Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 16 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 26.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Malheureusement, vous avez dû

6 attendre ce matin, ce qui est fâcheux. Il y a eu apparemment des retards

7 pour ce qui est du transport des accusés.

8 Maître Guy-Smith, dois-je comprendre que vous souhaitez soulever une

9 question pour le moment ?

10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je m'excuse de

11 cette interruption, mais mon client M. Bala, hier était préoccupé par le

12 problème des yeux bandés qui a été réglé, mais a également été préoccupé,

13 car il a fallu un certain temps pour assurer le transport depuis le

14 quartier pénitentiaire jusqu'au Tribunal, ce qui a pris quelque deux

15 heures, d'après ce que je crois comprendre hier, et à peu près le même

16 temps aujourd'hui. Le problème est, l'Accusation a pris bonne note de

17 cela, le problème vient du fait qu'il souffre d'une pathologie cardiaque,

18 et que ce n'est pas un homme en très bonne santé. Ce matin, il m'a dit

19 qu'il se sentait très malade, et qu'il était extrêmement préoccupé par son

20 état de santé, et au cours des deux derniers jours, vu le temps de

21 transport qui a été extrêmement long, je dois dire que j'ai fait moi-même

22 ce trajet du Tribunal au quartier pénitentiaire en bicyclette, et cela m'a

23 pris un quart d'heure. Je comprends tout à fait qu'il y a des questions

24 relatives à la sécurité, ou qu'il y a peut-être des embouteillages, ou

25 qu'il y a d'autres raisons qui expliquent cela, toutefois, il m'a indiqué

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1 qu'il préfèrerait que la Chambre de première instance siège en son absence,

2 ce qui fait qu'il pourrait retourner au quartier pénitentiaire pour ne pas

3 avoir à souffrir de stress. Je lui ai demandé juste avant que vous

4 n'arriviez s'il avait toujours les mêmes sentiments pour le moment, mais je

5 pense que c'est quelque chose qui le préoccupe, et son état de santé le

6 préoccupe. Je m'excuse une fois de plus d'avoir soulevé cette question,

7 mais je pense toutefois que c'est une question qui est suffisamment urgente

8 pour nous en préoccuper maintenant.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith, je ne pense qu'il

10 serait extrêmement utile, pour le moment, que l'accusé s'exprime sur la

11 question. Certes, c'est un problème préoccupant, et votre client doit

12 pouvoir suivre le procès sans pour autant que cela représente un problème

13 pour sa santé. De toute évidence, le début du procès et le fait que la

14 journée d'hier fut une journée longue, ce qui n'est pas habituel, ces deux

15 éléments auront certainement exacerbé la pression. Je pense que peut-être

16 qu'une fois qu'il sera habitué à une certaine routine, il sera ici au

17 Tribunal pendant une demie journée, et je ne pense pas que ce soit quelque

18 chose d'aussi pénible qu'hier.

19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends tout à fait, mais pour ce qui

20 est je ne sais pas en fait.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je pense qu'il faudra

22 certainement veiller au grain, et cela peut-être, reprendra des propos que

23 j'ai déjà indiqués. Pour ce qui est de l'ordre de transport des accusés et

24 pour ce qui est de la durée de temps pour ce transport des accusés, je

25 pense que ce sont des thèmes qui pourraient faire l'objet de discussions

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1 utiles entre vous-même et le greffier. C'est le greffier qui maîtrise ces

2 éléments. Je vous suggère d'envisager cette possibilité et manifestement,

3 nous espérons tous pouvoir nous habituer à une certaine routine ce qui, je

4 l'espère, fera comprendre à votre client qu'il subira moins de pression.

5 N'hésitez pas si la question devient urgente et pressante de la soulever

6 ici.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est pour cela que l'ai soulevé ce matin.

8 Je vais suivre la suggestion de la Chambre de première instance. Je pense

9 qu'il était judicieux de ma part de tenir la Chambre de première instance

10 informée.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne voudrais jamais parler de la

12 compétence de la Chambre de première instance, pour ce qui est de

13 l'ordonnance qui a été rendue hier.

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce n'est pas à propos de cela que je

15 présentais mon observation.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semble que nous avons peut-être une

17 solution à l'impasse dans laquelle nous nous trouvions, et qui d'ailleurs

18 touche tous les accusés. La Chambre de première instance est tout à fait

19 disposée à agir comme nous l'avons fait.

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je m'exprime au nom de mon client. Je suis

21 sûr que les autres apprécieront ce que la Chambre de première instance a

22 fait.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il y a une approche

24 légèrement différente dans le cadre de votre client, comme je l'ai indiqué.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'espère que cela donnera de bons

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1 résultats.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

3 Maître Mansfield, je crois comprendre que vous souhaitez faire une

4 déclaration liminaire.

5 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Madame,

6 Monsieur les Juges. Dans un premier temps, j'aimerais vérifier si une

7 liasse de documents, dont je vous ai parlé hier, et que nous allons

8 utiliser lors de notre déclaration liminaire, a été distribuée à tout le

9 monde. Voilà ce dont a l'air. Vous avez une table des matières en première

10 page. C'est une liasse qui se compose de 11 documents. A l'exception d'un,

11 peut-être, de ces documents, il s'agit de documents qui ont déjà été

12 présentés au Tribunal lors d'une phase préalable.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous avons tous ces

14 documents, Maître Mansfield.

15 [Déclaration liminaire de la Défense Limaj]

16 M. MANSFIELD : [interprétation] Si tel est le cas, j'aimerais au nom de M.

17 Limaj, avec mon co-conseil, vous parler de certains thèmes, qui nous

18 l'espérons vous seront utiles pour ce qui est de la conduite du procès et

19 de la présentation des moyens à décharge. J'aimerais reprendre le flambeau

20 là où l'Accusation a présenté ses conclusions hier soir, parce que voilà ce

21 qui était leurs observations : ils indiquaient que ce Tribunal est un

22 véhicule, un vecteur, un instrument de réconciliation, et que cela passe

23 essentiellement par le truchement de la justice. La raison d'être de ce

24 Tribunal et de ce qui est fait par le Tribunal a été un vecteur qui permet

25 à certaines personnes et à certains groupes de personnes de se confronter à

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1 certaines vérités et à certains faits.

2 Nous nous rallions entièrement à cette approche. Nous nous considérons

3 partie prenante de ce processus compte tenu, bien entendu, des paramètres

4 statutaires indiqués. Si nous prenons en considération cette approche, cela

5 met en exergue immédiatement la considération pour le contexte de cette

6 affaire. Je pense au contexte historique ainsi qu'au contexte personnel. Le

7 contexte de cet acte d'accusation parce que ce nous avançons, c'est que

8 lorsque d'aucun étudie le contexte et les antécédents de cette affaire,

9 cela est pertinent pour les questions qui seront soulevées dans les jours à

10 suivre, et cela deviendra pertinent et important pour trois éléments

11 essentiels : dans un premier temps, il faut pouvoir évaluer la nature,

12 l'essence du conflit en 1998, ces antécédents, les réactions au cours des

13 premiers mois de la part des Albanais du Kosovo. Tous ces facteurs auront

14 une incidence et peuvent avoir une incidence sur l'essence même du conflit

15 armé. J'indiquerai que je ne souhaiterais pas réitérer les thèmes qui ont

16 été abordés lors du mémoire préalable au procès.

17 Voilà, pour ce qui est de la première question. Il s'agit d'analyser la

18 nature et l'essence du conflit compte tenu du contexte des événements qui

19 se sont déroulés auparavant.

20 Deuxièmement, le contexte est important car il nous permet d'évaluer les

21 actions et les mesures alléguées, ainsi que le comportement qui a été

22 prétendument adopté par le défenseur que je représente, M. Limaj. En

23 d'autres termes, il faut envisager et ce, compte tenu du contexte,

24 l'essence, la nature de cet homme à proprement parler, en se demandant qui

25 il est, ce qu'il a fait avant et après les événements qui sont allégués

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1 dans cet acte d'accusation. Cela nous permettra peut-être de mieux évaluer

2 la véracité des allégations prononcées contre lui.

3 Troisièmement, j'en reviens au contexte, en d'autres termes, j'en reviens

4 aux événements qui se sont produits avant et, dans une certaine mesure, qui

5 se sont produits après, et qui sont pertinents par rapport à cette fonction

6 de réconciliation. Il convient d'évaluer certains des éléments de preuve

7 qui vont vous être présentés, car il faut pouvoir les analyser compte tenu

8 de ces événements afin de jauger et de savoir si ces événements ont une

9 connotation politique ou ont eu comme base, une inspiration politique.

10 Voilà les trois éléments que je souhaiterais développer ce matin à propos

11 du contexte. Je pense que ce sont des événements qui sont particulièrement

12 pertinents et émouvants.

13 Avant d'aborder le thème essentiel et narratif du contexte, il est très

14 facile de reprendre certains des éléments qui ont été soulignés hier. Cet

15 acte d'accusation est à une limite dans le temps. Il s'agit de trois mois

16 d'une année : du mois de mai au mois de juillet 1998. Cela porte sur toute

17 personne ou cela a une incidence pour toute personne qui a été traitée de

18 façon illicite. Je pense aux meurtres, aux tortures ou aux enlèvements

19 illégaux, et cela est absolument impardonnable. Mais, il y a quand même un

20 certain nombre limité de ces éléments par rapport à l'acte d'accusation, et

21 le mot qui a été utilisé hier est un mot qui a été utilisé de façon

22 mesurée. Il s'agit d'une période de trois mois avec des victimes alléguées

23 qui s'élèvent à des dizaines, et non pas à des centaines, ou des milliers

24 de victimes. Ce que j'aimerais dire en guise de précurseur, en quelque

25 sorte, est qu'il faut considérer le contexte et sa pertinence par rapport à

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1 M. Limaj. J'aimerais aborder la décennie qui a précédé l'année 1998, en

2 d'autres termes, les dix années qui se sont écoulées avant 1998, et qui

3 sont importantes, à la fois pour M. Limaj et pour le Kosovo. En quelque

4 sorte, ces deux éléments sont interdépendants, de façon quasiment

5 inexplicable. J'aimerais vous demander, non pas forcément de le faire

6 maintenant, mais de ne pas oublier la situation d'une personne, telle que

7 Fatmir Limaj et de sa famille, qui est devenue un adulte pendant cette

8 décennie.

9 Je vais commencer par l'année 1989, car comme vous le savez, Fatmir Limaj

10 est né en 1971, et il avait 18 ans en 1989. Il s'est marié pendant cette

11 année. Il avait suivi des cours à l'école élémentaire et secondaire dans

12 son pays. C'est en 1989 qu'il s'est inscrit à la faculté de droit de

13 l'université de Pristina. En un sens, par conséquent, il s'agit d'une

14 personne, d'un jeune homme qui était tout à fait ordinaire, qui respectait

15 le droit, mais qui vivait sous l'ombre. Sous une ombre particulièrement

16 noire et obscure, qui commençait à s'amonceler sur le Kosovo et ce, par une

17 personne qui est maintenant bien connue dans toute l'Europe. En d'autres

18 termes, une ombre jetée par le nouveau président élu de la Serbie, M.

19 Milosevic. Le 8 mai 1989, l'année où Limaj se marie et s'inscrit à la

20 faculté de droit.

21 C'est à nouveau en 1989, qu'une nouvelle constitution serbe révoque

22 l'autonomie du Kosovo et se lance dans un programme législatif dont le but

23 est de jeter la discrimination et d'éliminer les droits quasiment

24 d'existence des Albanais du Kosovo. Limaj est, bien entendu, est l'une de

25 ces personnes.

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1 Il faut se livrer à une réflexion momentanée pour imager sans aucune

2 embûche comment se sentait une personne, qui faisait partie d'un groupe,

3 dont l'existence a commencé à être ciblée. Il faut commencer à évaluer cela

4 et c'est ce que j'avance en son nom pour pouvoir comprendre sa

5 responsabilité et son sens de la responsabilité par rapport à d'autres et

6 ce, pendant les années dont j'ai parlé. Je pense que l'on verra qu'il

7 s'agit d'une personne, qui ne vous a exclu, qui voulait inclure une

8 personne qui ne voulait pas que soit forgé un système d'apartheid qui a

9 commencé essentiellement avec les années Milosevic.

10 L'année suivante, l'année 1990, est une année importante. C'est

11 l'année de la naissance de son fils. C'est également l'année où le

12 parlement du Kosovo a fait l'objet de dissolution le 5 juillet, et c'est

13 l'année au cours de laquelle des lois du style de celle dont j'ai parlé ont

14 été mises au point par les Serbes, par le gouvernement serbe. Il s'agissait

15 d'une politique qui, de façon assez ironique, s'intitulait Programme pour

16 la concrétisation de la paix, de la liberté, de l'égalité, de la démocratie

17 et de la prospérité dans la province du Kosovo. Rien n'est plus éloigné de

18 la vérité.

19 Car nous avons tout à fait l'antithèse de ces principes de paix, de

20 liberté, de démocratie et de prospérité. C'est ce qui a été imposé aux

21 Albanais du Kosovo. J'aimerais, si vous me le permettez, vous présenter une

22 description qui émane d'un rapport de l'organisation "Human Rights Watch".

23 Je vais citer cela. Vous pouvez vérifier cela. Voilà à la page 27 comment

24 le Kosovo était décrit en 1990, l'année où ce jeune homme a eu un fils et a

25 essayé de faire vivre sa famille :

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1 Le Kosovo est devenu un Etat policier dirigé par Belgrade avec une forte

2 présence militaire serbe, qui commet des sévices et des abus des droits de

3 l'homme. Les violences policières, les détentions arbitraires ainsi que les

4 actes de torture, étaient monnaie courante. Les Albanais d'origine ethnique

5 étaient détenus et étaient emprisonnés seulement du fait de leur

6 appartenance ethnique. Les croyances politiques ou les appartenances

7 politiques, ont été soit interdites ou étaient considérées d'un mauvais œil

8 par le gouvernement serbe.

9 Pendant les années suivantes, dans cet Etat policier, des centaines

10 de milliers, non pas des dizaines de milliers, mais des centaines de

11 milliers d'Albanais du Kosovo ont été chassés et licenciés des institutions

12 gouvernementales. C'est un fait qui a été ressenti dans l'une des branches

13 les plus importantes de la société, à savoir, l'éducation. Tous les

14 enseignants albanais ont été congédiés. Les écoles albanophones ont été

15 fermées, et c'est un processus dont les ramifications ont atteint tous les

16 aspects de l'identité des Albanais de Kosovo. L'objectif était

17 particulièrement clair; il s'agissait d'éliminer cette identité. Human

18 Rights Watch a estimé qu'au cours des sept années ayant suivi l'année 1990,

19 350 000 Albanais se sont retrouvés dans une diaspora, et ont été dispersés

20 dans une diaspora dont l'on a dit qu'il s'agissait d'un événement

21 catastrophique. Ce sont les mots qui ont été utilisés par l'Accusation,

22 dans un autre contexte hier, une catastrophe qui s'est produite pendant ces

23 années, une catastrophe qui a visé cette communauté seulement du fait de

24 son appartenance ethnique. Vers la fin de cette période, à savoir, pendant

25 1990 à 1997, en 1996, il s'agit de la page 34 du rapport de Human Rights

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1 Watch, les abus et les sévices des droits de l'homme se sont intensifiés.

2 La police agissait quasiment en toute impunité. Ces sévices de la police

3 prenaient trois formes; des passages à tabac tout à fait aléatoires dans

4 les rues et dans les endroits publics, qui ciblaient à nouveau des

5 militants albanais avec des représailles arbitraires après des attaques

6 menées à bien par l'UCK.

7 Je m'interromps et je vous pose une question. Imaginez-vous, vous-

8 même dans vos pays respectifs, imaginez que le parlement a été dissout,

9 imaginez que votre pays est occupé essentiellement par une force étrangère

10 et que votre existence quasiment vous est niée. On peut comprendre pourquoi

11 des milliers sont partis. Comme vous le savez, en 1997, Fatmir Limaj a lui-

12 même été obligé de s'enfuir.

13 En un sens, il s'agissait de nettoyage ethnique présenté sous sa pire

14 forme. Pour utiliser des mots qui sont parfois utilisés dans un autre

15 contexte, il s'agissait d'une attaque générale et systématique menée à

16 l'encontre d'une population civile.

17 Nous arrivons à l'aube de l'année 1998. Pendant cette année, une fois

18 de plus, entre les mois de mai et septembre, j'en veux pour preuve la page

19 47 du rapport de Human Rights Watch, c'est cette année que 298 000 Albanais

20 du Kosovo sont déplacés à l'intérieur de leur pays. Progressivement,

21 pendant cette année, les forces de la République fédérale de Yougoslavie,

22 les forces de la République de la Serbie ainsi que le MUP, qui est le cigle

23 qui est utilisé de temps à autre pour faire référence à ces forces, s'est

24 lancé dans une campagne beaucoup plus intensive, beaucoup plus intensive

25 que celle que nous venons d'ébaucher. Car des villages entiers ont été

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1 rasés. Non seulement il y avait destruction des biens et des propriétés,

2 mais il y avait également élimination d'hommes, de femmes et d'enfants, de

3 personnes jeunes et âgées. Une fois de plus, l'horreur des événements qui

4 se déroulaient, ne peut pas être comptabilisé par des nombres de dizaines

5 de milliers, mais par un nombre de centaines de milliers pour ce qui est du

6 nombre de personnes tuées, pour ce qui est du nombre de foyers détruits.

7 Cela transcende ou dépasse l'incident que vous connaissez, à savoir, le

8 massacre des trois villages en février et en mars, le massacre de Drenica.

9 Il s'agit de villages qui ont été attaqués de façon -- de villages qui ont

10 été attaqués avec pour solde 83 personnes tuées, 24 étant des femmes et des

11 enfants, une femme enceinte sur laquelle on a tiré à bout portant dans le

12 village, quatre frères de la même famille tués, 10 membres de la famille

13 Ahmeti qui ont été exécutés de façon sommaire. On peut indiquer de façon

14 indubitable qu'il s'agissait d'horreur, de catastrophe qui, pour eux, sera

15 inoubliable.

16 Je voudrais indiquer cela pour vous replacer dans le contexte. Je

17 pense notamment à ce qui a été abordé hier, le contexte de réconciliation.

