Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 11 avril 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Le Juge Thelin ne peut pas

7 être présent aujourd'hui. Compte tenu des circonstances, nous avons décidé

8 qu'il était préférable de poursuivre l'audience en son absence. J'espère

9 que ma voix ne me lâchera pas avant la fin de la journée parce que dans le

10 cas contraire, il ne restera qu'un seul Juge dans ce prétoire.

11 Où en étions-nous ? Monsieur Shin, vous aviez terminé, me semble-t-il ?

12 M. SHIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous en étions au

13 contre-interrogatoire par Me Powles.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Powles.

15 LE TÉMOIN: PETER BOUCKEART [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. POWLES : [interprétation] Je vais poursuivre le contre-interrogatoire.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

19 Contre-interrogatoire par M. Powles : [Suite]

20 Q. [interprétation] Monsieur Bouckaert, j'ai le bonheur de vous informer

21 du fait que je n'ai plus énormément de questions à vous poser. Vous avez

22 fait deux déclarations au bureau du Procureur; est-ce exact ?

23 R. C'est exact.

24 Q. La première en mars 1999 et l'autre en avril 2004 ?

25 R. C'est exact.

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1 Q. J'imagine que vous avez eu la possibilité de relire vos déclarations

2 avant de venir déposer vendredi dernier, ici, au Tribunal ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. Vendredi dernier, vous avez indiqué que vous étiez d'accord pour dire

5 qu'un des objectifs de l'UCK était de protéger la population civile ?

6 R. Je crois que nous n'étions pas tout à fait d'accord sur ce point.

7 C'était un des objectifs, avais-je dit, mais pas le principal.

8 Q. Oui, vous avez accepté qu'il s'agissait d'un des objectifs de l'Armée

9 de libération du Kosovo, à savoir, protéger la population civile. Vous vous

10 souviendrez sans doute que je vous avais demandé de nous citer quelques

11 exemples de ces activités de protection de la population civile par l'Armée

12 de libération du Kosovo. Vous n'aviez pas pu nous citer d'exemples; c'est

13 exact ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Est-ce qu'au cours du week-end, vous y aviez réfléchi et vous pouvez

16 maintenant nous donner quelques exemples ?

17 R. Non, je n'y ai pas pensé pendant le week-end et je n'ai pas d'exemples

18 à vous donner.

19 Q. Est-ce que vous avez un exemplaire de la déclaration que vous avez

20 faite en mars 1998 [comme interprété] sur vous ?

21 R. Non, je n'en ai pas sur moi.

22 M. POWLES : [interprétation] Peut-être que Monsieur Younis aurait

23 éventuellement un exemplaire qu'il pourrait nous présenter ?

24 M. SHIN : [interprétation] Nous n'avons pas ce document. Nous n'en

25 disposons pas en tout cas, pas pour l'heure. Si le conseil en a un

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1 exemplaire, peut-être, pourrait-il le présenter au témoin.

2 M. POWLES : [interprétation]

3 Q. Oui, en fait, ce que je vais faire, peut-être, c'est vous faire lecture

4 d'un extrait de votre déclaration.

5 R. Entendu.

6 Q. Nous verrons ainsi si vous êtes d'accord avec votre déclaration.

7 R. Oui.

8 Q. J'imagine que ce sera le cas. Dans votre déclaration de mars 1999, page

9 20, vous dites ce qui suit et je tâcherai de le lire suffisamment lentement

10 pour que l'interprétation puisse se faire. Vous dites : "A Kishna Reka, les

11 conditions se détérioraient rapidement." Vous faites référence à certaines

12 photographies. Vous indiquez que l'eau potable était en quantité limitée et

13 que nombreux étaient ceux qui souffraient de maladies respiratoires et de

14 douleurs liées au fait qu'ils étaient hébergés dans des conditions très

15 encombrées. Un élément en plastique était insuffisant pour protéger les

16 personnes des éléments et les PDI - j'imagine que ce sont les personnes

17 déplacées à l'intérieur du pays ?

18 R. Exact.

19 Q. Ces PDI demeuraient inquiètes à l'idée d'être victimes d'attaques des

20 forces serbes. Vous dites : "Des attaques sur des personnes déplacées

21 avaient eu lieu à Senik, Sedlare et Vranic, entre autres. Il y avait,

22 semble-t-il, une légère présence de l'UCK autour du camp mais Human Rights

23 Watch n'a pas constaté de présence dans le camp elle-même. Je me suis rendu

24 dans plusieurs postes de contrôle de manière à demander à ce que ces

25 réfugiés ne soient pas victimes de la présence de l'UCK. Les autorités

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1 yougoslaves ne faisaient aucune distinction entre les cibles militaires et

2 les cibles civiles tout au long de leur offensive, mais ils avaient pris

3 une précaution, à savoir celle de prendre des mesures visant à séparer le

4 camp de réfugiés et la présence militaire. Il semblait qu'ils souhaitaient

5 qu'il y ait une présence modeste, proche du camp, de manière à ce qu'il y

6 ait un degré de protection à offrir aux personnes déplacées."

7 Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que c'est effectivement le contenu

8 de votre déclaration de mars 1999 ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous devez être également d'accord pour dire que les personnes

11 déplacées à l'intérieur du pays redoutaient les attaques de la part des

12 forces yougoslaves ?

13 R. Absolument.

14 Q. Il y avait une présence UCK à l'arrière du camp mais dans le camp

15 proprement dit ?

16 R. C'était très proche du camp.

17 Q. Oui. L'UCK --

18 M. SHIN : [interprétation] Désolé de vous interrompre, mais nous avons un

19 exemplaire de cette déclaration écrite si vous le souhaitez.

20 M. POWLES : [interprétation] Oui.

21 M. SHIN : [interprétation] Merci beaucoup à M. Younis qui apparemment a

22 battu le record du 100 mètres dans les couloirs du Tribunal.

23 M. POWLES : [interprétation] Je suis encore plus reconnaissant, Monsieur

24 Younis, maintenant que je sais cela.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

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1 M. POWLES : [interprétation]

2 Q. Je faisais référence aux pages 20 et 21 du rapport.

3 R. Oui.

4 Q. Très bien. A la fin de votre déclaration, page 21, vous dites la chose

5 suivante : L'intention de l'UCK, à savoir, garder une présence modeste à

6 proximité du camp, servait comme objectif de protéger les civils.

7 R. Oui, c'était effectivement l'intention déclarée par l'UCK à nous. Ceci

8 étant dit et ce qui nous inquiétait, c'était que la présence, à proximité

9 de ce camp, de personnes réfugiées à l'intérieur du pays mettait en danger

10 ces personnes déplacées elles-mêmes.

11 Q. Oui.

12 R. La raison pour laquelle je suis allé trouver les responsables des

13 postes de contrôle, c'est parce que nous avions peur qu'on les utilise

14 comme des boucliers humains, mais c'est vrai que c'est la déclaration faite

15 par l'UCK à nos services.

16 Q. Oui.

17 R. C'était de dire qu'ils étaient là pour protéger la population civile.

18 Q. Très bien, Monsieur Bouckaert, peut-être étiez-vous inquiet.

19 R. Oui.

20 Q. Mais en fait, l'objectif qui vous a été déclaré, et c'est un objectif

21 que vous acceptez comme réel dans votre déclaration, puisque vous dites

22 ceci, je vais vous citer, page 21, dernière phrase.

