Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 5 février 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 25.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 M. le Président: Bonjour. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

6 Bonjour Mesdames et Messieurs. Bonjour cabine technique, bonjour

7 interprètes.

8 Interprète: Bonjour, Monsieur le Président.

9 M. le Président: Je salue aussi le Bureau du Greffe, les conseils de

10 l'accusation et de la défense. Nous allons reprendre notre affaire. C'est

11 donc à Me Krstan Simic, à qui je donne la parole.

12 M. K. Simic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je vous

13 remercie. La défense cite le témoin Rendic Pero.

14 (Le témoin, M. Pero Rendic, est introduit dans le prétoire.)

15 M. le Président: Bonjour, Monsieur Rendic Pero. Vous m'entendez?

16 M. Rendic (interprétation): Oui. Bonjour, Monsieur le Président, je vous

17 entends.

18 M. le Président: Veuillez lire la déclaration solennelle que M. l'huissier

19 va vous présenter, s'il vous plaît.

20 M. Rendic (interprétation): Merci. Je déclare solennellement que je dirai

21 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

23 M. Rendic (interprétation): Merci beaucoup.

24 M. le Président: Approchez-vous des micros, s'il vous plaît. Vous êtes

25 bien installé?

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1 M. Rendic (interprétation): Tout à fait, merci.

2 M. le Président: Merci beaucoup d'être venu. Vous allez, pour l'instant,

3 répondre aux questions que Me Krstan Simic va vous poser, s'il vous plaît.

4 Maître Krstan Simic?

5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Pero Rendic, par Me K. Simic.)

6 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

7 Monsieur Rendic, comme vous le savez, je m'appelle Krstan Simic, je suis

8 avocat de Banja Luka et c'est avec M. Branko Lukic, avocat de Doboj, que

9 nous représentons aujourd'hui, dans cette affaire, la défense de M.

10 Kvocka.

11 Dans ce contexte, je me propose de vous poser plusieurs questions.

12 Toutefois, je vous prierai de bien vouloir attendre quelques instants

13 après ma question, puis de nous fournir la réponse juste à ce moment-là

14 afin de ne pas se chevaucher et créer des problèmes aux interprètes.

15 M. Rendic (interprétation): Je comprends.

16 Question: Pour les besoins du compte rendu d'audience, je vous prie,

17 Monsieur Rendic, de nous donner vos nom et prénom.

18 M. Rendic (interprétation): Pero Rendic.

19 Question: Quand êtes-vous né?

20 Réponse: Le 10 septembre 1948.

21 Question: Où êtes-vous né?

22 Réponse: Village Maricka, municipalité de Prijedor.

23 Question: Et où habitez-vous aujourd'hui?

24 Réponse: Je réside à Omarska, rue Prvomajska 139.

25 Question: Etes-vous marié?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Avez-vous des enfants?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Combien?

5 Réponse: Deux enfants.

6 Question: Monsieur Rendic, qu'avez-vous fait comme classe dans votre

7 formation?

8 Réponse: J'ai fini mes études secondaires à Prijedor en 1966. En 1972,

9 j'ai fini mes études supérieures à Banja Luka, j'ai fait des études

10 supérieures d'hôtellerie et je suis resté là-bas jusqu'en 1987.

11 Question: Que faites-vous aujourd'hui?

12 Réponse: Je dispose d'un restaurant privé qui se trouve à Omarska, rue

13 Brace Mitrovica BP.

14 Question: Avez-vous fait votre service militaire obligatoire au sein de la

15 JNA?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Quand et où?

18 Réponse: Je suis parti en mars 1967 au service en République de Croatie,

19 c'est à Solin que je suis allé. J'y ai passé six mois au niveau d'un

20 centre de recrutement. Par la suite, je suis parti à Split pour travailler

21 à l'infirmerie de la garnison où j'ai fini mon service militaire. C'est en

22 1968, au mois de juin, que je suis sorti de l'armée.

23 M. Riad (interprétation): On a inscrit au compte rendu que vous êtes sorti

24 en 1968?

25 M. Rendic (interprétation): Oui. Je crois devoir dire qu'à l'époque il y

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1 avait une situation grave en Tchécoslovaquie. J'avais eu une permission et

2 je suis sorti un peu avant, mais je peux vous affirmer que c'est à peu

3 près à ce mois et à cette année que je suis sorti de l'armée.

4 M. Riad (interprétation): Je vous remercie. C'est précis et bien clair

5 maintenant.

6 M. Rendic (interprétation): Fort bien.

7 M. K. Simic (interprétation): Après votre service militaire au sein de la

8 JNA, est-ce que l'on vous a recensé au niveau des fichiers d'assujettis au

9 service militaire?

10 M. Rendic (interprétation): Oui, j'ai été tenu de le faire, je me suis

11 présenté au département du ministère de la Défense ou dans mon livret

12 militaire, je me suis vu affecter une affectation militaire.

13 Question: Monsieur Rendic, quand on dit "assujetti au service militaire

14 après le service militaire", qu'entend-on par là?

15 Réponse: Eh bien, un conscrit ou assujetti au service militaire est une

16 personne qui a plus de 18 ans et qui jusqu'à l'âge de 60 ans, en temps de

17 guerre ou de paix, est tenue de répondre à toutes les convocations

18 adressées par le ministère de la Défense à l'intention d'un assujetti apte

19 au combat.

20 Question: Monsieur Rendic, ce qui nous intéresse c'est l'année 1992.

21 Aussi, me proposais-je de vous poser les questions suivantes: est-ce que,

22 en 1992, vous avez été mobilisé selon la procédure habituelle?

23 Réponse: Avant de répondre, je tiens à vous signaler une chose: comme

24 j'étais sous-officier de la JNA, depuis mon retour du service militaire en

25 1968 jusqu'en 1986, j'ai fait partie des unités régulières de la JNA au

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1 sein de la 43e Brigade motorisée.

2 Et ce, pour la raison suivante: j'ai tant contribué au service de la

3 réserve et au travers de ma formation professionnelle à Vinkovci, tous les

4 deux ans j'ai été exempté de ces exercices et j'ai été transféré vers la

5 Défense territoriale d'Omarska.

6 Question: Monsieur Rendic, qu'est-ce que cela veut dire la "Défense

7 territoriale d'Omarska"?

8 Réponse: Il s'agit aussi d'une unité qui comporte moins d'effectifs, qui

9 ne se trouve pas engagée comme par exemple des unités régulières faisant

10 partie de la réserve au sein de cette 43e Brigade motorisée. Ils ont un

11 rôle à jouer plutôt du style protection civile de la population.

12 Question: Pouvez-vous vous rappeler à peu près des dates vers lesquelles

13 vous avez été transféré depuis cette unité motorisée vers la Défense

14 territoriale d'Omarska?

15 Réponse: Non, c'est tout de même assez difficile de se souvenir des dates,

16 car ces dates s'entrecroisent dans la vie d'un homme. Il m'est très

17 difficile de vous donner une date exacte, mais je crois qu'il s'agissait

18 de l'année 1986, vers le mois de mai, à moins que je ne me trompe. Ne me

19 croyez pas assuré car il est fort difficile de se souvenir des dates,

20 d'autant plus que c'est une période qui s'est écoulée depuis longtemps.

21 Question: Si je vous ai bien compris, depuis 1986, vous avez fait partie

22 de cette unité territoriale d'Omarska?

23 Réponse: Non, ce n'était pas une unité de style compagnie, c'était plutôt

24 un peloton.

25 Question: Je vous remercie pour ces informations complémentaires, mais

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1 revenons à la question que j'ai posée tout à l'heure. Avez-vous été

2 mobilisé et à quel mois de cette année 1992?

3 Réponse: Eh bien, je commencerai par ce qui suit, et je me propose de

4 revenir un peu en arrière: comme j'avais un petit magasin privé avec ma

5 femme à l'époque, j'ai été mobilisé vers le début du mois de mai. Je ne me

6 souviens pas de la date exacte.

7 Mais la façon dont j'ai été mobilisé, je me propose de vous en parler un

8 peu plus tard, au travers de mon récit, c'est-à-dire vous raconter comment

9 je me suis trouvé au poste de travail qui m'avait été assigné au cours de

10 cette année 1992.

11 Question: Monsieur Rendic, dans le cadre de cette unité, dans laquelle

12 vous avez été mobilisé au cours du mois de mai 1992, quelle est la tâche

13 concrète que vous étiez censé assumer au sein de l'unité?

14 Réponse: Etant donné que j'ai été chargé des arrières au sein de cette 43e

15 Brigade motorisée régulière, je me suis retrouvé à la tête d'un peloton

16 d'intendance. Par la suite...

17 Question: Un moment, je vous prie.

18 Monsieur Rendic, pour que les Juges et nous tous ici comprenions

19 parfaitement bien: qu'est-ce que c'est que cette section d'intendance,

20 pour être précis?

21 Réponse: Eh bien, cela est constitué de onze personnes; il y a des

22 cuisiniers, des couturiers, tout ce qu'il faut pour approvisionner les

23 combattants: donc vêtements, préparation des repas, etc. Est-ce que cela

24 vous suffit?

25 Question: Oui, tout à fait. Je vous remercie.

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1 Et quelle était votre tâche dans le cadre de la section d'intendance?

2 Réponse: Eh bien, je reviens maintenant à la question de tout à l'heure.

3 C'est-à-dire que lorsque je travaillais dans ce magasin privé et tout un

4 chacun connaissant mes aptitudes organisationnelles, le commandant est

5 venu me voir pour me dire de mettre un uniforme, d'aller à la mine et de

6 me charger de la cuisine et du fonctionnement de la cuisine en temps de

7 guerre.

8 Je me suis donc rendu là-bas, j'y ai trouvé le personnel, les femmes qui

9 travaillaient, le chef de la cuisine, un certain Dusko. Je lui ai expliqué

10 de quoi il s'agissait. Je lui ai dit que des activités de combat avaient

11 commencé et que j'avais été envoyé là avec pour mission d'organiser

12 l'alimentation de l'armée. Ma première rencontre avec le personnel de la

13 mine et avec ce que l'on appelle leurs aptitudes, m'a indiqué que ce

14 personnel, moi y compris, nous ne pouvions pas accomplir les tâches qui

15 nous étaient confiées. Du moins, c'était mon avis.

16 Question: Fort bien, je vous remercie.

17 Vous avez précisé que cette mission vous avait été confiée par le

18 commandant adjoint chargé des arrières au sein cette unité territoriale à

19 Omarska. Vous souvenez-vous de son nom?

20 Réponse: Oui, il s'agit de Milan Andic qui assumait les fonctions de

21 commandant adjoint chargé des arrières. Lui était la personne habilitée à

22 me donner des ordres et, lui, il recevait ses ordres de la part du

23 commandant du bataillon ou de la part de la cellule de crise. Cela, je

24 n'en sais rien.

25 Question: Monsieur Rendic, pour en finir avec cette structure au sein du

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1 commandement de cette unité territoriale, qui avait l'envergure d'un

2 bataillon, vous vous nous avez dit que vous étiez chef de section, et que

3 vous avez été nommé là-bas par le commandant adjoint des arrières, M.

4 Andic. Mais qui était le commandant de cette unité de la Défense

5 Territoriale?

6 Réponse: Rane (inaudible.)

7 Question: Monsieur Rendic, vous avez mentionné au cours du mois de mai que

8 vous étiez chef de cette section des arrières et que vous étiez chargé de

9 la préparation des repas pour les soldats. Avant de passer à d'autres

10 questions, je voudrais que vous disiez aux Juges de cette Chambre, en

11 bref, la structure du personnel chargé de la préparation des repas?

12 Réponse: Oui. J'ai déjà dit qu'ayant vu le personnel qu'il y avait dans la

13 mine, j'avais estimé que ce personnel ne pouvait pas satisfaire aux

14 tâches. J'avais donc demandé que l'on m'affecte un cuisinier

15 professionnel, un boucher de profession, afin qu'avec moi à leur tête, sur

16 le plan organisationnel, ils puissent avec moi effectuer la tâche qui nous

17 avait été confiée.

18 Question: En sus de vous, du boucher et du cuisinier, y avait-il d'autres

19 membres de l'armée au sein de cette section, qui étaient chargés de la

20 cuisine, si je mets de côté les coutures, etc.?

21 Réponse: Non, non. Il y avait d'autres femmes qui étaient là pour repasser

22 ou qui étaient sous obligation de travail. Elles étaient 12 à 15, mais

23 cela dépendait aussi des tâches que leur confiait le directeur ou le chef

24 de la cuisine, en fonction des repas qui devaient être préparés.

25 Question: Monsieur Rendic, en sus de ces femmes travaillant dans la mine

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1 de Ljubjia, j'entends Omarska, y avait-il dans cette section d'intendance

2 une assistance de la part d'autres personnes? Et si oui, qui apportait

3 cette assistance?

4 Réponse: Oui, il y avait d'autres personnes qui venaient aider, il y avait

5 des personnes qui travaillaient aussi dans l'hôtellerie et des gens qui

6 venaient de la coopérative agricole, de cuisine ou de restaurant, parce

7 que nous avions besoin de personnel, de civils pour venir nous prêter main

8 forte.

9 Question: Monsieur Rendic, je me propose de revenir à la structure de

10 commandement dans cette section d'intendance. Qui était le chef, à savoir

11 le supérieur de ces femmes, qui étaient là du fait de leur obligation de

12 travail au sein du complexe des mines de fer?

13 Réponse: Eh bien, il y avait un certain Dusko qui était chef, je ne me

14 souviens plus de son nom de famille. C'était en 1992, vous savez! Je sais

15 qu'il s'appelait Dusko. Et celui qui dirigeait tout le complexe, qui

16 supervisait pour qu'il n'y ait pas d'avarie quelconque était un certain

17 Babic, de par son nom de famille.

18 Question: Si je vous ai bien compris, le premier supérieur était...?

19 Réponse: Oui, Dusko, c'est lui qui organisait leurs équipes de travail et

20 elles touchaient un salaire de la part de la mine. Ce n'est que par la

21 suite qu'elles ont touché quelque chose de la part de l'armée pour ce qui

22 était de rémunérer leur travail.

23 Question: Et le directeur de la mine était...?

24 Réponse: Monsieur Babic.

25 Question: Et le boucher, les cuisiniers étaient subordonnés à qui?

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1 Réponse: A mon commandement. Nous faisions en fait une sorte d'équipe de

2 gens, nous nous réunissions le matin, nous faisions une sorte de petite

3 réunion ou de présentation de rapport et nous convenions de ce qu'il

4 fallait faire ce jour-là. Donc nous établissions nous-mêmes notre

5 calendrier de fonctionnement, pour ce qui est des aliments, des vivres:

6 qui allait se charger de quoi, qui allait préparer ce qu'il fallait pour

7 que le cuisinier en chef inspecte le tout et organise la cuisson. Le

8 boucher préparait lui la viande, il était donc chargé de découper les

9 quartiers de viande qui se trouvaient dans la pièce frigorifique pour les

10 repas du jour.

11 Question: Monsieur Rendic, qui est-ce qui était chargé d'assurer à la

12 section d'intendance les vivres nécessaires pour la préparation des repas

13 qui vous était confiée?

14 Réponse: Eh bien, conformément à la structure militaire et au

15 commandement, le commandant adjoint chargé des arrières est tenu d'assurer

16 toutes les denrées alimentaires nécessaires pour une journée, à savoir

17 pour les trois repas qui figurent au menu.

18 Question: Sauriez-vous nous dire d'où est-ce qu'on se procurait ces

19 denrées alimentaires? Quelle était la base qui fournissait ces denrées

20 alimentaires pour vous?

21 Réponse: Eh bien, il s'agissait de denrées alimentaires qui devaient être

22 transformées en repas, et la base qui devait assurer tout cela était la

23 caserne Zarko Zgonjanin; c'est de là que les denrées alimentaires étaient

24 acheminées vers la mine de fer, et sa cuisine.

25 Question: Où se trouvait cette cuisine où vous étiez censé effectuer votre

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1 tâche?

2 Réponse: La cuisine se trouvait tout de suite à gauche de l'entrée de la

3 mine de fer, et comme je suis arrivé pour la première fois le 22 ou le 25

4 mai, -je n'y étais jamais venu- à l'époque, il y avait une sorte de

5 laboratoire, et la première fois où je suis entré dans cette cuisine

6 c'était le 22 ou le 25 mai de l'année 1992.

7 Question: Les bâtiments là-bas, le bâtiment plutôt où vous prépariez les

8 repas, avait-il une appellation pour ce qui concerne la population locale?

9 Réponse: Eh bien, c'était un bâtiment administratif, je ne sais pas ce que

10 ce bâtiment aurait pu avoir comme appellation familière.

11 Question: Cet immeuble se trouvait-il au sein des immeubles qui faisaient

12 partie de l'enceinte d'Omarska, ou bien est-ce que c'était séparé?

13 Réponse: C'était séparé, c'était à l'écart, et le complexe contenant leur

14 atelier était à deux kilomètres de cette cuisine. Donc l'immeuble se

15 trouvait à la station de concassage.

16 Question: Est-ce que, depuis cet immeuble de la station de concassage, il

17 était possible de voir le complexe de la mine d'Omarska?

18 Réponse: Non, ce n'était pas possible.

19 Question: Quels moyens utilisiez-vous pour préparer les repas? Est-ce

20 qu'il s'agissait des moyens qui appartenaient au secteur militaire ou bien

21 qui appartenaient auparavant à la mine?

22 Réponse: Eh bien, en ce qui concerne la cuisine elle-même, elle était

23 équipée de toute sorte d'équipements permettant de préparer les repas.

24 Donc il y avait deux chaudières, un appareil permettant de peler les

25 pommes de terre. Il y avait une partie avec les appareils permettant de

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1 laver la vaisselle; ensuite, il y avait un endroit où l'on stockait le

2 pain puis un autre endroit où l'on stockait les légumes; un troisième

3 endroit où l'on stockait la viande, un réfrigérateur pour la viande. Donc

4 il s'agissait d'une cuisine tout à fait moderne.

5 Question: Et cette cuisine avait-elle appartenu à la mine?

6 Réponse: Oui, la cuisine appartenait à la mine et elle permettait de

7 préparer des plats chauds aux employés de la mine de fer.

8 Question: De quelle manière vous procuriez-vous en énergie permettant

9 d'effectuer des travaux dans la cuisine?

10 Réponse: La première base, c'était l'énergie électrique. Je vais parler

11 par la suite ou je peux le souligner dès maintenant, c'est-à-dire que la

12 situation en matière d'approvisionnement en énergie électrique était très

13 difficile; ceci nous créait de graves problèmes lorsque l'on préparait la

14 nourriture, qu'il s'agisse des légumes ou des plats chauds que nous avions

15 préparés en avance mais qu'il fallait réchauffer ou faire cuire.

16 Question: Vous disposiez de moyens vous permettant de faire face à la

17 situation en cas de panne d'électricité?

18 Réponse: Oui, il y avait un générateur qui permettait de faire fonctionner

19 l'ensemble de la cuisine, mais le problème était le gasoil. Parfois, nous

20 devions attendre jusqu'à deux heures avant d'avoir suffisamment

21 d'électricité ou de carburant permettant de terminer la tâche.

22 Question: Monsieur, ce système dont était constituée la cuisine, de quelle

23 manière était-il connecté au conduit d'eau permettant de faire fonctionner

24 la cuisine?

25 Réponse: Je vais vous expliquer. Il y avait un puits. Quand nous ne

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1 pouvions pas employer la pompe, nous utilisions l'eau potable, l'eau que

2 nous utilisions pour laver des choses. Le problème est qu'il n'y avait

3 qu'un ou deux robinets qui nous permettaient de prendre de l'eau pour nos

4 chaudrons. Il n'y avait pas d'autre système; c'est le même système qui

5 existait auparavant au sein de la mine de fer.

6 Question: En bref, peut-on dire qu'en ce qui concerne la préparation des

7 repas, au moment où vous avez travaillé dans la cuisine, le système était

8 exactement pareil que le système auparavant, c'est-à-dire pendant que ce

9 complexe fonctionnait en tant que mine de fer?

10 Réponse: Oui, c'est exact. Nous avions des éplucheuses de pommes de terre,

11 nous coupions le pain de la même manière qu'avant, nous avions une machine

12 qui le faisait, un appareil, ou bien nous le faisions à la main et nous

13 avions des chaudrons, etc.

14 Question: Nous avons déjà entendu parler de cela. Quelle était la capacité

15 de la cuisine?

16 Réponse: J'ai consulté Dusko pour le savoir avec exactitude et je peux

17 dire que la capacité était entre 1000 et 1500 repas.

18 Question: Monsieur Rendic, comment vous approvisionniez-vous en pain pour

19 les besoins de la cuisine?

20 Réponse: C'est la caserne Zarko Zgonjanin qui nous approvisionnait en

21 pain. Et au sein de cette caserne, il y avait des boulangeries de terrain

22 qui servaient seulement aux fins de l'armée.

23 Question: Merci. Dans votre déposition, vous avez dit que vous prépariez

24 la cuisine pour les membres de l'armée. Vous, ou plutôt le département

25 auquel vous apparteniez, est-ce que vous prépariez de la nourriture au

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1 mois de juin, juillet, août 1992 pour qui que ce soit d'autre?

2 Réponse: Oui. Le 28 mai, je suis venu au travail comme d'habitude, vers 5

3 ou 6 heures. Le cuisinier principal, Milan, m'a fait savoir que le petit

4 déjeuner pour l'armée avait été envoyé, mais qu'à deux kilomètres de nous,

5 nous avions un groupe de personnes qui venait d'arriver au cours de la

6 nuit qui avait reçu un plat froid. J'ai demandé -si je peux m'étaler...

7 Question: Oui.

8 Réponse: J'ai demandé qui a donné cet ordre, il a dit: "C'est le

9 commandant chargé des arrières qui m'a donné personnellement l'ordre de

10 distribuer à ces personnes-là le plat froid, c'est-à-dire le pain et les

11 conserves."

12 Question: Comment prépariez-vous par exemple le déjeuner? Dites-le très

13 brièvement, nous n'avons pas beaucoup de temps.

14 Réponse: Puisqu'il s'agissait d'une grande quantité de nourriture,

15 d'habitude, nous commencions à préparer le déjeuner vers 3 ou 4 heures du

16 matin pour pouvoir produire toute la quantité nécessaire, à savoir pour

17 produire suffisamment de repas, tous les repas prévus.

18 Entre 8 heures et 9 heures, on envoyait le déjeuner pour le camp et la

19 deuxième partie destinée à l'armée était envoyée vers 11 heures. Ceci veut

20 dire que nous préparions exactement la même nourriture parce que, compte

21 tenu des moyens techniques dans la cuisine, il ne nous était pas possible

22 de préparer plusieurs sortes de repas.

23 Question: Si je vous ai bien compris, ce département, au cours de la

24 période dont nous parlons, préparait toujours un même repas d'une même

25 teneur, destiné à la fois aux membres de l'armée et aux détenus au sein du

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1 camp d'Omarska. Est-ce exact?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Monsieur Rendic, pourriez-vous nous dire quelle était la teneur

4 de ce repas -mais encore une fois très brièvement?

5 Réponse: Comme je l'ai dit, il y avait un repas préparé à chaque fois. Il

6 y avait deux chaudrons dont nous disposions au début, pendant les dix

7 premiers jours. Bien sûr, nous avions suffisamment de vivres, suffisamment

8 de denrées alimentaires. Là, par exemple, si je parle d'un repas, je veux

9 dire que ce qui est le plus important, par exemple pour un repas à base de

10 pommes de terre, il faut avoir des pommes de terre. Nous avions

11 suffisamment de pommes de terre, suffisamment de légumes, d'épices et de

12 matières grasses pour préparer ce repas.