18 L'Accusation nous a lu une liste des Serbes contre lesquels des actes

19 d'accusation ont été dressés. Toutefois, le nombre de Serbes pour lesquels

20 des actes d'accusation ont été prononcés, ne l'ont pas été pour des années

21 qui précèdent le 1er janvier 1999.

22 En d'autres termes, les événements que je viens d'aborder de façon

23 détaillée, n'ont pas été considérés. Il y a des personnes au sein de

24 l'autorité serbe qui n'ont subi aucune sanction disciplinaire, et pour

25 lesquelles aucune mesure n'a été prise.

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1 C'est dans ce contexte que ce jeune homme avec sa famille, il avait

2 maintenant trois enfants; trois filles qui sont nées, l'une en 1993,

3 l'autre en 1995 et la troisième en 1999, qui ont maintenant

4 11 ans, 9 ans, et 5 ans. Pendant toutes ces années, en dépit de

5 l'oppression, en dépit de la répression, il a obtenu son diplôme

6 universitaire de l'université dont je vous ai parlé, université où il s'est

7 inscrit en 1989. Il a obtenu sa licence en 1995. En 1996, il a commencé sa

8 maîtrise avant de devoir quitter son pays en 1997; cette licence qui était

9 une licence de relations internationales. Pendant ces années, envers et

10 contre tout, il n'est jamais suggéré par quiconque Fatmir Limaj participait

11 ou s'était lancé dans une campagne hostile ou dans une campagne de sévices

12 menée contre tout autre groupe racial au sein du Kosovo.

13 C'est lors du printemps de 1998 qu'il revient au Kosovo où il est né

14 afin de se heurter à la puissance d'une présence militaire extrêmement bien

15 équipée. Il essaie en quelque sorte de donner un souffle nouveau à des

16 groupes de résistance armés. Il s'agissait de villageois qui essayaient

17 d'opposer une résistance à la puissance de l'attaque que je vous ai

18 décrite. Avec votre permission, j'ai pris quelque temps ce matin pour vous

19 en parler.

20 Avant de passer à autre chose, je souhaitais poser une question

21 concernant cette période du printemps 1998, période couverte par l'acte

22 d'accusation, du mois de mai jusqu'au mois de juillet. La question

23 principale qui se pose, c'est à savoir si Lapusnik était un camp.

24 Effectivement, si c'était plus qu'un camp ou si c'était un camp ou si

25 c'était un endroit où l'on torturait des personnes, où l'on détenait des

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1 détenus, et cetera. Nous voulons simplement vous poser une question afin

2 que vous puissiez en réfléchir eu égard à la nature de ce qui se passait en

3 1998, lorsque Fatmir Limaj est revenu au Kosovo. Comme vous le savez, il

4 est dit et sans être contesté, qu'il s'est rendu à Lapusnik. La question

5 que je souhaiterais vous poser, c'est la question qui a été évoquée dans le

6 mémoire préalable au procès par l'Accusation, au paragraphe 39. Eu égard à

7 l'endroit où Lapusnik est situé, est-ce que vous croyez vraiment que

8 quelqu'un, un quiconque choisirait d'en faire un endroit de détention où

9 des civils seraient détenus se trouvant directement sur la ligne de front,

10 c'est-à-dire, à 350 mètres des forces serbes, de sorte que lorsque l'on est

11 debout dans le jardin de la ferme, on peut voir où étaient cantonnées les

12 forces serbes ?

13 Nous vous soumettons respectueusement que cela ne prend pas un énorme

14 cerveau militaire pour réfléchir à la chose et pour comprendre qu'il est

15 absolument illogique de placer des civils à cet endroit-là. Si au printemps

16 1998, l'on était principalement préoccupé par le fait de repousser la

17 machine militaire serbe, à ce moment-là, selon nous, je ne crois pas que

18 l'on se permettrait d'être distrait en se servant de ressources minimes

19 afin d'emmener des personnes situées dans des municipalités éloignées en

20 passant par des routes très dangereuses pour les emmener à un endroit qui

21 se trouve si proche des lignes serbes. Admettant une différente question,

22 il est une différente question, si bien sûr, il s'agit de prisonniers de

23 guerre. Par exemple, si on a capturé des prisonniers qui se trouvaient sur

24 la ligne de front ou tout près de la ligne de front, à ce moment-là, il

25 s'agirait d'autre chose. C'est une question qu'il faut se poser concernant

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1 les questions auxquelles vous devez réfléchir. Ce que j'ai déjà dit, c'est

2 que je vous demanderais de tenir compte du contexte de cette période brève.

3 C'est la raison pour laquelle je souhaiterais passer aux événements qui ont

4 suivi cette courte période de temps, c'est-à-dire, je souhaiterais

5 maintenant aborder la question du

6 post-contexte; en d'autres mots, de quelle façon Fatmir s'est comporté dans

7 les années qui ont suivi la guerre.

8 Le 16 octobre 1999, le parti, le PPDK du Parti démocratique du

9 Kosovo, ce parti a été formé, le parti dont a parlé hier. Il a joué un rôle

10 quant à la formation de ce parti. Ensuite, le PDK qui est ressorti de ce

11 parti politique. Il était secrétaire pour les relations publiques. Ensuite,

12 lorsque les premières élections de l'assemblée ont été tenues en 2001,

13 Fatmir Limaj est devenu le président d'un groupe parlementaire du PDK, et

14 était un membre qui avait été un député qui avait été élu de façon

15 démocratique. Il est tout à fait clair qu'il a joué un rôle vital pour ce

16 qui est des institutions flétrissantes de l'époque. C'est à ce moment-là

17 que l'on peut dire qu'il était pour une démocratie. La raison pour laquelle

18 je souhaite parler de cette période, c'est ce que je voulais dire, pensez-

19 vous réellement qu'il s'agirait d'un homme qui pourrait superviser des

20 meurtres, la torture, et tout d'un coup devenir diplomate hors pair, une

21 personne sérieuse, une personne qui souhaite établir une nouvelle union à

22 l'intérieur du Kosovo ? Bien sûr, c'est une question qu'il faudra

23 déterminer. De nouveau, il a démontré une responsabilité extraordinaire

24 alors qu'il aurait pu faire le contraire s'il avait voulu causer ou

25 provoquer une autre situation politique ou d'autres situations.

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1 C'est pour ces raisons que je vous demanderais de prendre un document

2 extrêmement important concernant la lecture de l'homme que vous avez devant

3 vous. Si vous prenez la liasse de documents que vous avez sous les yeux, le

4 tout premier document est une lettre envoyée au Tribunal. C'est le premier

5 ministre de l'institution provisoire du gouvernement. C'est une lettre qui

6 a été envoyée le 13 mars. Maintenant, il y un certain nombre de ces

7 documents, que l'on vous fournit simplement afin que le Tribunal puisse

8 examiner la question d'une -- c'est la raison pour laquelle nous avons

9 soumis ces documents, car nous voulions aborder la question d'une

10 libération provisoire, mais ce document est maintenant entre vos mains.

11 Maintenant que les procédures ont commencé, je vais vous lire, je ne vais

12 pas vous lire toute la lettre, mais voici ce que dit le premier ministre :

13 "Permettez-moi de dire que je partage l'opinion de plusieurs collègues

14 locaux et internationaux qui ont été impliqués dans un effort conjoint afin

15 d'établir l'Etat de droit au Kosovo, et que M. Limaj a démontré une

16 attitude vis-à-vis du Tribunal pénal international qui n'a été

17 qu'exemplaire. En tant que premier ministre du Kosovo, je dois dire qu'il

18 est arrivé très fréquemment outre ses efforts, qu'il démontre une volonté

19 face au procès. Il ne renie pas l'autorité du Tribunal, et il propose

20 d'offrir une pleine coopération. Il a clairement donné l'intention de se

21 livrer entre les mains du Tribunal pénal international, et il a demandé aux

22 citoyens de ne pas faire de protestation contre les charges qui ont été

23 portées contre lui. Il reconnaît l'autorité du Tribunal pénal

24 international, et il souhaiterait renforcer l'état de droit."

25 Il y avait, une démonstration, une manifestation massive à Pristina,

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1 au Kosovo, d'environ 250 000 personnes. Je dois dire qu'il n'a pas voulu

2 inciter aucune forme de, -- un problème politique. Il a pris en compte la

3 fragilité de l'union qu'il essayait de construire. Ce n'est pas un homme

4 qui essayait de détruire quoique ce soit tel qu'il a été allégué dans

5 l'acte d'accusation.

6 Le paragraphe suivant, se lit comme suit : "De plus, M. Limaj, grâce

7 à son attitude a donné une contribution de la plus morale en établissant un

8 schéma de comportement envers votre autorité si respectée dans cette

9 région. C'est quelque chose qui est très souvent contesté et mis en cause.

10 Toutefois, lorsqu'on parle du Kosovo, notre détermination d'établir une

11 coopération entière avec le Tribunal pénal international est ferme et

12 honnête, et ne devrait pas être confondue avec les citoyens ou le

13 gouvernement qui ne reconnaissent pas votre autorité, et qui cherchent

14 d'éviter de remplir les obligations envers le Tribunal pénal international.

15 Le comportement de M. Limaj illustre notre détermination pour une opération

16 pleine et entière."

17 "Je trouve qu'il est très important d'insister sur le fait que M.

18 Limaj a joué un rôle crucial pour ce qui est de la période d'après la

19 guerre au Kosovo. C'est une personne très constructive en tant que membre

20 de l'assemblée et qui fournit un lien important entre les groupes

21 politiques et ethniques divers. C'est la raison pour laquelle il a toujours

22 été particulièrement respecté."

23 "En même temps, il faudrait tenir compte du fait qu'il n'a pas de casier

24 judiciaire. Au contraire, c'est un juriste excellent qui a terminé ses

25 études en tant que juriste, et c'est un combattant qui souhaite obtenir la

Page 368

1 paix pour tous les citoyens kosovars indépendamment de leur appartenance

2 ethnique, leur religion ou leurs opinions politiques."

3 Maintenant, il est certain que le premier ministre aurait pu dire quelque

4 chose de la sorte pour l'un de ses propres députés. Je vous soumets

5 respectueusement qu'eu égard à la nature de sa position et eu égard à

6 l'institution démocratique qu'il présidait, je crois qu'il ne dirait pas

7 des choses comme cela simplement pour le dire, surtout lorsqu'on pense au

8 contexte du Kosovo. La même chose ne peut être dite pour d'autres

9 juridictions. Toutefois, si vous prenez le document suivant, je voulais

10 simplement me servir de ce document pour illustre mon point de vue. Ce

11 n'est pas simplement une opinion d'un Albanais du Kosovo, mais c'est un

12 document qui vous démontrera la chose suivante : à la page 4, il y a une

13 lettre, qui est datée du 28 avril 2003. C'était Daan Everts, qui était à la

14 tête de l'OSCE. Comme vous le savez, l'OSCE a joué un rôle très important

15 pour ce qui est de la reconstruction du Kosovo. L'Organisation pour la

16 Sécurité et la Coopération au Kosovo est sans doute l'une des organisations

17 internationales les plus importantes.

18 Voilà ce que M. Everts avait à dire lorsqu'il a envoyé une lettre au

19 Procureur en chef. "Même si je ne peux pas donner de jugement sur les

20 événements qui ont eu lieu pendant la période pendant la guerre, j'ai connu

21 M. Limaj assez bien pendant la période pendant laquelle j'ai été à la tête

22 de la mission de l'OSCE. Au Kosovo juste après le conflit, je l'ai connu

23 pendant trois années. La communauté internationale était engagée à

24 reconstruire la région, et en tant que membre actif de l'assemblée du

25 Kosovo, qui a été transformée d'un parlement qui avait été élu

Page 369

1 démocratiquement, de façon démocratique, M. Limaj a toujours voulu établir

2 un gouvernement inclusif de réconciliation, et il a toujours été en faveur

3 de cette partie du PDK assurant une structure administrative intérimaire y

4 compris la participation serbe, qui était cruciale, pour ce qui est

5 d'établir une règle exécutive pour ce qui est de l'administration des

6 Nations Unies. Il a toujours été contre la violence, contre les

7 nationalistes, les extrémistes au Kosovo et contre les guerres civiles qui

8 avaient lieu en Macédoine et en Serbie."

9 En cours, je voudrais dire que M. Limaj a fait preuve d'une volonté et

10 d'une tendance envers la fonction qui a été décrite hier par le Procureur

11 de la réconciliation et reconstruction. Si l'on prend la page 5, la lettre

12 se poursuit et se lit comme suit : "Au cours de la période, qui a suivi le

13 conflit, de tendance intense et nationaliste, au cours de cette période-là,

14 j'ai estimé que M. Limaj était un politicien qui a voulu établir des

15 compromis, et agir de façon constructive avec la communauté internationale

16 et d'autres communautés ethniques."

17 Nous disons maintenant que l'importance de cette lettre est la chose

18 suivante : c'est que cette lettre nous permet d'évaluer que c'était un

19 homme qui était un homme prudent, et qui était un homme qui voulait nous

20 faire comprendre que M. Limaj était bien. Si l'auteur de cette lettre

21 pensait que M. Limaj était une personne manipulatrice, il n'aurait

22 absolument aucun doute que cette lettre n'aurait pas été écrite.

23 Voici, je peux vous lire maintenant le document suivant. Il s'agit de la

24 page 6. Il s'agit d'un témoignage fait par Carolyn McCool. Vous verrez, de

25 part son curriculum vitae qui figure à la page 8, qu'elle a un CV

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1 absolument impressionnant. Elle a travaillé au Canada avant de prendre

2 toutes ces tâches au Kosovo. De nouveau, je l'inclus pour vous dire que

3 vous pouvez le voir, de cette façon-là, la qualité des personnes qui font

4 une évaluation. Des personnes qui se trouvent à l'extérieur du Kosovo et

5 qui vous parlent de cet homme, qui est un kosovar. Elle dit à la page 6, au

6 paragraphe 2. "Au mois d'août 1999, je me suis rendue au Kosovo en tant que

7 premier directeur de la région de Mitrovica au Kosovo, pour la mission de

8 l'OSCE au Kosovo. En d'autres mots connue comme la OMiK. J'y suis restée

9 jusqu'au mois de décembre 2000. Par la suite, j'ai été transférée à

10 Pristina en tant que directrice de la démocratisation."

11 Ensuite, elle a dit que l'endroit où elle s'était trouvée avant, je

12 l'ai déjà indiqué au paragraphe 3. "J'ai connu Fatmir Limaj lorsque je suis

13 démangée à Pristina en 2001 en tant que directeur de la démocratisation

14 pour la MINUK. Il était important de connaître les dirigeants politiques.

15 J'ai rencontré Fatmir Limaj comme étant le vice-président de la PDK."

16 Paragraphe 4 : "Après m'être entretenue avec M. Limaj à plusieurs

17 occasions, j'ai forgé l'opinion de lui comme étant une personne des plus

18 progressives, des plus ouvertes du Kosovo. Une personne qui avait une

19 transparence, qui était engagé vers un futur démocratique pour le Kosovo,

20 et qui était bien intégré dans l'Europe, et qui avait des liens très

21 étroits avec l'Amérique du nord; comme quelqu'un qui était une personne qui

22 était préoccupée par l'établissement de la règle de trois à l'état de

23 droit, et à l'intégration du Kosovo. Selon mon expérience, M. Limaj voulait

24 coopérer avec la communauté internationale au Kosovo, et il était toujours

25 préoccupé par le développement politique."

Page 371

1 "M. Limaj n'est pas le seul à m'avoir impressionné de la sorte. Il y

2 avait d'autres personnes dans son parti politique, et dans d'autres

3 communautés ethniques qui avaient également montré que leur intérêt

4 primaire était d'établir un avenir pour le Kosovo, un avenir ethniquement

5 inclusif, démocratique, et qui désirait l'intérêt public. Mais selon moi,

6 il y a peu de personnes qui peuvent être décrites de cette façon-là.

7 J'estime que Fatmir Limaj fait partie de cette petite communauté de

8 personnes extraordinaires, exceptionnelles."

9 "C'était un homme qui souhaitait régler les problèmes avec les Serbes

10 du Kosovo de façon honnête. Je l'ai connu en 2001. Il est devenu très clair

11 qu'il était préoccupé. Il était intéressé à établir un dialogue albanais,

12 serbe, et que ce n'était pas simplement une rhétorique, mais il faisait des

13 efforts importants. A chaque fois que je l'aie vu, il était en mesure de

14 cristalliser des points, de clarifier des points de démarcation pour

15 démontrer les façons qui pouvaient particulièrement faciliter le processus.

16 Ce que nous appelions les rencontres multiethniques. M. Limaj, selon moi

17 était invariablement l'une des personnes les plus productives et c'était un

18 participant honnête dans ces dialogues. Je ne dis pas qu'il est d'accord

19 avec les Serbes du Kosovo, c'est tout à fait le contraire. Ses points de

20 vue sont toujours diamétralement opposés aux points de vue des Serbes du

21 Kosovo. Je désire dire que Fatmir Limaj est prêt

22 à faire face à ces questions en tant que politicien et à un niveau de

23 principe. Par exemple, je sais de mon expérience personnelle qu'il a été

24 prêt à rencontrer personnellement, individuellement, des Serbes du Kosovo,

25 et le fait dans un esprit de non rhétorique et de façon professionnelle."

Page 372

1 Ensuite : "Fatmir Limaj n'a jamais prononcé des propos contre d'autres, des

2 propos haineux contre des personnes appartenant à d'autres groupes

3 ethniques, y compris les Serbes du Kosovo. Je ne l'ai jamais entendu parler

4 de violence contre qui que ce soit. Selon mon expérience, c'est une

5 personne très courtoise envers toutes les personnes, indépendamment de leur

6 ethnicité, de leur religion, ou de leurs convictions politiques."

7 Finalement : "Je sais qu'il est accusé de choses sérieuses. J'ai

8 beaucoup de respect envers le Tribunal mais ce que je dis ici reflète mon

9 honnête opinion, et c'est la suivante : c'est que M. Limaj est un

10 politicien progressiste et l'une des premières personnes à travailler dans

11 ce sens-là au Kosovo."

12 J'ai le regret de dire qu'il n'est pas là présentement, afin de

13 faciliter le processus. J'ai donc une très haute opinion de lui, et je dois

14 dire qu'effectivement, c'est une personne qui le mérite bien. De nouveau,

15 s'il y a des questions que vous devriez considérer alors que les éléments

16 de preuve sont présentés à vous, vous voudriez peut-être réfléchir sur la

17 nature même de cet homme tel que décrit. Ce n'est pas seulement la nature

18 de l'homme en question, mais ses agissements également. Son approche envers

19 le Tribunal, l'approche qu'il a envers les chefs d'accusation, puisque si

20 je vous parle maintenant de ce qui s'est passé, il est très important de

21 savoir ce qui s'est passé lorsque les choses sont présentées à lui.

