permettra d'avoir une meilleure vue
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1 d'ensemble concernant les relations en vigueur qui régnaient, et voir
2 quelle était l'alternative pour les gens qui sont jugés ici. Je crois que
3 ce sont des raisons de justice qui nous l'imposent.
4 M. Waidyaratne (interprétation): L'accusation fait objection à ces
5 documents car, comme vient de le dire Monsieur le Président, ce témoin a
6 clairement dit qu'il n'avait aucune idée des décisions prises par les
7 autorités militaires. En outre, je ne vois aucun fondement pour ce qui est
8 de faire introduire ces documents par M. Simic.
9 Comme je puis le voir, maintenant, les documents traitent de toute une
10 série de personnes avec des jugements. Le témoin n'a parlé d'aucune
11 personne ou de documents, et a dit lui-même qu'il ne voulait pas en
12 parler.
13 Mme Wald (interprétation): Permettez-moi de poser une question concernant
14 votre objection. Admettons que cette personne, que ce témoin n'en sait
15 rien. Mais faites-vous objection à ce que ces documents soient versés en
16 tant que pièces à conviction ou en qualité d'information pour savoir de
17 quoi avaient l'air les jugements des autorités militaires de Banja Luka à
18 l'encontre des personnes qui quittaient Banja Luka? Faites-vous une
19 objection en dehors de la corrélation avec l'affaire, étant donné que l'on
20 parle de personnes qui ne sont pas concernées ici? L'objectif est tout à
21 fait clair.
22 M. Waidyaratne (interprétation): Je suis d'accord, Madame la Juge, M.
23 Simic n'a pas parlé des lois, des circonstances en vertu desquelles ces
24 jugements ont été prononcés.
25 Mme Wald (interprétation): Vous posez donc une objection
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1 d'authentification?
2 M. Waidyaratne (interprétation): Non, c'est concernant les personnes qui
3 étaient jugées.
4 Mme Wald (interprétation): Bien, donc cela nous apporterait une expertise
5 concernant les lois en vigueur à Banja Luka.
6 M. le Président: Pourquoi vous présentez ces documents au témoin pour
7 qu'il parle de ces documents, s'il a dit que jamais il n'a appris cela.
8 L'autre question est d'une autre façon, faire verser des documents au
9 dossier. Ils n'ont rien à voir avec le témoin. Présenter ces documents au
10 témoin, il va dire: "Je ne sais rien de cela". Il a déjà dit cela. Il a
11 répondu à votre question. C'est votre problème.
12 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, j'accepte votre
13 suggestion. Ce que je voulais, ce n'était pas que ces documents soient
14 liés aux dires de M. Stupar. Ce dernier a dit, de façon explicite, que les
15 personnes enfreignant des réglementations en vigueur, refusant d'accorder
16 leurs véhicules étaient poursuivies pénalement.
17 M. le Président: Je vais conférer avec mes collègues.
18 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, me permettez-vous,
19 s'il vous plaît, juste une phrase? Je voudrais répondre à M. Waidyaratne:
20 la réglementation en vertu de laquelle ces jugements ont étaient adoptés
21 est le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine, qui était en vigueur en 1989,
22 1991, 1992 et 1995. C'est tout ce que je voulais dire. Merci.
23 M. le Président: Je disais que, moi-même, j'ai tout d'un coup lu qu'il
24 s'agissait de l'Article 214, paragraphe 1, une conjonction avec l'Article
25 226. Je vais parler avec mes collègues.
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1 (Les Juges se consultent sur le siège.)
2 M. le Président: Maître Krstan Simic, nous sommes d'accord que ces
3 documents n'ont rien à voir avec le témoin. Donc ce qui est étrange, c’est
4 seulement que vous demandez maintenant le versement de ces documents. Ils
5 n'ont rien à voir avec le témoignage.
6 Je crois que ces documents font partie d'un ensemble de documents que vous
7 avez mentionnés dans votre mémoire préalable, et par rapport auxquels la
8 Chambre a dit que la Chambre attendait de voir les document pour pouvoir
9 décider si, oui ou non, la Chambre décidait de les admettre. Nous avions
10 déjà annoncé cela au début de cette semaine.
11 Je ne peux pas vous spécifier maintenant, mais vous savez qu'il y avait,
12 je parle de mémoire, les documents que vous avez mentionnés comme étant
13 D59 jusqu'à quelque chose...
14 Et vous savez que le Procureur avait fait objection par rapport à quelques
15 documents et d'autres noms. Et nous avons dit, au début de cette semaine,
16 que tous ces documents devaient arriver à la Chambre pour qu'on puisse les
17 examiner, et après décider.
18 Je vous suggère d’enlever votre requête de verser maintenant au dossier,
19 de mettre ensemble tous les documents qui sont en cause, que vous voudriez
20 verser au dossier, de rendre à la Chambre tous ces documents. La Chambre
21 va les voir, la Chambre a déjà l'avis du Procureur, et la Chambre décide.
22 Pourquoi ne pas faire les choses de façon organisée. Nous avions déjà
23 décidé cela. C'est pourquoi j'ai réagi, parce que je ne vois aucune
24 liaison entre ces documents et le témoin. Mais je peux voir qu'il y a une
25 liaison avec l'affaire, mais pas de cette façon.
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1 Si vous êtes d'accord, vous envoyez à la Chambre tous les documents,
2 l'ensemble des documents, que vous avez dit vouloir verser au dossier.
3 Vous l’avez dit dans votre mémoire préalable. Et la Chambre comme elle a
4 dit au début de cette semaine, les examinera et décidera si, oui ou non,
5 ils seront versés.
6 Quelle est votre position, Maître Krstan Simic?
7 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, j'accepte votre
8 suggestion. Je retire ce document.