23 R. Hm-hm.

24 Q. J'imagine que cela veut dire que vous êtes d'accord avec cela. "Il

25 semblerait qu'il souhaitait maintenir une présence modeste à proximité du

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1 camp de manière à offrir un certain degré de protection aux personnes dans

2 le camp." Vous acceptez qu'effectivement leur objectif authentique était

3 d'avoir une présence sur place de manière à protéger les personnes

4 déplacées à l'intérieur du pays.

5 R. C'est effectivement leur objectif déclaré, déclaré à nous.

6 Q. C'est ce que vous dites dans votre déclaration.

7 R. Dans ma déclaration écrite, je dis qu'il semblerait qu'il souhaitait

8 qu'il y ait une présence modeste à proximité du camp de manière à assurer

9 un certain degré de protection pour les personnes déplacées. C'est ce que

10 je dis.

11 Q. Oui.

12 R. Là où nous nous ne sommes pas d'accord, c'est que nous ne sommes pas

13 d'accord pour dire que cette pratique est une pratique sage et judicieuse.

14 Q. Oui.

15 R. Oui.

16 Q. Je vous propose de passer à la structure de l'Armée de libération du

17 Kosovo. Je souhaiterais être sûr que les dates sont les bonnes, à savoir

18 trois semaines au cours du mois de septembre 1998, trois semaines au cours

19 du mois de novembre 1998.

20 R. C'est exact.

21 Q. C'est le temps que vous avez passé au Kosovo au total.

22 R. Oui, en 1998, c'est le total de mes jours de présence au Kosovo.

23 Q. Tout ce qui s'est passé en dehors de ces dates se fonde sur des

24 informations qui vous ont été fournies par des tiers.

25 R. C'est exact.

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1 Q. Il est exact de dire également, n'est-ce pas, qu'après le massacre de

2 Drenica, en février et mars 1998, l'UCK a commencé à accroître à un rythme

3 impressionnant.

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Toutes sortes d'individus de tous horizons ont rejoint les rangs de

6 l'UCK; des fermiers, des demandeurs d'asile, et cetera.

7 R. Oui. J'ai même rencontré des gens venus de la ville de New York.

8 Q. Il semble raisonnable de dire qu'un grand nombre de personnes, pour ne

9 pas dire la majorité des personnes qui ont rejoint les rangs de l'UCK à

10 l'époque, n'avaient pas énormément d'expérience en matière militaire.

11 R. L'expérience en matière militaire variait énormément d'une personne à

12 l'autre. Certains des individus, que nous avons rencontrés, avaient déjà

13 une expérience au niveau du commandement dans l'armée yougoslave, mais il y

14 avait de nombreux membres de l'UCK qui étaient des livreurs de pizza de New

15 York ou des fermiers du Kosovo.

16 Q. Il est exact également de dire que ceux qui avaient une expérience

17 d'officier dans l'armée yougoslave, au lieu de rejoindre les rangs de l'UCK

18 rejoignent les rangs de ce qu'on appelle la F-A-R-K, la FARK. Est-ce que

19 vous êtes d'accord avec cette déclaration ?

20 R. Je crois que cela serait exagéré quelque peu l'importance du FARK. Il y

21 avait un certain nombre d'anciens officiers de l'armée yougoslave qui ont

22 rejoint du FARK, mais il s'agissait d'une organisation relativement

23 marginale dans la situation et le contexte global militaire du Kosovo.

24 Q. Est-ce que vous avez le classeur contenant les pièces à conviction,

25 Monsieur Bouckaert ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pourrait-on vous les donner ?

3 R. A vrai dire, je ne les ai pas. Toutes mes excuses.

4 Q. Je vous propose de passer à l'intercalaire 5, page 93, si vous le

5 voulez bien.

6 R. Oui.

7 M. SHIN : [interprétation] Aux fins du compte rendu, il s'agit de la pièce

8 à conviction P212.

9 M. POWLES : [interprétation] Merci beaucoup.

10 Q. Page 92 et 93 -- y êtes-vous, Monsieur Bouckaert ?

11 R. Oui.

12 Q. A la page 92 dans votre déclaration, vous parlez de l'offensive du mois

13 de juillet 1998 et vous dites que suite à cela, il semblerait que la

14 structure de commandement ait été entamée suite à cette offensive. Enfin,

15 ce n'est pas vous qui le dites, c'est le rapport qui le dit.

16 R. Oui.

17 Q. Puis ensuite, vous poursuivez. Dans le rapport, vous dites : "Ce qui a

18 encore compliqué davantage les choses c'est l'existence d'une organisation

19 militaire séparée du Kosovo, appelée FARK qui a une base séparée en Albanie

20 et qui est présente essentiellement dans la région de Metohija du Kosovo.

21 En septembre 1998, il apparaissait clairement que ce groupe alternatif

22 regroupait essentiellement des personnes d'origine ethnique albanaise avec

23 un certain niveau d'expérience dans l'armée yougoslave. Ensuite, si l'on

24 tourne la page il est indiqué : Que l'on est pas d'accord pour dire que la

25 stratégie était de moindre qualité. La FARK n'existe pas comme une

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1 organisation armée organisée jusqu'au mois d'août 1998."

2 Est-ce que l'on peut extrapoler selon vous de cela que ceux qui avaient

3 effectivement une certaine expérience dans l'armée yougoslave ont rejoint

4 les rangs du FARK ?

5 R. Une fois de plus, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites

6 "un grand nombre." Ce que nous disons dans le rapport, c'est que la plupart

7 de ceux qui ont rejoint les rangs du FARK avaient une expérience soit dans

8 le domaine militaire,

9 soit dans le domaine policier.

10 Q. Oui.

11 R. Mais cela ne signifie pour autant que la majorité de ceux qui avaient

12 une expérience militaire ou policière ont rejoint les rangs de la FARK. La

13 plupart des officiers de l'UCK que nous avons rencontrés avaient eux aussi

14 des expériences militaires acquises par le passé.

15 Q. Certains des membres de FARK n'étaient pas d'accord avec à la stratégie

16 de l'UCK et critiquaient quelque peu le caractère peu professionnel de

17 l'UCK; c'est exact, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Lorsque M. Younis vous a remis un exemplaire de votre déclaration

20 écrite, est-ce qu'il vous également donné la déclaration d'avril 2004 ?

21 R. Oui, il me l'a remise.

22 Q. Il est exact de dire, n'est-ce pas, que lorsque vous avez rencontré M.

23 Thaqi et M. Limaj, il est exact de dire qu'une des choses, qui vous ont été

24 expliquées par M. Thaqi, lorsque vous l'avez rencontré en novembre 1998,

25 était que l'UCK était une armée nouvelle qui ne faisait que commencer à

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1 formaliser sa structure; vous êtes d'accord avec cela, n'est-ce pas ?

2 R. Si ma mémoire ne me trompe pas, il a dit dans ses commentaires à propos

3 de l'UCK que c'est une structure mais que les structures civiles n'étaient

4 pas encore en place à Drenica.