13 Au bout d'une dizaine de jours, la qualité et la quantité ont baissé. Au

14 début, quand je dis "la qualité était appropriée", cela veut dire qu'elle

15 était satisfaisante d'après toutes les normes qui existent dans le secteur

16 militaire. Quand je dis qu'il y avait "suffisamment de quantités", je veux

17 dire qu'il n'y avait pas moins de quantités qu'en situation normale.

18 Question: Très bien. Donnez-nous un exemple d'un repas, d'un déjeuner.

19 Réponse: Eh bien, d'habitude, nous avions des petits pois, nous avions des

20 pommes de terre, nous avions des haricots. D'habitude, pour le déjeuner,

21 nous préparions de plats plus lourds, et plus légers pour le dîner.

22 Question: Et que s'est-il produit au bout de dix jours? Est-ce que la

23 qualité de la nourriture était la même, est-ce que la situation a changé

24 ou pas?

25 Réponse: Au bout de dix jours, eh bien, la situation en matière

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1 d'approvisionnement en vivres est devenue très difficile. Dans la région

2 de Krajina, la situation en approvisionnement était très difficile, non

3 pas seulement en ce qui concerne la nourriture mais tout le reste, y

4 compris les produits sanitaires, hygiéniques, etc.

5 Donc il y a eu une pénurie des vivres, une pénurie normalement des épices

6 et des matières grasses, donc des éléments que l'on ajoute aux repas. Par

7 la suite, au fur et à mesure que la guerre se développait, les denrées

8 alimentaires que nous pouvions nous procurer étaient de très mauvaise

9 qualité.

10 Question: Pendant cette période pendant laquelle un certain nombre de

11 problèmes ont surgi en matière d'approvisionnement en nourriture, est-ce

12 que la nourriture a continué à être la même à la fois pour les membres de

13 l'armée et pour les détenus du camp? Je parle du déjeuner.

14 Réponse: Oui, la situation est restée la même, mais moi j'ai eu un

15 problème, ou plutôt l'adjoint du commandant chargé des arrières. Nous

16 avions des problèmes puisque les soldats sur les lignes de front se

17 plaignaient énormément car ils disaient: "Oui, mais depuis cinq jours,

18 nous avions de bonnes choses à manger. Maintenant, tout d'un coup, ce

19 n'est plus bon du tout". Il a donc dû leur expliquer que le problème était

20 lié à la pénurie de la farine, des épices et des matières grasses, donc

21 des éléments qui donnent du goût à la nourriture.

22 Question: Monsieur Rendic, vous et vos collaborateurs qui travaillaient

23 avec vous, est-ce que vous pouvez nous dire combien de repas vous

24 prépariez par jour pour la station de concassage?

25 Réponse: Il est difficile de savoir le nombre exact. Nous préparions

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1 autour de 6.000 repas. Lorsque je dis 6.000, il faut savoir qu'il y avait

2 1.000 à 1.200 repas destinés à l'armée, donc là je parle à la fois des

3 petits-déjeuners, déjeuners et dîners. Donc si on compte environ 3.000

4 pour l'armée, il y avait donc 3.000 repas par jour pour l'armée et 3.000

5 repas pour ce malheureux camp.

6 Question: Monsieur Rendic, est-ce que vous pourriez nous dire combien de

7 repas au cours d'une journée étaient envoyés à Omarska? Là, je ne parle

8 pas nécessairement du petit-déjeuner, déjeuner, dîner, mais je parle des

9 repas en général.

10 Réponse: Vous parlez de la mine de fer?

11 Question: Oui.

12 Réponse: Eh bien, en ce qui concerne le premier repas que nous préparions

13 vers 3 heures, 4 heures du matin; vers 8 heures c'était terminé. Donc vers

14 8 heures, on le chargeait, on le mettait dans des cocottes-minute, on

15 l'envoyait en bas, et on distribuait cette nourriture.

16 Et nous, on continuait à préparer les mêmes repas pour l'armée, mais

17 conformément aux ordres donnés par le commandant chargé des arrières, nous

18 préparions plus de nourriture, donc nous pouvions envoyer des portions

19 supplémentaires au camp. Parce que parfois il y avait des manques de

20 nourriture dans le camp, donc c'est ainsi que nous pouvions envoyer des

21 quantités supplémentaires.

22 De toute façon, les repas étaient les mêmes. Lorsque les personnes

23 allaient au camp et qu'ils distribuaient la première partie de la

24 nourriture, ils revenaient avec les chaudrons vidés et on les remplissait

25 de nouveau pour que tous leurs besoins soient satisfaits. C'est pour cela

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1 que je dis que leur cuisine fonctionnait 24 heures sur 24.

2 Question: Vous avez parlé de la manière dont la nourriture était envoyée

3 au camp et aux unités militaires. Est-ce que votre département était

4 chargé du transport et de la distribution de la nourriture, et sinon qui

5 était chargé de cela?

6 Réponse: Eh bien, compte tenu de la grande quantité de travail que mon

7 département avait, nous étions chargés uniquement de préparer la

8 nourriture et ensuite de l'emballer, d'emballer la nourriture et le pain

9 dans de grands containers à vide, et nous devions aussi couper le pain et

10 mettre le tout dans des containers en plastique.

11 Ensuite, deux chauffeurs transportaient la nourriture et deux soldats le

12 faisaient pour les unités militaires. Et puis il y avait un camion, un Tam

13 qui était également utilisé parfois afin de transporter la seconde partie

14 des repas si l'autre véhicule n'était pas disponible.

15 Question: Ces personnes qui transportaient et distribuaient la nourriture,

16 étaient-ils les membres de la même unité que vous, sauf appartenant à des

17 départements différents?

18 Réponse: Non, il s'agissait de soldats qui appartenaient à une autre unité

19 et dont l'unique charge que le commandant chargé des arrières leur avait

20 confiée était ceci: était donc de transporter la nourriture. Et moi, de

21 toute façon, je ne disposais pas d'hommes que j'aurais pu affecter à cette

22 tâche-là. D'ailleurs, je ne travaillais qu'avec des femmes et n'étais pas

23 capable de m'acquitter de cette tâche.

24 Question: Donc eux, ils étaient les membres de la Défense territoriale?

25 Réponse: Oui, des soldats de la Défense territoriale.

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1 Question: Vous avez dit, Monsieur Rendic, que les soldats recevaient le

2 petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Est-ce que les détenus recevaient

3 également le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner?

4 Réponse: Je n'ai pas compris la question. Vous parlez de qui?

5 Question: Des détenus.

6 Réponse: Les détenus, comme je l'ai déjà expliqué, ne recevaient pas des

7 repas en tant que petit-déjeuner, déjeuner, dîner. J'ai déjà expliqué:

8 vers 8 heures du matin, on leur envoyait un repas; parfois c'étaient des

9 haricots, parfois des petits pois, parfois c'était du riz. C'était le

10 repas du jour et c'était une sorte de nourriture, un repas qui était

11 distribué aux détenus.

12 Question: Est-ce que j'ai bien compris? Ils recevaient un seul repas par

13 jour, est-ce exact?

14 Réponse: Ça, je ne le sais pas. Vous voyez la distance entre… C'est-à-

15 dire, j'étais très éloigné de la situation où on leur distribuait la

16 nourriture, je n'avais aucune idée de la manière dont la nourriture était

17 distribuée, s'ils recevaient la nourriture en un repas ou en trois repas

18 par jour.

19 Question: Monsieur Rendic, je souhaite que l'on clarifie cela: s'agissait-

20 il du même repas, par exemple un jour les haricots, un autre jour les

21 petits pois?

22 Réponse: Oui, c'était le même repas que celui qui était envoyé à l'armée.

23 Parfois c'étaient les petits pois, parfois c'étaient les haricots.

24 Question: Pour clarifier, dites-moi une autre chose. Je vais poser la

25 question de manière différente: est-ce que la nourriture que vous

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1 prépariez pour l'armée pour le petit-déjeuner, vous leur envoyiez ça?

2 Réponse: Non.

3 Question: Et le dîner?

4 Réponse: Oui, s'ils avaient besoin de plus de nourriture que la quantité

5 qui était envoyée auparavant, on leur envoyait cela. Mais en ce qui

6 concerne le petit-déjeuner, c'était le pain et puis avec un peu de beurre

7 ou quelque chose comme cela, de la marmelade.

8 Question: En ce qui concerne le pain, est-ce que vous pouvez nous dire

9 combien de pain était distribué aux détenus?

10 Réponse: Eh bien, pour les soldats -d'après les normes- c'est 150 grammes

11 par personne, par soldat. Nous avions des pains de 600 grammes, donc cela

12 voudrait dire qu'un quart de pain était attribué à chaque soldat. Mais par

13 la suite la situation s'est aggravée, il y avait une pénurie de levure,

14 pénurie de farine et donc nous ne pouvions pas avoir autant de pains que

15 possible.

16 Donc je recevais du pain en moindre quantité et on divisait le pain dont

17 on disposait suivant le nombre de personnes et le nombre des repas. C'est

18 ainsi que parfois les personnes qui étaient dans le camp recevaient moins

19 de quantité que les quantités prévues par les normes. Si je me souviens

20 bien, il s'agissait d'un huitième du pain.

21 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire durant quelle période, durant

22 combien de temps procédiez-vous à ce rationnement de pain?

23 Réponse: C'était une longue période. Il faut savoir que même une journée

24 est longue dans une telle situation. Et là, il s'agissait de dix jours,

25 environ dix à vingt jours maximum, et puis après nous avons reçu de

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1 nouvelles réserves de farine. Je ne sais pas qui nous a fait acheminer

2 cela, mais d'un côté il y avait cela et d'autre part des boulangeries

3 privées nous sont venues en aide puisque la caserne Zarko Zgonjanin ne

4 pouvait pas le faire. Il faut savoir aussi que les habitants avaient des

5 problèmes afin de s'approvisionner en pain. Et pour nous qui devions

6 satisfaire aux besoins à la fois de la caserne et du camp, c'était encore

7 beaucoup plus difficile.

8 Question: Monsieur Rendic, vous étiez commerçant, vous aviez un local.

9 Est-ce que vous vous souvenez, à l'époque, quel était le prix d'un grand

10 sac de farine au marché noir dans toute la région de Prijedor et Banja

11 Luka?

12 Réponse: C'était beaucoup. C'était pour nous vraiment beaucoup. Plus de 20

13 marks allemands, peut-être même plus. Parce que nous étions coupés du

14 monde, c'était donc deux fois plus cher. Nous étions coupés du monde et

15 nous n'avions plus de réserves, elles s'étaient épuisées rapidement.

16 Question: Et la situation en ce qui concerne le sel, était-elle pareille?

17 Réponse: Oui. Comme je l'ai dit, il y avait un problème avec les matières

18 grasses. Il y avait une pénurie de la farine, de l'huile, des épices, des

19 détergents, également des lessives. Donc les commerces étaient vides. Il y

20 avait des files d'attente devant les commerces donc il était très

21 difficile de s'approvisionner en denrées alimentaires de base.

22 Question: Monsieur Rendic, vous rendiez-vous de temps en temps au camp

23 d'Omarska?

24 Réponse: Non. Compte tenu du travail qui était le mien, je ne pouvais pas

25 le faire.

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1 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire quelle autorité civile ou

2 militaire contrôlait votre travail, le travail de votre département

3 d'intendance?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Qui venait faire le tour de vos locaux?

6 Réponse: Tous les jours, c'était M. Andic, l'adjoint du commandant chargé

7 des arrières.

8 Question: Et qui d'autres?

9 Réponse: Monsieur Drljaca, je ne savais pas à l'époque très exactement

10 quelle était sa fonction, mais par la suite j'ai appris qu'il était le

11 commandant de la cellule de crise du CSB de Prijedor. Donc il venait faire

12 un tour dans nos locaux et il nous posait des questions pour savoir quels

13 étaient les problèmes auxquels nous étions confrontés, afin de savoir

14 quels étaient les problèmes en matière d'approvisionnement en nourriture

15 servant à préparer des plats chauds.

16 Question: Est-ce que vous avez parlé avec M. Drljaca de tous les

17 problèmes? Est-ce que vous l'avez informé de la situation?

18 Réponse: Oui, je lui ai dit que toutes les réserves dans la mine

19 disposaient en ce qui concerne le sel, les épices, l'huile, etc., avaient

20 été épuisées et que, compte tenu du nombre de personnes dont nous

21 disposions afin de s'acquitter de ces tâches, c'était extrêmement

22 difficile pour nous de faire notre travail.

23 Question: Qu'est-ce qu'il a répondu?

24 Réponse: Il a dit: "Eh bien, c'est la guerre! Vous savez que vous devez

25 préparer et distribuer la nourriture." Moi, je lui ai dit que les soldats

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1 boycottaient la nourriture que nous leur envoyions, que les soldats

2 refusaient de manger cette nourriture, et que c'était un grand problème

3 pour nous. Et lui-même, il l'a vu de ses propres yeux, il a pu voir cela

4 quand il est allé sur la ligne de front, il a vu cela. Il a vu comment les

5 soldats jetaient la nourriture et d'ailleurs ça l'a rendu très... ça l'a

6 mis très en colère. Mais comme je l'ai dit, nous n'avions pas suffisamment

7 de denrées nous permettant de préparer plus de nourriture.

8 Question: Dans le cadre de votre travail avec ces femmes que vous avez

9 mentionnées, est-ce que vous prépariez également des repas pour les

10 enquêteurs?

11 Réponse: Oui, pour eux aussi.

12 Question: Combien?

13 Réponse: Deux repas: un qui leur était envoyé vers 10 heures/11 heures; et

14 le deuxième qu'ils recevaient chez eux entre 6 et 7 heures, parfois plus

15 tard, donc 6/7 heures de l'après-midi. Ils recevaient donc deux repas par

16 jour.

17 Question: Est-ce que les repas étaient les mêmes que ceux qui étaient

18 envoyés aux détenus et aux soldats?

19 Réponse: Eh bien, nous préparions les repas à part pour eux. Ils

20 recevaient donc de la viande, ils recevaient des légumes, des pommes de

21 terre, des haricots.

22 Question: Les membres de la police d'Omarska qui assuraient la sécurité du

23 camp, est-ce que vous prépariez les repas pour eux aussi?

24 Réponse: Oui, on préparait les repas pour eux aussi, ils mangeaient aussi

25 les mêmes repas que l'armée. Mais en ce qui concerne leur troisième

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1 équipe, ils recevaient une sorte de "lunch paquet", c'était donc un repas

2 froid, c'était un sandwich.

3 Question: Merci. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, les

4 responsables de la sécurité, s'ils travaillaient 12 heures dans la

5 journée, ne recevaient qu'un seul repas, tout comme les gens qui étaient

6 dans le camp, n'est-ce pas?

7 Réponse: Non, je ne sais pas quelle était la répartition des équipes. La

8 seule chose que je sais, c'est qu'on leur envoyait à 6 heures, 8 heures ou

9 10 heures le sandwich dont je viens de parler qui était un supplément

10 parce qu'ils travaillaient dans la troisième équipe.

11 Question: Vous avez parlé de 10 heures, c'était la nuit?

12 Réponse: Oui, oui, la nuit, 22 heures.

13 Question: Merci. Monsieur Rendic, les policiers d'Omarska avaient-ils une

14 quelconque influence sur votre département? Pouvaient-ils agir pour

15 obtenir une amélioration de la nourriture?

16 Réponse: Non, pourquoi? Ils avaient...

17 Question: Attendez, Monsieur Rendic. Y avait-il un seul membre du

18 département de la police qui aurait pu agir pour obtenir une amélioration

19 de la qualité de la nourriture?

20 Réponse: Non, il y avait des hommes qui étaient responsables de

21 l'approvisionnement destiné à obtenir une amélioration de la nourriture.

22 On sait de qui il s'agissait: il s'agissait du responsable, enfin de

23 l'adjoint chargé de la logistique à la base principale.

24 Question: Monsieur Rendic, pendant le temps que vous avez pu passer à la

25 cuisine, avez-vous jamais reçu la visite de l'un ou l'autre des membres du

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1 département de la police d'Omarska?

2 Réponse: Non, non jamais. Parce que la porte de notre cuisine était

3 fermée, et nous n'avions pas beaucoup de temps pour bavarder ou établir

4 des contacts personnels avec quelqu'un.

5 Question: Vous viviez et travailliez au centre d'Omarska, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Quelle est la distance qui sépare cet endroit du poste de police

8 d'Omarska?

9 Réponse: Eh bien, sans doute 800 mètres.

10 Question: Pendant que vous viviez à Omarska, avez-vous fait la

11 connaissance de quelqu'un qui s'appelait Miroslav Kvocka?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Connaissiez-vous sa famille?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Quel était le métier de M. Kvocka?

16 Réponse: Il était policier pour autant que je le sache, parce qu'il

17 patrouillait avec Ljuban, donc on le voyait dans la rue. Il faut dire

18 qu'on sait bien en ville que j'étais quelqu'un qui respectait le droit et

19 l'ordre. Donc comme il était policier, je n'avais pas trop l'occasion de

20 le fréquenter, je le connaissais simplement parce que les siens étaient

21 des clients.

22 Question: Connaissiez-vous le père de M. Kvocka?

23 Réponse: Oui, je connaissais son père. D'ailleurs, j'ai eu des relations

24 avec lui parce qu'à un certain moment je circulais pas mal pour aller au

25 travail, j'allais à Prijedor où je dirigeais un restaurant. Je travaillais

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1 à partir de 5 heures du matin et le père de M. Kvocka, qui est mort

2 depuis, avait une boulangerie. C'était un homme très fier, un grand

3 travailleur et je le connaissais très bien; il est mort à cause de tous

4 ces problèmes, voyez-vous.

5 Question: Monsieur Rendic, à l'époque où le camp existait à Omarska, la

6 famille de M. Kvocka a-t-elle fait l'objet de menaces de la part

7 d'extrémistes? Est-ce que vous avez entendu parler de quelque chose de ce

8 genre?

9 Réponse: Eh bien, vous savez, Omarska est une toute petite ville. En 1992,

10 à l'époque où des gens allaient se battre sur les champs de bataille, où

11 on mourait chez nous, M. Kvocka avait chez lui, à la maison, quatre ou

12 cinq personnes d'une nationalité différente de la sienne. C'était l'époque

13 des combats en Slovénie. Certains ont dit qu'ils allaient miner sa maison,

14 la faire sauter parce qu'il était un traître à son peuple et ce genre de

15 choses.

16 Mais moi, je n'écoutais pas trop cela parce qu'on savait bien que des

17 rumeurs circulaient. Vous savez, à cette époque, c'était l'époque la plus

18 dure, ce moment où les combats ont commencé dans certains endroits. C'est

19 seulement plus tard que des unités militaires en bonne et due forme ont

20 été créées, et la situation a un peu changé à partir de ce moment-là.

21 Mais la période dont nous parlons était la plus dure.

22 Question: Vous avez dit que vous connaissiez M. Miroslav Kvocka et que

23 vous saviez qu'il était policier. Pouvez-vous nous dire si c'était une

24 personne qui posait des problèmes, si c'était quelqu'un de difficile?

25 Etait-il respecté?

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1 Réponse: Eh bien, vous savez, je sais que c'était quelqu'un qui était

2 assez connu, qu'il faisait son travail avec conscience quand il

3 patrouillait dans la rue, qu'il n'avait aucun problème avec les habitants

4 jusqu'au moment où, bien sûr, les combats et la guerre ont commencé.

5 C'était donc quelqu'un qu'on pouvait appeler si on avait besoin d'une aide

6 quelconque, c'était quelqu'un de responsable, sur qui on pouvait compter.

7 On pouvait travailler avec lui, on avait plaisir à travailler avec lui, on

8 pouvait compter sur lui. Il avait une très bonne réputation, il était très

9 respecté.

10 Question: Merci Monsieur Rendic, je n'ai plus de questions à vous poser.

11 Monsieur le Président, j'en ai terminé avec l'interrogatoire de ce témoin.

12 M. Rendic (interprétation): Les Juges de cette Chambre ont-ils encore des

13 questions à me poser?

14 M. le Président: Attendez, on va voir. Est-ce que d'autres conseils ont

15 des questions? Je vois que non.

16 Monsieur Waidyaratne? Le Procureur va vous poser des questions aussi,

17 après on verra si les Juges ont des questions aussi.

18 M. Rendic (interprétation): Merci.

19 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Pero Rendic, par M. Waidyaratne.)

20 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

21 Monsieur Rendic, bonjour.

22 M. Rendic (interprétation): Oui, bonjour Monsieur.

23 Question: Connaissiez-vous bien M. Kvocka?

24 Réponse: Je le connaissais simplement parce que c'était un client de mon

25 magasin. Nous nous rencontrions aussi de temps en temps dans la rue

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1 lorsque je circulais pas mal. Je savais aussi où se trouvait sa maison et

2 je connaissais des membres de sa famille, je connaissais personnellement

3 son père.

4 Question: Mais aviez-vous des relations personnelles avec lui en dehors du

5 travail? Le fréquentiez-vous pour pouvoir parler de lui comme vous l'avez

6 fait?

7 Réponse: Cela nous arrivait, nous nous rencontrions quelque fois pour

8 boire un café de temps en temps. Nous parlions aussi quand il venait dans

9 mon magasin.

10 Question: Savez-vous ce que faisait M. Kvocka en 1992, plus précisément au

11 mois de mai 1992?

12 Réponse: Non, ça je ne le savais pas. Je savais simplement qu'il

13 travaillait au poste de police. Mais quelles étaient ses fonctions

14 exactes, je ne le savais pas parce que moi, j'étais assez occupé, j'avais

15 pas mal de travail.

16 Question: Très bien. L'avez-vous vu dans l'enceinte du camp d'Omarska?

17 M. K. Simic (interprétation): Objection! Monsieur le Président.

18 M. Rendic (interprétation): Je ne l'ai pas vu dans le camp. Je n'y suis

19 jamais allé.

20 M. K. Simic (interprétation): Objection, objection! La réponse avait déjà

21 été faite, le témoin avait déjà dit n'être jamais allé au camp d'Omarska.

22 M. le Président: Maître Simic, le témoin a quand même déjà répondu. Si je

23 lis bien, le témoin a dit que non, qu'il n'y est jamais allé. Maître

24 Krstan Simic avait déjà demandé au témoin s'il était allé quelquefois au

25 camp et il a dit non. Donc s'il n'est pas allé là, il ne l'a pas vu là.

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1 Donc on laisse peut-être la question et on continue, s'il vous plaît.

2 M. Waidyaratne (interprétation): Très bien, Monsieur le Président. Merci.

3 Monsieur Rendic, où vous trouviez-vous physiquement quand vous prépariez

4 la nourriture? Où étiez-vous précisément dans ce bâtiment que l'on

5 appelait Separacjia?

6 M. Rendic (interprétation): Le bâtiment de Separacjia se trouve à gauche

7 après l'entrée principale, je parle de l'entrée de la mine. On passe la

8 porte principale et, à gauche, on trouve ce bâtiment où se trouvent les

9 laboratoires et aussi la cuisine. Et quand on m'a affecté à ce travail,

10 c'est là que je suis allé pour organiser mon travail.

11 Question: Monsieur Rendic, pour que les choses soient tout à fait claires,

12 quand on veut aller dans le bâtiment Separacjia, celui où vous

13 travailliez, il faut bien franchir l'entrée principale du camp, n'est-ce

14 pas?