9 D'après l'accusation, ce sont les seuls documents au sujet desquels
10 l'accusation s'est demandée qu'elle était leur pertinence. Nous allons les
11 proposer à la Chambre pour qu'elle décide si ces documents ont une
12 pertinence ou non par rapport à cette affaire.
13 Je vous remercie. Et j'ai terminé mon interrogatoire principal de ce
14 témoin.
15 M. le Président: Et donc nous retournons le document. Maître Simic, nous
16 avons perdu un peu de temps puisque nous avions déjà décidé cela d'une
17 certaine façon. Nous avions communiqué aux parties que la Chambre
18 attendait que vous envoyiez les documents pour qu’on puisse les examiner.
19 Nous allons en rester là. Nous allons décider. Cela n'a pas de sens, à mon
20 avis. Je crois qu'il y a quelque accord entre nous.
21 Je m'incline à dire que les documents parlent par eux-mêmes. Donc si vous
22 nous envoyez les documents, ils parlent par eux-mêmes. On va les analyser.
23 Nous avons déjà la position du Procureur. Ensuite, on décidera.
24 Merci beaucoup. Vous avez dit avoir terminé votre interrogatoire
25 principal?
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1 M. K. Simic (interprétation): Oui.
2 M. le Président: Merci.
3 Il est 13 heures 05. Nous allons faire la grande pause, c’et-à-dire la
4 grande pause de 50 minutes.
5 (L’audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures.)
6 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
7 Monsieur l'huissier, faites entrer le témoin, s'il vous plaît.
8 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
9 Monsieur Stupar, vous allez répondre aux questions du Procureur, M.
10 Waidyaratne, qui va vous poser des questions.
11 Vous avez la parole, Monsieur Waidyaratne, s'il vous plaît.
12 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Djordje Stupar, par M. Waidyaratne.)
13 M. Waidyaratne (interprétation): Merci Monsieur le Président.
14 Bonjour Monsieur Stupar, est-ce que vous connaissez l'un quelconque des
15 accusés, ici présents, dans ce prétoire?
16 M. Stupar (interprétation): Non, je ne connais aucun d'entre eux.
17 Question: Pour quelle raison êtes-vous venu ici?
18 Réponse: Pour témoigner à décharge pour M. Kovcka.
19 M. K. Simic (interprétation): Objection!
20 M. le Président: Oui Maître Simic?
21 M. K. Simic (interprétation): Nous avons longuement parlé de cela. Nous
22 avons dit que les témoins témoignent pour établir la justice, et il a
23 seulement demandé à venir pour la défense de M. Kovcka.
24 M. le Président: Monsieur Waidyaratne?
25 M. Waidyaratne (interprétation): Je vais continuer. Connaissez-vous M.
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1 Simic, qui représente les intérêts de M. Kvocka?
2 M. Stupar (interprétation): Oui, nous nous connaissons.
3 Question: Depuis combien de temps?
4 Réponse: De vue, depuis au moins 20 ans.
5 Question: Merci.
6 M. Riad (interprétation): Excusez-moi mais je voudrais juste savoir
7 quelque chose. Vous vous connaissez uniquement de vue, c'est cela?
8 M. Stupar (interprétation): Depuis si longtemps, oui mais nous nous nous
9 disons bonjour. Nous échangions, et nous nous parlons depuis au moins 15
10 ans.
11 M. Riad (interprétation): Merci.
12 M. Waidyaratne (interprétation): Est-ce que quelqu'un a pris contact avec
13 vous, ou avez-vous décidé de vous-même de venir témoigner?
14 M. Stupar (interprétation): J'ai été contacté, on a pris contact. C'est M.
15 Simic qui m'a contacté pour que je parle de la façon dont j'ai quitté ma
16 ville natale et dont je suis parti au Canada.
17 Question: Merci. Monsieur Stupar, vous avez dit que vous avez été mobilisé
18 avant de partir à Belgrade. Pourriez-vous nous éclaircir cela, car ce
19 n'était pas très clair? Est-ce que vous pourriez nous donner plus de
20 détails concernant cette période où vous étiez stationné à l'aéroport de
21 Banja Luka?
22 Réponse: J'ai été à l'aéroport de Banja Luka en tant que soldat. J'ai été
23 mobilisé et c'était au début 1992.
24 Question: Ensuite, vous dites que vous êtes parti pour Belgrade et que
25 vous y avez séjourné jusqu'à la fin du mois de juillet 1992?
Page 7291
1 Réponse: Moi, je suis parti pour Belgrade avec ma famille le 15 septembre
2 1992.
3 Question: Vous avez quitté Banja Luka en septembre?
4 Réponse: Oui, le 15 septembre, à 8 heures du matin.
5 Question: Est-ce qu'à l'époque, vous étiez toujours mobilisé?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Est-ce que cela veut dire que vous avez déserté?
8 Réponse: Oui, on peut voir les choses comme cela.
9 Question: Est-ce qu'il y a eu des conséquences dues à ces actes? Est-ce
10 qu'une action a été engagée contre vous?
11 Réponse: Pour autant que je le sache, l'acte d'accusation existe toujours
12 au département militaire, dressé à mon encontre avec des menaces et des
13 poursuites pénales.
14 Question: A quel moment êtes-vous rentré du Canada pour revenir à Banja
15 Luka?
16 Réponse: Au mois de septembre 1998.
17 Question: Est-ce qu'il y a eu des poursuites à cause du fait que vous
18 aviez déserté quand vous êtes rentré?
19 Réponse: Non, pas directement.
20 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire qui a engagé ces poursuites:
21 quelle autorité, quel organe?
22 Réponse: Le ministère des Armées.
23 Question: Et cet acte d'accusation est toujours valable?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Est-ce qu'il y a eu d'autres allégations? Est-ce que vous avez
Page 7292
1 été accusé d'autre chose?
