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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-98-30-PT
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi 9 Mars 1999
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5 L'audience est ouverte à 10 heures.
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7 Mme Ameerali (interprétation). - Il s'agit de l’affaire IT-98-30-
8 PT, le Procureur contre Miroslav Kvocka, Milojica Kos, Mlado Mladen Radic
9 et Zoran Zigic.
10 M. le Président (interprétation). - Les parties peuvent-elles se
11 présenter ?
12 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges. Je
13 m'appelle Grant Niemann. Je suis présent à l'audience aujourd'hui avec
14 Maître Keegan et Mme Waidyaratne, ainsi que Mme Reynders Patricia le
15 substitut d'audience. J'espère que ceci ne présente aucun inconvénient si
16 nous nous sommes présentés de la façon suivante.
17 M. Simic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je
18 suis Krstan Simic et je représente la défense de M. Miroslav Kvocka.
19 M. Nikolic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je
20 suis Zarko Nikolic et je représente la défense de M. Milojica Kos ; Mme
21 Jankovic comparait avec moi, dans mon équipe.
22 M. Fila (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je
23 suis Toma Fila et avec Maître Petrovic, je représente la défense de
24 M. Mladen Radic.
25 M. Tosic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les
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1 Juges. Je suis Simo Tosic et je représente M. Zoran Zigic. A ma droite, se
2 trouve Mme Jelena Lopicic de Belgrade qui est mon conseiller juridique.
3 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je me tourne
4 vers les accusés. Je veux m'assurer qu'ils nous entendent parfaitement et
5 qu'ils nous comprennent dans une langue qu'ils peuvent vraiment comprendre.
6 Vous ne nous entendez pas ? Est-ce que quelqu'un peut veiller à ce
7 que le canal approprié soit installé sur les appareils ? Il y a apparemment
8 quelques difficultés au niveau de l'interprétation. Vous entendez
9 désormais ? Chacun d'entre vous peut nous entendre ?
10 (Les accusés acquiessent.)
11 C'est Parfait.
12 Cette audience a pour objet d'étudier, d'examiner un certain
13 nombre de requêtes et d'exceptions préjudicielles. Il y a tout d'abord une
14 requête aux fins de modification du nom d'un accusé et en vu d'apporter
15 d'autres modifications d'ordre mineur à l'acte d'accusation, c'est cela que
16 nous prendrons en premier lieu. Il s'agit-là d'une requête déposée par le
17 Bureau du Procureur et elle a trait à M. Radic.
18 Je crois comprendre qu'il n'y a pas d'objection soulevée par la
19 défense à cette requête de l'accusation.
20 Mais il y a un problème : toute requête relative à l'acte
21 d'accusation, une modification de ce dernier à ce stade de la procédure,
22 c'est-à-dire avant le début de la présentation des éléments de preuve, doit
23 être gérée par le Juge de confirmation. C'est lui qui doit s'en charger et
24 c'est à lui, ou à elle bien sûr, que le Procureur doit adresser de telles
25 requêtes.
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1 Ce que nous avons à l'esprit c'est que cette requête doit être
2 adressée ou tout du moins qu'une partie du compte rendu de cette audience
3 doit l'accompagner afin d'apporter confirmation qu'il n'y a pas
4 d'objection.
5 Maître Fila, est-ce bien le cas ? Il n'y a pas d'opposition,
6 d'objection de la part de la défense ?
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8 M. Fila (interprétation). - Vous avez absolument raison, Monsieur
9 le Président.
10 M. le Président (interprétation). - Merci.
11 Puis, il y a une série de requêtes qui portent sur la forme de
12 l'acte d'accusation modifié, la question de la compétence.
13 Ne serait-il pas opportun de se saisir d'abord de ces requêtes ?
14 Nous pourrions d'abord entendre la défense qui serait suivie de
15 l'accusation, laquelle abordera l'ensemble des requêtes mais à un stade
16 ultérieur.
17 Je fait appel à la défense. Est-ce que nous pouvons reprendre
18 l'ordre dans lequel les accusés sont cités dans l'acte d'accusation ? Ce
19 serait peut-être plus commode.
20 Monsieur Simic, auriez-vous l'obligeance de commencer ?
21 M. Simic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
22 La défense de M. Simic a soumis un document par écrit vu qu'une
23 bonne partie de ce document traite de la même sorte de questions traitées
24 par Me Fila dans son document concernant la compétence de ce Tribunal en
25 vertu de l'article 3-1 du Statut du Tribunal.
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1 Moi-même, je ne vais pas me pencher sur ces questions-là puisque
2 je vais laisser la parole à Me Fila étant donné que nous avons pratiquement
3 le même point de vue sur ce sujet. C'est pour cela que je vais me limiter à
4 la partie concernant les vices de forme de l'acte d'accusation.
5 Comme nous l'avons souligné, l'acte d'accusation contient de
6 nombreux vices de forme et je vais m'attarder uniquement sur ceux que je
7 considère comme les plus importants.
8 Tout d'abord, je soutiens et je maintiens toutes les objections
9 formulées par écrit dans notre requête, mais je dois dire que dans l'acte
10 d'accusation modifié, qui a été confirmé, on mentionne pour la première
11 fois la responsabilité de mon client en vertu de l'article 7-1 du Statut du
12 Tribunal.
13 Etant donné que l'article 7-1 du Statut du Tribunal concerne la
14 responsabilité
15
16 individuelle qui implique le fait de planifier et d'encourager les actes
17 criminels, nous considérons que cet acte d'accusation modifié ne contient
18 pas suffisamment d'informations permettant à la défense de se préparer.
19 Nous sommes conscients qu'un grand nombre de décisions adoptées
20 par ce Tribunal, selon lesquelles il est nécessaire qu'un minimum
21 d'informations figurent dans l'acte d'accusation permettant à l'accusé de
22 connaître quels sont les faits qui lui sont reprochés.
23 Ici, nous n'avons même pas ce minimum. Il n'est même pas mentionné
24 que M. Kvocka a jamais donné l'ordre, ou bien participé à la planification,
25 ou bien encouragé et incité de quelque manière que ce soit, ni même que
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1 M. Kvocka a assisté à un seul incident qui pourrait constituer une
2 violation grave de la loi humanitaire internationale. Et il est évident
3 qu'il nous est absolument impossible de préparer la défense dans ce
4 contexte-là. Dans ce cas-là, nous considérons qu'il est impossible
5 d'adopter les accusations contre M. Kvocka en vertu de l'article 7-1 du
6 Statut du Tribunal.
7 La situation est pratiquement la même en ce qui concerne
8 l'article 3-7-3 du Statut du Tribunal qui concerne les supérieurs
9 hiérarchiques.
10 Toutes les objections que j'ai déjà exposées peuvent se référer en
11 grande partie aux chefs d'accusation n° 17 de l'acte d'accusation
12 concernant cette responsabilité, responsabilité de supérieur hiérarchique.
13 Selon la défense, ici l'on parle de la responsabilité des
14 personnes subordonnées. Mais ces personnes subordonnées ont des noms et des
15 prénoms ; ce sont des personnes qui ont été des employés dans la police
16 d'Omarska, qui faisaient partie de Prijedor et qui étaient chargées de la
17 sécurité.
18 Pour établir la responsabilité du supérieur hiérarchique, à mon
19 avis, le Procureur aurait dû donner les faits montrant qui était le
20 supérieur qui a fait un certain acte criminel.
21 C'est pour cela que je considère que tous les faits qui
22 constituent la base de l'acte
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24 d'accusation ont été établis de manière assez arbitraire. Ce qui rend
25 impossible, pratiquement impossible, à la défense de se préparer et de
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1 préparer les preuves allant à l'encontre de l'acte d'accusation.
2 Je ne veux pas dire par là que nous ne sommes pas prêts pour le
3 procès, mais nous considérons qu'un tel genre d'acte d'accusation n'est pas
4 favorable pour le déroulement efficace et rapide -et aussi équitable- de ce
5 procès.
6 L'acte d'accusation contient également certaines contradictions.
7 L'on mentionne dans chaque chef d'accusation que M. Kvocka a été à Omarska
8 entre à peu près le 26 mai et le 30 août 1992. Mais dans le chef
9 d'accusation 25, il est stipulé qu'il y a été entre le 26 mai et le
10 26 juillet et le 15 juillet.
11 Ceci constitue une contradiction puisque la défense ne sait pas si
12 la période concernée est celle entre le 26 mai et le 30 août, ou bien entre
13 le 26 mai et le 15 juillet. En tout cas, selon nos informations, M. Kvocka
14 a passé moins d'un mois à Omarska et à partie du 1er juillet, il a déjà été
15 ailleurs -c'est absolument sûr- à cause d'une autre mission.
16 Il s'agit des périodes absolument différentes, les périodes
17 pendant lesquelles M. Kvocka a été à Omarska et les périodes pendant
18 lesquelles des actes criminels graves ont été commis. Il faut établir avec
19 précision à quelle période M. Kvocka était à Omarska.
20 De plus, l'on mentionne assez souvent des personnes inconnues, des
21 auteurs inconnus. Il est mentionné assez souvent que M. Kvocka a été
22 supérieur hiérarchique puis, que Kos et Radic étaient des supérieurs
23 hiérarchiques eux aussi ; ce qui n'est pas vrai et ce qui sera prouvé.
24 Mais ce qui est incontestable, c'est qu'ils n'ont pas été des
25 supérieurs hiérarchiques à un même moment et nous considérons que le
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1 Procureur aurait dû établir avec un minimum d'exactitude les périodes
2 concernant les accusés respectifs. Selon les faits qui ont constitué la
3 base de l'acte d'accusation, le Procureur aurait dû établir une sorte
4 d'agenda journalier de M. Kvocka, étant donné que le Procureur sait que,
5 durant la même période, M. Kvocka accomplissait des tâches dans la police
6 d'Omarska.
7 Toutes ces précisions impliquent le besoin pour la défense de
8 perdre beaucoup plus de moyens et de temps pour arriver à des résultats qui
9 auraient dû être accessibles de manière beaucoup plus efficace.
10 Je ne vais pas maintenant parler longtemps de l'accumulation de la
11 responsabilité en vertu de l'article 7-1 et 7-3 du Statut du Tribunal étant
12 donné que je considère que Maître Fila parlera beaucoup plus de ceci, mais
13 je veux faire une petite digression maintenant.
14 Si l'on prend le cas de l'affaire le Procureur contre
15 M. Furundzija, le Procureur a déployé beaucoup d'effort et d'énergie pour
16 prouver que M. Furundzija était dans la pièce où un témoin a subi un
17 mauvais traitement.
18 Si l'on part de cet élément, nous pouvons dire que l'acte
19 d'accusation est complètement imprécis, étant donné que nous ne savons à
20 aucun moment, lorsqu'une qu'une violation grave de loi internationale
21 humanitaire a été commise, nous ne savons jamais où M. Kvocka se trouvait à
22 ce moment-là.
23 C'est pour cela que nous considérons qu'il faudrait demander au
24 Procureur de préciser beaucoup plus cet acte d'accusation, notamment en ce
25 qui concerne M. Kvocka et nous considérons que cet élément serait essentiel
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1 pour sa défense. Je vous remercie.
2 M. le Président (interprétation). - Merci.
3 Maître Nikolic, vous avez la parole,.
4 M. Nikolic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, la
5 défense de M. Kos a soumis une exception préjudicielle concernant l'acte
6 d'accusation modifié qui contient deux parties. D'abord concernant la
7 partie générale de l'acte d'accusation, ensuite la partie concernant les
8 chefs d'accusation concrets. Je souhaite parler uniquement de cette partie
9 concrète, de notre exception préjudicielle, étant donné que cette partie
10 est cruciale selon moi.
11 Dans sa réponse à l'exception préjudicielle, le Procureur a dit
12 que l'acte d'accusation doit être concis, mais c'est justement cela notre
13 objection, c'est que cet acte d'accusation, là, n'est pas concis. Nous
14 avons une période qui est trop vaste et qui couvre pratiquement toute la
15 période de fonctionnement d'Omarska entre le 26 mai et le 30 août.
16 Par exemple, chef d'accusation 45, l'on mentionne les meurtres
17 commis par Kvocka, Radic et Kos, mais ces incidents concernant ces
18 victimes-là ont déjà été précisés de manière très concrète dans
19 l'affaire Tadic. Donc la défense ne peut pas comprendre pourquoi, dans le
20 cas de ces accusés-là aussi, on n'a pas été capable de préciser de la même
21 manière ces mêmes événements concernant ces mêmes victimes, de la même
22 manière dont cela a été fait dans l'affaire Tadic. Ceci concerne ce chef
23 d'accusation là et aussi les chefs d'accusation concernant les mauvais
24 traitements.