15 Réponse: Non, la cuisine… vous voyez, il y a le carrefour et puis l'entrée

16 principale, et sur la gauche on rentre dans la cuisine, donc dans le

17 bâtiment de travail RG, c'est-à-dire la cuisine; le camp, lui, il est

18 beaucoup plus loin, à deux kilomètres au moins.

19 Question: Mais quand vous vouliez rentrer dans ce bâtiment, dans le

20 bâtiment de Separacjia, aviez-vous besoin d'un laissez-passer émis par la

21 police?

22 Réponse: Non, les gardiens qui se trouvaient à l'entrée me connaissaient

23 tous. Bien sûr, ils savaient quelles étaient mes responsabilités à la mine

24 de sorte que je n'avais besoin de rien de particulier en dehors de mon

25 livret militaire. C'était le document me permettant d'entrer et de remplir

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1 les responsabilités qui étaient les miennes vis-à-vis de ces personnes qui

2 étaient chargées de préparer la nourriture.

3 Et j'ajouterai, voyez-vous, maintenant je vais vous dire quelque chose

4 d'un peu paradoxal peut-être mais, en général, les cuisiniers sont des

5 gens que l'on connaît bien, il n'y a aucun problème, tout le monde les

6 connaît. Bien sûr, malheureusement à cette époque-là on manquait de

7 nourriture, mais les gens nous connaissaient bien, peut-être pour cette

8 raison.

9 Question: Monsieur Rendic, vous avez parlé d'une entrée principale et de

10 gardiens. Eh bien, où se trouvaient cette entrée principale et ces

11 gardiens dont vous avez parlé?

12 Réponse: Il s'agit de l'entrée de la mine RG. C'est l'entrée numéro un, je

13 ne sais pas comment on l'appelait autrement mais c'est par cette entrée

14 qu'on allait dans les bâtiments où on travaillait, et c'est là que se

15 trouvaient les gardiens de la mine.

16 Question: Connaissiez-vous l'un ou l'autre de ces gardiens?

17 Réponse: Il y avait un homme de Lamovita, je connaissais son visage, je le

18 connaissais simplement de vue. Je savais qu'il venait du village de

19 Lamovita. Et puis, il y en avait un autre qui habitait à Obrad mais, de

20 toute façon, tous ces hommes me connaissaient, moi, parce que j'étais

21 commerçant, donc j'étais assez connu.

22 Question: Ces gardes étaient-ils armés, avaient-ils des armes?

23 Réponse: Excusez-moi, je parle un peu trop vite.

24 Non, ces gardes devant moi, en tout cas, n'avaient pas d'armes.

25 Question: Très bien. Avez-vous dit que le 22 ou le 25 mai 1992 vous êtes

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1 allé dans le bâtiment Separacjia?

2 Réponse: Oui, à peu près à cette date-là, oui, oui, vous avez raison. Je

3 ne pourrais pas dire quel jour exactement, mais aux alentours du 22 mai

4 j'ai été chargé d'y aller pour organiser le travail dont j'ai parlé tout à

5 l'heure, je veux dire préparer la nourriture.

6 Question: Oui. Qui vous a demandé d'aller à cet endroit?

7 Réponse: Je l'ai déjà dit, c'était M. Andic, l'adjoint chargé de la

8 logistique, c'était mon supérieur.

9 Question: Merci. Quand vous êtes allé là-bas, à peu près à cette date-là,

10 entre le 22 et le 25 mai, qui avez-vous trouvé là-bas, de qui êtes-vous

11 devenu responsable, qui était sous vos ordres?

12 Réponse: J'y ai trouvé de 12 à 15 cuisinières qui préparaient les repas

13 chauds destinés aux gens qui travaillaient dans la mine d'Omarska. J'y ai

14 trouvé également M. Dusko, leur directeur. Plus tard, j'ai aussi fait la

15 connaissance du directeur, M. Babic. Moi, personnellement, j'étais chargé

16 d'organiser le travail consistant à préparer les repas parce que M. Dusko…

17 Cela suffit ce que je viens de dire?

18 Question: C'est bien, c'est bien. A cette époque-là, il n'y avait pas de

19 détenus dans le camp?

20 Réponse: Non.

21 Question: Donc vous êtes allé là-bas pour préparer l'arrivée des gens qui

22 devaient arriver, n'est-ce pas, les soldats?

23 Réponse: Non, non, non, non, non! Personne n'avait la moindre idée, ne

24 savait que qui que ce soit allait arriver?

25 M. K. Simic (interprétation): Objection! Malheureusement, la réponse est

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1 déjà faite mais en tout cas la question était très suggestive et elle

2 n'est pas acceptable.

3 M. Rendic (interprétation): Non, je vais vous dire. Moi, je ne savais pas

4 ce qui allait se passer plus tard. Je vais répondre à M. le Procureur.

5 Je suis arrivé là-bas, le 22 ou le 25. Et, bien sûr, c'est pour les

6 soldats que nous préparions la nourriture, donc pour les gens qui étaient

7 à Omarska; il y avait là-bas entre 1000 et 1500 hommes. C'est pour eux que

8 je préparais la cuisine.

9 Je l'ai dit à M. Simic, c'est le 28 seulement, quand je suis arrivé au

10 travail, que le cuisinier en chef m'a annoncé qu'un groupe de personnes

11 était arrivé et qu'on leur avait distribué des sandwichs, Monsieur le

12 Procureur. Donc je crois avoir été assez clair.

13 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, merci Monsieur. Oui,

14 effectivement, vous avez été clair. Donc le premier groupe de détenus est

15 arrivé à votre connaissance le 28 mai. C'est bien cela?

16 Réponse: Oui, le 28 mai.

17 Question: Mais entre le 25 et le 28 mai, combien de repas avez-vous

18 préparé pour les soldats?

19 Réponse: Mais je l'ai déjà dit: nous préparions entre 800 et 1200 repas.

20 Cela dépendait du nombre de soldats qu'on m'avait annoncés. C'était

21 l'adjoint du commandant qui était chargé de me dire combien il fallait

22 préparer de repas pour le lendemain.

23 Question: Vous avez dit que lorsque vous travailliez, lorsque vous

24 prépariez ces repas, vous aviez des réunions chaque matin. Qui participait

25 à ces réunions, à ces discussions?

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1 Réponse: J'ai déjà dit que nous n'étions que trois hommes, les autres

2 étaient des femmes. Donc tout à fait logiquement, en fonction de ces

3 responsabilités personnelles, on se répartissait les tâches: qui allait

4 couper le pain, qui allait préparer les légumes, qui allait laver les

5 casseroles, qui allait laver les assiettes.

6 Le cuisinier chef savait exactement de quoi il était responsable, il

7 recevait les vivres de l'extérieur, donc des aliments qui devaient ensuite

8 être cuits et il était aussi responsable de les répartir. Mais il ne

9 savait pas à qui les plats étaient destinés. Nous avions des casseroles de

10 25 à 30 litres et nous les remplissions entièrement.

11 Question: Monsieur Rendic, je vous prie de m'excuser si je vous demande

12 quelques éclaircissements, mais je vous demande de le supporter au mieux

13 et de répondre le plus clairement et le plus brièvement possible. Donc

14 essayez de bien comprendre les questions que je vous pose.

15 Réponse: Oui c'est possible mais moi, par nature, j'ai tendance à

16 expliquer les choses parce que cela faisait partie de mon travail. C'est

17 un réflexe professionnel, nous nous comprenons bien.

18 Question: Monsieur Rendic, quand le nombre de repas que vous prépariez a

19 augmenté, qui vous a annoncé l'augmentation de ce chiffre?

20 Réponse: Moi, j'ai simplement reçu davantage d'aliments, et c'est

21 l'adjoint du commandant de la caserne Zarko Zgonjanin qui organisait la

22 préparation des aliments et qui organisait la distribution des aliments à

23 partir de la cuisine, donc je ne savais pas à qui étaient destinés les

24 repas.

25 Question: Monsieur Rendic, je crois que nous ne nous sommes pas bien

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1 compris. Au début, vous assuriez 1200 repas disons, à titre d'exemple.

2 Est-ce que, ensuite, le nombre de repas que vous assuriez a augmenté? Et

3 cette augmentation, si elle a eu lieu, comment l'avez-vous apprise?

4 Réponse: Evidemment que je l'ai sue, je l'ai sue parce que j'ai reçu

5 davantage de vivres, d'aliments de l'extérieur. C'est tout à fait logique.

6 Un jour je reçois un pain, le lendemain j'en reçois quatre. Cela veut dire

7 que le premier jour il y a un nombre de personnes suffisant pour manger un

8 pain et ensuite quatre fois plus. On se comprend bien, n'est-ce pas? J'ai

9 remarqué un jour que je recevais davantage de vivres et donc qu'il y avait

10 sans doute davantage de personnes qui mangeraient ces repas.

11 Question: Monsieur Rendic, vous avez dit qu'un jour vous avez dit à M.

12 Drljaca qu'il vous fallait davantage de vivres pour améliorer la qualité

13 de la nourriture. Alors, je vous demande si vous aviez la possibilité

14 d'émettre des requêtes pour demander davantage de provisions?

15 Réponse: Non, la seule chose que je pouvais faire, c'est attirer

16 l'attention des supérieurs sur les pénuries, sur les choses qui

17 manquaient, sur tous les problèmes qui affectaient la qualité de la

18 nourriture. Autrement dit, pas un seul instant je ne pouvais émettre un

19 ordre pour obtenir davantage de vivres de l'extérieur, ça non.

20 J'ai déjà dit que pendant une réunion M. Drljaca m'a dit que la situation

21 était ce qu'elle était, que rien ne pouvait s'arranger, que les gens chez

22 eux, à la maison, n'avaient pas mieux à manger, et donc que les soldats ne

23 pouvaient pas non plus manger une nourriture de meilleure qualité que

24 cela.

25 Je parle bien des soldats. Je ne sais pas ce qui se passait pour le reste

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1 de la population.

2 Question: Vous avez dit que vous aviez parfois des problèmes à recevoir du

3 pain. Quand le pain manquait, à qui vous adressiez-vous pour essayer de

4 régler ce problème et quelles étaient les mesures que vous pouviez

5 éventuellement prendre à cet égard?

6 Réponse: Eh bien, écoutez, pour préparer 6.000 repas, il faut 1.500

7 morceaux de pain. Si j'en reçois 1.000, il est normal que je me pose la

8 question, que je me demande comment je vais régler la différence. Parce

9 que moi je recevais tout en ration, mais je n'avais aucune influence

10 directe sur la quantité que je recevais. Je ne pouvais pas ordonner de

11 recevoir des quantités supérieures, ça c'était le travail de mes

12 responsables, de mes supérieurs.

13 Question: Donc vous nous dites très simplement qu'en cas de pénurie, vous

14 ne pouviez rien faire?

15 Réponse: Non, absolument rien, bien sûr. Mes compétences ne me

16 permettaient pas d'agir en la matière.

17 Question: Monsieur Rendic, vous avez dit en quelques mots, lorsque vous

18 avez parlé de la préparation des repas, que la cuisine était très bien

19 équipée, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui. Oui, la cuisine… Nous nous entendons là?

21 Oui, la cuisine était bien équipée mais sa capacité était suffisante pour

22 la préparation de 1.000 à 1.200 repas, je parle de la capacité de la

23 cuisine. Je devrais ajouter quelque chose?

24 Question: Oui, oui. Donc vous n'aviez pas la possibilité ou bien en tout

25 cas, il était impossible pour vous de nourrir 6.000 personnes, n'est-ce

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1 pas? C'était impossible?

2 Réponse: Oui, c'était impossible mais grâce au travail accompli dans la

3 cuisine et à la répartition des tâches sur 24 heures, nous arrivions tout

4 de même à réussir à le faire en partie. Je dis bien "en partie", parce que

5 nous aurions peut-être pu réussir à 100% si nous avions eu assez

6 d'énergie.

7 Pour préparer suffisamment de repas du point de vue de la quantité et des

8 repas de qualité suffisante, il aurait fallu que nous ayons les

9 ingrédients nécessaires, je parle des matières grasses, des épices et de

10 tout le reste qui nous aurait permis -avec l'énergie que nous avions- de

11 préparer des repas de grande qualité, en nombre suffisant.

12 Question: Monsieur Rendic, vous avez dit que vous fournissiez des repas

13 aux responsables de la sécurité, aux personnes qui se trouvaient dans le

14 camp, je veux parler des détenus, et aux hommes qui interrogeaient les

15 détenus.

16 Alors commençons, si vous le voulez bien, par les hommes qui

17 interrogeaient les détenus: avez-vous jamais vu les hommes responsables

18 des interrogatoires recevoir les repas que vous fournissiez? Les avez-vous

19 vu manger ces repas?

20 Réponse: Non, j'ai déjà dit que je ne suis jamais allé dans le camp. Le

21 premier repas était servi et puis ensuite le second. Dois-je continuer?

22 Question: Vous répondez un peu à côté. Je vous ai posé une question très

23 simple: est-ce que vous les avez vu consommer, manger cette nourriture?

24 Réponse: Non, je ne les ai jamais vus mais ils mangeaient ces repas. J'ai

25 déjà dit que quelques fois un goulasch était préparé à leur intention, ou

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1 des escalopes, et le riz, qui était envoyé aux soldats, était envoyé à eux

2 aussi, c'est tout à fait normal, mais je ne les ai pas vus là-bas en bas,

3 là où ils travaillaient.

4 Mais quand ils revenaient entre 18 heures et 19 heures ou même jusqu'à 22

5 heures, ils recevaient, ils prenaient leur deuxième repas dans le

6 restaurant dans la cantine de la mine RZ. Et cette cantine se trouve à un

7 endroit tout à fait différent, dans une très grande salle.

8 Question: Vous dites qu'ils prenaient leur repas à la cantine mais en fait

9 puisque vous n'êtes pas entré dans le camp, vous ne saviez pas où ils

10 prenaient leur repas, n'est-ce pas?

11 Réponse: Ecoutez, les repas leur étaient envoyés là-bas en bas et c'est

12 une employée de RZ qui leur servait ces repas, je parle du premier repas.

13 Mais le deuxième repas, ils le prenaient là où je travaillais, là où je

14 préparais moi-même les repas mais dans la cantine du même bâtiment.

15 Question: Vous venez de parler de la cantine qui se trouvait dans le même

16 bâtiment que l'endroit où vous prépariez les repas. Avez-vous vu les

17 hommes chargés des interrogatoires venir à la cantine? Qui étaient-ils?

18 Réponse: Non. A l'époque, j'étais de repos parce que moi je travaillais de

19 4 heures du matin jusqu'à 5 ou 6 heures de l'après-midi; donc je n'étais

20 pas là quand ils revenaient. J'avais aussi mes responsabilités familiales,

21 je rentrais chez moi. Mais tout était organisé pour que, lorsqu'ils

22 arrivaient à la cantine, les repas soient prêts à être consommés; et une

23 cuisinière leur servait simplement ces repas.

24 Question: Dans le même bâtiment?

25 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

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1 Mais vous devez être un peu plus clair. Vous ne les avez pas vu

2 physiquement arriver dans cette cantine qui se trouvait juste à côté de

3 l'endroit où vous prépariez les repas?

4 Réponse: La cuisine se trouve d'un côté et la cantine de l'autre. La seule

5 chose qui séparait la cuisine et la cantine, c'était l'alignement de ces

6 récipients dans lesquels les gens se servaient eux-mêmes, le self-service.

7 Question: Le réfectoire où vous étiez, étaient-ce bien les lieux où vous

8 prépariez la nourriture?

9 Réponse: Oui, c'est bien ce que j'ai dit au début. Il y avait une ligne de

10 self-service où l'on prenait des plateaux et les plats, donc c'était un

11 système de service par soi-même.

12 Question: Je dois vous poser cette question: il y avait encore une cuisine

13 et un autre restaurant au camp, est-ce que vous êtes parti vers ce

14 restaurant, vers ce réfectoire-ci au bâtiment administratif?

15 Réponse: Non, je n'avais rien à voir et je ne pouvais pas physiquement

16 avoir le temps d'y aller.

17 Question: Monsieur Rendic, vous essayez donc de nous dire ce qui suit: à

18 savoir que les enquêteurs venaient au restaurant qui se trouvait dans le

19 bâtiment même où l'on préparait la nourriture, n'est-ce pas?

20 Réponse: Je ne sais pas si nous nous sommes bien compris. Le premier repas

21 leur était envoyé vers leur poste de travail, je ne peux pas savoir où ils

22 mangeaient. Mais le deuxième repas, lorsqu'ils finissaient leur travail,

23 lorsqu'ils allaient revenir, ils venaient le prendre là où je préparais

24 les repas, et à côté il y avait une salle à manger.

25 Nous sommes-nous compris maintenant?

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1 Question: Oui, j'ai bien compris. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs

2 j'ai dû vous poser une question directe afin que vous la compreniez mieux.

3 Vous connaissiez l'un quelconque de ces enquêteurs?

4 Réponse: Non, il s'agissait de gens de Banja Luka et Dieu merci, je n'ai

5 pas eu de contact avec ce type de gens et je n'en connaissais aucun.

6 Question: Pourquoi dites-vous "Dieu merci" pour les contacts que vous

7 n'avez pas eus avec eux?

8 Réponse: Au travers de ma vie et de mon travail, vous savez que, quand

9 vous faites quelque chose de mal, vous allez voir un enquêteur ou des

10 policiers; et moi Dieu merci, je n'ai pas eu à aller voir ce type de

11 personnes.

12 Question: Aviez-vous peur d'eux?

13 Réponse: Pourquoi? Pourquoi? Si j'avais peur, je ne serais pas venu ici

14 aujourd'hui. Je ne suis pas du type à avoir peur. Je suis venu vous

15 raconter la vérité et rien que la vérité.

16 Question: Monsieur Rendic, est-ce que les gens qui étaient détenus au camp

17 étaient ou venaient jusqu'à la cuisine pour prêter main forte?

18 Réponse: Pour ce qui est de préparer les repas, non, personne. J'ai

19 remarqué des personnes qui avaient lavé des vitres sur le bâtiment

20 administratif, et cela se trouvait au niveau de la deuxième entrée à côté

21 de la cuisine. Mais pour ce qui est de la préparation de la nourriture,

22 personne ne pouvait y accéder sans avoir un fichier médical, à savoir sans

23 que ce soit une personne en bon état de santé, apte à participer à la

24 préparation des denrées alimentaires des repas.

25 Question: Pouvez-vous nous donner brièvement les noms des personnes qui

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1 ont pris part à la préparation des repas?

2 Réponse: Ecoutez, il s'est passé beaucoup de...

3 Question: Mais je voudrais être plus concret, si vous le permettez.

4 Réponse: Milan Predojevic était le cuisinier en chef, le boucher en chef

5 c'était Drago Vuceta. Et les autres chargés de la préparation des repas,

6 c'étaient des ouvriers de la mine de fer d'Omarska, et ce sont eux qui

7 accomplissaient des tâches de cuisinier dans cette mine en temps de paix,

8 et ils étaient là de part leur obligation de travail pour nous aider dans

9 la préparation de ces repas.

10 Question: Monsieur Rendic, vous venez de nous dire que l'on vous

11 apportait, que l'on vous assurait de l'eau et qu'il s'agissait donc d'une

12 eau potable destinée aussi à la préparation des repas. Ai-je raison de le

13 dire?

14 Réponse: Non, ce n'est pas exact. Personne ne nous apportait de l'eau.

15 L'eau venait par une conduite d'eau. L'eau provenait de la même source

16 d'approvisionnement dans la mine qu'avant l'éclatement des conflits, donc

17 c'est la même eau qui avait déjà servi à la préparation des repas à

18 l'intention des ouvriers de la mine de fer. Donc il n'y avait pas d'apport

19 d'eau en citernes, en tonneaux ou en quoi que soit d'autres pour la

20 préparation des repas. On préparait des repas et c'étaient les mêmes repas

21 pour les soldats et tous les autres.

22 Question: C'est ce que l'on peut dire au sujet de la préparation des

23 repas?

24 Réponse: Pour la préparation, pour la cuisine et pour la vaisselle aussi,

25 cette même eau servait à toutes fins. Donc s'il fallait laver les pommes

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1 de terre, on les lavait avec cette eau; si on lavait les haricots, on les

2 lavait avec cette eau; s'il fallait faire des haricots à cuisiner, c'est

3 avec cette eau-là que nous cuisinions. Donc c'est pour l'un et pour

4 l'autre des cas.

5 Question: Monsieur Rendic, mais vous ne savez pas si les soldats amenaient

6 de l'extérieur l'eau qui était destinée à servir d'eau potable?

7 Réponse: Mais c'est impossible, je n'avais pas cinq robinets.

8 Question: Mais vous ne le savez pas?

9 Réponse: Il n'était pas nécessaire d'amener de l'eau de l'extérieur parce

10 que nous avions des quantités d'eau suffisantes. Maintenant, de là à

11 savoir si les soldats qui se trouvaient à des postes variés utilisaient ou

12 pas cette eau, cela dépendait de leur poste parce qu'Omarska n'a pas de

13 conduite d'approvisionnement en eau potable, Omarska fonctionnait avec des

14 puits.

15 Question: Monsieur Rendic, si vous le voulez bien, nous allons revenir aux

16 repas. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que vous prépariez les

17 repas et que ces repas étaient distribués, donnés aux soldats qui

18 portaient cela au personnel de sécurité et au reste du camp, n'est-ce pas?

19 Ai-je raison?

20 Réponse: Non. Je vais vous expliquer: les repas étaient préparés pour une

21 partie du camp. Depuis 3 heures à 4 heures du matin jusqu'à 7 heures du

22 matin, nous préparions les premières quantités d'aliments...

23 Question: Excusez-moi, Monsieur Rendic, de vous interrompre. Je ne

24 voudrais pas que vous nous répétiez ce que vous nous avez déjà dit. Pour

25 simplifier les choses, je vais reposer ma question: lorsqu'on remettait

Page 7356

1 les repas aux soldats pour qu'ils transportent ces repas ailleurs, vous ne

2 savez pas nous dire si ces repas étaient distribués aux gens auxquels cela

3 était destiné?

4 Réponse: Je n'en avais pas la charge. C'est le commandant adjoint des

5 arrières ou de la logistique qui savait où les denrées alimentaires

6 finissaient.

7 Question: Vous ne savez donc pas vers quelle heure ces repas étaient

8 acheminés vers les gens à l'intention desquels cela était préparé?

9 Réponse: Il y avait des périodes variées pour le transport. Nous n'avions

10 pas assez de carburant. Il y avait un voire deux véhicules pour le

11 transport de ces repas. Si vous voulez que j'explique davantage, je vous

12 parle des périodes, des intervalles de distribution.

13 Question: Non, vous en avez déjà parlé. Non.

14 Vous ne savez pas si ces repas arrivant chez les détenus étaient déjà

15 périmés ou pas? Vous ne le savez pas?

16 Réponse: Eh bien, le commandant adjoint des arrières m'avait donné l'ordre

17 que la première distribution des denrées alimentaires, donc celle qui

18 était préparée entre 8 heures et 9 heures, devait être distribuée entre 11

19 heures et midi.

20 M. le Président: Est-ce que vous le saviez ou non? La question est: "le

21 saviez-vous oui ou non?"

22 M. Rendic (interprétation): Savoir si les denrées alimentaires étaient

23 périmées ou pas? C'est bien ce que vous voulez dire? Je n'ai peut-être pas

24 très bien compris. Est-ce que vous pourriez répéter, Monsieur?

25 M. Waidyaratne (interprétation): Vous ne savez en fait pas si les repas à

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1 l'arrivée, jusqu'aux personnes auxquelles cela était destiné, étaient

2 avariés ou pas?

