Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 21 juillet 2004

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'Appelant Kvocka n'est pas présent dans le prétoire]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour aux

  8   membres, à tous dans ce prétoire et chers collègues du barreau. Je

  9   souhaiterais vous présenter nos excuses. Nous avons pris un peu de retard

 10   et la Chambre d'appel s'en excuse.

 11   Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, appeler l'affaire.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-98-30/1-A, le Procureur

 13   contre Miroslav Kvocka, Mladjo Radic, Zoran Zigic et Dragoljub Prcac.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous poursuivons l'audience ce

 15   matin et nous allons entendre le témoignage du Témoin KV4. Permettez-moi

 16   maintenant de m'assurer que tout le monde puisse bien m'entendre dans ce

 17   prétoire ainsi qu'à l'extérieur de ce prétoire ?

 18   Monsieur Re, voyez-vous quelque objection que ce soit de donner le nom du

 19   pays dans lequel la vidéoconférence a lieu ?

 20   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 21   M. RE : [interprétation] Non, Monsieur le Président, pas pour ce qui est du

 22   huis clos partiel puisque nous savons tous dans ce prétoire de quoi il

 23   s'agit, mais pour ce qui est de dire le nom du pays en audience publique,

 24   je crois qu'il est plus prudent de ne pas le faire puisque le témoin est

 25   inquiet.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie. Je voudrais

  2   m'assurer que tout le monde puisse bien m'entendre ? Les interprètes ainsi

  3   que les appelants ?

  4   Ceci dit, je souhaiterais faire quelques commentaires en guise

  5   d'introduction avant de commencer avec la phase évidenciaire [sic] de cet

  6   appel. Nous avons entendu hier le Témoin KV3, qui était un témoin

  7   supplémentaire admis dans la phase d'appel par la décision du 12 mars 2004

  8   et la Chambre d'appel a également admis les éléments de preuve en réplique

  9   et les éléments contenus dans la déclaration du témoin présentée par le

 10   Témoin de l'Accusation KV4. Conformément à l'ordonnance du 2 juillet 2004,

 11   ce témoin a été appelé à témoigner dans cette affaire en tant que témoin en

 12   réplique. L'ordonnance du 2 juillet 2004 a accordé quelques mesures de

 13   protection, des mesures provisoires au Témoin KV4. Par cette décision, la

 14   Chambre d'appel octroyé la déformation des traits du visage et de la voix

 15   de ce témoin.

 16   Je voudrais maintenant m'adresser au témoin qui se trouve sur place.

 17   [Le témoin témoigne par vidéoconférence]

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin,

 19   pouvez-vous m'entendre ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation]  Oui, je vous entends.

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Très bien. Pourriez-vous, je

 22   vous prie, prononcer la déclaration solennelle qui vous est remise par

 23   l'Huissière.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 25   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez

  2   vous asseoir.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  4   LE TÉMOIN: TÉMOIN KV4 [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Conformément à l'ordonnance

  7   datée du 2 juillet et l'ordonnance du 14 juillet 2004, ce témoin a obtenu

  8   le pseudonyme KV4 et déposera en bénéficiant de la déformation des traits

  9   du visage et de la déformation de la voix, comme je l'ai dit, il y a

 10   quelques instants.

 11   Je souhaiterais rappeler aux parties de ne pas oublier d'utiliser ce

 12   pseudonyme pendant la durée de cette audience en appel.

 13   Madame la Greffière, sur place, je vous prie, montrer au témoin son nom sur

 14   une feuille de papier et je vous prierais de cette façon d'obtenir

 15   l'identification de son nom par le témoin.

 16   Mme LA GREFFIÈRE DE VIDÉOCONFÉRENCE : [interprétation] Pouvez-vous

 17   identifier si c'est bien votre nom ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien mon nom.

 19   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Très bien. Madame la Greffière,

 20   sur place, je souhaiterais vous rappeler que vous êtes une représentante

 21   assermentée par le Tribunal et que vous êtes tout à fait au courant de la

 22   nature de la mission à laquelle vous participez et vous êtes également au

 23   courant de l'engagement que nous avons pris face à l'identité du témoin.

 24   Maintenant, je me tourne vers l'Huissière et je demanderais à cette

 25   dernière de montrer cette feuille de papier au conseil de la Défense ainsi


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  1   qu'aux membres du bureau du Procureur.

  2   Je vous remercie, Témoin KV4. Vous êtes appelé à témoigner dans ce procès

  3   en son appel dans l'affaire le Procureur contre Miroslav Kvocka et en

  4   sorte, l'accusation sera la première à vous poser un certain nombre de

  5   questions et, ensuite, vous serez contre-interrogé par le conseil de

  6   l'Appelant, M. Zigic. Ensuite, les conseils des autres appelants peuvent

  7   également vous poser un certain nombre de questions. Les Juges pourraient

  8   également intervenir et pourraient également avoir certaines questions à

  9   vous poser, s'ils le souhaitent.

 10   Je me tourne vers Monsieur Re, le représentant du bureau du Procureur.

 11   Veuillez, je vous prie, prendre la parole.

 12   M. RE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs, Mesdames

 13   les Juges.

 14   Interrogatoire par M. Re :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin KV4. Est-ce que vous

 16   pouvez m'entendre et pouvez-vous me voir ?

 17   R.  Je vous entends très bien. Mais je ne vous vois pas.

 18   Q.  Je m'appelle David Re. Je vous poserai un certain nombre de questions

 19   concernant le temps que vous avez passé au camp d'Omarska pour le bureau du

 20   Procureur. Je vais d'abord vous poser quelques questions d'ordre général et

 21   je me tournerai vers d'autres événements plus précis.

 22   Maintenant, j'aimerais vous demander de donner votre appartenance ethnique

 23   à la Chambre d'appel.

 24   R.  Je suis Bosnien et je suis Musulman -- de confession musulmane.

 25   Q.  Habitiez-vous dans la région de Prijedor au mois de mai 1992 ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que l'on vous a arrêté le 31 mai 1992 ? Est-ce que cette

  3   arrestation a été faite par des Serbes armés et est-ce qu'ils vous ont

  4   emmené au poste de police de Prijedor et vous ont-ils mis à bord d'autocar,

  5   pour vous emmener à Omarska ?

  6   R.  Oui. Le 31 mai 1992, j'ai été emmené depuis le devant de ma maison à

  7   pied avec mes voisins, nous avons passé à côté des maisons du village de

  8   Cereke.

  9   M. RE : [interprétation] Non. Non. Je ne reçois aucune interprétation. Je

 10   dois vous interrompre.

 11   Q.  Monsieur KV2 -- ah, non, non, je suis navré. En fait, je m'excuse,

 12   c'est KV4.

 13   Dites-moi, maintenant : lorsque vous êtes arrivé à Omarska, on vous a

 14   emmené avec d'autres prisonniers sur un endroit qui s'appelle la pista ?

 15   R.  Oui. Après mon arrivée à Omarska, j'ai été emmené avec d'autres détenus

 16   sur ce qu'on appelait la pista. Il s'agit d'un espace en béton entre deux

 17   bâtiments.

 18   Q.  Vous a-t-on gardé à l'extérieur sur la pista pendant une période de

 19   temps assez longue après votre arrivée à Omarska ?

 20   R.  Lorsque je suis arrivé, j'ai passé environ un mois sur la pista, et

 21   avant ma sortie du camp d'Omarska, j'ai dû y passer environ une dizaine de

 22   jours également.

 23   Q.  Est-ce que vous êtes sorti du camp d'Omarska au mois d'août 1992 ?

 24   Lorsque le camp a été démantelé vous a-t-on emmené vers un autre camp qui

 25   s'appelle Trnopolje, à ce moment-là ?


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  1   R.  J'ai quitté Omarska le 3 août 1992, alors que je crois que le camp a

  2   été démantelé après cette date. Je suis sorti d'Omarska trois jours avant

  3   que l'on ne démantèle le camp d'Omarska.

  4   Q.  En 1992, avant de vous rendre à Omarska, connaissiez-vous une personne

  5   du nom de Becir Medunjanin ?

  6   R.  Oui. Je le connaissais.

  7   Q.  Est-ce que vous le connaissiez bien ?

  8   R.  Je connaissais mieux son épouse car nous sommes de la même génération.

  9   Etant donné que je la connaissais bien, nous nous rencontrions de temps en

 10   temps à Prijedor et puisqu'il vivait dans le hameau de Kozarac.

 11   Q.  Connaissiez-vous ses fils ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Est-ce que vous avez vu M. Medunjanin lorsque vous étiez détenu au camp

 14   d'Omarska ?

 15   R.  Je ne l'ai qu'une fois et ce, dans ce qu'on appelait la

 16   "maison blanche".

 17   M. RE : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin une copie du

 18   diagramme que l'on a versé au dossier hier, et qui porte une cote dans

 19   cette procédure en appel ?

 20   Q.  Monsieur KV4, où était situé la "maison blanche" par rapport à la pista

 21   ?

 22   R.  Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Lorsqu'on arrive sur la pista

 23   depuis Omarska, la "maison blanche" se trouvait à droite de la pista.

 24   Q.  Je vous prierais d'examiner le diagramme qui se trouve sur le

 25   rétroprojecteur. Est-ce que vous reconnaissez ceci comme étant une 


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  1   photographie aérienne des pièces du bâtiment que vous avez appelé la

  2   "maison blanche" ?

  3   R.  Les pièces marquées de "A1 à A6", je me demande ce que c'est ? Est-ce

  4   que c'est la façon dont les pièces étaient disposées dans la "maison

  5   blanche" ? Ah, oui, oui. Je vois. C'est bien cela.

  6   Q.  Vous avez dit avoir vu M. Medunjanin qu'une fois dans la "maison

  7   blanche." J'aimerais que vous indiquiez à la Chambre d'appel dans quelles

  8   circonstances vous l'avez vu ? Où étiez-vous avant de rentrer dans la

  9   "maison blanche" et pourquoi y êtes-vous entré ?

 10   R.  Comme je l'ai déjà dit, nous nous trouvions sur la pista. Lorsqu'un

 11   orage a lieu ou lorsque les conditions atmosphériques ne nous permettent

 12   pas de rester à l'extérieur, lorsqu'il pleut très fort, lorsque le vent est

 13   très fort et qu'il a un orage, dans ce cas-là, les détenus qui se

 14   trouvaient sur la pista étaient placés dans d'autres pièces du camp afin de

 15   les protéger des intempéries. Le 20 juin, autour de cette date, je ne suis

 16   pas certain de la date, le temps était très mauvais et moi-même et un

 17   groupe de détenus avons été placés dans la "maison blanche", en attendant

 18   que le mauvais temps cesse. Lorsque je suis entré dans la "maison blanche,"

 19   dans la pièce gauche qui avait une porte à moitié en vitre, j'ai vu Sadeta

 20   et Becir, en passant comme cela, devant cette porte vitrée.

 21   J'ai été emmené dans la pièce suivante, qui était vide, et c'est là, que

 22   nous sommes entrés nous tous, qui venions de la pista.

 23   Q.  Pourrais-je vous demander de vous arrêter ici pour que quelques

 24   instants ?

 25   Vous avez parlé d'une pièce qui se trouvait à gauche, vous avez parlé de


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  1   Sadeta et de Becir. Est-ce que Sadeta était la femme de M. Medunjanin ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Sur le diagramme, est-ce que c'est la pièce qui porte l'indication A3 ?

  4   R.  C'est exact, c'est bien la pièce A3.

  5   Q.  Vous dites avoir été emmené dans une pièce un peu plus loin; est-ce

  6   bien la pièce A4 ?

  7   R.  Oui, la pièce A4. C'était la pièce adjacente à la pièce A3.

  8   Q.  Du meilleur de votre souvenir, combien de personnes se trouvaient dans

  9   la pièce A3 et combien de personnes pouvait-il y avoir eu dans la pièce A4

 10   ?

 11   R.  J'ai vu la pièce A3 que de passage. J'ai vu les détenus qui étaient

 12   soit assis contre le mur ou allongés par terre. Je ne pourrais pas vous

 13   donner le nombre exact de détenus dans cette pièce. Pardon, je vous écoute.

 14   Il y avait environ 40 détenus dans la pièce avec moi.

 15   Q. Que s'est-il passé après que l'on vous ait installé dans la pièce A4

 16   avec les autres détenus ?

 17   R.  Deux personnes en uniforme sont venues et sont entrées dans la pièce

 18   A3. Il y avait va-et-vient. Après un certain temps, Medunjanin a été

 19   expulsé dans le couloir des tirs. J'ai reconnu l'une des deux personnes,

 20   c'était Zigic. Je le connais d'avant la guerre, en tant que chauffeur de

 21   taxi de Prijedor. L'autre personne, je ne la connaissais pas. Les autres

 22   détenus m'ont dit qu'il s'agissait de Duca. Ils ont passé Medunjanin à

 23   tabac avec une matraque et avec des câbles. On lui a donné des coups de

 24   pied. Au début, Medunjanin bougeait même s'il était allongé. Ensuite, il ne

 25   réagissait plus aux coups. Sa tête était trempée de sang. J'ai tout vu.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Re, pourriez-vous

  2   demander au témoin de préciser un point. Lorsqu'il a fait référence à "ils"

  3   au pluriel, qui donnaient des coups de pied à Medunjanin.

  4   M. RE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

  5   Q.  Monsieur KV4, vous venez de nous donner une description du passage à

  6   tabac. Vous venez de nous dire qu'ils ont passé à tabac Medunjanin avec une

  7   matraque ou des matraques et des câbles. A qui pensiez-vous lorsque vous

  8   avez parlé d'"ils" au pluriel ?

  9   R.  Je parlais de Zigic et de Duca. Ils étaient là tous les deux.

 10   Q.  Vous avez dit aussi qu'ils avaient une matraque et un câble à la main.

 11   Pourriez-vous, je vous prie, décrire plus en détail cette matraque et ce

 12   câble ? La matraque ressemblait à une matraque de policier. Quant au câble,

 13   il était de couleur noire, si je me souviens bien. C'était un morceau de

 14   câble, sans doute du câble électrique, un câble qui a une gaine en plastic.

 15   Q.  Combiende temps à peu près ce passage à tabac a-t-il duré ?

 16   R.  Une vingtaine de minutes à peu près.

 17   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle a été la dureté de ce passage à tabac ?

 18   Est-ce que c'était un passage à tabac particulièrement violent ?

 19   R.  Les coups assénés étaient forts. En effet, comme je l'ai déjà dit, sa

 20   tête a été déformée pratiquement en raison des coups. Pour la même raison,

 21   il avait du sang qui jaillissait de son cou, mais je n'ai pas

 22   personnellement vu une quelconque coupure au niveau de sa gorge.

 23   Finalement, à cause de tous ces coups, Medunjanin a cessé de réagir, ce qui

 24   me fait supposé qu'il était, à ce moment, évanoui.

