Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 23 mars 2004

  2   Audience d'appel

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 40.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bonjour. Madame la Greffière,

  7   veuillez avoir l'amabilité de donner le numéro de l'affaire inscrit au rôle

  8   de ce jour.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour,

 10   c'est l'affaire IT-98-30/1-A, le Procureur contre Miroslav Kvocka, Mladjo

 11   Radic, Zoran Zigic, et Dragoljub Prcac.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. Maintenant, comme c'est

 13   l'habitude, je dois m'assurer que l'équipement fonctionne correctement. Je

 14   vais demander à tout le monde si on peut nous entendre ? D'abord les

 15   interprètes ? Oui.

 16   L'INTERPRÈTE : Oui.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Les appelants sont-ils en

 18   mesures de m'entendre ? Monsieur Simic, vous en premier.

 19   M. K. SIMIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, vous m'entendez. Tout le

 21   monde m'entend. Du côté de l'Accusation ? Oui, oui. Je vois que l'on

 22   m'entend.

 23   Maintenant, nous allons demander aux parties de se présenter. Veuillez me

 24   dire, s'il vous plaît, qui représente qui ?

 25   M. K. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,


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  1   Mesdames le Juge. Je m'appelle Krstan Simic, et je représente M. Kvocka.

  2   M. FILA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

  3   Toma Fila, et je représente Mladjo Radic.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation]  Nous n'entendons pas

  5   l'interprétation.

  6   Bien. Maintenant, tout est rétabli.

  7   Pour le troisième avocat.

  8   M. J. SIMIC : [interprétation] Bonjour. Jovan Simic, je représente

  9   Dragoljub Prcac.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] Bonjour, je m'appelle Slobodan Stojanovic.

 11   Je suis avocat de Belgrade et je défends Zoran Zigic.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

 13   Pour l'Accusation maintenant.

 14   M. CARMONA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,

 15   Messieurs les Juges. Je m'appelle Anthony Carmona. Je représente le bureau

 16   du Procureur et je suis accompagné aujourd'hui de Mme Norul Rashid, de Mme

 17   Helen Brady, de Mme Kelly Howick et de

 18   M. David Re. M. David Re va procéder à l'interrogatoire du témoin pour le

 19   bureau du Procureur.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci beaucoup. Je vais

 21   maintenant prononcer une brève déclaration liminaire avant que nous

 22   n'entamions l'audience proprement parlée et l'audition du témoin. L'affaire

 23   pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui est l'affaire qui concerne le

 24   Procureur contre Miroslav Kvocka, Mladjo Radic, Zoran Zigic et Dragoljub

 25   Prcac.


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  1   Au départ, il y avait cinq co-accusés en l'espèce qui ont tous été reconnus

  2   coupables à l'issue de leur procès en première instance, le 2 novembre

  3   2001. L'une des personnes condamnées, M. Kos, a déposé un acte d'appel le

  4   16 novembre 2001, avant de le retirer, de retirer cet acte d'appel le 21

  5   mai 2002. Il a ensuite été remis en liberté par le Tribunal.

  6   La Chambre de première instance a condamné chacun des appelants pour acte

  7   de persécution, de meurtre, et de torture, ainsi que, s'agissant de M.

  8   Zigic, de traitement cruel. Ce sont des crimes qui sont visés à l'Article 3

  9   et à l'Article 5 du statut du Tribunal.

 10   Les appelants ont déposé des actes d'appel entre le 13 et le 16 novembre

 11   2001. Le Procureur n'a pas fait appel du jugement.

 12   Au cours de la procédure d'appel, quatre requêtes ont été déposées en vertu

 13   de l'Article 115 du Règlement de procédure et de preuve, aux fins

 14   d'admission d'éléments de preuve supplémentaires lors de la phase de

 15   l'appel. L'appelant Prcac a déposé sa requête en vertu de l'Article 115, le

 16   25 février 2003, avec un addendum, déposé le 10 mars 2003. L'appelant

 17   Radic, quant à lui, a déposé une requête aux termes de l'Article 115, le 25

 18   février 2003, ainsi qu'un complément à cette première requête, le 2 mars

 19   2003. Quant à l'appelant Zigic, il a déposé une première requête au titre

 20   de l'Article 115, le 22 août 2002, avant de déposer une requête

 21   additionnelle le 13 juin 2003. Il a ensuite déposé une deuxième requête au

 22   titre de l'Article 115, le 11 avril 2003, avec un addendum le 19 mai 2003.

 23   Le 16 février 2004, c'est-à-dire, le mois dernier, la Chambre d'appel a

 24   rendu une décision ou un arrêt concernant les requêtes déposées en vertu de

 25   l'Article 115. Elle n'a accueilli qu'en partie seulement les requêtes


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  1   déposées par l'appelant Zigic, tout en rejetant les requêtes des autres

  2   appelants.

  3   La Chambre d'appel a ordonné l'audition de deux témoins supplémentaires au

  4   titre des Articles 98 et 107 du Règlement de procédure et de preuve du

  5   Tribunal. Il a été décidé que ces témoins devaient être entendus ce jour,

  6   le 23 mars 2004, à l'occasion de cette audience devant la Chambre d'appel.

  7   L'ordonnance portant calendrier qui stipulait ce fait a également donné

  8   pour instruction à l'Accusation de déposer tout élément relatif à la

  9   réplique, avant le 27 février 2004.

 10   L'appelant devait répondre à tout élément éventuellement déposé en vertu de

 11   cette disposition, le 5 mars 2204 au plus tard, et demande pour instruction

 12   à l'Accusation de répondre éventuellement et ceci, au plus tard le 10 mars

 13   2004.

 14   L'Accusation a déposé des éléments relatifs à la réplique le 27 février

 15   2004. L'appelant Zigic a répondu le 8 mars 2004. L'Accusation a ensuite

 16   répondu à cette réponse, le 11 mars 2004. Dans une décision du 12 mars

 17   2204, l'appelant Zigic et le Procureur se sont vu accorder une prorogation

 18   des délais concernant le dépôt des écritures concernées. Dans cet arrêt du

 19   12 mars 2004, la Chambre a également accepté en tant qu'éléments de preuve

 20   dans le cadre de la réplique, les éléments contenus dans les déclarations

 21   de témoins fournies par le Procureur.

 22   Dans une ordonnance délivrée le 26 février 2004, la Chambre d'appel a

 23   demandé à la section chargée des victimes et des témoins de prendre les

 24   dispositions nécessaires pour que ces témoins supplémentaires comparaissent

 25   devant la Chambre d'appel aujourd'hui, ce 23 mars 2004.


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  1   D'après les informations qui ont été communiquées, le témoin KV1, c'est-à-

  2   dire, l'un des deux témoins concernés, ce témoin était désireux de venir

  3   déposer devant la Chambre d'appel, alors que ce n'était pas le cas du

  4   deuxième témoin, qui était plus réticent. Une injonction à comparaître a

  5   été délivrée, le 11 mars 2004, à l'intention de ce deuxième témoin, mais,

  6   en dépit des efforts entrepris par ailleurs par la Chambre, il n'a pas été

  7   possible de faire en sorte que ce témoin comparaisse devant nous

  8   aujourd'hui. Cependant, la Chambre d'appel va prendre les mesures

  9   appropriées afin de faire en sorte que ce témoin dépose, si possible, après

 10   les audiences de cette semaine.

 11   Etant donné que les éléments de preuve en réplique n'ont trait qu'au

 12   deuxième témoin, nous n'allons pas entendre de témoins en réplique

 13   aujourd'hui. Ils ne viendront qu'ultérieurement s'il est possible

 14   d'entendre le deuxième témoin concerné. Si bien que s'agissant de

 15   l'audience de ce jour aux fins de présentation d'élément de preuve

 16   supplémentaire, la Chambre d'appel n'entendra qu'un seul témoin, le Témoin

 17   KV1.

 18   Aux termes de l'ordonnance portant calendrier du 19 mars 2004, modifiée par

 19   l'ordonnance portant calendrier du 22 mars 2004, la Chambre d'appel va en

 20   premier poser des questions directement au Témoin KV1. Suite à

 21   l'interrogatoire par la Chambre, l'appelant Zigic et l'Accusation ont

 22   chacun 30 minutes pour interroger le témoin. Bien entendu, les Juges

 23   poseront également des questions.

 24   L'appelant Zigic et le Procureur doivent se rappeler qu'il ne s'agit pas

 25   ici là de l'ouverture d'un nouveau procès. De plus, l'Accusation et la


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  1   Défense auront la possibilité de présenter des arguments au sujet de la

  2   crédibilité du poids accordé aux éléments apportés par le Témoin KV1 dans

  3   le cadre de sa déposition.

  4   Enfin, je tiens à rappeler aux parties qu'elles ne seront pas autorisées à

  5   contacter le témoin en dehors du prétoire à tout moment pendant sa

  6   déposition.

  7   A moins qu'il n'y ait des questions, nous allons maintenant entamer

  8   l'audition du témoin. 

  9   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 11   Est-ce que vous m'entendez ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Veuillez, je vous prie, lire la

 14   déclaration solennelle qui vous est présentée par l'Huissier.

 15   LE TÉMOIN: TÉMOIN KV1 [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez prendre

 20   place.

 21   Je dois vous expliquer que, conformément à une ordonnance en date du 18

 22   mars 2004, ce témoin s'est vu attribuer le pseudonyme de KV1. Nous lui

 23   avons également accordé comme mesures de protection, l'interaction de ses

 24   traits à l'écran. Je souhaiterais rappeler à toutes les parties qu'il est

 25   absolument essentiel d'utiliser ce pseudonyme pendant l'audience, et c'est


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  1   une recommandation que je me fais à moi-même puisque j'ai souvent tendance

  2   à oublier ce genre de démarches nécessaires. Si jamais il devait y avoir

  3   oublié dans ce domaine, je demande à la Greffière de bien vouloir me le

  4   signaler immédiatement afin que nous puissions procéder aux mesures de

  5   correction qui s'imposent à ce moment-là.

  6   Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, présenter un document sur

  7   lequel est inscrit le nom du témoin, son prénom ainsi que sa date de

  8   naissance. Je crois que vous avez déjà montré cette pièce aux parties,

  9   n'est-ce pas ?

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation]  Oui.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous

 13   souhaitons vivement protéger votre anonymat. C'est pourquoi tout au long de

 14   cette procédure, nous vous adresserons sous la dénomination de KV1. Cela

 15   sera votre pseudonyme.

 16   Je vais être le premier à vous poser des questions. Les autres Juges de la

 17   Chambre d'appel vous poseront ensuite des questions, et cela sera le tour

 18   de la Défense et de l'Accusation.

 19   Questions de la Cour :

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] D'où êtes-vous originaire,

 21   Monsieur le Témoin ?

 22   R.  Je suis de Prijedor. Je suis né à Kljuc, mais je vivais à Prijedor.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Connaissiez-vous un dénommé

 24   Drago Tokmadzic ?

 25   R.  Vous voulez dire Drago Tokmadzic ?


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. Je vous prie d'excuser ma

  2   prononciation catastrophique. C'est effectivement ce monsieur que je

  3   pensais. Est-ce qu'il est toujours vivant ou est-ce qu'il est décédé ?

  4   R.  Il est décédé.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous souhaiterions que vous nous

  6   aidiez à comprendre les circonstances dans lesquelles il est décédé ? Vous

  7   souvenez-vous à peu près du moment où il est décédé ?

  8   R.  Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je sais qu'il est mort à

  9   Keraterm.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] A l'époque, qu'est-ce que

 11   c'était Keraterm ?

 12   R.  Il s'agissait d'un camp à Prijedor.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Etiez-vous présent ? Etiez-vous

 14   là-bas ?

 15   R.  Oui.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] A quel titre étiez-vous à cet

 17   endroit ?

 18   R.  J'y ai été détenu. J'étais prisonnier là-bas.

 19   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Quand êtes-vous arrivé là-bas ?

 20   Pouvez-vous nous le dire ?

 21   R.  Le 31 mai, ou avril, je ne sais plus maintenant, je ne suis pas sûr.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Quand ou à peu près à quelle

 23   date avez-vous quitté cet endroit ?

 24   R.  Le 5 août, exactement à cette date.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Au camp, où étiez-vous logé ?


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  1   R.  Au début, j'étais dans la salle numéro deux, ensuite, je suis passé à

  2   la salle numéro un. Mais l'essentiel de ma détention, je l'ai passé dans la

  3   salle quatre.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pouvez-vous nous aider à

  5   comprendre où se situaient ces différentes salles, ces différentes pièces,

  6   est-ce qu'il y en avait plusieurs dans le même bâtiment ?

  7   R.  Il y en avait quatre, il y avait quatre salles.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Un, deux, trois, et quatre ?

  9   R.  Oui.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous nous aviez expliquiez où

 11   vous étiez, avec Tokmadzic, lui où est-ce qu'il était ?

 12   R.  M. Tokmadzic quand on l'a emmené là-bas, on l'a tout de suite fait

 13   entrer dans la salle numéro quatre.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous dites que vous vous

 15   souvenez du moment où il est décédé. Pouvez-vous expliquer à votre manière,

 16   à la Chambre ce qu'il est advenu ?

 17   R.  Ce soir-là, Banovic avec Keli, je le sais, ont appelé Tokmadzic par son

 18   nom, Islamovic Kljaic, Mesic aussi. Je ne me souviens de tous ceux qu'ils

 19   ont ainsi appelés, mais je sais qu'ils étaient assez nombreux. On les a

 20   faits sortir, on les a roués de coups, et au bout d'un certain temps,

 21   certains d'entre eux ont été ramenés dans la salle, Drago Tokmadzic était

 22   déjà mort quand ils ont jeté son cadavre dans la salle.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] De l'endroit où vous vous teniez

 24   dans cette salle, combien de mètres vous séparaient ou quelle distance vous

 25   séparait de l'endroit où il y a eu lieu ces passages à tabac ?


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  1   R.  Quelques mètres.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Avez-vous entendu le son de

  3   voix, des voix pendant ces passages à tabac ?

  4   R.  Oui.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Avez-vous été en mesure de

  6   reconnaître ces voix ?

  7   R.  Oui, celle de Banovic et celle de Keli. Je suis sûr également d'avoir

  8   entendu Goran Lajic.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Avez-vous entendu d'autres

 10   voix ?

 11   R.  Il y avait beaucoup de bruit et il y est possible que je n'aie pas bien

 12   enregistré tous les sons, tous les bruits. Mais j'ai enregistré, je me suis

 13   souvenu des sons que je connaissais qui m'étaient familier.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Avez-vous entendu quoi que ce

 15   soit qui a eu rapport à un cochon ? Est-ce que quelqu'un a utilisé le terme

 16   de porc ou de cochon ?

 17   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens pas.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que quelqu'un a utilisé

 19   le terme de "fini le"?

 20   R.  Je ne sais pas non plus.

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Avez-vous vu un dénommé Edin

 22   Ganic ?

 23   R.  Pas à ce moment-là.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce qu'il était prisonnier au

 25   camp ?


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  1   R.  Je ne m'en souviens pas, mais, en tout cas, je suis sûr qu'il n'était

  2   pas dans la salle où j'étais moi-même, le numéro 4.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Dans la salle où vous étiez, il

  4   y avait d'autres personnes ?

  5   R.  Oui.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce qu'il y en avait qui

  7   venait de Puharska, excusez-moi ma prononciation n'est peut-être pas

  8   fabuleuse.

  9   R.  Oui, la plupart des gens étaient de Puharska.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous avez entendu un

 11   véhicule s'approcher ?

 12   R.  Non, souvent il y avait des véhicules qui venaient, mais je ne sais

 13   pas, je ne suis pas sûr.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Avez-vous entendu ces gens de

 15   Puharska dire quelque chose ou quoique ce soit au sujet de ce qui

 16   arrivait ?

 17   R.  La seule chose dont je me souvienne, c'est que je sais quand Kajin

 18   arrivait à ce moment-là, les passages à tabac s'arrêtaient parce que sans

 19   doute il n'autorisait pas ce genre de pratique.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maintenant, j'aimerais que vous

 21   examiniez une feuille de papier, sur laquelle figure un nom. Il s'agit du

 22   nom d'un témoin protégé, ce que je vous demande c'est de simplement

 23   regarder, le lire ce qui a sur cette feuille de papier, et de dire à la

 24   Chambre si vous saviez si cet homme, lui aussi, était prisonnier au camp ?

 25   Mais, s'il vous plaît, ne dites pas son nom à voix haute.


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  1   R.  Je me souviens du nom de famille, mais je ne suis pas sûr pour son

  2   prénom.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vais demander à l'Huissier de

  4   bien vouloir présenter ce document aux avocats de la Défense.

  5   R.  Oui, il était là.

  6   [La Chambre d'appel et la Greffière se concertent]   

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous affirmez que le Témoin Y

  8   était lui aussi prisonnier au camp ?

  9   R.  Je ne l'affirme pas avec certitude, je n'affirme pas qu'il était dans

 10   cette salle, mais je sais qu'il y avait quelqu'un qui portait ce nom de

 11   famille qui était là, mais je ne peux pas confirmer pour ce qui est du

 12   prénom.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

 14   Une dernière question ou plutôt une dernière série de questions.

 15   Connaissiez-vous un dénommé Zoran Zigic ?

 16   R.  Oui.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'avez-vous vu pendant votre

 18   séjour au camp ?

 19   R.  Oui.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'avez-vous vu au moment où

 21   Tokmadzic a été tué ?

 22   R.  Ce jour-là, vraiment je ne l'ai pas vu.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Si vous le voyez aujourd'hui,

 24   seriez-vous en mesure de le reconnaître. Je parle de M. Zigic ?

 25   R.  Oui.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'avez-vous vu récemment quelque

  2   part ?

  3   R.  Pas jusqu'à il y a quelques minutes.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous l'avez vu il n'y a pas très

  5   longtemps, où cela ?

  6   R.  Ici à ma gauche au premier rang entre ces deux policiers.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

  8   Les autres juges de la Chambre d'appel vont maintenant vous poser des

  9   questions.

 10   M. LE JUGE POKAR : [interprétation] J'ai juste un certain nombre de

 11   questions de détails à vous poser Monsieur le Témoin KVI, afin de préciser

 12   certaines choses.

 13   En réponse à une question du président de la Chambre d'appel, vous avez

 14   déclaré que lorsque, au moment du passage à tabac de M. Tokmadzic vous avez

 15   entendu plusieurs voix, et parmi ces voix vous donnez le nom de M. Lajic,

 16   c'est bien cela vous avez entendu sa voix ?

 17   R.  Oui.

 18   M. LE JUGE POKAR : [interprétation] Pouvez-vous nous dire si, au son de sa

 19   voix ou en entendant sa voix, vous étiez en mesure de dire s'il était en

 20   train de frapper -- de passer M. Tokmadzic à tabac ?

 21   R.  Je ne sais pas qui frappait qui ce soir-là, mais j'ai entendu sa voix.

 22   Il y a plusieurs personnes à l'extérieur qui se sont faites passer à tabac,

 23   à ce moment-là.

 24   M. LE JUGE POKAR : [interprétation] Vous ne pouvez pas dire si, lui-même,

 25   personnellement, était en train de passer quelqu'un à tabac ? Qui il


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  1   passait à tabac ?

  2   R.  Non.

  3   M. LE JUGE POKAR : [interprétation] J'ai vos réponses, c'est tout ce que je

  4   voulais savoir. Je vous remercie.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Le Juge Guney a des questions à

  6   poser.

  7   M. LE JUGE GUNEY : Monsieur le Témoin, au cours des passages à tabac, vous

  8   avez entendu la voix de Ganic, et est-ce que vous pouvez nous dire quel

  9   était le rôle si vous avez pu saisir bien sûr avec la voix que vous avez

 10   entendu, le rôle joué par M. Ganic au cours du passage à tabac ?

 11   R.  J'ai parlé de Goran Lajic, c'est sa voix à lui que j'ai entendu, pas la

 12   voix de Ganic.

 13   M. LE JUGE GUNEY : Etant donné que vous venez de nous dire vous l'avez

 14   connu pendant une période de temps M. Zoran Zigic, est-ce que vous avez

 15   entendu la voix de M. Zoran Zigic au cours du passage à tabac ?

 16   R.  Non.

 17   M. LE JUGE GUNEY : Dans quel état était le cadavre de M. Tokmadzic quand il

 18   a été jeté dans votre salle ? 

 19   R.  Il était mort. Il faisait sombre. On ne pouvait pas bien le voir, mais

 20   je sais qu'il était vraiment mort.

 21   M. LE JUGE GUNEY : Est-ce que vous avez aperçu des traces de torture, des

 22   sévices, bien qu'il faisait nuit ?

 23   R.  Pas à ce moment-là. On ne pouvait rien voir. On s'est simplement rendu

 24   compte qu'il ne respirait plus, qu'il n'était plus en vie c'est tout.

 25   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin


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  1   KV1.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mme le Juge Weinberg de Roca va

  3   poser quelques questions au témoin.

  4   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie. J'ai

  5   quelques questions. Qui a fait l'appel de ce ceux qui ensuite ont été

  6   battus ?

  7   R.  Banovic et Keli.

  8   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Combien de personnes ont

  9   été appelées ?

 10   R.  Je ne me rappelle pas le nombre exact. Il y en a eu plusieurs. Il y en

 11   a pas mal. Je sais que Tokmadzic et Eso -- le policier qui a été emmené

 12   avec lui, et Lajic et Mesic, et un Albanais. Leurs noms ont été appelés.

 13   L'Albanais est mort sept jours plus tard.

 14   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Est-ce que vous savez

 15   combien de personnes procédaient à ces passages à tabac des détenus, ou

 16   est-ce que vous entendiez seulement les voix ?

 17   R.  Je ne sais pas combien de personnes participaient au passage à tabac

 18   des prisonniers, mais j'ai entendu des voix que j'étais capable de

 19   reconnaître.

 20   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Est-ce que vous avez

 21   reconnu toutes les voix ou seulement certaines d'entre elles ?

 22   R.  Je n'ai reconnu que les trois voix dont j'ai parlé.

 23   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Y avait-il ou non davantage

 24   de personnes qui passaient à tabac les détenus, et vous avez reconnu trois

 25   voix, ou est-ce que vous croyez que ce n'étaient que les trois en question


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  1   qui passaient à tabac les prisonniers ?

  2   R.  Je pense qu'il y avait davantage de personnes qui passaient les

  3   prisonniers à tabac.

  4   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Est-ce que vous avez

  5   reconnu des voix ou des sons ou est-ce que vous avez également compris ce

  6   qui se disait, ce qui était dit ou est-ce que c'était seulement des sons

  7   que vous entendiez sans entendre les mots précis ?

  8   R.  Je ne pourrais pas répéter les mots précis. Il y avait des jurons et

  9   des cris dans le genre de "frappe-le," et des choses de ce genre.

 10   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 11   C'est tout.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bien que ce témoin soit un

 13   témoin cité à déposer par la Chambre d'appel, ce témoin en fait a été

 14   appelé à déposer à la demande de M. Zigic. Je voudrais demander au conseil

 15   de M. Zigic s'il souhaite poser des questions à ce stade ?

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur Zigic, je

 17   vous remercie. Je suis reconnaissant qu'après ces questions exhaustives

 18   posées par les membres de la Chambre d'appel, je n'ai plus que quelques

 19   questions à poser.