3 M. Rendic (interprétation): Je ne sais pas dans quel contexte vous voulez

4 que je vous donne une réponse. Mais il n'est pas possible que les aliments

5 s'avarient en si peu de temps.

6 Question: Monsieur Rendic, vous nous avez dit que l'on commençait à

7 préparer la nourriture à 3 heures du matin.

8 M. le Président: Combien de temps avez-vous besoin pour terminer, Monsieur

9 Waidyaratne?

10 M. Waidyaratne: About 10 or 15 minutes.

11 M. le Président: Ten minutes. Okay. Nous allons faire une pause…

12 M. Waidyaratne (interprétation): Merci.

13 M. le Président: … d'une demi-heure.

14 Je vais demander à Monsieur l'huissier de raccompagner le témoin, s'il

15 vous plaît.

16 (L'huissier s'exécute.)

17 Donc une demi-heure de pause.

18 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 40.)

19 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

20 (Les accusés s'assoient.)

21 Vous pouvez-vous asseoir, Monsieur Pero Rendic, s'il vous plaît.

22 Monsieur Waidyaratne, dix minutes de plus, je vous prie.

23 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

24 Monsieur Rendic, étant donné que vous avez été chargé de la logistique à

25 la cuisine, avez-vous pris des notes concernant ce qui vous était fourni

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1 au niveau de l'approvisionnement?

2 M. Rendic (interprétation): Non, je n'avais pas de notes à prendre étant

3 donné que tout ce qui arrivait aujourd'hui était préparé, cuisiné pour

4 demain. Donc tout devait être consommé, utilisé.

5 Question: Pour que les choses soient plus claires, vous étiez

6 approvisionné quotidiennement?

7 Réponse: Oui, oui, oui.

8 Question: Pendant que vous étiez à Omarska dans cette cuisine à laquelle

9 vous vous référiez, avez-vous pu voir vers la fin du mois de mai, et au

10 cours des mois de juin et juillet, avez-vous donc pu voir des gens amenés

11 en autocar au camp?

12 Réponse: Non, je n'ai rien pu voir car l'emplacement de la cuisine ne

13 permettait pas de voir quoi que ce soit. La cuisine était orientée vers

14 l'Est et la route, par rapport à la cuisine, se trouvait à l'Ouest.

15 Question: Monsieur Rendic, vous avez fait votre service militaire. Etiez-

16 vous curieux de savoir ou comment vous expliquiez-vous le fait que des

17 gens aient été amenés dans un camp? Comment interprétiez-vous…

18 M. K. Simic (interprétation): Objection! Le témoin est chef de la cuisine,

19 il ne sait pas de quels types de détenus il s'agissait et je ne vois pas

20 comment, lui, il pourrait savoir les raisons pour lesquelles les policiers

21 amenaient des détenus. Je ne vois pas la finalité de la question posée par

22 mon collègue.

23 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, je voulais juste

24 savoir s'il savait pourquoi les personnes étaient acheminées là, mais s'il

25 ne le sait pas, il n'a pas à répondre. Mais comme il était là-bas pendant

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1 deux mois et qu'il préparait à manger, je voulais savoir s'il avait vu

2 cela et s'il savait pourquoi on les avait amenés.

3 M. Rendic (interprétation): Non.

4 Question: Merci. Je vais paraphraser. Monsieur Rendic, comment vous

5 expliquiez-vous les raisons pour lesquelles ces gens-là amenaient des

6 détenus à Omarska?

7 Réponse: Je n'ai reçu aucune explication. J'ai reçu des ordres consistant

8 à préparer des denrées alimentaires, à savoir des repas chauds, mais je ne

9 savais pas qui étaient ces gens-là, pourquoi ils étaient amenés, pour

10 quelles raisons ils étaient là et ainsi de suite.

11 Question: Peut-être ne vous l'a-t-on pas dit, mais est-ce que vous avez

12 fini par apprendre au cours de ces deux mois passés là-bas, est-ce que

13 vous avez essayé de savoir pourquoi?

14 Réponse: Oui, bien sûr. J'ai appris par M. Drljaca de quel type de

15 personnes il s'agissait. Je ne savais pas qui c'étaient, mais je savais

16 qu'il s'agissait de la population ou d'un autre groupe ethnique qui était

17 amené là, mais je ne sais pas pour quelle raison il avait été amené là.

18 Question: De quel groupe ethnique parlez-vous?

19 Réponse: Du groupe ethnique bosnien, à savoir musulman, il s'agissait donc

20 de ces gens-là. De là à savoir pourquoi on les avait amenés là-bas, je

21 vous ai dit que je ne le savais pas, je ne sais pas aussi quels ont été

22 l'objectif et la méthodologie suivis. Je vous ai expliqué qu'il

23 m'incombait d'organiser la préparation des repas chauds pour l'armée et

24 pour ces gens-là.

25 Question: Je m'excuse, je dois revenir au début de votre réponse. Quand

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1 vous êtes arrivé au camp d'Omarska, vous vous trouviez au sein de la 43e

2 Brigade motorisée ou pas?

3 Réponse: Non, j'avais quitté cette brigade en 1985/1986 et j'étais dans la

4 Défense territoriale.

5 Question: Merci.

6 Une autre question à ce sujet: vous nous avez dit que vous prépariez des

7 repas froids, des sandwichs pour l'équipe qui travaillait la nuit.

8 Réponse: Oui.

9 Question: A la demande de qui le faisiez-vous?

10 Réponse: A la demande ou suivant les ordres du commandant adjoint chargé

11 de la logistique. Ces gens-là venaient travailler à un moment où le dîner

12 avait déjà été servi, donc il fallait leur assurer des paquets de repas

13 froids ou des sandwichs avec du salami ou quelque chose de ce genre. Vous

14 me comprenez?

15 Question: Monsieur Rendic, vous nous avez dit que l'on préparait deux

16 repas à l'intention des prisonniers; l'un l'après-midi qui était un peu

17 plus lourd, plus consistant, et le dîner plus léger. Est-ce que l'on

18 préparait à dîner pour les détenus?

19 Réponse: Non. J'ai dit que l'on préparait d'abord une sorte de repas. Par

20 exemple, s'il s'agissait des haricots pour l'armée pour le déjeuner, on

21 préparait aussi des haricots pour le camp. Mais si l'on préparait, par

22 exemple pour le dîner, du riz et qu'il manquait de nourriture, les

23 excédents de repas étaient envoyés là-bas pour compléter je ne sais trop

24 quel repas. Je l'ai dit d'ailleurs dès le début.

25 Question: Pour que les choses soient parfaitement claires, les détenus se

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1 faisaient livrer un seul repas?

2 Réponse: Ça, je ne le sais pas.

3 Question: Et maintenant, concernant M. Kvocka, connaissiez-vous son père?

4 Réponse: Oui, j'ai connu son père personnellement. Nous allions ensemble

5 au travail. Moi, je travaillais à Prijedor, j'étais gérant d'un

6 restaurant, et lui, il travaillait dans l'entreprise "Zitopromet" en tant

7 que boulanger. Nous prenions le même train pour aller travailler, peut-

8 être pas tous les jours mais nous nous rencontrions.

9 Question: L'avez-vous vu en 1992, au cours des conflits?

10 Réponse: Non, je n'arrive pas à m'en rappeler. Ecoutez, en 1992, je

11 n'avais vraiment pas beaucoup de temps.

12 Question: Et est-ce que vous savez quand est-ce qu'il est décédé?

13 Réponse: Oui, je sais quand il est décédé. Il s'agissait d'une famille

14 démunie. Je sais qu'ils avaient pris des affaires de mon magasin et je

15 sais que la famille était pauvre. Et, en quelque sorte, le connaissant,

16 connaissant ses fils, nous avons aidé pour que l'enterrement qui, chez

17 nous, nous revient assez cher…

18 M. le Président: Savez-vous quand il est mort? Quand? Dites la date

19 seulement. Il n'est pas nécessaire de raconter toute l'histoire. Quand

20 est-il mort? Et Monsieur le Procureur, vous êtes en train de finir votre

21 temps.

22 M. Rendic (interprétation): Je ne sais pas exactement vous dire la date de

23 son décès, mais je sais quelle était la situation financière dans laquelle

24 ils étaient, ces gens-là.

25 M. Waidyaratne (interprétation): Cela conclut mon contre-interrogatoire.

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1 Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 M. le Président: Merci, Monsieur Waidyaratne.

3 Maître Krstan Simic, s'il vous plaît.

4 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Pero Rendic, par Me

5 Krstan Simic.)

6 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je n'aurais

7 que quelques questions supplémentaires à poser.

8 Monsieur Rendic, lorsque vous nous avez parlé de l'entrée dans l'enceinte

9 de la mine de fer, à côté du portail, vous avez dit qu'il y avait des

10 forces de sécurité. Est-ce que vous pouvez nous dire s'il s'agissait de

11 militaires de la police ou des forces de sécurité de la mine même

12 d'Omarska?

13 M. Rendic (interprétation): Il s'agissait des employés de la mine

14 d'Omarska. Je n'ai pas vu d'autres forces de sécurité. Moi, j'avais un

15 autre portail d'entrée de l'autre côté. Parfois, il m'arrivait même de

16 sauter par-dessus la clôture.

17 Question: Je vous remercie.

18 Vous nous avez dit que cette station de tri ou de concassage se trouvait à

19 quelque deux kilomètres du camp. Combien de temps fallait-il pour un

20 véhicule aux fins d'acheminer les repas jusqu'au hangar là-bas?

21 Réponse: Eh bien, une dizaine de minutes. Il y avait deux kilomètres,

22 c'était une route goudronnée, il n'y avait pas beaucoup de virages, peut-

23 être un ou deux virages.

24 Question: Monsieur Rendic, vous l'avez déjà dit mais je voudrais que nous

25 apportions des éclaircissements: lorsqu'on emballait les repas, qui est-ce

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1 qui les prenait en charge pour ce qui est du transport jusqu'à l'armée,

2 jusqu'au camp? Et qui est-ce qui ramenait la vaisselle après la

3 distribution des repas?

4 Réponse: Eh bien, voilà. Pour ce qui est de l'acheminement des repas vers

5 le camp, il y avait un véhicule Zastava et un chauffeur qui était mobilisé

6 dans la coopérative, et deux soldats étaient désignés par le commandant

7 adjoint chargé de la logistique. Ces deux soldats avaient donc pour tâche

8 -une fois les repas préparés- de charger les marmites, de charger le pain

9 et de conduire, d'acheminer tout cela jusqu'au point de distribution.

10 Maintenant, pour ce qui est de l'armée, le même véhicule transportait et

11 distribuait les repas par unité, et ce, en fonction du nombre des

12 effectifs sur le terrain. C'est du moins ce que je sais.

13 Question: Etant donné qu'au compte rendu d'audience, cela n'est pas

14 précisé: vous avez dit que ce transport a été effectué par un véhicule

15 Zastava qui était une propriété de la coopérative agricole, est-ce exact?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Ce véhicule avait été réquisitionné pour les besoins de l'unité?

18 Réponse: Oui, c'est cela. Pour expliquer encore, je voudrais dire que

19 lorsque ce véhicule avait du retard, suite à accord de M. Babic, nous

20 bénéficiions d'un autre véhicule pour faire transporter des repas vers

21 d'autres unités. Des unités qui étaient par exemple en retard pour ce qui

22 est de la distribution.

23 Question: Maintenant, pour ce qui est des soldats, est-ce que c'étaient

24 des membres de cette unité de la Défense territoriale qui étaient

25 subordonnés à M. Andic?

Page 7364

1 Réponse: Oui, ces soldats appartenaient aux unités territoriales mais leur

2 spécialité militaire n'était pas celle de ma cuisine par exemple. Par

3 exemple…

4 Question: Cela ne m'intéresse pas. Ce que je voulais savoir, c'est

5 seulement si ces soldats étaient membres de cette unité-là?

6 Réponse: Oui, ils étaient membres de cette unité.

7 Question: Une fois que ces repas ont été acheminés là-bas, est-ce que ces

8 hommes revenaient vers vous avec la vaisselle?

9 Réponse: Oui, puisqu'ils emmenaient la vaisselle, enfin les récipients, il

10 fallait bien qu'on les récupère pour demain.

11 Question: C'étaient les mêmes gens?

12 Réponse: Oui, les mêmes gens.

13 Question: C'était la même unité militaire?

14 Réponse: Oui, la même unité militaire.

15 Question: Si je vous ai bien compris, il s'agit de dire que les membres de

16 l'unité de police n'avaient rien à voir avec le transport de la nourriture

17 à l'endroit où ces repas étaient distribués, est-ce exact?

18 Réponse: Oui.

19 M. le Président: Vous voyez comment vous avez formulé la question,

20 Monsieur Simic. Mais peut-être… Monsieur Waidyaratne?

21 M. Waidyaratne (interprétation): Il n'y a pas que cela. Non seulement,

22 cela était une question suggestive mais M. Krstan Simic a même donné la

23 réponse dans sa question.

24 M. le Président: Pardon. Reformulez la question, Maître Krstan Simic. Ne

25 pas posez pas la question de façon inductrice, s'il vous plaît.

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1 M. K. Simic (interprétation): Je vais reformuler la question, Monsieur le

2 Président.

3 M. le Président: Merci.

4 M. K. Simic (interprétation): Est-ce que les policiers du département de

5 la police d'Omarska avait quelque chose à voir avec la distribution des

6 repas?

7 M. Rendic (interprétation): Non. A partir de la prise en charge de ces

8 repas, pendant le transport et la distribution ils n'avaient rien à voir

9 avec.

10 Question: Vous êtes un homme qui a de l'expérience dans l'hôtellerie. Ces

11 récipients où l'on préparait la nourriture, étaient-ce des récipients

12 spéciaux? Et si oui, en quoi cela était-il spécifique?

13 Réponse: Je vais vous expliquer. Nous avions des récipients

14 thermostatiques qui étaient transportés vers les ouvriers de la mine qui

15 étaient affectés à différents emplacements sur le terrain. Ce sont des

16 récipients qui conservent la température des repas, c'est comme des

17 marmites à l'intention des soldats. Ce sont donc des récipients qui sont

18 destinés spécialement au transport de la nourriture, afin que cette

19 nourriture reste chaude. Dans ces récipients, les aliments peuvent rester,

20 séjourner pendant cinq à six heures; et quand il fait chaud, cela se

21 détériore au bout de cinq à six heures. Bien sûr, en hiver cela peut

22 rester dans ces récipients plus longtemps.

23 Question: Et pour finir, lorsque nous parlions du prix de la farine, vous

24 avez dit qu'un sac de farine coûtait 20 marks allemands, est-ce exact?

25 Réponse: Eh bien, à l'époque, tout était plus ou moins du marché noir,

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1 rien ne se passait dans des conditions normales, les choses avaient

2 échappé au contrôle.

3 Question: Je l'ai compris, Monsieur Rendic. Vous avez dit qu'à l'époque,

4 c'était beaucoup d'argent. Quelle était l'importance des salaires que les

5 gens percevaient à l'époque?

6 Réponse: Eh bien, écoutez. L'inflation était très importante, ce qui fait

7 que dès qu'on recevait son salaire, il s'agissait de le dépenser tout de

8 suite parce que le lendemain on ne pouvait même plus acheter deux paquets

9 de cigarette avec ce même salaire. Est-ce que j'ai été clair?

10 Question: Est-ce qu'avec votre salaire vous pouviez acheter dix sacs de

11 farine? Ou combien pouviez-vous en acheter à titre d'orientation?

12 Réponse: Non, on ne pouvait pas en acheter autant.

13 Question: Combien pouvait-on en acheter?

14 Réponse: Eh bien, en touchant son salaire, on pouvait acheter un sac de

15 farine, un sac de lessive et quelques autres petites denrées, donc

16 l'essentiel, le minimum pour qu'une famille puisse survivre.

17 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur Rendic.

18 Merci, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges. Je n'ai plus

19 de questions à poser.

20 M. le Président: Merci, Monsieur Krstan Simic.

21 Monsieur le Juge Riad, s'il vous plaît.

22 (Questions au témoin, M. Pero Rendic, par M. le Juge Riad.)

23 M. Riad (interprétation): Bonjour, Monsieur Rendic.

24 Je souhaite que l'on clarifie certains points à l'égard de certaines

25 parties de votre déposition. Dès le début, vous avez mentionné que vous

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1 employiez les mêmes méthodes, les méthodes permettant de préparer les

2 repas qui étaient envoyés pendant que la mine fonctionnait encore, et que

3 vous pouviez préparer entre 800 et 1.500 repas. C'est ce que j'ai compris.

4 Par la suite, vous avez mentionné également que d'habitude vous donniez

5 entre 800 et 1.200 repas aux soldats avant l'arrivée des détenus, c'est-à-

6 dire que vous donniez environ 1.200 repas aux soldats et ensuite les

7 détenus sont arrivés.

8 Est-ce que vous disposiez de suffisamment de moyens afin de préparer les

9 repas également pour tous ces détenus lorsqu'ils sont arrivés? Puisque

10 nous pouvons constater que la marge est très petite, de 300 repas

11 seulement.

12 M. Rendic (interprétation): Je souhaite tout d'abord saluer Monsieur le

13 Juge.

14 Dès le début, comme je l'ai dit, la qualité était bonne tant que nous

15 avions suffisamment de vivres. Et j'ai dit, dès le début, que le personnel

16 que j'ai trouvé sur place ne pouvait pas faire face à la demande de 1.200

17 repas parce qu'il préparait 800 repas, donc il avait besoin d'aide.

18 Mais pour que les choses soient claires, je vais dire que personne d'entre

19 nous ne savait ce qui allait arriver, ce qui se préparait. Je ne pouvais

20 donc pas planifier quoi que ce soit.

21 Faut-il donner des clarifications supplémentaires?

22 Question: Ma question est très simple: aviez-vous la capacité vous

23 permettant de préparer les repas pour les détenus, sachant que votre

24 capacité maximale était de 1.500 et que pour les soldats vous prépariez

25 1.200 déjà? Donc avant l'arrivée des détenus, vous prépariez 1.200 repas,

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1 cela nous laisse donc une marge très petite, une marge de 300. Est-ce que

2 c'était donc suffisant pour les détenus?

3 Réponse: Non, ceci n'était pas suffisant.

4 Question: Très bien. Vous avez mentionné la nourriture telle que goulasch,

5 escalope, etc., mais là, il s'agit de la nourriture que vous n'envoyiez

6 jamais au camp, c'est ce qui était mangé à l'endroit même. Vous avez dit

7 que ceci n'a jamais été envoyé au camp, est-ce que j'ai bien compris?

8 Réponse: Ecoutez, de petites quantités de viande étaient envoyées mais il

9 s'agissait des quantités qui ne s'élevaient même pas au minimum de la

10 quantité de viande par repas. Parfois quelqu'un recevait un peu de viande

11 mais moins que nécessaire, et parfois quelqu'un d'autre ne recevait rien.

12 Ceci s'expliquait par le fait que nous ne disposions pas de conditions

13 suffisamment bonnes pour nous permettre d'accepter cela, de préparer cela

14 pour tout le monde, à cause de la pénurie de la viande, et mes supérieurs

15 le savaient.

16 Question: Pourriez-vous nous dire à quoi ressemblaient les conditions

17 climatiques à l'époque? Il faisait chaud ou froid?

18 Réponse: Il faisait chaud. Les températures étaient élevées.

19 Question: Parce que vous avez dit que la nourriture pouvait être maintenue

20 au chaud. Mais s'il faisait tellement chaud, peut-être n'était-il pas

21 suffisamment facile de la mettre au réfrigérateur?

22 Réponse: Vous savez, en ce qui concerne les plats chauds, nous ne les

23 mettions pas dans les réfrigérateurs mais dans des récipients

24 thermostatiques et pendant une certaine période, dans ces récipients-là,

25 il était possible de maintenir ces plats au chaud. Mais de toute façon, ce

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1 genre de plats, on ne les stockait pas dans des réfrigérateurs parce que

2 ceci aurait provoqué de grands changements.

3 Question: En tant que professionnel, est-ce que vous estimez que la

4 nourriture que l'on garde entre 3 heures du matin et l'après-midi ou la

5 soirée, est-ce que ce genre de nourriture pouvait continuer à être saine?

6 Réponse: Ce que j'ai dit c'est que vers 3 heures du matin, nous avons

7 commencé à cuisiner, à préparer la nourriture et on le faisait jusqu'à 7

8 heures, 8 heures. Entre 7 heures et 8 heures, on répartissait la

9 nourriture dans des récipients thermostatiques et ensuite, après 8 heures

10 on transportait la nourriture, et par la suite on la distribuait. Et par

11 la suite d'ailleurs…, je ne sais pas, je ne connais pas les détails.

12 Plus tard, vers 1 heure, 2 heures, 3 heures de l'après-midi, le commandant

13 nous demandait d'envoyer des portions supplémentaires, d'envoyer des

14 restes. Donc ça veut dire en ce qui concerne la partie qui était envoyée,

15 un peu plus tard effectivement, il y avait un risque d'avoir les aliments

16 avariés. Mais tout dépend des détails, des conditions qui régnaient à

17 l'époque, c'est-à-dire qu'il faut également savoir quels sont les plats

18 utilisés et en fonction de cela la nourriture pouvait être maintenue plus

19 ou moins longtemps.

20 Question: Vous avez mentionné le fait que les détenus ne recevaient pas le

21 petit déjeuner, le déjeuner et le dîner, donc vous voulez dire qu'on

22 envoyait une fois la nourriture aux détenus, et qu'ensuite les gens sur

23 place faisaient avec cela ce qu'ils souhaitaient. Parce que vous avez dit

24 que l'on n'envoyait pas le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner aux

25 détenus?

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1 Réponse: Effectivement on ne leur envoyait pas de petit déjeuner, on leur

2 envoyait le plat principal du jour: donc un repas. En ce qui concerne les

3 plats principaux, c'étaient le déjeuner et le dîner; donc on leur envoyait

4 en une fois le repas principal, mais je ne sais pas si ceci leur a été

5 distribué en une fois ou deux fois.

6 Question: Très bien mais, de toute façon, vous n'envoyiez pas de petit

7 déjeuner, c'est au moins ce que j'ai compris.

8 Réponse: C'est ainsi effectivement.

9 Question: Vous avez dit que vous connaissiez le père de M. Kvocka, étiez-

10 vous un ami de la famille ou bien est-ce que vous connaissiez simplement

11 le père?

12 Réponse: Je le connaissais simplement, c'est-à-dire que de temps en temps

13 on se rencontrait en prenant le car ou le train pour aller au travail et

14 pour revenir du travail.

15 Question: D'après les informations que vous nous avez données, M. Kvocka

16 hébergeait des personnes appartenant à des groupes ethniques différents

17 chez lui. Est-ce que vous le saviez parce que, lui, il lui a dit en tant

18 qu'ami, ou bien est-ce que tout le monde le savait?

19 Réponse: Ce sont les habitants locaux qui me l'ont dit. Vous savez,

20 j'avais très peu de temps qui m'aurait permis de sortir de cette

21 malheureuse cuisine. Donc de temps en temps, par exemple j'allais dans un

22 café ou dans un commerce, et c'est ainsi que j'ai appris que, dans la

23 famille de M. Kvocka, il y avait quatre ou cinq personnes appartenant à

24 d'autres groupes ethniques, ce qui provoquait le mépris de son entourage.

25 Mais moi, de toute façon, je ne faisais pas de commentaire à ce sujet.

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1 Question: Vous n'avez pas entendu parler des détails, vous ne saviez pas

2 s'il s'agissait des membres de la famille de sa femme? Vous ne saviez pas

3 très exactement qui étaient ces personnes, et quels étaient leurs liens de

4 parenté avec M. Kvocka? Tout ce que vous savez, c'était une rumeur

5 indiquant le nombre de personnes qui étaient chez lui?