5 Q. Je vous propose de passer à la page 7, à présent si vous voulez bien de

6 votre déclaration de 2004. Je fais référence au paragraphe 36 à présent.

7 R. Hm-hm.

8 Q. Vous dites à ce paragraphe 36, la chose suivante : "Il m'est difficile

9 de me souvenir de la teneur de la conversation que j'ai eue au cours de

10 cette rencontre. Nous avons parlé des structures de l'UCK et de ses

11 obligations au titre des conventions de Genève." Puis ensuite, vous dites

12 ceci : "A ce moment-là, Thaqi a expliqué que l'UCK était une nouvelle armée

13 et qu'il ne faisait que commencer à formaliser ses propres structures."

14 R. Oui, c'est exact. J'accepte. Je marque mon accord avec ceci.

15 Q. Je vous propose de retourner à l'intercalaire numéro 5, le dossier

16 Droit humanitaire et violations du droit humanitaire au Kosovo.

17 Intercalaire 5.

18 R. Oui.

19 Q. Je vous propose d'examiner quelques dates à présent dans le contexte

20 des éléments qui se sont déroulés à Orahovac. Je vous propose d'examiner la

21 page 4 de ce document, Monsieur Bouckaert, s'il vous plaît.

22 R. Oui.

23 Q. Troisième paragraphe.

24 R. Hm-hm.

25 Q. Est-il exact que dans le rapport il est indiqué : "La première

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1 offensive d'envergure de l'UCK commence le 19 juillet précisément, lorsque

2 l'UCK s'est efforcée de capturer la ville d'Orahovac. L'offensive a échoué

3 au moment où la police a recapturé la ville deux jours plus tard."

4 R. Oui. C'est exact.

5 Q. La date de l'offensive, c'est le 19 et deux jours après, les Serbes

6 sont arrivés et cela c'était le 21 juillet, j'imagine ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Est-il exact également de dire que les forces serbes ou yougoslaves

9 n'ont pratiquement eu aucuns problèmes pour reconquérir les territoires

10 détenus par l'UCK au cours de cette offensive du mois de juillet ?

11 R. Ils ont détruit la plupart d'Orahovac, y compris plusieurs mosquées au

12 cours de leur offensive. Ce n'était pas une bataille de grande envergure;

13 là, je suis d'accord avec vous.

14 Q. Si l'on laisse de coté Orahovac, s'agissant de l'offensive du mois de

15 juillet, d'une manière générale, les Serbes n'ont éprouvé que très peu de

16 difficultés à récupérer le contrôle des territoires contrôlés par l'UCK.

17 R. L'UCK, comme la plupart des mouvements de guérilla, ne concentrait pas

18 son potentiel militaire sur l'élément, maintenir sous son contrôle un

19 certain élément du territoire. En revanche, les forces yougoslaves sont

20 allées même à Drenica, s'engager sur un territoire et à ce moment-là, l'UCK

21 battait en retraite et revenait une fois que les forces yougoslaves

22 s'étaient retirées. C'est un schéma qu'on a vu se produire à plusieurs

23 reprises, d'une manière générale.

24 Q. Très bien. Je vous propose de passer, à présent, au contexte des

25 événements qui se sont déroulés en 1998, en novembre et je pense, ici,

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1 particulièrement aux activités des forces yougoslaves. Je crois que vous

2 nous avez dit, vendredi dernier, qu'au cours de la période couverte par le

3 conflit, j'imagine qu'il s'agit de 1998, vous nous avez dit que la grande

4 majorité des individus qui étaient victimes de violations et d'abus étaient

5 victimes d'abus par les forces yougoslaves ?

6 R. Forces yougoslaves et serbes, oui.

7 Q. Forces serbes et yougoslaves. Je crois que si on porte notre attention

8 à nouveau à l'intercalaire 5, Violations du droit humanitaire au Kosovo, le

9 rapport de Human Rights Watch, cette fois, je vous propose d'examiner la

10 page 3 où on trouve, en résumé : "La grande majorité de ces abus ont été

11 commis par les forces gouvernementales et le MUP serbe ou par l'armée

12 yougoslave."

13 R. Oui.

14 Q. Plus bas sur cette même page, il est indiqué que l'UCK "a également

15 violé les droits de la guerre, ceci dit, dans une moindre mesure que les

16 forces yougoslaves…"

17 Human Rights Watch estimait, n'est-ce pas, que la grande majorité des abus

18 avaient été commis par les forces serbes, à cette époque-là ou en tout cas

19 que les abus les plus sérieux l'avaient été par les forces yougoslaves à

20 cette époque, n'est-ce pas ?

21 R. La grande majorité des abus, oui.

22 Q. Merci. Dans le rapport de Human Rights Watch - Une semaine de terreur à

23 Drenica - je crois qu'il s'agit de l'intercalaire 3, si je ne m'abuse -

24 est-ce que nous avons, là, l'intégralité du rapport ou est-ce que c'est

25 simplement un extrait ?

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1 R. Non, ce n'est pas du tout l'intégralité parce que ce rapport-là est

2 aussi long que le rapport "Violations du droit humanitaire au Kosovo".

3 Q. Vous n'avez que le rapport complet ?

4 R. Non, je n'ai qu'une section courte copiée par le bureau du Procureur.

5 Q. Je sais que la page à laquelle je souhaite faire référence, elle est

6 ici, je l'ai devant moi.

7 M. SHIN : [interprétation] Pourrait-on avoir la référence et le numéro de

8 page ?

9 M. POWLES : [interprétation] Oui. Il s'agit de la page 16, Monsieur Shin.

10 M. SHIN : [interprétation] Merci.

11 M. POWLES : [interprétation] Troisième page dans le petit dossier.

12 M. SHIN : [interprétation] Oui.

13 M. POWLES : [interprétation]

14 Q. Le premier paragraphe dit ceci : "A la mi-juillet 1998, l'armée

15 yougoslave et la police serbe ont lancé une offensive d'envergure contre

16 les forces de l'UCK qui avaient perdu le contrôle d'à peu près un tiers du

17 territoire du Kosovo; cette offensive avait recours à des chars blindés

18 ainsi qu'à certains avions de combat et l'objectif était de faire partir

19 l'UCK de la plupart des positions qu'il occupait dans les montagnes et les

20 forêts."

21 La partie essentielle est : "A la fin, au bout du compte, cependant, rares

22 étaient les combattants de l'UCK qui ont été tués ou qui ont été capturés.

23 La souffrance était essentiellement une souffrance dont étaient victimes

24 les villages albanais." Vous êtes d'accord avec cela ?

25 R. Oui.

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1 Q. "Au moins 300 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur des

2 frontières." C'est un chiffre que vous ne contestez pas, n'est-ce pas ?

3 R. Non, je ne le conteste pas.

4 Q. "La plupart des 2 000 personnes qui ont été tuées en septembre étaient

5 des civils." Un des objectifs ou un des désirs de Human Rights Watch était

6 de veiller à ce que les responsabilités soient déterminées, à savoir,

7 veiller à ce que ceux qui s'étaient rendu coupables d'attaques contre les

8 populations civiles soient traînés en justice.

9 R. Absolument.

10 Q. L'avis de Human Rights Watch consistait à dire qu'il ne fallait, en

11 aucun cas, tolérer les violations des droits de l'homme.

