Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 6 mars 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 10 heures 37.)

4 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

5 (Les accusés s'assoient.)

6 (Le dernier accusé entre et s'assoit.)

7 Bonjour Mesdames et Messieurs, bonjour cabine technique. J'espère que tout

8 va bien. Bonjour interprètes. Bonjour conseils de l'accusation et conseils

9 de la défense.

10 Nous allons reprendre notre affaire. Après tout ce retard, j'ai déjà

11 demandé oralement au Greffe un mémo sur les raisons pour lesquelles nous

12 sommes en retard. De toute façon, au nom de la Chambre, je présente des

13 excuses. Moi-même, je ne sais pas encore bien les raisons pour lesquelles

14 nous sommes en retard. C'est pour cela que j'ai demandé une réponse par

15 écrit au Greffe. J'attends que la réponse soit prête pour pouvoir la

16 partager avec vous.

17 Maintenant, nous avons quand même quelques décisions préliminaires. Je me

18 tourne vers le Bureau du Procureur pour savoir quelle est sa position par

19 rapport à la requête des mesures de protection de la défense Radic,

20 requête du 1er mars.

21 Madame Somers, avez-vous quelque objection par rapport à cette requête?

22 Vous nous avez dit que vous n'aviez pas d'opposition par rapport aux

23 requêtes des 19 et 21 février. Il y a cette troisième requête.

24 Vous avez la parole, Madame Somers.

25 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

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1 En fait, la requête avait porté sur la protection de la voix, des traits

2 du visage et du pseudonyme.

3 M. le Président: Très bien. Donc, vu les requêtes déposées le 19 et le 21

4 février, et aussi le 1er mars, par la défense de Mlado Radic, attendu que

5 la défense demande à la Chambre de première instance de permettre à

6 certains témoins cités dans la requête de témoigner sous couvert d'un

7 pseudonyme; attendu que la défense demande également à la Chambre de

8 première instance d'étendre les mesures de protection, à savoir

9 l'altération de son image à l'écran durant sa déposition et la

10 modification de sa voix; attendu que l'accusation ne s'oppose pas à ces

11 requêtes; attendu qu'il incombe à la Chambre de première instance

12 d'assurer la sécurité des témoins à décharge tout en respectant le

13 principe du caractère public des audiences, en application des Articles

14 20, 21 et 22 du Statut du Tribunal et de l'Article 75 du Règlement de

15 procédure et de preuve, la Chambre accorde les mesures de protection

16 demandées dans les requêtes mentionnées. Donc, voilà la décision à propos

17 des mesures de protection.

18 Il y a une autre question que nous devons considérer aujourd'hui mais nous

19 allons la considérer après la pause: la question des experts. Mais après

20 la pause.

21 Donc maintenant, Maître Fila, je vous donne la parole pour votre

22 déclaration liminaire, s'il vous plaît.

23 (Déclaration liminaire de Me Fila.)

24 M. Fila (interprétation): Auparavant, je vous demanderai, Monsieur le

25 Président, de ne pas perdre de vue le fait que le témoin expert a été

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1 sollicité par mes soins pour rester ici à la disposition du Tribunal parce

2 qu'elle doit rentrer demain vers la Yougoslavie et, si nécessaire, nous

3 pouvons faire appel à elle. Je vous remercie. Mme Ana Najman.

4 Monsieur le Président, devant ce Tribunal, nous avons l'accusé Mlado Radic

5 qui répond d'actes perpétrés au centre d'instruction d'Omarska au courant

6 de la période du 24 mai 1992 au 30 août de la même année. Il n'est pas

7 seul. Il fait partie d'un groupe d'accusés dont nous avons eu l'occasion

8 d'entendre les défenses, à savoir celles de Miroslav Kvocka et de Milojica

9 Kos.

10 Ce procès a essayé d'être présenté par le Procureur comme un procès d'une

11 politique de persécution et de purification ethnique, comme un procès à

12 l'intention d'auteurs d'une campagne bien planifiée et organisée de

13 terreur à l'égard de la population non serbe dans cet effort de cette

14 entité fantoche de la Republika Srpska qui a tourné sa politique et ses

15 effectifs militaires contre une partie de sa propre population dans la

16 tentative de créer, de mettre en place un grand accomplissement, à savoir

17 la création d'une grande Serbie ethniquement pure.

18 Et je cite le Procureur, M. Niemann, à la page 6:

19 "La défense souhaite présenter dans sa déclaration liminaire les positions

20 qui de par leurs éléments revêtent de l'importance pour la détermination

21 d'une responsabilité pénale éventuelle de l'accusé et ce, en présentant

22 ses positions dans l'ordre suivant:

23 A) Le contexte historique: La création et le démantèlement de l'Etat

24 yougoslave, les causes et l'évolution du conflit en Bosnie-Herzégovine, et

25 ce notamment sur le territoire de la municipalité de Prijedor.

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1 B) L'accusé Mladic: biographie centre d'instruction d'Omarska, analyse de

2 l'article 1 du Statut du Tribunal, puis des Articles 3 et 5 du Statut du

3 Tribunal."

4 On parlera aussi de la responsabilité au sens et en vertu de l'Article 7.

5 On parlera du droit applicable. On parlera de l'acte pénal de viol et l'on

6 tirera enfin une conclusion.

7 Je passe au A) "contexte historique: la création et le démantèlement de

8 l'Etat yougoslave". L'Etat yougoslave a été créé après la Première Guerre

9 mondiale en 1918 par la réunification de deux Etats à l'époque

10 indépendants, à savoir le royaume de Serbie et celui du Monténégro, ainsi

11 que des territoires de ce qui avait été la monarchie austro-hongroise de

12 l'époque où vivaient ces peuples slaves du sud, à savoir les Serbes

13 croates et slovènes.

14 Ces territoires, par décision du conseil populaire de l'Etat des Slovènes,

15 des Croates et des Serbes, ont été adjoints à cet Etat yougoslave

16 nouvellement crée qui s'appelait au début royaume des Serbes, Croates et

17 Slovènes, pour s'appeler ensuite royaume de Yougoslavie. Il s'agissait là

18 d'un Etat unitaire basé sur une thèse étatique parlant d'un peuple avec

19 trois entités, les Serbes, les Croates et les Slovènes.

20 Territorialement, cela avait été subdivisé en banats qui n'était pas fait

21 sur un partage territorial mais selon une ligne ethnique, selon une ligne

22 administrative. Dans cet Etat, les Serbes se sont sentis réunis

23 nationalement dans un seul et même Etat, et ils ont accepté l'idée de ce

24 peuple slave du sud en sacrifiant leurs particularités nationales et

25 étatiques créées au XIX siècle. Cette décision a été prise par les Serbes

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1 au cours de la Première Guerre mondiale quand le gouvernement et

2 l'assemblée populaire du royaume de Serbie avaient opté en faveur de la

3 mise en place d'un Etat concerté ou conjoint des peuples slaves du sud.

4 La thèse du Bureau du Procureur parlant de l'Etat yougoslave en sa qualité

5 de réalisation, d'idées de Grande Serbie n'est pas fondée sur des faits

6 historiques.

7 Le premier Etat yougoslave a apporté aux peuples croate et slovène, pour

8 la première fois dans leur histoire, une émancipation nationale et une

9 émancipation en leur qualité d'Etat. L'offre faite par les forces alliées

10 à la conférence de Londres en 1915 concernant la charte relative à la

11 création de la Grande Serbie a été rejetée par le gouvernement serbe qui a

12 opté en faveur de l'unification des peuples slaves du sud, et c'est là que

13 pour la première et seule fois fait apparition la Syntagme de Grande

14 Serbie en matière de droit international.

15 Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes depuis sa réaction s'est trouvé

16 grevé d'antagonismes puissants. Cela a découlé de programmes nationaux et

17 programmes étatiques des peuples yougoslaves qui étaient différents et qui

18 s'excluaient les uns les autres. Cette animosité et ce séparatisme latent

19 ont été exprimés au travers d'un boycott parlementaire croate et d'une

20 antipropagande pour ce qui était de la création d'un Etat conjoint

21 démocratiquement aménagé.

22 Les Croates et les Slovènes ont abusé de cette idée de Yougoslavie et,

23 sortant de la Première Guerre mondiale, les Slovènes sont passés du camp

24 des vaincus vers le camp des vainqueurs. Les Croates ont fait la même

25 chose après la Deuxième Guerre mondiale et ont évité leurs responsabilités

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1 et obligations de paiement de réparation de guerre. Le représentant de

2 l'Italie, à la conférence de Versailles en 1919, pendant un an, n'était

3 pas d'accord pour ce qui était du début des travaux de la commission pour

4 la délimitation de la démarcation. Il refusait d'être assis à la même

5 table des représentants des puissances vaincues parce que, dans la

6 délégation du nouvel Etat yougoslave, il y avait aussi un représentant des

7 Croates, le Dr Trumbic. L'élite politique croate et slovène avait perçu

8 l'Etat yougoslave comme une espèce de période de transition dans un

9 processus de création d'un Etat national autonome.

10 Le Slovène Anton Korosec, ministre dans tous les gouvernements du royaume

11 de Yougoslavie de 1918 à 1941, a expliqué les raisons de leur accession à

12 la Yougoslavie en disant: "Nous avons monté un bon cheval et nous leur

13 restituerons une haridelle au bout du rouleau."

14 Pour les Serbes, ce royaume des Serbes, Croates et Slovènes avait,

15 conformément à l'idée du Roi Alexandre Ier, consisté à la mise en place

16 d'une nation yougoslave au travers des casernes et des écoles, qui

17 représentaient la réalisation d'une inspiration séculaire à une vie libre

18 et conjointe d'une nation yougoslave unifiée sur et dans un Etat

19 yougoslave unifié.

20 Au cours des années 30 du XX siècle, il s'est créé une organisation

21 terroriste Oustachi dont l'objectif ultime avait été la création d'un Etat

22 croate indépendant et l'extermination de la population serbe. L'invasion

23 de 1941 a représenté la fin de la première Yougoslavie et le début de

24 terribles souffrances pour le peuple serbe dans cet Etat indépendant

25 croate.

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1 Après la mise en place de cette autorité Oustachi, a commencé une

2 persécution jamais vue jusque là de la population serbe qui s'est muée en

3 génocide à l'échelle des plus intenses. Les Serbes ont été obligés de se

4 défendre, de lever un soulèvement populaire et de s'organiser à l'égard de

5 cette terreur fasciste allemande et Oustachi.

6 Avec la victoire des alliés dans la Deuxième Guerre mondiale, il s'est

7 créé un Etat yougoslave sur des bases fédérales avec 6 Républiques: la

8 Serbie, la Croatie, la Slovénie, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et le

9 Monténégro. A la différence des 4 autres Républiques, la République de

10 Croatie et la République de Bosnie-Herzégovine on été déclarées

11 Républiques avec plusieurs peuples constitutifs: la République de Croatie

12 en sa qualité d'Etat des Croates et des Serbes, et la République de

13 Bosnie-Herzégovine en sa qualité d'Etat des peuples serbes, musulmans et

14 croates.

15 L'autorité des communistes mise en place en 1945 a fortement comprimé les

16 haines nationales, les mythes et les stéréotypes nationaux. Les crimes

17 perpétrés au cours de la Deuxième Guerre mondiale n'ont pas été

18 sanctionnés et les victimes et leurs bourreaux ont été réconciliés dans la

19 fraternité et l'unité, formule universelle pour résoudre la question

20 nationale dans cette Yougoslavie socialiste. En d'autres termes, on a

21 enfoui le mal dans la boîte de Pandore. La direction du parti communiste

22 de la Yougoslavie, de façon arbitraire, en ignorant les réalités

23 politiques et ethniques, avait tiré des frontières administratives entre

24 ces Républiques qui, quelques décennies plus tard, deviendront des

25 frontières d'Etat. En sus de cette question nationale non résolue, voilà

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1 une nouvelle raison pour que survienne une guerre civile.

2 Chapitre 2: "Causes et évolution des conflits en Bosnie-Herzégovine". La

3 défense souhaite exprimer de plus près, expliquer de plus près la genèse

4 du conflit en Bosnie-Herzégovine, c'est la raison pour laquelle la défense

5 a proposé que soit versée au dossier, en tant qu'élément de preuve,

6 l'analyse d'expert du Pr Nenad Kecmanovic.

7 La défense se propose de présenter les éléments fondamentaux pour ce qui

8 est des allégations générales figurant à l'acte d'accusation amendé.

9 Depuis le XVIe siècle jusqu'au congrès de Berlin en 1878, la Bosnie-

10 Herzégovine a souvent été la scène de conflits armés entre la Turquie et

11 l'Autriche. L'Empire ottoman a étouffé cruellement ces mouvements de

12 libération et ces insurrections locales. La population islamisée locale

13 avait reçu pour rôle de punir les insurgés et leurs familles, ce qui n'a

14 fait qu'encourager et approfondir les antagonismes entre les "turcisés" ou

15 "islamisés" et leurs propres voisins. La haine a causé une réaction

16 appropriée de l'autre partie et le cercle infernal s'est trouvé refermé.

17 Les nouveaux occupants qui se sont relayés dans ces régions à tour de rôle

18 ont suscité la haine jusqu'à un point inouï. Les décisions du congrès de

19 Berlin en 1918 n'ont fait qu'entériner l'état de fait, ce qui fait que la

20 Turquie, au bout de plus de quatre siècles d'occupation, s'est vue

21 contrainte à se retirer de ces régions. Il s'est donc écroulé un système

22 de relations qui avait permis à bien des générations des avantages

23 considérables. Les privilèges s'effondraient un à un et les Musulmans de

24 Bosnie-Herzégovine ont relié cette déchéance aux Serbes et à leur

25 résistance à l'égard de l'Empire ottoman.

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1 De leur côté, l'occupant austro-hongrois a suscité intentionnellement,

2 habilement et systématiquement ces animosités interethniques entre

3 Musulmans et Serbes et entre Croates et Serbes afin d'opposer les uns et

4 les autres à cette population serbe qui était portée à l'insurrection. Les

5 conséquences vont être ressenties dès 1914 après l'attentat de Gavrilo

6 Princip, qui était serbe d'appartenance ethnique, contre le prince

7 héritier Franz Ferdinand. La vague de violence à l'égard de la population

8 serbe et de leurs biens immobiliers, qui avait été déployée sous les

9 auspices des autorités par les voisins croates et musulmans de ces Serbes,

10 va se poursuivre au cours de la période qui a suivi la déclaration de

11 guerre par l'Autriche-Hongrie à l'égard de la Serbie au cours de la

12 première guerre mondiale.

13 Avec l'effondrement de l'Autriche-Hongrie en 1918 et la percée des troupes

14 serbes dans leur marche victorieuse vers l'ouest, la création d'un nouvel

15 Etat, le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, sous le leadership de la

16 population serbe, a été perçue par les Musulmans de la région de Knezpolje

17 comme étant un grand malheur, et un malheur plus grand que l'occupation

18 austro-hongroise. Cela a été la raison pour laquelle cette haine des bans

19 destitués à l'égard du nouvel Etat créé et de la dynastie des Karadordevic

20 s'est étendue sur tous les voisins serbes en leur qualité de tortionnaires

21 de longue date.

22 Au cours de la période entre la première et la deuxième guerre mondiale,

23 la haine s'est tapie et en 1941, lorsqu'il y a eu effondrement, occupation

24 et morcellement du royaume de la Yougoslavie, création de cet Etat

25 Kuislink de la Croatie indépendante, la plupart des Musulmans a accueilli

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1 la chose comme une libération, par des manifestations de ravissement, dans

2 l'espoir de pouvoir se voir restituer les droits d'antan et leurs

3 privilèges féodaux. Les Musulmans, donc, se portent volontaires dans cette

4 armée croate de Domobrani; bon nombre d'entre eux revêtent des uniformes

5 d'Oustachis avec les fascistes croates pour un règlement de compte

6 définitif avec cette prolifération animale serbe qui, selon la formule de

7 Budak, consistait à convertir le tiers, chasser le tiers et liquider le

8 tiers. Avec la fin de la guerre et le renouvellement de la Yougoslavie, la

9 Bosnie-Herzégovine s'est constituée comme l'une des unités fédérales.

10 (Les interprètes demandent à l'orateur de parler plus lentement.)

11 Mme Somers (interprétation): Je m'excuse auprès de la Chambre et des

12 collègues de la défense, mais je tiens à faire objection concernant ce

13 type d'information. Il s'agit de déclaration liminaire et ce que nous

14 entendons actuellement devrait être englobé par des rapports d'expert. Il

15 ne s'agit pas d'une introduction au procès et le Procureur s'oppose à ce

16 type d'information.

17 Bien entendu, il s'agit d'une opinion de la défense mais il ne s'agit pas

18 d'élément de preuve et cela ne peut servir qu'en qualité d'introduction ou

19 d'aperçu. Il me semble qu'il s'agit plutôt ici d'un abus, il s'agit donc

20 d'un abus que de présenter cette espèce d'arrière-fond historique sans

21 pour autant fournir à l'accusation l'opportunité de dire son avis.

22 M. le Président: Oui, Maître Fila ?

23 M. Fila (interprétation): Je ne sais pas si… Mme Somers est peut-être

24 nouvelle dans cette affaire, je ne sais pas si elle a eu l'occasion de

25 lire la déclaration liminaire de Me Niemann. On a parlé de la Grande

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1 Serbie, on a parlé de ce qu'on appelait la Republika Srpska et pour ce que

2 j'ai eu comme opportunité de la part de Me Niemann de protester lors de la

3 présentation de sa déclaration liminaire… Je fournirai autant à Mme Somers

4 l'opportunité de protester pour ce que je viens de prononcer en réponse à

5 M. Niemann. En d'autres termes, je ne lui donnerai pas l'occasion de

6 contester.

7 M. le Président: Peut-être pouvez-vous nous dire… Le temps que l'on a pris

8 pour terminer la traduction… Il faut vraiment parler plus lentement sinon

9 nous avons des problèmes.

10 Mme Somers, voudriez-vous répondre? Vous connaissez la déclaration

11 liminaire de Me Niemann?

12 Vous pouvez répondre à cette question?

13 Mme Somers (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je peux le faire.

14 Les faits historiques et les références historiques donnés concernent

15 l'affaire concrète, mais ce qui est présenté à la Chambre est une espèce

16 d'aperçu historique et ce sont plutôt des experts qui devraient le faire.

17 Je ne voudrais pas gaspiller le temps de la Chambre mais je tenais

18 seulement à présenter une objection s'agissant de cette question. Merci.

19 M. le Président: Je consulte mes collègues.

20 (Les Juges se concertent sur le siège.)

21 Donc Maître Fila, vous pouvez continuer. Si possible, seulement raccourcir

22 un peu, mais vous pouvez continuer dans la ligne que vous avez prise. Donc

23 allez-y. Et si possible, parlez un peu plus lentement à l'intention des

24 interprètes, s'il vous plaît.