6 Réponse: Oui, je ne savais pas qui étaient ces personnes.

7 Question: Vous avez également dit qu'il recevait des menaces disant que sa

8 maison allait être déduite. Là, c'est une information directe que vous

9 avez reçue?

10 Réponse: Oui c'est exact.

11 Question: Mais c'était peut-être juste une rumeur: est-ce que vous savez

12 qui menaçait cette personne?

13 Réponse: Je ne connais pas ces personnes, mais là c'était la rumeur qui

14 circulait. J'ai entendu dire que certaines personnes souhaitaient faire

15 sauter sa maison. Vous savez, il s'agissait d'une période difficile; les

16 gens revenaient du front de Slovénie dans des cercueils, et en même temps

17 la maison du père de M. Kvocka se trouvait sur le chemin du cimetière.

18 Donc les gens étaient en colère parce qu'ils avaient perdu parfois leurs

19 enfants.

20 Question: Vous avez dit que sa maison se trouvait sur le chemin du

21 cimetière, est-ce que vous savez si on ne l'a jamais attaquée?

22 Réponse: Je ne sais pas.

23 Question: Merci.

24 (Questions au témoin, M. Pero Rendic, par Mme la Juge Wald.)

25 Mme Wald (interprétation): Monsieur Rendic, je crois que vous avez dit que

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1 la première fois que vous êtes venu rendre visite à la cuisine pour savoir

2 si vous alliez y travailler, c'était autour du 22 ou 25 mai; et puis vous

3 avez constaté qu'il n'y avait pas suffisamment d'employés.

4 Qu'est-ce qu'il s'est passé après que les détenus sont arrivés au camp?

5 Est-ce que les employés du camp ont continué à y travailler? Est-ce qu'ils

6 ont continué à recevoir de la nourriture depuis votre cuisine ou d'un

7 autre endroit? Qu'est-ce qu'il est arrivé à la nourriture en ce qui

8 concerne donc les employés de la mine? Comment s'approvisionnaient-ils en

9 nourriture? Est-ce que vous le savez?

10 M. Rendic (interprétation): Eh bien, une partie des employés recevait la

11 même nourriture que celle qui était préparée pour les soldats et pour nous

12 tous. Donc ils ont continué à manger, à recevoir la nourriture que nous

13 préparions nous. En ce qui concerne leurs personnels, eux aussi, ils ont

14 commencé à travailler pour satisfaire aux besoins de l'armée en situation

15 de guerre, et donc ils ont continué à travailler au sein de la mine.

16 Question: Pour que les choses soient claires, pour que je puisse bien

17 comprendre, lorsque vous parlez dans votre déposition des repas, en disant

18 que vous prépariez des repas pour 800 à 1200 soldats, est-ce que ceci se

19 réfère également aux employés de la mine qui avaient été mobilisés par

20 l'armée, ou bien est-ce que, lorsque vous parlez des employés de la mine,

21 il s'agit des personnes qui ne sont pas comprises dans ce chiffre de 1200

22 personnes?

23 Réponse: Eh bien, comme je l'ai dit au début, tout le monde était mobilisé

24 au sein de l'armée: à la fois la population, les employés et les ouvriers

25 etc. Donc s'il y avait 20, 30, 100 repas, peu importait!

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1 De toute façon... je ne sais pas si vous m'avez bien compris.

2 Question: Très bien. Voici ma deuxième question: pendant les deux mois

3 pendant lesquels vous avez travaillé dans la cuisine de la Separacjia,

4 est-ce que vous savez approximativement combien de détenus se trouvaient

5 dans le camp?

6 Réponse: Non, je ne le savais pas. Mon commandant le savait, et il a dit

7 qu'il fallait envoyer environ 3000 repas là-bas.

8 Question: Très bien. Donc cette source d'information, cette information

9 vous permettait de deviner qu'il s'agissait d'environ le même nombre de

10 personnes détenues que le nombre des repas supplémentaires?

11 Réponse: Je ne sais pas comment répondre. Avec les soldats, il fallait

12 qu'on prépare 6000 repas, donc 3000 pour l'armée et 3000 de l'autre côté.

13 Question: Donc cela veut dire 3000, si vous prépariez 6000 par jour, et

14 vous aviez environ 1200 soldats qui recevaient 3 repas par jour, ça nous

15 donne le chiffre d'environ 6000. Il reste donc encore 6000, est-ce exact?

16 Réponse: Exactement, et c'est d'ailleurs ce que j'ai dit. Les soldats

17 recevaient le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner.

18 Question: Très bien. Si j'ai bien compris, en écoutant votre déposition,

19 mais je souhaite vérifier quand même, le moment où la nourriture quittait

20 votre cuisine dans les récipients thermostatiques pour être acheminée

21 jusqu'aux détenus, vous n'aviez plus de contrôle sur sa distribution.

22 Autrement dit, vous n'aviez aucun rôle dans la distribution de la

23 nourriture aux détenus à partir des récipients thermostatiques?

24 Réponse: C'est exact.

25 Question: Donc est-ce que vous saviez, est-ce que vous aviez une

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1 quelconque possibilité de savoir quelles étaient les quantités que les

2 détenus recevaient? Bien sûr, vous nous avez dit que vous envoyiez la même

3 quantité aux détenus qu'aux soldats, mais est-ce que vous avez une idée de

4 la quantité de nourriture par détenu, par opposition par exemple à la

5 quantité de nourriture par soldat?

6 Réponse: Je ne savais rien, ni en ce qui concerne la distribution de la

7 nourriture ni en ce qui concerne la quantité que les gens recevaient.

8 Question: Merci. Vous nous avez dit que vous étiez à 2 kilomètres du camp,

9 donc vous ne voyiez pas les cars qui faisaient venir les détenus, mais

10 vous avez dit qu'à un moment vous avez vu certains détenus qui lavaient

11 des fenêtres autour du bâtiment administratif. D'après mes notes, c'est ce

12 que vous avez dit, vous avez vu certains détenus qui étaient en train de

13 laver les fenêtres, ou quelque chose comme cela.

14 Est-ce que lorsque vous étiez dans la cuisine il y a eu d'autres

15 situations vous permettant de voir les détenus s'acquitter des tâches de

16 maintien ou de nettoyage, ou bien est-ce que c'était l'unique occasion que

17 vous avez eue vous permettant d'apercevoir les détenus?

18 Réponse: Oui, c'était l'unique fois. J'ai vu quelques femmes qui étaient

19 en train de laver les vitres, je pense, les fenêtres. Je ne sais pas qui

20 étaient ces personnes; par la suite, j'ai appris que c'étaient des

21 personnes qui s'y trouvaient. Mais je ne sais rien d'autre, c'était la

22 seule fois.

23 Question: Et c'étaient surtout des femmes qui faisaient cela?

24 Réponse: C'étaient uniquement des femmes, juste les femmes.

25 Question: Très bien. Et vous avez dit que vous connaissiez M. Kvocka, et

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1 que vous connaissiez son père, vous le connaissiez en tant que policier

2 qui patrouillait dans les rues d'Omarska.

3 Pendant que vous étiez dans la cuisine, est-ce que vous saviez que M.

4 Kvocka était un fonctionnaire qui détenait un poste important au sein du

5 camp? Pendant que vous étiez dans la cuisine, pendant que vous y

6 travailliez, est-ce que vous saviez qu'il détenait certaines fonctions au

7 sein du camp?

8 Réponse: Non, je ne le savais pas, je ne l'ai pas appris.

9 Question: Est-ce que vous l'avez appris par la suite? Et si oui, au bout

10 de combien de temps?

11 Réponse: Vous savez, j'ai appris cela seulement beaucoup plus tard, c'est-

12 à-dire seulement lorsqu'il est arrivé ici. Avant, je ne savais rien.

13 Question: Très bien. Vous nous avez dit que vous aviez appris -et je

14 suppose que ce sont vos supérieurs ou quelqu'un d'autre qui vous l'ont

15 dit-, c'est-à-dire parfois lorsque vous n'aviez pas de denrées dont vous

16 aviez besoin, lorsqu'il y avait des pénuries de matières grasses, d'huile

17 ou d'épices, que les soldats se plaignaient et refusaient la nourriture.

18 Mais vous nous avez dit également que personne du camp n'est jamais venu

19 rendre visite à votre cuisine, parce que vous avez dit que, par exemple,

20 M. Drljaca est venu, et certaines autres personnes émanant du centre

21 chargé de la logistique venaient afin de rendre visite dans votre cuisine,

22 faire le tour et voir.

23 Mais personne de l'administration du camp n'est jamais venu, n'est-ce pas?

24 Réponse: C'est exact. Personne n'est jamais venu.

25 Question: Donc ils ne sont jamais venus. Mais est-ce que vous n'avez

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1 jamais entendu parler des plaintes émanant de qui que ce soit qui aurait

2 travaillé dans le camp? Là, je parle des officiels, des gardes, des

3 personnes chargées du camp, de qui que ce soit appartenant au personnel.

4 Est-ce que qui que ce soit parmi ces gens-là se plaignait de la qualité de

5 la nourriture, en disant que la nourriture n'était pas suffisamment bonne?

6 Réponse: En ce qui concerne les plaintes, j'ai seulement entendu les

7 plaintes émanant des soldats qui étaient mobilisés à l'époque.

8 Question: Et personne du camp?

9 Réponse: Non.

10 Question: Pendant les pénuries dont vous avez parlé, et même pendant des

11 périodes de panne d'électricité, est-ce qu'au cours de ces périodes-là

12 parfois la quantité de la nourriture que vous envoyiez au camp, dans les

13 récipients thermostatiques, était bien moindre que la quantité moyenne?

14 C'est-à-dire est-ce qu'il y avait une telle situation s'expliquant par le

15 fait que la plus grande partie de la nourriture était envoyée aux soldats?

16 Réponse: Non, ce n'est pas que la quantité baissait, mais c'est la qualité

17 qui baissait, parce que nous étions également en retard puisque nous

18 n'avions pas de carburant ni d'électricité, donc parfois on était en

19 retard dans la préparation de la nourriture. Par exemple, s'agissant des

20 haricots, s'il s'agissait de haricots plutôt vieux qui avaient appartenu

21 aux réserves de guerre, donc nous les mettions dans l'eau. Et si, par la

22 suite, il n'y avait pas d'électricité le lendemain, les haricots étaient

23 cuits à moitié parce que nous n'avions pas suffisamment de temps pour tout

24 faire.

25 Donc, parfois, il y avait dans les portions préparées des haricots qui

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1 étaient trop durs, qui n'étaient pas suffisamment cuits. Mais il était

2 même difficile de remarquer cela car la plupart de la quantité des

3 haricots était cuite quand même.

4 Question: J'ai encore une question: Vous, en tant que personne qui était

5 chargée de l'intendance, est-ce que vous pouvez nous dire si la nourriture

6 était fraîche et saine au moment où vous l'avez mise dans les récipients

7 thermostatiques et au moment où on l'a transportée ailleurs; par exemple,

8 ces soupes aux haricots ou goulasch ou autre chose. Si après l'arrivée de

9 la nourriture, on la faisait sortir des récipients thermostatiques et on

10 la laissait de côté pendant 4 ou 5 heures, est-ce qu'à votre avis la

11 qualité se détériorait?

12 Réponse: Oui, absolument. Mais cela dépendait aussi des récipients dans

13 lesquels la nourriture était versée.

14 Question: Je comprends.

15 Voici ma dernière question, elle concerne l'eau. Vous avez dit que vous

16 utilisiez la même eau venant des mêmes robinets pour préparer la

17 nourriture et pour la boire, etc. Est-ce que vous utilisiez ces mêmes

18 robinets tout le temps ou bien ce même puits pendant toute la période? Ou

19 bien, est-ce que cela variait selon les périodes différentes? Est-ce que

20 les robinets étaient près de la cuisine?

21 Réponse: Les robinets étaient à côté de chacun des chaudrons et, à chaque

22 fois, il s'agissait exactement de la même nourriture.

23 Mme Wald (interprétation): Très bien. Merci beaucoup.

24 (Questions au témoin, M. Pero Rendic, par M. le Président.)

25 M. le Président: Merci beaucoup, Madame la Juge Wald.

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1 Monsieur Rendic, j'ai moi-même trois questions à vous poser. La première:

2 vous avez dit que, parfois, il y avait un manque de nourriture au camp.

3 C'est vrai, j'ai bien compris?

4 M. Rendic (interprétation): Non, il y avait une pénurie des vivres, des

5 denrées alimentaires que l'on acheminait à la cuisine où on les traitait.

6 La situation était particulièrement critique en ce qui concerne les

7 matières grasses et les épices, et là, ce sont les denrées qui donnent le

8 goût.

9 Question: Jamais vous avez appris qu'il y avait un manque de nourriture au

10 camp. C'est cela?

11 Réponse: Non, non.

12 Question: Donc jamais vous avez eu d'informations sur le manque de

13 nourriture au camp?

14 Réponse: Non, pas du tout, je n'ai pas reçu ce genre d'information. Pas du

15 tout.

16 Question: Merci.

17 Deuxième question: les personnes qui transportaient la nourriture de votre

18 cuisine au camp étaient les mêmes qui apportaient en retour la vaisselle.

19 C'est vrai?

20 Réponse: Oui, d'habitude c'étaient les mêmes personnes; elles

21 transportaient la nourriture et la ramenaient.

22 Question: A quelle heure arrivaient-elles quand elles venaient du camp

23 avec la vaisselle?

24 Réponse: Eh bien, puisqu'il s'agissait des mêmes récipients qui étaient

25 envoyés à l'armée, et on commençait à distribuer la nourriture à l'armée à

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1 midi, donc les récipients devaient être prêts à 11 heures, 11 heures 30,

2 pour pouvoir d'abord les laver et ensuite mettre la nourriture pour

3 envoyer aux soldats qui se trouvaient sur la ligne de front. Donc il

4 s'agissait des mêmes récipients que ceux qui étaient envoyés à l'armée. On

5 faisait le tour avec les mêmes récipients, vous savez, parce que nous

6 n'avions pas suffisamment de récipients thermostatiques.

7 Question: Pour mieux comprendre, à quelle heure partait la nourriture pour

8 le camp?

9 Réponse: Comme je l'ai dit, entre 8 heures et 9 heures le premier tour

10 commençait. Lorsque l'on distribuait cela, je ne sais pas à quel moment on

11 distribuait cela là-bas, mais les récipients thermostatiques qui étaient

12 vides, entre 11 heures et 11 heures 30, on les faisait revenir dans la

13 cuisine. C'est là qu'on les lavait et on mettait de la nourriture pour

14 l'armée.

15 Ensuite, en bas, il y avait d'autres récipients thermostatiques qui

16 étaient restés. Par la suite, on les ramenait aussi pour les remplir de

17 nouveau parce qu'il y avait une pénurie de tout.

18 Question: Ces récipients thermostatiques étaient-ils individuels ou

19 pouvaient-ils contenir de grandes portions?

20 Réponse: Comme je l'ai dit, au début, il s'agissait de récipients

21 thermostatiques de 20, 30, 50 litres, c'est ce que j'ai dit au début. Même

22 des petits récipients militaires permettant de mettre des quantités pour

23 5, 10 ou 20 personnes peut-être. Là, ce sont des récipients

24 thermostatiques militaires de base. En ce qui concerne les récipients

25 thermostatiques que l'on avait trouvés dans la mine, ceux-là étaient un

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1 peu plus grands par rapport aux récipients militaires. Mais ça, c'est ce

2 que j'ai trouvé sur place parce que c'est ce qu'ils avaient à leur

3 disposition avant, c'est ce que j'ai déjà dit.

4 Question: Ma troisième question: nous savons que vous aimez beaucoup

5 donner des explications. Je vais vous demander de m'expliquer une petite

6 chose. Je crois avoir compris que vous avez dit que vous appreniez le

7 nombre de repas par le biais de la quantité de vivres que vous receviez,

8 parce que vous deviez tout consommer. Est-ce vrai cela?

9 Réponse: Oui. Nous recevions les vivres dans l'après-midi, vers 4 heures,

10 pour les préparer le lendemain, qu'il s'agisse des pommes de terre, par

11 exemple 500 ou 600 kilos, on pouvait les éplucher et les préparer le

12 lendemain.

13 Question: Mais pourquoi aviez-vous besoin de diviser un pain par huit une

14 fois que chaque personne recevait une huitième partie du pain?

15 Réponse: Pas au début, non, ce n'était pas le cas au début. C'était

16 seulement par la suite, au moment de la pénurie, de la farine et de la

17 levure et des éléments de base permettant de préparer un pain; donc je

18 recevais une quantité bien moindre à celle dont j'avais besoin, j'avais

19 besoin de 1000 à 1500 pains, donc on a reçu la moitié.

20 Question: (hors micro) ne signifiait pas pour vous qu'il y avait moins de

21 personnes?

22 Réponse: Non, le nombre de personnes était le même.

23 Question: Si vous receviez beaucoup de vivres, c'est qu'il y avait

24 beaucoup de monde; si vous receviez moins de vivres, cela ne signifiait

25 pas qu'il y avait moins de personnes. Voyez-vous quelle est ma question?

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1 Réponse: Je comprends votre question. Donc on distribuait ce dont on

2 disposait. Je pense qu'on se comprend.

3 M. le Président: Oui, je crois, oui, très bien. Donc Monsieur Rendic, nous

4 n'avons pas d'autres questions à vous poser. Vous venez de terminer votre

5 témoignage. Nous vous remercions beaucoup d'être venu ici et nous vous

6 souhaitons un bon retour et un bon travail dans votre restaurant. Merci.

7 Je vais demander à M. l'huissier de vous accompagner.

8 M. Rendic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Juge. Je vous

9 souhaite tout le meilleur. Merci.

10 (Le témoin, M. Pero Rendic, est reconduit hors du prétoire.)

11 M. le Président: Maître Krstan Simic?

12 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, le témoin prochain

13 est M. Miro Bijelic.

14 (Le témoin, M. Miro Bijelic, est introduit dans le prétoire.)

15 M. le Président: Bonjour, Monsieur Bijelic. Vous m'entendez?

16 M. Bijelic (interprétation): Je vous entends.

17 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.

18 l'huissier va vous présenter, s'il vous plaît.

19 M. Bijelic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir.

22 (Le témoin s'exécute.)

23 Installez-vous le plus confortablement possible. Vous allez maintenant

24 répondre aux questions que Me Krstan Simic va vous poser. Maître Krstan

25 Simic, vous avez la parole, s'il vous plaît.

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1 (Interrogatoire principal du témoin, M. Miro Bijelic, par Me K. Simic.)

2 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

3 Monsieur Bijelic.

4 M. Bijelic (interprétation): Bonjour.

5 Question: Comme vous le savez, je m'appelle Krstan Simic. Avec Branko

6 Lukic, je représente les intérêts de M. Kvocka dans le présent procès.

7 C'est en cette qualité que je vous poserai quelques questions liées à

8 votre travail et à vos activités dans le courant de l'année 1990, mais je

9 vous prierai de ménager une pause de quelques instants à la fin de mes

10 questions avant de répondre.

11 Nous pouvons commencer, si vous êtes prêt.

12 Réponse: Oui.

13 Question: Pour le compte rendu d'audience, je vous demande de décliner vos

14 nom et prénom.

15 Réponse: Miro Bijelic.

16 Question: Quelle est votre date de naissance?

17 Réponse: Je suis né le 23 juin 1943 à Arandelovac en Serbie.

18 Question: Etes-vous marié?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Avez-vous des enfants?

21 Réponse: Deux.

22 Question: Où habitez-vous à l'heure actuelle?

23 Réponse: A Banja Luka, au n°22 de ma rue.

24 Question: Avez-vous accompli votre service militaire?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Où?

2 Réponse: En Croatie, et j'ai passé les derniers mois de mon service

3 militaire à Gorazde, en République de Bosnie-Herzégovine.

4 Question: Quand avez-vous accompli votre service militaire?

5 Réponse: En 1964.

6 Question: Monsieur Bijelic, qu'avez-vous fait dans votre vie? Quel était

7 votre métier? Essayez d'être aussi bref que possible.

8 Réponse: Eh bien, je m'occupais de sport en bref, et j'avais également une

9 petite affaire de restauration privée, un petit café qui s'appelait le

10 "café 988" qui se trouvait au centre ville.

11 Question: Quel genre de sport pratiquiez-vous?

12 Réponse: Le hand-ball?

13 Question: Etiez-vous joueur enregistré?

14 Réponse: Oui, entre 1958 et 1976.

15 Question: Dans quel club jouiez-vous?

16 Réponse: Le club de Borac à Banja Luka.

17 Question: Etait-ce un club de hand-ball important, connu?

18 Réponse: Absolument! Dans l'ex-Yougoslavie, c'était le club qui

19 organisait, qui a gagné les championnats au niveau de la fédération à six

20 reprises et nous avons gagné la coupe dix fois. Dans le cadre du

21 championnat d'Europe, nous avons été également vainqueur une fois en 1986.

22 Question: Avant de devenir champion d'Europe, est-ce que vous avez joué

23 une quelconque finale?

24 Réponse: Oui, en 1985, nous avons joué contre un club allemand.

25 Question: Il y avait une erreur au compte rendu d'audience en anglais, je

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1 repose donc la question: quelle est la date à laquelle le club de hand-

2 ball Borac est devenu champion d'Europe?

3 Réponse: En 1976.

4 Question: Merci beaucoup. Au compte rendu d'audience, c'est 1996 qui était

5 écrit. Avez-vous obtenu d'autres titres?

6 Réponse: Oui, en 1991 le club est également devenu champion d'Europe mais

7 à ce moment-là je n'y jouais plus; j'étais dirigeant du club à l'époque

8 donc je ne faisais partie que des cadres administratifs.

9 Question: Monsieur Bijelic, apparemment nous avons un petit problème avec

10 la rapidité de vos réponses, c'est la raison pour laquelle je vous ai

11 demandé de ménager une pause entre les questions et réponses.

12 Réponse: Oui, merci. Je ne me rendais pas compte.

13 Question: Est-ce que ce grand succès, cette victoire au championnat

14 d'Europe a été obtenue par les joueurs de votre génération, de votre

15 promotion?

16 Réponse: Oui, mais moi j'ai été joueur au sein du club dans deux

17 promotions différentes. Puisque j'ai commencé en 1957, lorsque nous sommes

18 entrés dans la ligue de Yougoslavie. J'avais 19 ans à l'époque, ou plutôt

19 non, 15 ans et j'ai continué dans la même équipe qui finalement a gagné

20 les championnats. Nous avons eu les meilleurs résultats de l'histoire du

21 club; autrement dit, nous étions le club qui avait remporté le plus grand

22 succès en République de Bosnie-Herzégovine et plus tard au niveau de la

23 Yougoslavie dans son ensemble.

24 Question: Monsieur Bijelic, le club de hand-ball de Borac comptait-il

25 également d'autres joueurs qui jouaient dans des sélections fédérales?

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1 Réponse: Oui, c'est un club qui a obtenu treize médailles d'or aux Jeux

2 olympiques, et nous avons également obtenu, nous avons aussi gagné sept

3 championnats du monde et obtenu un certain nombre de médailles de bronze

4 et d'argent.

5 Récemment, le club a obtenu la troisième place au championnat d'Europe qui

6 se sont déroulés hier en France.

