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1 Le mardi 15 février 2005
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle, Monsieur Krasniqi,
9 que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez
10 prononcée au début de votre déposition. Je pense que
11 Me Topolski souhaite vous poser quelques questions supplémentaires.
12 Maître Topolski.
13 M. TOPOLSKI : [interprétation] C'est exact. Merci, Monsieur le Président.
14 LE TÉMOIN: JAKUP KRASNIQI [Reprise]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 Contre-interrogatoire par M. Topolski : [Suite]
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi.
18 R. Bonjour.
19 Q. Hier après-midi, vous avez donné quelques détails, et vous avez donné
20 des commentaires détaillés suite à ce qu'avait dit Mme Susan Pedersen. Je
21 vais enchaîner sur le sujet suivant : détention et arrestation. Est-ce qu'à
22 cet effet nous pouvons revenir sur une partie de ce paragraphe dont nous
23 parlions hier, que dit cette dame. Monsieur Krasniqi, elle dit qu'elle-même
24 et l'organisation dont elle faisait partie ont eu l'impression que les
25 enlèvements, les arrestations commises par l'UCK étaient, et là je vais
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1 m'attacher à ces termes suivant, "étaient des actes systématiques,
2 planifiés et organisés."
3 Vous avez répondu de façon détaillée. Je vous demande simplement ceci :
4 est-ce qu'il vous est arrivé d'être partie prenante de participer à des
5 conversations des réunions avec des collègues de l'UCK, réunions ou
6 conversations au cours desquelles on aurait parlé de détention et
7 d'arrestations organisées, systématiques, planifiées s'agissants de civils
8 innocents ?
9 R. Non, jamais. Il n'y a eu aucune réunion de cette sorte. Jamais nous ne
10 sommes occupés de ce genre de choses.
11 Q. Essayons de dissiper tout mal entendu pour qu'à l'avenir ce fantôme ne
12 resurgisse pas. Qu'il n'y a jamais eu de réunions de ce genre, est-ce que
13 vous pourriez être plus clair. Est-ce qu'il y a jamais eu une conversation,
14 une discussion entre vous et vos collègues, s'agissant d'un système, d'un
15 plan, d'une organisation visant à ce genre de chose.
16 R. Je vous ai dit que non et je n'ai rien d'autre à ajouter.
17 Q. Je vous remercie. Ceci nous amène au troisième sujet que je voulais
18 aborder rapidement avec vous. C'est la question de la détention et des
19 arrestations. De qui parle t-on ici; de civiles, de non-combattants. Vous
20 vous souvenez de la distinction opérée et avec laquelle vous étiez d'accord
21 hier. Au sein de l'UCK, est-ce qu'on estimait qu'il était légitime
22 d'interpeller, de détenir, d'interroger les gens pendant la guerre ?
23 R. Bien entendu. Pendant la guerre, il y a des gens qui ont été
24 interpellés, par exemple, ou stoppés, des journalistes qui venaient dans
25 les zones où se trouvait l'UCK. Ils ont été stoppés. C'était nécessaire de
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1 le faire. On leur a demandé quelle était la raison de leur venue. Il y a
2 peut-être eu l'un ou l'autre incident au cours duquel un citoyen serbe est
3 entré dans notre zone. Après qu'on les ait interrogés, ils ont été
4 relâchés, mais ils n'ont été relâchés que dans nos zones. Mais je rappelle
5 que les grands axes routiers restaient sous le contrôle serbe.
6 Q. Nous allons évoquer ceci dans le cadre du cinquième sujet, celui du
7 contrôle territorial. Mais j'aimerais maintenant parler de la structure qui
8 est le sujet suivant. J'ai l'intention de vous demander ceci : en matière
9 de structure à l'organisation de l'UCK, la période qui m'intéresse se
10 termine à la fin août 1998. Si j'ai retenu cette période ou cette date,
11 c'est parce que d'après la thèse que je vous soumets, et nous avons entendu
12 d'autres témoins qui sont venus corroborer, c'est que les brigades, les
13 bataillons, ont commencé à être formés fin août 1998. Est-ce que vous êtes
14 d'accord avec cette idée ?
15 R. Oui.
16 Q. Si c'est le cas, examinons ensemble des éléments pertinent à la
17 structure, à l'organisation, jusqu'à cette date mais n'incluant pas la
18 réorganisation elle-même. Etes-vous d'accord pour dire que ce qui est
19 certain, c'est que jusqu'à lors l'UCK était une armée de guérilla.
20 R. Je vous l'ai déjà dit, jusqu'au mois de mars, avril 1998, l'UCK c'était
21 une armée de guérilla. Elle s'est transformée et s'est élargie par la
22 suite. Il y a eu mobilisation, recrutement d'effectifs, et pendant une
23 certaine période nous avons une armée de volontaire. L'état-major général
24 avait pour responsabilité d'organiser cette armée de volontaires, et ceci à
25 partir du mois d'avril. C'était une armée de volontaires d'avril jusqu'à la
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1 fin du mois d'août, ou jusqu'au début du mois de septembre. C'était surtout
2 une armée de volontaires
3 Q. Je ne suis pas d'accord avec ce dernier élément de votre réponse. Je
4 dirais que l'UCK n'a jamais été autre chose qu'une armée de volontaires. Il
5 n'y a jamais eu de conscrit ni de mobilisation à quelque stade que ce soit
6 de la ville de l'UCK, n'est pas ?
7 R. Non, lorsque je vous parle de "mobilisation" ce n'est pas dans le sens
8 d'une conscription. Je voulais expliquer auparavant quand je parle de
9 "mobilisation", je parle de mobilisation volontaire, comme manifestation de
10 solidarité envers les soldats qui luttaient dans les rangs de l'UCK.
11 Q. D'accord. Au début de votre dernière réponse, vous avez dit : "Ceci, je
12 l'ai déjà dit, à partir de mars, avril 1998, l'UCK était une armée de
13 guérilla," et cetera. Pour ce qui est de la tactique adoptée par l'UCK,
14 jusqu'à la bataille de Rahovec, pendant et même après cette bataille,
15 bataille dont nous avons parlée hier, elle a utilisé des tactiques plutôt
16 qui sont typiquement de guérilla, les coups de main, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Nous somme toujours au cours de cette période, jusqu'à la fin du mois
19 d'août de 1998. Vous l'avez dit, comme je l'ai dit aussi, l'UCK disposait
20 d'une structure de commandement horizontale. Est-ce que vous êtes d'accord
21 avec moi là-dessus ?
22 R. Oui.
23 Q. L'UCK n'avait pas de structures de voies hiérarchiques rigides.
24 R. Bien sûr que non. Cela aurait été impossible.
25 Q. J'irais même plus loin. Je ne sais pas si c'est le bon terme à
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1 utiliser, mais il est certain que pendant cette période et même plus tard
2 aussi, l'UCK a connu des difficultés, celles de faction diverse en son
3 sein. Il y a eu notamment le FARK, F-A-R-K.
4 R. Oui.
5 Q. Vous l'avez souligné plus d'une fois; votre rôle, vos fonctions étaient
6 d'ordre politique et non militaire. Je ne veux pas vous importuner, ni
7 importuner personne d'autre dans le prétoire. Je vous pose des questions à
8 propos de positions de tir, de moyens d'artillerie, de la création de ce
9 genre de chose, d'unités, de points ou antennes. Est-ce que vous pouvez
10 aider le Tribunal sur ces questions ?
11 R. Je pense que vous devez poser une question plus clairement.
12 Q. Vous avez tout à fait raison. Je voulais savoir si vous pouviez m'aider
13 sur ces sujets. Je vais poser la question encore. Au cours de la période
14 dont nous parlons, les membres de l'UCK avaient coutumes de se réunir,
15 n'est-ce pas, en des villages. Ils se rassemblaient surtout dans des
16 villages, afin de protéger ces villages des attaques serbes. C'était la
17 réalité des premiers jours, n'est-ce pas ?
18 R. Vous parlez les premiers jours qui ont suivi mars ?
19 Q. Je parle de cette période qui va de mars à juin.
20 R. C'est exact. C'était surtout une organisation volontaire d'individus
21 qui voulaient lutter pour la liberté du pays et du peuple. Cette volonté de
22 lutter a grandi et, à un moment donné, on a commencé une organisation. Les
23 gardes villageoises ont été établies, et certain des gardes villageois
24 étaient déjà équipés de fusils de chasse. Je l'ai déjà dit.
25 Q. Oui, et d'autres témoins l'ont déjà dit avant vous.
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1 Mais bien entendu, est-ce que vous n'étiez pas face à une situation telle
2 que je vais la dépeindre, c'est-à-dire qu'il y avait des gens qui avaient
3 une certaine expérience militaire, mais pour le gros des effectifs, ce
4 n'était pas le cas. C'est comme cela que se présentait la situation au
5 début, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Cela a été comme cela à la fin aussi.
7 Q. Un groupe d'hommes se rassemblent, je vous prenais cet exemple pour,
8 disons, assurer la protection d'un village. Ces hommes décidaient eux-mêmes
9 des positions qu'il leur fallait prendre, n'est-ce pas ? Tout ceci se
10 passait de façon très souple, très peu organisée, très informelle. Est-ce
11 que c'est bien comme cela qu'il faut comprendre la situation ?
12 R. Oui. C'est pourquoi l'état-major général a dû prendre un engagement
13 pour essayer de mieux organiser ces gens.
14 Q. Je vois. Pour ce qui est des communications à l'intérieur d'un groupe
15 d'hommes de l'UCK, même au sein d'un seul et même village, et à fortiori
16 lorsqu'il s'agissait d'assurer la communication avec des membres de l'UCK
17 dans un autre village, c'était quelque chose à tout du moins primitif,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Je ne sais pas si c'est comme cela qu'il faut qualifier ces
20 communications, mais on peut dire que la communication se fondait sur la
21 volonté des gens à combattre l'occupant et ses forces de police.
22 Q. Les dirigeants, les chefs de ces groupes, ils n'ont pas été nommés par
23 une hiérarchie supérieure; ils sont apparus au sein du groupe, n'est-ce pas
24 ? Je parle des chefs de ces groupes. Est-ce que vous êtes d'accord avec
25 cette idée ?
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1 R. Oui, effectivement. Ils ont émergé spontanément. Dans la majorité des
2 cas, nous avons suivi la façon dont ces gens étaient choisis. S'ils ont été
3 choisis, c'est à cause de ce qu'ils ont apporté, de ce qu'ils ont fait.
4 Q. Je veux maintenant aborder un autre sujet; passer de la question de la
5 structure à celle du contrôle territorial, ou de l'absence de contrôle
6 territorial en chef de l'UCK. Nous parlons toujours de la même période qui
7 se termine fin août 1998. Hier, vous avez eu l'amabilité de concéder que ce
8 que vous aviez dit aux Der Speigel, à savoir que l'UCK détenait 40 % du
9 territoire n'était pas exact.
10 R. Oui, je m'en souviens.
11 Q. Parlons de la capacité qu'avait l'UCK au cours de cette période de
12 communiquer d'une unité à l'autre. Est-ce qu'un des problèmes n'était pas
13 celui-ci : les unités de l'UCK, avant la formation des brigades, des
14 bataillons, avant la fin du mois d'août 1998, les obstacles les plus
15 importants, c'est qu'il y avait de grande distance géographique séparant
16 ces unités ?
17 R. C'est exact.
18 Q. Vous vous souvenez même peut-être avoir répondu à une question de M.
19 Whiting, qui concernait des documents de la Croix Rouge internationale.
20 Vous vous souvenez peut-être que vous avez dit que vous deviez envoyer ces
21 documents là où vous pouviez, par estafette. Ce sont vos propres termes. Ou
22 vous servir d'un communiqué de presse pour essayer de transmettre la teneur
23 de ces documents aux combattants de l'UCK. Est-ce que j'ai bien fait la
24 synthèse de la situation que vous avez décrite hier ?
25 R. Oui.
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1 Q. Il y a quelques instants, j'ai parlé de communication ou du systèmes de
2 communication de transmission primitive. Le mot vous a quelque peu
3 interpellé. Nous sommes toujours sur la rubrique du contrôle territorial;
4 transmissions radio. Elles étaient, au cours de cette période, limitées
5 s'agissant de transmissions entre des groupes des unités de l'UCK, n'est-ce
6 pas ?
7 R. C'était très limité.
8 Q. Est-ce qu'il y a finalement eu des endroits, des lieux qui étaient
9 considérés comme étant des centres de transmission radio privilégiés de
10 l'UCK ?
11 R. Oui, un tel centre a existé. Il se trouvait au mont Kosmac à Drenica.
12 Q. De ce mont Kosmac à Drenica, est-ce qu'on assurait la transmission à
13 partir d'un émetteur radio ?
14 R. En fait, c'était un système de walkie-talkie. Vous savez, la région est
15 montagneuse, les montagnes sont très élevées. Il y avait une transmission
16 d'un relais à l'autre. C'est de cette façon-là que la transmission était
17 assurée pour informer d'attaques, par exemple, de la police ou de l'armée
18 serbe.
19 Q. L'appel aux armes, les appels à l'aide pour Rahovec, par exemple, sont-
20 ils venus de cet émetteur radio, je parle ici de la mi-juillet 1998.
21 R. Je vous l'ai déjà dit, nous n'avions pas d'émetteur radio. Nous nous
22 sommes servis du système utilisé par la police et l'armée serbe. Il leur
23 est arrivé à la police et à l'armée serbe d'intercepter et d'empêcher ce
24 type de transmission.
25 Q. Je comprends. Est-ce que c'est à partir de ce centre à Kosmac qu'est
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1 parti l'appel à l'aide en ce qui concerne Rahovec ? Est-ce que vous pouvez
2 nous le dire ou pas ?
3 R. Oui. Rahovec se trouve dans Bjeshket e Zatriqit. Il y avait des gens
4 qui étaient dotés de walkies-talkies, et il leur était possible d'entrer en
5 contact avec Kosmac. C'est ainsi qu'ils savaient ce qui se passait dans
6 l'UCK.
7 Q. Puisque nous parlons de Rahovec, est-ce que nous pouvons revenir à
8 quelque chose dont vous avez parlé hier en réponse à des questions de M.
9 Whiting ? Page 47 et 48 du compte rendu d'audience d'hier. Vous avez parlé
10 des combats à Rahovec, et vous avez établi un lien avec des combats qui se
11 déroulaient ailleurs. Vous disiez hier, c'est que nous, l'état-major
12 général de l'UCK, n'avait pas autorisé cette attaque, parce que vous
13 n'aviez pas assez d'armes pour libérer ces villes. Est-ce que je vous ai
14 bien compris ? Vouliez-vous dire qu'au début des combats à Rahovec, il
15 s'agissait de combats spontanés, et qu'ils n'étaient pas autorisés par
16 l'état-major général ? Est-ce que c'est là le récit que vous en faites ?
17 R. Tout à fait.
18 Q. Si j'ajoutais un autre adjectif, si j'ajoutais aux adjectifs spontanés
19 et non autorisés celui d'irresponsables, peut-être, s'agissant de ce qu'à
20 fait l'UCK, est-ce que vous seriez d'accord ?
21 R. Oui.
22 Q. Pourriez-vous nous rappeler à quelle date a commencé cette bataille
23 dont nous parlons, la bataille de Rahovec, d'après vos souvenirs les plus
24 précis ?
25 R. Je ne sais pas exactement.
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1 Q. Est-ce que c'était vers la mi-juillet, 16, 17, 18 juillet ?
2 R. Oui, cela a dû être vers la mi-juillet, mais je ne me souviens pas de
3 la date précise.
4 Q. Nous pouvons maintenant aborder le dernier de mes sujets. Je suis sûr
5 que vous ne vous en souvenez pas. Je vous le rappelle, il s'agit de la
6 Sûreté d'Etat serbe. J'aimerais vous faire trois suggestions concernant la
7 Sûreté de l'Etat serbe. Je vous pose ces questions, et j'aimerais que vous
8 y répondiez en tant que porte-parole de l'UCK que vous êtes devenu, mais
9 également en tant que citoyen du Kosovo, et en tant que prisonnier puisque
10 vous l'avez été pendant une large partie de votre vie. Ma première
11 suggestion est la suivante, Monsieur Krasniqi : serez-vous d'accord pour
12 dire que l'appareil destiné à assurer la Sûreté de l'Etat serbe était un
13 appareil extrêmement sophistiqué ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous serez d'accord avec moi pour dire que cet appareil était solide et
16 soutenu de manière très généreuse financièrement par Belgrade ?
17 R. Oui, c'est vrai, l'armée, la police et les services secrets. Belgrade,
18 c'était en quelque sorte, un super pouvoir, une super puissance dans les
19 Balkans à cet égard.
20 Q. Je m'intéresserais un instant sur les services secrets à proprement
21 parler. Je dirais, n'est-ce pas, que ces services secrets avaient une
22 grande expérience lorsqu'il était question de leur propre population, de la
23 population serbe ?
24 R. Oui, effectivement. Il jouissait d'une très longue expérience dans ce
25 domaine.
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1 Q. Monsieur Krasniqi, je me demandais si nous pourrions tenter une
2 comparaison avec une autre organisation notoire qui opérait jusqu'en 1989
3 en Allemagne de l'Est. Je parle de la Stasi. La Stasi, dirais-je, était une
4 organisation dont l'un des outils était l'idée selon laquelle les citoyens
5 espionneraient d'autres citoyens, et fourniraient des informations à leur
6 propos, et ce, à une large échelle. Etant donné l'expérience qui est la
7 vôtre au sein du Kosovo, pendant la période qui nous intéresse ici dans le
8 cadre de cette affaire, pourrait-on comparer la Stasi et la manière dont
9 les services secrets serbes opéraient, ou bien opéreriez-vous une
10 distinction entre les deux ?
11 R. Je peux vous dire que je pense qu'ils opéraient de la même manière. Les
12 services secrets serbes étaient même plus sophistiqués que ceux de
13 l'Allemagne de l'Est. J'aimerais vous donner simplement un chiffre. A
14 partir de 1981 et jusqu'en 1991, sur une période de dix ans, les services
15 secrets ont traité le cas de 7 000 Albanais qui avaient communiqué un
16 certain nombre d'informations. Après 1991, de nombreux Albanais ont quitté
17 le Kosovo, étant donné justement cette activité des services secrets
18 serbes. C'est précisément ces informations que je vous donne ici
19 aujourd'hui. Après 1991, nous avons eu affaire à plus d'Albanais qu'avant
20 1991.
21 Q. Je comprends. D'après votre expérience - et ici, je m'appesantis sur la
22 période qui s'est écoulée jusqu'au déclenchement de la guerre, selon votre
23 expérience, Monsieur Krasniqi, et d'après vos connaissances, pouvez-vous
24 nous dire si des opérations en vue d'assurer la sûreté de l'Etat, des
25 opérations ont été effectuées au cours desquelles des personnes ont été
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1 tuées et au cours desquelles la faute a été placée sur les épaules de
2 l'UCK ?