25 Un autre point que nous souhaitons souligner c'est que, en ce qui
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1 concerne l'acte d'accusation, l'accusé Kos a été accusé uniquement en vertu
2 de l'article 7 3 du Statut. C'était dans le premier acte d'accusation, mais
3 selon l'acte d'accusation modifié il est accusé aussi en vertu de
4 l'article 7 1 du Statut du Tribunal.
5 Le Procureur, dans sa réponse, dit que les arguments de la défense
6 ne sont pas bien placés et il donne un exemple, mais la défense considère
7 que cet exemple-là est complètement abstrait. Peut-être une telle situation
8 pourrait exister dans la réalité, cependant le Procureur n'a pas dévoilé
9 une seule preuve selon laquelle un tel exemple s'imposerait.
10 C'est pourquoi la défense souhaite se référer à la décision, à la
11 sentence dans l'affaire le Procureur contre Furundzija paragraphe 8, où il
12 est stipulé que : "Le Procureur doit soumettre un document précisant la
13 manière dont l'accusé aurait violé l'article 7 1 du Statut". Le Procureur a
14 obéi à cette décision et nous demandons maintenant que la même demande soit
15 faite au Tribunal, au Procureur dans cette affaire-là pour que le Procureur
16 précise la responsabilité de l'accusé en vertu de l'article 7 1 du Statut
17 du Tribunal. C'est tout ce que j'ai
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19 voulu dire pour le moment. Merci.
20 M. le Président (interprétation). - La défense de M. Radic, au nom
21 des autres conseils de la défense aussi, a examiné l'article 72 (A) en ce
22 qui concerne l'exception d'incompétence, l'exception fondée sur, en guise
23 de forme, l'acte d'accusation.
24 M. Fila (interprétation). - La défense est encouragée par l'idée
25 de Me Niemann exprimée lors de l'affaire Dokvanovic disant qu'il fallait
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1 débattre de tout cela avant le début du procès pour atteindre un procès
2 plus efficace et plus rapide.
3 La défense a expliqué en détail la raison pour laquelle elle
4 considère que les Nations Unies, et plus précisément le Conseil de
5 Sécurité, n'avait pas l'intention de placer l'article 3 commun des
6 Conventions de Genève sur la compétence de ce Tribunal. C'était la première
7 question que j'ai traitée.
8 Deuxièmement, la question était de savoir si, même si ceci n'a pas
9 été l'intention du Conseil de Sécurité, l'article 3 commun a quand même été
10 intégré dans la loi humanitaire internationale. J'ai donné l'exemple du
11 Tribunal pour le Rwanda où, au bout de 18 mois, l'article 3 commun a été
12 intégré, puis j'ai mentionné également le rapport du Secrétaire Général de
13 la Commission Bassiouni qui a indiqué que l'article 3 commun n'était pas
14 prévu pour être intégré dans la compétence de ce Tribunal. Je ne vais pas
15 m'étendre là-dessus étant donné que nous avons écrit tout cela et le
16 Procureur a répondu en détail.
17 Donc je n'ai pas grand-chose à ajouter, mais je demanderai, à
18 vous, Messieurs les Juges, d'examiner sérieusement les points soulevés dans
19 ma requête étant donné que votre décision constituera la base de cet arrêt
20 décisif.
21 Je considère que la décision prise dans le procès Tadic ne
22 s'impose pas nécessairement dans le cas précis étant donné que le contexte
23 n'est pas absolument le même et aussi étant donné que, dans la loi
24 internationale, le principe de cet arrêt décisif n'est pas nécessairement
25 tenu. La défense s'est penchée également sur l'article 1 du Statut. Nous
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1
2 considérons encore une fois que ce Tribunal éminent ne peut pas se pencher
3 sur toutes sortes de procès et d'affaires, et c'est bien la raison pour
4 laquelle il a été stipulé que la compétence de ce Tribunal porte sur les
5 extractions graves aux Conventions de Genève, je mets l'accent sur le mot
6 grave.
7 Pour ce qui est de l'incident concernant le Témoin F, ceci ne peut
8 absolument pas, même si c'était vrai, constituer une infraction grave aux
9 Conventions de Genève et ceci serait en-dessous de la compétence de ce
10 Tribunal. Un jour, des tribunaux nationaux en Bosnie-Herzégovine,
11 lorsqu'ils seront constitués, se pencheront sur ce genre d'affaire.
12 Ensuite, la défense s'est penchée sur les vices de forme de l'acte
13 d'accusation. J'ai écrit tout ce que j'ai souhaité souligner à ce propos et
14 j'ai mentionné trois décisions que je souhaite maintenant citer, et je
15 terminerai ainsi.
16 L'une des décisions, c'est la décision dans l'affaire Dusko Tadic
17 du 14 novembre 1993 concernant les vices de forme.
18 Encore une fois, la décision qui constitue la réponse à
19 l'objection de la défense dans l'affaire Blaskic, et la troisième décision
20 est la plus récente concernant M. Krnojelac. Cette décision est très
21 récente et c'est la raison pour laquelle nous n'en avons pas parlé
22 auparavant. Il s'agit de la défense du 24 février 1999 demandant au
23 Procureur de préciser les événements mentionnés dans l'acte d'accusation.
24 La dernière chose que je souhaite dire maintenant, c'est que les
25 descriptions trop générales faites par le Procureur soulèvent des
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1 collusions, des contradictions. Par exemple dans l'introduction, il est dit
2 que Radic était responsable des événements qui se sont déroulés dans le
3 camp au moment où Kvocka, Meakic , Kos n'étaient pas présents, mais il
4 n'est pas stipulé quels sont les moments où il était sur place et où les
5 autres n'étaient pas là.
6 Le Procureur, avec tous les enquêteurs dont il dispose, pourrait
7 certainement envoyer ces gens-là au poste de police dont les registres
8 existent étant donné qu'au moins dans
9
10 l'ex-Yougoslavie nous avions ce genre de registre. Mais peut-être n'est-ce
11 pas dans l'intérêt du Procureur de montrer un tel document, un tel registre
12 où des événements stipulés dans l'acte d'accusation se sont produits sans
13 la présence d'enquêteurs et de responsables. Nous avons besoin de ce genre
14 de précision. Merci.
15 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Maître Fila.
16 M. Tosic (interprétation). - Monsieur le Président, le conseil de
17 la défense de M. Zoran Zigic voudrait une fois encore préciser que nous
18 partageons entièrement tous les arguments que nous maintenons, tous les
19 arguments que nous avons avancés dans le cadre de notre première exception
20 préjudicielle et nous partageons également tous ceux avancés par notre
21 collègue quant aux vices de forme présents dans l'acte d'accusation
22 modifié.
23 Il faut préciser dans quels lieux précisément les crimes reprochés
24 aux accusés ont été commis et sur ce point précis nous partageons
25 entièrement les arguments avancés par Me Fila.
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1 Dans notre exception préjudicielle, nous demandons également à ce
2 qu'il y ait disjonction des responsabilités des accusés dans l'acte
3 d'accusation.
4 Un changement est intervenu dans le Règlement de procédure et de
5 preuve, notamment, une modification dans l'article 80-2 (B). La personne
6 que je représente ne peut être tenue comme responsable, en tant que
7 responsable et supérieur hiérarchique. Or, c'est dans ce sens que j'affirme
8 qu'il n'est pas efficace de réunir tous les accusés dans le cadre d'un seul
9 procès.
10 Je me permets d'invoquer l'article 94 (B). D'après ce que dit cet
11 article, j'ai l'impression qu'il pourrait y avoir conflit d'intérêt entre
12 les divers accusés. Cela pourrait porter préjudice aux droits de l'accusé.
13 J'avance tous ces arguments parce que je tiens à ce que le procès soit
14 rapide et efficace pour chacun des accusés.
15 Pour ce qui est de la proposition que je suis en train de faire,
16 je crois que de toute façon la Chambre de première instance devrait à
17 nouveau se pencher attentivement sur le problème car tous les éléments
18 tendent à montrer que l'accusé, dont j'assure la défense, n'a rien à voir
19 avec des problèmes de responsabilité du supérieur hiérarchique. Il faut lui
20 assurer un procès rapide et équitable et donc je demande une disjonction
21 d'instance.
22 Voilà ce que j'avais à dire. Merci, Monsieur le Président,
23 Messieurs les Juges.
24 M. le Président (interprétation). - Eh bien, je vous remercie,
25 Maître Tosic.
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1 Maître Keegan, je vous cède la parole.
2 M. Keegan (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le
3 Président.
4 Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je vais
5 tâcher de ne pas répéter tout ce qui a déjà été avancé dans les écritures
6 de l'accusation.
7 Je voudrais simplement aborder un certain nombre de points d'ordre
8 général, revenir sur les arguments avancés ce matin et bien évidemment je
9 suis à votre disposition pour toute question que vous souhaiteriez poser
10 sur les différents documents qui ont été déposés.
11 Pour ce qui est tout d'abord de la question de l'exception de la
12 compétence, nous n'avions abordé ce point que très brièvement ce matin,
13 nous maintenons ce que nous avons dit, rien de nouveau n'a été ajouté ce
14 matin, il me semble. D'après nous, les points les plus importants sont les
15 suivants : tout d'abord, bien évidemment, c'est la notion de l'autorité du
16 précédent qui doit s'appliquer ici, c'est le principe de cet arrêt décisif
17 qui doit prévaloir ici dans le cadre de ce Tribunal car c'est cet outil qui
18 permettra au Tribunal de fonctionner de façon efficace. La notion de
19 l'autorité du précédent a déjà été utilisée, a déjà était prise comme outil
20 juridique dans le cadre de la décision de Krnojelac et je vous renvoie au
21 paragraphe 5 de ladite décision.
22 Pour ce qui est de ce qui a été dit par Me Fila dans ses mémoires,
23 comme nous l'avons dit dans notre réponse à sa requête, les affirmations
24 faites par les accusés, dans cette affaire, sont des affirmations qui ont
25 déjà fait l'objet de décisions, décisions rendues notamment par la Chambre
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1 d'appel de ce Tribunal qui s'est prononcée sur cette question très précise.
2 Ces arguments présentent peut-être des différences très mineures mais, au
3 fond, il s'agit bien de la même question. Nous pensons que le Tribunal et
4 cette Chambre devrait maintenir l'arrêt qui a déjà été rendu par la Chambre
5 d'appel.
6 Pour ce qui est maintenant de la forme de l'acte d'accusation,
7 nous souhaitons très respectueusement dire que lorsque l’on se penche sur
8 le degré de détails qui doit être avancé dans le cadre d'une affaire, il
9 est important notamment d'apporter des précisions de contexte. Sur la
10 nature d'un acte d'accusation, pour ce qui est de l'auteur d'un crime, il
11 est important que les détails soient apportés, notamment si l'accusé se
12 voit reprocher un certain nombre de crimes.
13 Selon le point de vue que l'on adopte, la façon de plaider
14 l'affaire change également.
15 Nous partageons tout à fait ce qui a été dit dans l'affaire
16 Krnojelac et la citation qui apparaît au paragraphe 14 de cette décision.
17 Dans le cadre de ce paragraphe, on cite une affaire pour laquelle le
18 Tribunal saisi de l'affaire avait déclaré je cite : " L'accusé se verra
19 signifier les grandes lignes des crimes qui lui sont reprochés, se verra
20 signifier les faits qui lui permettront de préparer sa défense. Il doit
21 recevoir des informations suffisantes pour lui permettre d'assister à un
22 procès équitable et afin de se prémunir contre tous types de surprise de
23 dernier instant ".
24 Le critère qui est établi par le Statut du Tribunal et par le
25 Règlement de procédure et de preuve est le suivant : il faut apporter une
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1 définition concise des faits. Il faut que cette description soit précise,
2 mais elle ne doit pas être entièrement détaillée. Elle ne doit pas
3 comporter tous les détails. En tout cas, pas tous ceux qui sont réclamés
4 par les accusé dans les requêtes qui sont à présent sous vos yeux,
5 Messieurs les Juges.
6 Si nous donnions aux accusés les détails qu’ils cherchent à
7 obtenir, alors on n'en aurait pas du tout une présentation concise des
8 faits ; on aurait quelque chose de beaucoup plus étendue.
9 Les accusés se sont-ils vu signifier les grandes lignes des actes
10 criminels pour lesquels ils sont en instance de procès ? Dans le cadre de
11 l'affaire Krnojelac, il est précisé qu'il
12
13 faut citer quels sont les actes particuliers qui permettent d'établir le
14 comportement de celui-ci ou qui permet d'établir quelle est la part qu'il a
15 joué dans les actes qui lui sont reprochés. Dans quelles mesures ces actes
16 sont quelque chose qui peut être reproché à l'accusé, les actes pour
17 lesquels il est responsable.