25 M. Fila (interprétation): Au cours du recensement, du premier recensement

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1 d'après-guerre, en 1948, la majorité de la population serbe s'est vue

2 confirmer avec 44,3%.

3 Les recensements ultérieurs de la population ont montré qu'il y avait

4 changement, modification de la structure. La majorité serbe se perdait, et

5 vers la moitié de cette période de paix d'après-guerre, en Bosnie-

6 Herzégovine, les Serbes ont définitivement perdu la majorité numérique. Il

7 y a eu plusieurs causes à ces changements: la colonisation de la

8 Vojvodine, avec les Serbes originaires de Bosnie-Herzégovine, les

9 changements dans la structure du pouvoir et les déboires subis par les

10 Serbes sur le territoire de toutes ces régions.

11 En plus de ces changements intervenus, les Serbes ont été envahis par un

12 sens stimulant (le sentiment) d'exposition à des dangers, et du fait des

13 migrations aussi, avec l'adoption de la nouvelle Constitution en 1974, il

14 s'est créé des nouvelles Républiques qui ont entaillé dans la continuité

15 territoriale et ethnique des Serbes.

16 C'est précisément dans cette période de la définition de la République

17 socialiste fédérative de Yougoslavie, d'une façon autre, avant l'adoption

18 de cette constitution de 1974, il s'est constitué une nation musulmane

19 créée par des membres d'un groupe confessionnel.

20 Le fait historique est que bon nombre de ces Musulmans, en tant que

21 membres d'un groupe confessionnel, se prononçaient et se sentaient comme

22 étant des Serbes grâce à un souvenir assez vif de leurs origines serbes,

23 et souvenirs de leurs aïeux qui, à un moment donné, sous l'influence et

24 sous les pressions de l'occupant turc avaient accepté de passer à l'Islam.

25 La mise en place de cette nation musulmane avait été perçue par les Serbes

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1 comme étant la manifestation d'une volonté de diminuer le nombre des

2 Serbes, en sa qualité de décision politique et non pas en tant

3 qu'expression du voeu des membres de cette confession musulmane.

4 En tout état de cause, ceux qui, en 1948, au recensement, se sont

5 prononcés comme étant des Serbes musulmans ou membres de ce groupe

6 confessionnel, ou Musulmans croates, ou encore en tant que membres de

7 cette communauté qui ne s'était pas prononcée sur un plan ethnique du

8 tout, étaient devenus une nouvelle nation musulmane, et en raison de leur

9 échec au cours de la Deuxième Guerre mondiale, du fait d'avoir été perçus

10 comme une population génocidaire, le complexe et l'appréhension ont été

11 encore plus grands chez les Croates.

12 Donc tous ces antagonismes après-guerre devaient être comprimés aux fins

13 que la politique proclamée par Tito et le parti communiste fasse régner

14 une unité et fraternité. Mais au lieu de démocratiser les relations, les

15 autorités ont eu recours à l'oppression, et toute manifestation des

16 différences avait été perçue comme un acte pénal. Ceux qui avaient

17 pratiqué des coutumes religieuses ou confessionnelles avaient été mal vus

18 par les autorités, et cela avait des répercussions au niveau professionnel

19 ou publique.

20 Cet unitarisme s'est élargi aux Républiques, et le pouvoir se combattait

21 en divisant l'opinion publique, en s'assurant le soutien de deux des trois

22 nations en présence, en recourant donc au système "divide et impera". Par

23 la suite, il y a eu perte de confiance entre les membres de ces

24 communautés ethniques.

25 Une fois donc désignés comme étant nationalistes et étant persécutés, les

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1 gens ont commencé à se tourner, les Croates vers Zagreb et les Serbes vers

2 Belgrade, selon leur nationalité ou leur appartenance nationale. Au cours

3 de cette dernière période de paix, de 1945 à 1990, à savoir 55 ans de

4 durée, il n'y a pas eu de conflit entre les peuples constitutifs. Le début

5 des conflits avait été attribué à une partie tierce.

6 Mais cette hypothèse n'est pas exacte. Le processus de désintégration de

7 la RSFY a été commencé par la Slovénie. Là, le départ de la Slovénie s'est

8 accompagné de peu de conflits et de victimes, mais les conflits et les

9 victimes vont se multiplier avec l'indépendance de la Croatie, et

10 notamment de la Bosnie-Herzégovine. Cette République a vécu une tragédie

11 parce qu'elle avait été sous forte pression communiste, qui était

12 multiethnique, à la différence de la Slovénie qui était plus ou moins

13 ethniquement pure. La pression des communistes entre 1945 et 1990 avait

14 été une façon de maintenir la paix entre des peuples, ces peuples ayant

15 des conflits avec des racines profondes dans le passé.

16 On a pu voir en 1990 tout ce qu'il y avait de destructeur et tout ce que

17 ces peuples avaient comme sentiment de mise en péril, et on voit les

18 émotions être suscitées concernant l'avenir.

19 La Slovénie et la Croatie avaient exprimé le souhait de quitter la

20 Yougoslavie et les leaders politiques de la Bosnie-Herzégovine, au niveau

21 des autorités fédérales, disaient que la Bosnie-Herzégovine ne voulait

22 être ni plus ni moins que les autres Républiques. Les Serbes avaient un

23 intérêt réel à maintenir la Yougoslavie car ils vivaient, ils étaient

24 présents dans toutes les autres Républiques alors qu'en Bosnie-Herzégovine

25 ils étaient, en plus, un peuple constitutionnel et constitutif.

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1 Dans une telle atmosphère, une telle ambiance, compte tenu du fait que sur

2 la scène politique de Bosnie-Herzégovine il n'y avait pas eu de thèse qui

3 ait pu remplacer le communisme, on a pu voir aux élections que tout à

4 chacun avait voté pour des partis nationaux. Et chacun de ces peuples

5 avait sa propre vision de l'avenir.

6 Les Serbes voulaient la sauvegarde de la Yougoslavie, les Croates

7 voulaient que la Bosnie-Herzégovine soit adjointe à la Croatie et quitter

8 ensemble la Yougoslavie en situant la frontière sur la Drina. Les

9 Musulmans voulaient que la Bosnie-Herzégovine soit unique, entière et

10 indépendante.

11 Donc ces trois peuplent étant mélangés, très mélangés entre eux, il était

12 difficile de dissocier des enclaves et de créer des entités territoriales

13 sans éviter de graves conflits et victimes. Et à Sarajevo, il y avait des

14 instances du pouvoir, une présidence, un Parlement, un gouvernement qui

15 étaient constitués entre le représentant du SDA, du SDS et du HDZ, à

16 savoir des partis nationaux.

17 Leur activité se situait au niveau technique notamment, mais les décisions

18 importantes étaient prises de façon difficile étant donné qu'il y avait

19 majorisation des uns et des autres, c'est-à-dire des représentants serbes

20 par rapport aux représentants des deux autres groupes ethniques.

21 Au niveau de la présidence, la Constitution ne prévoyait pas de consensus.

22 Etant donné les résultats électoraux, il y avait plus de représentants du

23 SDA et les décisions prises étaient celles du SDA et de Alija Izetbegovic.

24 En redoutant les deux autres, la réalisation de leur vision concernant

25 l'avenir de la Bosnie-Herzégovine des deux autres nations, les Serbes, là

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1 où ils étaient en majorité, ont essayé de relier des territoires autonomes

2 serbes et de refuser l'autorité de Sarajevo.

3 Le Parlement était à chambre unique en Bosnie-Herzégovine, il ouvrait donc

4 la possibilité de la mise en place d'une majorisation des uns par rapport

5 aux autres. Sous la forme d'un conseil chargé de la protection de

6 l'égalité en droit des groupes ethniques, à la demande de 25 députés, on

7 pouvait rejeter toute proposition pour la ramener à une analyse

8 ultérieure, et c'est la seule instance qui décidait par consensus.

9 Mais dans la nuit du 14 au 15 octobre 1991, la délégation musulmane avait

10 proposé la prise d'une décision concernant ou portant proclamation de la

11 souveraineté de la République souveraine de Bosnie-Herzégovine à l'image

12 de la Slovénie et de la Croatie.

13 On a donc clairement vu quelles étaient les intentions du SDA et du HDZ, à

14 savoir la sécession du BIH et la séparation des Serbes de la mère-patrie,

15 ce qui réveillait en eux le souvenir du malheur qu'ils avaient subi par le

16 passé. Les élus du SDS ont agi conformément au pouvoir constitutionnel et

17 25 élus de ce parti ont demandé que cette proposition soit envoyée au

18 conseil de l'égalité interethnique. Les représentants musulmans et croates

19 ont passé outre cette proposition en violant de manière drastique la

20 Constitution.

21 C'est ainsi que chaque tentative pour résoudre les problèmes en Bosnie-

22 Herzégovine de manière légale et démocratique s'est soldée par un échec.

23 Pire encore, les Serbes ont appris ainsi de quelle manière les décisions

24 étaient prises, allaient être prises dans la communauté future.

25 Les Serbes ont abandonné le Parlement et cette décision, la décision la

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1 plus importante de l'histoire d'un Etat, a été prise dans une salle à

2 moitié vide, sans la participation d'un peuple qui faisait partie

3 intégrante de ce pays et sans lequel le pays n'aurait pas existé.

4 Les Serbes ont fondé un Parlement parallèle, ils n'ont pas participé au

5 référendum sur la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, alors que les

6 Musulmans et les Croates ont voté pour la souveraineté. C'est ainsi que

7 les conditions de la reconnaissance internationale posées par la

8 commission Badinter ont été remplies.

9 L'indice de ce qui allait suivre en Bosnie-Herzégovine se trouve dans

10 l'incident qui s'est produit à Sarajevo pendant le référendum, quand on a

11 tiré sur le groupe qui célébrait les noces d'un Serbe et que le père du

12 jeune marié a été tué. Ceci a rendu la situation encore plus difficile,

13 ceci a nécessairement donné suite à une réaction. L'armée essaie

14 d'empêcher des incidents et des patrouilles militaro-policières mixtes

15 sont créées. Mais les incidents se répandent à travers la Bosnie-

16 Herzégovine. Les tentatives d'empêcher la guerre civile imminente est

17 devenue réelle lors des pourparlers à Lisbonne le 18 mars 1992, lorsque

18 les trois leaders nationaux se sont montrés prêts au compromis; ils ont

19 signé un document allant dans ce sens-là. Mais en revenant en Yougoslavie,

20 Alija Izetbegovic a retiré sa signature et la guerre civile éclate.

21 Le territoire de la municipalité de Prijedor a été connu, à l'époque de la

22 domination turque, sous le nom de Knez Polje. Les événements historiques

23 dans cette région sont pratiquement identiques à ceux qui se passaient

24 partout en Bosnie-Herzégovine. Le 31 juillet, les 1er et 2 août 1941, dans

25 la région de Prijedor, les Musulmans, les Oustachis musulmans et croates

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1 locaux ont tué plus de 750 Serbes de Prijedor. Encore 750 autres ont été

2 capturés pendant la nuit, amenés à Prijedor et exécutés.

3 A Prijedor, plus de 400 Serbes, 400 paysans serbes de Kozarac et d'Omarska

4 ont été tués alors qu'environ 10.000 Serbes des régions de Sanski Most,

5 Bosanski Novi, Kljuc et Krupa ont été tués. Au cours de cette période,

6 5.000 Serbes ont été tués et des milliers d'autres ont péri dans des

7 luttes contre l'agresseur. Tous les Juifs, presque, ont également été

8 exécutés à Prijedor.

9 Après 1945, Tito a réglé les comptes avec le nationalisme et une période

10 pacifique s'étant suivie jusqu'à la création du mouvement croate Maspok au

11 cours de cette période, la population serbe de Prijedor faisait partie

12 intégrante de l'Etat de la Yougoslavie.

13 Ceci est confirmé par le fait que lorsque le dernier Premier ministre de

14 la Yougoslavie, Ante Markovic, a créé son parti, il l'a fait de Kosarac,

15 et ce rassemblement a eu lieu le 26 juin 1990, il a été assisté par

16 100.000 habitants de la Krajina, pour la plupart des Serbes, et 5.000

17 Serbes de Prijedor. Le Premier ministre, Ante Markovic, bien sûr était un

18 Croate mais les Serbes l'ont soutenu.

19 De sérieuses confrontations politiques sur la base des critères ethniques

20 ont résulté puisque la population serbe locale demandait que les instances

21 de pouvoir soient restituées sur la base de la structure ethnique

22 réaliste. Puisque les musulmans et les Croates étaient minoritaires sur le

23 plan régional, ils ont uni leurs forces et ils ont commencé à organiser

24 des rassemblements ensemble et à attacher les drapeaux au damier, les

25 drapeaux au croissant.

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1 Chez les Serbes, ceci rappelle des souvenirs de souffrances massives,

2 personnelles et familières infligées par les pères de ces mêmes voisins

3 croates et musulmans. Il était notable que les Musulmans plus âgés

4 quittaient Prijedor alors que les personnes jeunes, les hommes en âge de

5 combattre et les représentants du SDA restaient, ce qui alarmait les

6 Serbes. La présidence du BIH a pris la décision sans les représentants des

7 Serbes concernant la mobilisation de la défense territoriale et de la

8 protection civile.

9 Quelques jours plus tard, le 6 avril 1992, la communauté internationale a

10 reconnu la souveraineté et l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Le

11 ministère de l'Intérieur et de la Défense du BIH a envoyé un ordre sur le

12 blocus et l'attaque contre les unités militaires. Elle a envoyé cet ordre

13 aux instances de pouvoir de Prijedor.

14 Le 29 avril 1992, les élus serbes de la municipalité de Prijedor pendant

15 la nuit ont pris le contrôle de la part des élus du SDA et du président de

16 la municipalité, Cehajic, et c'est ainsi qu'ils ont empêché la réalisation

17 de l'ordre du MUP en BIH . Les premiers jours de mai, les membres armés du

18 SDA et du HDZ ont pris le contrôle du poste de sécurité publique à

19 Ljubija. A Kozarac a été créée une unité militaire constituée de 3.500

20 Musulmans.

21 Le 19 mai, les Musulmans ont posé des troncs d'arbres pour bloquer la

22 route d'une longueur d'environ 10 kilomètres entre Prijedor et Banja Luka.

23 Le 22 mai 1992, dans le village musulman de Hambarine, pas loin de

24 Prijedor, une patrouille militaro-policière envoyée vers Ljubija a été

25 attaquée à coups de feu, d'armes automatiques dans une embuscade et deux

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1 soldats serbes sont morts pendant cet incident.

2 Pendant les conflits à Kozarac, dans la ville de Prijedor, tôt dans la

3 matinée le 24 ou 25 mai, un groupe important de Musulmans armés ont fait

4 irruption dans la ville afin de prendre le contrôle de la ville avec le

5 soutien de la population musulmane locale. Dans les combats de la rue, les

6 insurgés ont subi une défaite écrasante et, du côté serbe, 16 soldats sont

7 morts. Il est clair que cette attaque a été planifiée avec beaucoup de

8 détails, il y a eu beaucoup de morts parmi les civils.

9 La guerre civile a éclaté, avec la guerre civile, qui allait avoir des

10 séquelles fatidiques pour les trois peuples.

11 Malheureusement ce Tribunal se penche depuis des années sur ces conflits

12 et sur les individus qui s'y sont retrouvés contre leur gré. Parmi eux

13 figure également Mlado Radic dont la vie a changé pendant cette époque

14 malheureuse, et qui est devenu une des victimes de cette guerre.

15 Qui était Mlado Radic? Il est né en 1952 à Lamovita, près de Prijedor, de

16 père Rade et Majka Zorka. Il avait 9 frères et sœurs. Il s'agit d'une

17 famille patriarcale active dans le domaine agricole dans laquelle on

18 respecte les coutumes et la tradition de la région dans laquelle ils

19 vivent. C'est ainsi que le père de l'accusé Radic était une autorité pour

20 la famille. Les membres de la famille ont gardé un lien étroit entre eux

21 et un lien avec leur région, leurs coutumes et leur famille.

22 L'accusé Radic a terminé son école primaire et, pendant qu'il allait à

23 l'école, pendant qu'il était âgé de 7 à 8 ans, il travaillait déjà auprès

24 d'autres familles. La situation financière de ses parents était très

25 modeste, c'est pour cela qu'il a terminé seulement l'école primaire et

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1 qu'il n'a pas pu poursuivre ses études. Il a travaillé comme ouvrier et,

2 après avoir terminé un stage d'une durée de six mois, il a commencé à

3 travailler en tant que policier le 1er décembre 1972.

4 Il était un simple policier à Ljubija et, à partir du 17 juin 1992, il

5 était à nouveau un policier de base donc du niveau le plus bas dans le

6 département du poste de police d'Omarska. En 1993, il a été déployé pour

7 s'acquitter des mêmes tâches dans le poste de police de Prijedor 2, situé

8 à Prijedor.

9 Le 1er septembre 1994, il a été déployé aux tâches du chef d'équipe dans

10 le département du poste de police d'Omarska auprès du centre de sécurité

11 publique de Prijedor. Le 20 octobre 1995, il a reçu un grade, celui

12 d'adjudant-chef. Le 1e novembre 1996, son emploi de policier a pris fin.

13 Au cours de sa carrière de 24 ans, Mlado Radic était un simple policier et

14 il s'acquittait des tâches d'îlotier, c'est-à-dire la personne qui était

15 chargée du maintien de l'ordre public et de la paix dans la rue, de la

16 sécurisation des installations et des personnes, et du contrôle de la

17 circulation routière.

18 Tout au long de sa carrière, Mlado Radic n'a jamais eu recours à la force

19 afin de résoudre un conflit. Pendant qu'il exerçait son métier, Mlado

20 Radic se rendait sur le terrain, il a rencontré un grand nombre de

21 personnes appartenant à tous les groupes ethniques, et il a établi des

22 rapports d'amitié avec beaucoup d'entre eux. Il se rendait afin d'assister

23 à toutes les fêtes religieuses, parfois il est devenu témoin de mariage

24 avec un certain nombre d'entre eux. Il est important de noter que, dans le

25 milieu dans lequel vivait Mlado Radic, il était rare de voir ce genre de

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1 rapports établis entre les membres des groupes ethniques différents.

2 Mlado Radic est marié, avec trois fils, son fils ainé Drazenko travaille

3 dans la police, et c'est le seul membre de la famille qui a des revenus en

4 ce moment. Les rapports dans sa famille suivent le modèle de la famille

5 dont il est issu lui-même, c'est-à-dire une approche patriarcale, à une

6 différence près, c'est-à-dire que l'épouse n'a pas un rôle subordonné. Les

7 rapports dans la famille se basent sur la confiance, le respect et la

8 compréhension et Mlado Radic constitue une autorité pour ses fils, une

9 autorité qu'ils respectent à tout point de vue.