2 Réponse: Non.
3 Question: Rien du tout?
4 Réponse: Non.
5 Question: Rien du tout?
6 Réponse: Non.
7 Question: Monsieur Stupar, vous avez dit qu'il était difficile de quitter
8 Banja Luka en 1992 et que vous étiez obligé de partir en uniforme pour
9 votre propre sécurité. Est-ce correct?
10 Réponse: Oui, pour ma propre sécurité, pour la sécurité, mais aussi pour
11 passer plus vite.
12 Question: Vous êtes donc parti en septembre. Vous parlez de ces jours-là.
13 Mais vous avez dit que vous aviez besoin d'un permis, un permis
14 particulier, un permis de sortie et aussi un permis de voyage. Est-ce que
15 vous pourriez nous dire qui vous a délivré ces autorisations? Etait-ce
16 difficile pour vous de les obtenir?
17 Réponse: Moi, en tant qu'entrepreneur privé, j'ai dit que c'était pour les
18 besoins de ma société parce que c'était ma société. Donc je me suis
19 délivré moi-même ces certificats et, ensuite, sur la base de ces
20 certificats, je me suis rendu dans ce secrétariat -une espèce de
21 secrétariat- qui m'a délivré le permis pour voyager à Belgrade en Serbie.
22 Question: Moi, je parle du moment où vous avez quitté Banja Luka au mois
23 de septembre 1992, est-ce bien clair?
24 Réponse: Oui, mais il me semble que vous ne comprenez pas que c'est comme
25 cela que je l'ai fait. Je me suis fait un ordre de mission pour moi-même,
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1 mon épouse; et les enfants n'en avaient pas besoin. Et donc c'est sur la
2 base de cet ordre de mission que j'ai obtenu ce permis. Mes enfants
3 étaient mineurs, donc ils voyageaient avec nous tout simplement.
4 Question: Merci. Vous avez dit que vous êtes partis sous le prétexte que
5 vous partiez en voyage d'affaires?
6 Réponse: Oui, c'est exact.
7 Question: Pour tout autre individu, surtout des non-Serbes, des individus
8 qui ne sont pas de nationalité serbe, est-ce que vous pouvez nous dire ce
9 qu'ils devaient avoir comme document pour quitter le pays?
10 Réponse: Je crois qu'ils avaient besoin de beaucoup de documents, beaucoup
11 de paperasses: comme quoi ils ont bien payé leur électricité, leur facture
12 de téléphone, qu'ils ont rendu leur appartement appartenant à l'Etat,
13 beaucoup, beaucoup de choses. C'était difficile d'obtenir tous ces
14 documents, car vous vous engagez en quelque sorte à quitter ce territoire
15 et moi, je n'avais pas le droit de faire cela.
16 Question: Donc c'était très difficile pour des non-Serbes de quitter le
17 pays?
18 Réponse: Pas seulement pour les personnes qui ne sont pas de nationalité
19 serbe mais pour tous les autres; c'était plus difficile pour les Serbes de
20 quitter que pour les non-Serbes.
21 Question: Au moment où les personnes qui ne sont pas de nationalité serbe
22 partaient, quittaient leur pays, est-ce que vous pourriez nous dire ce qui
23 s'est passé avec leurs biens, par exemple leur maison, leur terre?
24 Réponse: Je ne sais pas, je ne sais pas. Moi, j'étais concentré sur mon
25 sort; j'ai voulu m'en sortir moi, c'est tout. C'était ma priorité.
Page 7294
1 Question: Monsieur Stupar, qu'avez-vous fait avec vos biens au moment où
2 vous êtes partis de Banja Luka?
3 Réponse: J'avais un ami à qui je faisais confiance, en lui demandant
4 d'essayer de garder tout cela. Mais je lui ai dit aussi que si la
5 situation devenait vraiment très difficile qu'il fallait qu'il laisse
6 tout, mais en tout cas il a réussi à tout garder. Je ne sais pas comment
7 il s'est débrouillé.
8 Question: Mais il ne vous était pas demandé de restituer tous ces biens à
9 une autorité quelconque, notamment aux autorités qui étaient au pouvoir à
10 ce moment-là?
11 Réponse: Le simple fait de remettre mes biens aurait fait que j'indiquais
12 ma volonté de quitter le pays. Et j'aurais mis en danger ma femme et mes
13 enfants, notamment du fait que ma femme n'était pas de nationalité serbe.
14 Question: Monsieur Stupar, je ne crois pas que vous ayez bien compris ma
15 question. Vous n'étiez pas tenu de restituer vos biens, notamment vos
16 biens immobiliers, aux autorités de Prijedor?
17 M. K. Simic (interprétation): Objection! Le témoin a dit à plusieurs
18 reprises qu'il avait prétexté un voyage d'affaires et qu'il n'était pas
19 parti en application des règlements. Il a dit à plusieurs reprises qu'il
20 avait prétendu partir en voyage d'affaires. Je ne sais pas comment le dire
21 autrement. En tant que Serbe, il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit
22 de partir. Donc il a fait semblant de partir en voyage d'affaires.
23 M. le Président: Oui, Monsieur Waidyaratne?
24 M. Waidyaratne (interprétation): Puis-je reformuler ma question, Monsieur
25 le Président?
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1 Monsieur Stupar, pouvez-vous nous dire ce qu'il est advenu de votre maison
2 et de vos autres biens lorsque vous avez quitté Banja Luka: les avez-vous
3 retrouvés à votre retour à Banja Luka, en 1998?
4 M. Stupar (interprétation): Oui. Mes biens étaient toujours là, sans doute
5 grâce au fait que je n'avais pas fait officiellement connaître mon départ.
6 Parce que si j'avais annoncé officiellement mon départ, mes biens auraient
7 sans doute été confisqués, ou détruits, ou je ne sais pas quoi d'autres.
8 Question: Monsieur Stupar, si vous le savez, pouvez-vous nous dire,
9 s'agissant des non-Serbes et notamment des Musulmans qui souhaitaient
10 quitter Banja Luka, ce qu'il advenait de leurs maisons et de leurs biens?