 25   Q.  Vous dites que tout cela s'est passé à l'extérieur de la pièce. Lorsque


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  1   vous dites "à l'extérieur de la pièce", parlez-vous du couloir qui, sur le

  2   dessin, est indiqué comme secteur A2 ?

  3   R.  Oui, tout à fait. C'était dans le couloir, le lieu qui est indiqué par

  4   l'indication A2. La porte de la pièce A4 était ouverte de sorte que l'on

  5   voyait tout ce qui se passait.

  6   Q.  Si vous avez entendu M. Zigic et Duca dirent quelque chose à M.

  7   Medunjanin au cours de ce passage à tabac, pourriez-vous nous dire ce

  8   qu'ils ont dit ?

  9   R.  Je ne me souviens pas de les avoir entendu dire quelque chose de

 10   particulier à Medunjanin, ou je n'ai pas fait attention. En tout cas,

 11   aujourd'hui, je ne m'en souviens pas.

 12   Q.  Combien de temps avez-vous passé dans la "maison blanche" ce jour-là et

 13   dans quelles circonstances avez-vous quitté la "maison blanche" ?

 14   R.  Nous sommes restés à peu près deux heures dans la "maison blanche", je

 15   crois. Pendant le passage à tabac, Zigic disait que si nous ne regardions

 16   pas ce qui se passait, il nous arriverait la même chose. Si nous

 17   regardions, il nous donnait l'ordre de nous retourner pour regarder dans le

 18   sens opposé. A la fin de tout cela, un gardien est arrivé. C'était l'homme

 19   qui, en général, était chargé de nous garder. On nous a dit de sortir en sa

 20   compagnie. Au moment où nous étions en train de sortir, je ne sais pas si

 21   c'est Zigic ou Duca qui a pénétré dans la pièce A1. Nous avions le regard

 22   fixé devant nous. Nous étions en train de sortir de la "maison blanche",

 23   mais Medunjanin est resté inerte, gisant dans le couloir.

 24   Q.  Vous avez dit il y a quelques instants que vous avez vu du sang sur le

 25   corps de M. Medunjanin. Y avait-il également du sang sur le sol à cet


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  1   endroit-là ?

  2   R.  Oui, dans le couloir, il y avait du sang sur le sol.

  3   Q.  Avez-vous, à quelque moment que ce soit, revu M. Medunjanin après cela

  4   ?

  5   R.  Ce jour-là a été le dernier jour où j'ai vu M. Medunjanin. Après ce

  6   jour-là, je ne l'ai revu ni dans le camp, ni ailleurs.

  7   Q.  Pendant la suite de votre séjour à Omarska, avez-vous entendu dire

  8   qu'il était mort à Omarska ?

  9   R.  J'ai simplement entendu des gens dire que Medunjanin n'était plus là et

 10   qu'on l'avait emporté. Où, je ne sais pas.

 11   Q.  Combien de temps après que vous avez assisté à son passage à tabac,

 12   avez-vous entendu dire qu'il avait été emporté ?

 13   R.  Cette nouvelle, je l'ai apprise le lendemain. En effet, le jour même,

 14   nous ne savions rien de particulier hormis le fait, comme d'habitude, parmi

 15   les prisonniers, les nouvelles de la veille et les nouvelles de la nuit

 16   précédente se diffusaient le lendemain.

 17   Q.  Je vous demanderais de décrire M. Zigic tel que vous l'avez vu ce jour-

 18   là. Bien sûr, nous ne perdons pas de vue que 12 ans se sont écoulés depuis

 19   le fait. Pourriez-vous, je vous prie, nous dire à peu près quelle était sa

 20   taille, la couleur de sa peau, son âge, sa stature, sa corpulence ?

 21   R.  C'est un homme de plus de 1 mètre 80. Vous dire exactement quelle était

 22   sa taille, je ne sais pas. Il a les cheveux noirs, le teint foncé. Il

 23   portait, à cette époque-la, les cheveux assez longs et était vêtu d'un

 24   uniforme de camouflage. Il n'était pas habillé en civil. Il était habillé

 25   en uniforme de l'armée. A ce moment-là, il avait, d'après moi, 35 ou 36


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  1   ans.

  2   Q.  Duca, pourriez-vous décrire Duca ? D'ailleurs, je vous demande, au

  3   préalable si vous aviez déjà rencontré Duca avant ce jour-là.

  4   R.  Non, cet homme qui s'appelait Duca, je ne l'avais jamais vu auparavant.

  5   C'était un homme plus petit que Zigic, qui avait les cheveux blonds.

  6   C'était un homme plus corpulent que Zigic, plus fort. Mon souvenir, c'est

  7   qu'il avait le teint rougeaud ce jour-là. Etait-ce dû à l'émotion, peut-

  8   être, je ne sais pas, ou à un coup de soleil. Je n'en sais rien. Quant à

  9   son âge, oui, il portait aussi un uniforme de camouflage et il avait

 10   également plus de 30 ans.

 11   Q.  Vous souvenez-vous, non, je retire ceci.

 12   Avez-vous revu Zigic ou Duca depuis ce jour-là ?

 13   R.  Après tout ce temps qui s'est écoulé, je ne me souviens plus si j'ai

 14   revu l'un ou l'autre de ces hommes dans le camp par la suite. En tout cas,

 15   après ma sortie du camp, je ne les ai jamais revus.

 16   Q.  Vous souvenez-vous que l'enquêteur du bureau du Procureur du Tribunal

 17   de La Haye vous ait montré quelques photographies le

 18   14 juin 1999, c'est-à-dire, pratiquement sept ans après cet

 19   incident ? Vous souvenez-vous avoir eu sous les yeux une série de

 20   photographies ?

 21   R.  Oui. Je me souviens qu'un jour on m'a montré des photographies. Combien

 22   il y en avait, je ne m'en souviens plus aujourd'hui. Il y avait deux ou

 23   trois planches qui, chacune, contenait un certain nombre de photographies.

 24   On m'a demandé de dire si je reconnaissais quelqu'un parmi toutes ces

 25   photographies. J'ai regardé ces planches. Parmi ces photos, j'en ai trouvé


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  1   deux qui, à mon avis, ressemblaient à Zigic. J'ai décidé qu'entre ces deux

  2   photos, il y en avait une qui était plus ressemblante encore. Bien sûr, pas

  3   mal de temps s'était écoulé, ce dont j'ai tenu compte ainsi que de la

  4   modification des physionomies avec le temps, ce qui fait que reconnaître

  5   quelqu'un devient de plus en plus difficile avec le temps.

  6   Q.  Vous avez regardé ces photographies. Vous dites en avoir trouvé deux

  7   qui ressemblaient à Zigic. Avez-vous réfléchi à la nécessité de choisir

  8   entre les deux photos ? Qu'avez-vous décidé ?

  9   R.  J'ai essayé de me remémorer l'image de lui que j'avais à Omarska. C'est

 10   sur la base de cette image de Zigic que j'avais en mémoire, que je me suis

 11   efforcé de faire une comparaison avec les photographies. C'est cela qui m'a

 12   décidé à me prononcer.

 13   Q.  Vous dites avoir fait un choix, mais, à ce moment-là, est-ce que vous

 14   étiez conscient de la nécessité dans laquelle vous vous trouviez de faire

 15   un choix ?

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le processus de

 19   reconnaissance est régi par un certain nombre de règles. L'Accusation, bien

 20   sûr, donne un certain nombre de consignes avant de présenter les photos à

 21   un témoin pour lui dire comment se déroule ce processus de reconnaissance

 22   et d'identification. Le témoin est tenu de respecter ces règles. Je pense

 23   que nous devons appliquer la même procédure. Il ne faudrait pas que nous

 24   essayions d'échapper à ces règles très strictes qui sont en vigueur depuis

 25   pas mal de temps au Tribunal et qui sont consignées dans la jurisprudence


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  1   du Tribunal.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, est-ce que

  3   vous avez une objection à poser à la façon dont le représentant de

  4   l'Accusation a formulé sa question.

  5   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, assurément, Monsieur le Président. Je

  6   considère que cette façon de poser les questions n'est pas autorisée. En

  7   effet, des instructions ont été données au témoin quant à la façon dont il

  8   devait se comporter avant de procéder à l'identification. Je pense que nous

  9   sommes également tenus de respecter la même procédure et les mêmes règles.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] La question posée par

 11   l'Accusation était la suivante : "Avez-vous réfléchi, dans les conditions

 12   de l'époque, à la nécessité dans laquelle vous vous trouviez de faire un

 13   choix ?" C'était bien cela la question posée, n'est-ce pas ?

 14   M. RE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je n'y vois vraiment pas ce qui

 16   peut faire l'objet d'une objection dans cette question. L'objection est

 17   rejetée.

 18   M. RE : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur KV2, vous souvenez-vous de la question que je vous aie posée,

 20   il y a quelques instants ? Excusez-moi, je vous ai appelé "KV2," en fait

 21   j'aurais dû dire "KV4."

 22   R.  Oui.

 23   Q.  La question que je vous posais était la suivante : vous dites avoir

 24   fait un choix. Avez-vous réfléchi, dans les conditions que vous vous

 25   trouviez à l'époque, à la nécessité dans laquelle vous vous trouviez de


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  1   faire un choix ?

  2   R.  Dans une certaine mesure, oui, parce qu'on m'a amené à cet endroit dans

  3   le but de me demander d'identifier quelqu'un sur les photographies.

  4   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous me permettrez

  5   peut-être de reprendre la parole. J'aimerais lire simplement une des

  6   phrases des règles qui sont lues à haute voix au témoin avant le processus

  7   d'identification.

  8   M. RE : [interprétation] Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, je ne peux

 10   véritablement pas accepter une telle intervention à ce stade de nos débats.

 11   Je vous demanderais de laisser continuer le représentant de l'Accusation

 12   qui doit en terminer à 10 heures.

 13   M. RE : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur KV4, connaissiez-vous à ce moment-là un homme répondant au nom

 15   de Dr Sadikovic ?

 16   R.  Oui, je le connaissais. Je le connaissais avant la guerre et je l'ai vu

 17   également dans le camp.

 18   Q.  Etait-il dans la "maison blanche" ou sur la pista le jour où vous avez

 19   vu Becir Medunjanin se faire passer à tabac ?

 20   R.  Ce jour-là, je ne me souviens pas s'il était dans la maison blanche

 21   mais il n'était pas sur la pista.

 22   Q.  Qu'en est-il d'une personne appela Dalija ? Si vous le connaissiez,

 23   avez-vous cette personne à Omarska ou dans la "maison blanche" ce jour-là,

 24   ou l'avez-vous vu au voisinage de la "maison blanche" ce jour-là ?

 25   R.  Parlez-vous de Mehmedalija ou simplement d'un certain Dalija ?


Page 686

  1   Q.  D'une personne répondant au nom de Dalija ?

  2   R.  Je ne connais personne qui porte ce nom.

  3   M. RE : [interprétation] J'en ai terminé, Monsieur le Président. Je n'ai

  4   plus de questions.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui.

  6   M. Stojanovic.

  7   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner

  8   la parole.

  9   Interrogatoire par M. Stojanovic :  

 10   Q. [interprétation] Monsieur KV4, je m'appelle Slobodan Stojanovic. Je suis

 11   avocat de Belgrade et je représente l'accusé Zigic dans cette affaire.

 12   Nous vous avons entendu dire que vous le connaissiez en tant que chauffeur

 13   de taxi à Prijedor. Je vous demanderais d'indiquer depuis quand vous le

 14   connaissez en cette qualité ?

 15   R.  Je le connaissais avant la guerre.

 16   Q.  Depuis combien de temps avant la guerre ?

 17   R.  Je ne le saurais vous le dire exactement aujourd'hui.

 18   Q.  Depuis combien d'années ? Depuis un an, depuis 11 ans, depuis

 19   davantage, depuis un temps plus court ?

 20   R.  Depuis deux, trois ans, avant la guerre.

 21   Q.  Etait-ce juste avant la guerre ?

 22   R.  Avant la guerre, je le connaissais depuis deux, trois ans.

 23   Q.  Etes-vous au courant du fait que Zigic à cette époque-là résidait à

 24   Pula, en Croatie ?

 25   R.  Je ne sais pas où habitait Zigic, mais, en tout cas, il travaillait en


Page 687

  1   tant que chauffeur de taxi.

  2   Q.  Oui, mais nous avons parlé de son métier de chauffeur de taxi et vous

  3   avez dit que vous le connaissiez depuis deux ou trois ans avant la guerre,

  4   Pula en Croatie ?

  5   R.  Cela ne voulait pas dire qu'il ne venait pas à Prijedor.

  6   Q.  Pouvait-il travailler comme chauffeur de taxi en habitant dans une

  7   localité située à plus de 500 kilomètres de Prijedor et située dans un

  8   autre pays, dans un autre état ?

  9   R.  Monsieur, quand quelqu'un a un métier, on disait qu'il était chauffeur

 10   de taxi, cela n'avait rien à voir avec le fait qu'il travaillait ou ne

 11   travaillait pas à ce moment-là. Tout le temps --

 12   Q.  L'avez-vous vu à bord d'un taxi ? L'avez-vous vu conduire un taxi à

 13   quelque moment que ce soit ?

 14   R.  Je le connais comme Zigic, chauffeur de taxi.

 15   Q.  Oui, mais cela c'est ce que vous avez entendu dire comme pas mal de

 16   choses que vous avez entendues à son sujet, mais ce que je vous demande de

 17   nous relater, c'est ce que vous savez personnellement. L'avez-vous à

 18   quelque moment que ce soit au volant d'une voiture taxi ?

 19   R.  Non, je ne l'ai jamais vu au volant d'un taxi. Je n'ai jamais été

 20   conduit dans un taxi par lui, mais je le connais comme étant Zigic,

 21   chauffeur de taxi, c'est de cette façon qu'on le désignait.

 22   Q.  L'avez-vous vu, à quelque moment que ce soit, travailler en tant que

 23   chauffeur de taxi, conduire un taxi ?

 24   R.  Je l'ai vu à l'endroit où les chauffeurs de taxi se réunissaient, à la

 25   station de taxi, mais je ne l'ai jamais vu au volant d'un taxi.


Page 688

  1   Q.  Puisque vous avez entendu dire qu'il était chauffeur de taxi, avez-vous

  2   entendu quelle voiture il conduisait ?

  3   R.  Je ne suis pas un spécialiste en la matière, donc je ne saurais rien

  4   vous dire à ce sujet.

  5   Q.  Mon collègue de l'Accusation a évoqué les conditions dans lesquelles

  6   vous avez identifié Zigic sur des planches photographiques en 1999.

  7   Assurément, nous allons demander le versement au dossier de ce document

  8   devant la Chambre. Est-il exact que la première personne que vous avez

  9   reconnue était quelqu'un qui ne ressemblait absolument pas à Zigic ?