10 En ce qui concerne les événements de Prijedor, la prise de contrôle de la

11 part des Serbes et la création du centre d'instruction d'Omarska, au cours

12 de cette période-là Mlado Radic s'est retrouvé avec le rôle de policier au

13 département du poste de police d'Omarska.

14 Il a appris que le centre d'instruction a été créé afin de mener des

15 enquêtes et que ses tâches allaient continuer à être pratiquement les

16 mêmes qu'avant. La seule différence était qu'il était déployé au centre

17 d'instruction nouvellement créé, avec la tâche d'assurer la sécurité de

18 l'installation et des personnes.

19 Dans cette situation, il ne demandait pas des réponses à la question de

20 savoir pour quelle raison le centre d'instruction a été créé et il ne

21 montrait aucune curiosité par rapport au travail et au fonctionnement du

22 centre d'instruction. Tout simplement, il a accepté son obligation de

23 travail en tant qu'une partie de ses devoirs imposés par son métier.

24 M. le Président: Madame Somers?

25 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je répète les excuses

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1 que j'ai déjà présentées tout à l'heure.

2 Ce qui se passe ici, c'est que nous entendons une lecture qui est faite de

3 certaines parties des rapports des experts, ce qui n'est pas conforme au

4 Règlement du Tribunal. Je dois donc présenter une objection.

5 M. le Président: Je crois que la pertinence de ce que le conseil vient de

6 dire n'est pas contestable. Comme vous savez, nous avons établi un temps

7 pour le conseil, et le conseil va l'utiliser.

8 Cela signifie donc que ce que Me Fila est en train de dire, qu'il

9 témoigne, c'est sa déclaration liminaire. Donc continuez, Maître Fila.

10 M. Fila (interprétation): Son déploiement dans le centre d'instruction

11 d'Omarska et son obligation d'assurer la sécurité, de monter la garde, il

12 les a acceptés comme quelque chose qui lui a été ordonné par ses

13 supérieurs, compte tenu de la hiérarchie et de la subordination dans la

14 police.

15 Le centre d'instruction d'Omarska a été formé sur la base de l'ordre du

16 chef du poste de sécurité publique de Prijedor du 31 mai 1992. Le document

17 de cette date a été signé par Simo Drljaca, numéro de référence 111220 du

18 31 mai 1992; ce document indique le véritable rôle que l'accusé pouvait

19 avoir dans les événements de Prijedor et dans les alentours au milieu de

20 l'année 1992. Ce document, qui a été versé au dossier devant ce Tribunal,

21 montre qui a donné l'ordre de créer le centre, pourquoi, et quelle était

22 l'organisation des travaux.

23 Donc, Omarska devient un centre de rassemblement provisoire pour les

24 personnes capturées au cours des combats ou privées de leur liberté sur la

25 base des informations opérationnelles recueillies par les services de

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1 sécurité. L'ensemble du travail et la sélection des personnes arrêtées

2 sont poursuivis par un groupe mixte des enquêteurs de la sécurité

3 nationale publique et militaire, au point 3, alors que dans ce document on

4 nomme précisément les personnes responsables pour ces travaux.

5 Dans le point 4 de ce document, on stipule qu'il est obligé que ces

6 personnes soient engagées en permanence 24 heures sur 24 et que les

7 enquêteurs doivent résider sans arrêt dans le lieu de rassemblement.

8 Dans le point 5 de ce document, il est décidé quel sera le sort réservé

9 aux personnes en détention provisoire, et il est clairement indiqué que

10 les enquêteurs en sont responsables, conformément à ce qui est stipulé

11 dans les points 4 et 5 de ce document.

12 La chaîne de commandement est définie dans le point 11, où il est stipulé

13 que l'obligation du coordinateur des services de sécurité est d'envoyer

14 des rapports sur le travail tous les jours et parfois, selon les besoins,

15 immédiatement.

16 Le contrôle de la mise en oeuvre de l'ordre prévu dans ce document est

17 confié à certaines personnes, conformément au point 17 de ce document.

18 Ce document du 31 mai 1992 est extrêmement important pour établir quel

19 était le rôle de l'accusé Radic dans le centre d'instruction d'Omarska.

20 Dans le point 6 du document, il est question du service de sécurité du

21 centre de rassemblement qui est confié au département du poste de police

22 d'Omarska.

23 Donc, l'ordre créant le centre est clair et constitue une distinction

24 claire et évidente entre les personnes qui organisent, mènent les

25 enquêtes, sélectionnent, en bref décident du sort des personnes en

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1 détention provisoire, alors que d'autre part ils définissent le rôle des

2 policiers qui ont reçu l'ordre en tant que policiers du département du

3 poste de police d'Omarska d'assurer la sécurité du centre de rassemblement

4 dans le cadre de leurs activités.

5 Mis à part cela, d'autre devoirs, droits et obligations n'ont pas été

6 prévus par le document et n'ont pas eu lieu dans la réalité non plus.

7 Les personnes compétentes et professionnelles, les enquêteurs de la

8 sécurité publique nationale et militaire géraient le centre et les

9 policiers, conformément à leur poste de travail et à leur niveau de

10 qualification, assuraient la sécurité sans aucune possibilité d'influencer

11 les activités essentielles du centre.

12 Toutes les allégations du Procureur selon lesquelles Mlado Radic est

13 décrit en tant que personne détenant un poste d'autorité ou de

14 responsabilité supérieure qui, je cite: "A participé aux mauvais

15 traitements infligés aux détenus des camps de détention de la municipalité

16 de Prijedor", sont arbitraires, inexactes et illogiques.

17 Accuser un policier de village qui montait la garde dans le centre de

18 rassemblement, l'accuser du nettoyage ethnique de la municipalité de

19 Prijedor et établir son rôle de policier dans la création de la stratégie

20 d'Etat serbe sur le territoire de Bosnie-Herzégovine n'est pas du tout

21 fondé et frôle l'absurde.

22 Le principe du procès équitable et de la justice ne sera pas satisfait et

23 risque d'être sérieusement compromis si ce Bureau du Procureur maintient

24 son allégation selon laquelle Mlado Radic serait responsable, tout

25 simplement parce qu'il est à la disposition du Tribunal. Le Bureau du

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1 Procureur ne devrait pas opter pour la facilité et renoncer à la

2 possibilité de poursuivre de vrais coupables. Le fait de rendre coupable

3 un homme qui, effectivement, se trouvait à Omarska, mais contre son gré et

4 simplement par crainte pour sa propre famille, est inacceptable.

5 Le document mentionné définit clairement la nature du centre d'instruction

6 créé dans le village d'Omarska. Ce document indique également, sans aucun

7 doute, quelles étaient les personnes qui ont donné les ordres de création

8 du centre d'instruction, qui ont formé et qui ont procédé à la

9 distribution des tâches dans le centre.

10 Ce document définit également le rôle du département du poste de police

11 d'Omarska et des policiers qui y travaillaient. Ce document indique que le

12 caractère provisoire du centre d'instruction, dans l'existence, est lié

13 aux enquêtes menées en continu. A la fin des enquêtes, le centre

14 d'instruction s'éteint, lui aussi. C'est pour cela qu'il est mal placé de

15 l'appeler centre de détention ou centre de concentration. Il faut se

16 pencher sur la définition des camps de concentration pour voir qu'il

17 s'agit d'autre chose.

18 Cependant, ce document va plus loin encore: il clarifie également qui

19 n'est pas coupable et indique, de manière précise, quelles personnes

20 avaient des pouvoirs réels dans le cadre du centre d'instruction. Il

21 clarifie également le rôle de l'accusé Radic et il est clairement indiqué

22 que son rôle se résume à la sécurité.

23 Il est donc également clarifié qu'il s'agit d'une manipulation par le

24 biais de laquelle on essaie de faire croire que Keraterm, Omarska et

25 Trnpolje constituaient des systèmes, des camps de la mort tels

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1 qu'Auschwitz, Maïdanek ou Treblinka .

2 Point 6: Article 1 du Statut du Tribunal. La défense de Mlado Radic, dans

3 sa requête relative au vice de forme de l'Acte d'accusation, a indiqué en

4 détail et expliqué pourquoi elle considère qu'il n'y a pas de raison de

5 juger l'accusé en tant que personne ayant commis des violations graves du

6 droit humanitaire international en vertu de l'Article 1 du Statut de ce

7 Tribunal. La défense maintient entièrement cette position, sans vouloir

8 répéter ce qui a déjà été indiqué.

9 En ce qui concerne les Articles 3 et 5 du Statut du Tribunal, la défense

10 considère qu'il n'est pas possible d'opposer des objections sérieuses à

11 l'égard des raisons du Procureur concernant l'application des Articles 3

12 et 5 du Statut du Tribunal, surtout à la lumière de la décision de la

13 Chambre d'appel dans l'affaire Tadic et surtout à la lumière de l'attitude

14 de cette Chambre de première instance exprimée dans la décision concernant

15 la requête relative au vice de forme de l'Acte d'accusation en date du 12

16 avril 1999.

17 La défense souhaite souligner, encore une fois, qu'elle n'est pas d'accord

18 avec ces arguments-là mais compte tenu du principe, cet arrêt décisif, ne

19 souhaite plus se lancer dans des débats à ce sujet-là.

20 Sur la base des moyens de preuves présentés contre Mlado Radic, il est

21 possible de voir que l'un des préalables clés pour appliquer l'Article 5

22 du Statut -c'est-à-dire la gravité, le caractère systématique et répandu-

23 n'a pas été rempli.

24 Une question à part est celle du conflit armé sur le territoire de la

25 municipalité de Prijedor pendant la période importante pour l'Acte

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1 d'accusation. Il est important de noter que le conflit armé n'a duré que 2

2 jours et, au moment des faits mentionnés dans l'Acte d'accusation, ce

3 conflit armé était déjà largement terminé.

4 C'est ainsi que le fondement de l'application de l'Article 3 du Statut

5 n'existe plus. La défense ne conteste pas les prémices juridiques établis

6 afin d'appliquer cet Article conformément à la pratique de ce Tribunal,

7 mais simplement la défense souligne que, dans le cas précis, les faits sur

8 lesquels cette approche juridique pourrait être appliquée n'existent pas.

9 Point 8: La responsabilité en vertu de l'Article 7 du Tribunal.

10 Au cours du procès, jusqu'à présent, nous avons entendu des affirmations

11 différentes concernant Mlado Radic dans le souhait de représenter, de

12 présenter l'accusé Radic en tant que personne qui était responsable pour

13 les événements de Prijedor et dans le camp d'Omarska au cours de l'été

14 1992.

15 Dans la déclaration liminaire du Procureur Niemann et dans les mémoires

16 préalables au procès, le Procureur a traité de cette question en détail.

17 La défense souhaite maintenant traiter de la théorie de la responsabilité

18 hiérarchique en vertu de l'Article 7-3 du Statut.

19 La défense de l'accusé Radic considère qu'il n'est pas possible de parler

20 de la responsabilité hiérarchique sauf si les éléments suivants sont

21 prouvés:

22 1/ Le statut de l'accusé en tant que commandant ou civil qui a violé le

23 droit humanitaire international, et qui détient le pouvoir qui correspond

24 au commandement militaire ou, dans le cas précis, policier.

25 2/ Que le droit international humanitaire a été effectivement violé.

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1 3/ Qu'il était le commandant ou qu'il était au courant du fait que le

2 droit humanitaire international ait été violé ou bien qu'il disposait des

3 informations sur la base desquelles il aurait pu conclure que ce droit

4 avait été violé.

5 4/ Qu'en sa qualité de supérieur, il a omis de prendre des mesures

6 raisonnables afin de contenir les violations du droit humanitaire

7 international en menant des enquêtes, en sanctionnant des auteurs de

8 crime, ou en prenant des mesures afin d'empêcher de nouvelles violations à

9 l'avenir.

10 5/ Que les omissions du commandant ou bien de la personne ayant des

11 attributions du commandant constituent la cause des violations graves du

12 droit humanitaire international qui ont réellement été commises.

13 La défense souligne également que le poste de commandement est un

14 préalable pour appliquer le principe de la responsabilité hiérarchique.

15 La défense souligne que le facteur qui influence la responsabilité

16 hiérarchique est tout d'abord le fait de réellement posséder le pouvoir et

17 le contrôle des actions du subordonné.

18 Le présumé commandant ne peut pas être tenu pour responsable sur le plan

19 personnel de ne pas avoir empêché l'exécution d'un ordre illégal mis en

20 oeuvre par ses subordonnés, à moins que les conditions mentionnées tout à

21 l'heure ne soient remplies. Ces conditions sont posées de manière

22 cumulative et, en ce qui concerne l'accusé Mlado Radic, n'ont pas du tout

23 été remplies.

24 L'accusé Mlado Radic n'exerçait aucune fonction dans le centre

25 d'instruction d'Omarska, qu'il s'agisse de fonction de facto ou des jurés.

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1 Les allégations du Procureur que l'on trouve en page 64 de son propos

2 liminaire, selon lesquelles l'accusé Radic faisait la loi dans le camp

3 d'Omarska, sont sans fondement. Grâce à des témoins, la défense de

4 l'accusé Radic a déjà démontré que Radic n'a été placé au poste de chef

5 d'équipe dans le département de police d'Omarska qu'en 1994. Il est

6 impossible d'affirmer que Radic était déjà chef d'équipe car pourquoi,

7 dans ce cas, y aurait-il eu une décision officielle que l'on trouve dans

8 les éléments de preuve présentés à ce Tribunal, pourquoi y aurait-il donc

9 eu un nouveau document de ce genre pour le placer à ce poste? Le

10 commandant Meakic n'avait pas compétence pour placer à un poste de travail

11 déterminé un de ses subordonnés, il n'avait pas non plus le pouvoir de lui

12 enlever son travail ou de le faire bénéficier d'une promotion. Il ne

13 pouvait le faire pour personne, et pas davantage pour Radic. Le centre

14 d'enquêtes, à ce moment-là, était contrôlé par Simo Drljaca et des hommes

15 de la cellule de crise. La défense va prouver qu'il est impossible de

16 parler de commandement de facto pour le commandement d'une équipe par

17 Mlado Radic qui n'était qu'un simple gardien, un policier qui effectuait

18 des rondes dans les postes de police de Ljubija et d'Omarska. Sa

19 responsabilité en tant que gardien et en tant que membre d'une patrouille

20 policière, il l'a accomplie à Omarska.

21 Pour la défense, il est tout à fait normal et naturel que le commandant

22 Meakic, lorsque l'organisation de la sécurité du centre d'enquêtes l'a

23 exigé, ait placé l'accusé Radic à un tel poste en dehors et y compris,

24 donc, à un poste de permanence ou à un poste qui lui permettait de se

25 servir des appareils de transmission, téléphones et postes de radio, à

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1 l'époque où il travaillait. Ce fait, dont la défense affirme qu'il

2 s'agissait d'une fonction exceptionnelle et temporaire et que l'accusation

3 souhaite présenter comme un poste de chef d'équipe et donc comme une

4 fonction de commandement qui entraînait par elle-même la responsabilité

5 hiérarchique en application de l'Article 7-3 du Statut du Tribunal, est

6 une conséquence logique de la situation qui régnait parmi les gardiens qui

7 assuraient la sécurité du centre d'enquêtes à ce moment-là. En effet,

8 l'accusé Radic était le plus expérimenté, le plus professionnel de ces

9 hommes, le plus âgé également; il était le seul qui savait comment faire

10 fonctionner un émetteur radio pendant ses heures de travail. La défense a

11 évoqué à plusieurs reprises un document qui montre que c'est un ordre de

12 Simo Drljaca qui a créé le centre d'enquêtes.

13 La défense va présenter à nouveau ce document et démontrer que c'est ce

14 document qui a établi la structure de ce centre d'enquêtes et les

15 différentes instances engagées dans son fonctionnement. L'armée assurait

16 la sécurité à l'extérieur du centre d'enquêtes, à quelques kilomètres de

17 son entrée.

18 Et il convient de tenir compte du fait que des forces spéciales venant de

19 Banja Luka étaient également impliquées dans cette sécurisation

20 extérieure. Dans un de ces rapports Simo Drljaca admet d'ailleurs que ses

21 hommes ne dépendaient pas de lui, qu'ils frappaient et volaient et qu'il y

22 avait la sécurité de la mine qui assurait la sécurité à l'entrée. Il

23 s'agissait par ailleurs de la présence d'une douzaine de soldats, qui

24 n'étaient pas sous le commandement de Mejakic et qui avaient un

25 commandement, une hiérarchie spéciale. C'est seulement ensuite que nous

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1 pouvons parler des policiers du département de police d'Omarska, qui

2 d'ailleurs englobait un grand nombre de réservistes. Ces réservistes

3 étaient des hommes qui ne connaissaient pas les policiers d'active, qui ne

4 connaissaient pas non plus les procédures policières applicables et qui

5 avaient rejoint les rangs de la police au dernier moment, pour éviter

6 d'être envoyés sur le front. C'étaient des hommes qui avaient tendance à

7 agir de leur propre gré, qui n'étaient pas habitués à l'obéissance, qui

8 manquaient donc de discipline et qui n'assumaient pas la responsabilité

9 des actes qu'ils commettaient.

10 Le chaos caractérisant la guerre dans cet été 1992 a envahi toute la

11 Bosnie-Herzégovine, et en particulier la région de la municipalité de

12 Prijedor. L'état d'anarchie, d'absence de lois et d'arbitraires de toutes

13 sortes qui existait dans le cadre de cette situation a affecté le centre

14 d'enquêtes également. Les lignes de subordination ou la chaîne de

15 commandement n'avaient pas été établies de façon très claire. Une

16 structure de commandement ferme n'existait ni sur le plan civil, ni sur le

17 plan militaire. La structure supérieure de commandement a contribué à cet

18 état de chaos et d'anarchie et vous avez déjà entendu un certain nombre de

19 victimes déclarer que tout le monde faisait ce qui lui plaisait, que

20 personne n'était responsable de ses actes vis-à-vis de quiconque et que le

21 chaos le plus général régnait. La situation dans le centre d'enquêtes

22 d'Omarska était l'expression de cette anarchie qui s'est répandue dans

23 toute la Bosnie-Herzégovine. Mlado Radic, très simplement, est allé au

24 travail un jour et a reçu l'ordre de rejoindre le centre d'enquêtes au

25 lieu d'aller à l'endroit où il allait d'habitude. On lui a dit qu'il

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1 fallait aller à Omarska en tant que policier d'active et qu'il y

2 travaillerait uniquement quelques jours, de façon temporaire, et

3 qu'ensuite il pourrait retourner à ses devoirs habituels de policier. Ce

4 caractère temporaire de son activité et l'anarchie qui régnait un peu

5 partout expliquent pourquoi aucune structure n'a été réellement établie à

6 l'intérieur du centre, aucune structure ferme, solide. Cela explique

7 pourquoi les chefs d'équipe et leurs adjoints n'ont pas été affectés à

8 leur poste de façon officielle et cela explique pourquoi l'organisation a

9 été reprise par le département de police.