22 Le 27 janvier 2003, l'acte d'accusation était confirmé en l'espèce.

23 Il a été scellé, comme nous le savons, et est resté ainsi jusqu'au 17

24 février. Le 15 février, c'était un samedi, alors que le 17 était un lundi,

25 Monsieur Limaj et d'autres personnes avaient pris une courte pause. Il a

Page 373

1 pris de courtes vacances, il s'était rendu en Slovénie. C'était connu par

2 certaines autorités qu'il s'était effectivement rendu là. Il y avait des

3 membres importants, des autorités qui savaient très bien qu'il s'était

4 rendu en Slovénie, même si bien sûr au 15, un acte d'accusation avait été

5 confirmé, et que c'était gardé sous pli scellé.

6 Le lundi le 17, alors qu'il est toujours en Slovénie, il entend

7 parler du fait qu'il y a des arrêts que des arrestations sont menées.

8 Qu'est-ce qu'il fait ? Il n'essaie pas de faire obstruction à la justice.

9 Il n'essaie pas de s'enfuir. Il apprend que l'on l'accuse des choses

10 atroces. Il apprend qu'il aurait pu être l'une des personnes qui est

11 recherchée. Il ne disparaît pas. Il en a la possibilité le 17. Il ne savait

12 pas qu'à cette époque, l'acte d'accusation était rédigé également à

13 l'encontre de lui. Par contre, il l'apprend le 18, c'est un mardi. C'est là

14 qu'à la page 10 de ces documents on apprend le transcript d'un appel

15 téléphonique.

16 L'importance de cet appel téléphonique est à deux volets. D'abord,

17 cet appel téléphonique l'informe des questions qui le concernent

18 personnellement. Deuxièmement, il s'agissait d'un appel téléphonique fait

19 par téléphone portable. Ce que je veux vous dire par là, c'est que les

20 autorités n'auraient pas su où il se trouvait à moins qu'il ne le dise lui-

21 même, ce qu'il a fait. Ce qui s'est passé par la suite est un résultat

22 direct s'agissant de la responsabilité de M. Limaj.

23 Je vais simplement lire les parties de la conversation qui a été

24 diffusée. Il s'agit d'un journaliste de Reuters qui l'appelle à 2 heures

25 30, et lui apprend qu'au Monténégro, on a fait cette annonce. Limaj dit :

Page 374

1 "Non. J'apprends cela pour la première fois. Pourriez-vous me le lire ?"

2 L'interlocuteur lui lit au téléphone ceci. On lui demande s'il a jamais été

3 approché par quelqu'un du Tribunal pénal international. Il dit

4 qu'absolument que non.

5 On lui demande s'il se livrerait entre les mains du Tribunal pénal

6 international, et il répond que oui.

7 "Si je suis l'un des accusés, je me livrerais volontairement. Je

8 retournerais au Kosovo pour dire adieu à ma famille."

9 Il est responsable. Il est raisonnable.

10 On lui dit : "Vous êtes accusé de crimes de guerre. Est-ce que vous

11 vous sentez coupable ?"

12 Limaj dit : "Absolument pas. Je me suis battu pour la liberté de mon

13 peuple. Je n'ai pas peur d'aucun acte d'accusation. Je ne me sens pas

14 coupable du tout. Je vais me rendre à La Haye pour défendre Kosovo, tout

15 comme j'ai fait jusqu'à présent."

16 Le journaliste le remercie.

17 Limaj ne disparaît pas dans les montagnes ou vallées de la Slovénie

18 sachant maintenant qu'il est recherché. Il fait tout à fait le contraire.

19 Il reste où il est. Il appelle le premier ministre, et en fait on devrait

20 dire qu'à la déclaration à la page 12, on peut voir cette conversation.

21 Le 18 février, il communique avec le premier ministre : "Vers 4

22 heures de l'après-midi, M. Limaj m'a appelé à ma résidence officielle. Il

23 m'apprend qu'il a appris qu'il y avait un acte d'accusation contre lui. Il

24 m'a dit qu'il est prêt à se livrer au Tribunal pénal international de La

25 Haye. C'est la raison pour laquelle il m'a dit qu'il ne serait pas en

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1 mesure de retourner à Pristina depuis la Slovénie et de dire adieu à sa

2 famille, et ensuite qu'il se rendrait immédiatement à La Haye pour se

3 livrer volontairement entre les mains du Tribunal pénal international."

4 "Je suis également au courant qu'avant sa détention, M. Limaj a fait

5 des déclarations publiques sur les médias du Kosovo, où il a exprimé sa

6 détermination et sa volonté de se livrer volontairement au Tribunal pénal

7 international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye. Il a exprimé des regrets,

8 son regret de ne pas s'être trouvé au Kosovo au moment où l'acte

9 d'accusation a été rendu public."

10 "Eu égard à la sécurité au Kosovo, eu égard au fait qu'un

11 représentant spécial du secrétaire général, en tant que premier ministre du

12 Kosovo, je demande M. Steiner d'aider ou de faciliter le retour de M. Limaj

13 au Kosovo, afin qu'il puisse par la suite partir à La Haye. La réunion qui

14 a eu lieu entre M. Steiner et moi-même, et d'autres représentants du

15 gouvernement de Kosovo," et il donne leurs noms, "a eu lieu dans les

16 bureaux de M. Steiner de 5 heures à 6 heures, le 18."

17 Vous verrez maintenant que les évènements qui ont suivi 2 heures 30

18 indiquent une responsabilité faite par le gouvernement du Kosovo, et par le

19 politicien responsable de M. Limaj. Il a répondu qu'il était là.

20 Il était là, il a participé au processus afin que l'on puisse prendre

21 des arrangements, afin qu'il puisse se livrer de façon tout à fait adéquate

22 aux autorités. Cela fait partie de son approche à ce Tribunal. Cela nous

23 démontre quelle a été sa façon de se comporter. Il a demandé au peuple du

24 Kosovo de se comporter de la même façon.

25 Comme vous verrez à la page 13 : "Le SRDS a exprimé sa promptitude de

Page 376

1 se rendre au Kosovo lui-même le lendemain matin. Il a voulu se rendre au

2 Kosovo. Le 19 février 2003, un avion spécial s'est rendu de la Slovénie

3 jusqu'au Kosovo. C'est à ce moment-là que Limaj se rendra à La Haye."

4 Dans une autre lettre, il indique qu'il savait exactement, les pages

5 14 et 15, où il se trouvait en Slovénie lorsqu'il s'est entretenu avec M.

6 Steiner, à ce moment-là. C'était au moment où la conversation a eu lieu, à

7 5 heures. M. Limaj est resté dans son hôtel en Slovénie. C'est tout à fait

8 clair qu'avant sa détention par la police slovène, qui s'est en fait rendue

9 à l'hôtel plus tard, M. Limaj a fait d'autres déclarations diffusées dans

10 les médias, qui peuvent être trouvées à la page 17, et plus loin. Ces

11 résumés sont importants afin que l'on puisse évaluer l'attitude de M. Limaj

12 et de son approche concernant les charges qui pèsent contre lui.

13 A la page 17, nous avons identifié hier un meilleur transcript de ce

14 qu'il a dit le 18 à la télévision publique, la RTK du Kosovo, quelque temps

15 avant sa détention au Kosovo. C'est la page 17 et la page 18 qui sont des

16 versions un peu plus élaborées de ce qui se trouve à la page 19. Si je

17 puis, je vais vous donner lecture de ceci, ce qu'il dit à la personne qui

18 l'interviewe le 18, avant d'être placé en détention, c'est la chose

19 suivante : "Pour vous dire la vérité, je suis surpris d'une telle

20 déclaration; il veut parler de l'acte d'accusation. Mais je considère qu'il

21 s'agit d'une obligation que je dois mener à bien. Le Tribunal de La Haye,

22 une organisation internationale renommée, a préparé cet acte d'accusation.

23 Je suis actuellement à l'étranger. Ayant reçu ces informations, il y a une

24 heure et demie ou deux heures, je suis prêt à me rendre à Pristina où je me

25 livrerai volontairement, ou à me rendre au Tribunal de La Haye de façon à

Page 377

1 ce que l'acte d'accusation puisse être examiné et à ce que la procédure

2 suivre son cours. Il s'agit manifestement d'une erreur, mais apparemment

3 beaucoup sont au courant de cela. Il s'agissait d'un secret gardé par la

4 KFOR ou par Mme Del Ponte. Je peux confirmer que je n'ai pas été averti de

5 cela, si bien que j'ai continué à exercer mes obligations habituelles

6 conformément à ce que j'avais prévu. Il se trouve que par hasard, je

7 n'étais plus au Kosovo. Je souhaite avoir été au Kosovo lorsque la nouvelle

8 m'a été annoncée, mais j'espère que je serai bientôt de retour au Kosovo,

9 et je souhaite que personne ne réagisse de quelque manière que ce soit, car

10 je suis prêt à faire face à mes responsabilités et à me livrer

11 volontairement à La Haye. Je dis volontairement, car j'ai confiance, je

12 suis fier de ce que j'ai fait dans le passé et jusqu'à présent. Si vous me

13 demandez ce que je souhaiterais changer, je dirais que j'ai vécu une vie

14 que je ne changerais d'aucune manière. Si je devrais refaire les choses,

15 elles seraient exactement pareilles. Car je suis convaincu que ce que j'ai

16 fait était dans l'intérêt de mon pays et de mon peuple, et que j'ai

17 respecté toutes les normes nationales et internationales. Peut-être que le

18 crime le plus grave que j'ai commis, était lorsque mes soldats et moi-même

19 avons protégé 85 000 civils."

20 Il s'agit des civils qui ont été conduits dans les montagnes. "Peut-être

21 qu'il s'agissait de mon crime 'le plus grave,' que j'aurais pu commettre

22 lorsque je n'ai pas autorisé les soldats fascistes serbes à commettre un

23 génocide dans ces territoires. Je suis prêt à me rendre à La Haye. Je

24 profite de cette occasion de mon annonce à la télévision pour en appeler à

25 tous mes partisans et aussi à tous les citoyens pour qu'ils ne manifestent

Page 378

1 pas, qu'ils ne réagissent pas à cela. Je prends les choses calmement; il

2 faut rester calme. J'ai confiance que nous serons en mesure de défendre le

3 Kosovo même dans les pires circonstances. Je suis prêt à défendre le Kosovo

4 et notre armée glorieuse, l'armée de libération du Kosovo. Tous les

5 citoyens du Kosovo doivent bien comprendre que la période que connaît

6 actuellement le Kosovo est provisoire, et que nous sommes tous engagés à

7 faire en sorte que le Kosovo devienne un Etat, que c'est plus important

8 pour tout le monde. Je demande à tout le monde de ne pas mettre à mal le

9 processus politique, et à continuer à faire en sorte que le processus

10 évolue jusqu'à ce que nous parvenions à la création de notre Etat. Le sort

11 des individus est moins important que celui de l'Etat. Mon sort personnel

12 n'est pas très important. Je continue à faire mon devoir et je considère

13 que c'est le prix qu'il faut payer pour l'indépendance du Kosovo. Je suis

14 prêt à faire cela comme nous avons déjà donné nos vies pour le Kosovo."

15 Je pense qu'il s'agit d'une déclaration sincère de la part de M. Limaj.

16 L'INTERPRÈTE : Nous demandons au conseil de ralentir. Merci.

17 M. MANSFIELD : [interprétation] Vers la même heure, à la page 20, il dit :

18 "Vous savez que des actes d'accusation ont été délivrés par La Haye, que

19 nous avons des obligations selon lesquelles nous devons coopérer avec le

20 Tribunal. M. Limaj reconnaît ici ses responsabilités. Il fait face à ses

21 responsabilités. Il reconnaît les obligations qu'il a envers le Tribunal de

22 La Haye. Je suis confiant que par le fait que le premier ministre est venu

23 ici et m'a dit, m'a confirmé que Fatmir Limaj était prêt à se présenter aux

24 autorités. Je pense qu'il s'agit d'un très bon signe. Il s'agit d'une

25 manière tout à fait digne qui illustre la manière dont nous devons

Page 379

1 respecter nos obligations vis-à-vis de La Haye."

2 Il réitère ces propos à la page 20, le fait qu'il a reconnu sa

3 responsabilité d'une manière conforme à l'état de droit. "Je suis fier de

4 ce comportement. Je pense qu'il nous faut traiter cette question d'une

5 manière digne."

6 Il est très clair même à ce stade, que ceux qui l'ont rencontré, qui

7 l'ont connu, considèrent que c'est un homme responsable, que c'est

8 quelqu'un qui est prêt à respecter l'état de droit et non pas à le mettre

9 en péril. Ceci est illustré enfin à la page 25. Il s'agit d'autres annonces

10 publiques faites dans les médias

11 à l'époque. Je ne vais pas revenir là-dessus; elles seront lues si

12 nécessaire.

13 A la page 25, là encore, une annonce publique faite le 18 par un

14 officier de la KFOR, le général Mini. Je vais vous lire le paragraphe

15 concernant M. Limaj, je cite : "S'agissant de M. Limaj, il s'agissait d'une

16 approche différente. M. Limaj n'a jamais laissé entendre qu'il souhaitait

17 fuir ou quitter le pays. Il était libre de se déplacer; il ne menaçait

18 d'aucune manière que ce soit la sécurité. Nous n'avons pas ressenti le

19 besoin de le contraindre de quelque manière que ce soit, car il ne posait

20 aucune menace. Nous savions tous qu'il se rendait à l'étranger pour un

21 court voyage; nous savions qu'il allait rentrer. C'est la raison pour

22 laquelle nous n'avons pas lancé une opération de grande envergure contre

23 lui. L'opération a été interrompue. Nous avons choisi une autre option qui,

24 dès le départ, était la meilleure option, à savoir, faire en sorte que le

25 suspect ou l'accusé se livre volontairement lui-même. C'est ce qu'a fait

Page 380

1 M. Limaj."

2 Il profite de cette annonce publique dans les médias pour remercier

3 les institutions du Kosovo qui ont soutenu cette opération. Les réactions

4 sont les suivantes : "La justice est quelque chose de très important, la

5 justice internationale encore plus. La maturité des institutions est un

6 grand succès pour ce type de démocratie."

7 Nous affirmons que la réaction de M. Limaj lui-même ainsi que celle

8 des institutions et des autres personnalités politiques démontre cela.

9 Aux dernières pages de cette liasse de documents, page 27, figure une

10 déclaration prononcée par l'assemblée du Kosovo en soutien à Fatmir Limaj.

11 Page 28, un autre message de soutien à M. Limaj émanant du président de

12 l'assemblée. Le document le plus important dans cette liasse est peut-être

13 le dernier, compte tenu des allégations prononcées en l'espèce. Il est

14 intitulé "Déclaration minoritaire". Cette déclaration est en date du 14

15 juin 2003. On peut lire, je cite : "Nous, les députés qui, au sein de

16 l'assemblée, représentant les Bosniens, les Turcs les Roms, les Ashkalis et

17 les Egyptiens, sommes pleinement conscients de notre responsabilité. En

18 notre âme et conscience, nous déclarons et confirmons que

19 M. Fatmir Limaj est député au sein de notre assemblée et président du

20 groupe parlementaire du PDK, qu'il s'est toujours engagé en faveur de la

21 démocratisation de la société kosovar et pour l'intégration égale de tous

22 les groupes ethniques. M. Fatmir Limaj a toujours souhaité établir des

23 conditions permettant des conditions de vie libres pour tous les groupes

24 ethniques et tous les citoyens du Kosovo quelle que soit leur appartenance

25 ethnique politique ou religieuse. Il a, au sein de l'assemblée du Kosovo,

Page 381

1 contribué à la création de bons rapports entre les différents groupes

2 politiques et entre les différents groupes ethniques. Il a également

3 contribué à l'établissement d'une atmosphère tolérante, confiante et de

4 respect entre les différents députés de l'assemblée parlementaire."

5 Les différents membres de l'assemblée qui ont signé cette déclaration

6 sont indiqués en dernière page. Là, encore, je souhaite vous renvoyer aux

7 observations concernant à la période qui a suivi la guerre, faites part

8 Carolyn McCool et Daan Everts, qui reflètent cette déclaration que je viens

9 de citer. M. Fatmir Limaj est un homme responsable, un homme qui a toujours

10 été conscient du besoin d'assurer l'unité, l'harmonie et la réconciliation.

11 Enfin, je souhaite dire au nom de M. Limaj la chose suivante : Vous

12 avez pu constater tout au long de ma déclaration liminaire, que c'est un

13 homme qui respecte profondément l'état de droit et qui respecte les

14 institutions qui ont été mises en place par les Nations Unies au Kosovo. Le

15 Tribunal, par conséquent, il est respectueux de toutes ses valeurs. Je

16 souhaiterais que vous vous mettiez de nouveau quelques instants à sa place.

17 Il a été incarcéré pendant 20 mois. La raison pour laquelle je soulève ces

18 questions est parce que -- je vous demanderais d'essayer de comprendre,

19 compte tenu de ce qui s'est passé hier et aujourd'hui, qu'il a vécu dans

20 l'ombre des préjugés. Il est important que justice soit faite et que l'on

21 voie qu'elle soit faite. Les problèmes rencontrés par M. Limaj dans les

22 mois qui viennent de s'écouler, ne consistaient pas uniquement en la

23 privation de sa liberté le fait qu'il a été détenu pendant

24 20 mois, mais ce problème vient du traumatisme, de l'humiliation provoquée

25 par le fait que tous les jours il soit conduit à l'exception d'aujourd'hui,

Page 382

1 il soit conduit au Tribunal les yeux bandés sans qu'on lui explique la

2 raison pour laquelle un homme qui a tellement contribué à tellement de

3 choses, doit être traité de cette manière. On pourrait au moins lui

4 accorder une explication à ce sujet. On pourrait penser que la dernière

5 goutte pour quelqu'un qui se présente au Tribunal de façon respectueuse, a

6 été versée au cours des semaines qui ont précédé cette audience, lorsqu'il

7 a été tenu au secret sans qu'on ne lui fournisse d'explication à ce sujet.