 20   Interrogatoire principal par M. Stojanovic :  

 21   Q.  [interprétation] Je vous souhaite le bonjour, Monsieur le Témoin KV1.

 22   Il y a un détail seulement sur lequel je souhaite des éclaircissements.

 23   Est-ce que vous vous rappelez comment Drago Tokmadzic était habillé à

 24   Keraterm ?

 25   R.  Il portait une chemise légère bleue de la police, l'uniforme de police.


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  1   Q.  Est-ce que quand on l'a emmené, il portait cette chemise ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce qu'en fait c'était une pièce d'uniforme de la police ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que c'était le type d'uniforme que portaient alors les membres

  6   de la police serbe ?

  7   R.  C'était l'uniforme de la police de l'ex-Yougoslavie.

  8   Q.  A l'époque, cette partie de la police qu'on pourrait appeler la police

  9   serbe après les événements bien connus de Prijedor, est-ce que le policier

 10   qui est resté aux services des autorités serbes, est-ce qu'il portait le

 11   même uniforme ?

 12   R.  Oui, c'est bien cela.

 13   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à

 14   ce témoin. Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie. Je vous

 16   remercie, Monsieur le Conseil. Je demande -- maintenant, je me tourne vers

 17   l'Accusation -- je voudrais maintenant me tourner vers l'Accusation.

 18   M. RE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs

 19   et Mesdames les Juges.

 20   Interrogatoire principal par M. Re : 

 21   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, cette salle dans laquelle vous

 22   vous trouviez, cette salle 4, cette nuit-là, vous estimez qu'il y avait

 23   combien de personnes qui s'y trouvaient ce soir-là ?

 24   R.  Au cours de cette nuit, il y avait entre 260 et 280 personnes.

 25   Q.  Y avait-il une porte dans cette salle qui donnait directement sur


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  1   l'extérieur du camp ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Quelle sorte de porte était-ce ? Est-ce que c'était une porte avec des

  4   grilles ou est-ce que c'était une porte à travers laquelle on pouvait voir,

  5   ou est-ce que c'était une porte fermée ?

  6   R.  C'était une porte métallique et on pouvait voir ce qui se trouvait

  7   directement en face de la porte.

  8   Q.  Où vous trouviez-vous par rapport à cette porte lorsque vous avez

  9   entendu le bruit des passages à tabac à l'extérieur ?

 10   R.  Je me trouvais à côté de la porte. Il y avait un petit mur des deux

 11   côtés de l'entrée de cette salle et je me trouvais à côté du mur qui est le

 12   plus proche de la salle numéro 3.

 13   Q.  Combien de personnes selon vos estimations se trouvaient entre vous et

 14   la porte ?

 15   R.  Entre moi et la porte, il y avait environ 10 à 15, peut-être même 20

 16   personnes. Certaines d'entre elles se trouvaient juste à côté de la porte

 17   proprement dite.

 18   Q.  Il y avait aussi des fenêtres donnant sur l'extérieur, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui. Oui, c'est exact.

 20   Q.  Est-ce que vous pouviez voir à l'extérieur ce soir-là où avait lieu ces

 21   passages à tabac, à partir de l'intérieur où vous vous trouviez ?

 22   R.  Non. Les fenêtres se trouvaient très hautes, on ne pouvait pas voir à

 23   travers elles.

 24   Q.  Est-ce que vous vous rappelez s'il y avait un tonneau d'eau à

 25   l'extérieur près de la salle 4, près de la porte de la salle 4 ?


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  1   R.  Il y avait deux tonneaux.

  2   Q.  Est-ce qu'ils contenaient de l'eau ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Serait-il exact de dire qu'ils contenaient peut-être de 50 à 100 litres

  5   d'eau ?

  6   R.  Deux tonneaux de 200 litres chacun.

  7   Q.  Est-ce que les gardes utilisaient ces tonneaux d'eau à l'extérieur de

  8   la porte pour torturer ou faire subir des mauvais traitements aux

  9   prisonniers, aux détenus ?

 10   R.  Je ne me souviens pas. Je ne sais pas.

 11   Q.  Vous vous rappelez la nuit quand on a appelé le nom de Drago Tokmadzic,

 12   est-ce que vous avez entendu le bruit d'eau, d'éclaboussement ou de

 13   personnes qui utilisaient ces tonneaux d'eau ?

 14   R.  Non. Je ne me rappelle pas de cela.

 15   Q.  De l'endroit où vous entendiez le bruit des passages à tabac à

 16   l'extérieur de la porte, est-ce que vous pensez que c'était sur l'herbe ou

 17   sur le ciment ?

 18   R.  L'endroit où avait lieu les passages à tabac ?

 19   Q.  Oui. Là où vous avez entendu que l'on passait à tabac M. Drago

 20   Tokmadzic. Est-ce que vous pensiez que c'était sur l'herbe ou sur le

 21   ciment, en vous basant sur les bruits que vous attendiez, la distance entre

 22   la porte et le ciment ?

 23   R.  Je ne saurais dire s'il a été passé à tabac sur l'herbe ou sur le

 24   ciment parce que l'herbe et le ciment étaient très proches. Il y avait de

 25   nombreuses voix, des gémissements, beaucoup de bruit, et on ne pouvait pas


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  1   vraiment saisir quelque chose de ce genre se rendre compte.

  2   Q.  Est-ce qu'il était apparent pour vous que plus d'une personne était

  3   passée à tabac à l'extérieur de la porte, d'après les sons que vous

  4   entendiez ?

  5   R.  Certainement, oui.

  6   Q.  En réponse à une question qui a été posée par Mme le Juge Weinberg de

  7   Roca, vous avez mentionné le nom d'une personne appelée Eso qui se trouvait

  8   dans cette pièce. Est-ce que c'était Esad Islamovic dont vous parliez ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce qu'il a survécu cette nuit-là ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Y avait-il une personne dans la salle ou dans le camp que vous

 13   connaissiez et que vous appeliez Jovo, Jovo Radocac ou Radacaj

 14   -- je vous prie d'excuser ma prononciation ?

 15   R.  Après ce passage à tabac, il a été jeté dans la pièce, dans la salle.

 16   Il avait été frappé d'un coup de couteau. Il est mort un peu plus tard à

 17   l'intérieur de cette pièce.

 18   Q.  Je voudrais revenir en arrière sur un point. Pour commencer, la

 19   personne qui s'appelle Jovo, est-ce que c'était

 20   R-a-d-o-c, avec un accent, un accent dans l'orthographe de son nom, a-j ?

 21   Est-ce que c'est bien l'orthographe de son nom ?

 22   R.  Je pense que oui.

 23   Q.  Vous dites qu'après le passage à tabac, il a été jeté dans la salle et

 24   qu'il avait, d'après la traduction, il a été frappé d'un coup de couteau.

 25   Alors, je vous ramène à ce point. Est-ce qu'il était une des personnes qui


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  1   avait été appelée, qu'on avait fait sortir de la pièce ? Est-ce qu'il se

  2   trouvait dans une autre pièce ce soir-là ?

  3   R.  Il ne se trouvait pas dans cette salle. Il ne se trouvait dans aucune

  4   des salles en fait. Je crois que cette fois-là on l'avait emmené

  5   d'ailleurs, d'une maison.

  6   Q.  Juste pour préciser votre réponse précédente en ce qui concerne aurait-

  7   il été frappé d'un coup de couteau, est-ce que vous dites qu'il avait été

  8   frappé d'un coup de couteau avant qu'il ait été jeté dans la salle, après

  9   qu'il ait été jeté à nouveau dans la salle ou jeter dans la salle ?

 10   Excusez-moi.

 11   R.  Oui.

 12   M. STOJANOVIC : [interprétation] Nous élevons des objections, Monsieur le

 13   Président. Nous pensons que cet interrogatoire est allé au-delà du domaine

 14   permis, de ce que devrait être l'objet de ces questions.

 15   [La Chambre d'appel se concerte]

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. Maître Stojanovic, les

 17   membres de la Chambre d'appel ont examiné votre demande, mais, à ce stade,

 18   la rejette.

 19   M. RE : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que Jovo a été jeté dans cette salle au même moment que Drago

 21   Tokmadzic ou à un autre moment ce soir-là pendant la nuit ?

 22   R.  L'intervalle entre ces deux événements était relativement court,

 23   quelques minutes peut-être.

 24   Q.  Je voudrais vous poser des questions concernant les heures. Je

 25   comprends que cela fait très longtemps. Je voudrais que vous essayiez de


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  1   dire aux membres de la Chambre d'appel, d'après vos meilleurs souvenirs,

  2   vers quelle heure environ M. Tokmadzic a été appelé à sortir de cette

  3   salle.

  4   R.  C'est très difficile à dire. C'était la nuit. Ce qui veut dire que

  5   c'était après 22 heures du soir.

  6   Q.  Est-ce qu'il a été immédiatement passé à tabac ou est-ce que vous avez

  7   immédiatement entendu le bruit de passage à tabac à l'extérieur de la

  8   porte, juste après qu'il ait été appelé par Banovic ?

  9   R.  Pas immédiatement. Cela leur a pris un certain temps de réunir les

 10   autres, de les mettre en rang, alors, tout a commencé. Comment exactement

 11   cela a commencé, je ne le sais pas, mais il me semble qu'ils étaient en

 12   train de passer à tabac tout le monde en même temps, et qu'il y en avait

 13   plusieurs qui y participait.

 14   Q.  Combien de temps a duré ce passage à tabac, celui dont vous avez pu

 15   entendre à l'extérieur par la fenêtre, de l'extérieur ?

 16   R.  Je ne le sais pas exactement. Peut-être 10, 15, 20 minutes.

 17   Q.  Est-ce que cela aurait pu durer plus longtemps que cela ?

 18   R.  Pour moi, cela donnait l'impression que c'était pendant toute la nuit.

 19   Q.  Après ce passage à tabac, est-ce que les voix se sont éloignées ? Est-

 20   ce que les bruits ou les sons commençaient à baisser ?

 21   R.  Oui. Tout s'est finalement tu, soudainement.

 22   Q.  Soudain. Est-ce que c'est un peu plus tard que Drago Tokmadzic, le

 23   corps de Drago Tokmadzic a été emmené dans la salle ?

 24   R.  Oui. Après ce passage à tabac, ils l'ont jeté à l'intérieur de la pièce

 25   de la même façon qu'ils ont également jeté Jovo dans la salle, et un peu


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  1   plus tard, tout est devenu silencieux. Il n'y a plus eu de bruit jusqu'au

  2   lendemain matin.

  3   Q.  Pourriez-vous dire si c'étaient les gardes qui ont ramené son corps

  4   dans la salle ou si c'étaient les prisonniers qui se trouvaient dans la

  5   salle qui ont été appelés pour chercher le cadavre et le ramener à

  6   l'intérieur ?

  7   R.  Je crois que deux prisonniers ont fait entré le corps de Drago

  8   Tokmadzic.

  9   Q.  Est-ce que vous dites que les gardes sont venus et ont demandé à des

 10   prisonniers de sortir et de faire entrer ces corps dans la salle ?

 11   R.  Oui. Ils se trouvaient dans l'embrasure de la porte et ils ont demandé

 12   que les hommes sortent. Je crois que c'est de la façon dont cela s'est

 13   déroulé. C'était il y a longtemps. Je n'ai pas des souvenirs très précis à

 14   ce sujet. Je n'ai plus de souvenirs très précis.

 15   Q.  Lorsque Drago Tokmadzic a été emmené dehors, vous avez dit que vous

 16   vous trouviez de la façade. Vous avez dit qu'il y avait un certain nombre

 17   de personnes qui se trouvaient entre vous et la porte. Vous étiez près du

 18   mur et de la porte donnant à l'extérieur. Est-ce que vous vous trouviez

 19   encore à cet endroit ou est-ce que vous aviez bougé à un autre endroit de

 20   la pièce lorsque Drago Tokmadzic a été ramené ?

 21   R.  Je me trouvais au même endroit.

 22   Q.  Je retire ma question. Est-ce que vous étiez l'une des personnes qui a

 23   dû le lendemain emporter le corps de Drago Tokmadzic, l'emporter de cette

 24   salle ?

 25   R.  Oui, j'en étais.


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  1   Q.  Où vous l'avez-vous emporté ?

  2   R.  Il était emporté au-dessus de la salle 4, à l'étage, là où se trouvait

  3   des palettes où l'on jetait -- il y avait un tas là. Je ne me souviens pas

  4   de qui était l'autre personne qui m'a aidé à transporter ce corps. On m'a

  5   déjà posé cette question, mais je ne peux pas me souvenir qui était l'autre

  6   homme qui m'a aidé à emporter ce corps.

  7   Q.  L'interprétation dit qu'il a été emmené en haut d'un escalier, au-

  8   dessus de la salle 4. Est-ce que vous êtes en train de parler du bâtiment,

  9   et de l'enceinte du bâtiment ? Est-ce que vous parlez d'un autre endroit ?

 10   R.  Non, non, c'était à l'extérieur. Vous voyez l'endroit où se trouve la

 11   salle 4 et, après cela, il y a la fin de la zone rouge qui a une clôture,

 12   et il y a une aire qui est également couverte de gazon et qui a également

 13   une clôture et nous l'avons mis à l'extérieur, de l'autre côté de la

 14   clôture.

 15   Q.  Approximativement, quelle est la distance -- non, non excusez-moi, je

 16   retire cette question. Est-ce qu'il y avait un endroit où on emmenait

 17   systématiquement ou régulièrement de prisonniers décédés ? Est-ce que c'est

 18   le même endroit dont vous venez de parler ?

 19   R.  Oui, c'était à cet endroit-là.

 20   Q.  Approximativement, quelle est la distance d'après votre mémoire par

 21   rapport à la salle 4 ? Est-ce que c'est 10, 20, 30, 40, 50, 60, 100

 22   mètres ?

 23   R.  De 30 à 40 mètres environ.

 24   Q.  Est-ce que c'est un endroit décrit par les autres prisonniers comme

 25   étant le bout du camp ?


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  1   R.  Précisément.

  2   Q.  Est-ce que vous auriez pu entendre le bruit de personnes qui se

  3   trouvaient dans ce secteur de nuit par rapport à l'endroit où vous vous

  4   trouviez en salle 4 ?

  5   R.  De cet endroit, on peut entendre, ce n'est pas très loin.

  6   Q.  Est-ce que vous vous rappelez si vous aviez entendu quoi que ce soit

  7   venant de ce secteur au cours de la nuit ?

  8   R.  Ce n'est pas exactement le même endroit pour lequel on posait des

  9   questions. C'est la dernière pièce à Keraterm en enfilade, et nous avons

 10   emporté le corps un petit peu au-delà de cette salle, de cette pièce vers

 11   la route goudronnée où se trouve un endroit où se trouvaient des palettes.

 12   C'est là, que nous avons déposé le corps.

 13   Q.  A quelle distance se trouve cet endroit précis par rapport à la porte

 14   de la salle 4 ?

 15   R.  C'était à une quarantaine de mètres environ.

 16   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord si vous vous trouviez à l'intérieur d'une

 17   pièce avec un très grand nombre de personnes, et qu'il y avait des bruits

 18   qui venaient de l'extérieur à une certaine distance, disant une distance de

 19   30 ou 40 mètres, il est difficile d'identifier avec précision d'où

 20   proviennent ces bruits ?

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, Maître Stojanovic.

 22   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que cette

 23   question constitue une répétition, mais qu'elle est également posée de

 24   façon inadéquate. On essaie de semer la confusion dans l'esprit du témoin

 25   et de le pousser à confondre deux endroits. Il a parlé d'un endroit qui se


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  1   trouvait juste devant la salle 4, lieu où Drago Tokmadzic a été frappé, et

  2   il a parlé d'un autre endroit où le lendemain, on a emporté son corps à une

  3   quarantaine de mètres, dans une décharge. En fait, le Procureur essaie de

  4   pousser le témoin à confondre ces deux endroits par ses questions, en

  5   insinuant que Drago Tokmadzic a été frappé à un endroit qui se trouvait

  6   plus loin de l'endroit réel que ce n'était le cas. Un endroit situé à une

  7   quarantaine de mètres de la salle numéro 4, or cet endroit est un endroit

  8   différent de l'endroit où Drago Tokmadzic a été frappé. En effet, le

  9   lendemain, son cadavre a probablement été emmené à un endroit situé plus

 10   loin en direction d'un cimetière, mais ce n'est pas une raison pour que le

 11   témoin soit interrogé de cette façon. Je ne pense pas que cette tentative

 12   de semer la confusion dans l'esprit du témoin soit équitable.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur le Procureur, j'insiste

 14   sur la nécessité d'avancer un peu plus vite. En effet, l'objection de Me

 15   Stojanovic m'amène à parler de l'horaire qui a été prévu pour ces

 16   questions. Trente minutes ont été accordées à l'Accusation et, si vous

 17   respectiez ce temps, nous n'entendrions peut-être pas autant d'objections

 18   de la part de Me Stojanovic.

 19   M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais répondre à cette

 20   objection. Je soumets au témoin les propos d'Edin Ganic qui ont été -- qui

 21   font partie de sa déposition. L'Accusation ne s'en tient pas à un passage à

 22   tabac pour le décès de M. Tokmadzic qui se situe hors de la salle.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je comprends.

 24   M. RE : [interprétation] La déposition de M. Ganic comporte des éléments

 25   différents de ceux que nous avons entendus ici. Je soumets un scénario


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  1   différent au témoin que nous entendions aujourd'hui.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je comprends, mais je vous

  3   rappelle simplement l'impératif de l'heure.

  4   M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai posé une question au

  5   sujet de la possibilité pour ce témoin de reconnaître les sons qu'il

  6   entendait d'une façon à ce qu'éventuellement il ait concordance avec la

  7   déposition d'Edin Ganic au cours du procès, mais je n'ai pas reçu de

  8   réponse à cette question. J'ai posé la question deux fois, et je vais

  9   essayer à présent d'obtenir une réponse de la part du témoin.

 10   Puis-je reposer cette question ?

 11   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui.

 12   M. RE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mais avancez rapidement, je vous

 14   prie. Merci.

 15   M. RE : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur le Témoin KV1, avez-vous compris ma question ? Ma question est

 17   la suivante : vous étiez à l'intérieur d'un bâtiment avec d'autres

 18   personnes la nuit, et conviendrez-vous qu'il vous était difficile de

 19   reconnaître avec précision les sons que vous entendiez depuis l'extérieur

 20   s'il provenait d'un endroit situé à peut-être 30 ou 40 mètres de distance

 21   de celui où vous vous trouviez ?

 22   R.  Je suis d'accord, c'est exact. Mais nous n'étions pas plongés dans le

 23   silence, nous tous à l'intérieur de la salle. Ce que je dis ne concerne pas

 24   ce qui se trouvait à une certaine distance mais uniquement -- concerne

 25   uniquement les sons que j'ai entendus.


Page 145

  1   Q.  Ce que je vous demande, c'est la chose suivante : vous souvenez-vous,

  2   cette nuit-là, d'avoir entendu des bruits provenant éventuellement de 30 à

  3   40 mètres de l'endroit où vous vous trouviez ? Je vous demande si vous vous

  4   souvenez ?

  5    R.  Je ne me souviens pas d'un son provenant d'une distance lointaine, je

  6   ne me souviens que d'un son provenant d'un endroit immédiatement derrière

  7   la porte, à quatre ou cinq mètres de l'endroit où je me trouvais.

  8   Q.  Connaissiez-vous une personne qui était enseignant à Kozarac ?

  9   R.  Je connaissais un homme répondant au nom de Maraslic, ou peut-être

 10   Maroslic, je ne me souviens pas exactement.

 11   Q.  Y avait-il un enseignant de Kozarac qu'on a également fait sortir de la

 12   pièce cette nuit-là, et qui a été passé à tabac ?

 13   R.  Je ne sais pas, cela vraiment je ne sais pas mais cet enseignant se

 14   trouvait dans la salle numéro 2, je crois.

 15   Q.  Est-il possible qu'un certain laps de temps se soit écoulé entre le

 16   moment où les coups ont cessé de l'autre côté de la porte, et le moment où

 17   on a ramené le corps de Drago Tokmadzic dans la pièce ?

 18   R.  Pouvez-vous répéter, je vous prie.

 19   Q.  Vous avez entendu le bruit de passage à tabac de l'autre côté de la

 20   porte, après quoi le silence s'est rétabli. Mais y a-t-il eu un certain

 21   laps de temps qui s'est écoulé entre le moment où les coups ont cessé, où

 22   vous n'avez plus entendu le bruit des coups, et le moment où le corps de

 23   Drago Tokmadzic a été ramené dans la pièce ?

 24   R.  Ils ont ramené son corps dans la pièce juste au moment où tout s'est

 25   terminé, il n'y a pas eu de laps de temps entre le moment où tout s'est


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  1   terminé et le moment où on a ramené son corps.

  2   Q.  Pourriez-vous dire à quel moment à quelle heure approximative son corps

  3   a été ramené dans la pièce ? A 10 heures, à 10 heures 30, à 11 heures, 11

  4   heures 30, minuit, à quelle heure ?

  5   R.  Comme je l'ai déjà dit, je ne me souviens pas exactement de l'heure. Je

  6   ne me souviens du temps qui s'est écoulé entre le début et la fin, pour moi

  7   ce temps a été très long.

  8   Q.  J'aimerais vous soumettre une pièce à conviction, qui a été examinée en

  9   première instance.

 10   M. RE : [interprétation] Il s'agit d'une photographie, je demande que l'on

 11   remette au témoin cette photographie que j'ai entre les mains, et j'en ai

 12   un certain nombre d'exemplaires pour mes collègues de la Défense et pour

 13   les Juges.

 14   Q.  Pendant qu'on distribue cette pièce, Monsieur le Témoin KVI, je vous

 15   demande si, comme je le pense, s'il est exact que vous n'étiez pas en

 16   mesure de voir si éventuellement on faisait sortir quelqu'un de la salle

 17   numéro 1, n'est-ce pas ?

 18   R.  En effet.

 19   Q.  Je vous demande à présent de vous saisir d'un stylo et de regarder la

 20   pièce à conviction que l'on vient de vous remettre. J'aimerais que vous

 21   traciez une flèche depuis la partie de la photo qui montre du ciel, jusqu'à

 22   l'endroit où se trouve la salle numéro 1, et tout ceci sur la photo qui se

 23   trouve à votre droite.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Tracez une flèche qui part de la zone où on voit le ciel sur la photo,


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  1   et qui va jusqu'à l'endroit où on voit la pièce numéro 1. Tracez-la sur la

  2   photographie cette flèche, s'il vous plaît.

  3   R.  [Le témoin s'exécute] 

  4   Q.  Pouvez-vous inscrire le chiffre 1 à l'endroit où aboutit la flèche ?

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Prolongez la flèche jusqu'à la porte de la salle numéro 1, s'il vous

  7   plaît.

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  J'aimerais que vous fassiez maintenant la même chose avec la salle

 10   numéro 4, c'est-à-dire que vous traciez une flèche partant de la zone où on

 11   voit le ciel, et aboutissant au niveau de la porte de la salle numéro 4.

 12   R.  [Le témoin s'exécute]

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Stojanovic, vous voulez

 14   la parole.