11 Réponse: Je ne connais pas les détails.
12 Question: A votre retour, avez-vous pu voir ce qu'il était advenu des
13 maisons et des biens qui avaient été la propriété de ces non-Serbes?
14 Réponse: Eh bien, dans les maisons et dans les appartements, il y a des
15 gens qui habitent et qui proviennent d'autres régions: ce sont des
16 réfugiés de Mostar, par exemple, des gens qui ont vécu un peu la même
17 chose que ceux qui sont partis de Banja Luka, peut-être même pire.
18 Question: Et ce sont des Serbes?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Monsieur Stupar, si vous le savez, pouvez-vous nous dire, en
21 1991, quelle était la population musulmane de Banja Luka? Combien
22 d'habitants représentaient la population musulmane de Banja Luka?
23 Réponse: Croyez-moi, je ne le sais pas.
24 Question: Savez-vous que la majorité des Musulmans ont quitté Banja Luka
25 en 1992 ou, pour être plus précis, ont été contraints de quitter Banja
Page 7296
1 Luka?
2 Réponse: A ma connaissance, en 1992 et 1993, la majorité des Musulmans ont
3 quitté Banja Luka.
4 Question: Monsieur Stupar, en réponse aux questions de l'interrogatoire
5 principal, vous avez parlé des difficultés que vous avez vécues à Banja
6 Luka. Je vous demande si vous, les Serbes, étiez menacés à Banja Luka?
7 Réponse: Je ne sais pas.
8 Question: Vous ne connaissez aucun village, aucune ville qui ont été
9 attaqués ou menacés d'une autre façon dans la région de Banja Luka? Il n'y
10 a pas de village ou de ville serbe qui ait subi une attaque?
11 Réponse: Les tensions étaient importantes, c'était la guerre. Les
12 informations étaient ce qu'elles étaient et elles avaient pour but
13 d'aggraver les tensions. Maintenant, ce qui était vrai ou pas, je ne sais
14 pas. Peut-être l'apprendrons-nous un jour, mais nous avons tous vécu le
15 même sort.
16 Question: Mais vous n'êtes au courant d'aucune attaque contre un village
17 serbe dans la région de Banja Luka?
18 Réponse: Eh bien, il y a eu des attaques autour de Mrkonjic Grad, je crois
19 dans les villages de ce secteur, à Mrkonjic Grad notamment.
20 Question: Monsieur Stupar, avant votre départ de Banja Luka en 1992,
21 saviez-vous que la ville abritait deux mosquées?
22 Réponse: Oui, bien sûr, je le savais. Comment ne l'aurais-je pas su!
23 Question: Et saviez-vous qu'il y avait aussi une église catholique dans la
24 ville?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Savez-vous ce qu'il est advenu de ces bâtiments?
2 Réponse: L'église catholique existe toujours, les deux églises
3 catholiques. Quant aux deux mosquées, dont je pense que vous parlez, elles
4 ont été démolies, détruites mais encore aujourd'hui, on ne sait pas qui
5 les a détruites.
6 Question: Vous avez parlé de la réquisition de certains véhicules pendant
7 le conflit. Et, à ce sujet, vous avez dit que certains avaient reçu des
8 dommages et intérêts. Avez-vous, vous-même, reçu des dommages et intérêts
9 pour la réquisition de votre véhicule?
10 Réponse: Non.
11 Question: Avez-vous présenté, officiellement, une requête en vue d'obtenir
12 des dommages et intérêts?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Pour quelle raison n'avez-vous pas obtenu ces dommages et
15 intérêts?
16 Réponse: Je ne sais pas.
17 Question: Avez-vous essayé de le découvrir?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Avez-vous appris quelque chose à ce sujet?
20 Réponse: Je pense que le mieux pour moi, c'est de ne pas faire de vague,
21 de ne rien demander à ce sujet, de me limiter à consulter officieusement
22 des amis à moi.
23 Question: Donc vous êtes incapable de nous dire quelle est la raison pour
24 laquelle vous n'avez pas reçu ces dommages et intérêts?
25 Réponse: En effet.
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1 Question: Monsieur Stupar, un instant, je vous prie. Lorsque vous avez
2 quitté Banja Luka pour aller à Belgrade, avez-vous pu emporter avec vous
3 de l'argent, en espèces?
4 Réponse: Oui, j'ai emporté cela avec moi.
5 Question: Officieusement?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Saviez-vous, lorsque vous avez quitté le pays, combien vous
8 étiez autorisé à emporter d'argent avec vous, officiellement?
9 Réponse: Non.
10 Question: Etes-vous en mesure de nous dire combien d'argent vous avez
11 emporté lorsque vous avez quitté le pays?
12 Réponse: Oui, je peux le dire. J'avais sur moi à peu près 50.000 deutsche
13 marks quand j'ai quitté Banja Luka. Et, deux jours après mon départ de
14 Banja Luka, j'ai vendu un camion à Belgrade et je l'ai vendu pour 35.000
15 deutsche marks. J'avais donc à ma disposition, sur moi, 85.000 deutsche
16 marks.
17 Question: Mais vous saviez qu'officiellement, ce genre de chose n'était
18 pas autorisé?
19 Réponse: Bien sûr, c'est normal.
20 Question: Un instant, Monsieur le Président, je vous prie.
21 Monsieur Stupar, nous arrivons à la fin de ce contre-interrogatoire. Une
22 quelconque personne vous a-t-elle promis une grâce, une amnistie ou un
23 traitement particulièrement favorable concernant l'Acte d'accusation qui
24 existe toujours contre vous, en échange de ce témoignage ici aujourd'hui?
25 Réponse: Non.
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1 Question: C'est tout. Je n'ai plus de question, Monsieur le Président.
2 Merci.
3 M. le Président: Maître Simic?
4 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Djordje Stupar, par
5 Me K. Simic.)
6 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, j'aurai simplement
7 quelques petites questions. Une dernière portera sans doute sur ce dernier
8 sujet.