18 Pour ce qui est de l’accusé Zigic, nous ne parlons pas de crimes
19 ponctuels et isolés, nous parlons d'une série d'actes criminels commis par
20 six accusés ou sous leurs ordres. Et nous nous trouvons, ici, dans une
21 situation qui n'est pas semblable à celles qui, d'après les conseils de la
22 défense, ont été entendues.
23 Je pense notamment à l'affaire Furundzija. Cette affaire était
24 assez différente. Nous pensons également à l’affaire Tadic. Dans le cadre
25 de cette affaire, on reprochait des actes très précis à M. Tadic. Et dans
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1 le cadre de ces affaires, les décisions prises par les Chambres en matière
2 de vice de forme de l'acte d'accusation reflétaient des critères
3 différents.
4 Nous pensons que ces critères sont reflétés également dans l'acte
5 d'accusation qui nous intéresse ici, lorsque l’on essaie de voir quelles
6 sont les allégations qui sont faites, notamment en matière de
7 responsabilité criminelle, responsabilité criminelle des accusés, en vertu
8 de leurs positions en tant que supérieurs hiérarchiques, responsabilité qui
9 vient s'ajouter à la responsabilité individuelle qui est la leur.
10 Monsieur Zigic, lui, est accusé d'un certain nombre de crimes
11 extrêmement précis qui viennent s’ajouter à un chef d’accusation plus
12 général de persécutions. Pour ce qui est de ce chef d'accusation de
13 persécution, les arguments avancés sont les mêmes que pour les autres trois
14 accusés.
15 Donc nous pensons que, pour ce qui est des victimes, des dates et
16 des lieux allégués, les mêmes critères s'appliquent à tous les accusés. Et
17 nous pensons que les arguments avancés par l'accusation satisfont les
18 critères qui sont retenus à la fois par le Statut et par le Règlement de
19 procédure et de preuve de ce Tribunal.
20 Par exemple, pour ce qui est du cas de M. Kvocka il a été affirmé
21 par la défense que les allégations sont trop floues, et pourtant l'accusé a
22 fait un plaidoyer de non-culpabilité et a déclaré qu'il était prêt à
23 commencer le procès. C'est tout à fait contradictoire.
24 M. le Président (interprétation). – Monsieur Keegan, non je ne
25 retiendrais pas cet argument si j'étais vous. Les accusés se sont prononcés
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1 en fonction des documents qu'ils avaient entre leurs mains et en fonction
2 des éléments dont ils avaient connaissance. Ils ont dit qu'ils étaient
3 prêts à commencer leur procès.
4 Même si vous avez raison quant à la nature des plaidoyers qui
5 doivent être introduits dans le cadre de ce Tribunal, même si vous avez
6 raison lorsque vous dites qu’il n'est pas nécessaire d’apporter un certain
7 nombre de détails, même si vous avez raison sur ce point, il arrivera un
8 moment où l'accusation sera dans l'obligation, pour chaque accusé, de
9 démontrer que ledit accusé est bien coupable des crimes qui lui sont
10 reproché.
11 Il faut que l'accusation nous démontre pourquoi par ces faits ou
12 par ces paroles l'accusé s'est rendu coupable des faits qui lui sont
13 reprochés. Vous avez raison quand à votre façon de décrire la façon dont
14 l'accusation arrivera à démontrer tout cela.
15 Mais, tout de même, il faudra qu’à un moment donné la Chambre de
16 première instance comprenne bien, et il faudra que les accusés eux-mêmes
17 comprennent bien, comment vous en arrivez à alléguer que chacun des accusés
18 a commis les crimes qui sont retenus dans l'acte d'accusation. Je ne mets
19 pas en doute votre expérience. Je sais bien que vous avez tous ces éléments
20 à l'esprit.
21 M. Keegan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
22 Permettez-moi de vous répondre, si je le puis.
23 Nous devons, vous l'avez dit, démontrer très clairement aux
24 accusés et à la Chambre de première instance quels sont les fondements de
25 la responsabilité des différents accusés. Je me réfère encore à des
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1 décisions déjà rendues -notamment je me réfère à la décision rendue dans
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3 l'affaire Krnojolaz. Dans toutes ces décisions, dans toutes ces affaires,
4 il apparaît qu'il y a un équilibre à atteindre entre la façon dont l’acte
5 d'accusation est présenté et la teneur des documents à l'appui de l'acte
6 d'accusation. Les décisions dans ces affaires indiquent très clairement que
7 les actes à l'appui de l'acte d'accusation ne peuvent pas venir le
8 remplacer, ne peuvent pas venir pallier aux défauts de l'acte d'accusation.
9 L'acte d'accusation doit se tenir, doit être suffisamment solide en lui-
10 même. Les documents à l'appui ne doivent que le compléter.
11 Mais, au yeux des accusés, la question est de savoir si l'acte
12 d'accusation satisfait aux critères du Statut et du Règlement de procédure
13 et de preuve qui, à leur tour, reflètent ce qui est dit dans la Convention
14 internationale sur les droits politiques.
15 Maintenant, pour ce qui est de la capacité des accusé à préparer
16 leur ligne de défense, il faut, là, non pas seulement regarder l'acte
17 d'accusation, mais il faut également se pencher sur les documents venant à
18 l'appui de cet acte d'accusation. Ceci apparaît très clairement dans les
19 décisions qui ont été précédemment rendues par le Tribunal.
20 Pour ce qui est maintenant du moment qui doit être choisi pour
21 rendre tout cela clair aux Chambres de première instance et aux accusés,
22 nous pensons que ceci doit être fait dans le cadre des écritures qui
23 interviennent au stade préalable au début du procès, les écritures qui sont
24 déposées entre les mains de la Chambre de première instance. Ces écritures
25 permettent de fournir à la Chambre de première instance un certain nombre
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1 de détails sur l'affaire.
2 Et, dans le cadre de ces écritures, l'accusation indique qu'elles
3 sont les faits sur lesquels elle compte s'appuyer. En fait ces documents
4 permettent de donner à la Chambre de première instance une première idée de
5 la stratégie qui sera suivie.
6 Ensuite il y a les déclarations liminaires qui permettent une
7 deuxième façon d'informer la Chambre de première instance quant à la façon
8 qui sera choisie par l'accusation de plaider son affaire.
9 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi de vous
10 interrompre. Vous faites référence aux détails qui nous sont communiqués
11 dans le cadre des mémoires préalables au début du procès.
12 Nous avons fait référence ce matin à cette question des détails,
13 c'est une chose. Mais si je ne m'abuse aux Etats-Unis on parle de cette
14 étape comme étant l'étape consacrée à la théorie. Je ne connais pas très
15 bien cette notion mais je crois comprendre ce qu'elle recouvre.
16 Nous, nous parlerions de la phase de l'accusation. Comment
17 l'accusation se propose-t-elle de démontrer qu'effectivement l'accusé est
18 coupable des faits qui lui sont reprochés ? C'est ce qui intéresse la
19 Chambre de première instance. Les accusé ont le droit de savoir comment
20 l'accusation souhaite démontrer qu'ils sont coupables. Ceci doit être clair
21 aux yeux de tous dès le début du procès.
22 Bien évidemment dans le cadre du déroulement de la procédure au
23 fur et à mesure que les éléments de preuve sont apportés, l'accusation
24 souhaitera peut-être modifier quelque peu son point de vue parce que,
25 n'est-ce pas, vous pourrez choisir de modifier la stratégie que vous aviez
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1 adoptée au départ.
2 Mais, de toute façon, dès le départ, les accusés et les membres de
3 la Chambre de première instance doivent savoir sur quelles bases
4 l'accusation s'appuie pour déclarer que les accusé sont coupable des faits
5 qui leur reprochés.
6 M. Keegan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, mais
7 prenons l'exemple de l'acte d'accusation qui nous intéresse.
8 Voyons ce qui différencie cet acte d'accusation et l'acte
9 d'accusation dans l'affaire Krnojelac. Dans sa décision, la Chambre de
10 première instance chargée de l'affaire Krnojelac indique qu'il y a dans
11 l'acte d'accusation des informations qui sont pertinentes dans le cadre des
12 actes qui sont reprochés aux accusés, mais que cette information n'était
13 qu'une information d'ordre général et qu'elle ne se penchait pas de façon
14 suffisamment précise sur les chefs
15
16 d'accusation.
17 Mais dans notre cas précis, dans le cadre de cette affaire, nous
18 avons très spécifiquement énoncé dans le paragraphe de l'acte d'accusation
19 consacré au contexte, nous avons précisément incorporé les détails qui sont
20 relatifs aux chefs d'accusation pour chacun des accusé. Ce paragraphe de
21 contexte, d'après nous, fournit un fondement suffisamment solide pour
22 établir les chefs d'accusation qui sont reprochées.
23 Je pense notamment aux chefs d'accusation relatif à l'article 5 du
24 Statut et également d'une certaine façon des chefs d'accusation relatifs à
25 l'article 3 du Satut. Cette section de l'acte d'accusation relative au
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1 contexte général, lorsqu'on la lit en parallèle avec les paragraphes
2 relatifs à la responsabilité du supérieur hiérarchique, font apparaître le
3 contexte dans lesquels les crimes allégués ont été commis. Et je crois que
4 si on lit à la fois ce paragraphe sur le contexte et les chefs
5 d'accusation, on obtient quelque chose d'extrêmement clair, et exactement
6 quelle est la théorie de l'accusation, et qu'elle est sa position, à savoir
7 que ces accusés, pour ce qui est du chef d'accusation, ont tous participé à
8 une attaque systématique et généralisée visant la population civile qui se
9 trouvait dans la municipalité de Prijedor.
10 Nous affirmons que ces accusés ont joué un rôle tout à fait
11 particulier dans le cadre de la persécution de certaines personnes et dans
12 le cadre du fonctionnement des camps.
13 Et c'est la raison pour laquelle, pour ce qui est de certain des
14 arguments avancés par la défense, il ne peut être affirmé que les trois
15 accusés, qui se voient reproché la responsabilité du supérieur
16 hiérarchique, n'ont aucun lien avec les camps de Keraterm et de Trnopolje
17 parce qu'il est évitant que ces camps faisaient partie d'une campagne
18 généralisée de persécution, qu'Omarska était l'un des camps qui était
19 utilisé pour mener à bien cette campagne de persécution.
20 Quant au quatrième accusé, M. Zigic, son rôle dans le cadre de la
21 persécution est quelque peu différent dans la mesure où il était un outil
22 de la politique qui était mise en oeuvre
23
24 par opposition à la position de chefs qu'occupaient les autres accusés.
25 Les conseils de la défense des accusé ont relevé la question de
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1 l'autorité du supérieur hiérarchique et les conseils de la défense
2 indiquent que les dates de commission des crimes ne sont pas suffisamment
3 précises. Hors, nous, nous pensons que l'acte d'accusation est parfaitement
4 précis dans le cadre de cette question parce qu'en fait l'accusation
5 indique quelle est la période de fonctionnement du camp.
6 Dans ce cas précis, la période de fonctionnement est inférieure à
7 90 jours par opposition aux 16 mois de fonctionnement qui étaient retenus
8 dans l'affaire Krnojelac, donc l'objection relative au fait que les temps
9 de fonctionnement des camps ne sont pas suffisamment établis ne peut être
10 retenue.
11 Dire que les accusé Radic ou Kos n'avaient aucune autorité lorsque
12 l'accusé Kvoska ou lorsque le commandant du camp était présent est un
13 argument qui ne peut être retenu du point de vue juridique. Les accusés
14 occupaient un poste d'autorité de supérieur hiérarchique.
15 Donc les arguments de la défense du point de vue du droit ne sont
16 absolument pas fondés. Lorsqu'on lit l'intégralité de l'acte d'accusation,
17 on s'aperçoit que toutes les questions soulevées par la défense ont une
18 réponse et que cette réponse se trouve dans l'acte d'accusation puisque
19 tout est défini, et cela est définie pour chacun des chefs d'accusation
20 retenu.
21 Enfin il s'agit également de se pencher dans les documents à
22 l'appui de l'acte d'accusation. Dans ceux-ci, il est fait très précisément
23 référence à des crimes, à des dates qui n'apparaissent pas de façon aussi
24 précise dans l'acte d'accusation lui-même.
25 Pour ce qui est de l'accusé Zigic, dès lors que les crimes sont
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1 commis dans le camp d'Omarska ils concernent les trois accusés et si les
2 crimes commis l'ont été dans le camp de Trnopolje et de Keraterm, eh bien,
3 là encore, les trois accusés sont concernés puisque d'une façon ou d'une
4 autre les crimes commis reflètent de quelle façon la campagne de
5 persécution était menée.