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation a

 16   soumis à d'autres témoins des photographies beaucoup plus claires de la

 17   salle numéro 4, en particulier. Sur la photographie que nous regardons, en

 18   ce moment, je vous dirais qui est allé à plusieurs reprises à Keraterm,

 19   qu'il est vraiment difficile de voir où se trouve la salle numéro 4, compte

 20   tenu de la perspective. Il me semble que cette photographie a été choisie,

 21   de façon délibérée, pour rendre l'identification de cette salle très

 22   difficile. Le Procureur dispose de très nombreuses photographies, pour

 23   certaines de bien meilleure qualité de cette salle numéro 4. En tout état

 24   de cause, je ne sais pas où cela nous mène et je m'interroge au sujet du

 25   temps que le Procureur a déjà consacré à cet exercice.


Page 148

  1   [La Chambre d'appel se concerte]

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, les Juges

  3   estiment que vous pourriez revenir sur cette observation que vous venez de

  4   faire, au moment où vous aurez la parole pour vous exprimer sur les pièces

  5   à conviction. Vous pourrez, à ce moment-là, présenter les conclusions qui

  6   sont les vôtres à ce sujet.

  7   M. RE : [interprétation] Oui, je demanderais, toutefois, à mon collègue de

  8   la Défense de retirer son insinuation, quant au fait que nous choisirions

  9   de façon délibérée les éléments les plus désavantageux pour le témoin. Nous

 10   faisons de notre mieux et je suis sûr que mon collègue de la Défense peut

 11   en faire autant.

 12   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous je vous prie inscrire le chiffre 4 au

 13   bout de la flèche que vous avez tracée pour indiquer l'emplacement de la

 14   salle numéro 4.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Merci. Enfin, je vous demanderais d'inscrire une croix ou un X au

 17   niveau de l'endroit devant la salle numéro 4, d'où provenait les sons de

 18   passage de tabac que vous dites avoir entendu.

 19   R.  [Le témoin s'exécute]

 20   Q.  Je ne crois pas qu'on distingue très clairement ce X que vous venez

 21   d'inscrire, peut-être pourriez-vous agrandir la lettre ou utiliser un autre

 22   stylo ?

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Maintenant, je vous demanderais de tracer une autre flèche aboutissant

 25   à la décharge, c'est-à-dire, à l'endroit où le cadavre a finalement été


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  1   jeté, mais d'abord je vous demanderais si l'on voit cet endroit précis sur

  2   la photographie ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Dans ce cas, je vous demanderais de tracer simplement une flèche allant

  5   dans la direction de cette décharge.

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   Q.  Pour que tout soit clair, je rappelle que vous avez dit si je ne

  8   m'abuse que cette décharge se trouvait à 30 ou 40 mètres de la porte de la

  9   salle numéro 4, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   M. RE : [interprétation]  Je demande que cette pièce soit versée au dossier

 12   en tant que pièce à conviction du dossier en appel, Monsieur le Président.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience,

 14   j'indique que la première photographie sera la pièce PA1, et que la

 15   deuxième photographie comportant les annotations de la main du témoin sur

 16   la pièce PA-1 bis.

 17   M. RE : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin, Monsieur

 18   le Président.

 19   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, les Juges

 20   vous accordent à présent la possibilité de poser des questions au témoin

 21   pour tirer au clair tout élément nouveau susceptible d'aider les Juges dans

 22   leur appréciation.

 23   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que cela

 24   ne serait qu'une perte du temps. Je me contenterais de répéter les

 25   objections que j'ai déjà soulevées au sujet des photographies. Mais comme


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  1   vous m'invitez à dire quelques mots supplémentaires au sujet de cela à la

  2   fin de l'audience, je le ferais à ce moment-là. Je vous remercie. Pour

  3   l'instant, je n'ai pas de questions.

  4   [La Chambre d'appel se concerte]

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je pense que nous en sommes

  6   arrivés au terme de l'audition de ce témoin. Au cas où il n'y aurait pas

  7   d'objections importantes, nous pensons qu'il serait judicieux d'entendre

  8   les observations des parties au sujet de cette déposition à la fin de la

  9   procédure en appel.

 10   [La Chambre d'appel se concerte]

 11   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous pensons qu'il peut être

 12   utile de faire la pause maintenant, à moins que les Juges

 13   -- mes collègues n'aient d'autres questions à poser. Non, ce n'est pas le

 14   cas. Nous allons procéder à une pause de 30 minutes, et nous reviendrons

 15   dans ce prétoire --

 16   [La Chambre d'appel se concerte]

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mon collègue à ma droite me

 18   rappelle qu'il est peut-être préférable de faire sortir le témoin.

 19   Monsieur l'Huissier, n'enlevez pas les écouteurs du témoin car M. le Juge

 20   Guney a une question à poser à celui-ci, et il serait bon que cette

 21   question lui soit posée avant la suspension de l'audience.

 22   Monsieur le Juge Guney, vous avez la parole.

 23   Questions de la Cour :

 24   M. LE JUGE GUNEY : Monsieur le Témoin, je vous ai déjà posé la question en

 25   ce qui concerne le cadavre. J'ai dit dans quel état est le cadavre de M.


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  1   Tokmadzic quand il était ramené dans la salle numéro 4 ? Vous m'avez

  2   répondu, en disant que la lumière n'était pas suffisante. Je n'ai pas pu le

  3   remarquer. Le lendemain, étant donné que vous étiez un qui a transporté le

  4   cadavre en dehors de la salle, est-ce que vous pouvez nous dire, le cadavre

  5   est un cadavre, mais dans quel état était ce cadavre précisément ? Est-ce

  6   qu'il y avait trace de blessures, de coupures et autres ? Merci.

  7   R.  Il y avait des traces de blessures. Nous ne l'avons pas regardé de très

  8   près. Nous n'avions pas trop envie de le regarder de trop près. Nous

  9   n'avons fait que le transporter parce qu'il était mort.

 10   M. LE JUGE GUNEY : En le transportant, vous n'avez pas remarqué quelque

 11   chose en dehors des limites des zones normales ?

 12   R.  Il n'y avait pas de plaies béantes, de plaies importantes. On voyait

 13   les traces de coups, mais je répète que nous ne l'avons pas examiné en

 14   détail parce que regarder un cadavre, ma foi, ce n'est pas très agréable.

 15   Nous avions plutôt eu tendance à tourner la tête et regarder de l'autre

 16   côté, mais nous l'avons transporté.

 17   M. LE JUGE GUNEY : Merci.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le

 19   Témoin KV1. Merci d'être venu.

 20   Monsieur l'Huissier, vous pouvez maintenant faire sortir le témoin.

 21   [Le témoin se retire]

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous sommes en quelques minutes

 23   en avance sur l'horaire, mais il me semble que le moment est tout à fait

 24   opportun pour la pause.

 25   Je demanderais une suspension d'audience de 30 minutes. Merci.


Page 152

  1   --- L'audience est suspendue à 11 heures 06.

  2   --- L'audience est reprise à 11 heures 41.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. Le Greffe me fait savoir

  4   que nous faisons face à un problème technique s'agissant de la numérotation

  5   de l'une des pièces qui ont été versées au dossier ce matin.

  6   Madame la Greffière, je vous donne la parole.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci. Je souhaiterais faire savoir aux

  8   parties les cotes des pièces à conviction, ainsi que leur statut s'agissant

  9   de leur confidentialité. La première pièce est une pièce de la Chambre, qui

 10   porte la cote CA1. Il s'agit des coordonnés du témoin KV1. Cette pièce est

 11   versée au dossier sous pli scellé. La deuxième pièce de la Chambre est la

 12   pièce portant cote CA2. Il s'agit de tous éléments d'identification

 13   concernant le témoin Y. Cette pièce aussi est versée au dossier sous pli

 14   scellé.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. S'il n'y a pas

 16   d'objection, il en sera ainsi.

 17   Nous en arrivons maintenant à l'appel à proprement parler, mais on me fait

 18   savoir que le Procureur souhaitait intervenir.

 19   Monsieur Carmona.

 20   M. CARMONA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

 21   les Juges, je souhaite vous dire qu'en présentant l'équipe de l'Accusation

 22   ce matin, j'ai oublié de présenter Mme Lourdes Galicia, notre assistante.

 23   Deuxièmement, je dois vous indiquer que M. David Re, qui a procédé à

 24   l'interrogatoire du témoin, ne sera pas avec nous cette après-midi. Je le

 25   signale à l'intention des Juges de la Chambre.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maintenant, nous allons entendre

  2   les derniers arguments des parties.

  3   Le micro -- je pense, tout le système audiovisuel fonctionne. Je pense

  4   qu'il n'est pas nécessaire que je me tourne vers les interprètes, ni les

  5   appelants, pour savoir si tout le monde entend. Il n'est pas nécessaire non

  6   plus que je pose cette question à l'Accusation. Les parties sont

  7   représentées par les mêmes personnes que ce matin.

  8   Maintenant, que nous en avons terminé avec la partie de cette audience

  9   consacrée à la présentation de nouveaux éléments de preuve, nous en sommes

 10   arrivés à un autre stade de cette procédure. Nous avons entendu un témoin.

 11   Je dois vous dire et confirmer que les parties intéressées auront la

 12   possibilité de présenter leurs arguments à la Chambre d'appel quant au

 13   poids accordé à ce témoignage pendant leurs arguments.

 14   Dans son jugement du 2 novembre 2001, la Chambre de première instance a

 15   reconnu les appelants coupables de persécutions, de meurtres, de tortures

 16   ou de traitements cruels, des crimes visés à l'Article 3 ou à l'Article 5

 17   du statut du Tribunal. La Chambre de première instance a condamné

 18   l'appelant Kvocka, à sept ans d'emprisonnement; elle a condamné l'appelant

 19   Prcac, à cinq ans; Radic, à 20 ans d'emprisonnement; et l'appelant Zigic, à

 20   25 ans d'emprisonnement.

 21   Les appelants ont déposé des actes d'appel relatifs aux jugements prononcés

 22   par la Chambre du 13 au 16 novembre 2001, c'est-à-dire, il y a un peu plus

 23   de trois ans. L'Accusation, quant à elle, n'a pas interjeté appel du

 24   jugement. Les quatre appelants partagent un motif d'appel qui est celui de

 25   la doctrine de l'entreprise criminelle commune. Les motifs d'appel


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  1   individuels sont résumés comme suit, et je signale aux Juges de la Chambre

  2   que cette liste n'est nullement exhaustive, ni détaillée.

  3   L'appelant Kvocka fait valoir que la Chambre de première instance a commis

  4   une erreur en admettant au dossier la transcription de ces interrogatoires

  5   et en concluant qu'il était commandant adjoint d'Omarska, et lorsqu'elle a

  6   conclu qu'il était coupable de persécutions et du crime de meurtre et de

  7   torture ainsi qu'en nous avons deux facteurs de circonstances atténuantes

  8   au moment de déterminer sa peine.

  9   S'agissant de M. Prcac. Il fait valoir que la Chambre de première instance

 10   aurait dû l'acquitter en acceptant ses arguments. Il fait valoir également

 11   que la Chambre de première instance a commis une erreur, en le déclarant

 12   coupable d'un fait qui n'était pas visé à l'acte d'accusation et en

 13   commettant des erreurs de fait ou de droit s'agissant du rôle qu'il avait à

 14   Omarska. Il affirme que la Chambre de première instance n'est pas revenu

 15   sur la crédibilité de certains témoins. Il affirme d'autre part que la

 16   Chambre de première instance ne lui a pas accordé un procès équitable au

 17   regard du contre-interrogatoire de certains témoins, dit témoins. Il dit

 18   également que la Chambre de première instance n'a pas pris en compte

 19   certaines circonstances atténuantes au moment de déterminer sa peine.

 20   S'agissant de l'appelant Radic. Il fait valoir que la Chambre de première

 21   instance ne lui a pas permis de bénéficier d'un procès équitable, qu'elle

 22   n'a pas évalué correctement sa responsabilité, s'agissant des actes ou des

 23   incidents qui sont détaillés à l'annexe confidentielle de l'acte

 24   d'accusation. Il dit que la Chambre de première instance s'est trompée, en

 25   disant qu'il était animé d'une intention discriminatoire, qu'elle ne l'a


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  1   pas prouvée. Il affirme d'autre part que la Chambre de première instance a

  2   commis une erreur, en concluant qu'il y avait suffisamment d'éléments pour

  3   confirmer sa culpabilité au titre des faits de mauvais traitements au camp

  4   et il dit d'autre part que la Chambre de première instance a prononcé une

  5   peine trop lourde à son endroit qui n'était pas conforme au poste qu'il

  6   occupait au camp et qui ne correspondait pas non plus à la pratique du

  7   Tribunal pénal international en matière de peine.

  8   Quant à M. Zigic, il affirme que la Chambre de première instance s'est

  9   trompée lorsqu'elle l'a reconnu coupable de meurtre au camp d'Omarska, du

 10   meurtre de certains détenus individuels, de tortures et de certains

 11   passages à tabac. D'autre part, il fait valoir que la Chambre de première

 12   instance s'est trompée concernant une ligne de conduite délibérée et ceci,

 13   sans fondement d'après ces dires, qu'elle s'est trompée également en ne

 14   fournissant pas une opinion raisonnée pour sa peine, sa déclaration de

 15   culpabilité s'agissant des crimes de persécution d'autre part que la

 16   Chambre n'a pas pris en compte certaines circonstances atténuantes au

 17   moment de déterminer sa peine. Il affirme également qu'il n'a pas été

 18   suffisamment informé des charges qui pesaient sur lui et que la Chambre de

 19   première instance a fait preuve de partialité en ne lui expliquant pas

 20   suffisamment la base des déclarations de culpabilité le concernant.

 21   Je souhaiterais maintenant rappeler aux parties quels sont les critères qui

 22   sont applicables au moment d'évaluer les faits, les erreurs de faits ou de

 23   droit dans la procédure d'appel. La Chambre d'appel a eu lieu l'occasion de

 24   signaler à plusieurs reprises, il ne s'agissait pas ici pour les parties de

 25   re-plaider leur thèse. Nous ne sommes pas ici en train d'ouvrir un nouveau


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  1   procès. La règle veut au moment de la peine que les parties se limitent aux

  2   questions qui relèvent de l'Article 25 du statut du Tribunal, c'est-à-dire,

  3   des erreurs de droit qui invalident la décision ou des erreurs de fait qui

  4   auraient pu entraîner une erreur judiciaire. Dans des cas très rares, une

  5   partie peut soulever des questions d'une importance générale pour la

  6   jurisprudence du Tribunal. Un appelant qui fait valoir une erreur de fait

  7   doit démontrer à qu'aucun Juge des faits raisonnables ne pouvait arriver à

  8   la conclusion qui est contestée et que cette erreur a entraîné un délit de

  9   justice.

 10   Les arguments des parties seront présentées conformément à l'ordonnance

 11   portant calendrier du 19 mars 2004, modifiée ensuite par l'ordonnance

 12   portant calendrier du 22 mars 2004. A l'issue des réquisitoires et

 13   plaidoiries, les appelants seront en mesure d'intervenir brièvement devant

 14   la Chambre d'appel.

 15   Je me tourne maintenant vers l'équipe de la Défense de M. Prcac. J'invite

 16   son avocat à intervenir et la raison pour laquelle M. Prcac et son conseil

 17   interviennent en premier ne correspond pas à l'ordre dans lequel les

 18   appelants sont présentés sur le jugement. Mais la raison pour laquelle il

 19   intervient en premier est dû, à notre façon, d'appréhender les questions

 20   qui sont soulevées lors de cet appel et à une nécessité de cohérence pour

 21   la présentation notamment de certaines questions qui ont trait à tous les

 22   appelants, si bien que c'est le conseil de M. Prcac qui va avoir la parole

 23   en premier.

 24   Maître Simic, c'est à vous.

 25   M. J. SIMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   La Défense de M. Prcac ont entamé cette procédure d'appel il y a près de

  2   deux ans et demie pour les motifs qui ont été résumés par vous-même,

  3   Monsieur le Président et sur lesquels nous n'allons revenir que brièvement.

  4   La position de la Défense n'a pas évolué depuis que nous avons présenté

  5   notre première requête. Ce que nous avançons et ce que nous maintenons

  6   c'est que M. Prcac a été mis en accusation pour des faits qui étaient les

  7   suivants. En tant que commandant en second du camp d'Omarska, il a

  8   effectivement participé à une entreprise criminelle commune et ceci, parce

  9   que --  en effet la Chambre de première instance a pris la position selon

 10   laquelle ce camp lui-même constituait une entreprise criminelle commune.

 11   L'acte d'accusation a été confirmé et contenait des assertions selon

 12   laquelle M. Prcac était ou aurait été le commandant adjoint du camp, qu'il

 13   était supérieur à quiconque au camp, à l'exception du commandant du camp.

 14   Qu'il était en mesure de modifier les conditions qui régnaient dans le

 15   camp. Qu'il pouvait prendre des décisions concernant le transfert des

 16   détenus et qu'il pouvait décider qui était interné à Omarska et quand. Ces

 17   allégations du Procureur ont été rejetées par la Chambre de première

 18   instance puisque la Chambre de première instance a établi que M. Prcac

 19   n'était pas le commandant adjoint du camp, qu'il n'avait pas l'autorité lui

 20   permettant de commander aux gardes, parce qu'en fait, il y avait une autre

 21   chaîne de commandement, une autre hiérarchie et qu'il n'était pas dans la

 22   position alléguée par l'Accusation.

 23   La Chambre de première instance a établi qu'il était l'auxiliaire

 24   administratif du commandant du camp. Mais pour la Défense, cette conclusion

 25   n'est pas fondée. Mais ce point a été utilisé pour déterminer sa position,


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  1   la nature de son influence, l'influence que lui en tant que personne,

  2   placée bas sur la chaîne hiérarchique aurait pu avoir dans le cas de cette

  3   entreprise criminelle commune.

  4   La Défense comme la Chambre d'appel le sait et fonde une partie de son

  5   appel sur la position de la Chambre de première instance dans l'affaire

  6   Krnojelac qui établisse des points, des normes qui ne sont pas nouvelles,

  7   mais que nous estimons absolument essentiels pour établir le rôle, la

  8   fonction et la responsabilité pénale de personnes accusées de participation

  9   à une entreprise criminelle commune. Ceci fait maintenant partie de la

 10   jurisprudence du Tribunal et la participation à une entreprise criminelle

 11   commune est incluse dans la responsabilité pénale individuelle visée par

 12   l'Article 7(1) du statut du Tribunal. Dans l'arrêt Krnojelac, la Chambre

 13   d'appel n'a pas débattu, n'a pas examiné les questions dont la Défense

 14   pensait qu'il convenait de débattre parce qu'elle est partie du principe de

 15   la participation effective de Krnojelac et de son statut, de sa position au

 16   KP Dom de Foca. Etant donné qu'il était à la tête d'une partie du KP Dom,

 17   la Chambre de première instance a conclu que le simple fait qu'il occupait

 18   cette position suffisait à établir, ou à déduire une contribution, une

 19   participation importante à l'entreprise criminelle commune. Il semble

 20   apparemment qu'il y a une différence entre ce point de vue pris par la

 21   Chambre de première instance dans Krnojelac et les jugements dans Krstic et

 22   Tadic en première instance. Bien que ce Tribunal n'ait délivré aucun

 23   jugement ou n'ait pas pris de position, quant au fait que la présence

 24   physique de quelqu'un à un moment et un endroit où des crimes ont été

 25   commis, et des crimes qui tombent sur le coup de la jurisprudence du


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  1   Tribunal, peut être utilisée pour prouver la culpabilité de cette personne.

  2   On a établi qu'il est nécessaire d'avoir des éléments de preuve

  3   supplémentaires et que la simple présence physique de la personne concernée

  4   ne suffit pas. Cette responsabilité objective n'existe pas d'après nous, il

  5   est nécessaire de porter des éléments supplémentaires, influence ou

  6   autorité. Ceci ne signifie pas que l'Accusation n'avait pas à prouver

  7   l'intention délictueuse de l'accusé s'agissant des crimes qui lui sont

  8   reprochés.

  9   La Défense estime que l'Accusation devait prouver l'intention délictueuse

 10   concernant les crimes dont est accusé l'appelant. Il n'est pas suffisant

 11   que cette conclusion soit une des conclusions possibles, il faut que cela

 12   soit la seule conclusion raisonnable, si les éléments de preuve, les

 13   déclarations des témoins suscitent le moindre doute. S'il y a la moindre

 14   conclusion alternative possible, à ce moment-là, la Chambre ne peut pas en

 15   arriver à cette conclusion.

 16   Quand il s'agit de déterminer la position d'un accusé dans une entreprise

 17   criminelle commune, nous estimons, nous la Défense, qu'il faut établir ce

 18   qui était fait ici en première instance, quand il s'agit de personnes qui

 19   ont une position hiérarchique mineure. Il y en a trois parce que ces

 20   personnes ne relèvent pas de la responsabilité individuelle ou pénale d'une

 21   entreprise criminelle commune. Ils sont responsables individuellement en

 22   ayant une contribution importante, ils ont contribué au bon fonctionnement

 23   du camp à l'époque.

 24   La Chambre de première instance s'inspire de l'affaire Dahovo où il est dit

 25   que si on est face à un accusé peu important dans la hiérarchie, dont il


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  1   est dit qu'il est membre d'une entreprise criminelle commune, et qu'on

  2   présume de sa culpabilité.

  3   A ce moment-là, il peut être exonéré si sa contribution était peu

  4   importante, si son séjour au camp était de brève durée, et cetera, or ici

  5   la Chambre de première instance a accepté cette position, elle dit au

  6   paragraphe 309 du jugement : "La simple présence de l'accusé au camp ne

  7   signifie pas qu'il est pénalement responsable, sa participation aux

  8   activités de ce camp doit être importante." Ceci signifie que ces actes ou

  9   ces omissions augmentent l'efficacité de l'entreprise criminelle commune.

 10   Ceci s'applique au cas par cas. Voici une norme qui est acceptée par la

 11   Chambre de première instance elle-même, et qui est appuyée ou étayée par la

 12   jurisprudence du Tribunal. L'Accusation devait -- plutôt la Défense devait

 13   prouver que l'accusé n'occupait pas le poste qu'on lui reproche d'occuper,

 14   et qu'il n'a pas commis les actes qu'on l'accusait d'avoir commis.

 15   L'Accusation n'avait aucune raison de toute autre fonction que celle qu'il

 16   avait occupée qui aurait entraîné une augmentation de l'importance du rôle

 17   joué par l'accusé, si bien que la position de l'accusé ici ou de

 18   l'appelant, quelqu'un qui aurait aidé, encouragé, qui aurait incité à

 19   commettre, et cetera, tout cela est très, très important.

 20   Ce qui doit être prouvé, c'est si M. Dragoljub Prcac a effectivement

 21   contribué de manière importante au fonctionnement du camp, alors que nous,

 22   nous disons que ce n'est pas le cas, qu'il n'est pas pénalement responsable

 23   si on examine l'acte d'accusation. L'acte d'accusation affirme, que dans

 24   cet acte d'accusation, et je serais très bref à ce sujet, que dans la

 25   période du 24 mai au 30 août en tant que policier d'active qui a remplacé


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  1   Miroslav Kvocka, en tant que commandant en second du camp, il était

  2   supérieur à tout le monde au camp à l'exception du commandant, et qu'en

  3   tant que commandant en second, il était en mesure de modifier les

  4   conditions de détention au camp, de contrôler les allées et venues, les

  5   visiteurs, et d'avoir une influence sur le régime de détention.