9 Monsieur Stupar, il y a quelques instants, M. Waidyaratne vous a demandé
10 si vous aviez obtenu des dommages et intérêts pour la réquisition de votre
11 véhicule. Je vous prie, à présent, de dire aux Juges de cette Chambre si
12 votre véhicule vous a éventuellement été restitué?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Mais dans ces conditions, quels dommages et intérêts avez-vous
15 demandés dans votre requête?
16 Réponse: Je demandais des dommages et intérêts pour utilisation et donc
17 usure du véhicule, et pour le fait qu'il m'avait été restitué en mauvais
18 état.
19 Question: Etait-ce donc des dommages et intérêts pour utilisation du
20 véhicule pendant quelques temps, et aussi parce qu'il y avait des
21 réparations à faire sur le véhicule?
22 Réponse: Les réparations ont été payés par l'armée en 1992, lorsque le
23 véhicule m'a été restitué. Cette somme, à l'époque où elle m'a été versée,
24 avait une certaine signification, une certaine importance mais, étant
25 donné l'inflation importante à cette époque-là, cette somme est devenue
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1 ridiculement petite par la suite et très rapidement négligeable
2 aujourd'hui.
3 Question: Merci. L'accusation vous a demandé si l'on vous avait promis une
4 quelconque amnistie ou une quelconque grâce en rapport avec votre
5 témoignage, compte tenu de l'Acte d'accusation contre vous pour désertion.
6 Je vous pose la question suivante: savez-vous que, sous pression de la
7 communauté internationale et conformément aux accords de Dayton, une loi a
8 été votée en vertu de laquelle toutes les personnes sur le territoire de
9 la totalité de la Bosnie-Herzégovine ont été amnistiées pour ce type de
10 délit, le type de délit retenu contre vous?
11 Réponse: Oui, je le sais.
12 Question: Cela signifie-t-il que, conformément à cette loi sur l'amnistie,
13 vous ne devez plus faire l'objet de poursuites?
14 Réponse: Oui, en effet.
15 Question: Avez-vous jamais reçu un texte officiel vous indiquant que, dans
16 le cadre de cette loi d'amnistie, les poursuites engagées contre vous sont
17 annulées?
18 Réponse: Non.
19 Question: Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de questions.
20 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Simic. Monsieur le Juge Riad?
21 (Questions au témoin, M. Djordje Stupar, par M. le Juge Riad.)
22 M. Riad (interprétation): Oui, j'ai une question à poser. Merci, Monsieur
23 le Président.
24 Monsieur Stupar, bonjour. Vous m'entendez?
25 M. Stupar (interprétation): Bonjour, Monsieur le Juge. Je vous entends.
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1 Question: Maître Simic vient de vous poser une question que j'avais moi-
2 même envie de vous poser. Je vous demanderai de me fournir une réponse un
3 peu plus complète, si vous le voulez bien.
4 Vous avez dit n'avoir bénéficié d'aucune amnistie, d'aucune grâce et
5 pourtant vous êtes retourné chez vous par la suite mais vous nous dites
6 que personne ne vous a déclaré avoir bénéficier d'une amnistie ou d'une
7 grâce. C'est bien cela?
8 C'est une question importante et je vous demanderai d'y consacrer toute
9 votre attention. Et compte tenu de la gravité des charges qui pesaient
10 contre vous, une accusation de désertion, je vous demande si vous avez
11 prêté attention à la chose et si vous avez essayé de savoir quelles
12 pouvaient être les suites données à cette affaire?
13 Réponse: D'abord, personne n'est venu me voir pour me dire que j'avais été
14 amnistié ou que l'Acte d'accusation contre moi avait été annulé. Par
15 ailleurs, je n'ai pas moi-même cherché à savoir ce qu'il en était, de
16 sorte qu'aujourd'hui, la situation est dans une sorte d'impasse. La chose
17 n'est pas réglée mais la situation s'est calmée. Je ne sais pas quoi dire
18 de plus.
19 Question: Saviez-vous que la situation était calmée lorsque vous êtes
20 retourné chez vous? Saviez-vous que rien ne vous arriverait en rapport
21 avec ces accusations?
22 Réponse: Eh bien, je supposais que tout irait bien, que personne ne me
23 ferait rien.
24 Question: Merci beaucoup.
25 M. le Président: Merci beaucoup, Monsieur le Juge Riad. Madame la Juge
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1 Wald n'a pas de question. Moi-même, j'ai une question.
2 (Questions au témoin, M. Djordje Stupar, par M. le Président.)
3 Peut-être que c'est ma faute, mais je n'ai pas bien compris la date de
4 votre retour du Canada à Banja Luka: je crois que c'est en 1998?
5 M. Stupar (interprétation): Oui.
6 Question: Vous vous rappelez une date plus précise?
7 Réponse: Je crois que c'était à la mi-septembre 1998.
8 Question: Vous avez répondu, à une question de Me Simic, ce que vous
9 saviez à propos de cette loi d'amnistie. Est-ce que vous savez quelle est
10 la date de cette loi?
11 Réponse: Je ne sais pas. Je crois qu'elle a été votée dans le cadre des
12 accords de Dayton.
13 Question: Je vous pose une autre question: avant de revenir à Banja Luka
14 ou en Bosnie-Herzégovine, connaissiez-vous ou non cette loi d'amnistie?
15 Réponse: Je savais qu'elle existait mais je ne savais pas si elle était
16 appliquée, respectée.
17 Question: Vous avez dit qu'un Acte d'accusation est encore aujourd'hui en
18 vigueur contre vous. Qu'est-ce que cela veut dire?