6 Certains crimes tombent dans le cadre du chef d'accusation plus
7 général de persécution alors que d'autres visent plus précisément tel ou
8 tel accusé.
9 Je voudrais enfin répondre aux arguments avancés par Me Fila
10 relatifs à la situation du Témoin F. Monsieur Fila dit que ce cas ne peut
11 tomber dans le cadre de la compétence qui a été attribuée à ce Tribunal. Si
12 un accusé avait le droit d'établir des distinctions très précises entre
13 tous les actes qui lui sont reprochés peut-être que les arguments retenus
14 par M. Fila pourraient être avancés, mais l'argument devient tout à fait
15 infondé lorsque chaque acte est considéré dans une structure beaucoup plus
16 générale, dans un schéma de conduite criminelle. Ces différents actes sont
17 très représentatifs de la façon dont ce comportement était adopté.
18 C'est donc l'ensemble de ces crimes qui permet d'avancer le chef
19 d'accusation de persécution qui, lui, sans aucun doute, tombe dans le cadre
20 des violations graves du droit international humanitaire, droit
21 international humanitaire qui est directement de la compétence de ce
22 Tribunal. Je pense, par conséquent, que ce chef d'accusation particulier
23 dépend entièrement des compétences de cette Chambre de première instance.
24 M. le Président (interprétation). - Maître Keegan, vous faites
25 référence à l'affaire Krnojelac, mais si je me souviens bien cette affaire
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1 Krnojelac concernait également le fonctionnement d'un camp, n'est-ce pas ?
2 M. Keegan (interprétation). - Oui.
3 M. le Président (interprétation). - Pourtant, vous dites que la
4 différence qui existe entre cette affaire et celle qui nous occupe ici et
5 que, dans l'affaire Krnojelac, le camp avait un temps de fonctionnement
6 beaucoup plus long, un temps de 16 mois ?
7 M. Keegan (interprétation). - Oui, août 92 à avril 93.
8 Je suis revenu sur certains points de la décision qui a été rendue
9 dans l'affaire Krnojelac parce que la décision touchait à des questions qui
10 sont celles qui sont soulevées ici par la défense.
11 Je tiens à souligner que la Chambre de première instance, dans
12 l'affaire Krnojelac, a reconnu que le paragraphe relatif au contexte de
13 l'acte d'accusation répondait à certaines questions mais pas à toutes.
14 C'est bien la situation dans laquelle nous nous trouvons, Monsieur le
15 Président.
16 Vous vous apercevrez, à la lecture de l'acte d'accusation, que
17 tous les éléments nécessaires apparaissent. Si je ne m'abuse, c'est au
18 paragraphe 18 que vous trouverez l'indication selon laquelle les
19 paragraphes 1 à 17 de l'acte d'accusation sont réitérés et intégrés dans
20 chacun des chefs d'accusation ci-après.
21 Pour ce qui est maintenant de la période de temps concernée, nous
22 pensons qu'il y a une différence lorsque l'on parle d'une période de temps
23 qui est inférieure à 90 jours et lorsque l'on parle d'une période de temps
24 qui est équivalente à 16 ou 18 mois.
25 M. le Président (interprétation). - Bien. L'autre question sur
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1 laquelle je souhaitais revenir avec vous, Me Keegan est la suivante. En
2 fait, je souhaite revenir sur des points un peu plus précis qui ont été
3 abordés par les conseils de la défense.
4 Dans le cas de M. Simic, il parle de dates contradictoires
5 relatives aux faits reprochés à M. Kvocka lorsqu'il se trouvait dans le
6 camp. Puis, M. Fila, de son côté, a posé la question de savoir si vous
7 disposiez de la liste des équipes des gardes dans le camp. C’est un détail,
8 mais peut-être qu'il serait utile de le soulever puisque Me Fila dit que ce
9 détail pourrait avoir une importance considérable sur les allégations qui
10 sont faites.
11 M. Keegan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. La
12 distinction, la différence, qui apparaît dans les dates relatives à
13 M. Kvocka est liée à la différence qu'il y a entre le chef de persécution
14 de façon générale et les crimes spécifiques qui sont reprochés à l'accusé.
15 Les éléments de preuve, de façon générale, indiquent que M. Kvocka a quitté
16 le camp entre le 1er juillet et la mi-juillet. Cependant, nous disposons
17 d'informations qui nous montrent qu'il est revenu au camp à un stade
18 ultérieur et c'est sur la base de ces éléments de preuve que nous
19
20 avons fixé ces périodes de temps.
21 Il faudra, bien entendu, que les éléments de preuve, dans le cadre
22 du procès, indiquent que cela a bien été le cas. Si les éléments de preuve
23 indiquent que M. Kvocka est parti à la mi-juillet et qu'il n'est jamais
24 revenu, alors, effectivement, la question de sa responsabilité sera
25 reposée. Mais de toute façon, cette question est parfaitement pertinente.
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1 Ces éléments sont importants pour les conclusions qui pourraient être
2 rendues quant à sa responsabilité pénale.
3 Pour ce qui est maintenant de cette question des listes des
4 équipes de garde. Je pense que bien évidemment ces listes, si elles
5 existent, seraient des éléments de preuve particulièrement importants et
6 bien sûr que l'accusation souhaiterait en faire usage s'il lui arrivait de
7 les trouver. Mais c'est une question tout à fait différente de celle sur
8 laquelle nous nous sommes penchés jusqu'à présent, elle n'a rien à voir
9 avec la question de savoir si l'accusé a suffisamment d'informations à ce
10 stade de l'affaire pour commencer son procès. Cela n'a rien à voir avec
11 l'acte d'accusation.
12 M. le Président (interprétation). - Maître Keegan, oui j'accepte
13 tout à fait ce que vous êtes en train de dire mais, pour l'instant, d'après
14 ce que vous dites, je comprends que vous ne disposez pas de ces listes,
15 n'est-ce pas ?
16 M. Keegan (interprétation). - Nous n'en disposons pas, en tout
17 cas, pour autant que je le sache, nous n'en disposons pas. En revanche,
18 nous continuons l'examen de documents que nous arrivons à rassembler, nous
19 essayons de faire aussi vite que possible mais pour autant que nous le
20 sachions, et pour autant que nous ayons passé en revue tous les documents
21 dont nous disposons, nous n'avons pas eu l'occasion de lire ces listes.
22 D'après la défense, c'est le poste de police d'Omarska qui serait
23 susceptible de détenir ces documents. Nous ne nous sommes pas rendus dans
24 ce poste de police donc nous ne disposons pas de ces registres.
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1 Maintenant, si ces documents ont été effectués ou dressés dans le
2 poste de police de Prijedor, peut-être que nous serions susceptibles d'en
3 disposer, mais a priori, je ne le crois pas, en tout cas je ne suis pas au
4 courant.
5 La dernière chose que je voulais soulever, c'est l'argument avancé
6 par M. Fila, argument relatif à l'identification des auteurs des actes et
7 des victimes de ces actes, notamment dans le cadre de la responsabilité du
8 supérieur hiérarchique.
9 Dans l'affaire Krnojelac, la décision indique que si certains noms
10 ne sont pas connus, les catégories dans lesquelles tombent les auteurs et
11 les victimes des actes suffisent. Dans le cadre de l'affaire Krnojelac, il
12 était difficile de savoir quelles étaient les personnes qui étaient
13 concernées par l'autorité du supérieur hiérarchique. Est-ce que les auteurs
14 des actes étaient des gardes qui étaient placés sous le contrôle de
15 l'accusé ou pas ?
16 Ici, les éléments indiquent très clairement que les crimes ont été
17 commis soit par des gardes, soit par des personnes qui se rendaient dans le
18 camp et qui étaient autorisées à commettre des crimes, crimes qui étaient
19 commis sous le contrôle direct de différents accusés et il en va de même
20 pour les victimes.
21 Il est clair ici que les victimes sont toutes des personnes
22 musulmanes de Bosnie ou croates de Bosnie qui étaient retenues prisonnières
23 dans le camps ou dans les différents camps pour ce qui est de M. Zigic.
24 Nous pensons donc que nous satisfaisons aux critères de
25 spécificité qui sont requis et qui ont été requis par la Chambre de
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1 première instance de l'affaire Krnojelac.
2 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
3 M. Keegan (interprétation). - Pardon, il y avait également cette
4 question de la disjonction d'instance. Je ne sais pas si vous avez des
5 questions à poser sur ce point mais nous pensons que les arguments que nous
6 avons avancés jusqu'ici répondent à ce qui a été dit par les conseils de la
7 défense.
8
9 D'après nous, rien ne permet de justifier une demande de
10 disjonction d'instance.
11 Le conseil de la défense de M. Zigic a soulevé la question du
12 conflit d'intérêt qui est prévue dans l'article 82. Mais ici, nous ne
13 voyons pas dans quelle mesure il pourrait y avoir conflit d'intérêt. La
14 seule chose que nous pouvons dire, c'est que M. Zigic ne se voit reprocher
15 aucun crime au titre de l'article 7-3. La défense n'a avancé aucun des
16 arguments suffisants qui sont prévus à l'article 82 du Règlement.
17 Comme dans tout cas de disjonction d'instance, la question
18 principale qui se pose est la question du préjudice qui pourrait être porté
19 à l’accusé. Or, ici, il n'a pas été démontré dans quelle mesure les droits
20 de l'accusé pourraient être lésés. Il n'y a pas de conflit d'intérêt pour
21 ce qui est des chefs d'accusation qui sont retenus.
22 Je crois qu'un procès commun nous permettrait de répondre à notre
23 objectif principal qui est celui de préserver les intérêts de la justice et
24 celui de permettre aux accusés d'assister à un procès rapide et efficace.
25 C'est une jonction d'instance qui permettra d'aller dans le sens des
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1 intérêts de la justice et dans le sens des intérêts des accusés.
2 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Maître.
3 M. Keegan (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le
4 Président.
5 M. le Président (interprétation). - Je me tourne vers le banc de
6 la défense. Est-ce que quelqu'un souhaite répondre à ce qui a été dit par
7 l'accusation ? Eh bien, les conseils de la défense peuvent se prononcer
8 dans le même ordre que précédemment.
9 M. Simic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les
10 Juges, je souhaite me référer encore une fois à l'objection concernant la
11 compétence de ce Tribunal en vertu de l'article 3 commun des Conventions de
12 Genève.
13 Monsieur Keegan a dit que la défense n'a pas dit quoi que ce soit
14 de nouveau qui nous ouvrirait la possibilité de réexaminer, éventuellement,
15 une telle décision.
16 Je souhaite souligner -peut-être que je n'ai pas bien lu ni
17 compris- mais dans le rapport du Secrétaire général des Nations Unies, au
18 moment où les règles de procédures ont été adoptées, on parle de la base du
19 fonctionnement de l'article 3 du Statut. Il est stipulé que la base
20 juridique dans ce domaine, ce sont les Conventions de Genève, la quatrième
21 Convention de Genève.
22 Mais il est vrai aussi que, dans ce rapport, il est stipulé que
23 cette Convention de La Haye, et non pas de Genève, n'est pas en collusion,
24 n'est pas contradictoire aux Conventions de Genève.
25 Donc la manière dont j'ai interprété cela, c'est que le Secrétaire
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1 Général a souhaité se justifier en disant qui n'y a pas de contradiction
2 entre ces règles. Mais il a fait la distinction et il a clairement indiqué
3 que le fondement juridique de ces règles est lié aux conflits armés.
4 Je me suis dit que, peut-être, l'idée de celui qui a créé ces
5 règles était de régler ce domaine dans un espace limité qui se limite aux
6 conflits armés, et que cet article pouvait s'appliquer uniquement dans ce
7 contexte-là.
8 Ce qui est stipulé dans les paragraphes 41, 42 et 44 du Rapport du
9 Secrétaire Général me permet d'arriver à une telle conclusion.
10 C'est pour cela que je demande que l'on prenne en considération
11 certainement cet argument que nous avons avancé.
12 Maintenant je souhaite parler un peu plus de l'acte d'accusation
13 et des problèmes de l'imprécision de l'acte d'accusation. Monsieur Keegan
14 parle des quatre accusés qui ont travaillé, qui ont été impliqués de
15 manière active dans la persécution des non Serbes, dans une certaine
16 région. Il faut parler maintenant du statut de ces accusés.
17 Monsieur Kvocka est un simple policier avant la guerre, pendant la
18 guerre, après la guerre et encore aujourd'hui. Jusqu'au moment où il a été
19 privé de sa liberté, il a eu le statut du policier. Monsieur Kvocka est un
20 serveur, quelqu'un qui sert dans le restaurant et, pendant la
21
22 guerre, il a été mobilisé.