10 Pendant la durée d'existence du centre d'enquêtes d'Omarska, Radic n'a pas

11 cessé de parler de l'aspect temporaire de son rôle. C'est Mejakic qui

12 l'avait donc affecté à sa place de façon temporaire et qui le renverrait

13 au poste de police un peu plus tard. La défense démontrera que Mlado Radic

14 était un gardien, un simple gardien que Mejakic, le commandant, affectait

15 de temps en temps à une permanence. La Chambre de première instance a déjà

16 eu l'occasion de voir la cassette vidéo où l'accusé Radic est montré à son

17 poste de garde dans une partie du bâtiment administratif avec un fusil à

18 l'épaule.

19 Nous avons également, lors des propos liminaires du Procureur en page 23

20 et 24, entendu le Procureur parler des enquêteurs présents dans le centre

21 d'enquêtes. Il s'agissait d'enquêteurs venant de Prijedor et Banja Luka

22 ainsi que des instances d'enquêtes militaires.

23 C'est eux qui décidaient de l'avenir des prisonniers c'est sur leur ordre

24 que ces prisonniers étaient amenés au centre, installés dans telle ou

25 telle pièce, qu'ils étaient interrogés et que s'accomplissait leur

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1 traitement ultérieur. La défense montrera au-delà de tout doute

2 raisonnable que Mlado Radic n'avait rien eu à voir avec tout cela car il

3 était simple policier dans une police de village et que c'est à contrecœur

4 et temporairement qu'il a travaillé au centre d'enquêtes, en attendant

5 tout le temps d'être renvoyé à ses tâches habituelles.

6 Tout le temps où Omarska a existé, Mlado Radic a continué à faire ce qu'il

7 faisait avant la guerre, c'est-à-dire à être un policier qui faisait des

8 patrouilles et qui était responsable de la sécurité du centre d'enquêtes.

9 La défense souhaite souligner que le Procureur n'a pas présenté, ne

10 serait-ce que deux témoins qui ont permis de l'identifier sans ambiguïté

11 afin de confirmer le fait que l'accusé Radic a lui-même accompli un acte

12 criminel quelconque dans le centre d'enquêtes. Au contraire la défense

13 prouvera que Radic a sauvé la vie de trente-cinq personnes, au moins

14 trente provenant de Ljubija, et que c'est par son autorité personnelle

15 qu'il a accompli cet acte, par ses qualités d'homme, en demandant que cela

16 soit accompli et pas en donnant des ordres car Mlado Radic ne pouvait tout

17 simplement pas donner d'ordres, quelle que soit la nature de ces ordres.

18 Quand nous parlerons de l'autorité de Mlado Radic, nous parlerons de ses

19 capacités en tant qu'homme, donc de son autorité personnelle.

20 Dans son propos liminaire en page 17, le Procureur accuse Radic d'être

21 responsable des conditions qui prévalaient au centre d'enquêtes. M.

22 Niemann affirme en particulier qu'il avait un rôle à jouer dans le fait

23 que l'eau était impropre à la consommation et que pas mal d'hommes sont

24 tombés malades de ce fait. La défense démontrera que s'agissant des

25 conditions d'hébergement, de l'alimentation et de l'eau, Mlado Radic

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1 n'avait rien à voir avec tout cela. Il n'avait aucun pouvoir pour influer

2 sur la situation dans laquelle se trouvaient les détenus. La seule chose

3 qu'il pouvait faire et qu'il a faite c'était d'apporter de la nourriture,

4 des articles sanitaires, une lettre ou de l'argent à quelques-uns des

5 détenus en secret et au risque de sa vie. Comme je l'ai dit, il apportait

6 de la nourriture quand il pouvait le faire, il mettait en cause ce faisant

7 la sécurité de sa famille et sa sécurité personnelle.

8 L'eau que buvait les détenus était l'eau provenant du système d'adduction

9 d'eau. C'était la même eau qui était utilisée par tout le monde, la même

10 eau qui était utilisée avant la guerre, pendant la guerre, et continuait à

11 être utilisée après la guerre.

12 Radic ne pouvait pas décider si les détenus recevraient des visites ou

13 pas, cela ne dépendait pas de lui. A la porte, il y avait d'autres

14 personnes et cette porte, ce portail d'entrée se trouvait à plusieurs

15 kilomètres de là. Il est important de dire qu'à plusieurs reprises au

16 cours du procès, des gens ont dit que l'équipe de Krkan était la pire.

17 Mais qu'est-ce que cela signifie? Est-ce que le Procureur entend par là,

18 par certains de ces témoins, que Mlado Radic ait frappé quelqu'un ou

19 ordonné que quelqu'un soit frappé? Est-ce que cela signifie que Mlado

20 Radic ait tué quelqu'un ou ordonné que quelqu'un soit tué, ou est-ce qu'il

21 n'était ne serait-ce que présent pendant que quelqu'un a été tué?

22 Lorsque le Procureur présente des témoins qui parlent de l'équipe de

23 Krkan, ces témoins disent ce qu'ils disent parce qu'ils connaissaient

24 Krkan. Et regardez bien les comptes rendus d'audience, ils disent qu'ils

25 ne connaissaient que 3 hommes dans les hommes de son équipe: Paspalj,

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1 Predojevic et Popovic.

2 C'est Mejakic qui déterminait qui ferait partie de telle ou telle équipe,

3 et cette règle a continué à s'appliquer jusqu'à la fin. Le Procureur n'a

4 pas réussi à prouver, en amenant ne serait-ce que deux témoins à la barre

5 qui disent la même chose sur ce point ou qui identifient le même homme en

6 rapport avec ce point.

7 Mais passons maintenant à un autre sujet: le droit applicable.

8 La défense souhaite affirmer et présenter son point de vue quant au

9 caractère juridique de la responsabilité hiérarchique. Pour qu'un

10 commandant policier ou militaire, ou une autre personne ayant une

11 supériorité hiérarchique, puisse être considéré comme responsable sur le

12 plan pénal, il faut qu'il existe une norme du droit international

13 coutumier qui prévoit cette responsabilité.

14 La défense affirme que, dans la période pertinente de l'Acte d'accusation,

15 la responsabilité hiérarchique n'existait pas en tant qu'élément du droit

16 pénal. Après les procès des criminels de guerre de la Deuxième Guerre

17 mondiale, aucun Tribunal n'a appliqué la disposition prévoyant la

18 responsabilité hiérarchique dans le cadre du droit pénal. Aucun Etat n'a

19 intégré ce droit dans son droit pénal non plus.

20 De nombreux théoriciens affirment que le droit international coutumier

21 prévoit que lorsqu'une disposition légale n'est appliquée ou exécutée par

22 aucun Etat pendant une période prolongée, cette disposition légale ou

23 juridique cesse d'exister en tant que disposition applicable du droit

24 coutumier international. L'Article 38 du Statut du Tribunal international…

25 Le droit international coutumier se définit comme la pratique généralement

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1 acceptée en tant que droit. Ceci signifie qu'une pratique doit être

2 générale et durable pour pouvoir être prise en compte.

3 Le fait qu'après les procès de Nuremberg et de Tokyo, aucun Etat n'ait

4 accompli un seul acte manifestant qu'il respectait ou mettait en œuvre le

5 droit international relatif à la responsabilité hiérarchique dans le cadre

6 du droit pénal, prouve que malgré le fait qu'un grand nombre de conflits

7 armés aient eu lieu dans l'intervalle, donc depuis la Deuxième Guerre

8 mondiale, et que des crimes de guerre aient été commis, malgré cela aucun

9 tribunal n'a appliqué la responsabilité hiérarchique dans son droit pénal.

10 Cela prouve quelque chose. La pratique, la jurisprudence du Tribunal pénal

11 international dans les affaires Delalic, Blaskic et autres, montre qu'il

12 s'est appuyé sur le droit militaire des Etats-Unis et les manuels

13 militaires britanniques régissant les opérations militaires sur le

14 terrain.

15 Cependant, les manuels militaires susmentionnés ne prouvent pas que des

16 Etats aient appliqué la responsabilité hiérarchique dans le cadre du droit

17 pénal appliqué par leurs tribunaux sur le plan opérationnel. Ces manuels

18 théoriques montrent que les différents Etats n'ont pas appliqué cette

19 norme du droit dans le code pénal applicable par leurs tribunaux.

20 Le capitaine Ernest Medina, par exemple, n'a pas été jugé pour le massacre

21 de My Lai, dû à ses subordonnés, par application de la responsabilité

22 hiérarchique, mais par application des textes américains et anglais sur

23 les opérations militaires sur le terrain et par application du code

24 militaire de la justice qui ne prévoit pas la responsabilité hiérarchique.

25 La même chose peut être dite des articles 86 et 87 du protocole

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1 additionnel 1 aux Conventions de Genève de 1949. Ces dispositions légales,

2 même après la ratification des protocoles, ne prévoient pas en tant que

3 telle une responsabilité pénale liée à la responsabilité hiérarchique. Ce

4 lien n'existe qu'au niveau des sanctions disciplinaires. Les normes

5 présentes dans le protocole ont été rendues plus opérationnelles par les

6 manuels qui régissent la conduite des opérations militaires en temps de

7 guerre.

8 Je dis cela car je souhaite montrer qu'il existe une variété très grande

9 d'interprétations de la théorie juridique en ce qui concerne la

10 responsabilité hiérarchique et qu'en même temps, on dit s'attendre de

11 Mlado Radic, simple policier en 1992 pendant 2 mois et demi de service en

12 tant que gardien, d'être au courant de tous les détails des normes du

13 droit international humanitaire pour les appliquer.

14 J'en arrive maintenant à la dernière partie de mon propos liminaire, à

15 savoir le mens rea, c'est-à-dire l'intention délictueuse.

16 La défense souhaite traiter de l'existence de ce mens rea en tant

17 qu'appliqué dans l'Article 7-3 du Statut, où nous lisons: "Tel ou tel

18 homme savait ou avait des raisons de savoir". La défense souligne que

19 l'Article 7-3, cette formulation donc "savait ou avait des raisons des

20 savoir", crée une ambiguïté que l'on trouve également dans le protocole

21 additionnel n°1, dans lequel il est souligné qu'un commandant devait

22 posséder une information sur la base de laquelle il pouvait conclure que

23 ses subordonnés avaient enfreint le droit de la guerre.

24 Les normes établies par le protocole additionnel semblent être plus

25 acceptables aux yeux de la défense que ce que prévoit le Statut du

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1 Tribunal. Par conséquent, la défense affirme que l'Article 7-3 doit être

2 interprété comme signifiant qu'un commandant est considéré comme ayant des

3 raisons de savoir ou comme sachant, lorsqu'il détient des informations qui

4 lui permettent de conclure que le droit coutumier international a été

5 enfreint.

6 En outre, la défense estime que l'on doit également tenir compte de la

7 nature et de l'importance de cette connaissance du supérieur pour

8 déterminer s'il a vraiment su ou eu des connaissances de savoir, c'est-à-

9 dire s'il a, en tant que commandant, effectivement incité à la commission

10 de l'acte criminel pendant la période pertinente et s'il a donc couvert un

11 tel acte, incité à la commission de cet acte, aidé à la commission de cet

12 acte ou coopéré à la commission de cet acte.

13 La défense estime que les allégations du Procureur s'agissant de l'accusé

14 Radic, c'est-à-dire le simple fait d'avoir fait partie de la police et

15 d'avoir été un gardien, ne suffit pas pour prouver que ces infractions ont

16 été commises.

17 Il n'est possible de parler de culpabilité que si les conditions

18 permettant à l'intention délictueuse d'exister sont remplies; c'est-à-dire

19 qu'il faut avoir conscience de l'acte commis, il faut y avoir participé,

20 il faut également avoir eu conscience du fait que l'on a pu planifier,

21 inciter, ordonner ou aider d'une autre manière à la commission de cet

22 acte.

23 En outre, la défense insiste sur le fait que le Procureur n'a pas réussi à

24 prouver, au-delà de tout doute raisonnable, que l'accusé Radic ait exécuté

25 un quelconque acte dans ce sens. La défense estime que pour prouver la

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1 culpabilité de l'accusé, en application de l'Article 7-1 du Statut, il

2 faut prouver qu'il a eu une intention précise d'accomplir un acte qui

3 aurait facilité l'exécution de l'acte criminel. Il faut qu'il y ait preuve

4 également de l'existence d'une relation de cause à effet entre l'acte

5 criminel accompli et le rôle joué par l'accusé.

6 Aucune de ces preuves n'a été présentée contre l'accusé Radic. Le

7 Procureur n'a pas réussi à satisfaire aux exigences légales et juridiques

8 théoriques qui doivent s'appliquer en l'espèce.

9 [expurgée]

10 [expurgée]

11 [expurgée]

12 [expurgée]

13 [expurgée]

14 [expurgée]

15 [expurgée]

16 [expurgée]

17 [expurgée]

18 [expurgée]

19 [expurgée]

20 [expurgée]

21 Mme Somers (interprétation): [expurgée]

22 [expurgée]

23 [expurgée]

24 Mme Somers (interprétation): [expurgée]

25 [expurgée]

Page 8699

1 [expurgée]

2 [expurgée]

3 [expurgée]

4 M. Fila (interprétation): [expurgée]

5 [expurgée]

6 [expurgée]

7 M. le Président: De toute façon, je crois que c'est mieux d'expurger cette

8 partie. Si vous avez besoin de continuer, on peut même passer à huis clos

9 partiel, Maître Fila. Non?

10 M. Fila (interprétation): Non, non, non, j'en ai terminé. Enfin, je n'ai

11 pas fini mon propos liminaire, mais…

12 M. le Président: Combien de temps, plus ou moins?

13 D'accord. Très bien, nous allons finir alors.

14 M. Fila (interprétation): Dans le premier acte d'accusation retenu contre

15 Mlado Radic, il n'était fait mention que de ce témoin et uniquement de ce

16 témoin, et cela a duré pendant des années. Les autres témoins ont été

17 découverts quatre ou cinq ans plus tard, c'est-à-dire l'année dernière. La

18 défense ne va pas jusqu'à dire qu'il s'agit de victimes professionnelles

19 mais il faut tenir compte du fait qu'il s'agit de personnes qui voyagent

20 un peu partout dans le monde, qui ont participé à divers procès, ont donné

21 des déclarations nombreuses, parfois récusées ensuite dans ce Tribunal,

22 comme par exemple le fait que des bébés aient été jetés sur des

23 baïonnettes. La défense va, grâce à l'expertise du Docteur Beatovic,

24 montrer comment les éléments d'un acte criminel comme le viol sont pris en

25 compte dans le Code pénal de l'ex-Yougoslavie, elle va également montrer

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1 quelles sont les tendances qui s'appliquent en général dans ce cas, et

2 appliquer donc les exigences de l'article 24 du Statut.

3 Conclusion, à présent. La défense souligne que le Procureur n'a pas prouvé

4 à la Chambre de première instance qu'il existait des conditions

5 permettant, individuellement, de remettre en cause la responsabilité

6 pénale de l'accusé Radic, que ce soit en application de l'Article 7-1 ou

7 de l'Article 7-3 du Tribunal. Au contraire, la défense montrera des

8 éléments de preuve prouvant que Mlado Radic n'était pas en situation de

9 supérieur et qu'il n'a rien fait qui permette de tirer la conclusion que

10 dans le centre d'enquêtes d'Omarska, il ait commis des actes ou des

11 omissions dus à sa supériorité hiérarchique. La défense présentera des

12 éléments de preuve des témoins, des personnes entendues au centre

13 d'enquêtes d'Omarska qui diront quelle était la position de Radic par

14 rapport aux prisonniers. Elle présentera également des témoins qui seront

15 entendus directement par la Chambre de première instance, qui ont

16 également fourni des déclarations écrites et qui étaient des gardiens au

17 centre d'enquêtes, qui prouveront quel était le système de sécurité au

18 centre et comment s'effectuait le travail d'un gardien chargé de la

19 sécurité.

20 Un groupe de témoins parlera également de la crédibilité du témoin A.

21 Les caractéristiques personnelles, la personnalité de Radic seront

22 également abordées par un certain nombre de témoins. La défense prouvera

23 que les victimes des événements malheureux survenus sur le territoire de

24 l'ex-Yougoslavie sont toutes les personnes qui ont été prises dans cet

25 abîme vertigineux de folie pure qui, pendant des siècles a semé la haine

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1 chauvine, échappant à la raison et l'intolérance nationaliste et que,

2 parmi ces victimes, se trouvait également Mlado Radic.

3 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, la défense prouvera

4 que Mlado Radic est innocent des allégations retenues contre lui par le

5 Procureur. Merci.

6 M. le Président: Oui, Maître Fila, merci beaucoup. Nous allons faire une

7 pause bien nécessaire et nous allons faire une pause de 50 minutes. Cela

8 veut dire que nous allons revenir à 13h10, plus ou moins.

9 (L'audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à 13 heures 14.)

10 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

11 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

12 Donc Maître Fila, si j'ai bien compris, vous avez maintenant un expert ou

13 deux experts disponibles?

14 M. Fila (interprétation): Un expert, Mme Ana Najman. Elle est en train de

15 faire une expertise sur M. Krnojelac sur l'affaire Foca. Elle était censée

16 rentrer à Belgrade aujourd'hui mais elle a décalé pour demain, pour

17 réduire les dépenses du Tribunal, car il aurait été inutile de la faire

18 partir pour la faire revenir dans une semaine. C'est la raison pour

19 laquelle elle attend ici. Dans le cas où vous décideriez de la nécessité

20 d'un contre-interrogatoire, elle se trouve ici, et M. Saxon a été d'accord

21 pour qu'on le fasse immédiatement, maintenant.

22 M. le Président: Avez-vous d'autres témoins?

23 M. Fila (interprétation): Oui encore deux.

24 M. le Président: Pour cette semaine?

25 M. Fila (interprétation): Neuf pour cette semaine.

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1 M. le Président: Je voudrais savoir du Procureur combien de temps plus ou

2 moins vous avez besoin pour le contre-interrogatoire de ce témoin?

3 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, j'ai déjà dit à l'un

4 de vos assistants qu'il nous faudrait au maximum une heure et demie et

5 c'est M. Saxon qui se chargera du contre-interrogatoire lui-même.

6 M. le Président: Je pensais à ce que la Chambre...

7 Merci beaucoup, Madame Somers, mais il faut que les choses soient dans le

8 compte rendu, c'est pour cela. On devait finir aujourd'hui et cela veut

9 dire que si on fait un contre-interrogatoire il est nécessaire d'avoir des

10 questions supplémentaires pour Me Fila. Pourrait-on penser une heure et

11 quart pour vous, pour le Procureur, et un quart d'heure pour la défense

12 pour Me Fila?