12 R. Oui.

13 Q. Maintenant, dans la mesure où la plupart des crimes de 1998 ont été

14 commis par les forces serbes, est-ce que vous savez quel est le nombre de

15 forces serbes ou yougoslaves qui ont fait l'objet de poursuites en justice

16 pour les crimes commis en 1998 ?

17 R. Pas pour 1998, non.

18 Q. Non. Est-ce que vous ou Human Rights Watch estimez que ce Tribunal n'a

19 pas suffisamment cherché à traîner devant le Tribunal justement ceux qui se

20 sont rendus coupables de ces crimes en 1998 ?

21 R. La plupart de ces abus sont imputables à Slobodan Milosevic qui est

22 jugé devant ce Tribunal, y compris pour le massacre de Gornja Obrinje, une

23 affaire qui est traitée à ce Tribunal.

24 Q. Vous savez, également, qu'il a été inculpé, que ces chefs d'accusation

25 ont été repris pour 1998 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous savez, également, qu'il n'y a pas eu de poursuites spécifiques

3 pour les violations du coté serbe ?

4 R. Nous continuerons de coopérer avec le Tribunal pour essayer de veiller

5 à ce que soient jugés les auteurs des crimes contre l'humanité ou les

6 crimes de guerre qui ont été commis au cours de cette période.

7 Q. On peut vous poser la question Monsieur Bouckaert : est-ce que vous

8 êtes ou Human Rights Watch est inquiet à l'idée de voir les auteurs des

9 crimes ne pas être poursuivis ?

10 R. Oui, nous allons certainement faire tout ce que nous pouvons pour

11 qu'ils soient poursuivis en justice.

12 Q. Je propose de passer à des éléments un peu plus simples. Vous nous avez

13 dit, vendredi, que M. Demaci de l'UCK vous avait donné un sauf-conduit tout

14 particulier qui devait vous permettre de vous rendre dans des zones

15 particulières du Kosovo contrôlées par l'UCK.

16 R. Oui.

17 Q. Même s'il lui arrivait de faire la sieste pendant la journée et que

18 parfois, il était difficile d'obtenir ces sauf-conduits, vous seriez

19 d'accord pour dire que d'une manière générale, sur le principe, l'UCK était

20 prêt à vous remettre des sauf-conduits ?

21 R. Oui, je crois que j'ai eu l'occasion de le dire. La coopération que

22 nous avions avec l'UCK était de très bonne qualité et ils nous on toujours

23 traités de manière très professionnelle.

24 Q. Le MUP, en revanche, les autorités militaires yougoslaves, également,

25 imposaient des restrictions sévères quant à vos déplacements, n'est-ce pas

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1 ?

2 R. Oui. Nous ne pouvions même pas obtenir de visas de la part des

3 autorités serbes. Il fallait que nous nous rendions au Monténégro pour

4 avoir une extension de nos visas ou une prorogation de nos visas; souvent,

5 nous n'avions aucune autorisation de voyage et ils ne coopéraient pas avec

6 nous et il nous est arrivé assez souvent de nous retrouver dans des

7 situations très menaçantes, lorsque nous étions confrontés aux autorités

8 yougoslaves.

9 Q. Oui. Non seulement, ils ont rendu la vie difficile à vous, mais ils

10 l'ont, également, rendue très difficile pour les enquêteurs du TPIY qui

11 avaient beaucoup de mal à se déplacer librement dans le Kosovo.

12 R. Oui. Ils refusaient d'accepter qu'il y avait juridiction du bureau du

13 Procureur et de ce Tribunal sur le Kosovo et à maintes reprises, ils ont

14 empêché le bureau du Procureur d'envoyer des personnes sur place au Kosovo.

15 Q. Il me semble que vendredi, lorsque nous parlions de la libération des

16 deux journalistes de Tanjug avait eu lieu suite à votre rencontre avec M.

17 Limaj et je crois que vous avez adressé les remerciements à M. Limaj pour

18 cette libération qui a eu lieu très peu après la rencontre que vous avez

19 eue avec M. Limaj et M. Thaqi; c'est exact n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Il est exact de dire également, n'est-ce pas, que dans aucunes de vos

22 déclarations écrites, que ce soit celle de 1999 ou de 2004, vous ne

23 signalez que M. Limaj ou M. Thaqi avait quelque contrôle que ce soit quant

24 à la date à laquelle seraient libérés les deux journalistes, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

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1 Q. C'est même le contraire qui figure dans votre déclaration écrite,

2 certainement celle de mars 1999 puisque vous y dites, je cite : "M. Thaqi

3 et M. Limaj vous ont dit, tant à vous et qu'à M. Abrams, qu'en leur qualité

4 de commandants militaires, ils ne pouvaient pas s'ingérer dans ces

5 questions."

6 M. SHIN : [interprétation] Désolé, mais si vous devez faire référence à la

7 déclaration du témoin, je vous demanderais à ce qu'on présente la

8 déclaration écrite au témoin.

9 M. POWLES : [interprétation] Oui, il s'agit de la page 18 de la déclaration

10 écrite, déclaration écrite au mois de mars 1998.

11 R. Lorsque j'ai remercié M. Limaj, je n'ai pas insinué que j'estimais

12 qu'il avait joué un rôle direct dans la libération des témoins.

13 Q. Oui, mais vous avez dit, au cours de cette rencontre, qu'en leur

14 qualité de commandants militaires, ils ne pouvaient pas s'ingérer dans ces

15 questions ou avoir une influence sur ces questions.

16 R. Ils ne pouvaient pas avoir une influence directe sur les procédures

17 judiciaires puisqu'ils représentaient une autorité militaire et que ce

18 n'était pas à l'autorité militaire d'octroyer une amnistie.

19 Q. C'est quelque chose qui figure dans votre déclaration, n'est-ce pas ?

20 R. Non, mais c'est ce que j'ai dit lorsque j'ai déposé, ici, dans ce

21 prétoire.

22 Q. S'agissant de la prison ou du centre de détention de Lapusnik, à

23 présent, il est tout de même exact de dire que vous n'avez jamais entendu

24 parler de cette prison ou de ce camp de détention à Lapusnik, à l'époque où

25 vous étiez au Kosovo, n'est-ce pas ?

Page 5586

1 R. Oui, c'est exact. La seule prison, le seul centre de détention dont

2 j'ai entendu parler, à l'époque, était un centre près de Malisevo dont nous

3 avait parlé un Serbe qui s'était échappé de cette détention par l'UCK et il

4 disait être dans la prison numéro 7 dont nous ne connaissions pas

5 l'emplacement précis.

6 Q. Il est exact, également, Monsieur Bouckaert, de dire que vous n'aviez

7 jamais entendu parler de mon client, M. Isak Musliu ?

8 R. Non, je n'en ai pas entendu parler.

9 Q. Que ce soit sous ce nom-là ou sous son nom de guerre, Qerqiz ?

10 R. Non, je n'en ai pas entendu parler.

11 Q. Qerqiz Topoli, c'est évidemment un héros albanais de renom, n'est-ce

12 pas, vous le savez ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous admettez, également, qu'une de vos sources d'information au cours

15 de la période où vous étiez au Kosovo était le conseil de la défense des

16 droits de l'homme et des libertés ?

