Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 14 février 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 27.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour Monsieur Whiting, est-ce que

6 vous êtes --

7 M. WHITING : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- prêt à poursuivre ?

9 M. WHITING : [interprétation] Oui. Mais avant de faire entrer le témoin, je

10 souhaiterais parler de documents qui ont été fournis par le témoin vendredi

11 dernier et dont l'Accusation a pris possession. Je souhaitais informer la

12 Chambre de cela. Je pense que les conseils de la Défense sont déjà au

13 courant, mais je souhaitais dire que, pendant le week-end, que l'Accusation

14 était en mesure d'analyser ces documents et d'en traduire certains.

15 Certains de ces documents avaient déjà été versés au dossier. Je vais vous

16 dire lesquels pour que le compte rendu soit clair : P049, qui correspond au

17 document référence U008-1621, a été communiqué par le témoin. Un document

18 qui a déjà été versé au dossier également, c'est le document P48, U003-8613

19 et 8614. Ce document a été également versé au dossier. Le témoin a fourni

20 une version albanaise de ce document. Nous avons déjà le document en

21 anglais, le numéro 12. Le document correspondant à la côte P049, référence

22 au U008-1630, est le document qui a été versé dans ce dossier vendredi

23 dernier. P139 correspondant à la référence U008-6944 et 6945 sont déjà au

24 dossier.

25 Il y a trois documents également qui ont été fournis par le témoin et qui

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1 ne sont pas au dossier. Ces documents ont été traduits, et communiqués à la

2 Défense et la Chambre. J'en parlerai aujourd'hui avec le témoin. Afin que

3 les choses soient bien claires, il s'agit d'un discours daté des 3 et 4

4 mars, l'année qui apparaît sur ce document est celle de 1989, mais je pense

5 qu'il s'agit d'une erreur de frappe, et qu'il s'agit de 1998. Mais je

6 tirerai cela au clair avec le témoin. Il y a un document daté du 29 avril

7 1998 et un autre, du 28 juillet 1998. J'en parlerai aujourd'hui avec le

8 témoin.

9 Ayant précisé ceci, je pense que nous pouvons faire entrer le témoin

10 pour qu'il poursuive.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez faire entrer le témoin.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je souhaite vous rappeler que

16 vous êtes toujours liés par la déclaration solennelle que vous avez

17 prononcée au début de votre déposition. M. Whiting va continuer son

18 interrogatoire. Je vous remercie.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

20 LE TÉMOIN: JAKUP KRASNIQI [Reprise]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 Interrogatoire principal par M. Whiting : [Suite]

23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous m'entendez

24 bien ? Est-ce que recevez l'interprétation correctement ?

25 R. Oui, bonjour. Je vous entends bien.

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1 Q. Monsieur, pendant le week-end, nous avons pu examiner les

2 documents que vous nous avez fournis vendredi dernier. Certains des

3 documents que vous avez fournis ont été déjà versés au dossier de l'espèce.

4 Il y a toutefois trois documents nouveaux. Je souhaiterais vous les

5 présenter l'un après l'autre et vous poser des questions à leur sujet.

6 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à M. l'Huissier de bien

7 vouloir présenter au témoin le premier document. Il s'agit du document daté

8 du 3, 4 mars 1989.

9 Q. Monsieur Krasniqi, avez-vous ce document sous les yeux ?

10 R. Oui.

11 Q. Il y a une mention manuscrite en haut du document. On peut y voir

12 une date qui semble être le 3, 4 mars 1989. Est-ce que l'année est exacte

13 ou une erreur s'est-elle glissée ?

14 R. Il s'agit d'une erreur. Il s'agit de l'année 1998.

15 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit ?

16 R. Il s'agit d'une déclaration, d'une allocution que j'ai prononcée à

17 l'occasion des funérailles des victimes massacrées par la police serbe.

18 Cela s'est tenu dans la municipalité de Drenoc, Skenderaj en mars 1998, le

19 28 février 1998 et le 1er mars 1998.

20 Q. Je souhaiterais vous renvoyer à certains paragraphes qui se trouvent

21 vers le milieu du document. Je pense qu'il s'agit du deuxième paragraphe en

22 page 2 de la version en albanais. Dans la version en anglais, c'est vers le

23 milieu de la deuxième page. Je cite :

24 "Nous invitons toutes les instances internationales -- les Nations Unies,

25 le conseil de Sécurité des Etats-Unis et de l'Union européenne, le

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1 parlement européen -- à respecter les chartes et les documents qu'ils ont

2 eux-mêmes rédigés et signés, du traité Atlantique à celui d'Helsinki et de

3 Paris.

4 "Nous avons toute confiance qu'aucun des documents valides mentionnés ne

5 considère comme un acte terroriste le fait de défendre sa nation et sa

6 dignité nationale. Aucune guerre de libération dans aucun pays du monde n'a

7 été, jusque-là, qualifiée de terrorisme, et notre guerre n'a rien d'une

8 guerre terroriste, mais c'est une guerre de libération. Si nous choisissons

9 d'avoir recours au terrorisme, nous le ferions certainement en Serbie et

10 pas chez nous. En Serbie, il y a beaucoup de villes exclusivement serbes."

11 Je pense que la suite est écrite à la main. Je cite :

12 "Est-ce qu'une femme chez elle peut être appelée une terroriste ?"

13 Est-ce que cela faisait partie de votre allocution ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous avez des commentaires à formuler s'agissant du fait que

16 l'UCK n'était pas un mouvement terroriste ?

17 R. Oui. Il s'agit d'une allocution que j'ai prononcée à l'époque où

18 j'étais dirigeant de la Ligue démocratique du Kosovo à Drenoc. Cette

19 allocution était prononcée pour les municipalités de Drenica, Skenderaj. Le

20 massacre était essentiellement dirigé contre la population civile,

21 désarmée, après les affrontements armés entre l'UCK et la police serbe au

22 cours desquels les forces serbes ont été vaincues. Le régime de l'époque a

23 envoyé à Drenoc, dans les villages de Qirez et Likoshan, des équipements de

24 combat, des ressources, des policiers, des paramilitaires qui étaient

25 placés sous un commandement unique, qui avait pour objectif de terroriser

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1 la population civile et de procéder à son génocide.

2 Ce jour-là, le jour où l'allocution a été prononcée, je ne me souviens pas

3 du jour exact, mais je pense que c'était le 3 ou le 4 mars 1998, à

4 l'occasion des funérailles de 40 victimes, parmi lesquelles ont été des

5 civils, les gens ont été emmenés hors de chez eux. Plus de 200 000 citoyens

6 venant de toutes les régions du Kosovo et de l'étranger ont assisté à ces

7 funérailles. Nous avons demandé à la communauté internationale, à cette

8 occasion, d'exiger du régime de Belgrade de respecter les conventions

9 internationales, de ne pas exercer la terreur et la violence contre la

10 population qui n'était pas armée. Nous avons demandé à la communauté

11 internationale d'exiger de la Serbie et de ceux qui la soutenaient, qui à

12 l'époque qualifiaient l'UCK d'organisation terroriste -- l'UCK, même dans

13 certains documents de l'Accusation, était perçu comme une entreprise

14 criminelle. Je souhaiterais souligner à cet égard, une fois de plus, que

15 l'UCK était soutenu par toute la population du Kosovo et toute la

16 population kosovare de la diaspora en Europe de l'ouest et aux Etats-Unis,

17 partout dans le monde. Comment peut-on qualifier cette organisation

18 d'organisation terroriste alors qu'elle bénéficiait du soutien de toute la

19 population et d'un soutien international également ? Grâce à ce soutien, la

20 population albanaise, le peuple albanais du Kosovo, peut vivre libéré de la

21 violence qui était exercée à l'époque par la police et l'armée serbe.

22 Q. Merci, Monsieur Krasniqi.

23 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais que l'on attribue une cote à

24 ce document.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document P141.

2 M. WHITING : [interprétation]

3 Q. Monsieur, je souhaiterais que l'Huissière vous remette un autre

4 document que vous nous avez communiqué vendredi. Il s'agit d'un communiqué

5 daté du 29 avril 1998. Il semble que ce communiqué ait été publié dans

6 Bujku. Je vous invite à examiner ce document quelques instants. Ce

7 communiqué, émane-t-il de l'état-major général ?

8 R. Oui. En réalité, il s'agit de la déclaration politique numéro 2 de

9 l'UCK.

10 Q. Merci pour ces éclaircissements. Je vous renvoie au point numéro 3 où

11 il est dit --

12 M. WHITING : [interprétation] Je précise que cela parait à l'écran

13 également.

14 Q. Il est dit, je cite : "L'UCK condamne le terrorisme et les autres

15 formes de violence exercées contre la population civile et les prisonniers.

16 L'UCK reconnaît et respecte les instruments internationaux des Nations

17 Unies et les conventions relatives à la guerre."

18 Ma question est la suivante : est-ce que l'UCK respectait véritablement les

19 instruments internationaux et les conventions relatives à la guerre ?

20 R. Oui, c'est exact. Si l'UCK n'avait pas respecté tout cela, elle

21 n'aurait pas bénéficié du soutien de la communauté internationale.

22 Q. Au point numéro 6, et il est dit, je cite : "Nous sommes en état de

23 guerre. Nous en appelons aux Albanais pour qu'ils revoient leur attitude

24 vis-à-vis de la situation actuelle et voient les choses telles qu'elles

25 sont, nous en appelons aux forces de libération pour qu'elles nous

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1 rejoignent dans la guerre qui nous oppose à l'ennemi. Les personnes

2 frustrées et lâches qui essaient de propager le défaitisme et l'anarchie

3 parmi la population doivent partir dès que possible. Nous demandons au

4 gouvernement du Kosovo de débloquer les fonds recueillis pour la libération

5 nationale."

6 Pensiez-vous que vous étiez en état de guerre, en ce moment-là ?

7 R. Oui. Nous étions en état de guerre même avant cela, la guerre avait

8 déjà commencé et tout le monde, au Kosovo, le savait. Au Kosovo et à

9 l'étranger, également.

10 Q. Au point numéro 8, il est dit : "Nous demandons aux médias albanais de

11 présenter de façon objective la réalité de la guerre. L'UCK n'a pas besoin

12 de promotion de publication publique, ni que l'on déforme sa guerre."

13 Qu'entendez-vous par là ?

14 R. Le Kosovo était occupé par Belgrade et il existait des medias de langue

15 albanaise au Kosovo, des medias électroniques, une presse écrite. Mais les

16 médias craignaient de décrire les choses telles qu'elles étaient au Kosovo

17 en raison de la violence exercée par la police et de la surveillance

18 exercée par la police sur les médias; nous n'avions pas d'autres medias et

19 par conséquent, nous en avons appelé aux médias pour qu'ils donnent des

20 informations exactes concernant l'évolution de la situation politique et

21 militaire au Kosovo, à l'époque. Il s'agissait d'une demande légitime de la

22 part des dirigeants politiques et militaires de l'UCK. En d'autres termes,

23 nous avons demandé qu'ils informent correctement le public de ce qui se

24 passait au Kosovo, de la terreur qui y régnait, du génocide commis par le

25 régime de Belgrade au Kosovo.

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1 Q. Est-ce que, par cela, vous demandiez également que les medias albanais

2 rendent compte correctement de la situation concernant l'UCK ?

3 R. Pas seulement par rapport à l'UCK, mais par rapport à la situation

4 politique et militaire au Kosovo. L'opinion publique, nationale et

5 internationale n'était pas informée correctement.

6 Q. Merci.

7 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais que l'on attribue une cote à

8 ce document.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

10 Mme LA GREFFIÈRE: [interprétation] Il s'agira du document P142

11 M. WHITING : [interprétation]

12 Q. Monsieur le Témoin, le dernier document que je souhaiterais vous

13 montrer est un document que vous nous avez fourni et que nous n'avions pas,

14 auparavant. Il s'agit d'une déclaration que vous avez faite qui est paru

15 dans Bujku, le 28 juillet 1998. C'est un document composé de deux pages.

16 Est-ce que ce document reflète fidèlement la déclaration que vous avez

17 faite, ce jour-là ou peu de temps auparavant ? Il semble qu'il s'agisse de

18 la déclaration politique numéro 5 émanant de l'état-major général de l'UCK.

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que ce document émane véritablement de l'état-major général ?

21 R. Oui.

22 Q. Je souhaite attirer votre attention sur le début de cette déclaration,

23 il est dit : "Depuis la mi-juillet, les forces d'occupation de Belgrade ont

24 mené l'une de leurs principales offensives depuis la Deuxième guerre

25 mondiale, dans la région du Kosovo, afin d'éliminer l'UCK de la scène

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1 politique et de les soumettre aux éléments soi-disant modérés, afin,

2 également, d'imposer une solution dépourvue de sens et défaitiste pour la

3 population Albanaise, en général, notamment, les Albanais du Kosovo."

4 Est-ce qu'il s'agit là d'une référence à l'offensive serbe qui a débuté

5 vers le mois de juillet 1998 ?

6 R. Oui.

7 Q. Vers la fin du document, dernière page de la traduction en anglais, il

8 est dit, je cite :

9 "Nous demandons à la communauté internationale d'exiger, sérieusement de

10 Belgrade, qu'il ne soit pas fait de mal à la population civile. Nous lui

11 demandons de soutenir cette guerre de libération juste où sont respectés

12 tous les textes internationaux en matière de paix et de guerre, et de

13 condamner le régime fasciste de Belgrade qui ne comprend que le langage de

14 la force."

15 Dans cette déclaration, vous dites que cette guerre de libération juste est

16 protégée par toutes les conventions internationales en matière de paix et

17 de guerre. Est-ce que vous voyez cela dans le document ?

18 R. Oui.

19 Q. Qu'entendez-vous par là ?

20 R. La majorité des citoyens d'Europe et du monde ont connu des guerres de

21 libérations. Il n'y avait rien de nouveau ni d'extraordinaire pour les

22 citoyens du Kosovo. A l'époque et aujourd'hui encore, nous étions

23 convaincus que notre guerre était une guerre juste, que nous menions une

24 guerre contre un régime qui est, aujourd'hui, jugé par ce Tribunal. Il

25 s'agissait d'un régime que la communauté internationale avait puni, même,

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1 en employant des mesures militaires dans des bombardements qui ont duré 72

2 jours entre le mois d'avril et le 10 juin 1999. La communauté

3 internationale a défendu une nation contre l'extermination menée par un

4 régime qui commettait un génocide. Il s'agit là du régime de Milosevic et

5 la nation albanaise est reconnaissante à tous les pays de l'OTAN qui ont

6 accéléré le processus de libération des citoyens du Kosovo et ont mis un

7 terme à l'un des régimes les plus barbares, les plus violents en Europe,

8 depuis celui d'Hitler, en Allemagne, pendant la Deuxième guerre mondiale.

9 Q. Merci.

10 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais que l'on attribue une cote à

11 ce document.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document P143.

14 M. WHITING : [interprétation]

15 Q. Monsieur Krasniqi, vendredi dernier, nous avons parcouru ensemble

16 certaines déclarations publiques que vous avez faite en votre qualité de

17 porte-parole de l'UCK. Le document qui m'intéresse figure à l'intercalaire

18 numéro 1, document 8580. En albanais, il s'agit de l'intercalaire 2,

19 document 1603 à 1606.

20 M. WHITING : [interprétation] Je tiens à préciser qu'il s'agit, ici, d'une

21 interview paru dans Koha Ditore où M. Krasniqi intervient. La date de

22 parution est celle du 11 juillet 1998, pages 8 et 9 du journal; puis, à la

23 page 4, nous avons le 12 juillet.

24 Q. Monsieur Krasniqi, est-ce que vous avez accordé une interview au

25 journal Koha Ditore, à cette date-là ?

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1 R. Oui.

2 Q. L'interview qui est publiée dans ce journal, en albanais -- nous avons

3 la cote U008-1603 et cela va jusqu'au 1606 -- la parution s'est faite sur

4 deux jours.

5 Est-ce que vous avez eu l'occasion de lire l'interview telle qu'elle

6 fut imprimée dans le journal dans ces deux numéros ?

7 R. J'ai accordé cette interview qui a été publiée plus tard; il était

8 inutile que je la relise.

9 Q. Mais est-ce que vous avez eu l'occasion de relire ce texte pour voir si

10 cela est le reflet fidèle des propos que vous avez tenus, au cours de

11 l'entretien ?

12 R. Tout ce que j'ai dit, dans le cadre de l'entretien, de l'interview que

13 j'ai accordée au journal Koha Ditore est exact.

14 Q. Prenez, d'abord, si vous le voulez bien, la deuxième page, en albanais,

15 qui porte la cote ou le numéro 1604, on y voit une photo, vous êtes assis,

16 alors qu'il y a deux individus debout.

17 Dites-nous d'abord si vous le voulez bien qui sont ces deux personnes ?

18 R. Ces deux personnes sont Shukri Buja et Nazmi Brahimaj.

19 Q. J'aimerais que vous regardiez le passage en albanais qui se trouve dans

20 la deuxième colonne, première page. Reprenez la première page qui porte le

21 numéro 1603, deuxième colonne en albanais, presque à la fin de votre

22 réponse, en anglais, cela se situe au haut de la page 8 581. Voici ce qui

23 est dit :

24 "L'UCK est une armée de libération et une formation militaire régulière. Ce

25 n'est pas une organisation, un groupe qui s'intéresse à des actions de

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1 petite échelle. Nos opérations sont de plus grande envergure et ressemblent

2 davantage aux activités d'une armée régulière."

