Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 15 février 2005

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

  5   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle, Monsieur Krasniqi,

  9   que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez

 10   prononcée au début de votre déposition. Je pense que

 11   Me Topolski souhaite vous poser quelques questions supplémentaires.

 12   Maître Topolski.

 13   M. TOPOLSKI : [interprétation] C'est exact. Merci, Monsieur le Président.

 14   LE TÉMOIN: JAKUP KRASNIQI [Reprise]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   Contre-interrogatoire par M. Topolski : [Suite]

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Hier après-midi, vous avez donné quelques détails, et vous avez donné

 20   des commentaires détaillés suite à ce qu'avait dit Mme Susan Pedersen. Je

 21   vais enchaîner sur le sujet suivant : détention et arrestation. Est-ce qu'à

 22   cet effet nous pouvons revenir sur une partie de ce paragraphe dont nous

 23   parlions hier, que dit cette dame. Monsieur Krasniqi, elle dit qu'elle-même

 24   et l'organisation dont elle faisait partie ont eu l'impression que les

 25   enlèvements, les arrestations commises par l'UCK étaient, et là je vais

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  1   m'attacher à ces termes suivant, "étaient des actes systématiques,

  2   planifiés et organisés."

  3   Vous avez répondu de façon détaillée. Je vous demande simplement ceci :

  4   est-ce qu'il vous est arrivé d'être partie prenante de participer à des

  5   conversations des réunions avec des collègues de l'UCK, réunions ou

  6   conversations au cours desquelles on aurait parlé de détention et

  7   d'arrestations organisées, systématiques, planifiées s'agissants de civils

  8   innocents ?

  9   R.  Non, jamais. Il n'y a eu aucune réunion de cette sorte. Jamais nous ne

 10   sommes occupés de ce genre de choses.

 11   Q.  Essayons de dissiper tout mal entendu pour qu'à l'avenir ce fantôme ne

 12   resurgisse pas. Qu'il n'y a jamais eu de réunions de ce genre, est-ce que

 13   vous pourriez être plus clair. Est-ce qu'il y a jamais eu une conversation,

 14   une discussion entre vous et vos collègues, s'agissant d'un système, d'un

 15   plan, d'une organisation visant à ce genre de chose.

 16   R.  Je vous ai dit que non et je n'ai rien d'autre à ajouter.

 17   Q.  Je vous remercie. Ceci nous amène au troisième sujet que je voulais

 18   aborder rapidement avec vous. C'est la question de la détention et des

 19   arrestations. De qui parle t-on ici; de civiles, de non-combattants. Vous

 20   vous souvenez de la distinction opérée et avec laquelle vous étiez d'accord

 21   hier. Au sein de l'UCK, est-ce qu'on estimait qu'il était légitime

 22   d'interpeller, de détenir, d'interroger les gens pendant la guerre ?

 23   R.  Bien entendu. Pendant la guerre, il y a des gens qui ont été

 24   interpellés, par exemple, ou stoppés, des journalistes qui venaient dans

 25   les zones où se trouvait l'UCK. Ils ont été stoppés. C'était nécessaire de

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  1   le faire. On leur a demandé quelle était la raison de leur venue. Il y a

  2   peut-être eu l'un ou l'autre incident au cours duquel un citoyen serbe est

  3   entré dans notre zone. Après qu'on les ait interrogés, ils ont été

  4   relâchés, mais ils n'ont été relâchés que dans nos zones. Mais je rappelle

  5   que les grands axes routiers restaient sous le contrôle serbe.

  6   Q.  Nous allons évoquer ceci dans le cadre du cinquième sujet, celui du

  7   contrôle territorial. Mais j'aimerais maintenant parler de la structure qui

  8   est le sujet suivant. J'ai l'intention de vous demander ceci : en matière

  9   de structure à l'organisation de l'UCK, la période qui m'intéresse se

 10   termine à la fin août 1998. Si j'ai retenu cette période ou cette date,

 11   c'est parce que d'après la thèse que je vous soumets, et nous avons entendu

 12   d'autres témoins qui sont venus corroborer, c'est que les brigades, les

 13   bataillons, ont commencé à être formés fin août 1998. Est-ce que vous êtes

 14   d'accord avec cette idée ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Si c'est le cas, examinons ensemble des éléments pertinent à la

 17   structure, à l'organisation, jusqu'à cette date mais n'incluant pas la

 18   réorganisation elle-même. Etes-vous d'accord pour dire que ce qui est

 19   certain, c'est que jusqu'à lors l'UCK était une armée de guérilla.

 20   R.  Je vous l'ai déjà dit, jusqu'au mois de mars, avril 1998, l'UCK c'était

 21   une armée de guérilla. Elle s'est transformée et s'est élargie par la

 22   suite. Il y a eu mobilisation, recrutement d'effectifs, et pendant une

 23   certaine période nous avons une armée de volontaire. L'état-major général

 24   avait pour responsabilité d'organiser cette armée de volontaires, et ceci à

 25   partir du mois d'avril. C'était une armée de volontaires d'avril jusqu'à la

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  1   fin du mois d'août, ou jusqu'au début du mois de septembre. C'était surtout

  2   une armée de volontaires

  3   Q.  Je ne suis pas d'accord avec ce dernier élément de votre réponse. Je

  4   dirais que l'UCK n'a jamais été autre chose qu'une armée de volontaires. Il

  5   n'y a jamais eu de conscrit ni de mobilisation à quelque stade que ce soit

  6   de la ville de l'UCK, n'est pas ?

  7   R.  Non, lorsque je vous parle de "mobilisation" ce n'est pas dans le sens

  8   d'une conscription. Je voulais expliquer auparavant quand je parle de

  9   "mobilisation", je parle de mobilisation volontaire, comme manifestation de

 10   solidarité envers les soldats qui luttaient dans les rangs de l'UCK.

 11   Q.  D'accord. Au début de votre dernière réponse, vous avez dit : "Ceci, je

 12   l'ai déjà dit, à partir de mars, avril 1998, l'UCK était une armée de

 13   guérilla," et cetera. Pour ce qui est de la tactique adoptée par l'UCK,

 14   jusqu'à la bataille de Rahovec, pendant et même après cette bataille,

 15   bataille dont nous avons parlée hier, elle a utilisé des tactiques plutôt

 16   qui sont typiquement de guérilla, les coups de main, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Nous somme toujours au cours de cette période, jusqu'à la fin du mois

 19   d'août de 1998. Vous l'avez dit, comme je l'ai dit aussi, l'UCK disposait

 20   d'une structure de commandement horizontale. Est-ce que vous êtes d'accord

 21   avec moi là-dessus ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  L'UCK n'avait pas de structures de voies hiérarchiques rigides.

 24   R.  Bien sûr que non. Cela aurait été impossible.

 25   Q.  J'irais même plus loin. Je ne sais pas si c'est le bon terme à

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  1   utiliser, mais il est certain que pendant cette période et même plus tard

  2   aussi, l'UCK a connu des difficultés, celles de faction diverse en son

  3   sein. Il y a eu notamment le FARK, F-A-R-K.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Vous l'avez souligné plus d'une fois; votre rôle, vos fonctions étaient

  6   d'ordre politique et non militaire. Je ne veux pas vous importuner, ni

  7   importuner personne d'autre dans le prétoire. Je vous pose des questions à

  8   propos de positions de tir, de moyens d'artillerie, de la création de ce

  9   genre de chose, d'unités, de points ou antennes. Est-ce que vous pouvez

 10   aider le Tribunal sur ces questions ?

 11   R.  Je pense que vous devez poser une question plus clairement.

 12   Q.  Vous avez tout à fait raison. Je voulais savoir si vous pouviez m'aider

 13   sur ces sujets. Je vais poser la question encore. Au cours de la période

 14   dont nous parlons, les membres de l'UCK avaient coutumes de se réunir,

 15   n'est-ce pas, en des villages. Ils se rassemblaient surtout dans des

 16   villages, afin de protéger ces villages des attaques serbes. C'était la

 17   réalité des premiers jours, n'est-ce pas ?

 18   R.  Vous parlez les premiers jours qui ont suivi mars ?

 19   Q.  Je parle de cette période qui va de mars à juin.

 20   R.  C'est exact. C'était surtout une organisation volontaire d'individus

 21   qui voulaient lutter pour la liberté du pays et du peuple. Cette volonté de

 22   lutter a grandi et, à un moment donné, on a commencé une organisation. Les

 23   gardes villageoises ont été établies, et certain des gardes villageois

 24   étaient déjà équipés de fusils de chasse. Je l'ai déjà dit.

 25   Q.  Oui, et d'autres témoins l'ont déjà dit avant vous.

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  1   Mais bien entendu, est-ce que vous n'étiez pas face à une situation telle

  2   que je vais la dépeindre, c'est-à-dire qu'il y avait des gens   qui avaient

  3   une certaine expérience militaire, mais pour le gros des effectifs, ce

  4   n'était pas le cas. C'est comme cela que se présentait la situation au

  5   début, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui. Cela a été comme cela à la fin aussi.

  7   Q.  Un groupe d'hommes se rassemblent, je vous prenais cet exemple pour,

  8   disons, assurer la protection d'un village. Ces hommes décidaient eux-mêmes

  9   des positions qu'il leur fallait prendre, n'est-ce pas ? Tout ceci se

 10   passait de façon très souple, très peu organisée, très informelle. Est-ce

 11   que c'est bien comme cela qu'il faut comprendre la situation ?

 12   R.  Oui. C'est pourquoi l'état-major général a dû prendre un engagement

 13   pour essayer de mieux organiser ces gens.

 14   Q.  Je vois. Pour ce qui est des communications à l'intérieur d'un groupe

 15   d'hommes de l'UCK, même au sein d'un seul et même village, et à fortiori

 16   lorsqu'il s'agissait d'assurer la communication avec des membres de l'UCK

 17   dans un autre village, c'était quelque chose à tout du moins primitif,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Je ne sais pas si c'est comme cela qu'il faut qualifier ces

 20   communications, mais on peut dire que la communication se fondait sur la

 21   volonté des gens à combattre l'occupant et ses forces de police.

 22   Q.  Les dirigeants, les chefs de ces groupes, ils n'ont pas été nommés par

 23   une hiérarchie supérieure; ils sont apparus au sein du groupe, n'est-ce pas

 24   ? Je parle des chefs de ces groupes. Est-ce que vous êtes d'accord avec

 25   cette idée ?

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  1   R.  Oui, effectivement. Ils ont émergé  spontanément. Dans la majorité des

  2   cas, nous avons suivi la façon dont ces gens étaient choisis. S'ils ont été

  3   choisis, c'est à cause de ce qu'ils ont apporté, de ce qu'ils ont fait.

  4   Q.  Je veux maintenant aborder un autre sujet; passer de la question de la

  5   structure à celle du contrôle territorial, ou de l'absence de contrôle

  6   territorial en chef de l'UCK. Nous parlons toujours de la même période qui

  7   se termine fin août 1998. Hier, vous avez eu l'amabilité de concéder que ce

  8   que vous aviez dit aux Der Speigel, à savoir que l'UCK détenait 40 % du

  9   territoire n'était pas exact.

 10   R.  Oui, je m'en souviens.

 11   Q.  Parlons de la capacité qu'avait l'UCK au cours de cette période de

 12   communiquer d'une unité à l'autre. Est-ce qu'un des problèmes n'était pas

 13   celui-ci : les unités de l'UCK, avant la formation des brigades, des

 14   bataillons, avant la fin du mois d'août 1998, les obstacles les plus

 15   importants, c'est qu'il y avait de grande distance géographique séparant

 16   ces unités ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Vous vous souvenez même peut-être avoir répondu à une question de M.

 19   Whiting, qui concernait des documents de la Croix Rouge internationale.

 20   Vous vous souvenez peut-être que vous avez dit que vous deviez envoyer ces

 21   documents là où vous pouviez, par estafette. Ce sont vos propres termes. Ou

 22   vous servir d'un communiqué de presse pour essayer de transmettre la teneur

 23   de ces documents aux combattants de l'UCK. Est-ce que j'ai bien fait la

 24   synthèse de la situation que vous avez décrite hier ?     

 25   R.  Oui.

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  1   Q.  Il y a quelques instants, j'ai parlé de communication ou du systèmes de

  2   communication de transmission primitive. Le mot vous a quelque peu

  3   interpellé. Nous sommes toujours sur la rubrique du contrôle territorial;

  4   transmissions radio. Elles étaient, au cours de cette période, limitées

  5   s'agissant de transmissions entre des groupes des unités de l'UCK, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  C'était très limité.

  8   Q.  Est-ce qu'il y a finalement eu des endroits, des lieux qui étaient

  9   considérés comme étant des centres de transmission radio privilégiés de

 10   l'UCK ?

 11   R.  Oui, un tel centre a existé. Il se trouvait au mont Kosmac à Drenica.

 12   Q.  De ce mont Kosmac à Drenica, est-ce qu'on assurait la transmission à

 13   partir d'un émetteur radio ?

 14   R.  En fait, c'était un système de walkie-talkie. Vous savez, la région est

 15   montagneuse, les montagnes sont très élevées. Il y avait une transmission

 16   d'un relais à l'autre. C'est de cette façon-là que la transmission était

 17   assurée pour informer d'attaques, par exemple, de la police ou de l'armée

 18   serbe.

 19   Q.  L'appel aux armes, les appels à l'aide pour Rahovec, par exemple, sont-

 20   ils venus de cet émetteur radio, je parle ici de la mi-juillet 1998.

 21   R.  Je vous l'ai déjà dit, nous n'avions pas d'émetteur radio. Nous nous

 22   sommes servis du système utilisé par la police et l'armée serbe. Il leur

 23   est arrivé à la police et à l'armée serbe d'intercepter et d'empêcher ce

 24   type de transmission.

 25   Q.  Je comprends. Est-ce que c'est à partir de ce centre à Kosmac qu'est

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  1   parti l'appel à l'aide en ce qui concerne Rahovec ? Est-ce que vous pouvez

  2   nous le dire ou pas ?

  3   R.  Oui. Rahovec se trouve dans Bjeshket e Zatriqit. Il y avait des gens

  4   qui étaient dotés de walkies-talkies, et il leur était possible d'entrer en

  5   contact avec Kosmac. C'est ainsi qu'ils savaient ce qui se passait dans

  6   l'UCK.

  7   Q.  Puisque nous parlons de Rahovec, est-ce que nous pouvons revenir à

  8   quelque chose dont vous avez parlé hier en réponse à des questions de M.

  9   Whiting ? Page 47 et 48 du compte rendu d'audience d'hier. Vous avez parlé

 10   des combats à Rahovec, et vous avez établi un lien avec des combats qui se

 11   déroulaient ailleurs. Vous disiez hier, c'est que nous, l'état-major

 12   général de l'UCK, n'avait pas autorisé cette attaque, parce que vous

 13   n'aviez pas assez d'armes pour libérer ces villes. Est-ce que je vous ai

 14   bien compris ? Vouliez-vous dire  qu'au début des combats à Rahovec, il

 15   s'agissait de combats spontanés, et qu'ils n'étaient pas autorisés par

 16   l'état-major général ? Est-ce que c'est là le récit que vous en faites ?

 17   R.  Tout à fait.

 18   Q.  Si j'ajoutais un autre adjectif, si j'ajoutais aux adjectifs spontanés

 19   et non autorisés celui d'irresponsables, peut-être, s'agissant de ce qu'à

 20   fait l'UCK, est-ce que vous seriez d'accord ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Pourriez-vous nous rappeler à quelle date a commencé cette bataille

 23   dont nous parlons, la bataille de Rahovec, d'après vos souvenirs les plus

 24   précis ?   

 25   R.  Je ne sais pas exactement.

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  1   Q.  Est-ce que c'était vers la mi-juillet, 16, 17, 18 juillet ?

  2   R.  Oui, cela a dû être vers la mi-juillet, mais je ne me souviens pas de

  3   la date précise.

  4   Q.  Nous pouvons maintenant aborder le dernier de mes sujets. Je suis sûr

  5   que vous ne vous en souvenez pas. Je vous le rappelle, il s'agit de la

  6   Sûreté d'Etat serbe. J'aimerais vous faire trois suggestions concernant la

  7   Sûreté de l'Etat serbe. Je vous pose ces questions, et j'aimerais que vous

  8   y répondiez en tant que porte-parole de l'UCK que vous êtes devenu, mais

  9   également en tant que citoyen du Kosovo, et en tant que prisonnier puisque

 10   vous l'avez été pendant une large partie de votre vie. Ma première

 11   suggestion est la suivante, Monsieur Krasniqi : serez-vous d'accord pour

 12   dire que l'appareil destiné à assurer la Sûreté de l'Etat serbe était un

 13   appareil extrêmement sophistiqué ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous serez d'accord avec moi pour dire que cet appareil était solide et

 16   soutenu de manière très généreuse financièrement par Belgrade ?

 17   R.  Oui, c'est vrai, l'armée, la police et les services secrets. Belgrade,

 18   c'était en quelque sorte, un super pouvoir, une super puissance dans les

 19   Balkans à cet égard.

 20   Q.  Je m'intéresserais un instant sur les services secrets à proprement

 21   parler. Je dirais, n'est-ce pas, que ces services secrets avaient une

 22   grande expérience lorsqu'il était question de leur propre population, de la

 23   population serbe ?

 24   R.  Oui, effectivement. Il jouissait d'une très longue expérience dans ce

 25   domaine.

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  1   Q.  Monsieur Krasniqi, je me demandais si nous pourrions tenter une

  2   comparaison avec une autre organisation notoire qui opérait jusqu'en 1989

  3   en Allemagne de l'Est. Je parle de la Stasi. La Stasi, dirais-je, était une

  4   organisation dont l'un des outils était l'idée selon laquelle les citoyens

  5   espionneraient d'autres citoyens, et fourniraient des informations à leur

  6   propos, et ce, à une large échelle. Etant donné l'expérience qui est la

  7   vôtre au sein du Kosovo, pendant la période qui nous intéresse ici dans le

  8   cadre de cette affaire, pourrait-on comparer la Stasi et la manière dont

  9   les services secrets serbes opéraient, ou bien opéreriez-vous une

 10   distinction entre les deux ?

 11   R.  Je peux vous dire que je pense qu'ils opéraient de la même manière. Les

 12   services secrets serbes étaient même plus sophistiqués que ceux de

 13   l'Allemagne de l'Est. J'aimerais vous donner simplement un chiffre. A

 14   partir de 1981 et jusqu'en 1991, sur une période de dix ans, les services

 15   secrets ont traité le cas de 7 000 Albanais qui avaient communiqué un

 16   certain nombre d'informations. Après 1991, de nombreux Albanais ont quitté

 17   le Kosovo, étant donné justement cette activité des services secrets

 18   serbes. C'est précisément ces informations que je vous donne ici

 19   aujourd'hui. Après 1991, nous avons eu affaire à plus d'Albanais qu'avant

 20   1991.

 21   Q.  Je comprends. D'après votre expérience - et ici, je m'appesantis sur la

 22   période qui s'est écoulée jusqu'au déclenchement de la guerre, selon votre

 23   expérience, Monsieur Krasniqi, et d'après vos connaissances, pouvez-vous

 24   nous dire si des opérations en vue d'assurer la sûreté de l'Etat, des

 25   opérations ont été effectuées au cours desquelles des personnes ont été

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  1   tuées et au cours desquelles la faute a été placée sur les épaules de

  2   l'UCK ?

  3   R.  Des tentatives de cette sorte, effectivement, ont eu lieu. Ainsi, à la

  4   fin de la guerre au Kosovo, un professeur de l'université a été tué.