3 R. Des tentatives de cette sorte, effectivement, ont eu lieu. Ainsi, à la
4 fin de la guerre au Kosovo, un professeur de l'université a été tué.
5 C'était un homme politique de haut vol, homme politique de la Ligue
6 démocratique. Il était Serbe. Il était aussi membre de la délégation de
7 Rambouillet. Les services de la Sûreté de l'Etat ont tenté d'attribuer la
8 responsabilité de l'assassinat de ce professeur à l'UCK.
9 Q. Dans la même rubrique, j'aimerais maintenant attirer votre attention
10 sur une autre question. Je reviens sur quelque chose que vous nous avez dit
11 hier, à la page 24 du compte rendu d'audience. Vous parliez de personnes
12 qui avaient été détenues et emprisonnées, et cetera.
13 Vous nous avez dit : "Je suis convaincu que le régime de Belgrade avait
14 infiltré au sein de ses rangs des personnes sans arme."
15 Je ne sais pas très bien ce que vous nous essayez de nous dire par ceci,
16 Monsieur Krasniqi. Etiez-vous en train de suggérer que le régime de
17 Belgrade avait infiltré des personnes au sein des rangs de l'UCK ?
18 R. N'oublions pas l'organisation extrêmement poussée de ces services. Ils
19 ont eu de multiples occasions d'infiltrer les gens au sein des rangs de
20 l'UCK. J'ai donné des exemples de gens qui avaient quitté les zones de
21 guerre et qui ont été capturés par la police serbe. Nous ne savons pas ce
22 qu'il est advenu de ces personnes même au jour d'aujourd'hui. Ces gens
23 avaient été victimes d'espionnage; espionnage effectué par les personnes
24 des services secrets qui, il est tout à fait possible, opéraient peut-être
25 au sein même des rangs de l'UCK. Toutefois, je dois ajouter que même dans
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1 les zones contrôlées par l'UCK, il y avait encore des gens qui y opéraient.
2 Q. Oui. Là encore, au cours de votre première journée de témoignage et sur
3 ce même thème, il s'agit de la page 33 du compte rendu d'audience, vous
4 avez dit la chose suivante : "De nombreuses personnes, à cette période,
5 même aujourd'hui, ont des liens avec les services secrets serbes."
6 Monsieur Krasniqi, j'aimerais m'attarder quelques instants sur ce point. Ce
7 sera ma dernière question. Dites-vous, en réalité, qu'aujourd'hui, il y a
8 des gens qui travaillent pour les services secrets serbes au Kosovo ?
9 R. Même si ceci ne relève pas de ma responsabilité, je reste convaincu que
10 les services serbe reste puissant aujourd'hui au Kosovo.
11 Q. Vous occupez, au sein de votre pays, un post important à
12 responsabilités. Vous êtes un homme politique de renom. Vous êtes à la tête
13 de l'opposition. Je veux que vos propos soient bien clairs. Selon vous,
14 quels sont les objectifs aujourd'hui des services secret serbes, en tout
15 cas, objectifs de leur présence au Kosovo ?
16 R. L'objectif poursuivi -- d'abord, n'oubliez pas que cela fait plus ou
17 moins 90 ans que ces services serbes opèrent au Kosovo. Ils veulent
18 simplement assurer la survie et perpétuer d'anciennes politiques menées au
19 Kosovo afin de déstabiliser la situation politique et la situation en
20 matière de sécurité. C'est pour cette raison qu'au cours des cinq à six
21 dernières années ils ont exploité des citoyens du Kosovo, les ont manipulés
22 en les empêchant de jouir des changements positifs qui ont lieu dans le
23 pays. Par conséquent, l'objectif de la présence des services secret est de
24 déstabiliser le pays politiquement, de montrer au monde entier que le
25 Kosovo n'est pas un pays sûr pour ses propres citoyens, et que ni les
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1 Albanais, ni la communauté internationale n'est pas assurée la sécurité au
2 sein de ce pays, ni la libre circulation de ces derniers. Voilà quels sont
3 les objectifs poursuivis par ces services. Ses objectifs sont multiples.
4 Ils veulent déstabiliser le Kosovo et faire en sorte que ce pays n'offre
5 pas la sécurité requise pour ses citoyens.
6 Q. J'aimerais maintenant passer à des questions plus spécifiques, Monsieur
7 Krasniqi. Que veuille-je dire par là ? Je voudrais que nous établissions un
8 lien entre ce que vous venez de dire et ce procès. Pourquoi ? Parce que
9 j'aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit au tout début de votre
10 témoignage et je vous renvoie au compte rendu.
11 Reflétant vos propos : "Je crois," que vous avez dit, et c'est à la page 7
12 du compte rendu d'audience, je crois, avez-vous dit, "que l'acte
13 d'accusation contre les trois accusés est fondé sur des éléments motivés
14 politiquement, éléments communiqués par les Serbes occupant le Kosovo".
15 Je vous avais dit hier, Monsieur, que je tâcherais de vous poser des
16 questions précises en sollicitant de votre part des réponses précises. Par
17 conséquent, j'aimerais vous posez la question suivante : êtes-vous d'avis
18 qu'il ne serait pas sûr, ou qu'il ne serait pas raisonnable pour ce
19 Tribunal d'exclure la possibilité selon laquelle un certain nombre
20 d'éléments de preuve ou de témoignage apporté par des citoyens du Kosovo
21 ait pu être influencé par les services secrets serbes.
22 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je vois que M. Whiting s'est levé. Veuillez
23 ne pas répondre pour l'instant.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.
25 M. WHITING : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. J'objecte à
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1 cette question. Lorsque M. Topolski s'est engagé sur cette voie de
2 questions, le témoin a déclaré clairement que ceci ne relevait pas de son
3 domaine de responsabilité. Par conséquent, les questions qui lui sont
4 posées ici s'apparentent à des spéculations de la part du témoin et ne
5 trouve aucun fondement, aucune base. On lui parle d'autres éléments de
6 preuve, d'autres témoignages qui ont été faits devant ce Tribunal par
7 d'autres témoins. S'il y a un fondement quelconque à ce type de question,
8 et bien soit; mais je ne pense pas que l'on doit donner au témoin
9 l'autorisation de s'engager sur cette voie purement spéculative concernant
10 des témoignages faits par d'autres témoins.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Topolski.
12 M. TOPOLSKI : [interprétation] Premièrement, en ce qui concerne la
13 pertinence de ce qui est dit par ce témoin et part d'autres, je crois que
14 j'ai ouvert, il y a quelques semaines et quelques mois, un domaine qui doit
15 faire l'objet d'un examen de la part de la Cour. Il s'agit notamment de la
16 question d'influence qui aurait pu être exercée à l'encontre d'un certain
17 nombre de témoins venus témoigner ici. Ce que ce témoin a dit lors de son
18 interrogatoire principal, c'est que juste après la ligne que je viens de
19 citer, il a dit la chose suivante : "Je suis un témoin qui a été traité,"
20 c'est ce qui a été dit, "avant de venir ici s'exprimer ici devant le
21 Procureur de ce Tribunal. Ils ont été traités en quelque sorte par les
22 services de renseignements serbes".
23 C'est sur la base de cette réponse qu'il a donnée que je lui ai posé cette
24 question. Mon objectif est de clarifier la situation. C'est sur la base
25 d'une chose que ce témoin a dit que je pose la question que je viens de
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1 poser.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez sur la
3 base que vous venez de nous indiquer afin d'établir un fondement très
4 factuel.
5 M. TOPOLSKI : [interprétation] Très bien.
6 Q. Monsieur Krasniqi, vous venez d'entendre l'échange qui vient d'avoir
7 lieu. Ce que je souhaite simplement faire, c'est vous poser la question
8 suivante : Vous nous avez dit lorsque vous vous êtes installé à la barre
9 des témoins, vous avez parlé de témoignages politiquement motivés, de
10 personnes qui avaient été à la solde de l'occupant violent. Vous avez dit :
11 "Je sais que d'autre témoins sont passés entre les mains des services
12 secret serbes avant de venir s'exprimer devant les Procureurs du Tribunal".
13 Alors est-ce que cette réponse a été une réponse honnête de votre part,
14 cette réponse que vous avez donnée au cours de votre premier jour de
15 témoignage ici ?
16 R. Je crois que toutes les réponses que j'ai faites ont été honnêtes. J'ai
17 été très concret dans les réponses données à toutes les questions qui m'ont
18 été posées. J'ai essayé de détailler toutes mes réponses à l'aide de faits
19 concrets. Si on me demande de revenir sur ce point en particulier, et bien,
20 je peux fournir des faits nouveaux qui vous prouveront que mes propos ont
21 été fondés sur des faits et seulement sur des faits.
22 Q. Très bien, parce que ce qui nous intéresse effectivement ce sont les
23 faits et non pas les éléments spéculatifs ou des rumeurs, Monsieur
24 Krasniqi. Veuillez, s'il vous plaît, dire à cette Chambre, si vous pouvez
25 nous dire sur quels faits vous vous basez lorsque vous dites que des gens
Page 3464
1 sont passés entre les mains des services de renseignements serbes ? Quels
2 sont les faits qui étayent cette affirmation de votre part ?
3 R. Je me base sur le cas de nombreux témoins qui sont venus ici pour
4 déposer, de nombreux témoins qui ont participés à des procès menés au
5 Kosovo, et sur le fait qu'il y a eu un certain nombre de tentatives même
6 ici, tentatives visant à décrire la guerre menée par le peuple albanais du
7 Kosovo sous une lumière inexacte.
8 Je me base aussi sur le fait selon lequel tous les crimes commis au Kosovo
9 avant la guerre et pendant la guerre par la police et l'armée serbe, n'ont
10 pas abouti à une quelconque procédure afin de punir ces crimes. Personne au
11 sein des rangs de l'armée serbe, personne parmi les leaders serbes, n'a été
12 tenu responsable des crimes qui ont été commis. Tout ceci se fonde sur ce
13 qui a été dit par ceux qui ont été au service des Serbes, tout ceux qui ont
14 travaillé au sein des services secrets serbes.
15 Ces dernières années, les forces politiques du Kosovo ont tenté de faire
16 évoluer la situation politique, d'épauler les Procureurs et membres du
17 système judiciaire qui opéraient déjà sous le régime serbe.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.
19 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En ce qui concerne la première ligne
21 de la réponse, peut-être qu'il y a là un élément qui présente un certain
22 potentiel.
23 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] "Les témoins qui sont venus ici
25 déposer." Je ne sais pas ce que cela implique.
Page 3465
1 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui, effectivement. Par prudence, je pense
2 que nous devrions passer en audience à huis clos partiel.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En effet.
4 Audience à huis clos partiel.
6
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
8 partiel. M. TOPOLSKI : [interprétation]
9 Q. Monsieur Krasniqi, nous sommes passés en audience à huis clos partiel.
10 Cela signifie que personne en dehors de ces murs ne peut entendre ce qui se
11 passe à l'intérieur de ce prétoire.
12 Vous avez dit au début de votre réponse que, je vous cite, vous avez parlé
13 plus précisément de "témoins qui sont venus ici déposer."
14 Monsieur Krasniqi, je vous le rappelle, ce qui nous intéressent ici sont
15 les faits, exclusivement les faits, et non pas des éléments d'information
16 spéculative uniquement. Etes-vous à même ici de donner à ce Tribunal des
17 noms des témoins qui auraient été influencés par les services secrets
18 serbes ? Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît, pour l'instant.
19 R. Des témoins qui ont déposés, non pas sous leurs propres noms, mais sous
20 un nom de code, ceux qui ont déposé devant cette Chambre de première
21 instance, avaient des liens étroits avec les services secrets serbes.
22 Q. Veuillez répondre par oui ou par non à la question
23 suivante : connaissez-vous l'identité exacte de l'un ou l'autre de ces
24 témoins ? Répondez par oui ou par non, simplement, s'il vous plaît.
25 R. Je ne connais pas leur identité exacte, mais je connais la teneur de
Page 3466
1 leur témoignage.
2 Q. Soyons clairs, s'il vous plaît, Monsieur. Etes-vous en train d'affirmer
3 que le fait qu'ils aient témoigné de manière anonyme indique que, d'une
4 manière ou d'une autre, leur témoignage ait pu être influencé par les
5 services secrets serbes ? Est-ce ce que vous êtes en train d'affirmer ?
6 R. Oui.
7 Q. C'est là votre avis personnel sur la question ?
8 R. Ce n'est pas seulement le mien, mais puisqu'ici, je m'exprime en ma
9 qualité personnelle, effectivement c'est mon avis.
10 M. TOPOLSKI : [interprétation] Madame le Juge, Messieurs les Juges, je ne
11 sais pas ce qu'en pense le Tribunal, mais s'agit-il là d'une base
12 suffisante sur laquelle je pourrais appuyer la proposition ou la suggestion
13 que j'avais l'intention de faire au cours de mon contre-interrogatoire, et
14 sur lequel je me proposais de conclure ?
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre estime que ce n'est pas une
17 base suffisante, Maître Topolski.
18 M. TOPOLSKI : [interprétation] Merci beaucoup.
19 Q. Merci à Monsieur Krasniqi de sa patience, également. Je n'ai plus de
20 questions.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne sais pas très bien vers qui mon
22 regard doit se tourner. Monsieur Mansfield, peut-être ?
23 Nous devons repasser en audience publique, je crois, Maître Mansfield.
24 M. MANSFIELD : [interprétation] S'il vous plaît.
25 [Audience publique]
Page 3467
1 Contre-interrogatoire par M. Mansfield :
2 Q. [interprétation] Monsieur Krasniqi, bonjour. Je représente Fatmir
3 Limaj, assit derrière moi, un peu à ma droite. Vous serez heureux
4 d'apprendre que je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, puisqu'un
5 grand nombre d'entre elles ont déjà été. J'espère pouvoir en terminer dans
6 l'heure qui suit.
7 J'aimerais commencer, si vous me le permettez, par vous poser un certain
8 nombre de questions sur Fatmir Limaj. Vous nous avez dit de l'avoir
9 rencontré en juin, et à un certain nombre d'occasions par la suite. Je ne
10 doute pas que vous l'ayez rencontré après la fin de la guerre, avant qu'il
11 ne soit transféré ici aux mains de ce Tribunal. Ma première question serait
12 la suivante : pourriez-vous tout d'abord me dire, quelle est votre opinion
13 générale de Fatmir Limaj en tant que personne ?
14 R. Oui.
15 Q. Je vous demanderais d'être un peu plus loquace. Quel est votre avis ?
16 Que pensez-vous de lui ?
17 R. Comme je l'ai dit déjà au cours de la session d'hier, je crois la
18 deuxième, je connais Fatmir Limaj depuis juin 1998. Puis par la suite,
19 particulièrement après octobre et novembre 1998, je l'ai connu de plus
20 près, étant donné que nous étions tous les deux membres de l'état-major
21 général de l'UCK. Au cours de cette période, nous avons été des amis
22 proches, de bons amis, et il a fait preuve d'un grand talent de
23 communication avec les citoyens. Il a beaucoup soutenu les citoyens, et
24 particulièrement ceux qui pendant l'offensive serbe ont trouvé refuge dans
25 les vallées des monts Berisa, dans les vallées qui surmontaient Kishna
Page 3468
1 Reka, Nekovce, Bajice, Shale, et Kroimire. Dans ces boyaux, et au cours des
2 fréquentes offensives menées par les Serbes, il y a eu de 60 000 à 70 000
3 civils à la recherche d'un abri, principalement des femmes, des enfants et
4 des personnes âgées, des personnes d'autres âges, également, en raison du
5 manque d'armes et des moyens nécessaires pour armer la population.
6 L'aide et le soutien qu'il a apporté à la population civile sont tels qu'il
7 ne devrait pas être, aujourd'hui, là où il se trouve et qu'il devrait être
8 récompensé pour ce qu'il a fait. Toutefois, certaines choses se produisent,
9 ainsi va la vie. Sa présence, ici, est insupportable pour sa famille, pour
10 lui-même et pour ses amis; toutefois, nous pensons qu'aujourd'hui, un
11 processus démocratique positif est en route aujourd'hui au Kosovo et son
12 absence dans ce processus démocratique se ressent fortement. En toute
13 sincérité, je vous le dis, son absence se fait ressentir vivement dans le
14 processus de réconciliation entre les citoyens du Kosovo quelle que soit
15 leur nationalité, une réconciliation qui est l'objectif et le but poursuivi
16 par ce Tribunal. Nous pensons que les faits sont en faveur de Fatmir et que
17 sa place est chez lui, car la vie est courte et qu'elle doit être vécue.
18 Q. Je pense qu'une erreur s'est glissée au compte rendu d'audience, il est
19 sans doute fait référence à Disraeli et non pas Israël. Peu importe. Je
20 demanderais que cette erreur soit corrigée, car elle apparaît à deux
21 reprises. Ceci concerne la dernière réponse fournie par le témoin. Je vais
22 poursuivre.
23 Vous avez déclaré qu'avant novembre 1998, Fatmir Limaj n'était pas membre
24 d'état-major général. Au cours de la période située entre le mois d'août et
25 de novembre, on a assisté à la constitution de brigades et celle qui nous
Page 3469
1 intéresse, particulièrement en l'espèce, c'est la 121e Brigade, n'est-ce
2 pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Nous savons, également, et je ne vais pas m'attarder exagérément là-
5 dessus, que le territoire occupé par la 121e Brigade n'était pas le même
6 que celui qui correspondait aux zones ou
7 sous-zones qui existaient avant le mois d'août; est-ce exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Je souhaiterais que l'on revienne, de nouveau, à la période avant la
10 fin du mois d'août. On vous a posé un certain nombre de questions à ce
11 sujet. Ce qui m'intéresse, c'est la période située approximativement entre
12 les mois d'avril et août. Au cours de cette période, en théorie, il
13 existait sept sous-zones que vous avez déjà mentionnées. C'est bien exact,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Nous allons parler de la mesure dans laquelle ces zones étaient
17 opérationnelles ou actives, au cours de cette période. Mais avant cela,
18 est-il exact de dire que Fatmir Limaj ne commandait aucune de ces zones, au
19 cours de cette période, qu'elle soit active ou non ?
20 R. Non.
21 Q. La capacité opérationnelle de ces zones à l'époque dépendait, dans une
22 large mesure, de l'organisation qui prévalait au sein de ces sous-zones,
23 avant avril 1998. Par exemple, la zone de Drenica était mieux organisée et
24 plus à même de devenir active après le mois d'août; est-ce exact ?
25 R. Effectivement.
Page 3470
1 Q. La raison pour laquelle je vous pose cette question est la suivante :
2 en réponse à une question posée par l'Accusation, vous avez dit que la zone
3 de Pastrik, entre les mois d'avril et août, était moins avancée que
4 d'autres pour ce qui est de l'aspect organisationnel. Vous souvenez-vous
5 avoir dit cela ?