3 Est-ce que vous trouvez ce passage ? C'est le bas de la deuxième colonne en

4 albanais.

5 R. Oui.

6 Q. Je vous demande ceci : est-ce exact, est-ce que ce que vous dites, là,

7 est exact ?

8 R. Même lors de la dernière audience, je vous l'ai dit, ces éléments sont

9 des éléments qui servent à la propagande. L'idée, c'est de pouvoir ainsi

10 communiquer avec l'opinion publique. C'est un moyen d'attirer l'opinion

11 publique. En publiant ce genre de choses, nous cherchions à faire passer un

12 message, même si, quelques fois, nous avons exagéré la réalité, mais l'idée

13 c'était de gagner à notre cause la population du Kosovo, de rallier à notre

14 cause la totalité de l'opinion publique albanaise, ainsi que de l'opinion

15 publique internationale. Je le répète, ces éléments avaient pour objectif

16 de présenter l'UCK comme étant plus organisée qu'elle ne l'était, en

17 réalité. Ce qui explique ce que j'ai dit, auparavant, et ce que je répète,

18 à savoir que ces éléments, disais-je, visent à présenter l'UCK comme étant

19 plus organisée pour donner davantage de confiance aux membres l'UCK, eux-

20 mêmes, pour leur faire croire qu'ils vont gagner et pour faire croire à la

21 population du Kosovo qu'elle remportera aussi la victoire. Elle en avait

22 assez des vols. Elle ne supportait plus ce quelle vivait, en réalité. Par

23 conséquent, Honorables Juges, je vous demande de considérer cette

24 interview, comme d'ailleurs d'autres déclarations de l'UCK, de l'état-major

25 général de l'UCK, de cette façon, sous cet éclairage.

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1 Q. Merci de votre réponse. Est-ce que vous dites dans votre déposition que

2 ce qui est indiqué ici, à savoir que l'UCK ressemble davantage -- des

3 actions menées par l'UCK, j'entends, ressemblent d'avantage aux actions

4 menées par une armée régulière ? Est-ce que vous êtes en train de nous dire

5 que cette déclaration est fausse et que ce n'est que de la propagande ?

6 R. En fait, ce n'est pas la volonté de l'état-major général qui est

7 représenté ici. En effet, jusqu'au mois de mars, jusqu'au mois d'avril

8 1998, l'UCK était une armée de guérilla. A ce moment-là, elle a été

9 transformée en formation plus établie car la police et l'armée serbe se

10 vengeaient sur la population civile, ce qui a forcé l'UCK à renoncer à ses

11 activités de guérilla et à prendre des positions destinées à protéger la

12 population civile. Si vous voyez ces actions dans cet éclairage, si vous

13 voyez les actions menées sur le terrain, les affrontements avec l'armée

14 serbe, la police serbe, on peut dire qu'elles ressemblent plus à une guerre

15 menée par une armée régulière.

16 A l'époque, l'UCK c'était une armée de volontaires, parce que, pour

17 transformer une armée de guérilla en armée régulière, il faut respecter

18 certains critères, et c'est là quelque chose d'impossible à ce moment-là

19 parce qu'en fait, à ce moment-là, en tant qu'UCK, on se développait de

20 façon horizontale, participaient toutes sortes de personnes - je l'ai déjà

21 dit, mais je le répète quand même - des gens qui étaient prêts à lutter

22 contre la police, contre l'armée serbe.

23 Mais après mars et avril, les gens ont rejoint l'UCK pour manifester

24 leur solidarité, leur volonté de lutter contre l'ennemi. Les villageois

25 commencent à s'armer. Ils ont même des fusils de chasse pour monter la

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1 garde dans leur propre village, et l'état-major de l'UCK, l'état-major

2 général, a commencé à négocier avec tous ces groupes, toutes ces formations

3 qui, spontanément, avaient rejoint l'UCK. L'état-major général était limité

4 s'agissant du nombre de personnes qui le composaient. L'état-major a essayé

5 d'organiser cette masse de gens qui voulaient lutter contre l'armée et la

6 police serbe, afin de mener la guerre de façon à ce que la police serbe et

7 l'armée serbe ne s'attaquent plus à la population civile. La situation

8 était périlleuse. L'état-major général devait essayer de canaliser ce

9 soutien populaire dans le bon sens afin que l'engagement de la population

10 et son combat ne soit pas en vain. La tâche n'était pas simple.

11 Je la comparerais volontiers avec la situation que nous avons

12 maintenant. Cela fait six ans que nous avons le Corps de protection du

13 Kosovo. Le Kosovo connaît une réalité différente aujourd'hui. Je voudrais

14 encore dire quelque chose. Pendant six ans, en dépit des tentatives

15 entreprises par la communauté internationale, en dépit des investissements

16 des pays donateurs, en dépit de la formation accordée au Corps de

17 protection du Kosovo, il n'est toujours pas possible de remplir les

18 critères qu'il faudrait remplir. En dépit du soutien accordé, on n'est

19 toujours pas arrivé à avoir une armée régulière convenable, celle que

20 demanderait une communauté internationale. Je pense que, Madame et

21 Messieurs les Juges, il faut que vous voyiez les tentatives entreprises

22 pour transformer l'UCK en armée comme étant classique de ce qui se passe

23 dans un pays développé, de façon assez particulière, parce qu'après tout, à

24 l'époque dont nous parlons, l'UCK, c'était l'armée la plus régulière, la

25 plus disciplinée, avec les voies hiérarchiques nécessaires, mais n'était

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1 impossible en état de guerre de le faire. Il y avait plus de 50 000 hommes,

2 de policiers et de soldats serbes, au Kosovo. Voilà quelles étaient les

3 circonstances.

4 Q. Juste après le début de la troisième colonne en Albanais,

5 j'aimerais vous lire une autre phrase qui se trouve en anglais à la page

6 8 581. Je vous la lis :

7 "L'état-major avait son mot à dire avant les élections du Kosovo et a

8 affiché un avis tout à fait clair selon lequel les élections ne doivent pas

9 se tenir en temps de guerre parce que le Kosovo était en proie aux flammes,

10 était en feu."

11 Ici, il est question d'élections. Selon l'UCK, pourquoi est-ce qu'il

12 ne fallait pas tenir d'élections, organiser d'élections à ce moment-là ?

13 R. Il y a eu des élections au Kosovo au mois de mars, après le

14 massacre de Likoshan, à Qirez, le 28 février et le 1 mars, après la guerre

15 menée à Prekaz, les 5, 6 et 8 mars 1998. Sept ou huit jours dès lors après

16 ces massacres commis par l'armée et la police serbe, c'est à ce moment-là

17 que des élections libres ont été organisées au Kosovo. Mais, en fait, ces

18 élections n'étaient pas libres. Elles n'ont pas été organisées sur la

19 totalité du territoire du Kosovo. En effet, la Serbie avait placé le Kosovo

20 dans un étau de fer. Pour résoudre la question kosovare, des élections ont

21 été organisées pour essayer de légitimiser le régime terroriste de Belgrade.

22 L'UCK savait que ces élections n'allaient rien donner, qu'il n'y aurait pas

23 de parlement à l'issue de ces élections, qu'il n'y aurait pas

24 d'institutions, et c'est bien ce qui s'est passé.

25 Nous avons demandé à la population de ne pas se laisser tromper, de

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1 ne pas tomber dans le leurre de telles élections qui ne pouvaient pas

2 s'organiser lorsque les occupants serbes tuaient des innocents. Nous

3 disions à la population qu'il ne fallait pas d'élections, car elles

4 n'allaient rien donner de bon, et nous avions bien raison.

5 Q. Merci.

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Whiting. Pour

7 ce qui est d'une réponse donnée à la page précédente, il y a peut-être un

8 problème d'interprétation. C'est la page 14, ligne 12. Je crois que M.

9 Krasniqi a dit ceci : qu'il aurait bien voulu que l'UCK soit l'armée la

10 plus disciplinée. Je signale ceci simplement pour veiller à ce que ceci

11 soit contrôlé.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

13 LES INTERPRETES : Les interprètes se corrigent. Le conseil avait tout

14 à fait raison. Il a dit : "J'aurais bien voulu, j'aurais été heureux que

15 l'UCK soit l'armée la plus disciplinée."

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je remercie les interprètes d'avoir

17 apporté cette correction.

18 M. WHITING : [interprétation] Moi aussi.

19 Q. Monsieur Krasniqi, voulez-vous bien vous rapporter à cet article.

20 On y trouve plusieurs déclarations concernant M. Rugova. Je vais vous les

21 indiquer. Je crois que, dans d'autres documents, nous avons trouvé des

22 déclarations de ce genre. Je veux quand même les parcourir rapidement.

23 Page 8 582, en anglais -- c'est la fin de la cinquième colonne en

24 albanais : "Une chose doit être dite clairement : nous l'appelons président

25 même si, à bien des égards, il ne mérite pas de porter ce titre." Je pense

Page 3382

1 que, là, vous parlez du président Rugova.

2 Puis, colonne suivante, au bas de la colonne, c'est la dernière

3 réponse que vous donnez dans cette colonne. En anglais, vous dites : "Nous

4 estimons qu'Ibrahim Rugova a commis toute une série d'erreurs politiques

5 qui nuisent à la cause nationale, à commencer par l'accord sur

6 l'enseignement qui n'a rien donné." Puis, un peu plus loin, il est dit que

7 : "C'est lui qui est l'élément qui divise le plus."

8 Page suivante, 8 583 en anglais, et c'est la deuxième page de l'article en

9 albanais, la page 1 604, si vous voulez vous y retrouvez, Monsieur

10 Krasniqi.

11 Au bas de la dernière colonne en albanais, il est dit : "Rugova est un

12 pacifiste, et on dit souvent de lui qu'il croit dans le 'gandhisme.' Mais

13 un pacifiste, ce n'est pas quelqu'un qui se laisse marcher dessus. Rugova

14 n'autorisera pas la résistance, mais seulement la soumission. Nous avons

15 perdu notre dignité en tant qu'individus ainsi que nation, mais c'est vrai

16 seulement d'une moitié de la nation. La philosophie de l'UCK, c'est de

17 restaurer la dignité de l'être humain, de l'individu, de la famille, de la

18 nation, à ce peuple, et répondre à la violence barbare de l'ennemi par une

19 lutte de libération."

20 Puis, nous avons la quatrième colonne en albanais, toujours à la page

21 1 604, qui dit ceci : "L'UCK s'entendait à ce que la politique pacifiste de

22 Rugova, avec le soutien de la communauté internationale, produirait ces

23 propres résultats. Nous attendons 17 ans de voir ces résultats. Au cours de

24 cette période, les Albanais se sont livrés à une résistance passive. Mais

25 ni Belgrade ni la communauté internationale n'a écouté cette voix des

Page 3383

1 Albanais, et maintenant, les gens ont pris les armes pour lutter."

2 Nous avons déjà entendu beaucoup de propos de votre part. Je vous demande

3 simplement ceci : je viens de lire certains passages, est-ce qu'ils sont le

4 reflet fidèle de l'avis que vous aviez à propos de la politique menée à

5 l'époque par M. Rugova ?

6 R. Madame et Messieurs les Juges, tout ce qui a été lu ici n'est pas censé

7 présenter la réalité de la situation de l'époque au Kosovo. C'est vrai, à

8 ce moment-là et aujourd'hui encore, Ibrahim Rugova a été notre adversaire

9 politique, et à ce jour et à l'avenir, je ne souscrirai jamais à la

10 politique de la soumission au régime de Belgrade qui s'appliquait alors. Je

11 tiens à vous expliquer, Honorables Juges, que l'Armée de libération du

12 Kosovo n'a pas été formée pour lutter contre la politique d'Ibrahim Rugova.

13 Nous sommes des adversaires politiques, mais nous sommes dans le même

14 parlement, et ce parlement se compose du parti au pouvoir et de

15 l'opposition. Nous n'avons pas l'intention de déloger M. Rugova, par la

16 force, de la vie politique.

17 L'UCK a mené une guerre, et cette guerre se dirigeait contre la politique

18 traditionnelle des occupants de Belgrade au Kosovo. Pour nous, les Serbes

19 du Kosovo ne sont pas un obstacle à la vie du Kosovo. Pour l'UCK, tous les

20 citoyens ou plus exactement, tous les agents violents de Belgrade sont

21 établis au Kosovo. Ce que je veux dire, c'est que jamais l'UCK ne s'est

22 armée pour prendre le pouvoir, un pouvoir fictif à Rugova, parce qu'il n'a

23 jamais eu de pouvoir au Kosovo. Par conséquent, on essaie de présenter la

24 guerre de libération de l'UCK en mettant une guerre contre d'autres

25 Albanais du Kosovo, c'est injuste. Je pense qu'aucun citoyen du Kosovo ne

Page 3384

1 saura accepter ceci.

2 Je l'ai déjà dit, lors de la dernière audience, le Procureur insiste trop

3 sur le fait de l'ennemi. Nous n'avons pas combattu cette classe de

4 citoyens, même si, pour des raisons notoires, nombreux sont ceux qui ont

5 travaillé dans l'administration serbe, au ministère public serbe, dans la

6 police judiciaire serbe, et même jusqu'en juin 1999. Jamais nous ne sommes

7 attaqués à ces citoyens. Il y a beaucoup de tribunaux, de procureurs qui

8 ont condamné des gens deux fois pour la même chose. Il y a eu des charges

9 portées contre moi, vous les voyez, et ces gens travaillent toujours dans

10 les tribunaux du Kosovo parce que ce sont des citoyens du Kosovo.

11 Maintenant, ils travaillent dans de nouvelles circonstances.

12 Ces gens sont au service de cette politique. Il y en a beaucoup. Mais on ne

13 s'en occupe pas, on ne s'en est pas occupé pendant la guerre non plus.

14 Nous, nous avons, pendant toute cette période de la guerre de libération,

15 lutté contre les agents du régime violent de Belgrade, contre cet appareil

16 de la violence du régime de Milosevic et tous ceux qui ont servi ce régime.

17 La police secrète a nui à la population. Ces gens sont bien connus pour ce

18 qu'ils ont fait à la population du Kosovo.

19 Q. Maintenant, parlons de la suite de cet entretien qui a paru le

20 lendemain, dernière page que vous avez sous les yeux, cela devrait être la

21 page 1 606. En anglais, il s'agit du numéro 8 586, et cela va jusqu'à la

22 page 8 589. Mais prenons cette dernière page, si vous voulez bien. Monsieur

23 Krasniqi, il y a une question et une réponse à cet endroit. Ce n'est pas la

24 toute dernière question ainsi que la réponse, c'est l'avant-dernière. Je

25 vais vous la lire.

Page 3385

1 Voici la question que vous pose le journaliste : "La communauté

2 internationale a critiqué le fait qu'il y a eu violation des droits de

3 l'homme par l'enlèvement de civils serbes et monténégrins. Qu'avez-vous à

4 dire à ce propos ?" Vous répondez ceci : "Effectivement, il nous semble

5 ridicule de faire l'équation entre les opérations menées par l'UCK et les

6 opérations de l'occupant serbe, que le monde entier connaît bien. Sur ce

7 point, il me semble que la communauté internationale ne respecte pas ses

8 propres conventions, à commencer par la charte des Nations Unies, et

9 cetera, parce que l'UCK ne s'est jamais occupé de civils, et si elle ne l'a

10 fait c'est uniquement lorsqu'ils se sont trouvés au service de l'armée et

11 de la police et qu'ils ont fait vraiment beaucoup de mal à la population et

12 à la cause nationale albanaise. Il y a eu des cas où il y a eu des

13 enlèvements, mais si cela a été le cas, ces gens ont été remis à des

14 organisations internationales, bien entendu, s'ils étaient innocents. Tout

15 d'abord, toutes les forces serbes, que ce soit la police, l'armée, ou les

16 civils armés, sont notre ennemi. Dès le départ, nous avions nos règles

17 internes de fonctionnement. Elles disaient clairement que l'UCK

18 reconnaissait la convention de Genève et les conventions régissant la

19 guerre, même si l'UCK ne s'est pas vu offrir l'occasion de les signer, ces

20 conventions, car elle l'aurait fait. Nous ne pratiquons pas l'enlèvement.

21 Si quelques-uns ont souffert, il y a eu plus d'Albanais, c'étaient plutôt

22 des collaborateurs albanais que des civils serbes. Nous ne nous occupons

23 pas de civils, nous les remettons ceux que nous prenons comme prisonniers

24 de guerre. Il y a quelques jours, nous avons remis deux serbes, originaires

25 de Croatie à la Croix Rouge internationale. Ceux que nous avons enlevés

Page 3386

1 ont été indiqués dans une liste ou ont été présentés comme étant exécutés,

2 mais nous ne nous comportons pas de la façon vile dont se comporte la

3 Serbie."

4 Vous parlez ici, de nouveau, "de règlements internes de fonctionnement de

5 l'UCK qui reconnaît les conventions de Genève, les Conventions régissant la

6 tenue de la guerre." Est-ce que vous aviez des règles écrites à ce moment-

7 là ?

8 R. Oui. La Croix Rouge internationale nous avait envoyé quelques documents

9 concrets précisant que l'UCK devait respecter ces conventions. C'est un

10 document que nous avons distribué à l'époque. C'est la raison pour laquelle

11 nous disons ici que l'UCK n'a pas affaire à des civils. Les civils qui

12 étaient pris par l'UCK étaient remis à la Croix Rouge internationale, aux

13 représentants de la Croix Rouge internationale qui étaient présents, et ces

14 derniers pourraient d'ailleurs étayer mes propos, peut-être, dire les chose

15 mieux que je ne le peux moi-même.