  5   C'était un homme politique de haut vol, homme politique de la Ligue

  6   démocratique. Il était Serbe. Il était aussi membre de la délégation de

  7   Rambouillet. Les services de la Sûreté de l'Etat ont tenté d'attribuer la

  8   responsabilité de l'assassinat de ce professeur à l'UCK.

  9   Q.  Dans la même rubrique, j'aimerais maintenant attirer votre attention

 10   sur une autre question. Je reviens sur quelque chose que vous nous avez dit

 11   hier, à la page 24 du compte rendu d'audience. Vous parliez de personnes

 12   qui avaient été détenues et emprisonnées, et cetera.

 13   Vous nous avez dit : "Je suis convaincu que le régime de Belgrade avait

 14   infiltré au sein de ses rangs des personnes sans arme."

 15   Je ne sais pas très bien ce que vous nous essayez de nous dire par ceci,

 16   Monsieur Krasniqi. Etiez-vous en train de suggérer que le régime de

 17   Belgrade avait infiltré des personnes au sein des rangs de l'UCK ?

 18   R.  N'oublions pas l'organisation extrêmement poussée de ces services. Ils

 19   ont eu de multiples occasions d'infiltrer les gens au sein des rangs de

 20   l'UCK. J'ai donné des exemples de gens qui avaient quitté les zones de

 21   guerre et qui ont été capturés par la police serbe. Nous ne savons pas ce

 22   qu'il est advenu de ces personnes même au jour d'aujourd'hui. Ces gens

 23   avaient été victimes d'espionnage; espionnage effectué par les personnes

 24   des services secrets qui, il est tout à fait possible, opéraient peut-être

 25   au sein même des rangs de l'UCK. Toutefois, je dois ajouter que même dans

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  1   les zones contrôlées par l'UCK, il y avait encore des gens qui y opéraient.

  2   Q.  Oui. Là encore, au cours de votre première journée de témoignage et sur

  3   ce même thème, il s'agit de la page 33 du compte rendu d'audience, vous

  4   avez dit la chose suivante : "De nombreuses personnes, à cette période,

  5   même aujourd'hui, ont des liens avec les services secrets serbes."

  6   Monsieur Krasniqi, j'aimerais m'attarder quelques instants sur ce point. Ce

  7   sera ma dernière question. Dites-vous, en réalité, qu'aujourd'hui, il y a

  8   des gens qui travaillent pour les services secrets serbes au Kosovo ?

  9   R.  Même si ceci ne relève pas de ma responsabilité, je reste convaincu que

 10   les services serbe reste puissant aujourd'hui au Kosovo.

 11   Q.  Vous occupez, au sein de votre pays, un post important à

 12   responsabilités. Vous êtes un homme politique de renom. Vous êtes à la tête

 13   de l'opposition. Je veux que vos propos soient bien clairs. Selon vous,

 14   quels sont les objectifs aujourd'hui des services secret serbes, en tout

 15   cas, objectifs de leur présence au Kosovo ?

 16   R.  L'objectif poursuivi -- d'abord, n'oubliez pas que cela fait plus ou

 17   moins 90 ans que ces services serbes opèrent au Kosovo. Ils veulent

 18   simplement assurer la survie et perpétuer d'anciennes politiques menées au

 19   Kosovo afin de déstabiliser la situation politique et la situation en

 20   matière de sécurité. C'est pour cette raison qu'au cours des cinq à six

 21   dernières années ils ont exploité des citoyens du Kosovo, les ont manipulés

 22   en les empêchant de jouir des changements positifs qui ont lieu dans le

 23   pays. Par conséquent, l'objectif de la présence des services secret est de

 24   déstabiliser le pays politiquement, de montrer au monde entier que le

 25   Kosovo n'est pas un pays sûr pour ses propres citoyens, et que ni les

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  1   Albanais, ni la communauté internationale n'est pas assurée la sécurité au

  2   sein de ce pays, ni la libre circulation de ces derniers. Voilà quels sont

  3   les objectifs poursuivis par ces services. Ses objectifs sont multiples.

  4   Ils veulent déstabiliser le Kosovo et faire en sorte que ce pays n'offre

  5   pas la sécurité requise pour ses citoyens.

  6   Q.  J'aimerais maintenant passer à des questions plus spécifiques, Monsieur

  7   Krasniqi. Que veuille-je dire par là ? Je voudrais que nous établissions un

  8   lien entre ce que vous venez de dire et ce procès. Pourquoi ? Parce que

  9   j'aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit au tout début de votre

 10   témoignage et je vous renvoie au compte rendu.

 11   Reflétant vos propos : "Je crois," que vous avez dit, et c'est à la page 7

 12   du compte rendu d'audience, je crois, avez-vous dit, "que l'acte

 13   d'accusation contre les trois accusés est fondé sur des éléments motivés

 14   politiquement, éléments communiqués par les Serbes occupant le Kosovo".

 15   Je vous avais dit hier, Monsieur, que je tâcherais de vous poser des

 16   questions précises en sollicitant de votre part des réponses précises. Par

 17   conséquent, j'aimerais vous posez la question suivante : êtes-vous d'avis

 18   qu'il ne serait pas sûr, ou qu'il ne serait pas raisonnable pour ce

 19   Tribunal d'exclure la possibilité selon laquelle un certain nombre

 20   d'éléments de preuve ou de témoignage apporté par des citoyens du Kosovo

 21   ait pu être influencé par les services secrets serbes.

 22   M. TOPOLSKI : [interprétation] Je vois que M. Whiting s'est levé. Veuillez

 23   ne pas répondre pour l'instant.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.

 25   M. WHITING : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. J'objecte à

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  1   cette question.  Lorsque M. Topolski s'est engagé sur cette voie de

  2   questions, le témoin a déclaré clairement que ceci ne relevait pas de son

  3   domaine de responsabilité. Par conséquent, les questions qui lui sont

  4   posées ici s'apparentent à des spéculations de la part du témoin et ne

  5   trouve aucun fondement, aucune base. On lui parle d'autres éléments de

  6   preuve, d'autres témoignages qui ont été faits devant ce Tribunal par

  7   d'autres témoins. S'il y a un fondement quelconque à ce type de question,

  8   et bien soit; mais je ne pense pas que l'on doit donner au témoin

  9   l'autorisation de s'engager sur cette voie purement spéculative concernant

 10   des témoignages faits par d'autres témoins.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Topolski.

 12   M. TOPOLSKI : [interprétation] Premièrement, en ce qui concerne la

 13   pertinence de ce qui est dit par ce témoin et part d'autres, je crois que

 14   j'ai ouvert, il y a quelques semaines et quelques mois, un domaine qui doit

 15   faire l'objet d'un examen de la part de la Cour. Il s'agit notamment de la

 16   question d'influence qui aurait pu être exercée à l'encontre d'un certain

 17   nombre de témoins venus témoigner ici. Ce que ce témoin a dit lors de son

 18   interrogatoire principal, c'est que juste après la ligne que je viens de

 19   citer, il a dit la chose suivante : "Je suis un témoin qui a été traité,"

 20   c'est ce qui a été dit, "avant de venir ici s'exprimer ici devant le

 21   Procureur de ce Tribunal. Ils ont été traités en quelque sorte par les

 22   services de renseignements serbes".

 23   C'est sur la base de cette réponse qu'il a donnée que je lui ai posé cette

 24   question. Mon objectif est de clarifier la situation. C'est sur la base

 25   d'une chose que ce témoin a dit que je pose la question que je viens de

Page 3463

  1   poser.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez sur la

  3   base que vous venez de nous indiquer afin d'établir un fondement très

  4   factuel.

  5   M. TOPOLSKI : [interprétation] Très bien.

  6   Q.  Monsieur Krasniqi, vous venez d'entendre l'échange qui vient d'avoir

  7   lieu. Ce que je souhaite simplement faire, c'est vous poser la question

  8   suivante : Vous nous avez dit lorsque vous vous êtes installé à la barre

  9   des témoins, vous avez parlé de témoignages politiquement motivés, de

 10   personnes qui avaient été à la solde de l'occupant violent. Vous avez dit :

 11   "Je sais que d'autre témoins sont passés entre les mains des services

 12   secret serbes avant de venir s'exprimer devant les Procureurs du Tribunal".

 13   Alors est-ce que cette réponse a été une réponse honnête de votre part,

 14   cette réponse que vous avez donnée au cours de votre premier jour de

 15   témoignage ici ?

 16   R.  Je crois que toutes les réponses que j'ai faites ont été honnêtes. J'ai

 17   été très concret dans les réponses données à toutes les questions qui m'ont

 18   été posées. J'ai essayé de détailler toutes mes réponses à l'aide de faits

 19   concrets. Si on me demande de revenir sur ce point en particulier, et bien,

 20   je peux fournir des faits nouveaux qui vous prouveront que mes propos ont

 21   été fondés sur des faits et seulement sur des faits.

 22   Q.  Très bien, parce que ce qui nous intéresse effectivement ce sont les

 23   faits et non pas les éléments spéculatifs ou des rumeurs, Monsieur

 24   Krasniqi. Veuillez, s'il vous plaît, dire à cette Chambre, si vous pouvez

 25   nous dire sur quels faits vous vous basez lorsque vous dites que des gens

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  1   sont passés entre les mains des services de renseignements serbes ? Quels

  2   sont les faits qui étayent cette affirmation de votre part ?

  3   R.  Je me base sur le cas de nombreux témoins qui sont venus ici pour

  4   déposer, de nombreux témoins qui ont participés à des procès menés au

  5   Kosovo, et sur le fait qu'il y a eu un certain nombre de tentatives même

  6   ici, tentatives visant à décrire la guerre menée par le peuple albanais du

  7   Kosovo sous une lumière inexacte.

  8   Je me base aussi sur le fait selon lequel tous les crimes commis au Kosovo

  9   avant la guerre et pendant la guerre par la police et l'armée serbe, n'ont

 10   pas abouti à une quelconque procédure afin de punir ces crimes. Personne au

 11   sein des rangs de l'armée serbe, personne parmi les leaders serbes, n'a été

 12   tenu responsable des crimes qui ont été commis. Tout ceci se fonde sur ce

 13   qui a été dit par ceux qui ont été au service des Serbes, tout ceux qui ont

 14   travaillé au sein des services secrets serbes.

 15   Ces dernières années, les forces politiques du Kosovo ont tenté de faire

 16   évoluer la situation politique, d'épauler les Procureurs et membres du

 17   système judiciaire qui opéraient déjà sous le régime serbe.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.

 19   M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En ce qui concerne la première ligne

 21   de la réponse, peut-être qu'il y a là un élément qui présente un certain

 22   potentiel.

 23   M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] "Les témoins qui sont venus ici

 25   déposer." Je ne sais pas ce que cela implique.

Page 3465

  1   M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui, effectivement. Par prudence, je pense

  2   que nous devrions passer en audience à huis clos partiel.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En effet.

  4   Audience à huis clos partiel.

  5   [Audience à huis-clos rendue publique par ordre de la Chambre de prèmiere

  6   instance II, en date du 15/02/2005]

  7  Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

  8  partiel. M. TOPOLSKI : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Krasniqi, nous sommes passés en audience à huis clos partiel.

 10   Cela signifie que personne en dehors de ces murs ne peut entendre ce qui se

 11   passe à l'intérieur de ce prétoire.

 12   Vous avez dit au début de votre réponse que, je vous cite, vous avez parlé

 13   plus précisément de "témoins qui sont venus ici déposer."

 14   Monsieur Krasniqi, je vous le rappelle, ce qui nous intéressent ici sont

 15   les faits, exclusivement les faits, et non pas des éléments d'information

 16   spéculative uniquement. Etes-vous à même ici de donner à ce Tribunal des

 17   noms des témoins qui auraient été influencés par les services secrets

 18   serbes ? Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît, pour l'instant.

 19   R.  Des témoins qui ont déposés, non pas sous leurs propres noms, mais sous

 20   un nom de code, ceux qui ont déposé devant cette Chambre de première

 21   instance, avaient des liens étroits avec les services secrets serbes.

 22   Q.  Veuillez répondre par oui ou par non à la question

 23   suivante : connaissez-vous l'identité exacte de l'un ou l'autre de ces

 24   témoins ? Répondez par oui ou par non, simplement, s'il vous plaît.

 25   R.  Je ne connais pas leur identité exacte, mais je connais la teneur de

Page 3466

  1   leur témoignage.

  2   Q.  Soyons clairs, s'il vous plaît, Monsieur. Etes-vous en train d'affirmer

  3   que le fait qu'ils aient témoigné de manière anonyme indique que, d'une

  4   manière ou d'une autre, leur témoignage ait pu être influencé par les

  5   services secrets serbes ? Est-ce ce que vous êtes en train d'affirmer ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  C'est là votre avis personnel sur la question ?

  8   R.  Ce n'est pas seulement le mien, mais puisqu'ici, je m'exprime en ma

  9   qualité personnelle, effectivement c'est mon avis.

 10   M. TOPOLSKI : [interprétation] Madame le Juge, Messieurs les Juges, je ne

 11   sais pas ce qu'en pense le Tribunal, mais s'agit-il là d'une base

 12   suffisante sur laquelle je pourrais appuyer la proposition ou la suggestion

 13   que j'avais l'intention de faire au cours de mon contre-interrogatoire, et

 14   sur lequel je me proposais de conclure ?

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre estime que ce n'est pas une

 17   base suffisante, Maître Topolski.

 18   M. TOPOLSKI : [interprétation] Merci beaucoup.

 19   Q.  Merci à Monsieur Krasniqi de sa patience, également. Je n'ai plus de

 20   questions.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne sais pas très bien vers qui mon

 22   regard doit se tourner. Monsieur Mansfield, peut-être ?

 23   Nous devons repasser en audience publique, je crois, Maître Mansfield.

 24   M. MANSFIELD : [interprétation] S'il vous plaît.

 25   [Audience publique]

Page 3467

  1   Contre-interrogatoire par M. Mansfield :

  2   Q.  [interprétation] Monsieur Krasniqi, bonjour. Je représente Fatmir

  3   Limaj, assit derrière moi, un peu à ma droite. Vous serez heureux

  4   d'apprendre que je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, puisqu'un

  5   grand nombre d'entre elles ont déjà été. J'espère pouvoir en terminer dans

  6   l'heure qui suit.

  7   J'aimerais commencer, si vous me le permettez, par vous poser un certain

  8   nombre de questions sur Fatmir Limaj. Vous nous avez dit de l'avoir

  9   rencontré en juin, et à un certain nombre d'occasions par la suite. Je ne

 10   doute pas que vous l'ayez rencontré après la fin de la guerre, avant qu'il

 11   ne soit transféré ici aux mains de ce Tribunal. Ma première question serait

 12   la suivante : pourriez-vous tout d'abord me dire, quelle est votre opinion

 13   générale de Fatmir Limaj en tant que personne ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vous demanderais d'être un peu plus loquace. Quel est votre avis ?

 16   Que pensez-vous de lui ?

 17   R.  Comme je l'ai dit déjà au cours de la session d'hier, je crois la

 18   deuxième, je connais Fatmir Limaj depuis juin 1998. Puis par la suite,

 19   particulièrement après octobre et novembre 1998, je l'ai connu de plus

 20   près, étant donné que nous étions tous les deux membres de l'état-major

 21   général de l'UCK. Au cours de cette période, nous avons été des amis

 22   proches, de bons amis, et il a fait preuve d'un grand talent de

 23   communication avec les citoyens. Il a beaucoup soutenu les citoyens, et

 24   particulièrement ceux qui pendant l'offensive serbe ont trouvé refuge dans

 25   les vallées des monts Berisa, dans les vallées qui surmontaient Kishna

Page 3468

  1   Reka, Nekovce, Bajice, Shale, et Kroimire. Dans ces boyaux, et au cours des

  2   fréquentes offensives menées par les Serbes, il y a eu de 60 000 à 70 000

  3   civils à la recherche d'un abri, principalement des femmes, des enfants et

  4   des personnes âgées, des personnes d'autres âges, également, en raison du

  5   manque d'armes et des moyens nécessaires pour armer la population.

  6   L'aide et le soutien qu'il a apporté à la population civile sont tels qu'il

  7   ne devrait pas être, aujourd'hui, là où il se trouve et qu'il devrait être

  8   récompensé pour ce qu'il a fait. Toutefois, certaines choses se produisent,

  9   ainsi va la vie. Sa présence, ici, est insupportable pour sa famille, pour

 10   lui-même et pour ses amis; toutefois, nous pensons qu'aujourd'hui, un

 11   processus démocratique positif est en route aujourd'hui au Kosovo et son

 12   absence dans ce processus démocratique se ressent fortement. En toute

 13   sincérité, je vous le dis, son absence se fait ressentir vivement dans le

 14   processus de réconciliation entre les citoyens du Kosovo quelle que soit

 15   leur nationalité, une réconciliation qui est l'objectif et le but poursuivi

 16   par ce Tribunal. Nous pensons que les faits sont en faveur de Fatmir et que

 17   sa place est chez lui, car la vie est courte et qu'elle doit être vécue.

 18   Q.  Je pense qu'une erreur s'est glissée au compte rendu d'audience, il est

 19   sans doute fait référence à Disraeli et non pas Israël. Peu importe. Je

 20   demanderais que cette erreur soit corrigée, car elle apparaît à deux

 21   reprises. Ceci concerne la dernière réponse fournie par le témoin. Je vais

 22   poursuivre.

 23   Vous avez déclaré qu'avant novembre 1998, Fatmir Limaj n'était pas membre

 24   d'état-major général. Au cours de la période située entre le mois d'août et

 25   de novembre, on a assisté à la constitution de brigades et celle qui nous

Page 3469

  1   intéresse, particulièrement en l'espèce, c'est la 121e Brigade, n'est-ce

  2   pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Nous savons, également, et je ne vais pas m'attarder exagérément là-

  5   dessus, que le territoire occupé par la 121e Brigade n'était pas le même

  6   que celui qui correspondait aux zones ou

  7   sous-zones qui existaient avant le mois d'août; est-ce exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je souhaiterais que l'on revienne, de nouveau, à la période avant la

 10   fin du mois d'août. On vous a posé un certain nombre de questions à ce

 11   sujet. Ce qui m'intéresse, c'est la période située approximativement entre

 12   les mois d'avril et août. Au cours de cette période, en théorie, il

 13   existait sept sous-zones que vous avez déjà mentionnées. C'est bien exact,

 14   n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Nous allons parler de la mesure dans laquelle ces zones étaient

 17   opérationnelles ou actives, au cours de cette période. Mais avant cela,

 18   est-il exact de dire que Fatmir Limaj ne commandait aucune de ces zones, au

 19   cours de cette période, qu'elle soit active ou non ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  La capacité opérationnelle de ces zones à l'époque dépendait, dans une

 22   large mesure, de l'organisation qui prévalait au sein de ces sous-zones,

 23   avant avril 1998. Par exemple, la zone de Drenica était mieux organisée et

 24   plus à même de devenir active après le mois d'août; est-ce exact ?

 25   R.  Effectivement.

Page 3470

  1   Q.  La raison pour laquelle je vous pose cette question est la suivante :

  2   en réponse à une question posée par l'Accusation, vous avez dit que la zone

  3   de Pastrik, entre les mois d'avril et août, était moins avancée que

  4   d'autres pour ce qui est de l'aspect organisationnel. Vous souvenez-vous

  5   avoir dit cela ?

  6   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit. Si nécessaire, je peux vous parler de

  7   l'organisation de chacune des zones au moment de leur élargissement.