23 Aujourd'hui, nous entendons la thèse selon laquelle ils ont
24 participé à des persécutions planifiées et systématiques des non Serbes. Et
25 là, il s'agit de personnes qui ont respecté les lois de l'ex-Yougoslavie
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1 qui ont été, ensuite, adoptées par la Bosnie-Herzégovine.
2 Maintenant on parle du fait qu'ils font partie d'une
3 planification, d'un plan systématique qui concerne les camps d’Omarska et
4 tout un grand nombre d'autres camps de prisonniers.
5 C'est pour cela, après ce que Me Keegan a exposé, que nous
6 répondons, que maintenant nous insistons encore plus sur le fait que l'acte
7 d'accusation ne contient pas d'éléments qui pourraient placer nos accusés
8 dans ce contexte exprimé par le Procureur, à savoir le fait qu'ils ont
9 participé de manière planifiée et systématique à une persécution horrible ;
10 d'autant plus que Me Keegan dispose des documents concernant le camp
11 d’Omarska où il est stipulé que le camp est ouvert, que la police est
12 chargée de déployer les forces de sécurité. Est-ce que le fait de déployer
13 des forces de sécurité constitue le fait de participer à une persécution
14 systématique des non Serbes ?
15 C'est pour cette raison que nous considérons que le Procureur doit
16 adopter et apporter plus de précisions dans l'acte d'accusation.
17 Parlons de la responsabilité de supérieur hiérarchique : nous
18 considérons que là, encore une fois, il s’agit de la responsabilité
19 individuelle, c'est-à-dire le supérieur est responsable pour tel et tel
20 acte.
21 Nous ne pouvons pas dire que M. Kvocka est responsable pour tout
22 ce qui s'est passé dans la région de Prijedor, qu’il est responsable pour
23 le pilonnage de Kozarac et de Hambarine, et pour l'établissement du camp de
24 Keraterm. Ces éléments-là ne sont pas contenus dans l'acte d'accusation.
25 Moi je viens de cette région-là et je peux vous dire que les
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1 événements qui se sont produits peuvent établir une base beaucoup plus
2 précise pour lire les événements aux auteurs et aux personnalités
3 différentes.
4 Parlant des droits de l'accusé, l'accusé a le droit de la défense
5 d'alibis. Mais maintenant, si tout le monde est responsable pour tout ce
6 qui s'est passé dans le camp durant toute la période, il est impossible de
7 constituer une défense d'alibis. Il faut savoir que les équipes
8 travaillaient pendant 12 heures et, ensuite, la personne était libre
9 pendant 24 heures ; la personne ne peut pas être responsable pour ce qui
10 s'est produit pendant les 24 heures de son absence.
11 Monsieur Kvocka était absent et d'ailleurs il travaillait assez
12 souvent au poste de police, donc il ne peut pas être responsable. Mais
13 selon le Procureur, il peut être responsable faisant partie d'une action
14 planifiée systématique à laquelle ils ont participé. Je pense que
15 maintenant le Procureur est allé dans une région encore beaucoup plus vaste
16 et il est nécessaire d'adopter encore plus de décisions.
17 M. le Président (interprétation). - Merci. Monsieur Robinson ?
18 M. Robinson (interprétation). - Monsieur Simic, j'aimerais vous
19 poser une question qui est relative à la portée de l'article 3 de notre
20 Statut. L'accusation affirme que les points que vous venez de soulever, qui
21 sont relatifs à cet article, sont précisément ceux qui ont été retenus par
22 la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic. Il y a trois points principaux.
23 Tout d'abord, le point est de savoir si l'article 3 commun aux
24 Conventions fait partie de notre article 3. Deuxièmement, si l'article 3
25 commun fait partie du droit international humanitaire. Troisièmement, si
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1 l'article 3 commun comprend la responsabilité pénale individuelle.
2 Ces trois points ont été examinés par la Chambre d'appel dans
3 l'affaire Tadic. Aujourd'hui, vous demandez à une Chambre de première
4 instance de reprendre l'examen de ces questions qui ont été tranchées du
5 point de vue du droit par la Chambre d'appel. Est-ce qu'il n'y a pas là
6 toutes les données qui nous permettraient d'arriver à une situation
7 chaotique ? Qu'adviendra-t-il de nous si chaque Chambre de première
8 instance de ce Tribunal s'arroge le droit de reprendre les arrêts de la
9 Chambre d'appel, arrêts qui portent sur des questions de droit. Et à quoi
10 servirait le Statut ? Le Statut qui prévoit la formation d'une Chambre
11 d'appel qui est dotée de pouvoirs très précis, pouvoirs qui lui permettent
12 d'éviter des erreurs de droit, des erreurs de fait. La Chambre d'appel ne
13 servirait à rien si ces arrêts une fois rendus n'ont aucun pouvoir
14 contraignant sur les Chambres de première instance.
15 Vous souhaitez faire un commentaire sur ce que je viens de dire ?
16 M. Simic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les
17 Juges, les raisons que vous avez citées sont effectivement très
18 convaincantes. Cependant, la défense part du fait que ce Tribunal constitue
19 quelque chose de nouveau, lui aussi, et que nous nous sommes retrouvés tous
20 dans cette situation où il faut appliquer les règles qui ont été adoptées
21 il y a seulement quelques années.
22 D'ailleurs nous avons donné plusieurs arguments allant dans ce
23 sens dans les documents que j'ai soumis et dans le document soumis par
24 Me Fila prouvant qu'il y a des bases permettant de réexaminer cette
25 décision. Nous avons donné toute une série de raisons.
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1 Nous sommes inspirés également par le Statut pour le Tribunal pour
2 le Rwanda. Nous nous sommes penchés sur le rapport du Secrétaire Général
3 qui nous a fait comprendre que nous ne sommes pas vraiment convaincus par
4 les arguments qui constituent la base de la décision. Nous sommes d'accord
5 avec vous pour dire que les décisions de la Chambre d'appel doivent
6 constituer la base, mais nous considérons que parfois il faut les
7 réexaminer, que ceci ne nous ferait pas arriver dans une situation
8 chaotique, mais bien au contraire qu'elles nous faciliteraient la tâche
9 dans la procédure à venir.
10 En général, je suis d'accord avec vous pour dire que ceci peut
11 ouvrir la voie vers de nouveaux dilemmes, mais nous considérons néanmoins
12 que dans le cas précis il faut réexaminer la décision.
13 M. Robinson (interprétation). - Mais si la décision finit par être
14 retournée par la Chambre d'appel, elle peut également être retournée ou
15 rejetée par la Chambre de première instance, n'est-ce pas ?
16 M. Simic (interprétation). - Nous sommes d'accord avec une telle
17 attitude et si la décision de cette Chambre est négative nous allons
18 prendre en considération la possibilité de saisir la Chambre d'appel.
19 M. le Président (interprétation). - Merci.
20 M. Simic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
21 M. Nikolic (interprétation). - Dans mon objection, je n'ai pas
22 parlé de l'article 3, donc je ne vais pas créer de situation chaotique
23 moi-même, mais certaines questions concrètes aboutissent à une situation
24 chaotique en ce qui concerne l'accusé Kos.
25 J'ai écouté attentivement Me Keegan mais il y a deux choses que je
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1 n'ai pas bien comprises, peut-être était-ce une question d'interprétation,
2 ou bien ce n'était pas suffisamment clair.
3 Encore une fois, je considère qu'il est nécessaire de définir la
4 période de temps durant laquelle ces événements ont eu lieu, ou les crimes
5 dont l'accusé est accusé ont eu lieu. C'est vraiment nécessaire vu
6 l'existence des dates qui ont été précisées tout à fait clairement dans
7 l'affaire Tadic. D'ailleurs c'est la première fois aujourd'hui que j'ai
8 entendu que l'accusé Kos a encouragé ce que Zigic a fait à Trnopolje et
9 Keraterm.
10 Encore une fois, je me demande si l'interprétation était bonne,
11 mais c'est ce que j'ai compris. Dans le premier acte d'accusation, on ne
12 mentionne pas Trnopolje, ni Keraterm. Et maintenant, d'après le Procureur,
13 il est sous-entendu que l'accusé Kos doit être responsable aussi pour ce
14 qui s'est produit à Trnopolje et Keraterm, alors que les documents qui ont
15 été divulgués par le Procureur ne portent pas une seule mention du lien de
16 l'accusé Kos avec Trnopolje et Keraterm étant donné qu'il n'est jamais allé
17 là-bas.
18 D'ailleurs il y a l'accusé Zigic, il va falloir prouver cela lors
19 du procès. Il ne le connaissait même pas, il l'a vu pour la première fois à
20 La Haye. Donc comment est-ce qu'il a pu encourager ce qui s'est passé à
21 Keraterm et Trnopolje ? Merci.
22 M. le Président (interprétation). - Maître Nikolic, l'accusation a
23 son travail à faire, ce n'est pas moi qui vais parler en son nom, mais ce
24 que l'accusation dit c'est que le fait qu'une personne ne se trouvait pas
25 en un endroit particulier à un moment donné, ou ne connaissait pas une
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1 autre personne, n'est d'aucune importance dès lors que la personne
2 concernée faisait partie d'une opération commune qui recouvrait les crimes
3 spécifiques qui sont retenus contre les accusés en l'espèce.
4 Ce que l'accusation dit c'est que peu importe où se trouvait une
5 personne individuelle à un moment donné si d'une façon ou d'une autre cette
6 personne a pris part à des actes criminels. Cet argument sera repris et
7 fera l'objet d'élaboration dans le cadre de la procédure.
8 M. Nikolic (interprétation). - Monsieur le Président, nous pouvons
9 dire que c'est incontestable que l'accusé Kos était à Omarka. Ce n'est pas
10 contesté et si vous jugez sur cette base, vous pouvez juger tout de suite.
11 Ici il y a des événements concrets qui lui sont reproché.
12 Mais la défense ne peut pas se référer à l'alibi étant donné que
13 l'on parle de trois équipes. Il y a eu trois chefs d'équipe dont l'un est
14 ici à La Haye. Donc il faut établir le lien entre les différentes équipes
15 et il n'est pas possible à l'accusé de se défendre sur la base d'alibis.
16 Mais il existe un registre concernant les équipes et si le
17 Procureur a pris tous ces documents-là à Prijedor et s'il ne dispose pas de
18 cette partie-là, c'est pratiquement inimaginable et impossible à croire
19 pour la défense. Merci.
20 M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?
21 M. Fila (interprétation). - Tout d'abord, je souhaite dire quelque
22 chose à propos de la question du Juge Robinson, si une situation chaotique
23 se créerait à moins de respecter les décisions de la Chambre d'appel.
24 Dans mon système, si une décision de la Chambre d'appel est
25 erronée et, si de nouvelles conditions le prouvent, les conditions qui
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1 n'ont pas été connues par la Chambre d'appel au moment où la décision a été
2 adoptée, dans mon système, ceci constitue la base de réexaminer la
3 décision, et je suppose que dans chaque système juridique une telle règle
4 existe.
5 Le problème est que ceci n'est pas prévu par les règles et que
6 Tadic, qui est l'accusé concerné, devrait être intéressé par ce genre de
7 procédure.
8 Dans le cas de l'affaire Celebici, la défense a demandé elle aussi
9 que la décision de la Chambre d'appel soit réexaminée. C'est la seule
10 manière pour nous d'attirer l’attention sur de nouveaux éléments dont la
11 Chambre d'appel ne disposait pas au moment de l'adoption de la décision.
12 Deuxièmement, si j'ai bien compris Me Keegan, il a dit qu'un jour
13 il précisera les éléments de l'acte d'accusation. Et ceci me permet de
14 conclure que lui aussi est d'accord pour dire que cet acte d'accusation,
15 tel qu'il existe maintenant, n’est pas suffisamment précisé. Le problème
16 est de savoir quand est-ce que je vais attendre ce moment où le Procureur
17 décidera qu'il faut qu'il précise l'acte d'accusation. Il ne faut pas que
18 qui que ce soit, du côté de la défense ou du Procureur, soit tenu en
19 ignorance. Le Tribunal ne devrait pas avoir recours a des ruses, à des
20 pièges mais à une approche correcte. Et c'est pourquoi ce Tribunal, par
21 rapport aux tribunaux nationaux, constitue une exception.
22 Donc, je considère qu'il serait possible d'avoir un procès
23 équitable seulement à partir du moment où l'accusé saura très exactement
24 quels sont les faits qui lui sont reproché. On peut dire quel est le nom et
25 le prénom de l'accusé, qu'il s'agit d'Omarska et que quelque chose s’est
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1 produit là-bas ; cela ne suffit pas. Comment voulez-vous que le terme
2 Musulman soit un qualificatif ! Ceci ne veut rien dire : ce n'est pas le
3 nom et le prénom. C'est tout simplement quelque chose qui indique la
4 confession de la personne, rien de plus.