 10   R.  Je ne me souviens plus des photographies que j'ai choisies car tout de

 11   même cela s'est passé il y a plus de cinq ans, donc je ne me souviens plus

 12   des photographies que j'ai reconnues.

 13   Q.  Avez-vous entendu parler d'un certain Milojica Kos, qui était à

 14   Omarska, en qualité de gardien, puisque nous avons parlé du temps où vous

 15   avez passé à Omarska ?

 16   R.  Oui. C'était un gardien. Il était le chef d'une équipe.

 17   Q.  L'avez-vous vu souvent à Omarska ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourtant lui non plus vous ne l'avez pas reconnu sur les photographies.

 20   Vous avez montré quelqu'un d'autre comme étant cet homme; est-ce exact ?

 21   R.  Monsieur, je ne me souviens plus. On ne m'a pas dit quelle personne

 22   j'ai identifiée exactement et quelle personne je n'avais pas réussie à

 23   reconnaître. On m'avait simplement demandé de retrouver un certain nombre

 24   d'individus, c'est tout. Je ne sais pas exactement quel a été le résultat

 25   de ma sélection.


Page 689

  1   Q.  Lorsque vous êtes allé dans la "maison blanche" ce jour-là, vous dites

  2   avoir vu un certain nombre de personnes dans la pièce A3, allongées sur le

  3   sol ou assises. En dehors de Becir et de Sadeta, vous souvenez-vous avoir

  4   vu une autre personne que vous connaissiez ?

  5   R.  Je n'ai fait que passer à côté de la porte. Je n'ai pas eu le temps de

  6   regarder avec attention à l'intérieur de la pièce. J'ai vu Sadeta parce

  7   qu'elle était assise juste à côté de la porte.

  8   Q.  Est-ce que vous l'avez vue plus tard à l'endroit où vous habitez car

  9   c'est ce qui est écrit dans la déclaration préalable que vous avez faite

 10   devant les représentants de l'Accusation.

 11   Peut-être n'avez-vous pas entendu ma question ? Je vais la répéter. Avez-

 12   vous revu Mme Sadeta --

 13   R.  Vous n'avez pas terminé votre question. J'attendais que vous la

 14   terminiez.

 15   Q.  Non. Non. Ma question était achevée. Je vous demande si vous avez vu

 16   Sadeta au moment où vous sortiez de la "maison blanche", je crois que c'est

 17   que vous avez dit dans votre déclaration écrite.

 18   R.  Oui. Je l'ai vue au moment où nous sortions. Elle est restée dans la

 19   pièce. Je n'ai pas regardé dans sa direction, mais je n'ai pas vu qu'on

 20   l'ait fait sortir.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire quel était l'aspect de Sadeta à ce moment-là et

 22   quels vêtements elle portait ? Vous avez dit que vous la connaissiez mieux

 23   que Becir. Portait-elle un uniforme, des vêtements civils ? De quelles

 24   couleurs étaient ses vêtements ? Vous souvenez-vous d'un détail particulier

 25   ?


Page 690

  1   R.  Elle était mince. Elle avait les cheveux blonds. Elle portait une

  2   chemisette, sans veste. Elle n'était pas vêtue d'un uniforme. Elle était

  3   extrêmement mince.

  4   Q.  Vous souvenez-vous peut-être des vêtements que portait Becir

  5   Mendunjanin ce jour-là ?

  6   R.  Il avait une chemise dont je ne me rappelle pas la couleur, mais en

  7   tout cas, foncée et des pantalons.

  8   Q.  Son pantalon était-il de couleur sombre également ?

  9   R.  Oui, des couleurs sombres.

 10   Q.  Avez-vous également vu à ce moment-là dans la "maison blanche" le fils

 11   de Becir et de Sadeta ?

 12   R.  Je ne connaissais pas les enfants de Medunjanin. Même si je l'avais vu,

 13   je n'aurais pas su qu'il s'agissait de lui.

 14   Q.  Quelqu'un vous a-t-il dit quoi que ce soit au sujet de leur fils ? On

 15   vous a raconté pas mal de choses le lendemain entre autres au sujet de

 16   Becir. Quelqu'un vous a-t-il dit quoi que ce soit au sujet de son fils ?

 17   R.  J'ai simplement appris qu'un de leurs fils était avec eux. C'est tout

 18   ce que j'ai entendu à son sujet.

 19   Q.  Dans le voisinage immédiat de Becir Medunjanin, avez-vous remarqué la

 20   présence d'un jeune homme, peut-être pendant que Becir Medunjanin était

 21   passé à tabac ?

 22   R.  C'était, de toute façon impossible, puisque Medunjanin était dans le

 23   couloir et les autres prisonniers étaient restés dans la pièce A3.

 24   Q.  Medunjanin a été le seul des prisonniers dans le corridor ?

 25   R.  Oui.


Page 691

  1   Q.  En ce qui concerne Zigic, vous avez dit qu'il portait un uniforme

  2   militaire de camouflage. De quelle couleur était-ce ? Est-ce que vous vous

  3   en souvenez ?

  4   R.  Quand on dit "camouflage," je ne peux pas vraiment me souvenir

  5   exactement, de savoir si c'était vert olive ou gris ou multicolore. Je me

  6   rappelle simplement que c'était une tenue militaire et non pas des

  7   vêtements civils.

  8   Q.  Est-ce que ceci s'applique également au pantalon ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Comment est-ce que Zigic portait ces coups à Medunjanin ? Nous vous

 11   avons entendu mentionner un bâton ou une matraque. Est-ce qu'il en tenait

 12   un à la main ?

 13   R.  Mais comment aurait-il pu faire autrement, puisqu'il portait des coups

 14   avec cela.

 15   Q.  Est-ce que vous avez pu voir ses deux mains ?

 16   R.  Je n'ai pas vraiment prêté attention.

 17   Q.  Mais vous avez vu le bâton ou la matraque, je suppose à ce moment-là,

 18   que vous avez dû pouvoir voir ce avec quoi il tenait ce bâton ?

 19   R.  Il le tenait à la main.

 20   Q.  Est-ce que Zigic portait une casquette ou un couvre-chef quelconque ?

 21   R.  Je crois qu'il ne portait rien sur la tête car je me rappelle bien sa

 22   chevelure noire épaisse, donc je ne pense qu'il portait de couvre-chef.

 23   Q.  Est-ce qu'il avait des bandages sur lui ?

 24   R.  Je ne me souviens pas.

 25   Q.  Plus particulièrement, avait-il un bandage sur la main ?


Page 692

  1   R.  Vraiment, je ne m'en souviens pas.

  2   Q.  Il y a deux réponses possibles. L'une c'est : "Je ne me souviens pas."

  3   Pour Zigic et pour Duca, vous dites que vous ne vous souvenez pas de les

  4   avoir vus à Omarska, mais vous êtes tout à fait sûr que vous ne les avez

  5   pas vus lorsque vous avez quitté Omarska. Est-ce que vous pourriez

  6   expliquer un peu cela ? Parce que cela semble plutôt vague. Premièrement

  7   une réponse vague et, ensuite, une réponse très précise, explicite. Je

  8   pense qu'il avait beaucoup plus d'importance pour vous au moment où vous-

  9   même vous étiez à Omarska, d'un point négatif, par la suite.

 10   R.  Vous devez savoir qu'à Omarska il y avait une sorte de psychose très

 11   particulière qui existait, et on ne pouvait pas regarder de près et voir

 12   qui était présent et qui n'était pas là en ce qui concerne les gardes. Mais

 13   j'ai été précis dans ma deuxième partie de la réponse, parce que lorsque

 14   j'ai quitté le camp, j'étais pratiquement en résidence surveillée, et je ne

 15   suis pas allé en ville parce que je ne pouvais pas le faire.

 16   Q.  Excusez-moi. Je voulais simplement m'assurer de ce que vous avez dit

 17   dans la première partie de votre réponse parce, lorsque vous dites : "Que

 18   vous ne vous souvenez pas de les avoir vus," cela pouvait vouloir dire que

 19   vous les aviez peut-être vus, mais vous ne vous en souveniez pas. Est-ce

 20   que vous les avez vus à Omarska ou

 21   pas ?

 22   R.  Si vous voulez une réponse précise, je ne les ai pas vus après cela.

 23   Q.  Je vous remercie. Et avant cet incident, est-ce que vous les avez vus à

 24   Omarska, l'un ou l'autre ?

 25   R.  Non.


Page 693

  1   Q.  Est-ce que vous avez pu voir cet événement -- cet incident, d'une façon

  2   précise ? Vous étiez dans une pièce. Vous vous trouviez en quelque sorte

  3   dans un coin. Vous avez été en mesure de voir cet incident dans ses détails

  4   ? Comme cela se fait ?

  5   R.  Compte tenu du fait que j'étais proche de la porte, j'ai pu observer

  6   très précisément ce qui se passait dans le corridor.

  7   Q.  Y avait-il quelqu'un entre vous et la porte ?

  8   R.  Non, il n'y avait personne.

  9   Q.  Vous étiez la première personne à se trouver la plus proche de la

 10   porte.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Avez-vous entendu parler d'une personne qui s'appelait Fadil Avdagic ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Avez-vous entendu parler d'une personne qui s'appelait Mesinovic

 15   Sabahudin ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Avez-vous entendu parler d'une personne appelée Mesinovic Ibrahim ?

 18   R.  Vous voulez dire Mesinovic ou Mesanovic ?

 19   Q.  Mesinovic, le même nom de famille que Sabahudin.

 20   R.  Non.

 21   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler d'une personne appelée Senad

 22   Ferhatovic ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Avez-vous entendu parler d'une personne appelée Abdulah Brkic ?

 25   R.  Oui.


Page 694

  1   Q.  Est-ce que celui-ci était avec vous dans la "maison blanche" à ce

  2   moment-là ?

  3   R.  Je ne m'en souviens pas maintenant.

  4   Q.  Avez-vous entendu parler d'une personne qui s'appelait Azedin Oklopcic

  5   ? Il était enseignant.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce qu'il se trouvait dans la "maison blanche" ce jour-là, lors de

  8   l'incident ?

  9   R.  Je ne sais pas.

 10   Q.  Avez-vous entendu parler d'une personne s'appelant Faruk Hrncic ?

 11   R.  Hrncic Faruk ?

 12   Q.  Oui, Hrncic Faruk.

 13   R.  J'ai connu une personne qui s'appelait Hrncic. Je ne sais pas si son

 14   prénom était Faruk ou pas, je ne sais pas.

 15   Q.  Avez-vous entendu parler d'une personne qui s'appelait Vahid Besic,

 16   connu sous le nom de Vajta ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Se trouvait-il aussi dans la "maison blanche" ?

 19   R.  Je ne sais pas.

 20   Q.  Avez-vous connu une personne qui s'appelait Uzeir Balic de Kozarac ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Si je ne me trompe pas, vous avez dit dans votre déposition à Sanski

 23   Most, devant un tribunal, à propos de la mort de certaines personnes à

 24   Omarska, devant le juge Ridesic Emina.

 25   R.  Oui, mais je ne sais pas de quelle affaire vous voulez parler.


Page 695

  1   Q.  Ceci n'a pas vraiment beaucoup d'importance, par exemple, Trta Emir

  2   Mekinovic, ainsi de suite.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous avez déposé concernant leur mort sur la base d'éléments

  5   de preuve solides que vous aviez pu avoir ?

  6   R.  Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit qu'ils avaient disparu du camp. C'est

  7   tout ce que j'ai dit.

  8   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je vous demande quelques instants de

  9   patience encore, Monsieur le Président.

 10   Q.  Si je ne me trompe pas, vous avez vu le passage à tabac. Vous avez

 11   déclaré n'avoir pas entendu le moindre bruit, n'est-ce pas ? Vous avez bien

 12   dit ne rien avoir entendu de ce que Zigic et Duca ont pu dire à Becir ou de

 13   ce qu'il a pu leur répondre, n'est-ce pas ?

 14   R.  La chose s'est passée dans le couloir.

 15   Q.  Si elle s'était passée --

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Dans le couloir, pendant qu'ils le frappaient, ils ne lui disaient rien

 18   et lui, il ne répondait rien non plus.

 19   R.  Je n'ai rien entendu.

 20   Q.  Avez-vous entendu parler d'un certain Ibrahim Osmancevic ?

 21   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas.

 22   Q.  Si je ne me trompe, dans votre déclaration écrite faite devant

 23   l'Accusation au préalable, vous avez déclaré que lorsque Becir a été emmené

 24   dans le couloir, il n'avait pas de sang sur le visage, mais des ecchymoses,

 25   et que le passage à tabac s'est poursuivi ensuite. Un peu plus tard, vous


Page 696

  1   avez dit avoir vu du sang qui jaillissait de son cou. La question que je

  2   vous pose est la

  3   suivante : est-il vrai que lorsqu'il a été emmené dans le couloir, il n'y

  4   avait pas de sang sur son visage ?

  5   R.  Je n'ai jamais dit de façon catégorique qu'il n'y avait pas de sang sur

  6   son visage. J'ai parlé d'ecchymoses. J'ai dit qu'il y avait des ecchymoses,

  7   mais je ne pouvais pas rentrer dans de telles nuances. Je ne peux pas me

  8   souvenir avec de telles précisions de ce qu'il en était puisqu'il y avait

  9   parfois du sang sur les ecchymoses.

 10   Q.  Cette déclaration écrite date du 25 février 2004. Vous y dites :

 11   "J'étais à quatre mètres de distance de Becir. Sur son visage il y avait

 12   des traces de coups parce qu'il y avait des ecchymoses, mais il n'y avait

 13   pas de sang." Vous rappelez-vous avoir dit cela ? Bien sûr, il s'est passé

 14   un certain temps depuis.

 15   R.  Peut-être que je l'ai dit puisque c'est écrit. Je ne peux pas affirmer

 16   avec certitude qu'il y avait du sang ou qu'il n'y en avait pas. L'image qui

 17   me reste dans la tête, c'est qu'il était couvert d'ecchymoses.

 18   Q.  Avez-vous remarqué quelque chose de particulier en rapport avec son nez

 19   ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Maintenant, une question très précise : Avait-il des coupures de tous

 22   les côtés sur le nez ? Est-ce que vous avez remarqué cela ?

 23   R.  Non. Parce que, de toute façon, je ne pouvais pas passer longtemps à

 24   regarder son visage.

 25   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Je remercie


Page 697

  1   les Juges de cette Chambre. Monsieur le Président, je n'ai plus de

  2   questions.