8 Nous sommes d'avis qu'il n'y a absolument aucune raison qui justifie que

9 l'on traite ainsi M. Limaj.

10 Nous vous demandons d'examiner attentivement les questions qui se

11 posent ici. Pourquoi M. Limaj devrait être placé en détention ? Pourquoi

12 devrait-il avoir les yeux bandés ? Pourquoi devrait-on le garder au

13 secret ? Pourquoi ? Bien sûr, la question principale et ultime qui se pose

14 ici, est le préjugé énorme qui a été -- le préjudice énorme qui a été créé

15 autour de cette audience à l'intérieur du Tribunal et à l'extérieur du

16 Tribunal en raison d'allégations fréquentes et incessantes selon lesquelles

17 il aurait cherché à intimider des témoins.

18 Tout cela, nous le contestons. C'est la raison pour laquelle, comme

19 vous le savez, nous demandons à ce que cette question soit examinée de près

20 pour voir si elle est fondée. Nous pensons qu'elle ne l'est pas. Compte

21 tenu de l'approche que vous avez adoptée hier, M. Limaj est confiant que ce

22 préjudice sera réparé. Nous avons confiance que le Tribunal abandonnera ces

23 allégations après avoir analysé les éléments de preuve qui seront présentés

24 à lui.

25 Nous vous demandons de faire en sorte que ces questions soient

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1 résolues et que des explications soient fournies. Là encore, il s'agit de

2 Juges professionnels, et nous pensons que cette affaire sera résolue. Par

3 conséquent, dans ce contexte, nous espérons qu'une évaluation équitable et

4 impartiale sera faite par ce Tribunal indépendant, que tous les facteurs et

5 toutes les dispositions de l'Article 6 de la convention européenne seront

6 respectées.

7 Je pense qu'après la pause -- M. Limaj souhaiterait s'adresser à

8 vous.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Mansfield. Nous allons

10 faire une pause à présent pour les interprètes et pour changer de bobine.

11 Je vous invite à consulter vos collègues pour savoir s'il est préférable

12 que votre client fasse des déclarations après la pause ou à la fin de

13 toutes les déclarations liminaires.

14 M. MANSFIELD : [interprétation] Très bien.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne pense qu'il s'agira de M. Guy-

16 Smith. D'après le règlement, ceci devrait être fait plutôt à la fin des

17 déclarations liminaires. Du point de vue de la Chambre, il serait peut-être

18 plus pratique qu'il s'adresse à la Chambre après votre déclaration

19 liminaire. Je m'en remets à vous.

20 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vais vérifier cela.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience et

22 reprendre à 11 heures 05.

23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 42.

24 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Mansfield.

Page 384

1 M. MANSFIELD : [interprétation] Je souhaite confirmer ce que j'ai dit avant

2 la pause, à savoir que nous préférons, et que le Chambre préfère entendre

3 M. Limaj maintenant.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que les autres conseils de la

5 Défense sont d'accord avec cela ?

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

8 Monsieur Limaj, vous avez à présent la possibilité de vous adresser à la

9 Chambre de première instance. Je suis sûr que votre conseil a discuté de

10 cette question avec vous. Vous devez comprendre que vous n'êtes pas obligé

11 de vous adresser à nous, mais vous êtes libre de le faire si vous le

12 souhaitez. L'occasion se présente maintenant. Vous pouvez vous adresser à

13 nous, assis ou debout, comme vous préférez.

14 L'ACCUSÉ LIMAJ : [interprétation] Je préfèrerais être assis plutôt que de

15 rester debout, si vous êtes d'accord. Est-ce que vous m'entendez ? Très

16 bien. Je préfèrerais m'asseoir si vous êtes d'accord, Monsieur le

17 Président, Madame, Monsieur les Juges.

18 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, permettez-moi tout

19 d'abord de vous remercier pour me donner la possibilité d'exprimer quelques

20 propos concernant mon cas. Je me suis entretenu avec mes avocats avant

21 demander la possibilité de m'adresser à vous.

22 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaite dire que

23 cela fait 20 mois déjà que j'attends cette occasion, que j'attends

24 l'occasion de m'adresser à vous pour que vous entendiez mon point de vue et

25 ma vérité. J'essaierai de ne pas répéter ce que mon conseil de la Défense

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1 vous a déjà dit. Toutefois, je pense qu'en parlant de ma vie, de mon

2 expérience personnelle, je vous permettrai de mieux comprendre la situation

3 qui régnait dans mon pays lorsque j'ai grandi et dans le cadre de nos

4 activités.

5 Je viens d'une famille de six enfants. Il y a trois frères et trois

6 sœurs dans cette famille. Je suis l'aîné des fils. Dans ma famille proche,

7 hormis mes parents, j'ai vécu chez mon oncle et sa femme. Malheureusement,

8 ils n'ont pas eu d'enfants. D'une certaine manière, ils nous ont traités,

9 nous, leurs neveux et leurs nièces comme leurs propres enfants. Je souhaite

10 vous dire que je suis assez nerveux et excité de vous parler. Au cours du

11 mois qui vient de s'écouler, j'ai été soumis à des pressions psychologiques

12 terribles. Je pense que ces pressions ont été émises de façon délibérée

13 avant que je ne comparaisse devant vous. Par conséquent, je vous demande de

14 bien vouloir prendre cela en considération. D'habitude, je suis plutôt

15 calme, mais ce n'est pas une situation normale ni habituelle que de

16 comparaître devant cette Chambre. Je suis très nerveux, je me sens très

17 émotif, compte tenu de la responsabilité qui est la mienne et du respect

18 que j'ai pour vous.

19 Comme je vous l'ai dit, mon père s'appelle Kadri Limaj. Mon oncle,

20 qui est à présent décédé, paix à son âme, s'appelait Gani Limaj. Ma famille

21 est une famille typique comme toutes les familles du Kosovo. Nous menons

22 une vie normale en raison de la situation économique difficile qui règne au

23 Kosovo et des difficultés que nous avons rencontrées dans le cadre de notre

24 vie quotidienne. Nos parents, mon père a travaillé pendant 25 ans dans

25 cette ville qui est à présent connue à travers le monde, la ville de

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1 Sarajevo. Il

2 travaillait au début comme un simple ouvrier. Vous, vous souviendrez qu'à

3 l'époque le régime communiste était en place. Il a suivi une formation et

4 il est devenu chef de chantier dans une entreprise de bâtiments de

5 Sarajevo. En plus de son travail, il faisait des travaux supplémentaires

6 pour gagner davantage d'argent pour la famille et afin d'améliorer nos

7 conditions quotidiennes de vie au Kosovo. Au cours de toute cette période,

8 il s'est bien occupé de nous. C'est en fait notre oncle qui s'est vraiment

9 bien occupé de nous, et qui s'est occupé de notre éducation.

10 Je suis l'un de ces nombreux enfants du Kosovo, qui n'a pas grandi en

11 présence de son père. Des centaines, des milliers d'enfants du Kosovo ont

12 connu la même situation, car leurs parents étaient obligés de travailler

13 ailleurs. Ils étaient rarement présents à leur naissance, ou lors de leur

14 anniversaire et des fêtes traditionnelles en raison des difficultés

15 économiques, et de la nécessité de travailleur ailleurs. Il en va de même

16 pour moi.

17 L'absence de mon père a été largement compensée par la présence de

18 mon oncle, et je le considère un peu comme mon deuxième père. Il a connu

19 une vie très difficile. Pour ce qui est de mes parents, tout ce qu'ils ont

20 fait, c'était pour nous offrir une éducation et les possibilités dont

21 eux-mêmes avaient été privés, afin que nous connaissions une vie meilleure,

22 afin que nous puissions vivre avec notre propre famille, afin de nous

23 aider, d'aider la famille.

24 Au bout de 25 ans de vie, sous un régime communiste, celui qui

25 prévalait à l'époque, les ouvriers, après avoir travaillé longtemps avaient

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1 le droit d'avoir une maison ou un appartement. Cela a été le cas de mes

2 parents, de mon père. En 1979, il a reçu un appartement à Sarajevo. Il

3 souhaitait ardemment être avec ses enfants, avec sa famille et passer sa

4 vie avec eux. Mon père a essayé d'échanger son appartement à Sarajevo pour

5 un appartement à Pristina, mais il avait un autre objectif en tête

6 lorsqu'il a fait cela. Le fait d'avoir un appartement ou une maison à

7 Pristina nous aurait permis d'aller plus facilement à l'école. Heureusement

8 pour nous en 1982, mon père a réussi à échanger cette maison ou plutôt cet

9 appartement, et en a trouvé un à Pristina. Il a trouvé également un travail

10 à Pristina. De 1982 à 1983, il a travaillé dans une usine au Kosovo à

11 Obilic. Il a pris sa retraite assez jeune, mais la question de la retraite

12 est une question peu claire au Kosovo. Je ne sais pas comment décrire cette

13 retraite. Toujours est-il que je sais qu'il avait une retraite qui

14 s'élevait à 50 ou 100 euros par mois. Il s'agissait d'une retraite

15 anticipée.

16 Il est venu à Pristina, ce qui a permis à ses enfants d'aller à

17 l'école. Je suis allé à l'école primaire de Malisevo dans mon village

18 natal. Je suis allé au lycée à Pristina dans la capitale du Kosovo, où j'ai

19 poursuivi des études supérieures. A Pristina, où je me suis réinstallé en

20 quelque sorte, j'ai réussi à maintenir les liens avec mon village natal et

21 avec Malisevo, la municipalité. Il y avait certains membres de ma famille

22 qui s'y trouvaient, mais il y avait de nombreux liens qui m'ont uni avec

23 l'endroit dont j'étais natif et ce, pendant les vacances scolaires. J'avais

24 l'habitude de m'y rendre pour travailler et pour essayer d'aider ma

25 famille, mon oncle, mon père, afin justement d'augmenter le capital que

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1 nous avions. Pendant mes années de lycée, comme l'a dit mon conseil de la

2 Défense, en 1988 lorsque j'ai été au lycée, lorsque je suivais les cours du

3 lycée, il y avait véritablement des événements dramatiques qui ont commencé

4 à voir le jour au Kosovo. Je me trouvais dans ma 4e année d'enseignement

5 secondaire, et normalement tout ce qui se passait autour de nous avait un

6 impact sur nous. Je ne vais pas aborder le détail de ce qui s'est passé en

7 1988, avec l'évolution de la situation, ce qui s'est passé à Belgrade,

8 comment est-ce que les choses ont évolué. Je voudrais parler en vous

9 présentant mon point de vue, et vous expliquer la façon dont je voyais les

10 choses au Kosovo. A la suite des protestations, des protestations

11 véritablement de masse en 1988, et j'emploie ce terme de masse, parce que

12 toute la population du Kosovo y a participé. Ils voulaient véritablement

13 protéger la direction de leur pays, qui avait été menacée d'être licenciée

14 et même d'être emprisonnée par le régime de Milosevic. Il y a eu ces

15 protestations de masse de façon très véhémente, de façon très ferme un peu

16 comme, tout comme lorsqu'une population exprime sa protestation, son

17 opposition aux mesures qui sont prises et la population a ainsi exprimé son

18 soutien vis-à-vis de ses propres dirigeants.

19 Il est évident que la première phase qui était mise en place par

20 Milosevic allait aboutir à l'élimination de cette autonomie que nous avons

21 gagnée en 1974. Malheureusement, les choses se sont développées comme nous

22 l'avions prévu. À l'instar de tous les citoyens du Kosovo, j'ai participé

23 également à ces protestations, et j'étais un jeune enthousiaste et les

24 choses ont pris une tournure beaucoup plus dramatique qu'en 1989, lorsqu'en

25 mars 1989, il y a eu des meurtres. Par exemple en mars 1989, justement 24

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1 personnes, qui essayaient de protéger la constitution, de ce qui était à

2 l'époque la province du Kosovo de la fédération socialiste, ont été tuées.

3 Il y avait parmi ces personnes des lycéens, il y avait également des jeunes

4 filles parmi ces personnes.

5 J'aimerais vous rappeler un cas. J'ai parlé de jeunes filles. Il y avait

6 donc trois jeunes filles et pendant ces manifestations, l'une de ces jeunes

7 filles est morte dans mes bras et dans les bras d'un de mes amis. En 1989,

8 je n'avais que 18 ans. Je ne connaissais pas cette jeune fille auparavant.

9 Je ne l'avais d'ailleurs jamais vue. Elle a été atteinte, touchée par une

10 balle. J'ai voulu lui prêter main-forte, et elle est morte entre mes bras.

11 Cette jeune fille venait du village de Slatine qui faisait partie de la

12 municipalité de Pristina, que l'on connaît maintenant et qui fait partie de

13 Fushe Kosove. Après que le Kosovo a obtenu son autonomie, les choses ont

14 continué à se dégrader. J'ai, bien entendu, poursuivi ce que je faisais,

15 comme toutes les personnes l'ont fait d'ailleurs dans ces circonstances.

16 Lorsque j'ai terminé mes années de lycée, j'ai choisi des études de droit.

17 D'ailleurs, ce n'est pas de façon fortuite que j'ai choisi cette filière,

18 car non seulement moi-même - je parle de moi-même maintenant, mais il faut

19 savoir que l'ensemble du Kosovo, l'intégralité du Kosovo, était assiégé

20 d'injustice, des injustices que se manifestaient dans tous les aspects de

21 nos vies. Personne n'était à l'abri de cela. C'est pour cela que j'ai

22 décidé d'étudier le droit.

23 En 1990, après la tournure tragique des événements à Belgrade, et avec le

24 début de la dissolution du système communiste, non pas de la Yougoslavie,

25 mais du système communiste, parce que par la suite nous avons assisté à la

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1 désintégration de la Yougoslavie. Là, il s'agissait de la première étape.

2 Comme cela était dit lors d'un des congrès du Parti communiste, les

3 étudiants, ou le mouvement des étudiants au Kosovo pendant les années 1990,

4 avait indiqué que les gens ont commencé à manifester bruyamment dans les

5 rues pour exiger davantage de démocratie, davantage de liberté,

6 l'établissement d'un système démocratique et pluraliste dans le pays. Cet

7 esprit démocratique, cette vague qui avait commencé avec la chute du mur de

8 Berlin, s'est rapidement propagée au Kosovo comme dans tous les pays de

9 l'Europe de l'Est. Cela a eu un impact extrêmement important pour les

10 étudiants. La jeunesse estudiantine était extrêmement enthousiasmée par ces

11 mutations.

12 Je voudrais maintenant expliquer les motifs qui ont incité les différents

13 jeunes dans les différents pays, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie, en

14 Pologne, en Hongrie et dans l'ancienne république yougoslave. Car ils

15 souhaitaient changer le système; c'était leur motivation. Ils voulaient

16 pouvoir acquérir leurs droits dans une démocratie. Pour nous, étudiants du

17 Kosovo, il y avait un motif, une motivation qui était encore plus

18 importante, parce que nous nous rendions compte, bien entendu, que grâce à

19 un système démocratique, nous aurions plus de possibilités. Nous nous

20 rendions compte également que nous serions libérés d'un système

21 totalitaire. Mais les Kosovars pensaient que par l'entremise de cette

22 mutation, nous pourrions aspirer à quelque chose que nous n'avions jamais,

23 car par la libération du Kosovo, grâce à la démocratisation du Kosovo, les

24 Kosovars pensaient que le moment était venu pour eux de gagner et

25 d'obtenir, de conquérir leur liberté et leurs droits.

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1 C'est la raison pour laquelle il est quasiment impossible de décrire

2 l'euphorie et l'enthousiasme qui régnait à cette époque-là.

3 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je voudrais parler ici

4 d'un fait qui est important pour nous. Car le Parti communiste ou la Ligue

5 Communiste du Kosovo, était le seul parti communiste de l'Europe de l'Est

6 qui a été détruit et qui a été détruit rapidement; cela grâce à nos anciens

7 dirigeants communistes, grâce aux dirigeants qui opéraient dans le cadre de

8 ce système communiste. Ce furent les premiers qui ont abandonné cette

9 organisation politique. Ensuite, il y a eu toute une vague d'événements qui

10 a été suivie par l'ensemble de la population au Kosovo. Il faut savoir que

11 pendant deux semaines au Kosovo, il n'y avait plus de Parti communiste, il

12 n'y avait plus de Ligue Communiste de la Yougoslavie. Je vous parle de

13 l'année 1990.

14 J'aimerais également vous rappeler, que la Ligue Communiste de la

15 Yougoslavie a été détruite beaucoup plus tard, a été transformée en quelque

16 sorte beaucoup plus tard. A ce moment-là, le fait qu'il n'y avait plus de

17 Ligue Communiste du Kosovo, et cette transition opérée vers des nouvelles

18 organisations politiques, tout cela s'est passé à un moment où il y a de

19 nouveaux mouvements politiques qui ont vu le jour, en 1989. Nous avions la

20 Ligue Démocratique du Kosovo. Cela a été suivi par la dissolution de la

21 Ligue Communiste du Kosovo. Il faut savoir que quasiment toute la

22 population s'est ralliée à la Ligue Démocratique du Kosovo, qui était

23 considérée comme un mouvement populaire, un mouvement qui permettra à la

24 population d'aspirer à la prospérité, un mouvement grâce auquel le Kosovo

25 pourrait exprimer le point de vue du peuple du Kosovo, un mouvement qui

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1 permettra à ce peuple d'exprimer ses préoccupations, un mouvement qui

2 permettra au peuple du Kosovo d'œuvrer pour la concrétisation du Kosovo.

3 J'aimerais indiquer que dans le cadre de cette mutation, avec tous ces

4 mouvements populaires, il y a eu une transformation pour ce qui est de la

5 jeunesse du Kosovo, car je ne pense pas qu'il soit inutile de rappeler à

6 votre attention que le Kosovo est un pays qui a une population très jeune.

7 Plus de 50 % de la population est une population qui n'a pas atteint l'âge

8 adulte. Le rôle joué par la jeunesse du pays dans cette évolution est

9 absolument décisif, je vous ai parlé de cet enthousiasme. Je vous ai parlé

10 de toute cette évolution qui a touché tout le monde. Comme je l'ai dit,

11 l'ensemble de la population s'est ralliée à ce mouvement, ce mouvement

12 populaire qui était d'ailleurs dirigé par les personnalités les plus

13 éminentes de notre culture, par nos intellectuels les plus en vue, en un

14 mot, par l'élite intellectuel du Kosovo à cette époque-là. D'ailleurs, il

15 n'y avait pas d'autres partis à Kosovo à cette époque-là, parce que le

16 Kosovo n'avait pas besoin d'autres partis puisque c'était le début.

17 En 1991, si je ne m'abuse, j'ai commencé à travailler avec un

18 parlement pour la jeunesse; il s'agissait d'une organisation non politique.