  6   Tout ceci a été réitéré par M. Keegan de l'Accusation et il a également

  7   ajouté d'autre chose. Il a dit qu'il y avait une hiérarchie claire au camp

  8   d'Omarska. Zeljko Meakic occupant le poste de commandant, il a déclaré que

  9   la position de Dragoljub Prcac en tant que commandant adjoint lui a donné

 10   le contrôle effectif des commandants des équipes de garde, lui permettait

 11   de déterminer ou d'avoir une influence sur les personnes qui venaient au

 12   camp, comme par exemple Zigic. Il a affirmé également qu'il était présent

 13   au moment où des actes criminels ont été commis, et qu'à plusieurs

 14   reprises, il a lui même fait l'appel de prisonniers à partir des listes qui

 15   avaient été préparées à l'avance, listes dont il était responsable, il a

 16   été également affirmé qu'il était responsable, et qu'il pouvait contrôler

 17   tout ce qui se passait dans le camp, et que c'était lui qui était

 18   commandant du camp quand Meakic était absent.

 19   Comme vous le savez, la Chambre de première instance -- la Défense a

 20   procédé à une analyse comparative des accusations concernant notre client.

 21   Des déclarations de culpabilité prononcées contre lui, or aucun des actes,

 22   des chefs de l'acte d'accusation n'a été prouvé par l'Accusation. Par

 23   exemple, pas prouver en établissant, en appliquant le principe de dubio pro

 24   reo. Nous avons montré, qui était responsable d'assurer l'approvisionnement

 25   en eau, en vivre. Nous avons établi quelle était la structure du camp qui


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  1   commandait, et cetera, or il est apparu que les allégations de l'Accusation

  2   étaient entachées d'erreurs.

  3   D'autre part, dans la réponse faite par l'Accusation au dossier d'appel

  4   présenté par la Défense, on constate que l'Accusation essaie de changer de

  5   théorie. L'Accusation affirme que le fait qu'il n'ait pas été dit qu'il

  6   était commandant du camp, fait qu'il n'est responsable ou coupable au titre

  7   l'Article 7.3 du statut. Or avec tout respect que je dois à l'Accusation,

  8   vu ma connaissance des droits pénales internationales et après étude de ce

  9   droit, je n'ai trouvé que dans aucun système il soit permis de ne pas

 10   préciser exactement dans l'acte d'accusation ce dont on accuse quelqu'un.

 11   Si quelque chose n'existe pas, à ce moment-là, pas besoin d'acte

 12   d'accusation. A ce moment-là, il suffirait de dire que quelqu'un a fait

 13   partie d'une entreprise criminelle commune, et à partir de cela, on peut

 14   prouver tout ce qu'on veut, n'importe quelle théorie. Ce qui est amusant,

 15   ce qui est curieux, c'est la chose suivante. La Chambre de première

 16   instance établit un certain nombre de critère dans le cadre de ces

 17   activités, ou plutôt la Chambre de première instance a établi un certain

 18   nombre de critères.

 19   M. J. SIMIC : [interprétation] Au paragraphe 245, il est stipulé qu'un acte

 20   d'accusation se doit de préciser les charges de manière très claire, ceci

 21   pour permettre le procès de l'accusé. Il s'agit là d'une norme, d'un

 22   critère qui est établi fondateur, qui est établi par la Chambre de première

 23   instance mais qui, d'après nous, n'a pas été respecté.

 24   Maintenant, pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune en tant que

 25   tel et de la participation de l'accusé Prcac à cette entreprise criminelle


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  1   commune, nous devons insister sur le fait qu'à aucun moment, il n'a été

  2   prouvé dans quelle mesure sa contribution avait été importante et ce qu'il

  3   avait fait qui aurait permis à quiconque d'affirmer qu'il avait

  4   effectivement participé à cette entreprise criminelle commune.

  5   La Défense insiste sur le fait que la Chambre de première instance a commis

  6   toute une série d'erreurs très graves. La Défense estime que la Chambre de

  7   première instance n'a pas correctement examiné les éléments de preuve qui

  8   lui ont été présentés. Nous affirmons que la Chambre de première instance a

  9   fait des citations erronées des comptes rendus d'audience, qu'elle a pris

 10   certains éléments hors de leur contexte, qu'elle a mal interprété les

 11   arguments présentés par la Défense.

 12   Ces erreurs extrêmement graves ont entraîné des conclusions erronées,

 13   conclusion notamment selon laquelle l'accusé Prcac aurait été en charge du

 14   camp et qu'il avait le contrôle administratif de ce camp, mais c'est un

 15   point sur lequel nous reviendrons ultérieurement. Aucun juge [comme

 16   interprété] de faits raisonnables, à notre avis, n'aurait pu arriver à

 17   cette même conclusion.

 18   La Chambre d'appel stipule que nous ne devons pas, du côté de la Défense,

 19   évaluer, réévaluer, revenir sur l'évaluation des éléments de preuve. Mais

 20   ce n'est pas ce que nous sommes en train de faire. Nous affirmons

 21   simplement que certains éléments de preuve n'ont pas été pris en compte par

 22   la Chambre d'appel. De même, la Chambre de première instance inscrit et

 23   confirme le principe de in dubio pro reo.

 24   Beaucoup d'éléments de preuve ont été présentés pendant le procès et la

 25   Chambre de première instance a conclu qu'un grand nombre de témoins avait


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  1   parlé du rôle joué par M. Prcac au camp d'Omarska. Trente-sept témoins ont

  2   parlé du camp d'Omarska, de ce qui s'y est passé, de la structure de ce

  3   camp, et 45 témoins ont parlé du rôle de M. Prcac. Sur les 37 témoins

  4   précédemment évoqués, certains ont dit qu'il était le commandant du camp.

  5   D'autres, quatre en fait, on dit qu'il était commandant en second.

  6   D'autres, en fait un peu moins, ont dit que c'était l'auxiliaire

  7   administratif du commandant du camp et les autres ne savaient rien. Ils

  8   ignoraient tout du rôle qu'il jouait.

  9   Conformément au principe de in dubio pro reo, la Chambre de première

 10   instance déclare qu'aucun élément de preuve n'indique qu'il était le

 11   commandant du camp. Cependant, sur la base des mêmes éléments de preuve, la

 12   Chambre de première instance conclut qu'il était l'auxiliaire administratif

 13   du commandant du camp, au lieu de dire qu'il n'y avait aucun élément qui

 14   pouvait indiquer quel rôle il jouait.

 15   Nous sommes face à la même situation s'agissant des critères appliqués par

 16   la même Chambre de première instance, même si ce sont les mêmes principes

 17   auxquels nous faisons nous appel. En particulier, notamment, pour ce qui

 18   est de la crédibilité des témoins et de leurs témoignages. Depuis

 19   longtemps, on reconnaît ici, au Tribunal, qu'on ne peut pas attendre de

 20   témoin, qu'il fasse des dépositions précises en tout point, ni tout neuf

 21   années après les faits. Mais cela ne veut pas pourtant dire que les témoins

 22   peuvent raconter n'importe quoi et que la Chambre de première instance est

 23   libre de choisir dans la déposition des témoins ce qu'elle souhaite.

 24   En pratique, ceci revient à une chose. Les témoignages qui sont en

 25   discordance avec des déclarations faites précédemment par ces mêmes témoins


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  1   à l'Accusation, de tels témoignages et telles dépositions sont acceptables.

  2   Les dépositions qui sont en discordance avec d'autres dépositions faites

  3   précédemment sont également acceptables, mais uniquement si ces

  4   discordances sont mineures. Il est sûr, il est indéniable qu'un témoin ne

  5   peut pas toujours se souvenir de tous après six ans. Les témoins lorsqu'ils

  6   interviennent parle sur la base de ce dont ils se souviennent. Mais un même

  7   événement peut être décrit de manière plus ou moins précise; mais cet

  8   événement ne peut pas être décrit une deuxième fois en sortant complètement

  9   du contexte et se départir complètement de la manière dont il a été décrit

 10   par tous les autres témoins.

 11   Nous avons rencontré beaucoup de problèmes en tant qu'équipe de la Défense

 12   face à la Chambre de première instance. D'abord, nous n'avons pas reçu tous

 13   les éléments de preuve qui devraient nous être communiqués en vertu de

 14   l'Article 68. Nous avons été victime de préjudice parce que nous ne

 15   disposions pas d'affaire importante qui a été prouvé dans l'affaire Tadic,

 16   mais ceci n'a pas été établi correctement. Nous n'avons pas été en mesure

 17   d'utiliser ces éléments. Nous aurions pu le faire. Nous n'avons pas été en

 18   mesure de produire ces éléments du fait de la déposition de certains

 19   témoins. Ceci est arrivé à plusieurs reprises pendant le procès. On a vu

 20   des témoins être remplacés par d'autres témoins.

 21   Nous sommes dans ce prétoire et malheureusement, les Juges semblaient plus

 22   intéressés par un achèvement rapide du procès. Ceci a été indiqué à

 23   plusieurs reprises plutôt que de chercher à procéder à un jugement

 24   équitable. Nous l'avons dit à plusieurs reprises également.

 25   Malheureusement, nous disons qu'il est impossible d'accepter le témoignage


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  1   d'un témoin qui présente de nombreuses incohérences sur les faits. Je n'ai

  2   pas demandé de huis clos partiel, mais repensons à l'affaire Tadic. Un

  3   certain témoin a déclaré que certaines choses s'étaient produites et que

  4   quelqu'un avait été soumis à des violences sexuelles alors que dans une

  5   autre affaire, il a été avéré que ce n'était pas le cas. S'il est possible

  6   pour un témoin de s'exprimer de cette façon et de commettre un faux

  7   témoignage, et nous disons que ce genre de chose s'est passé dans l'affaire

  8   qui nous intéresse.

  9   La Défense estime que pour établir le rôle joué par notre client dans le

 10   camp d'Omarska, certains éléments ont été retirés de leur contexte aussi

 11   bien par certains témoins que si l'on tient compte d'un certain nombre

 12   d'éléments qui ont été mis à jour et présentés par la Défense dans son

 13   mémoire.

 14   Comme je l'ai dit, il y a une troisième norme, un troisième critère qui a

 15   poussé les Juges de la Chambre de première instance à prononcer leurs

 16   conclusions et je l'ai déjà indiqué. Dans l'acte d'accusation, il est

 17   établi quel est le cadre et quelles sont les modalités de la Défense que

 18   les défenseurs sont emmenés à présenter et les éléments contre lesquels

 19   l'accusé doit se défendre. La Défense, dans son mémoire d'appel, a dit très

 20   clairement que le fait que l'accusé était un assistant administratif du

 21   camp est une violation grave de ce principe que je viens de rappeler.

 22   La Défense n'a jamais entendu quiconque dans ce prétoire accuser son client

 23   d'avoir été assistant administratif du commandant du camp. Ce qui est

 24   important à mesurer en ce moment, c'est que les Juges de la Chambre de

 25   première instance se sont efforcés d'établir l'existence d'une hiérarchie


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  1   et d'une structure déterminée dans le camp, et qu'il a été établir au-delà

  2   de toute doute raisonnable - nous sommes d'accord avec cela - qu'il

  3   existait un service d'enquête, qu'il y avait un groupe de gardes

  4   particulièrement utilisés pour enquêter dans le camp, et qu'il existait un

  5   escadron d'intervention composé d'enquêteurs venus de Banja Luka, qui était

  6   logé dans une partie du camp. C'était un service qui techniquement était

  7   responsable des enquêtes, et également de la maintenance du camp. C'était

  8   un service comparable à une armée extérieure au camp, et qui était chargé

  9   de la sécurité du camp. C'était la Défense territoriale qui était

 10   responsable de la préparation, des fournitures, de l'alimentation du camp

 11   et qui était également chargée de la sécurité physique dans le camp.

 12   La Chambre de première instance estime dans une partie du jugement que

 13   Zeljko Meakic, qui était le commandant, n'avait pas de facto ou de jure,

 14   une quelconque compétence pour sanctionner ou contrôler les actions des

 15   enquêteurs dont je viens de parler, ou de quelques personnes faisant partie

 16   de cette structure.

 17   Cela n'a peut-être pas été dit d'une façon tout à fait claire, mais cette

 18   conclusion des Juges de la Chambre de première instance signifie que Zeljko

 19   Meakic était le chef de la sécurité, pas le commandant du camp. L'acte

 20   d'accusation accuse Prcac d'avoir été le commandant adjoint du camp, le

 21   second de Zeljko Meakic. Mais examinons la situation telle qu'elle est.

 22   Zeljko Meakic n'est pas le commandant du camp. Il est chef des services de

 23   sécurité, et comment est-il possible que tout d'un coup on décrète que

 24   Prcac est commandant du camp, alors que personne pas plus les Juges de la

 25   Chambre de première instance que les membres de l'équipe de défenseur, ou


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  1   les représentants du bureau du Procureur, ne savent qui était effectivement

  2   le commandant du camp. Les Défenseurs se posent la question suivante :

  3   comment puis-je interjeter appel alors que je ne sais pas qui est

  4   exactement le commandant de ce camp ? Le commandant du camp semble être une

  5   personne relevant du domaine de la fiction, et il a finalement été à

  6   établir apparemment qu'il s'agissait de Simo Drljaca, parce que les Juges

  7   de la Chambre ne sont pas penchés très attentivement sur cette question.

  8   Zeljko Meakic a été accusé d'avoir été le commandant adjoint du camp, alors

  9   que l'identité exacte du commandant du camp est toujours inconnue.

 10    La Défense estime que la question qui se pose est d'importance. D'abord,

 11   si nous tenons compte du fait qu'on n'a jamais dit clairement à la Défense

 12   que Dragoljub Prcac a été le commandant adjoint du camp, par contre le rôle

 13   qui était le sien était lié à celui de Zeljko Meakic. A un certain moment,

 14   Zeljko Meakic étant chef de la sécurité, nous ne savons toujours pas qui

 15   était le commandant du camp. La Défense se demande, et cette question est

 16   mise par écrit dans notre mémoire, de quelle façon devons-nous mener la

 17   défense de notre client ? Parce que la Défense pourrait dire que Dragoljub

 18   Prcac n'avait pas le rôle important que l'Accusation lui impute. La

 19   Défense, à cet égard, pourrait examiner en détail toutes les possibilités

 20   existantes, mais pendant toute la durée du procès, l'Accusation n'a cessé

 21   de dire qu'il était commandant adjoint du camp. La Défense a essayé de

 22   prouver que ce n'était pas le cas, qu'il n'a jamais été le numéro du dit

 23   camp. Nous avons, pendant toute la durée du procès, essayé non pas de dire

 24   ce qu'il n'a pas fait, mais de dire ce qu'il a fait pour prouver que les

 25   allégations du Procureur étaient erronées.


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  1   Nous nous sommes concentrés sur le fait de montrer ce qu'a fait notre

  2   client, mais nos affirmations ont été interprétées de façon erronée par les

  3   Juges de la Chambre de première instance, et ce, en quelques phrases à

  4   peine. Finalement, le sens de notre action a été dévoyé.

  5   Je répète, nous étions dans une situation où nous ne savions pas qui était

  6   le commandant du camp, et dans cette condition nous ne pouvions pas mener

  7   la moindre recherche pour déterminer le rôle de

  8   M. Prcac. En effet, rien ne prouve que M. Prcac ait eu quelques contacts

  9   avec qui que ce soit d'autre que Zeljko Meakic, qui était le chef des

 10   services de sécurité. Aucun élément de preuve n'a été présenté au sujet de

 11   tels contacts. Si, et c'est une hypothèse de ma part, le Procureur semble

 12   apprécier les hypothèses et, d'ailleurs, il en émet un certain nombre dans

 13   sa réponse à notre mémoire, si l'on partait de l'hypothèse que compte tenu

 14   du fait que M. Prcac a été accusé, nous devrions admettre qu'il était le

 15   responsable d'un certain nombre d'actes criminels. Nous serions ramenés

 16   dans ce que j'indiquais tout à l'heure, à savoir, dans une situation où le

 17   simple fait de démontrer qu'il était présent à un certain endroit en

 18   faisait le responsable d'un certain nombre d'actes répréhensibles. Mais

 19   Monsieur le Président, Madames et Messieurs les Juges, nous disons que ceci

 20   ne correspond pas à la tâche qui est la notre. Quel que  soit le procès, et

 21   quelles que soient les circonstances dans lesquelles se déroule un procès

 22   dans ces conditions, aucun avocat ne pourrait démontrer l'innocence de son

 23   client devant ce Tribunal, parce que s'il n'était pas considéré comme le

 24   commandant ou le commandant adjoint, il serait considéré comme assistant

 25   administratif. S'il n'est pas considéré comme assistant administratif, on


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  1   pourrait peut-être le considérer comme un cuisinier dans le camp. S'il

  2   n'était pas considéré comme un cuisinier. Il s'agirait simplement de

  3   quelqu'un, d'un homme qui a de bons rapports avec un certain nombre de ses

  4   voisins qui se trouvent dans le camp. A partir de ces bons rapports avec un

  5   certain nombre de prisonniers du camp, ce Tribunal aboutirait à la

  6   conclusion que l'homme bon en question responsable de crime contre

  7   l'humanité.

  8   Je pense, et je parle, du principe qu'il importe de resituer l'examen des

  9   faits, dans le contexte du camp d'Omarska et, dans le contexte de la

 10   période concernée, en dehors de cette organisation définie assez

 11   précisément, en tout cas c'est ce que pense la Défense, il importe de dire

 12   que le chaos le plus important régnait. N'importe qui pouvait rentrer dans

 13   cet endroit. Malheureusement, il pouvait soumettre les prisonniers aux

 14   sévices les plus graves, les maltraiter à son gré. La Défense le dit très

 15   clairement, elle n'exclut même pas la possibilité que peut-être un certain

 16   plan est existé. Mais ce plan devait être établi par quelqu'un, et le

 17   quelqu'un en question était sans doute quelqu'un qui exerçait un certain

 18   pouvoir, qui avait une certaine autorité, et qui ne peut pas être considéré

 19   comme individuellement responsable, simplement du fait qu'il était présent

 20   à un certain endroit.

 21   Mais nous soulignons qu'ici les personnes qui ont été entendues en tant que

 22   témoins ici sont des personnes de rang assez bas. Il n'a pas été entendu

 23   parmi les témoins de chef de la police ou de responsable quel qu'il soit.

 24   Ceux qui sont considérés comme les auteurs du plan en question n'ont, pour

 25   la plupart, pas été mis en accusation. Ceux qui étaient considérés comme


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  1   des personnes qui ont soutenu le plan en question, ceux qui auraient œuvré

  2   à la mise en œuvre de ce plan, ceux qui auraient été responsables de

  3   meurtre, de tortures, ou d'aggravation de la situation des détenus, pour

  4   l'essentiel n'ont pas été présentés à ce Tribunal. L'Accusation a renoncé à

  5   leur audition. Treize autres personnes ont été mises en accusation. Au

  6   départ, leurs noms figurent dans les écritures. On les mentionne comme des

  7   personnes ayant commises un certain nombre de crimes, et pas seulement un

  8   crime, mais plusieurs crimes. On les mentionne également comme des

  9   personnes responsables à de nombreuses reprises de mauvais traitements

 10   infligés aux prisonniers.

 11   Si nous regardons la situation d'un peu plus près, à savoir, qui étaient

 12   les gardes dans ce camp, on voit que le nom de six, sept, huit, même 13

 13   d'entre eux est cités. Mais nous parlons de gens qui se situent au même

 14   niveau hiérarchique. Dans un village de Prijedor, qui existait dans l'ex-

 15   Yougoslavie, et quel que soit le village en question, en général, il était

 16   connu pour son club de football, pour tel ou tel habitant de ce village qui

 17   aurait été connu comme footballeur, ou comme il peut-être connu parce qu'il

 18   aurait été le site pendant la Deuxième Guerre mondiale d'un certain nombre

 19   d'événements importants, comme cela a été le cas sous le mont Kozara. Ce

 20   petit village de Prijedor, il y avait dans ce village un poste de police où

 21   exerçaient des policiers qui, pour l'essentiel, n'avaient pas subi une

 22   formation très longue; un simple stage, en général.

 23   En personne qu'elle puisse s'exprimer sur la situation générale en vigueur

 24   dans l'ex-Yougoslavie, du point de vue de la loi, du point de vue des

 25   omissions à la législation, du point de vue de ce qui constituait une


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  1   violation de la loi ou pas.

  2   Excusez-moi de le souligner, mais on s'attend de ces personnes à ce

  3   qu'elles aient une compréhension détaillée de l'ensemble de ces

  4   réglementations. On s'adresse en fait à des gens qui ne sont pas éduqués,

  5   qui n'ont rien fait de particulier, mais qui ont été interrogés simplement

  6   parce qu'ils ont apporté une petite aide pratique en apportant des vivres,

  7   en apportant de temps en temps un médicament ou autre chose. Il faut penser

  8   à ce qui se passait à Prijedor à cette époque-là. De toute façon même en

  9   dehors de la guerre, la situation à Prijedor était assez peu enviable à

 10   l'époque. Prijedor avait un lien direct avec Zagreb d'un côté, avec la

 11   Serbie de l'autre, ses rapports économiques avec la coupure des voies de

 12   communication d'où Prijedor avaient le plus grand mal à trouver les vivres

 13   nécessaires pour nourrir sa population. Il fallait aussi un certain nombre

 14   d'autres tâches pour que la population puisse survivre.

 15   La Défense elle s'intéresse au cas particulier de M. Prcac qui était un

 16   homme comme tout le monde, qui est arrivé dans le camp d'Omarska sous la

 17   contrainte, cela non plus il ne faudrait peut-être pas l'oublier.

 18   Nous n'aurions pas mentionné ce fait comme motif d'appel devant les Juges

 19   de la Chambre d'appel si la déclaration faite par M. Prcac n'avait pas été

 20   évoquée par les Juges de première instance. Lorsque M. Prcac a parlé aux

 21   enquêteurs du bureau du Procureur, il n'a pas insisté sur le fait qu'il

 22   était arrivé au camp d'Omarska sous la contrainte, mais c'est un fait

 23   important.

 24   La Défense tient à mettre l'accent sur un certain nombre de faits au cours

 25   de la présente audience. M. Prcac a été arrêté le 5 mars. Il a rencontré


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  1   les représentants du bureau du Procureur pour la première fois le 6 mars.

  2   Le procès a débuté le 2 mai. Un certain laps de temps s'est écoulé entre

  3   l'arrestation et le début du procès. Dans cette période nous n'obtenions

  4   encore que des déclarations préalables de témoins qui étaient expurgés.

  5   Nous n'obtenions pas de détails très clairs. La Défense n'était pas encore

  6   dans une situation qui lui permettait vraiment d'agir et c'est à ce moment-

  7   là, que le bureau du Procureur a pensé qu'il était important de recueillir

  8   la déclaration de M. Prcac. Vous connaissez cette situation mieux que moi

  9   encore. Ce sont les représentants du bureau du Procureur qui posent des

 10   questions et la Défense elle ne peut que réagir aux réponses données.