7 Question: Monsieur Bijelic, Abaz Arslanagic a-t-il jamais joué au club

8 Borac?

9 Réponse: Oui, de 1964 à 1976.

10 Question: Quelle est sa nationalité?

11 Réponse: Il était de nationalité musulmane, ce qu'on appelle aujourd'hui

12 la nationalité bosnienne.

13 Question: Avez-vous des rapports étroits avec lui?

14 Réponse: Oui, nous sommes "kum" car à l'époque où je faisais partie du

15 club, nous étions très proches entre joueurs et il nous arrivait souvent

16 d'établir des relations de "kum" entre nous. Par exemple M. Karlovic est

17 devenu "kum" de M. Popovic. Monsieur Karlovic est un ancien ministre. Et

18 Momir Golic a également établi des liens de "kum" avec un autre membre des

19 quatre dirigeants d'un club de football.

20 Question: Ecoutez, il semble qu'il y a des problèmes avec le compte rendu

21 d'audience. Je vous demanderai de bien vouloir attendre un instant avant

22 de répondre lorsque vous avez une réponse assez longue à formuler.

23 Ces rapports de "kum", dans le pays d'où nous venons, quels sont leurs

24 importances, quels sont leurs significations?

25 Réponse: Cela signifie qu'on est plus que des amis.

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1 Question: Lorsque des gens établissent une relation de "kum", est-ce

2 qu'ils continuent à se fréquenter par la suite?

3 Réponse: Oui, pas seulement eux mais leurs enfants aussi.

4 Question: Où était M. Arslanagic lorsque la guerre a éclaté?

5 Réponse: Dans les émirats, dans l'émirat de Qatar.

6 Question: Quelles étaient ses fonctions là-bas?

7 Réponse: Il était entraîneur dans une équipe de hand-ball du Qatar.

8 Question: Monsieur Arslanagic était également entraîneur de l'équipe

9 principale de Yougoslavie?

10 Réponse: Oui, il était entraîneur de l'équipe principale de Yougoslavie,

11 également de la sélection croate et entraîneur du club Borac, ainsi que de

12 la sélection junior de Yougoslavie qui a gagné, qui a emporté une médaille

13 d'or au cours des championnats du monde de 1980.

14 Question: Quels étaient vos rapports avec M. Arslanagic?

15 Réponse: Nos rapports étaient excellents, même plus qu'excellents.

16 D'ailleurs juste avant mon voyage, il a récupéré un appartement qui lui

17 avait été pris pendant la guerre.

18 Question: Monsieur Arslanagic est-il retourné à Banja Luka?

19 Réponse: Oui.

20 M. Riad (interprétation): Excusez-moi, mais le témoin pourrait-il épeler

21 le nom de M. Arslanagic car apparemment les sténotypistes ont des

22 problèmes pour l'écrire?

23 M. Bijelic (interprétation): A-R-S-L-A-N-G-I-C. Vous avez besoin du

24 prénom?

25 L'interprète: Le témoin a dit A-R-S-L-N-A-G-I-C.

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1 M. K. Simic (interprétation): Après avoir terminé votre carrière de

2 joueur, de quoi vous êtes-vous occupé? Et attendez un instant avant de

3 répondre.

4 M. Bijelic (interprétation): Je suis resté dans le club en tant que

5 dirigeant du club. Mes fonctions consistant à faire en sorte que le club

6 de Borac continue à obtenir les mêmes résultats que par le passé, donc

7 j'étais responsable de trouver un entraîneur, de trouver les meilleurs

8 joueurs et de m'occuper de tous les besoins des joueurs afin que les

9 résultats continuent à être au même niveau.

10 M. le Président: Ce n'est pas la peine d'aller au détail pour l'histoire

11 de ce grand club de hand-ball. Avons-nous besoin de ces détails? Allez-y.

12 De toutes façons, je crois qu'on peut peut-être aller un peu plus vite car

13 nous ne sommes pas ici pour juger l'histoire de grand club de hand-ball,

14 il faut le dire. Mais il faut aller peut-être un peu plus vite, s'il vous

15 plaît. Allez-y.

16 M. K. Simic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Mais ces propos

17 sont une introduction pour parler des événements car le témoin, compte

18 tenu de sa réputation sur le plan sportif dans la région où il habitait a

19 été lié aux événements de la région sur le plan politique.

20 Monsieur le témoin, est-ce que par le passé vous étiez membre de la ligue

21 des communistes?

22 M. Bijelic (interprétation): Non.

23 Question: Dans le courant de l'année 1990, lorsque des conditions ont été

24 créées pour organiser des élections multipartites, avez-vous participé à

25 l'action d'un parti politique?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: De quel parti s'agissait-il?

3 Réponse: De celui d'Ante Markovic, le Parti pour les réformes. A l'époque,

4 Ante Markovic était Premier ministre de la Yougoslavie.

5 Question: A cette époque-là, d'autres partis ont-ils fait leur apparition

6 sur la scène politique de Bosnie-Herzégovine?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Quel parti?

9 Réponse: D'abord, les partis nationalistes lorsqu'ils ont reçu le feu vert

10 du Tribunal qui leur a permis de se constituer en partie. Il y a d'abord

11 eu le HDZ qui, en fait, était le parti des Croates de Bosnie-Herzégovine.

12 Après, c'est le SDA qui s'est créé et finalement le SDS.

13 Question: Vous rappelez-vous qui était à la tête du HDZ?

14 Réponse: Le HDZ de Croatie ou de Bosnie-Herzégovine?

15 Question: De Croatie.

16 Réponse: C'est Franjo Tudjman qui le dirigeait en Croatie.

17 Question: Et en Bosnie-Herzégovine?

18 Réponse: En Bosnie-Herzégovine, le HDZ était dirigé par un très bon ami à

19 moi, Stjepan Kljujic.

20 Question: Comment se fait-il que vous connaissiez Stjepan Kljujic?

21 Réponse: Parce qu'il était autrement journaliste sportif, donc nous le

22 recevions et il avait des liens étroits avec le club Borac à l'époque de

23 l'ex-Yougoslavie. Il accompagnait le club en Yougoslavie et à l'étranger à

24 plusieurs reprises.

25 Question: Qui était la tête du SDS?

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1 Réponse: C'est le Dr Raskovic qui dirigeait le SDS à sa création et quand

2 il est mort, c'est le Dr Karadzic qui lui a succédé en Bosnie-Herzégovine

3 et qui est resté la tête du SDS jusqu'à la fin.

4 Question: Monsieur Bijelic, quel était le soutien apporté par la

5 population en 1990 à ces partis nationalistes? Je veux parler du HDZ, du

6 SDA et du SDS.

7 Réponse: Au début, c'était un peu difficile parce que la population était

8 assez sceptique, elle regardait de loin ce qui se passait, elle n'avait

9 pas confiance. Mais ces partis ont multiplié leurs activités, ils ont même

10 parfois agi en commun pour défendre la thèse selon laquelle le

11 nationalisme était combattu et la population a eu quelque mal à accepter

12 ce genre d'argument pendant un certain temps, jusqu'au moment où il a été

13 possible que ces partis se créent officiellement, donc où ils ont reçu

14 l'autorisation d'exister. A ce moment-là, les différentes communautés

15 ethniques ont soutenu chacune le parti représentant sa nationalité?

16 Question: Vous avez dit qu'en 1990, vous aviez rejoint l'alliance pour les

17 réformes d'Ante Markovic. Ce parti a-t-il commencé à créer des

18 infrastructures à Banja Luka à ce moment-là?

19 Réponse: Eh bien, écoutez, il y a eu un tournant à ce moment-là, j'ai vécu

20 un tournant de mon existence personnellement et il y a eu un tournant

21 aussi au sein du club Borac. Nous savions, en tout cas moi je savais que

22 rien n'allait changer avec les parties nationalistes et lorsque nous avons

23 appris que Ante Markovic créait son alliance pour les réformes. Moi, j'ai

24 reçu cette nouvelle avec un certain plaisir et nous avons décidé de

25 soutenir ce parti. J'ai déclaré publiquement que les membres du club Borac

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1 allaient adhérer à ce parti d'Ante Markovic parce que c'était le parti des

2 réformes, et nous pensions qu'il pouvait faire beaucoup mieux que les

3 partis nationalistes. Nous nous sommes donc identifiés en tant que membres

4 du club de sport local à ce parti des réformes.

5 Question: J'aimerais que nous revenions quelques instants sur le club

6 Borac. Y avait-il parmi les joueurs de club des joueurs de toutes les

7 nationalités?

8 Réponse: Oui, absolument. Dobrivoj Selez était un Croate, Hasanovic était

9 Musulman, il y avait plusieurs autres Musulmans et un Croate aussi qui

10 était assez connu. Je pourrais vous donner toute sorte d'exemples.

11 Nous avions toutes les nationalités représentées, contrairement au club de

12 football qui était un club uniquement serbe et le club de basket qui était

13 principalement serbe aussi.

14 Question: Vous avez parlé d'Ante Markovic. Quelle était sa nationnalité?

15 Réponse: Je crois qu'il est né à Konjic, il était Croate de Bosnie-

16 Herzégovine. Il était ingénieur électricien et il est arrivé à Zagreb pour

17 prendre ses fonctions de premier ministre. Mais avant cela il dirigeait

18 une entreprise donc basée à Zagreb.

19 Question: Qui vous a donné les responsabilités qui ont été les vôtres au

20 sein de l'alliance pour les réformes lors de sa création?

21 Réponse: Eh bien, tout cela a été un peu spontané à l'époque parce qu'il y

22 a eu une réunion qui a été convoquée à un certain moment où on pouvait

23 parler librement. Un certain nombre d'intellectuels, Zivko Radisic et

24 Tabakovic, qui travaillaient au ministère du gouvernement d'Ante Markovic,

25 étaient présents à cette réunion. Nous avons donc beaucoup discuté. Il a

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1 été dit qu'il serait bon de créer assez rapidement un centre de

2 résistance, un centre d'initiative par rapport au parti nationaliste. Et

3 c'est ainsi que le 12, à la Maison de la culture, nous avons participé à

4 des élections internes et les choses ont commencé à bouger.

5 Nous avons commencé à travailler de façon très active jusqu'au 15

6 septembre lorsque nous sommes allés à Sarajevo pour participer à une

7 conférence électorale yougoslave -c'était le 15 septembre, à Sarajevo, je

8 m'en souviens très bien-, en 1990.

9 Question: Vous avez parlé de la construction des forces réformistes à

10 Banja Luka?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Quelles étaient vos fonctions exactes au sein de ces forces

13 réformistes?

14 Réponse: J'avais à peu près les mêmes fonctions qu'au sein du club Borac.

15 J'étais chargé de donner des conseils sur l'organisation libre des

16 élections. J'étais chargé d'accueillir les personnes qui nous rendaient

17 visite à Banja Luka et de travailler rapidement, efficacement, parce que

18 les partis nationalistes étaient très en avance sur nous. Il fallait aussi

19 faire adhérer les gens.

20 Question: Est-ce que les responsables de ces nouvelles organisations se

21 rendaient sur le terrain? Vous, par exemple, est-ce que vous l'avez fait?

22 Réponse: Oui, de temps en temps. Je me souviens la première réunion à

23 Kotor Varos où notre président local de Banja Luka, qui était professeur à

24 l'université, a parlé. Il y avait aussi un champion de boxe et Milorad

25 Karlovic qui avait été ministre des sports dans le gouvernement de Dodik.

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1 Tomo Maric, un journaliste sportif de Banja Luka, était présent également.

2 Nous sommes donc allés à Kotor Varos à une vingtaine de kilomètres et nous

3 avons développé nos activités dans le secteur. Moi, je suivais plutôt les

4 choses de côté, un peu dans l'ombre.

5 Question: Vous avez parlé de ce groupe d'hommes qui sont allés à Kotor

6 Varos, alors je vais répéter les noms les uns après les autres, si vous

7 voulez bien: Monsieur Marijan Benes, quelle était sa nationalité?

8 Réponse: Il est arrivé de Tuzla à Banja Luka, cela faisait une vingtaine

9 d'années qu'il était à Banja Luja, il était Croate.

10 Question: Etait-ce une personnalité connue médiatiquement?

11 Réponse: Absolument.

12 Question: Pour quelle raison?

13 Réponse: Grâce à ses résultats obtenus en Yougoslavie et en Europe.

14 Question: Dans quel sport?

15 Réponse: En boxe.

16 Question: Vous avez dit que M. Hasanovic était Musulman?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Etait-il également connu sur le plan médiatique?

19 Réponse: Oui, il avait obtenu de très nombreuses médailles et, d'ailleurs,

20 le simple fait qu'il ait participé au dernier championnat en France est

21 suffisant pour montrer qu'il était connu. Il était gardien de but.

22 Question: Quelle est sa nationnalité?

23 Réponse: Serbe.

24 Question: C'était également une personnalité publique?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Je crains que nous n'ayons pas donné le nom de la personne dont

2 nous sommes en train de parler à l'instant?

3 Réponse: C'était un homme très connu, capitaine de notre équipe lorsque

4 nous avons été champions d'Europe.

5 Question: Pouvez-vous répéter le nom, parce que le compte rendu n'a pas

6 inscrit le nom?

7 Réponse: Nous parlions de Milorad Karalic.

8 Question: Celui dont nous venons de parler à l'instant?

9 Réponse: Oui, il était professeur à l'université d'économie et il a obtenu

10 autant de médailles que Ljuban Andic. Sa nationalité était Serbe. Il a

11 joué 251 fois dans l'équipe fédérale yougoslave de l'ex-Yougoslavie.

12 Question: Vous avez parlé de Tomo Maric également?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Quelle était sa nationalité?

15 Réponse: Il était moitié moitié, son père était Serbe et sa mère Croate.

16 Question: Monsieur Bijelic, les autres membres des forces réformistes,

17 pourriez-vous nous en donner quelques noms, les noms de quelques

18 personnalités qui étaient connues en Bosnie-Herzégovine?

19 Réponse: Il y avait Emir Kusturica qui est un metteur en scène très connu

20 aussi bien en Yougoslavie que dans le monde; Goran Bregovic qui est un

21 homme assez connu dans le cadre du groupe de musique moderne Bijelo Dugme;

22 il y avait Goran Bregovic, donc dirigeant du groupe, et puis Dragan

23 Kalinic qui est président de l'assemblée de Republika Srpska mais qui, à

24 l'époque, faisait partie des forces réformistes; et un professeur de

25 chimie, Ibro, je crois qu'il est encore en vie; le professeur Nenad

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1 Kecmanovic, doyen de l'université de Sarajevo, poète, écrivain, auteur de

2 pièces de théâtre; et puis le professeur Dzemal Sokolac.

3 Il y avait pas mal d'intellectuels connus.

4 Question: Le nom d'Abdulah Sidran n'est pas dans le compte rendu

5 d'audience. Quelle était sa nationnalité?

6 Réponse: Il était Musulman, c'était un poète, il écrivait également des

7 scénarios de film pour Emir Kusturica.

8 Question: Puisque nous parlons de Banja Luka, y avait-il également à Banja

9 Luka des personnalités célèbres membres des forces réformistes?

10 Réponse: Brana Trivic qui avait été dans le système précédent présidente

11 de l'alliance socialiste. Elle jouait également au hand-ball au club Borac

12 de Banja Luka. Et puis Dzevad Haznadar, homme d'affaires assez connu à

13 Banja Luka, et un certain Zivko, qui est actuellement membre de la

14 présidence, a également assisté aux réunions qui ont abouti à la création

15 du parti; il présidait le conseil de direction du club Borac, en tout cas

16 il y a fait deux mandats. Mais lors de cette réunion constitutive du 12 à

17 Banja Luka, il n'a pas pris la parole, mais nous nous voyions tous les

18 jours. Je ne sais pas si je dois en dire davantage.

19 Plus tard, il a rejoint le parti socialiste, il l'a dirigé en Republika

20 Srpska.

21 Question: Monsieur Bijelic, à cette période, c'est-à-dire en 1990, M.

22 Markovic est-il venu rendre visite dans cette région? A-t-il participé à

23 la première réunion?

24 Réponse: Il a dit qu'il allait prononcer une allocution sur le mont Kozara

25 le jour anniversaire du soulèvement de Bosnie-Herzégovine, le 27 juillet.

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1 D'ailleurs, c'est ce qu'il a fait. Il y avait 20 à 30.000 personnes à

2 cette réunion. Enfin, c'est un chiffre que je cite d'après mes impressions

3 personnelles. Mais il y a eu des problèmes causés par les partis

4 nationalistes, et d'abord par le SDS.

5 Pourquoi est-ce que cela se faisait justement en Bosnie-Herzégovine? Est-

6 ce que ce n'était pas une manière de rabaisser les Serbes de Bosnie-

7 Herzégovine? Pourquoi est-ce que cette réunion ne se tenait pas en

8 République de Croatie? Nous savons bien que le HDZ était déjà très avancé

9 à ce moment-là dans ses préparatifs de création. Et puis, ils ont parlé

10 aussi du SDA, ils ont dit pourquoi les choses se passaient de cette façon.

11 Nous savons que Alija Izetbegovic était déjà à la tête du SDA. On

12 connaissait sa déclaration islamiste pour laquelle il avait été condamné à

13 12 ans de prison dans le système précédent avant d'être finalement laissé

14 en liberté. Mais ce sont les critiques donc qui ont été formulées contre

15 l'organisation de cette réunion sur le mont Kozara par Ante Markovic, dont

16 le parti et l'alliance pour les réformes ne plaisaient pas à tout le

17 monde.

18 Question: Monsieur Bijelic, le conseil des forces réformistes d'Ante

19 Markovic était-il un parti multiethnique où la nationalité n'avait pas

20 d'importance?

21 Réponse: C'est le cas en effet.

22 Question: Quels étaient les objectifs de ce parti politique?

23 Réponse: Il avait pour objectif de garantir la meilleure vie possible pour

24 la Yougoslavie, de mettre un terme à la crise économique. D'ailleurs,

25 c'est ce qu'Ante Markovic a fait, il voulait mettre un terme à l'hyper

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1 inflation et cela a été le cas; il voulait créer un dinar convertible.

2 Donc, en bref, il voulait aller de l'avant, son mot d'ordre principal

3 étant "tout ce qui n'est pas interdit, est autorisé!" D'ailleurs, c'était

4 ce que nous appliquions très efficacement dans le cadre du club Borac,

5 notamment dans le cadre de la recherche de financement que nous avons

6 commencé à faire d'une façon différente de ce qui se pratiquait dans le

7 système précédent.

8 Question: Lorsque vous avez pris la parole en tant que personnalité connue

9 par le public, lorsque vous avez dit que le club Borac allait rejoindre

10 l'association pour les réformes, les forces réformistes, quelle a été la

11 réaction des médias?

12 Réponse: Elle n'a pas été très positive. Dès le début de ma déclaration,

13 j'ai dit les choses de façon très claire, et Andelko Kozomara qui, à

14 l'époque, était journaliste de la télévision et de la radio de Republika

15 Srpska m'a attendu dans un coin pour me dire que j'étais un traître, que

16 j'étais Croate, que c'était normal. Je m'y attendais d'ailleurs, il

17 fallait bien que cela arrive car cela correspondait tout à fait au climat

18 qui régnait à Banja Luka à cette époque-là.

19 Question: Avez-vous subi des désagréments personnels de la part des

20 habitants de Banja Luka lorsque vous vous êtes déclaré partisan du parti

21 des Réformes?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Pouvez-vous nous en parler?

24 Réponse: J'ai subi des menaces, on m'a dit qu'on allait attaquer et faire

25 sauter le siège du club. Et puis mon fils a été menacé, il allait à

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1 l'école à Belgrade. J'ai dû l'envoyer à Belgrade à cause de ces menaces.

2 Il y a eu des appels téléphoniques, enfin, ce genre des choses, mais j'ai

3 résisté avec courage parce que j'avais la peau dure.

4 Question: Monsieur Bijelic, vous avez entendu parler de désagréments vécus

5 par les membres les plus connus, d'autres membres connus des forces

6 réformistes?

7 Réponse: Oui. Mon cum par exemple, on est rentré dans son appartement par

8 effraction, on lui a volé un certain nombre de choses et puis des gens se

9 sont faits expulser, des incidents de ce genre. Momo Golic par exemple,

10 qui est directeur du club Borac aujourd'hui, a reçu des menaces

11 téléphoniques. On lui disait: "Pourquoi est-ce que tu as des Musulmans et

12 des Croates dans ton club? Pourquoi tu ne les renvoies pas?". Ce genre de

13 choses.

14 Question: Monsieur Bijelic, au cours de la guerre, Arnautovic était-il

15 capitaine des Musulmans du club "Borac"?

16 Réponse: Oui, il avait gagné des médailles olympiques, il avait obtenu des

17 médailles d'or et il avait gagné un championnat du monde. Il est à

18 Belgrade actuellement, il entraîne l'équipe féminine je crois.

19 Question: Pouvez-vous répéter le nom du capitaine du club Borac pendant la

20 guerre qui était de nationalité musulmane? Mais pouvez-vous l'épeler

21 également pour le compte rendu d'audience car il n'a pas été consigné au

22 compte rendu jusqu'à présent?

23 Réponse: A-R-N-A-U-T-O-V-I-C, Zlatan Arnautovic.

24 Question: Connaissez-vous quelqu'un qui s'appelle Ranko Timarac?

25 Réponse: Oui, absolument. Il était serveur chez moi, il a travaillé dix

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1 ans, il venait d'Omarska. Après, il est allé au restaurant "Cyrano" et

2 puis il a ouvert son propre restaurant à Omarska. Il y a quelque temps, il

3 a eu un accident de voiture et il a été gravement blessé. Je le connais

4 bien, mon fils et le sien allaient à l'école ensemble.

5 M. le Président: Peut-être il serait convenable de faire une pause. Cela

6 vous convient-il maintenant ou vous allez terminer?

7 M. K. Simic (interprétation): Il me faut encore 5/6 minutes. Ce n'est pas

8 un problème pour moi, c'est comme vous voulez Monsieur le Président.

9 M. le Président: Nous allons faire la pause, c'est mieux. Nous reviendrons

10 à 14 heures.

11 Monsieur l'huissier, vous pouvez raccompagner le témoin, s'il vous plaît?

12 (L'huissier s'exécute.)

13 (L'audience, suspendue à 13 heures 10, est reprise à 14 heures 05.)

14 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

15 (Les accusés s'assoient.)

16 Donc nous allons reprendre, Monsieur Bijelic.

17 Monsieur Krstan Simic, vous avez dit que vous aviez besoin de plus ou

18 moins cinq, six minutes. Vous avez la parole, s'il vous plaît.

19 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Avant la pause, Monsieur Bijelic, vous aviez parlé de Ranko Timarac. Est-

21 ce qu'il vous a contacté dans cette période de mise en place des forces

22 réformistes en Bosnie-Herzégovine?

23 M. Bijelic (interprétation): Oui. Il était venu avec un policier qui

24 s'appelait Kvocka Miroslav. Kvocka, je l'ai retenu parce que chez nous, ça

25 veut dire "poule". Ils avaient demandé comment ils pouvaient devenir

Page 7399

1 membres des forces réformistes et comment mettre en place ce parti à

2 Omarska. On leur avait expliqué que cela pouvait se faire au niveau de la

3 municipalité, à Prijedor donc, et il fallait mettre en place un fichier

4 pour les votes.

5 Ils sont repartis puis revenus quelques jours plus tard pour dire que cela

6 se faisait très difficilement, qu'il était difficile de créer un autre

7 parti parce qu'il n'y avait que le SDS et le SDA qui régnaient à 150% des

8 influences. Nous avons convenu d'être un peu plus agressifs sur ce plan et

9 d'essayer de trouver des personnalités éminentes. Je crois qu'ils avaient

10 trouvé Ljuban Andic à Omarska qui était juriste de profession, ensuite

11 Delic Anedza qui était propriétaire du restaurant "Europa" et, avec eux,

12 ils ont dit qu'ils allaient essayer de faire quelque chose. Ils ont dit

13 qu'ils allaient me contacter mais ils ne m'ont pas contacté.