6 R. Oui, c'est ce que j'ai dit. Si nécessaire, je peux vous parler de
7 l'organisation de chacune des zones au moment de leur élargissement.
8 Q. Soyons précis. Je pense que la zone de Drenica était la zone la plus
9 avancée de ces sept zones en matière d'organisation et de développement ou
10 est-ce qu'elle se trouvait vers le milieu, près du milieu ?
11 R. Vers le milieu.
12 Q. Dans la zone de Pastrik, d'après ce que vous savez, au cours de la
13 période allant du mois d'avril au mois d'août, est-ce qu'il est vrai que
14 plusieurs unités sont apparues et ont commencé à opérer dans ce secteur ?
15 R. C'est exact.
16 Q. Pourriez-vous nous donner le nom de l'une quelconque des unités qui
17 opérait dans cette zone, au cours de la période située entre le mois
18 d'avril et le mois d'août, lorsque les brigades ont été constituées ?
19 R. Je peux vous donner certains noms, mais je ne peux pas vous donner le
20 nom de toutes les unités. Dans la municipalité de Malisheve, il y avait
21 l'unité Lumi.
22 Q. Oui.
23 R. Dans la municipalité de Rahovec, dans les monts Zatriq, il y avait
24 l'unité 500, qui portait le chiffre 500. Il y avait une autre unité, dans
25 la municipalité de Therande, anciennement appelé Suva Reka; elle s'appelait
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1 Lisi. Il y avait une autre unité dans la municipalité de Prizren, dans le
2 village de Vrini. Mais je ne me souviens pas de son nom. Il y avait de plus
3 petites unités également, mais je ne me souviens pas de leurs noms.
4 Q. Suite aux réponses que vous venez de nous donner, est-ce que l'unité
5 Lisi était également connu sous le nom arbre et l'unité Lumi sous le nom de
6 rivière ? Est-ce que vous pourriez éclairer nos lanternes à ce sujet ? Est-
7 ce qu'il s'agit des mêmes unités ?
8 R. Oui, c'est exact.
9 Q. Vous ne vous souvenez pas de tous les noms. Ce qui m'intéresse, c'est
10 l'Unité Celiku. Est-ce que vous connaissiez bien cette unité ou ces Unités
11 Celiku ?
12 R. Je connaissais l'existence de l'unité qui était dirigée par Fatmir
13 Limaj. Celle-ci était basée à Klecka.
14 Q. Peut-être pourrait-on élaborer davantage sur ce sujet. Au cours de
15 cette période située entre le mois d'avril et le mois d'août, vous nous
16 avez décrit cette période comme étant la deuxième étape du développement de
17 l'UCK; en d'autres termes, il s'agissait d'une étape intermédiaire entre
18 les activités de guérilla qui avaient été menés plutôt, les raids éclairs
19 et le moment où l'UCK est devenu une armée de volontaires, puis, une armée
20 régulière. Il s'agit de l'étape intermédiaire, n'est-ce pas ?
21 R. C'est exact.
22 Q. D'après ce que vous nous avez dit, jusqu'à présent, il semblerait qu'au
23 cours de cette phase de volontariat, l'un des principaux problèmes que
24 rencontrait l'UCK tenait au manque d'infrastructures et de ressources en
25 matière de finance, d'armes et de communications qui auraient permis de
Page 3472
1 contrôler l'afflux des personnes qui souhaitaient entrer dans la
2 résistance. Est-ce que j'ai décrit les choses de façon exacte ?
3 R. Oui.
4 Q. En termes pratiques, cela signifiait que l'échelon supérieur de
5 commandement, cet état-major général mobile que vous nous avez décrit, ne
6 savait pas, nécessairement, combien de personnes s'étaient portées
7 volontaires, où ces personnes se trouvaient, qui, parmi elles, avaient été
8 nommées chefs; est-ce exact ?
9 R. C'est exact.
10 Q. De même, si l'on parle de l'échelon inférieur, c'est-à-dire des unités
11 composées de volontaires, ces unités ou ces groupes ne savaient pas
12 nécessairement combien de personnes s'étaient portées volontaires pour
13 joindre les rangs d'autres unités déployées de l'autre côté de la montagne,
14 par exemple, n'est-ce pas ?
15 R. Non, ils ne savaient pas.
16 Q. Dans les circonstances que nous venons d'évoquer, seriez-vous d'accord
17 avec moi pour dire que l'exercice du contrôle était à la fois confus et
18 difficile, n'est-ce pas ?
19 R. C'était difficile, en effet.
20 Q. Ma question est composée de deux volets. Cet exercice de contrôle était
21 non seulement confus, mais également difficile, au cours de cette période,
22 n'est-ce pas ? Etes-vous d'accord avec les deux éléments de ma question ?
23 R. C'était difficile, c'était confus, en effet. D'autre part, les
24 divisions réalisées par la police et les forces armées serbes rendaient
25 cela encore plus difficile.
Page 3473
1 Q. Vous avez peut-être déjà vu les cartes que nous avons, notamment la
2 carte P1. Si vous ne l'avez pas sous les yeux, elle vous sera présentée. Ce
3 qui m'intéresse particulièrement, c'est la carte numéro 6, extraite de la
4 pièce P1. Les cartes que vous avez sous les yeux portent différents
5 numéros. Ce qui m'intéresse, c'est la carte numéro 6, sur laquelle on voit
6 apparaître des villages et des petits points de couleur rouge. Il s'agit,
7 en fait, de la septième carte de cette liasse de documents. Vous avez sous
8 les yeux la carte numéro 6. Lapusnik se trouve dans un carré rouge, en
9 dessous. On voit Berisa avec un triangle rouge. Si l'on descend sur cette
10 carte, on arrive à Klecka, représenté par un point rouge. Est-ce que vous
11 voyez cela ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous n'allez peut-être pas pouvoir répondre à la question que je vais
14 vous poser, mais je vous la pose, malgré tout. Est-ce que vous savez par
15 hasard si, au cours de la période située entre avril et août, les villages
16 que les unités plaçaient sous le commandement de Fatmir Limaj, les Unités
17 Celiku, où se trouvaient les villages que l'Unité Celiku, avec d'autres
18 unités, sont allées aider ? Si vous regardez vers la gauche de cette carte,
19 vers l'ouest, on peut voir Ladrovac et Terpeze. Est-ce que vous êtes en
20 mesure de voir les villages que son unité est allée secourir ?
21 R. Vous voulez savoir comment il est allé à la rescousse des citoyens ou
22 comment il a aidé d'autres groupes dans le cadre d'attaques par l'ennemi ?
23 Q. Je veux parler des occasions où il est allé à la rescousse des citoyens
24 et lorsqu'il a aidé d'autres unités de résistance. Au cours de cette
25 période entre avril et août, il s'est rendu dans un certain nombre de
Page 3474
1 villages. J'ai commencé à parler de ceux qui étaient situés à l'ouest, puis
2 vers le sud, nous avons Malisheve, Banje, et cetera. S'agit-il là des
3 villages qu'il est allé secourir, dont il est allé aider les habitants afin
4 que ces derniers se protègent contre les Serbes ?
5 R. D'après mes souvenirs, il est d'abord allé à Banje, Tepeze, Ladrovc,
6 c'est ce dont je me souviens. Au cours de l'offensive comme je l'ai déjà
7 dit, d'autres villages situés à l'est et au nord-est de Berisa, ce sont des
8 villages où il s'est rendu plus tard.
9 Q. Je souhaiterais vous poser une question au sujet de Lapusnik. Vous avez
10 déjà dit que Lapusnik est située dans la municipalité de Gllogoc laquelle
11 elle-même était située dans la municipalité de Drenica. Est-ce que vous
12 nous dites que Lapusnik a été incluse dans cette zone qui était mieux
13 organisée que d'autres au cours des mois d'avril à août, à savoir la zone
14 de Drenica
15 R. Oui.
16 Q. Au cours de cette période, avez-vous eu l'occasion de vous rendre vous-
17 même à Lapusnik ?
18 R. Non, je ne suis pas allé à Lapusnik
19 Q. D'après ce que nous pouvons voir sur votre carte, ce n'est pas très
20 loin de votre village, le village de Negrovce au nord-ouest de la carte que
21 vous avez sous les yeux; est-ce exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Au cours de cette période, d'après ce que vous nous avez dit, vous avez
24 pas mal circulé en votre qualité de membre de l'état-major général et en
25 tant que porte-parole, vous avez beaucoup circulé dans cette région.
Page 3475
1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous pourriez être plus précis et nous dire le nom des
3 endroits, des lieux que vous avez visités au cours de cette période, de
4 façon que nous puissions mieux comprendre vos déplacements. A titre
5 d'exemple, vous pourrez nous dire que vous êtes allés jusqu'à Malisevo à
6 l'ouest, Zborce à l'est. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée
7 approximative de la surface couverte par vos déplacements au cours de cette
8 période.
9 R. Nous allions à Klecka lorsque nous accordions des interviews ou
10 lorsqu'il y avait des réunions. Divjake, Berisa, entre Divjake et Berisa,
11 il y a un autre village qui n'apparaît pas sur la carte. Il s'agit du
12 village de Novo Selo. Nous sommes allés à Tepeze, Orlate, Negrovce, près
13 de Negrovce, il y a un autre village appelé Vuqak ce village n'apparaît pas
14 non plus sur cette carte.
15 Au nord, il y a Bajice, à l'ouest de Bajice se trouve le village de Terdec.
16 Nous y sommes allés également. Nous sommes allés jusqu'au village de Drenoc
17 qui se trouve au nord du carrefour de Skendaraj-Gllogoc. Nous nous sommes
18 rendus dans des villages de la municipalité de Vushtrri, Podujeva,
19 Mitrovica. Nous sommes allés à Podujeva. Je me suis également rendu dans la
20 région de Dukagjin et de Suhareke. Voilà en gros les déplacements que j'ai
21 effectués en ma qualité de porte-parole à l'époque.
22 Q. Merci. Compte tenu des réponses que vous nous avez données, pouvez-
23 vous nous dire si, à quelque moment que ce soit, vous avez appris qu'un
24 camp de détention était situé à Lapusnik, ou qu'il y avait des rumeurs à ce
25 sujet ?
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1 R. À l'époque, je n'en ai pas entendu parler. J'assume pleinement la
2 responsabilité de mes propos. J'ai entendu parler de cette soi-disant
3 prison après l'arrestation de Fatmir et de ses amis.
4 Q. Compte tenu du poste que vous occupiez au sein de l'état-major général,
5 pouvez-vous nous dire si Lapusnik, au cours de la période entre les mois
6 d'avril et d'août, aurait été un choix raisonnable pour l'établissement
7 d'un camp de détention ?
8 M. WHITING : [interprétation] Objection. Tout d'abord, le témoin a dit
9 qu'il ne participait pas aux questions opérationnelles; deuxièmement, qu'il
10 ne s'est pas rendu à Lapusnik au cours de cette période. Je ne pense pas
11 qu'il puisse répondre à cette question, si ce n'est que par des
12 spéculations.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.
14 M. MANSFIELD : [interprétation] Certes, le témoin a dit qu'il ne s'est pas
15 rendu à Lapusnik au cours de cette période. Toutefois d'après ses réponses,
16 il a dit qu'il a beaucoup voyagé dans la région. Au cours de ces voyages,
17 pendant cette période, je lui ai demandé s'il avait entendu parler de
18 l'existence d'un camp de détention. Ce témoin ne s'occupait pas de
19 questions opérationnelles mais cela ne signifie pas qu'il n'a pas de point
20 de vue, qu'il n'a pas d'opinion à ce sujet.
21 Non seulement il était porte-parole, mais il devait être en contact étroit
22 au niveau de l'état-major général avec ceux qui s'occupaient des questions
23 opérationnelles et il devait savoir, à certains moments, où se trouvaient
24 les lignes de front, où avaient lieu les opérations. Il n'est pas tout à
25 fait dénué d'expérience en questions militaires, et il peut dire si le
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1 choix d'établir un camp de détention à Lapusnik sur la ligne de front, tel
2 que cela a été le cas à un moment donné, était un choix raisonnable.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, au vu les arguments
4 que vous avez avancés dan votre objection, je peux dire que le poids qui
5 sera accordé à la réponse du témoin ne sera pas très important mais je ne
6 vous défends pas de poser cette question.
7 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait votre point
8 de vue, et je ne souhaite pas faire perdre son temps à la Chambre en posant
9 des questions dont les réponses ne pourront pas se voir accorder un poids
10 important. Nous verrons plus tard.
11 Je pensais que nous pourrions prendre la pause.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons respirer, et
13 nous reprendrons à 16 heures 05.
14 [Le témoin se retire]
15 --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.
16 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous vouliez
18 intervenir ?
19 M. WHITING : [interprétation] Oui. Merci Monsieur le Président, avant que
20 le témoin ne rentre dans le prétoire pour la poursuite du contre-
21 interrogatoire pourrais-je soulever une question ? On donne peut-être une
22 impression erronée suite au contre-interrogatoire de Me Topolski, j'en ai
23 déjà parlé avec Me Topolski, il est d'accord avec moi et il est d'accord
24 aussi avec l'amorce de solution que je propose.
25 A la fin du contre-interrogatoire page 16 plus précisément le témoin a
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1 affirmé qu'il avait "des faits étayant l'idée sur laquelle des gens
2 seraient passés entre les mains des services secrets avant de venir déposer
3 en tant que témoin à charge."
4 Afin de donner au témoin l'occasion au témoin de fournir ces faits, nous
5 sommes passé à huis clos partiel et je crains que ceci ne laisse une
6 mauvaise impression à ceux qui suivent ce procès et Me Topolski est, là
7 aussi, d'accord avec moi, je voudrais qu'en audience publique les choses
8 soient rectifiées à savoir que le témoin n'a pas présenté de faits à
9 l'appui de cette idée.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous proposez que soit
11 retenu aux fins du dossier de l'audience ce que vous venez de dire ?
12 M. WHITING : [interprétation] Oui, je crois que ceci suffirait. Je crois
13 qu'il ne serait peut-être pas inutile de rendre publique ce qui s'est dit à
14 huis clos partiel et pour que le dossier de l'audience soit tout à fait
15 dépourvu d'ambiguïtés, ceci pourrait être rendu public.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il est juste de dire que
17 rien n'a été dit à huis clos partiel qui, finalement, aurait justifié ce
18 qui s'est passé. C'est peut-être la bonne façon d'agir Monsieur Whiting. On
19 peut décider de rendre public ce qui était à huis clos partiel.
20 M. WHITING : [interprétation] C'est une excellente solution.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Je vous remercie Monsieur
22 Whiting.
23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, vous avez la parole.
25 M. MANSFIELD : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Krasniqi, ma dernière question consiste à accepter cette offre
2 que vous aviez faite, cela a peut-être nécessité un certain temps, mais
3 vous avez dit qu'au cours de cette période qui va d'avril à août 1998,
4 l'évolution des sous-zones qui sont devenues des zones actives, des zones
5 opérationnelles. Nous avons déjà parlé de Drenica, vous avez dit que
6 c'était la zone la plus opérationnelle et vous avez placé Pastrik au
7 milieu, mais je relève ce que vous proposiez, vous offriez de parcourir les
8 autres zones. J'espère que ceci ne portera pas trop à controverse mais
9 Drenica était commandé par un certain Selimi; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous avez déjà indiqué les municipalités concernées. Si je me trompe,
12 corrigez-moi, je vous en prie. Est-ce que la deuxième zone, la deuxième
13 sous-zone, vu ce que vous avez déjà dit, est-ce que c'était Dukagjin juste
14 au sud, à l'ouest ? Est-ce que c'était la deuxième sous-zone ? Si ce n'est
15 pas le cas dites-nous quelle était cette deuxième sous-zone ?
16 R. Oui, c'était la sous-zone numéro 3 et c'est devenu plus tard la zone
17 numéro 3. C'était juste après la zone de Drenica, du point de vue de
18 l'organisation.
19 Q. Excusez-moi si je m'arrête, mais je regarde ce que vous avez répondu.
20 Est-ce qu'il y a peut-être méprise ? Vous avez dit
21 ceci : "Oui, cela a été la sous-zone 3, et puis c'est devenu plus tard la
22 zone 3." Désolé de vous reposer la question. Est-ce que c'est bien cela ?
23 Est-ce que c'était la sous-zone quelque chose qui est devenu plus tard la
24 zone 3 ?
25 R. C'est la même chose.
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1 Q. Qui était au cours de cette période, d'avril à août, le comandant de
2 cette zone ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
3 R. Le commandant de zone l'est devenu plus tard. A l'époque c'était Ramush
4 Haradinaj.
5 Q. Puisque ce n'est pas loin, pourriez-vous nous dire quelles étaient les
6 municipalités englobées dans cette zone ?
7 R. Oui.
8 Q. Pourriez-vous indiquer quelles sont ces municipalités.
9 R. Istog au nord, et faisant partie de Dukagjin;
10 Peja, Decan, Gjurakoc, et une partie de la municipalité de Klina.
11 Q. Merci. En matière d'organisation après cette sous-zone numéro 3,
12 toujours à cette période, qu'est-ce qu'on avait ?
13 R. C'était très similaire. Cela allait de Pastrik et Shala jusqu'à
14 Bajgora, et puis Llap.
15 Q. Commençons par Shale. Qui était responsable de cet endroit à cette
16 époque ?
17 R. Rrahman Rama [phon].
18 Q. Je pense que vous avez aussi mentionné Pastrik. Qui avait la
19 responsabilité de Pastrik ?
20 R. Il y a eu différentes personnes. D'abord cela a été Musa Jashari, puis
21 ce fut Ekrem Rexha, et enfin Tahir Sinani.
22 Q. Vous avez mentionné trois individus. Est-ce qu'ils se sont succédés au
23 cours de cette période allant d'avril à août ?
24 R. Non, pas à partir du moi d'avril. A la fin du mois de juillet, c'était
25 Musa Jashari qui était le responsable, et ce, si je me souviens bien,
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1 jusqu'au mois de novembre. Après le mois de novembre, ce fut Ekrem Rexha.
2 C'est en mars ou en avril 1999 que Tahir Sinani est devenu commandant.
3 Q. Restons encore à la zone, où à la sous-zone, plus exactement, de
4 Pastrik. Est-ce que nous pouvons en conclure qu'il n'y avait personne se
5 trouvant dans un poste de commandement général - j'insiste sur les mots,
6 excusez-moi - entre avril et juillet 1998 ?
7 R. Non, il n'y avait personne.
8 Q. Ici, je ne veux pas le demander pour toutes les sous-zones, mais pour
9 ce qui est de la sous-zone de Pastrik, quelles étaient, au cours de cette
10 période, les municipalités concernées ?
11 R. Il y avait la municipalité de Malisheve; Rahovec; Prizren; Sharri, qui
12 s'appelait Dragash; ainsi que la municipalité de Suhareke.
13 Q. L'autre zone que vous avez mise sur un pied d'égalité avec Shale et
14 Pastrik, c'était Llap. A un moment donné, au cours de cette période, qui
15 était le responsable de cette zone ?