 11   Nous du côté de la Défense nous n'étions pas encore tout à fait au fait de

 12   la situation et nous nous sommes mis d'accord avec le bureau du Procureur

 13   pour que M. Prcac fasse sa déclaration sur la situation dans le camp de

 14   Prijedor et que deux ou trois jours plus tard le Procureur procède à son

 15   interrogatoire. C'est dans ce lapse de temps que M. Prcac a indiqué qu'il

 16   avait été menacé par M. Drljaca, menacé d'un coup de feu dans la tête ou de

 17   l'incendie de sa maison s'il n'acceptait pas d'aller à Omarska. Les juges

 18   de la Chambre de première instance déclarent que M. Prcac n'aurait jamais

 19   prononcé ces mots. Voilà une de ces erreurs grossières que la Défense

 20   invoque à présent. Si les Juges avait dit, M. Prcac a dit cela mais nous

 21   n'avons pas fait confiance à ces propos du point de vue de la

 22   responsabilité hiérarchique d'un supérieur, la Défense aurait dit très

 23   bien, c'est un point de vue des Juges conforme à la pratique de ce Tribunal

 24   et nous n'aurions pas réagi de façon négative. Mais tel n'était pas le cas.

 25   Bien des exemples de ce genre dans le jugement, des exemples qui permettent


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  1   de tirer la conclusion selon laquelle M. Prcac aurait été un assistant

  2   administratif du commandant du camp, il y en a un grand nombre dans le

  3   jugement.

  4   La première erreur qu'invoque la Défense est liée à la réponse qui sera

  5   apportée à la question de savoir s'il est arrivé dans le camp de son plein

  6   gré ou sous la contrainte. Deuxième erreur, déjà démontrée par la Défense,

  7   elle est liée au témoignage du témoin Omer Mesan. Un certain nombre de

  8   témoins sont venus devant ce Tribunal pour expliquer le rôle joué par M.

  9   Prcac et l'un de ces témoins a déclaré que M. Prcac, sur sa propre

 10   initiative sans en référer à ses supérieurs, prenait des décisions de

 11   transferts des prisonniers. La Défense indique que cette allégation porte

 12   sur la journée du 6 août date à laquelle le camp était déjà en cours de

 13   démantèlement. A partir du 6 août, 174 détenus restaient dans le camp.

 14   J'avais reçu un lit et des vivres en quantité suffisante, ils étaient sous

 15   la garde du CICR, et les autres détenus avaient déjà été transférés au camp

 16   de Manjaca ou de Trnopolje.

 17   Ceci ce sont je parle se situe le dernier jour de fonctionnement du camp et

 18   tous les témoins ont déclaré que le nom d'un certain nombre de détenus a

 19   été appelé par des gardes. Qu'il n'y avait pas un seul garde de responsable

 20   de cela, mais que les détenus étaient au nombre de 800 à 1 700. Qu'on les a

 21   fait monter à bord d'un certain nombre d'autobus et de camions. Qu'un

 22   certain nombre d'hommes ont fait leur apparition dont les noms ne

 23   figuraient sur aucune liste et il est déclaré que M. Prcac aurait donné

 24   l'ordre de transférer ces personnes, ce qui serait considéré comme une

 25   participation importante compte tenu d'un acte non autorisé par ses


Page 175

  1   supérieurs de transferts des prisonniers.

  2    C'est sur la base de cela que les Juges de la Chambre ont conclu au fait

  3   que M. Prcac aurait agi sur sa propre initiative et or M. Omer Mesan n'a

  4   pas reconnu M. Prcac. La question que nous posons est la suivante : comment

  5   -- quiconque peut-il affirmer qu'il s'agit de M. Prcac dans ces

  6   conclusions. Personne n'est autorisé à conclure au-delà de tout doute

  7   raisonnable qu'il s'agissait effectivement de M. Prcac. Que M. Prcac était

  8   responsable de ce transfert, or c'est ce fait qui a servi à ce qu'ensuite

  9   dans un deuxième temps, M. Prcac soit déclaré assistant administratif du

 10   camp.

 11   Les Juges en première instance et c'est peut-être ce qui a fait le plus de

 12   tort à la Défense déclare dans leur jugement que les conseils de la

 13   Défense, eux-mêmes, parle de M. Prcac comme d'un assistant administratif

 14   dans le camp.

 15   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, la Défense n'a jamais

 16   dit cela dans son mémoire d'appel, la Défense indique dans un certain

 17   nombre de paragraphes et elle ajoute aussi des citations de propos

 18   susceptibles de démontrer la réalité des faits qui est la suivante. C'est

 19   ce que la Défense a toujours, n'a cessé de répéter depuis la rédaction du

 20   mémoire préalable au procès, à savoir que Dragoljub Prcac a été amené dans

 21   le camp d'Omarska pour y travailler au centre des transmissions et que de

 22   temps en temps il effectuait d'autres tâches. Qu'au nombre de ces tâches,

 23   il y avait de temps en temps la recherche d'un prisonnier ou

 24   l'établissement d'une liste des prisonniers qui étaient arrivés dans le

 25   camp ou d'autres tâches qui lui étaient ordonnés par Zeljko Meakic.


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  1   Dans la structure du camp, selon ce que les Juges de la Chambre de première

  2   instance ont déclaré les enquêteurs étaient autorisés à donner des ordres,

  3   ceci a été établi au-delà de tout doute raisonnable, il y avait cette

  4   hiérarchie du camp qui permettait aux enquêteurs de fonctionner en tant que

  5   supérieurs sur toute matière liée à la sécurité. C'est la chose qui est

  6   exacte, C'est le seul renseignement qui correspond à la réalité et la

  7   Défense a le plus grand mal à comprendre sur quoi se sont appuyés les Juges

  8   de la Chambre de première instance pour tirer la conclusion qu'ils ont tiré

  9   au sujet de ce problème de l'assistant administratif.

 10   Pendant toute la durée du procès, l'Accusation s'est efforcé de dépeindre

 11   M. Prcac comme quelqu'un qui aurait exercé des fonctions administratives

 12   précises, et ce, en raison du fait qu'il aurait établir un certain nombre

 13   de listes de prisonniers. Or, tous les témoins qui ont mis en présence de

 14   M. Prcac ont dit que ce dernier ne se promenait que de temps en temps dans

 15   l'enceinte du camp et qu'en général, lorsqu'il se promenait dans l'enceinte

 16   du camp, il portait des papiers, mais personne n'a parlé de listes ou si

 17   quelqu'un l'a fait, il s'agissait uniquement de spéculation de sa part.

 18   Mais l'Accusation a ensuite, pour donner plus de signification à ces

 19   propos, commencé à dire que ces papiers étaient des listes sur lesquelles

 20   figurait le nom d'un certain nombre de prisonniers qui, ensuite, étaient

 21   liquidés.

 22   La Défense indique qu'elle n'a jamais voulu se protéger de son obligation

 23   de prouver que son client n'aurait pas fait telle ou telle chose qui lui

 24   était reproché. Elle s'est efforcée de déterminer la nature exacte de ces

 25   listes ainsi que l'identité des personnes auxquelles il serait arrivé


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  1   quelque chose parce que leur nom figurait sur ces listes. Nous avons

  2   entendu dans le prétoire un certain nombre de témoins dont un témoin qui en

  3   réponse aux questions de l'Accusation a démontré qu'il était le responsable

  4   de la rédaction de ces listes.

  5   L'Accusation, par ailleurs, a toujours affirmé qu'il existait trois

  6   catégories de détenus, les uns étant responsables d'avoir participé

  7   activement aux combats, les autres ayant soutenu les combats et les

  8   troisième étant des personnes qui pouvaient être relâchées et rentrées chez

  9   elles parce qu'elles n'avaient rien fait. L'Accusation parle de l'existence

 10   d'un tri parmi les prisonniers et le témoin dont je parle était quelqu'un

 11   qui n'était pas un Serbe et qui a dit : "C'est moi, c'est moi qui était la

 12   personne qui prenait les décisions s'agissant des méthodes à utiliser pour

 13   effectuer ce tri et voilà de quelle façon j'ai procédée." Ce témoin a

 14   expliqué qu'une fois M. Prcac a lu à haute voix le nom d'un certain nombre

 15   de personnes qui figuraient sur cette liste et qui étaient des femmes ou

 16   des hommes qui, heureusement, ont ensuite été transférées au camp de Donje

 17   Polje. Aucun témoin, hormis un seul, n'a évoqué un sort malheureux qui

 18   serait survenu à l'une de ces personnes transférées dans un autre camp. Il

 19   n'y a qu'un seul nom qui correspond à ce que je viens de dire, à savoir,

 20   Eso Sadikovic, habitant de Prijedor dont le nom a été appelé par M. Prcac

 21   et dont le corps a ensuite été exhumé dans une fosse commune, Glavica

 22   Hrastova où l'on a retrouvé les corps de 124 autres prisonniers de

 23   Keraterm. Un seul nom peut servir d'élément de preuve démontrant

 24   l'exactitude des propos du Procureur. Quant aux autres, ils infirment ces

 25   accusations et M. Prcac l'a bien dit lors de sa déclaration.


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  1   La Défense affirme que tout ce que M. Prcac a dit lors de cette déclaration

  2   correspond à la réalité. Ceci m'amène à la question que je vais poser à

  3   présent, sans abuser du temps des Juges, parce que vous avez, bien sûr, nos

  4   écritures. Je vais parler maintenant des erreurs d'interprétation qui ont

  5   servi à proclamer M. Prcac, commandant adjoint du camp ou assistant

  6   administratif au commandant du camp et à accroître sa responsabilité

  7   pénale.

  8   Les Juges de la Chambre de première instance n'ont jamais défini avec

  9   précision les fonctions de M. Prcac dans le camp. Il y a un paragraphe du

 10   jugement où il est disposé que M. Prcac, manifestement, exerçait une

 11   certaine influence sur les gardes du camp mais qu'il n'était pas leur

 12   supérieur. La même chose est dite pour les gardes. Il est dit également

 13   qu'il procédait au transfert des prisonniers à l'intérieur du camp sur les

 14   ordres des enquêteurs de M. Mrksic. Voilà quel était le rôle joué par M.

 15   Prcac. Compte tenu de cette situation dont la Défense a déjà parlé, la

 16   Défense insiste sur la nécessité d'apprécier à sa juste valeur la

 17   crédibilité d'un certain nombre de témoins. Nous n'évoquons pas ici des

 18   irrégularités insignifiantes. Nous parlons, je me répète, de contradictions

 19   majeures et d'erreurs grossières.

 20   Les Juges de la Chambre de première instance ont malheureusement fait

 21   accordé un certain crédit à des témoignages qui n'étaient corroborés par

 22   aucun autre témoignage et qui étaient sortis de leur contexte. C'est ainsi

 23   que M. Prcac a été considéré comme assistant administratif du camp. Nous

 24   disons aujourd'hui qu'en l'absence de ces témoignages non corroborés,

 25   personne n'aurait pu démontrer que M. Prcac était assistant administratif


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  1   du camp mais qu'à l'examen des faits qu'ils étaient, n'importe qui n'aurait

  2   pu conclure quelque chose, à savoir que M. Prcac exerçait des fonctions qui

  3   étaient inférieures du point hiérarchique à celle d'un garde.

  4   Les Juges de la Chambre de première instance ont conclu, au fait, que

  5   certaines personnes se promenaient dans le camp et ces promenades ont été

  6   érigées au rang d'actes significatifs. Un certain témoin a dit avoir vu M.

  7   Prcac se promener dans le camp et a dit qu'il en concluait que M. Prcac

  8   exerçait un rôle de commandement ou un rôle important. On lui a demandé :

  9   "Sur quoi fondez-vous cette conclusion ?" Il a dit : "C'était l'impression

 10   que j'avais." Mais si les prétendues fonctions exercées par M. Prcac

 11   n'existent pas, il n'existe plus aucune irresponsabilité qui peut lui être

 12   imputée.

 13   Parlons maintenant de la durée de sa présence, 22 jours. Vingt deux jours,

 14   bien sûr, cela peut être considéré comme une période assez longue par

 15   n'importe qui. Mais finalement, M. Prcac n'est entré dans ce camp qu'à 11

 16   reprises. Il a fait partie de 11 équipes. Si Karadzic ou Mladic était entré

 17   dans ce camp, je ne sais pas si à raison de 11 visites dans le camp, ils

 18   auraient pu régler le chaos qui prévalait dans le camp, et ce, sans parler

 19   de quelqu'un qui, comme M. Prcac avait une position beaucoup moins

 20   importante. Mais dès qu'il est arrivé dans le camp, M. Prcac a dit qu'il

 21   n'était pas content de la situation. Il a demandé qu'un certain nombre de

 22   prisonniers soient transférés dans des lieux plus acceptables. Il a demandé

 23   qu'on utilise du chlore pour désinfecter. Il a apporté des vivres aux

 24   prisonniers. Selon le témoignage du témoin A pour laquelle un certain

 25   nombre de détenus du même sexe ont dit qu'on la voyait sortir régulièrement


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  1   et revenir en larmes dans la pièce où elle se trouvait. On a laissé

  2   entendre qu'elle aurait pu être violée. Cette femme a dit que M. Prcac lui

  3   avait sauvé la vie. Si l'on replace l'ensemble des faits dans leur contexte

  4   réel, si l'on repense à tous les incidents et qu'on les replace dans leur

  5   contexte et pensons précisément à cette femme qui dit qu'elle a pu

  6   s'adresser à M. Prcac qui l'a un peu consolé, qui s'est intéressé à la

  7   situation de sa famille. Elle a dit que ses enfants avaient pu survivre,

  8   grâce aux soins apportés par M. Prcac qui leur avait apporté à manger, il

  9   s'était occupé d'eux, et cetera. Ceci est une preuve au-delà de ce que l'on

 10   peut espérer, du fait que M. Prcac n'était pas le responsable des faits que

 11   l'on dit. Il y a un fait bien connu, à savoir que pour quitter cette

 12   région, ceux qui voulaient le faire devaient obtenir une autorisation

 13   signée par les responsables des Serbes de Bosnie. M. Prcac a rédigé un

 14   document où il léguait ses biens à certaines personnes. Il laissait son

 15   appartement à la municipalité entre autre. Les Juges de la Chambre de

 16   première instance aurait dû resituer l'ensemble de cette histoire dans son

 17   contexte. Cela aurait permis de diminuer la gravité d'un certain nombre

 18   d'interprétations, parce qu'on parle des personnes qui ont été arrêtées,

 19   comme si leur arrestation ne relevait de la responsabilité de personne,

 20   parce que finalement, on impute cette responsabilité à des gens qui avaient

 21   un rang très peu élevé, sans s'intéresser aux personnes d'un rang supérieur

 22   qui, finalement, devraient être considérées comme des co-auteurs. Parce que

 23   comment est-il possible que des gens aient pu, sans arrêt, commettre des

 24   actes criminels, exercer des responsabilités sans être poursuivis ? Les

 25   Juges de la Chambre de première instance n'ont rien prouvé. Ils n'ont


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  1   présenté aucun témoin, aucun témoignage corroboré par d'autres qui

  2   permettrait de conclure à la responsabilité de M. Prcac dans toute cette

  3   affaire. Voilà la mission des Juges de la Chambre de première instance qui

  4   est, je pense, suffisamment soulignée par la Défense pour que celle-ci

  5   n'ait plus nécessité d'y revenir.

  6   Toutes les allégations retenues par l'Accusation tombent, elles ne prouvent

  7   rien. La question qui se pose à présent, c'est de savoir si la Défense est

  8   autorisée à sortir du champ visé dans l'acte d'accusation, parce qu'il est

  9   permis de se demander s'il est équitable de voir un accusé ignorant des

 10   éléments retenus contre lui. Je reviens sur ce que j'ai déjà dit, excusez-

 11   moi, mais tout cela signifierait, si cela était vrai, qu'il n'ait pas

 12   besoin d'acte d'accusation, qu'il serait suffisant pour le Procureur

 13   d'écrire sur un morceau de papier, voilà, il était à tel endroit, à tel

 14   moment, et sa condamnation serait prononcée.

 15   La Défense, pour sa part, lorsque son heure est venue de présenter ces

 16   éléments de preuve, a, en raison de cette insuffisance des éléments de

 17   preuve qu'elle a évoqués, demandé la mise en liberté de son client. En

 18   effet, elle a affirmé, et ce, de la façon la plus énergique qu'il soit, que

 19   son client n'occupait pas les fonctions que le Procureur lui imputait. La

 20   Défense a déclaré que les preuves étaient insuffisantes et que l'Accusation

 21   aurait dû apporter un certain nombre de précisions aux chefs d'accusation

 22   retenus contre

 23   M. Prcac, ou alors l'Accusation aurait pu rédiger un acte d'accusation

 24   portant sur une période plus vaste, qui aurait permis à la Défense

 25   d'enquêter de façon plus approfondie sur le rôle joué par M. Prcac dans le


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  1   camp d'Omarska. Tel n'a pas été le cas. Jusqu'au réquisitoire du Procureur,

  2   ce dernier n'a cessé d'affirmer que

  3   M. Prcac  était un adjoint du commandant, que ceci impliquait qu'il avait

  4   agit d'une façon importante, qu'il était un participant important à

  5   l'organisation criminelle commune.

  6   En conclusion, je dirais qu'il importe de ne pas perdre de vue ces images

  7   de Keraterm ou plutôt excusez-moi, de Trnopolje, images montrées par Penny

  8   Marshall dans son émission de télévision, compte tenu du fait qu'elles

  9   concernaient une période immédiatement postérieure à Vukovar, qui ont

 10   permis au Tribunal d'établir ce qu'il a établi. A juste titre ou par

 11   erreur, le camp d'Omarska était présenté comme un lieu où les plus grandes

 12   atrocités ont été commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Lorsque

 13   vous faites venir ici les personnes accusées d'avoir permis le

 14   fonctionnement de ce camp d'Omarska, vous affirmez qu'une certaine

 15   structure de fonctionnement existait dans ce camp et que les personnes en

 16   question, sont les responsables. M. Prcac a été condamné à cinq ans.

 17   L'Accusation ne s'attendait sans doute pas à ce qu'il interjette appel.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Simic, vous proposez-

 19   vous  de nous laisser quelques minutes pour poser des questions ?

 20   M. J. SIMIC : [interprétation]  Oui, absolument, Monsieur le Président.

 21   J'en aurai terminé rapidement.

 22   En conclusion, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges,

 23   j'aimerais insister sur le fait que le Tribunal n'a pas été créé pour

 24   prononcer la culpabilité de personnes simplement coupables d'avoir été

 25   présentes en un certain lieu. Nous n'avons cessé face aux allégations de


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  1   l'Accusation, d'affirmer que M. Prcac exerçait des fonctions qui ne peuvent

  2   être comparables qu'aux fonctions d'un simple garde. Nous avons établi

  3   qu'il n'exerçait aucune responsabilité de commandement. La Chambre de

  4   première instance a élargi le contexte de toute cette affaire. Nous disons,

  5   pour notre part, qu'il n'est pas permis de condamner quelqu'un en sortant

  6   du champ de l'acte d'accusation. Nous ajoutons que les Juges de la Chambre

  7   d'appel n'ont pas pour mission de sauver les Juges d'une Chambre de

  8   première instance. Nous disons que finalement qu'il ne serait pas si

  9   terrible que cela, de voir un accusé serbe acquitté, notamment si rien

 10   parmi les allégations retenues dans l'acte d'accusation n'a été prouvé en

 11   première instance. Merci, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie, Maître Smic.

 13   J'aimerais maintenant demander à mes collègues s'ils souhaitent vous poser

 14   quelques questions d'éclaircissement.

 15   Le Juge Guney souhaite vous interroger.

 16   M. LE JUGE GUNEY : Maître Simic, au cours de votre soumission, vous avez

 17   essayé de faire ressortir l'influence et l'autorité que possède votre

 18   client dans le cas. Vous avez insisté sur le fait qu'il n'était pas le

 19   commandant du camp. Est-ce exact ?

 20   M. J. SIMIC : [interprétation] Nous avons dit qu'il n'était pas seulement

 21   pas commandant du camp, nous avons dit tout au long du procès qu'il n'était

 22   pas adjoint au commandant du camp, comme on l'avait allégué.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, Maître Simic, veuillez

 24   poursuivre.

 25   M. J. SIMIC : [interprétation] Si l'interprétation est correcte, si j'ai


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  1   bien compris la question qui m'a été posée, nous avons soutenu qu'il

  2   n'était pas commandant adjoint du camp comme ceci avait été dit dans l'acte

  3   d'accusation. C'est quelque chose que nous avons démontré. Ceci a été

  4   établi d'ailleurs dans le jugement.

  5   M. LE JUGE GUNEY : Nous avons écouté avec soin votre soumission dans

  6   laquelle vous avez même mis l'accent sous le fait que votre client a

  7   remplacé Kvocka entre le 24 mai jusqu'au

  8   30 août. Est-il exact ?

  9   M. J. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

 10   les Juges, ceci n'est pas vrai. Nous avons dit exactement dit le contraire.

 11   M. Prcac n'a pas remplacé Miroslav Kvocka, même la Chambre de première

 12   instance a établi cela. Par conséquent, si vous pourrez me donner un

 13   instant, s'il avait été adjoint à ce moment-là il aurait été adjoint du

 14   chef de la sécurité, comme la Chambre de première instance l'a déterminé en

 15   ce qui concerne M. Kvocka. Mais, on a dit qu'il n'y avait aucune preuve de

 16   cela, qu'il n'y avait aucune preuve du fait qu'il ait été commandant

 17   adjoint, ou adjoint en chef de la sécurité. C'est la raison pour laquelle,

 18   on a dit qu'il était assistant administratif à la place.

 19   M. LE JUGE GUNEY : A la lumière de ce que vous venez de dire également,

 20   voulez-vous fournir des éclaircissements qui était d'après vous le

 21   commandant du camp d'Omarska ? C'est la première question. La deuxième,

 22   auriez-vous la bonté de me dire quelle était la fonction précise de votre

 23   client, toute la durée durant laquelle il était au camp ? Quelle fonction a

 24   exercé, quelles étaient les fonctions qu'il a exercées pendant cette durée.

 25   Je voudrais avoir un éclaircissement sur ces deux points si possible.


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  1   Merci.

  2   M. J. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames  et

  3   Messieurs les Juges, du point de vue de la Défense c'était Simo Drljaca qui

  4   était le commandant du camp, ou plutôt de la cellule de Crise. D'après les

  5   déclarations de la plupart des témoins, essentiellement des témoins

  6   présentés par la Défense, mais également des témoins présentés par

  7   l'Accusation, Simo Drljaca certainement a une influence capitale. Les

  8   enquêteurs qui étaient les plus importants du point de vue service, lui

  9   rendaient compte quotidiennement, personne ne pouvait être arrêté sans son

 10   ordre ou son approbation, personne ne pouvait être relâché sans son ordre

 11   ou son approbation.

 12   En outre c'était la personne qui décidait de tout. Il visitait les camps à

 13   plusieurs reprises, tous les services d'après les dépositions qui ont été

 14   faites dans d'autres affaires, parce que j'ai lu tous les comptes rendus,

 15   faisaient rapport à lui, et en rendaient compte à la cellule de Crise. Nous

 16   avons soutenu constamment que c'était Simo Drljaca qui était le commandant

 17   du camp, aucune preuve n'a jamais été rapportée et personne n'a fait

 18   d'hypothèse selon laquelle M. Dragoljub Prcac ait eu le moindre contact, et

 19   le moindre rapport avec Simo Drljaca, c'est-à-dire, c'est Simo Drljaca qui

 20   était le commandant du camp. Il y avait quatre ou cinq services qui

 21   agissaient d'une façon indépendante, mais qui tous rendaient compte à Simo

 22   Drljaca, et cela dépend des uns et des autres, tous savaient leurs

 23   fonctions, leurs tâches. Mais on m'a également posé des questions

 24   concernant l'accusé Prcac, c'est-à-dire que Prcac est venu au camp juste

 25   avant que ce camp ne soit démantelé, juste avant cela il était un


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  1   technicien judiciaire du secteur d'Omarska.