19 Réponse: Cela veut dire qu'à un certain moment, au mois d'août, on m'a
20 montré un document qui était dans un registre. Sur ce document, il était
21 écrit que "des poursuites pénales étaient engagées contre moi par le
22 ministère des Armées, pour avoir quitté le pays de façon illégale, à une
23 date précise, c'est-à-dire en 1992/1993", parce que les autorités n'ont
24 pas pu déterminer à quel moment exact j'étais parti. Et c'était en rapport
25 avec le logement que j'ai vu ce document.
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1 Question: Oui, la date que vous avez mentionnée: août, c'est août 2000?
2 Quelle est l'année?
3 Réponse: Oui. Août 2000.
4 Question: D'accord. Cet acte d'accusation n'a pas été couvert par
5 l'amnistie?
6 Réponse: Je ne sais pas.
7 Question: D'accord. Peut-être vous avez eu une très bonne solution, mais
8 je n'ai pas le droit de vous avoir dit cela, je le reconnais. Mais très
9 bien. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser Monsieur. Il me reste
10 seulement à vous remercier d'être venu, et de vous souhaiter un bon retour
11 à votre endroit de résidence. Merci beaucoup.
12 Je vais demander à M. l'huissier de vous accompagner. Merci.
13 Réponse: Merci à vous.
14 (Le témoin, M. Djordje Stupar, est reconduit hors du prétoire.)
15 M. le Président: Donc Maître Krstan Simic, plus de témoins pour
16 aujourd'hui?
17 M. K. Simic (interprétation): En effet Monsieur le Président, nous n'avons
18 plus de témoins et nous avons réussi à respecter les délais prévus.
19 J'espère que dans la prochaine session, j'obtiendrai le même résultat
20 positif.
21 M. le Président: J'espère qu'on peut avancer un peu plus. De toute façon,
22 je vous félicite parce que les choses se sont passées comme vous les aviez
23 programmées, mais j'espère qu'on peut aller encore plus vite. Merci de
24 toute façon de votre travail.
25 (Questions relatives à la procédure.)
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1 J'ai cru comprendre que Mme Somers avait l'intention d'intervenir; la
2 communication non verbale m'a dit cela.
3 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Deux questions
4 à évoquer.
5 L'une peut convenir pour une audience publique: je vous demande s'il est
6 possible d'obtenir de Me Simic un ordre confirmé de comparution des
7 témoins avant demain, de façon que nous soyons sûrs que tout va bien. Cela
8 facilitera notre travail.
9 Et puis le deuxième élément dont je voulais vous parler demande, je pense,
10 une ou deux minutes de huis clos partiel.
11 M. le Président: On va donc traiter les deux questions dans cet ordre.
12 Maître Krstan Simic, vous avez entendu ce que Mme Somers a demandé, est-ce
13 que vous avez quelque chose à répondre?
14 M. K. Simic (interprétation): Oui, je vais répondre. Pour ce qui est de
15 l'ordre de comparution des témoins, je dirai que l'on suivra l'ordre
16 annoncé dans les écritures, exception faite de ces sept témoins que nous
17 devons d'entendre.
18 Et je voudrais préciser que, compte tenu des témoins et de la teneur de
19 leur témoignage, il se peut que cette liste vienne à être réduite de trois
20 ou quatre témoins, mais le Bureau du Procureur en sera informé en temps
21 utile. Quant à l'ordre, cet ordre restera le même que dans les dernières
22 écritures où nous avons précisé ce sujet.
23 M. le Président: Madame Somers?
24 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, s'il s'avérait
25 possible de confirmer, je voudrais dire qu'il s'agirait d'un original
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1 conformément au 65ter ou à la rectification apportée; cela c'est une
2 partie de la question.
3 L'autre partie consisterait à demander au Greffe si l'on a initié quelque
4 chose au sujet de la vidéoconférence parce que cela prend du temps. Si
5 jamais certains de ces témoins témoignent de cette façon, nous ne
6 voudrions pas que la Chambre ait à faire face à des surprises de nature
7 technique.
8 M. le Président: Maître Simic, pouvez-vous éclaircir un point de Mme
9 Somers?
10 M. K. Simic (interprétation): Je vais répondre de façon tout à fait
11 claire. Madame Somers va recevoir une liste confirmée qui sera la liste
12 rectifiée, que nous avons soumise à une de nos dernières réunions.
13 Pour ce qui est de la défense de M. Kvocka, nous n'avons pas envisagé de
14 vidéoconférence, à moins qu'il ne soit nécessaire d'entendre des témoins
15 qui ont témoigné par déposition sous serment, par affidavit. Et si la
16 Chambre demande de le faire, eh bien, cela reviendra aux attributions de
17 la Chambre.
18 Mme Somers (interprétation): Puis-je répondre? Nous avons reçu une réponse
19 concernant les témoins par affidavit et nous avons demandé un contre-
20 interrogatoire concernant deux témoins.
21 M. le Président: Madame Somers, vous avez demandé le contre-interrogatoire
22 de deux témoins: vous avez déjà communiqué cela à la Chambre?
23 Mme Somers (interprétation): Excusez-moi, je dois me rectifier. Je croyais
24 que cela avait été communiqué; ce sera communiqué, cela n'a pas été fait:
25 ce sera fait avant 4 heures. Et si la Chambre l'accepte, nous allons
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1 demander un contre-interrogatoire.
2 M. le Président: Il y a deux choses à distinguer.
3 Il y a des choses que les parties peuvent se communiquer entre elles, et
4 ainsi épargner un peu de présence de la Chambre ici. Nous avions établi
5 une règle: les parties qui devaient demander quelque chose se mettaient en
6 contact et, seulement s'il n'y avait pas d'accord, elles venaient devant
7 la Chambre.
8 Il y a des choses qu'il est tout à fait possible de demander aux parties
9 entre elles et il y en a d'autres que la Chambre doit décider. Cette
10 question que vous avez posée, Madame Somers, de la vidéoconférence dépend
11 de la Chambre de savoir notamment si vous voulez contre-interroger ou non
12 les témoins, si vous acceptez ou non les affidavits. Cela dépend. Nous
13 savons maintenant quels sont les affidavits que vous acceptez ou non.