16 R. La personne qui avait la responsabilité principale de cette zone
17 c'était Rrustem Mustafa.
18 Q. Il ne reste plus que deux sous-zones, me semble-t-il. Ce sera le numéro
19 6, Nerodime ?
20 R. Oui.
21 Q. En ce qui concerne Nerodime, entre le mois d'avril et le mois d'août, à
22 quel moment y a-t-il eu quelqu'un qui avait le commandement général de
23 cette zone ?
24 R. Cela s'est passé vers le mois de juillet, au début août. C'est alors
25 que le commandant de la zone c'était Shukri Buja. Mais je dois préciser
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1 qu'il s'agit ici d'une zone qui se trouvait au nord-est des monts Shari, et
2 cette zone devrait comprendre Shtime, Lipjan, Ferizaj, et Kacanik. Mais
3 étant donné la situation géographique, ou le relief du terrain, l'armée
4 n'était organisée que dans les villages des municipalités se trouvant au
5 pied des monts Shari.
6 Q. Il n'y a plus, je crois, qu'une sous-zone à voir; celle de Karadak,
7 n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Même question, au cours de cette même période, à quel moment y a-t-il
10 semblé qu'il y avait quelqu'un qui avait le commandement ?
11 R. On peut dire de cette zone qu'elle était moins engagée dans des
12 activités militaires. Le commandant de cette zone a été nommé fin 1998 ou
13 début 1999. Il s'appelait Ahmet Isufi.
14 Q. Merci beaucoup de votre aide, Monsieur.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mansfield.
16 Maître Guy-Smith, vous avez la parole.
17 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je défends les intérêts de M.
19 Haradin Bala. Mes questions ne concerneront qu'un seul sujet - je ne veux
20 pas aborder les domaines qui ont déjà si bien été abordés par mes confrères
21 - je veux parler de la population civile déplacée au cours de l'été 1998.
22 Vous avez dit que dans les vallées du mont Berisa; Nekovce, Kishna Reka,
23 Bajice, Shale, et Kroimire, dans ces vallées au-dessus de ces villages, il
24 y avait quelques 60 à 70 000 villageois déplacés qui avaient été chassés de
25 leurs villages suite à l'offensive serbe; est-ce exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Pourriez-vous nous dire quand à commencer ce mouvement des personnes
3 déplacées ? Au cours de quel mois, les gens, les habitants ont-ils dû
4 quitter leurs villages suite au mouvement des Serbes ?
5 R. Le déplacement des personnes a commencé vers la mi-juillet. C'était
6 surtout vrai à Rahovec. L'offensive armée prenant plus d'ampleur au mois
7 d'août et en septembre, la population a été contrainte de quitter ces
8 foyers et de s'installer dans les vallées et dans les montagnes; par
9 exemple, au mont Berisa. De l'autre côté de la route asphaltée, dans les
10 villages de Drenica, à Trnez et Dupcak, ce sont des vallées aussi, dans la
11 vallée de Bajice, dans les montagnes de Vrbovc et aussi dans une plaine
12 Molv [phon]. Les villageois ont quitté leurs domiciles et se sont installés
13 là où ils pouvaient bénéficier d'un soutien stratégique. Cela a duré
14 pendant tout l'été 1998.
15 Q. Vous dites que "les villageois se sont installés là où ils pouvaient
16 bénéficier d'un soutien stratégique," qui s'occupait des villageois de cet
17 afflux soudain de villageois dans ces zones ?
18 R. Les membres de l'UCK se sont eux qui ont surtout protégé ces gens parce
19 que leurs familles se trouvaient parmi ces personnes déplacées. Les soldats
20 devaient d'un côté combattre et de l'autre s'occuper de leurs familles pour
21 les emmener en lieux sûrs.
22 Q. Sommes-nous en droit de dire qu'au cours de cette phase intermédiaire,
23 comme vous l'avez appelée de l'UCK, lorsqu'il y avait une absence
24 d'infrastructure, et un manque de ressources, de fonds, et de moyens de
25 transmission, sommes-nous en droit de dire que parmi les facteurs qui ont
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1 rendu la situation encore plus difficile pour tout le monde, cela a été
2 surtout l'afflux considérable de ces personnes déplacées ?
3 R. Oui, c'est exact. Les chefs de l'UCK ont, bien entendu, été obligés de
4 soutenir, d'aider la population civile. Très souvent, si l'UCK avait des
5 vivres excédentaires, elle les donnait à cette population.
6 Q. Je vous remercie, Monsieur.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Guy-Smith.
8 Monsieur Whiting, des questions supplémentaires ?
9 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Nouvel interrogatoire par M. Whiting :
11 Q. [interprétation] Monsieur, je n'ai que quelques questions
12 supplémentaires, et vous en aurez bientôt terminé, à moins que les Juges
13 souhaitent vous poser des questions. Aujourd'hui, vous avez parlé du FARK à
14 une deux reprises. Vous vous en souvenez ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que le FARK faisait partie de l'UCK ou est-ce qu'il s'agissait
17 de là d'une organisation séparée ?
18 R. Je pense qu'il me faut un certain temps pour vous expliquer la chose.
19 Q. Essayez d'abord de répondre à ma question et puis vous pourrez donner
20 votre explication.
21 R. Il s'agissait d'une autre organisation.
22 Q. Vous souhaitiez fournir une explication brève. Faites-le, s'il vous
23 plaît.
24 R. C'était en 1991 ou 1992, je pense. Ces officiers, j'entends des
25 officiers albanais de l'armée yougoslave, ont été organisés par le
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1 gouvernement de Bujar Bukoshi, qui avait un gouvernement en exile, et qui
2 avait essayé de mettre sur pied une armée composée de ces hommes. Mais les
3 services secrets serbes ont très vite découverts leur intention et ont
4 arrêté certains de ces individus. D'autres ont quitté le Kosovo pour vivre
5 dans des pays occidentaux.
6 Lorsque la guerre a éclaté, les cadres venant de cette première tentative
7 misant à créer une armée estimaient qu'ils étaient des cadres
8 professionnels. Ils se sont regroupés pour revenir au Kosovo. Il y a eu des
9 négociations avec eux, et ils ont accepté de venir au Kosovo en tant
10 qu'experts militaires pour combattre sous l'égide de l'UCK. Mais en fait,
11 ces hommes ont essayé de conserver leurs liens, leurs anciennes attaches,
12 vu leur parcours scolaire, leur formation, des liens avec le gouvernement
13 Bikoshi qui les payaient. Cette formation a fait beaucoup de mal à l'UCK.
14 Je l'ai expliqué lors d'une autre audience, ces hommes ont remis aux forces
15 serbes 5 000 ou 6 000 armes. Une partie de l'armée qu'ils avaient
16 constituée se retirait en Albanie. Fin août ou début septembre 1998, c'est
17 à ce moment-là que 50 soldats sont restés. C'était à peu près ce que je
18 voulais dire en quelques mots à propos du FARK.
19 Q. Tahir Zemi, était-il membre du FARK ?
20 R. Oui.
21 Q. Je pense qu'au cours d'une audience précédente, vous avez dit ceci,
22 peut-être en rapport avec ce que vous venez de dire. Vous avez dit que
23 Tahir Zemi opérait dans la zone de Dukagjin pendant l'été 1998. Est-ce bien
24 ce que vous avez dit dans le cadre de votre déposition ?
25 R. Oui.
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1 Q. Mis à part la zone de Dukagjin, à votre connaissance, est-ce que le
2 FARK a opéré ailleurs, ou est-ce qu'il a limité son action à la zone de
3 Dukagjin ?
4 R. Il y avait aussi des membres du FARK en dehors de Dukagjin, mais leurs
5 moyens d'actions étaient limités. Par conséquent, vers la fin de 1998, ils
6 ont cessé leurs activités.
7 Q. Savez-vous où ils ont opéré en dehors de la zone de Dukagjin ?
8 R. Oui, surtout dans la zone de Pastrik.
9 Q. Où précisément dans la zone de Pastrik, si vous le savez ?
10 R. Surtout à Therande, ancienne municipalité de Suhareke.
11 Q. Aujourd'hui, on vous a posé des questions à propos des combats de
12 Rahovec. Vous avez déclaré que ces combats n'avaient pas été autorisés par
13 l'état-major général. Si j'ai bien compris, vous avez dit que c'était là
14 des combats spontanés. J'ai quelques questions à ce propos. Lorsque l'UCK
15 s'est emparée de Rahovec pour une brève période de temps, était-ce la
16 première fois que l'UCK prenait le contrôle d'une grande ville du Kosovo ?
17 R. Oui, c'était la première fois que l'UCK prenait le contrôle d'une
18 petite ville.
19 Q. Savez-vous qui a mené les forces de l'UCK dans cette attaque en vue de
20 la prise de contrôle de Rahovec ?
21 R. Oui. Rahovec avait sa propre unité qui, jusqu'à cette période-là,
22 opérait à l'extérieur de la ville. Les chefs de cette unité, lorsque
23 l'attaque a commencé, n'étaient pas là. Ils n'étaient ni à Rahovec ni au
24 Kosovo. A cette époque, l'état-major général avait nommé deux militaires
25 afin d'évaluer quelles étaient les possibilités en matière d'opérations
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1 pour l'UCK. Agim Cela -- donc, pour évaluer la situation sur le terrain
2 pour voir ce qu'il était possible de faire dans la région de Rahovec et
3 quel type de choses qu'il était possible de faire. Mais les instructions,
4 les consignes étaient de ne pas entrer à Rahovec, car l'UCK n'était pas en
5 mesure de défendre la ville, de protéger la ville avec les armes dont elle
6 disposait. Par conséquent, la consigne était de ne pas entrer dans la
7 ville. Ceci s'est produit à Bardhi i Madh, à la mine d'Obiliq puisque
8 c'était là l'un des petits villages les plus proches de Pristina. Etant
9 donné le nombre limité d'armes que nous avions, il était difficile
10 d'opérer. En outre, Bardhi i Madh n'était pas un terrain escarpé. Il
11 n'était pas facile pour l'UCK de défendre cet endroit. Mais les deux
12 attaques ont eu lieu sans l'autorisation de l'état-major général de l'UCK.
13 Q. Qui a mené l'attaque en vue de prendre Rahovec ?
14 R. C'est l'unité de Rahovec qui a pris le contrôle de la ville. Je ne me
15 souviens plus du nom, mais je sais qu'il y avait un officier qui portait un
16 pseudonyme, Piktori, je crois. Il avait reçu sa formation au sein de
17 l'école militaire de Yougoslavie. Je n'ai pas d'autres informations à
18 communiquer concernant cet individu. Ce que je sais, c'est que l'attaque a
19 eu lieu sans autorisation de la part de l'état-major général. Après la
20 prise de la ville, l'état-major général a nommé Agim Cela à la tête de la
21 défense de Rahovec. Il s'agissait là d'une décision prise à la hâte. Des
22 combats très forts ont eu lieu au cours desquels le chef Agim Cela qui
23 avait été nommé par l'état-major général, après la bataille, a été tué.
24 Q. Après la bataille de Rahovec, avez-vous entendu dire quoi que ce soit
25 sur l'arrestation d'une quarantaine de civils serbes pendant les combats et
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1 leur disparition définitive, ou avez-vous entendu dire quoi que ce soit à
2 ce propos ?
3 R. Non.
4 Q. Avez-vous entendu dire quoi que ce soit sur la 121e Brigade et sur
5 l'existence de cette dernière à cette époque et sur sa participation aux
6 combats qui ont eu lieu à Rahovec ?
7 R. Lorsque les combats ont eu lieu à Rahovec, les brigades n'avaient pas
8 encore été baptisées ni même formées d'ailleurs. A titre d'exemple, la 121e
9 Brigade a été baptisée d'après le nom Ismet Jashari dont le pseudonyme
10 était Kumanova. Lorsqu'il a été tué, c'était à la fin du mois d'août, le 25
11 ou le 26, je ne sais plus très bien. En tout cas, c'était à la fin du mois
12 d'août. Par conséquent, une brigade n'a pu être baptisée en son honneur
13 avant sa mort. C'est en son honneur que la brigade a été baptisée de la
14 sorte après son décès lors des combats face aux forces militaires serbes.
15 Q. Avant que la 121e Brigade ne soit connue sous le nom de Brigade
16 Kumanova, portait-elle un autre nom ?
17 R. Non.
18 Q. A votre connaissance, n'a-t-elle jamais été appelée simplement la 121e
19 Brigade ?
20 R. Une fois de plus, je tiens à dire que les brigades n'étaient pas
21 formées dans la zone de Pastrik avant l'offensive de l'été, c'est-à-dire,
22 avant le mois d'août. Avant le mois d'août, plusieurs tentatives ont été
23 faites visant à constituer des brigades dans la zone de Drenica et de
24 Dukagjin.
25 Q. J'aimerais maintenant passer à autre chose. Vous avez décrit la
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1 division entre les zones de Drenica et de Dukagjin. J'aimerais m'assurer de
2 bien avoir compris ce dont vous nous avez parlé. Nous avez-vous dit que la
3 municipalité de Klina était divisée entre ces deux zones ? Une partie de la
4 municipalité de Klina se trouvait dans la zone de Drenica, et une autre
5 partie de la municipalité de Klina se trouvait dans la zone de Dukagjin ?
6 R. Oui, c'est exact. Parfois, cet un axe routier qui divisait ces
7 municipalités.
8 Q. Ceci facilite la transition vers la question suivante. En ce qui
9 concerne cette division entre la zone de Drenica et la zone de Pastrik,
10 n'avez-vous jamais entendu dire que ce qui constituait la division entre
11 les deux zones, c'était justement la route principale Peja-Pristina ?
12 Etait-ce ceci qui représentait ou qui coupait la zone en deux ?
13 R. Pas toute la route entre Pristina et Peja ne divisait ces zones Drenica
14 et Dukagjin. J'aimerais que les choses soient claires.
15 Q. Je vous en prie.
16 R. Avant de passer sur le pont vers Kline sur la gauche, avant d'aller à
17 Peja, il y a la route qui va vers Gjurakoc. En direction de Gjurakoc, les
18 villages situés sur la gauche de cette route étaient englobés dans la zone
19 de Pastrik. Au moment d'entrer dans Kline, il y a deux routes. L'une mène à
20 Gjurakoc et Istog. C'est la ligne de division avec Ducagjin. Les villages à
21 gauche étaient de Ducagjin, et les villages sur la droite étaient englobés
22 dans la zone de Drenica. Cette route de Kline vers Gjurakoc et Istog,
23 constitue une intersection avec l'autre route. Là, encore, cette autre
24 route constituait également une ligne de division. Si vous allez de Peja à
25 Ducagjin, sur la droite vous aviez la zone de Ducagjin et sur la gauche
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1 aussi.
2 Q. En ce qui concerne la partie de la route dont vous n'avez pas parlé, la
3 partie qui va de Pristina au croisement d'Orlate. Une route va vers Rahovec
4 et l'autre va vers Peja. Cette partie de la route, en particulier, de
5 Pristina au carrefour d'Orlate, n'avez-vous jamais entendu dire que cette
6 partie, en particulier, était une ligne de division entre Drenica et
7 Pastrik ?
8 R. Oui, mais pas toute la route. Je parle des villages.
9 Q. Concentrez-vous.
10 R. Oui, oui.
11 Q. Attendez. Je vais essayer de vous reposer la question de manière à ce
12 que les choses soient claires. En ce qui concerne cette partie de la route
13 entre Pristina et le croisement d'Orlate, quelle partie de la route
14 constituait cette division entre la zone de Pastrik et la zone de Drenica ?
15 R. Ce n'est pas la route qui séparait les deux zones de Pastrik et de
16 Drenica. Sur la route de Pristina-Peja, il y a un autre croisement près
17 d'Orlate avec une autre route qui va vers Malisheve. De chaque coté de
18 cette route, il y a le village d'Arlat. Le village d'Arlat faisait partie
19 de la zone de Drenica. Puis, il y a le village de Lapusnik également divisé
20 en deux parties. Il y a trois grands hameaux au sein d'un même village, le
21 village étant Lapusnik. Tout ce village était englobé dans la zone de
22 Drenica. Il y a les villages au nord-est des monts Berisa comme Komorane,
23 Kishna Reka et d'autres. Ces villages-là se trouvaient dans la zone de
24 Drenica; la zone militaire de Drenica comme Fushtice, Sankovc, qui se
25 trouvent dans la partie ouest. Ce n'est pas toute la route qui constituait
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1 cette division entre les zones.
2 Q. En ce qui concerne Lapusnik, n'avez-vous jamais entendu dire qu'une
3 partie de Lapusnik se trouvait dans la zone de Drenica, et une autre dans
4 la zone de Pastrik ? Ne l'avez-vous jamais entendu dire ?
5 R. A ma connaissance et à mon souvenir, tout le village de Lapusnik, même
6 s'il se trouvait de l'autre coté de la route, ce village faisait partie
7 aussi de la zone de Drenica.
8 Q. Vous avez dit que Sulejman Selimi, de mai à juin 1998, était commandant
9 de la zone de Drenica. N'avez-vous jamais discuté avec lui sur le thème de
10 cette ligne qui aurait séparée la zone de Drenica et la zone Pastrik ?
11 R. Les responsabilités qu'assumait Sulejman Selimi n'avaient rien à voir
12 avec les zones. Les zones étaient établies par
13 l'état-major général.
14 Q. Ce n'était pas ma question. Ma question était de savoir si vous n'aviez
15 jamais parlé avec lui de cette ligne qui séparait les zones de Drenica et
16 de Pastrik; oui ou non ?
17 R. Non. Non, je n'en ai pas parlé avec lui parce que je pensais qu'il la
18 connaissait.
19 Q. Merci de cette réponse. Je vais passer maintenant à un autre sujet; le
20 dernier, en réalité, de mes questions. Au cours de votre contre-
21 interrogatoire, vous avez tenté de donner une définition du terme
22 collaborateur. La question que je souhaite vous poser est la suivante : au
23 cours des différentes déclarations faites par
24 l'état-major général en 1998, je parle notamment des communiqués, des
25 discours, déclarations politiques, interviews que vous avez donnés. Une
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1 définition du terme collaborateur n'a-t-elle jamais été fournie par l'état-
2 major général ?
3 R. Non.
4 Q. Ma dernière question sera la suivante : au cours du
5 contre-interrogatoire, vous avez répondu à un certain nombre de questions
6 relatives aux procédures éventuelles suivies afin de déterminer qui était
7 ou n'était pas un collaborateur. Là encore, ma question est la suivante :
8 au cours des différentes déclarations faites, discours, communiqués,
9 interviews, déclarations politiques l'état-major général n'a-t-il jamais
10 prescrit une procédure particulière qui devait être suivie afin de
11 déterminer qui était ou n'était pas un collaborateur; oui ou non ?
12 R. Je n'ai pas donné d'explication concernant le terme "collaborateur",
13 parce que nous pensions, à l'époque, et nous continuons de le penser
14 aujourd'hui, que c'est là quelque chose qui est connu et compris.