5 Maître Keegan, en ce qui concerne le témoin F, ne saurait montrer
6 dans mon objection que l'accusé a été accusé deux fois pour les mêmes faits
7 dans le chef d'accusation 17 et 27. Maître Keegan n'a rien dit là-dessus.
8 Donc le même événement constitue la base de deux chefs d'accusation. Et le
9 Procureur n'en dit rien !
10 Deuxièmement, je veux parler des chefs d'accusation 19, 20, 21
11 lorsqu’il parle de... Peu importe lequel des accusés, prenons l’exemple de
12 Mladen Radic ou Milojica Kos.
13 Mladen Radic, pendant qu'il était chef d'équipe et qu'il était
14 présent au camp, était le supérieur hiérarchique de tout le personnel du
15 camp, etc. Cela veut dire qu'au moment où il était dans le camp, pour le
16 Procureur et pour nous aussi, cela veut dire quelque chose, cela signifie
17 quelque chose. Et l'argument contraire implique que, pendant les moments où
18 il n'était pas présent, il n'était pas responsable.
19 Si nous n'avons pas un acte d'accusation précis, comment est-ce
20 que nous pouvons établir à quel moment il était présent dans le camp ? Si
21 ces actes d'accusation concernent les événements qui ont eu lieu en 1992,
22 si cela a été écrit en 1994, est-ce que ceci ne constitue pas un manque de
23 sérieux, étant donné que cinq années se sont écoulées, que le procès Tadic
24 a eu lieu ? Est-ce qu'il ne fallait pas se rendre à Prijedor pour prendre
25 les documents ?
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1 Monsieur Meakic est capable de remplacer le Président de ce pays,
2 alors qu'il est impossible au Procureur d'aller au poste de police pour
3 prendre le registre pour savoir très exactement quel était le rôle de
4 chacun des accusés.
5 Dans les documents à l'appui, les victimes disent qu'il s'agissait
6 des policiers de la station de police d'Omarska, parlant de deux des
7 accusés. Est-ce qu'il ne serait pas normal de regarder les registres du
8 poste de police d'Omarska ? Est-ce que ces personnes étaient effectivement
9 des policiers ? Quand est-ce qu'ils ont travaillé ? Qu’ont-ils fait dans
10 leur travail ?
11 Nous ne pouvons pas attendre que Me Keegan le fasse. Ces listes-là
12 existent. Moi je les ai vues mais je ne peux pas les obtenir étant donné
13 que moi je ne suis ni Westendorp ni le Procureur, ni même le citoyen de
14 Bosnie-Herzégovine. Vous, vous avez le droit de requérir, de demander ces
15 documents et vous pouvez le faire même proprio motu si le Procureur ne le
16 fait pas.
17 C'est d'ailleurs la proposition de la défense : si le Procureur ne
18 veut pas le faire que, vous, vous le fassiez proprio motu pour voir ce qui
19 s’est passé.
20 Là, on fait état de personnes qui ont un prénom et un nom. Car il
21 n'y a pas de catégories de Musulmans ; là il s'agit d'une confession, c'est
22 tout. Merci beaucoup.
23 M. Simic (interprétation). – Monsieur le Président, Messieurs les
24 Juges, avec tout le respect que je dois à Me Keegan, je souhaite parler de
25 ses arguments concernant mon client et concernant le fait qu'il est
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1 nécessaire de préciser l'acte d'accusation ; lui, il a dit que ceci n'est
2 pas nécessaire.
3 Je souhaite souligner la chose suivante : le Procureur ne dispose
4 pas de faits concernant les périodes pendant lesquelles mon client était
5 mobilisé, pendant lesquelles il travaillait comme policier réserviste.
6 D'ailleurs il est inacceptable d'entendre Me Keegan dire que mon client
7 constituait le bras prolongé* de quelques politiques que ce soient. Il n'a
8 pas participé à des activités politiques et donc, à mon avis, il n'est pas
9 possible de faire des allusions selon lesquelles il a participé à des
10 persécutions.
11 Je veux dire d'ailleurs que deux tiers des documents de la défense
12 et des documents à l'appui concerneront la responsabilité de supérieur
13 hiérarchique, ce qui ne concerne absolument pas mon client. Dans ce cas-là,
14 ce ne serait même pas nécessaire, pratiquement pour moi ni pour mon client,
15 d'être présent dans le prétoire.
16 Je pense qu'il faudrait effectivement avoir une disjonction
17 d'instance pour avoir un déroulement plus efficace de ce procès.
18 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Simic. Monsieur
19 le Juge Bennouna a une question.
20 M. Bennouna. - J'aimerais poser une question à la défense, après
21 l'intervention de Me Fila notamment, mais aussi les autres interventions,
22 la présente intervention de Me Tosic et Me Nikolic sur la question de la
23 précision, je suis tenté de dire : mais de quoi s'agit-il ? Si je comprends
24 bien, il y a un problème de dates. C'est la première question qui a été
25 posée, il y a un problème de dates. Il faut préciser exactement dans
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1 quelles dates on se trouve, dans quelles date les crimes reprochés ont été
2 commis, d'une part. D'autre part, il faut préciser la présence de tel ou
3 tel accusé dans le camp.
4 Je pense que le Procureur, d'ailleurs, ne l'a pas nié, ainsi que
5 tout le monde, sur l’affaire ici, à Krnojelac, au jugement, et à la
6 décision qui vient d'être rendue dans un sens ou dans l'autre.
7 Ce que nous savons, nous, de cette décision, c’est qu’elle ouvre
8 la possibilité de précisions dans l'acte d'accusation et que l'on ne peut
9 pas rejeter ces précisions purement et simplement. Mais il faut encore
10 préciser les précisions : de quoi s'agit-il ? C'est cela, le problème. Et
11 lorsque nous serons au fait de ces précisions, nous serons plus à même de
12 prendre notre décision. Donc il y a un problème de dates.
13 La deuxième question est la question de la présence ou non dans le
14 camp, comme je le disais. L'autre question qui a été posée est de savoir,
15 si j'ai bien compris Maître Fila, si la responsabilité est fonction de la
16 présence dans le camp. Cela c'est une question de droit, par contre ce
17 n'est plus une question de fait. On peut être responsable tout en n'étant
18 pas présent, évidemment.
19 L'autre question de fait -j'essaie de suivre un peu ce que vous
20 demandez- est de nous dire : lorsqu'il y a une supériorité du supérieur
21 hiérarchique, il faut préciser encore quels sont les crimes commis au
22 niveau des subordonnés ; c'est l'article 7-3, c'est-à-dire le lien entre le
23 supérieur et les subordonnés. Ce lien est bien précisé, je crois,
24 d'ailleurs, par notre Statut, qui prévoit que le supérieur peut, s'il
25 savait ou avait des raisons de savoir d'une part, et s'il n'a pas puni
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1 ensuite, donc avant et après.
2 Voilà des questions que vous avez aussi posées.
3 J'aimerais bien de votre part nous dire s'il y a des questions de
4 faits, de précisions encore à demander, donc d'être aussi clairs que
5 possible à partir de l'acte d'accusation et avoir également le point de vue
6 du Procureur sur des éléments précis.
7 Il a été dit tout à l'heure que le Procureur était prêt, le Bureau
8 du Procureur, au niveau du mémoire préalable au procès de donner les
9 précisions. Vous avez dit : oui, mais là c'est une affaire de stratégie.
10 Faut-il les donner maintenant ? Il faut éviter les ruses, etc.
11 Notre sentiment, évidemment, est qu'il n'y a pas de ruses, il y a
12 tout simplement le fait de travailler dans la transparence la plus totale
13 de manière à avoir un procès le plus juste possible. Donc s’il y a des
14 précisions à demander, si elles sont disponibles, elles doivent être
15 données sans plus attendre.
16 Est-ce que vous pouvez, les uns et les autres, par rapport à mon
17 intervention, et ce que j'ai cru retenir, nous dire s'il y a des choses
18 plus précises à demander au niveau de cet acte d'accusation par rapport à
19 ce que je viens de dire ? On demanderait alors au Procureur s'il les a en
20 main aujourd'hui et s'il est capable simplement de répondre à votre
21 demande.
22 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Juge, je vais essayer
23 d'être bref pour que vous puissiez bien me comprendre.
24 La base de l'objection concernant le caractère peu précis de
25 l'acte d'accusation, c'est l'acte d'accusation lui-même. J'ai déjà montré
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1 que les accusés sont accusés en tant que chefs d'équipe et d'ailleurs c'est
2 ce qu'ils nient. Mais si on part du fait qu'ils sont des chefs d'équipe,
3 selon l'article 7-3 du Statut ils sont responsables uniquement pendant
4 qu'ils étaient présents dans le camp. C'est ce qui est stipulé dans l'acte
5 d'accusation : pendant qu’ils étaient présents dans le
6 camp. Il faut que l'acte d'accusation soit plus précis.
7 En tant que conseil de la défense, je reprends.
8 Le camp a fonctionné pendant au moins 90 jours ; il est
9 incontestable, et Me Keegan le sait, que l'on travaillait en équipes,
10 c'est-à-dire qu'une équipe travaillait pendant 12 heures et, ensuite,
11 pendant 24 heures elle ne travaillait pas. Pendant un tiers du temps, ils
12 travaillaient et pendant deux tiers, ils n'étaient pas présents. Donc cela
13 veut dire que chacun des accusé pourra être tenu pour responsable seulement
14 pour 30 jours et non pas pour les 60 jours qui restent.
15 C'est la raison pour laquelle je demande que l'on se base sur le
16 document du poste de police pour voir quels étaient les jours d'une
17 certaine équipe. Si le Procureur prouve qu'effectivement Mlado Radic était
18 chef d'équipe, il sera tenu pour responsable, en vertu de l'article 7-3,
19 des événements qui se sont produits pendant le fonctionnement de son équipe
20 à lui.
21 Mais moi, je ne peux pas préparer la défense pour les 60 jours qui
22 restent étant donné que ceci ne me concerne pas. Donc, cela, ce sont les
23 précisions que nous demandons.
24 (Les Juges se concertent sur le siège).
25 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, c'est vous qui
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1 avez soulevé la question du travail posté et des documents relatifs aux
2 équipes ; nous estimons que c'est un élément relatif à l'administration de
3 la preuve qui n'a rien à voir avec la forme de l'acte d'accusation.
4 Toutefois, nous vous comprenons bien, il s'agit de documents tout à fait
5 capitaux, s'ils sont disponibles il serait important qu'ils soient
6 présentés au procès.
7 A la suite de cette audience, après que nous ayons entendu toutes
8 les requêtes, nous allons tenir une conférence de mise en état. Ce sera
9 peut-être alors le moment opportun de régler cette question, ou de
10 l'évoquer avec davantage de détails avec le Bureau du Procureur, pour voir
11 s'il est possible d'obtenir ces documents. Je crois que ce serait peut-être
12 le moment à retenir pour se saisir de cette question.
13 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie, Messieurs les Juges.
14 Je voulais aussi fournir l'autre moitié de la réponse que j'avais
15 l'intention d’adresser aux Juges.
16 Nous avons parlé d'une des restrictions, ce sont les pauses, le
17 travail posté.
18 Il y a une autre limitation dont parle le Procureur dans sa
19 description lorsque qu'il dit que Radic et Kos se trouvaient en situation
20 de supérieurs hiérarchiques à l'égard de tout le personnel du camp. Là,
21 c’est d’accord, mais le problème se pose ensuite, lorsqu’il dit "hormis le
22 commandant et son adjoint ainsi que la plupart des visiteurs".
23 Si nous établissons le moment des différentes pauses, là, c'est
24 une question de fait, mais celle-ci aussi en est une, il s'agira de voir à
25 quel moment les personnes ne se trouvaient pas dans le camp. Si, au moment
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1 du travail posté, lorsqu'il était de faction, le commandant n'était pas
2 dans le camp ainsi que la plupart des visiteurs n'étaient pas dans le
3 camp ; rappelez-vous la notion de tempore criminis, du moment des faits . A
4 ce moment-là, si la personne n'est pas présente sur les lieux, elle n'est
5 pas responsable. Là, nous demandons un complément de détail pour savoir à
6 quel moment ceci s'est passé ou ne s'est pas passé, plus précisément.