  3   Nous demandons le versement au dossier de cette déclaration préalable du

  4   témoin en date du 25 février 2004 ainsi que du document relatif à

  5   l'identification que nous avons reçue grâce à l'amabilité de nos collègues

  6   de l'Accusation. Nous avons un numéro ERN. Il s'agit de l'identification de

  7   Zoran Zigic demandée par les représentants de l'Accusation.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ce deuxième document que vous

  9   avez mentionné, il vous a été communiqué par votre confrère de la partie

 10   adverse. Vous proposez maintenant de faire verser ce document au dossier à

 11   l'occasion de la déposition de ce témoin. Vous avez établi une base pour

 12   cela ? Est-ce que vous avez demandé à ce témoin si on lui avait donné des

 13   directives l'époque et dans l'affirmative quelles étaient ces directives ?

 14   Est-ce que c'étaient bien les directives en question ?

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, on avait déjà fait

 16   référence à ce document à l'occasion des questions qui avaient été posées

 17   par mon confrère de l'Accusation. Je crois qu'hier nous avons admis deux

 18   documents identiques, ou plutôt des documents du même genre, et j'ai

 19   effectivement posé quelques questions, mais c'était sans répéter ce qui

 20   avait déjà été dit. Peut-être qu'il ne me reste pas grand-chose à poser

 21   comme question.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, si je peux

 23   vous aider.

 24   Monsieur Re, est-ce que vous avez des objections à ce que ce document soit

 25   versé au dossier ?


Page 698

  1   M. RE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Dans ce cas-là, vous pouvez.

  3   Je vais maintenant demander à Me Fila.

  4   M. FILA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je n'ai

  5   pas de questions à poser.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Simic.

  7   M. J. SIMIC : [interprétation] Il n'y a pas de questions de notre côté non

  8   plus, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Y a-t-il des questions

 10   supplémentaires ?

 11   M. RE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous remercie. Il y

 12   a deux points précis.

 13   Interrogatoire supplémentaire par M. Re :

 14   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin KV4, en réponse aux questions

 15   posées par Me Stojanovic, vous avez parlé d'une sorte de psychose qui

 16   existait à Omarska, ce qui ne vous permettait pas de bien voir le visage

 17   des gardes. Qu'est-ce que vous voulez dire par "un certain de type de

 18   psychose" ?

 19   R.  Ce dont je parlais, c'était de ce qui se passait quand nous étions sur

 20   la pista. Nous ne devions pas regarder les gens qui passaient. Nous ne

 21   devions pas regarder les prisonniers que l'on nommait aux interrogatoires.

 22   Nous passions le plus clair de notre temps allongés sur le sol, sur le

 23   ventre, en n'ayant pas le droit de tourner la tête à droite ou à gauche. Il

 24   était interdit de regarder ce qui se passait aux environs, notamment, de

 25   regarder les gardiens en face. C'est cela que j'ai appelé psychose, cette


Page 699

  1   peur constante qu'on nous voit en train de regarder, de voir quelque chose

  2   que nous n'étions pas censé voir, car cela risquait d'avoir des

  3   conséquences.

  4   Q.  Quelles étaient ces conséquences ?

  5   R.  Cela aurait été des coups tout simplement. Le gardien aurait été passé

  6   à tabac, non, pardon, excusez-moi, je voulais dire le prisonnier et pas le

  7   gardien. Le prisonnier aurait été passé à tabac et frappé.

  8   Q.  Je voudrais rappeler que Me Stojanovic vous a également posé des

  9   questions concernant le fait que vous ayez reconnu M. Zigic lorsque vous

 10   l'avez dans la "maison blanche". Il vous a posé des questions sur la façon

 11   de savoir comment vous l'avez reconnu, comment est-ce que vous le

 12   connaissiez avant d'être à Omarska. Maintenant, nous nous rendons bien

 13   compte que beaucoup de temps s'est écoulé, douze ans depuis lors. Pourriez-

 14   vous nous dire approximativement combien de temps vous l'avez vu autour de

 15   Prijedor avant Omarska ?

 16   R.  Il est difficile de répondre avec précision à une telle question après

 17   autant de temps, mais je dirais trois ou quatre fois au moins à peu près.

 18   Q.  Comment est-ce que vous avez appris que c'était Zigic, le chauffeur de

 19   taxi ? Est-ce qu'il y avait d'autres endroits où vous l'auriez vu

 20   indépendamment de la station de taxi ?

 21   R.  Une fois, je l'ai vu également dans un café. Ce sont d'autres personnes

 22   qui m'ont dit : "Voilà, c'est Zigic qui arrive." C'est à partir de ce

 23   moment-là que je l'ai connu sous le nom de Zigic, le chauffeur de taxi,

 24   comme on disait.

 25   M. RE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser, Monsieur


Page 700

  1   le Président.

  2   [La Chambre d'appel se concerte]

  3   Questions de la Cour :

  4    M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je voudrais poser une petite

  5   question au témoin : Monsieur le Témoin, vous avez parlé de M. Zigic, le

  6   chauffeur de taxi. Je comprends que vous connaissiez bien la ville. Vous

  7   aviez vécu dans cette ville pendant un certain temps. Depuis combien de

  8   temps habitiez-vous cette ville ?

  9   R.  Oui, je suis né à Prijedor. J'y ai passé toute ma vie et toute ma

 10   carrière.

 11   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Cette station de taxi dont vous

 12   avez parlé, est-ce qu'elle se trouvait dans le centre ville ?

 13   R.  A la gare ferroviaire.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] C'était la gare du chemin de

 15   fer.

 16   R.  Oui, la station de taxi était aussi à côté de l'hôtel.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] S'il y avait un autre chauffeur

 18   de taxi du nom de Zigic, est-ce que vous l'auriez

 19   su ? Est-ce que vous auriez été capable de savoir, puisque vous connaissiez

 20   les lieux, s'il y avait un autre chauffeur de taxi portant le nom de

 21   Zigic ?

 22   R.  S'il y avait eu un autre chauffeur de taxi portant ce nom, je l'aurais

 23   su.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : Vous l'auriez su.

 25   R.  Mais il n'existait pas, il n'y avait pas d'autres.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Une telle personne portant ce

  2   nom n'existait pas, je comprends. Je vous remercie. Merci beaucoup.

  3   R.  Non, il n'y en avait pas d'autres.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] [Hors micro] Je pense que nous

  5   en avons fini de cette partie d'audience.

  6   Bien, le microphone.

  7   Maintenant, le témoin peut quitter la barre. Nous allons maintenant

  8   suspendre l'audience pendant 30 minutes. Nous reprendrons pour entendre les

  9   conclusions des parties en ce qui concerne cette déposition. La séance est

 10   suspendue.

 11   [Le témoignage du témoin par vidéoconférence est terminé]

 12   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

 13   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'audition se poursuit. Je vais

 15   maintenant entendre M. Stojanovic pour M. Zigic.

 16   Maître Stojanovic, êtes-vous prêt ?

 17   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 18   je suis prêt. Toutefois, je dois exprimer une position qui est la suivante.

 19   Je ne souhaiterais surtout pas que cette audience se prolonge, mais les

 20   témoins en réplique ont été tellement inconsistants. Ils ont fourni

 21   tellement de non-vérité, plus particulièrement les témoins qui appuient la

 22   décision, qui sont à la base de la décision. Je peux écrire au moins 200

 23   pages concernant les non-vérités qu'ils ont dites. Je ne parle pas

 24   d'omissions vraiment importantes. Je demanderais que l'on nous octroie un

 25   délai supplémentaire afin que nous puissions nous exprimer par écrit et


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  1   donner notre opinion par écrit concernant tout ceci. Je peux, toutefois,

  2   m'exprimer aujourd'hui oralement, si vous le souhaitez. Je peux exprimer

  3   certains points importants concernant ce que nous avons entendu depuis ces

  4   trois derniers jours, mais je crois que 30 minutes ne suffiront pas pour

  5   exprimer tout ce que j'ai à dire. Nous n'avons eu qu'une demi-heure depuis

  6   l'audition du dernier témoin.

  7   Concernant ce dernier témoin, justement, je pourrais écrire au moins 50

  8   pages en soulignant les non-vérités. Je crois que ces

  9   non-vérités sont non seulement catastrophiques pour les témoins

 10   supplémentaires de la Défense, mais également pour les témoins grâce

 11   auxquels est basée la décision : le Témoin T et Fadil Avdagic. Ce que les

 12   témoins en réplique ont dit va à l'encontre à 90 % de ce qu'ont dit le

 13   Témoin T et le Témoin Avdagic, les témoins qui sont à la base de la

 14   décision. C'est moins en contradiction avec les témoins qui étaient

 15   favorables à la Défense.

 16   Je souhaiterais également dire que concernant notre requête concernant

 17   l'Article 115, nous avons déjà exprimé notre opinion concernant que les

 18   raisons  de la plainte sont suffisantes pour que plusieurs éléments soient

 19   changés, plus particulièrement, lorsqu'on parle de la mort de Drago

 20   Tokmadzic et Becir Medunjanin, et que les éléments supplémentaires sont

 21   superflus concernant notre évaluation. Il est certain que les Juges ne

 22   seront peut-être pas d'accord avec nous.

 23   C'est la raison pour laquelle nous aimerions soulever une certaine caution

 24   concernant les deux meurtres. Nous avons montré notre opinion concernant

 25   les éléments supplémentaires de façon un peu grotesque. Selon nous, il n'y


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  1   a absolument rien de décisif, selon ce qu'on a entendu, même si,

  2   conformément à l'Article 115 c'est un

  3   prérequis.

  4   Notamment, même avant l'audition des éléments supplémentaires, comme nous

  5   avons dit, sur la balance de la justice, il existe beaucoup plus d'éléments

  6   de preuve qui font état du fait que l'on ne peut pas soutenir la

  7   condamnation de ces deux meurtres et beaucoup moins d'éléments qui

  8   fournissent le contraire. Concernant la balance de la justice, je dois dire

  9   qu'il n'y a absolument aucun élément décisif qui peut faire pencher la

 10   balance.

 11   La Défense n'a pas oublié, pendant ces trois derniers jours la question de

 12   celle-ci. Les éléments de preuve supplémentaires ont parlé non seulement de

 13   la mort ou du meurtre de Medunjanin, mais également de la torture du Témoin

 14   T. Selon la condamnation, ces deux actions sont inséparables, car Becir

 15   Medunjanin a été passé à tabac ainsi que le Témoin T. Ceux qui, supposément

 16   les auraient battus, Zegic et Duca, faisaient cela à tour de rôle en les

 17   battant l'un à côté de l'autre. Chaque témoin qui affirme qu'il a vu

 18   seulement le passage à tabac de Medunjanin ou qu'il aurait vu seulement le

 19   passage à tabac du Témoin T, va à l'encontre de la condamnation. Car selon

 20   le jugement, c'est indissociable. La seule différence se trouve dans le

 21   fait que Becir Medunjanin a succombé à ce passage à tabac, alors que

 22   l'autre a survécu. Ils ont été passés à tabac un demi-mètre l'un de l'autre

 23   par les mêmes personnes qui battaient à tour de rôle.

 24   Nous avons entendu des témoins en réplique que personne n'a touché au

 25   Témoin T, que personne ne l'a vu, alors que le Témoin T est le témoin


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  1   principal de la condamnation, qui a parlé des horribles horreurs qu'il a

  2   vécues et de Becir Medunjanin. Je dois dire que la Défense a dû passer un

  3   test assez difficile, puisqu'on a entendu quatre témoins supplémentaires.

  4   En tant que témoins supplémentaires. il s'agissait de quatre témoins de

  5   l'Accusation. Les éléments de preuve qui appartiennent à la Défense, il y

  6   en avait, si je ne m'abuse, une trentaine. Ces témoins n'ont pas été

  7   acceptés. Leur audition n'a pas été acceptée en audience supplémentaire.

  8   Nous avons pu entendre quatre témoins qui sont des témoins de l'Accusation.

  9   Il est certain qu'ils appartenaient à l'autre partie pendant le conflit.

 10   Malheureusement, les conséquences de ce conflit se ressentent encore

 11   aujourd'hui, ce qui se voit dans ces subpoena, dans ces mesures de

 12   protection et qui se voit dans la déclaration écrite.

 13   Il est certain que nous avons entendu quatre témoins hostiles, comme on

 14   dirait dans le droit anglo-saxon. Nous n'avons pas refusé de les entendre.

 15   Nous voulions montrer à la Chambre d'appel que nous n'avons pas peur de la

 16   vérité. C'est la raison pour laquelle nous demandons à la Chambre d'appel

 17   de tenir compte de notre plainte.

 18   Nous avons entendu le Témoin KV1 au mois de mars de cette année. Nous nous

 19   étions déjà exprimés là-dessus. Je crois qu'il ne faudrait pas que cela

 20   fasse l'objet d'un débat aujourd'hui.

 21   Nous avons entendu le Témoin KV2 également. Le témoin a subi une forte

 22   influence de l'Accusation, il est certain. Il ne s'agit pas d'une pression

 23   que l'Accusation aurait faite sur lui, mais il s'agit de circonstances.

 24   L'Australie est le pays de M. Graham Blewitt, de

 25   M. Staker, de M. Re et d'autres. Je présume que l'Accusation a, de façon


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  1   indirecte ou directe, ou en passant par la section des Témoins et des

  2   Victimes, car cette section, sans l'Accusation, ne sait même pas qui sont

  3   les témoins et les victimes, a dû aider tous ces témoins victimes de

  4   trouver domicile en Australie. J'ai eu, personnellement, l'occasion d'être

  5   convaincu de ce fait lorsqu'il s'agit de victimes de nationalité serbe --

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Un instant, je vous prie,

  7   Monsieur Stojanovic. Je ne suis pas tout à fait certain de quelle façon il

  8   me faudrait comprendre votre référence faite à l'Australie. Est-ce que vous

  9   souhaiteriez nous faire une proposition afin que la considère ?

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 11   Je ne veux condamner personne. Je ne pense pas du mal non plus. Mais vous

 12   entendrez, dans les deux phrases qui suivront, quel est le but de cette

 13   remarque.

 14   J'ai eu personnellement l'occasion d'être convaincu que lorsqu'il s'agit de

 15   témoins de nationalité serbe et du camp de Celebici, lorsque je travaillais

 16   avec l'Accusation, il y avait beaucoup de victimes de nationalité serbe qui

 17   ont été emmenées. Ces victimes ont remercié énormément l'Accusation et ne

 18   souhaiteraient surtout pas être un parti hostile ou un parti qui ne

 19   souhaite pas aider l'Accusation, une geste tout à fait humain. C'est ce que

 20   je demande à la Chambre d'appel de tenir compte de ce fait. Ils ne désirent

 21   surtout pas décevoir l'Accusation, tous ces témoins.