15 Q. J'aimerais que vous répondiez à ma dernière question, Monsieur, s'il
16 vous plaît. Est-ce que l'état-major général, au cours de 1998, a prescrit
17 une ou plusieurs procédures particulières à suivre afin de déterminer qui
18 était ou n'était pas un collaborateur ?
19 R. Non.
20 M. WHITING : [interprétation] Merci, je n'ai plus de questions.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup Monsieur Krasniqi. Vous
22 serez heureux d'entendre que vous êtes parvenu au terme de votre
23 déposition. Merci de l'aide que vous avez apportée à ce Tribunal. Vous
24 pouvez maintenant disposer et rentrer chez vous.
25 Pourrais-je vous demander, toutefois, de méditer sur une pensée
Page 3493
1 particulière : les témoins dans cette affaire et dans de nombreuses autres
2 affaires, ont pour autorisation, ce qui est une autorisation qui leur est
3 accordée par ce Tribunal, de déposer sous un pseudonyme. Ceci a lieu
4 lorsque le Tribunal, au regard de documents ou d'éléments de preuve qui
5 lui sont présentés, le Tribunal est convaincu que la demande de protection
6 de la part de ce témoin, protection de son nom, protection également
7 d'autres éléments pouvant mener à son identification est nécessaire. Dans
8 ce cas, tout témoin qui, jusqu'à présent, ou qui sera amené à témoigner
9 sous un pseudonyme, le fait conformément à une ordonnance de cette Chambre.
10 Cette ordonnance n'est jamais prononcée sur la base de considérations que
11 vous avez évoquées lors de votre témoignage. Je pense que ceci vous donnera
12 matière à réflexion et peut-être que ceci vous aurait aidé dans votre
13 réflexion, si vous aviez disposé de ces éléments d'information.
14 Merci beaucoup. Vous pouvez maintenant quitter ce prétoire.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
16 [Le témoin se retire]
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Whiting.
19 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, c'est Me Black qui va
20 interroger le témoin suivant et qui est prêt à intervenir. Si vous me le
21 permettez, je demanderais à pouvoir quitter ce prétoire quelques instants.
22 Mais quoiqu'il en soit, c'est Me Black qui va poursuivre.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.
24 Maître Black.
25 M. BLACK : [interprétation] Merci. Le témoin suivant de l'Accusation sera
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1 Mme Susanne Ringgaard, Monsieur le Président.
2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voulez-vous bien lire la déclaration
6 solennelle qui figure sur le document qui vous est tendu.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN: SUSANNE RINGGAARD PEDERSEN [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Je vous en prie, asseyez-vous.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black.
14 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Interrogatoire principal par M. Black :
16 Q. [interprétation] Mademoiselle Ringgaard, merci. Merci d'être présente.
17 R. Je vous en prie.
18 Q. Avant de commencer, j'aimerais vous rappeler que nous allons tous les
19 deux nous exprimer en anglais et que par conséquent, nous risquons de nous
20 exprimer rapidement. N'oublions pas que tout ce que nous allons dire va
21 être interprété dans d'autres langues. Alors, dans la mesure du possible,
22 je vous demanderais de bien vouloir parler lentement et également, de
23 ménager des pauses après mes questions avant de répondre. Ceci, je pense,
24 aidera les interprètes et les sténotypistes. De même, si à un moment ou à
25 un autre, vous ne comprenez pas ma question, n'hésitez pas à me le faire
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1 savoir et j'essaierai de la clarifier.
2 Dans quelques instants, je vous poserai un certain nombre de
3 questions sur votre parcours, sur votre expérience au Kosovo, en 1998 et
4 1999. Mais d'abord, je vais vous poser un certain nombre de questions
5 préliminaires.
6 R. Mm-hmm.
7 Q. Vous souvenez-vous avoir été interviewée par un enquêteur du TPIY au
8 Danemark, le 27 novembre 2003 ?
9 R. Oui, je m'en souviens.
10 Q. Avez-vous signé cette déclaration à l'époque ?
11 R. Oui.
12 Q. Avez-vous eu la possibilité de relire ce document et d'y apporter les
13 corrections éventuellement nécessaires ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous avez d'ailleurs apporté un certain nombre de modifications, hier,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. A part ces quelques corrections, cette déclaration est-elle fidèle ?
19 R. Oui.
20 Q. Merci. Afin que les choses soient bien claires, depuis que vous êtes
21 arrivée à La Haye, vous et moi, nous sommes rencontrés pour parler de votre
22 témoignage, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Mademoiselle Ringgaard, n'avez-vous jamais témoigné, dans le cadre
25 d'autres procédures, sur la période que vous avez passée au Kosovo ?
Page 3496
1 R. Oui. J'ai témoigné dans le cadre d'un procès au Kosovo du commandant
2 Remi.
3 Q. S'agit-il de l'affaire Latif Gashi ?
4 R. Oui.
5 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de nous donner l'essence de
6 votre témoignage au cours de cette procédure ?
7 R. Mon témoignage a porté sur une réunion que j'ai eue avec mon supérieur,
8 Sandra Mitchell, qui était responsable de la division des droits de l'homme
9 au sein de la MVK. Nous avons eu une réunion avec le commandant Remi, en
10 1998, sur la question de la détention.
11 Q. Merci. A l'exception de la déclaration faite au TPIY et de la
12 déposition dont vous venez de parler, n'avez-vous jamais fait toute autre
13 déclaration ou témoigné, dans le cadre d'autres procédures, sur la période
14 que vous avez passée au Kosovo ?
15 R. Non.
16 Q. Dans le cadre de cette procédure, avez-vous vu, à la télévision, une
17 retransmission quelconque d'une partie de ce qui se passe depuis le début
18 de ce procès à la télévision ou ici même, à La Haye ?
19 R. Non.
20 Q. Je vais maintenant vous poser un certain nombre de questions concernant
21 votre parcours. J'aimerais d'abord que vous nous communiquiez votre nom aux
22 fins du compte rendu.
23 R. Je m'appelle Susanne Ringgaard Pedersen.
24 Q. Merci. Où êtes-vous née ?
25 R. Au Danemark.
Page 3497
1 Q. Quelle est votre date de naissance ?
2 R. Le 12 décembre 1960.
3 Q. Pouvez-vous nous parler de la formation que vous avez suivie ?
4 R. J'ai une maîtrise en relations internationales ainsi qu'une autre
5 maîtrise en droit public international.
6 Q. Quelle est votre profession ? Quel poste occupez-vous à l'heure
7 actuelle ?
8 R. Pour l'instant, je suis responsable de la section des droits de l'homme
9 du bureau de l'OSCE pour les institutions démocratiques et les droits de
10 l'homme.
11 Q. Où ?
12 R. A Varsovie.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir brièvement.
14 Vous-même et le témoin entrez dans le vif du sujet et j'ai peur que vous ne
15 le fassiez un peu trop vite. Je parle de ceux, en particulier, qui doivent
16 vous suivre.
17 M. BLACK : [interprétation] Merci beaucoup. Merci de me rappeler cela.
18 Q. Mademoiselle Ringgaard, depuis combien de temps travaillez-vous dans le
19 domaine des droits de l'homme ?
20 R. Depuis 1995.
21 Q. Etes-vous allée travailler au Kosovo à un moment donné ?
22 R. Oui. J'ai commencé à travailler au Kosovo. Je pense que suis arrivée le
23 1er décembre 1998, dans le cadre de la Mission de vérification au Kosovo,
24 MVK, de l'OSCE.
25 Q. Avant de poursuivre, je souhaite préciser, aux fins du compte rendu
Page 3498
1 d'audience, ce que signifie le sigle OSCE ?
2 R. Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
3 Q. Je vous remercie. Est-ce que la mission de la vérification au Kosovo
4 est parfois désignée sous l'acronyme MVK ?
5 R. Oui.
6 Q. M. Younis me signale qu'il est dit dans le compte rendu d'audience que
7 vous pensez être arrivée le 1er décembre 1988.
8 R. Non, 1998.
9 Q. Je vous remercie.
10 Pouvez-vous nous décrire, brièvement, quelle est la mission de la mission
11 de vérification au Kosovo de l'OSCE ?
12 R. La MVK était là pour surveiller l'exécution du cessez-le-feu conclu en
13 octobre, que l'on appelle également l'accord Holbrooke qui date d'octobre
14 1998.
15 Q. Quand la MVK a-t-elle commencé à travailler au Kosovo ?
16 R. Je pense que les premiers membres de la mission sont arrivés vers le
17 mois de novembre. Je ne suis pas sûre de la date. Lorsque je suis arrivée,
18 le 1er décembre, il n'y avait encore que peu de personnes sur le terrain et
19 nous en étions à la phase de mise en place de la mission.
20 Q. Vous avez déclaré qu'au début, il n'y avait que peu de personnes. En
21 mars 1999, pouvez-vous nous dire, approximativement, combien de personnes
22 travaillaient pour la MVK ?
23 R. Environ 1 300 ou 1 400 personnes ont été évacuées au mois de mars.
24 Q. Ai-je raison de dire que vous avez également été évacuée en mars 1999 ?
25 R. Oui.
Page 3499
1 Q. Qu'avez-vous fait ensuite ? Quelle autre fonction avez-vous
2 occupé lorsque vous êtes partie, en mars 1999 ?
3 R. La moitié d'entre nous, dans le cadre des activités de la section des
4 droits de l'homme, nous sommes rendus en Albanie et l'autre moitié est
5 restée en Macédoine. Nous avons auditionné des réfugiés qui avaient
6 traversé la frontière dans ces deux pays.
7 Q. Combien de temps avez-vous fait ce travail ?
8 R. Plusieurs mois.
9 Q. Après cela, où êtes-vous allé ?
10 R. Toutes les auditions ont été rassemblées et emmenées à Varsovie. Une
11 équipe d'analystes a été mise en place afin de consigner toutes ces
12 informations dans un rapport intitulé, en anglais, "As Seen, As Told."
13 Q. Avec l'aide de l'Huissier, je souhaiterais que l'on vous présente un
14 document. En fait, nous allons vous remettre une liasse de documents. Je
15 vous invite à examiner le document qui figure à l'intercalaire numéro 4.
16 Aux fins du compte rendu d'audience, la première page porte le numéro ERN
17 K035-0414. Mademoiselle Ringgaard, connaissez-vous ce document ?
18 R. Oui.
19 Q. S'agit-il, là, du rapport intitulé "As Seen, As Told" que vous venez de
20 mentionner ?
21 R. Oui. Oui.
22 Q. En fait, il s'agit d'extraits de ce rapport, n'est-ce pas ? Savez-vous
23 quand ce rapport a été rédigé ?
24 R. Oui.
25 Q. Pouvez-vous nous expliquer les circonstances dans lesquelles ce rapport
Page 3500
1 a été rédigé ?
2 R. Dans ce rapport, sont consignées, en partie, des informations
3 concernant la période qui a précédé l'évacuation sur la base des éléments
4 que nous avons réussi à emmener avec nous et une partie de ce rapport est
5 fondée sur les interviews que nous avons menées dans les camps de réfugiés
6 sous des formes standard. Toutes ces informations ont été emmenées et
7 saisies dans une base de données.
8 Q. Très bien. Avez-vous participé à la rédaction de ce rapport ?
9 R. Certaines parties, oui.
10 Q. Pouvez-vous nous dire en quoi consistait votre participation ?
11 R. J'ai rédigé la partie sur Gnjilane et sur une partie de la relecture.
12 Nous étions une équipe composée de 12 personnes et nous avons tous
13 travaillé sur différentes parties, différents aspects de ce rapport.
14 Q. Merci. On me rappelle qu'il me faut essayer de parler plus lentement.
15 Si vous avez l'impression que je parle trop lentement, c'est pour les
16 raisons que j'ai évoquées plus tôt. Vous pouvez mettre ce document de côté
17 pour le moment, nous y reviendrons plus tard.
18 Mademoiselle Ringgaard, en quoi consistaient vos fonctions à votre arrivée
19 en décembre 1998 ?
20 R. On m'a demandé de mettre en place la section des droits de l'homme car
21 il n'y avait personne d'autre sur le terrain qui avait des connaissances
22 dans ce domaine, si bien que vers la mi-décembre, lorsque j'ai commencé à
23 travailler à Pristina, après mon cours de formation, nous avons commencé à
24 recruter des personnes au sein de la mission afin de travailler dans la
25 section chargée des droits de l'homme. Début janvier, Sandra Mitchell est
Page 3501
1 arrivée et a été nommée à la tête de la mission chargée des droits de
2 l'homme et j'ai été, pour ma part, coordinateur sur le terrain et j'étais,
3 également, son adjointe.
4 Q. Où étiez-vous stationnée lors de votre séjour au Kosovo ?
5 R. A Pristina.
6 Q. Avez-vous eu l'occasion de vous rendre à l'extérieur de Pristina ?
7 R. Je me suis beaucoup déplacée dans toutes les régions du Kosovo.
8 Q. Peut-être serait-il utile que vous nous expliquiez comment la section
9 chargée des droits de l'homme de la MVK était organisée, sur le plan
10 territorial, au Kosovo ? Y avait-il d'autres antennes, hormis celle de
11 Pristina ?
12 R. La section chargée des droits de l'homme était organisée conformément à
13 l'organisation de la MVK et il y avait des agents chargés des droits de
14 l'homme dans les cinq antennes régionales. Au moment de l'évacuation, il y
15 en avait, également, dans les antennes locales, il y avait des filières de
16 communication entre ces agents chargés des droits de l'homme et le siège de
17 la section chargée des droits de l'homme à Pristina. Mais la filière
18 hiérarchique passait par les centres régionaux.
19 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée du nombre de
20 personnes qui travaillaient dans la section chargée des droits de l'homme ?
21 R. Je ne m'en souviens pas.
22 Q. Peu importe. Je souhaiterais que l'Huissier présente au témoin une
23 carte. Il s'agit de la carte numéro 4 extraite de la pièce à conviction P1.
24 Pourrait-on placer cette carte sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?
25 Ceci serait utile.
Page 3502
1 Mademoiselle Ringgaard, veuillez regarder sur votre gauche, il s'agit d'une
2 carte du Kosovo représentant les différentes municipalités. Vous avez parlé
3 de cinq antennes régionales. A l'aide du pointeur qui se trouve à votre
4 droite - je pense que l'Huissier, va vous le remettre - pourriez-vous, je
5 vous prie, indiquer aux Juges de la Chambre où se trouvaient ces
6 différentes antennes régionales ?
7 R. Mitrovica et Peja; Prizren; Gnjilane; je n'arrive pas à trouver
8 Pristina, voilà Pristina. Je pense que j'ai nommé les cinq ?
9 Q. Oui, cela fait cinq au total.
10 Pour être tout à fait clair, vous étiez stationné à Pristina pendant toute
11 la durée de votre mission là-bas ?
12 R. Oui.
13 Q. J'essaie de parler lentement afin de faciliter la tâche des
14 interprètes. S'agissant des antennes régionales que vous avez indiquées à
15 quel moment ont-t-elles été mises en place.
16 R. Elles ont été mise en place en différentes étapes, je ne me souviens
17 pas exactement -- même au moment de notre évacuation, tout n'était pas mis
18 en place mais ces antennes ont commencé petit à petit à fonctionner. La
19 première antenne était Pristina, puis Gnjilane et toutes ces antennes ont
20 commencé à fonctionner plus ou moins normalement vers le mois de janvier.
21 Q. Merci beaucoup, nous n'avons plus besoin de cette carte pour le moment.
22 Je souhaiterais, à présent, vous poser quelques questions au sujet de la
23 manière dont fonctionnaient la MVK et notamment la section chargée des
24 droits de l'homme. Quels types d'activités étaient entrepris par la section
25 chargée des droits de l'homme au sein des différentes antennes du Kosovo ?
Page 3503
1 R. Les officiers chargés des droits de l'homme dans les centres régionaux
2 et les antennes locales déployées sur le terrain, recevaient des plaintes
3 de la part de la population civile au sujet de violations alléguées des
4 droits de l'homme. Ils s'efforçaient ensuite de vérifier ces informations
5 et faisaient rapport au siège à ce sujet. Ils intervenaient localement et
6 dans les cas plus graves lorsqu'on pouvait déceler un scénario qui se
7 répétait, l'intervention se faisait directement au niveau du quartier
8 général ou du siège de l'organisation.
9 Q. Merci, parlons d'abord de la première étape, le recueil d'informations.
10 Pourriez-vous nous expliquer comment cela se passait ? Est-ce qu'il y avait
11 une procédure standard à suivre en matière de recueil de plaintes ?
12 R. Oui, nous avions des formulaires standards, il y avait un formulaire
13 général, et un autre consacré aux personnes disparues. De nombreuses
14 plaintes étaient déposées par des personnes qui, en fait, se rendaient
15 personnellement aux antennes pour déposer les plaintes, mais également
16 lorsqu'il y avait des patrouilles sur le terrain qui entraient en contact
17 avec l'UCK ou avec la police.
18 Q. Pour bien vous comprendre, ces formulaires standards étaient utilisés
19 lors des entretiens afin de recueillir les informations nécessaires; est-ce
20 exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Je souhaiterais qu'on utilise le système d'affichage électronique, je
23 voudrais vous montrer quelques documents à l'écran qui est situé devant
24 vous. Le premier de ces documents porte le numéro ERN U008-1457, qui figure
25 à l'intercalaire 3 de la petite liasse de documents que vous avez également
Page 3504
1 en version papier.
2 R. Bien.
3 Q. Ce qui m'intéresse, c'est la première page et les deux ou trois pages
4 suivantes aux fins du compte rendu d'audience, il s'agit des documents
5 U008-1457 à 1460. Si vous vous en souvenez bien, je vous ai montré ces
6 documents hier ?
7 R. Oui, je m'en souviens.
8 Q. S'agit-il là d'un exemple de formulaire standard dont vous avez parlé
9 tout à l'heure ?
10 R. Oui.
11 Q. Ces formulaires étaient remplis par les employés de la section chargée
12 des droits de l'homme, n'est-ce pas ?
13 R. Pas nécessairement. Les employés de la section chargée des droits de
14 l'homme s'en chargeaient, mais il y avait également d'autres employés qui
15 recevaient ce type de plaintes.
16 Q. Est-ce que ces autres employés travaillaient au sein de la MVK ?
17 R. Oui.
18 Q. Merci beaucoup.
19 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que l'on
20 attribue une cote à ces documents.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document recevra la cote P147.
23 M. BLACK : [interprétation] Merci.
24 Q. Vous avez peut-être brièvement abordé ce sujet, mais pourriez-vous nous
25 dire quelles étaient vos sources ? Qui fournissait des informations à la
Page 3505
1 MVK ?
2 R. Les civils avec qui nous avions des contacts mais également l'UCK, la
3 police et l'armée nous transmettaient des informations.