  2   Le 15 juillet, à compter du 15 juillet il est venu avec une tâche très

  3   claire qui était de faire fonctionner les communications radio, parce que

  4   d'après les témoignages des témoins, les communications radio étaient

  5   gérées par des gardes ordinaires, qui ne connaissaient les problème

  6   techniques, et qui n'avaient pas une connaissance suffisante en technologie

  7   de radiodiffusion, enfin qu'ils puissent maintenir le contact avec la

  8   police, le service de la police, parce qu'il n'y avait pas de ligne

  9   téléphonique directe. Il y avait l'un des enquêteurs. Il se trouvait dans

 10   une pièce fermée à clé au cours de cette période pendant laquelle il y

 11   avait 11 tours, il était à l'occasion présent lorsque les détenus étaient

 12   amenés sur les ordres de Meakic ou des enquêteurs.

 13   Aucun compte rendu n'illustre comme l'Accusation voulait le montrer, selon

 14   lequel les détenus allaient et venaient, et ceci si un enquêteur voulait

 15   leur poser une question. Il fallait à ce moment-là envoyer quelqu'un pour

 16   trouver un détenu, et l'amener. C'était le type de tâche qu'on lui

 17   demandait d'accomplir de repérer certains détenus, d'être présent lorsque

 18   les détenus étaient amenés, les enquêteurs ou les témoins n'ont pas déposé

 19   dans le sens de dire qu'il aurait beaucoup vu, parce qu'en fait il

 20   s'occupait essentiellement du matériel radio. Il n'avait aucun talent

 21   particulier, aucune connaissance particulière, il faisait les tâches que

 22   tout un chacun faisait, la Défense a réuni des témoins qui s'étaient

 23   trouvés dans le camp, et toutes ces personnes faisaient exactement les

 24   mêmes tâches que lui. Un garde parfois recevait dans détenus, Prcac ne se

 25   trouvait pas là, enfin les 3, 8, il avait un tour de garde de 12 heures, et


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  1   il était toujours là lorsque Meakic était là. Si nous regardons l'affaire à 

  2   Celebici, le commandant adjoint ne peut pas être considéré comme

  3   responsable si le commandant était présent. Ce n'était pas le cas en

  4   l'occurrence, il ne remplissait que certaines tâches qui ont été confiées à

  5   tout le monde, et il n'y avait rien pour le distinguer dans ce qu'il

  6   faisait en particulier il n'était pas responsable d'un service quelconque

  7   des travaux sur place, il transférait des documents, il transportait des

  8   documents à quelqu'un lorsqu'il s'agissait d'un administrateur, il n'était

  9   pas lui-même un administrateur.

 10   M. LE JUGE GUNEY : Merci, Monsieur Simic.

 11   M. K. SIMIC : [interprétation] C'est pour cela que quelqu'un a pensé qu'il

 12   était administrateur. Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE GUNEY : Merci, Monsieur Simic. Votre client, sa fonction

 14   principale était technicien, et il était chargé de diffusion, mais,

 15   toutefois, il a retenu les listes des prisonniers, et il a accompli sa

 16   tâche de la sorte. Est-ce qu'une telle tâche est compatible avec la

 17   fonction ? Dans quelle mesure une telle tâche est compatible avec la

 18   fonction d'un technicien ?

 19   Merci. Je voulais avoir votre opinion sur ce point.

 20   M. J. SIMIC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, le président

 21   avec tout le respect que je vous dois, je crois que sa tâche essentielle ne

 22   pouvait pas se ramener à celle d'un technicien. C'était seulement une

 23   partie de ces tâches, c'était quelque chose qui se faisait dans tous les

 24   postes de police ou dans tous les services de police dans l'ex-Yougoslavie,

 25   où il y avait un officier de service, ou quelqu'un qui fonctionnait à tour


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  1   de rôle. Ce n'était pas confié à une seule personne ce genre de tâche, de

  2   sorte que chacun s'acquittait de plusieurs fonctions sur place.

  3   Les gardes pour l'essentiel se tenaient là, se trouvaient là, il faisait

  4   très chaud, et Zeljko Meakic en tant que chef de la sécurité avait

  5   probablement voulu rendre les choses plus faciles pour eux, de façon à ce

  6   qu'il n'ait pas besoin de rester sur place tout le temps. Sa tâche

  7   principale n'était pas le matériel technique, mais le fait de maintenir les

  8   communications, parce que le département de la police d'Omarska à l'époque

  9   couvrait le camp d'Omarska pour ce qui est de fournir la sécurité, il

 10   fallait également qu'il assure la sécurité du village d'Omarska, et avec

 11   Petrov Gaj, et d'autres hameaux. Il fallait qu'il y ait des transmissions

 12   qui fonctionnent entre le service de la police et le camp. Si Zelko Meakic

 13   devait être appelé, ou s'il fallait que quelqu'un des services médicaux

 14   soit appelé, il y avait une ligne de transmission de communication

 15   technique, il devait être maintenu en état par tous les gardes.

 16   Comme vous l'avez vu, les enquêteurs, qui ont procédé au tri et qui

 17   décidaient de savoir qui devait aller dans quelle catégorie et quel devait

 18   être leur sort, ils recherchaient tel ou tel détenu pour l'interroger. Ils

 19   pouvaient demander soit à Prcac ou soit à un garde de le trouver quand de

 20   nouveaux détenus étaient amenés, bien qu'au cours de cette période, on ne

 21   les a pas amenés en grand nombre. C'était seulement sur une base

 22   individuelle. Là encore, les enquêteurs ou Simo  Drljaca, comme nous

 23   l'avons montré dans nos éléments de preuve, donnait le nom des personnes

 24   qui devaient être arrêtées, lorsqu'elles arrivaient, à ce moment-là, on

 25   prenait tout ce qui les concernait, leurs coordonnés de façon à se décider


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  1   s'il fallait les appeler pour un interrogatoire ou non. Ils ne faisaient

  2   rien d'extraordinaire, enfin, rien de très précis. Rien que personne

  3   d'autre ne faisait pas.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je voudrais maintenant me

  5   tourner vers mes collègues qui se trouvent à ma gauche. Madame le Juge

  6   Mumba a une question à poser.

  7   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Maître Simic, suivant vos conclusions concernant le rôle de M. Prcac, je

  9   relève que dans certaines d'entre elles, je veux dire en résumé, ce que

 10   vous dites, c'est qu'il avait un rôle mineur à jouer dans l'organisation ou

 11   le fonctionnement du camp bien que ses services fussent nécessaires pour

 12   faire fonctionner le camp à l'époque considérée. Est-ce que votre

 13   conclusion et que considérant le rôle mineur que jouait l'appelant dans le

 14   camp, ce qu'il a fait n'équivalait pas à des violations graves ?

 15   M. J. SIMIC : [interprétation] Madame le Juge, lorsque je dis "un rôle

 16   mineur," ce que j'essayais de communiquer, c'était qu'il ne faisait rien de

 17   différent de ce que faisaient les autres gardes, des gardes qui n'ont pas

 18   fait l'objet d'un acte d'accusation, De sorte que ces actes et omissions, à

 19   notre avis, ne constituent pas de violations graves du droit humanitaire,

 20   sinon, tous auraient dû faire l'objet d'un acte d'accusation. Madame le

 21   Juge, je vous remercie.

 22   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame le Juge Weinberg de Roca.

 24   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 25   J'ai seulement une brève question à poser. Maître Simic, il y a quelques


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  1   instants, vous avez mentionné le fait que la Chambre de première instance

  2   s'était fondée sur la crédibilité d'un témoin dont la déposition était très

  3   différente de toutes les autres qui avaient déposé sur un élément

  4   particulier. Est-ce que vous pourriez préciser à quoi vous vous référez, de

  5   quoi vous voulez parler ?

  6   M. J. SIMIC : [interprétation] Madame le Juge, il s'agit du témoin Nusret

  7   Sivac qui, en fait, a été évoqué d'une façon particulière dans le mémoire

  8   final de la Défense. Nous avons tenté de prouver qu'il avait dit huit

  9   contrevérités graves devant la Chambre de première instance. Nusret Sivac a

 10   dit qu'il avait été emmené de la salle de Mujo jusqu'à pista, en béton,

 11   parce qu'il y avait de l'eau à cet endroit-là et il a été le seul à

 12   soutenir que Dragoljub Prcac était responsable de l'ensemble des tâches

 13   administratives du camp d'Omarska. Aucun autre témoin n'a dit quoi que ce

 14   soit de ce genre. Madame la Juge Weinberg de Roca, je vous remercie

 15   beaucoup.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'ai juste une petite question à

 17   vous poser, Maître Simic. Si je puis me permettre, j'ai trouvé vos

 18   conclusions très utiles. Peut-être pourriez-vous m'aider à comprendre un

 19   point particulier. Je souhaiterais que vous vous centriez sur cette partie

 20   de vos conclusions, dans lesquelles vous avez dit quelque chose dans le

 21   genre que votre client, en fait, s'était véritablement rendu au camp

 22   d'Omarska mais en quelque sorte, sous la contrainte, qu'il avait fait

 23   l'objet de menaces de la part de Drljaca, qui l'avait menacé de lui tirer

 24   une balle dans la tête s'il n'obéissait pas. De sorte que je voudrais que

 25   vous vous concentriez sur ce point.


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  1   J'ai l'impression que votre thèse est telle que la Chambre de première

  2   instance a cité de façon erronée une partie des éléments de preuve sur ce

  3   point. Je vous suis tout à fait sur la distinction qu'il faut faire, que

  4   l'on peut faire dans le cas où le Tribunal, où le Juge cite de façon

  5   erronée les éléments de preuve. Vous pouvez, à ce moment-là, soutenir quel

  6   est le poids sur lequel il faudrait citer les éléments de preuve de façon

  7   exacte mais pour des motifs valables et insuffisants et pour lesquels on

  8   n'accepte pas ces éléments de preuve. Alors, j'ai relu le paragraphe 427 du

  9   jugement de la Chambre de première instance sur ce point, en ce qui

 10   concerne les circonstances dans lesquelles votre client s'est rendu au camp

 11   d'Omarska, et sur le point de savoir s'il avait été menacé par Drljaca.

 12   Est-ce qu'il y a quoi que ce soit dans ce paragraphe qui puisse répondre à

 13   la question que je me pose, que ce que vous essayez de nous dire, c'est que

 14   la Chambre de première instance n'a pas cité de façon exacte les éléments

 15   de preuve qui étaient soumis sur ce point ?

 16   M. J. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

 17   brièvement lire le texte du jugement.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Le paragraphe 427.

 19   M. J. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce paragraphe est

 20   exact. Il y a un paragraphe dans lequel on a affirmé quelque chose, à

 21   savoir que la Chambre de première instance n'était pas convaincue de cela

 22   parce que Prcac n'a fait aucune mention de menaces lorsqu'il a été

 23   interrogé par l'Accusation. C'est un autre paragraphe.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas dans le

 25   même paragraphe que la Chambre de première instance dit la même chose, elle


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  1   dit : La Chambre de première instance constate toutefois que Prcac n'a

  2   jamais fait mention de ces menaces lorsqu'il a été interrogé par

  3   l'Accusation.

  4   M. J. SIMIC : [interprétation] C'est exact. Oui, c'est exact. Ils disent

  5   également cela dans ce paragraphe.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bien. Alors, nous allons lever

  7   la séance pour le moment et nous reprendrons la séance dans une heure et

  8   demie, c'est-à-dire, à 14 heures 45. Est-ce que ceci vous convient

  9   également, Maître Fila ? A 14 heures 45, bien.

 10   Alors, nous reprendrons l'audience à 14 heures 45. Je vous remercie. Pour

 11   le moment, je lève la séance.

 12   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 13 heures 17.

 13   --- L'audience est reprise à 14 heures 48.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. J'informe les parties que

 15   nous allons reprendre nos travaux. Nous allons entendre Maître Fila.

 16   Excusez-moi, je n'ai pas vu que vous souhaitiez prendre la parole. Je vous

 17   en prie, Maître Simic.

 18   M. J. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi, je serai

 19   très bref. Il me semble qu'il y a eu un petit malentendu suite à la

 20   question que vous avez posée. Je souhaiterais très brièvement préciser

 21   quelque chose lorsque vous m'avez posé une question au sujet d'une citation

 22   du jugement.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Excusez-moi je ne me rappelle

 24   plus exactement de quel paragraphe nous parlions ?

 25   M. J. SIMIC : [interprétation] Nous parlions du paragraphe 427, Monsieur le


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  1   Président.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, je vois. Merci.

  3   M. J. SIMIC : [interprétation] M'autorisez-vous à préciser ?

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  5   M. J. SIMIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voulais  vous

  6   demander si ce paragraphe reflète l'affirmation de la Défense, à savoir que

  7   la Chambre de première instance a considéré que, compte tenu du fait que M.

  8   Prcac n'a pas mentionné, pendant son entretien avec l'Accusation, qu'il est

  9   venu sous la contrainte et sous la pression, sous les menaces, que ceci,

 10   que ce paragraphe reflète ses positions. Permettez-moi de citer les deux

 11   dernières phrases de ce paragraphe : "La Chambre de première instance

 12   constate toutefois que Prcac n'a jamais fait mention de ces menaces

 13   lorsqu'il a été interrogé par l'Accusation."

 14   Nous nous affirmons dans notre appel qu'il en a parlé. C'est quelque chose

 15   dont nous avons déjà parlé ici et par la suite, il est dit : "Elle n'est

 16   pas convaincue, à savoir la Chambre de première instance que de telles

 17   menaces aient été proférées. Nous, la Défense affirmons que Prcac a fait

 18   état de ces menaces pendant cette audition. Or, la Chambre de première

 19   instance a constaté le contraire."

 20   Nous disons qu'on a eu recours à la force, qu'il y a eu des menaces, et

 21   cetera, de là découle toutes les conséquences que vous avez déjà évoquées.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie, Maître Simic.

 23   Vous venez de préciser un point qui me semble important. Je vous en

 24   remercie beaucoup.

 25   A présent nous pouvons vous entendre, Maître Fila. Vous représentez M.


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  1   Radic.

  2   M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les

  3   Juges. Il s'agit d'un procès qui dure depuis six ans. Il est différent de

  4   tous les procès auxquels j'ai eu l'habitude d'assister. Trois équipes se

  5   sont relayées ici avec des approches différentes en l'espèce. Ce procès se

  6   terminait d'une manière un petit peu inhabituelle pour ne pas dire

  7   curieuse. Rien de ce que l'Accusation affirmait au début du procès ne se

  8   retrouve dans le jugement, ce qui m'a légèrement surpris. Je ne peux pas

  9   comprendre, si j'affirme quelque chose, si la Chambre constate que ceci

 10   n'est pas vrai, est-ce que je peux passer cela sous silence, est-ce que je

 11   peux rester indifférent face à cela.

 12   Si on se reporte au compte rendu d'audience, on verra et j'observe au

 13   passage que je me suis beaucoup intéressé au statut de ce Tribunal et qu'au

 14   début de ce procès, j'ai fait remarquer qu'il y avait une différence dans

 15   le statut de ce Tribunal et le tribunal de Rwanda et vous vous rappellerez

 16   qu'il s'agit de l'Article commun des conventions de Genève. La Chambre a

 17   établi que je n'avais pas raison de dire cela. Ceci ne m'a pas réjoui mais

 18   il a bien fallu que je l'accepte.

 19   Un autre point concerne l'Article 2 de notre statut, à savoir qu'est-ce qui

 20   constitue les violations graves des conventions de Genève. Huit ans depuis

 21   que ce Tribunal travaille, je serais heureux de vous voir préciser ce point

 22   une fois pour toutes.

 23   Pourquoi est-ce que je pose cette question ? Non seulement ceci me

 24   concerne, je précise au sujet des violences sexuelles qui concernent les

 25   reproches adressés à M. Radic mais aussi parce qu'il nous faut bien


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  1   procéder de manière logique. Si un acte constitue une violation grave, il y

  2   en a bien d'autres qui ne le constituent pas. Je ne dis pas que cela peut

  3   être une infraction légère parce que lorsqu'il s'agit de ce niveau de droit

  4   auquel on porte atteinte, ceci ne peut pas être une impression légère.

  5   Monsieur le Président, je suis convaincu, compte tenu de la composition de

  6   cette Chambre et de vous, en personne, que vous répondrez à cette question.

  7   On peut se demander si cela me concerne uniquement en tant que conseil en

  8   l'espèce, ou aussi en tant que conseil de manière générale. Vous verrez que

  9   pour ce qui est des violences sexuelles, qu'il y a quatre personnes qui ont

 10   avancé que Mladjo Radic a agi de manière inappropriée à leur égard pour

 11   ainsi dire. Comme vous le savez, nous l'avons contesté. Nous avons contesté

 12   qu'un acte de ce genre ait eu lieu de la part de notre client. Je le dis

 13   d'emblée pour ne pas devoir entrer dans des polémiques par la suite. Sur le

 14   jugement, sur la position de l'Accusation, nous ne voulons plus

 15   polémiquer avec eux. Nous estimons que ceci n'est pas vrai, qu'il n'y a  de

 16   caractère volontaire ou rien de la sorte. Laissons cela de côté.

 17   Quelle est la question que je souhaite poser ? Mettons de côté le viol,

 18   exception faite du viol, est-ce que les quatre autres actes constitueraient

 19   des violations, des infractions graves aux conventions de Genève, à

 20   l'exception du viol, vraisemblablement non. Mais une autre question se

 21   pose, à partir du moment où on a établi que dans un camp comme Omarska, il

 22   a été établi de manière incontestée qu'il y a eu des infractions graves,

 23   non seulement aux conventions de Genève mais qu'il y a eu des violations

 24   graves des droits de l'homme. Lorsqu'on a établi cela, or de manière

 25   générale, que ce genre d'actes s'est produit. Alors, est-ce que chacune des


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  1   infractions, qui n'est pas grave, peut devenir grave du fait même qu'elle

  2   en fait partie, qu'elle fait partie de cet ensemble. C'est cela qui pose

  3   problème à mon sens.

  4   L'un des Juges de cette Chambre se rappellera l'affaire Dokmanovic où

  5   l'acte d'accusation disait que pendant trois minutes et demie, il a été

  6   témoin des passages à tabac des personnes à Ovcara. La question était de

  7   savoir ce que cela signifiait. L'accusé en question est décédé, nous ne le

  8   saurons jamais. S'il vivait encore peut-être ou s'il avait vécu, peut-être

  9   que cette Chambre de première instance, où Mme Mumba était la présidente de

 10   la Chambre, l'aurait établi. Cela n'a pas été le cas. C'est ce qui me

 11   trouble.

 12   Une troisième question, au sujet de l'Article 7(4) du statut. Ici nous

 13   parlions d'un acte d'accusation qui évoquait les Articles 7(1) et 7(3) et

 14   nous avons établi que 7(3) ne s'applique pas, que seul 7(1) s'applique.

 15   C'est la Chambre de première instance qui l'a établi. La Chambre de

 16   première instance a également constaté que le camp Omarska était constitué

 17   par la cellule de Crise. Cela a été établi à plusieurs reprises et que Simo

 18   Drljaca était une sorte de commandant de ce camp. Mais un point est

 19   incontestable, à savoir la police d'Omarska, le détachement de police

 20   d'Omarska.

 21    Or c'est complètement inconcevable et complètement inimaginable que ce

 22   détachement ait eu quoi que ce soit à voir avec la création de ce camp.

 23   C'est totalement incontesté. Un ordre est arrivé et là j'insiste sur le

 24   fait que c'est un détachement de police, qui n'a qu'un seul supérieur, à

 25   savoir Medic. Tous les autres ne sont que des policiers ordinaires. Quelle


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  1   est la situation ? Nous avons un détachement de ce poste de police

  2   d'Omarska, qui sur ordre un matin, doit se rendre pour se charger de la

  3   sécurité dans le camp d'Omarska.

  4   Si on examine attentivement l'Article 7(4) de notre statut, qui résulte des

  5   procès de Nuremberg, en fait à savoir que l'exécution d'un ordre émanant du

  6   supérieur ne justifie pas un acte mais peut atténuer la sentence. Ma

  7   question est de savoir pourquoi personne ne s'intéresse à cela ? C'est cela

  8   que je reproche, or je pense que c'est une question très importante en

  9   particulier lorsqu'il s'agit des échelons moins élevés. Bien entendu, nous

 10   ne pourrons pas en parler au procès Milosevic ou Sainovic puisque là nous

 11   sommes à un échelon très élevé, or ici, nous sommes au niveau le plus bas

 12   en espèce, précisément, l'Article 7(4).

 13   Je ne souhaite pas rentrer dans les détails de manière abusive. Je ne le

 14   ferais pas devant cette Chambre non plus.

 15   Alors qu'en est-il du mémoire en appel ? Je suppose que vous en avez pris

 16   connaissance en détail. Je sais que l'Accusation l'a fait puisque j'ai lu

 17   leur réponse à laquelle j'ai répliqué.

 18   Je vous prie d'accepter une excuse. A un moment, il est dit que le camp n'a

 19   duré que deux mois, en fait, c'est trois mois, c'est une erreur, la seule

 20   erreur qui s'est glissée dans ma rédaction. Je vous prie de m'en excuser.

 21   Je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai déjà rédigé, ce serait une

 22   insulte à cette Chambre que de penser que vous avez besoin qu'on vous

 23   répète les mêmes arguments. Je ne le ferai pas. En revanche, j'essayerai de

 24   faire rapidement un examen sur les cinq points de motifs d'appel que j'ai

 25   exposés dans mon mémoire.


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  1   Dans notre premier motif d'appel, on estime que l'on a contesté à

  2   l'appelant le droit à un procès équitable, car j'estime que le jugement qui

  3   a été rendu en première instance n'a pas permis à l'accusé d'estimer qu'il

  4   a eu un procès équitable. Il est question de la position du supérieur

  5   hiérarchique et d'autres points qui sont énumérés. Permettez-moi à présent

  6   d'évoquer en une phrase ou deux chacun de ces points, car j'estime en

  7   particulier, puisque je fais partie du droit civiliste, et comme vous le

  8   savez, qui se fonde sur le droit romain, le code pénal yougoslave a été

  9   constitué à l'image du code allemand, non seulement aujourd'hui, mais

 10   depuis le royaume yougoslave, en passant par la période communiste, et

 11   cetera. Nous avons toujours une équivalence entre l'identité de l'acte

 12   d'accusation et le jugement. Pour nous, c'est l'écriture sainte, quelque

 13   chose de cet ordre. J'accorde que nous nous limitons peut-être un petit peu

 14   dans notre réflexion parce que nous tenons compte de ce cadre. Vous savez,

 15   c'est un peu comme un cheval qui a des œillères. Vous savez c'est un peu

 16   comme cela, c'est comme cela que nous respectons l'acte d'accusation.