16 Q. Les documents qui ont été fournis par la Croix Rouge internationale à

17 l'UCK, ces documents, ont-il été transformés en documents de l'UCK, et

18 ensuite distribués, ou vous êtes-vous contenté de distribuer des documents

19 reçus de la Croix Rouge internationale ?

20 R. Nous avons fait passer ces documents, nous en avons respecté la teneur.

21 Je pense que tous les mécanismes internationaux en place au Kosovo, à

22 l'époque, qu'il s'agisse d'organismes humanitaires tels que la Croix Rouge

23 internationale ou qu'il s'agisse de voies diplomatiques, de voies

24 politiques qui étaient présentes au Kosovo à l'époque, nous avions des

25 contacts fréquents avec des représentants de la communauté internationale

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1 par ces différentes voies, parce que nous respections ces documents

2 internationaux sur les citoyens, la citoyenneté. Nous bénéficions du

3 soutien de la communauté internationale. Car l'UCK, constituée de personnes

4 armées, aurait pu organiser des attaques contre la population serbe, et les

5 villages serbes dans de nombreuses régions de Kosovo. Or, ceci n'a jamais

6 été le cas pendant toute la période de la guerre.

7 Q. Qui a reçu ces documents ? A qui les avez-vous distribués ?

8 R. La Croix Rouge internationale a distribué ces documents à l'échelle

9 communautaire. Nous n'avons pas toujours été en mesure de maintenir des

10 liens réguliers avec toutes les unités parce que la police serbe, l'armée

11 serbe était tellement présente, que nous ne pouvions le faire. Les régions

12 contrôlées par l'UCK étaient limitées, en tous cas, n'étaient pas

13 nombreuses à l'époque.

14 Q. Les soldats, ou plus précisément, y avait-il des mécanismes en place

15 qui auraient permis aux soldats de l'UCK de connaître la teneur de ces

16 documents ou, en tous cas, de connaître l'existence de ces documents ?

17 R. Peut-être est-il difficile pour cette Chambre de comprendre

18 l'organisation de l'UCK à cette époque, de saisir l'étalement de l'UCK.

19 Peut-être également de comprendre que la police et l'armée serbe menaient

20 des attaques quasiment quotidiennes. Dans ce contexte particulier, il

21 n'était pas possible pour nous de transmettre ces documents à tous les

22 soldats. Par conséquent, les gens étaient informées par le biais de

23 communiqués, par le biais de déclarations. Comme je l'ai dit, nous n'avions

24 pas la possibilité, à ce moment-là, de rédiger ces documents, de les

25 distribuer sous forme écrite parce qu'à ce moment là, nous n'avions pas un

Page 3388

1 seul ordinateur à notre disposition.

2 Q. A la fin du passage dont j'ai donné lecture, il y a une référence qui

3 est faite à deux Serbes, qui aurait été remis à la Croix Rouge

4 internationale, deux Serbes provenant de Croatie.

5 Savez-vous à qui il est fait référence exactement ?

6 R. J'ai obtenu des informations -- je ne sais pas qui étaient ces

7 personnes, mais j'ai obtenu des informations selon lesquelles deux Serbes

8 qui avaient été capturés, originaires de Croatie, avaient été remis à la

9 Croix Rouge internationale. Je ne pouvais être partout où des personnes

10 capturées étaient libérées ou remises à d'autres.

11 Q. Vous souvenez-vous de la personne qui vous a donné cette information ?

12 R. Non, je ne m'en souviens pas.

13 Q. Vous souvenez avoir entendu quoi que ce soit sur Ivan et Vojko Bakrac,

14 et sur le fait qu'ils aient été remis à la Croix Rouge le 6 juillet 1998,

15 quatre jours avant cet entretien ? Vous souvenez-vous avoir entendu quoi

16 que ce soit à ce propos ?

17 R. Comme je l'ai dit, je me souviens qu'ils ont été remis, mais ces noms

18 que vous venez d'évoquer, oui, je les ai vus, mais seulement ici en tant

19 que témoin de l'Accusation.

20 Q. Par conséquent, vous ne vous souvenez pas avoir entendu ces noms à

21 l'époque ?

22 R. Non.

23 Q. Pouvons-nous maintenant, s'il vous plaît, passer à l'intercalaire 7

24 dans le classeur.

25 M. WHITING : [interprétation] Avec l'aide de l'Huissier, je demanderais à

Page 3389

1 ce qu'il remette cet intercalaire au témoin. J'aimerais signaler qu'il

2 s'agit d'un article daté du 2 septembre 1998 et dont le titre, en tous cas,

3 la version anglaise est le suivant : "Demaqi s'exprime sur la position de

4 l'Armée de libération."

5 Dans la version anglaise, on trouve deux pages. Dans la version albanaise,

6 le document porte le numéro U008-6947.

7 Q. Monsieur Krasniqi, j'aimerais attirer votre attention sur la partie

8 supérieure de la page qui commence par Bardh Rugova. Je pense qu'on vient

9 de vous fournir un format plus lisible.

10 R. Oui.

11 Q. Monsieur Krasniqi, à cette époque en septembre 1998, pouvez-vous nous

12 dire qui était Adem Demaqi ?

13 R. Adem Demaqi était le représentant politique de l'UCK à Pristina. Sa

14 tâche consistait à unir les dirigeants des différents groupes politiques

15 qui oeuvraient à Pristina, de les unir, et de créer, de mettre sur pied une

16 assemblée nationale qui se chargerait de mener la guerre, et les différents

17 processus politiques en cours à l'époque au Kosovo.

18 Q. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le cinquième

19 paragraphe, où il est dit, en tout cas dans la version anglaise : "Le

20 représentant politique de l'UCK", nous parlons d'Adem Demaqi, "s'exprime

21 également sur sa réunion au sein de l'état-major suprême de l'UCK, sa

22 réunion au sein de cet état-major avec son porte-parole, Jakup Krasniqi".

23 Ensuite, il y a une citation de M. Demaqi : "J'ai parlé avec lui d'une

24 liste dressée par la Croix Rouge international de personnes jugées

25 disparues ou perdues sachant que l'état-major suprême est contre ce type

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1 d'actions. Il, donc, l'UCK, ont promis qu'il ferait passer cette liste à

2 des fins d'enquêtes aux différents états-majors locaux parce que des

3 personnes ont été perdues, et que certaines personnes agissent peut-être

4 contre les principes élémentaires suivis."

5 Je crois que c'est la fin de cette citation-là, et ensuite l'article se

6 poursuit en disant : "Demaqi ajoute qu'il n'exclu pas la possibilité d'un

7 événement de ce type".

8 Monsieur Krasniqi, vous souvenez-vous que ceci se soit effectivement

9 produit, que M. Demaqi vous rencontre, et qu'il vous remette une liste de

10 la Croix Rouge internationale ?

11 R. Peut-être faudrait-il poser la question à M. Demaqi. Mais bien entendu,

12 au cours de la guerre, j'ai eu des entretiens avec M. Adem Demaqi puisqu'il

13 était représentant politique à Pristina, sa tâche étant celle que j'ai

14 précisée plus haut. Il a effectivement apporté une liste à l'état-major

15 général, nous l'avons distribuée dans les zones détenues par l'UCK.

16 Toutefois, sur cette liste n'était pas précisé le lieu, ni la date

17 d'enlèvement de ces personnes, ou de capture. Etant donné la mauvaise

18 qualité des communications avec certaines parties de l'UCK, nous n'avons

19 pas été à même de déterminer si ces personnes avaient été capturées par des

20 unités organisées de l'UCK, et bien entendu, je lui ai dit que nous ne

21 disposions pas de ces noms, et que l'UCK n'en avait pas connaissance.

22 Mais j'aimerais éclaircir un point, expliquer d'avantage. Je suis convaincu

23 que le régime de Belgrade avait infiltré dans ces rangs certaines personnes

24 qui n'étaient pas armées. Ces personnes, peut-être, quelles ont été tuées

25 au cours de combats entre l'UCK et les forces armées serbe. Afin de

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1 justifier la mort de ces personnes face à leur famille, le régime

2 qualifiait ces personnes de disparues ou de décédées. C'est ainsi, c'est

3 sur cette base éthique que fonctionnait le régime.

4 Q. Lorsque vous avez dit avoir distribué cette liste dans les zones de

5 l'UCK, pouvez-vous nous dire plus précisément comment vous vous êtes pris

6 pour le faire ? Avez-vous remis cette liste aux commandants de zone, aux

7 commandants de brigade, aux commandants de bataillon ? Comment vous y êtes

8 vous pris ?

9 R. La liste a été distribuée par le biais des estafettes qui existaient au

10 sein des rangs de l'UCK, des personnes qui étaient chargées de livrer le

11 courrier, de faire passer le courrier. Il n'y avait pas d'autres moyens de

12 faire les choses.

13 Q. Je comprends, mais qui a reçu cette liste à votre connaissance ? Vous

14 nous avez dit qu'elle avait été distribuée dans ces différentes zones.

15 R. Généralement, les listes étaient envoyées dans les zones, et les zones

16 devaient ensuite distribuer ces listes au sein de leurs unités.

17 Q. Vous n'avez reçu aucune information de la part de ces différentes zones

18 concernant les personnes dont le nom figurait sur la liste. C'est bien ce

19 que vous nous dites ?

20 R. C'est ce que j'ai dis.

21 Q. Je comprends.

22 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que l'on attribue une cote à ce

23 document s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Parfait.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P144.

Page 3392

1 M. WHITING : [interprétation]

2 Q. Passons s'il vous plaît à l'intercalaire numéro 8 du classeur. Il

3 s'agit d'un entretien qui a été publié le 2 septembre 1998, entretien

4 accordé par Jakup Krasniqi. La traduction en anglais émane du FBIS, c'est

5 une traduction de trois pages. La version albanaise porte le numéro U008-

6 6946.

7 Q. Monsieur Krasniqi, avez-vous sous les yeux cette interview ou les

8 textes de cette interview ?

9 R. Oui.

10 Q. Avez-vous effectivement fait cette interview à Koha Ditore ?

11 R. Oui, effectivement.

12 Q. J'aimerais attirer votre attention sur un passage qui, dans la version

13 anglaise se trouve sur la troisième page, dans la version albanaise -- ce

14 n'est pas la dernière réponse que vous donnez Monsieur Krasniqi, mais

15 l'avant-dernière. Je vais vous en donner lecture, et j'espère que vous

16 allez la trouver dans la version albanaise.

17 "Nous n'avons qu'une information sur l'emprisonnement ou l'enlèvement" --

18 c'est vous qui parlez.

19 "Nous n'avons qu'une information sur l'emprisonnement ou l'enlèvement de

20 tous journalistes serbes ou citoyens serbes. L'UCK n'a pas prit les armes

21 pour lutter contre les journalistes serbes et les citoyens serbes, mais

22 pour lutter contre les soldats serbes et les terroristes serbes qui ont

23 réduit le Kosovo à des cendres. Après toute la terreur et la destruction

24 observées au Kosovo, il est impossible de continuer à contrôler le

25 sentiment de vengeance et de haine, que l'ennemi, lui-même, a inspiré. En

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1 dépit de notre insistance, dans notre lutte, ceci n'a rien à voir avec les

2 actions barbares de l'ennemi".

3 Voyez-vous la réponse, cette réponse que vous avez faite à une question qui

4 vous a été posée lors de cette interview ? L'avez-vous trouvée ?

5 R. Je pense ce que vous venez de lire ne ressemble pas beaucoup avec ce

6 qui figure dans la version albanaise, je vais essayer de lire dont ce qui

7 figure.

8 "Nous avons qu'une information sur l'emprisonnement et l'enlèvement de tous

9 journalistes ou citoyens serbes. L'UCK n'a pas pris les armes pour lutter

10 contre des journalistes et des citoyens serbes, mais pour lutter contre les

11 soldats et les terroristes serbes qui ont réduit en cendres le Kosovo.

12 Après toute la terreur et la destruction vues au Kosovo, il est impossible

13 de maîtriser les sentiments de haine et de vengeance que l'ennemi, lui-

14 même, a inspiré. Malgré le fait que nous ayons insisté sur le fait que la

15 lutte des Albanais ne doit ressembler en rien aux actes barbares de

16 l'ennemi."

17 Q. Merci. Ma seule question est la suivante : que vouliez-vous dire

18 lorsque vous avez dit "qu'il était impossible de contrôler les sentiments

19 de haine et de vengeance inspirés par l'ennemi, lui-même ?"

20 R. Oui. Ici, nous faisons référence à une époque au cours de laquelle les

21 offensives menées par la police et l'armée serbe parvenaient à leur terme.

22 Les forces serbes avaient mené une offensive sur tout le territoire du

23 Kosovo et, en particulier, dans les municipalités de Drenica, de Pastrik et

24 dans la zone de Dukagjin, en tout cas, sur une large part de cette zone. Le

25 Kosovo était en flammes et nous nous défendions. Nous défendions la

Page 3394

1 population, la population civile qui était la cible constante de la police

2 et de l'armée serbe. Des villages brûlaient. Comme je l'ai dit plus tôt, au

3 cours de cette offensive, plus de 450 villages et hameaux albanais ont été

4 réduits en cendres, rasés par les flammes. Malgré cette terreur, cette

5 destruction par les forces serbes, je suis fier de pouvoir dire que l'UCK

6 ne s'est jamais vengée contre des civils serbes. Personne ne pourrait dire

7 le contraire. Voilà ce que j'essayais d'exprimer : peut-être qu'il y a eu

8 des actes isolés de personnes qui n'étaient pas membres de l'UCK, ces

9 personnes, peut-être, ne maîtrisaient plus leurs sentiments; et à l'époque,

10 nous n'avions pas connaissance de tels actes, ni même aujourd'hui.

11 Q. Affirmez-vous que pendant la guerre aucun membre de l'UCK n'a commis le

12 moindre crime ?

13 R. Je souhaite dire qu'à la connaissance des dirigeants politiques et

14 militaires de l'UCK, ceci n'a pas eu lieu. C'est ce que je souhaite dire et

15 j'en prends l'entière responsabilité.

16 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que soit attribuée une cote à ce

17 document.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P145.

20 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être serait-il

21 bon de faire la pause à ce stade ?

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous nous retrouverons à 16

23 heures.

24 --- L'audience est suspendue à 15 heures 39.

25 --- L'audience est reprise à 16 heures 03.

Page 3395

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, veuillez poursuivre.

2 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Monsieur Krasniqi, il me reste à vous poser des questions sur l'article

4 figurant à l'intercalaire numéro 9. Il s'agit d'un extrait de Koha Ditore

5 et j'aurai besoin de l'aide de M. l'Huissier, l'intercalaire 9. Peut-être

6 que le témoin a déjà trouvé ce document. Il s'agit d'un article paru dans

7 Koha Ditore, le 4 novembre 1998, en page 7. En albanais, il s'agit du

8 document U008-6943. Monsieur Krasniqi, nous allons vous présenter une copie

9 plus lisible en albanais. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est

10 ce qui figure vers le milieu de la page à gauche. Est-ce que vous voyez de

11 cela ? Il s'agit d'une déclaration de la direction de la police militaire.

12 Il s'agit du numéro 4, me semble-t-il. Il s'agit d'une déclaration assez

13 brève dont je vais donner lecture.

14 M. WHITING : [interprétation] Nous disposons d'une copie plus lisible pour

15 les interprètes.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Whiting.

17 M. WHITING : [interprétation] On peut lire : "Déclaration faite par la

18 direction de la police militaire de l'UCK, Pristina, le 1er novembre.

19 "Le 30 octobre, la police militaire de la sous-zone opérationnelle de

20 Pastrik a arrêté Jakup Kastrati du village de Turjake près de Malisheve

21 [Malisevo], président de l'antenne de Malisheve, de la Ligue démocratique

22 du Kosovo [LDK], et Cen Desku du village de Siceve, habitant de Malisheve,

23 vice-président de l'antenne du LDK. La direction du service de

24 Renseignement de l'UCK possède des informations concernant leurs activités

25 contre la guerre de libération menée par l'UCK. Ces personnes ont propagé

Page 3396

1 des informations de propagande visant à la remise des armes, en

2 collaboration avec les collaborateurs Selman Binici, du village de Baje, et

3 Ramiz Hoxha, de Bellanice, qui ont été tous les deux exécutés par l'UCK, et

4 sont en coopération continue avec Agim Krasniqi, membre du Présidium de

5 l'UCK, connu par les services de Renseignement de l'UCK comme agent menant

6 des opérations clandestines contre l'UCK et initiateur d'un type de

7 politique d'autonomie pour le Kosovo."

8 Est-ce qu'il s'agit d'un communiqué émanant de l'état-major général

9 ou de vous-même en votre qualité de porte-parole ? Avez-vous connaissance

10 de cette déclaration émise par la direction de l'UCK ?

11 R. Non.

12 Q. Vous n'avez pas vu cette déclaration à l'époque de sa diffusion ?

13 R. Non.

14 Q. A l'époque, avez-vous reçu des informations concernant l'arrestation de

15 Jakup Kastrati et Cen Desku ?

16 R. Je souhaiterais clarifier quelque chose, si vous me le permettez.

17 Q. Pourrez-vous d'abord répondre à ma question, et ensuite, vous pourrez

18 formuler quelques explications. Mais pourriez-vous me dire, tout d'abord,

19 si vous avez entendu quoi que ce soit à l'époque concernant l'arrestation

20 de Jakup Kastrati et de Cen Desku ?

21 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas si le microphone du témoin est

22 allumé.