19 C'est un peu comme une organisation non gouvernementale, en fait. Elle

20 était connue sous le nom d'organisation non politique. Le but était

21 d'organiser la jeunesse du Kosovo en différentes activités culturelles,

22 sportives, humanitaires et autres. En un mot, grâce à cette organisation,

23 nous voulions en quelque sorte que soit maîtrisée la jeunesse. J'entends

24 cela, j'entends, en fait, contrôler leur éducation, leurs activités

25 culturelles. Il ne faut pas oublier, ce fait à son importance, que nous

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1 n'avions pas nos propres institutions.

2 En 1990, des mutations se sont produites au Kosovo, Monsieur le

3 Président. L'assemblée du Kosovo qui, en 1989, sous le coup des pressions

4 et sous les pressions exercées par les blindés, a été menacée. Il faut

5 savoir que le bâtiment a été assiégé, a été encerclé. Cette assemblée a dû

6 signer les amendements constitutionnels apportés à la constitution de 1974.

7 En 1990, c'était leur propre volonté qui a été exprimée. Ils ont proclamé

8 la déclaration du Kosovo du 2 juillet. Par l'entremise de cette

9 déclaration, l'assemblée du Kosovo indiquait de façon très, très claire que

10 toutes les lois qui avaient été approuvées auparavant étaient abrogées, et

11 que le statut du Kosovo dépendrait, ou serait tributaire de la solution de

12 la crise yougoslave qui avait -- qui venait juste de commencer. Le Kosovo

13 attendait avant de définir son parti. Les organes du Kosovo, les citoyens

14 du Kosovo étaient tout à fait disposés à participer à la solution, à

15 participer à la redéfinition du statut de la nouvelle Yougoslavie, si tous

16 les peuples qu'il l'avait constitué au préalable pouvaient participer à ces

17 événements. Le Kosovo avait un droit absolument légitime, droit qui était

18 l'un des facteurs qui devait lui permettre d'apporter sa contribution à

19 cette Yougoslavie, et le Kosovo devait pouvoir continuer à jouir de ses

20 droits qui lui revenaient.

21 Après cette déclaration, je dirais qu'il y a eu une réaction, une

22 réponse. Je ne dirais pas qu'il s'est agi d'une réaction ferme, mais d'une

23 réaction normale de la part du gouvernement de Milosevic; le régime de

24 Milosevic qui s'est mis en tête de fermer toutes les institutions au Kosovo

25 en commençant par l'assemblée jusqu'aux différentes mass médias. Il faut

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1 savoir qu'à l'époque, nous n'avions qu'une télévision de langue albanaise

2 au Kosovo. Elle a été fermée. Imaginez un instant, Messieurs, Madame les

3 Juges, imaginez tous ces faits que j'essaie de porter à votre connaissance

4 aujourd'hui. Imaginez qu'aujourd'hui, au Pays-Bas, la police pénètre dans

5 les locaux des chaînes de télévision et commence à passer à tabac le

6 personnel, commence à incarcérer le personnel, les journalistes, et cetera,

7 tout le personnel sans leur donner de raison, tout simplement parce qu'ils

8 ont une différente façon de voir les choses. Comment est-ce que vous

9 pourriez expliquer cela ? Après la fermeture de la télévision, la fermeture

10 de ce qui était le seul quotidien qui paraissait au Kosovo, il faut savoir

11 que le Kosovo a été plongé dans une obscurité d'information absolument

12 totale.

13 Ces événements n'ont fait que nous rendre la vie encore plus

14 difficile. Milosevic ne s'est pas arrêté à cela. Il a commencé une campagne

15 d'expulsion de masse des personnes qui étaient licenciées de leur travail.

16 Il y a eu des centaines et des milliers de personnes qui ont été

17 licenciées, depuis les employés des administrations publiques jusqu'aux

18 mines, jusqu'aux personnes qui travaillaient dans les usines. Les usines

19 d'ailleurs ont fermé. Les mineurs ont été renvoyés des mines. En un mot,

20 tout ce qui fonctionnait jusqu'à cette époque-là au Kosovo, a cessé de

21 fonctionner. Les familles qui gagnaient leur pain quotidien ne pouvaient

22 plus travailler, ne pouvaient plus justement gagner ce pain du fait des

23 activités ou des actions de Milosevic.

24 Cela s'est poursuivi. J'entends par cela le fait que tout le

25 personnel de la police, lorsqu'il était Albanais, bien entendu, a été

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1 licencié. Je pense aux Albanais qui travaillaient dans les tribunaux, dans

2 les hôpitaux. Je pense, en dernier lieu, je pense au système

3 d'enseignement. En 1991, j'étais étudiant à la faculté de droit. J'y ai

4 fait deux années. J'ai suivi deux années à la faculté dans les locaux de

5 l'université. Je souhaiterais vous relater une de mes expériences. Nous

6 nous déplacions ou nous allions vers l'amphithéâtre pour assister à un

7 cours sans pour autant savoir que la folie allait nous atteindre ici. Nous

8 étions censés suivre un cours qui devait porter sur le droit. Nous

9 attendions que le professeur commence son cours, je me trouvais là parmi

10 les étudiants attendant impatiemment que débute le cours de ce professeur.

11 Il s'agit du professeur Osmani.

12 Nous avons attendu une demi-heure; personne n'est venu nous parler.

13 Après une demi-heure, quelqu'un nous a dit, le professeur n'a plus le droit

14 de pénétrer sur le territoire ou le terrain de l'université parce qu'il a

15 été renvoyé. Après trois jours, non seulement, le professionnel -- cela

16 était valable pour le professeur Osmani, mais il faut savoir que ni les

17 étudiants, ni les professeurs d'université n'ont plus eu le droit de

18 pénétrer dans les locaux de l'université du Kosovo. Ils ont été en quelque

19 sorte -- ils en ont été chassés.

20 Dans une telle situation, ou au vu de cette situation, situation qui

21 était que Milosevic avait privé quasiment deux millions de personnes de

22 leur droit d'existence, que pouvaient faire les Albanais au vu de ces

23 circonstances ? Ils se sont souvenus de leur tradition. Ils ont

24 véritablement chéri les valeurs précieuses qui nous avaient permis de

25 survivre pendant toute notre histoire. Il s'agit de la solidarité, de la

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1 coopération, du fait que les gens ont commencé à s'aider afin de survivre.

2 Au Kosovo, a ainsi commencé la phase intitulée la phase de la survie. Il

3 s'agissait également de la survie de l'éducation, parce que pendant très

4 longtemps, la propagande serbe était telle qu'elle était ressentie dans le

5 cadre du système d'enseignement du Kosovo. La jeunesse kosovare brûlait du

6 désir de pouvoir être éduquée, parce que nos parents n'avaient pas eu cette

7 possibilité par le passé. La jeunesse voyait le danger pour l'élite

8 intellectuel et pour les écoles du Kosovo. Comme je vous l'ai dit, pendant

9 cette période de survie de l'enseignement, nous ne pouvons qu'exprimer

10 notre reconnaissance à l'égard des professeurs et des militants, qui ont

11 trouvé des méthodes afin justement de continuer à être organisés.

12 J'aimerais remercier les milliers, les milliers de professeurs d'écoles

13 élémentaires, de lycées. J'aimerais mentionner mon ancien professeur et le

14 premier recteur de l'université de Pristina. Le premier recteur dont je

15 parle après les années 1990. J'aimerais remercier tous ces professeurs qui

16 ont pu organiser la vie des étudiants dans de nouvelles circonstances. Nous

17 avons commencé à suivre des cours dans des appartements privés. Les

18 citoyens ont véritablement vidé leurs appartements pour que nous puissions

19 continuer à bénéficier de cette éducation. Vous ne pouvez pas imaginer la

20 difficulté de la tâche. Vous ne pouvez pas imaginer dans quelles conditions

21 nous apprenions. Vous ne pouvez pas imaginer quel est l'enseignement dont

22 nous avons pu bénéficier au vu de ces circonstances.

23 Grâce au financement octroyé par une partie de la population et grâce aux

24 sacrifices de nos professeurs qui, sans aucune compensation, ont réussi à

25 faire durer, à faire vivre la flamme de l'éducation. En même temps, il faut

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1 savoir que notre jeunesse avait véritablement ce souhait de continuer à

2 pouvoir être éduquée. Je ne vous parle même pas des détails, des problèmes

3 auxquels nous nous sommes trouvés confronter pendant cette époque d'étude.

4 J'aimerais vous parler d'un exemple de 1992. Lorsque nous avons commencé à

5 étudier dans ces bâtiments privés, moi-même ainsi que quelques amis avions

6 dû cacher certains manuels dans le bâtiment de l'école où nous apprenions.

7 Dans la cour de cette maison, nous avions choisi un endroit où nous

8 cachions les documents. Ensuite, nous nous rendions dans les appartements

9 pour bénéficier de l'éducation. Ce qui fait que lorsque la police a

10 perquisitionné ou nous fouiller, ils ne pouvaient pas trouver les

11 documents. En 1992 et en 1993, s'ils avaient trouvé ce genre de documents

12 sur nous, cela aurait été comme si en 1998, ils vous auraient considérés

13 comme membre de l'UCK.

14 Il faut savoir qu'il y a eu des centaines d'étudiants qui ont été

15 emprisonnés, qui ont été passés à tabac, par la police. Je vous ai parlé de

16 cette phase de la survie, il faut savoir que dans cette atmosphère

17 d'euphorie qui prévalait en Europe de l'est, cette euphorie n'était qu'une

18 illusion. Il s'agissait d'illusions pour une population. Vu les

19 circonstances dans lesquelles nous vivions, cela n'était pas si étrange que

20 cela, car nous pensions tous que l'Europe serait unie en 1992, et tout le

21 monde pensait qu'après 1992, nous n'aurions plus de problèmes. Nous

22 pensions que nous aurions tous nos propres droits. Nous étions ouverts à

23 cela parce que tous les yeux, tous les regards convergeaient vers l'Europe,

24 vers l'ouest. Ce n'était qu'une illusion. Vue avec les yeux d'aujourd'hui,

25 ce n'était qu'une illusion, mais à l'époque c'était ainsi que l'on vivait.

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1 Il faut savoir que cette illusion est progressivement devenue lettre

2 morte, et nous nous sommes rendus compte de la réalité dans laquelle nous

3 vivions. Après tous ces événements au Kosovo, il faut savoir que le Kosovo

4 a connu une désintégration sociale et économique. Les gens étaient au

5 chômage, les gens essayaient de survivre coûte que coûte. Ils essayaient de

6 trouver des moyens afin d'assurer la subsistance de leurs familles, parce

7 qu'il y avait des centaines, des milliers de personnes. Il y avait 500 000

8 personnes qui avaient été déplacées. Il y avait quasiment plus d'un million

9 de familles, qui n'avaient aucune source de revenu à l'exception de

10 personnes qui avaient une petite propriété, ou un petit terrain dans un

11 village. Nombreux sont les intellectuels qui sont repartis labourer la

12 terre pour pouvoir survivre.

13 Il existe une autre façon de sortir de ceci, c'est-à-dire d'immigrer. J'ai

14 parlé de chiffres, de personnes qui se sont faites expulser, car il

15 s'agissait de quelque chose d'incontrôlable. Il était bien difficile de

16 savoir quel était le nombre exact de personnes qui ont dû quitter le Kosovo

17 à partir des années 1990. Au cours de la période pendant laquelle nous

18 suivions des cours à l'université, des dizaines d'autocars, provenant

19 d'entreprises diverses emmenaient des Albanais à l'extérieur du pays, en

20 direction de divers pays, tels la Tchécoslovaquie, la Bulgarie. Ces gens

21 payaient des sommes énormes; ils devaient vendre leur propriété, leurs

22 biens afin de pouvoir avoir suffisamment d'argent pour quitter le pays,

23 afin de pouvoir se retrouver à l'occident, terre promise.

24 Je souhaiterais maintenant vous parler de trois incidents, vous donner

25 trois exemples. Je ne les oublierai jamais. Un matin, alors que nous nous

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1 rendions à l'école, je parle encore une fois de lieux privés, comme vous le

2 savez, nous nous rendions à un endroit. Il avait des gens qui attendaient

3 un autocar. C'étaient des autocars qui quittaient le Kosovo le matin. Il y

4 avait environ 100 à 120 autobus. Ils étaient bondés de monde. C'était sous

5 le nez des autorités serbes. Ils savaient très bien ce qui se passait,

6 qu'ils aient eu des documents ou non. Ils le voyaient très bien qu'il

7 s'agissait d'un marchandage de personnes. C'était de la contrebande qui se

8 faisait devant ces autobus.

9 J'ai vu un vieil homme, une vieille femme, qui criaient. La femme

10 criait. Elle avait tellement crié que nous étions terriblement effrayés.

11 L'un de mes collègues s'est approché et lui a demandé pourquoi elle criait,

12 qu'est-ce qui n'allait pas. Est-ce qu'elle était malade, que se passait-il

13 ? Elle lui a répondu, je viens de voir mon fils unique qui quittait à

14 l'étranger. Nous ne sommes restés que nous deux, deux vieilles personnes.

15 Le vieillard avait dans ses bras sa nièce. Il l'embrassait comme un grand-

16 père qui peut embrasser sa nièce. Il était très difficile de voir cette

17 scène de ces personnes qui se faisaient adieu. Plus tard, j'ai compris que

18 l'homme, le vieillard était aveugle, et que la petite fille représentait

19 ses yeux. C'était son espoir, cette petite fille. En d'autres mots, la

20 petite fille, sa nièce était la personne qui menait ce vieillard, qui

21 représentait son guide dans la vie et à cause de cette situation

22 économique, ils devaient se séparer. Les deux vieilles personnes étaient

23 restées dans la rue, car le fils de cette dame avait tout vendu, tout leur

24 bien afin qu'il puisse donner de l'argent à ces personnes qui s'adonnaient

25 à la contrebande de personnes. Ce n'est qu'un exemple mais tant d'autres

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1 exemples de ce type ont eu lieu. Celui-ci été particulièrement gravé dans

2 ma mémoire.

3 Vous savez, nous les Albanais nous avons des familles traditionnelles. Les

4 familles albanaises sont composées de plusieurs enfants. Il y avait une

5 famille composée de sept enfants. Les parents de ces enfants avaient de 40

6 à 45 ans. Cette famille avait décidé d'immigrer, car elle n'avait pas assez

7 d'argent pour payer pour leur voyage. Ils étaient obligés de laisser trois

8 de leurs enfants au Kosovo, car ils n'avaient pas suffisamment d'argent

9 pour payer le voyage à toute la famille. Il était incroyable de voir cette

10 scène d'horreur, lorsque vous voyez une mère qui se sépare de son enfant,

11 car dans ce cas-ci, ils n'étaient pas en mesure de partir ensemble,

12 puisqu'ils ne pouvaient pas rester ensemble. C'est très difficile pour un

13 enfant de se détacher du sein de sa mère. J'ai vu ce genre de scènes et

14 cela a été très difficile. Ce n'est pas en lisant des rapports, ou en

15 lisant des articles que nous pouvons comprendre ce qui se passe dans le

16 cœur de ces gens. Il est très facile de lire des rapports. Il est facile de

17 lire des mots sur le papier, mais il est également important de voir ce qui

18 s'est passé, d'en faire l'expérience personnelle, non pas seulement de le

19 voir écrit de façon télégraphique sur une feuille de papier, mais également

20 d'être là et de voir ce qui s'est passé.

21 Pour vous dire la vérité pendant toute cette période, j'avais cette

22 même crainte. Je me suis demandé si la même chose allait m'arriver

23 également. Est-ce que c'était le sort que je devais partager également.

24 Monsieur le Président, je n'avais pas accepté de quitter le Kosovo, car je

25 ne voulais pas abandonner ma famille. Je voulais construire ma vie dans mon

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1 propre pays. Je croyais que le jour arriverait où l'on pourrait construire

2 nos vies dans notre propre pays. Je voulais me rendre au service de mon

3 pays.

4 Après avoir obtenu ma licence de la faculté de droit en 1994, 1995,

5 j'ai également émigré. Pour vous dire la vérité, ma raison était bien

6 précise, je voulais poursuivre mes études en

7 Allemagne. Mais puisque la licence que je détenais de l'université de

8 laquelle j'ai été licencié au Kosovo, ce diplôme n'était pas reconnu. Il

9 m'aurait fallu recommencer mes études depuis le début. Comme je n'étais pas

10 en mesure de recommencer mes études depuis le début, j'ai travaillé en tant

11 qu'ouvrier en Allemagne. C'est grâce à la sueur de mon front que j'ai pu

12 ramasser un peu d'argent pour revenir au Kosovo.

13 J'appartenais à une famille de classe moyenne. Je n'avais aucun problème de

14 survivre comparativement aux autres. J'étais choyé. Mes parents avaient

15 suffisamment de biens pour vivre une vie normale au Kosovo. Mais vous

16 pouvez imaginer quelles étaient les exigences, qu'est-ce qu'il fallait

17 avoir pour vivre normalement au Kosovo à l'époque.

18 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaiterais

19 maintenant vous citer un fait qui n'a pas encore été évoqué, qui vous est

20 sûrement inconnu. Je crois que cela vous est sans doute inconnu, puisque

21 personne ne l'a mentionné. En 1991, j'ai servi dans la JNA. J'ai répondu à

22 l'appel de rejoindre les rangs de l'armée. Vous pouvez vous imaginer, après

23 tout ce qui s'est passé dans les années 90, après tous les événements des

24 années 90 au Kosovo, au mois de juin 1991 j'ai répondu à l'appel de

25 rejoindre les rangs de l'armée, afin de pouvoir poursuivre mon service

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1 militaire. Deux semaines plus tard, le conflit a éclaté en Slovénie et par

2 la suite en Croatie. Je me trouvais à Bjelovar. C'était une toute petite

3 ville en Croatie. La caserne dans laquelle nous nous trouvions était sous

4 le contrôle ou la protection d'une ville appelée Pakrac. C'était l'un des

5 centres principaux où le conflit a éclaté entre l'armée yougoslave et les

6 Croates.

7 Après le début du conflit, à cet endroit-là, tout comme beaucoup d'autres,

8 j'ai quitté l'armée immédiatement, car je ne voulais pas prendre part à une

9 telle guerre. Je ne voulais pas combattre du côté des Yougoslaves, ni du

10 côté des Croates. Je me suis retourné au Kosovo pour y vivre et continuer

11 d'y vivre.