 22   En plus, le Témoin KV2 a été plus en contact avec l'Accusation. En tant que

 23   leur témoin futur, il a donné un certain nombre de déclarations, alors

 24   qu'eux n'ont jamais entendu ni rencontré les membres de la Défense. Dans un

 25   tel contexte, il est tout à fait compréhensible qu'il réponde à des


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  1   questions directrices et qu'il y réponde, de façon qui correspond à ce

  2   qu'on lui a posé comme question, des réponses suite à une question

  3   directrice.

  4   Finalement, pour ce qui est des déclarations écrites et de la déclaration

  5   orale, c'est qu'il a dit que Zigic n'a, d'aucune façon, participé au

  6   meurtre de Becir Medunjanin, ni au passage à tabac. Zigic a été exclu par

  7   ce dernier complètement de ces actes. Je crois que la partie adverse a

  8   essayé de minimiser ces remarques en posant la question, à savoir, s'il

  9   était possible que quelqu'un, plus tard, à un moment donné, s'infiltre dans

 10   la "maison blanche" sans être vu et rejoigne les personnes qui étaient les

 11   auteurs de ces crimes.

 12   Si l'on me pose la question si une chose est possible, je pourrais toujours

 13   leur dire qu'il est possible, si on me demande si un tremblement de terre

 14   est possible, je pourrais leur dire que "oui." Mais ici, il ne s'agit pas

 15   de personnes qui auraient pu s'infiltrer et ce, après le commencement de

 16   l'incident, mais il s'agit de la décision, du jugement de l'initiateur

 17   principal. Il se peut que quelqu'un puisse entrer dans ce prétoire sans que

 18   je le remarque. Mais il est certain que cela ne pourrait pas être quelqu'un

 19   d'important tel le Président de la Chambre d'appel ou un membre du panel

 20   des Juges, donc je ne pourrais pas -- ne pas le remarquer. Il m'a dit que

 21   quelqu'un s'est infiltré un peu plus tard après le début des incidents et

 22   que cette personne est venue rejoindre les auteurs du crime et cela ne peut

 23   certainement pas se rapporter à Zigic. Cela découle du jugement et des

 24   témoins qui ont témoigné dans le cadre du procès.

 25   Pour ce qui est des témoins en réplique, je demande à la Chambre d'appel de


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  1   me permettre de fournir mes commentaires par écrit. Je crois que les

  2   déclarations sont catastrophiques, pour ce qui est de l'accusation de

  3   Zigic, et la condamnation de Zigic telle que rendue dans le jugement

  4   prononcé.

  5   Pour ce qui est de la déclaration du Témoin Fadil Avdagic, ce témoignage

  6   est complètement en contradiction avec ce dernier, outre les autres

  7   omissions. Bien sûr, l'omission principale est l'impossibilité d'identifier

  8   la personne. Dans notre requête, nous avons insisté à plusieurs reprises

  9   concernant les normes qui ont été appliquées par cette Chambre d'appel dans

 10   l'affaire Kupreskic. Je crois que c'était beaucoup moins nécessaire, à ce

 11   moment-là qu'ici. Dans l'affaire Kupreskic, il s'agissait de

 12   l'identification d'un témoin, alors qu'ici nous avons l'identification

 13   faite par un témoin, mais nous ne devons pas oublier que nous avons huit

 14   témoins qui disent le contraire.

 15   Le Témoin KV3 a pratiquement reconnu hier qu'il a dû prendre Zigic pour une

 16   autre personne. Il a reconnu Zigic sur la planche-photo comme étant une

 17   personne qui vendait de la bière et qui, comme il a dit lui-même, n'a rien

 18   à voir avec le meurtre de Medunjanin.

 19   Nous aurions préféré -- en fait, il y a deux alternatives pour ce qui est

 20   de ce témoin. La question est la suivante : soit que le témoin n'a rien vu

 21   dans la "maison blanche" ou il faudrait tout croire ce qu'il dit, l'une ou

 22   l'autre alternative est, bien sûr, bénéfique pour Zigic et la deuxième est

 23   plus que bénéfique pour lui,  deuxième intervention dans laquelle il dit

 24   que Zigic est une personne qui vendait de la bière, qu'il s'était trompé

 25   sur lui et qu'il n'avait pas participé du tout au meurtre de Medunjanin.


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  1   Par contre, nous avons exprimé un doute concernant sa présence-là. Le

  2   Témoin T nous a dit qu'il n'avait pas été battu là-bas.

  3   Lisons ce qu'a dit le Témoin T, qui, dans ce jugement, est mentionné dix à

  4   15 fois. D'ailleurs, la condamnation de Becir Medunjanin est fondée sur sa

  5   déclaration. Il dit que Zigic portait un uniforme bleu. Au cours du procès,

  6   nous avons entendu dire au moins 30 témoins qu'il portait un uniforme vert,

  7   avec l'exception que Fadil Avdagic dit qu'il avait également un pantalon

  8   noir, alors que le témoin d'aujourd'hui, nous dit que non, que le pantalon

  9   était également un pantalon de camouflage. La déclaration de Duca, pour la

 10   première fois, nous entendons que Duca avait des cheveux blonds. Je crois

 11   que la Chambre d'appel peut s'être convaincue de l'allure de cet homme, un

 12   petit homme, portant des cheveux un peu foncé, au quartier pénitentiaire et

 13   il est là. C'est une chose notoire pour le Tribunal. Nous pourrions dire

 14   notaria non probatur, et que Duca était blond, c'est qu'un témoin a dit. Un

 15   autre témoin a dit qu'il était plus grand et plus mince, alors que le

 16   Témoin T a dit qu'il avait des cheveux foncés.

 17   Les deux témoins parlent  de Sadeta Medunjanin et ils sont convaincus

 18   qu'elle était là. Ils donnent sa description. Que dit le Témoin T

 19   concernant sa présence. Il dit et je cite : "Le lendemain," -- et je ne

 20   dirai pas maintenant de qui il s'agissait -- "Sadeta Medunjanin a été

 21   emmenée de la 'maison blanche' et qu'elle a été placée là avec d'autres

 22   femmes." En fait il s'agit de la page 2 567. Sur la même page, 2 567, nous

 23   pouvons voir la même chose, la même déclaration et à la page 2 658, on peut

 24   voir une description détaillée de cette personne deux jours avant la mort

 25   de Medunjanin. Il parle que Zeljko Meakic l'a emmenée à l'extérieur et l'a


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  1   emmenée dans le bâtiment administratif avec d'autres femmes. Plus tard, on

  2   voit des détails, que le Témoin T a rencontré Sadeta et, dans ses détails,

  3   il nous dit qu'il l'a informée de la mort de Becir Medunjanin. Les deux

  4   témoins ont inventé, de fait si bien inventé, que l'on n'arrive pas à

  5   comprendre leurs déclarations lorsqu'ils décrivent cette femme.

  6   Malheureusement, j'essaie toujours d'être de bonne foi, mais je ne pouvais

  7   pas. Une personne dit qu'elle avait une jupe, des vêtements civils, des

  8   cheveux foncés. Nous avons entendu la description de cette femme faite par

  9   les deux témoins en réplique, alors que les Juges savent bien quelle était

 10   l'importance du Témoin T. Ils savent très bien à quel point le Témoin T

 11   pouvait avoir des connaissances concernant Sadeta Medunjanin. Je crois

 12   qu'il faut le croire de façon incontestable et si l'on ne croit pas le

 13   Témoin T, il faudrait aller à l'encontre du jugement.

 14   Concernant Sadeta, nous estimons que les témoins en réplique mentent,

 15   c'est-à-dire qu'ils ne veulent pas dire la vérité par exprès.

 16   Ce n'est pas une question d'erreur. L'un deux a dit qu'il n'y avait pas

 17   d'autres femmes dans la "maison blanche". Aucun de ces témoins n'a remarqué

 18   des pansements sur les mains de Zigic. Nous avons insisté sur ce fait. Je

 19   ne sais pas si la Chambre en a connaissance et à quel point elle en a

 20   connaissance, mais la Chambre de première instance était au courant de ce

 21   fait, notamment, deux semaines avant cet événement, son pouce de la main

 22   gauche a été coupé. Une grenade à main lui a coupé le pouce de la main

 23   gauche et c'est la raison pour laquelle il avait d'énormes pansements à la

 24   main gauche. Donc la déclaration du témoin, à savoir qu'il portait des

 25   mitaines est tout à fait impossible. C'est également impossible que


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  1   personne n'ait remarqué ces pansements, qu'il portait tout de même.

  2   Concernant ces pansements qu'il avait à l'époque, nous avons un nombre

  3   innombrable d'éléments de preuve.

  4   Nous avons entendu le témoignage d'un témoin expert, Mirko Barudzija,

  5   ensuite, la pièce KVD/24. Un grand nombre de témoins, tous les témoins de

  6   la Défense et au moins dix à 15 témoins de l'Accusation qui ont identifié,

  7   comme point principal, concernant Zigic, d'énormes pansements qui se

  8   trouvaient autour de sa main gauche. Quelques jours après cet incident, il

  9   a subi une intervention chirurgicale. Il a passé sept jours à l'hôpital

 10   puisque cette plaie s'était infectée. Ils n'ont pas reconnu Zigic et c'est

 11   un fait incontestable.

 12   Le témoin d'aujourd'hui –et, Messieurs les Juges, vous aurez la possibilité

 13   de voir cette photo -- il a montré au lieu de Zigic sur la photo. La photo

 14   est très claire. Le témoin a montré une personne qui ressemble le moins à

 15   Zigic, c'est-à-dire, il a identifié une personne qui a une physionomie

 16   complètement différente, alors qu'il a dit aussi que la personne qui se

 17   trouvait à côté de lui et Kos, et il s'agit d'une double erreur. Il a

 18   essayé de nous expliquer qu'il connaissait Zigic en tant que chauffeur de

 19   taxi mais je pourrais dire

 20   qu'il s'agit plutôt d'oui dire, qu'il ne l'a jamais vraiment rencontré. Il

 21   avait entendu dire d'autres personnes qu'il était chauffeur de taxi. Il dit

 22   le connaître en tant que chauffeur de taxi avant la guerre. Lorsque je lui

 23   ai dit que Zigic, avant la guerre, ne vivait pas dans cet état-là, il a

 24   répondu qu'il était possible qu'il voyage peut-être de Pula pour pouvoir

 25   travailler comme chauffeur de taxi. Ce n'est pas une erreur, mais il s'agit


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  1   d'une déclaration malveillante. Cela serait complètement impensable que

  2   quelqu'un vienne de Pula et parcoure une distance de 600 kilomètres sur des

  3   routes très mauvaises pour faire son travail de chauffeur de taxi. Nous

  4   savons qu'il y a grand nombre de personnes qui étaient présentes dans la

  5   "maison blanche" et ce témoin n'a jamais entendu parler ni de l'un, ni de

  6   l'autre des témoins pour lesquels nous lui avons demandé. Il a entendu

  7   parler d'Abdulah Brkic. C'est un chauffeur de taxi qui connaîtrait bien

  8   Zigic. Malheureusement, il n'y a pas épargné Zigic. Il a témoigné contre

  9   lui, et a dit qu'il avait participé à certains incidents. Concernant Becir

 10   Medunjanin, il a dit, très clairement : "Que Zigic n'a absolument aucun

 11   lien avec ce meurtre, qu'il n'a pas participé à ce meurtre et qu'il n'a pas

 12   non plus pris part au passage à tabac du Témoin T."

 13   Ce témoin contrairement, et je ne sais pas si une vingtaine de témoins ont

 14   témoigné là-dessus, il était le seul qui n'a pas entendu parler de Dalija

 15   Hrnic, si je ne m'abuse, contrairement aux autres témoins qui ont tous

 16   entendu parler de Dalija Hrnic. Les deux témoins en réplique ont dit, si je

 17   ne m'abuse, qu'ils n'ont pas vu Zigic et Duca ni avant, ni après dans le

 18   camp Omarska, alors que le jugement dit que Zigic entrait dans le camp, de

 19   façon régulière.

 20   L'une des caractéristiques, que tous les témoins de cet incident ont

 21   remarqué, est la suivante : c'est également quelque chose qu'a dit le

 22   Témoin T, c'est que Duca avait coupé une narine de Becir Medunjanin même

 23   avant son arrivée dans la "maison blanche". C'est la raison pour laquelle

 24   il saigné du nez énormément. Ce témoin n'a pas pu ce détail.

 25   Mon client m'a informé, concernant cette dernière déclaration, qu'il n'y


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  1   avait pas d'autre Zigic. Je lui ai, en fait, demandé s'il y avait un autre

  2   Zigic dans Prijedor. Mon client m'a dit que oui. C'est la première fois que

  3   j'entends ce détail. Je ne voudrais surtout pas prolonger indéfiniment

  4   ceci, mais je ne voudrais pas ce que cela devienne une raison pour une

  5   nouvelle requête en vertu de l'Article 115. Ce témoin n'a pas parlé de la

  6   mort, mais il a dit que Becir Medunjanin avait perdu connaissance.

  7   Je crois que je n'ai pas donné au moins une vingtaine d'omissions qu'ont

  8   faits les témoins en réplique. Vous ne serez peut-être pas étonné si je le

  9   fais par écrit, indépendamment du fait que ce soit accepté ou non. Je crois

 10   qu'il n'y a pas vraiment de raisons formelles pour que cela ne soit pas

 11   accepté. Je crois que la Chambre d'appel bénéficie d'un pouvoir

 12   discrétionnaire énorme pour ce qui est de la procédure et des décisions, à

 13   savoir si elle accepte des requêtes ou non. Je crois que cela ne dépend que

 14   de vous, Monsieur le Président, Messieurs, Mesdames les Juges.

 15   C'est tout pour l'instant. Merci.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, la Chambre

 17   d'appel réfléchit à votre proposition de soumettre vos arguments par écrit.

 18   La Chambre est d'avis que votre requête doit être rejetée aux motifs

 19   suivants : si vous soumettez aux Juges des arguments par écrit,

 20   l'Accusation doit être autorisée à répondre, et cela prendra du temps.

 21   L'audience d'aujourd'hui est une audience consacrée à l'audition de témoins

 22   supplémentaires dans le cadre d'une procédure exceptionnelle. Nous avions

 23   prévu trois jours pour cette procédure et la soumission de ces éléments de

 24   preuve devait s'achever sur les synthèses en cours, actuellement. Nous

 25   pensons que nous devions vous autoriser à soumettre quelque argument que ce


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  1   soit par écrit et votre requête est par conséquent, rejetée.