  8   Q.  Soyons précis. Je pense que la zone de Drenica était la zone la plus

  9   avancée de ces sept zones en matière d'organisation et de développement ou

 10   est-ce qu'elle se trouvait vers le milieu, près du milieu ?

 11   R.  Vers le milieu.

 12   Q.  Dans la zone de Pastrik, d'après ce que vous savez, au cours de la

 13   période allant du mois d'avril au mois d'août, est-ce qu'il est vrai que

 14   plusieurs unités sont apparues et ont commencé à opérer dans ce secteur ?

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Pourriez-vous nous donner le nom de l'une quelconque des unités qui

 17   opérait dans cette zone, au cours de la période située entre le mois

 18   d'avril et le mois d'août, lorsque les brigades ont été constituées ?

 19   R.  Je peux vous donner certains noms, mais je ne peux pas vous donner le

 20   nom de toutes les unités. Dans la municipalité de Malisheve, il y avait

 21   l'unité Lumi.

 22   Q.  Oui.

 23   R.  Dans la municipalité de Rahovec, dans les monts Zatriq, il y avait

 24   l'unité 500, qui portait le chiffre 500. Il y avait une autre unité, dans

 25   la municipalité de Therande, anciennement appelé Suva Reka; elle s'appelait

Page 3471

  1   Lisi. Il y avait une autre unité dans la municipalité de Prizren, dans le

  2   village de Vrini. Mais je ne me souviens pas de son nom. Il y avait de plus

  3   petites unités également, mais je ne me souviens pas de leurs noms.

  4   Q.  Suite aux réponses que vous venez de nous donner, est-ce que l'unité

  5   Lisi était également connu sous le nom arbre et l'unité Lumi sous le nom de

  6   rivière ? Est-ce que vous pourriez éclairer nos lanternes à ce sujet ? Est-

  7   ce qu'il s'agit des mêmes unités ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   Q.  Vous ne vous souvenez pas de tous les noms. Ce qui m'intéresse, c'est

 10   l'Unité Celiku. Est-ce que vous connaissiez bien cette unité ou ces Unités

 11   Celiku ?

 12   R.  Je connaissais l'existence de l'unité qui était dirigée par Fatmir

 13   Limaj. Celle-ci était basée à Klecka.

 14   Q.  Peut-être pourrait-on élaborer davantage sur ce sujet. Au cours de

 15   cette période située entre le mois d'avril et le mois d'août, vous nous

 16   avez décrit cette période comme étant la deuxième étape du développement de

 17   l'UCK; en d'autres termes, il s'agissait d'une étape intermédiaire entre

 18   les activités de guérilla qui avaient été menés plutôt, les raids éclairs

 19   et le moment où l'UCK est devenu une armée de volontaires, puis, une armée

 20   régulière. Il s'agit de l'étape intermédiaire, n'est-ce pas ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  D'après ce que vous nous avez dit, jusqu'à présent, il semblerait qu'au

 23   cours de cette phase de volontariat, l'un des principaux problèmes que

 24   rencontrait l'UCK tenait au manque d'infrastructures et de ressources en

 25   matière de finance, d'armes et de communications qui auraient permis de

Page 3472

  1   contrôler l'afflux des personnes qui souhaitaient entrer dans la

  2   résistance. Est-ce que j'ai décrit les choses de façon exacte ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  En termes pratiques, cela signifiait que l'échelon supérieur de

  5   commandement, cet état-major général mobile que vous nous avez décrit, ne

  6   savait pas, nécessairement, combien de personnes s'étaient portées

  7   volontaires, où ces personnes se trouvaient, qui, parmi elles, avaient été

  8   nommées chefs; est-ce exact ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  De même, si l'on parle de l'échelon inférieur, c'est-à-dire des unités

 11   composées de volontaires, ces unités ou ces groupes ne savaient pas

 12   nécessairement combien de personnes s'étaient portées volontaires pour

 13   joindre les rangs d'autres unités déployées de l'autre côté de la montagne,

 14   par exemple, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non, ils ne savaient pas.

 16   Q.  Dans les circonstances que nous venons d'évoquer, seriez-vous d'accord

 17   avec moi pour dire que l'exercice du contrôle était à la fois confus et

 18   difficile, n'est-ce pas ?

 19   R.  C'était difficile, en effet.

 20   Q.  Ma question est composée de deux volets. Cet exercice de contrôle était

 21   non seulement confus, mais également difficile, au cours de cette période,

 22   n'est-ce pas ? Etes-vous d'accord avec les deux éléments de ma question ?

 23   R.  C'était difficile, c'était confus, en effet. D'autre part, les

 24   divisions réalisées par la police et les forces armées serbes rendaient

 25   cela encore plus difficile.

Page 3473

  1   Q.  Vous avez peut-être déjà vu les cartes que nous avons, notamment la

  2   carte P1. Si vous ne l'avez pas sous les yeux, elle vous sera présentée. Ce

  3   qui m'intéresse particulièrement, c'est la carte numéro 6, extraite de la

  4   pièce P1. Les cartes que vous avez sous les yeux portent différents

  5   numéros. Ce qui m'intéresse, c'est la carte numéro 6, sur laquelle on voit

  6   apparaître des villages et des petits points de couleur rouge. Il s'agit,

  7   en fait, de la septième carte de cette liasse de documents. Vous avez sous

  8   les yeux la carte numéro 6. Lapusnik se trouve dans un carré rouge, en

  9   dessous. On voit Berisa avec un triangle rouge. Si l'on descend sur cette

 10   carte, on arrive à Klecka, représenté par un point rouge. Est-ce que vous

 11   voyez cela ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Vous n'allez peut-être pas pouvoir répondre à la question que je vais

 14   vous poser, mais je vous la pose, malgré tout. Est-ce que vous savez par

 15   hasard si, au cours de la période située entre avril et août, les villages

 16   que les unités plaçaient sous le commandement de Fatmir Limaj, les Unités

 17   Celiku, où se trouvaient les villages que l'Unité Celiku, avec d'autres

 18   unités, sont allées aider ? Si vous regardez vers la gauche de cette carte,

 19   vers l'ouest, on peut voir Ladrovac et Terpeze. Est-ce que vous êtes en

 20   mesure de voir les villages que son unité est allée secourir ?

 21   R.  Vous voulez savoir comment il est allé à la rescousse des citoyens ou

 22   comment il a aidé d'autres groupes dans le cadre d'attaques par l'ennemi ?

 23   Q.  Je veux parler des occasions où il est allé à la rescousse des citoyens

 24   et lorsqu'il a aidé d'autres unités de résistance. Au cours de cette

 25   période entre avril et août, il s'est rendu dans un certain nombre de

Page 3474

  1   villages. J'ai commencé à parler de ceux qui étaient situés à l'ouest, puis

  2   vers le sud, nous avons Malisheve, Banje, et cetera. S'agit-il là des

  3   villages qu'il est allé secourir, dont il est allé aider les habitants afin

  4   que ces derniers se protègent contre les Serbes ?

  5   R.  D'après mes souvenirs, il est d'abord allé à Banje, Tepeze, Ladrovc,

  6   c'est ce dont je me souviens. Au cours de l'offensive comme je l'ai déjà

  7   dit, d'autres villages situés à l'est et au nord-est de Berisa, ce sont des

  8   villages où il s'est rendu plus tard.

  9   Q.  Je souhaiterais vous poser une question au sujet de Lapusnik. Vous avez

 10   déjà dit que Lapusnik est située dans la municipalité de Gllogoc laquelle

 11   elle-même était située dans la municipalité de Drenica. Est-ce que vous

 12   nous dites que Lapusnik a été incluse dans cette zone qui était mieux

 13   organisée que d'autres au cours des mois d'avril à août, à savoir la zone

 14   de Drenica

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Au cours de cette période, avez-vous eu l'occasion de vous rendre vous-

 17   même à Lapusnik ?

 18   R.  Non, je ne suis pas allé à Lapusnik

 19   Q.  D'après ce que nous pouvons voir sur votre carte, ce n'est pas très

 20   loin de votre village, le village de Negrovce au nord-ouest de la carte que

 21   vous avez sous les yeux; est-ce exact ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Au cours de cette période, d'après ce que vous nous avez dit, vous avez

 24   pas mal circulé en votre qualité de membre de l'état-major général et en

 25   tant que porte-parole, vous avez beaucoup circulé dans cette région.

Page 3475

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez être plus précis et nous dire le nom des

  3   endroits, des lieux que vous avez visités au cours de cette période, de

  4   façon que nous puissions mieux comprendre vos déplacements. A titre

  5   d'exemple, vous pourrez nous dire que vous êtes allés jusqu'à Malisevo à

  6   l'ouest, Zborce à l'est. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée

  7   approximative de la surface couverte par vos déplacements au cours de cette

  8   période.

  9   R.  Nous allions à Klecka lorsque nous accordions des interviews ou

 10   lorsqu'il y avait des réunions. Divjake, Berisa, entre Divjake et Berisa,

 11   il y a un autre village qui n'apparaît pas sur la carte. Il s'agit du

 12   village de Novo Selo. Nous sommes allés à Tepeze,  Orlate, Negrovce, près

 13   de Negrovce, il y a un autre village appelé Vuqak ce village n'apparaît pas

 14   non plus sur cette carte.

 15   Au nord, il y a Bajice, à l'ouest de Bajice se trouve le village de Terdec.

 16   Nous y sommes allés également. Nous sommes allés jusqu'au village de Drenoc

 17   qui se trouve au nord du carrefour de Skendaraj-Gllogoc. Nous nous sommes

 18   rendus dans  des villages de la municipalité de Vushtrri, Podujeva,

 19   Mitrovica. Nous sommes allés à Podujeva. Je me suis également rendu dans la

 20   région de Dukagjin et de Suhareke. Voilà en gros les déplacements que j'ai

 21   effectués en ma qualité de porte-parole à l'époque.

 22    Q.  Merci. Compte tenu des réponses que vous nous avez données, pouvez-

 23   vous nous dire si, à quelque moment que ce soit, vous avez appris qu'un

 24   camp de détention était situé à Lapusnik, ou qu'il y avait des rumeurs à ce

 25   sujet ?

Page 3476

  1   R.  À l'époque, je n'en ai pas entendu parler. J'assume pleinement la

  2   responsabilité de mes propos. J'ai entendu parler de cette soi-disant

  3   prison après l'arrestation de Fatmir et de ses amis.

  4   Q.  Compte tenu du poste que vous occupiez au sein de l'état-major général,

  5   pouvez-vous nous dire si Lapusnik, au cours de la période entre les mois

  6   d'avril et d'août, aurait été un choix raisonnable pour l'établissement

  7   d'un camp de détention ?

  8   M. WHITING : [interprétation] Objection. Tout d'abord, le témoin a dit

  9   qu'il ne participait pas aux questions opérationnelles; deuxièmement, qu'il

 10   ne s'est pas rendu à Lapusnik au cours de cette période. Je ne pense pas

 11   qu'il puisse répondre à cette question, si ce n'est que par des

 12   spéculations.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.

 14   M. MANSFIELD : [interprétation] Certes, le témoin a dit qu'il ne s'est pas

 15   rendu à Lapusnik au cours de cette période. Toutefois d'après ses réponses,

 16   il a dit qu'il a beaucoup voyagé dans la région. Au cours de ces voyages,

 17   pendant cette période, je lui ai demandé s'il avait entendu parler de

 18   l'existence d'un camp de détention. Ce témoin ne s'occupait pas de

 19   questions opérationnelles mais cela ne signifie pas qu'il n'a pas de point

 20   de vue, qu'il n'a pas d'opinion à ce sujet.

 21   Non seulement il était porte-parole, mais il devait être en contact étroit

 22   au niveau de l'état-major général avec ceux qui s'occupaient des questions

 23   opérationnelles et il devait savoir, à certains moments, où se trouvaient

 24   les lignes de front, où avaient lieu les opérations. Il n'est pas tout à

 25   fait dénué d'expérience en questions militaires, et il peut dire si le

Page 3477

  1   choix d'établir un camp de détention à Lapusnik sur la ligne de front, tel

  2   que cela a été le cas à un moment donné, était un choix raisonnable.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, au vu les arguments

  4   que vous avez avancés dan votre objection, je peux dire que le poids qui

  5   sera accordé à la réponse du témoin ne sera pas très important mais je ne

  6   vous défends pas de poser cette question.

  7   M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait votre point

  8   de vue, et je ne souhaite pas faire perdre son temps à la Chambre en posant

  9   des questions dont les réponses ne pourront pas se voir accorder un poids

 10   important. Nous verrons plus tard.

 11   Je pensais que nous pourrions prendre la pause.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons respirer, et

 13   nous reprendrons à 16 heures 05.

 14    [Le témoin se retire]

 15   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 16   --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous vouliez

 18   intervenir ?

 19   M. WHITING : [interprétation] Oui. Merci Monsieur le Président, avant que

 20   le témoin ne rentre dans le prétoire pour la poursuite du contre-

 21   interrogatoire pourrais-je soulever une question ? On donne peut-être une

 22   impression erronée suite au contre-interrogatoire de Me Topolski, j'en ai

 23   déjà parlé avec Me Topolski, il est d'accord avec moi et il est d'accord

 24   aussi avec l'amorce de solution que je propose.

 25   A la fin du contre-interrogatoire page 16 plus précisément le témoin a

Page 3478

  1   affirmé qu'il avait "des faits étayant l'idée sur laquelle des gens

  2   seraient passés entre les mains des services secrets avant de venir déposer

  3   en tant que témoin à charge."

  4   Afin de donner au témoin l'occasion au témoin de fournir ces faits, nous

  5   sommes passé à huis clos partiel et je crains que ceci ne laisse une

  6   mauvaise impression à ceux qui suivent ce procès et Me Topolski est, là

  7   aussi, d'accord avec moi, je voudrais qu'en audience publique les choses

  8   soient rectifiées à savoir que le témoin n'a pas présenté de faits à

  9   l'appui de cette idée.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous proposez que soit

 11   retenu aux fins du dossier de l'audience ce que vous venez de dire ?

 12   M. WHITING : [interprétation] Oui, je crois que ceci suffirait. Je crois

 13   qu'il ne serait peut-être pas inutile de rendre publique ce qui s'est dit à

 14   huis clos partiel et pour que le dossier de l'audience soit tout à fait

 15   dépourvu d'ambiguïtés, ceci pourrait être rendu public.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il est juste de dire que

 17   rien n'a été dit à huis clos partiel qui, finalement, aurait justifié ce

 18   qui s'est passé. C'est peut-être la bonne façon d'agir Monsieur Whiting. On

 19   peut décider de rendre public ce qui était à huis clos partiel.

 20   M. WHITING : [interprétation] C'est une excellente solution.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Je vous remercie Monsieur

 22   Whiting.

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire] 

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, vous avez la parole.

 25   M. MANSFIELD : [interprétation] 

Page 3479

  1   Q.  Monsieur Krasniqi, ma dernière question consiste à accepter cette offre

  2   que vous aviez faite, cela a peut-être nécessité un certain temps, mais

  3   vous avez dit qu'au cours de cette période qui va d'avril à août 1998,

  4   l'évolution des sous-zones qui sont devenues des zones actives, des zones

  5   opérationnelles. Nous avons déjà parlé de Drenica, vous avez dit que

  6   c'était la zone la plus opérationnelle et vous avez placé Pastrik au

  7   milieu, mais je relève ce que vous proposiez, vous offriez de parcourir les

  8   autres zones. J'espère que ceci ne portera pas trop à controverse mais

  9   Drenica était commandé par un certain Selimi; est-ce exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Vous avez déjà indiqué les municipalités concernées. Si je me trompe,

 12   corrigez-moi, je vous en prie. Est-ce que la deuxième zone, la deuxième

 13   sous-zone, vu ce que vous avez déjà dit, est-ce que c'était Dukagjin juste

 14   au sud, à l'ouest ? Est-ce que c'était la deuxième sous-zone ? Si ce n'est

 15   pas le cas dites-nous quelle était cette deuxième sous-zone ?

 16   R.  Oui, c'était la sous-zone numéro 3 et c'est devenu plus tard la zone

 17   numéro 3. C'était juste après la zone de Drenica, du point de vue de

 18   l'organisation.

 19   Q.  Excusez-moi si je m'arrête, mais je regarde ce que vous avez répondu.

 20   Est-ce qu'il y a peut-être méprise ? Vous avez dit

 21   ceci : "Oui, cela a été la sous-zone 3, et puis c'est devenu plus tard la

 22   zone 3." Désolé de vous reposer la question. Est-ce que c'est bien cela ?

 23   Est-ce que c'était la sous-zone quelque chose qui est devenu plus tard la

 24   zone 3 ?

 25   R.  C'est la même chose.

Page 3480

  1   Q.  Qui était au cours de cette période, d'avril à août, le comandant de

  2   cette zone ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

  3   R.  Le commandant de zone l'est devenu plus tard. A l'époque c'était Ramush

  4   Haradinaj.

  5   Q.  Puisque ce n'est pas loin, pourriez-vous nous dire quelles étaient les

  6   municipalités englobées dans cette zone ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourriez-vous indiquer quelles sont ces municipalités.

  9   R.  Istog au nord, et faisant partie de Dukagjin;

 10        Peja, Decan, Gjurakoc, et une partie de la municipalité de  Klina.

 11   Q.  Merci. En matière d'organisation après cette sous-zone numéro 3,

 12   toujours à cette période, qu'est-ce qu'on avait ?

 13   R.  C'était très similaire. Cela allait de Pastrik et Shala jusqu'à

 14   Bajgora, et puis Llap.

 15   Q.  Commençons par Shale. Qui était responsable de cet endroit à cette

 16   époque ?

 17   R.  Rrahman Rama [phon].

 18   Q.  Je pense que vous avez aussi mentionné Pastrik. Qui avait la

 19   responsabilité de Pastrik ?

 20   R.  Il y a eu différentes personnes. D'abord cela a été Musa Jashari, puis

 21   ce fut Ekrem Rexha, et enfin Tahir Sinani.

 22   Q.  Vous avez mentionné trois individus. Est-ce qu'ils se sont succédés au

 23   cours de cette période allant d'avril à août ?

 24   R.  Non, pas à partir du moi d'avril. A la fin du mois de juillet, c'était

 25   Musa Jashari qui était le responsable, et ce, si je me souviens bien,

Page 3481

  1   jusqu'au mois de novembre. Après le mois de novembre, ce fut Ekrem Rexha.

  2   C'est en mars ou en avril 1999 que Tahir Sinani est devenu commandant.

  3   Q.  Restons encore à la zone, où à la sous-zone, plus exactement, de

  4   Pastrik. Est-ce que nous pouvons en conclure qu'il n'y avait personne se

  5   trouvant dans un poste de commandement général - j'insiste sur les mots,

  6   excusez-moi - entre avril et juillet 1998 ?

  7   R.  Non, il n'y avait personne.

  8   Q.  Ici, je ne veux pas le demander pour toutes les sous-zones, mais pour

  9   ce qui est de la sous-zone de Pastrik, quelles étaient, au cours de cette

 10   période, les municipalités concernées ?

 11   R.  Il y avait la municipalité de Malisheve; Rahovec; Prizren; Sharri, qui

 12   s'appelait Dragash; ainsi que la municipalité de Suhareke.

 13   Q.  L'autre zone que vous avez mise sur un pied d'égalité avec Shale et

 14   Pastrik, c'était Llap. A un moment donné, au cours de cette période, qui

 15   était le responsable de cette zone ?

 16   R.  La personne qui avait la responsabilité principale de cette zone

 17   c'était Rrustem Mustafa.