14 Timarac est venu me voir et me dire que cela n'a pas pu se faire, c'était

15 trop difficile. C'est ainsi que les choses se sont passées.

16 Et je puis ajouter encore que Kvocka avait dit qu'il avait travaillé à

17 l'étranger, qu'il était policier et qu'à la maison il avait été éduqué de

18 façon à vivre en Europe et non pas à faire la guerre. Son objectif

19 principal était de faire partie de ce parti-là afin de pouvoir influer sur

20 le reste de ses concitoyens. Mais nous n'avons pas pu faire grand-chose et

21 c'est là que les choses ont pris fin.

22 Question: Monsieur Bijelic, sont venues ensuite les élections du 18

23 novembre: pouvez-vous me dire comment ces élections se sont terminées? Qui

24 a gagné?

25 Réponse: Eh bien, ce sont les partis nationaux qui ont recueilli 80 à 90%

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1 des votes, notre parti n'est pas passé. Il y a eu ce drame bien connu en

2 Bosnie, ça s'est terminé comme vous le savez très bien. Donc nous n'avons

3 pas réussi dans notre intention de mettre cela en place parce que les

4 partis nationalistes étaient conduits par des gens peu instruits, à demi

5 analphabètes et ils avaient eu beaucoup plus d'adhérents que nous-mêmes au

6 sein de notre parti.

7 Question: Après les élections qui se sont tenues alors et la mise en place

8 des pouvoirs en Bosnie-Herzégovine et dans les municipalités, est-ce que

9 les membres de ces forces réformistes ont eu l'opportunité d'accéder aux

10 instances du pouvoir dans quelque municipalité que ce soit?

11 Réponse: Non. Du moins pas à Banja Luka et dans les municipalités où je me

12 suis rendu, cela n'a pas pu être le cas. Et c'est là que notre ex-Premier

13 ministre, M. Dodik, s'était le plus battu mais il n'a pas eu beaucoup de

14 succès.

15 Question: Monsieur Bijelic, après les élections du 18 novembre 1990, quels

16 sont les partis -de par leur nom- qui ont pris le pouvoir?

17 Réponse: SDS, SDA et HDZ, ce sont les partis nationaux.

18 Question: Vous avez mentionné tout à l'heure M. Dodik jusqu'à il n'y a pas

19 longtemps président ou premier ministre de la Republika Srpska?

20 Réponse: Oui.Il avait été, lui, à l'époque, à la tête de ce parti dans la

21 Krajina de Bosnie. Je crois que, pour lui, les choses avaient été les plus

22 difficiles.

23 M. K. Simic (interprétation): Fort bien.

24 Monsieur le Président, je n'ai plus de question. Toutefois, je voudrais à

25 cet endroit-ci souligner que la défense a suivi la procédure habituelle et

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1 qu'elle a deux affidavits: l'affidavit de M. Dejanovic -membre du SDS- qui

2 avait parlé de l'attitude du SDS à l'égard de cette alliance des forces

3 réformistes; l'autre affidavit est une déposition de l'ex-Premier ministre

4 de la Republika Srpska, M. Milorad Dodik, concernant l'attitude des partis

5 nationalistes et les souffrances traversées par les membres de ce parti

6 qui avait été mis en place par l'ex-Premier ministre fédéral, M. Ante

7 Markovic.

8 Je voudrais ici aussi verser une pièce à conviction, il s'agit d'un

9 document intitulé "Critères relatifs à la répartition des fonctions

10 municipales et des attributions établies entre les représentants des

11 partis populaires SDS, SDA et HDZ" qui porte notre cote D5-96; selon le

12 marquage de la Chambre, ce serait la pièce à conviction D42/1. Ce document

13 a été signé par les leaders des partis nationaux à l'époque à Sarajevo le

14 22 décembre 1990; à savoir M. Alija Izetbegovic, Président du SDA, M.

15 Radovan Karadzic, Président du SDS et M. Stjepan Kljujic qui était

16 représentant du HDZ.

17 Je me propose de distribuer ce document à toutes les parties et je tiens à

18 vous signaler que c'est un document que nous avons reçu de la part du

19 Bureau du Procureur, étant donné qu'aucun autre parti d'orientation

20 gauchiste ne pouvait prendre part au pouvoir en Bosnie-Herzégovine.

21 Je prierai M. l'huissier de bien vouloir distribuer ce document.

22 M. le Président: Maître Krstan Simic, vous voudriez distribuer le document

23 ou…? Je crois que nous avions déjà considéré un peu cette question, Maître

24 Simic. A la fin, le document que vous avez…

25 Je vais donner la parole à Mme Susan Somers, mais cette observation... A

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1 la fin, le document n'a pas été utilisé dans le témoignage. Ce que je

2 vois, c'est que vous avez mentionné ce document comme étant votre

3 intention de le verser au dossier.

4 Nous avons déjà dit que les documents que vous n'utilisez pas dans le

5 témoignage, vous devriez les soumettre tous dans l'ensemble pour que la

6 Chambre et le Procureur puissent les examiner et après les admettre ou

7 non. Donc je ne sais pas pourquoi vous, maintenant…, le témoin n'a pas

8 parlé de ce document et que vous voulez verser ce document.

9 De toute façon, je vais donner la parole à Mme Susan Somers.

10 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je ne comprends pas

11 pourquoi ce document est pertinent. Je ne vois pas en quoi consiste sa

12 pertinence: il n'avait pas été montré au témoin ici présent et, compte

13 tenu de ces trois points, je voudrais que nous ayons l'opportunité de nous

14 pencher tous ensemble sur ce document, donc d'avoir la possibilité de le

15 faire au lieu de le verser tout de suite au dossier. Une fois que nous

16 l'aurons étudié, nous donnerons notre opinion à la Chambre.

17 M. le Président: Maître Simic, pouvez-vous répondre?

18 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai compris votre

19 suggestion concernant certains documents. Nous avons envoyé ces documents

20 mais la plupart des témoins n'ont pas eu l'opportunité de voir ce

21 document. Mais M. Bijelic a témoigné du fait qu'après les élections il n'y

22 avait aucune possibilité pour les forces réformistes, ou quelque autre

23 force que ce soit, exception faite de ces partis, non pas nationaux mais

24 nationalistes -comme je préfère le dire- qu'elles prennent part au

25 pouvoir.

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1 Nous voulions donc présenter un document qui est relié aux dires de M.

2 Bijelic, qui confirme ses dires pour indiquer que ces forces réformistes

3 ont été éjectées de la scène politique de la Bosnie-Herzégovine grâce à la

4 victoire électorale des partis nationalistes.

5 M. le Président: Ces forces sont éjectées. Nous sommes presque maintenant

6 à argumenter et contre-argumenter et à faire des allégations.

7 J'avais déjà recommandé que vous devriez soumettre le document à la

8 Chambre. La Chambre va analyser le document, le Procureur a aussi

9 l'opportunité de le faire et on va décider si on l'admet ou non, Maître

10 Krstan Simic. Sinon, nous sommes maintenant en train d'entrer dans un

11 processus d'allégations.

12 Vous dites que vous voulez prouver que les forces réformistes n'ont pas eu

13 l'opportunité d'entrer dans le procès. Mais qu'est-ce que cela a à voir

14 avec la cause, avec le cœur de notre procès?!

15 Nous avons entendu le témoin parler pendant beaucoup de temps, j'ai ici le

16 résumé du témoignage. Il y a quelque chose qui m'interpelle: c'est dans le

17 cadre de cette fonction du premier secrétaire du parti de la réforme qu'il

18 a rencontré Kvocka. D'accord! Mais quelle est l'opportunité, quelle est la

19 raison essentielle pour cela? Si vous m'expliquez, je peux peut-être

20 comprendre.

21 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. En effet, la

22 défense se propose de montrer l'attitude des autorités, des institutions à

23 l'égard des gens qui avaient été des sympathisants de cette idée des

24 réformistes. Cela a quelque chose à voir avec l'Acte d'accusation de M.

25 Kvocka qui dit quelque chose de contraire à ce que nous dit ce témoin qui

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1 dit qu'il nous est montré par les actes de M. Kvocka. Cela est en

2 corrélation avec ce que vient de nous raconter M. Bijelic.

3 M. le Président: Un moment, s'il vous plaît.

4 (Les Juges se concertent sur le siège.)

5 Donc Maître Krstan Simic, comme nous avions déjà décidé, vous allez

6 remettre ce document. La Chambre va le considérer, elle est déjà alertée

7 sur ce qu'on peut dire du document, et après, la partie adverse peut se

8 prononcer. La Chambre prendra sa décision.

9 Maintenant, nous n'allons pas traiter du fait d'admettre le document, nous

10 avions déjà décidé que nous ferions cela dans l'ensemble. Vous pouvez

11 faire une petite référence pour la liaison, mais nous n'allons pas

12 discuter maintenant pour savoir si nous allons l'admettre ou non. Vous

13 allez joindre ce document à tous les autres. Après, la Chambre décidera

14 dans l'ensemble. Merci de toute façon.

15 Madame Somers, contre-interrogatoire? Je vois que c'est peut-être M. Saxon

16 qui va contre-interroger.

17 Excusez-moi, avant, je dois demander si quelqu'un du conseil de la

18 défense... Non, je vois des signes négatifs.

19 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Miro Bijelic, par Mme Somers.)

20 Mme Somers (interprétation): Je me propose, Monsieur le Président, de

21 jeter juste un bref coup d'oeil sur le document en question avant de

22 commencer moi-même. Merci.

23 Monsieur Bijelic, votre brève rencontre avec M. Kvocka a eu lieu quand au

24 juste?

25 M. Bijelic (interprétation): Eh bien, cela a eu lieu début septembre quand

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1 on a commencé à créer des comités d'initiatives et quand nous avons

2 commencé à affilier des membres dans ce parti. Il y avait eu pas mal de

3 publicité à ce sujet dans les journaux de Banja Luka, notamment parce

4 qu'un bon nombre de sportifs avaient entendu parler de notre initiative.

5 Ils étaient venus nous voir. Timarac Ranko, lui-même, était venu et ils

6 avaient convenu de recourir aux gens d'Omarska pour affilier le plus

7 possible de gens. C'était notre objectif. C'est ainsi que les gens étaient

8 venus.

9 Maintenant, pour ce qui est de la période, je ne sais plus si c'était le

10 12, 13 ou 14 septembre, je ne sais vraiment pas vous le dire. Mais cela se

11 passait entre le mois de septembre et la fin de ce mois de septembre, mais

12 je ne saurais vous donner une date exacte, vraiment pas. Mais je sais

13 qu'ils étaient venus deux fois me voir.

14 Question: Pouvez-vous nous dire septembre de quelle année?

15 Réponse: 1990.

16 Question: Et Miroslav Kvocka, comment était-il vêtu à l'époque?

17 Réponse: Vraiment, je n'arrive pas à m'en souvenir. Il s'est passé 10 ou

18 11 ans depuis, je n'arrive vraiment pas à me souvenir comment il était

19 vêtu. C'était donc le début de l'automne, il était vêtu en tenue de sport

20 parce qu'il ne faisait pas encore trop froid, on ne portait pas de

21 manteau. Le jardin de l'hôtel Bosna était ouvert, les gens venaient et

22 s'en allaient, on recevait 30 à 40 personnes par jour. Maintenant, je

23 n'arrive pas à me souvenir de ce que les gens portaient il y a aussi

24 longtemps. Même si vous me demandiez ce que je porte aujourd'hui, je

25 devrais regarder pour me remémorer la chose.

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1 Question: Merci d'avoir essayé de vous en souvenir. Pouvez-vous me dire

2 s'il était venu en tant que policier ou en tant que personne privée?

3 Réponse: En tant que personne privée. Et Ranko Timarac avait plus parlé

4 pour lui parce qu'il le connaissait mieux, il savait qu'il était policier,

5 qu'il avait séjourné à l'étranger, qu'il était intéressé par la

6 possibilité de créer une cellule de ce parti des forces réformistes à

7 Prijedor. Mais c'est surtout Ranko qui parlait puisque nous, nous ne nous

8 connaissions pas très bien. Je me suis souvenu de Kvocka parce que l'on

9 dit chez nous "porter des oeufs comme une poule", et "Kvocka", c'est une

10 poule; c'est pour ça que j'ai gardé le nom en mémoire.

11 Question: Est-ce que vous étiez la personne qui était censée juger, jauger

12 les gens qui voulaient ouvrir des cellules de ce parti des forces

13 réformistes? Est-ce que vous étiez la personne qui était chargée de jauger

14 les candidats potentiels?

15 Réponse: Oui. C'était uniquement moi, étant donné que je connaissais Banja

16 Luka toute entière: les gens me connaissaient et j'étais la personne

17 chargée de ce type de travail.

18 Question: Avez-vous demandé à M. Kvocka pourquoi il était intéressé par

19 votre parti?

20 Réponse: D'abord, il a dit qu'il avait travaillé à l'étranger, il ne m'a

21 pas dit ce qu'il avait fait. Ensuite, il m'a dit que dans sa maison, dans

22 sa famille, les gens étaient notamment tournés vers l'Europe et il voulait

23 que sa famille vive d'une façon européenne comme la mienne, comme la

24 famille de M. Krstan Simic et bien d'autres encore. En travaillant à

25 l'étranger, il a dû probablement comprendre que ces partis nationalistes

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1 ne menaient à rien, il a dû comprendre en travaillant à l'étranger comment

2 les gens étaient payés, comment les gens vivaient. Donc il a dû faire une

3 somme de toutes ces informations et il avait souhaité faire de soi-même

4 une espèce de titulaire des affiliations, là-bas, à Prijedor. Et ni lui ni

5 Ranko Timarac ne pouvaient le faire sans la cellule-mère de chez nous.

6 Question: Est-ce que vous êtes arrivé à cette conclusion après votre

7 rencontre brève, au cours de laquelle M. Timarac parlait au nom de M.

8 Kvocka? Est-ce que c'est sur la base de cet entretien que vous avez conclu

9 cela?

10 Réponse: Ecoutez, la première fois que je l'ai rencontré je n'ai pas

11 conclu parce que, vous savez, il a dit: "Non, bon, il faut que tu lances

12 un conseil d'initiative." Donc nous avons procédé d'une manière

13 routinière. Mais la deuxième fois, lorsqu'il est venu, nous sommes entrés

14 dans des détails, nous avons parlé un peu plus et on a compris, même si

15 Kvocka souhaitait que l'on soit plus agressif. Mais, d'après notre

16 règlement, il ne nous était pas permis de lancer, d'ouvrir des branches ou

17 des cellules sans tout d'abord créer un conseil d'initiative à Prijedor.

18 Nous avons souhaité nous enregistrer en bonne et due forme pour pouvoir

19 savoir sur quel nombre d'électeurs nous pouvions compter.

20 Question: Et sur la base de ces deux rencontres, avez-vous eu l'impression

21 que M. Kvocka était la personne qui allait prendre la tête?

22 Réponse: Oui. D'après moi, il était un homme qui persévérait et cela me

23 faisait comprendre que, probablement, il avait suffisamment de

24 connaissances. Il aurait probablement réussi si, à Prijedor, le conseil

25 principal avait été créé.

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1 Question: Permettez-nous de comprendre mieux cette institution appelé le

2 "parti réformiste". S'agissait-il vraiment d'un parti politique ou bien

3 d'une alliance visant à unifier un certain nombre de forces? Comment

4 décririez-vous cette institution?

5 Réponse: Ecoutez, il s'agissait du parti réformiste pour la Yougoslavie.

6 Notre but à nous tous était de faire en sorte que la Yougoslavie reste

7 entière. Donc notre but n'était pas d'avoir je ne sais pas quel nombre de

8 partis politiques, mais de maintenir l'unité de la Yougoslavie parce que,

9 avec l'arrivée de M. Ante Markovic à la tête du gouvernement, l'inflation

10 a baissé, le dinar est devenu convertible, et donc chaque personne

11 intelligente aurait voté pour lui. Mais malheureusement les partis

12 nationalistes ont commencé à faire leur travail, c'est-à-dire, d'après

13 eux, ils disaient que, dans le système communiste, il n'y avait pas de

14 liberté, personne ne pouvait faire quoi que ce soit etc., et ils ont

15 réussi.

16 Vous savez, chez nous, dans les Balkans, pour ainsi dire, on est un peuple

17 primitif. Les gens se souvenaient de la Deuxième Guerre mondiale, et ils

18 craignaient que ceci se reproduise, et puis tout le monde s'est affilié à

19 des partis nationalistes et, nous, on ne pouvait rien faire.

20 Question: Monsieur Bijelic, est-ce que c'est à Sarajevo auprès d'un

21 Tribunal que vous avez enregistré ce parti politique?

22 Réponse: Oui, le parti politique a été enregistré à Sarajevo le 26

23 septembre, et c'est à ce moment-là que l'assemblée constitutive a eu lieu;

24 certaines personnes ont été chargées de cela. Alors que, quant à notre

25 parti, nous avons été enregistrés à Banja Luka, notre branche a été

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1 enregistrée à Banja Luka.

2 Question: Clarifiez une chose pour moi, s'il vous plaît: est-ce que vous

3 souhaitez dire que votre parti n'a pas pris part aux élections

4 multipartites?

5 Réponse: Si, le parti a pris part mais n'a pas remporté suffisamment de

6 voix, il a remporté très peu de voix finalement. Je ne suis pas sûr du

7 nombre exact, mais je crois qu'il s'agissait de 11%, quelque chose comme

8 cela.

9 Question: Mise à part les partis nationalistes, c'est-à-dire le HDZ, le

10 SDS et le SDA, quels sont les autres partis politiques qui ont pris part

11 aux élections multipartites? Pouvez-vous nous citer certains autres

12 partis?

13 Réponse: Le parti socialiste de Zivko Radisic, puis le HDZ, vous l'avez

14 mentionné, le parti libéral aussi.

15 Question: Est-ce que vous suggérez que le manque de participation ou le

16 manque de participation potentielle des personnes affiliées à ce parti

17 politique se basait sur des facteurs liés à la discrimination, ou bien

18 est-ce que vous pensez que le pourcentage faible que le parti a remporté

19 reflétait de manière réaliste la situation sur le terrain?

20 Réponse: Vous savez, il faut bien connaître l'histoire de la Bosnie-

21 Herzégovine. Sur la base de cette histoire, vous pouvez comprendre ce à

22 quoi nous ressemblons en tant que peuple, et cela vous permettra de tout

23 comprendre: de comprendre les causes de ce qui est arrivé, de comprendre

24 ce qui s'est passé. Malheureusement cela reste toujours le cas, d'ailleurs

25 la situation n'a pas changé tant que cela.

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1 Question: Vous avez mentionné une personne en la décrivant comme un bon

2 ami à vous, Stjepan Kljujic, qui est un Croate, et à l'époque il était le

3 représentant croate au sein de la présidence?

4 Réponse: Oui, il était le représentant du HDZ dans la présidence de la

5 Bosnie-Herzégovine, et lorsqu'il est venu dans notre ville, il a assisté à

6 la réunion avec nous. Après on est allés ensemble à l'hôtel Bosna -c'était

7 en hiver, novembre peut-être- et il a souhaité organiser un rassemblement

8 au stade, qui appartenait au club de football Borac, et nous avons accepté

9 d'organiser cela.

10 Nous avons souhaité le faire, mais malheureusement à cause de certains

11 conflits avec le SDS, qui ont surgi entre temps, le rassemblement n'a pas

12 pu avoir lieu. Puis par la suite, il a perdu sa bonne cote auprès de

13 Franjo Tudjman, il s'est retiré du parti. Récemment, il a créé un autre

14 parti.

15 Question: Lorsque vous dites qu'il a perdu sa bonne cote auprès de Franjo

16 Tudjman, est-ce qu'il ne serait pas plus correct de dire qu'il n'était pas

17 d'accord avec l'approche extrémiste, nationaliste et anti multiethnique du

18 HDZ à l'époque? Il n'était pas une personne qui était prête à tolérer

19 cela, n'est-ce pas?

20 Réponse: Vous savez, nous n'étions pas à même de discuter de tout cela.

21 Une fois, on a été au téléphone, puis il a dit: "Je suis dans une

22 situation extrêmement défavorisée, je suis poursuivi. Donc c'est le

23 problème. Zagreb ne me soutient plus." Finalement la ligne a été rompue.

24 Par la suite, j'ai entendu certaines informations indiquant qu'il avait

25 aidé certains membres de la communauté serbe à Sarajevo, qui était sous le

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1 siège à l'époque. D'ailleurs les choses que j'ai donc entendu dire à son

2 sujet étaient des choses tout à fait positives. Probablement ceci explique

3 le changement d'attitude de Franjo Tudjman vis-à-vis de lui.

4 Question: Quand est-ce que vous avez été en contact avec lui pour la

5 dernière fois personnellement ou indirectement?

6 Réponse: C'était avant le tournoi international à Sarajevo qui devait

7 avoir lieu il y a 3 ans, donc il s'agissait de l'organisation d'un tournoi

8 international, et malheureusement ceci n'a pas pu avoir lieu.

9 Il est venu nous voir dans le club, mais le ministre Karalic a envoyé une

10 lettre très rusée et perfide, en disant qu'il n'avait rien contre notre

11 proposition d'assister à ce tournoi, mais il ne nous a pas envoyé cette

12 lettre, il nous a simplement informé de cela. Sans la lettre, nous

13 n'osions pas aller assister à ce tournoi.

14 Question: Merci, je pense que vous avez répondu à ma question.

15 Je souhaite vous poser une question: est-ce que vous savez où M. Kljujic a

16 passé l'ensemble de la période de la guerre? Physiquement où était-il

17 situé?

18 Réponse: Pour autant que je le sache, il était à Sarajevo, il se cachait

19 dans une cave. C'est un ami à lui, qui est mort entre temps, Vukajlovic,

20 qui était le directeur du club de basket de Sarajevo, qui me l'a dit, il

21 le protégeait. Lui, il m'a dit que Kljujic était à Sarajevo dans une cave.

22 Question: Est-ce que vous étiez au courant des activités du gouvernement à

23 Sarajevo pendant la guerre, pour vérifier si c'était vrai, si vraiment il

24 était à Sarajevo,, si vraiment il n'avait jamais quitté Sarajevo? Ou bien

25 est-ce que vous avez pu vérifier pour savoir si peut-être il faisait des

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1 allers et retours?

2 Réponse: Ecoutez. C'était complètement impossible. Donc je n'ai pas pu le

3 faire, les lignes téléphoniques ne fonctionnaient pas, il n'y avait aucune

4 communication. Mais parfois les gens voyageaient, allaient à Belgrade ou

5 ailleurs, et puis après venaient avec des informations. C'étaient souvent

6 des ouï-dire, des rumeurs; donc je ne suis pas sûr en ce qui concerne leur

7 véracité. Mais bon c'est pour cela que je vous le dis ainsi.

8 Question: Ce que vous dites aujourd'hui, sur la base de votre déposition,

9 nous pouvons conclure que le point fort du mouvement réformiste était le

10 volet économique, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose sur la plate-

13 forme de ce parti en matière des droits de l'homme ou des rapports entre

14 les groupes ethniques en Bosnie-Herzégovine? Est-ce que vous pouvez nous

15 dire quelque chose à ce sujet-là? Est-ce qu'il y a quelque chose que vous

16 souhaiteriez souligner en ce qui concerne la plate-forme de ce pays à

17 propos de ce sujet-là?