12 Après tout ce que j'ai dit, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

13 Juges, eu égard à toute cette situation après mon retour d'Allemagne, après

14 avoir été licencié de la faculté, eu égard au fait que je n'avais pas

15 d'avenir, et je ne mentionne même pas ici la violence systématique et la

16 terreur qui régnait au Kosovo, si nous prenons les faits. Des centaines de

17 jeunes femmes se sont fait violer, et je parle de la période pendant la

18 guerre. Il y a eu des meurtres, des viols, des passages à tabac, des

19 mauvais traitements. Plus de 500 Albanais, entre 1990 et 1997, ont faits

20 l'objet de mauvais traitements, se sont faits emprisonnés par la police

21 serbe. Il n'y a pas un seul foyer au Kosovo qui n'avait pas un membre de sa

22 famille qui avait fait l'objet de mauvais traitements de la part de la

23 police.

24 C'était la population qui était hors-la-loi dans ce cas-ci selon les

25 autorités. Dans ces circonstances, une question se pose, c'est la question

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1 suivante : à l'époque, j'avais 25 ans. J'aimerais vous poser la question

2 suivante : qu'est-ce que vous pensez ? Vous tous croyez-vous qu'un jeune

3 homme de 25 ans, qui avait fait des études de droit afin de servir son

4 pays, afin de pouvoir travailler dans son propre pays, afin de pouvoir

5 mener une vie familiale, est-ce que vous pensez qu'une telle personne

6 choisirait le chemin de la mort, le chemin de la guerre ? La réponse est

7 non. Je crois qu'il n'y a absolument personne d'esprit sain qui aurait fait

8 un autre choix. En l'absence de ceci, Monsieur le Président, Madame,

9 Monsieur les Juges, je dois vous dire que tout nous avait été imposé. Nous

10 étions mis contre le mur. Chaque perspective d'une meilleure vie n'était

11 pas là, était manquante. Nous subissions une humiliation à chaque pas. Nos

12 compatriotes, nos familles, nos voisins étaient humiliés à chaque instant

13 du jour. C'était bien difficile de faire face à tout cela.

14 Je voudrais également mentionner un autre fait. Je ne sais pas combien

15 d'émigrés du Kosovo vivent dans vos pays, mais je sais que dans vos pays

16 respectifs, il y a un très grand nombre d'émigrés kosovars qui y vivent.

17 Malheureusement, un très grand nombre de ces Kosovars ont trouvé

18 l'intégration très difficile, et n'ont pas pu s'intégrer dans vos sociétés.

19 Les immigrants albanais, les Kosovars, s'ils immigraient dans vos pays,

20 étaient connus comme des ouvriers, des gens qui travaillaient, qui se

21 comportaient bien. C'étaient des personnes qui travaillaient forts, mais

22 après les années 90 et après, toute cette population qui avait été déplacée

23 vers l'occident a eu ses propres conséquences. Une très grande partie des

24 personnes qui avaient émigrées vers l'occident étaient des jeunes, des

25 personnes âgées entre 14 et 25 ans. Malheureusement, ils ont dû faire face

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1 à cette nouvelle réalité. Ils ont dû se retrouver dans un environnement

2 complètement nouveau, qui offrait bien sûr plusieurs possibilités.

3 Malheureusement, la plupart d'entre eux ont trouvé l'intégration

4 impossible. Ils ont choisi des façons de s'intégrer qui ont malheureusement

5 détruit l'image que l'on avait d'eux, non seulement l'image de leurs

6 familles et d'eux, mais de leur propre pays.

7 Pensez un peu si ces jeunes gens avaient vécu dans un Etat constitutionnel,

8 avaient pu étudier. Est-ce que vous croyez que ces personnes auraient

9 choisi le chemin du crime ? Mais ils avaient peu. C'était le destin qui les

10 abandonnait à la rue. C'est ainsi qu'ils se sont adonnés au crime. Cela a

11 été le cas dans plusieurs pays de l'ouest, tels la Suisse, l'Allemagne et

12 l'Autriche. J'ai vu avec mes propres yeux ce que mes compatriotes ont pu

13 devenir. Mais il y a énormément de personnes qui ont fait les sacrifices,

14 qui sont restées derrière au Kosovo, car elles voulaient garder leurs

15 familles au sein du Kosovo. Notre espoir, lorsqu'on parle de l'immigration,

16 était de faire de ces personnes, de ces émigrés, des personnes honnêtes qui

17 faisaient des travaux honnêtes. Mais malheureusement, comme je l'ai déjà

18 dit, il y avait beaucoup de personnes qui n'ont pas pu faire des travaux

19 honnêtes. Cela leur était bien difficile.

20 J'aimerais maintenant vous entretenir sur l'armée de la libération du

21 Kosovo. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, comme je l'ai

22 déjà dit plus tôt dans de telles circonstances, à l'époque, vous savez où

23 personne ne vous voit, où personne ne vous donne un seul signe d'espoir qui

24 vous ferait penser que les choses s'amélioreraient, que la violence qui, de

25 plus en plus, se faisait voir disparaîtrait. C'est à ce moment-là, c'est

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1 là, que le moment était venu pour survivre. Les citoyens se sont trouvés

2 contre le mur. Ils n'avaient pas d'autre situation. Si je ne peux pas faire

3 quelque chose pour mon propre pays, que peut faire les autres. Je ne savais

4 pas ce que je pouvais faire pour venir en aide à mon propre pays et à moi-

5 même. Il y avait plusieurs questions de ce type que les citoyens du Kosovo

6 se posaient. Je me suis posé cette question à plusieurs reprises, car

7 j'avais une famille que je devais faire vivre.

8 On dit que normalement les personnes aiment pouvoir bénéficier d'une

9 meilleure vie surtout lorsqu'ils n'ont pas de meilleure vie. Je suis tout à

10 fait persuadé que lorsqu'une personne veut donner sa vie pour son propre

11 pays, c'est quelque chose de précieux. Il y a deux façons de vivre; soit de

12 vivre humilié ou de vivre librement. Je suis heureux d'avoir trouvé le

13 chemin, la meilleure façon possible, le chemin de la liberté afin de

14 pouvoir arriver à ce que je voulais faire afin de pouvoir atteindre mes

15 objectifs. C'est ce qui a été particulièrement apprécié par les citoyens du

16 Kosovo. J'ai travaillé pour le Kosovo. Je suis certain que le Kosovo saura

17 apprécier mes activités et mon engagement envers elle. C'est ce qui

18 m'importe le plus.

19 Mon implication, ma participation dans l'UCK, après les arrestations qui

20 ont eu lieu en 1997, arrestations qui ont fait en sorte que j'avais décidé

21 de quitter le Kosovo, je vais vous entretenir brièvement sur cette période.

22 Le fait d'avoir vécu un an en Suisse, c'était parce qu'on m'a accordé le

23 droit, ou j'avais fait une demande de devenir un exilé politique. On m'a

24 donné l'asile politique. Je souhaiterais remercier la Suisse de m'avoir

25 accordé un asile politique. L'Etat s'est occupé de moi. Je dois dire que

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1 j'ai fait de mon mieux pour respecter la loi de mon pays hôte. J'ai

2 respecté cette loi. J'ai été un citoyen honnête. J'ai travaillé en Suisse,

3 et j'ai fait toutes sortes de travaux tout comme la plupart des Albanais.

4 J'ai eu toutes sortes d'emplois. Je ne choisissais pas, je prenais tout ce

5 qui me venait. Je n'ai pas voulu vivre aux dépens de l'Etat. On a même fait

6 parvenir mes fiches de paie en tant qu'élément de preuve, car ma famille

7 entière se trouvait au Kosovo. Je devais venir en aide à ma famille,

8 subvenir à leurs besoins. A ce moment-là, j'ai également été impliqué

9 s'agissant des activités menées par les immigrés du Kosovo ensuite.

10 J'ai essayé d'organiser et recueillir des fonds afin de pouvoir

11 organiser des collectes de fonds afin de pouvoir amasser suffisamment

12 d'argent pour l'armée de libération du Kosovo. Je crois que nous avons fait

13 un très bon travail moi et les autres personnes qui ont participé à cette

14 même tâche.

15 S'agissant des événements de 1998, je vous parle maintenant des événements

16 du mois de février. Je vous parle du massacre de Likosane, qui ont culminé

17 le massacre à Prekaz à l'époque, lorsque la Serbie n'a même pas essayé de

18 sauver la vie aux enfants, aux femmes et aux personnes âgées. La Serbie n'a

19 épargné personne, et a même tué le commandant si connu Jashari et son frère

20 qui essayait de protéger sa famille. C'était un signe très clair aux

21 Albanais que la Serbie avait commencé d'entreprendre d'autres démarches,

22 c'est-à-dire, ils menaient une campagne massive d'élimination des Albanais.

23 Personne ne m'a donné d'ordre de joindre l'UCK ou de retourner au Kosovo

24 depuis la Suisse. Personne. Mais je me suis senti responsable, et j'ai

25 quitté l'occident pour retourner au Kosovo. C'est quelque chose que j'ai

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1 fait connaître de façon publique une fois rendu au Kosovo. Je l'ai fait de

2 mon propre gré. C'est la raison pour laquelle j'ai rejoint les rangs de

3 l'UCK.

4 Monsieur le Président, Monsieur, Madame les Juges, il a été dit hier, que

5 l'armée de libération du Kosovo a été structurée, organisée, qu'elle avait

6 été déployée en zone à partir du mois de mai, en février, avril, juillet et

7 août. C'est quelque chose qui a duré pendant une période assez courte, qui

8 a duré un an. Cela a été organisé pendant une période d'un an. C'est ainsi

9 que l'armée a été transformée. Je voudrais vous demander de me permettre

10 d'avoir une approche différente concernant le conflit au Kosovo et en

11 Croatie, eu égard au fait qu'il s'agit d'une période assez courte.

12 L'UCK, lorsque je suis revenu au Kosovo, je pourrais dire qu'elle contient

13 environ 200 membres. C'était environ au mois de mars 1998. Lorsque le mois

14 de mai est arrivé, il s'agissait de la période pour laquelle on dit que

15 l'UCK avait été organisée, mais je dois vous dire qu'à Klecka, à l'endroit

16 où je me suis trouvé, il y avait sept soldats. A l'époque, Monsieur le

17 Président, l'UCK n'était rien qu'une armée de guérilla. Les développements

18 qui ont suivi le meurtre du commandant légendaire Iko qui est arrivé au

19 Kosovo, a eu un impact tout à chacun, sur chaque personne vivant au Kosovo.

20 Cela a mobilisé les habitants du Kosovo. Pendant une période très courte,

21 l'UCK est devenue plus importante, car à l'époque, elle ne s'agissait d'un

22 groupe de guérilla. Ces événements ont montré au QG que l'UCK n'était pas

23 préparée pour ces événements. Si vous vouliez parler d'une infrastructure,

24 il faudrait mentionner qu'il s'agissait d'une infrastructure de guérilla.

25 Vous pensez à une structure avec seulement trois personnes travaillant au

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1 sein de ce groupe. Les tâches et les missions, ou le but était d'attaquer

2 les forces serbes, ensuite, de se retirer. D'après ce qui a été dit plus

3 tard, les dirigeants de l'UCK organisaient depuis des années le

4 développement de l'UCK. Mais les événements ont pris une tournure tragique.

5 Nous étions face à une situation où les plus grands optimistes à

6 l'intérieur du pays ou au sein de la communauté internationale, ne

7 s'attendaient pas à ce que les choses s'améliorent au Kosovo dans le

8 courant du printemps. Comme je l'ai déjà dit, l'UCK était d'abord un groupe

9 de guérillas, est devenu un mouvement populaire. A l'époque où le quartier

10 général n'avait pas de structure nécessaire, personne n'était prêt à de

11 tels développements. Que devions-nous faire ? Devions-nous obtenir des

12 armes, ou devions-nous nous occuper de l'organisation structurelle de

13 l'UCK ? Ces milliers de personnes, pendant trois mois, ont été membres de

14 l'UCK, étaient rassemblés autour du drapeau des étudiants, des villageois,

15 des intellectuels, des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes. Veuillez

16 garder à l'esprit que toutes ces personnes étaient membres de la LDK, la

17 Ligue démocratique du Kosovo. Quelqu'un a essayé de laisser entendre que la

18 Ligue démocratique du Kosovo était contre l'UCK. Heureusement, notre

19 peuple, nos concitoyens, ne croient plus à ce genre d'insinuations.

20 Les citoyens du Kosovo, au milieu de cette situation chaotique,

21 étaient des gens qui, de leur propre initiative, dans leur propre village,

22 se sont organisés pour se défendre. Comme je l'ai mentionné, l'UCK est

23 devenue un météore; il suffisait de dire que nous étions membres de l'UCK.

24 Nous partagions les mêmes intérêts. Nous étions perçus comme des sauveurs.

25 Nous apportions l'espoir, une solution possible. Tout le monde se

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1 rassemblait autour du drapeau. Il n'y avait pas d'infrastructure en place à

2 l'époque; tout se faisait sur la base de l'engagement volontaire.

3 Ce développement ainsi que l'importance que commençait à prendre

4 l'UCK, ont conduit au déploiement de l'UCK dans différentes régions du

5 Kosovo. Après les offensives qui ont été déclenchées dans le courant de

6 l'été, l'UCK n'était pas une véritable organisation militaire digne de ce

7 nom. A l'époque, l'UCK était divisée en différentes unités qui opéraient

8 dans les villages. Il y avait des groupes de dix personnes armées. L'une de

9 ces personnes était à la tête du groupe, était nommée à la tête du groupe.

10 Lorsque je dis que l'une des personnes de ce groupe était nommé comme

11 commandant, je souhaiterais vous donner un exemple pour illustrer mon

12 propos.

13 L'un de ces commandants a été mentionné hier. A la fin dans, la zone

14 de Drenica, l'une des principales zones opérationnelles de l'UCK, la plus

15 ancienne zone parmi les unités qui opéraient dans le secteur de Drenica,

16 l'un des commandants de la zone a été élu par vote. Suite à cette élection,

17 le commandant en question a été nommé par le quartier général pour occuper

18 le poste de commandant. Ceci s'est produit en juin, si je ne m'abuse. Il

19 s'agit là de la première illustration de l'organisation de l'UCK. D'autres

20 activités visant l'organisation de l'UCK ont suivi, mais ceci a été

21 interrompu par l'offensive déclenchée en été.

22 Malheureusement, je n'ai pas de carte du territoire devant moi. Une

23 des opérations a été bouleversée. Le facteur temps est très important, je

24 tiens à le souligner une nouvelle fois. Au Kosovo et au sein de l'UCK même,

25 les choses pouvaient évoluer en une nuit; ce qui ne peut pas se produire

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1 dans une armée professionnelle. Car je répète qu'il s'agissait d'une

2 organisation établie sur la base du volontariat. Par conséquent, je vous

3 demanderais de prendre en considération le facteur temps, car il s'agit de

4 développement dramatique. Je vous donnerai un exemple.

5 En mai 1998, nous étions seulement sept à l'endroit où j'étais

6 commandant, dans la municipalité de Malisevo, qui compte 53 000 habitants,

7 il y avait environ 35 soldats. En trois mois, le nombre de soldats armés

8 dans cette municipalité dépassait les 2 000 alors que

9 5 000 ou 6 000 autres soldats devaient obtenir des armes. C'est ainsi que

10 les choses fonctionnaient. Quelqu'un se reposait et quelqu'un d'autre

11 prenait la relève, le remplaçait, prenait son arme et poursuivait ces

12 activités.

13 Si bien, qu'en mai 1998 et en mai 1999, l'UCK devait non seulement

14 combattre, obtenir des approvisionnements, s'organiser, se défendre, et ce,

15 en l'espace d'une année seulement. Ensuite, après l'arrivée de la KFOR au

16 Kosovo, nous avons dû nous transformer; nous avons opéré une mutation. Ce

17 n'est pas par hasard qu'un historien connu considère qu'il s'agit là de

18 l'un des plus grands succès de l'histoire moderne.

19 Comme je l'ai dit, je n'ai pas de carte sous les yeux. Que signifie le

20 terme "région" ? Ce terme "région", au Kosovo et au sein de l'UCK, est un

21 terme peu connu. Ces termes ont été mentionnés. Nous avions des unités qui

22 opéraient dans les villages à différents endroits et sur deux niveaux. Il y

23 avait le quartier général en haut, et en dessous l'unité. A la mi-juin,

24 nous avons vu la création de zones. Ce processus a commencé dans la zone de

25 Drenica. Ce processus a été interrompu, s'est poursuivi la zone de Pastrik

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1 après l'offensive de l'été, des brigades et d'autres compagnies ont été

2 créées. Ce processus de formation n'a pas commencé même après la fin de la

3 guerre, mais les objectifs principaux en étaient connus.

4 Je pense pouvoir vous donner une explication plus claire à ce sujet.

5 Vous devez garder à l'esprit également la question de la responsabilité

6 pendant la période couverte par l'acte d'accusation. Au cours de la période

7 qui nous intéresse, tous les commandants de l'UCK étaient responsables de

8 leur propre antenne. Ils n'avaient pas de d'autres zones de responsabilité.

9 Chaque commandant était responsable de son antenne. C'était là le

10 territoire qui était sous sa responsabilité. A la fin du mois d'août, des

11 changements sont survenus lorsqu'une brigade a été formée. Brigade qui

12 comprenait toutes les unités à l'époque, non pas, comme cela a été présenté

13 sur la carte qui a été montrée hier. Une brigade a été formée suite aux

14 instructions données par le quartier général. Personnellement, j'ai été

15 nommé commandant de cette brigade.