23 LE TÉMOIN : [interprétation]Je connais davantage de choses au sujet de leur

24 libération que de leur arrestation.

25 M. WHITING : [interprétation]

Page 3397

1 Q. Pouvez-vous nous expliquer cela.

2 R. Ceci a été mentionné ici. Il est exact, qu'à l'époque, une guerre

3 spéciale était menée par certaines personnes, non seulement par ceux qui

4 étaient armés et qui avaient rejoint les rangs de l'armée, mais par des

5 civils également. En effet, même au sein de l'UCK, il y avait d'anciens

6 officiers de l'armée yougoslave qui avaient été membres des services de

7 Renseignement dans l'armée yougoslave. Certains avaient été punis ou

8 accusés d'infraction pénale. Je souhaite préciser, qu'après l'offensive

9 menée en été, ces personnes ont été remises à l'ennemi -- ces personnes ont

10 remis à l'ennemi quelque 5 000 ou 6 000 armes. Il est bien connu, par

11 exemple, que des armes ont été remises dans la région de Dukagjini par

12 Tahir Zema. Cette remise d'armes s'est poursuivie dans une moindre mesure à

13 Istog, dans la municipalité d'Istog, la municipalité de Therande. Certains

14 ont demandé que les armes soient remises à Malisevo également. Ceci a été

15 le fait de Januz Kastrati et Cen Desku. Au début, on pensait que ces

16 personnes avaient demandé à un certain nombre de soldats de remettre leurs

17 armes en évoquant le fait que cette guerre était vouée à l'échec. Bien

18 entendu, les soldats de l'UCK ont arrêté ces personnes, les ont placés en

19 détention pendant un certain temps, je ne sais pas combien de temps

20 exactement, mais ce que je sais, c'est que, du 25 au 27 novembre, ces

21 personnes ont été détenues en prison. Puis, à la demande des représentants

22 diplomatiques au Kosovo, avec qui nous communiquions plus directement

23 qu'avec l'ambassadeur américain à Skopje, Chris Hill, et l'ambassadeur de

24 l'Union européenne. Ces deux personnes accompagnées de deux journalistes

25 serbes qui avaient été capturés dans la région située entre Goles et

Page 3398

1 Fushtice, un village situé dans la municipalité de Drenoc. Ces quatre

2 personnes ont été remises aux représentants internationaux en présence de

3 la Croix Rouge internationale. C'était peut-être vers le 25 ou le 27

4 Novembre 1998. Je ne suis pas sûr de la date.

5 Q. Monsieur Krasnisqi, qui au sein de l'UCK a participé soit à

6 l'arrestation ou à la libération de ces personnes, si vous le savez ?

7 R. D'après ce que je sais -- je vous ai dit tout ce que je savais à ce

8 sujet. Je ne peux rien de plus.

9 Q. Dans cet article, il est également question de l'exécution de Selman

10 Benici de Baje et de Ramiz Hoxha de Bellanice. Avez-vous entendu parler de

11 cela à l'époque ? En avez-vous été informé en votre qualité de porte-parole

12 de l'UCK et membre de l'état-major général ?

13 R. Je pense que le terme "exécution" ici a été utilisé de façon

14 différente. Ils ont dû être tués d'après les informations dont je dispose.

15 Ils communiquaient des informations aux forces serbes déployées à

16 Malisheve.

17 Q. Et --

18 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que

19 l'on attribue une cote à ce document.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document P146.

22 M. WHITING : [interprétation]

23 Q. Dans votre dernière réponse ou l'une de vos dernières réponses, vous

24 avez parlé de Tahir Zema. Où oeuvrait Tahir Zema, si vous le savez ? Où

25 oeuvrait-il au Kosovo ?

Page 3399

1 R. Tahir Zema oeuvrait dans la zone opérationnelle de Dukagjini, la zone

2 numéro 3.

3 Q. Au cours des mois de mai, juin, et juillet 1998, savez-vous qui était

4 le commandant de la zone de Drenica ?

5 R. Peut-être voulez-vous parler de la zone de Dukagjini ?

6 Q. Non. Je voulais parler de la zone de Drenica. Qui était le commandant

7 de la zone de Drenica ?

8 R. Sulejman Selimi.

9 Q. Je souhaiterais changer de sujet et revenir sur votre première

10 déclaration en public en tant que porte-parole de l'UCK. Je demanderais

11 l'aide de M. Younis. Je vais vous montrer une séquence vidéo qui a été

12 versée au dossier de l'espèce. Il s'agit d'un extrait de la pièce P034,

13 séquence numéro 5. Je vous demanderais de regarder cet extrait, et nous

14 ferons un arrêt sur image.

15 [Diffusion de cassette vidéo]

16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

17 "A l'époque la kulla de la famille à Shala était le quartier général de

18 l'état-major de l'UCK."

19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

20 M. WHITING : [interprétation]

21 Q. Monsieur Krasniqi, est-ce que vous voyez l'image qui apparaît à

22 l'écran ? On vous voit et vous êtes flanqué de deux hommes de chaque côté.

23 Est-ce que vous voyez cela ?

24 R. La qualité de l'image n'est pas bonne, mais je vois que j'apparais en

25 compagnie de deux co-combattants.

Page 3400

1 Q. La date que l'on voit apparaître à l'image est celle du 14 juin 1998.

2 D'après ce que vous avez déclaré, il s'agit de la date à laquelle vous avez

3 fait votre première déclaration publique en tant que porte-parole de l'UCK;

4 est-ce exact ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Est-ce que cela a été filmé au moment où vous faisiez cette

7 déclaration ?

8 R. Oui.

9 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à l'Huissier de bien vouloir

10 veiller à ce que le bon bouton soit allumé, car cela améliorera la qualité

11 de l'image. Le témoin vient de dire que l'image n'était pas très bonne.

12 Merci.

13 Q. Pouvez-vous nous dire qui sont les hommes qui se tiennent debout à

14 votre gauche et à votre droit sur cette image.

15 R. Oui. L'un d'entre eux est Fatmir Limaj et l'autre Ferat Shala.

16 Q. Fatmir Limaj est à droit de l'image; c'est bien cela ?

17 R. Oui, il est à ma droite.

18 Q. En fait, il est à droite de l'image. Lorsqu'on regarde l'écran, c'est

19 l'homme que l'on voit à droite, n'est-ce pas ?

20 R. Il est à ma droite sur l'image.

21 Q. Peut-être y a-t-il là un problème de traduction. Les choses ne sont pas

22 tout à fait claires. Qui se tient juste à côté du drapeau ?

23 R. Ferat Shala.

24 Q. Merci.

25 Pouvez-vous nous dire où cela a été filmé, je vous prie ?

Page 3401

1 R. Ceci a été filmé à Klecka.

2 Q. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un extrait de la pièce P034. On peut

3 voir l'heure, 16 heures, 55 minutes, 1 seconde.

4 M. WHITING : [interprétation] Nous n'avons plus besoin de cette image pour

5 le moment.

6 Q. A l'époque, le 14 juin 1998, où était situé l'état-major général ?

7 R. Je vous en ai parlé lors de la dernière audience, mais je vais vous

8 répéter ce qui en était. A l'époque, l'état-major général n'avait pas de

9 quartier général à proprement parler. En raison de la situation de guerre

10 qui prévalait et pour des raisons de sécurité, nous nous déplacions d'un

11 endroit à l'autre. Sur cette image prise à Klecka, en fait, nous nous

12 sommes rendus au mont Berisa où se trouve le village, pour des raisons de

13 sécurité, afin de tourner cette séquence vidéo, et juste après, nous sommes

14 partis pour nous rendre ailleurs. A chaque fois que nous faisions ces

15 enregistrements vidéo, certains ont été filmés à cet endroit, Klecka. Je le

16 répète, nous faisions cela pour des raisons de sécurité non pas parce que

17 Klecka était le quartier général de l'état-major général de l'UCK.

18 Q. Vous avez dit que l'état-major général, pour des raisons de sécurité,

19 allait de village en village. Quels sont les autres villages où l'état-

20 major général s'est rendu au cours du mois de juin 1998 ?

21 R. Au cours de cette période, l'état-major général s'est déplacé de mon

22 village vers Malisheve, parfois vers Divjake. Nous nous sommes rendus dans

23 d'autres villages également, notamment Drenica, Vrboc, Lladroc, ainsi que

24 dans les villages situés dans les environs du mont Berisa, Kroimire et

25 d'autres villages.

Page 3402

1 Q. A l'époque où vous avez fait cette déclaration le

2 14 juin 1998, quel était le pseudonyme de Fatmir Limaj ?

3 R. Celiku.

4 Q. Est-ce que certaines unités de combat ont porté son nom ?

5 R. D'après ce que je sais, c'était le nom de l'unité dirigée par Fatmir à

6 Klecka.

7 Q. D'après ce que vous savez, l'unité qui opérait à Klecka s'appelait

8 l'unité de Celiku ?

9 R. Oui.

10 Q. D'après ce que vous savez, cette unité a été appelée Celiku ? D'après

11 M. Celiku --

12 M. KHAN : [interprétation] L'Accusation ne cesse de guider le témoin dans

13 sa réponse. Je n'ai pas soulevé d'objection jusqu'à présent, mais il est

14 temps de le faire.

15 M. WHITING : [interprétation] Le témoin a déjà répondu à cette question. Je

16 souhaite simplement obtenir des éclaircissements de sa part. Il a répondu

17 par l'affirmative. Ensuite, je lui ai demandé ce qu'il savait.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que votre question n'était

19 pas bien formulée, mais vous êtes tout à fait en droit d'obtenir des

20 éclaircissements. Essayez toutefois de reformuler votre question de façon à

21 ce quelle ne soit pas aussi directrice.

22 M. WHITING : [interprétation]

23 Q. L'Unité Celiku déployée à Klecka et dirigée par Fatmir Limaj, pourquoi

24 est-elle été appelée ainsi ?

25 R. Je ne sais pas. A l'époque toutes les unités portaient des noms

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1 différents, des noms variés. Je n'aurais pas été en mesure de savoir

2 pourquoi les unités avaient été appelées de telle ou telle manière. Ceci ne

3 relevait pas de mes attributions. Ceci était décidé par les branches

4 opérationnelles.

5 Q. Je pense que vous avez répondu à ma question. Le

6 14 juin 1998, savez-vous quelles étaient les fonctions de Fatmir Limaj ?

7 R. Non.

8 Q. Vous nous avez déclaré qu'il dirigeait l'Unité Celiku à Klecka. Etait-

9 il le commandant le plus haut placé à Klecka ? Le savez-vous ?

10 R. A l'époque, je le connaissais. Je connaissais Fatmir en raison des

11 apparitions publiques que je faisais à Klecka à l'époque. Je le

12 connaissais, mais je n'avais pas d'autres contacts avec lui.

13 Q. Vous nous avez dit qu'il commandait une unité appelée, l'Unité Celiku à

14 Klecka. Savez-vous s'il y avait un commandant qui lui était supérieur à

15 Klecka, ou était-il le commandant le plus haut placé de Klecka ?

16 R. A Klecka, Ismet Jashari exerçait lui aussi des fonctions de

17 commandement. Mais à l'époque, je ne sais pas lequel des deux était le plus

18 haut placé.

19 Q. Vous avez fait cette déclaration le 14 juin 1998. Après, au cours des

20 jours qui ont suivi, savez-vous où est allé Fatmir Limaj ?

21 R. On était en guerre. Les gens ne voulaient pas savoir, ou nous ne

22 voulions pas savoir où les autres allaient.

23 Q. Vous dites dans votre déclaration que vous ne savez pas où il est allé

24 au cours des jours qui ont suivi la date du

25 14 juin 1998 ?

Page 3404

1 R. Oui, c'est ce que je veux dire. J'aimerais ajouter que jamais je n'ai

2 voulu savoir que d'autres sachent où moi, je me rendais; ce qui veut dire

3 que jamais je n'ai posé la question à d'autres. En effet, j'ai déjà dit

4 qu'on était en guerre. Il pouvait se passer des choses désagréables.

5 Q. Je veux d'abord vous demandez ceci : est-ce que c'était la première

6 fois, le 14 juin 1998, que vous voyiez Fatmir Limaj au Kosovo ?

7 R. Si je me souviens bien, c'est la première fois que je l'ai rencontré.

8 Nous n'avons pas longuement parlé ensemble. Nous avions pensé qu'au cours

9 de ma première apparition publique, il devait y avoir deux soldats avec

10 moi. Ce sont ces soldats, Fatmir Limaj basé avec son unité militaire, et de

11 l'autre coté près du drapeau, Ferat Shala de l'unité Pellumbi; de l'autre

12 coté du village de Lapusnik.

13 Q. Quand vous dites "de l'autre coté du village de Lapusnik," est-ce que

14 vous voulez dire de l'autre coté de la route menant de Peja à Pristina ?

15 R. Sur le coté droit de cette route qui va de Pristina à Peja.

16 Q. Du coté droit vers Peja ou vers Pristina ?

17 R. Vers Peja.

18 Q. Après le 14 juin 1998, et ce, jusqu'à la fin du mois de juillet 1998,

19 est-ce qu'il vous est arrivé de voir Fatmir Limaj à Malisevo ?

20 R. Je l'ai vu à Malisevo, mais nous n'avons pas eu le temps de converser

21 car nous avions chacun une mission à remplir au sein de l'UCK.

22 Q. Au cours de cette période, à combien de reprises l'avez-vous vu à

23 Malisevo ?

24 R. Je ne me souviens pas combien de fois je l'ai vu à Malisevo. Cependant,

25 je me souviens qu'il y a eu une réunion avec des représentants de l'Union

Page 3405

1 européenne à Klecka. Je ne sais plus si c'était au mois de juillet ou en

2 août.

3 Q. Je vais vous poser une question à ce propos dans un instant à propos de

4 la réunion. Auparavant, je vous demande ceci: est-ce que vous auriez une

5 idée, ne serait-ce qu'approximative du nombre de fois que vous avez vu

6 Fatmir Limaj entre le 14 juin et la fin du mois de juillet 1998 ?

7 R. Non. Non, je ne peux pas vous dire.

8 Q. Pas la moindre idée, même de façon approximative ? Est-ce que c'était

9 cinq fois, dix fois, vingt fois ?

10 R. Je ne me souviens pas. Si je vous dis que je ne m'en souviens pas, je

11 ne peux pas vous dire si cela a été une fois ou trois fois.

12 Q. Est-ce que vous auriez le souvenir d'une rencontre précise à Malisevo

13 avec lui ?

14 R. Non.

15 Q. Au cours de cette période, est-ce que vous l'avez vu dans d'autres

16 villages ?

17 R. Je l'ai surtout vu à Klecka.

18 Q. Combien de fois l'avez vu à Klecka ? Je répète la période concernée est

19 du 14 juin 1998 à la fin du mois de juillet de la même année.

20 R. Peut-être trois ou quatre fois. Je n'ai pas noté le nombre de fois que

21 je l'ai vu, mais je ne l'ai pas rencontré très souvent parce que chacun

22 avait sa tâche à remplir au sein de l'UCK.

23 Q. Mis à part Malisevo et Klecka, est-ce que vous l'avez vu au cours de

24 cette période dans d'autres villages ?

25 R. Je ne me souviens pas.

Page 3406

1 Q. Au cours des mois de mai, juin et juillet 1998, est-ce que vous,

2 personnellement, vous vous êtes rendu à Lapusnik ?

3 R. Non.

4 Q. Au cours de ces mois-là, qui était le commandant de Lapusnik, le savez-

5 vous ?

6 R. Non, je ne sais pas.

7 Q. Vous avez fait état d'une réunion que vous aviez eue à Klecka en

8 juillet ou en août 1998, réunion ou rencontre avec les représentants de

9 l'Union européenne. Est-ce que vous vous souvenez des personnes que vous

10 avez rencontrées à cette occasion ?

11 R. Oui, je me souviens, mais peut-être que je vais me tromper sur les

12 noms. Me permettez-vous de consulter mes notes ?

13 Q. Qu'est-ce que vous voulez consulter précisément ? Pourriez-vous nous le

14 dire ?

15 R. Je pense en avoir parlé dans la première déclaration que j'ai faite à

16 Pristina. J'ai donné des noms. Aujourd'hui, ils m'échappent, je crois. Je

17 sais que l'une de ces personnes est venue témoigner ici. Ditman [phon],

18 c'était soit le nom, soit le prénom de cette personne.

19 Q. Je vais voir si je peux vous aider à vous remémorer ces noms. Veuillez

20 consulter le paragraphe 46 de votre déclaration pour voir si ceci vous

21 rafraîchit la mémoire s'agissant de ces noms.

22 R. Oui, effectivement. Oui, ils étaient trois. Il y avait Jan Kickert,

23 David Slinn. Le troisième s'appelait Ditman. De l'autre côté, il y avait

24 Ram Buja, Fatmir Limaj et moi.

25 Q. Est-ce que ceci vous permet de mieux vous souvenir de la date à

Page 3407

1 laquelle s'est faite cette réunion ?

2 R. 30 juillet 1998.

3 Q. Merci. Vous pouvez mettre ce document de côté, nous n'en avons pas

4 besoin pour le moment.

5 Q. Vous dites que de votre côté il y a avait Fatmir Limaj, Ram Buja et

6 vous-même. Qui était Ram Buja à l'époque.

7 R. Ram Buja, c'est celui qui avait pour responsabilité d'organiser les

8 pouvoirs civils dans les zones libres. Ensuite, il est devenu membre de

9 l'état-major de l'UCK.