18 Réponse: Eh bien, je ne peux pas vous dire en ce qui concerne les rapports

19 entre les ethnies, mais en ce qui concerne le volet économique, le fait

20 est que l'hyper-inflation a été contrôlée, que le dinar est devenu

21 convertible, que le Premier ministre est allé aux Etats-Unis...

22 Question: Vous dites que, lui, il allait vous parler de qui?

23 Réponse: De Ante Markovic.

24 Question: Mais est-ce qu'il n'a jamais articulé...

25 Tout d'abord est-ce que vous le connaissiez? Connaissiez-vous Ante

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1 Markovic?

2 Réponse: Nous nous sommes rencontrés une fois chez Hasanda (inaudible).

3 Dans sa société, il y avait Kecmanovic et Ante Markovic. Il est venu, nous

4 nous sommes rencontrés, nous nous sommes surtout mis d'accord, et puis

5 ensuite je suis allé sur le terrain afin d'effectuer ma tâche.

6 Question: C'est le Kecmanovic qui a fui Belgrade? Nous parlons de la même

7 personne?

8 Réponse: Oui, absolument, le docteur Nenad Kecmanovic, il a fui à Belgrade

9 et aujourd'hui encore il est à Sarajevo de nouveau. C'est un présentateur

10 à la télévision de la Republika Srpska, c'est une personne très respectée

11 là-bas.

12 Question: Donc le parti ou le mouvement insistait surtout sur le volet

13 économique. Mais est-ce que vous suggérez que la personne, qui soutenait

14 les principes de ce mouvement, ne pouvait absolument pas soutenir les

15 principes sur lesquels se base un parti national ou un mouvement national?

16 Est-ce que l'un exclut l'autre?

17 Réponse: Eh bien, notre direction n'était pas en contact avec ces

18 mouvements nationalistes. Moi, c'est ce que je suppose parce que tout ce

19 qu'on a prévu de faire, nous l'avons fait. Donc il n'y a aucune raison de

20 ne pas lui faire confiance.

21 Question: Ma question est de savoir si d'après vous une personne pouvait

22 soutenir une entité homogène serbe ou croate ou même musulmane, tout en

23 partageant les idées de Ante Markovic, est-ce que c'était possible?

24 Réponse: Vous savez toutes les personnes éduquées pensaient que le mieux

25 était ce qu'Ante Markovic a fait, et qu'il fallait soutenir cela.

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1 D'ailleurs, lui, il n'a soutenu ni le HDZ ni un quelconque parti

2 nationaliste; donc son programme était bon, tout était bon.

3 Mais quant à la question de savoir pourquoi ceci n'a pas été mis en

4 oeuvre, c'est une autre question.

5 Question: Est-ce que vous savez si oui ou non M. Markovic soutenait la

6 sécession des municipalités serbes visant à créer la Republika Srpska, le

7 savez-vous?

8 Réponse: Ça, je ne sais pas. Croyez-moi, je ne le sais pas.

9 Question: Je souhaite vous demander un peu d'aide. Et dans ce but, je vais

10 demander à l'huissier de vous présenter plusieurs documents. Le dernier

11 document, nous l'avons reçu de la part du conseil de la défense. En ce qui

12 concerne les autres documents, ce sont les documents qui figurent dans les

13 classeurs que nous avons versés au dossier en 1999, en tant que pièces à

14 conviction du Procureur. Et Monsieur l'huissier, si vous avez le lot des

15 documents à présenter au témoin, ceci nous aidera beaucoup.

16 Pendant que l'on attend, je souhaite dire que les numéros, les cotes des

17 nouvelles pièces à conviction, c'est 3/177 et 3/178. Il s'agit des

18 documents sur lesquels figurent les signatures et qui concernent les

19 documents émanant de la Croix-Rouge internationale de Genève. En ce qui

20 concerne les autres documents, c'est 2/2.11 et 2/2.B et 2/2.14. Ces trois

21 derniers documents font partie du classeur de 1999.

22 Veuillez examiner rapidement les documents placés sur le rétroprojecteur.

23 Veuillez placer le document 2/2.11. Ce document existe en serbo-croate et

24 en anglais. Il s'agit d'un document en date du 22 juin 1992 et ce

25 document...

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1 M. K. Simic (interprétation): Objection, Monsieur le Président.

2 M. le Président: Oui, Maître Simic.

3 M. K. Simic (interprétation): Le témoin Bijelic a déposé ici sur son rôle

4 dans la création du parti réformiste, il ne s'occupait pas des documents

5 ici. M. Bijelic, qui était dans le temps un joueur qui avait joué dans la

6 cadre de 800 matchs, maintenant on lui montre des documents concernant la

7 cellule de crise dans la région de Krajina, alors qu'il s'agit là de la

8 cellule de crise qui n'avait absolument rien à voir avec les forces

9 réformistes que représentait M. Bijelic ici aujourd'hui.

10 Il s'agit des documents émanant de l'année 1992, alors que lui, il a

11 déposé sur une autre période puisqu'il s'est retiré vers l'année 1990.

12 Après l'échec des partis réformistes, il s'est retiré de la politique.

13 M. le Président: Madame Somers?

14 Mme Somers (interprétation): Bien sûr, en ce qui concerne la pertinence,

15 chaque connaissance politique qu'a ce témoin éventuellement peut être

16 utile pour les Juges pour évaluer la crédibilité de ce témoin, et puis

17 également pour savoir si Kvocka a ou n'a pas entrepris les choses dont a

18 déposé le témoin aujourd'hui.

19 Ici, il est important de voir sur la base de ces documents quels sont les

20 Serbes qui ont été représentées par leur représentant. Donc je demande

21 simplement le commentaire de ce témoin et non pas le versement au dossier,

22 donc son commentaire concernant la situation politique en Bosnie-

23 Herzégovine. Je pense que cela peut être utile pour les Juges.

24 M. le Président: Pour l'effet de crédibilité du témoin, sont seulement

25 parce que ces documents, comme vous savez, sortent de la date considérée

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1 1992. Donc seulement pour la crédibilité du témoin, allez-y.

2 Mme Somers (interprétation): Je souhaite que vous examiniez ce document

3 qui était signé par Radoslav Brdjanin, le chef de la cellule de crise de

4 Banja Luka.

5 M. le Président: Maître O'Sullivan?

6 M. O'Sullivan (interprétation): La collègue de l'accusation dit qu'une

7 certaine personne a signé ce document mais je pense qu'il n'y a pas de

8 preuve quant à l'authenticité de ce document ni quant à la signature; ceci

9 donc n'a pas encore été constaté et à moins de faire cela, je pense qu'il

10 est inapproprié de poser ce genre de questions.

11 Mme Somers (interprétation): Puis-je répondre?

12 Ce sont des documents qui ont été versés au dossier. Il n'y a pas de

13 remise en question de l'authenticité mais en ce qui concerne les documents

14 déjà admis, je souhaite que l'on peut poursuivre.

15 M. le Président: Ces documents ont été admis dans quelle condition, Madame

16 Somers? Je ne me rappelle pas bien. Pouvez-vous nous le rappeler, s'il

17 vous plaît? Et rappeler aux parties de la défense, je ne sais pas si elle

18 est au courant aussi.

19 Mme Somers (interprétation): Monsieur Saxon m'a aidé en me disant qu'ils

20 ont été admis sous réserve de la contestation de l'authenticité de la part

21 de la défense mais jusqu'à maintenant, aucune intention n'a été exprimée

22 de la part de la défense de contester leur authenticité.

23 Mais de toutes façons, mis à part la question de la signature, je pense

24 qu'il est important de se pencher sur le contenu de ce document, puisque

25 dans plusieurs documents, nous retrouvons la même phrase. Il ne s'agit pas

Page 7417

1 d'un hasard.

2 M. le Président: La défense, vous voulez intervenir? Je ne sais pas si

3 l'opportunité est passée ou si vous avez encore?

4 M. O'Sullivan (interprétation): Très brièvement. Les documents ont été

5 admis en vertu de l'Article 89 C) à cause de leur pertinence. En ce qui

6 concerne l'authenticité, cela a été admis sous réserve, il n'y a pas eu de

7 preuve à l'égard de l'authenticité de ce document.

8 Donc je pense qu'il est inutile de demander des questions au sujet de ces

9 documents au témoin tant que l'authenticité n'est pas prouvée et, à mon

10 avis, l'authenticité n'a pas été prouvée. En plus, le témoin ne sait rien

11 au sujet de ces documents, donc à notre avis puisque ceci n'a pas été

12 prouvé il ne faudrait pas se baser là-dessus.

13 M. le Président: Si j'ai bien compris, vous voudriez tester la crédibilité

14 du témoin. Donc si le témoin n'a pas signé ce document, vous pouvez poser

15 la question sans utiliser le document, oui ou non?

16 Mme Somers (interprétation): Je pense que serait difficile, Monsieur le

17 Président, parce que bien sûr cela a été admis sous réserve et si, au

18 stade de la réplique, il y aura une contestation de leur authenticité,

19 nous trouverons des réponses. Mais il est important de voir qu'il s'agit

20 là des documents qui semblent être des documents officiels.

21 M. le Président: Oui mais, Madame Somers, vous pouvez dire: "Je sais que…"

22 et après vous posez la question. Vous-même vous avez dit que vous allez

23 utiliser le document seulement pour cela.

24 Donc il n'est pas nécessaire de faire une liaison entre une information

25 que vous avez et le document, et ensuite nous aurons la réponse du témoin

Page 7418

1 si le témoin sait ou non répondre à votre question.

2 Mme Somers (interprétation): Oui, mais je souhaite dire que je ne dispose

3 en disant: "Je sais ceci et cela"; je suis en train donc de lire cela dans

4 un document qui se trouve devant nous et qui a été admis. Mais si la

5 Chambre nous permet de lire un passage, ce sera utile car je pense que la

6 phraséologie est importante.

7 M. le Président: Je crois que nous devons décider ça. Maître Krstan Simic,

8 allez-y, s'il vous plaît.

9 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, une phrase seulement,

10 s'il vous plaît. J'ai l'impression que mon éminente collègue souhaite que

11 le témoin fasse un commentaire sur le document mais il faut tout d'abord

12 lui montrer le document, lui demander s'il connaît son contenu, etc. Mais

13 en ce qui concerne les commentaires, il y a l'expert.

14 M. le Président: Montrez le document au témoin, demandez s'il connaît le

15 document et après posez votre question. Allez, s'il vous plaît!

16 Mme Somers (interprétation): Merci.

17 Monsieur Bijelic, le document qui trouve devant vous, vous l'avez peut-

18 être vu, peut-être non. Peut-être que vous ne l'avez pas vu, n'est-ce pas?

19 M. Bijelic (interprétation): Non, mais pour vous épargner les problèmes,

20 je souhaite dire que tout d'abord, ici nous voyons la date "1992". Et en

21 1992, entre 1992 et 1995, j'étais à Belgrade. Avec mon club, on organisait

22 des compétitions, etc. Donc ceci, je ne le connaissais, ça ne m'intéresse

23 pas. Après les élections, j'ai arrêté ma carrière politique, et tout de

24 suite après on est allé en Serbie. Concrètement, nous étions à Obrenovac,

25 dans l'hôtel Srbija. Vous pouvez vérifier cela auprès de la Fédération de

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1 Hand-ball de la Serbie. Et j'y étais jusqu'en 1995, donc je ne sais pas ce

2 qui se passait dans la période entre 1992 et 1995. Je n'étais pas au

3 courant, donc je ne peux rien expliquer.

4 Question: Lorsque vous êtes rentré à Banja Luka, je suppose que c'est là

5 que vous êtes retourné en Bosnie, saviez-vous que le gouvernement -au

6 moins jusqu'à un certain moment lorsque la guerre s'est terminée- avait

7 adopté la position qui est énoncée dans le point 1 où il est dit, je cite:

8 "Le parti démocrate serbe est l'unique représentant du peuple serbe". Est-

9 ce que vous étiez au courant de cette position?

10 Réponse: Non. Encore une fois, je ne suis pas un homme politique. J'ai été

11 actif et mon intérêt principal, c'est le hand-ball et le clubs de hand-

12 ball Borac. Et compte tenu des changements qui ont eu lieu, nous avons

13 souhaité nous adapter. Donc en ce qui concerne ce document et le reste, je

14 ne l'ai même pas lu. Dès que j'ai vu la date, j'ai tout compris parce que,

15 comme je vous l'ai dit, le club de hand-ball avant était en Yougoslavie,

16 dans la ligue yougoslave. Vous pouvez vérifier cela facilement, vous

17 pouvez trouver la liste des personnes qui étaient actives, et à la tête il

18 y avait moi. Et pour compliquer les choses encore plus, à l'époque

19 mentionnée, il n'y avait même pas de liens téléphoniques. Et puis à

20 l'époque, vous savez, en Serbie on ne pouvait pas savoir beaucoup de

21 choses, il y avait de la censure dans la presse, etc., vous le savez vous-

22 même. Nous, en tant que club de hand-ball, nous avons demandé un service

23 auprès de la Fédération de hand-ball yougoslave et effectivement ils nous

24 ont accordé notre demande, donc nous sommes tout à fait contents de cette

25 attitude car, à l'époque, nous ne n'aurions pas pu faire cela à Banja

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1 Luka. Et grâce à tout cela, le club de hand-ball de Borac a pu être

2 préservé.

3 Question: En ce qui concerne Borac, s'agissait-il d'un club qui était géré

4 et financé par l'Etat? Est-ce que c'est l'état de l'ex-Yougoslavie qui le

5 contrôlait?

6 Réponse: Non. Borac a été créé en tant qu'association des citoyens. Vous

7 avez dit "citoyens". Il se réunit et il crée un club, donc l'Etat n'avait

8 rien à faire avec nous. Mais vous savez, en ce qui concerne nos résultats,

9 l'Etat était au courant et nous aidait d'une certaine manière, mais non

10 pas financièrement. Les gens qui faisaient partie de notre club recevaient

11 des emplois; nous parfois, on recevait des appartements d'Etat, donc c'est

12 ainsi que l'Etat nous aidait. Mais c'est tout, parce que nous

13 n'appartenions pas à l'Etat, nous étions un club d'un groupe de citoyens.

14 Question: Voici ma prochaine question: est-ce que Borac a permis à la

15 Yougoslavie, à l'époque, et aujourd'hui à la Republika Srpska, d'avoir des

16 bénéfices économiques, la gloire, etc.?

17 Réponse: Non. Il ne s'agit pas tellement de bénéfices économiques parce

18 que c'est par le biais de football que l'on peut les atteindre. En ce qui

19 concerne le hand-ball, je peux dire que c'est un sport de pauvres. Lorsque

20 nous participons à des compétitions en Europe, nous ne gagnons pas

21 d'argent, nous devons participer nous-mêmes financièrement par opposition

22 aux joueurs de football qui gagnent beaucoup mieux.

23 Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que les

24 membres de ce club bénéficiaient d'un certain respect, d'une certaine

25 estime?

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1 Réponse: Oui, certainement, ça, c'est sûr.

2 Question: Je souhaite vous poser une question concernant votre parti et

3 ses membres. Je vais vous citer certains noms et je souhaite que vous

4 fassiez un commentaire.

5 Dragan Kalinic?

6 Réponse: Oui, dès le début il avait été membre de ce parti. Il est passé

7 au SDS et maintenant, il est Président du Parlement de la Republika

8 Srpska, en ce moment-ci.

9 Question: Et vous savez quand il est parti de ce parti?

10 Réponse: Tout de suite après ces troubles, il est reparti à Belgrade puis

11 il est revenu à Banja Luka par la suite. Pour autant que je sache du

12 moins.

13 Question: Nous n'allons quand même pas nous attarder trop longtemps là-

14 dessus. Je voudrais vous montrer ce document 3/577 et 3/578. Nous ne les

15 avons qu'en langue anglaise et je le regrette, mais il s'agit de la langue

16 dans laquelle ces documents sont rédigés.

17 Est-ce que vous voyez cela devant vous? Peut-on mettre, Monsieur

18 l'huissier, les documents sur le rétroprojecteur pour que ce soit plus

19 facile pour nous? Merci.

20 Donc ce document est un document constitué sur demande de la Croix-Rouge

21 internationale de Genève, et ce, au mois de mai 1992. Il traite de

22 différent aspects des conventions, et les représentants de différents

23 partis de la Bosnie-Herzégovine y sont mentionnés.

24 Le deuxième nom est celui de M. D. Kalinic et on dit qu'il représente M.

25 Radovan Karadzic, président du parti démocratique serbe. Est-ce que ce

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1 serait le même M. Kalinic dont nous nous sommes entretenus tout à l'heure?

2 Réponse: Je suppose que c'est le même car, dès la fin des élections,

3 lorsqu'il a vu que le parti SDS avait gagné, il les a rejoints. Je suppose

4 donc que c'est le même. Je ne connais aucun autre cas unique.

5 Question: Excusez-moi, il y a un document analogue qui mentionne également

6 M. Kalinic. Et comme vous l'avez dit, il avait d'abord été membre de votre

7 parti, puis, est devenu ultérieurement le représentant de Radovan

8 Karadzic. Je crois que nous n'avons pas grand-chose à dire en sus.

9 Pouvez-vous me dire maintenant qui était ce monsieur qui s'appelait Pavic,

10 Marko Pavic?

11 Réponse: Il était ministre dans le Gouvernement de M. Dodik; pour autant

12 que je sache. Il était chargé des transports et il est originel de

13 Prijedor -si c'est le même.

14 Question: Et lui aussi avait-il été membre de votre parti?

15 Réponse: Je ne m'en souviens pas, étant donné qu'à Prijedor ce parti

16 n'avait pas été créé. Pour ce qui est de son affiliation quelque part

17 ailleurs, je ne m'en souviens pas.

18 Question: Et savez-vous nous dire s'il avait collaboré à quelque moment

19 que ce soit avec Biljana Plavsic?

20 Réponse: Je suppose que lorsque Biljana a créé son parti, il a dû passer

21 vers les rangs de ce parti, mais ce n'est qu'une supposition de ma part.

22 Question: Je me propose de vous mentionner encore quelques noms, peut-être

23 pourrez-vous nous donner quelques informations au sujet de ces noms.

24 Burho Kapetanovic? Est-ce que ce nom musulman vous dit quelque chose?

25 Réponse: D'où vient-il? Est-ce qu'il est de Doboj peut-être? Je connais un

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1 Kapetanovic qui est originaire de Doboj.

2 Question: Est-ce que, dans votre parti, il y avait plusieurs Kapetanovic

3 peut-être?

4 Réponse: Je n'arrive pas à m'en souvenir. Il y avait cinq ou six personnes

5 qui étaient chargées de l'affiliation. Il y avait pas mal de Musulmans,

6 pas mal de Croates et beaucoup de Serbes, c'est-à-dire ceux qui s'étaient

7 déclarés comme étant des Yougoslaves. Notamment ceux qui étaient issus de

8 couples mixtes s'étaient tous déclarés comme étant Yougoslaves.

9 Question: Et Mehmed Alija Kapetanovic, çà vous dit quelque chose?

10 Réponse: Non.

11 Question: Et connaissiez-vous… je ne sais pas si j'arriverai à prononcer

12 le nom correctement… Miroslav Turnusek, Croate?

13 Réponse: Non, Miroslav Pitrosek qui avait été entraîneur de l'équipe

14 féminine, je l'ai connu celui-là.

15 Question: Aleksandar Komsic?

16 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je ne vois vraiment

17 pas où cela nous mène. Monsieur Bijelic était un responsable sportif qui

18 avait travaillé à l'affirmation d'un parti, il n'avait pas de registre sur

19 lui qui était créé au niveau municipal. Maintenant, est-ce qu'il est censé

20 connaître tous les membres de ce parti sur le territoire de la Bosnie-

21 Herzégovine ou quoi? Je ne sais pas.

22 M. le Président: Mais le témoin peut répondre s'il connaît ou non. Avez-

23 vous peur qu'il ne puisse pas répondre? Il peut répondre. J'allais dire à

24 Mme Somers que votre temps est en train de se terminer. Deux minutes.

25 Allez-y.

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1 Mme Somers (interprétation): J'en suis consciente.

2 M. Bijelic (interprétation): Il n'y a pas de problème: si je connais

3 quelqu'un, je vous le dirai sans problème.

4 Question: Alors, Aleksandar Komsic, c'est un nom qui vous dit quelque

5 chose?

6 Réponse: Non, je ne sais pas.

7 Question: Ces noms sont des noms de personnes qui étaient membres du parti

8 réformiste dans votre région et qui ont fini leurs jours au camp

9 d'Omarska. Est-ce que vous avez reçu quelque demande que ce soit

10 d'assistance? Est-ce que vous êtes au courant de demandes d'assistance

11 quelconque qui avaient été faites par le réseau des membres de cet ancien

12 parti pour aider à sortir ces gens du camp?

13 Réponse: Je ne pouvais pas le savoir. Comme je vous l'ai dit, moi, j'ai

14 fait ces tâches, ce travail jusqu'au 18 novembre. Je me suis ensuite

15 retiré pour travailler dans Borac. Pour ce qui est de Tosic, ex-joueur de

16 football, il avait été extrait du camp d'Omarska -il me semble.

17 Pour les autres, je ne sais vraiment pas parce que le parti n'avait plus

18 existé. Par la suite, je suis parti à Belgrade et je ne savais plus ce qui

19 se passait. Une fois que nous n'avons pas gagné, le parti a été dissolu,

20 la guerre a commencé, les gens non-Serbes ont été chassés de Banja Luka

21 tout comme des Serbes ont été chassés d'autres régions. De là à savoir

22 tout ce qui s'est passé avec tous ces gens-là, je ne saurais vous le dire.

23 Question: Je n'ai plus de questions à vous poser. Merci.

24 M. le Président: Maître Simic, des questions supplémentaires?

25 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Miro Bijelic, par

Page 7425

1 Me K. Simic.)

2 M. K. Simic (interprétation): Compte tenu du temps qui nous est imparti,

3 je me propose de poser deux questions seulement.

4 Monsieur Bijelic, lorsque vous avez parlé du programme de M. Markovic,

5 pouvez-vous me dire s'il avait entamé un processus de privatisation et de

6 mise en place d'une économie de marché sur le territoire de l'ex-

7 Yougoslavie?

8 M. Bijelic (interprétation): Oui, cela était visible sur Banja Luka et les

9 plus grosses entreprises sur Banja Luka ont fini par être privatisées.

10 Question: Dernière question: ces forces réformistes de M. Ante Markovic

11 avaient-elles opté en faveur de la multiethnicité ou avaient-elles relégué

12 cela en deuxième plan?

13 Réponse: Eh bien, elle avait préféré… cette multiethnicité, l'objectif

14 était d'y aboutir justement.

15 Question: Merci. Je n'ai plus de questions à vous poser.

16 M. le Président: Très bien. Merci, Maître Krstan Simic.

17 Je crois que nous, les Juges, n'avons pas de questions. D'autres personnes

18 non plus.

19 Nous vous remercions beaucoup d'être venu ici et nous vous souhaitons un

20 bon retour à votre résidence et bonne chance pour vos travaux. Je vais

21 demander à l'huissier de vous raccompagner. Merci beaucoup.

22 M. Bijelic (interprétation): Je vous remercie aussi.

23 (Le témoin, M. Miro Bijelic, est reconduit hors du prétoire.)

24 M. le Président: Demain à 9 heures 20, nous serons là de nouveau. Merci

25 beaucoup, à demain.

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1 (L'audience est levée à 15 heures 13.)

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