7 Et ce sera mon dernier mot. Que s'est-il passé en ces moments
8 précis ? Puisque nous avons en théorie établi la responsabilité du
9 supérieur hiérarchique, c'est lorsque Merkic n'était pas là, lorsque les
10 visiteurs n'étaient pas là, lorsque les visiteurs n'étaient pas là, lorsque
11 l'adjoint n'était pas là, mais il reste à établir ce qui s'est passé
12 ensuite. C'est là que les choses deviennent plus importantes parce que si
13 l'on parle de supériorité du supérieur hiérarchique, il faut que quelques
14 actes criminels aient été commis, ce qui n'est pas repris ici. C'est ce
15 qu'il faudra établir avant de commencer à rassembler les éléments de preuve
16 pour établir quand quelque chose s'est produit ou ne s'est pas produit.
17 C'est la raison pour laquelle j'ai protesté lorsque vous avez
18 parlé d'une catégorie de Musulmans. J'estime que ce n'est pas une catégorie
19 juridique. Si quelqu'un, un Musulman, a été battu, a fait l'objet de
20 sévices sexuels, il faut établir à quel moment ceci s'est passé pour
21 établir la responsabilité.
22 Je vous remercie.
23 M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous allons ménager
24 notre pause habituelle. Nous allons reprendre nos travaux à 12 heures 10.
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1 L'audience, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 12 heures 10.
2
3 M. le Président (interprétation). - Nous allons étudier les
4 requêtes qui ont fait l'objet de débat ce matin. Et nous rendrons notre
5 décision en temps voulu par écrit. Je passe maintenant aux requêtes qui
6 nous restent à étudier. J'espère que nous pourrons les examiner toutes
7 d'ici la pause. S'il est possible, j'aimerais aussi que nous ayons une
8 conférence de mise en état après avoir entendu les arguments relatifs aux
9 requêtes ce matin déjà, afin de faire le point sur la préparation du
10 procès.
11 J'ai les requêtes en suspens sous les yeux. Il s'agit d'ailleurs
12 de requêtes déposées par le Procureur. Une requête pour le constat
13 judiciaire de faits établis. Une autre requête porte sur la question du
14 versement au dossier d'éléments de preuve documentaire. Et une troisième
15 requête porte sur l'admission d'un expert. Prenons, si vous le voulez bien,
16 les questions dans cet ordre.
17 Nous commencerons par la requête aux fins de constat judiciaire.
18 Je vous l'ai déjà dit, nous avons également la réponse fournie par les
19 conseils de la défense. Si j'ai bien compris, le Procureur demande le
20 versement ou le constat judiciaire plus exactement de 583 points qui tous
21 découlent des arrêts des affaires Celebici et Tadic. Pour ce qui est de la
22 défense, les conseils représentant M. Kokanj n'acceptent aucun de ces
23 faits. S'agissant des autres coaccusés, leurs conseils accepteraient les
24 points 101 à 125. Ici, je vous renvoie à l'annexe, au document du
25 Procureur, il s'agit des points 101 à 125 qui portent sur le contexte, la
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1 toile de fond du conflit, à l'exception du point 17. Ceci est repris par la
2 défense de façon plus détaillée dans sa réponse. Nous comprenons ainsi
3 mieux le contexte. Est-ce bien la position adoptée par les parties
4 s'agissant des accusés ?
5 M. Simic (interprétation). - Messieurs les Juges, j'aimerais tout
6 d'abord vous exprimer quelque frustration car les éléments, qui étaient à
7 la base à l'origine de cette requête, ne m'ont pas été fournis par le
8 Procureur. Mais, étant donné la volonté qui est la mienne de passer au
9 point C dans les meilleurs délais, j'ai fourni des déclarations relatives
10 au Règlement de procédure et de preuve.
11 J'ai dit que certains faits pourraient être acceptés par la
12 défense comme étant des faits établis puisqu'ils ne font pas l'objet de
13 controverses. J'aimerais citer, énumérer ces points.
14 Permettez-moi de rappeler, une fois de plus, que je n'ai pas reçu
15 tous les éléments pertinents de la part de l'accusation.
16 Les défenseurs de M. Kvocka retiennent les points 1 à 6, 10 à 17,
17 le point 8 également, les points 21 à 70, le point 74, les points 78 à 87,
18 le point 89, les points 96 à 113, les points 113 à 125.
19 Nous nous rallions à la position exprimée par Me Fila et par
20 Me Nikolic qui sont d'accord pour retenir ces points comme étant des faits
21 établis. Nous sommes également prêts à les retenir en tant que tels puisque
22 ce sont des faits qui ne portent pas à polémique. Ils ne seront pas évoqués
23 au procès mais nous aimerions rappeler une fois de plus qu'il est
24 nécessaire que nous recevions les éléments à l'appui de cette requête, les
25 éléments qui ont été utilisés, je le disais, par le Procureur pour arrêter
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1 ces faits établis.
2 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,
3 Maître Simic. Donc vous adoptez la même position que celle présentée par
4 les autres conseils de la défense. Est-ce bien exact ?
5 M. Simic (interprétation). - Oui. Je vous remercie, Monsieur le
6 Président.
7 M. le Président (interprétation). - Puisque c'est là la position
8 adoptée par la défense, je me tourne vers le Bureau du Procureur.
9 Maître Niemann, avez-vous des éléments à ajouter à votre intervention
10 précédente ? Soyez le plus concis possible puisque nous avons déjà entendu
11 la plupart des éléments.
12 M. Niemann (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le Président.
13 Il semblerait qu'il y ait une partie importante qui est fait l'objet d'un
14 accord. Il ne reste plus, à la Chambre de première instance, qu'à statuer
15 sur la question de savoir si, oui ou non, elle estime que les autres
16 éléments présentés devraient faire l'objet d'un constat judiciaire
17 conformément à l'article 94 (B).
18 Je n'ai rien à ajouter en matière d'arguments, je me contenterai
19 de relever quelques points soulevés par la défense.
20 Tout d'abord, celle-ci nous a dit que les éléments repris de
21 l'affaire Tadic font l'objet d'un appel. Or ce n'est pas le cas, en tout
22 cas pour l'énorme majorité de ces points. Il y a tout au plus,
23 éventuellement, des incidents dans lesquels le nom de M. Tadic est évoqué
24 au regard de crimes particuliers. Il ne s'agit pas des incidents eux-mêmes
25 mais de la participation de M. Tadic qui a fait l'objet d'un appel.
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1 Si vous, Messieurs les Juges, vous vous inquiétez de l'opportunité
2 d'un constat judiciaire alors que des questions font l'objet d'un appel,
3 ceci ne concerne que M. Tadic. Les incidents eux-mêmes ne font pas l'objet
4 de contestations. Monsieur Tadic ne conteste pas ces incidents. Sa
5 contestation porte sur la participation qu'il aurait eu à la commission de
6 ces actes. Ce qui veut dire que, pour nous, en tout état de cause, le
7 Règlement n'étant pas conçu pour traiter d'une situation où le
8 fonctionnement du Règlement est tributaire du dépôt d'un appel ou pas, pour
9 nous la décision dans l'affaire Tadic est une décision définitive qui tombe
10 sous le coup de l'article 94. Et nous pensons que vous êtes tout à fait à
11 même de dresser un constat judiciaire de ces questions.
12 Le moment n'est peut-être pas venu dès maintenant, mais lorsque
13 vous en serez arrivé à l'état de vos réflexions, où il conviendrait de
14 dresser un constat judiciaire de ces questions, ce temps viendra lorsque
15 toutes ces questions auront…
16 Le fait de revoir tous ces points dans chacune des affaires
17 représentera une telle dépense de temps et d'énergie qu'il s'avérera
18 nécessaire et opportun de dresser un constat judiciaire de ces questions
19 pour assurer la rapidité du procès.
20 Je pense, personnellement, que ce temps est aujourd'hui venu. Les
21 éléments ont été suffisamment étudiés dans l’affaire Tadic. La Chambre
22 d'appel les a considérés comme étant important puisqu’elle les a repris
23 dans son arrêt.
24 Manifestement, s'agissant de tous ces points, de toutes ces
25 questions, il n'existe pas de polémique majeure qui porterait directement
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1 ou qui concernerait directement l'accusé. Il s'agit d'événements tout à
2 fait généraux pour l'essentiel d'entre eux, qui ont fait l'objet de débats
3 et qui sont, à notre avis, nécessaires si l'on veut établir le caractère
4 systématique, à grande échelle, des crimes commis. Ce ne sont pas
5 nécessairement des questions générales mais qui pourraient faire,
6 toutefois, l'objet d'un constat judiciaire.
7 En fin de compte c'est à vous qu'il incombera de déterminer quel
8 constat judiciaire peut être dressé. Nous apporterons bien sûr à la Chambre
9 la meilleure assistance possible et nous vous indiquerons les éléments qui
10 peuvent, sans aucun danger, faire l'objet d'un constat judiciaire.
11 Voilà ce que je voulais dire sur ce point, sur cette requête.
12 Merci Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Niemann. La
14 défense veut-elle réagir ? Je vois que Maître Fila veut intervenir.
15 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les
16 Juges, je vous sais gré des efforts déployés, des efforts déployés par
17 Me Niemann également. Je le remercie d'avoir dit qu’en temps voulu nous
18 parviendrons à ce degré d'accord.
19 Toutefois, deux questions se posent et surgissent de cette
20 problématique.
21 Nous parlons ici de l’affaire Tadic. Si, au niveau de l'appel, la
22 Chambre d'appel décidait de réformer le jugement, si l'appel est retenu, la
23 décision définitive changerait. Et je ne comprends pas tout à fait la
24 position si l'on dit qu'il s'agit d'un conflit interne. Personne n'en
25 doute.
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1 Qu'est-ce qu'Omarska a à voir avec le Kosovo ? Avec Milosevic ?
2 Avec des événements qui se sont produits en Voïvodine ? Puisque ce sont là
3 des territoires provenant d'un autre Etat. Les éléments qui se sont
4 produits après Omarska, qui se sont produits dans un autre Etat, c'est cela
5 dont il faut tenir compte. Je ne vois pas pourquoi je pourrais, de façon
6 analogue, poser des questions sur l'histoire, la genèse de l'Etat du Texas
7 par exemple.
8 Si, à un moment donné toutefois, nous en arrivons à une situation
9 où nous parlons d'actes qui auraient pu se produire, par exemple dans un
10 acte d'accusation relatif au Kosovo, nous pourrions apporter la preuve de
11 certains faits.
12 Mais il y a d'autres éléments relatifs à M. Radic, il s'agit des
13 points 4-21, 4-22. Il ne s'agit pas de faits de nature générale ou de faits
14 qui indiqueraient que M. Mladen Radic a commis un viol. Si c’est cela un
15 fait établi, je me demande ce que nous faisons ici. C'est là une démarche
16 erronée.
17 S'agissant de l'affaire Dokmanovic, nous avions coopéré avec le
18 Bureau du Procureur pour arriver à plusieurs stipulations ; c'était là la
19 seule démarche possible et raisonnable.
20 Mais comment établir un lien avec le Kosovo ici ? Et comment
21 établir ou accepter comme un fait établi que M. Radic a commis un crime ?
22 Si c'est là-dessus que porte l'accord, sur quoi ne sommes-nous pas
23 d'accord ?
24 La position que nous avons est celle-ci. On ne peut tenir compte
25 que des affaires qui sont tout à fait terminées et qui constitueront la
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1 base de nos accords.
2 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres demandes
3 d'intervention ?
4 La requête suivante, que j'ai sous les yeux, est la requête
5 déposée par le Bureau du Procureur pour le versement au dossier d'éléments
6 de preuve, ou de moyens de preuve plus exactement, documentaire.
7 Si j'ai bien compris la position adoptée par la défense à l'égard
8 de ces documents, apparemment un litige concerne une vidéo, la vidéo 41,
9 les victimes de guerre, le temps de la douleur, mais il n'y a pas de
10 transcript. Apparemment, hormis cette pièce, vous n'avez pas de
11 controverse.
12 Le fait qu'un document soit versé au dossier ne signifie pas pour
13 autant, bien entendu, que la Chambre de première instance lui accorde un
14 poids quelconque. Cette pièce devient simplement un des éléments du dossier
15 et lorsque le moment sera venu d'examiner l'ensemble du dossier, la Chambre
16 attribuera à telle ou telle pièce le poids qui lui revient.
17 Mais à ce stade, nous en sommes au niveau préalable au procès. Les
18 versements à ce stade de la procédure se bornent à permettre à l'accusation
19 de présenter un document.
20 Ceci n'exclut aucunement, pour moi, la possibilité qu'il y ait
21 objection soulevée face à tel ou tel document, si la question se pose, si
22 la défense estime que tel élément rend la pièce vraiment impossible à
23 verser au dossier. Mais je crois qu'il n'y a pas de problèmes à ce que ces
24 pièces soient versées à ce stade.