14 Donc il n'y a pas de sens à programmer et à envoyer du personnel à Banja
15 Luka, pour être là si la Chambre en a besoin. Il faut savoir de quoi on a
16 besoin et après programmer.
17 Donc dites-nous, donnez-nous l'information pour qu'on puisse organiser et
18 travailler. Et quand je dis "dites-nous", je le dis au Procureur et je le
19 dis éventuellement à la défense s'il y a quelque chose qui lui incombe
20 aussi du point de vue de la communication des parties.
21 C'est la réponse que je dois vous donner maintenant, Madame Somers. Il y a
22 toujours l'opportunité, la possibilité de contacter Mme McIntosh ou M.
23 Fourmy, le juriste de la Chambre, pour organiser et communiquer les
24 choses. Même le Greffe prend les initiatives que la Chambre d'une certaine
25 façon ordonne ou demande. Donc le Greffe ne peut rien faire sans avoir
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1 aussi les directions de la Chambre. Donc nous sommes dans un chemin où
2 chacun doit donner ses pas pour qu'on arrive au bout.
3 Je vais demander à Me Krstan Simic aussi, afin de décider de toute cette
4 question des pièces à conviction que vous avez mentionnées dans votre
5 mémoire préalable, de nous faire parvenir à nous et au Procureur les
6 documents pour qu'on puisse les examiner et savoir si l'on va les
7 admettre, oui ou non.
8 Voilà ce que nous avions déjà dit. Aujourd'hui, je crois qu'il n'y a pas
9 d'autres choses à traiter. Je ne sais pas si vous avez autre chose à dire
10 ou à ajouter avant de terminer aujourd'hui?
11 Maître Krstan Simic?
12 M. K. Simic (interprétation): Nous avons présenté hier une requête de
13 mesure de protection au Greffe et nous voudrions qu'une décision soit
14 prise parce que, la semaine prochaine, nous allons avoir déjà un deuxième
15 groupe de témoins. Nous ne voudrions pas avoir de problèmes à ce sujet.
16 M. le Président: C'est déjà décidé. La Chambre a déjà décidé.
17 M. K. Simic (interprétation): Merci.
18 M. le Président: Madame Somers?
19 Mme Somers (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je voudrais que
20 nous passions maintenant en session à huis clos partiel.
21 M. le Président: Nous allons passer à huis clos partiel pour quelques
22 instants.
23 (Audience à huis clos partiel.)
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1 [expurgée]
2 [expurgée]
3 M. le Président: Donc nous allons revenir en session publique.
4 (Audience publique.)
5 M. le Président: Il me semble que Me Fila voudrait dire quelque chose.
6 Vous avez la parole, Maître Fila?
7 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, je croyais que cette
8 question de vidéoconférence serait résolue, mais il y a deux questions qui
9 sont soulevées.
10 Est-ce que c’est à la fin de tous les cas de défense que l'on procédera à
11 l'établissement d'une conférence vidéo avec les témoins pour lesquels la
12 Chambre aura décidé de le faire, à savoir là où ils auront témoigné par
13 affidavit, et ce, procédant dans un certain ordre, par l'Acte
14 d'accusation? Ou est-ce qu’on procédera à une conférence vidéo pour chaque
15 équipe de défense à part?
16 Si nous procédons au cas par cas, nous risquons de devoir modifier les
17 cadences et l'ordre que vous avez déjà établis parce que je me dois de
18 vous prévenir que nous allons faire usage de nos deux semaines pour la
19 présentation et l’audition des témoins ici.
20 Ce que le Procureur demande, si jamais cela vient à être accordé, pour ce
21 qui est du contre-interrogatoire du témoin expert ou des affidavits, je
22 n'ai pas l'intention d'abandonner mon temps au profit du Procureur.
23 Donc il faudra trouver un temps supplémentaire pour répondre aux requêtes
24 de Mme Somers pour lesquelles j'avais pensé que ce ne serait pas agréé. Je
25 demande à ce qu'il y ait un moyen de trouver une solution.
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1 M. le Président: Comme toujours, Maître Fila, vous avez posé une bonne
2 question.
3 Moi-même, j'avais un peu à l’esprit de savoir comment faire. Une chose est
4 d'envoyer une équipe pour entendre deux témoins et de revenir, et quinze
5 jours après, par exemple, de faire revenir la même équipe avec le même
6 équipement pour entendre un témoin; après, les faire revenir, etc., etc.
7 La question se pose vraiment et il faudrait en discuter, mais je pensais
8 attendre ce moment où le Procureur nous dirait: je veux contre-interroger
9 ce témoin ou dans la séquence des affidavits, et après avoir la position
10 du Procureur, voir qui sont les personnes dont les affidavits ne sont pas
11 acceptés et qu’il faut donc contre-interroger, combien de personnes. Là,
12 on peut éventuellement discuter entre nous pour savoir si nous sommes
13 d'accord de déplacer, si nécessaire, par exemple, d'une semaine, de trois
14 ou cinq jours, ou d'un jour pour entendre tous les témoins, toutes les
15 personnes, tout faire d'un coup, au lieu de l'autre hypothèse comme je
16 l'ai dit.
17 On doit penser à cette question, mais c'est peut-être tôt. Il faut
18 vraiment avoir toute cette information, mais peut être plus tard.
19 Je demande quand même au Procureur de faire un effort supplémentaire pour
20 nous dire quelle est vraiment sa position par rapport à tous les
21 affidavits pour qu'on puisse organiser les choses et nous organiser.