10 Q. Ces zones libres, où étaient-elles situées à l'époque ? Je sais que

11 l'offensive ne faisait que commencer. Vous dites qu'il avait pour

12 responsabilité d'organiser les pouvoirs civils dans les zones libres. Vous

13 parlez de quelles zones à ce moment-la ?

14 R. Partout où il y avait une présence de l'UCK.

15 Q. Est-ce que ce sont toutes les zones où il y avait une présence de l'UCK

16 dans le Kosovo tout entier ou dans une certaine partie du Kosovo ?

17 R. La majorité du territoire du Kosovo, je parle des zones qui se

18 trouvaient sous le contrôle de l'UCK. Par exemple, à Drenica; une partie de

19 Dukagjini; une partie de Pastrik; et entre la municipalité de Mitrovica et

20 Vushtrri, la zone de Shala i Bajgora. Mais il y avait d'autres zones

21 contrôlées par l'UCK.

22 Q. Ce jour-là, le 30 juillet 1998, quel était le poste occupé par Fatmir;

23 quelle était sa fonction ?

24 R. Je ne me souviens de rien d'autre, si ce n'est que du fait qu'il était

25 là avec son unité à Klecka.

Page 3408

1 Q. Pourquoi se trouvait-il à cette réunion ?

2 R. Je n'ai pas entendu la question, excusez-moi ?

3 Q. Je vais la répéter. Pourquoi est-ce que Fatmir Limaj était présent à

4 cette réunion ?

5 R. Oui. Il était présent à cette réunion, parce que nous avons eu cette

6 réunion avec des représentants du conseil de l'Europe. Il n'y avait que

7 deux personnes de l'état-major général; ce qui veut dire que, bien entendu,

8 il nous fallait avoir d'autres personnes qui assistent à la réunion. A ce

9 moment là, la personne qui était la plus éduquée, qui était le mieux

10 préparée professionnellement, c'était Fatmir Limaj. C'est pour cela que

11 nous lui avons demandé d'assister à la réunion. Parce que la situation

12 était grave, très grave. Nous étions en butte à des attaques ennemies de

13 toute part. C'est pour cela que nous avons estimé nécessaire qu'il soit

14 présent à cette réunion. Parce que cette réunion, elle s'est organisée là

15 dans la zone où Fatmir et son unité étaient basés.

16 Q. Le 30 juillet 1998, est-ce que Malisevo était toujours contrôlée par

17 l'UCK, ou est-ce que Malisevo était à ce moment-là tombée aux mains des

18 Serbes ? Est-ce que vous le savez ?

19 R. Je ne me souviens pas exactement de la chute de Malisevo, je ne sais

20 pas quand elle s'est produite. Mais je crois que c'est après la chute de

21 Malisevo.

22 Q. Est-ce que vous vous souvenez des sujets évoqués lors de la réunion

23 avec Jan Kickert, David Slinn, et ce troisième homme que vous avez

24 mentionné ?

25 R. Je me souviens de quelque chose. Je ne me souviens pas beaucoup de

Page 3409

1 détails concrets, mais je pense que nous avons également parlé de la

2 constitution, de la création d'une délégation d'Albanais du Kosovo qui se

3 composerait de plusieurs tendances politiques ou orientations politiques et

4 de représentants de l'UCK. Cette délégation, qu'il s'agissait de créer,

5 devait présenter à la communauté internationale ou aux organisations

6 internationales ses propres revendications de façon coordonnée.

7 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'autres sujets discutés lors de cette

8 réunion ?

9 R. Non, c'était là, le sujet essentiel de cette réunion.

10 Q. Est-ce que si vous regardiez les notes que vous avez déjà consultées,

11 paragraphe 46 de votre déclaration, est-ce que ceci vous permettrait de

12 vous rafraîchir la mémoire ?

13 R. Oui, je veux bien regarder. Je ne pense pas que cela va me permettre de

14 me souvenir d'autres choses.

15 Q. Je vais vous demander de lire ce paragraphe -- il n'est pas long --

16 pour voir si ceci vous permet de vous souvenir d'autres choses.

17 R. Oui, oui. Nous avons, bien entendu, discuté avec les représentants du

18 conseil de l'Europe, et à qui nous avons dit que nous connaissions que

19 l'UCK connaissait ses obligations en vertu des conventions de Genève et des

20 conventions internationales en matière de guerre, et que l'UCK respectait

21 ces conventions.

22 Q. Est-ce que vous vous souvenez si Fatmir Limaj est intervenu à la

23 réunion ?

24 R. Vous savez beaucoup de temps s'est découlé depuis, beaucoup

25 d'événements tragiques ou importants se sont déroulés depuis. Mais c'est

Page 3410

1 surtout moi qui ait pris la parole à cette réunion.

2 Q. Après, à l'issu de cette réunion, est-ce que vous avez discuté avec

3 Fatmir Limaj ?

4 R. Nous n'avons pas eu le temps de poursuivre, car nous avions des

5 missions. Je le répète, à l'époque, l'offensive serbe se déroulait

6 toujours.

7 Q. Je voudrais vous montrer une photo qui se trouve à l'intercalaire 11 de

8 la liasse de documents. Je le précise, c'est la pièce de l'Accusation P24,

9 U003-3240, c'est le numéro ERN que je viens de citer. Vous pouvez la

10 regarder à l'écran cette photo, Monsieur le Témoin, ou vous pouvez la

11 consulter dans les documents que vous avez sur la table.

12 R. Oui, je vois les deux.

13 Q. Vous reconnaissez ces personnes que l'on voit sur la photo ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous pourriez les identifier en partant de la droite vers la

16 gauche ?

17 R. Fatmir Lemaj, Rexhep Selimi, et moi-même, et Jakup Krasqini.

18 Q. Je crois que vous avez dit de gauche à droite, mais cela ne fait rien.

19 Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle cette photo a été

20 prise ?

21 R. Oui, je vous ai dit, sur la photo à droite.

22 Q. Je ne pense pas qu'il y aura de confusion possible sur ce point. Est-ce

23 que vous vous souvenez de la date à laquelle cette photo a été prise ?

24 R. Il est difficile de m'en souvenir de façon précise. C'était après

25 l'offensive de l'été 1998.

Page 3411

1 Q. Est-ce que vous vous souvenez de l'endroit où elle a été prise ?

2 R. Je ne saurais vous le dire précisément non plus, soit c'était à Shati

3 Idri [phon] ou à Novo Selo, ou encore à Lladroc.

4 Q. Le monsieur qu'on voit au milieu, Rexhep Selimi, est-ce que vous savez

5 la fonction qui occupait au moment où la photo a été prise ?

6 R. Je vous l'ai déjà dit, il était inspecteur général.

7 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer davantage ce qu'il en était,

8 quelle était sa fonction précise ? Est-ce qu'il faisait partie de l'état-

9 major général ?

10 R. Oui.

11 Q. Quelles étaient ses attributions en tant qu'inspecteur général ?

12 R. Il devait effectuer des visites plus fréquentes dans la zone de guerre

13 pour recueillir des renseignements à propos de la situation qui prévalait.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la fonction exercée au sein de l'UCK

15 par Fatmir Limaj au moment où cette photo a été prise ?

16 R. Je vous l'ai dit, j'ai du mal à vous donner la date précise à laquelle

17 cette photo a été prise. Cependant, je sais que c'était au mois de

18 novembre, entre le 11 et le 13 novembre. Nous avons eu une longue réunion

19 de l'état-major général, et à l'occasion de cette réunion, Fatmir Limaj est

20 devenu membre de l'état-major général. Bien entendu, après cette date, nous

21 nous sommes rencontrés, nous avons eu des réunions plus fréquentes. Il se

22 peut même qu'alors nos réunions aient été quotidiennes.

23 Q. Je comprends que vous n'ayez plus un souvenir précis de la date à

24 laquelle cette photo a été prise, mais est-ce que c'était avant ou après

25 que M. Fatmir Limaj soit devenu membre de l'état-major général ?

Page 3412

1 R. Je ne peux pas être précis, là non plus, c'était peut-être après qu'il

2 soit devenu membre de l'état-major général. Mais je le répète et j'insiste,

3 je n'ai pas de souvenir précis.

4 Q. Je comprends.

5 M. WHITING : [interprétation] Je pense que nous n'avons plus besoin de

6 cette photo.

7 Q. Passons à un autre sujet, Monsieur Krasqini. Je voudrais parler des

8 responsabilités qui étaient celles des commandants de l'UCK, quel que soit

9 leur niveau, responsabilités et obligations envers l'état-major général. La

10 période qui m'intéresse est celle du mois de juin et du mois de juillet

11 1998. Je le sais, vous avez déclaré devant les Juges, qu'à votre

12 connaissance, aucun crime n'avait été commis. Je vous demande ceci : si un

13 commandant d'une zone avait apprit qu'un crime aurait été commit par un

14 soldat de l'UCK dans sa zone de responsabilité, est-ce que ce commandant

15 avait le devoir d'en faire rapport à l'état-major général ?

16 R. Tout chef d'unité opérationnel, et là, nous parlons de dates

17 ultérieures à la date de formation des unités, des brigades de l'UCK, après

18 septembre. Tout commandant, disais-je, avait l'obligation d'informer

19 l'état-major général de ce qui ce passait dans les zones de responsabilités

20 respectives. L'état-major général, n'a pas reçu le moindre renseignement

21 faisant état d'exécutions, de prisonniers, qui aurait été le fait de

22 membres de l'UCK. Nous n'avons entendu parler de tels cas qu'après

23 l'arrestation de Fatmir et de ses amis, arrestation opérée par le Tribunal.

24 Même auparavant, on avait entendu parler d'arrestations réalisées au Kosovo

25 d'anciens membres de l'UCK. Je le répète, en tant qu'état-major général,

Page 3413

1 nous n'avons pas reçu de renseignements disant que quelqu'un aurait commit

2 un crime, par exemple, l'assassinat de personnes placées en détention.

3 Il est vrai que s'agissant de toutes les arrestations effectuées, il y a eu

4 des arrestations de civils et de soldats, mais s'agissant de toutes ces

5 arrestations, les personnes qui avaient été arrêtées ont été relâchées. Le

6 cas le plus connus, celui que l'opinion publique internationale connaît

7 sans doute le mieux, c'est la capture de huit Serbes en janvier 1998 à

8 Shala i Bajgora. Plus tard, ces soldats, suite à de nombreuses discussions,

9 furent l'objet d'un échange. Ils furent échangés contre neuf soldats qui

10 avaient été capturés à Guznin [phon] ou Prizren ou Djakovica, le 15

11 décembre 1998. Il y a eu d'autres cas aussi, des gens étaient faits

12 prisonniers, surtout des Serbes, et plus tard, par l'intermédiaire par la

13 communauté internationale, ces personnes ont été relâchées.

14 Q. Une petite précision, vous avez parlé de la libération de huit Serbes.

15 Je pense que là, il y a eu une petite difficulté d'interprétation. Est-ce

16 que cela s'est passé en janvier 1998 ou en janvier 1999 ?

17 R. 1999.

18 Q. Vous avez dit que tout chef des unités opérationnelles aurait pour

19 devoir d'informer l'état-major général de tout ce qui se passait dans sa

20 zone de responsabilité. Est-ce que c'était vrai cela en juin et en juillet

21 1998 ?

22 R. Je vous l'ai expliquez, je vous ai expliquez à quel degré d'avancement

23 dans l'organisation on se trouvait en mai, juin, juillet 1998. Si vous avez

24 besoin d'un complément d'informations, je vous les fournirai.

25 Q. Non, mais je vous demandais ceci : vous nous avez dit qu'il y avait des

Page 3414

1 commandants d'unités. Vous avez parlez de Sulejman Selimi, commandant de

2 zone à Drenica, en mai, juin, juillet 1998. Maintenant, voici ma question :

3 à l'époque, ces commandants, est-ce qu'ils avaient l'obligation, que vous

4 avez décrite, d'informer l'état-major général de tout ce qui se passait

5 dans leur zone de responsabilité ?

6 R. Afin de répondre à cette question, il me faut fournir une autre

7 explication. Toutes les zones où se trouvait l'UCK ne relevaient pas du

8 même système d'organisation. Cela dépendait des zones, cela dépendait aussi

9 de la présence ou du niveau de présence de l'UCK dans ces zones. Par

10 exemple, au cours de la période à laquelle nous faisons référence, la zone

11 de Drenica jouissait d'une meilleure organisation, étant donné que les

12 combats entre l'UCK de cette zone, et la police et l'armée Serbe, avaient

13 commencé en novembre 1997. Par conséquent, le niveau d'organisation dans

14 cette zone particulière était plus élevé. Après la zone de Drenica, au

15 cours de la période qui nous intéresse, on pouvait trouver la zone de

16 Dukagjini. Il y avait également la zone de Pastrik. Ces zones-là, en

17 particulier, ne jouissaient pas d'une bonne organisation. Les choses ont

18 changées par la suite, l'organisation s'est améliorée après l'offensive,

19 l'offensive d'été 1998. Par conséquent, le niveau d'organisation s'est

20 amélioré aussi à Shale, qui regroupait la municipalité de Mitrovica et

21 Vushtrri, et la préparation des forces dans la zone de Llap de Shale, donc.

22 Cette préparation a commencée à l'automne 1998 dans la zone de Nerodime,

23 l'organisation était moins bonne, c'était manifeste. Dans la zone de

24 Karadak, l'organisation a commencée également. Voilà en gros comment

25 étaient organisées les différentes zones de l'UCK.

Page 3415

1 Q. Je comprends bien cela, mais la réponse que vous venez de me fournir

2 est la réponse à une autre question, et non pas à celle que je vous ai

3 proposée il y a quelques instants. Je la répéterai : au cours des mois de

4 mai, juin, et juillet 1998, les commandants de l'UCK avaient-ils pour

5 obligation d'informer l'état-major général de tout ce qui ce passait dans

6 la zone relevant de leur responsabilité ?

7 R. Oui. Toutefois, je l'ai déjà dit lors de notre entretien précédent. A

8 cette époque, les citoyens souhaitaient manifestement rejoindre les rangs

9 de l'UCK, et je reviens à l'organisation horizontale qui était présente

10 alors qu'une organisation verticale manquait. A l'époque, nous essayions

11 d'organiser les personnes qui avaient rejoint les rangs de l'UCK. Nous ne

12 pouvons pas affirmer que le niveau de responsabilité auquel vous avez fait

13 référence était effectivement existant à l'époque.

14 Q. Je me contente de poser des questions, Monsieur. Je vais maintenant

15 passer à un autre sujet et c'est celui de Rahovec. Savez-vous que des

16 combats ont eu lieu à Rahovec en juillet 1998 ?

17 R. Oui. En juillet 1998, ces combats n'avaient pas lieu seulement à

18 Rahovec. Il y avait deux sites de combats à propos desquels j'aimerais

19 m'exprimer afin de clarifier certaines choses. Les combats de Rahovec et il

20 y avait, également, des combats à Bardhi i Madh pour la mine d'Obiliq.

21 Q. Concentrons-nous sur Rahovec si vous le voulez bien.

22 R. Mais Rahovec et Bardhi i Madh sont liés. C'est la raison pour laquelle

23 je pense qu'il me faut expliquer les choses.

24 Q. Je vais vous poser, simplement, quelques questions et peut-être que

25 vous pourrez, ensuite, nous fournir cette explication. Etiez-vous présent

Page 3416

1 lorsque les combats ont eu lieu à Rahovec ?

2 R. Je n'étais pas présent lorsque les combats ont eu lieu à Rahovec parce

3 que je n'avais pas à effectuer ni une tâche de soldat, ni une tâche de

4 commandant.

5 Q. Vous souvenez-vous de la manière dont les combats ont éclaté à

6 Rahovec ?

7 R. C'est exactement ce que je voulais expliquer, comment les combats ont

8 commencé à Rahovec.

9 Q. Allez-y, expliquez. Brièvement, si possible.

10 R. Oui. J'aimerais fournir des informations aux Juges sur les combats de

11 Rahovec et de Bardhi i Madh. Dans les deux cas, les combats ont éclaté sans

12 l'autorisation de l'état-major général de l'UCK parce que nous étions

13 conscients de nos moyens en terme d'organisation, dans un tel contexte,

14 parce que nous faisions parti de la structure organisationnelle de l'UCK et

15 nous n'avons pas autorisé les combats qui ont eu lieu dans ces deux lieux,

16 puisque nous savions que nous manquions d'armes, des armes nécessaires à la

17 libération des civils. Nous manquions d'armes nous permettant de maintenir

18 le contrôle d'une ville de la taille de Rahovec ou d'un lieu extrêmement

19 dégagé, ouvert tel que Bardhi i Madh.

20 Lorsque les combats ont commencé, l'état-major général s'est engagé à aider

21 et maîtriser ces forces militaires, nos forces militaires qui n'étaient pas

22 véritablement et pleinement sous le commandement de l'état-major général.

23 Je souhaite ajouter que des membres de l'état-major principal ont pris part

24 au combat à Rahovec.

25 Q. Qui étaient-ils ? Quels membres de l'état-major général ont pris part

Page 3417

1 aux combats de Rahovec ?

2 R. Au cours des combats qui ont eu lieu à Rahovec, Kadri Veseli, membre de

3 l'état-major général, en fait, il s'est retrouvé encerclé sur place et il

4 eu du mal à se sortir de cet endroit.

5 Q. D'autres membres de l'état-major général ont participé ?

6 R. A ce stade, je ne me souviens pas d'autres personnes. En tout cas, il y

7 avait un autre militaire qui a été nommé sur place afin d'évaluer le niveau

8 d'organisation des unités de l'UCK, sur place. Il a été tué à Rahovec.