16 D'aucuns ont essayé de faire croire que ceci avait eu lieu en avril,

17 mai, ou juillet. Les choses ne sont pas claires. Monsieur le Président, je

18 répète une fois encore que de toutes les choses que j'ai faites dans ma vie

19 jusqu'à présent, vu toutes les choses que j'ai faites, je n'ai aucune

20 raison d'être traité de façon humiliante. Je n'ai aucune raison d'avoir

21 mauvaise conscience. Bien au contraire; tout ce que j'ai fait jusqu'à

22 présent est limpide. Sans fausse modestie, je dois dire que non seulement

23 au Kosovo, mais dans la région plus large des Balkans, et dans d'autres

24 pays, si vous examinez le curriculum vitae de plusieurs personnes, je pense

25 qu'aucun curriculum vitae n'est plus transparent que le mien. J'ai toujours

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1 agi dans la transparence. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour mon pays

2 et au service de tous. J'étais un idéaliste parfois j'ai même été naïf.

3 Pourquoi vous dis-je cela ? Parce que je rêvais d'un Kosovo autre que celui

4 que je voyais après 1999. Je ne peux pas vous dire que je suis satisfait

5 par ce que j'ai vu après 1999, par ce que je vois aujourd'hui. Je rêvais

6 d'un Kosovo libre, un Kosovo qui offrirait des possibilités à tous. Un

7 Kosovo dont les citoyens seraient fiers. Ceci n'est pas devenu une réalité.

8 Mon pays n'est pas celui dont j'ai rêvé. Il s'agit d'un autre pays.

9 J'espère toutefois qu'il deviendra un jour comme je souhaite qu'il soit.

10 Monsieur le Président, il est question du conflit dans le mémoire

11 préalable au procès. Mon but était, en 1998, la guerre. Il y avait une

12 guerre. Indépendamment de la manière dont cela est perçu dans le droit

13 international. En 1998, il y avait une guerre, et tous mes concitoyens ont

14 vécu cette guerre. Je ne souhaite pas débattre la question de savoir s'il

15 s'agissait d'une guerre ou pas. Je souhaite revenir à ce qui a été dit par

16 le Procureur hier.

17 Il est intéressant d'observer que lorsqu'on parle de quelque chose de

18 bénéfique pour le Kosovo, personne ne l'apprécie, personne ne le respecte.

19 Alors que lorsque l'on cherche à accuser, à faire du tort, des millions de

20 documents sont produits.

21 Je vais vous donner un exemple. Il serait sans doute important pour

22 vous de vous rappeler que, lorsque nous parlons de crimes commis par des

23 Serbes, nous ne cherchons pas à les justifier. J'ai conscience des crimes

24 isolés, des meurtres qui ont pu être commis. Lorsque je dis pourquoi est-ce

25 que les Serbes ne sont pas accusés pour les crimes qu'ils ont commis ? Ce

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1 n'est pas parce que je cherche à justifier ce qui nous est arrivé. Comme

2 vous l'avez entendu hier, le Procureur a dit qu'un conflit se déroulait au

3 Kosovo en 1998 parce que la police serbe et l'armée serbe ont tué des

4 femmes et des enfants au Kosovo. Un peu plus tard, il a été dit que deux

5 actes d'accusation avaient été dressés pour les crimes commis au Kosovo.

6 L'un de ces actes d'accusation est celui dressé contre M. Milosevic pour

7 les crimes commis au Kosovo, en Bosnie, en Croatie. L'autre acte

8 d'accusation concerne six ou sept personnes pour le Kosovo. Il est question

9 des crimes commis par les forces serbes au Kosovo de janvier à juin 1999.

10 Ils ont oublié ce qui s'est produit en 1998. Là, encore, je ne cherche pas

11 à justifier quoi que ce soit. Je souhaite simplement attirer votre

12 attention sur ce point. Que s'est-il passé en réalité ? Que se passe-t-il

13 maintenant ?

14 Monsieur le Président, de février 1998 jusqu'au mois de décembre,

15 d'après les données incomplètes rassemblées par des organisations non

16 gouvernementales au Kosovo, quelques 3 000 civils ont été tués et blessés.

17 Parmi eux, 500 enfants et femmes. Des enfants âgés de trois mois à 14 ans.

18 De nombreuses femmes étaient enceintes. En 1998, je souhaite vous rappeler

19 certains des massacres commis au Kosovo. Massacres d'une notoriété

20 publique. Je pense que l'occasion s'y prête. Au cours de cette année,

21 Likosane, Prekaz, Poklek, Obrinje, Ljubenic, Golubovac, et d'autres

22 endroits ont connu des massacres. Permettez-moi en quelques instants de

23 vous parler du massacre d'Obrinje, et pour une raison bien précise. Ce

24 massacre a eu des répercussions politiques. Je souhaite remercier un

25 journaliste britannique, hors du commun, qui a rendu public ce massacre. Si

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1 je ne m'abuse, il s'agissait d'un reporteur de la BBC dont j'ai oublié le

2 nom. Il a rendu public ce massacre qui est connu au Kosovo sous le nom de

3 massacre de la famille Deliu. Ce journaliste a pu filmer les victimes et

4 diffuser des images qui ont choqué l'opinion publique, images qui ont

5 conduit à l'accord conclu entre Holbrooke et Milosevic.

6 Ces horreurs commises au Kosovo en 1998 ont été ignorées par le

7 Procureur. Aucune procédure n'a été engagée pour les responsables de ces

8 massacres du meurtre de 3 000 personnes. Aucun acte d'accusation n'a été

9 dressé pour ces crimes commis en 1998. La seule explication possible pour

10 cela est que le Procureur a fermé les yeux, et a choisi délibérément

11 d'ignorer ces crimes commis en 1998, et a pardonné les forces serbes qui

12 ont commis ces crimes. En revanche, le Procureur s'est efforcé à tout prix

13 de criminaliser l'UCK pour cette période de trois mois, et a choisi

14 d'ignorer les meurtres commis par les Serbes de Belgrade à la frontière. A

15 Lapusnik, il y a une distance de 200 kilomètres. N'importe quoi peut se

16 produire. Pour autant que je le sache, une centaine de Serbes sont morts ou

17 ont disparus en 1998, et je ne souhaite pas comparer les chiffres. Des

18 victimes sont des victimes. Toutes les victimes sont pareilles. Pas

19 seulement les victimes de mon pays, de mon peuple, mais partout sur le

20 territoire de l'ex-Yougoslavie. Je souhaite exprimer mes condoléances aux

21 victimes, car elles sont victimes du génocide qui a également été commis

22 contre ma famille et mon peuple.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Limaj, je suis désolé

24 de vous interrompre, mais nous en arrivons quasiment à la fin de la bobine,

25 si bien que nous devons faire une pause.

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1 Nous allons suspendre l'audience à présent. Je souhaiterais que vous

2 réfléchissiez au temps qu'il vous reste pour terminer votre déclaration,

3 car comme vous le comprendrez, d'autres doivent prendre la parole après

4 vous.

5 Nous allons suspendre l'audience à présent, et nous reprendrons nos

6 travaux à 13 heures.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 39.

8 --- L'audience est reprise à 13 heures 03.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Limaj.

10 L'ACCUSÉ LIMAJ : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous

11 remercier de votre patience. J'aimerais vous remercier de m'avoir donné la

12 possibilité de vous présenter ce tour d'horizon rapide.

13 Je vais reprendre là où je m'étais interrompu. Dans un premier temps,

14 permettez-moi de remercier ma famille. J'aimerais également remercier mes

15 voisins. J'aimerais rendre hommage à l'endroit où je suis né. J'aimerais

16 rendre hommage à la ville où je suis né, j'aimerais rendre hommage à mon

17 pays, à mes professeurs, au dirigeants politiques de mon pays, aux

18 intellectuels de mon pays, qui sans aucun doute, devraient véritablement

19 être vivement remerciés pour m'avoir fait ce que je suis devenu

20 aujourd'hui, cet être humain que je suis aujourd'hui. Grâce à l'éducation

21 dont j'ai pu bénéficier, je suis fier de mes actes, je suis fier de ma vie,

22 je suis fier de tout ce que j'ai fait jusqu'à présent, jusqu'à ce jour,

23 parce que cette éducation fut une éducation très humaine, et fut une

24 éducation qui a toujours été une source d'inspiration pour moi, et qui m'a

25 permis de déterminer ma voie.

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1 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, l'un des segments de la

2 population que je respecte ou qui sont le plus respecté dans le monde

3 entier sont les militants qui luttent pour la protection des droits de

4 l'homme. Dans de nombreuses organisations non gouvernementales ou qui

5 s'agissent également de gouvernements, il faut savoir que cette situation

6 ne s'est pas produite très souvent, la situation en vertu de laquelle des

7 personnes ont vu leurs droits être violés de façon absolument draconienne.

8 Ce sont des personnes qui ont été condamnées ou punies juste parce qu'elles

9 avaient protégé le droit de leur propre population. Alors, ces personnes

10 ont été punies, ont essuyé des peines, des peines d'années de prison au nom

11 de la justice.

12 J'aimerais vous rappeler deux occasions, ou trois en fait -- trois

13 occasions. Car à long terme, hors de la création du monde, est-ce que le

14 Christ, comme d'aucun en dit, n'a pas été crucifié ? En fait, j'aimerais

15 mentionner deux autres événements. Je pense, par exemple, à une

16 personnalité extrêmement honorable, extrêmement connue. Je pense à Nelson

17 Mandela, qui pendant des années et des années avait été incarcéré au nom de

18 la justice. Il est resté en prison, et finalement, à la fin, le peuple sud

19 africain a pu véritablement conquérir ses droits, alors que le monde y

20 gagnait en égalité raciale. Alors, très heureusement -- et je suis fier de

21 l'avancer ici, j'appartiens à un peuple, et ce peuple est composé de

22 dignitaires et de personnes qui ont beaucoup apporté à la cause de

23 l'humanité. Cette petite nation, cette population qui n'est pas nombreuse,

24 a également apporté sa contribution à l'humanité parce que cette petite

25 nation a donné à l'humanité Mère Teresa. Ce peuple, qui n'est pas très

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1 nombreux, a pu également par son travail apporter sa contribution à

2 l'humanité. Je dirais que je suis très fier d'appartenir à ce peuple, de

3 faire partie de ce peuple. Car je dirais que ce peuple, même dans cette

4 nouvelle ère a donné au Kosovo, et non seulement au Kosovo mais également

5 au reste de l'Europe, un exemple à suivre pour ce qui est de la façon dont

6 les droits de l'homme sont protégés. En fait, j'aimerais parler d'Adem

7 Demagi qui est un symbole de résistance ou qui est connu comme le Mandela

8 de l'Europe.

9 Permettez-moi juste de rappeler l'une des choses qu'il a dite, car plus la

10 liberté est ample, plus il y aura d'attention et de soins qui seront

11 apportés aux communautés minoritaires, et plus la liberté sera importante.

12 Il faut savoir que de nos jours, en dépit des nouvelles qui émanent du

13 Kosovo, la plupart de la population continue à véritablement être guidée

14 par ce postulat. C'est ainsi que fonctionnent nos institutions de nous

15 jours.

16 Comme je vous l'ai dit auparavant, cette couche de la population est

17 véritablement louée pour la protection qu'ils ont su accorder en matière de

18 droits de l'homme, parce qu'ils sont engagés dans de nombreux pays, dans

19 des régions de crises, quelque soit d'ailleurs leur appartenance politique,

20 la nationalité. Ce sont des gens vont ailleurs et aident les populations et

21 qui, véritablement, n'hésitent pas à publier les abus dans le domaine de

22 droits de l'homme. J'aimerais vous poser une question, Monsieur le

23 Président : existe-t-il un engagement plus important que celui qui consiste

24 à protéger les droits d'une population que celui qui consiste à sacrifier

25 votre propre vie pour faire en sorte que soient protégés les droits de

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1 cette population ? Je pense, par exemple, à quelqu'un de 25 ans - et

2 lorsque je parle de 25 ans, je ne parle pas de moi-même, mais je parle des

3 milliers, des milliers de mes compatriotes qui sont disposés à se

4 sacrifier, à sacrifier leurs vies juste pour protéger les droits de cette

5 population de ce pays. Je suis fier de mentionner ici les dignitaires

6 auxquels j'ai fait allusion. Je suis fier de mon pays, mon pays qui a su

7 m'accorder cette éducation. A la suite de cette éducation, à la suite de

8 cet enseignement, nous avons toujours été en mesure de faire la part des

9 choses et de faire la différence entre le peuple serbe et ce qui était un

10 régime criminel. Nous avons vu, en fait, ce régime criminel comme quelque

11 chose de terrible, quelque chose de diabolique, et diabolique pour la

12 Serbie elle-même et pour le peuple serbe, qui malheureusement, est

13 représenté par ce régime.

14 L'UCK, bon gré mal gré, et ce que j'avance correspond à un fait historique,

15 L'UCK, disais-je, a su assurer la promotion des mutations positives qui

16 sont survenues dans cette région, dans cette zone qui a souffert depuis et

17 pendant tant de temps. Pourquoi ? Parce que l'UCK s'est retrouvé à

18 l'avant-garde des combats pour protéger les valeurs humaines, pour protéger

19 les valeurs de la civilisation. C'est en protégeant ces valeurs, ces

20 valeurs qui étaient absolument menacées pendant des années, c'est à la

21 suite de cela que l'UCK a dû faire face à une élimination complète. L'UCK a

22 véritablement aidé les mesures prises par l'OTAN au Kosovo. Le monde

23 occidental n'aurait pas pu autoriser ou faire en sorte que ces valeurs

24 démocratiques et que la civilisation européenne soit ainsi menacée. C'est

25 la raison pour laquelle, comme je l'ai déjà indiqué, que même au Kosovo --

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1 parce qu'il nous faut pas oublier la mentalité des Balkans -- parce que

2 très souvent, si vous accordez un soutien à quelqu'un, il pense que vous

3 êtes contre l'autre camp. Alors, je souhaiterais juste que mon propre

4 peuple ne tombe pas au piège de ces indications. Je l'ai d'ailleurs déjà

5 dit en public, j'ai indiqué que l'OTAN n'est pas venu au Kosovo parce

6 qu'ils adorent les Albanais ou parce qu'ils sont tout à fait contre les

7 Serbes. L'OTAN est venu au Kosovo pour protéger les valeurs démocratiques,

8 les valeurs de la civilisation qui était sur le point d'être détruites.

9 L'OTAN ne fait pas de différence entre les populations.

10 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vous ai relaté tout à

11 l'heure les événements de 1998. Alors, ce n'est pas que les victimes au

12 Kosovo sont ignorées. Ignorer 3 000 victimes, et j'inclus parmi ce chiffre

13 les 20 victimes pour lesquelles on m'accuse ici, je n'accepterais jamais --

14 mais vraiment, jamais de dire que j'étais responsable de leur sort.

15 Alors ce n'est pas que personne n'assume la responsabilité de ces crimes et

16 de ces délits, mais essayez de dresser un acte d'accusation contre l'UCK

17 sera un peu difficile, puisque le Procureur ne dispose pas de faits qui

18 émanent du service de Sécurité serbe ou du régime criminel de Milosevic. En

19 fait, cela ne peut pas correspondre aux normes préconisées pour un acte

20 d'accusation. Il a été dit que les Albanais avaient leur vie en danger, et

21 comme il n'y a pas suffisamment de Serbes, essayons de concocter un acte

22 d'accusation contre l'UCK. Il a été dit ici que ce serait ainsi un bon

23 exemple qui permettrait d'unir ces deux peuples. Il faut savoir que cela ne

24 va pas desservir les intérêts des deux personnes. Mais il faut savoir que

25 cela laisse une certaine marge de manœuvre pour ce qui est des réactions

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1 que cela pourrait provoquer pour mon peuple.

2 Dans tous les cas, Monsieur le Président, vous entendrez le témoignage de

3 plusieurs témoins. Vous entendrez des témoins serbes également. Je souhaite

4 dire une chose, une chose que j'ai entendue dans ce Tribunal international.

5 Il s'agissait d'une personne qui est venue témoigner devant ce Tribunal et

6 qui décrivait la situation au Kosovo en 1998, 1999, de la façon suivante :

7 je me suis trouvé à Krusa. Il s'agit d'un petit village. Nous avons Velika

8 Krusa et Mala Krusa au Kosovo. Il s'agit donc de deux villages où plusieurs

9 massacres ont eu lieu. Tous les hommes dans ces villages se sont fait

10 massacrer. Ils ont été tués. C'est là que d'atroces -- de grandes atrocités

11 ont été commises. Des restes de leur corps ont été trouvés dans des

12 réfrigérateurs, et ce même à Belgrade. Ce témoin dit la chose suivante, il

13 a dit : "Lorsque je suis entré dans le village, au lieu de respirer de

14 l'air, j'ai respiré l'odeur du sang." Quelle est la raison pour laquelle je

15 vous dis cela ? Dans quelques jours, nous entendrons, ici, des témoins de

16 l'Accusation, notamment l'un des témoins de l'Accusation qui était un

17 organisateur des forces serbes, qui a organisé le massacre justement à cet

18 endroit-là. C'est lui qui va venir juger, qui va venir témoigner contre les

19 victimes. C'est lui qui viendra témoigner contre nous. Nous devrions tous

20 avoir à l'esprit qu'il faut faire appel à son propre jugement et voir de

21 qui il s'agit ici. S'agit-il de victimes ou de tortionnaires ? Est-ce

22 qu'ils font cela pour leurs propres intérêts, à cause de leur propre

23 carrière ? Pourquoi sont-ils descendus si bas ?

24 Mon destin personnel me concerne énormément. Je dois vous l'avouer. Je me

25 suis déjà livré, une première fois, entre les mains du destin pour sauver

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1 le Kosovo, et si Dieu souhaite que cela soit ma destinée, je suis prêt à

2 l'accepter. Je n'ai aucun problème avec cela. Mais je suis navré pour la

3 justice internationale. Mon opinion concernant la justice internationale a

4 changé. Autrefois, c'était l'un des mes idéaux. Mais je regrette le sort de

5 mon peuple, car on joue plusieurs jeux avec mon peuple.

6 Monsieur le Président, Monsieur, Madame les Juges, mon peuple est

7 habitué à l'injustice. Il est tout à fait connu que la Grande-Bretagne, ou

8 peut-être même l'Europe de l'ouest, est considérée comme étant le berceau

9 de la démocratie. Tout comme un Britannique peut, à première vue, voir s'il

10 s'agit d'un pays démocratique ou non, puisque la Grande-Bretagne a une

11 tradition qui, dans le domaine de la démocratie, est très longue. Mais nous

12 - je ne sais pas s'il s'agit d'une circonstance heureuse - mais personne ne

13 pourra reconnaître l'injustice avant que nous, les Albanais, nous la

14 reconnaissions, car pendant de très nombreuses années, nous avons vécu dans

15 l'injustice.