17 R. Oui, c'est exact.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous confirmer qu'il s'agit, là, de source

19 d'information tout à fait fiable ?

20 R. Nous avions eu quelques difficultés à accepter certains de leurs

21 documents, c'est arrivé.

22 Q. Oui, mais au moins, vous devez reconnaître qu'ils vous ont apporté leur

23 concours pour vous fournir des informations ?

24 R. Oui, ils nous ont apporté leur concours, mais nous n'utilisions par

25 forcément leurs informations sans que cela ait été confirmé par ailleurs.

Page 5587

1 C'est d'ailleurs la procédure que nous suivons. Nous étions prêts à ajouter

2 foi aux déclarations faites par le centre de droit humanitaire au Kosovo.

3 Dans certains cas, nous menions enquête sur des allégations faites par le

4 conseil et dans tous les cas, toutes ces allégations étaient fausses.

5 Q. Mais il est arrivé aussi que certaines de ces allégations étaient

6 vraies, n'est-ce pas ?

7 R. Oui. C'est arrivé. En disant que nous avons eu quelques difficultés

8 avec certaines informations provenant d'eux, je ne suggère pas qu'ils ne

9 nous aient pas été d'un grand soutien, d'une grande aide, presque au

10 quotidien.

11 Q. Enfin, si vous voulez bien vous reporter à la page 9 de la déclaration

12 que vous avez faite en 1999.

13 R. Oui.

14 Q. Vous parlez, au milieu de la page, des photos 353 et 355. Vous parlez

15 de "photos de --"

16 R. Dugolli.

17 Q. -- "Dugolli et de sa famille. Dugolli est mort en détention. C'est le

18 sujet qui fait l'objet de rapport de Human Rights Watch, octobre et

19 décembre 1998." Est-ce que vous pouvez vous souvenir des circonstances qui

20 ont entouré la mort de cet homme ?

21 R. L'affaire est décrite dans notre rapport. Il était l'un de ceux qui a

22 été torturé jusqu'à ce qu'il en meure, alors qu'il a été détenu par les

23 Yougoslaves.

24 Q. Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions.

25 R. Merci.

Page 5588

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Harvey, vous avez la parole.

2 Contre-interrogatoire par M. Harvey :

3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bouckaert. Je m'appelle Richard

4 Harvey et avec mon ami, M. Guy-Smith, nous représentons Haradin Bala que

5 vous voyez derrière moi, au centre. Encore une fois, je suis sûr que vous

6 n'avez jamais eu de contact de Haradin Bala, que vous n'avez jamais entendu

7 son nom, sauf pour le cas de cette procédure.

8 R. Pas avant aujourd'hui, en effet.

9 Q. J'ai seulement quelques questions concernant les conditions générales

10 au Kosovo à un moment où vous ne vous y trouviez pas. Je tiens compte du

11 fait qu'il nous est difficile à tous les deux, puisque nous devons nous

12 fier à des informations qui nous sont données par d'autres et également,

13 apprécier la fiabilité de ces sources d'information.

14 R. En effet.

15 Q. L'une de ces sources d'information vient d'être mentionnée, de manière

16 assez détaillée par mon confrère, M. Powles. Le conseil pour la défense des

17 droits de l'homme et des libertés fondamentales. Serait-il exact de dire

18 que pendant l'année 1998 et la période qui nous occupe, c'est-à-dire,

19 jusqu'à la fin du mois de juillet, de cette année-là, obtenir des sources

20 d'informations fiables ou des informations fiables sur quelque question que

21 ce soit était extrêmement ardue ?

22 R. Il était plus facile d'obtenir des informations concernant des choses

23 qui s'étaient passées aux alentours de Pristina ou de Pec. Pour ce qui

24 était de la campagne, les difficultés d'accès rendaient difficile le fait

25 de trouver des informations fiables dans les meilleurs délais. Ce que nous

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1 devions faire, nous-mêmes, ainsi que d'autres organisations humanitaires,

2 c'était d'attendre la fin d'une offensive afin qu'on puisse accéder aux

3 zones concernées pour pourvoir se rendre sur place et confirmer les

4 informations.

5 Q. J'essaie juste de voir si les interprètes suivent. C'est pourquoi que

6 je n'enchaîne pas tout de suite ou s'il y a une petite pause entre votre

7 réponse et ma question. Ce n'est pas parce que je suis vraiment lent.

8 Ainsi, lorsque après l'événement en question, vous tentiez de mener enquête

9 sur les allégations faites concernant les crimes de guerre et des

10 violations des droits de l'homme, il était fondamental de pouvoir parler à

11 des gens comme les membres du conseil pour la défense des droits de l'homme

12 et des libertés ?

13 R. Oui, parce que c'était une des rares organisations qui avaient un très

14 large réseau de militants sur le terrain dans presque tous les villages.

15 Bien souvent, ils obtenaient les premiers rapports concernant les

16 violations qui avaient eu lieu.

17 Q. Lorsque vous les avez rencontrés, vous avez parlé du terme "militants."

18 C'est un terme qui a son importance dans ce contexte. Human Rights Watch ne

19 se considère pas comme une organisation regroupant des militants; ce serait

20 exact, n'est-ce pas, de dire cela ?

21 R. Nous nous considérons, en premier lieu, comme une organisation qui

22 s'occupe de plaidoyers et de recherches. Mais parfois, nous avons quand

23 même une tendance un petit peu militante.

24 Q. Mais lorsque vous avez des rapports avec des militants, des relations

25 avec des militants, vous êtes toujours conscient du fait qu'il est toujours

Page 5590

1 possible qu'il y ait des idées préconçues, raison pour laquelle vous

2 cherchez une corroboration auprès d'autres sources, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. En effet, je crois qu'on peut très bien comprendre que lorsqu'une

4 communauté décrit des violations, des abus perpétrés contre les membres de

5 cette même communauté, il est très difficile de rester objectif concernant

6 ce genre de choses, concernant ce qui se passe.

7 Q. Vous avez obtenu du conseil pour la défense des droits de l'homme, des

8 documents décrivant des abus sous forme de rapports médicaux, concernant

9 des personnes qui alléguaient avoir été victimes de tortures ou d'abus

10 alors qu'elles étaient détenues par la police ?

11 R. Oui.

12 Q. Ou aux mains de l'armée yougoslave ?

13 R. Oui. Nous les avons aidé à élaborer une méthodologie un petit peu plus

14 professionnelle que pouvait utiliser leur personnel. Nous leur avons

15 expliqué l'importance des rapports médicaux, des preuves sous forme de

16 photos. Il est important de comprendre que le conseil procédait ainsi

17 depuis plus d'une décennie et parce qu'il y avait eu des abus policiers de

18 grande envergure, au Kosovo, depuis 1990. Cette organisation avait beaucoup

19 d'expérience en la matière.

20 Q. Je vous remercie. Dans le cadre de ce travail, est-ce que vous avez

21 rencontré des membres du conseil qui étaient des médecins ?

22 R. Nous avons rencontré des médecins qui avaient des liens avec le

23 conseil, mais qui travaillaient, pour la plupart, pour la société Mère

24 Teresa.

25 Q. J'allais justement aborder la question de cette société Mère Teresa,

Page 5591

1 qui était aussi une autre source d'information très précieuse pour vous,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom de certains médecins avec qui vous

5 avez collaboré ?