 18   Q.  Il ne reste plus que deux sous-zones, me semble-t-il. Ce sera le numéro

 19   6, Nerodime ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  En ce qui concerne Nerodime, entre le mois d'avril et le mois d'août, à

 22   quel moment y a-t-il eu quelqu'un qui avait le commandement général de

 23   cette zone ?

 24   R.  Cela s'est passé vers le mois de juillet, au début août. C'est alors

 25   que le commandant de la zone c'était Shukri Buja. Mais je dois préciser

Page 3482

  1   qu'il s'agit ici d'une zone qui se trouvait au nord-est des monts Shari, et

  2   cette zone devrait comprendre Shtime, Lipjan, Ferizaj, et Kacanik. Mais

  3   étant donné la situation géographique, ou le relief du terrain, l'armée

  4   n'était organisée que dans les villages des municipalités se trouvant au

  5   pied des monts Shari.

  6   Q.  Il n'y a plus, je crois, qu'une sous-zone à voir; celle de Karadak,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Même question, au cours de cette même période, à quel moment y a-t-il

 10   semblé qu'il y avait quelqu'un qui avait le commandement ?

 11   R.  On peut dire de cette zone qu'elle était moins engagée dans des

 12   activités militaires. Le commandant de cette zone a été nommé fin 1998 ou

 13   début 1999. Il s'appelait Ahmet Isufi.

 14   Q.  Merci beaucoup de votre aide, Monsieur.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mansfield.

 16   Maître Guy-Smith, vous avez la parole.

 17   Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je défends les intérêts de M.

 19   Haradin Bala. Mes questions ne concerneront qu'un seul sujet - je ne veux

 20   pas aborder les domaines qui ont déjà si bien été abordés par mes confrères

 21   - je veux parler de la population civile déplacée au cours de l'été 1998.

 22   Vous avez dit que dans les vallées du mont Berisa; Nekovce, Kishna Reka,

 23   Bajice, Shale, et Kroimire, dans ces vallées au-dessus de ces villages, il

 24   y avait quelques 60 à 70 000 villageois déplacés qui avaient été chassés de

 25   leurs villages suite à l'offensive serbe; est-ce exact ?

Page 3483

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourriez-vous nous dire quand à commencer ce mouvement des personnes

  3   déplacées ? Au cours de quel mois, les gens, les habitants ont-ils dû

  4   quitter leurs villages suite au mouvement des Serbes ?

  5   R.  Le déplacement des personnes a commencé vers la mi-juillet. C'était

  6   surtout vrai à Rahovec. L'offensive armée prenant plus d'ampleur au mois

  7   d'août et en septembre, la population a été contrainte de quitter ces

  8   foyers et de s'installer dans les vallées et dans les montagnes; par

  9   exemple, au mont Berisa. De l'autre côté de la route asphaltée, dans les

 10   villages de Drenica, à Trnez et Dupcak, ce sont des vallées aussi, dans la

 11   vallée de Bajice, dans les montagnes de Vrbovc et aussi dans une plaine

 12   Molv [phon]. Les villageois ont quitté leurs domiciles et se sont installés

 13   là où ils pouvaient bénéficier d'un soutien stratégique. Cela a duré

 14   pendant tout l'été 1998.

 15   Q.  Vous dites que "les villageois se sont installés là où ils pouvaient

 16   bénéficier d'un soutien stratégique," qui s'occupait des villageois de cet

 17   afflux soudain de villageois dans ces zones ?

 18   R.  Les membres de l'UCK se sont eux qui ont surtout protégé ces gens parce

 19   que leurs familles se trouvaient parmi ces personnes déplacées. Les soldats

 20   devaient d'un côté combattre et de l'autre s'occuper de leurs familles pour

 21   les emmener en lieux sûrs.

 22   Q.  Sommes-nous en droit de dire qu'au cours de cette phase intermédiaire,

 23   comme vous l'avez appelée de l'UCK, lorsqu'il y avait une absence

 24   d'infrastructure, et un manque de ressources, de fonds, et de moyens de

 25   transmission, sommes-nous en droit de dire que parmi les facteurs qui ont

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  1   rendu la situation encore plus difficile pour tout le monde, cela a été

  2   surtout l'afflux considérable de ces personnes déplacées ?

  3   R.  Oui, c'est exact. Les chefs de l'UCK ont, bien entendu, été obligés de

  4   soutenir, d'aider la population civile. Très souvent, si l'UCK avait des

  5   vivres excédentaires, elle les donnait à cette population.

  6   Q.  Je vous remercie, Monsieur.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Guy-Smith.

  8   Monsieur Whiting, des questions supplémentaires ?

  9   M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Nouvel interrogatoire par M. Whiting :

 11   Q.  [interprétation] Monsieur, je n'ai que quelques questions

 12   supplémentaires, et vous en aurez bientôt terminé, à moins que les Juges

 13   souhaitent vous poser des questions. Aujourd'hui, vous avez parlé du FARK à

 14   une deux reprises. Vous vous en souvenez ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que le FARK faisait partie de l'UCK ou est-ce qu'il s'agissait

 17   de là d'une organisation séparée ?

 18   R.  Je pense qu'il me faut un certain temps pour vous expliquer la chose.

 19   Q.  Essayez d'abord de répondre à ma question et puis vous pourrez donner

 20   votre explication.

 21   R.  Il s'agissait d'une autre organisation.

 22   Q.  Vous souhaitiez fournir une explication brève. Faites-le, s'il vous

 23   plaît.

 24   R.  C'était en 1991 ou 1992, je pense. Ces officiers, j'entends des

 25   officiers albanais de l'armée yougoslave, ont été organisés par le

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  1   gouvernement de Bujar Bukoshi, qui avait un gouvernement en exile, et qui

  2   avait essayé de mettre sur pied une armée composée de ces hommes. Mais les

  3   services secrets serbes ont très vite découverts leur intention et ont

  4   arrêté certains de ces individus. D'autres ont quitté le Kosovo pour vivre

  5   dans des pays occidentaux.

  6   Lorsque la guerre a éclaté, les cadres venant de cette première tentative

  7   misant à créer une armée estimaient qu'ils étaient des cadres

  8   professionnels. Ils se sont regroupés pour revenir au Kosovo. Il y a eu des

  9   négociations avec eux, et ils ont accepté de venir au Kosovo en tant

 10   qu'experts militaires pour combattre sous l'égide de l'UCK. Mais en fait,

 11   ces hommes ont essayé de conserver leurs liens, leurs anciennes attaches,

 12   vu leur parcours scolaire, leur formation, des liens avec le gouvernement

 13   Bikoshi qui les payaient. Cette formation a fait beaucoup de mal à l'UCK.

 14   Je l'ai expliqué lors d'une autre audience, ces hommes ont remis aux forces

 15   serbes 5 000 ou 6 000 armes. Une partie de l'armée qu'ils avaient

 16   constituée se retirait en Albanie. Fin août ou début septembre 1998, c'est

 17   à ce moment-là que 50 soldats sont restés. C'était à peu près ce que je

 18   voulais dire en quelques mots à propos du FARK.

 19   Q.  Tahir Zemi, était-il membre du FARK ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je pense qu'au cours d'une audience précédente, vous avez dit ceci,

 22   peut-être en rapport avec ce que vous venez de dire. Vous avez dit que

 23   Tahir Zemi opérait dans la zone de Dukagjin pendant l'été 1998. Est-ce bien

 24   ce que vous avez dit dans le cadre de votre déposition ?

 25   R.  Oui.

Page 3486

  1   Q.  Mis à part la zone de Dukagjin, à votre connaissance, est-ce que le

  2   FARK a opéré ailleurs, ou est-ce qu'il a limité son action à la zone de

  3   Dukagjin ?

  4   R.  Il y avait aussi des membres du FARK en dehors de Dukagjin, mais leurs

  5   moyens d'actions étaient limités. Par conséquent, vers la fin de 1998, ils

  6   ont cessé leurs activités.

  7   Q.  Savez-vous où ils ont opéré en dehors de la zone de Dukagjin ?

  8   R.  Oui, surtout dans la zone de Pastrik.

  9   Q.  Où précisément dans la zone de Pastrik, si vous le savez ?

 10   R.  Surtout à Therande, ancienne municipalité de Suhareke.

 11   Q.  Aujourd'hui, on vous a posé des questions à propos des combats de

 12   Rahovec. Vous avez déclaré que ces combats n'avaient pas été autorisés par

 13   l'état-major général. Si j'ai bien compris, vous avez dit que c'était là

 14   des combats spontanés. J'ai quelques questions à ce propos. Lorsque l'UCK

 15   s'est emparée de Rahovec pour une brève période de temps, était-ce la

 16   première fois que l'UCK prenait le contrôle d'une grande ville du Kosovo ?

 17   R.  Oui, c'était la première fois que l'UCK prenait le contrôle d'une

 18   petite ville.

 19   Q.  Savez-vous qui a mené les forces de l'UCK dans cette attaque en vue de

 20   la prise de contrôle de Rahovec ?

 21   R.  Oui. Rahovec avait sa propre unité qui, jusqu'à cette période-là,

 22   opérait à l'extérieur de la ville. Les chefs de cette unité, lorsque

 23   l'attaque a commencé, n'étaient pas là. Ils n'étaient ni à Rahovec ni au

 24   Kosovo. A cette époque, l'état-major général avait nommé deux militaires

 25   afin d'évaluer quelles étaient les possibilités en matière d'opérations

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  1   pour l'UCK. Agim Cela -- donc, pour évaluer la situation sur le terrain

  2   pour voir ce qu'il était possible de faire dans la région de Rahovec et

  3   quel type de choses qu'il était possible de faire. Mais les instructions,

  4   les consignes étaient de ne pas entrer à Rahovec, car l'UCK n'était pas en

  5   mesure de défendre la ville, de protéger la ville avec les armes dont elle

  6   disposait. Par conséquent, la consigne était de ne pas entrer dans la

  7   ville. Ceci s'est produit à Bardhi i Madh, à la mine d'Obiliq puisque

  8   c'était là l'un des petits villages les plus proches de Pristina. Etant

  9   donné le nombre limité d'armes que nous avions, il était difficile

 10   d'opérer. En outre, Bardhi i Madh n'était pas un terrain escarpé. Il

 11   n'était pas facile pour l'UCK de défendre cet endroit. Mais les deux

 12   attaques ont eu lieu sans l'autorisation de l'état-major général de l'UCK.

 13   Q.  Qui a mené l'attaque en vue de prendre Rahovec ?

 14   R.  C'est l'unité de Rahovec qui a pris le contrôle de la ville. Je ne me

 15   souviens plus du nom, mais je sais qu'il y avait un officier qui portait un

 16   pseudonyme, Piktori, je crois. Il avait reçu sa formation au sein de

 17   l'école militaire de Yougoslavie. Je n'ai pas d'autres informations à

 18   communiquer concernant cet individu. Ce que je sais, c'est que l'attaque a

 19   eu lieu sans autorisation de la part de l'état-major général. Après la

 20   prise de la ville, l'état-major général a nommé Agim Cela à la tête de la

 21   défense de Rahovec. Il s'agissait là d'une décision prise à la hâte. Des

 22   combats très forts ont eu lieu au cours desquels le chef Agim Cela qui

 23   avait été nommé par l'état-major général, après la bataille, a été tué.

 24   Q.  Après la bataille de Rahovec, avez-vous entendu dire quoi que ce soit

 25   sur l'arrestation d'une quarantaine de civils serbes pendant les combats et

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  1   leur disparition définitive, ou avez-vous entendu dire quoi que ce soit à

  2   ce propos ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Avez-vous entendu dire quoi que ce soit sur la 121e Brigade et sur

  5   l'existence de cette dernière à cette époque et sur sa participation aux

  6   combats qui ont eu lieu à Rahovec ?

  7   R.  Lorsque les combats ont eu lieu à Rahovec, les brigades n'avaient pas

  8   encore été baptisées ni même formées d'ailleurs. A titre d'exemple, la 121e

  9   Brigade a été baptisée d'après le nom Ismet Jashari dont le pseudonyme

 10   était Kumanova. Lorsqu'il a été tué, c'était à la fin du mois d'août, le 25

 11   ou le 26, je ne sais plus très bien. En tout cas, c'était à la fin du mois

 12   d'août. Par conséquent, une brigade n'a pu être baptisée en son honneur

 13   avant sa mort. C'est en son honneur que la brigade a été baptisée de la

 14   sorte après son décès lors des combats face aux forces militaires serbes.

 15   Q.  Avant que la 121e Brigade ne soit connue sous le nom de Brigade

 16   Kumanova, portait-elle un autre nom ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  A votre connaissance, n'a-t-elle jamais été appelée simplement la 121e

 19   Brigade ?

 20   R.  Une fois de plus, je tiens à dire que les brigades n'étaient pas

 21   formées dans la zone de Pastrik avant l'offensive de l'été, c'est-à-dire,

 22   avant le mois d'août. Avant le mois d'août, plusieurs tentatives ont été

 23   faites visant à constituer des brigades dans la zone de Drenica et de

 24   Dukagjin.

 25   Q.  J'aimerais maintenant passer à autre chose. Vous avez décrit la

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  1   division entre les zones de Drenica et de Dukagjin. J'aimerais m'assurer de

  2   bien avoir compris ce dont vous nous avez parlé. Nous avez-vous dit que la

  3   municipalité de Klina était divisée entre ces deux zones ? Une partie de la

  4   municipalité de Klina se trouvait dans la zone de Drenica, et une autre

  5   partie de la municipalité de Klina se trouvait dans la zone de Dukagjin ?

  6   R.  Oui, c'est exact. Parfois, cet un axe routier qui divisait ces

  7   municipalités.

  8   Q.  Ceci facilite la transition vers la question suivante. En ce qui

  9   concerne cette division entre la zone de Drenica et la zone de Pastrik,

 10   n'avez-vous jamais entendu dire que ce qui constituait la division entre

 11   les deux zones, c'était justement la route principale Peja-Pristina ?

 12   Etait-ce ceci qui représentait ou qui coupait la zone en deux ?

 13   R.  Pas toute la route entre Pristina et Peja ne divisait ces zones Drenica

 14   et Dukagjin. J'aimerais que les choses soient claires.

 15   Q.  Je vous en prie.

 16   R.  Avant de passer sur le pont vers Kline sur la gauche, avant d'aller à

 17   Peja, il y a la route qui va vers Gjurakoc. En direction de Gjurakoc, les

 18   villages situés sur la gauche de cette route étaient englobés dans la zone

 19   de Pastrik. Au moment d'entrer dans Kline, il y a deux routes. L'une mène à

 20   Gjurakoc et Istog. C'est la ligne de division avec Ducagjin. Les villages à

 21   gauche étaient de Ducagjin, et les villages sur la droite étaient englobés

 22   dans la zone de Drenica. Cette route de Kline vers Gjurakoc et Istog,

 23   constitue une intersection avec l'autre route. Là, encore, cette autre

 24   route constituait également une ligne de division. Si vous allez de Peja à

 25   Ducagjin, sur la droite vous aviez la zone de Ducagjin et sur la gauche

Page 3490

  1   aussi.

  2   Q.  En ce qui concerne la partie de la route dont vous n'avez pas parlé, la

  3   partie qui va de Pristina au croisement d'Orlate. Une route va vers Rahovec

  4   et l'autre va vers Peja. Cette partie de la route, en particulier, de

  5   Pristina au carrefour d'Orlate, n'avez-vous jamais entendu dire que cette

  6   partie, en particulier, était une ligne de division entre Drenica et

  7   Pastrik ?

  8   R.  Oui, mais pas toute la route. Je parle des villages.

  9   Q.  Concentrez-vous.

 10   R.  Oui, oui.

 11   Q.  Attendez. Je vais essayer de vous reposer la question de manière à ce

 12   que les choses soient claires. En ce qui concerne cette partie de la route

 13   entre Pristina et le croisement d'Orlate, quelle partie de la route

 14   constituait cette division entre la zone de Pastrik et la zone de Drenica ?

 15   R.  Ce n'est pas la route qui séparait les deux zones de Pastrik et de

 16   Drenica. Sur la route de Pristina-Peja, il y a un autre croisement près

 17   d'Orlate avec une autre route qui va vers Malisheve. De chaque coté de

 18   cette route, il y a le village d'Arlat. Le village d'Arlat faisait partie

 19   de la zone de Drenica. Puis, il y a le village de Lapusnik également divisé

 20   en deux parties. Il y a trois grands hameaux au sein d'un même village, le

 21   village étant Lapusnik. Tout ce village était englobé dans la zone de

 22   Drenica. Il y a les villages au nord-est des monts Berisa comme Komorane,

 23   Kishna Reka et d'autres. Ces villages-là se trouvaient dans la zone de

 24   Drenica; la zone militaire de Drenica comme Fushtice, Sankovc, qui se

 25   trouvent dans la partie ouest. Ce n'est pas toute la route qui constituait

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  1   cette division entre les zones.

  2   Q.  En ce qui concerne Lapusnik, n'avez-vous jamais entendu dire qu'une

  3   partie de Lapusnik se trouvait dans la zone de Drenica, et une autre dans

  4   la zone de Pastrik ? Ne l'avez-vous jamais entendu dire ?

  5   R.  A ma connaissance et à mon souvenir, tout le village de Lapusnik, même

  6   s'il se trouvait de l'autre coté de la route, ce village faisait partie

  7   aussi de la zone de Drenica.

  8   Q.  Vous avez dit que Sulejman Selimi, de mai à juin 1998, était commandant

  9   de la zone de Drenica. N'avez-vous jamais discuté avec lui sur le thème de

 10   cette ligne qui aurait séparée la zone de Drenica et la zone Pastrik ?

 11   R.  Les responsabilités qu'assumait Sulejman Selimi n'avaient rien à voir

 12   avec les zones. Les zones étaient établies par

 13   l'état-major général.

 14   Q.  Ce n'était pas ma question. Ma question était de savoir si vous n'aviez

 15   jamais parlé avec lui de cette ligne qui séparait les zones de Drenica et

 16   de Pastrik; oui ou non ?

 17   R.  Non. Non, je n'en ai pas parlé avec lui parce que je pensais qu'il la

 18   connaissait.

 19   Q.  Merci de cette réponse. Je vais passer maintenant à un autre sujet; le

 20   dernier, en réalité, de mes questions. Au cours de votre contre-

 21   interrogatoire, vous avez tenté de donner une définition du terme

 22   collaborateur. La question que je souhaite vous poser est la suivante : au

 23   cours des différentes déclarations faites par

 24   l'état-major général en 1998, je parle notamment des communiqués, des

 25   discours, déclarations politiques, interviews que vous avez donnés. Une

Page 3492

  1   définition du terme collaborateur n'a-t-elle jamais été fournie par l'état-

  2   major général ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Ma dernière question sera la suivante : au cours du

  5   contre-interrogatoire, vous avez répondu à un certain nombre de questions

  6   relatives aux procédures éventuelles suivies afin de déterminer qui était

  7   ou n'était pas un collaborateur. Là encore, ma question est la suivante :

  8   au cours des différentes déclarations faites, discours, communiqués,

  9   interviews, déclarations politiques l'état-major général n'a-t-il jamais

 10   prescrit une procédure particulière qui devait être suivie afin de

 11   déterminer qui était ou n'était pas un collaborateur; oui ou non ?

 12   R.  Je n'ai pas donné d'explication concernant le terme "collaborateur",

 13   parce que nous pensions, à l'époque, et nous continuons de le penser

 14   aujourd'hui, que c'est là quelque chose qui est connu et compris.