 17   Alors, avec tous mes respects, je ne peux absolument pas voir ici qu'il y a

 18   cette identité entre l'acte d'accusation et le jugement. Permettez-moi de

 19   vous dire qu'entre un profane et nous qui sommes des professionnels, il y a

 20   une différence, à savoir nous connaissons le droit. Or les faits, c'est

 21   autre chose. Les gens se rendent au cinéma, ou ailleurs, ils voient des

 22   faits. Il nous faut respecter la forme, et si nous ne respectons pas la

 23   forme, les conséquences sont désastreuses, or la forme c'est la chose

 24   suivante : pour pouvoir avoir un procès équitable, on doit savoir de quoi

 25   on est accusé, nulle part dans les chefs d'accusation, il n'est question


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  1   d'entreprise criminelle commune, "joint criminal enterprise." Cela n'existe

  2   pas. Dans les propos liminaires Keegan aurait dit ou je ne sais pas où, et

  3   uniquement ainsi, uniquement pour Prcac d'ailleurs. Cette question-là,

  4   cette question, qui découle du statut aussi,  à laquelle vous répondrez je

  5   pense, est la question de l'acte d'accusation. Permettez-moi de vous

  6   rappeler M. Niemann, dans l'affaire Dokmanovic, a dit que l'acte

  7   d'accusation ne doit, en fait, absolument pas se pencher là-dessus, doit

  8   dire celui à qui je reproche des crimes, a commis un crime, et c'est à la

  9   Chambre d'établir lequel. Or, si moi je le précise, il y a un danger, à

 10   savoir on l'aura identifié de manière erronée, et l'accusé ne sera pas

 11   condamné. Il me semble que c'est de cette manière-là que la question s'est

 12   posée.

 13   Or, au titre de l'Article 50, l'Accusation n'avait pas le droit de modifier

 14   l'acte d'accusation comme elle a fait au cours du procès en avançant de

 15   nouveaux faits, des éléments de preuve pendant le procès. A ce sujet,

 16   permettez-moi d'en terminer en citant une des phrases de vos décisions et

 17   il est dit ici : La Chambre d'appel dit, l'objectif premier de l'acte

 18   d'accusation est de fournir à l'accusé la description des charges avec

 19   suffisamment de détails pour qu'il puisse préparer sa défense. L'Accusation

 20   doit formuler, articuler les chefs d'accusation spécifiques.

 21   C'est votre jugement dans l'affaire Kupreskic. Je poursuis sur le même

 22   sujet, l'affaire Krnojelac, il est dit : l'acte d'accusation doit être

 23   concret et précis. Dans mon mémoire d'appel, je ne le citerai, je ne

 24   reviendrai pas à cela, on voit aussi d'autres exemples dans la

 25   jurisprudence du Tribunal.


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  1   Par la décision de la Chambre de première instance, il a été tranché, sur

  2   la question des entretiens confidentiels. La Chambre a considéré que cela

  3   faisait partie de l'acte d'accusation. De la manière dont la Défense le

  4   comprend, l'acte d'accusation doit être précisé et non pas rendu plus vague

  5   par des compléments. L'accusé doit se voir offrir des éléments, des

  6   compléments d'information par rapport aux actes qui lui sont reprochés.

  7   Pour en revenir aux Articles 18 et 21 du statut, c'est bien cela qu'ils

  8   disposent, mais la Chambre de première instance ne s'intéresse pas à cela,

  9   ne dit rien des faits qui sont contenus dans ces entretiens de nature

 10   confidentielle, c'est ainsi qu'on viole les droits de l'accusé. Comme je

 11   l'ai déjà dit, la Chambre de première instance viole l'esprit du règlement

 12   en déclarant Radic coupable des chefs d'accusation tout en omettant

 13   d'établir des faits liés à des chefs d'accusation qui figurent à l'acte

 14   d'accusation. On n'en dit que quelque chose de très général.

 15   Encore une fois, la question de la ligne de conduite des "leaders." C'est

 16   quelque chose qui n'existe pas dans notre droit continental mais qui existe

 17   dans le droit anglo-saxon, et je le respecte. Comment agissons-nous ? Nous

 18   avons la témoin AT et le Tribunal dit que le prétendu viol ne figure pas

 19   dans le chef d'accusation, car pour être juste à l'égard de l'accusé, on ne

 20   peut pas ajouter des chefs d'accusation pendant le jugement. Ceci a été

 21   comme un coup de foudre pour nous. Je vous prie de prendre connaissance de

 22   l'acte d'accusation qui a précédé l'arrestation de Mladjo Radic.  Il a été

 23   accusé du viol d'une seul témoin, du témoin A. Il a été acquitté de cela.

 24   Encore aujourd'hui à la télévision, que ce soit la télévision néerlandaise

 25   ou bosniaque ou autre, on peut voir cette même témoin dans une autre


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  1   affaire, affirmer, dire qu'elle a été violée, et cetera, et cetera. Même le

  2   Juge Riad a pris part à ce programme télévisé. Le Tribunal ne lui fait pas

  3   confiance et acquitte l'accusé. Mais le Procureur ne s'en plaint pas, c'est

  4   incroyable, même si dans l'affaire Tadic, il a insisté, même si ici, il a

  5   insisté là-dessus. L'affaire terminée, l'accusé n'est pas responsable,

  6   n'est pas coupable, les services de Renseignements bosniaques trouvent

  7   quelqu'un d'autre. Alors, mais on y reviendra, on y reviendra au Témoin K.

  8   Sur un point juridique, je voudrais tout à fait préciser que ceci ne

  9   correspond pas à votre niveau d'évoquer des faits. Je pense qye nous devons

 10   parler de droit. C'est cela notre domaine de compétence. Alors, voyons

 11   l'Article 93. Alors seul, il dispose que mon client ou moi, nous devons

 12   être informé. Mais pourquoi ne nous l'a-t-on pas fait ? Parce que

 13   l'Accusation ne savait pas pourquoi il allait citer ce témoin, le témoin K.

 14   C'est pour cela que nous n'avons pas été informé. L'Article 93(B) n'a pas

 15   été respecté. On a violé le règlement et ceci influe sur le jugement selon

 16   l'Article 23 du statut.

 17   Je ne dis pas que la Chambre de première instance a favorisé l'Accusation.

 18   Non. Pourquoi ? Je respecte les trois membres de la Chambre de première

 19   instance qui ont fait une contribution considérable à ce procès, mais le

 20   résultat est là. C'est ce qui se passe dans notre droit, à savoir, sauvons

 21   l'acte d'accusation.

 22   Pour ce qui est de la ligne de conduite délibérée, là encore, il y a eu

 23   violation des règles de procédure. Quand on viole la forme, il ne peut pas

 24   y avoir de respect de droit. Au titre de l'Article 93, à mon sens, il y a

 25   eu violation du droit de l'accusé à un jugement équitable, et il y a eu


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  1   violation du Règlement de procédure et de preuve. Comme je l'ai déjà dit,

  2   je procède de manière très sommaire pour avancer le plus rapidement

  3   possible.

  4   Dans notre deuxième motif, je parle de la forme de la responsabilité

  5   pénale. Là, je l'articule sous deux volets : l'entreprise criminelle

  6   commune - et je m'exprime en anglais parce que c'est plus facile - et la

  7   participation de mon client à l'entreprise criminelle commune, "joint

  8   criminal enterprise."

  9   Là encore, c'est une question théorique qui se pose. La Défense estime --

 10   je ne dis pas que j'ai droit, mais je dis quelle est ma position. La

 11   Chambre de première instance doit présenter des éléments de preuve qui

 12   démontreraient que l'accusé a constitué partie intégrante de cela. L'accusé

 13   Mladjo Radic est parti de cela en tant que co-auteur. Cependant, ce n'est

 14   pas quelque chose que j'ai trouvé dans le jugement. Parmi nous, les gens

 15   sensés, personne ne peut dire qu'Omarska est quelque chose dont tout le

 16   monde devrait avoir honte. Nous le savons. C'est incontestable. Ce Tribunal

 17   lui-même a été constitué à cause d'Omarska, Vukovar, et cetera. Vous le

 18   savez, quelle est la justice la plus terrible ? C'est si vous-même vous ne

 19   dites pas la justice car vous, vous êtes qualifiés pour dire la justice.

 20   Pourquoi est-ce que ceci ne peut pas concerné mon client, le fait qu'il ait

 21   pris part à cela. Premièrement, vous le savez grâce aux documents

 22   qu'Omarska a été constituée par Simo Drljaca, l'ordre vient de lui. Est-il

 23   difficile de comprendre ce que c'est qu'un petit détachement villageois de

 24   police ? Mais Radic a le grade le plus bas qu'il soit au sein de la police.

 25   Il n'y a personne au-dessus de lui. Il n'y en a pas. C'était un simple


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  1   membre de patrouille. On l'appelle Krkan qui, dans notre langue, signifie

  2   quelqu'un qui aime la bonne chair. Le problème le plus grave dont il

  3   s'occupe, c'est lorsque quelqu'un vole une poule ou si quelqu'un boit un

  4   verre de trop.

  5   Je ne pense pas que les autres co-accusés sont moins bien que lui, mais il

  6   est arrivé cette guerre. Elle leur est tombée dessus. Ils ne l'ont pas

  7   souhaité. Je rappelle encore une fois qu'il y en a parmi eux qui ont épousé

  8   des Musulmans de Bosnie. Une guerre se produit, éclate, qu'ils n'ont pas

  9   souhaité. Un certain Simo Drljaca, qui n'a été personne jusqu'à ce moment-

 10   là, constitue un camp et leur donne l'ordre d'y aller. Lorsque vous voyez

 11   l'audition de Mlado Radic, qu'est-ce qu'il dit : "Je suis arrivé au bus et

 12   on m'a dit, tu vas y aller." Mais est-ce qu'on ne peut pas établir quel est

 13   le profil de cet homme ? Quelle est son intelligence ? Quel est son

 14   travail ? Que fait-il ? Soudain, on le précipite dans quelque chose pour

 15   justifier notre acte d'accusation.

 16   Mais nous devons identifier les vrais coupables de cela. Nous avons un

 17   Zeljko Meakic, qui s'est trouvé avoir été le chef des services de sécurité.

 18   C'est une chose établie. Une fois qu'il en a été question, nous avons

 19   constaté qu'il avait été commandant du camp lorsque ceux-ci ont été

 20   arrêtés. Lui a été accusé de génocide. Je ne veux pas vous fatiguer

 21   davantage.

 22   Il a été question d'eau de mauvaise qualité, mais l'eau est de toujours de

 23   la même qualité en 1992 et en 1994 et 2004. C'est la même qualité. C'est

 24   une autre question que de savoir s'il n'y en a pas eu assez. Pour ce qui

 25   est des conditions inhumaines de détention, mais la qualité de l'eau, elle,


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  1   elle avait été la même à l'époque et la même aujourd'hui.

  2   J'ai affirmé au début et je continue de l'affirmer, je crois que la Chambre

  3   a accepté cette insertion, à savoir qu'il y a eu un volontarisme poussé à

  4   l'extrême dans ce camp de détention. Là, les choses, je pense, sont

  5   claires.

  6   Il nous convient pour nous de comprendre que s'il y a volontarisme, si

  7   quelqu'un peut battre qui il veut, s'il peut tuer qui il veut, comment un

  8   policier du rang le plus bas, le moins élevé, peut-il prendre part à tout

  9   ceci sans parler de l'intention qu'il aurait eu. Je veux bien accepter la

 10   position de la Chambre d'appel pour dire qu'il y a trois catégories de

 11   nécessaire pour ce qui est d'une entreprise criminelle commune. Là, les

 12   choses ne sont pas contestables. Il en est ainsi. C'est une décision que

 13   vous avez prise et je vous ai demandé de prendre des décisions en aval pour

 14   le reste des questions en suspens.

 15   Mais où se situe dans tout ceci Mladjo Radic ? Voyons. Pour ce qui est du

 16   débat à ce sujet, il n'y a pas eu d'aide et d'encouragement s'agissant de

 17   Mladjo Radic. On dit qu'il est co-auteur de ces crimes. Où est

 18   l'explicatif ? Il n'y en a point. Il n'y en a guerre.

 19   On dit qu'il faut trois conditions préalables pour parler de co-auteur. Il

 20   devra y avoir l'intention directe. On lui donne l'ordre d'y aller. On lui

 21   dit, on lui laisse entendre qu'il va rester là-bas trois ou quatre jours.

 22   La Chambre a d'ailleurs pris cela en considération. Ils sont partis pour

 23   deux, trois jours ou quatre jours et sont restés trois mois ou presque. On

 24   ne peut pas parler d'intention délibérée. On peut parler d'entreprise

 25   criminelle commune s'il y a participation à partir d'une fonction


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  1   déterminée. Mais quelle est sa fonction ? Le film qu'on a constamment

  2   montré à son encontre où on le voit mitraillette au poing dans un couloir,

  3   ne fait que confirmer une chose; que c'était un policier ordinaire. Quel

  4   autre dirigeant avez-vous vu occuper un poste de garde ? Or, les postes de

  5   garde, c'est les gardiens qui les occupent. On n'a pas vu Simo Draljaca

  6   monter la garde.

  7   Maintenant, on dit que l'assistant, un aide peut devenir co-auteur si

  8   l'acte dure suffisamment longtemps.

  9   Si l'on accepte le viol avec tout le respect que je dois au Procureur qui

 10   dit : n'acceptez pas ceci ou cela,  mais pour expliquer l'appel, il faut

 11   bien que je fasse exception de quelque chose. Si j'accepte ce fait-là, ce

 12   chef, qui a-t-il d'autre ? Ce chef, on n'en parlera plus tard.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Fila, vous avez

 14   mentionné une autre affaire et à ce moment-là, l'interprète a demandé de

 15   donner une fois de plus lecture de la chose. Quelle est la chose que vous

 16   étiez censé relire ? Vous ne le savez pas ?

 17   M. FILA : [interprétation] Non, je ne sais pas. Mais ce n'est pas grave.

 18   Cela ne constitue pas un problème. Je vous donnerai lecture d'autre chose,

 19   qu'à cela ne tienne.

 20   A présent, que convient-il de dire ? La Défense tient à préciser que la

 21   Chambre de première instance, en dépit des trois conditions requises, n'a

 22   pas précisé en quoi l'accusé Radic est englobé par l'une, la deuxième ou la

 23   troisième des raisons en question. Dans l'affaire Krnojelac, une autre

 24   Chambre a indiqué que la responsabilité pour ce qui est de l'entreprise

 25   criminelle commune nécessite une participation implicite dans la


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  1   perpétration de l'acte. Peut-être cela est-il le cas, peut-être cela ne

  2   l'est-il pas, mais ceci n'est pas dit. Si oui, pourquoi oui ? C'est là la

  3   position que j'ai citée. Je ne pense pas nécessaire de la reprendre.

  4   Par conséquent, je vais conclure en disant ce qui suit : la Chambre de

  5   première instance, en décidant de la culpabilité de l'accusé Radic pour ce

  6   qui est des persécutions, a omis de parler des préalables comme a indiqué à

  7   l'acte d'accusation. D'abord, on n'ait dit nulle part qu'il y a intention

  8   délibérée. On ne parle pas d'accord ou de consentement. Si cela est fait,

  9   cela a été fait par la cellule de Crise, par Drljaca. Il y a eu situation

 10   de guerre. Il est arrivé là des cuisinières qui sont arrivées. L'épouse de

 11   Radic qui est une cuisinière. Elle fait du pain. Elle fait à manger, et

 12   cela est porté là-bas. Elle a contribué également. Si elle n'avait pas fait

 13   en sorte que des vivres arrivent là-bas, eux, ils seraient partis. Il n'y

 14   aurait pas eu camp. Enfin, je sais que dans l'affaire  Munchausen, mon père

 15   y a été détenu pendant deux ans. Je sais de quoi cela avait l'air. C'était

 16   terrible. Mais il faut qu'il y ait certaine limite de placer. Il faut que

 17   nous placions des garde-fous. Avec tout le respect que je vous dois, c'est

 18   précisément là votre tâche, votre mission, que de nous dire que ce sont là

 19   les limites qui constituent violations. Au-delà ces violations graves des

 20   conventions de Genève, en deçà de ceci, ce n'est pas le cas, au-delà de

 21   cela c'est le cas. Il convient de juger les cas où cela dépasse ces

 22   limites.

 23   J'estime que la Chambre de première instance a donné dans l'erreur en

 24   estimant que Radic avait joué un rôle considérable. D'abord, il a fallu

 25   qu'il soit partie prenante militairement parlant, qu'il était co-auteur,


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  1   parce qu'il a été accusé de la chose, et troisièmement il aurait dû avoir

  2   une importance quelconque. Je vous demande une fois de plus, pendant tout

  3   ce que je viens de dire, de faire exception du viol, d'oublier le viol, de

  4   le mettre de côté. Je n'ai pas réussi à voir dans toute l'argumentation ou

  5   l'exposé des motifs du jugement, quelle a été la contribution importante de

  6   Radic dans le fonctionnement d'Omarska, et la réalisation de cet objectif

  7   ou entreprise criminelle commune, persécution et nettoyage ethnique et

  8   meurtre.

  9   Je dois conclure que la Chambre de première instance a appliqué de façon

 10   erronée, ses propres normes, à savoir, la détermination de la participation

 11   de l'accusé à l'entreprise criminelle commune.

 12   Le troisième chef se rapporte aux persécutions. Je crois en avoir parlé

 13   longuement, et il n'est pas nécessaire que nous en parlions tous. Vous

 14   admettrez que vous avez entendu de la bouche de l'un et l'autre des

 15   conseils s'appelant Simic en parler. Je vais sauter la chose parce que

 16   point n'est nécessaire de revenir sur une cinquantaine de pages.

 17   L'une des raisons avancées, je l'ai donnée à la page 31, à savoir, c'est le

 18   quatrième motif d'appel, détermination erronée de la situation de fait.

 19   Dans le cadre du camp d'Omarska, son importance n'a pas été aussi

 20   significative. Il y a eu des actes perpétrés par d'autres gardiens. Je l'ai

 21   d'ailleurs illustré en parlant des autres gardiens qui ont tué ou battu des

 22   détenus sans en avoir reçu l'ordre de qui que ce soit. D'autres personnes

 23   ont dit d'ailleurs que les ordres émanant de mon client n'ont pas été

 24   obéis.

 25   Pour ce qui est des conditions prévalant au camp, la Chambre de première


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  1   instance a constaté elle même que cela n'avait rien à voir avec l'accusé

  2   Radic, et je ne vois pas en quoi cela aurait revêtu de l'importance pour ce

  3   qui est de la détermination de sa participation à l'entreprise criminelle

  4   commune. Pour ce qui est de sa participation aux crimes sexuels, nous en

  5   parlerons tout à l'heure.

  6   Par conséquent, mon opinion est de dire que les conclusions de la Chambre

  7   de première instance sont erronées pour ce qui est de l'accusé Mladjo

  8   Radic. Je lai déjà indiqué à plusieurs reprises. Je vais passer à présent à

  9   la question qui revêt l'importance la plus grande.

 10   Comme vous pouvez le voir, j'essaie de vous épargner une audition de motif

 11   trop longue.

 12   Nous avons contesté s'agissant de la responsabilité de l'accusé au Chef 3,

 13   où la Chambre a constaté qu'il n'était pas clair si Radic avait exercé un

 14   contrôle effectif à l'égard des gardiens. C'est dit dans le jugement. S'il

 15   y a un doute, il convient de le libeller. S'il y a in dubio pro reo, il

 16   doit être exonéré. Ce qui peut se poser comme question suivante, c'est s'il

 17   n'a pas exercé de contrôle, il convient de le mettre de côté, de le

 18   dissocier par rapport aux autres. Bon nombre de témoins ont confirmé que

 19   Mladja Radic a été un gardien comme tous les autres, et le bureau du

 20   Procureur a estimé qu'il ne fallait pas les poursuivre en justice, et s'il

 21   fallait les poursuivre en justice, le faire dans le pays même et non pas

 22   dans ce Tribunal-ci.

 23   Il y a ici un segment que je ressens la nécessité d'évoquer. Il s'agit de

 24   l'aide apportée par M. Radic à certains détenus. Il y a un récit qui est

 25   circulé parmi les détenus qui sont venus témoigner ici, et les détenus ici,


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  1   à savoir qu'il est dangereux de prouver ici que quiconque a aidé quelqu'un.

  2   S'il n'a pas aidé, les gens ont dit qu'il n'a pas d'arme, que ce n'est pas

  3   un homme au sens propre du terme, et cetera. Mais s'il a aidé quelqu'un,

  4   cela est une circonstance aggravante, parce que cela prouve aux yeux des

  5   Juges qu'il avait exercé de l'influence. Or c'est là une chose très

  6   dangereuse, parce que cela nous fait observer les choses en noir et en

  7   blanc, or dans la vie réelle, les choses ne sont jamais dépeintes en noir

  8   et en blanc. Nous avons des preuves directes et indirectes. Vous allez le

  9   constater dans les déclarations de tous les témoins. Il y a un venu

 10   d'Australie, qui a été entendu par le Juge Niemann. On ne doit pas le faire

 11   venir. Il a parlé du chiffre ou du nombre de personnes qui ont été aidées

 12   par Mladjo Radic. Ces personnes se chiffrent à 150.

 13   Mais il n'a pas pu aider tout le monde. Si tous les gardiens avaient chacun

 14   aidé 150 personnes, ils étaient 20 par équipe, mais il n'y a jamais eu 3

 15   000 personnes. Si chacun avait aidé 150 personnes, cela aurait-il été un

 16   nombre négligeable. Cela ne peut constituer une circonstance aggravante.

 17   Tout le monde a dit qu'il le faisait subrepticement sans que les autres le

 18   sachent. Il ne l'a pas fait ouvertement. Vous avez un détail, lorsqu'on

 19   apportait du pain, il laissait le pain, et à peine parti, un autre gardien

 20   venait reprendre le pain. Est-ce que c'est là l'autorité, la fameuse

 21   autorité qu'on a tout le temps mentionné quand on a essayé de prouver qu'il

 22   avait essayé d'aider les gens ? Parce qu'enfin de compte, cette tentative

 23   d'apporter de l'aide a été interprétée comme une autorité quelconque

 24   exercée par ses soins.

 25   Lorsqu'il a aidé quelqu'un, on voit clairement qu'il l'a fait


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  1   indirectement, qu'il ne l'a pas fait parce qu'on lui a donné l'ordre de le

  2   faire. On a dit qu'il avait aidé des gens en sa qualité d'homme, en sa

  3   qualité d'ami, et qu'il n'allait pas l'oublier. Je me suis senti obliger de

  4   le redire.

  5   Autre chose encore. Vous avez vu qu'il y ait, qu'on a parlé de l'équipe à

  6   Krkan. N'oubliez pas un fait important; c'est que c'est un policier

  7   d'active qui est le plus âgé. Tous les villageois des alentours le

  8   connaissaient. Il y avait des réservistes et d'autres personnes qui étaient

  9   venues. Eux, ils ne le connaissaient pas. C'est pour cela qu'ils parlaient

 10   de l'équipe à Krkan. C'est lui qu'on connaissait. Les autres qu'ils ne

 11   connaissaient pas, ils ne pouvaient pas les identifier. Ces gens-là ne se

 12   retrouvent pas de nos jours ici pour finir ce qu'il importe de dire ici,

 13   notamment, ce n'est pas la chose la plus importante mais on ne peut pas

 14   dire que l'on doit faire confiance à priori à tout un chacun. On a parlé du

 15   témoignage du témoin A et à la télévision, elle a dit qu'elle a été violée.