13 Mme Somers (interprétation): Merci Monsieur le Président. Si Me Fila ne

14 demande pas un quart d'heure de plus, nous serions disposés à accepter

15 mais si Me Fila nous dit que, pour ses questions complémentaires, il

16 faudra aménager du temps, je crois que nous devrons nous satisfaire d'une

17 heure et quart.

18 M. le Président: Maître Fila?

19 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, j'ai été d'accord avec

20 Mme Somers de faire en sorte qu'à la place de l'interrogatoire principal,

21 on fournisse le rapport du témoin expert, et je n'aurai certainement pas

22 besoin de plus d'un quart d'heure après le Procureur si jamais j'ai besoin

23 d'un temps quelconque.

24 J'espère que vous serez satisfaits, je vous ai déjà pris beaucoup de temps

25 avec ma déclaration liminaire, donc nous pouvons économiser un peu.

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1 M. le Président: Voilà, je crois qu'on va partir de cette situation. Je

2 crois que c'est équitable. Vous aurez une heure et quart pour le contre-

3 interrogatoire et après on donnera l'opportunité à Me Fila pendant un

4 quart d'heure pour des questions supplémentaires, s'il y a des questions

5 supplémentaires.

6 Vous avez donc une heure et quart pour le contre-interrogatoire. Il faut

7 faire entrer le témoin.

8 M. Fila (interprétation):Monsieur le Président, la défense cite à la barre

9 le Dr Ana Najman, psychologue. Merci.

10 (Le témoin, Mme Ana Najman, est introduit dans le prétoire.)

11 M. le Président: Bonjour Docteur, m'entendez-vous bien?

12 Mme Najman (interprétation): Oui, je vous entends.

13 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que vous avez

14 dans vos mains.

15 Mme Najman (interprétation): Je déclare que je dirai la vérité, toute la

16 vérité et rien que la vérité.

17 M. le Président: Merci, vous pouvez vous asseoir. Merci beaucoup d'être

18 venue, vous allez pour l'instant répondre au Procureur sur votre rapport.

19 On va supposer que votre rapport et ce que vous aviez à dire. C'est M.

20 Saxon qui est à votre droite qui va vous poser les questions.

21 Monsieur Saxon, vous avez la parole s'il vous plaît.

22 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Ana Najman, par M. Saxon.)

23 M. Saxon (interprétation): Merci Monsieur le Président.

24 Madame Najman, je vous prie de nous dire où vous vivez.

25 Mme Najman (interprétation): Je vis à Belgrade, en Yougoslavie.

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1 Question: Quelle est votre nationalité?

2 Réponse: De par ma nationalité, je ne suis pas Serbe. Je suis issue d'un

3 couple mixte, d'un couple constitué par une partie catholique et une autre

4 juive. Ma mère est catholique de par sa confession, si tant est que cela

5 importe pour vous.

6 Question: Votre mère appartient-elle au groupe ethnique croate?

7 Réponse: Oui. Compte tenu du fait qu'elle a été baptisée dans une église

8 catholique, de par son appartenance ethnique, elle est Croate quoique je

9 pense qu'elle ne se prononce pas du tout ainsi, étant donné qu'il s'agit

10 d'un groupe ethnique qui n'est pas directement croate, qui est originaire

11 de la Vojvodine, ce qui fait que je pense qu'elle doit se prononcer comme

12 une personne appartenant au groupe ethnique de "Bunjevac".

13 Question: Madame Najman, à part votre examen de Mlado Radic en mai 2000,

14 avez-vous fourni des prestations analogues au profit d'autres conseils de

15 la défense défendant des accusés devant ce Tribunal?

16 Réponse: Il me semble que je suis déjà venue devant ce Tribunal en 1998,

17 mais vous ne m'en tiendrez pas rigueur si je me suis trompée d'année.

18 Je suis venue donner mon avis sur M. Dokmanovic, il s'agissait de

19 certaines observations conservant mon expertise et j'ai dû répondre devant

20 ce Tribunal. J'ai donc soumis un rapport écrit et j'ai répondu aux

21 questions posées par le Procureur de ce Tribunal. Il me semble que c'était

22 en effet en 1998.

23 Question: Pouvez-vous nous dire à quel groupe ethnique appartenait M.

24 Dokmanovic?

25 Réponse: Je ne saurais vous le dire exactement. Je pense qu'il était

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1 Serbe. Mais cela ne revêtait pas une très grande importance pour moi, donc

2 il se peut que je me trompe.

3 Question: Et vos services, actuellement, sont-ils mis à profit par les

4 conseils de la défense d'un autre accusé dont le procès a lieu devant ce

5 Tribunal?

6 Réponse: Oui, en effet. Avec le Dr Folnegovic-Schmaltz de Croatie, j'ai

7 travaillé pendant plusieurs jours sur l'interrogatoire de M. Krnojelac à

8 l'unité de détention de Scheveningen, et c'est précisément hier que nous

9 avons terminé nos interrogatoires. Nous n'avons pas rédigé notre expertise

10 mais nous avons effectué ce qu'il nous avait été possible d'effectuer en

11 un laps de temps imparti.

12 Question: Sauriez-vous nous dire à quel groupe ethnique appartient M.

13 Krnojelac?

14 Réponse: Par un concours de circonstance, oui. Je pense qu'avant-hier, il

15 l'a précisé lui-même. Il est originaire des environs de Foca et il est de

16 nationalité serbe. Nous lui avions demandé d'autres renseignements et lui

17 nous a relaté quelque chose au sujet de son épouse. Madame Folnegovic et

18 moi-même avons ainsi appris à quel groupe ethnique il appartenait.

19 Question: Docteur Najman, vous a-t-on jamais demandé de faire une analyse

20 concernant des Musulmans ou des Croates également accusés par ce Tribunal?

21 Réponse: Eh bien, pour toutes les demandes qui m'ont été faites à ce jour,

22 j'ai répondu présente, et je n'ai pas eu d'autres demandes. Pour ma part,

23 je n'ai pas d'information concernant une demande d'expertise pour quelque

24 personne que ce soit appartenant au groupe ethnique musulman.

25 Question: Pouvons-nous donc comprendre que votre réponse est non?

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1 Réponse: Je n'ai pas été sollicitée pour quelque autre personne que ce

2 soit, si ce n'est les personnes dont j'ai indiqué les noms ici.

3 Question: Docteur Najman, lorsque vous avez examiné M. Radic au mois de

4 mai l'an passé, saviez-vous que, dans le cas d'une inculpation concernant

5 les chefs d'accusation qui sont prononcés à son encontre, il risque une

6 peine d'emprisonnement assez importante?

7 Réponse: Je ne sais comment je pourrais le savoir. Pour ce qui est d'une

8 condamnation éventuelle ou d'une peine d'emprisonnement, je ne pense pas

9 en avoir parlé du tout avec M. Radic.

10 Question: Etiez-vous au courant du fait que, au cas où M. Radic venait à

11 être condamné, il risquait une peine d'emprisonnement? Cela, vous le

12 saviez?

13 Réponse: Bien entendu.

14 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que M. Radic est plutôt

15 intéressé par la teneur du rapport que vous avez confectionné?

16 Réponse: Je ne sais pas dans quel sens vous entendez la chose. Pourriez-

17 vous me préciser votre question? Qu'entendez-vous par "intérêt de sa

18 part"?

19 Question: Eh bien, en fonction de ce qu'un expert comme vous marquera dans

20 son rapport, cela peut influer de façon conséquente sur la peine prononcée

21 à l'égard de l'accusé ou peut même atténuer cette peine. C'est ainsi que

22 j'entendais l'intérêt qu'il pouvait témoigner.

23 Réponse: Je n'ai pas eu, en ma qualité de professionnel ayant interrogé M.

24 Radic, l'impression qu'il s'agissait de sa part d'une autre façon de

25 coopérer plutôt que de répondre au maximum aux questions que nous lui

Page 8707

1 posions. Et je crois que c'est précisément ce que nous avons indiqué dans

2 notre expertise.

3 Question: Mlado Radic vous a-t-il apporté, à vous et à votre collègue,

4 quelques boissons ou denrées alimentaires lorsque vous avez entamé cet

5 examen?

6 Réponse: Pour être tout à fait sincère, comme c'était la première fois que

7 je venais à l'unité de détention de Scheveningen, je crois qu'il s'agit

8 là-bas d'une coutume ou d'une règle, je ne saurais vous dire de quoi il

9 s'agit exactement, mais on nous a servi un café et un jus de fruit que

10 l'on se procurait au niveau de la cantine, comme cela nous a été expliqué.

11 Etant donné que l'interrogatoire durait pendant plusieurs heures, tous les

12 jours, nous avons eu l'opportunité de prendre un café et, il me semble, un

13 jus de fruit ou quelque chose d'analogue. Mais c'est quelque chose qui ne

14 sort pas du cadre de ce qui est proposé par la cantine à laquelle ils ont

15 accès. Rien au-delà de ceci, si votre question allait dans ce sens.

16 Question: Ma question était toute simple pourtant: est-ce que Mlado Radic

17 vous a apporté de quoi manger et boire pendant que vous avez procédé à cet

18 examen? Est-ce que votre réponse est oui?

19 Réponse: Il ne s'agissait pas de denrées alimentaires du tout, il

20 s'agissait d'un café et d'un jus de fruit. Il n'y avait rien d'autre à

21 manger.

22 M. le Président: Quel est l'objectif de cette question, pour vous?

23 Excusez-moi.

24 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, l'objectif visé était de

25 prouver que l'accusé avait intérêt pour ce qui était de l'issue du rapport

Page 8708

1 présenté par l'expert, et qu'il était donc porté à rendre service aux

2 personnes chargées de l'examiner.

3 M. le Président: Je peux comprendre aussi les questions. Allez-y,

4 continuez, s'il vous plaît.

5 M. Saxon (interprétation): Pendant l'expertise que vous avez effectuée

6 avec M. Radic au mois de mai 2000, étiez-vous consciente du fait que M.

7 Radic avait accordé une interview assez longue aux enquêteurs du Tribunal

8 et que cette interview avait été enregistrée sur une bande magnétique en

9 1999, au mois de mars?

10 Mme Najman (interprétation): Non.

11 Question: Est-ce que le contenu d'une interview de ce genre, à savoir le

12 contenu de ce qu'a dit M. Radic dans cette interview concernant les

13 événements de 1992 pour lesquels il est accusé devant ce Tribunal,

14 pourrait avoir quelque pertinence pour votre expertise psychologique de M.

15 Radic?

16 Réponse: Eh bien, vous me placez dans une position assez spécifique étant

17 donné que premièrement, j'ignore la teneur de cet entretien et je ne sais

18 pas du tout ce qui est précisé dans cette interview, et vous êtes en train

19 de me demander de me prononcer, de dire si oui ou non cela pourrait

20 influer sur l'issue de mes conclusions psychologiques en ma qualité

21 d'expert.

22 En ce moment-ci, je ne sais vraiment pas ce que je pourrais vous répondre

23 étant donné que j'ignore la teneur de cette interview, et vous me demandez

24 de vous dire si cela pourrait influer ou pas sur mon expertise.

25 Question: Votre expertise, vous l'avez rédigée le 17 mai 2000, et jusqu'à

Page 8709

1 cette date, plusieurs témoins de l'accusation ont déjà témoigné dans ce

2 procès, avant même que vous n'ayez rédigé cette expertise qui est la

3 vôtre. Avant de la rédiger, avez-vous passé en revue les témoignages de

4 ces témoins pour voir si ces témoins décrivaient Mlado Radic et son

5 comportement au cours de l'année 1992?

6 Réponse: Non.

7 Question: Est-il possible que la teneur de tels témoignages concernant M.

8 Radic pourrait avoir de la pertinence pour votre expertise psychologique

9 de M. Radic?

10 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais vraiment pas à

11 quoi cela nous mène, si ce n'est à dépenser notre temps parce que

12 personne, exception faite de cette Chambre, ne pourrait permettre au

13 témoin ici présent de considérer des écrits où il est question de

14 déclarations de témoins protégés.

15 Et comment un expert peut-il se prononcer sur l'utilité pour son travail

16 d'une expertise ou d'un compte rendu dont il n'est pas au courant? Elle

17 vient de dire qu'elle n'a pas eu vent de ce qui est contenu dans cette

18 interview: comment peut-on lui demander de se prononcer sur quelque chose

19 qu'elle ignore?

20 Maintenant, s'il faut présenter à l'expert tous les tomes de ce procès -on

21 a 5 ou 6 ans, j'ai 3 ans moi-même avant mon départ à la retraite- si M. le

22 Procureur estime que nous avons besoin de 3 ans pour le faire, je veux

23 bien, il n'y a pas de problème.

24 M. le Président: Monsieur Saxon, voulez-vous répondre?

25 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

Page 8710

1 L'objectif de ma question avait été d'établir seulement si ce témoin

2 s'était servi de tous les renseignements qui auraient pu être mis à sa

3 disposition à un moment donné lors de la confection de son expertise

4 psychologique relative à M. Mladic. Et la dernière question avait été

5 posée parce qu'il y a eu un témoignage public fait par un témoin avant le

6 mois de mai 1999, et ce que je voulais savoir c'était déterminer s'il

7 avait eu l'occasion de se pencher sur ce témoignage-là.

8 M. le Président: Maître Fila, y a-t-il un problème?

9 M. Fila (interprétation): (non traduit.)

10 M. le Président: Je vois maintenant que le compte rendu n'a pas fonctionné

11 après l'intervention de Me Fila, c'est-à-dire que nous n'avons pas la

12 réponse du Procureur.

13 M. Fila (interprétation): Encore une chose, Monsieur le Président.

14 M. le Président: Pardon. Attendez, attendez!

15 Je crois que maintenant nous avons le compte rendu.

16 Maître Fila, vous voudriez ajouter quelque chose?

17 M. Fila (interprétation):Par décision de cette Chambre, il a été assigné

18 une mission à cet expert. Par décision du Tribunal, on a désigné un expert

19 hollandais, que je n'ai pas encore rencontré à ce jour.

20 Je ne sais pas s'il a mangé ou bu avec son patient au niveau de l'unité de

21 détention, mais on voit bien que dans la mission assignée à l'expert

22 hollandais et Ana Najman, on avait délimité leur mission et on n'avait pas

23 précisé dans cette décision qu'il fallait qu'ils lisent les procès-verbaux

24 ou les comptes rendus d'audience des témoignages. C'est tout ce que je

25 voulais ajouter.

Page 8711

1 M. le Président: Nous sommes en train de rentrer dans des allégations. Je

2 crois que ce que M. Saxon dit suppose quand même un schéma d'expertise que

3 vous avez dans votre réponse.

4 Donc peut-être faudra-t-il, avant de poser ces questions, demander à

5 l'expert quelle est la structure de l'expertise. Ce que vient de dire Me

6 Fila est vrai: la Chambre a commis une fonction à cet expert, nous

7 n'allons donc pas ici discuter maintenant si c'est ce modèle ou ce modèle-

8 là.

9 Je crois que c'est quand même mieux d'aller directement aux questions, de

10 poser les questions au témoin, et ensuite nous verrons quel est l'effet.

11 Allez-y, Monsieur Saxon.

12 M. Saxon (interprétation): Madame Najman, que vous a-t-on demandé de faire

13 concernant Mlado Radic?

14 Mme Najman (interprétation): Le Dr Van den Bussche, qui avait été désigné,

15 qui était psychiatre en médecine légale, qui avait été désigné pour faire

16 ces expertises avec moi, et moi-même, avons dû répondre à trois questions

17 et répondre de concert avec nos opinions et nos réponses.

18 La première question traitait de la situation intellectuelle et mentale

19 passée et actuelle de M. Radic. La deuxième question portait sur la

20 prestation de toute information pertinente pour l'évaluation de

21 l'influence exercée par la situation mentale et intellectuelle de l'accusé

22 sur les événements et ses actes. Et troisièmement, assurer, fournir des

23 informations sur la situation actuelle de l'accusé avec ses potentiels à

24 la réhabilitation, avec toutes nos recommandations psychiatriques et

25 psychologiques éventuelles.

Page 8712

1 Une fois que nous avons procédé à l'examen psychiatrique et à l'examen

2 psychologique avec les tests psychodiagnostics, et lorsque nous avons fait

3 le récapitulatif des résultats, le Dr Van den Bussche et moi-même avons

4 répondu aux trois missions qui nous avaient été assignées par le présent

5 Tribunal.

6 Question: Vous avez soulevé un deuxième volet.

7 M. le Président: Je crois qu'il y a un problème avec le compte rendu.

8 Madame Thomson, y a-t-il un problème ou non?

9 Mme Thomson (interprétation): Oui, je crois qu'il y a un problème et je

10 pense que je vais m'efforcer de le résoudre.

11 M. le Président: Je crois que nous sommes maintenant en condition.

12 Je ne sais pas, Monsieur Saxon, si la réponse du témoin est passée pour le

13 compte rendu. Vous pouvez continuer où vous deviez continuer. Allez-y.

14 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 Oui, nous avons reçu la réponse.

16 Vous avez mentionné la deuxième question ou la deuxième tâche concernant

17 la fourniture de toutes les informations pertinentes pour évaluer l'état

18 mental de l'accusé à l'égard des crimes qui lui sont reprochés.

19 Voici ma question: est-ce que, pour votre examen, cela aurait été

20 pertinent d'avoir eu la possibilité de passer en revue les dépositions

21 données publiquement concernant la conduite de M. Radic en 1992?

22 Mme Najman (interprétation): Je dois répéter et dire encore une fois ce

23 que j'ai déjà dit, c'est-à-dire je ne veux pas m'exprimer parce que je ne

24 connais pas le contenu de ces dépositions publiques et je ne sais pas si

25 elles auraient eu une quelconque influence positive ou négative concernant

Page 8713

1 l'impression que nous avons eue ou l'impression que moi-même j'ai eue à

2 l'égard de la personnalité de M. Radic.

3 Question: D'après le compte rendu, je peux voir que vous avez dit, lorsque

4 vous avez parlé de l'impression que vous avez eue, vous avez dit

5 "l'impression": telle que psychiatre ou psychologue?

6 Réponse: Psychologue.

7 Question: Donc l'unique source d'information sur laquelle vous vous êtes

8 appuyée, s'agissant de l'état mental de M. Radic dans le contexte des

9 crimes qui lui sont reprochés, votre unique source, ce sont donc des

10 informations que M. Radic vous a fournies lui-même, au cours de vos

11 entretiens avec lui?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Je souhaite que l'on parle maintenant de votre rapport. Je pense

14 que le Greffe dispose d'un exemplaire. Excusez-moi, je me suis mal exprimé

15 mais de toute façon les exemplaires de ce rapport vont être fournis au

16 Greffe à l'instant. La cote, simplement aux fins d'identification, sera la

17 pièce à conviction de l'accusation 3/214.