 15   Q.  J'aimerais que vous répondiez à ma dernière question, Monsieur, s'il

 16   vous plaît. Est-ce que l'état-major général, au cours de 1998, a prescrit

 17   une ou plusieurs procédures particulières à suivre afin de déterminer qui

 18   était ou n'était pas un collaborateur ?

 19   R.  Non.

 20   M. WHITING : [interprétation] Merci, je n'ai plus de questions.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup Monsieur Krasniqi. Vous

 22   serez heureux d'entendre que vous êtes parvenu au terme de votre

 23   déposition. Merci de l'aide que vous avez apportée à ce Tribunal. Vous

 24   pouvez maintenant disposer et rentrer chez vous.

 25   Pourrais-je vous demander, toutefois, de méditer sur une pensée

Page 3493

  1   particulière : les témoins dans cette affaire et dans de nombreuses autres

  2   affaires, ont pour autorisation, ce qui est une autorisation qui leur est

  3   accordée par ce Tribunal, de déposer sous un pseudonyme. Ceci a lieu

  4   lorsque le Tribunal,  au regard de documents ou d'éléments de preuve qui

  5   lui sont présentés, le Tribunal est convaincu que la demande de protection

  6   de la part de ce témoin, protection de son nom, protection également

  7   d'autres éléments pouvant mener à son identification est nécessaire. Dans

  8   ce cas, tout témoin qui, jusqu'à présent, ou qui sera amené à témoigner

  9   sous un pseudonyme, le fait conformément à une ordonnance de cette Chambre.

 10   Cette ordonnance n'est jamais prononcée sur la base de considérations que

 11   vous avez évoquées lors de votre témoignage. Je pense que ceci vous donnera

 12   matière à réflexion et peut-être que ceci vous aurait aidé dans votre

 13   réflexion, si vous aviez disposé de ces éléments d'information.

 14   Merci beaucoup. Vous pouvez maintenant quitter ce prétoire.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 16   [Le témoin se retire]

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Whiting.

 19   M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, c'est Me Black qui va

 20   interroger le témoin suivant et qui est prêt à intervenir. Si vous me le

 21   permettez, je demanderais à pouvoir quitter ce prétoire quelques instants.

 22   Mais quoiqu'il en soit, c'est Me Black qui va poursuivre.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.

 24   Maître Black.

 25   M. BLACK : [interprétation] Merci. Le témoin suivant de l'Accusation sera

Page 3494

  1   Mme Susanne Ringgaard, Monsieur le Président.

  2   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voulez-vous bien lire la déclaration

  6   solennelle qui figure sur le document qui vous est tendu.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN: SUSANNE RINGGAARD PEDERSEN [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Je vous en prie, asseyez-vous.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black.

 14   M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Interrogatoire principal par M. Black : 

 16   Q.  [interprétation] Mademoiselle Ringgaard, merci. Merci d'être présente.

 17   R.  Je vous en prie.

 18   Q.  Avant de commencer, j'aimerais vous rappeler que nous allons tous les

 19   deux nous exprimer en anglais et que par conséquent, nous risquons de nous

 20   exprimer rapidement. N'oublions pas que tout ce que nous allons dire va

 21   être interprété dans d'autres langues. Alors, dans la mesure du possible,

 22   je vous demanderais de bien vouloir parler lentement et également, de

 23   ménager des pauses après mes questions avant de répondre. Ceci, je pense,

 24   aidera les interprètes et les sténotypistes. De même, si à un moment ou à

 25   un autre, vous ne comprenez pas ma question, n'hésitez pas à me le faire

Page 3495

  1   savoir et j'essaierai de la clarifier.

  2   Dans quelques instants, je vous poserai un certain nombre de

  3   questions sur votre parcours, sur votre expérience au Kosovo, en 1998 et

  4   1999. Mais d'abord, je vais vous poser un certain nombre de questions

  5   préliminaires.                                                     

  6   R.  Mm-hmm.

  7   Q.  Vous souvenez-vous avoir été interviewée par un enquêteur du TPIY au

  8   Danemark, le 27 novembre 2003 ?

  9   R.  Oui, je m'en souviens.

 10   Q.  Avez-vous signé cette déclaration à l'époque ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Avez-vous eu la possibilité de relire ce document et d'y apporter les

 13   corrections éventuellement nécessaires ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous avez d'ailleurs apporté un certain nombre de modifications, hier,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  A part ces quelques corrections, cette déclaration est-elle fidèle ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci. Afin que les choses soient bien claires, depuis que vous êtes

 21   arrivée à La Haye, vous et moi, nous sommes rencontrés pour parler de votre

 22   témoignage, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Mademoiselle Ringgaard, n'avez-vous jamais témoigné, dans le cadre

 25   d'autres procédures, sur la période que vous avez passée au Kosovo ?

Page 3496

  1   R.  Oui. J'ai témoigné dans le cadre d'un procès au Kosovo du commandant

  2   Remi.

  3   Q.  S'agit-il de l'affaire Latif Gashi ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de nous donner l'essence de

  6   votre témoignage au cours de cette procédure ?

  7   R.  Mon témoignage a porté sur une réunion que j'ai eue avec mon supérieur,

  8   Sandra Mitchell, qui était responsable de la division des droits de l'homme

  9   au sein de la MVK. Nous avons eu une réunion avec le commandant Remi, en

 10   1998, sur la question de la détention.

 11   Q.  Merci. A l'exception de la déclaration faite au TPIY et de la

 12   déposition dont vous venez de parler, n'avez-vous jamais fait toute autre

 13   déclaration ou témoigné, dans le cadre d'autres procédures, sur la période

 14   que vous avez passée au Kosovo ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Dans le cadre de cette procédure, avez-vous vu, à la télévision, une

 17   retransmission quelconque d'une partie de ce qui se passe depuis le début

 18   de ce procès à la télévision ou ici même, à La Haye ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Je vais maintenant vous poser un certain nombre de questions concernant

 21   votre parcours. J'aimerais d'abord que vous nous communiquiez votre nom aux

 22   fins du compte rendu.

 23   R.  Je m'appelle Susanne Ringgaard Pedersen.

 24   Q.  Merci. Où êtes-vous née ?

 25   R.  Au Danemark.

Page 3497

  1   Q.  Quelle est votre date de naissance ?

  2   R.  Le 12 décembre 1960.

  3   Q.  Pouvez-vous nous parler de la formation que vous avez suivie ?

  4   R.  J'ai une maîtrise en relations internationales ainsi qu'une autre

  5   maîtrise en droit public international.

  6   Q.  Quelle est votre profession ? Quel poste occupez-vous à l'heure

  7   actuelle ?

  8   R.  Pour l'instant, je suis responsable de la section des droits de l'homme

  9   du bureau de l'OSCE pour les institutions démocratiques et les droits de

 10   l'homme.

 11   Q.  Où ?

 12   R.  A Varsovie.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir brièvement.

 14   Vous-même et le témoin entrez dans le vif du sujet et j'ai peur que vous ne

 15   le fassiez un peu trop vite. Je parle de ceux, en particulier, qui doivent

 16   vous suivre.

 17   M. BLACK : [interprétation] Merci beaucoup. Merci de me rappeler cela.

 18   Q.  Mademoiselle Ringgaard, depuis combien de temps travaillez-vous dans le

 19   domaine des droits de l'homme ?

 20   R.  Depuis 1995.

 21   Q.  Etes-vous allée travailler au Kosovo à un moment donné ?

 22   R.  Oui. J'ai commencé à travailler au Kosovo. Je pense que suis arrivée le

 23   1er décembre 1998, dans le cadre de la Mission de vérification au Kosovo,

 24   MVK, de l'OSCE.

 25   Q.  Avant de poursuivre, je souhaite préciser, aux fins du compte rendu

Page 3498

  1   d'audience, ce que signifie le sigle OSCE ?

  2   R.  Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

  3   Q.  Je vous remercie. Est-ce que la mission de la vérification au Kosovo

  4   est parfois désignée sous l'acronyme MVK ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  M. Younis me signale qu'il est dit dans le compte rendu d'audience que

  7   vous pensez être arrivée le 1er décembre 1988.

  8   R.  Non, 1998.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   Pouvez-vous nous décrire, brièvement, quelle est la mission de la mission

 11   de vérification au Kosovo de l'OSCE ?

 12   R.  La MVK était là pour surveiller l'exécution du cessez-le-feu conclu en

 13   octobre, que l'on appelle également l'accord Holbrooke qui date d'octobre

 14   1998.

 15   Q.  Quand la MVK a-t-elle commencé à travailler au Kosovo ?

 16   R.  Je pense que les premiers membres de la mission sont arrivés vers le

 17   mois de novembre. Je ne suis pas sûre de la date. Lorsque je suis arrivée,

 18   le 1er décembre, il n'y avait encore que peu de personnes sur le terrain et

 19   nous en étions à la phase de mise en place de la mission.

 20   Q.  Vous avez déclaré qu'au début, il n'y avait que peu de personnes. En

 21   mars 1999, pouvez-vous nous dire, approximativement, combien de personnes

 22   travaillaient pour la MVK ?

 23   R.  Environ 1 300 ou 1 400 personnes ont été évacuées au mois de mars.

 24   Q.  Ai-je raison de dire que vous avez également été évacuée en mars 1999 ?

 25   R.  Oui.

Page 3499

  1   Q.  Qu'avez-vous fait ensuite ? Quelle autre fonction avez-vous

  2   occupé lorsque vous êtes partie, en mars 1999 ?

  3   R.  La moitié d'entre nous, dans le cadre des activités de la section des

  4   droits de l'homme, nous sommes rendus en Albanie et l'autre moitié est

  5   restée en Macédoine. Nous avons auditionné des réfugiés qui avaient

  6   traversé la frontière dans ces deux pays.

  7   Q.  Combien de temps avez-vous fait ce travail ?

  8   R.  Plusieurs mois.

  9   Q.  Après cela, où êtes-vous allé ?

 10   R.  Toutes les auditions ont été rassemblées et emmenées à Varsovie. Une

 11   équipe d'analystes a été mise en place afin de consigner toutes ces

 12   informations dans un rapport intitulé, en anglais, "As Seen, As Told."

 13   Q.  Avec l'aide de l'Huissier, je souhaiterais que l'on vous présente un

 14   document. En fait, nous allons vous remettre une liasse de documents. Je

 15   vous invite à examiner le document qui figure à l'intercalaire numéro 4.

 16   Aux fins du compte rendu d'audience, la première page porte le numéro ERN

 17   K035-0414. Mademoiselle Ringgaard, connaissez-vous ce document ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  S'agit-il, là, du rapport intitulé "As Seen, As Told" que vous venez de

 20   mentionner ?

 21   R.  Oui. Oui.

 22   Q.  En fait, il s'agit d'extraits de ce rapport, n'est-ce pas ? Savez-vous

 23   quand ce rapport a été rédigé ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Pouvez-vous nous expliquer les circonstances dans lesquelles ce rapport

Page 3500

  1   a été rédigé ?

  2   R.  Dans ce rapport, sont consignées, en partie, des informations

  3   concernant la période qui a précédé l'évacuation sur la base des éléments

  4   que nous avons réussi à emmener avec nous et une partie de ce rapport est

  5   fondée sur les interviews que nous avons menées dans les camps de réfugiés

  6   sous des formes standard. Toutes ces informations ont été emmenées et

  7   saisies dans une base de données.

  8   Q.  Très bien. Avez-vous participé à la rédaction de ce rapport ?

  9   R.  Certaines parties, oui.

 10   Q.  Pouvez-vous nous dire en quoi consistait votre participation ?

 11   R.  J'ai rédigé la partie sur Gnjilane et sur une partie de la relecture.

 12   Nous étions une équipe composée de 12 personnes et nous avons tous

 13   travaillé sur différentes parties, différents aspects de ce rapport.

 14   Q.  Merci. On me rappelle qu'il me faut essayer de parler plus lentement.

 15   Si vous avez l'impression que je parle trop lentement, c'est pour les

 16   raisons que j'ai évoquées plus tôt. Vous pouvez mettre ce document de côté

 17   pour le moment, nous y reviendrons plus tard.

 18   Mademoiselle Ringgaard, en quoi consistaient vos fonctions à votre arrivée

 19   en décembre 1998 ?

 20   R.  On m'a demandé de mettre en place la section des droits de l'homme car

 21   il n'y avait personne d'autre sur le terrain qui avait des connaissances

 22   dans ce domaine, si bien que vers la mi-décembre, lorsque j'ai commencé à

 23   travailler à Pristina, après mon cours de formation, nous avons commencé à

 24   recruter des personnes au sein de la mission afin de travailler dans la

 25   section chargée des droits de l'homme. Début janvier, Sandra Mitchell est

Page 3501

  1   arrivée et a été nommée à la tête de la mission chargée des droits de

  2   l'homme et j'ai été, pour ma part, coordinateur sur le terrain et j'étais,

  3   également, son adjointe.

  4   Q.  Où étiez-vous stationnée lors de votre séjour au Kosovo ?

  5   R.  A Pristina.

  6   Q.  Avez-vous eu l'occasion de vous rendre à l'extérieur de Pristina ?

  7   R.  Je me suis beaucoup déplacée dans toutes les régions du Kosovo.

  8   Q.  Peut-être serait-il utile que vous nous expliquiez comment la section

  9   chargée des droits de l'homme de la MVK était organisée, sur le plan

 10   territorial, au Kosovo ? Y avait-il d'autres antennes, hormis celle de

 11   Pristina ?

 12   R.  La section chargée des droits de l'homme était organisée conformément à

 13   l'organisation de la MVK et il y avait des agents chargés des droits de

 14   l'homme dans les cinq antennes régionales. Au moment de l'évacuation, il y

 15   en avait, également, dans les antennes locales, il y avait des filières de

 16   communication entre ces agents chargés des droits de l'homme et le siège de

 17   la section chargée des droits de l'homme à Pristina. Mais la filière

 18   hiérarchique passait par les centres régionaux.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée du nombre de

 20   personnes qui travaillaient dans la section chargée des droits de l'homme ?

 21   R.  Je ne m'en souviens pas.

 22   Q.  Peu importe. Je souhaiterais que l'Huissier présente au témoin une

 23   carte. Il s'agit de la carte numéro 4 extraite de la pièce à conviction P1.

 24   Pourrait-on placer cette carte sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

 25   Ceci serait utile.

Page 3502

  1   Mademoiselle Ringgaard, veuillez regarder sur votre gauche, il s'agit d'une

  2   carte du Kosovo représentant les différentes municipalités. Vous avez parlé

  3   de cinq antennes régionales. A l'aide du pointeur qui se trouve à votre

  4   droite - je pense que l'Huissier, va vous le remettre - pourriez-vous, je

  5   vous prie, indiquer aux Juges de la Chambre où se trouvaient ces

  6   différentes antennes régionales ?

  7   R.  Mitrovica et Peja; Prizren; Gnjilane; je n'arrive pas à trouver

  8   Pristina, voilà Pristina. Je pense que j'ai nommé les cinq ?

  9   Q.  Oui, cela fait cinq au total.

 10   Pour être tout à fait clair, vous étiez stationné à Pristina pendant toute

 11   la durée de votre mission là-bas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  J'essaie de parler lentement afin de faciliter la tâche des

 14   interprètes. S'agissant des antennes régionales que vous avez indiquées à

 15   quel moment ont-t-elles été mises en place.

 16   R.  Elles ont été mise en place en différentes étapes, je ne me souviens

 17   pas exactement -- même au moment de notre évacuation, tout n'était pas mis

 18   en place mais ces antennes ont commencé petit à petit à fonctionner. La

 19   première antenne était Pristina, puis Gnjilane et toutes ces antennes ont

 20   commencé à fonctionner plus ou moins normalement vers le mois de janvier.

 21   Q.  Merci beaucoup, nous n'avons plus besoin de cette carte pour le moment.

 22   Je souhaiterais, à présent, vous poser quelques questions au sujet de la

 23   manière dont fonctionnaient la MVK et notamment la section chargée des

 24   droits de l'homme. Quels types d'activités étaient entrepris par la section

 25   chargée des droits de l'homme au sein des différentes antennes du Kosovo ?

Page 3503

  1   R.  Les officiers chargés des droits de l'homme dans les centres régionaux

  2   et les antennes locales déployées sur le terrain, recevaient des plaintes

  3   de la part de la population civile au sujet de violations alléguées des

  4   droits de l'homme. Ils s'efforçaient ensuite de vérifier ces informations

  5   et faisaient rapport au siège à ce sujet. Ils intervenaient localement et

  6   dans les cas plus graves lorsqu'on pouvait déceler un scénario qui se

  7   répétait, l'intervention se faisait directement au niveau du quartier

  8   général ou du siège de l'organisation.

  9   Q.  Merci, parlons d'abord de la première étape, le recueil d'informations.

 10   Pourriez-vous nous expliquer comment cela se passait ? Est-ce qu'il y avait

 11   une procédure standard à suivre en matière de recueil de plaintes ?

 12   R.  Oui, nous avions des formulaires standards, il y avait un formulaire

 13   général, et un autre consacré aux personnes disparues. De nombreuses

 14   plaintes étaient déposées par des personnes qui, en fait, se rendaient

 15   personnellement aux antennes pour déposer les plaintes, mais également

 16   lorsqu'il y avait des patrouilles sur le terrain qui entraient en contact

 17   avec l'UCK ou avec la police.

 18   Q.  Pour bien vous comprendre, ces formulaires standards étaient utilisés

 19   lors des entretiens afin de recueillir les informations nécessaires; est-ce

 20   exact ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Je souhaiterais qu'on utilise le système d'affichage électronique, je

 23   voudrais vous montrer quelques documents à l'écran qui est situé devant

 24   vous. Le premier de ces documents porte le numéro ERN U008-1457, qui figure

 25   à l'intercalaire 3 de la petite liasse de documents que vous avez également

Page 3504

  1   en version papier.

  2   R.  Bien.

  3   Q.  Ce qui m'intéresse, c'est la première page et les deux ou trois pages

  4   suivantes aux fins du compte rendu d'audience, il s'agit des documents

  5   U008-1457 à 1460. Si vous vous en souvenez bien, je vous ai montré ces

  6   documents hier ?

  7   R.  Oui, je m'en souviens.

  8   Q.  S'agit-il là d'un exemple de formulaire standard dont vous avez parlé

  9   tout à l'heure ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Ces formulaires étaient remplis par les employés de la section chargée

 12   des droits de l'homme, n'est-ce pas ?

 13   R.  Pas nécessairement. Les employés de la section chargée des droits de

 14   l'homme s'en chargeaient, mais il y avait également d'autres employés qui

 15   recevaient ce type de plaintes.

 16   Q.  Est-ce que ces autres employés travaillaient au sein de la MVK ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Merci beaucoup.

 19   M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que l'on

 20   attribue une cote à ces documents.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document recevra la cote P147.

 23   M. BLACK : [interprétation] Merci.

 24   Q.  Vous avez peut-être brièvement abordé ce sujet, mais pourriez-vous nous

 25   dire quelles étaient vos sources ? Qui fournissait des informations à la

Page 3505

  1   MVK ?

  2   R.  Les civils avec qui nous avions des contacts mais également l'UCK, la

  3   police et l'armée nous transmettaient des informations.

  4   Q.  Lorsque vous receviez ces informations et que vous les consigniez dans

  5   ces formulaires standards, quelle était l'étape suivante ?

  6   R.  Les officiers chargés des droits de l'homme, s'il le pouvait,

  7   intervenaient au niveau local; ou bien, les formulaires remplis étaient

  8   archivés pour être utilisés ultérieurement. Ils étaient soumis soit

  9   d'urgence au siège, soit dans le cadre de rapports hebdomadaires où on

 10   décrivait l'évolution de la situation.