6 R. Non, je ne me souviens pas de leurs noms.

7 Q. Je vais citer un nom, voir si cela vous dit quelque chose. Le Dr

8 Selimi, Dr Fetim Selimi ?

9 R. Oui, je crois bien que nous avons rencontré le Dr Selimi.

10 Q. Un chirurgien, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Il est un des médecins avec qui vous avez collaboré et qui vous a aidé

13 dans votre travail ?

14 R. Je crois bien que oui.

15 Q. Vous avez dit que vous aviez eu quelques difficultés d'accès dans le

16 cadre de vos recherches concernant les violations des droits de l'homme

17 présumées. J'aimerais vous poser une question concernant une remarque que

18 vous avez faite vendredi concernant le contrôle à 40 %, ce que vous avez

19 dit à ce propos. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que vous avez

20 étudié une carte, la zone, la région de Drenica et la carte en général, et

21 vous vous êtes dit que l'UCK avait sous son contrôle à peu près 40 % du

22 territoire.

23 R. Oui, nous avons étudié les zones qui étaient sous le contrôle de l'UCK

24 à l'époque. Nous avons consulté de nombreuses sources au Kosovo puisque

25 manifestement cela n'était pas pertinent pour nous uniquement. C'était une

Page 5592

1 évaluation sur la base de la carte et aussi d'autres données dont nous

2 disposions.

3 Q. Je veux vraiment cibler un terme, le terme de "contrôle."

4 R. Hm-hm.

5 Q. Manifestement, il y a eu une période à laquelle la République fédérale

6 de Yougoslavie contrôlait tout le territoire du Kosovo.

7 R. Oui.

8 Q. Après, pendant l'année 1998 en particulier, cette armée a perdu le

9 contrôle de certaines régions de l'ancienne Yougoslavie du Kosovo et de

10 l'Albanie.

11 R. Oui.

12 Q. A ce moment-là, vous serez d'accord, je pense s'il y a une distinction

13 importante à faire entre la perte du contrôle d'un territoire d'une part,

14 et l'acquisition du contrôle d'autre part et la mise en œuvre de ce

15 contrôle ?

16 R. En effet.

17 Q. Par exemple, si nous nous penchons sur cette période 1998, jusqu'à la

18 fin du mois de juillet, seriez-vous d'accord pour dire que le contrôle des

19 routes principales, les routes goudronnées changeaient souvent de mains.

20 R. Outre quelques barrages serbes permanents, oui, le contrôle en effet

21 fluctuait beaucoup.

22 Q. Et que la distribution de nourriture à la population était souvent

23 gravement perturbée.

24 R. Par les autorités yougoslaves et à quelques occasions mineures par

25 l'UCK, oui.

Page 5593

1 Q. Et que l'approvisionnement en ressources hospitalières et en

2 fournitures médicales était souvent gravement perturbé ?

3 R. Oui. Nous avons souvent dû interrompre nos travaux afin de pouvoir

4 évacuer des civils gravement blessés, et nous disputer avec les autorités

5 yougoslaves aux points de contrôle afin qu'ils autorisent le transport à

6 l'hôpital de ces personnes.

7 Q. Est-ce que vous avez également été confronté au phénomène selon lequel

8 les civils blessés ne veulent pas se faire traiter dans les hôpitaux de

9 l'Etat parce que souvent la police est à la recherche de personnes qui

10 auraient pu être blessées dans le cadre des ces conflits armés ?

11 R. C'était encore pire au Kosovo parce que bon nombre d'hôpitaux étatiques

12 avaient été purgés des médecins albanais et refusaient même de traiter les

13 civils albanais. Il est certain que les personnes blessées, notamment les

14 jeunes hommes avaient très peur de se rendre à l'hôpital pour s'y faire

15 traiter. Les jeunes hommes d'appartenance ethnique albanaise.

16 Q. D'après votre expérience, est-ce que les installations médicales

17 auxquelles avaient accès les personnes dans les zones telles que Drenica

18 avaient un caractère plutôt ad hoc, improvisé, en ce sens qu'il y avait un

19 médecin qui était accessible dans une ville pendant quelque temps, avait du

20 matériel mais avait autant de difficultés à se procurer le matériel médical

21 que les militaires avaient de la difficulté à obtenir des armes ?

22 R. A Drenica, vous parlez d'une zone rurale composée essentiellement de

23 villages. Ailleurs, il y a des zones plus développées, il y a des villes

24 plus grandes où les gens ont un accès plus facile aux soins de santé, aux

25 pharmacies, mais à Drenica, il y avait des soins très limités à

Page 5594

1 disposition. Quelques médecins albanais courageux ont déménagé pour

2 s'installer à Drenica afin de pouvoir soigner les gens dans des conditions

3 extrêmement difficiles.

4 Q. Certainement une personne souffrant d'une maladie cardiaque grave

5 aurait eu beaucoup de difficultés à obtenir un bon traitement médical dans

6 cette zone ?

7 R. Oui.

8 Q. Le nombre de personnes déplacées à l'intérieur du pays,

9 300 000, c'est le chiffre qui a été mentionné, j'ai entendu parler de près

10 de un million de personnes déplacées. Est-ce que vous pourriez nous dire

11 quelque chose à ce sujet.

12 R. Nous avons utilisé le terme 300 000 parce que c'était le chiffre cité

13 lorsque le rapport a été publié. Le rapport a été publié par le Haut-

14 commissariat aux Réfugiés et d'autres institutions des Nations Unies, mais

15 manifestement la situation évoluait de jours en jours. Parfois il y avait

16 des personnes qui étaient déplacées pendant quelques jours seulement, et il

17 y a eu une destruction de grande envergure, de l'infrastructure civile. Les

18 Serbes, les forces yougoslaves ont incendié des villages entiers, donc il y

19 a eu des personnes déplacées à plus long terme. Il y a aussi eu des gens

20 qui ont pris la fuite et se sont réfugiés en Albanie ou en

21 Serbie-et-Monténégro. Il y a eu une ventilation plus précise de ce chiffre

22 dans le rapport intitulé, "Une semaine de terreur à Drenica," qui n'est pas

23 inclus dans l'extrait dont nous avons parlé.

24 Q. Enfin en ce qui concerne encore cette notion de contrôle, on vous avait

25 déjà posé des questions concernant l'UCK pendant cette période allant

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1 jusqu'à la fin du mois de juillet. De toute évidence, les autorités

2 yougoslaves n'auraient jamais daigné qualifier l'UCK d'armée, cela s'est

3 tout à fait certain, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, en effet. Ils les qualifiaient de terroristes dans leurs

5 conversations ordinaires.

6 Q. D'un autre coté, l'UCK dans sa propagande, voulait à tout prix

7 proclamer qu'elle constituait bien une armée ?

8 R. Oui, je pense qu'on pourrait dire cela. D'après ce que nous avons pu

9 voir sur le terrain, ils portaient des uniformes et d'après les normes du

10 protocole II, ils remplissaient certainement les exigences posées pour

11 pouvoir être qualifiés de force armée.