18 Avez-vous apporté un exemplaire de votre rapport, Madame Najman? J'ai

19 quelques questions à vous poser.

20 Réponse: Oui.

21 Question: Avec l'aide de l'huissier, je souhaite que l'on place sur le

22 rétroprojecteur la page 2 du rapport où en anglais il est marqué

23 l'historique ou l'anamnèse en anglais.

24 Réponse: Je ne sais pas. Oui, j'ai trouvé, il s'agit de la page 3, si je

25 vous ai bien compris. Il s'agit de l'anamnèse.

Page 8714

1 Question: Peut-être. Dans votre version, c'est different, c'est possible.

2 Réponse: Très bien merci.

3 Question: Dans la partie de votre rapport intitulé "Anamnèse", pages 2 et

4 3 en anglais, il contient des informations concernant l'enfance de M.

5 Radic, sa vie familiale et sa carrière. Est-il exact de dire que c'est M.

6 Radic lui-même qui vous a fourni ces informations-là?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Etes-vous d'accord avec moi pour dire que la version de la vie

9 de M. Radic, que M. Radic vous a fournie lui-même, n'était peut-être pas

10 nécessairement entièrement impartiale?

11 Réponse: Excusez-moi, mais je n'entends pas la traduction. Excusez-moi. Le

12 micro ne fonctionnait pas et donc je n'ai pas entendu une partie de votre

13 phrase.

14 Question: Vous m'entendez maintenant?

15 Réponse: Je vous entends maintenant.

16 Question: Je vais répéter ma question: êtes-vous d'accord pour dire qu'il

17 est possible que la version de la vie de M. Radic, que M. Radic vous a

18 fournie, pouvait contenir certains éléments partiaux?

19 Réponse: En ce qui concerne l'anamnèse, la version de chaque personne qui

20 fait l'objet de notre expertise ou de mon expertise, depuis quinze ans

21 déjà, est toujours subjective. Au cours de l'expertise de l'examen, je ne

22 demande pas de documents, des actes de naissance, des certificats, des

23 attestations de quelque nature que ce soit. Moi, je ne le demande pas, ni

24 un quelconque autre expert, conformément aux règles et à l'éthique de

25 notre métier.

Page 8715

1 Donc en ce qui concerne l'anamnèse et de toutes les données dont nous

2 disposons, il s'agit là des données que la personne qui fait l'objet de

3 l'expertise nous fournit elle-même. Et ceci était le cas de M. Radic

4 aussi.

5 Question: Mais quelles sont les mesures que vous avez prises afin de

6 confirmer l'exactitude des informations que M. Radic vous a données?

7 Réponse: Au cours de l'entretien, nous analysons les propos exprimés par

8 la personne interrogée, par le biais d'une évaluation psychodiagnostique,

9 et moi, en tant que psychologue, par la suite je me penche également sur

10 les résultats des tests.

11 Je vais vous donner un exemple. Par exemple si quelqu'un dit qu'il avait

12 eu un haut niveau d'études, qu'il a terminé l'université, si au cours de

13 l'entretien avec la personne, je vois que la personne a beaucoup de mal à

14 s'exprimer, qu'il dispose de possibilités limitées sur le plan de

15 l'éloquence, si je vois que ses résultats dans les tests sont très

16 mauvais, bien sûr que je vais remettre en question son affirmation

17 préalable.

18 Là, c'est simplement un exemple que j'évoque afin de vous expliquer de

19 quelle manière nous évaluons les propos tenus par la personne interrogée.

20 Question: Vous n'avez pas interrogé d'autres membres de la famille de M.

21 Radic?

22 Réponse: Non uniquement M. Radic.

23 Question: Comment pouvez-vous être sûre que les informations que M. Radic

24 vous a fournies et que vous avez incorporées dans votre rapport, sont

25 exactes?

Page 8716

1 Réponse: Eh bien, je croyais avoir répondu en partie à votre question en

2 répondant à la question précédente. Dans chacune des expertises, la

3 procédure sous-entend ce que je viens de dire. Donc nous n'exigeons pas

4 des documents, des certificats, des attestations. Tout simplement nous

5 acceptons l'anamnèse et les données fournies dans le cadre de l'anamnèse

6 telles que la personne interrogée les fournit.

7 C'est pour cela que, dans cette partie du rapport, nous mentionnons le mot

8 anamnèse. Ceci implique qu'il s'agit là des données fournies par la

9 personne interrogée elle-même. Donc cela veut dire qu'il ne s'agit pas de

10 données qui proviennent d'un ordinateur ou d'un centre d'archives

11 quelconque, mais il s'agit des données recueillies dans le cadre d'une

12 anamnèse.

13 Question: Où dans votre rapport est-il indiqué qu'il s'agit là des

14 informations que M. Radic vous a fournies lui-même?

15 Réponse: Explicitement, probablement, aucune phrase n'y existe, mais le

16 fait même que le titre est l'anamnèse implique ce que je viens de dire.

17 Question: Et où paraît le mot anamnèse, Madame?

18 Réponse: Dans mon rapport à la page 3, ici je le vois.

19 Question: Lorsque vous dites "je peux voir cela ici", vous voulez dire que

20 vous voyez cela dans la version en anglais?

21 Réponse: Non, je vois ceci dans la version serbo-croate.

22 Question: Je passerai à autre chose. Penchons-nous sur la partie intitulée

23 "Analyse des résultats des tests portant sur l'évaluation du Q.I.".

24 Réponse: Oui. Il s'agit de la page 4 chez moi.

25 Question: En fait, je souhaite que l'on ralentisse. A la page 3, dans ma

Page 8717

1 version, il y a une partie intitulée "Attitude de Radic envers la guerre

2 et les événements de guerre". Dans la version en anglais, il s'agit de la

3 page 3, au fond de la page 3.

4 Réponse: Oui j'ai trouvé.

5 Question: Au fond de la page 3, dans la version en anglais, vous avez

6 écrit la chose suivante: "On lui a dit que le centre d'instruction avait

7 été établi pour mener des enquêtes qui devaient être menées par d'autres

8 personnes. Son devoir était d'assurer la sécurité du centre. Il ne posait

9 pas de question concernant le but, la raison d'être de ce centre, ni la

10 raison pour laquelle il a été établi et puis il n'a pas montré de

11 curiosité par rapport au centre d'instruction."

12 Nous avons entendu beaucoup de dépositions devant cette Chambre de

13 première instance selon lesquelles un nombre d'anciens amis et collègues

14 de M. Radic étaient détenus dans le centre d'Omarska, dans le camp

15 d'Omarska, et compte tenu de ce nombre d'amis de M. Radic dans Omarska, ne

16 trouvez-vous pas qu'il était bizarre de constater qu'il manquait de

17 curiosité?

18 Réponse: En ce qui concerne son manque de curiosité, comme je l'ai déjà

19 dit, ceci ne me paraissait pas tellement étrange puisque la manière

20 générale dont il fonctionne sur le plan intellectuel se limite aux cas

21 concrets. Donc ceci implique également un manque de curiosité ou une

22 curiosité diminuée pour essayer d'apprendre plus, pour explorer les

23 choses, pour trouver les réponses aux questions.

24 Donc moi, en tant que psychologue, j'ai trouvé que ceci était en accord

25 avec l'image qu'il se faisait de lui-même devant nous, ceci était conforme

Page 8718

1 également aux résultats que j'ai reçus suite à ses tests effectués. Il ne

2 s'agit pas d'une personne curieuse, il ne l'est pas.

3 Question: Penchons-nous, dans ce cas-là, maintenant, sur la partie

4 intitulée "Analyse des résultats des tests d'évaluation de la capacité

5 intellectuelle". Il s'agit de la page 4 de la version en anglais.

6 Réponse: Oui. Chez moi aussi, il s'agit de la page 4.

7 Question: J'attends simplement que l'huissier place cela sur le

8 rétroprojecteur. Merci.

9 Au début de votre rapport, de cette partie de votre rapport, vous dites

10 que le Q.I. de M. Radic est de 90. A votre avis, est-ce qu'il existe une

11 marge d'erreur dans ce genre de test?

12 Réponse: Si je vous ai bien compris, vous voulez me demander si peut-être

13 il était possible que j'aie commis une erreur au moment de l'évaluation de

14 sa capacité intellectuelle?

15 Question: Statistiquement, en tant que professionnel, est-ce que vous

16 pouvez nous dire s'il existe une marge d'erreur dans l'évaluation du Q.I.,

17 pour autant que vous le sachiez?

18 Réponse: Oui, bien sûr que cela existe. L'évaluation de l'intelligence est

19 un travail très subtil et extrêmement difficile pour chaque psychologue.

20 Le résultat même, parfois, dépend de l'état psychologique de la personne

21 interrogée, cela dépend également de la compétence de la personne qui mène

22 l'interrogatoire, cela dépend aussi des conditions dans lesquelles

23 l'interrogatoire a lieu et de l'attitude de la personne interrogée vis-à-

24 vis de la coopération.

25 En ce qui concerne M. Radic, je n'ai pas eu de difficulté sur le plan de

Page 8719

1 la coopération. Vraiment, il a coopéré au maximum dans le cadre de cette

2 capacité. Il a été motivé pour procéder aux tests. Nous n'avons pas

3 interrompu le processus de l'évaluation, des tests. Là, je parle de ce

4 test d'évaluation de la capacité intellectuelle. Je n'ai pas estimé que

5 des facteurs supplémentaires existaient qui auraient pu influencer le

6 résultat final.

7 Pour autant que je m'en souvienne, j'ai simplement mentionné ici le fait

8 que de temps en temps il était quelque peu plus tendu, plus anxieux. Il

9 s'agit là d'un élément que j'ai simplement mentionné, mais je ne

10 considérais pas qu'il était extrêmement important de l'interpréter de

11 manière supplémentaire. De toute façon, cet élément ne pouvait pas avoir

12 une grande influence sur le résultat final, mais il s'agit d'un élément

13 qui reflète la situation telle qu'elle s'est déroulée dans la réalité.

14 Question: Cette marge d'erreur, sur le plan statistique, s'élèverait à 5

15 points, à plus de 5, à moins de 5?

16 Réponse: Moins de 5, si vous voulez que je vous réponde franchement avec

17 précision. Donc puisque les résultats sont calculés pour devenir des

18 résultats dits pondérés, s'il avait reçu même 4 à 5 points de plus dans le

19 score total, ceci ne s'élèverait pas à 4 à 5 points mais de 1 à 2 points.

20 C'est pour cela que j'ai dit qu'il s'agirait de moins de 5 points.

21 Question: Pourquoi n'avez-vous pas expliqué cela dans votre rapport?

22 Réponse: Je n'ai pas trouvé qu'il était nécessaire d'ajouter cela. Et

23 deuxièmement, il existe beaucoup de questions qui peuvent être posées lors

24 de la déposition, justement de la manière que vous venez d'adopter en me

25 posant cette question-là.

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1 Question: Je vais parler de cela tout à l'heure.

2 A la fin de la même page en anglais, toujours à la page 4, il est dit ce

3 qui suit, concernant M. Radic: "Son fonctionnement intellectuel courant

4 est dépendant dans une certaine mesure d'une anxiété accrue et d'un

5 ralentissement dépressif."

6 Est-ce que vous avez trouvé ceci?

7 Réponse: Oui, j'ai trouvé. Il s'agit de la page 5 dans la version serbo-

8 croate.

9 Question: Comment avez-vous mesuré l'anxiété de M. Radic?

10 Réponse: En ce qui concerne l'anxiété et la prise de mesure, il faut

11 adapter une approche clinique, et là je parle d'une personne experte en la

12 matière qui doit procéder aux examens. Puis il existe un autre test qui

13 fait partie intégrante de mon expertise à moi, il s'agit d'un test portant

14 sur l'index des émotions; ceci figure dans le rapport un peu plus tard.

15 Entre autre chose, une partie porte sur les expressions numériques

16 relatives à l'existence ou à l'inexistence de l'anxiété. Lorsque je dis

17 qu'il s'agit de l'expression numérique, je souhaite parler de la

18 possibilité de mesurer cela en employant des valeurs numériques et montrer

19 cela par le biais des valeurs numériques aussi.

20 Question: Madame, comment pouviez-vous être sûre que le niveau de

21 l'anxiété de M. Radic était en réalité plus élevé qu'avant votre examen?

22 Réponse: J'ai dit que de temps en temps il manifestait une anxiété sur le

23 plan de la communication. Vous pouvez trouver cela dans le rapport. Il

24 s'agit du fait qu'il avait un niveau bas d'éducation, ce qui a pour

25 résultat peu de stimulus dans le développement et une anxiété sur le plan

Page 8721

1 des communications.

2 Donc je n'ai pas constaté que l'anxiété était grande ou pas grande. J'ai

3 tout simplement dit qu'il s'agissait d'une anxiété qui apparaissait de

4 temps en temps, et, en tant que psychologue légiste, j'avais le devoir de

5 l'écrire.

6 Question: Mais à la page 4 de ma version, vous avez dit: "son

7 fonctionnement intellectuel courant est dépendant dans une certaine mesure

8 d'une anxiété accrue et d'un ralentissement dépressif".

9 Voici donc ma question: vous, vous avez écrit cela; comment avez-vous pu

10 être sûre que le niveau d'anxiété de M. Radic s'était accru par rapport au

11 niveau qui a précédé votre entretien?

12 Réponse: Excusez-moi, mais je n'ai pas trouvé cet endroit.

13 Oui, il s'agit d'une phrase qui porte sur la dernière partie de la phrase

14 parce que, sur le plan de l'échelle verbale, ses résultats s'élevaient à

15 93, et sur le plan de l'échelle non verbale, à 90.

16 Donc justement, j'ai écrit cette phrase pour indiquer que cette différence

17 entre la partie verbale et la partie non verbale était en partie due à

18 cette anxiété accrue et à ce ralentissement dépressif, et j'ai ainsi

19 établi le lien entre cela et le résultat qui s'élevait à 90 dans la partie

20 non verbale de l'échelle.

21 Question: Vous avez dit que M. Radic manifestait un ralentissement

22 dépressif. Comment l'avez-vous mesuré, ce ralentissement dépressif?

23 Réponse: Le ralentissement dépressif constitue quelque chose. Moi,

24 j'aurais dit plutôt subdépressif que dépressif, mais ceci est quelque

25 chose qui pouvait être remarqué tout au long de l'entretien.

Page 8722

1 Entre autres choses, lors de ce test d'évaluation de la capacité

2 intellectuelle, il faut savoir que ceci est mesuré de la manière suivante:

3 cette personne a besoin d'un peu plus de temps pour accomplir certaines

4 tâches par rapport à la moyenne des personnes interrogées, et bien sûr

5 nous mesurions le temps puisque ceci est prévu dans le cadre de la

6 procédure liée à ce test-là.

7 Question: Donc maintenant, vous dites que son ralentissement, le

8 ralentissement de M. Radic, n'était pas dépressif mais subdépressif?

9 Réponse: Vous savez, il s'agit là de nuances. Il s'agit là de nuances

10 extrêmement subtiles. Et la personne qui mène l'interrogatoire peut s'en

11 servir pour arriver à une évaluation générale. Le ralentissement

12 psychologique et physique a toujours un élément, contient toujours un

13 élément de dépressivité.

14 Question: Vous n'avez pas expliqué ces nouvelles réponses dans votre

15 rapport? Vous n'avez pas expliqué ces nuances dans votre rapport?

16 Réponse: Oui.

17 Question: C'est donc bien cela? Vous dites oui au fait que vous ne les

18 avez pas expliquées?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Seriez-vous d'accord pour dire que l'existence d'une anxiété et

21 d'une dépression peut réduire la valeur du Q.I. d'une personne par rapport

22 à ce qu'elle est réellement, donc faire apparaître cette valeur comme

23 étant inférieure à la réalité?

24 Réponse: Oui, je serais d'accord avec cela.

25 Question: De façon générale uniquement, bien sûr?

Page 8723

1 Réponse: Uniquement de façon générale.

2 Question: Donc si M. Radic était anxieux et déprimé lorsque vous l'avez

3 examiné, ses symptômes psychologiques auraient pu avoir pour conséquences

4 un Q.I. réduit?

5 Réponse: Son niveau de dépression et d'anxiété n'était pas d'une intensité

6 telle que cela ait pu compromettre ses capacités intellectuelles de façon

7 fondamentale. Nous voyons un peu la même chose dans le deuxième test que

8 je lui ai fait subir, qui est le test de Raven sur les matrices

9 progressives.

10 Et le résultat obtenu à ce deuxième test a été très semblable à celui du

11 premier. S'il y avait eu un effet très important de sa dépression et de

12 son anxiété sur ses capacités intellectuelles, il aurait dû y avoir une

13 différence importante dans le résultat du test de Raven par rapport au

14 premier test. Mais je ne sais pas si tout le monde ici m'a bien compris.

15 Question: Je ne sais pas si je vous ai absolument comprise mais en tout

16 cas si je n'ai pas tout compris, c'est à un niveau supérieur que cela se

17 situe. Je me permettrai donc de vous poser d'autres questions. Je vous

18 demande de prêter attention à ce que j'ai dit. Vous avez dit que le niveau

19 d'angoisse, d'anxiété et de dépression de M. Radic n'était pas d'une

20 intensité telle pour avoir un effet fondamental sur les résultats du test

21 intellectuel subi par M. Radic en rapport avec son niveau intellectuel.

22 J'aimerais à présent appeler votre attention sur la page 5 de la version

23 anglaise de votre rapport. Docteur Najman, avez-vous sous les yeux ce

24 passage qui s'intitule "Conclusion"?

25 Réponse: Oui.

Page 8724

1 Question: Au deuxième paragraphe, voilà ce que vous écrivez. Au deuxième

2 paragraphe, nous lisons ce qui suit: "Une anxiété quelque peu accrue et

3 devenue un état dépressif ainsi que le mécontentement général face à la

4 situation dans lequel il se trouve, réduisent sporadiquement ses capacités

5 de fixation de l'attention. Sa capacité de concentration le ralentit au

6 plan psychomoteur, ce qui globalement donne l'impression que ses capacités

7 intellectuelles sont inférieures à celles qui existent en réalité."

8 N'est-ce pas un peu différent de ce que vous venez de nous dire?

9 Réponse: Non et je vais m'expliquer à ce sujet. Dans ce paragraphe, ce que

10 je souhaitais dire, c'est une chose simplement, à savoir que M. Radic, -et

11 j'appelle votre attention sur la dernière phrase- est quelqu'un dont les

12 capacités intellectuelles sont inférieures, semblent inférieures à ce

13 qu'elles sont réellement.