 11   Q.  Pour être tout à fait clair, lorsque vous dites que "ces informations

 12   étaient transmises au siège," est-ce que vous voulez parler de Pristina ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Lorsque ces informations arrivaient au siège à Pristina, y avait-il une

 15   autre étape, est-ce que ces informations étaient transmises à quelqu'un

 16   d'autre ?

 17   R.  A nos supérieurs bien entendu. Au chef adjoint de la mission et au chef

 18   de la mission, l'ambassadeur Walker, afin qu'ils prennent connaissance de

 19   l'évolution de la situation et soient informés d'incidents graves

 20   éventuels.

 21   Q.  Est-ce que la MVK enquêtait de façon active au sujet des allégations

 22   qui étaient faites ?

 23   R.  Dans la mesure du possible, oui.

 24   Q.  Peut-être que vous nous en avez déjà parlé, mais pourriez-vous nous

 25   dire quels types d'activités vous pouviez entreprendre après avoir entendu

Page 3506

  1   parlé de ces incidents ?

  2   R.  Nous pouvions exprimer nos inquiétudes auprès des personnes

  3   intéressées, qu'il s'agisse de l'UCK ou comme c'était le cas le plus

  4   souvent de la police ou de l'armée. Cela arrivait parfois au niveau local

  5   mais également, très souvent à des échelons supérieurs.

  6   Q.  J'y reviendrai un peu plus tard. Quittons les procédures et venons-en à

  7   la teneur des informations que vous receviez. Vous nous avez dit que la MVK

  8   rassemblait des informations relatives à des violations des droits de

  9   l'homme. En quelle année, d'après ces allégations, ces violations ont-elles

 10   été commises ?

 11   R.  Dès le début de l'année 1998 et elles se sont poursuivies jusqu'au

 12   moment de l'évacuation.

 13   Q.  Parlons quelques instants de l'année 1998. Quels types de violations

 14   des droits de l'homme, quels types de crimes ont été commis au cours de

 15   cette année d'après les allégations que vous avez reçues ?

 16   R.  Il y avait énormément de choses qui se passaient pendant que nous

 17   étions présents sur le terrain, mais nous n'avons été en mesure de réagir

 18   qu'à partir de 1999, et il y a un certain nombre d'incidents qui

 19   remontaient à 1998, il s'agissait dans la plupart des cas de personnes

 20   disparues. Des pressions importantes étaient exercées par les proches des

 21   Serbes qui étaient portés disparus.

 22   Q.  J'y reviendrai dans quelques instants, mais je souhaiterais vous posez

 23   quelques questions préalables sur la vague des informations que vous

 24   receviez, étiez-vous en mesure de déterminer qui étaient les responsables

 25   de ces violations ?

Page 3507

  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection, la question est vague.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il convient d'explorer un

  3   peu plus avant cette piste.

  4   M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Vous pouvez répondre à la question que je vous ai posée Mademoiselle le

  6   Témoin, sinon j'essaierai de la reformuler.

  7   R.  Il y avait de nombreuses allégations formulées des deux côtés. Nous ne

  8   disposions pas des effectifs qui permettaient ou qui aurait permis, à

  9   l'époque, d'examiner toutes ces allégations. Il nous appartenait de décider

 10   de ce qu'il convenait de faire conformément à l'accord Holbrooke.

 11   L'exception était les affaires relatives aux personnes disparues. Nous nous

 12   occupions de nombreuses affaires relatives aux personnes disparues et il

 13   s'agit de celle dont je peux vous parlez qu'il s'agisse d'Albanais portés

 14   disparus après avoir été placés en détention ou d'autres qui étaient allés

 15   renouveler leur permis et qui n'ont jamais été revus par la suite. Il y

 16   avait également des allégations concernant des personnes Serbes ou

 17   Albanaises qui avaient disparues au cours -- Serbes ou Albanais de souche

 18   qui avaient disparus lors des tirs des combats entre juin et septembre

 19   1998. Il y a eu un certain nombre d'allégations concernant l'UCK qui

 20   auraient placé des Serbes en détention au cours de cette période.

 21   Q.  Merci. Je pense que vous avez dit qu'il y avait des allégations à

 22   l'encontre des deux parties belligérantes. Vous avez parlé des forces

 23   serbes et de l'UCK; est-ce de cela que vous vouliez parler ? 

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous souvenez-vous à quel moment la MVK a appris, pour la première

Page 3508

  1   fois, l'existence d'enlèvements menés par l'UCK ou de disparitions en

  2   rapport avec l'UCK ?

  3   R.  Nous en avons entendu parlé par le biais de ce groupe composé de

  4   proches des Serbes qui avaient été portés disparus. Il y avait des

  5   manifestations assez importantes devant notre siège à Pristina en 1998, en

  6   décembre. Suite à ces pressions et à d'autres pressions exercées depuis

  7   Belgrade, le directeur de la mission a pris cette question à cœur et a

  8   promis que nous nous efforcerions de faire de notre mieux pour examiner ces

  9   allégations.

 10   Q.  Vous souvenez-vous de quoi que ce soit au sujet des allégations qui ont

 11   été faites par ce groupe qui est venu en décembre 1998 ?  Vous souvenez-

 12   vous notamment de la période au cours de laquelle ces disparitions ont eu

 13   lieu ?

 14   R.  La plupart des personnes mentionnées avaient disparues entre juin et

 15   septembre 1998.

 16   Q.  Vous souvenez-vous de l'endroit ou de la région à partir desquels ces

 17   personnes ont été enlevées ?

 18   R.  Ceux dont je me souviens essentiellement, c'est des incidents

 19   concernant des personnes dont les proches qui habitaient à Orahovac avaient

 20   été portés disparus suite aux combats menés entre juin et septembre dans

 21   des zones contrôlées d'abord par les Serbes, puis par l'UCK, puis par les

 22   Serbes. La plupart de ces personnes étaient des femmes. Ce sont elles qui

 23   sont venues nous voir, leurs maris et leurs fils avaient été placés en

 24   détention par l'UCK et on ne les avait jamais revu.

 25   Q.  Merci.

Page 3509

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] L'heure est-elle venue de faire la

  2   pose ?

  3   M. BLACK : [interprétation] Tout à fait.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à 17 heures 50.

  5   --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.

  6   --- L'audience est reprise à 17 heures 56.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black, vous avez la parole.

  8   M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Q.  Mademoiselle, je vais vous le redire, ce n'est peut-être pas naturel

 10   pour vous de le faire, mais essayer de ralentir votre débit.

 11   R.  Je vais essayer.

 12   Q.  Je vais faire pareil. Si vous faisiez une brève pause, avant de

 13   répondre à ma question, cela nous aiderait peut être. Je sais ce n'est pas

 14   facile.

 15   Avant la pause, vous nous parliez de cette réunion qui s'est tenue en

 16   décembre 1998, vous avez déclaré que le chef de la mission avait pris la

 17   question à cœur, et avait essayé de voir ce qu'il pouvait faire. Mais est-

 18   ce que la MVK a fait quelque chose suite à cette réunion pour essayer de

 19   répondre à ces inquiétudes ?

 20   R.  Ses parents ont exprimé des inquiétudes et nous avons, tout d'abord,

 21   essayé d'y répondre en nous adressant à M. Adem Demaqi à Pristina. Celui-ci

 22   ne pensait pas qu'il y avait des serbes qui étaient détenus par l'UCK. De

 23   façon générale, aussi bien le CICR que nous et d'autres personnes sur le

 24   terrain étions d'accord pour dire que quelles que soient les circonstances

 25   ayant précédé à la disparition de ces serbes, il était sans doute probable

Page 3510

  1   que ces personnes n'étaient plus en vie.

  2   Par la suite, nous avons demandé la tenue d'une réunion avec le commandant

  3   de zone, Remi.

  4   Q.  Je vous interromps pour vous poser quelques questions avant que vous ne

  5   poursuiviez.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Aux fins du dossier, je fais objection à la

  7   dernière réponse qui n'est pas fondée et qui n'exprime qu'une opinion

  8   personnelle.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Attendez que je revoie la réponse de

 10   madame.

 11   Oui, il est compris que c'est là un récit des événements davantage qu'une

 12   preuve, disant qu'il n'y avait personne qui soit encore en vie. Est-ce que

 13   ceci vous aide, Maître Guy-Smith ?

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

 15   M. BLACK : [interprétation]

 16   Q.  Soyons clairs sur un point. Qui est Adem Demaqi ?

 17   R.  Est-ce que je peux revenir sur ma dernière réponse ?

 18   Q.  Je vous en prie.

 19   R.  Cette conclusion s'appuyait sur ce que savaient les personnes qui

 20   travaillaient dans des conflits armés, plus la durée de la disparition se

 21   prolonge, plus il est probable que ces personnes aient perdu la vie.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Même objection, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons pris note de votre

 24   objection.

 25   M. BLACK : [interprétation]

Page 3511

  1   Q.  Essayons de répondre, Mademoiselle, à ma question. Qui est Adem

  2   Demaqi ?

  3   R.  Je me souviens bien. Il était le directeur public ou politique de l'UCK

  4   et quelqu'un qui était, sans doute, plus aisément en contact avec les

  5   commandants de zones.

  6   Q.  Vous est-il arrivé de le rencontrer personnellement ?

  7   R.  Je l'ai rencontré une fois, effectivement.

  8   Q.  Quand l'avez-vous rencontré ?

  9   R.  Je ne m'en souviens pas.

 10   Q.  Il y a-t-il eu d'autres réunions avec ce groupe qui avait protesté en

 11   décembre ?

 12   R.  Entre la première réunion de décembre et le moment de l'évacuation, il

 13   y a eu trois ou quatre réunions, je crois.

 14   Q.  Quels furent les représentants de la MVK qui ont participé à ces

 15   réunions; vous en souvenez-vous ?

 16   R.  Le chef de mission, l'ambassadeur Walker a participé à quelques unes de

 17   ces réunions, j'y étais moi aussi et d'autres membres de la section chargée

 18   des droits de l'homme. Pour d'autres réunions, c'était simplement des

 19   membres du personnel de la division chargée des droits de l'homme.

 20   Q.  Ceci m'amène à poser la question suivante : est-ce que vous avez joué

 21   un rôle personnellement pour ce qui est de recueillir des informations en

 22   matière d'enlèvements.

 23   R.  J'avais pour mission de soutenir nos agents chargés des droits de

 24   l'homme dans les cinq régions mais personnellement, je n'ai pas recueilli

 25   de déclarations de la part de personnes qui faisaient état de la

Page 3512

  1   disparition de proches.

  2   Q.  Avez-vous eu des contacts avec des familles de personnes portées

  3   disparues, ou des groupes les représentant.

  4   R.  Oui. J'avais pour responsabilité de coordonner les réponses de la MVK,

  5   réponses à donner à ces groupes de parents de Serbes portés disparus. C'est

  6   dans ce contexte que j'ai rencontré ces personnes. Mais je ne sais plus

  7   combien de fois, je les ai rencontrées. Je les rencontrais une ou deux fois

  8   par mois peut-être.

  9   Q.  Merci. Vous avez parlé de ces groupes de parents de Serbes portés

 10   disparus, mais est-ce qu'il y avait aussi des groupes représentant les

 11   Albanais portés disparus.

 12   R.  Oui, il y en avait de ces groupes, mais ils n'étaient pas aussi bien

 13   organisés que les Serbes. C'était l'impression très nette que ceci nous

 14   avait fait. Nous avions l'impression que les autorités de Belgrade

 15   cherchaient à organiser ces personnes de façon à faire pression sur la

 16   mission et de façon à détourner notre attention d'autres questions qui se

 17   posaient, à l'époque, au Kosovo.

 18   Q.  Merci. Encore quelques questions connexes avant de passer à notre

 19   sujet. Vous est-il arrivé de recevoir des rapports de personnes qui

 20   auraient pris contact avec les familles de personnes portées disparues et

 21   qui donneraient des informations à propos de parents portés disparus. Est-

 22   ce que c'est arrivé ? Est-ce que ma question n'est pas claire ?

 23   R.  Non, je ne comprends pas.

 24   Q.  Je vais reformuler ma question. Avez-vous reçu des rapports disant que

 25   des personnes avaient contacté des familles de personnes portées disparues

Page 3513

  1   disant, moi, j'ai des informations à propos de la personne portée disparue.

  2   R.  Oui. Nous avons reçu des rapports de ces parents qui nous ont dit avoir

  3   reçu des informations qu'ils tenaient de personnes dont ils ne tenaient pas

  4   à dévoiler l'identité, mais qu'ils avaient reçu des renseignements disant

  5   que leurs parents avaient été vus en Albanie ou encore dans des camps de

  6   l'UCK. Nous avons découvert que souvent c'était en rapport avec des

  7   personnes qui demandaient de l'argent à ces parents pour fournir ce genre

  8   d'information et qu'ils abusaient de la situation pour obtenir de l'argent,

  9   au fond.

 10   Q.  A votre connaissance, est-ce qu'aucun de ces rapports s'est avéré ?

 11   Est-ce qu'il est arrivé à ces gens de rentrer chez eux ?

 12   R.  Non, à ma connaissance, personne n'est revenu. A l'époque, il devait y

 13   avoir quelque 150 Serbes portés disparus. Nous avons sans arrêt reçu des

 14   délégations de la part de l'UCK qui disaient ne pas détenir de Serbe et,

 15   dans certains cas, où cela s'est passé c'était pour une brève période de

 16   temps et la MVK a réussi à obtenir leur libération.

 17   Q.  Je vais changer de sujet pour parler de crimes commis par l'UCK. Est-ce

 18   que vous avez présenté ce genre d'allégations à l'UCK ?

 19   R.  Je ne l'ai pas fait personnellement, mais l'officier de liaison de la

 20   MVK auprès de l'UCK a, plusieurs fois, soulevé la question et, chaque fois,

 21   ces informations ont été niées.

 22   Q.  Vous personnellement, est-ce que vous avez rencontré quelqu'un de

 23   l'UCK. Je crois que vous aviez commencé à nous en parler précédemment.

 24   R.  Oui. J'ai rencontré le commandant de zone Remi une fois. J'ai rencontré

 25   plusieurs fois Rushti Jashari de Petrovo et j'ai rencontré aussi un

Page 3514

  1   commandant de zone dans cette région mais je ne me souviens pas de son nom.

  2   Q.  Parlons de la réunion que vous avez eue avec le commandant Remi. Est-ce

  3   que vous vous souvenez de la date à laquelle vous avez eu cette réunion ?

  4   R.  Le 18 février 1999.

  5   Q.  Je ne vous ai pas entendu.

  6   R.  Le 18 février 1999.

  7   Q.  Merci. Je vais vous demander de parler un peu plus fort. Cela

  8   m'aiderait, cela aidera peut-être aussi les interprètes. Cette réunion, où

  9   a-t-elle eu lieu ?

 10   R.  Au siège, au QG de la zone de Llap, à Llapashtica.

 11   Q.  Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un d'autre que le commandant

 12   Remi ?

 13   R.  Cette fois-là, nous avons aussi rencontré un commandant de la police

 14   militaire qui s'appelait Fati. Il y avait aussi des soldats de l'UCK de

 15   rang subalterne, mais qui étaient présent. Je ne sais plus combien ils

 16   étaient et je ne savais pas qui ils étaient.

 17   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la teneur de la discussion ou du

 18   sujet ?

 19   R.  Nous parlions de la question de la détention. Nous demandions à pouvoir

 20   parler, voir les détenus dans toutes les zones sous le contrôle de l'UCK,

 21   car nous avions reçu des rapports faisant état du fait qu'il y avait des

 22   Albanais de souche qui se trouvaient en détention.

 23   Q.  Je vais vous demander de consulter une fois de plus ces documents. La

 24   liasse de documents que vous avez reçu. Prenez, si vous voulez bien,

 25   l'intercalaire 2. Je demanderais peut-être à M. Younis d'afficher ceci à

Page 3515

  1   l'écran. Le numéro ERN est U008-1461.

  2   Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

  3   R.  Oui. C'est le compte rendu de la réunion d'on nous venons de parler.

  4   Q.  Etes-vous l'auteur de ce rapport ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Je vais vous demander de lire à voix haute certains passages afin que

  7   nous sachions de quoi nous parlons. Le plus facile c'est de regarder

  8   l'écran car ces passages ont été surlignés, mais si vous avez du mal à lire

  9   peut-être voudrez-vous utiliser la copie sur support papier.

 10   R.  "Au cours de la première réunion avec le commandant de zone" -- 

 11   Q.  Je vous interromps un instant. Nous voulons que ceci soit acté au

 12   dossier de l'audience. Je vous demande de lire la première partie surlignée

 13   qui commence par les mots suivants : "Au cours de la première réunion avec

 14   le commandant de zone". Je vous demande de poursuivre la lecture.

 15   R.  Laquelle ?

 16   Q.  Oui. La partie surlignée que vous avez commencé à lire.

 17   R.  "Procès-verbal de la réunion du 18 février 1999 avec le commandant de

 18   zone et le chef de la police militaire de l'UCK à Llapashtica à Podujevo en

 19   ce qui concerne les visites relatives à la détention.

 20   "Au cours de la première réunion avec le commandant de zone la discussion

 21   s'est portée sur la demande de la MVK afin pour de pouvoir avoir accès à

 22   tous les centres de détention de l'UCK et des personnes qui y sont

 23   détenues. L'accès à la station de détention a été nié pour des 'raisons de

 24   sécurité'. On a expliqué que ceux qui se trouvaient sous la garde de l'UCK

 25   étaient gardés dans des maisons et devaient être déplacés en fonction des

Page 3516

  1   combats et de leur intensité. L'accès à un nombre sélectionné de détenus a

  2   été accordé. Le commandant de zone nous a informé que nous aurions accès à

  3   huit détenus, des Albanais qui étaient accusés de pillage, de vols et de

  4   'collaboration avec l'ennemi'."

  5   Q.  Merci. Maintenant, je vais vous poser quelques questions à propos de ce

  6   passage. Reprenons ce que vous venez de lire. Je cite : "On a expliqué que

  7   ceux qui étaient détenus par l'UCK étaient gardés dans des maisons et

  8   devaient être déplacés en fonction des combats et de leur intensité,"

  9   Est-ce que vous pourriez nous expliquer d'avantage ce dont il s'agit.

 10   R.  Ils nous ont expliqué que c'était une zone où les Serbes menaient ce

 11   qu'ils appelaient des manœuvres d'hiver, ce qui au fond était un prétexte

 12   pour attaquer l'UCK dans la région et certains des villages dans la région.

 13   Par conséquent, pendant toute cette période où j'étais au Kosovo, il y a eu

 14   des combats sporadiques. Ceci ne nous a pas semblé bizarre, cela semblait

 15   logique qu'ils aient à déplacer des détenus si l'explication qu'ils nous

 16   donnaient était exacte à savoir qu'ils étaient à proximité des soldats de

 17   l'UCK.

 18   M. TOPOLSKI : [interprétation] Désolé d'intervenir, je voudrais que soit

 19   apporté une correction qui risque d'être importante au compte rendu

 20   d'audience. Page 65 ligne 2. Procès-verbal de la réunion du 18 février 1999

 21   avec le commandant de la zone à "Lapusnik", cela devrait être Llapashtica.

 22   M. BLACK : [interprétation]

 23   Q.  Votre question à propos de ce passage a fait référence au fait que "des

 24   Albanais sont accusés d'avoir 'collaboré avec l'ennemi.'"

 25   La question des collaborateurs avait-elle déjà surgi dans le cadre de

Page 3517

  1   vos activités au Kosovo ?