4 Q. Lorsque vous receviez ces informations et que vous les consigniez dans
5 ces formulaires standards, quelle était l'étape suivante ?
6 R. Les officiers chargés des droits de l'homme, s'il le pouvait,
7 intervenaient au niveau local; ou bien, les formulaires remplis étaient
8 archivés pour être utilisés ultérieurement. Ils étaient soumis soit
9 d'urgence au siège, soit dans le cadre de rapports hebdomadaires où on
10 décrivait l'évolution de la situation.
11 Q. Pour être tout à fait clair, lorsque vous dites que "ces informations
12 étaient transmises au siège," est-ce que vous voulez parler de Pristina ?
13 R. Oui.
14 Q. Lorsque ces informations arrivaient au siège à Pristina, y avait-il une
15 autre étape, est-ce que ces informations étaient transmises à quelqu'un
16 d'autre ?
17 R. A nos supérieurs bien entendu. Au chef adjoint de la mission et au chef
18 de la mission, l'ambassadeur Walker, afin qu'ils prennent connaissance de
19 l'évolution de la situation et soient informés d'incidents graves
20 éventuels.
21 Q. Est-ce que la MVK enquêtait de façon active au sujet des allégations
22 qui étaient faites ?
23 R. Dans la mesure du possible, oui.
24 Q. Peut-être que vous nous en avez déjà parlé, mais pourriez-vous nous
25 dire quels types d'activités vous pouviez entreprendre après avoir entendu
Page 3506
1 parlé de ces incidents ?
2 R. Nous pouvions exprimer nos inquiétudes auprès des personnes
3 intéressées, qu'il s'agisse de l'UCK ou comme c'était le cas le plus
4 souvent de la police ou de l'armée. Cela arrivait parfois au niveau local
5 mais également, très souvent à des échelons supérieurs.
6 Q. J'y reviendrai un peu plus tard. Quittons les procédures et venons-en à
7 la teneur des informations que vous receviez. Vous nous avez dit que la MVK
8 rassemblait des informations relatives à des violations des droits de
9 l'homme. En quelle année, d'après ces allégations, ces violations ont-elles
10 été commises ?
11 R. Dès le début de l'année 1998 et elles se sont poursuivies jusqu'au
12 moment de l'évacuation.
13 Q. Parlons quelques instants de l'année 1998. Quels types de violations
14 des droits de l'homme, quels types de crimes ont été commis au cours de
15 cette année d'après les allégations que vous avez reçues ?
16 R. Il y avait énormément de choses qui se passaient pendant que nous
17 étions présents sur le terrain, mais nous n'avons été en mesure de réagir
18 qu'à partir de 1999, et il y a un certain nombre d'incidents qui
19 remontaient à 1998, il s'agissait dans la plupart des cas de personnes
20 disparues. Des pressions importantes étaient exercées par les proches des
21 Serbes qui étaient portés disparus.
22 Q. J'y reviendrai dans quelques instants, mais je souhaiterais vous posez
23 quelques questions préalables sur la vague des informations que vous
24 receviez, étiez-vous en mesure de déterminer qui étaient les responsables
25 de ces violations ?
Page 3507
1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection, la question est vague.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il convient d'explorer un
3 peu plus avant cette piste.
4 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Vous pouvez répondre à la question que je vous ai posée Mademoiselle le
6 Témoin, sinon j'essaierai de la reformuler.
7 R. Il y avait de nombreuses allégations formulées des deux côtés. Nous ne
8 disposions pas des effectifs qui permettaient ou qui aurait permis, à
9 l'époque, d'examiner toutes ces allégations. Il nous appartenait de décider
10 de ce qu'il convenait de faire conformément à l'accord Holbrooke.
11 L'exception était les affaires relatives aux personnes disparues. Nous nous
12 occupions de nombreuses affaires relatives aux personnes disparues et il
13 s'agit de celle dont je peux vous parlez qu'il s'agisse d'Albanais portés
14 disparus après avoir été placés en détention ou d'autres qui étaient allés
15 renouveler leur permis et qui n'ont jamais été revus par la suite. Il y
16 avait également des allégations concernant des personnes Serbes ou
17 Albanaises qui avaient disparues au cours -- Serbes ou Albanais de souche
18 qui avaient disparus lors des tirs des combats entre juin et septembre
19 1998. Il y a eu un certain nombre d'allégations concernant l'UCK qui
20 auraient placé des Serbes en détention au cours de cette période.
21 Q. Merci. Je pense que vous avez dit qu'il y avait des allégations à
22 l'encontre des deux parties belligérantes. Vous avez parlé des forces
23 serbes et de l'UCK; est-ce de cela que vous vouliez parler ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous souvenez-vous à quel moment la MVK a appris, pour la première
Page 3508
1 fois, l'existence d'enlèvements menés par l'UCK ou de disparitions en
2 rapport avec l'UCK ?
3 R. Nous en avons entendu parlé par le biais de ce groupe composé de
4 proches des Serbes qui avaient été portés disparus. Il y avait des
5 manifestations assez importantes devant notre siège à Pristina en 1998, en
6 décembre. Suite à ces pressions et à d'autres pressions exercées depuis
7 Belgrade, le directeur de la mission a pris cette question à cœur et a
8 promis que nous nous efforcerions de faire de notre mieux pour examiner ces
9 allégations.
10 Q. Vous souvenez-vous de quoi que ce soit au sujet des allégations qui ont
11 été faites par ce groupe qui est venu en décembre 1998 ? Vous souvenez-
12 vous notamment de la période au cours de laquelle ces disparitions ont eu
13 lieu ?
14 R. La plupart des personnes mentionnées avaient disparues entre juin et
15 septembre 1998.
16 Q. Vous souvenez-vous de l'endroit ou de la région à partir desquels ces
17 personnes ont été enlevées ?
18 R. Ceux dont je me souviens essentiellement, c'est des incidents
19 concernant des personnes dont les proches qui habitaient à Orahovac avaient
20 été portés disparus suite aux combats menés entre juin et septembre dans
21 des zones contrôlées d'abord par les Serbes, puis par l'UCK, puis par les
22 Serbes. La plupart de ces personnes étaient des femmes. Ce sont elles qui
23 sont venues nous voir, leurs maris et leurs fils avaient été placés en
24 détention par l'UCK et on ne les avait jamais revu.
25 Q. Merci.
Page 3509
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] L'heure est-elle venue de faire la
2 pose ?
3 M. BLACK : [interprétation] Tout à fait.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à 17 heures 50.
5 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.
6 --- L'audience est reprise à 17 heures 56.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black, vous avez la parole.
8 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. Mademoiselle, je vais vous le redire, ce n'est peut-être pas naturel
10 pour vous de le faire, mais essayer de ralentir votre débit.
11 R. Je vais essayer.
12 Q. Je vais faire pareil. Si vous faisiez une brève pause, avant de
13 répondre à ma question, cela nous aiderait peut être. Je sais ce n'est pas
14 facile.
15 Avant la pause, vous nous parliez de cette réunion qui s'est tenue en
16 décembre 1998, vous avez déclaré que le chef de la mission avait pris la
17 question à cœur, et avait essayé de voir ce qu'il pouvait faire. Mais est-
18 ce que la MVK a fait quelque chose suite à cette réunion pour essayer de
19 répondre à ces inquiétudes ?
20 R. Ses parents ont exprimé des inquiétudes et nous avons, tout d'abord,
21 essayé d'y répondre en nous adressant à M. Adem Demaqi à Pristina. Celui-ci
22 ne pensait pas qu'il y avait des serbes qui étaient détenus par l'UCK. De
23 façon générale, aussi bien le CICR que nous et d'autres personnes sur le
24 terrain étions d'accord pour dire que quelles que soient les circonstances
25 ayant précédé à la disparition de ces serbes, il était sans doute probable
Page 3510
1 que ces personnes n'étaient plus en vie.
2 Par la suite, nous avons demandé la tenue d'une réunion avec le commandant
3 de zone, Remi.
4 Q. Je vous interromps pour vous poser quelques questions avant que vous ne
5 poursuiviez.
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Aux fins du dossier, je fais objection à la
7 dernière réponse qui n'est pas fondée et qui n'exprime qu'une opinion
8 personnelle.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Attendez que je revoie la réponse de
10 madame.
11 Oui, il est compris que c'est là un récit des événements davantage qu'une
12 preuve, disant qu'il n'y avait personne qui soit encore en vie. Est-ce que
13 ceci vous aide, Maître Guy-Smith ?
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
15 M. BLACK : [interprétation]
16 Q. Soyons clairs sur un point. Qui est Adem Demaqi ?
17 R. Est-ce que je peux revenir sur ma dernière réponse ?
18 Q. Je vous en prie.
19 R. Cette conclusion s'appuyait sur ce que savaient les personnes qui
20 travaillaient dans des conflits armés, plus la durée de la disparition se
21 prolonge, plus il est probable que ces personnes aient perdu la vie.
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Même objection, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons pris note de votre
24 objection.
25 M. BLACK : [interprétation]
Page 3511
1 Q. Essayons de répondre, Mademoiselle, à ma question. Qui est Adem
2 Demaqi ?
3 R. Je me souviens bien. Il était le directeur public ou politique de l'UCK
4 et quelqu'un qui était, sans doute, plus aisément en contact avec les
5 commandants de zones.
6 Q. Vous est-il arrivé de le rencontrer personnellement ?
7 R. Je l'ai rencontré une fois, effectivement.
8 Q. Quand l'avez-vous rencontré ?
9 R. Je ne m'en souviens pas.
10 Q. Il y a-t-il eu d'autres réunions avec ce groupe qui avait protesté en
11 décembre ?
12 R. Entre la première réunion de décembre et le moment de l'évacuation, il
13 y a eu trois ou quatre réunions, je crois.
14 Q. Quels furent les représentants de la MVK qui ont participé à ces
15 réunions; vous en souvenez-vous ?
16 R. Le chef de mission, l'ambassadeur Walker a participé à quelques unes de
17 ces réunions, j'y étais moi aussi et d'autres membres de la section chargée
18 des droits de l'homme. Pour d'autres réunions, c'était simplement des
19 membres du personnel de la division chargée des droits de l'homme.
20 Q. Ceci m'amène à poser la question suivante : est-ce que vous avez joué
21 un rôle personnellement pour ce qui est de recueillir des informations en
22 matière d'enlèvements.
23 R. J'avais pour mission de soutenir nos agents chargés des droits de
24 l'homme dans les cinq régions mais personnellement, je n'ai pas recueilli
25 de déclarations de la part de personnes qui faisaient état de la
Page 3512
1 disparition de proches.
2 Q. Avez-vous eu des contacts avec des familles de personnes portées
3 disparues, ou des groupes les représentant.
4 R. Oui. J'avais pour responsabilité de coordonner les réponses de la MVK,
5 réponses à donner à ces groupes de parents de Serbes portés disparus. C'est
6 dans ce contexte que j'ai rencontré ces personnes. Mais je ne sais plus
7 combien de fois, je les ai rencontrées. Je les rencontrais une ou deux fois
8 par mois peut-être.
9 Q. Merci. Vous avez parlé de ces groupes de parents de Serbes portés
10 disparus, mais est-ce qu'il y avait aussi des groupes représentant les
11 Albanais portés disparus.
12 R. Oui, il y en avait de ces groupes, mais ils n'étaient pas aussi bien
13 organisés que les Serbes. C'était l'impression très nette que ceci nous
14 avait fait. Nous avions l'impression que les autorités de Belgrade
15 cherchaient à organiser ces personnes de façon à faire pression sur la
16 mission et de façon à détourner notre attention d'autres questions qui se
17 posaient, à l'époque, au Kosovo.
18 Q. Merci. Encore quelques questions connexes avant de passer à notre
19 sujet. Vous est-il arrivé de recevoir des rapports de personnes qui
20 auraient pris contact avec les familles de personnes portées disparues et
21 qui donneraient des informations à propos de parents portés disparus. Est-
22 ce que c'est arrivé ? Est-ce que ma question n'est pas claire ?
23 R. Non, je ne comprends pas.
24 Q. Je vais reformuler ma question. Avez-vous reçu des rapports disant que
25 des personnes avaient contacté des familles de personnes portées disparues
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1 disant, moi, j'ai des informations à propos de la personne portée disparue.
2 R. Oui. Nous avons reçu des rapports de ces parents qui nous ont dit avoir
3 reçu des informations qu'ils tenaient de personnes dont ils ne tenaient pas
4 à dévoiler l'identité, mais qu'ils avaient reçu des renseignements disant
5 que leurs parents avaient été vus en Albanie ou encore dans des camps de
6 l'UCK. Nous avons découvert que souvent c'était en rapport avec des
7 personnes qui demandaient de l'argent à ces parents pour fournir ce genre
8 d'information et qu'ils abusaient de la situation pour obtenir de l'argent,
9 au fond.
10 Q. A votre connaissance, est-ce qu'aucun de ces rapports s'est avéré ?
11 Est-ce qu'il est arrivé à ces gens de rentrer chez eux ?
12 R. Non, à ma connaissance, personne n'est revenu. A l'époque, il devait y
13 avoir quelque 150 Serbes portés disparus. Nous avons sans arrêt reçu des
14 délégations de la part de l'UCK qui disaient ne pas détenir de Serbe et,
15 dans certains cas, où cela s'est passé c'était pour une brève période de
16 temps et la MVK a réussi à obtenir leur libération.
17 Q. Je vais changer de sujet pour parler de crimes commis par l'UCK. Est-ce
18 que vous avez présenté ce genre d'allégations à l'UCK ?
19 R. Je ne l'ai pas fait personnellement, mais l'officier de liaison de la
20 MVK auprès de l'UCK a, plusieurs fois, soulevé la question et, chaque fois,
21 ces informations ont été niées.
22 Q. Vous personnellement, est-ce que vous avez rencontré quelqu'un de
23 l'UCK. Je crois que vous aviez commencé à nous en parler précédemment.
24 R. Oui. J'ai rencontré le commandant de zone Remi une fois. J'ai rencontré
25 plusieurs fois Rushti Jashari de Petrovo et j'ai rencontré aussi un
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1 commandant de zone dans cette région mais je ne me souviens pas de son nom.
2 Q. Parlons de la réunion que vous avez eue avec le commandant Remi. Est-ce
3 que vous vous souvenez de la date à laquelle vous avez eu cette réunion ?
4 R. Le 18 février 1999.
5 Q. Je ne vous ai pas entendu.
6 R. Le 18 février 1999.
7 Q. Merci. Je vais vous demander de parler un peu plus fort. Cela
8 m'aiderait, cela aidera peut-être aussi les interprètes. Cette réunion, où
9 a-t-elle eu lieu ?
10 R. Au siège, au QG de la zone de Llap, à Llapashtica.
11 Q. Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un d'autre que le commandant
12 Remi ?
13 R. Cette fois-là, nous avons aussi rencontré un commandant de la police
14 militaire qui s'appelait Fati. Il y avait aussi des soldats de l'UCK de
15 rang subalterne, mais qui étaient présent. Je ne sais plus combien ils
16 étaient et je ne savais pas qui ils étaient.
17 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la teneur de la discussion ou du
18 sujet ?
19 R. Nous parlions de la question de la détention. Nous demandions à pouvoir
20 parler, voir les détenus dans toutes les zones sous le contrôle de l'UCK,
21 car nous avions reçu des rapports faisant état du fait qu'il y avait des
22 Albanais de souche qui se trouvaient en détention.
23 Q. Je vais vous demander de consulter une fois de plus ces documents. La
24 liasse de documents que vous avez reçu. Prenez, si vous voulez bien,
25 l'intercalaire 2. Je demanderais peut-être à M. Younis d'afficher ceci à
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1 l'écran. Le numéro ERN est U008-1461.
2 Est-ce que vous reconnaissez ce document ?
3 R. Oui. C'est le compte rendu de la réunion d'on nous venons de parler.
4 Q. Etes-vous l'auteur de ce rapport ?
5 R. Oui.
6 Q. Je vais vous demander de lire à voix haute certains passages afin que
7 nous sachions de quoi nous parlons. Le plus facile c'est de regarder
8 l'écran car ces passages ont été surlignés, mais si vous avez du mal à lire
9 peut-être voudrez-vous utiliser la copie sur support papier.
10 R. "Au cours de la première réunion avec le commandant de zone" --
11 Q. Je vous interromps un instant. Nous voulons que ceci soit acté au
12 dossier de l'audience. Je vous demande de lire la première partie surlignée
13 qui commence par les mots suivants : "Au cours de la première réunion avec
14 le commandant de zone". Je vous demande de poursuivre la lecture.
15 R. Laquelle ?
16 Q. Oui. La partie surlignée que vous avez commencé à lire.
17 R. "Procès-verbal de la réunion du 18 février 1999 avec le commandant de
18 zone et le chef de la police militaire de l'UCK à Llapashtica à Podujevo en
19 ce qui concerne les visites relatives à la détention.
20 "Au cours de la première réunion avec le commandant de zone la discussion
21 s'est portée sur la demande de la MVK afin pour de pouvoir avoir accès à
22 tous les centres de détention de l'UCK et des personnes qui y sont
23 détenues. L'accès à la station de détention a été nié pour des 'raisons de
24 sécurité'. On a expliqué que ceux qui se trouvaient sous la garde de l'UCK
25 étaient gardés dans des maisons et devaient être déplacés en fonction des
Page 3516
1 combats et de leur intensité. L'accès à un nombre sélectionné de détenus a
2 été accordé. Le commandant de zone nous a informé que nous aurions accès à
3 huit détenus, des Albanais qui étaient accusés de pillage, de vols et de
4 'collaboration avec l'ennemi'."
5 Q. Merci. Maintenant, je vais vous poser quelques questions à propos de ce
6 passage. Reprenons ce que vous venez de lire. Je cite : "On a expliqué que
7 ceux qui étaient détenus par l'UCK étaient gardés dans des maisons et
8 devaient être déplacés en fonction des combats et de leur intensité,"
9 Est-ce que vous pourriez nous expliquer d'avantage ce dont il s'agit.
10 R. Ils nous ont expliqué que c'était une zone où les Serbes menaient ce
11 qu'ils appelaient des manœuvres d'hiver, ce qui au fond était un prétexte
12 pour attaquer l'UCK dans la région et certains des villages dans la région.
13 Par conséquent, pendant toute cette période où j'étais au Kosovo, il y a eu
14 des combats sporadiques. Ceci ne nous a pas semblé bizarre, cela semblait
15 logique qu'ils aient à déplacer des détenus si l'explication qu'ils nous
16 donnaient était exacte à savoir qu'ils étaient à proximité des soldats de
17 l'UCK.
18 M. TOPOLSKI : [interprétation] Désolé d'intervenir, je voudrais que soit
19 apporté une correction qui risque d'être importante au compte rendu
20 d'audience. Page 65 ligne 2. Procès-verbal de la réunion du 18 février 1999
21 avec le commandant de la zone à "Lapusnik", cela devrait être Llapashtica.