  2   Je demande maintenant au Procureur s'il a quelque chose à dire en réponse.

  3   M. RE : [interprétation] L'Article 115 du règlement ainsi que l'Article

  4   117(A) du règlement établissent très clairement et très précisément les

  5   tâches qui incombent à la Chambre d'appel. Il y ait stipulé que, dans le

  6   cas où l'appelant établit qu'aucun tribunal raisonnable jugeant sur les

  7   faits n'aurait pu conclure à la culpabilité sur la base des éléments de

  8   preuve soumis à la Chambre en première instance et sur la base des éléments

  9   de preuve supplémentaires, que l'appelant est autorisé à présenter, la

 10   Chambre intervient. Ceci, bien entendu, recouvre les témoins en réplique

 11   appelés à la barre par l'Accusation. Sur la base de l'examen des éléments

 12   de preuve, la Chambre d'appel est bien sûr guidée dans son travail par

 13   l'Article 117 du règlement qui stipule ce qui suit, je cite : "La Chambre

 14   d'appel rend son arrêt en se fondant sur le dossier de l'appel et, le cas

 15   échéant, sur les nouveaux éléments de preuve qui lui ont été présentés." Je

 16   renvoie les Juges de la Chambre, bien entendu, à l'arrêt Kupreskic page 75

 17   -- ou plutôt -- excusez-moi, les paragraphes 75 et 76.

 18   Quelle est la situation dans laquelle nous nous trouvons après avoir

 19   entendu ces témoins supplémentaires, qui ont été cités à la barre, à la

 20   demande de l'appelant M. Zigic, et après avoir entendu les éléments de

 21   preuve en réplique du Procureur ?

 22   La réponse que je fais, en ce moment, est conforme aux éléments qui ont

 23   permis de renforcer les preuves soumises à la Chambre de première instance,

 24   à savoir que, si la Chambre de première instance avait entendu ces témoins,

 25   elle aurait eu des raisons plus fortes de conclure à ce qu'elle a conclu,


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  1   et elle aurait tiré des conclusions encore plus fortes à l'encontre de M.

  2   Zigic.

  3   Bien entendu, dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, il

  4   est impossible d'être cohérent ou à 100 % ou de ne formuler aucune

  5   contradiction. Vous ne perdrez pas de vue ces conditions particulières.

  6   Nous parlons ici pour l'essentiel d'un camp de concentration, de gens qui

  7   sont enfermés dans des conditions particulièrement atroces et qui ne savent

  8   pas s'ils continueront à vivre chaque jour. La question se repose pour eux

  9   qui ne savent pas s'ils seront la prochaine personne dont le nom figurera

 10   sur une liste et dont le nom sera appelé pour être soumis à un sort

 11   horrible. Nous sommes en présence de gens qui ont vu un certain nombre de

 12   choses arriver à leurs co-détenus. Nous sommes en présence d'une situation

 13   où des personnes en grand nombre vont et viennent où les détenus subissent

 14   une peur intense, donc il est impossible de s'attendre, lorsque des gens

 15   placés dans ces circonstances relatent -- ce qu'ils ont vu relater les

 16   événements auxquels ils ont participé à une précision extrême. Si l'on peut

 17   recevoir ces témoignages avec quelques soupçons, il ne faut pas perdre de

 18   vue que ces personnes ont subi ces conditions très dures.

 19   La chose est particulièrement importante lorsqu'on pense aux témoins qui

 20   ont témoigné en première instance et qui témoignaient huit ans après les

 21   événements. Il faut également pensé à cela lorsqu'on pense aux Témoins KV2,

 22   KV3 et KV4, que nous avons entendus ces deux derniers jours, témoins en

 23   réplique qui parlent 12 ans après les faits. Le processus psychologique

 24   normal, qui intervient dans l'esprit de toute personne, fait que la

 25   personne oublie ce genre de choses. Les gens oublient aussi les détails


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  1   très infimes. Les gens oublient dans quel ordre les choses se sont passées.

  2   Ce qui est important lorsqu'on pense au procès en première instance, c'est

  3   que les témoins supplémentaires et les témoins en réplique ont suivi le

  4   même fil dans leur déposition au procès et ont toujours parlé de ce dont

  5   ils se souvenaient. Les témoins se souviennent, en général, des choses les

  6   plus importantes.

  7   Le fil qui a guidé leur récit, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

  8   les Juges, c'est que dans la présente affaire, nous ne parlons pas

  9   d'identification; nous parlons de reconnaissance. Les témoins

 10   supplémentaires entendus par la Chambre de première instance ont parlé de

 11   M. Zigic, comme l'ont fait les Témoins supplémentaires KV3 et KV4. Ils ont

 12   reconnu Zigic, le chauffeur de taxi de Prijedor et ne se sont pas contentés

 13   de l'identifier dans un prétoire ou sur la base de planche photographique

 14   des années plus tard.

 15   Voilà le fil d'Ariane qui court à travers l'intégralité de cette procédure.

 16   Il y a des gens qui ont reconnu M. Zigic, comme étant le chauffeur de taxi

 17   de Prijedor, même si le Témoin T, pour sa part, ne l'a pas fait. Le Témoin

 18   T a entendu quelqu'un qui connaissait M. Zigic, comme étant chauffeur de

 19   taxi de Prijedor, lui dire que M. Zigic était un chauffeur de taxi à

 20   Prijedor. C'est un autre élément qui peut nous guider.

 21   Il y a encore un autre. Le passage à tabac de Becir Medunjaniin, élément

 22   central. Les témoins savaient tous qui était

 23   M. Becir Medunjanin. Ils savaient que c'était une personne bien connue dans

 24   la région, une personne douée de raison. Ils savaient exactement qui était

 25   cet homme.


Page 716

  1   Autre élément qui doit nous guider dans notre réflexion, c'est que ce

  2   passage à tabac s'est produit dans la "maison blanche" à Omarska. 

  3   Il y en a encore un autre élément qui doit nous guider. C'est qu'on était à

  4   peu près à la mi-juin 1992. C'est à ce moment-là que tous les témoins

  5   situent l'événement.

  6   Il y a un autre élément qui doit nous guider. C'est que de nombreuses

  7   personnes dans la "maison blanche", à l'époque, étaient enfermées, étaient

  8   prisonnières et que ces personnes étaient toutes différentes les unes des

  9   autres.

 10   Autre élément qui doit nous guider, c'est que M. Medunjanin a subi un

 11   passage à tabac très violent.

 12   Les éléments de preuve supplémentaires ainsi que les témoins en réplique

 13   ont dit que M. Medunjanin était mort, qu'on ne l'avait jamais revu par la

 14   suite, ce qui ne permet de conclure qu'à une chose si l'on associe ces

 15   témoignages au témoignage du Témoin T, c'est que M. Medunjanin est mort

 16   suite à ce passage à tabac particulièrement violent.

 17   Deux Témoins supplémentaires, KV3 et KV4, ont également parlé d'une

 18   matraque que M. Zigic et Duca avaient à la main. Ceci, bien sûr, figure

 19   dans le jugement, dans la déposition du Témoin T, qui parle de M. Zigic

 20   comme ayant à la main une espèce de bâton. Vous avez entendu hier le Témoin

 21   KV3 vous parler de ce bâton et vous dire qu'il contenait une espèce de

 22   ressort. C'est l'un des éléments que les témoins se rappellent bien. C'est

 23   l'un de ces petits détails qui, parfois, ressort d'une déposition.

 24   Me Stojanovic, responsable de la Défense, au cours de son contre-

 25   interrogatoire de deux témoins supplémentaires, a parlé "d'identification".


Page 717

  1   Il a parlé du fait que ces témoins ne sont pas parvenus à identifier M.

  2   Zigic, si on peut utiliser ce terme, à partir de plusieurs planches

  3   photographiques qui leur ont été montrées plusieurs années plus tard. Je

  4   vous rappellerai un témoin, M. Avdagic, si je prononce bien son nom, qui a

  5   très bien synthétisé tout cela lorsqu'au cours du procès en première

  6   instance, on lui a demandé s'il reconnaissait ou identifiait M. Zigic dans

  7   le prétoire. Bien sûr, c'est un des problèmes que la Chambre d'appel

  8   connaît bien, ce problème de l'identification dans un prétoire, notamment

  9   lorsqu'il a lieu aussi longtemps après les faits.

 10   Ceci figure à la page 3 444 du compte rendu d'audience où l'on voit que le

 11   Procureur demande à M. Avdagic, je cite : "Monsieur Avdagic, je sais

 12   qu'huit ans se sont écoulés depuis les faits. Pensez-vous que vous pourriez

 13   reconnaître Zoran Zigic aujourd'hui ?" A cela, M. Avdagic répond très

 14   honnêtement et très simplement, il répond ce que toute personne dans sa

 15   situation pourrait répondre, en disant, je cite : "Je ne prétendrais pas

 16   que je peux le faire avec une totale certitude. Nous avons tous beaucoup

 17   changé depuis." Cela se passait le 4 juillet 2000. Ce témoin a pu

 18   reconnaître M. Zigic parmi les cinq personnes assises dans le prétoire ce

 19   jour-là.

 20   Nous avons également les deux Témoins KV3 et KV4, à qui on montre ces

 21   photographies, d'abord, en 1999 et en l'an 2000, huit à neuf ans après les

 22   faits -- ou plutôt -- excusez-moi, sept ou huit ans après les faits, après

 23   ce passage à tabac atroce auquel ces témoins ont assisté, passage à tabac

 24   durant lequel ils n'ont pas vu M. Zigic et Duca. Ils décrivent tous les

 25   deux les faits de la même façon. Ils donnent une description générale de la


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  1   personne qu'ils ont reconnue à l'époque, comme étant M. Zigic. Bien

  2   entendu, la Chambre d'appel se convaincra du fait que cette description de

  3   M. Zigic est tout à fait satisfaisante.

  4   J'aimerais, à présent, parler de la pièce à conviction DA2 en appel, c'est-

  5   à-dire, de ces planches photographiques qui ont été soumises au Témoin KV3

  6   et versées au dossier hier. Me Stojanovic en a abondamment parlé dans son

  7   propos. Le témoin, lorsqu'on lui montre ces photographies, dit : "Je

  8   reconnais cet homme que j'ai vu dans le camp. Il est arrivé à bord d'un

  9   camion pick-up." La photographie dont il parle est celle de M. Zigic. Dans

 10   les conditions où il se trouve, ce témoin, huit ans après les faits, cette

 11   façon d'identifier quelqu'un n'est pas fiable. Il convient que vous ne

 12   perdiez pas de vue que la personne reconnue sur ces photographies est,

 13   effectivement, M. Zigic. Lorsque vous réfléchirez aux conditions dans

 14   lesquelles l'identification s'est faite, vous ne pourrez conclure qu'à une

 15   chose, à savoir que ce témoin a reconnu quelqu'un qui était présent sur les

 16   lieux à l'époque.

 17   Deuxième pièce à conviction, la pièce DA5, à savoir, ces planches

 18   photographiques qui ont été soumises au Témoin KV4 aujourd'hui.

 19   [La Chambre d'appel se concerte]

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Re, y

 21   a-t-il quelques difficultés à placer ces planches photographiques sur le

 22   rétroprojecteur ?

 23   Maître Stojanovic, vous avez quelque chose à dire ?

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, une petite question technique.

 25   J'indique que les photos soumises au Témoin KV4 étaient de meilleure


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  1   qualité que celles que nous voyons actuellement. Peut-être le Procureur ne

  2   dispose-t-il pas de ces photos en ce moment, mais ce qui est à l'écran,

  3   actuellement, n'est pas aussi clair.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, les Juges

  5   souhaitent voir les planches photographiques qui ont été évoquées au cours

  6   de la déposition du témoin. Si je ne m'abuse, celles que nous avons

  7   actuellement sous les yeux sont bien celles qui figurent sur ces planches

  8   photographiques.

  9   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas l'exemplaire des

 10   planches photographiques qui ont été soumises au témoin et qui elles

 11   étaient en couleur. Je voulais simplement vous indiquer ce fait, rien de

 12   plus, Monsieur le Président.

 13   [La Chambre d'appel se concerte]

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Re, êtes-vous en

 15   possession des planches photographiques en couleur dont vient de parler Me

 16   Stojanovic ?

 17   M. RE : [interprétation] Non, Monsieur le Président. La version en couleur

 18   se trouve sans doute dans le dossier des pièces à conviction. Peut-être

 19   peut-on chercher l'exemplaire dans le coffre où sont conservées les pièces

 20   à conviction.

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je pense que nous ferions mieux

 22   de poursuivre sans perte de temps. Nous nous contenterons de l'exemplaire

 23   que vous avez à votre disposition.

 24   M. RE : [interprétation] Ce que je souhaitais dire, Monsieur le Président,

 25   Mesdames, Messieurs les Juges, c'est que le Témoin KV4 a dit dans sa


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  1   déposition et cette déposition est enregistrée. Quand on lui a soumis ces

  2   planches photographiques, il a dit un certain nombre de choses qui font

  3   partie de sa déposition officielle ce matin.

  4   Au paragraphe 8 de la pièce à conviction, le témoin déclare ce qui suit, je

  5   cite : "Je crois que Zigic se trouve au numéro 10 et  qu'au numéro 11, on

  6   trouve Kos." Vous voyez vous-mêmes, Mesdames, Messieurs les Juges, ces

  7   photographies sur le rétroprojecteur et vous voyez très bien que M. Zigic

  8   est au numéro 2, et qu'au numéro 10, on voit quelqu'un d'autre. Avec le

  9   respect que je dois à la Chambre, je dirais que le témoin s'est sans doute

 10   trompé au sujet de M. Zigic, et que c'est tout à fait compréhensible si

 11   l'on pense que ce témoin regarde ces photographies sept ans après les

 12   événements particulièrement traumatisants qu'il a vécus. Si on associe cela

 13   au fait que le témoin a dit ce qu'il a dit ce matin, à savoir qu'il y avait

 14   deux photographies qui ressemblaient à M. Zigic et qu'il a dû choisir entre

 15   les deux, il a très manifestement fait une sélection.

 16   Si vous regardez ces photographies en ce moment, vous verrez qu'il y a deux

 17   personnes qui ressemblent pas mal à M. Zigic, à savoir, le numéro 2 et le

 18   numéro 10. Je ne pouvais pas poser cette question au témoin ce matin compte

 19   tenu du très long temps qui s'est écoulé depuis qu'il a regardé les

 20   photographies pour la première fois. Je ne peux que vous parler comme je le

 21   fais en ce moment, en vous disant que c'était une simple erreur de la part

 22   du témoin, de la part de quelqu'un qui regarde des photographies de très

 23   nombreuses années après les faits.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Re, la planche

 25   photographique en couleur est bien versée au dossier,


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  1   n'est-ce pas ?

  2   M. RE : [interprétation] Non, non.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Elle n'est pas une pièce à

  4   conviction ?

  5   M. RE : [interprétation] Non, elle n'est pas versée au dossier. Nous avons

  6   fourni des copies noir et blanc, je pense, à la Défense au mois de mars de

  7   cette année.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] La planche photographique en

  9   couleur ne fait pas partie du dossier,

 10   Monsieur Re ?

 11   M. RE : [interprétation] Non, ni en première instance, ni en appel. J'en ai

 12   terminé avec cette pièce à conviction à moins que les Juges aient des

 13   questions à poser.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Veuillez procéder.