9 C'était Agim Cela.

10 Q. Vous souvenez-vous de la date à laquelle les combats ont commencé à

11 Rahovec ?

12 R. Je ne me souviens pas de la date.

13 Q. Ces combats, qui les a initiés ? L'UCK a-t-elle attaqué ou les Serbes

14 l'ont-ils fait ? Le savez-vous ou ne le savez-vous pas ?

15 R. Je ne sais pas. Peut-être que les unités de la ville de Rahovec sont à

16 l'origine de cela, mais je n'en sais rien.

17 Q. La ville était-elle déjà sous le contrôle de l'UCK depuis un certain

18 nombre de jours ?

19 R. Au cours de laquelle ce contrôle a été exercé, cette période a été très

20 brève.

21 Q. Combien de jours ?

22 R. Je ne pourrais vous le dire en jours, mais cette période a été très

23 brève. C'est tout ce que je sais.

24 Q. Merci. A partir d'août 1998 et par la suite, avez-vous entendu dire

25 quoi que ce soit concernant les camps de détentions qui auraient été tenus

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1 par des membres de l'UCK dans la zone de Llap, à Majac, à Potok et à la

2 Lapashtica ou peut-être à Bajgora, à partir d'août 1998 ? Avez-vous entendu

3 quoi que ce soit à propos de camps de ce type ?

4 R. Non. A l'époque dans les zones auxquelles vous venez de faire

5 référence, il n'y avait pas d'unité opérationnelle de l'UCK.

6 Q. Vous dites que, dans la zone de Llap, à partir d'août 1998 et par la

7 suite, il n'y avait pas d'unité opérationnelle de l'UCK ?

8 R. Les unités de Llap, à l'époque, étaient basées à Shala Bajgora.

9 Q. De manière à ce que les choses soit bien claires, vous dites que vous

10 n'avez aucune information concernant des camps de détention tenus par l'UCK

11 dans la zone de Llap, à partir d'août 1998 et par la suite ?

12 R. Non, je n'ai pas d'informations sur ce point.

13 Q. Au cours de mai, juin et juillet 1998, avez-vous jamais eu l'occasion

14 de rencontrer Isak Musliu, que l'on appelle également Qerqiz ?

15 R. Non, je ne l'ai pas rencontré.

16 Q. Qu'en est-il de Haradin Bala, alias Shala ? L'avez-vous rencontré au

17 cours de ces mois en 1998 ?

18 R. Non, non, lui non plus, non.

19 Q. Merci, Monsieur Krasniqi. Je n'ai plus de questions.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Whiting.

21 Je vois Maître Topolski qui, une fois de plus, se porte volontaire pour

22 commencer.

23 M. TOPOLSKI : Une fois de plus.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Me Topolski, Monsieur, va vous poser

25 un certain nombre de questions.

Page 3419

1 Contre-interrogatoire par M. Topolski :

2 Q. [interprétation] Monsieur Krasniqi, je le fais pour le compte d'un

3 homme que vous n'avez jamais rencontré, Isak Musliu alias Qerqizi.

4 J'aimerais vous dire qu'il y a six sujets sur lesquels j'aimerais me

5 pencher avec vous. J'aimerais, d'abord, vous parler de propagande; par la

6 suite, je passerai à la question des collaborateurs; puis, à la question

7 des détentions et des arrestations. Quatrièmement, je parlerai avec vous de

8 structure; cinquièmement, de contrôles territoriaux ou manque ou absence de

9 ce contrôle par l'UCK et sixième point et dernier point, nous aborderons

10 des questions relatives à la Sûreté de l'état serbe. Je pense que nous

11 passerons le reste de la journée, ensemble.

12 Monsieur Krasniqi, je vais tenter de vous poser des questions brèves

13 et précises, à la fois, de manière à ce que nous puissions procéder de

14 manière rapide. J'aimerais vous demander, si possible, que vos réponses

15 soient également brèves et précises. M'avez-vous compris ?

16 R. Oui.

17 Q. Nous allons entamer cette série de questions en commençant par le thème

18 de la propagande. Puis-je vous proposer une définition de la propagande. A

19 mon avis, on entend par propagande, un programme organisé, de diffusion

20 d'informations particulières, utilisées afin de propager une doctrine ou

21 une pratique particulière; un programme organisé de diffusion

22 d'informations précises, sélectionnées visant à propager ou diffuser une

23 doctrine ou une pratique particulière.

24 M. Krasniqi, accepteriez-vous cette définition de "propagande" ?

25 R. Oui.

Page 3420

1 Q. Bien. Vous êtes d'accord avec la définition proposée par le "Oxford

2 Dictionary," ce qui est un bon début. Puis-je, maintenant, passer au vif du

3 sujet et vous faire la proposition suivante, à savoir que la propagande est

4 une arme essentielle parmi les différentes armes utilisées par une

5 organisation telle que l'UCK. Vous seriez d'accord avec moi, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. C'est, notamment, le cas lorsqu'une armée de volontaires existe comme

8 ce fut le cas au Kosovo, en 1998. Seriez-vous d'accord avec moi, là-

9 dessus ?

10 R. Je suis d'accord et je l'ai dit au cours de mon intervention.

11 Q. L'objet de communiquer est sans doute multiple, mais seriez-vous

12 d'accord avec moi pour dire que l'objectif principal de ces communiqués

13 était un objectif de propagande.

14 R. Oui.

15 Q. Penchons-nous quelques instants sur les autres objectifs poursuivis par

16 des actions de propagande dans une situation dans laquelle vous et vos

17 collègues, vos camarades se trouviez. La propagande est importante, n'est-

18 ce pas, afin de maintenir le moral de la population civile, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Cette propagande pourrait également favoriser le recrutement au sein

21 des rangs de l'UCK, n'est-ce pas ?

22 R. Bien entendu. Etant donné le manque d'autres moyens de mobilisation,

23 les communiqués, les déclarations ainsi que tout autre communication

24 publique avait pour objet de mobiliser des volontaires au sein des rangs de

25 l'UCK.

Page 3421

1 Q. Je pense que l'un des autres objets de la propagande était, également,

2 de magnifier les succès militaires.

3 R. Je suis d'accord. Effectivement, il nous fallait parler de succès même

4 lorsque nous manquions de succès et qu'il n'y en avait pas, nécessairement.

5 Q. Voici une réponse intéressante qui se conjugue très bien avec ma

6 prochaine question. L'un des autres objectifs de la propagande était aussi

7 de minimiser les échecs, n'est-ce pas ?

8 R. Nous avions pris les armes et, bien entendu, nous souhaitions épingler

9 nos victoires et ne pas, nécessairement, parler de nos défaites.

10 Q. Ma suggestion, ma dernière suggestion concernant la finalité de la

11 propagande sera celle-ci : il s'agissait d'un élément essentiel dans le

12 cadre de la guerre psychologique qui était menée. Etes-vous d'accord avec

13 cette suggestion ?

14 R. Oui.

15 Q. Voici ce qui, pour moi, était un exemple type de propagande dans toute

16 sa splendeur : le contrôle territorial que disait détenir l'UCK. C'est là

17 mon exemple. Pourriez-vous, je vous prie, passer à l'intercalaire 5 du

18 classeur que Me Whiting vous a fait parcourir, la semaine dernière et

19 aujourd'hui ?

20 Monsieur Krasniqi, j'espère que ceci est conforme à la version

21 albanaise de ce document, qui est, en fait, le texte de l'interview avec

22 Der Speigel, interview que vous avez accordée à ce journal, le 6 juillet.

23 D'abord, sommes-nous d'accord pour dire qu'il s'agit bien du document dont

24 il est question, ici ?

25 M. TOPOLSKI : [interprétation] Avez-vous un exemplaire plus grand de cette

Page 3422

1 interview ?

2 M. WHITING : [interprétation] Je suis désolé. Nous n'avons pas

3 l'exemplaire, à proprement parler, de cet article tel que publié dans le

4 magazine.

5 M. TOPOLSKI : [interprétation]

6 Q. M. Krasniqi, l'anglais devrait être suivi de l'albanais dans le dossier

7 qui vous a été remis. Avez-vous la version albanaise ou en tout cas, la

8 traduction du texte, de la photocopie qui a été faite de cet article parue

9 dans le magazine ?

10 La voici.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'agit-il de la pièce P140 ? Je crois

12 que j'entends des voix se confirmer ma proposition.

13 M. WHITING : [interprétation] Nous avons un exemplaire supplémentaire de la

14 traduction que nous pouvons faire passer par le truchement de l'Huissier.

15 M. TOPOLSKI : [interprétation] J'ai la mienne, j'ai mon exemplaire.

16 M. WHITING : [interprétation] Mais ce document figure-t-il dans le

17 classeur ?

18 M. TOPOLSKI : [interprétation] Peut-être qu'effectivement Me Whiting

19 pourrait nous communiquer ce document. Merci.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela y est, je l'ai.

21 M. TOPOLSKI : [interprétation]

22 Q. Bien. J'aimerais vous amener à une question relative au contrôle

23 territorial ou la domination de l'UCK. Mais avant cela, s'il vous plaît,

24 concentrons-nous sur la première page de cet article, de cette interview

25 et, d'ailleurs, à la première question qui dit la chose suivante -- et s'il

Page 3423

1 vous plaît, suivez cette question dans votre propre langue de manière à ce

2 que vous vous assuriez que la traduction soit exacte.

3 "Q. Monsieur Krasniqi, vos troupes viennent de subir une défaite

4 dans la bataille portant ou concernant la mine de charbon de Belasevac.

5 Toutefois, vous avez annoncé que vous avez l'intention de conquérir la

6 capitale provinciale de Pristina prochainement. Comment et quand ?"

7 Monsieur Krasniqi, vous ai-je lu à l'instant une traduction exacte du

8 document que vous avez sous les yeux ?

9 R. Oui, la traduction est exacte.

10 Q. Voyons si la réponse est tout aussi exacte. Question dans laquelle il

11 est question de projet de conquête de la capitale provinciale de Pristina.

12 Voici votre réponse :

13 "Je suis très sérieux sur ce sujet. Nous avons déjà un grand nombre de nos

14 combattants à poste en route vers Pristina. Ils n'attendent que notre

15 signal pour attaquer."

16 Monsieur Krasniqi, y a-t-il la moindre trace de vérité dans cette réponse,

17 en réalité, concernant le 6 juillet 1998 ? Je vous pose cette question avec

18 tout le respect que je vous dois. Je vous demande, si effectivement, il y

19 avait un grand nombre de combattants qui étaient prêts et qui n'attendaient

20 que votre signal pour intervenir et pour attaquer, ou s'agit-il simplement

21 de propagande ? Vous souriez.

22 R. Bien entendu, ma réponse a été effectivement bien reflétée dans cet

23 entretien. Nous n'avons pas pris les armes pour rester dans les montagnes

24 du Kosovo; notre objectif était de libérer le Kosovo. Bien entendu, les

25 moyens de l'organisation, son ampleur étaient limités. J'ai dû, à ce

Page 3424

1 moment-là, dire certaines choses à l'intention de l'opinion publique du

2 Kosovo. L'objectif était d'éveiller un espoir parmi la population du Kosovo

3 qui n'en pouvait plus du régime de Belgrade.

4 Q. Monsieur Krasniqi, dans notre pays, il existe une expression que vous

5 avez peut-être dans votre langue aussi : il y a des mensonges, il y a des

6 gros mensonges et il y a des statistiques. Ici, nous pourrions dire qu'il y

7 a des mensonges, des gros mensonges, des statistiques ou des chiffres, et

8 il y a la propagande pour ajouter un quatrième élément à cette série.

9 Seriez-vous d'accord avec moi ?

10 R. Je suis d'accord.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvons-nous faire la pause ici,

12 Maître Topolski ?

13 M. TOPOLSKI : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprenons à

15 17 heures 50.

16 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.

17 --- L'audience est reprise à 17 heures 53.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.

19 M. TOPOLSKI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Monsieur Krasniqi, pourrions-nous, s'il vous plaît, consulter ce qui,

21 en anglais, est la deuxième page de ce document ? Ce que je recherche, en

22 réalité, c'est une question posée par le journaliste de Der Speigel, qui se

23 trouve à cinq ou six questions après celle que nous venons de regarder et

24 qui commence ainsi : "N'êtes-vous pas en train de surestimer la force de

25 combat de vos troupes ?" Voyez-vous à quelle question je fais référence ?

Page 3425

1 R. Je l'ai trouvée.

2 Q. La question, et je vous demanderais de bien vouloir vérifier votre

3 traduction au fur et à mesure de la lecture :

4 "N'êtes-vous pas en train de surestimer la force de combat de vos troupes ?

5 Ils n'ont effectivement aucune chance contre l'armée yougoslave."

6 Votre réponse est la suivante : "Désormais nous obtenons suffisamment

7 d'armes, et nous avons également des missiles antiaériens. Nous contrôlons

8 40 % du pays. Il y a plus de 5 millions d'Albanais dans les Balkans qui

9 s'aideront face au danger."

10 Monsieur Krasniqi, d'abord la question et réponse dont je viens de donner

11 lecture, correspondent-elles à la version dont vous disposez en albanais ?

12 R. Oui.

13 Q. J'aimerais vous poser des questions concernant deux, en réalité, trois

14 parties de votre réponse. N'oubliez pas que vous vous adressez ici à Der

15 Speigel le 6 juillet 1998. En juillet 1998, "obteniez-vous suffisamment

16 d'armes," Monsieur Krasniqi ? Receviez-vous suffisamment d'armes ?

17 R. A l'époque, nous étions loin d'avoir suffisamment d'armes, et encore

18 moins de missiles antiaériens.

19 Q. Merci de cette réponse multiple à la question. Vous m'avez précédé

20 quant à la question que j'allais vous poser. Par conséquent, je passe

21 directement à la troisième. Monsieur Krasniqi, il s'agit là d'élément

22 important, parce que des éléments qui ont déjà été présentés à ce Tribunal

23 semblent concorder avec ce que vous dites ici à Der Speigel. "Nous

24 contrôlons 40 % du pays."

25 Là encore, Monsieur Krasniqi, le chiffre que vous avez donné au journaliste

Page 3426

1 Der Speigel, était-il exact à la date du 6 juillet 1998 ?

2 R. Bien entendu que non. Ce chiffre n'était pas exact.

3 Q. Cet après-midi, vous avez répondu à un certain nombre de questions de

4 Me Whiting. A cette occasion, on vous a montré un document, je ne vais pas

5 vous le re-soumettre, mais la référence de ce document se termine par les

6 chiffres 38589. Il s'agit d'un document, me semble-t-il, daté du 12

7 juillet. Il me semble que c'est un communiqué. Monsieur Krasniqi, sous

8 serment, cet après-midi, vous avez décrit la zone contrôlée par l'UCK comme

9 étant limitée; c'est à la page 21, ligne 15 du compte rendu. Si, et j'en

10 suis sûr, la réponse que vous avez donnée à ce moment-là était à la fois

11 exacte et honnête, ceci tendrait à confirmer, n'est-ce pas, qu'il ne

12 s'agissait que de propagande au moment où vous avez donné cette réponse au

13 journaliste Der Speigel le 6 juillet 1998; vous êtes d'accord ?

14 R. Oui, je suis d'accord.

15 Q. Pourrions-nous nous pencher un peu plus longtemps sur cette période. Je

16 vous pose des questions en votre qualité d'homme politique et non pas de

17 militaire sur ces différents événements et sur cette période. Vous

18 souvenez-vous d'une attaque de l'UCK contre Orahovac - excusez-moi si

19 j'écorche ce terme - le 18 juillet 1998 ? En avez-vous le souvenir ?

20 R. Oui, je m'en souviens.

21 Q. Connaissiez-vous l'existence d'un document rédigé et produit par l'ICG

22 intitulé L'été long et chaud du Kosovo ? Il s'agissait en réalité d'un

23 rapport sur l'évolution de la situation militaire, humanitaire, et

24 politique au Kosovo. Vous souvenez-vous de ce document ?

25 R. Non, je ne m'en souviens pas.

Page 3427

1 Q. L'UCK a attaqué Orahovac le 18 juillet, n'est-ce pas ? Ma suggestion

2 est que la police serbe a regagné le contrôle de ce même endroit, Orahovac,

3 quatre jours plus tard seulement, le 22 juillet. Ceci correspond-t-il aux

4 souvenirs que vous avez de ces événements, Monsieur Krasniqi ?

5 R. Lors de réponses que j'ai données préalablement, j'ai dit que je

6 n'avais plus le souvenir exact du nombre de jours. Parce qu'une brève

7 période de temps s'est écoulée entre la prise de Rahovec par l'UCK et les

8 attaques menées par les forces serbes. Peut-être qu'il s'agissait de trois

9 ou quatre jours, maximum cinq jours; mais cette période a été brève.

10 Q. Monsieur Krasniqi, lorsque vous nous parlez de Rahovec, parlez-vous du

11 même endroit que l'on appelle Orahovac ? Rahovec et Orahovac, sont-ils un

12 seul et même lieu ?

13 R. Oui. Orahovac, c'est le nom serbe de ce lieu, et Rahovec, c'est le nom

14 albanais de ce même lieu.

15 Q. Est-il exact, et je pense que c'est le cas, qu'après la chute

16 d'Orahovac le 22 juillet, après que les Serbes ont repris le contrôle de ce

17 lieu, ils ont poussé plus avant et ont pris le contrôle du quartier général

18 de l'UCK à Malisevo le 29 juillet ? Etes-vous d'accord ?