22 M. BLACK : [interprétation]
23 Q. Votre question à propos de ce passage a fait référence au fait que "des
24 Albanais sont accusés d'avoir 'collaboré avec l'ennemi.'"
25 La question des collaborateurs avait-elle déjà surgi dans le cadre de
Page 3517
1 vos activités au Kosovo ?
2 R. Pas de façon directe dans ce que je faisais moi, mais la question de la
3 collaboration c'était quelque chose dont la MVK discutait car c'était
4 quelque chose de courant, car il y a des gens qui, contre rémunération,
5 collaboraient souvent avec l'autre camp.
6 Q. Est-ce que vous avez entendu parlé de collaborateurs en rapport avec la
7 détention d'une façon ou d'une autre, mis à part ce cas précis.
8 R. Si je me souviens bien, certains des rapports que nous avons reçus en
9 provenance des régions parlaient du fait que certains avaient été arrêtés
10 par l'UCK parce qu'ils avaient collaboré avec l'ennemi.
11 Q. Notre commis va peut-être pouvoir agrandir le passage suivant qui nous
12 intéresse dans ce document et je vais vous demander de le lire.
13 R. "Le commandant de zone nous a informé que le mauvais traitement de
14 détenus/prisonniers est interdit d'après le 'code criminel de guerre de
15 l'UCK,' et que s'il y avait mauvais traitements infligés, des mesures
16 disciplinaires seraient prises."
17 Q. Vous souvenez-vous de l'occasion qui a fait qu'on a discuté de ce sujet
18 au cours de la réunion ?
19 R. Je pense qu'on a posé une question générale concernant le traitement
20 réservé aux détenus et nous avons demandé s'ils connaissaient les
21 conventions de Genève à cet égard.
22 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir ce code pénal de guerre de
23 l'UCK ?
24 R. Non, nous avons demandé à pouvoir le voir. Mais pendant mon séjour là-
25 bas, je ne l'ai pas eu, et nous ne l'avons pas reçu.
Page 3518
1 Q. Veuillez lire le paragraphe surligné suivant qui commence à cette page-
2 ci et se poursuit à la suite. Merci de le lire à voix haute.
3 R. "La procédure générale de détention a été décrite de la façon suivante
4 : des informations étaient reçues par 'la police de l'UCK 'selon lesquelles
5 un crime avait été commis, notamment, avec des allégations de
6 collaboration. Une 'invitation' était donné à la personne identifiée comme
7 étant recherché par l'UCK, et la personne se présentait à la police ou
8 était placée en détention. Une discussion d'information avait alors lieu,
9 soit avec le commandant de la prison ou un 'juge d'instruction.' Ce sur
10 quoi la personne était placée en détention. Jusqu'à présent, il n'a pas été
11 possible pour le détenu de choisir un avocat lui-même."
12 Q. Qui vous a expliqué cette procédure ?
13 R. Je pense que c'était le commandant de la police militaire.
14 Q. D'autres commentaires avant de passer à un autre paragraphe ?
15 R. Non.
16 Q. Je vous repose la question. Veuillez lire le paragraphe surligné
17 suivant qui commence par les termes suivants : "Nous avons été informés…".
18 R. "Nous avons été informés qu'il y avait trois centres de détention dans
19 le périmètre de la zone de Lapastica. Dans des maisons et à des endroits
20 différents, les conditions de détentions étaient décrites comme étant les
21 mêmes que celles réservées aux soldats, même nourriture et mêmes conditions
22 de vie. Tous les détenus recevaient trois repas par jours, des couvertures,
23 des lits, pouvaient se servir de toilettes et de douches; étaient deux ou
24 trois à partager une pièce. Ils étaient autorisés à sortir pour aller
25 chercher du bois et en couper, à faire une promenade et nettoyer."
Page 3519
1 Q. Merci. De qui teniez-vous ces informations pour ce qui est des
2 conditions de détention et le fait qu'ils étaient détenus dans des
3 maisons ?
4 R. En partie, de ce que le commandant de la police militaire, mais aussi
5 pour avoir parlé directement à ses huit détenus.
6 Q. Pourriez-vous nous dire en quelques mots dans quelles circonstances
7 vous avez rencontré ces détenus ?
8 R. Ils ont été emmenés dans une pièce adjacente à celle où nous avons
9 rencontré le commandant de la police militaire. Nous les avons rencontré un
10 par un et sans qu'il ait présence de l'UCK.
11 Q. Ces détenus, que vous ont-ils dit des conditions dans lesquelles ils
12 étaient détenus ?
13 R. Ils n'ont pas fait état de mauvais traitement. Ils ont, au fond,
14 corroboré ce qu'avait dit le commandant de la police militaire. Nous avons
15 consigné leurs noms, leurs âges respectifs, leurs origines, d'où ils
16 venaient et ce qu'ils nous avaient dit s'agissant des conditions et des
17 accusations portées conte eux. C'était tous des détenus en détention
18 préventive.
19 Q. Est-ce que vous avez pu faire une action de suivi ou prendre des
20 mesures quelconque s'agissant de ses huit détenues ?
21 R. Non. Nous avons demandés s'ils auraient l'autorisation d'avoir accès à
22 du papier sur lequel ils pourraient écrire une lettre à leur famille.
23 Malheureusement, il n'a pas été fait droit à cette requête. Puis ils
24 s'étaient contentés de décrire d'une manière générale d'où ils venaient. Il
25 est très difficile de retrouver des adresses au Kosovo, particulièrement
Page 3520
1 dans des petits villages. Nous n'avons pas pu retrouver dans la liste des
2 personnes disparues, leurs noms. La réponse, c'est non.
3 Q. Je vais vous demander de bien vouloir nous donner lecture de la partie
4 suivante qui est également surlignée dans le document.
5 R. "Certains détenus sont placés en isolement, généralement ceux qui sont
6 détenus pour des crimes graves liés à des actions de collaboration.
7 Personne n'a été exécuté."
8 Q. Comment cette question est-elle venue lors de cette réunion ?
9 R. Je ne sais plus.
10 Q. Enfin, je vous demanderais de donner lecture à la dernière partie
11 soulignée de ce document.
12 R. "Le commandant de la police militaire a également déclaré qu'il y avait
13 eu 10 à 15 Serbes qui 'étaient passés' par les centres de détention.
14 Lorsqu'on lui a demandé où ils se trouvaient à présent, il a déclaré qu'ils
15 avaient été libérés. Un Serbe avait été libéré, il y avait deux ou trois
16 mois, en coopération avec L'USKDOM."
17 Q. Avez-vous demandé au commandant de la police militaire s'ils avaient
18 des Serbes en détention au moment où vous y étiez ?
19 R. Oui, nous avons pu.
20 Q. Quelle a été sa réponse ?
21 R. Il a dit qu'il n'y en avait pas.
22 Q. Très bien, merci beaucoup.
23 M. BLACK : [interprétation] Nous en avons terminé avec ce document. Peut-on
24 donner une cote à ce document ?
25 M. LE JUGE PARKER : Oui.
Page 3521
1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P148.
2 M. BLACK : [interprétation]
3 Q. Mademoiselle, avez-vous revu d'autres membres de l'UCK après cette
4 réunion ? Je crois que vous aviez commencé à nous en parler. Quelle a été
5 la réunion qui a suivi celle-ci ?
6 R. La réunion suivante a eu lieu une semaine plus tard à peu près à
7 Petrovo. En fait, nous avons tenté de parler avec ceux avec lesquels nous
8 jouissions des meilleurs rapports et des personnes que nous connaissions au
9 sein de l'UCK. L'un d'entre eux était Rushti Jashari à Petrovo.
10 Q. Qui était-il ?
11 R. Rushti Jashari était chargé du domaine des communications, des
12 relations publiques pour l'UCK. Il rencontrait souvent des membres de la
13 MVK et des représentants de la presse.
14 Q. Je vous demanderais de bien vouloir consulter cette liasse de
15 documents. Il s'agit, là encore, de l'intercalaire numéro 2, de la page qui
16 se trouve juste après celle que nous regardions il y a un instant. Il
17 s'agit de la page qui porte le numéro U008-1463. Avez-vous trouvé cette
18 page ?
19 R. Oui, je peux commencer à lire ?
20 Q. Non, je vais vous poser quelques questions avant cela. D'abord,
21 reconnaissez-vous ce document ?
22 R. Oui.
23 Q. L'avez-vous rédigé aussi ?
24 R. Oui.
25 Q. S'agit-il d'un procès-verbal de la réunion dont vous venez de nous
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1 parler et qui a eu lieu environ une semaine après la réunion que vous avez
2 eue avec le commandant Remi ?
3 R. Exact.
4 Q. Voulez-vous nous donner lecture de la partie soulignée, s'il vous
5 plaît ?
6 R. "Arlind a également dit qu'il avait travaillé en tant que garde dans la
7 prison à Drenica pendant quelques mois. Il nous a dit qu'il avait gardé les
8 deux journalistes serbes et que le commandant avait exigé que les deux
9 prisonniers soient bien traités et qu'on leur serve du café tous les
10 matins. Il a aussi reconnu que des policiers serbes, 'qui étaient passés
11 par le système', n'avaient pas été traités de la même manière que les
12 autres prisonniers. Il n'a pas souhaitez en dire d'avantage."
13 Q. Merci. Sans nécessairement prononcer son nom, qui est Arlind dont il
14 est question ici ?
15 R. Je ne sais pas. C'était un soldat très jeune de l'UCK.
16 Q. Vous souvenez-vous ce qu'il vous a dit très précisément concernant les
17 policiers serbes qui "auraient eu affaire au système" ?
18 R. Non, je ne me souviens pas très bien. Non, je ne sais pas. Il était
19 extrêmement vif et passionné lorsqu'il parlait de sa cause. Nous avons pris
20 les choses de manière nuancée. Il souhaitait nous impressionner clairement.
21 Q. Merci. Je crois que c'est tout pour ce document.
22 M. BLACK : [interprétation] J'aimerais que ce document soit versé au
23 dossier également.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du document P148 -- excusez-
Page 3523
1 moi, il s'agit de la pièce 149.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 149.
3 M. BLACK : [interprétation] Merci.
4 Q. Mademoiselle Ringgaard, avant de passer à un autre document, n'avez-
5 vous jamais reçu l'autorisation de visiter ces centres de détention de
6 l'UCK à cette occasion ou à d'autres ?
7 R. Non, nous n'avons pas été autorisés.
8 Q. L'un des documents que nous venons d'examiner fait référence à une
9 demande de liste de détenus de l'UCK. N'avez-vous jamais reçu cette liste
10 en réponse à cette demande ?
11 R. Non, nous n'avons jamais reçu cette liste. C'est une décision qui
12 relevait vraisemblablement d'un niveau supérieur à celui du commandant de
13 zone. Etant donné que la situation s'est détériorée de plus en plus à la
14 fin du mois de février, nous avons été évacués le 24 mars, par conséquent,
15 la question a été un petit peu dépassée par d'autres questions plus
16 urgentes à l'époque sur place.
17 Q. J'aimerais vous soumettre un autre document que nous avons déjà
18 examiné, en réalité. Dans votre liasse de documents, il s'agit d'un
19 document qui figure à l'intercalaire 4. Il s'agit du rapport "As Seen, As
20 Told." Ce document va également apparaître sur votre écran.
21 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit de la première page de ce document
22 qui porte le numéro ERN K035-0414. La page qui nous intéresse, en réalité,
23 porte le numéro K035-0498 et se trouve parmi les pages suivantes.
24 M. MANSFIELD : [interprétation] Un élément préliminaire, si vous me le
25 permettez, concernant ceci. Je crois que le témoin a déjà indiqué qu'elle
Page 3524
1 avait participé à la mise au point, à la rédaction de ce document. Je crois
2 que ce document a été produit par une équipe de 12 personnes. Je ferais
3 objection pour la raison suivante concernant cette partie de son
4 témoignage. S'il y a des notes de bas de page ou d'autres éléments qu'elle
5 a rédigés elle-même soit, mais si tel n'est pas le cas, j'ai peur qu'il
6 s'agisse là d'un témoignage indirect. Ce sera le cas du début jusqu'à la
7 fin. Peut-être qu'il y aurait d'autres moyens de présenter ce document et
8 d'introduire ce document, mais peut-être que ceci ne devrait pas être fait
9 par le biais de ce témoin en particulier, à moins qu'elle ait des opinions
10 directes à exprimer et qu'il ne s'agisse pas d'allégations simplement.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black.
12 M. BLACK : [interprétation] Oui. J'avais simplement pour objectif ou pour
13 intention, celle d'attirer son attention sur un certain nombre de passages,
14 et lui demander si, effectivement, ces passages correspondaient bien avec
15 son expérience. En outre, elle a affirmé qu'elle avait participé à la
16 rédaction de ce rapport. En outre, le fait que ce soit un témoignage
17 indirect ou des éléments de preuve indirects ne rend pas ces éléments de
18 preuve irrecevables. Bien entendu, il reviendra à la Cour d'en apprécier le
19 poids.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Ce document n'a pas encore été
21 versé au dossier. En tout cas, la demande n'en a pas été faite, mais si tel
22 est cas, la Chambre recevra ce document. L'objection fondée sur les
23 éléments de preuve indirects n'est pas une objection formelle, même si elle
24 est particulièrement pertinente quant au poids que nous pourrons accorder à
25 ce document. Le témoin faisait partie d'une équipe de 12 rédacteurs et
Page 3525
1 semble disposer d'informations quant au processus qui a été suivi dans le
2 cadre de la production de ce document et pense disposer de suffisamment de
3 détails pertinents quant à la teneur de ce document. Toutefois, la
4 fiabilité de son témoignage pourra être remis en question lors du contre-
5 interrogatoire.
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je
7 voudrais, quant à moi, exprimer une objection relativement différente quant
8 à la manière dont M. Black suggère de procéder et d'utiliser ce document.
9 En ce qui concerne l'irrecevabilité de ce document, il est dit que : "Son
10 intention est d'attirer son attention, l'intention du témoin, donc, sur un
11 certain nombre de passages et de voir s'ils correspondent bien à sa propre
12 expérience."
13 Il s'agirait là d'une question orientant le témoin dans son témoignage.
14 M. MANSFIELD : [interprétation] Pour suivre sur ce qui vient d'être dit sur
15 la version qui vient d'être faite de cette objection, pour l'instant,
16 d'après ce témoignage, elle n'a pas d'expérience particulière concernant ce
17 qui est dit dans ce document précis. Peut-être que la réponse à la question
18 sera non, mais je demanderais à ce que l'on fasse preuve de prudence quant
19 à la manière dont on va aborder ce document.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, je vous vois sur le
21 point de vous lever.
22 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis tellement impressionné par la teneur
23 des propos qui viennent d'être faits que je n'ai rien à ajouter.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être pourriez-vous, Monsieur
25 Black, obtenir un témoignage qui intéresse davantage la Cour, si vous
Page 3526
1 abordiez les choses dans l'autre sens en finissant sur les extraits de ce
2 rapport plutôt qu'en commençant.
3 M. BLACK : [interprétation] Je crois que je comprends ce que vous voulez me
4 dire, mais je suis sûr que nous pourrions procéder de manière beaucoup plus
5 rapide. Je pense qu'elle peut expliquer et nous dire, si effectivement,
6 elle dispose d'informations personnelles sur telles ou telles choses, ou si
7 elle est accord avec telles ou telles choses.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Que pensez-vous d'identifier chaque
9 thème spécifique, thème particulier et de voir quelles sont les
10 informations personnelles dont dispose le témoin, et d'évaluer à ce moment-
11 là, si oui ou non, elle peut confirmer ou pas ce qui figure dans les
12 différents extraits du rapport.
13 M. BLACK : [interprétation] Très bien. Je ne peux pas rouvrir la
14 discussion, mais j'aimerais simplement vous dire que certains des passages
15 de ce document ont à voir avec le rapport qui a été rédigé par elle-même.
16 Je ne vois pas quelle est la difficulté.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document que nous avons versé au
18 dossier est versé au dossier. Il n'est pas nécessaire de rouvrir la
19 conversation, à moins que nous changions d'avis, Monsieur Black.
20 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Généralement, ce type d'intervention
22 permet de réduire largement les discussions et les arguments.
23 M. BLACK : [interprétation] Effectivement, cela fonctionne dans ce cas
24 particulier.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voyez, vous parvenez à nous
Page 3527
1 détendre, Mademoiselle, après une longue journée de travail.
2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent de bien vouloir lire lentement les
3 extraits du rapport.
4 M. BLACK : [interprétation]
5 Q. Nous avons des versions albanaises de ce document, si toutefois, ceci
6 peut être d'une quelconque utilité aux interprètes.
7 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font signe qu'ils en disposent déjà.
8 M. BLACK : [interprétation]
9 Q. Mademoiselle Ringgaard, nous avons parlé des informations que vous avez
10 reçues sur les procédures d'arrestations ou de détentions. A votre
11 connaissance, comment fonctionnait le processus de prise de décision ?
12 Comment décider des personnes à arrêter ou à interroger ?
13 R. Je ne peux pas répondre à cette question.
14 Q. Savez-vous s'il y avait une politique particulière qui était appliquée
15 ou si les choses étaient jugées ou évaluées au cas par cas ?
16 R. J'ai eu le sentiment que les choses se faisaient au cas par cas, mais
17 je ne peux vous le dire avec certitude.
18 Q. Nous avons abordé ou mentionné ce code pénal de guerre de l'UCK. J'ai
19 bien compris que vous n'aviez pas eu accès à ce document. Mais d'après vos
20 conversations avec des membres de l'UCK, quels étaient les thèmes abordés
21 par ce code pénal ? Quelle était sa teneur, non pas en détail, mais quels
22 étaient les grands thèmes abordés dans ce document ?
23 R. Nous n'en avons pas parlé.
24 Q. Semblait-il porter sur les procédures dont nous venons de parler ou
25 pas ?
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1 R. Cela semblait être le cas, mais je ne me souviens plus de détails,
2 d'ailleurs nous ne sommes pas entrés dans les détails de ce code. Il nous a
3 semblé qu'en l'absence d'autorités particulières chargées de politiques
4 générales dans les différentes zones qu'ils contrôlaient, et bien il nous a
5 semblé qu'ils exerçaient une politique générale de facto. Il y avait là
6 dans ce document, sans doute, une combinaison, un code pénal et quelque
7 chose qui portait davantage sur le conflit à proprement parler.
8 Q. Lorsque vous dites "ils exerçaient", vous parlez de qui ?
9 R. De l'UCK. Il n'y avait personne d'autre.
10 Q. Non, non, je comprends. Pourriez-vous être plus précise et nous dire
11 qui est exactement le faisait au sein de l'UCK.
12 R. Je n'en sais rien.
13 Q. Un peu plus tôt je pense vous avez parlé des conventions de Genève,
14 corrigez-moi si je me trompe. La question des conventions de Genève ou les
15 lois de la guerre, cette question a-t-elle été abordée avec l'UCK, lorsque
16 vous avez eu des contacts avec eux ?