 15   M. RE : [interprétation] La Chambre d'appel doit bien garder présent à

 16   l'esprit un autre fait que Me Stojanovic a évoqué au sujet de KV2, qui ne

 17   savait ou ne se rappelait pas les noms figurant sur une liste de personnes,

 18   liste dont Me Stojanovic a donné lecture un peu plus tôt ce matin. Une

 19   pièce a été versée au dossier en première instance et elle est soumise

 20   également à la Chambre d'appel. Cette pièce montre bien que des centaines

 21   de personnes ont été enfermées à Omarska dans cette période. Je déclare que

 22   le fait que M. KV4, aujourd'hui, 12 ans après les faits, ne se soit pas

 23   rappelé ou n'ait pas eu connaissance du nom de certaines de ces personnes,

 24   noms qui figuraient sur la liste à l'époque, n'a absolument aucune valeur

 25   probante étant donné le temps écoulé depuis et étant donné les


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  1   circonstances dans lesquelles ce témoin se trouvait car il était au côté

  2   d'une de plusieurs centaines de personnes sur la pista. Il y avait sans

  3   doute des dizaines de personnes entassées dans la "maison blanche", à

  4   l'époque, de l'incident également. On ne peut s'attendre à ce qu'une

  5   personne dans de telles conditions se rappelle avec précision qui était

  6   présent au moment d'un incident particulier, notamment, compte tenu de ce

  7   qu'a dit le Témoin KV3 dans sa déposition hier, à savoir, le fait qu'on

  8   obligeait ces hommes à rester face au mur. KV4 a également parlé d'une

  9   espèce de psychose qui régnait à cette époque, à cet endroit. Nous pouvons

 10   parler de peur psychotique qui peut entraîner une négation de

 11   reconnaissance, le fait d'être réticent à reconnaître les personnes qui

 12   étaient présentes sur le lieu, à ce moment-là.

 13   Me Stojanovic nous a également parlé du problème des gants. Je pense qu'il

 14   a fait une erreur sans le vouloir lorsqu'il a dit que KV3 avait déclaré que

 15   Duca portait des gants. C'était M. Zigic qui a été mentionné comme portant

 16   des gants. En fait, dans l'élément de preuve existant, c'est Duca qui

 17   portait des mitaines et non M. Zigic.

 18   S'agissant de ce qu'a dit Me Stojanovic au sujet du passage à tabac du

 19   Témoin T, le fait que deux témoins qui se sont exprimés aujourd'hui n'ont

 20   pas vu ce passage à tabac, doit être pris en compte dans l'ensemble de

 21   l'examen de l'incident. L'Accusation déclare que quelque chose n'a pas été

 22   vu par les témoins. KV3 affirme que

 23   M. Medunjanin était dehors, ou plutôt dans le couloir et que lui se

 24   trouvait dans une autre pièce, la pièce A4. Il n'a pas vu ce qui s'est

 25   passé. Il a simplement entendu les bruits de ce qui se passait à


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  1   l'extérieur. Il n'a pas vu ce qui se passait dans la pièce A3.

  2   De même, le Témoin KV4 ne regardait pas ce qui se passait dans la pièce A3.

  3   Il n'y a aucune contradiction dans ces dépositions, il n'y a aucune

  4   incohérence. La question, qui se pose, c'est de savoir ce que telle ou

  5   telle personne a pu voir exactement ce jour-là. En tout état de cause, le

  6   passage à tabac du Témoin T a duré plusieurs jours, et les Juges en

  7   première instance avaient tout à fait le droit de conclure à ce qu'ils ont

  8   conclu, à savoir que M. Zigic a participé à ce passage à tabac qui a duré

  9   plusieurs jours.

 10   Dans l'appréciation qu'ils ont fait des éléments de preuve supplémentaires,

 11   à savoir, l'audition du Témoin KV2, notamment, Me Stojanovic parle d'un

 12   lien de cause à effet que nous pourrions peut-être baptiser la "connection

 13   australienne". L'Accusation, très franchement, n'a pas la moindre idée de

 14   ce qu'il a à l'esprit en évoquant ce lien de cause à effet. Je n'ai jamais

 15   vu M. KV2 jusqu'à lundi matin, lorsque je l'ai vu sur des images vidéo. Je

 16   ne lui avais jamais parlé avant. Je doute fortement que M. Blewitt ou M.

 17   Niemann l'ait interrogé en 1995. Nous n'avons absolument aucune idée des

 18   conditions dans lesquelles ce témoin est arrivé en Australie. Tout cela n'a

 19   aucun intérêt pour nous et semble tout à fait non pertinent par rapport à

 20   la présente affaire.

 21   Ce qui est important et ce qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on

 22   apprécie les preuves supplémentaires, à savoir, le témoignage de M. KV2,

 23   notamment, dont Me Stojanovic semble laisser entendre que d'une façon ou

 24   d'une autre l'Accusation a accordé des faveurs spéciales à ce témoin pour

 25   obtenir sa déposition. Ce qui est important, c'est que l'Accusation a


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  1   choisi de ne pas citer ce témoin à la barre en première instance. Lorsque

  2   vous lirez sa déclaration écrite versée au dossier par la Défense

  3   aujourd'hui, qui constitue une pièce à conviction désormais, je pense que

  4   c'est la pièce DAI ou DA2, je n'en suis pas tout à fait sûr --

  5   [La Chambre d'appel se concerte]

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous venez de prononcer certains

  7   mots qui ont été portés à notre attention, et qui exigeront une

  8   expurgation.

  9   M. RE : [interprétation] Pouvez-vous m'indiquer la page, Monsieur le

 10   Président, les numéros de page et les lignes ?

 11   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous venez de prononcer le nom

 12   du pays où réside le témoin dont vous parliez.

 13   [La Chambre d'appel se concerte]

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Il y aura expurgation, Madame la

 15   Greffière ?

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera expurgé, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui.

 18   M. RE : [interprétation] Tout cela s'est déroulé en audience publique, du

 19   début à la fin, Monsieur le Président. Nous étions en audience publique

 20   quand vous avez salué le premier magistrat d'Australie et vous avez parlé

 21   de Canberra. Vous avez parlé des voyages aller à retour à partir de La Haye

 22   et tout cela n'était pas un secret. Il y a eu plusieurs mentions de

 23   l'Australie.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] En tout cas, la chose vient être

 25   portée à notre attention. Il pourrait être procédé à une expurgation, je


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  1   pense.

  2   M. RE : [interprétation] Je dirais, Monsieur le Président, s'agissant de la

  3   déposition du Témoin KV2, si vous lisez la déclaration écrite versée au

  4   dossier par la Défense, vous comprendrez bien pour quelle raison

  5   l'Accusation a choisi de ne pas citer à la barre ce témoin en première

  6   instance. Ceci était dû au fait que l'Accusation estimait que sa déposition

  7   s'écartait tellement des autres dépositions, et sur des points tellement

  8   fondamentaux, notamment la décapitation de M. Medunjanin, et le fait que

  9   les gardes ensuite ont lancé des coups de pied en jouant au ballon avec sa

 10   tête. C'est pour toutes ces raisons que l'Accusation a décidé de ne pas le

 11   citer du tout à la barre en première instance. Mais à présent, la Défense a

 12   versé au dossier la pièce qui constitue la déclaration préalable de ce

 13   témoin. L'Accusation, dans ces conditions, déclare que si la Chambre de

 14   première instance avait disposé de cet élément de preuve en première

 15   instance, elle l'aurait considéré comme dépourvue de toute fiabilité.

 16   Ce qui nous amène à parler, et ce sera notre dernier argument, des éléments

 17   de preuve supplémentaires : lorsque la Chambre d'appel se penchera sur ces

 18   éléments de preuve supplémentaires, je retire ce que je viens de dire, je

 19   voulais parler des témoignages en réplique.

 20   Lorsque le Chambre se penchera également sur les éléments de preuve

 21   supplémentaires dont l'Accusation affirme qu'ils sont fiables, cohérents,

 22   et qu'ils permettent de corroborer les témoignages en première instance et,

 23   à ce moment-là, la Chambre d'appel ne devrait nourrir aucun doute quant au

 24   fait que la Chambre de première instance a tiré les conclusions qui

 25   s'imposaient et quant au fait que les témoignages supplémentaires et


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  1   témoignages en réplique ne devraient aucunement affecter la décision rendue

  2   par la Chambre en première instance.

  3   Ce sera la fin de ce que j'avais à vous dire.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Re, il serait tout de

  5   même intéressant de disposer de la planche photographique en couleur. Vous

  6   dites qu'elle ne fait pas partie du dossier.

  7   M. RE : [interprétation] Non. Normalement, non, car ces témoins n'ont pas

  8   été entendus en première instance.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vois. Je vois. Ils n'ont pas

 10   été entendus.

 11   [La Chambre d'appel se concerte]

 12   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie. Hier,

 13   lorsque nous avons accepté les dépositions écrites présentées par la

 14   Défense, il était entendu que cette planche de photographie avait été

 15   communiquée par l'Accusation à la Défense, que ces éléments de preuve dont

 16   vous parlez maintenant, qu'on utilisait à ce moment-là, devaient être

 17   communiqués.

 18   M. RE : [interprétation] Nous avons communiqué les photocopies ou nous

 19   avons communiqué ces copies à la Défense au mois de mars. Il se peut que --

 20   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Nous préférerions avoir les

 21   originaux, en tant que pièces à conviction. Peut-être pourriez-vous nous

 22   fournir ces originaux parce que les photocopies ne sont pas bonnes ? Par

 23   exemple, on ne peut pas voir la couleur des cheveux, et cetera.

 24   M. RE : [interprétation] Je pense toutefois qu'il y a des éléments

 25   positifs, et on me dit qu'on est en train de nous apporter, bien que je


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  1   pense qu'il se peut qu'il s'agisse de la pièce à conviction 3129 D

  2   présentée en première instance.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Qu'est-ce que vous avez dit,

  4   Monsieur Re ? Est-ce que c'était une pièce à conviction ou non ?

  5   M. RE : [interprétation] Nous pensons qu'enfin les mêmes photographies

  6   auraient pu avoir été présentées sous la cote 3129A à D. Il y avait quatre

  7   photographies.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Parce que si c'était une pièce à

  9   conviction, les Juges pourraient, de toute façon, l'obtenir; cela fait

 10   partie du dossier, à ce moment-là.

 11   M. RE : [interprétation] Il y avait un certain nombre de photographies sur

 12   ces planches qui avaient été montrées au témoin, il faudrait que les

 13   comparent pour voir lesquelles correspondent.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vois.

 15   M. RE : [interprétation] Je ne peux pas vous dire à l'instant même.

 16   [La Chambre d'appel se concerte]

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame le Juge Mumba.

 18   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je voulais simplement savoir du Greffe

 19   parce que, si ces pièces ont été présentées comme pièces à conviction et

 20   ont été admises, à ce moment-là, elles doivent figurer dans les dossiers du

 21   bureau du Greffe.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation]Monsieur le Président, Madame le Juge,

 23   j'ai reçu les pièces à conviction, qui avaient été présentées par la

 24   Défense, ce matin. Je leur ai attribuées des numéros que j'avais

 25   l'intention de faire connaître avec une liste de pièces à conviction ainsi


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  1   que les pièces qui sont jointes, et je n'avais pas reçu les photographies

  2   en couleur, mais j'en ai reçu copies de ces planches de photographies de Me

  3   Stojanovic.

  4   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Non, nous voulons être bien clairs sur

  5   ce point et essayer de savoir si peut-être que vous n'étiez pas à ce

  6   moment-là la personne du Greffe qui vous assistait lors du procès en

  7   première instance. Parce que l'Accusation a dit que ces pièces étaient là,

  8   peut-être qu'elles ont été reçues comme pièces à conviction, je parle des

  9   photographies en couleur, celles qui ont été présentées au témoin par

 10   l'enquêteur à l'époque de l'identification ou de la reconnaissance de ces

 11   personnes.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je peux vérifier. Excusez-moi. Je peux

 13   vérifier cela pour vous dans la liste des pièces présentées lors du procès

 14   en première instance, si vous voulez bien me donner un peu de temps pour le

 15   faire.

 16   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Peut-être que le conseil de la Défense

 17   est un peu plus au courant, parce qu'il se trouvait en procès de première

 18   instance.

 19   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, si je peux vous aider. Je pense que

 20   certaines de ces photographies ont, effectivement, été présentées, mais

 21   dans le cas d'un autre témoin. Nous avons les mêmes photographies qui ont

 22   été présentées par un autre témoin, donc peut-être qu'il vaudrait mieux les

 23   obtenir sous ce numéro. Probablement nous pourrions avoir les photographies

 24   des mêmes personnes, mais je rappelle qu'elles n'ont pas été présentées par

 25   le truchement de ces témoins. Cela c'est certain.


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  1   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] L'Accusation maintenant. Parce que

  2   d'après l'Article 117 du règlement, de quoi s'agit-il par rapport au

  3   dossier ? Si ces pièces à conviction, c'est-à-dire, des planches-photo en

  4   couleur, ont été présentées lors du procès en première instance, elles

  5   seraient censées être, maintenant, sous la garde du Greffe. Si ce n'était

  6   pas le cas, à ce moment-là, est-ce que le bureau du Procureur pourrait

  7   fournir les mêmes photographies à la Chambre d'appel ?

  8   M. RE : [interprétation] On m'a dit qu'on était en train de les apporter.

  9   Je ne peux pas vous dire exactement à quelle heure. Je pense qu'on ne

 10   devrait pas entendre longtemps.

 11   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Il est entendu que nous allons

 13   procéder sur cette base.

 14   M. RE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Nous allons maintenant demander au conseil de Me Zigic s'il souhaite

 17   répondre.

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   Pour commencer, je voudrais vous remercier pour votre suggestion, visant à

 20   ce que les photographies en couleur soient obtenues. C'était notre

 21   suggestion et ceci nous aide beaucoup.