  2   R.  Pas de façon directe dans ce que je faisais moi, mais la question de la

  3   collaboration c'était quelque chose dont la MVK discutait car c'était

  4   quelque chose de courant, car il y a des gens qui, contre rémunération,

  5   collaboraient souvent avec l'autre camp.

  6   Q.  Est-ce que vous avez entendu parlé de collaborateurs en rapport avec la

  7   détention d'une façon ou d'une autre, mis à part ce cas précis.

  8   R.  Si je me souviens bien, certains des rapports que nous avons reçus en

  9   provenance des régions parlaient du fait que certains avaient été arrêtés

 10   par l'UCK parce qu'ils avaient collaboré avec l'ennemi.

 11   Q.  Notre commis va peut-être pouvoir agrandir le passage suivant qui nous

 12   intéresse dans ce document et je vais vous demander de le lire.

 13   R.  "Le commandant de zone nous a informé que le mauvais traitement de

 14   détenus/prisonniers est interdit d'après le 'code criminel de guerre de

 15   l'UCK,' et que s'il y avait mauvais traitements infligés, des mesures

 16   disciplinaires seraient prises."

 17   Q.  Vous souvenez-vous de l'occasion qui a fait qu'on a discuté de ce sujet

 18   au cours de la réunion ?

 19   R.  Je pense qu'on a posé une question générale concernant le traitement

 20   réservé aux détenus et nous avons demandé s'ils connaissaient les

 21   conventions de Genève à cet égard.

 22   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir ce code pénal de guerre de

 23   l'UCK ?

 24   R.  Non, nous avons demandé à pouvoir le voir. Mais pendant mon séjour là-

 25   bas, je ne l'ai pas eu, et nous ne l'avons pas reçu.

Page 3518

  1   Q.  Veuillez lire le paragraphe surligné suivant qui commence à cette page-

  2   ci et se poursuit à la suite. Merci de le lire à voix haute.

  3   R.  "La procédure générale de détention a été décrite de la façon suivante

  4   : des informations étaient reçues par 'la police de l'UCK 'selon lesquelles

  5   un crime avait été commis, notamment, avec des allégations de

  6   collaboration. Une 'invitation' était donné à la personne identifiée comme

  7   étant recherché par l'UCK, et la personne se présentait à la police ou

  8   était placée en détention. Une discussion d'information avait alors lieu,

  9   soit avec le commandant de la prison ou un 'juge d'instruction.' Ce sur

 10   quoi la personne était placée en détention. Jusqu'à présent, il n'a pas été

 11   possible pour le détenu de choisir un avocat lui-même."

 12   Q.  Qui vous a expliqué cette procédure ?

 13   R.  Je pense que c'était le commandant de la police militaire.

 14   Q.  D'autres commentaires avant de passer à un autre paragraphe ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Je vous repose la question. Veuillez lire le paragraphe surligné

 17   suivant qui commence par les termes suivants : "Nous avons été informés…".

 18   R. "Nous avons été informés qu'il y avait trois centres de détention dans

 19   le périmètre de la zone de Lapastica. Dans des maisons et à des endroits

 20   différents, les conditions de détentions étaient décrites comme étant les

 21   mêmes que celles réservées aux soldats, même nourriture et mêmes conditions

 22   de vie. Tous les détenus recevaient trois repas par jours, des couvertures,

 23   des lits, pouvaient se servir de toilettes et de douches; étaient deux ou

 24   trois à partager une pièce. Ils étaient autorisés à sortir pour aller

 25   chercher du bois et en couper, à faire une promenade et nettoyer."

Page 3519

  1   Q.  Merci. De qui teniez-vous ces informations pour ce qui est des

  2   conditions de détention et le fait qu'ils étaient détenus dans des

  3   maisons ?

  4   R.  En partie, de ce que le commandant de la police militaire, mais aussi

  5   pour avoir parlé directement à ses huit détenus.

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire en quelques mots dans quelles circonstances

  7   vous avez rencontré ces détenus ?

  8   R.  Ils ont été emmenés dans une pièce adjacente à celle où nous avons

  9   rencontré le commandant de la police militaire. Nous les avons rencontré un

 10   par un et sans qu'il ait présence de l'UCK.

 11   Q.  Ces détenus, que vous ont-ils dit des conditions dans lesquelles ils

 12   étaient détenus ?

 13   R.  Ils n'ont pas fait état de mauvais traitement. Ils ont, au fond,

 14   corroboré ce qu'avait dit le commandant de la police militaire. Nous avons

 15   consigné leurs noms, leurs âges respectifs, leurs origines, d'où ils

 16   venaient et ce qu'ils nous avaient dit s'agissant des conditions et des

 17   accusations portées conte eux. C'était tous des détenus en détention

 18   préventive.

 19   Q.  Est-ce que vous avez pu faire une action de suivi ou prendre des

 20   mesures quelconque s'agissant de ses huit détenues ?

 21   R.  Non. Nous avons demandés s'ils auraient l'autorisation d'avoir accès à

 22   du papier sur lequel ils pourraient écrire une lettre à leur famille.

 23   Malheureusement, il n'a pas été fait droit à cette requête. Puis ils

 24   s'étaient contentés de décrire d'une manière générale d'où ils venaient. Il

 25   est très difficile de retrouver des adresses au Kosovo, particulièrement

Page 3520

  1   dans des petits villages. Nous n'avons pas pu retrouver dans la liste des

  2   personnes disparues, leurs noms. La réponse, c'est non.

  3   Q.  Je vais vous demander de bien vouloir nous donner lecture de la partie

  4   suivante qui est également surlignée dans le document.

  5   R.  "Certains détenus sont placés en isolement, généralement ceux qui sont

  6   détenus pour des crimes graves liés à des actions de collaboration.

  7   Personne n'a été exécuté."

  8   Q.  Comment cette question est-elle venue lors de cette réunion ?

  9   R.  Je ne sais plus.

 10   Q.  Enfin, je vous demanderais de donner lecture à la dernière partie

 11   soulignée de ce document.

 12   R.  "Le commandant de la police militaire a également déclaré qu'il y avait

 13   eu 10 à 15 Serbes qui 'étaient passés' par les centres de détention.

 14   Lorsqu'on lui a demandé où ils se trouvaient à présent, il a déclaré qu'ils

 15   avaient été libérés. Un Serbe avait été libéré, il y avait deux ou trois

 16   mois, en coopération avec L'USKDOM."

 17   Q.  Avez-vous demandé au commandant de la police militaire s'ils avaient

 18   des Serbes en détention au moment où vous y étiez ?

 19   R.  Oui, nous avons pu.

 20   Q.  Quelle a été sa réponse ?

 21   R.  Il a dit qu'il n'y en avait pas.

 22   Q.  Très bien, merci beaucoup.

 23   M. BLACK : [interprétation] Nous en avons terminé avec ce document. Peut-on

 24   donner une cote à ce document ?

 25   M. LE JUGE PARKER : Oui.

Page 3521

  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P148.

  2   M. BLACK : [interprétation]

  3   Q.  Mademoiselle, avez-vous revu d'autres membres de l'UCK après cette

  4   réunion ? Je crois que vous aviez commencé à nous en parler. Quelle a été

  5   la réunion qui a suivi celle-ci ?

  6   R.  La réunion suivante a eu lieu une semaine plus tard à peu près à

  7   Petrovo. En fait, nous avons tenté de parler avec ceux avec lesquels nous

  8   jouissions des meilleurs rapports et des personnes que nous connaissions au

  9   sein de l'UCK. L'un d'entre eux était Rushti Jashari à Petrovo.

 10   Q.  Qui était-il ?

 11   R.  Rushti Jashari était chargé du domaine des communications, des

 12   relations publiques pour l'UCK. Il rencontrait souvent des membres de la

 13   MVK et des représentants de la presse.

 14   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir consulter cette liasse de

 15   documents. Il s'agit, là encore, de l'intercalaire numéro 2, de la page qui

 16   se trouve juste après celle que nous regardions il y a un instant. Il

 17   s'agit de la page qui porte le numéro U008-1463. Avez-vous trouvé cette

 18   page ?

 19   R.  Oui, je peux commencer à lire ?

 20   Q.  Non, je vais vous poser quelques questions avant cela. D'abord,

 21   reconnaissez-vous ce document ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  L'avez-vous rédigé aussi ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  S'agit-il d'un procès-verbal de la réunion dont vous venez de nous

Page 3522

  1   parler et qui a eu lieu environ une semaine après la réunion que vous avez

  2   eue avec le commandant Remi ?

  3   R.  Exact.

  4   Q.  Voulez-vous nous donner lecture de la partie soulignée, s'il vous

  5   plaît ?

  6   R.  "Arlind a également dit qu'il avait travaillé en tant que garde dans la

  7   prison à Drenica pendant quelques mois. Il nous a dit qu'il avait gardé les

  8   deux journalistes serbes et que le commandant avait exigé que les deux

  9   prisonniers soient bien traités et qu'on leur serve du café tous les

 10   matins. Il a aussi reconnu que des policiers serbes, 'qui étaient passés

 11   par le système', n'avaient pas été traités de la même manière que les

 12   autres prisonniers. Il n'a pas souhaitez en dire d'avantage."

 13   Q.  Merci. Sans nécessairement prononcer son nom, qui est Arlind dont il

 14   est question ici ?

 15   R.  Je ne sais pas. C'était un soldat très jeune de l'UCK.

 16   Q.  Vous souvenez-vous ce qu'il vous a dit très précisément concernant les

 17   policiers serbes qui "auraient eu affaire au système" ?

 18   R.  Non, je ne me souviens pas très bien. Non, je ne sais pas. Il était

 19   extrêmement vif et passionné lorsqu'il parlait de sa cause. Nous avons pris

 20   les choses de manière nuancée. Il souhaitait nous impressionner clairement.

 21   Q.  Merci. Je crois que c'est tout pour ce document.

 22   M. BLACK : [interprétation] J'aimerais que ce document soit versé au

 23   dossier également.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du document P148 -- excusez-

Page 3523

  1   moi, il s'agit de la pièce 149.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 149.

  3   M. BLACK : [interprétation] Merci.

  4   Q.  Mademoiselle Ringgaard, avant de passer à un autre document, n'avez-

  5   vous jamais reçu l'autorisation de visiter ces centres de détention de

  6   l'UCK à cette occasion ou à d'autres ?

  7   R.  Non, nous n'avons pas été autorisés.

  8   Q.  L'un des documents que nous venons d'examiner fait référence à une

  9   demande de liste de détenus de l'UCK. N'avez-vous jamais reçu cette liste

 10   en réponse à cette demande ?

 11   R.  Non, nous n'avons jamais reçu cette liste. C'est une décision qui

 12   relevait vraisemblablement d'un niveau supérieur à celui du commandant de

 13   zone. Etant donné que la situation s'est détériorée de plus en plus à la

 14   fin du mois de février, nous avons été évacués le 24 mars, par conséquent,

 15   la question a été un petit peu dépassée par d'autres questions plus

 16   urgentes à l'époque sur place.

 17   Q.  J'aimerais vous soumettre un autre document que nous avons déjà

 18   examiné, en réalité. Dans votre liasse de documents, il s'agit d'un

 19   document qui figure à l'intercalaire 4. Il s'agit du rapport "As Seen, As

 20   Told." Ce document va également apparaître sur votre écran.

 21   M. BLACK : [interprétation] Il s'agit de la première page de ce document

 22   qui porte le numéro ERN K035-0414. La page qui nous intéresse, en réalité,

 23   porte le numéro K035-0498 et se trouve parmi les pages suivantes.

 24   M. MANSFIELD : [interprétation] Un élément préliminaire, si vous me le

 25   permettez, concernant ceci. Je crois que le témoin a déjà indiqué qu'elle

Page 3524

  1   avait participé à la mise au point, à la rédaction de ce document. Je crois

  2   que ce document a été produit par une équipe de 12 personnes. Je ferais

  3   objection pour la raison suivante concernant cette partie de son

  4   témoignage. S'il y a des notes de bas de page ou d'autres éléments qu'elle

  5   a rédigés elle-même soit, mais si tel n'est pas le cas, j'ai peur qu'il

  6   s'agisse là d'un témoignage indirect. Ce sera le cas du début jusqu'à la

  7   fin. Peut-être qu'il y aurait d'autres moyens de présenter ce document et

  8   d'introduire ce document, mais peut-être que ceci ne devrait pas être fait

  9   par le biais de ce témoin en particulier, à moins qu'elle ait des opinions

 10   directes à exprimer et qu'il ne s'agisse pas d'allégations simplement.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black.

 12   M. BLACK : [interprétation] Oui. J'avais simplement pour objectif ou pour

 13   intention, celle d'attirer son attention sur un certain nombre de passages,

 14   et lui demander si, effectivement, ces passages correspondaient bien avec

 15   son expérience. En outre, elle a affirmé qu'elle avait participé à la

 16   rédaction de ce rapport. En outre, le fait que ce soit un témoignage

 17   indirect ou des éléments de preuve indirects ne rend pas ces éléments de

 18   preuve irrecevables. Bien entendu, il reviendra à la Cour d'en apprécier le

 19   poids.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Ce document n'a pas encore été

 21   versé au dossier. En tout cas, la demande n'en a pas été faite, mais si tel

 22   est cas, la Chambre recevra ce document. L'objection fondée sur les

 23   éléments de preuve indirects n'est pas une objection formelle, même si elle

 24   est particulièrement pertinente quant au poids que nous pourrons accorder à

 25   ce document. Le témoin faisait partie d'une équipe de 12 rédacteurs et

Page 3525

  1   semble disposer d'informations quant au processus qui a été suivi dans le

  2   cadre de la production de ce document et pense disposer de suffisamment de

  3   détails pertinents quant à la teneur de ce document. Toutefois, la

  4   fiabilité de son témoignage pourra être remis en question lors du contre-

  5   interrogatoire.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

  7   voudrais, quant à moi, exprimer une objection relativement différente quant

  8   à la manière dont M. Black suggère de procéder et d'utiliser ce document.

  9   En ce qui concerne l'irrecevabilité de ce document, il est dit que : "Son

 10   intention est d'attirer son attention, l'intention du témoin, donc, sur un

 11   certain nombre de passages et de voir s'ils correspondent bien à sa propre

 12   expérience."

 13   Il s'agirait là d'une question orientant le témoin dans son témoignage.

 14   M. MANSFIELD : [interprétation] Pour suivre sur ce qui vient d'être dit sur

 15   la version qui vient d'être faite de cette objection, pour l'instant,

 16   d'après ce témoignage, elle n'a pas d'expérience particulière concernant ce

 17   qui est dit dans ce document précis. Peut-être que la réponse à la question

 18   sera non, mais je demanderais à ce que l'on fasse preuve de prudence quant

 19   à la manière dont on va aborder ce document.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, je vous vois sur le

 21   point de vous lever.

 22   M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis tellement impressionné par la teneur

 23   des propos qui viennent d'être faits que je n'ai rien à ajouter.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être pourriez-vous, Monsieur

 25   Black, obtenir un témoignage qui intéresse davantage la Cour, si vous

Page 3526

  1   abordiez les choses dans l'autre sens en finissant sur les extraits de ce

  2   rapport plutôt qu'en commençant.

  3   M. BLACK : [interprétation] Je crois que je comprends ce que vous voulez me

  4   dire, mais je suis sûr que nous pourrions procéder de manière beaucoup plus

  5   rapide. Je pense qu'elle peut expliquer et nous dire, si effectivement,

  6   elle dispose d'informations personnelles sur telles ou telles choses, ou si

  7   elle est accord avec telles ou telles choses.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Que pensez-vous d'identifier chaque

  9   thème spécifique, thème particulier et de voir quelles sont les

 10   informations personnelles dont dispose le témoin, et d'évaluer à ce moment-

 11   là, si oui ou non, elle peut confirmer ou pas ce qui figure dans les

 12   différents extraits du rapport.

 13   M. BLACK : [interprétation] Très bien. Je ne peux pas rouvrir la

 14   discussion, mais j'aimerais simplement vous dire que certains des passages

 15   de ce document ont à voir avec le rapport qui a été rédigé par elle-même.

 16   Je ne vois pas quelle est la difficulté.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document que nous avons versé au

 18   dossier est versé au dossier. Il n'est pas nécessaire de rouvrir la

 19   conversation, à moins que nous changions d'avis, Monsieur Black.

 20   M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Généralement, ce type d'intervention

 22   permet de réduire largement les discussions et les arguments.

 23   M. BLACK : [interprétation] Effectivement, cela fonctionne dans ce cas

 24   particulier.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voyez, vous parvenez à nous

Page 3527

  1   détendre, Mademoiselle, après une longue journée de travail.

  2   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent de bien vouloir lire lentement les

  3   extraits du rapport.

  4   M. BLACK : [interprétation]

  5   Q.  Nous avons des versions albanaises de ce document, si toutefois, ceci

  6   peut être d'une quelconque utilité aux interprètes.

  7   L'INTERPRÈTE : Les interprètes font signe qu'ils en disposent déjà.

  8   M. BLACK : [interprétation]

  9   Q.  Mademoiselle Ringgaard, nous avons parlé des informations que vous avez

 10   reçues sur les procédures d'arrestations ou de détentions. A votre

 11   connaissance, comment fonctionnait le processus de prise de décision ?

 12   Comment décider des personnes à arrêter ou à interroger ?

 13   R.  Je ne peux pas répondre à cette question.

 14   Q.  Savez-vous s'il y avait une politique particulière qui était appliquée

 15   ou si les choses étaient jugées ou évaluées au cas par cas ?

 16   R.  J'ai eu le sentiment que les choses se faisaient au cas par cas, mais

 17   je ne peux vous le dire avec certitude.

 18   Q.  Nous avons abordé ou mentionné ce code pénal de guerre de l'UCK. J'ai

 19   bien compris que vous n'aviez pas eu accès à ce document. Mais d'après vos

 20   conversations avec des membres de l'UCK, quels étaient les thèmes abordés

 21   par ce code pénal ? Quelle était sa teneur, non pas en détail, mais quels

 22   étaient les grands thèmes abordés dans ce document ?

 23   R.  Nous n'en avons pas parlé.

 24   Q.  Semblait-il porter sur les procédures dont nous venons de parler ou

 25   pas ?

Page 3528

  1   R.  Cela semblait être le cas, mais je ne me souviens plus de détails,

  2   d'ailleurs nous ne sommes pas entrés dans les détails de ce code. Il nous a

  3   semblé qu'en l'absence d'autorités particulières chargées de politiques

  4   générales dans les différentes zones qu'ils contrôlaient, et bien il nous a

  5   semblé qu'ils exerçaient une politique générale de facto. Il y avait là

  6   dans ce document, sans doute, une combinaison, un code pénal et quelque

  7   chose qui portait davantage sur le conflit à proprement parler.

  8   Q.  Lorsque vous dites "ils exerçaient", vous parlez de qui ?

  9   R.  De l'UCK. Il n'y avait personne d'autre.

 10   Q.  Non, non, je comprends. Pourriez-vous être plus précise et nous dire

 11   qui est exactement le faisait au sein de l'UCK.

 12   R.  Je n'en sais rien.

 13   Q.  Un peu plus tôt je pense vous avez parlé des conventions de Genève,

 14   corrigez-moi si je me trompe. La question des conventions de Genève ou les

 15   lois de la guerre, cette question a-t-elle été abordée avec l'UCK, lorsque

 16   vous avez eu des contacts avec eux ?

 17   R.  Je ne m'en souviens pas précisément, mais je suppose que nous avons

 18   soulevé la question avec eux au cours de notre réunion.