19 R. Oui, vers la fin du mois de juillet. Je n'ai pas le souvenir de la date

20 exacte. Mais le document auquel vous pensez doit probablement préciser la

21 date exacte.

22 Q. Ils ont progressé et ont repris le quartier général de l'UCK à Likovac

23 le 6 août et de Junik le 15 août, c'est ce qu'on a appelé l'offensive

24 serbe. Seriez-vous d'accord avec moi, avec les dates que je viens de vous

25 présenter ?

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1 R. Oui, c'est à cette époque que l'offensive serbe a atteint son

2 paroxysme. Peut-être que je pourrais être d'accord avec vous sur les dates,

3 mais je n'en ai pas un souvenir précis parce que la situation était

4 extrêmement grave à l'époque. Comme je l'ai déjà dit plus tôt, de nombreux

5 villages brûlaient, ils étaient pilonnés avec différents types d'armes,

6 artillerie et autres, par les forces serbes. Il est difficile pour moi de

7 me souvenir précisément des dates. Mais, effectivement, c'est à ce moment-

8 là que différents sièges de l'UCK ont été pris les uns après les autres.

9 Q. Puis-je poursuivre et continuer sur le thème de la propagande. Monsieur

10 Krasniqi, lorsque vous avez été nommé porte-parole de l'UCK, aviez-vous

11 déjà eu affaire, d'une quelconque manière, aux médias ? Comprenez-vous ma

12 question ?

13 R. Oui. Même avant ma nomination en tant que porte-parole, je n'avais fait

14 que communiquer des documents écrits avec les médias, mais je n'avais

15 jamais communiqué de manière orale avec les médias, particulièrement avec

16 les médias électroniques, et je n'avais pas donné d'interview par le passé.

17 Par conséquent, pour être bref, je dirais que je n'avais pas d'expérience

18 auprès des médias.

19 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je ne sais pas si cela est important, mais

20 il me semble que l'un des micros du témoin s'est éteint. Merci, Monsieur

21 Krasniqi. Je pense qu'ainsi les interprètes vous entendront mieux.

22 Q. Les écrits que vous avez produits pour les médias, de quoi s'agissait-

23 il exactement ? S'agissait-il d'écrits d'ordre politique ? S'agissait-il

24 d'autres types de déclarations ? S'agissait-il d'écrits que vous aviez

25 produits dans le cadre de vos fonctions de porte-parole ?

Page 3429

1 R. J'avais écris quelques articles. J'avais écris ces articles sur des

2 thèmes universitaires, puisque à l'époque je menais des études de troisième

3 cycle à l'université de Pristina.

4 Q. Vous ai-je bien compris, et je parle ici de tout ce qui s'est passé

5 pendant toute la durée de la guerre, vous avez toujours été membre de

6 l'aile politique de l'UCK, et non de l'aile militaire ? Si j'ai bien

7 compris ce que vous nous avez dit jusqu'à présent.

8 R. C'est exact.

9 Q. J'aimerais vous posez la question avec tout le respect qui vous est dû,

10 mais j'aimerais savoir si, effectivement, pendant toute la durée de la

11 guerre, vous n'avez, à aucun moment, porté d'armes, mais qu'au contraire,

12 vous avez effectué des taches importantes dans d'autres domaines ?

13 R. J'ai surtout assumé les fonctions de porte-parole pour l'UCK et j'ai

14 été chargé de rencontrer des hommes politiques et des diplomates

15 occidentaux qui venaient rencontrer des représentants de l'UCK.

16 Q. Pour que les choses soient bien claires, vous n'avez pas participé

17 concrètement à des combats; est-ce bien exact ?

18 R. Je n'ai pas participé aux combats; je l'ai dit plus tôt. Je n'étais pas

19 soldat, j'étais représentant politique. Ma fonction était d'exprimer la

20 voix de l'UCK face aux médias et face à l'opinion publique.

21 Q. De manière à ce que nous comprenions bien les principes qui étaient les

22 vôtres au moment d'effectuer les tâches qui étaient les vôtre, vous nous

23 l'avez déjà dit d'ailleurs jeudi dernier, vous considériez votre travail

24 comme consistant à représenter, à diffuser, à rendre public la politique

25 qui était celle de l'état-major de l'UCK, n'est-ce pas ?

Page 3430

1 R. C'est exact, oui.

2 Q. Sur la base des réponses que vous nous avez données, étiez-vous seul à

3 assumer ces fonctions de porte-parole, ou bien étiez-vous assisté par

4 d'autres collègues qui vous auraient aidé ?

5 R. Au Kosovo, j'étais seul. J'étais la seule personne chargée de rendre

6 public, de diffuser, d'informer l'Occident, l'Allemagne, et d'autres pays

7 européens de la politique de l'UCK. L'Allemagne, la Suisse, les autres pays

8 européens, pour ces pays c'était Bardhyl Mahmuti.

9 Q. Cela signifie-t-il que vous êtes l'auteur des différents communiqués

10 que nous avons examinés ?

11 R. Pas de tous, parce qu'en général, les communiqués portaient sur les

12 opérations qui avaient lieu dans les différentes zones. Moi, j'étais chargé

13 des déclarations, communiqués politiques, de ce type de documents.

14 Q. Je crois que, dans un certain nombre de ces communiqués, il y a des

15 éléments de nature davantage opérationnelle et d'autres de nature politique

16 qui étaient combinés. Vous, vous étiez chargé de l'aspect politique, et

17 d'autres personnes, peut-être, de l'aspect militaire; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Veuillez, s'il vous plaît, consulter les trois documents que nous, ou

20 plus précisément, que Me Whiting a fait traduire pendant le week-end, et je

21 lui en suis d'ailleurs très reconnaissant. Il s'agit des documents P141,

22 P142, et P143. Bien entendu, ces documents devront vous être fournis en

23 albanais. Pour commencer, le document P141 est le texte d'un discours que

24 vous avez prononcé. Nous avons entendu parlé du contexte dans lequel vous

25 l'avez fait le 3 ou le 4 mars 1998. Avez-vous ce document sous les yeux ?

Page 3431

1 R. Oui.

2 Q. Là encore, je ne sais pas si c'est le cas dans la version albanaise,

3 mais ce qui m'intéresse en particulier se trouve à la deuxième page de la

4 version anglaise. Je m'intéresse notamment au paragraphe qui commence par :

5 "Nous sommes tout à fait sûr que, dans aucun des documents valides

6 mentionnés, la défense du seuil national et de la dignité nationale ne peut

7 être considérée comme un acte terroriste".

8 R. Oui.

9 Q. Monsieur Krasniqi, il me semble que ce à quoi vous faites référence ici

10 ce sont des éléments qui se trouvent dans le paragraphe précédent. Il

11 s'agit notamment de la charte des Nations Unies; il s'agit d'un certain

12 nombre de documents. J'aimerais vous poser des questions concernant la

13 deuxième phrase :

14 "Aucune guerre de libération, dans quelque pays que ce soit du monde, n'a

15 été qualifiée de terroriste, et notre guerre n'est rien d'autre qu'une

16 guerre de libération".

17 S'agit-il là de quelque chose dont vous êtes l'auteur. Monsieur Krasniqi ?

18 R. Oui. Tout le texte est signé de ma main.

19 Q. Est-il exact de dire qu'aucune guerre de libération dans un quelconque

20 pays du monde n'ait été qualifiée de guerre terroriste ? Puis-je vous

21 donner d'autres exemples ? Le soulèvement qui a eu lieu au Kenya dans les

22 années 50, et la formation de l'état d'Israël en 1948. Ne s'agit-il pas là

23 de guerres terroristes ?

24 R. Je ne sais pas s'il s'agit de guerres terroristes. Cela dépend de qui

25 le dit et des motifs qui ont poussé ceux qui ont décrit ceci comme étant

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1 des guerres terroristes, motifs qui les ont poussés à le faire. Bien

2 entendu, les occupants ont du mal à appeler une guerre de libération

3 autrement qu'une guerre terroriste.

4 Q. Monsieur Krasniqi, savez-vous que Menachem Begin a été condamné pour

5 activités terroristes par les Nations Unies, le saviez-vous ?

6 R. Non, je ne le savais pas.

7 Q. Pouvons-nous passer au document P142, s'il vous plaît; déclaration

8 politique numéro 2 d'avril 1998. J'aimerais, plus particulièrement, vous

9 poser certaines questions concernant des questions posées avant moi par Me

10 Whiting. Là encore, êtes-vous l'auteur de l'intégralité de ce communiqué ?

11 R. La plus grande partie de ce communiqué était rédigé par mes soins. Il y

12 a, toutefois, eu d'autres personnes qui ont parlé de la situation

13 politique, des personnes qui habitaient à l'extérieur de Kosovo. Mais je ne

14 suis pas l'auteur de ces passages. Ce texte a été envoyé à des camarades

15 qui habitent à l'extérieur du Kosovo. Ils l'ont revu. Ce texte, dans sa

16 version finale, émane de l'état-major général de l'UCK.

17 Q. M. Krasniqi, est-ce que l'un quelconque des camarades à qui on a montré

18 ce texte, qui ont contribué à ce document, était avocat, d'après vos

19 souvenir ?

20 R. C'est possible. A l'époque, il était possible de consulter des

21 juristes, des avocats qui s'y connaissaient dans le domaine politique ou

22 militaire.

23 Q. Je suis sûr que cela était possible. Je peux vous garantir que j'ai de

24 bonnes raisons pour poser les questions que je vous pose. Ce document a été

25 distribué à différentes personnes avant qu'il ne soit communiqué. D'après

Page 3433

1 vos souvenirs, est-ce qu'on a fait appel aux juristes au Kosovo ou à

2 l'extérieur du Kosovo pour qu'ils l'examinent ?

3 R. A l'extérieur de Kosovo.

4 Q. Est-ce que ces juristes connaissaient les traités internationaux et

5 autres documents de ce type ?

6 R. A l'époque, je ne les connaissais pas.

7 R. Qui a rédigé la deuxième phrase de ce document ? Je cite : "L'UCK

8 reconnaît et respecte les traités internationaux des Nations Unies et les

9 conventions régissant la guerre." Est-ce vous qui êtes l'auteur de cette

10 phrase ?

11 R. Il est possible que ce soit moi qui ai écrit cela, mais beaucoup de

12 temps s'est écoulé depuis.

13 Q. Oui, nous comprenons cela. Je sais que le Tribunal prendra cela

14 pleinement en considération. Je sais qu'il est difficile d'analyser un

15 texte après autant de temps. Je pense, qu'au fur et à mesure de ce procès,

16 bien après votre déposition, nous allons revenir sur cela. Ce qui

17 m'intéresse, est le fait que : "L'UCK reconnaît et respecte les traités

18 internationaux des Nations Unies et les conventions régissant la guerre."

19 Avez-vous lu les traités internationaux des Nations Unies et les

20 conventions régissant la guerre avant le 29 avril 1998 ? Aviez-vous lu ces

21 textes ?

22 R. Je suis historien de profession. Je dispose de suffisamment

23 d'informations concernant les textes internationaux, notamment ceux qui ont

24 été rédigés après la Deuxième guerre mondiale. Je vous parle de l'aspect

25 historique de ces documents; je ne suis pas juriste de profession.

Page 3434

1 Q. Lorsqu'il est question de "traités internationaux des Nations Unies,"

2 pour les juristes et les historiens, cette expression a un sens bien

3 précis. Ma question est la suivante : avez-vous lu ou avez-vous reçu des

4 conseils juridiques concernant les traités internationaux des Nations Unies

5 en matières de guerre avant de diffuser ce communiqué ?

6 R. Je vous le répète, je n'ai pas examiné cette question du point de vue

7 d'un juriste; je me suis intéressé à ces questions du point de vue d'un

8 historien et d'un homme politique et non pas du point de d'un juriste.

9 Q. Comprenez-vous ce que l'on entend en jargon juridique par "conflit

10 armé," Monsieur Krasniqi.

11 R. Une guerre est un conflit armé.

12 Q. D'après vous, est-ce qu'un conflit armé est un élément important et

13 ayant une signification particulière dans le cadre de ce Tribunal ?

14 R. Je ne sais pas ce qu'il en est pour ce Tribunal, mais dans le

15 Dictionnaire Oxford, il est dit qu'une guerre est un conflit armé.

16 Q. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est le paragraphe 6 de ce

17 document. Je poursuis sur le thème que nous avons déjà commencé à évoquer.

18 Au paragraphe 6, il est dit, je cite : " Nous sommes en état de guerre."

19 Etes-vous l'auteur de cette phrase ?

20 R. Peu importe qui a écrit cette phrase; ce qui importe, c'est que ce

21 document émane de l'état-major général. J'ai écrit certains passages de ce

22 document.

23 Q. M. Krasniqi, soyez patient avec moi. Essayez de répondre à mes

24 questions. Est-ce que c'est vous êtes l'auteur de la phrase :

25 "Nous sommes en état de guerre," ou bien est-ce que vous ne vous en

Page 3435

1 souvenez pas ?

2 R. J'ai souvent écrit de telles phrases. C'est peut-être le cas ici. Peut-

3 être suis-je l'auteur de cette phrase particulière. Nous étions en temps de

4 guerre; c'était la guerre.

5 Q. Je vais vous soumettre l'idée suivante : est-ce que ce Tribunal devrait

6 interpréter cette déclaration comme étant votre produit et une description

7 fidèle de la situation, à savoir que la guerre faisait rage en avril 1998,

8 que cette guerre vous opposait aux Serbes. Est-ce cela que vous vouliez

9 dire ?

10 R. Il est dit dans les dictionnaires politiques que la guerre prolonge la

11 politique par le biais des armés. Les moyens politiques avaient été

12 épuisés, et nous avions recours aux armes.

13 Q. Je vous remercie. A présent, je souhaiterais qu'on examine le dernier

14 document de cette liasse, le document P143. Il s'agit, je pense, de la

15 déclaration politique numéro 5. Nous sommes, à présent, le 28 juillet 1998.

16 Peut-on partir du principe que vous êtes l'auteur de ce document ?

17 R. Ce document émane de l'état-major général. Il s'agit de la déclaration

18 numéro 5. J'en suis peut-être l'auteur, ou plutôt je suis l'auteur de ce

19 document tel qu'habilité et autorisé par l'état-major général.

20 Q. Examinons ensemble la dernière page de ce document, dernier paragraphe.

21 Ce qui m'intéresse, c'est la phrase qui commence par ces mots : "Nous en

22 appelons à la communauté internationale," et cetera. Est-ce que vous avez

23 retrouvé cela ?

24 R. Oui.

25 Q. "Nous en appelons à la communauté internationale pour qu'elle mette en

Page 3436

1 garde sérieusement Belgrade, afin qu'il ne soit fait aucun mal à la

2 population civile, pour qu'elle soutienne cette guerre de libération juste,

3 qui est protégée par toutes les conventions internationales en matière de

4 paix et de guerre, et pour qu'elle condamne en même temps le régime

5 fasciste de Belgrade, qui ne comprend que le langage de la force."

6 Je vous poserai la même question que celle que je vous ai posée à propos du

7 premier de ces trois documents. Lorsqu'il est question de "protection par

8 les conventions internationales en matière de paix et de guerre," est-ce

9 que vous interprétez cela en tant qu'historien ou sur la base de vos

10 consultations avec les juristes de l'UCK, ou est-ce qu'il s'agissait là

11 simplement d'un article de journaliste ?

12 R. Nous n'avons pas consulté de juristes, mais je l'interprète du point de

13 vue politique et historique, voire journalistique.

14 Q. Merci. C'est tout ce que je vous poserai comme question au sujet de ces

15 documents. Merci, Monsieur Krasniqi.

16 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je n'ai plus besoin des documents 141, 142,

17 et 143.

18 Q. Je souhaiterais que l'on aborde à présent le thème des collaborateurs.

19 Je souhaiterais présenter, là encore, une définition de ce terme. Par

20 collaborateurs, selon moi, on entend les personnes qui collaborent avec

21 l'ennemi. On traite --

22 R. Oui.

23 Q. Lorsque vous parlez de "collaborateurs," et vous avez mentionné ce

24 terme dans de nombreux contextes au cours de votre déposition. Sur la base

25 de ce que vous avez dit, je pense que l'on pourrait peut-être établir une

Page 3437

1 distinction. Voilà ma suggestion : peut-être pourrait-on établir une

2 distinction entre les civils, ou comme on les appelle aujourd'hui les "non-

3 combattants" d'une part et ceux que l'on pourrait véritablement décrire

4 comme étant des collaborateurs d'autre part.

5 Est-ce que vous seriez d'accord avec cela ?

6 R. Oui, mais il me faut expliquer quelque chose à cet égard. J'en ai parlé

7 la semaine dernière également. Le terme "collaborateur" n'est pas un terme

8 albanais. Il s'agit d'un mot d'origine étrangère qui est repris aujourd'hui

9 dans les dictionnaires albanais, et dont l'origine remonte à la Deuxième

10 guerre mondiale. Il est possible que nous ayons utilisé ce terme de façon

11 erronée car nous n'avions pas le temps de raffiner notre langage. En ce qui

12 nous concerne, les collaborateurs étaient ceux qui avaient été recrutés par

13 les services secrets serbes et qui étaient les laquais de l'appareil de

14 violence en place au Kosovo.

15 Q. Lorsqu'il s'agit de politique d'entente de coopération en traître avec

16 l'ennemi, est-ce que l'on ne peut pas distinguer deux aspects; celui qui

17 concerne la coopération et celui qui concerne la trahison ? Si quelqu'un

18 vous voyait, par exemple, parler avec un Serbe, cette attitude ne pourrait

19 pas être qualifiée de coopération de traître.