17 R. Je ne m'en souviens pas précisément, mais je suppose que nous avons
18 soulevé la question avec eux au cours de notre réunion.
19 Q. Bien. Si vous ne vous souvenez pas ce n'est pas grave mais, est-ce que
20 l'UCK vous a dit, à un moment donné, qu'ils respecteraient les lois de la
21 guerre ?
22 R. Je n'en ai pas de souvenirs particuliers. En règle générale, je n'avais
23 pas ce type de conversation avec les gens de l'UCK. Je n'ai rencontré que
24 deux commandants de zone et seulement à deux reprises.
25 Q. Je vais passer à un autre sujet, nous avons abordé la question de la
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1 collaboration, n'avez-vous jamais su ce qu'il fallait pour que quelqu'un
2 soit accusé de collaboration, quel type d'activités ?
3 R. Dans ces rapports concernant les personnes disparues, il était parfois
4 question du fait qu'ils avaient eu affaire, à un moment donné, avec les
5 Serbes. C'est ce que les familles nous disaient, qu'ils avaient eu des
6 rapports d'affaires ou qu'ils avaient aidé les Serbes et qu'on leur avait
7 demandé de mettre un terme à ces relations. Mais je crois que les choses
8 étaient difficiles à l'époque, difficiles pour des communautés mixtes. Ni
9 les Serbes, ni l'UCK ne voyaient, dans ce mélange des communautés, un
10 quelconque danger.
11 Q. Merci beaucoup. Là, je passe à nouveau à un autre sujet.
12 Un peu plus tôt dans votre témoignage, vous avez parlé d'un certain nombre
13 de Serbes portés disparus. Vous souvenez-vous des chiffres ? Combien de
14 serbes, combien d'Albanais étaient portés disparus à ce moment-là, lorsque
15 vous vous trouviez sur place ?
16 R. Je crois qu'il y avait environ 150 Serbes et, au moment de la rédaction
17 de ce rapport, bien entendu, le nombre d'Albanais portés disparus était aux
18 environs de 1 000 ou plusieurs milliers
19 Q. Quelle était la source de cette information ? D'où provenaient ces
20 chiffres ? Est-ce que la MVK compilait ses propres statistiques ?
21 R. Oui, nous étions en contact étroit avec le CICR lorsque nous avons
22 constitué nos listes de personnes portées disparues.
23 Q. Je vous ai parlé d'Adem Demaqi, vous nous avez dit que vous l'avez
24 rencontré une fois. Vous souvenez-vous des sujets qui ont été abordés lors
25 de la conversation que vous avez eue avec lui.
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1 R. Pas précisément, mais c'était en rapport avec les pressions exercées
2 par les parents des Serbes portés disparus. Nous nous efforcions d'obtenir
3 des réponses de l'UCK afin de savoir si certaines de ces personnes étaient
4 sous leur garde, afin de savoir combien de personnes avaient été tuées lors
5 des combats au cours de cette période.
6 Q. Est-ce qu'il a pu vous fournir des informations à cet égard ?
7 R. Non.
8 Q. Est-ce que la question du sort réservé aux prisonniers serbes a jamais
9 été abordée.
10 R. Il me semble, mais je n'ose pas poursuivre ma réponse car j'ai peur
11 qu'une objection soit soulevée.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ne soyez pas intimidée par ces
13 messieurs qui sont assis là.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous pensions et je pense qu'il le pensait lui
15 aussi qu'il y avait de nombreuses manières de disparaître à l'époque. L'une
16 des manières de disparaître était d'être pris entre deux feux, il y avait
17 d'autres circonstances possibles, nous ne pouvions pas le savoir. Mais le
18 fait est que ces personnes n'étaient jamais revenues. Nombreux d'entre nous
19 en sont parvenus à la conclusion que ces personnes n'étaient sans doute
20 plus en vie, je pense qu'Adem Demaqi était d'accord avec nous.
21 M. BLACK : [interprétation]
22 Q. Je vous comprends.
23 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on pourrait
24 à présent attribuer une cote à ces documents dont nous n'avons pas parlé ?
25 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vais permettre Monsieur Topolski --
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1 M. TOPOLSKI : [interprétation] Non, non --
2 M. BLACK : [interprétation] Je pensais que ces documents seraient versés au
3 dossier.
4 M. MANSFIELD : [interprétation] Je pense que ces documents pourront être
5 versés ultérieurement par le biais d'un témoin qui pourra véritablement en
6 parler et peut être qu'un poids supérieur pourra leur être accordé. Mais
7 pour le moment tout cela est très intéressant mais rien ne découle
8 véritablement des documents en question.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, nous ne souhaitons
10 certainement pas vous interrompre.
11 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je pense qu'il y avait une plaisanterie dans
12 votre remarque, mais il est trop tard. Je suis fatigué, je n'ai rien à
13 ajouter.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
15 Ce qui a été dit sera fait. Le document sera versé au dossier si
16 l'Accusation le demande. L'Accusation en demande à présent le versement au
17 dossier. Le document est admis. La question du poids qu'il conviendra de
18 lui accorder est une question bien différente et eu égard à l'objection
19 soulevée par Me Guy-Smith, nous avons encouragé M. Black à faire en sorte
20 d'obtenir des informations concernant les connaissances directes qu'a le
21 témoin de certains sujets. Cela ne signifie pas pour autant que ceci aura
22 une incidence sur le poids que nous accorderons à ce document.
23 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il serait peut
24 être utile que je pose quelques question au sujet de la manière dont ce
25 rapport a été rédigé.
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1 Q. Combien de personnes ont participé à la rédaction du rapport "As Seen,
2 As Told" ? Vous en souvenez vous ?
3 R. Douze, je pense, il y a eu quelques consultants extérieurs qui ont
4 participé également, je n'étais que l'une des personnes ayant participé à
5 la relecture de ce document.
6 Q. Sur quoi ces personnes se sont-elles fondées pour rédiger ce rapport ?
7 R. Nous avons utilisé les documents de base, tous les formulaires relatifs
8 aux plaintes avant l'évacuation et tout ce qui avait été rassemblé dans les
9 camps de réfugiés en Macédoine et en Albanie. Nous disposions des copies
10 originales version papier, nous avons parcouru tout ces documents afin de
11 rédiger ce rapport et tout ceci a été mis à la disposition de ce Tribunal.
12 Q. Je vous remercie. Pourrait-on attribuer une cote à ce document ?
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document P150.
14 M. BLACK : [interprétation] Merci.
15 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
16 M. BLACK : [interprétation] Excusez-moi de cette interruption. Je
17 souhaiterais que vous m'accordiez quelques instants avant que je ne
18 poursuive.
19 Merci. Je vais poursuivre.
20 Q. Merci de votre patience Mademoiselle Ringgaard. Vous avez dit que la
21 MVK avait reçu des informations concernant les enlèvements menés par l'UCK
22 y compris ceux des collaborateurs. Sur la base des informations que la MVK
23 et vous-même avez reçues, avez-vous été en mesure de déterminer s'il
24 s'agissait du fait de voyous disons, ou s'il s'agissait là d'une politique
25 plus large ?
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1 R. Les informations que nous avions grâce à nos officiers de liaison
2 auprès de l'UCK étaient que l'UCK savait qu'il y avait des éléments
3 incontrôlés en son sein et il leur était parfois difficile de contrôler
4 d'éventuels actes de vengeance personnelle. Il y avait des tirs, des
5 combats sporadiques et l'UCK devait faire face également à une pression
6 militaire. D'après notre impression je ne pense pas qu'il y avait une
7 véritable politique en place mais, ceci s'est produit dans certains cas sur
8 le terrain.
9 Q. Vous nous avez parlé de certaines tendances et vous nous avez dit que
10 l'une de vos missions consistait à suivre ces tendances, l'évolution de la
11 situation. N'avez-vous jamais parlé de l'évolution de la situation
12 concernant les enlèvements menés par l'UCK avec le chef de mission.
13 R. Cette question a été soulevée par le truchement des officiers de
14 liaison, il s'agissait là de l'une de nos préoccupations, mais vu la
15 situation générale, ceci, n'était pas une question sur laquelle nous nous
16 penchions trop en détail en raison des nombreuses plaintes que nous
17 recevions de la part de la population albanaise de souche contre les
18 autorités serbes du Kosovo.
19 Q. Merci. D'autres questions avant de conclure pour aujourd'hui, n'avez-
20 vous jamais entendu parler d'une personne appelée Fatmir Limaj lorsque vous
21 étiez au Kosovo ?
22 R. Oui, son nom a été mentionné.
23 Q. Pouvez-vous nous dire dans quel contexte ?
24 R. Dans le contexte d'une commission qui, je pense, avait été mise en
25 place à Orahovac afin d'examiner ce qui s'était passé lors des combats
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1 entre juin et septembre 1998. Je me souviens que les Serbes de la région
2 étaient en colère du fait de sa présence. C'est tout ce dont je me
3 souviens.
4 Q. Pour bien comprendre ce que vous nous dites, est-ce que vous savez
5 quelle a été la raison pour laquelle ils étaient en colère du fait qu'il
6 participait à cette commission ?
7 R. Ce qu'ils ont dit à l'officier chargé des droits de l'homme à Orahovac,
8 c'était qu'ils pensaient qu'il était membre de l'UCK et qu'il détenait une
9 certaine part de responsabilité pour ce qui s'était passé. Ils pensaient
10 que Fatmir Limaj pourrait fournir des éléments d'informations concernant le
11 sort réservé aux Serbes portés disparus, mais qu'il n'était pas sincère et
12 qu'il n'avait pas l'intention de le faire.
13 Q. Mais vous ne savez pas davantage de choses à ce sujet ?
14 R. Non.
15 Q. N'avez-vous jamais entendu parlé d'un lieu de détention situé dans le
16 village de Lapusnik ?
17 R. Je n'en ai pas entendu parlé à l'époque où j'étais au Kosovo en
18 1998/1999, par la suite, oui.
19 Q. Quand en avez-vous entendu parlé ?
20 R. Je ne me souviens pas.
21 Q. Mais pendant la période que vous avez passé au Kosovo vous n'avez pas
22 entendu parlé d'un camp de détention à Lapusnik, n'est-ce pas ?
23 R. Pas pour autant que je m'en souvienne.
24 Q. Merci de votre patience.
25 M. BLACK : [interprétation] Au fin du compte rendu d'audience M. Younis me
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1 dit que s'agissant de la pièce P150, cette pièce correspond à l'ensemble
2 des documents figurant à l'intercalaire 4 de la liasse de documents. Il
3 serait peut-être bon que je donne lecture du numéro ERN de ces documents.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce qui a été versé au dossier.
5 M. BLACK : [interprétation] A des fins de référence ultérieure, il s'agit
6 des document K035-0414; K035-0498 à 0500; et K035-0561 à 0563. Ce sera tout
7 je n'ai pas d'autres questions à poser à ce témoin pour aujourd'hui.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
9 Je me demande si tout le monde serait d'accord pour dire que le moment est
10 venu de lever l'audience ?
11 M. MANSFIELD : [interprétation] Je souhaiterais simplement poser deux
12 questions, peut-être que personne d'autre n'a de questions à poser au
13 témoin et comme cela le témoin pourra partir.
14 Contre-interrogatoire par M. Mansfield :
15 Q. [interprétation] Mademoiselle le Témoin, eu égard au fait que vous avez
16 entendu parler du nom de Fatmir Limaj, je souhaite dire que je représente
17 Fatmir Limaj en l'espèce. Est-il possible que vous ayez mal compris, que
18 vous avez mal entendu quelque chose ? Je souhaite affirmer haut et fort en
19 son nom qu'il n'a jamais participé à la commission dont vous avez parlé.
20 Est-il possible que vous ayez associé son nom dans le mauvais contexte
21 après tout le temps qui s'est écoulé ?
22 R. Je me souviens de son nom dans le contexte de ces questions que j'ai
23 évoquées par rapport à Orahovac mais peut-être que ce n'était pas en
24 rapport avec cette commission, mais je me souviens de son nom. Je me suis
25 peut-être trompée sur le fait qu'il a participé à cette commission.
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1 Q. Question suivante : vous avez entendu parler de Lapusnik après votre
2 départ du Kosovo. On vous a, tout à l'heure, posé une question au sujet de
3 Lapusnik, peut-être avez-vous confondu cet endroit avec un autre lieu.
4 R. Oui.
5 Q. Ensuite, vous avez dit que vous aviez entendu parler de Lapusnik mais
6 pas par rapport aux questions de détention ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Je n'ai pas d'autres questions. Merci.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield. Maître Guy-
10 Smith vous avez la parole.
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas de questions à poser.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.
13 M. TOPOLSKI : [aucune interprétation]
14 Contre-interrogatoire par M. Topolski :
15 Q. [interprétation] Oui, je représente les intérêts d'Isak Musliu.
16 J'aurais une ou deux questions à vous poser. Est-ce que vous avez
17 connaissance de la période qui nous intéresse en l'espèce ? Est-il exact,
18 si j'ai bien compris votre déposition, que vous avez travaillé au Kosovo
19 entre le 1er décembre 1998 et mars 1999, date de votre évacuation ? C'est,
20 là, le premier séjour que vous avez fait au Kosovo ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Vous êtes revenue au Kosovo après les bombardements ?
23 R. Je suis revenue en janvier 2000.
24 Q. Janvier 2000. La période qui nous intéresse ce sont les quelques mois,
25 quatre mois en réalité, que vous avez passé au Kosovo fin 1998. Est-ce que
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1 vous avez entendu dire pendant votre séjour qu'il y avait des allégations
2 selon lesquelles des officiers du MUP rémunéraient des Albanais en échange
3 d'informations concernant l'UCK ?
4 R. Absolument. C'est exact.
5 Q. Absolument.
6 R. C'est exact.
7 Q. Avez-vous entendu parler d'un certain nombre de cas de ce genre de la
8 part d'officiers du MUP ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Outre ces rémunérations, des passeports et des visas ont été remis à
11 ces personnes afin qu'elles puissent se rendre là où elles le souhaitaient,
12 avez-vous entendu parler de cela, et avez-vous également entendu parler de
13 menace proférée contre des Albanais en échange d'information concernant
14 l'UCK ?
15 R. Des menaces, absolument.
16 Q. En ce qui concerne les documents que vous nous avez communiqués, et
17 j'ai notamment à l'esprit les documents qui figurent à l'intercalaire
18 numéro 3, qui est un formulaire concernant une personne disparue, est-ce
19 que la Chambre peut partir du principe que les informations qui figurent,
20 par exemple, dans ce formulaire, sont celles qui ont été fournies par la
21 personne qui a rempli le formulaire ?
22 R. Oui. Ce sont les informations fournies par la famille --
23 Q. Par exemple, s'agissant du document dont les derniers chiffres sont
24 81458, deuxième page, la personne qui vient de fournir ces informations dit
25 à votre collègue : "Je n'ai connaissance d'aucune raison pour laquelle
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1 l'UCK souhaiterait détenir telle personne."
2 Toutes ces informations sont consignées sur la base des informations
3 communiquées par la personne qui fournit ces informations ? Ai-je raison ?
4 R. C'est exact. Nous savions que parfois ces personnes ne nous disaient
5 pas la vérité. C'est parce qu'elles avaient peur ou parce qu'elles ne
6 voulaient pas nous dire les raisons ou leurs motifs.
7 Q. Est-ce que vous nous dites que dans certains cas il s'est avéré par la
8 suite, pour quelque raison que ce soit, que des personnes n'étaient pas
9 sincères avec vous, et ne vous avaient pas dit la vérité s'agissant des
10 raisons de l'enlèvement ?
11 R. Personnellement, je n'ai pas connaissance de tels cas, mais c'est
12 arrivé.
13 Q. Bien. Je souhaiterais clarifier quelque chose que vous avez mentionné à
14 deux reprises aujourd'hui. On vous a posé des questions au sujet des
15 détentions. Vous avez déclaré, et j'espère que je vous cite de façon
16 correcte : "En l'absence d'autorité de police dans la région, ils," c'est-
17 à-dire, l'UCK, "exerçaient de facto des fonctions de police."
18 Par le terme "région," est-ce que vous voulez parler de ces régions du
19 Kosovo que vous et vos collègues connaissiez bien, ou est-ce que vous vous
20 parliez d'une région particulière ?
21 R. Non, je voulais parler des régions contrôlées par l'UCK.
22 Q. D'après votre expérience, comme nous l'avons entendu de la bouche
23 d'autres témoins, il s'agissait de régions qui passaient entre les mains de
24 l'un et de l'autre camp ?
25 R. Oui.
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1 Q. Ces changements de contrôle étaient fréquents ?
2 R. Pendant le temps que j'ai passé sur place, cela se passait plus
3 fréquemment qu'auparavant.
4 Q. Dernière question : en ce qui concerne les collaborateurs, vous en avez
5 un petit peu parler. Le fait est, Mademoiselle Ringgaard, n'est-ce pas, que
6 si un collaborateur serbe se trouvait là avec l'un de vos collègues, il lui
7 était difficile d'avouer à la MVK qu'il était collaborateur, n'est-ce pas ?
8 R. Non.
9 Q. C'est tout ce que je voulais vous demander. Merci beaucoup.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith.
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser à ce
12 témoin, mais je souhaiterais soulever une objection concernant le document
13 147. Si la Chambre à l'intention de se fonder sur ce document pour d'autres
14 objectifs que le fait qu'il s'agit d'un rapport type cela me pose un
15 problème --
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Au fait, pourrait-on en parler lors de
17 la prochaine audience, vu l'heure qu'il est.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Absolument.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black, souhaitez-vous poser
20 des questions supplémentaires ?
21 M. BLACK : [interprétation] Non.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
23 Mademoiselle Ringgaard, je pense que vous êtes jusqu'à présent le témoin
24 dont l'audition aura la plus rapide dans ce procès. Je vous remercie d'être
25 venue témoigner ici, et vous êtes libre de retrouver vos activités.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous n'y voyez pas d'inconvénient,
3 vous pouvez rester ici jusqu'à nous réglions quelques questions et
4 l'audience sera ensuite levée.
5 Monsieur Whiting, quel est le programme pour demain ?
6 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, avec le temps --
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez être direct.
8 M. WHITING : [interprétation] Nous n'avons pas d'autres témoins car nous
9 devions choisir entre un témoin dont la déposition serait rapide et un
10 témoin dont la déposition serait longue.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. En raison de l'heure, nous
12 ne pouvons pas entendre les arguments de Me Guy-Smith. Vu les bobines et
13 d'autres questions administratives, il faut que nous levions l'audience.
14 Maître Guy-Smith, j'espère que vous vous souviendrez de vos arguments.
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et que vous les soulèverez lorsque
17 nous reprendrons l'audience lundi à 14 heures 15.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] D'accord, je les soulèverai à ce moment-là.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions,
20 l'audience est levée. Nous reprendrons lundi à 14 heures 15.
21 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le lundi 21 février
22 2005, à 14 heures 15.
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