 16   Ici, elle a témoigné sous pseudonyme. Nous avons constaté -- la Chambre a

 17   constaté que les équipes ont duré 12 heures chacune. Le Procureur a dit que

 18   peut-être ce Hase Icic ne peut pas se souvenir de certaines choses

 19   puisqu'elle a été battue. Mais comment ne pas se souvenir de choses qu'on a

 20   vu de plein jour. Il n'a pas vu Mladjo Radic le soir, si en fait il l'a vue

 21   le matin parce qu'il ne pouvait pas séjourner là-bas plus de 12 heures

 22   d'affilée.

 23   Nous avons des témoins qui ont parlé de cette absence de raisons, de la

 24   déraison générale et n'oubliez pas qu'il y avait dans cette équipe une

 25   vingtaine d'hommes qui ne se connaissait pas forcément entre eux. Les


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  1   équipes, leur composition, aucun des accusés ici présents ne les

  2   déterminaient. C'est quelqu'un d'autre qui le faisait.

  3   Pour terminer, pour ce qui est de cette partie avant de passer au viol

  4   proprement dit, c'est ce qui suit : La Chambre de première instance n'a

  5   tout simplement pas déterminé et c'est là le reproche que je lui fais,

  6   quels sont les actes que Radic étaient censés entreprendre et qu'il n'a pas

  7   entrepris. Pourrait-il, était-il à même d'entreprendre quoi que ce soit si

  8   l'on a constaté qu'il y avait une situation d'anarchie où tout le monde

  9   faisait tout ce qu'il voulait. Si cela est clair, on ne peut pas lui

 10   reprocher ou lui dire qu'il est coupable de ce qu'on fait d'autres

 11   gardiens, des gardiens qu'il n'a jamais vu auparavant. Comme j'ai déjà dit,

 12   il n'est pas coupable, non plus, pour les conditions qui prévalaient.

 13   Nous arrivons maintenant au point crucial. Radic ne tient pas beaucoup à la

 14   décision que vous avez adopté au sujet de son rôle là-bas. Il n'en est pas

 15   fier. Il ne veut pas, il ne cherche pas à éviter ses responsabilités pour

 16   le fait d'y avoir été, d'avoir été présent là-bas. Mais, je répète, il a

 17   une femme. Il a trois fils. Il y a menaces de mort à son encontre. Il a

 18   demandé à être révoqué. Il a vu des gens avec qui il avait travaillé qui

 19   emmenait des gens à Omarska et il a rapporté la chose à Drljaca. L'autre

 20   lui a dit : "Fiche le camp dehors. Va faire ton travail." Il a senti les

 21   choses qui se passaient mais là, ce sont des choses qui importent moins. Ce

 22   qui importe plus pour lui et pour moi, c'est de prouver devant ce Tribunal

 23   qu'il n'y a pas eu de viol. On lui a cassé la clavicule, il est diabétique,

 24   il est invalide permanent, il souffre du diabète. Cela importe peu. Les

 25   gens s'entretuent dans les guerres. Ils se battent entre eux, mais il n'y a


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  1   pas de viol. Je ne voudrais pas que vous pensiez que mon intention est

  2   d'offenser qui que ce soit.

  3   Je voudrais que l'on apprécie les faits en tant que tel, comment se

  4   pourrait-il, qu'en enfreignant la procédure, on vise, on cherche à le

  5   rendre coupable d'une chose qu'il n'a pas commise. Il a été question de

  6   quatre personnes. Regardez le témoin K, mais mon Dieu. En 1993, elle a été

  7   entendue. Elle dit : "Non." Elle déclare devant les journaux non. Elle a

  8   constamment affirmé qu'à Keraterm, elle a été violée par Dusko Sikirica, le

  9   chef des services de sécurité à Keraterm. Le Procureur et le Tribunal ni

 10   traitent pas foi. (expurgée)  

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée) . Vous pouvez vous

 15   procurer vous l'affaire toute entière. Mais en 1995, elle a l'idée de

 16   déclarer une chose pareille. Alors, cela devient aberrant, cela s'est fait

 17   le matin, cela s'est fait le soir, à midi. Cela s'est passé en bas et en

 18   haut à l'étage. Vinka, le témoin est venu. On ne lui fait pas confiance

 19   parce qu'elle a dit que Mladjo Radic est un homme, un brave homme. Pourquoi

 20   aurait-il été un homme mauvais ? Elle n'était pas Musulmane, Vinka est

 21   Serbe. Il ne peut pas avoir d'intention discriminatoire  à l'égard d'un

 22   ressortissant de son peuple. Vinka a été proposée ici comme témoin pour

 23   dire qu'elle n'a pas été emmenée chez Mladjo pour être violée. Vous avez vu

 24   la maquette d'Omarska, vous avez vu l'endroit où les enquêteurs battaient

 25   toute la journée durant, des gens. Comment pouvaient-ils violer qui que ce


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  1   soit alors qu'il y avait 200 personnes de présentes. C'est une personne

  2   tout à fait peu fiable. Vous pouvez voir les enregistrements vidéo et on

  3   peut affirmer qu'elle a tout inventée.

  4   Nous avons fait les préparatifs pour le témoin A. Nous avons étudié sa

  5   biographie. Nous avons constaté qu'elle est malade mentale, qu'elle a été

  6   condamnée à plusieurs reprises, qu'elle a volé des postes de télévision en

  7   Slavonie. C'est la raison pour laquelle que Mladjo Radic a été libéré. Que

  8   voulez-vous que je puisse découvrir, moi, en cinq ou six jours de

  9   disponible pour faire ces démarches ? Or, on me dit qu'il y a une ou deux

 10   divergences dans les propos de celle-ci. Mais penchez-vous sur ces propos,

 11   sur ces déclarations. Il n'y en a pas deux de pareille.

 12   C'est là le point essentiel sur lequel je vous demande de vous pencher.

 13   Condamnez-le non pas pour 20 ans, pour 200, pour deux siècles. Condamnez-le

 14   à deux siècles d'emprisonnement mais pour le viol parce qu'il y a des fils

 15   qu'il doit pouvoir regarder dans les yeux. Alors, il a été arrêté. Il a été

 16   battu à cause du témoin A. Le témoin A a témoigné en 1993 au bureau du

 17   Procureur. En 1995, elle affirme devant Brenda Hollis que jamais personne

 18   ne lui aurait demandé. Alors, si on compare à ce qui a été dit en 1993,

 19   elle dit : "Ah, mais c'était autre chose." Alors, elle se souvient de

 20   Mladjo Radic. Elle ne se souvient pas de viol, des viols répétés,

 21   successifs de Sikirica. Elle a eu honte de parler du viol de Sikirica, mais

 22   elle n'a pas eu honte de parler de viol de Mladjo Radic.

 23   M. FILA : [interprétation] Il est question de honte. Cela n'a rien de

 24   nouveau dans tous les pays, c'est pareil. Il n'y a pas une femme violée qui

 25   est fier du fait d'avoir été violée. Comment ne pas avoir honte alors


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  1   qu'elle parle de Keraterm ? C'est tout à coup qu'elle communique en 1995,

  2   que cela lui est arrivé une fois à Omarska. Tout est retourné sans dessus

  3   dessous. C'était de jour, c'était de nuit. La Chambre de première instance

  4   constate que ces déclarations sont peu fiables mais considère que dans ce

  5   segment-là, c'est fiable.

  6   Mais croyez-moi qu'il n'y a pas de délit pénal que je méprise davantage que

  7   le viol. C'est le pire des crimes. Si en plus, il y a une intention

  8   discriminatoire, c'est plus grave encore. Mais là, je n'y crois pas.

  9   Regardez les récits relatés par ce témoin. Elle a dit que cela s'est passé

 10   en haut, en bas, ici et là-bas. Enfin, nous avons constaté et déterminé

 11   qu'elle ne disait pas la vérité. Dans tous les segments de ces dires, il y

 12   a des inexactitudes et des choses qui semblent plutôt improbables. Elle a

 13   d'abord parlé devant Brenda Hollis en 1995 en disant que ce n'était pas le

 14   cas. Elle a dit qu'elle a été violée la nuit, elle a dit que c'était le

 15   jour. Comme réponse à d'autres questions, elle dit que je ne sais pas mais

 16   je crois que la vérité est ce que je dis à Brenda Hollis. Mais le viol ce

 17   n'est pas un élément qu'on oublie facilement. Ce n'est pas le fait d'avoir

 18   mangé une glace il y a trois jours ou il y a quatre jours. Cela fait que vu

 19   l'affaire Sikirica et là j'en parle en long et en large parce que cela est

 20   venu ultérieurement par rapport à la décision au jugement de première

 21   instance dans Keraterm. On voit clairement que personne ne l'a cru, cette

 22   femme.

 23   Le Procureur a dit qu'une Chambre pouvait prêter foi et l'autre non. Mais à

 24   Keraterm on n'a pas prêté foi à ses dires dans la continuité du procès.

 25   Vous verrez dans l'affaire Sikirica, dans le plaidoyer de culpabilité, tous


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  1   les détails y sont donnés. Alors on a constaté qu'il y avait manipulation

  2   avec le témoignage de Vinka Andzic. On lui a demandé et il suffisait de lui

  3   demander, est-ce que vous avez pris cette femme pour l'emmener là-bas, oui

  4   ou non ? Il a dit que non et c'est tout.

  5   Alors le témoin AT, une fois de plus une question juridique se pose, pour

  6   la deuxième fois je répète une question de nature juridique, une question

  7   de droit. Est-ce que le règlement de procédure existe pour être appliqué ou

  8   pas ?

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Puis-je vous demander gentiment

 10   de prêter attention à l'heure qui passe ?

 11   M. FILA : [interprétation] Pour ce qui est du témoin J, il y a le même

 12   récit pour deux personnes. Je répète. On n'a pas appliqué l'Article 93

 13   comme il se doit et je tiens à dire enfin que pour ce qui est du jugement

 14   lu en tant que tel j'ai mis noir sur blanc ce que j'avais jugé utile, il

 15   n'est pas ici question de reparler des circonstances aggravantes ou

 16   atténuantes mais je tiens à vous remercier de votre attention et je crois

 17   ne pas avoir exploité tout le temps qui m'a été imparti.

 18   Merci beaucoup.

 19   [La Chambre d'appel se concerte]

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame le Juge Weinberg de Roca

 21   souhaitez vous poser une question.

 22   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie Monsieur

 23   le Président.

 24   Maître Fila, vous avez dit que les accusés devaient être jugés par des

 25   tribunaux locaux. Est-ce que c'est parce qu'en termes du code pénal


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  1   yougoslave, le viol implique des atteintes permanentes et durables à la

  2   victime et en même temps avec le recours à la force et à la menace ? Est-ce

  3   que c'est la raison pour laquelle vous êtes en train de suggérer que le

  4   viol ne s'est pas produit ici ?

  5   M. FILA : [interprétation] Non, non, absolument pas. Je vous prie de ne pas

  6   sous estimé ce que je dis. Si et je répète, s'il y a eu viol, cela relate

  7   de votre compétence parce que cela il s'agit de souffrances graves, cela

  8   n'est absolument pas contestable. Or nous affirmons qu'il n'y a pas eu

  9   viol. Si en revanche il y a eu viol, c'est de votre compétence.

 10   Alors pourquoi aie-je parlé de tribunaux locaux ? Il y a une différence

 11   entre les niveaux de responsabilité et j'ai dit si on différencie entre les

 12   niveaux de gardes, alors Mladjo Radic fait partie de ces 13 grades de plus

 13   bas niveau. D'ailleurs je précise que l'un d'entre eux a tué un homme. Il a

 14   reconnu avoir tué un homme, Pavic. Or ici vous n'avez personne qui aurait

 15   commis un meurtre or cela doit être le crime le plus grave ou est-ce

 16   comparable, je ne sais pas, peu importe maintenant. Madame le Juge, non, ce

 17   n'est pas ce que j'impliquais. Moi, j'affirme qu'il n'y a pas eu viol, mais

 18   s'il y a eu viol, c'est de votre compétence.

 19   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie, Maître

 20   Fila.

 21   Vous vous êtes aussi beaucoup intéressé à la déposition du Témoin K. Vous

 22   lui avez posé des questions pendant le procès mais il y a eu aussi d'autres

 23   témoins. Témoin J, Témoin F, Témoin Susic, Témoin Cikota, alors pourquoi ne

 24   nous en avez-vous pas évoqué ces autres témoins ? Mais seulement le Témoin

 25   K ?


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  1   M. FILA : [interprétation] La raison en est la suivante. Au début je vous

  2   ai parlé du statut, c'est cela la raison. Ce qu'affirme ces quatre témoins

  3   n'est pas vrai mais même si cela avait été vrai, il ne s'agit pas

  4   d'infractions graves au droit international du moins c'est comme cela que

  5   je l'entends mais la décision vous appartient. C'est de cette manière-là

  6   que je l'interprète et c'est pour cela que je ne m'y suis pas intéressé.

  7   Si vous en venez à établir et j'espère que tel sera le cas, qu'il n'y a pas

  8   eu de viol, est-ce que vous croyez qu'une infraction grave au droit

  9   international, humanitaire ou aux conventions de Genève, serait quelque

 10   chose qui relève des dépositions de ces quatre témoins, non c'est pourquoi

 11   je vous ai demandé de préciser le point 2 du statut et l'Article 2, qu'est-

 12   ce qui constitue l'infraction grave puisque si on parle d'infraction grave

 13   cela veut dire qu'il y a des infractions qui ne sont pas graves. Je reviens

 14   encore une fois au début, c'est la raison pour laquelle je n'ai pas évoqué

 15   ces autres dépositions et celle que je viens de vous donner. Je ne sais si

 16   je vous ai répondu.

 17   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie, Maître

 18   Fila.

 19   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Fila. Merci de cet exposé

 20   d'arguments très stimulants. Je souhaiterais pouvoir bénéficier davantage

 21   de vos observations puisque le temps ne nous le permet. Je me limiterai à

 22   deux petits points.

 23   Mme le Juge Weinberg de Roca vous a posé une question au sujet de la

 24   déposition du Témoin K. Alors, imaginons un instant que cette Chambre

 25   aurait tendance à admettre comme vous le suggérez qu'il n'y a pas eu de


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  1   viol commis à l'encontre de ce témoin ? Alors, est-ce que cela serait

  2   suffisant pour recevoir l'appel ou est-ce qu'il faudrait peut-être faire un

  3   pas de plus comme vous le faites à savoir la Chambre d'appel doit être

  4   convaincu qu'aucun juge du fait raisonnable n'aurait, ne serait arrivé à

  5   des conclusions qui ont été celles de la Chambre de première instance. Est-

  6   ce que vous iriez jusqu'à affirmer cela ? Est-ce que vous affirmeriez que

  7   non seulement les moyens de preuve nous forcent à arriver à la conclusion

  8   qu'il n'y a pas eu de viol mais qu'aucun juge du fait raisonnable ne serait

  9   arrivé à cette conclusion ?

 10   M. FILA : [interprétation] Je vous répondrais mais je crois avoir que vous

 11   aimerez ma réponse. Je ne comprends pas ce que cela veut dire, juge

 12   raisonnable du fait, est-ce que cela veut dire que les Juges Rodrigues,

 13   Riad et Madame le Juge Wald sont des hommes ou des femmes déraisonnables ?

 14   Mais cela serait affreux. Je n'accepterais pas que vous disiez que moi,

 15   moi-même, je suis déraisonnable. Or vous auriez le droit de le dire, je ne

 16   comprends ce que cela veut dire ce critère de raisonnable. Vous savez que

 17   je respecte, Monsieur le Juge Rodrigues. Comment puis-je lui dire vous

 18   n'avez pas pris une décision raisonnable. Je connais vos biographies, vos

 19   expériences respectives, or dans le droit continental ceci est

 20   inconcevable, je ne pourrais pas dire dans un mémoire d'appel que le Juge

 21   n'a pas pris une décision raisonnable, jamais je n'ai rédigé une telle

 22   phrase, une décision déraisonnable. Comment pourrait-elle être prise ?

 23   Comment pourrait-on la qualifier de telle ? Ceci n'est pas possible.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je comprends que vous protestez

 25   contre cette qualification du Juge comme étant déraisonnable. Toutefois, ce


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  1   concept existe, et comme vous le savez, il s'applique dans de nombreux

  2   pays, dans des systèmes juridiques de nombreux pays. Il y a un test du juge

  3   du fait raisonnable qui existe.

  4   M. FILA : [interprétation] Pas chez moi, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je serais en mesure de vous

  6   fournir des exemples si le temps nous le permettait, mais malheureusement,

  7   nous sommes limités dans le temps.

  8   Allons à un autre point sur lequel vous pouviez peut-être m'apporter votre

  9   assistance.

 10   M. FILA : [interprétation] Si vous me le permettez, une seule phrase.

 11   Alors, ce qui me préoccupe, ce qui m'inquiète, ce qui a été établi de

 12   manière définitive que le témoin A ne disait pas la vérité. Il y a eu une

 13   inversion ici. C'est cela ma source de préoccupation. Il y a eu une

 14   inversion, or le Procureur qui dans deux procès affirme que le témoin A a

 15   subi un viol, ne s'en plaint même pas. C'est le plus que je puisse dire, ne

 16   proteste même pas contre cela, ne fait pas appel.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Essayons de voir si je puis

 18   enchaîner sur ce que vous venez de dire dans le peu du temps qui nous

 19   reste. Le deuxième domaine que vous avez abordé, et quelque chose dont nous

 20   parlerons maintenant. Vous avez parlé de M. Radic, et vous avez dit qu'il

 21   avait le niveau dans le plus bas dans la structure de la police. Alors, un

 22   argument possible serait le suivant, le rang de l'accusé a une certaine

 23   pertinence si ce qu'on lui reproche se fonde sur la responsabilité du

 24   supérieur hiérarchique. Dans ce cas-là, on cherche à démontrer qu'il a

 25   exercé une certaine autorité. Mais, diriez-vous que cet argument s'applique


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  1   et est valable si ce qu'on lui reproche est d'avoir participé à

  2   l'entreprise criminel commune.

  3   M. FILA : [interprétation] Non. La raison pour laquelle je parle du niveau

  4   très bas qu'il a occupé, c'est la chose

  5   suivante : j'estime qu'à partir du moment où quelqu'un est entré dans une

  6   entreprise criminelle commune, vous savez ce ne sont pas les chevaliers de

  7   la table ronde, on se met ensemble, et on conçoit une entreprise commune.

  8   Cela n'existe même dans les bandes dessinées. On peut le présenter comme

  9   tel à posteriori, mais c'est le niveau délibéré et le niveau de

 10   l'intelligence qui est intéressant. Nous savons, grâce aux experts

 11   psychologues, psychiatres, que c'est un homme obéissant, c'est un homme de

 12   famille, et père de trois fils, responsable, jamais, jamais, il n'a

 13   progressé, il n'a avancé dans le cadre de son travail. C'est quelqu'un qui

 14   aimait la vie, profitait de la vie. C'est ce type de personnalité qui ne

 15   cadre pas avec ce que l'on a dit, tous comme les autres co-accusés ne

 16   cadrent pas avec la manière dont on les a présentés.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie, Maître Fila.

 18   Oui, Monsieur le Procureur.

 19   M. CARMONA: [interprétation] Un point précis si vous me permettez d'attirer

 20   votre attention là-dessus.

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. 

 22   M. CARMONA : [interprétation] Ceci concerne une partie des arguments

 23   avancés par mon conseil au sujet de la confidentialité des communication

 24   d'un témoin. En particulier, je pense que c'est un point pertinent et qu'il

 25   faudrait peut-être expurgé cela. Je me rappelle de manière plutôt claire


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  1   que la Défense a demandé pendant le procès de présenter des moyens de

  2   preuve au sujet du dossier médical d'un certain témoin. Ceci a été rejeté

  3   par la Chambre de première instance, et on n'a pas donné suite à cela.

  4   L'Accusation est très préoccupée par des tentatives qui ont été faites de

  5   présenter des éléments de preuve en se fondant sur des conversations

  6   privées qui en découlent. Compte tenu du contexte, nous demandons que la

  7   Chambre envisage d'expurger cette partie en particulier. Je ne voulais pas

  8   interrompre mon éminent collègue pendant, alors qu'il était dans le feu de

  9   l'action, mais je pense qu'il est nécessaire dans l'intérêt de la justice

 10   de le faire.

 11   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, Maître Fila.

 12   M. FILA : [interprétation] Je tiens tout d'abord à remercier mon éminent

 13   collègue de ne pas m'avoir interrompu dans le feu de l'action. Alors un

 14   deuxième point, il ne s'agit pas d'une communication privée. Si vous vous

 15   penchez là-dessus, vous verrez qu'il y a eu un entretien entre le Procureur

 16   et la Chambre de première instance portant sur l'état de santé de la

 17   personne dont nous avons parlé. C'était un entretien inter partes entre ces

 18   deux parties seulement. C'est Mme Hollis  qui a posé cette question, cela

 19   ne venait pas de moi.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que la question de la

 21   confidentialité se pose, Maître Fila ?

 22   M. FILA : [interprétation] Non, non, non. C'était un entretien entre le

 23   Procureur et la Chambre. Vous devez le savoir qui portait sur cela. C'est

 24   ce que j'ai dit.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous entendez par là que ces


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  1   éléments de preuve sont accessibles au public ?

  2   M. FILA : [interprétation] Non, je ne le crois pas, non. Mais, plus tard --

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] M. Carmona est en train

  4   d'avancer --

  5   M. FILA : [interprétation] Mais, il n'y était pas. C'est une information --

  6   est-ce que j'l'ai eu de manière privée ? Non, je ne l'ai pas eu par

  7   d'autres moyens. Il y a eu un entretien, une décision a été prise par la

  8   Chambre pour décider si ce témoin pouvait déposer ou non. Je ne voudrais

  9   pas rentrer dans les détails. Mme Hollis est toujours ici, il est possible

 10   de lui poser la question. Peut-être que M. Carmona ne connaît pas tout.

 11   M. CARMONA : [interprétation] Oui, je sais quelles sont les dispositions

 12   qui ont été prises. Je connais ces éléments, mais ce qui me préoccupe et

 13   mon éminent collègue en est pleinement conscience, c'est qu'il s'agit

 14   d'informations particulières qui n'ont pas été diffusées au public.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, Maître Fila, on propose que

 16   l'on expurge du compte rendu d'audience d'aujourd'hui ces références-là, et

 17   ceci n'influerait d'aucune manière sur nos débats.

 18   M. FILA : [interprétation] Non, non, je ne m'y oppose pas, cela ne me gène

 19   pas, mais j'ai réagi lorsqu'il a été dit que c'était une communication qui

 20   m'a été faite privée, mais ce n'est pas vrai, comment aurais-je pu

 21   apprendre ? Ce n'était pas du tout de cette manière-là.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame la Greffière d'audience,

 23   serait-il possible de procéder à cette expurgation ?

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous

 25   pouvons l'expurger. Ceci étant dit, il est peut-être un petit tard pour


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  1   l'expurger du transcript qui sort en temps réel.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pourrez-vous le faire dans la

  3   mesure du possible ?

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. C'est bon.

  6    M. CARMONA : [interprétation] Je vous remercie.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ceci étant dit, faisons à

  8   présent une suspension, levons l'audience jusqu'à demain matin, demain

  9   matin à 9 heures 30, 9 heures 30 demain. Je vous remercie.

 10   --- L'audience de la Chambre d'appel est levée à 15 heures 59.

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