22 Comme je l'ai dit, j'ai demandé à la défense de tout faire pour que les
23 témoins importants viennent ici au prétoire. Bien sûr, c'est un peu
24 difficile de faire cette distinction parce qu'en fin de compte, tous les
25 témoins sont importants. Mais les témoins que les conseils veulent
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1 présenter ici au prétoire, nous allons les présenter. Pour les autres, on
2 doit utiliser essentiellement les affidavits. Voilà à peu près la
3 direction de la Chambre.
4 Maintenant on demande au Procureur -et avec un très au niveau d’optimisme-
5 de faciliter les choses parce qu’on doit vraiment, comme je vous l’ai déjà
6 dit, terminer cette affaire, on doit terminer et donc faciliter le plus
7 possible, évidemment sans préjudice pour la justice. Donc si l'on a de
8 vraies raisons pour contre-interroger, dites-le nous; là où vous pouvez
9 faciliter aussi, dites-le nous.
10 A la fin, nous allons organiser tout cela. Quand nous aurons la réponse,
11 nous ferons une Conférence de mise en état pour discuter de toutes ces
12 questions.
13 Madame Somers?
14 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, dans les journées à
15 venir je me propose de présenter un résumé à la Chambre, avec copie aux
16 conseils de la défense, concernant les affidavits. Je m'efforcerai de
17 faire de mon mieux concernant les deux affidavits relatifs à l’affaire
18 Kvocka.
19 Nous avons les deux affidavits de M. Prcac. Il y a un gros paquet de
20 documents que nous avons reçu de la part de la défense de M. Radic; je ne
21 sais pas s'il y a des affidavits. S'il y en a, nous ferons éventuellement
22 pour le mieux pour être rapide et évaluer le tout.
23 Mais ce que je voudrais suggérer, si la Chambre le veut bien, c'est que je
24 serais d'accord avec le conseil de la défense de ne pas procéder à
25 l'organisation de la chose pour deux personnes seulement, par exemple.
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1 Mais s'il y a un grand nombre de témoins qu'on pourrait faire comparaître
2 par conférence vidéo, nous ne nous opposerions pas.
3 Je ne pense pas qu'il devrait y avoir de difficulté majeure pour que ces
4 témoins-là soient interrogés à la fois. Nous voudrions procéder de la
5 façon la plus économique et la plus rapide possible. En tout état de
6 cause, nous allons procéder de notre mieux pour faciliter les choses pour
7 autant que cela se pourra.
8 M. le Président: Très bien.
9 Maître Krstan Simic?
10 M. Simic (interprétation): Ce que je redoute, c'est qu'avec l'approche des
11 collègues du Bureau du Procureur, nous allons faire perdre la
12 signification des affidavits. Les affidavits ne sont pas des dépositions
13 ordinaires: les affidavits sont des dépositions qui peuvent être
14 interprétées, évaluées seulement dans le contexte des dires d'un témoin
15 qu'ils viennent appuyer. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas
16 présenté à Mme Somers les affidavits.
17 J'ai versé deux affidavits. Et de la même façon, demain, je me propose de
18 soumettre une écriture avec le reste des affidavits.
19 Si le Bureau du Procureur estime qu'il est nécessaire de contre-interroger
20 et s’il juge de la validité des affidavits avant que d'entendre les
21 témoins, nous allons perdre le sens que nous visions d'atteindre en
22 voulant entendre les témoignages des témoins.
23 M. le Président: Merci, Maître Krstan Simic.
24 Nous demandons donc au Procureur, quand il va nous dire qu'il veut contre-
25 interroger, de nous en indiquer les raisons.
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1 Il n'était pas nécessaire de vous le dire, car vous savez que cela tombe
2 dans le pouvoir discrétionnaire de la Chambre et que même la Chambre, pour
3 pouvoir utiliser son pouvoir discrétionnaire, doit avoir des raisons. Vous
4 nous dites: Je veux contre-interroger parce que..., et là on est en
5 condition de décider. Donc c'est cela qu'on va prendre en considération et
6 donc la Chambre va autoriser ou non le contre-interrogatoire si nous
7 trouvons des raisons valables pour le faire.
8 Madame Somers?
9 Mme Somers (interprétation): Bien sûr, Monsieur le Président, nous
10 essayons de réduire la longueur de notre réponse au minimum et vous y
11 trouverez l’exposé du fondement.
12 Nous nous rendons bien compte que nous sommes à la disposition de la
13 Chambre à ce sujet, mais nos objections ne concernent pas tant le fait que
14 ce serait impropre pour le témoin de discuter d'une question centrale;
15 nous essayons de déterminer ce qui constitue des questions peut-être un
16 peu moins importantes. Donc nous avons une série de documents sur notre
17 bureau que nous étudions.
18 Nous avons simplement le résumé en application de l'Article 65ter: donc
19 nous avons vu les affidavits, j'ai déjà indiqué que les témoins viennent
20 d'être entendus, nous essayons de rédiger notre réponse avant la fin du
21 délai de sept jours, car nous pensons qu’il est important d'aller le plus
22 vite possible.
23 Autrement dit, sur la base des informations limitées que j'ai au sujet du
24 résumé et compte tenu des documents que j'ai à ma disposition qui sont
25 assez nombreux, nous essayons de déterminer un certain nombre de faits.
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1 Mais c'est tout ce que nous pouvons faire pour le moment.
2 M. le Président: Très bien.
3 Vous avez demandé, Madame Somers, si la semaine prochaine nous avions des
4 audiences ou non. Vous avez la réponse: non. Et je reste optimiste de
5 savoir que vous allez avoir du temps supplémentaire pour faire tout ce
6 travail. Je crois donc que, de cette façon, on peut aller un peu plus
7 vite.
8 Je remercie Me Simic d'avoir conduit les choses comme elles ont été
9 conduites et je lui demande d'améliorer pour la semaine prochaine, si
10 possible.
11 Voilà. Pour aujourd'hui, nous en restons là. Je vous souhaite bon travail
12 jusqu'au lundi 5 février, à 9 heures 20.
13 (L'audience est levée à 16 heures.)
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