20 R. Bien entendu que non.

21 Q. Le fait de vendre du pain à un Serbe ne pourrait pas être interprété

22 comme une coopération de traître ?

23 R. Je pense que j'ai déjà expliqué cela.

24 Q. Veuillez répondre simplement à mes questions. Il ne s'agit pas d'une

25 coopération traîtresse que de vendre du bois à un Serbe, n'est-ce pas,

Page 3438

1 Monsieur Krasniqi ?

2 R. Non, bien sûr que non. Nous n'avons jamais confondu ceux qui étaient

3 recrutés par les services secrets serbes et les civils qui habitaient au

4 Kosovo.

5 Q. Le 10 février, la semaine dernière, dans le cadre de votre déposition,

6 vous avez répondu à des questions qui vous ont été posées par M. Whiting au

7 sujet du terme "collaborateur." Page 40, ligne 19, du compte rendu

8 d'audience, vous avez déclaré, je cite : "Ils étaient au service du régime

9 de violence serbe." Vous avez poursuivi en nous fournissant un exemple bien

10 concret. Vous nous avez parlé du Dr Hafir Shala. Vous souvenez-vous de

11 cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Lorsque la guerre a éclaté en avril 1998 et s'est poursuivie jusqu'au

14 bombardement de l'OTAN l'année suivante, et même un peu après, en ce qui

15 concerne l'ordre public dans votre pays, au Kosovo, à l'époque, aurais-je

16 raison de dire que l'ordre public avait cessé de régner au cours de cette

17 période ?

18 R. Au Kosovo, l'ordre public ne régnait plus depuis le printemps 1981.

19 Q. Je suis certain que de nombreux témoins ne seraient pas d'accord avec

20 ce que vous venez de dire. Mais peu importe, je ne vais pas revenir à

21 l'année 1981. N'était-ce pas le cas, à l'automne 1998, n'était-il pas vrai

22 que l'UCK a mis en place une police militaire ?

23 R. Je suis d'accord.

24 Q. Est-ce qu'on ne pourra pas dire que cette police avait, notamment, pour

25 objectif de représenter en partie, j'insiste là-dessus, des forces de

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1 l'ordre qui fonctionnent dans la mesure où c'était possible, étant donné

2 que c'était la guerre. En conviendrez-vous avec moi ?

3 R. Oui.

4 Q. Voyons si je comprends bien le processus qui a débouché sur l'exécution

5 d'un collaborateur, Monsieur Krasniqi. Vu les réponses que vous avez

6 fournies, à l'instant, il s'en suivrait, logiquement, n'est-ce pas, qu'au

7 sens commun du terme, une enquête de police, une arrestation, un

8 interrogatoire, un procès, une condamnation. Ce n'est pas ce qui ce passait

9 n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est bien cela, c'est comme cela que cela se passait.

11 Q. Pour qu'on prenne une vie d'homme, une vie de collaborateur, est-ce que

12 le Tribunal doit penser que ce n'était pas quelque chose qu'on faisait pour

13 le plaisir, à la légère, mais qu'on le prenais après mûre réflexion pour

14 une cause qu'on croyait bonne. Qu'en était-il, Monsieur Krasniqi ?

15 R. J'aimerais vous fournir une explication. Notre guerre, elle ne voulait

16 pas prendre la vie des gens, mais elle voulait libérer le Kosovo.

17 Q. Je vous ai demandé si le fait de prendre la vie de quelqu'un dont on

18 pensait que c'était un collaborateur, c'était quelque chose qu'on faisait à

19 la légère ou dans la gravité. Qu'en était-il ?

20 R. Pour nous, la vie de quelqu'un ce n'était pas un jeu, un jouet. Je le

21 répète : nous ne voulions pas prendre la vie des gens, nous voulions

22 libérer le Kosovo et nous nous trouvions en guerre avec l'occupant, avec

23 Belgrade, avec la police, l'armée de Belgrade, mais aussi avec d'autres

24 forces qui étaient au service de cet appareil de la violence et je ne vois

25 pas ce que je pourrais dire d'autre. Notre objectif, c'était la vie, pas la

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1 mort. La Serbie, c'était elle qui encourageait à la mort, partout, dans

2 chaque village du Kosovo.

3 Q. Communiqué numéro 43, en date du 4 mars 1998, je voulais simplement

4 attirer votre attention sur une ligne sur laquelle

5 M. Whiting a attiré votre attention, une espèce de slogan disait : "Mort à

6 l'ennemi, mort au traîtres."

7 Etes-vous l'auteur de cette ligne ?

8 R. Peu importe qui a écrit ces mots.

9 Q. C'est aux Juges à décider ce qui est important, ce qu'il n'est pas.

10 Veuillez répondre à ma question : êtes-vous l'auteur de ces mots : "Mort à

11 l'ennemi, aux traîtres"

12 R. Non.

13 Q. Mais êtes-vous d'accord avec le concept que ceci véhicule ?

14 R. Je l'étais, j'étais d'accord, à l'époque, et je le suis toujours.

15 Q. Mais est-ce qu'à votre avis, est-ce que ceci ne détourne pas de

16 l'objectif très sérieux qui est de mettre fin à la vie de quelqu'un qui

17 collabore en traître avec l'ennemi. Est-ce qu'un slogan de ce genre

18 s'écarte de cet objectif ou pas, à votre avis ?

19 R. Il y a un principe en droit qui dit que le droit ne doit pas

20 s'intéresser à des choses futiles et c'est pourquoi ce Tribunal parfois

21 essaie de contourner l'objectif principal. Je vais répéter ce que j'ai déjà

22 dit, à maintes reprises, au cours de ma déposition. Notre guerre, c'était

23 une guerre contre l'occupant serbe, contre la police, contre les forces

24 militaires serbes, contre l'appareil de la violence qui était au service

25 des Serbes. Ici, ce ne sont pas les mots qui comptent.

Page 3441

1 Q. Je me demande si je peux tenter de tirer une conclusion, suite à cette

2 série de questions consacrées aux collaborateurs, Monsieur Krasniqi, pour

3 essayer de décanter ce que vous avez dit au cours de ces deux journées de

4 dépositions. Si je l'ai bien comprise, votre déposition, elle se résume

5 comme suit -- voyons si vous êtes d'accord avec ce que je vais dire : c'est

6 que dans l'UCK, que ce soit la politique ou l'activité militaire de l'UCK,

7 elle n'a jamais voulu enlever, torturer et encore moins assassiner des

8 civils innocents ou des non-combattants, quel que soit le nom que vous leur

9 donnez. C'est ma tentative de résumer votre déposition. Est-ce que vous

10 êtes d'accord.

11 R. Oui, oui, je suis d'accord.

12 Q. Mais bien sûr, nous ne pouvons pas nous en tenir là. Il faut aller un

13 peu plus loin, franchir un pas de plus et le voici : si, et j'insiste "si",

14 si ce Tribunal en venait à conclure que de telles choses se sont produites,

15 est-ce qu'on ne devrait pas en déduire que si cela s'est passé, ce sont

16 uniquement des éléments échappant à tout contrôle qui aurait pu en être

17 l'auteur, des scélérats, des hors-la-loi.

18 R. D'accord. D'accord et je l'ai dit d'ailleurs.

19 Q. Ce sont mes mots pas les vôtres, mais vous les avez faits vôtres. Ces

20 voyous qui, forcément, ont dû agir sans le soutien, à l'insu et sans

21 l'encouragement de qui que se soit, ayant un poste de responsabilité ou de

22 commandement dans l'UCK, êtes-vous d'accord avec moi ?

23 R. Oui, je suis d'accord.

24 Q. Mais, il y a une autre composante que nous devons introduire dans tout

25 ceci, dans cette problématique. A cette fin, je vais vous demander de

Page 3442

1 prendre l'intercalaire 8 du classeur que vous a fourni M. Whiting. C'est

2 une interview avec le Koha Ditore, le 2 septembre 1998. Je pense que vous

3 avez l'article, lui-même.

4 M. TOPOLSKI : [interprétation] Est-ce que vous avez peut-être une version

5 dans un plus grand format ? M. Powles me dit que c'est la pièce 145.

6 Oui, peut-être que, là, la police utilisée dans l'article est agrandie.

7 Merci au commis de l'Accusation.

8 Q. Il faudra essayer de trouver cette réponse que vous avez donnée, bien

9 avant, dans l'interview. M. Whiting vous a posé une question lorsque vous

10 avez dit que : "Nous ne sommes pas au courant de l'enlèvement ou de

11 l'emprisonnement de journalistes ou de civils serbes."

12 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je pense que c'est à la page 3 sur 4.

13 Q. Vous l'avez ce paragraphe, Monsieur Krasniqi ? Je le relis : "Nous ne

14 savons rien de l'emprisonnement ou de l'enlèvement de journalistes ou de

15 citoyens serbes."

16 C'est ce que vous avez répondu.

17 R. Oui.

18 Q. J'aimerais que nous le lisions ensemble.

19 "L'UCK n'a pas pris les armes pour lutter contre des journalistes ou des

20 citoyens serbes, mais pour lutter contre des soldats et des terroristes

21 serbes qui ont réduit en cendres le Kosovo. Après toute la terreur et après

22 toutes les dévastations que nous avons vues au Kosovo, il est impossible de

23 maîtriser les sentiments de haine et de revanche que l'ennemi, lui-même, a

24 inspiré. En dépit de notre insistance pour dire que le combat des Albanais

25 ne doit pas ressembler à la barbarie qui est la pratique de l'ennemi."

Page 3443

1 C'est là, l'autre composante de cette thèse dont nous discutions, vous et

2 moi.

3 R. J'ai déjà répondu à cette question. Maintenant, voulez-vous que je

4 réponde à une réponse.

5 Q. Parce que je vais vous poser une question.

6 R. Ma réponse était limpide.

7 Q. C'est peut-être vrai, mais je veux poser une question différente de

8 celle qui vous a été posée. Faites preuve de patience à mon égard, s'il

9 vous plaît. Si l'enlèvement, la torture, le meurtre avaient été des choses

10 commises par ces voyous dont j'ai parlé, ce qu'on ne peut pas écarter,

11 n'est-ce pas, Monsieur le Témoin, c'est la possibilité que ceci ait été le

12 fait d'individus se livrant à des actes de vengeance, afin de régler de

13 vieux comptes; êtes-vous d'accord avec moi, là-dessus ?

14 R. Je suis d'accord. Des choses de ce genre ont pu se produire. Moi, j'ai

15 parlé de libération de l'Armée de libération du Kosovo, de son programme,

16 de ses objectifs.

17 Q. Oui, mais vous en avez parlé en tant qu'armée, en tant que force qui

18 jamais n'a entrepris des actes de revanche. Mais effectivement, vous en

19 tant que structure de commandement, vous ne pouviez pas régir et légiférer

20 sur des actes individuels de barbarie, n'est-ce pas, pour autant que ceci

21 se soit produit ? Vous n'aviez aucune maîtrise, là-dessus, n'est-ce pas ?

22 R. Nous n'avons pas soutenu de tels actes, même pendant la guerre, et

23 c'est encore vrai aujourd'hui. Jamais, nous ne serons partisans de tels

24 actes. Nous ne serions jamais prêts à nous livrer à des actes qui

25 ressembleraient à ce qu'a fait la police, à ce qu'a fait l'armée serbe.

Page 3444

1 Q. Encore deux choses : la thématique des collaborateurs avant la fin de

2 l'audience, aujourd'hui. Voici ma première question : le soutien

3 international apporté à la cause de l'UCK, c'était quelque chose de vital,

4 n'est-ce pas, dès le début, même avant le début de la guerre ?

5 R. Bien entendu et c'est encore important aujourd'hui.

6 Q. Je suppose qu'on pourrait dire que l'exemple le plus important qu'on

7 pourrait donner d'un soutien apporté à un mouvement de libération, c'est

8 les bombardements de l'OTAN qui ont commencé début 1999; vous êtes

9 d'accord ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce qu'il ne semblerait pas à l'examen de cette thèse, que le

12 soutien apporté par la communauté internationale à l'UCK et aussi en vue

13 d'éviter une catastrophe humanitaire, ce soutien, on l'a recherché et il a

14 été obtenu au cours de 1998. Vous avez joué un rôle dans cet effort, n'est-

15 ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce qu'à quelque moment que ce soit vous avez eu des contacts avec

18 la mission de vérification du Kosovo pour les droits de l'homme, l'OSCE,

19 autrement dit, fin 1998 ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de rencontrer une dame s'appelant Susan

22 Ringaard Pedersen qui travaillait pour l'OSCE ?

23 R. Je ne me souviens pas.

24 Q. Est-ce que vous connaissez un livre publié par l'OSCE, qui s'appelle en

25 anglais "As Seen, As Told," "Dit comme vu" en ce qui concerne les activités

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1 de cette organisation pendant la guerre et après ?

2 R. Je ne me souviens pas.

3 Q. Je voudrais vous citer un paragraphe tiré d'une déclaration faite par

4 Mme Susan Ringaard Pedersen, paragraphe 28. Déclaration qu'elle a faite à

5 ce Tribunal et nous pourrons peut-être, à ce moment-là, avec l'autorisation

6 des Juges, bien entendu, terminer l'audience d'aujourd'hui. Voici ce que

7 dit Mme Ringaard Pedersen : "Sur la base de rapports ou de plaintes que

8 nous avons reçus, d'informations que nous avons recueillies," elle parle,

9 ici, d'enlèvements de civils, la raison principale de ceci "c'était la

10 collaboration avec l'ennemi." J'ai reçu des renseignements sur lesquels

11 l'UCK a kidnappé, a enlevé des Albanais du Kosovo et des Romains,

12 simplement, parce que ceux-ci avaient un ami serbe ou était employé par un

13 Serbe. Cela semblait être une raison suffisante pour être accusé d'être un

14 collaborateur."

15 Elle poursuit : "Nous avons aussi eu l'impression que l'enlèvement ou

16 l'arrestation par l'UCK, c'était quelque chose de systématique, de

17 planifié, de préparé et d'organisé. Nous avons eu l'impression que l'UCK

18 essayait véritablement de diviser la communauté du Kosovo."

19 Vous avez déjà longuement parlé de ce sujet, Monsieur Krasniqi. Mais

20 auriez-vous l'obligeance de répondre à ce que Mme Ringaard Pedersen semble

21 suggérer, son impression, à savoir que c'était là une tentative

22 systématique planifiée, organisation visant à la division de la communauté,

23 à savoir, le fait d'enlever, de torturer, et de tuer les civils innocents.

24 Qu'auriez-vous à dire à ce propos ?

25 R. Je suis convaincu que, malheureusement, le paragraphe tel qu'il se

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1 présente représente l'avis d'une personne qui n'était pas animée de bonnes

2 intentions envers les citoyens du Kosovo et envers la juste guerre que

3 menait l'UCK. Je sais que de tels rapports ont existé, rapports qui n'ont

4 pas dit grand-chose à propos de la cause principale de la guerre et de la

5 situation qui prévalait au Kosovo. Je sais qu'on a essayé d'accuser l'UCK,

6 de jeter le blâme sur le l'UCK, mais moi, qui suis le représentant

7 politique de l'UCK, je suis convaincu que ce n'était pas la politique, ni

8 même l'objectif poursuivi par l'UCK. L'UCK ne voulait pas enlever des

9 civils, ne voulait pas les accuser d'être des collaborateurs, ceux qui

10 n'avaient pas d'autres moyens de subsistance que d'être employé par des

11 Serbes ou par d'autres.

12 Je suis convaincu que pas un seul citoyen du Kosovo, que ce soit un

13 Albanais ou quelqu'un d'autre du Kosovo, je suis convaincu que pas un seul

14 d'entre eux n'a été victime de l'UCK, mis à part ceux qui ont été recrutés

15 dans les rangs des forces serbes, forces policières et militaires. Je ne

16 suis pas d'accord avec ce genre de choses, parce que pour moi, c'est faux.

17 La guerre n'a pas été incitée par l'UCK et ses soldats; la guerre, elle est

18 venue au Kosovo, et c'était la conséquence politique de la Serbie qui

19 voulait se livrer à la violence et au génocide au Kosovo. Ceci est étayé,

20 corroboré par ce document bien connu de l'Académie serbe des sciences et

21 des arts. C'était une politique menée de façon systématique par les Serbes,

22 et beaucoup de programmes serbes voulaient forcer les Albanais du Kosovo à

23 fuir le Kosovo, voulaient rendre la vie impossible au Kosovo pour les

24 Albanais, voulaient les forcer à quitter le Kosovo. Dès 1981 et ceci

25 jusqu'en 1997, en 10 ou 15 ans plus de 400 000 Albanais ont quitté le

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1 Kosovo, surtout des jeunes, pour aller dans d'autres pays d'Europe. Je sais

2 que chaque pays d'Europe sait ce qu'il en est, et sait que ces chiffres ont

3 grandi, se sont accrus en France, en Allemagne, en Suisse, dans toute

4 l'Europe, ainsi qu'aux Etats-Unis. Je sais que l'Union européenne et toute

5 la communauté internationale savent que le régime de Milosevic voulait

6 changer la structure du Kosovo et pas ses propres citoyens.

7 Q. Je vais vous interrompre parce qu'il est près de 7 heures, mais aussi

8 parce nous nous sommes beaucoup écartés de la question que je vous ai

9 posée.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien. Nous allons suspendre

11 l'audience. Elle reprendra demain à 14 heures 15.

12 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 15 février

13 2005, à 14 heures 15.

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