25 Si c'est bien là l’avis de la défense, je suppose que l'on
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1 pourrait faire droit à cette requête, à l'exception de cette vidéo qui,
2 manifestement, méritera un examen plus détaillé, qui pourrait se faire dans
3 les prochains mois qui précéderont le procès.
4 Est-ce bien là la position adoptée par la défense, Maître Fila ?
5 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, c'est
6 exactement l'attitude de la défense. Je vais expliquer pourquoi nous
7 refusons la vidéo 411.
8 Tout d'abord étant donné que ce sont les victimes qui parlent et
9 ce serait une manière pour adopter leurs déclarations, deuxièmement que
10 c'est une vidéo qui a été filmée en allemand, et que ce n'est pas une
11 langue que nous parlons ni une langue officielle du Tribunal, la défense a
12 proposé que, si le Procureur insiste, il faudrait faire un compte rendu ou
13 bien une traduction vers l'anglais ; ce qui nous permettrait de voir de
14 quoi il s'agit.
15 Effectivement, ce que vous venez de dire reflète très exactement
16 l'attitude de la défense.
17 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila. Eh bien,
18 parlons de cette cassette vidéo. Moi, j'avais le numéro 41S411.
19 M. Niemann (interprétation). - Apparemment il s'agit de la
20 pièce 41. A ce propos, nous comprenons parfaitement l'argument de la
21 défense. Nous allons faire de notre mieux pour veiller à ce qu'il y ait
22 traduction de ce compte rendu et nous aborderons ce point de façon séparée.
23 Il reste une question, Monsieur le Président. La défense, dans sa
24 réponse, a dit qu'elle veut, entre autres droits, se préserver celui de
25 vérifier l'authenticité, la pertinence également. Je pense que l'on parlera
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1 de toute façon de la pertinence. Mais la question de l'authenticité soulève
2 une autre question.
3 Si nous ne savons pas sur quel document portera la contestation de
4 la défense au niveau de l'authenticité, nous le ferons au moment de la
5 présentation de nos moyens de preuve. Il est inutile de le faire à partir
6 d'une supputation puisque nous ne saurons pas quel document sera contesté
7 au niveau de son authenticité.
8 Je pense que si la défense pouvait nous dire à l'avance quels sont
9 les documents qu'elle conteste, nous pourrons prévoir la situation en
10 appelant à la barre des témoins qui parleront de l'authenticité ou, à
11 défaut, et tant que nous sommes tous d'accord sur ce point, nous serions
12 tout à fait prêts à en parler par la voie de la réplique, c'est-à-dire
13 qu'au cours du procès,
14 pour la présentation des moyens de preuve à charge et à décharge, s'il
15 apparaît qu'un document ou plusieurs documents sont contestés quant à leur
16 authenticité, nous pourrions aborder cette question au niveau de la
17 réplique.
18 Je crois que ce serait la façon la plus efficace car cela pourrait
19 permettre à la défense de ne pas avoir ce fardeau, la preuve de déterminer
20 quels sont les documents pour lesquels ils contestent l'authenticité parce
21 qu'ils pourront peut-être changer d'avis au cours du procès.
22 Deuxièmement, il est tout à fait possible qu'à la fin de la
23 présentation des moyens de preuve, lorsque nous arriverons à la réplique,
24 nous allons peut-être dire : "Eh bien nous n'allons pas insister sur ce
25 point", et afin d'agir dans les meilleurs délais nous allons peut-être
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1 retirer la pièce pour ne pas perdre de temps à établir son authenticité.
2 C'est beaucoup plus efficace, comme démarche, me semble-t-il, puisque, pour
3 autant que tout le monde soit d'accord sur ce point, et si tout le monde
4 est d'accord pour dire qu'il est possible d'aborder la question de
5 l'authenticité au niveau de la réplique, si tout le monde est d'accord là-
6 dessus nous pourrions ainsi régler cette question de la façon la plus
7 efficace possible.
8 Mais si vous voulez que nous en parlions au niveau de la
9 présentation de nos moyens de preuve, nous serons tout à fait prêts à le
10 faire, mais nous aimerions savoir quels éléments seront contestés par la
11 défense.
12 Ceci nécessiterait une ordonnance qui serait rendue par vous,
13 Messieurs, les Juges, enjoignant la défense de nous informer des éléments
14 qu'elle veut contester. Si nous le faisons au niveau de la réplique, dans
15 le procès, il ne sera pas nécessaire d'avoir une ordonnance puisque ce sera
16 évoqué au procès et nous saurons, grâce à la présentation des éléments de
17 preuve à décharge, quels sont les éléments contestés par la défense quant à
18 leur authentitcité.
19 C'était la seule chose que je voulais dire, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation). - Ceci suscite-t-il un
21 commentaire de la défense ?
22 M. Fila (interprétation). - La défense a tout simplement vu les
23 documents qu'elle a reçus du Procureur et elle demande le droit de
24 contester la valeur des documents au moment où ils seront versés au dossier
25 en tant que pièces à conviction.
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1 Pour le moment, ce sont des pièces à conviction, mais je ne peux
2 pas accepter leur validité absolue étant donné qu'il me faut plus de temps
3 pour vérifier leur valeur probante, et si je constate qu'il n'y a pas eu
4 suffisamment d'authenticité de ces documents-là, j'en parlerai au moment
5 voulu, mais pour le moment, je n'ai pas de raison de douter de la bonne foi
6 du Procureur, ni de l'authenticité du document.
7 Mais je réserve le droit de parler de ceci le moment venu si je
8 constate qu'il y a un manque d'authenticité. Donc j'appuie en effet ce que
9 Me Niemann vient de dire.
10 M. le Président (interprétation). - Oui. Maître Simic ?
11 M. Simic (interprétation). - Messieurs les Juges, je suis aussi
12 d'accord avec ce que Me Fila vient de dire et j'aimerais souligner que,
13 d'après nous, si nous avons bien compris, tous les documents ne seront pas
14 nécessairement utilisés, il y a des coupures de presse, parmi eux, qui
15 remontent à la période visée par l'acte d'accusation. La question se pose
16 de savoir s'ils seront utilisés pour évoquer tel ou tel fait particulier.
17 Ce que nous voulons dire, c'est que lorsqu'il y aura présentation
18 d'un document de ce genre, la défense présentera son opinion, s'agissant de
19 la valeur probante et de l'authenticité du document, mais nous ne voulons
20 pas rendre la tâche de l'accusation trop difficile.
21 Lorsque ces documents se présenteront, nous verront s'ils sont
22 authentiques ou pas et il va de soi que nous vous ferons part de notre
23 avis. Je ne pense pas qu'il sera nécessaire que nous donnions notre avis
24 sur chacun des documents. Chacun de ces documents sera étudié et évalué au
25 niveau de ses qualités et nous dirons s'il est authentique ou pas.
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1 Mais nous manifesterons notre accord car nous ne voulons pas
2 retarder trop le procès. Merci, Monsieur le Président.
3 (Les Juges se consultent sur le siège).
4 M. le Président (interprétation). - Parfait.
5 S'agissant de cette requête, voici ce que nous ordonnons : c'est
6 que ce document soit versé au dossier ; si litige il y a quant à
7 l'authenticité, la question peut être posée au procès et l'accusation
8 pourra à ce moment-là appeler des témoins en réplique, et je crois que ceci
9 nous permettra de régler cette question.
10 Il reste d'autres requêtes à examiner, notamment l'une relative à
11 la déposition de témoins experts ; de qui parlons-nous ? Du Dr Hanne-
12 Sophie Greve. Elle est venue déposer devant ce Tribunal dans l'affaire
13 Kovacevic ainsi que dans l'affaire Tadic.
14 Si j'ai bien compris la position adoptée par la défense, celle-si
15 nous dit que, pour le moment, elle s'oppose au versement de ce témoignage
16 surtout parce que la défense voudrait procéder au contre-interrogatoire de
17 ce témoin, occasion qui ne lui a pas encore été donnée et qui ne lui serait
18 pas donnée si le témoin n'était pas cité.
19 A supposer que ce soit là la position adoptée par la défense, ce
20 n'est qu'une hypothèse que j'émets, le compte rendu d'audience auquel fait
21 référence l'accusation ainsi que les pièces déposées à cette occasion
22 pourraient devenir le témoignage principal du témoin au niveau de
23 l'interrogatoire principal ; le témoin n'aurait pas à répéter cette partie-
24 là puisqu'elle est citée en tant que témoin de l'accusation, mais elle
25 viendrait déposer aux fins d'un contre-interrogatoire afin que les accusés
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1 ici présents aient l'occasion de procéder au contre-interrogatoire de Mme
2 Greve au cours du procès.
3 Est-ce là une solution qui semble efficace, réalisable ?
4 M. Fila (interprétation). - Tout à fait, c'est bien là la position
5 adoptée par la défense. Nous sommes d'accord.
6 M. le Président (interprétation). - Que dit l'accusation ? Maître
7 Niemann.
8 M. Niemann (interprétation). - Très rapidement, Monsieur le
9 Président, merci.
10 Ce que vous suggérez est peut-être la meilleure solution ; nous en
11 sommes tout à fait satisfaits. Il y a peut-être tout au plus deux questions
12 à soulever : d'abord celle de l'authenticité, qui se pose ici aussi,
13 s'agissant des documents qui seraient versés par le truchement du témoin ;
14 il se peut que cette question ne se pose pas de façon aussi sérieuse car le
15 témoin elle-même peut régler des questions d'authenticité, ce qu'elle ne
16 peut pas nécessairement faire pour tous les documents qu'elle va présenter.
17 Nous demanderons à ce moment-là que l'occasion soit donnée de soulever la
18 question de l'authenticité en réplique.
19 Ce n'est peut-être pas nécessaire car nous aurons des témoins, un
20 témoin qui va parler document, mais la question du document ne se posera
21 pas nécessairement.
22 Autre question que je voulais soulever : à ce stade, je ne pense
23 pas que nous ayons des questions supplémentaires à poser à ce témoin dans
24 le cadre d'un interrogatoire principal, questions qu'elle n'aurait pas
25 évoquées dans les affaires Tadic et Kovacevic. Mais il se peut qu'elle
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1 parle, à l'occasion du contre-interrogatoire, de nouvelles questions, de
2 nouveaux sujets qu'elle n'aurait pas évoqués précédemment. A ce moment-là,
3 nous aimerions demander en temps voulu, si c'était nécessaire, d'avoir
4 l'occasion de lui reposer des questions.
5 Et enfin, un simple rappel des décisions récentes prises dans
6 l'affaire Aleksovski où ce document pourrait être versé comme étant un
7 document relevant de l'ouï-dire. Je ne veux pas insister là-dessus, mais je
8 voulais simplement vous faire ce bref rappel, Monsieur le Président.
9 M. le Président (interprétation). - Il se peut qu'Aleksovski ne
10 soit pas approprié en cette espèce.
11 M. Niemann (interprétation). - C'est peut-être le cas.
12 M. le Président (interprétation). - Par conséquent, le Procureur
13 pourrait, dans un cadre restreint, poser des questions. Vous en seriez
14 satisfait, Maître Niemann ?
15 M. Niemann (interprétation). - Oui. Mais avant d'en terminer,
16 Monsieur le Président, le compte rendu d'audience dans ces deux affaires
17 peut-il être considéré comme étant une déclaration ? Plutôt que d'essayer
18 d'obtenir une déclaration du témoin en question ?
19 Elle est devenue Juge de la Cour européenne des droits de
20 l'homme ; elle est très occupée et nous ne voudrions pas l'importuner, si
21 c'était possible d'éviter cela, en lui demandant une déclaration.
22 (Les Juges se consultent sur le Siège).
23 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Les comptes rendus
24 d'audience, et les pièces versées à cette occasion, seront admis en tant
25 qu'éléments de la présentation des moyens à charge. Mais le témoin pourra
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1 se présenter aux fins d'un contre-interrogatoire et liberté sera donnée à
2 l'accusation de procéder à l'interrogatoire principal sur certaines
3 questions.
4 Le compte rendu d'audience de ce témoin sera considéré comme étant
5 la déclaration qu'elle aura fournie. Il n'y aura pas d'autre déclaration
6 qui sera recueillie de ce témoin puisque les éléments évoqués au compte
7 rendu d'audience couvrent les faits principaux de l'affaire.
8 Nous allons d'abord prendre une décision en temps voulu sur la
9 question du constat judiciaire. Je ne sais pas si vous voulez évoquer
10 d'autres questions en audience publique ; si ce n'est pas le cas, nous
11 pouvons passer à huis clos pour la tenue d'une conférence de mise en état.
12 Y a-t-il des questions que l'une ou l'autre partie voulait
13 soulever auparavant ? Cela ne semble pas être le cas. Nous allons passer à
14 huis clos.
15 L'audience est levée à 12 heures 40.
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