14 Comme on le voit, dans la première phrase, je parle de potentiels

15 intellectuels primaires puisque c'est là-dessus que nous avons été chargés

16 de le tester, et les capacités intellectuelles primaires sont celles qui

17 fonctionnent chez un individu indépendamment du moment où elles sont

18 mesurées. Donc on parle à ce sujet d'une capacité qui est celle que nous

19 avons lorsque nous venons au monde, n'est-ce pas.

20 Donc j'ai évalué que son potentiel intellectuel primaire était également

21 dans cette catégorie, mais que dans la situation d'un examen, d'un test,

22 dans les conditions qui caractérisent cet examen -n'oublions pas qu'il

23 était en prison depuis pas mal de temps, plusieurs mois, n'est-ce pas-

24 donc l'anxiété de communication et l'anxiété due à la situation est

25 quelque chose que l'on peut s'attendre à trouver chez n'importe quelle

Page 8725

1 personne détenue.

2 Question: Donc si je vous comprends bien la situation dans laquelle M.

3 Radic s'est trouvé ou plutôt la situation dans laquelle il était, quand

4 vous lui avez parlé, aurait pu influer sur l'impression qu'il vous a faite

5 en vous fournissant les réponses qu'il vous a fournies au cours de cet

6 examen? C'est bien cela?

7 Réponse: Nous ne nous sommes pas bien compris.

8 Question: D'accord. Eh bien, je vous demande de vous expliquer.

9 Réponse: Oui, ce que j'ai dit simplement, c'est que le potentiel

10 intellectuel primaire est celui qu'un être humain à sa naissance. Quant au

11 potentiel intellectuel mesuré, c'est ce dont nous parlons à l'instant que

12 nous avons mesuré et qui correspond à un numéro, à une réalité, à une

13 catégorie que nous exprimons grâce au Q.I., et le moment où est réalisé

14 l'examen c'est ce moment que nous décrivons.

15 Notre tâche consiste à décrire ce moment précis en tant que

16 professionnels. Nous devons dire qu'à ce moment précis l'individu présente

17 tel et tel état d'esprit, qu'il a telle et telle humeur, et si vous me

18 permettez d'ajouter, je dirai que je processus consistant à évaluer la

19 capacité intellectuelle est une tâche très fine, très difficile quelle que

20 soit celui qui effectue l'examen. Et la personne qui est interrogée

21 remarque ceci immédiatement, il remarque immédiatement un certain malaise

22 lié à cette difficulté.

23 Je ne parle pas ici précisément de M. Radic mais de façon générale de

24 toutes les personnes qui subissent ce genre de tests: un malaise dû au

25 fait que les personnes se rendent très rapidement compte qu'on est en

Page 8726

1 train d'examiner en termes simples leur intelligence.

2 Question: Dans vos conclusions au sujet de l'intelligence de M. Radic, en

3 page 5 de la version anglaise, vous dites, je cite: "Les capacités

4 intellectuelles de Mlado Radic sont à un niveau inférieur à une

5 intelligence moyenne, un niveau en dessous de la moyenne." Et en page

6 précédente, à deux endroits, vous décrivez l'intelligence de M. Radic

7 comme étant inférieur à la moyenne mais toujours située dans les limites

8 de la normale. Je poursuis la lecture de votre rapport, vous présentez des

9 copies de résultat d'une série de tests que vous avez administrés à M.

10 Radic. Le premier test est le test WBI. Vous voyez cela?

11 Réponse: Oui.

12 Question: En première page du test WBI, vous écrivez: "Capacité

13 intellectuelle à un niveau normal." N'est-ce pas un diagnostic assez

14 différent du niveau d'intelligence de M. Radic par rapport à celui que

15 l'on trouvait dans le test de votre rapport? Dans WBI, vous dites

16 "Capacité intellectuelle au niveau de débilité normale".

17 Réponse: J'avais prévu que vous me poseriez une question à ce sujet, et je

18 l'ai fait pour les raisons suivantes. Cette question est compréhensible

19 car vous ne pouviez que vous poser des questions au sujet du barème

20 présenté avec le barème moyen, le niveau inférieur qui commence à 91. Le

21 niveau de débilité normale se termine au chiffre 90, on parle donc de

22 débilité normale à ce niveau. Je pense que vous comprendrez qu'il y a une

23 différence, le niveau de débilité normale va de 80 à 90 et le niveau

24 inférieur que l'on appelle "niveau inférieur" commence à 91. En

25 terminologie psychologique classique, ce niveau de débilité normale ne

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1 s'exprime pas de cette façon. Nous disons que l'individu présente une

2 capacité intellectuelle inférieure à la moyenne mais, dans une version,

3 dans un texte officiel, j'ai dû tenir compte des catégories utilisées en

4 psychologie, j'ai donc dû utiliser ce terme, à savoir l'expression

5 "débilité normale", mais cela ne signifie pas qu'il y a une différence,

6 car c'est simplement une distinction linguistique, un manque de

7 correspondance linguistique. Mais ce que je dis est la même chose,

8 "débilité normale" signifie niveau inférieur à la moyenne.

9 Question: Mais vous n'expliquez pas cela dans votre rapport, n'est-ce pas?

10 Réponse: Je ne crois pas l'avoir expliqué d'une façon aussi explicite,

11 mais en page 5 de la version anglaise, je dis: "Le niveau correspondant à

12 la catégorie de débilité normale va de 80 à 90 et est inférieur au niveau

13 moyen qui va de 91 à 110 etc. Je crois que j'ai précisé cela et c'est ce

14 dont nous venons de parler.

15 Question: Parlons un peu du paragraphe intitulé "Description de la

16 personnalité", qui se trouve dans la version anglaise du rapport à partir

17 du milieu de la page 5.

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous voyez ce titre?

20 Réponse: Oui, je vois le titre.

21 Question: Page 5 de la version anglaise, deuxième paragraphe de la page, à

22 partir du bas de la page, vous décrivez M. Radic grâce aux mots suivants,

23 je cite: "Le sujet se présente actuellement comme une personne dont le

24 respect de soi est réduit, le sentiment de faiblesse accru. Une personne

25 emprunte d'un sentiment de blocage sans issue et d'impuissance, ce qui est

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1 plus probablement le reflet de la situation dans laquelle il se trouve. Il

2 présente une qualité dépressive. De par la qualité et le niveau, cette

3 dépression est de type réactionnel: l'incertitude, l'inquiétude et la

4 méfiance vis-à-vis de situations et de personnes nouvelles sont

5 accentuées."

6 Si j'ai compris ce que vous dites de façon exacte, vous dites dans votre

7 rapport que la situation de détention de M. Radic et sa mise en accusation

8 pour plusieurs crimes graves ont affecté au moins temporairement sa

9 personnalité, c'est bien cela?

10 Réponse: Je voudrais vous demander si vous pensez que c'est la

11 personnalité de Mlado Radic qui présente ces caractéristiques? Cette

12 personnalité est caractérisée par les traits suivants, est-ce que c'est

13 bien de cela dont nous parlons?

14 Question: Non, je parle du paragraphe qui se situe au-dessus.

15 Réponse: Mais vous parlez du paragraphe qui commence par: "Ces

16 personnalités sont constituées d'un ensemble de traits énumérés ci-après"?

17 Question: Non non, je parle du paragraphe qui précède, qui est situé au-

18 dessus.

19 Réponse: Ah oui oui d'accord, j'avais quelques difficultés à retrouver le

20 paragraphe.

21 Question: Etes-vous en train de dire que le fait que M. Radic ait été

22 placé en détention et accusé de plusieurs crimes graves ont affecté au

23 moins temporairement sa personnalité? Est-ce bien cela que vous dites?

24 Réponse: Ce que je disais, c'est que sa dépression que j'ai constatée à

25 l'issue des tests, dont j'ai déjà parlé ici quand j'ai parlé du résultat

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1 du test MMP1, est une dépression réactionnelle, c'est-à-dire qu'il ne

2 s'agit pas d'une dépression psychotique ou d'une dépression pathologique.

3 Question: Est-il possible, dans ces conditions, qu'ayant examiné M. Radic

4 en 1997 avant sa mise en détention et sa mise en accusation, il ait pu

5 présenter des traits différents, des caractéristiques personnelles

6 différentes par rapport à celles que vous avez constatées et dont vous

7 avez rendu compte en mai 2000?

8 Réponse: Monsieur Radic n'aurait pas présenté des traits de personnalité

9 différents, pas plus qu'aucune autre personne, car les traits de

10 personnalité sont un élément permanent chez une personne. Mais la

11 configuration de ces traits de personnalité aurait été différente, très

12 probablement. Autrement dit, et je répète, probablement une personnalité

13 différente se serait exprimée.

14 Je ne peux pas dire avec certitude si l'aspect dépression aurait occupé la

15 première place ou s'il se serait trouvé souligné de façon inconsciente,

16 mais en tout cas les traits de personnalité que j'ai énumérés auraient

17 existé en tout état de cause car il s'agit de traits de personnalité qui

18 sont permanents chez tout individu.

19 Question: Je vais essayer d'utiliser le même vocabulaire que vous, "la

20 configuration des traits de personnalité de M. Radic"…

21 Ne serait-il pas possible que, si vous aviez examiné M. Radic en 1992,

22 c'est-à-dire avant sa mise en accusation officielle pour crimes de guerre

23 et crimes contre l'humanité, M. Radic aurait pu présenter une

24 configuration différente de ces traits de caractère par rapport à la

25 configuration que vous avez constatée, dont vous avez rendu compte en mai

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1 2000? Est-ce que cela aurait été possible?

2 M. le Président: Oui, Maître Fila?

3 M. Fila (interprétation): Là, nous sommes en présence de mauvais

4 traitements infligés au témoin. Le témoin a déjà répondu en disant que les

5 traits de caractère ne changent pas, mais que seule la configuration peut

6 se modifier. Les traits de personnalité, les traits de caractère ne

7 changent pas. Si le témoin doit répondre encore une fois ou plusieurs

8 fois, qu'il le fasse d'un coup, sept ou huit fois d'affilée, et nous en

9 aurons terminé.

10 M. le Président: De toute façon, je crois que le témoin n'a pas pris cela

11 comme étant un mauvais traitement et va répondre. Continuez. Quand même,

12 le témoin est un psychologue, elle est capable de répondre.

13 Poursuivez, Monsieur Saxon.

14 M. Saxon (interprétation): Vous avez compris la question que je vous ai

15 posée, Docteur Najman?

16 Mme Najman (interprétation): Oui, j'ai compris et je répète que les traits

17 de personnalité constituent une caractéristique permanente d'une

18 personnalité, mais que leur expression extérieure, leur extériorisation,

19 dans certaines situations, liées à des éléments extérieurs à la

20 personnalité ainsi qu'à des éléments intérieurs de la personnalité,

21 peuvent aboutir à ce que cette extériorisation, cette expression se

22 fassent d'une façon différente.

23 Autrement dit, si quelqu'un est équilibré -je vous donne un exemple-, si

24 quelqu'un est stable sur le plan affectif, si quelqu'un est maître de soi,

25 si quelqu'un est capable de fonctionner sur le plan social quelles que

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1 soient les situations, comme par exemple une situation de perte de ses

2 parents, il est certain qu'à ce moment-là, au moment de la perte des

3 parents, cette personne va tout de même manifester, exprimer du chagrin,

4 ressentir un sentiment de perte et donc manifester une certaine

5 dépression. Donc nous parlons là de quelque chose qui n'a rien à voir avec

6 l'expression des traits permanents de la personnalité qui, eux, sont

7 durables.

8 Question: Dernier paragraphe de la page 5 de la version anglaise. Vous

9 dites que la personnalité de M. Radic se caractérise par les traits

10 suivants, je cite : "Dévouement, modestie, passivité, servilité,

11 sensibilité, dépendance, forte propension au conformisme". Ces traits de

12 personnalité ne pourraient-ils pas être la conséquence de son arrestation

13 et de sa détention dans un pays étranger, ou bien peut-il s'agir

14 d'impressions qui pourraient résulter, donc, du fait d'avoir été arrêté et

15 emprisonné dans un pays étranger?

16 Réponse: Je ne crois pas que le numéro de page coïncide.

17 Question: C'est le paragraphe que vous avez lu tout à l'heure, il y a

18 quelques minutes, quand je vous ai dit que ce n'était pas le bon

19 paragraphe.

20 Réponse: Ah oui, je vois, je vois. "Le sujet démontre, etc., ces

21 personnalités sont constituées d'un ensemble de traits énumérés ci-après".

22 Oui, je vois, j'ai trouvé.

23 Question: Est-ce que ces caractéristiques ou impressions par rapport à la

24 personnalité de l'individu peuvent être la conséquence d'une arrestation

25 et du fait d'être prisonnier dans un pays étranger?

Page 8732

1 Réponse: De façon générale, c'est possible mais ce dont j'ai parlé jusqu'à

2 présent, ce sont les résultats obtenus lorsque les tests PIE et le test

3 Pluchick ont été… J'ai donc parlé des résultats obtenus par cet individu

4 aux test MMPI et PIE, l'index des émotions Pluchick.

5 M. Fila (interprétation): J'interviens car il s'agit de deux paragraphes

6 différents, Monsieur le Président. C'est là qu'est le problème. Je crois

7 qu'il faut aider le témoin. Monsieur Saxon vous parle du paragraphe

8 suivant qui commence par "Ces personnalités sont constituées d'un ensemble

9 de traits énumérés ci-après", et vous, vous parlez d'un autre paragraphe.

10 M. le Président: C'est une question de communication quand on traite avec

11 deux documents différents. Vous mentionnez la page de votre document

12 anglais mais le témoin a une version en BCS.

13 (Les interprètes signalent qu'ils ont une version en français.)

14 (inaudible.) Le témoin vous suit. Faites attention au temps.

15 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je le ferai.

16 Madame Najman, Docteur Najman, je vous prie de m'excuser, les traits de

17 personnalité de M. Radic que vous décrivez dans votre rapport, l'anxiété,

18 la frustration, la mélancolie, la difficulté à prendre des décisions, la

19 passivité, etc., ces traits de personnalité pourraient-ils correspondre au

20 fait que M. Radic se rende compte des actes qu'il a commis par le passé et

21 qu'il se rende compte également des conséquences probables de son

22 comportement antérieur?

23 Mme Najman (interprétation): Dans quel sens entendez-vous le mot

24 "correspondre"? Dans le sens d'une correspondance avec sa personnalité

25 antérieure?

Page 8733

1 Question: Non, je vous demande si le fait que M. Radic ait ressenti de

2 l'anxiété, de la frustration, de la mélancolie, une difficulté à prendre

3 des décisions, de l'indécision… est-ce que ces caractéristiques, ces

4 traits de caractère pourraient correspondre au fait que M. Radic se serait

5 rendu compte de son comportement antérieur et des conséquences éventuelles

6 que son comportement antérieur pourrait avoir?

7 Réponse: Eh bien, comme je l'ai dit tout à l'heure, les traits de

8 caractère sont une composante permanente de M. Radic comme de tout autre

9 individu. Maintenant, s'agissant des événements passés, nous pouvons

10 essayer de reconstituer les événements mais c'est quelque chose de très

11 arbitraire et je préférerais ne pas me livrer à cet exercice ici.

12 Question: Si vous me le permettez, je vous demanderai si vous ne pensez

13 pas qu'il est permis de dire, Docteur Najman, que le concept global de

14 personnalité est un concept assez abstrait lui-même?

15 Réponse: Dans quel sens entendez-vous le mot "abstrait"?

16 Question: C'est un sujet qui permet toute sorte d'interprétations et qui

17 peut être discuté très longuement. Ce n'est pas un sujet qui permet des

18 mesures précises. Etes-vous d'accord avec cela?

19 Réponse: Je suis tout à fait d'accord avec cela. Vous savez, la

20 psychologie, ce n'est pas la physique nucléaire et n'a jamais prétendu

21 l'être. Pour tous les physiciens, les protons et les neutrons font partie

22 de l'atome mais pour les psychologues, il existe des techniques de

23 psychométrie qui s'efforcent de mesurer un certain nombre de

24 caractéristiques, comme par exemple les capacités intellectuelles, les

25 caractéristiques personnelles et également un certain nombre de choses que

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1 la personne interrogée ne souhaite pas dire, donc les éléments qui font

2 partie de son monde intérieur, et bien sûr, cela peut faire l'objet de

3 discussion, n'est-ce pas?

4 Question: Et le fait que ces concepts ou ces thèmes peuvent toujours

5 donner lieu à discussion ne crée-t-il pas de très grandes difficultés pour

6 obtenir des certitudes scientifiques s'agissant de décrire les

7 caractéristiques et les évolutions de la personnalité d'un individu?

8 Réponse: De façon générale, c'est effectivement difficile. Mais les

9 psychologues et les psychiatres également -les psychiatres faisant un

10 travail très comparable au nôtre-, donc les psychologues et les

11 psychiatres font un diagnostic psychologique en s'appuyant sur des tests,

12 sur des entretiens avec le sujet et sur des évaluations psychologiques

13 qu'il font en tant qu'experts dans le domaine de leur spécialité.

14 M. le Président: Avez-vous une indication de votre temps ou attendiez-vous

15 que j'attire votre attention?

16 M. Saxon (interprétation): Je croyais avoir compris que je disposais d'une

17 heure 15 minutes et je croyais que nous reprendrions à 14 heures 30.

18 M. le Président: Non, 14 heures 20.

19 M. Saxon (interprétation): Puis-je poser encore une question?

20 M. le Président: Oui.

21 M. Saxon (interprétation): Vous dites, dans votre rapport, sous l'intitulé

22 "Analyse psychologique et interprétation"… avez-trouvé ce passage, Docteur

23 Najman?

24 Réponse: Oui.

25 Question: La dernière phrase du premier paragraphe, vous écrivez

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1 s'agissant de M. Radic, je cite: "Il n'a pas été impulsif ou agressif au

2 fil de son historique existentiel et professionnel."

3 (L'interprète signale qu'il s'agit de la traduction officielle.)

4 Réponse: Oui, je vois.

5 Question: Supposons que, par hypothèse, on vous demande d'évaluer la

6 personnalité d'un policier et qu'il ait reçu un rapport indiquant qu'un

7 jour ce policier et certains de ses collègues ont gardé des prisonniers

8 qui allaient déjeuner et que, selon ce rapport, ce policier et ses

9 collègues aient frappé les prisonniers alors qu'ils entraient dans le

10 réfectoire pour déjeuner et que, plus loin dans le rapport, il soit

11 indiqué que le policier ait fait signe à ses collègues pour que commence

12 le passage à tabac?

13 Quelles observations formuleriez-vous au sujet du comportement et de la

14 personnalité de ce policier?

15 Réponse: Voyez-vous, nos positions diffèrent quelque peu de

16 façon apparente. Je suis psychologue en diagnostic et expert en la

17 matière, et je fais ici la différence de plusieurs types d'agressivité.