 22   Deuxièmement, je voulais traiter de certaines questions-clés, qui ont été

 23   évoquées par mon éminent collègue, M. Re. Il a mentionné la question des

 24   témoins et des carences dans leurs dépositions. J'ai traité de cette

 25   question tout à fait au début de la présentation de ces moyens. J'ai dit


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  1   que, d'un point pénal, le témoin –- le point n'est pas la meilleure façon

  2   pour présenter des éléments de preuve qui peuvent paraître adéquats. J'ai

  3   fourni un exemple en évoquant le Moyen Age. Des milliers -- même des

  4   millions de personnes ont été condamnées à mort et ont été condamnées au

  5   bûcher sur la base de témoignages présentés par des témoins et leurs

  6   dépositions étaient très cohérentes. Nous ne pouvons pas dire que nous ne

  7   sommes pas au Moyen Age, mais ce qui s'est passé en Bosnie,

  8   malheureusement, ne s'est même pas passé au Moyen Age, en particulier, en

  9   ce qui concerne la présentation de la vérité et le fait de décrire divers

 10   actes inhumains. Nous voudrions demander que la Chambre veuille bien garder

 11   cela à l'esprit, en particulier garder à l'esprit les conclusions de

 12   l'affaire Celebici, en ce qui concerne certaines imperfections, et si je ne

 13   me trompe, en ce qui concerne les ambiguïtés du point de vue verbal. Je

 14   pense que c'est le terme qu'il convient d'utiliser. Dans de tels cas, un

 15   jugement ne saurait être rendu contre l'accusé. S'il y a des doutes

 16   concernant un témoin, ceci ne devrait pas jouer au préjudice de l'accusé,

 17   bien au contraire.

 18   Le bâton, qui a été mentionné avec un ressort, dans notre appel interjeté,

 19   nous avons parlé de Mrkalj Edin, le témoin a dit que le 6 juin 1992 est le

 20   jour où Fadil Avdagic a mentionné le fait que Becir Medunjanin est mort

 21   parce qu'il en a été témoin et il a été renvoyé chez lui. Il se rappelle la

 22   date avec une grande précision. D'autres témoins n'ont aucun doute sur le

 23   fait qu'il s'agissait du 15 ou du 16. Mrkalj Edin dit que c'était le 16

 24   juin.

 25   Dans le hangar, Zoran Vokic, un autre Zoran, non pas Zigic, mais Vokic, les


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  1   noms sont analogues, un homme qui avait les cheveux longs et une boucle

  2   d'oreille. Il avait les cheveux blonds et il avait le même type de matraque

  3   ou d'arme métallique et il se trouvait à une vingtaine de mètres de la

  4   "maison blanche" et il a utilisé ce bâton pour frapper Mrkalj Edin. C'était

  5   cette description : il était grand, blond, portait une boucle d'oreille.

  6   Ceci correspond à la description donnée par Fadil Avdagic de Zigic : grand,

  7   blond et portait une bouche d'oreille. Nous avons vu dans la déposition de

  8   l'expert que Zigic n'était ni grand, ni blond. Avdagic a dit qu'à cette

  9   occasion, Zigic avait des cheveux blonds plutôt des cheveux d'un blond roux

 10   teint. Un visage avec des cheveux blonds roux, quelqu'un portant des

 11   cheveux de ce genre a tué Becir Medunjanin. Un autre témoin oculaire, Fadil

 12   Avdagic, a fait cette déclaration et une décision a été prise sur cette

 13   déclaration. Ce témoin dit qu'il se trouvait à un mètre ou un mètre et demi

 14   de distance de l'endroit où cet incident a eu lieu.

 15   KV3 et KV4 ont dit aujourd'hui que cette personne avait les cheveux

 16   sombres. Le Témoin T a dit que Fadil Avdagic, dont il avait la tête entre

 17   les mains, ce témoin a également dit que cette personne avait les cheveux

 18   foncés.

 19   Ces incohérences ne sont que des incohérences mineures ou légères.

 20   Nous avons entendu de mon confrère que le Témoin KV3 avait reconnu Zigic

 21   comme étant la personne qui était arrivée à Omarska dans une camionnette.

 22   Ce fait nous convient, le fait qu'il a reconnu Zigic. Nous le relions au

 23   fait qu'il a également été dit que cette personne n'était en aucune manière

 24   liée au meurtre de Becir Medunjanin, et ceci a été déclaré sans aucune

 25   ambiguïté. Il a dit qu'il ne savait pas son nom, mais il savait qu'il


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  1   connaissait le nom de Zigic et il le connaissait bien avant de se trouver

  2   au camp d'Omarska.

  3   Certains doutes concernant le témoin d'aujourd'hui existent : par exemple,

  4   il a dit qu'il pensait qu'il y avait deux personnes avec le nom de Zigic.

  5   Je ne pense pas que le témoin ait dit qui était l'autre personne, mais deux

  6   erreurs ont été commises. Il s'est trompé dans le cas de Zigic et dans le

  7   cas de Kos. Comme il l'a dit lui-même, il était responsable de l'équipe à

  8   ce moment-là.

  9   Je ne voudrais pas qu'il y ait malentendu de la part de M. Re. Je pense

 10   qu'on a agi de façon correcte. Mais je voudrais simplement dire qu'il faut

 11   prendre en considération ce que les témoins disent et je voudrais vous

 12   informer des différences, des réponses fournies par le témoin de

 13   l'Accusation et de la Défense. Ils ne veulent pas offenser en quoi que ce

 14   soit l'Accusation, mais il y avait certaines incohérences. Je ne pense pas

 15   que ce soit important. Ce qui est important, c'est que le témoin ait

 16   déclaré sans aucune ambiguïté que Zigic n'était pas participant. Nous

 17   mentionnons simplement les témoins qui ont été entendus au cours des

 18   derniers jours. Nous ne mentionnons pas la déposition d'autres témoins, et

 19   il y a eu au moins 10 autres témoins ou plus qui étaient sûrs que Zigic

 20   n'était pas là et qu'il n'y avait pas participé. Nous ne mentionnons pas

 21   les incohérences figurant dans la déposition de ces témoins. Nous serions

 22   reconnaissants si la Chambre d'appel voulait bien appliquer les mêmes

 23   critères que ceux qui ont été suivis pour l'affaire Celebici, en

 24   particulier les critères qui ont été appliqués dans le cas de l'accusé

 25   Delic.


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  1   Pour les témoins de l'Accusation, les témoignages ont été rejetés pour

  2   certaines incohérences, certaines erreurs ont été mentionnées en ce qui

  3   concernait d'autres faits. Nous souhaiterions donc que les critères

  4   également utilisés dans l'affaire Kupreskic soient appliqués comme je l'ai

  5   déjà dit.

  6   Enfin, nous pensons que la Chambre, indépendamment de toutes les opinions

  7   que j'ai exprimées, puisse dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire,

  8   apprécier la situation et que ceci suive la jurisprudence Celebici et le

  9   jugement portant condamnation. Je pense qu'eux-mêmes sont parvenus à

 10   certaines conclusions. Il ne s'agit pas de se lier les mains. Il y a

 11   certains faits, certaines vérités qui doivent être établies et on doit

 12   également établir le fait qu'on ne peut pas être accusé sur la base de

 13   déposition contradictoire.

 14   Le Témoin T, vous pourrez lire sa déclaration en détail; c'est un témoin-

 15   clé, c'est un témoin essentiel et, si on compare ce que le Témoin T a dit

 16   et ce que Fadil Avdagic a dit, il s'agit de deux témoins. Il faudrait

 17   comparer avec ce qui a été dit aujourd'hui.

 18   Comparez cette déclaration.

 19   [aucune interprétation]

 20   [interprétation] -- d'Azedin Oklopcic, qui a été cité à 27 occasions dans

 21   le jugement. On pense que Zigic, sur la base de cette déposition, il a été

 22   redit que Zigic avait été également accusé, mais il dit également que Zigic

 23   n'avait pas participé au meurtre de Becir Medunjanin. Mais il n'a pas été

 24   cru. Abdulah Brkic, vous avez entendu qu'il était présent dans la "maison

 25   blanche". Vous avez entendu cela aujourd'hui. Il connaît Zigic et il a été


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  1   cité à neuf reprises dans le jugement. Il accuse Zigic à trois ou quatre

  2   endroits, mais il dit également, de façon explicite, que Zigic n'a pas tué

  3   Becir Medunjanin et qu'il n'a pas participé à ce meurtre. Pourquoi est-ce

  4   qu'il n'est pas cru pour tout le reste. Si on croit tout le reste, nous

  5   souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles ce témoin n'est pas

  6   cru. Je ne veux pas revenir sur des arguments innombrables mais je pense

  7   qu'il y ait une certaine confusion. Ceci est lié en fait à toutes les

  8   charges qui pèsent contre M. Zigic.

  9   Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que vous

 11   avez reçu la planche-photo en couleur maintenant ?

 12   M. RE : [interprétation] J'ai l'une d'entre elles; c'est la pièce à

 13   conviction DA5, qui était celle qui avait été déjà montrée, excusez-moi,

 14   KV4. Si je peux la produire devant la Chambre d'appel.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Celle-là fait déjà partie du

 16   dossier, n'est-ce pas, Monsieur Re ?

 17   M. RE : [interprétation] Sans faire de comparaison, il y a certaines

 18   planches-photo dans le dossier de première instance, mais sans comparer

 19   avec la planche exacte, qui je suppose faisait l'objet des cotes 31/129A à

 20   D, je ne sais pas. Ceci est l'original de ce qui a été montré au Témoin

 21   KV4.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, est-ce que

 23   vous êtes d'accord ? Monsieur Stojanovic, est-ce que ceci est bien la

 24   planche-photo qui vous intéresse ?

 25   M. STOJANOVIC : [interprétation] Pourrais-je voir de plus près, s'il vous


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  1   plaît ?

  2   Oui, c'est bien celle-là. Je ne sais pas si on pourrait obtenir la même

  3   pour le Témoin KV3, mais celle-ci est bien celle dont je voulais parler. Je

  4   vous remercie.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [hors micro]

  6   L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plait.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Fila.

  8   M. FILA : [interprétation] Excusez-moi, je croyais que M. Re voulait dire

  9   quelque chose, peut-être que non.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous voulez dire quelque chose,

 11   Monsieur Re.

 12   M. RE : [interprétation] Oui. La première planche que j'ai produite était

 13   la pièce à conviction DA5. On vient maintenant de me donner une copie de

 14   DA2, qui est celle qui a été montrée au Témoin KV3, qui a déposé hier. Je

 15   peux également produire l'original. Voici l'original avec les notes

 16   originales.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait, s'il vous

 18   plaît, les présenter à Me Stojanovic ?

 19   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je pense que c'est bien cela. Juste un

 20   instant, j'ai un exemplaire qui est très mauvais.

 21   Oui, c'est bien cela.

 22   Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Très bien.

 24   [La Chambre d'appel se concerte]

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mes collègues à ma gauche sont


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  1   satisfaits. Nous pouvons poursuivre.

  2   Maître Fila, est-ce que vous avez des remarques à formuler ?

  3   M. FILA : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président,

  4   Mesdames, Messieurs les Juges, deux ou trois phrases seulement, si vous

  5   permettez.

  6   Les éléments de preuve supplémentaires n'ont pas d'incidence directe pour

  7   M. Radic. D'une autre manière, indirectement, tout ce qui s'est passé à

  8   Omarska a une incidence à l'égard de tout le monde. D'après votre jugement,

  9   il n'y a pas de relation directe entre la victime et le tortionnaire. Ceci

 10   s'applique de façon générale. C'est pourquoi, après les trois journées qui

 11   viennent de s'écouler, je m'en tiens à mes arguments selon lesquels le

 12   jugement rendu en première instance devrait être révisé conformément aux

 13   dispositions du paragraphe (C), de l'Article 117 du règlement et qu'il

 14   devrait y avoir une reprise du procès. Le procès devrait être repris à la

 15   base. Je dois répéter que, personnellement, je ne peux pas être d'accord

 16   avec le critère appliqué par mon éminent confrère M. Re, en ce sens que je

 17   ne dirais de personne que la décision n'était pas raisonnable. Je ne dirais

 18   cela d'aucun juge. Je ne l'ai pas dit en 41 ans et je ne crois pas que je

 19   vais changer mes principes. Voilà pour ce qui est de cela.

 20   Deuxièmement, je voudrais une fois de plus exprimer ma gratitude et

 21   remercier la Chambre, dire que je me sens privilégié et honoré de pouvoir

 22   défendre en tant que conseil mon client devant cette Chambre. Jusqu'à

 23   présent, j'ai eu la possibilité d'agir comme conseil de la Défense en

 24   présence d'un seul membre de votre Chambre.

 25   Troisièmement, nous avons une expression identique qui dit


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  1   que : "La fin de chaque acte est ce qu'il y a de plus important." Dans

  2   notre cas ici, ce sera votre décision, votre arrêt. Je pense qu'on

  3   parviendra au dernier acte, au point culminant. J'espère qu'il y en a dès

  4   que possible, parce que cela fait maintenant au moins quatre ans que nous

  5   l'attendons.

  6   Je vais utiliser un nouveau proverbe. Je ne sais pas comment le traduire,

  7   mais ceci veut dire que : "Tout ce qui est fait en hâte ne saurait être

  8   bon." Toutefois, j'espère que je peux lancer un appel à la Chambre pour

  9   qu'elle prenne sa décision dès que possible.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Simic.

 11   M. K. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

 12   les Juges, je n'ai rien à ajouter, ni à demander. Nous avons dit tout ce

 13   que nous avions à dire. Cette partie de la procédure n'a pas d'incidence

 14   pour M. Prcac, mais cela a une incidence pour l'ensemble d'entre nous.

 15   Comme mon confrère, Me Fila, a dit, nous avons appelé l'attention sur un

 16   certain nombre d'omissions de formes dans le procès en première instance

 17   proprement dit. Si ces erreurs étaient reconnues, la décision devrait être

 18   modifiée; sinon, la base factuelle de ce jugement n'a pas été établie ou a

 19   été établie de façon erronée, et n'est pas conforme aux critères

 20   applicables, à savoir que la culpabilité doit être établie au-delà de tout

 21   doute raisonnable. On ne saurait dire que ce critère ne s'applique pas dans

 22   cette affaire.

 23   Je vous remercie beaucoup.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie. Nous sommes

 25   très reconnaissants de l'aide que nous avons eue du barreau, des différents


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  1   conseils. Je voudrais également dire un mot en ce qui concerne la planche

  2   de photo en couleur.

  3   Vous pouvez être bien sûr que les membres de la Chambre l'examineront avec

  4   le plus grand soin, cette planche de photo en couleur. Nous remercions

  5   également l'Accusation de l'avoir fournie dans un aussi bref délai.

  6   Je dois dire maintenant que nous réservons notre décision et nous rendrons

  7   notre arrêt dès que possible. Dans l'intervalle, je tiens à dire ceci, à

  8   savoir que nous allons maintenant lever la séance. Dans cinq minutes, notre

  9   collègue, Mme le Juge Weinberg de Roca, reviendra pour la Conférence de

 10   mise en état qui doit avoir lieu. Je crois qu'il en est question dans les

 11   documents du dossier. Mme le Juge Weinberg de Roca va s'occuper, pendant un

 12   certain temps, des Conférences de mise en état.

 13   Dans l'intervalle, je lève la séance. Je vous remercie en précisant qu'un

 14   arrêt sera rendu au cours de l'automne. Je vous remercie.

 15   --- L'audience en appel est levée à 12 heures 26, suivie par une Conférence

 16   de mise en état.

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