12 Q. Soyons très attentif, Monsieur Bouckaert.

13 R. Oui.

14 Q. Lorsque vous vous êtes trouvé sur place, en septembre et au mois de

15 novembre, vous avez vu des gens en uniforme. Combien d'entre eux avez-vous

16 rencontrés ?

17 R. Nous avons rencontré des soldats et des commandants de l'UCK au

18 quotidien. Ce serait difficile -- parfois nous rencontrions des groupes

19 assez larges de soldats de l'UCK, alors cela serait très difficile

20 d'évaluer combien d'entre eux nous avons rencontrés sur cette période de

21 six semaines.

22 Q. Oui, je comprends. Encore une fois, il est dangereux de tirer des

23 conclusions concernant ce qui s'est passé au début de l'année, sur la base

24 de ce que vous avez pu constater à la fin de l'année.

25 R. Oui, en effet j'aurais effectivement quelques réserves. Je reconnais

Page 5596

1 qu'il puisse y avoir des écarts entre ce que j'ai vu de façon directe et la

2 contribution analytique que j'ai faite au rapport sur les violations du

3 droit humanitaire au Kosovo fondée sur la recherche faite par mes collègues

4 et d'autres documents. Cela s'inscrit aussi dans la préparation du rapport

5 au mois de juillet, fin de juillet et août.

6 Q. Il n'y aucun doute qu'il y a beaucoup de gens qui souhaitaient

7 rejoindre les rangs de l'UCK après les massacres qui ont eu lieu à Drenica.

8 Nous avons déjà établi ce fait.

9 R. Oui.

10 Q. En ce qui concerne l'attitude de l'UCK à organiser ces personnes, à

11 leur donner des uniformes et des armes, là encore sur cette question les

12 choses étaient très variables ?

13 R. Oui.

14 Q. Bon nombre d'entre eux, comme vous l'avez dit, étaient simplement des

15 paysans, des fermiers qui sont venus munis de leurs fusils de chasse. Ce

16 n'est pas vous qui avez dit cela, je vous soumets cela. Ils étaient des

17 fermiers, et bon nombre d'entre eux avaient des fusils de chasse, cela

18 faisait partie de leur quotidien.

19 R. Oui. Il y a quelques fermiers qui ont rejoint les rangs, et certains

20 ont amené de vieux fusils de chasse, oui.

21 Q. Est-ce qu'ils sont venus avec d'autres outils propres aux fermiers, aux

22 paysans ?

23 R. Non, pas que j'ai pu constater. Quand je suis arrivé au Kosovo la

24 plupart des gens portaient un uniforme et en général avaient des armes, des

25 Kalachnikovs, bien que nous avons pu voir des gens avec des armes plus

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1 anciennes.

2 Q. J'imagine que par le temps --

3 R. Pas de fourches.

4 Q. Lorsque vous êtes arrivé sur place.

5 R. Oui, effet.

6 Q. Je vous suis très reconnaissant, Monsieur Bouckaert. Veuillez saluer de

7 ma part, M. Brody, s'il vous plaît.

8 R. Je le ferai.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Shin, est-ce que vous avez

10 des questions ?

11 M. SHIN : [interprétation] Non.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voilà, Monsieur Bouckaert, voilà la

13 fin des questions qui vous seront posées. Je vous remercie de votre

14 présence et de votre assistance. Je suis désolé que vous ayez dû passer

15 encore le week-end ici. Maintenant vous êtes libre de repartir et de vous

16 consacrer à vos autres intérêts.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

18 [Le témoin se retire]

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.

20 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'Accusation

21 est prête à faire entrer le prochain témoin.

22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous voulez bien prononcer

Page 5598

1 la déclaration que vous voyez sur le document que vous avez sous les yeux.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 LE TÉMOIN: ZEQIR GASHI [Assermenté]

5 [Le témoin répond par l'interprète]

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, veuillez vous asseoir.

7 M. WHITING : [interprétation] Puis-je commencer ?

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, allez-y.

9 M. WHITING : [interprétation] Merci.

10 Interrogatoire principal par M. Whiting :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous voudriez bien nous

12 dire votre nom ?

13 R. Je m'appelle Zeqir Gashi.

14 Q. Monsieur, est-ce que vous nous comprenez bien grâce à

15 l'interprétation ?

16 R. Oui, je vous comprends.

17 Q. Je vous demanderais, en écoutant mes questions, de prendre le temps

18 d'écouter la question dans son intégralité avant de commencer à y répondre.

19 Est-ce que vous comprenez ce que je vous demande ?

20 R. Oui, je comprends.

21 Q. Si, à quelque moment que ce soit, vous avez des difficultés à

22 comprendre l'interprétation ou à comprendre ma question, je vous

23 demanderais de ne pas hésiter à me le dire. Est-ce que vous comprenez ce

24 que je vous demande ?

25 R. Oui, je comprends.

Page 5599

1 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous donner votre date de

2 naissance.

3 R. Le 29 mars 1963.

4 Q. Où êtes-vous né ?

5 R. Je suis né dans le village de Lapusnik à Kosovo.

6 Q. Etes-vous allé à l'école à Lapusnik ?

7 R. Oui, j'ai été à l'école à Lapusnik pendant les quatre premières années

8 de l'école primaire.

9 Q. Après, où avez-vous été à l'école ?

10 R. J'ai ensuite fait quatre ans jusqu'à la huitième à Komorane.

11 Q. Après avoir été à l'école à Komorane, où êtes-vous allé à l'école ?

12 R. J'ai été à l'école secondaire à Gllogovc.

13 Q. Après cela, avez-vous poursuivi vos études ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous pourriez préciser ?

16 R. J'ai poursuivi mes études à l'université de Pristina.

17 Q. Qu'avez-vous étudié ?

18 R. A l'origine, j'ai étudié la chimie pendant une année. Puis, j'ai

19 commencé à étudier à la faculté de médecine.

20 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire pendant quelles années vous avez

21 étudié à l'université de Pristina ?

22 R. Entre 1983 et 1993.

23 Q. Est-ce que vous êtes devenu un docteur à la fin de ces [hors micro] ?

24 R. J'ai terminé mes études, mais on ne m'a pas donné de diplôme parce qu'à

25 l'époque, on ne nous donnait pas de diplômes à la faculté de médecine en

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1 langue albanaise.

2 Q. Pourriez-vous nous donner une explication, s'il vous plaît ?

3 R. A partir des années 1980, toutes les facultés des universités

4 albanaises ont été soumises à des mesures violentes et nous avons été

5 obligés de continuer nos études dans un système parallèle, dans des

6 cliniques privées et à des domiciles privés parce que les installations des

7 facultés étaient, généralement parlant, occupées par les occupants serbes

8 et les étudiants et professeurs albanais n'avaient pas accès à ces

9 institutions.

10 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire pendant quelles années vous avez

11 participé à ce système d'étude parallèle ?

12 R. De 1989 à 1993.

13 Q. Quel type de médicine avez-vous étudié pendant ces années, à la fois, à

14 la faculté et par l'intermédiaire de ce système parallèle de cliniques

15 privées et de domiciles privés que vous avez décrits ?

16 R. La médecine générale. Je n'ai pas pratiqué de spécialités médicales

17 particulières.