18 L'agressivité peut être une potentialité de la personnalité

19 même, et en sa qualité de potentialité de la personnalité, cela fait

20 partie des perturbations au niveau de la personnalité, ce que l'on appelle

21 psychopathologie.

22 L'agressivité de temps en temps peut être extériorisée par toute

23 personne. C'est une agressivité qui est déplacée et qui ne doit pas

24 forcément faire partie intégrante d'une personnalité en tant que telle,

25 chose dont j'ai déjà parlé. Cela peut donc être une extériorisation

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1 quelconque dans certaines situations mais cela ne signifie pas pour autant

2 que cette personne-là est porteuse d'une potentialité d'agressivité en

3 tant que telle.

4 Question: Est-ce que l'on a fait recours à deux méthodologies dans

5 l'interrogatoire de M. Radic?

6 M. Fila (interprétation): Combien de dernières questions à M. le

7 Procureur, une, deux, trois? Monsieur Saxon vient de dire qu'il avait

8 encore une question et il en pose d'autres et d'autres. Il est en train de

9 dépenser, d'user de mon temps, du temps qui m'avait été affecté.

10 M. Saxon (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président, d'avoir

11 outrepassé le temps imparti. Je retire ma question.

12 M. le Président: Au niveau du temps d'audience, nous avons parlé de 2

13 heures 30 et de 2 heures 20. Si vous aviez commencé 2 heures 30 ou 2

14 heures 20, vous n'aviez pas encore une demi-heure. Donc, pas de problème.

15 Ce que j'ai compris, c'est que souvent on demande une dernière question,

16 et encore dans la même question, il y a une même question. Mais ici vous

17 alliez changer, je crois, un peu le champ de question. Donc, je crois que

18 nous avons fini. Très bien.

19 Maître Fila, avez-vous des questions supplémentaires?

20 M. Fila (interprétation): Très brièvement, Monsieur le Président.

21 Le monsieur qui a fait l'expertise avec vous est un psychiatre hollandais?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Il a fait des expertises concernant des Serbes et des

24 Hollandais?

25 Réponse: Il a fait des expertises sur des Hollandais aussi, j'imagine.

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1 Question: Il a bu un café avec vous? Est-ce que ce café a fait le même

2 effet sur vous que sur lui, vous qui avez fait essentiellement des

3 expertises sur des Serbes, lui qui a fait des expertises sur des

4 Hollandais?

5 Réponse: Je n'ai pas remarqué.

6 Question: Y a-t-il des différences ou des désaccords entre vous et le

7 monsieur néerlandais lorsque vous avez confectionné cette expertise?

8 Réponse: Sur le plan du diagnostic, aucunement. Pour ce qui est de notre

9 approche sur la personne examinée non plus. Et nous avons, je pense,

10 collaboré sur un niveau professionnel au maximum.

11 Question: Indépendamment du fait que vous ayez expertisé des Serbes et

12 vous des Hollandais dans votre passé?

13 Réponse: Oui, tout à fait.

14 Question: Même en prenant votre café avec cette personne-là?

15 Réponse: Oui, tout à fait.

16 Question: Je vous remercie, je ne plus de questions.

17 M. le Président: Merci beaucoup.

18 Monsieur le Juge Riad, avez-vous des questions?

19 (Questions du témoin, Mme Ana Najman, par M. le Juge Riad.)

20 M. Riad (interprétation): Bonjour, Madame le Docteur Najman, m'entendez-

21 vous?

22 Mme Najman (interprétation): Je vous entends.

23 Question: Vous êtes certainement l'une des professions des plus

24 fascinantes au sujet de laquelle je n'en connais pas long. Mais pour en

25 savoir plus, vous avez dit que vous aviez pris en considération pas mal

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1 d'éléments lors de la confection de votre expertise et vous avez également

2 introduit ici ce que l'accusé ne voulait pas dire sur lui-même.

3 Je voudrais parler d'une autre dimension ici mais la personne examinée

4 vous donne des renseignements inexacts, comment réagissez-vous et comment

5 traitez-vous de cet aspect-là?

6 Réponse: Lorsqu'il s'agit de données inexactes, on suppose que l'anamnèse

7 est tout à fait exacte et notamment lorsqu'il s'agit d'une situation dans

8 laquelle se trouve la personne examinée quand elle est détenue. Et les

9 autres renseignements inexacts, si ce sont ceux que vous aviez en tête,

10 sont ceux probablement qui sont liés à la caractéristique de la

11 personnalité que l'on voudrait dissimuler.

12 Il y a des techniques qui vous le désignent, qui vous le démontrent. Il

13 s'agit du test MMPI qui vous dit si quelqu'un est en train de vous mentir

14 ou de ne pas vous mentir. Il y a aussi des techniques de projection, qui

15 est une technique de Rorschach, qui parlent d'un monde intérieur dont on

16 ne veut pas parler mais qui échappe et que l'on arrive à percevoir.

17 Ce sont des choses, des références très importantes partant desquelles

18 nous sommes à même de formuler des conclusions par la suite.

19 Question: Par conséquent, vous accordez de la foi à ces indications, vous

20 n'abandonnez rien aux personnes examinées? Vous partez donc de la prémisse

21 aux termes de laquelle la personne examinée ne ment pas. Et vous pouvez

22 donc également supposer que cela n'est peut-être pas vrai dans l'esprit

23 même de la personne examinée? C'est ce que je voudrais savoir, comment

24 vous, qui traitez de ces choses-là, prenez cela en considération?

25 Mais vous avez aussi dit que l'agressivité pouvait se manifester

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1 occasionnellement et que cela n'était pas forcément un trait propre au

2 caractère véritable d'une personnalité. Dans ce cas-là, à la fin de votre

3 expertise, vous ne sauriez confirmer que la personne concernée n'est pas

4 en mesure de commettre un acte, votre conclusion ne mène pas à cela? Cette

5 personne serait peut-être en mesure de commettre un acte même si l'analyse

6 que vous avez effectuée ne vous permet pas d'en conclure.

7 Réponse: Cela pourrait être l'une des conclusions. Toutefois,

8 vous savez, si une personne dans la structure de sa personnalité ne

9 dispose pas d'un potentiel d'agressivité suffisant, son extériorisation de

10 l'agressivité ne saurait revêtir un niveau très élevé. Cela pourrait être

11 un état de colère, de mécontentement, mais cela ne peut pas dépasser un

12 certain niveau d'agressivité à laquelle on pourrait s'attendre de la part

13 d'une personne qui a cette agressivité incorporée dans la structure même

14 de sa personnalité, si je puis m'exprimer ainsi.

15 Question: Je vous remercie.

16 M. le Président: Merci beaucoup, Monsieur le Juge Riad.

17 Madame la Juge Wald, s'il vous plaît?

18 (Questions au témoin, Mme Ana Najman, par Mme la Juge Wald.)

19 Mme Wald (interprétation): Madame le Docteur, j'ai deux questions très

20 brèves, en page 6 de la version anglaise, et je me propose de vous donner

21 lecture de deux pages. Malheureusement, je n'ai pas de version en BCS

22 devant moi et je ne peux pas vous dire où cela se trouve mais cela se

23 trouve juste au-dessus de l'intitulé "Les résultats du matériel projectif"

24 Donc vous avez trouvé ce titre. Il y a deux phrases auparavant qui disent:

25 "Des dimensions accentuées d'obéissance, de crédulité, de dépendance et de

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1 suggestivité. L'absence d'un esprit critique et d'autonomie, raison pour

2 laquelle cette personnalité sollicite sans cesse un soutien. Dans des

3 conditions de vie nouvelles, cette personnalité manifeste plus de

4 stéréotypie et moins de plasticité."

5 Par conséquent à la page suivante, cela se suit, n'est-ce pas, à la page

6 suivante, sous l'intitulé "Analyse psychologique et interprétation", je

7 parle du troisième paragraphe, vous parlez de M. Milgram et vous dites en

8 décrivant l'obéissance que parfois lorsque celui-ci agit suivant des

9 ordres, vous dites qu'en faisant leur travail, les personnes peuvent

10 devenir acteurs d'un processus de destruction, et vous parlez d'une

11 personne "bombardant."

12 Ma question est la suivante: si nous prenons en considération des

13 caractéristiques de la personnalité dont il est question au premier

14 paragraphe -je ne parle pas de M. Radic mais d'une personnalité de ce

15 genre-, vous avez dit qu'une telle personnalité, lorsqu'elle se trouverait

16 dans une situation nouvelle où l'entourage de cette personne se comporte

17 de façon très mauvaise et de façon très agressive, de façon dont cette

18 personne-là ne se comporterait jamais, y aurait-il possibilité qu'une

19 telle personnalité, qu'une telle personne puisse commencer à se comporter

20 également de cette façon ou pas, ou voir cette personne se retirer en soi,

21 ou contester la façon dont les autres se comportent dans cette situation

22 de vie tout à fait nouvelle où la personne en question ne se comporterait

23 pas de cette façon?

24 Donc dans une situation où d'autres personnes se comportant de cette

25 façon-là, quelle serait la réaction la plus prévisible de M. Radic mais de

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1 quelque personne que ce soit qui aurait des traits de caractère analogues?

2 Réponse: J'ai compris.

3 La réaction la plus prévisible ne se ferait pas dans le sens

4 d'une opposition, notamment d'une opposition à l'égard du groupe ou à

5 l'égard des gens se trouvant autour de la personne en question.

6 Je me suis référée ici aux recherches effectuées par M. Milgram

7 parce que cette notion d'attitude à l'égard de l'autorité et d'exécution

8 des ordres émis par une autorité quelconque, ce sont des questions dont

9 ont traité bon nombre d'hommes de sciences pour essayer d'expliquer ce que

10 vous avez demandé dans votre question.

11 La notion d'autorité, en d'autres termes, dans ce sens, devrait

12 sous-entendre que la personne étudiée, examinée, perçoit comme étant une

13 autorité au niveau professionnel ou familial, mais le plus souvent c'est

14 au niveau professionnel, et sa soumission se fait dans le sens où l'ordre

15 est émis par une autorité et c'est l'autorité qui assume la responsabilité

16 de l'acte.

17 Une telle personnalité ne perçoit donc pas cela, et c'est

18 l'interprétation psychologique que j'en fais, non pas au sens médico-

19 légal: cette personne n'a pas le sentiment qu'il s'agit là d'une personne

20 dont elle est tenue responsable et que cela découle des motifs qui animent

21 la personne en question, elle-même. C'est donc l'autorité qui caractérise,

22 qui donne la représentation que se fait cette personne de l'acte dont nous

23 parlons.

24 Question: Juste une petite question pour enchaîner. Je comprends votre

25 réponse concernant l'autorité. C'est-à-dire la personnalité qui formule

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1 des ordres mais la citation précédente parlait de la suggestivité ou de la

2 recherche permanente d'un soutien quelconque.

3 Si une telle personne n'a pas l'ordre de faire telle ou telle chose mais

4 tous les autres, tous ses collègues se comportent d'une façon dont la

5 personne en question ne se comporterait pas dans une situation analogue,

6 est-ce que pour se faire respecter par les autres il se comporterait de

7 cette façon?

8 Réponse: Non, car il manque l'élément d'initiative. Comme je l'ai dit au

9 début, cette personne n'a pas l'esprit d'initiative d'entamer elle-même un

10 comportement de ce genre.

11 M. Wald (interprétation): Je vous remercie.

12 (Questions au témoin, Mme Ana Najman,par M. le Président.)

13 M. le Président: Merci beaucoup, Madame la Juge Wald. Seulement une

14 question parce que si l'on commence à discuter de ce rapport, on ne

15 sortira d'ici ni aujourd'hui, ni demain.

16 Seulement une question: quelle a été votre formation dans le domaine

17 spécifique de la psychologie légale que d'autres personnes appellent aussi

18 la psychologie judiciaire?

19 Mme Najman (interprétation): Vous entendez par là ce que j'ai fait comme

20 études ou ce que j'ai comme éducation à ce niveau-là?

21 D'abord je tiens à vous dire que j'ai fait mes études à la faculté de

22 Belgrade, j'ai fait Psychologie et Philosophie, j'ai fait trois ans de

23 spécialisation à Belgrade et j'ai eu bien des stages de psychologie

24 médico-légale. Ensuite j'ai travaillé pendant dix ans au niveau d'un

25 hôpital sis dans une prison à Belgrade, et je suis expert judiciaire

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1 depuis 1975 ou 1976, je ne saurai vous donner la date exacte, mais c'est

2 la période depuis laquelle je fais ce travail.

3 Question: Je crois que nous avons fini nos questions, Docteur Najman. Nous

4 vous remercions d'être venue ici, d'avoir coopéré avec le Tribunal, nous

5 vous remercions beaucoup et nous vous souhaitons un bon retour à votre

6 travail.

7 Réponse: Je vous remercie également.

8 (Le témoin, Mme Ana Najman, est reconduit hors du prétoire.)

9 (Questions relatives à la procédure.)

10 M. le Président: Oui, Maître Fila.

11 M. Fila (interprétation): Je vous demanderai Monsieur le Président une

12 chose: je n'ai pas compris si M. Saxon voulait verser au dossier le

13 rapport du Dr Najman ou si c'est moi qui dois le faire.

14 Mais en tout état de cause je voudrais proposer que ce rapport soit versé

15 au dossier comme élément de preuve, et je crois que le Procureur a

16 attribué une cote à ce document.

17 M. le Président: Oui tout à fait.

18 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, j'ai accordé une cote

19 rien que pour des fins d'identification. Il s'agit d'un document

20 appartenant à la défense de M. Radic, c'est donc à la défense que nous

21 allons laisser le soin de verser le document au dossier.

22 M. Fila (interprétation): Dans ce cas-là, je propose que ce document-là

23 soit versé au dossier en sa qualité d'élément de preuve.

24 M. le Président: Quelle sera la cote, Madame Thomson?

25 Mme Thomson (interprétation): La cote sera la cote attribuée par le

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1 Procureur aux fins d'identification. Juste un moment s'il vous plaît.

2 Ce serait à présent la cote D30/4.

3 M. Fila (interprétation): (Hors micro.)

4 Mme Thomson (interprétation): C'est ce qui apparaît chez moi.

5 M. le Président: Mme Thomson, quelle est la logique? D30/4, pourquoi?

6 Mme Thomson (interprétation): Parce que la cote précédente, c'était le

7 D30/3.

8 M. le Président: Maintenant c'est le document, il a été identifié, vous

9 savez il faut maintenir la même nomenclature, la même structure

10 d'identification des documents que nous suivons pour la défense: il y a

11 des documents qui sont identifiés par rapport à l'ordre de l'Acte

12 d'accusation de chaque accusé, il faut donc tenir compte de cela. De toute

13 façon, on peut quand même discuter en abstrait et demain on verra cela.

14 Monsieur Saxon, avez-vous des objections par rapport au versement au

15 dossier de ce document?

16 M. Saxon (interprétation): Le Procureur fait objection au versement de ce

17 document au dossier et ce partant des questions liées à la fiabilité. Le

18 Procureur estime que les conclusions du rapport du Dr Najman ne sont pas

19 valides et c'est la raison pour laquelle nous objectons son versement au

20 dossier.

21 M. Fila (interprétation): Pour que les choses soient bien claires, les

22 conclusions de l'une et l'autre sont réunifiées ou unifiées pour faire une

23 conclusion conjointe qui a été faite par l'expert serbe et l'expert

24 hollandais. Je ne sais pas si maintenant M. Saxon s'oppose ou objecte la

25 partie des conclusions serbes ou les deux types de conclusion serbe et

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1 hollandaise confondues.

2 M. Saxon (interprétation): Le Procureur fait objection au versement au

3 dossier de ce rapport présenté par le Dr Najman et le versement au dossier

4 du rapport du Dr Van Der Bussche, si cela est considéré comme étant un

5 rapport conjoint. Nous faisons donc objection tant à ce rapport conjoint

6 qu'aux deux rapports distincts, de l'un et de l'autre de ces deux

7 rapports.

8 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, si vous le permettez?

9 M. le Président: Oui Maître Fila.

10 M. Fila (interprétation): D'abord, dans l'affaire Kvocka, vous avez

11 accepté le versement au dossier d'un tel rapport d'expert. Deuxièmement,

12 ce psychiatre était désigné par la Chambre et non pas par moi-même, donc

13 il faudrait que la Chambre et le Bureau du Procureur délimitent les

14 compétences des uns et des autres, car ce n'est pas une proposition que

15 nous avons faite, nous en tant que conseils de la défense, mais une

16 proposition de la Chambre y compris le psychologue hollandais, et c'est

17 une conclusion qui est conjointe.

18 Maintenant interroger quelqu'un pendant une heure et demie et dire que

19 c'est une personne qui n'est pas compétente, je ne sais pas vraiment de

20 quoi on parle. C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que ce rapport

21 soit versé au dossier en tant qu'élément conjoint.

22 M. le Président: Oui Maître Fila, mais c'est pour cela que la Chambre

23 existe.

24 Madame Thomson, y a-t-il déjà un numéro, ou vous allez y penser?

25 Mme Thomson (interprétation): D31/3.

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1 M. le Président: Oui Monsieur Saxon, nous avons terminé.

2 M. Saxon (interprétation): Juste en guise de suggestion, Monsieur le

3 Président, il serait peut-être utile avant de prendre une décision finale

4 de permettre un contre-interrogatoire de l'autre… et cela pourrait être

5 possible avant que la Chambre ne décide de verser au dossier ces deux

6 rapports conjoints, c'est-à-dire de procéder au contre-interrogatoire du

7 Dr Van Der Bussche qui est psychiatre et qui a également examiné M. Radic.

8 Juge Mme Wald (interprétation): Excusez-moi Monsieur Saxon vous être en

9 train de demander à contre interroger l'autre psychiatre le Dr Van Der

10 Bussche comme le Dr Najman?

11 M. Saxon (interprétation): Oui, Madame la Juge.

12 Monsieur le Président: Vous connaissez quand même les problèmes de temps

13 que nous avons et je commence à douter si nous allons terminer. Tout cela,

14 c'est vrai que la Chambre a ordonné cette expertise, les rapports sont là

15 depuis longtemps, c'est vrai que nous essayons d'aller plus vite mais

16 c'est vrai que nous avons beaucoup de problèmes. Donc la Chambre ne va pas

17 prendre une décision aujourd'hui et la Chambre va réfléchir un peu sur

18 cette question. Nous avons une demande de versement au dossier, il y a

19 l'opposition du Procureur, la Chambre connaît les raisons, c'est cela que

20 nous allons analyser et décider. Pour aujourd'hui nous devons rester ici

21 car quand même il faut prendre en considération les quelques limitations

22 de travail et de temps. Donc demain à 9 heures 20 on sera là. Donc à

23 demain.

24 (L'audience est levée à 15 heures 10.)

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