16 Je souhaiterais ajouter une autre chose. Le système yougoslave a commencé à

17 s'effondrer au Kosovo justement à cause de l'injustice, et à cause du

18 système juridique qui était conçu pour être contre les Albanais. C'est la

19 raison pour laquelle aujourd'hui, jusqu'à ce qu'en Croatie et en Bosnie les

20 gens qui ont combattu pour leur propre pays sont honorés et on le respecte

21 et ils ont un endroit où ils peuvent vivre, l'intégration leur est assurée,

22 ces derniers ont la possibilité de trouver un emploi. Dans mon pays, c'est

23 le contraire. Dans mon pays, la MINUK a choisi un chemin plus court et

24 moins cher. La majorité des membres de l'UCK est maintenant emprisonnée

25 comme -- pour être félicitée. Jusqu'à présent, environ 500 membres de l'UCK

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1 sont passés par toutes sortes d'institutions de ce qu'on appelle la justice

2 transparente. Des centaines d'entre eux ont détenues pendant très, très

3 longtemps dans ce genre de prison. On les a jugés sans qu'un acte

4 d'accusation ne soit rédigé contre eux. Des dizaines d'entre eux se

5 trouvent maintenant dans des prisons en train de purger leur peine.

6 Certains d'entre eux sont même condamnés pour crimes de guerre.

7 Mais je voudrais attirer l'attention des Juges [comme interprété],

8 que les méthodes que ces derniers ont utilisées ce sont des méthodes que le

9 peuple kosovar a utilisées pendant plusieurs décennies. J'essaie de vous

10 expliquer ce que cela veut dire de ne pas avoir d'Etat. Nous nous sentons

11 comme des enfants sans parents. Au cours des 20 derniers mois, le

12 traitement que nous avons reçu est un traitement qui diffère des

13 traitements reçus par d'autres détenus. La MINUK ne se préoccupe plus de

14 nous. Nos propres institutions disent qu'elles n'ont plus compétence,

15 qu'elles ne peuvent pas nous venir en aide. Puisqu'il n'y a pas de soins

16 institutionnels qui peuvent nous être accordés, nous nous trouvons

17 maintenant ici entre vos mains. Je me sens complètement abandonné. Personne

18 ne peut sanctionner ceux qui violent nos droits. Nous sommes les seuls à

19 avoir ce genre de traitement -- à subir ce genre de traitement. Je crois

20 que les représentants de chaque Etat peuvent établir des liens -- peuvent

21 avoir des liens avec leurs détenus. Je crois que tous les détenus des

22 anciennes républiques de la Yougoslavie reçoivent des soins, des soins

23 qu'ils leur sont accordés à eux, mais également à leur famille, et

24 reçoivent une aide financière, une aide juridique. Alors que dans notre

25 cas, rien n'a été fait, indépendamment de certaines initiatives locales. Je

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1 crois que le moment est venu que l'on commence à nous traiter de façon

2 différente. Je crois que nous avons le droit à un traitement humain.

3 J'espère que les institutions verront ce qui se passe vraiment avec leurs

4 citoyens. Je parle des institutions au Kosovo, car nous sommes, bien sûr,

5 des citoyens du Kosovo, mais nous nous trouvons ici. On essaie de réviser

6 l'histoire du Kosovo, selon les instructions de l'Accusation.

7 Monsieur le Président, j'en arrive presque à la fin de mon discours, mais

8 je souhaite néanmoins ajouter une seule chose. Etant donné que nous n'avons

9 pas de soins institutionnels, indépendamment de la situation atroce dans

10 laquelle nous nous trouvons, indépendamment de l'injustice qui règne autour

11 de nous, indépendamment des menaces que nos familles reçoivent tous les

12 jours au Kosovo, nous avons l'appui des citoyens du Kosovo, ces mêmes

13 citoyens pour lesquels nous nous sommes battus. C'est eux qui nous aident

14 de toutes les façons possibles et imaginables, et c'est cela qui nous aide

15 à survivre. Car chaque citoyen du Kosovo a pu démontrer, à sa façon, son

16 appui, qu'il s'agisse de déclarations dans les médias, de déclarations

17 d'appui ou par les lettres. Comme j'ai dit, c'est cela qui nous aide à

18 passer ces durs moments. Car j'ai dit que nos familles, bien sûr, font

19 l'objet de menaces quotidiennes. Le Kosovo est maintenant mené par la

20 MINUK, et la question de la sécurité est leur prérogative bien sûr.

21 Mais si vous voulez, vous pouvez faire venir n'importe quel Kosovar

22 ici. Chaque membre de l'UCK, vous pouvez le faire venir ici. Sinon, vous

23 pouvez également enfermer ma propre mère ici. Car, bien sûr, qu'elle a son

24 mot à dire concernant les personnes qui m'ont emmené ici. Je suis moi-même

25 victime de menaces. On nous a empêchés de communiquer avec nos familles,

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1 avec notre pays, sans aucune raison. L'officier au quartier pénitentiaire,

2 le directeur du quartier pénitentiaire, nous a dit que nous n'avions jamais

3 violé aucune règle, aucune règle du centre pénitentiaire -- du quartier

4 pénitentiaire. Nous ne comprenons pas pourquoi, maintenant, sans aucune

5 raison, nos familles ne peuvent pas venir nous rendre visite, et cela

6 n'arrive qu'aux détenus kosovars. Nous ne comprenons pas pourquoi personne

7 ne s'occupe de nous.

8 Je souhaiterais ajouter une autre chose : j'espère, Monsieur le Président,

9 et j'en suis convaincu, que ce Tribunal fera valoir la vérité. Je m'appuie

10 sur un vieux proverbe chinois qui dit : "Lorsqu'il y a une volonté de punir

11 ou de condamner quelqu'un, les éléments de preuve sont trouvés." Ou je

12 pourrais peut-être citer Hillary Clinton, qui dit dans son livre -- dans

13 ses mémoires, que : "Les avocats -- les procureurs peuvent trouver

14 coupables même un sandwich."

15 Je crains fort qu'en fait le proverbe chinois que j'ai mentionné fait

16 partie de la logique du déroulement des procédures ici au Tribunal. Mais

17 maintenant, permettez-moi de citer une dame française qui, je crois, répond

18 bien à ce qui nous arrive ici.

19 Après la Deuxième guerre mondiale, Michelle Morelle a dit, quelques

20 heures après avoir été libérée, suite à la capitulation du fascisme, elle a

21 dit, et je cite : "A l'aube de la liberté, ne croyant pas à la réalité, je

22 me suis trouvée dans une extase, une extase paralysante. J'ai essayé de me

23 persuader -- de me convaincre moi-même que j'étais libre. J'ai essayé de

24 rédiger -- d'écrire un poème, mais je n'ai jamais pu dire plus que, je suis

25 libre, je suis libre. Ce sont les seuls mots que j'ai réussi à écrire, je

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1 suis enfin libre." Elle a ajouté : "Pour ce qui me concerne, le concept de

2 liberté n'a jamais été plus large que celui-ci."

3 Monsieur le Président, je souhaite dire, en vous citant ces propos, que

4 jusqu'à ce que le concept de liberté pour moi ne devienne pas plus large

5 que le concept de liberté que ressentait cette française, alors que cinq

6 ans se sont déjà écoulés pour mon peuple, ce concept devient de plus en

7 plus étroit. Je crois et j'espère que ceux qui ont l'obligation de faire

8 quelque chose concernant cela, j'espère qu'ils comprendront qu'un peuple

9 qui a souffert très longtemps ne sera pas satisfait simplement s'il est

10 libéré de coups. La liberté veut dire plus. La liberté veut dire que l'on

11 vous donne la possibilité de vivre et de travailler comme vous le désirez.

12 Hier, le Procureur a expliqué son point de vue sur mes agissements soi-

13 disant criminels, à l'exception du fait que, si j'avais été officier dans

14 l'armée serbe, tout aurait été en ordre. Je veux parler des officiers qui

15 se sont rendus coupables d'agissements répréhensibles et non pas de tous

16 les officiers serbes. Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges,

17 je suis un homme fier. Je remercie Dieu pour m'avoir permis, à moi et à

18 ceux qui ont combattu à mes côtés, je remercie Dieu de m'avoir permis de

19 défendre quelque 85 000 civils qui, pendant six mois, étaient menacés par

20 des unités spéciales serbes dirigées par un criminel bien connu qui fait

21 l'objet d'un procès actuellement en Serbie, Miodrag Lukovic, alias Legija.

22 Vous pouvez imaginer le type d'homme qu'il est, puisqu'il a tué, ni plus ni

23 moins, que son propre premier ministre.

24 C'est dans ce contexte-là que nous devons voir Lapusnik. Il était

25 commandant des opérations menées à Lapusnik. J'espère que le temps

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1 permettra de faire -- de lever le voile sur ces événements. Des membres des

2 services secrets serbes viendront témoigner, ces mêmes membres qui, pendant

3 des années, ont établie, orchestrée et mise en œuvre la politique

4 d'extermination menée contre mon peuple. La Serbie elle-même doit faire

5 face au reste de ce régime. Veuillez penser également aux fonctionnaires de

6 Belgrade et à l'importance que représentent les services secrets pour la

7 Serbie. Imaginez ce que ces services secrets ont fait pour le Kosovo et ce

8 qu'ils font encore actuellement. Ceux qui restent font chanter --

9 soumettent le peuple du Kosovo à un chantage. On cherche à condamner, non

10 pas Fatmir Limaj, mais le Kosovo. Mais je suis sûr que ceci finira par un

11 échec. A présent, nous sommes libres. Nous savons ce que signifie la

12 liberté. La liberté dont bénéficie le Kosovo aujourd'hui permet de faire la

13 distinction entre les hommes d'honneur et les autres. Ces mains qui ont été

14 décrites, hier, comme des mains sanglantes, des mains de criminel, grâce à

15 ces mains, j'ai parvenu à garder le sourire sur le visage de nos enfants. A

16 présent, nous avons des crèches, les écoles se sont ouvertes. La vie

17 continue. Les enfants sourient. Leurs parents n'ont plus peur du sort

18 préservé à leurs enfants. Je suis heureux aujourd'hui d'avoir pu contribuer

19 à ma petite échelle à aider mon pays. Je me suis mis au service de mon pays

20 même si cela m'a valu d'être emprisonné. Je ne peux pas profiter de cette

21 liberté pour laquelle j'ai travaillé. Le Procureur m'a empêché de profiter

22 de mes rêves et m'a séparé de mes amours. Tout ce que je sais, c'est que si

23 j'étais au Kosovo aujourd'hui, si ma contribution était nécessaire pour

24 aider à construire une société démocratique, je le ferais. Je suis triste,

25 je souffre de ne pas pouvoir le faire. Je suis triste de ne pas pouvoir

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1 aider à la construction de cette société démocratique qui a toujours été

2 l'idéal de tous les citoyens du Kosovo. J'espère que j'aurai la possibilité

3 de rentrer chez moi et d'apporter ma pierre à l'édifice du mieux que je

4 pourrai.

5 Enfin, il y a ce proverbe populaire chez nous qui dit que la suspicion est

6 comme le brouillard qui couvre un paysage merveilleux; ce brouillard que le

7 bureau du Procureur s'est toujours efforcé de créer afin de couvrir, de

8 dissimuler ma personnalité. J'espère, Monsieur le Président, Madame et

9 Monsieur les Juges, que vous pourrez lever ce brouillard afin de voir qui

10 je suis véritablement, et afin de vous poser la question de savoir si je

11 mérite là où je suis aujourd'hui.

12 J'espère que nous ne serons plus jamais soumis aux traitements que nous

13 avons connus jusqu'à présent, mais que nous serons traités de la manière

14 que nous méritons. Nous ne voulons ni plus ni moins que les mêmes

15 conditions de détention que les autres détenus. Je souhaiterais dire

16 également que l'atmosphère positive, le soutien que m'apporte la population

17 du Kosovo, qui fait l'envie du bureau du Procureur, que le bureau du

18 Procureur essaie de décrire comme une atmosphère menaçante pour les témoins

19 à charge. Je souhaite que vous preniez cela en considération. Si je

20 bénéficie du respect de tous les foyers au Kosovo, il ne faut pas m'en

21 tenir rigueur.

22 Ce n'est pas ma faute si les habitants du Kosovo, si la population a

23 exprimé son soutien envers moi et apprécie mon travail et les activités

24 dans lesquelles je me suis engagé. Au Kosovo, on ne déteste pas le Tribunal

25 de La Haye. La sympathie qui est manifestée à mon égard ne signifie pas que

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1 la population est contre le Tribunal. Vous pouvez vous en rendre compte par

2 vous-mêmes. Les gens font confiance au Tribunal. En même temps, ils me font

3 confiance à moi. Je ne vois pas où est le mal. Ceci ne fait que refléter le

4 fait que la population de Kosovo a placé son espoir dans ce Tribunal, car

5 ce sont des victimes. Ils espèrent que les criminels qui ont créé le chaos

6 au Kosovo seront jugés. C'est la première fois dans notre histoire qu'une

7 lueur d'espoir s'allume, et que nous pouvons nous attendre à ce que les

8 véritables criminels soient punis et condamnés. Malheureusement, ce n'est

9 pas encore le cas. C'est le contraire qui est en train de se produire.

10 Certains commencent à penser que les Albanais sont utilisés comme des

11 boucs émissaires afin de camoufler les faits. Le Procureur a adressé un

12 acte d'accusation envers et contre tout. Comme je l'ai dit, vous pouvez

13 arrêter et traduire en justice autant d'habitants du Kosovo que vous le

14 souhaitez, mais vous devez garder à l'esprit la crédibilité des procédures

15 qui se tiennent ici, notamment à quel point ce processus sape la situation

16 au Kosovo et sape la justice internationale.

17 Merci de votre patience, merci de m'avoir accordé la possibilité de

18 m'exprimer et de faire cette déclaration. Pour conclure, je souhaite

19 exprimer mes regrets, mes condoléances à toutes les victimes, y compris les

20 victimes serbes. J'espère que les véritables coupables de ces événements

21 tragiques seront trouvés et condamnés, car pour que justice soit faite, il

22 faut condamner les véritables coupables, les meurtriers, les assassins,

23 ceux qui ont fait souffrir ces victimes. Vous avez ici, devant vous, non

24 pas un meurtrier, mais un défenseur; le défenseur de victimes qui a essayé

25 de servir son peuple et son pays. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait dans

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1 l'intérêt de mon pays.

2 Merci beaucoup.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Limaj.

4 Maître Guy-Smith, je pense que la Défense de M. Bala préfère ne pas

5 commencer sa déclaration liminaire.

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est exact. Nous nous réservons ce droit

7 pour plus tard.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.

9 Maître Topolski, je suis désolé. Nous devons lever l'audience à 13 heures

10 45, car une autre audience doit commencer à 14 heures 15. Vous pourrez

11 exprimer demain après-midi à 14 heures 15.

12 M. TOPOLSKI : [interprétation] C'est noté. Merci de nous avoir signalé

13 cela. Nous commencerons demain après-midi.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous reprendrons demain à 14

15 heures 15.

16 Oui, Maître Mansfield.

17 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi, juste une minute. Je

18 souhaiterais vous dire qu'en raison des engagements que j'ai à Londres,

19 engagements qui m'occuperont pendant toute l'année, je dois retourner à

20 Londres pendant un ou deux jours. Je me suis entretenu avec mon co-conseil

21 à ce sujet. Je tiens à vous dire qu'il s'agit d'un engagement professionnel

22 qui m'occupe depuis déjà neuf mois.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci de m'avoir signalé cela,

24 Monsieur Mansfield. Je suis sûr que M. Khan sera prêt à prendre le relais.

25 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

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1 soulever une question avant que nous ne levions l'audience. Comme je

2 constate que Me Mansfield ne sera pas là demain, je souhaite dire que notre

3 prochain témoin, Ole Lehtinen est un enquêteur qui a travaillé sur cette

4 affaire. Nous souhaiterions nous entretenir avec lui à propos de questions

5 qui ne sont pas liées avec son témoignage. Avant qu'il prête serment, nous

6 avons besoin de nous entretenir avec lui pour d'autres questions. Je

7 souhaiterais obtenir l'autorisation de la Chambre pour le faire.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez vous entretenir avec lui

9 pendant son témoignage. Vous ai-je bien compris ?

10 M. CAYLEY : [interprétation] Au cours de son témoignage, nous aurons peut-

11 être besoin de nous entretenir avec lui à propos de questions qui ne sont

12 pas liées à son témoignage.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pendant combien de temps pensez-vous

14 qu'il va témoigner ?

15 M. CAYLEY : [interprétation] Deux à trois jours.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

17 Maître Mansfield.

18 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il est un peu

19 difficile de répondre à cela. J'accepte les propos de

20 M. Cayley. Il nous est quelque peu difficile, car il s'agit d'une pratique

21 inhabituelle de répondre sur ce point. Il dit que cela n'a pas de rapport

22 avec l'affaire.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai compris le contraire.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Si c'est en rapport avec l'affaire qui nous

25 intéresse ici, je ne sais pas. Pourrait-il nous donner une idée des

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1 questions qu'il souhaite poser au témoin ?

2 M. CAYLEY : [interprétation] Comme il s'agit d'un enquêteur qui a travaillé

3 sur cette affaire, nous avons besoin qu'il nous parle de certains témoins

4 si nous ne pouvons pas nous entretenir avec lui sur certains points, nous

5 ne pourront pas citer à comparaître un certain nombre de témoins après son

6 témoignage. C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions nous

7 entretenir avec lui. Ce ne sont pas des questions directement liées à son

8 témoignage, mais il s'agit simplement de nous assurer de la présence de

9 certains témoins par la suite.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Cayley.

11 M. MANSFIELD : [interprétation] Non. Cela ne nous pose pas de problèmes

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith.

13 M. MANSFIELD : [interprétation] Je souhaiterais simplement ajouter que

14 quelqu'un d'autre pourrait se charger de cela.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si les discussions se limitent aux

16 questions mentionnées par M. Cayley, nous n'avons pas d'objections.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

18 Monsieur Topolski.

19 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis d'accord à la condition que cela se

20 limite aux questions mentionnées.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Sur cette base, Monsieur

22 Cayley, vous pourrez communiquer avec le témoin.

23 M. CAYLEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] L'audience est levée.

25 --- L'audience est levée à 13 heures 46.