 19   Q.  Bien. Si vous ne vous souvenez pas ce n'est pas grave mais, est-ce que

 20   l'UCK vous a dit, à un moment donné, qu'ils respecteraient les lois de la

 21   guerre ?

 22   R.  Je n'en ai pas de souvenirs particuliers. En règle générale, je n'avais

 23   pas ce type de conversation avec les gens de l'UCK. Je n'ai rencontré que

 24   deux commandants de zone et seulement à deux reprises.

 25   Q.  Je vais passer à un autre sujet, nous avons abordé la question de la

Page 3529

  1   collaboration, n'avez-vous jamais su ce qu'il fallait pour que quelqu'un

  2   soit accusé de collaboration, quel type d'activités ?

  3   R.  Dans ces rapports concernant les personnes disparues, il était parfois

  4   question du fait qu'ils avaient eu affaire, à un moment donné, avec les

  5   Serbes. C'est ce que les familles nous disaient, qu'ils avaient eu des

  6   rapports d'affaires ou qu'ils avaient aidé les Serbes et qu'on leur avait

  7   demandé de mettre un terme à ces relations. Mais je crois que les choses

  8   étaient difficiles à l'époque, difficiles pour des communautés mixtes. Ni

  9   les Serbes, ni l'UCK ne voyaient, dans ce mélange des communautés, un

 10   quelconque danger.

 11   Q.  Merci beaucoup. Là, je passe à nouveau à un autre sujet.

 12   Un peu plus tôt dans votre témoignage, vous avez parlé d'un certain nombre

 13   de Serbes portés disparus. Vous souvenez-vous des chiffres ? Combien de

 14   serbes, combien d'Albanais étaient portés disparus à ce moment-là, lorsque

 15   vous vous trouviez sur place ?

 16   R.  Je crois qu'il y avait environ 150 Serbes et, au moment de la rédaction

 17   de ce rapport, bien entendu, le nombre d'Albanais portés disparus était aux

 18   environs de 1 000 ou plusieurs milliers

 19   Q.  Quelle était la source de cette information ? D'où provenaient ces

 20   chiffres ? Est-ce que la MVK compilait ses propres statistiques ?

 21   R.  Oui, nous étions en contact étroit avec le CICR lorsque nous avons

 22   constitué nos listes de personnes portées disparues.

 23   Q.  Je vous ai parlé d'Adem Demaqi, vous nous avez dit que vous l'avez

 24   rencontré une fois. Vous souvenez-vous des sujets qui ont été abordés lors

 25   de la conversation que vous avez eue avec lui.

Page 3530

  1   R.  Pas précisément, mais c'était en rapport avec les pressions exercées

  2   par les parents des Serbes portés disparus. Nous nous efforcions d'obtenir

  3   des réponses de l'UCK afin de savoir si certaines de ces personnes étaient

  4   sous leur garde, afin de savoir combien de personnes avaient été tuées lors

  5   des combats au cours de cette période.

  6   Q.  Est-ce qu'il a pu vous fournir des informations à cet égard ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Est-ce que la question du sort réservé aux prisonniers serbes a jamais

  9   été abordée.

 10   R.  Il me semble, mais je n'ose pas poursuivre ma réponse car j'ai peur

 11   qu'une objection soit soulevée.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ne soyez pas intimidée par ces

 13   messieurs qui sont assis là.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous pensions et je pense qu'il le pensait lui

 15   aussi qu'il y avait de nombreuses manières de disparaître à l'époque. L'une

 16   des manières de disparaître était d'être pris entre deux feux, il y avait

 17   d'autres circonstances possibles, nous ne pouvions pas le savoir. Mais le

 18   fait est que ces personnes n'étaient jamais revenues. Nombreux d'entre nous

 19   en sont parvenus à la conclusion que ces personnes n'étaient sans doute

 20   plus en vie, je pense qu'Adem Demaqi était d'accord avec nous.

 21   M. BLACK : [interprétation]

 22   Q.  Je vous comprends.

 23   M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on pourrait

 24   à présent attribuer une cote à ces documents dont nous n'avons pas parlé ?

 25   M. MANSFIELD : [interprétation] Je vais permettre Monsieur Topolski --

Page 3531

  1   M. TOPOLSKI : [interprétation] Non, non --

  2   M. BLACK : [interprétation] Je pensais que ces documents seraient versés au

  3   dossier.

  4   M. MANSFIELD : [interprétation] Je pense que ces documents pourront être

  5   versés ultérieurement par le biais d'un témoin qui pourra véritablement en

  6   parler et peut être qu'un poids supérieur pourra leur être accordé. Mais

  7   pour le moment tout cela est très intéressant mais rien ne découle

  8   véritablement des documents en question.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, nous ne souhaitons

 10   certainement pas vous interrompre.

 11   M. TOPOLSKI : [interprétation] Je pense qu'il y avait une plaisanterie dans

 12   votre remarque, mais il est trop tard. Je suis fatigué, je n'ai rien à

 13   ajouter.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 15   Ce qui a été dit sera fait. Le document sera versé au dossier si

 16   l'Accusation le demande. L'Accusation en demande à présent le versement au

 17   dossier. Le document est admis. La question du poids qu'il conviendra de

 18   lui accorder est une question bien différente et eu égard à l'objection

 19   soulevée par Me Guy-Smith, nous avons encouragé M. Black à faire en sorte

 20   d'obtenir des informations concernant les connaissances directes qu'a le

 21   témoin de certains sujets. Cela ne signifie pas pour autant que ceci aura

 22   une incidence sur le poids que nous accorderons à ce document.

 23   M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il serait peut

 24   être utile que je pose quelques question au sujet de la manière dont ce

 25   rapport a été rédigé.

Page 3532

  1   Q.  Combien de personnes ont participé à la rédaction du rapport "As Seen,

  2   As Told" ? Vous en souvenez vous ?

  3   R.  Douze, je pense, il y a eu quelques consultants extérieurs qui ont

  4   participé également, je n'étais que l'une des personnes ayant participé à

  5   la relecture de ce document.

  6   Q.  Sur quoi ces personnes se sont-elles fondées pour rédiger ce rapport ?

  7   R.  Nous avons utilisé les documents de base, tous les formulaires relatifs

  8   aux plaintes avant l'évacuation et tout ce qui avait été rassemblé dans les

  9   camps de réfugiés en Macédoine et en Albanie. Nous disposions des copies

 10   originales version papier, nous avons parcouru tout ces documents afin de

 11   rédiger ce rapport et tout ceci a été mis à la disposition de ce Tribunal.

 12   Q.  Je vous remercie. Pourrait-on attribuer une cote à ce document ?

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document P150.

 14   M. BLACK : [interprétation] Merci.

 15   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 16   M. BLACK : [interprétation] Excusez-moi de cette interruption. Je

 17   souhaiterais que vous m'accordiez quelques instants avant que je ne

 18   poursuive.

 19   Merci. Je vais poursuivre.

 20   Q.  Merci de votre patience Mademoiselle Ringgaard. Vous avez dit que la

 21   MVK avait reçu des informations concernant les enlèvements menés par l'UCK

 22   y compris ceux des collaborateurs. Sur la base des informations que la MVK

 23   et vous-même avez reçues, avez-vous été en mesure de déterminer s'il

 24   s'agissait du fait de voyous disons, ou s'il s'agissait là d'une politique

 25   plus large ?

Page 3533

  1   R.  Les informations que nous avions grâce à nos officiers de liaison

  2   auprès de l'UCK étaient que l'UCK savait qu'il y avait des éléments

  3   incontrôlés en son sein et il leur était parfois difficile de contrôler

  4   d'éventuels actes de vengeance personnelle. Il y avait des tirs, des

  5   combats sporadiques et l'UCK devait faire face également à une pression

  6   militaire. D'après notre impression je ne pense pas qu'il y avait une

  7   véritable politique en place mais, ceci s'est produit dans certains cas sur

  8   le terrain.

  9   Q.  Vous nous avez parlé de certaines tendances et vous nous avez dit que

 10   l'une de vos missions consistait à suivre ces tendances, l'évolution de la

 11   situation. N'avez-vous jamais parlé de l'évolution de la situation

 12   concernant les enlèvements menés par l'UCK avec le chef de mission.

 13   R.  Cette question a été soulevée par le truchement des officiers de

 14   liaison, il s'agissait là de l'une de nos préoccupations, mais vu la

 15   situation générale, ceci, n'était pas une question sur laquelle nous nous

 16   penchions trop en détail en raison des nombreuses plaintes que nous

 17   recevions de la part de la population albanaise de souche contre les

 18   autorités serbes du Kosovo.

 19   Q.  Merci. D'autres questions avant de conclure pour aujourd'hui, n'avez-

 20   vous jamais entendu parler d'une personne appelée Fatmir Limaj lorsque vous

 21   étiez au Kosovo ?

 22   R.  Oui, son nom a été mentionné.

 23   Q.  Pouvez-vous nous dire dans quel contexte ?

 24   R.  Dans le contexte d'une commission qui, je pense, avait été mise en

 25   place à Orahovac afin d'examiner ce qui s'était passé lors des combats

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  1   entre juin et septembre 1998. Je me souviens que les Serbes de la région

  2   étaient en colère du fait de sa présence. C'est tout ce dont je me

  3   souviens.

  4   Q.  Pour bien comprendre ce que vous nous dites, est-ce que vous savez

  5   quelle a été la raison pour laquelle ils étaient en colère du fait qu'il

  6   participait à cette commission ?

  7   R.  Ce qu'ils ont dit à l'officier chargé des droits de l'homme à Orahovac,

  8   c'était qu'ils pensaient qu'il était membre de l'UCK et qu'il détenait une

  9   certaine part de responsabilité pour ce qui s'était passé. Ils pensaient

 10   que Fatmir Limaj pourrait fournir des éléments d'informations concernant le

 11   sort réservé aux Serbes portés disparus, mais qu'il n'était pas sincère et

 12   qu'il n'avait pas l'intention de le faire.

 13   Q.  Mais vous ne savez pas davantage de choses à ce sujet ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  N'avez-vous jamais entendu parlé d'un lieu de détention situé dans le

 16   village de Lapusnik ?

 17   R.  Je n'en ai pas entendu parlé à l'époque où j'étais au Kosovo en

 18   1998/1999, par la suite, oui.

 19   Q.  Quand en avez-vous entendu parlé ?

 20   R.  Je ne me souviens pas.

 21   Q.  Mais pendant la période que vous avez passé au Kosovo vous n'avez pas

 22   entendu parlé d'un camp de détention à Lapusnik, n'est-ce pas ?

 23   R.  Pas pour autant que je m'en souvienne.

 24   Q.  Merci de votre patience.

 25   M. BLACK : [interprétation] Au fin du compte rendu d'audience M. Younis me

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  1   dit que s'agissant de la pièce P150, cette pièce correspond à l'ensemble

  2   des documents figurant à l'intercalaire 4 de la liasse de documents. Il

  3   serait peut-être bon que je donne lecture du numéro ERN de ces documents.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce qui a été versé au dossier.

  5   M. BLACK : [interprétation] A des fins de référence ultérieure, il s'agit

  6   des document K035-0414; K035-0498 à 0500; et K035-0561 à 0563. Ce sera tout

  7   je n'ai pas d'autres questions à poser à ce témoin pour aujourd'hui.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  9   Je me demande si tout le monde serait d'accord pour dire que le moment est

 10   venu de lever l'audience ?

 11   M. MANSFIELD : [interprétation] Je souhaiterais simplement poser deux

 12   questions, peut-être que personne d'autre n'a de questions à poser au

 13   témoin et comme cela le témoin pourra partir.

 14   Contre-interrogatoire par M. Mansfield : 

 15   Q.  [interprétation] Mademoiselle le Témoin, eu égard au fait que vous avez

 16   entendu parler du nom de Fatmir Limaj, je souhaite dire que je représente

 17   Fatmir Limaj en l'espèce. Est-il possible que vous ayez mal compris, que

 18   vous avez mal entendu quelque chose ? Je souhaite affirmer haut et fort en

 19   son nom qu'il n'a jamais participé à la commission dont vous avez parlé.

 20   Est-il possible que vous ayez associé son nom dans le mauvais contexte

 21   après tout le temps qui s'est écoulé ?

 22   R.  Je me souviens de son nom dans le contexte de ces questions que j'ai

 23   évoquées par rapport à Orahovac mais peut-être que ce n'était pas en

 24   rapport avec cette commission, mais je me souviens de son nom. Je me suis

 25   peut-être trompée sur le fait qu'il a participé à cette commission.

Page 3536

  1   Q.  Question suivante : vous avez entendu parler de Lapusnik après votre

  2   départ du Kosovo. On vous a, tout à l'heure, posé une question au sujet de

  3   Lapusnik, peut-être avez-vous confondu cet endroit avec un autre lieu.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Ensuite, vous avez dit que vous aviez entendu parler de Lapusnik mais

  6   pas par rapport aux questions de détention ?

  7   R.  C'est exact.

  8   Q.  Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield. Maître Guy-

 10   Smith vous avez la parole.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas de questions à poser.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.

 13   M. TOPOLSKI : [aucune interprétation] 

 14   Contre-interrogatoire par M. Topolski : 

 15   Q.  [interprétation] Oui, je représente les intérêts d'Isak Musliu.

 16   J'aurais une ou deux questions à vous poser. Est-ce que vous avez

 17   connaissance de la période qui nous intéresse en l'espèce ? Est-il exact,

 18   si j'ai bien compris votre déposition, que vous avez travaillé au Kosovo

 19   entre le 1er décembre 1998 et mars 1999, date de votre évacuation ? C'est,

 20   là, le premier séjour que vous avez fait au Kosovo ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Vous êtes revenue au Kosovo après les bombardements ?

 23   R.  Je suis revenue en janvier 2000.

 24   Q.  Janvier 2000. La période qui nous intéresse ce sont les quelques mois,

 25   quatre mois en réalité, que vous avez passé au Kosovo fin 1998. Est-ce que

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  1   vous avez entendu dire pendant votre séjour qu'il y avait des allégations

  2   selon lesquelles des officiers du MUP rémunéraient des Albanais en échange

  3   d'informations concernant l'UCK ?

  4   R.  Absolument. C'est exact.

  5   Q.  Absolument.  

  6   R.  C'est exact. 

  7   Q.  Avez-vous entendu parler d'un certain nombre de cas de ce genre de la

  8   part d'officiers du MUP ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Outre ces rémunérations, des passeports et des visas ont été remis à

 11   ces personnes afin qu'elles puissent se rendre là où elles le souhaitaient,

 12   avez-vous entendu parler de cela, et avez-vous également entendu parler de

 13   menace proférée contre des Albanais en échange d'information concernant

 14   l'UCK ?

 15   R.  Des menaces, absolument.

 16   Q.  En ce qui concerne les documents que vous nous avez communiqués, et

 17   j'ai notamment à l'esprit les documents qui figurent à l'intercalaire

 18   numéro 3, qui est un formulaire concernant une personne disparue, est-ce

 19   que la Chambre peut partir du principe que les informations qui figurent,

 20   par exemple, dans ce formulaire, sont celles qui ont été fournies par la

 21   personne qui a rempli le formulaire ?

 22   R.  Oui. Ce sont les informations fournies par la famille --

 23   Q.  Par exemple, s'agissant du document dont les derniers chiffres sont

 24   81458, deuxième page, la personne qui vient de fournir ces informations dit

 25   à votre collègue : "Je n'ai connaissance d'aucune raison pour laquelle

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  1   l'UCK souhaiterait détenir telle personne."

  2   Toutes ces informations sont consignées sur la base des informations

  3   communiquées par la personne qui fournit ces informations ? Ai-je raison ?

  4   R.  C'est exact. Nous savions que parfois ces personnes ne nous disaient

  5   pas la vérité. C'est parce qu'elles avaient peur ou parce qu'elles ne

  6   voulaient pas nous dire les raisons ou leurs motifs.

  7   Q.  Est-ce que vous nous dites que dans certains cas il s'est avéré par la

  8   suite, pour quelque raison que ce soit, que des personnes n'étaient pas

  9   sincères avec vous, et ne vous avaient pas dit la vérité s'agissant des

 10   raisons de l'enlèvement ?

 11   R.  Personnellement, je n'ai pas connaissance de tels cas, mais c'est

 12   arrivé.

 13   Q.  Bien. Je souhaiterais clarifier quelque chose que vous avez mentionné à

 14   deux reprises aujourd'hui. On vous a posé des questions au sujet des

 15   détentions. Vous avez déclaré, et j'espère que je vous cite de façon

 16   correcte : "En l'absence d'autorité de police dans la région, ils," c'est-

 17   à-dire, l'UCK, "exerçaient de facto des fonctions de police."

 18   Par le terme "région," est-ce que vous voulez parler de ces régions du

 19   Kosovo que vous et vos collègues connaissiez bien, ou est-ce que vous vous

 20   parliez d'une région particulière ?

 21   R.  Non, je voulais parler des régions contrôlées par l'UCK.

 22   Q.  D'après votre expérience, comme nous l'avons entendu de la bouche

 23   d'autres témoins, il s'agissait de régions qui passaient entre les mains de

 24   l'un et de l'autre camp ?

 25   R.  Oui.

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  1   Q.  Ces changements de contrôle étaient fréquents ?

  2   R.  Pendant le temps que j'ai passé sur place, cela se passait plus

  3   fréquemment qu'auparavant.

  4   Q.  Dernière question : en ce qui concerne les collaborateurs, vous en avez

  5   un petit peu parler. Le fait est, Mademoiselle Ringgaard, n'est-ce pas, que

  6   si un collaborateur serbe se trouvait là avec l'un de vos collègues, il lui

  7   était difficile d'avouer à la MVK qu'il était collaborateur, n'est-ce pas ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  C'est tout ce que je voulais vous demander. Merci beaucoup.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser à ce

 12   témoin, mais je souhaiterais soulever une objection concernant le document

 13   147. Si la Chambre à l'intention de se fonder sur ce document pour d'autres

 14   objectifs que le fait qu'il s'agit d'un rapport type cela me pose un

 15   problème --

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Au fait, pourrait-on en parler lors de

 17   la prochaine audience, vu l'heure qu'il est.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Absolument.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black, souhaitez-vous poser

 20   des questions supplémentaires ?

 21   M. BLACK : [interprétation] Non.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Mademoiselle Ringgaard, je pense que vous êtes jusqu'à présent le témoin

 24   dont l'audition aura la plus rapide dans ce procès. Je vous remercie d'être

 25   venue témoigner ici, et vous êtes libre de retrouver vos activités.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous n'y voyez pas d'inconvénient,

  3   vous pouvez rester ici jusqu'à nous réglions quelques questions et

  4   l'audience sera ensuite levée.

  5   Monsieur Whiting, quel est le programme pour demain ?

  6   M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, avec le temps --

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez être direct.

  8   M. WHITING : [interprétation] Nous n'avons pas d'autres témoins car nous

  9   devions choisir entre un témoin dont la déposition serait rapide et un

 10   témoin dont la déposition serait longue.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. En raison de l'heure, nous

 12   ne pouvons pas entendre les arguments de Me Guy-Smith. Vu les bobines et

 13   d'autres questions administratives, il faut que nous levions l'audience.

 14   Maître Guy-Smith, j'espère que vous vous souviendrez de vos arguments.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et que vous les soulèverez lorsque

 17   nous reprendrons l'audience lundi à 14 heures 15.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] D'accord, je les soulèverai à ce moment-là. 

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions,

 20   l'audience est levée. Nous reprendrons lundi à 14 heures 15.

 21   --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le lundi 21 février

 22   2005, à 14 heures 15.

 23  

 24  

 25