18 Q. Ce système parallèle que vous avez décrit entre 1983 et 1993, cela

19 était-il également à Pristina ?

20 R. Oui, c'était à Pristina.

21 Q. Après que vous ayez terminé ces études à la fois à la faculté et ce que

22 vous avez décrit comme étant un système parallèle, en 1993, qu'avez-vous

23 fait ?

24 R. Je ne comprends pas la question. Vous voulez dire en 1993 ou après

25 1993 ?

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1 Q. Oui, effectivement. Je vais la reformuler; ce n'était pas une très

2 bonne question. En 1993, quand vous avez terminé vos études, qu'avez-vous

3 fait ?

4 R. J'ai monté ma propre clinique chez moi, dans le village, où je pouvais

5 couvrir mes besoins matériels d'une façon ou d'une autre.

6 Q. De quel village s'agissait-il ?

7 R. Du village de Lapusnik.

8 Q. S'agissait-il de la maison dans laquelle vous avez grandi que vous avez

9 établi cette clinique privée ?

10 R. Oui.

11 Q. Si vous êtes sur la route de Pristina et vous allez vers Peja, est-ce

12 que votre maison est située sur la droite ou sur la gauche de Lapusnik ?

13 R. Ma maison est sur la droite de la route, environ à

14 300 mètres de la route.

15 Q. Je vais porter votre attention sur le mois de mai 1998, est-ce que vous

16 travailliez encore dans cette clinique, à votre domicile, à Lapusnik ?

17 R. Oui.

18 Q. Aux alentours du 8 ou 9 mai, s'est-il passé quelque chose ?

19 R. La première bataille entre l'UCK et la police serbe a commencé dans le

20 village de Lapusnik.

21 Q. Où étiez-vous lorsque ces combats ont commencé ?

22 R. J'étais dans mon village, chez moi.

23 Q. Qu'avez-vous fait quand les combats ont commencé ?

24 R. Rien. Nous avons trouvé des lieux d'habitation et nous avons emmené

25 notre famille à l'abri dans d'autres villages.

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1 Q. Où avez-vous emmené votre famille ?

2 R. J'ai emmené ma famille au village de Pokleku où ma femme avait de la

3 famille.

4 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, nous décrire à quel endroit se trouve

5 ce village ?

6 R. Ce village est situé près du centre municipal de Gllogovc à deux ou

7 trois kilomètres au sud de Gllogovc.

8 Q. Combien de temps êtes-vous resté au village de Pokleku ?

9 R. J'y suis resté cette nuit-là.

10 Q. Que s'est-il passé le jour suivant ?

11 R. Le jour suivant, je suis retourné dans ma maison parce que tout ce que

12 nous possédions était là-bas et je suis retourné là-bas pour m'occuper de

13 mes biens.

14 Q. Combien de temps êtes-vous resté -- s'agissait-il de votre maison à

15 Lapusnik ?

16 R. Oui. J'y suis resté, environ, deux semaines, d'après ce dont je me

17 souviens.

18 Q. Qu'avez-vous fait après ces deux semaines ? Que s'est-il passé ?

19 R. Pendant ces deux semaines, il y a eu des attaques par les forces serbes,

20 les forces de police serbes qui étaient situées à Komorane. Environ, deux

21 semaines plus tard, il a commencé à y avoir des bombardements avec de

22 l'artillerie lourde; ensuite, il était dangereux pour nous de rester dans

23 nos maisons.

24 Q. Ce pilonnage avec l'artillerie lourde, est-ce que vous savez d'où il

25 venait ?

Page 5603

1 R. Ce pilonnage venait de Komorane où les forces serbes avaient leur QG,

2 où elles étaient basées.

3 Q. Qu'avez-vous fait quand le pilonnage a commencé ?

4 R. Nous sommes allés dans un autre village qui était proche, à quelques

5 kilomètres de notre village, dans le village d'Orlat, pour nous éloigner

6 des positions serbes.

7 Q. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre de première instance dans

8 quelle direction se trouve le village d'Orlat par rapport à Lapusnik ?

9 R. Orlat est à cinq, six kilomètres à l'ouest de Lapusnik.

10 Q. Lorsque vous êtes allés à Orlat, où avez-vous habité ?

11 R. Nous avons été logés dans la maison d'un de mes cousins.

12 Q. Est-ce que votre famille était toujours dans le village de Pokleku, à

13 ce moment-là ?

14 R. Non. Ils ont continué à se déplacer vers un autre village qui est dans

15 une autre municipalité pour des raisons de sécurité.

16 Q. Ils n'étaient pas avec vous à Orlat ?

17 R. Non. Ils n'étaient pas avec moi.

18 Q. Lorsque vous vous êtes rendus à Orlat, y a-t-il eu d'autres combats à

19 Lapusnik.

20 R. Autant que je me souvienne, il y a eu des combats le

21 28 ou le 29 mai.

22 Q. Où étiez-vous lorsque ces combats ont eu lieu le 28 ou le 29 mai ?

23 R. J'étais dans le village d'Orlat.

24 Q. Après le 28 ou le 29 mai, avez-vous eu l'occasion de retourner à

25 Lapusnik ?

Page 5604

1 R. Oui. Oui, je suis retourné à Lapusnik, mais pas à l'endroit où notre

2 maison était située.

3 Q. Où à Lapusnik êtes-vous retourné ?

4 R. Nous sommes retournés dans la partie qui n'était pas ciblée par les

5 forces serbes, qui est au sud-ouest de la route entre Pristina et Peja.

6 Q. Quelle était la raison pour laquelle vous êtes retourné à Lapusnik, à

7 ce moment-là ?

8 R. La raison pour laquelle je suis retourné à Lapusnik, à ce moment-là,

9 était de fournir mes services médicaux à la population qui avait été

10 laissée derrière dans cette région, de façon à les aider du plus que je

11 pouvais.

12 Q. Qu'avez-vous fait pour fournir des services médicaux à la population ?

13 R. Tout d'abord, j'ai contacté Ymer Alushani avec qui j'ai discuté de ce

14 que nous pouvions faire pour ouvrir une clinique et fournir une aide

15 médicale à la population qui était restée là-bas.

16 Il m'a présenté à un des dirigeants de l'UCK là-bas dont le pseudonyme est

17 Qerqizi. A un moment, au début de juin, nous avons ouvert une clinique qui

18 était une clinique de fortune, une clinique improvisée.

19 Q. Est-ce qu'Ymer Alushani vous a dit pourquoi il voulait vous présenter à

20 Qerqiz ?

21 R. Parce qu'autant que je m'en souvienne ou que j'aie compris, c'est que

22 Qerqiz était le dirigeant de l'unité qui était à Lapusnik.

23 Q. Est-ce que vous savez quel était le nom de l'unité qui était à

24 Lapusnik ?

25 R. Le nom était Celiku.

Page 5605

1 Q. Est-ce que vous vous souvenez quand vous avez appris quel était le nom

2 de cette unité ?

3 R. Je ne me souviens pas exactement quand.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez, approximativement, de quand ?

5 R. Au début du moment où nous avons ouvert la clinique.

6 Q. Votre témoignage est que vous avez ouvert la clinique à un moment ou un

7 autre au début du mois de juin, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Où était située la clinique à Lapusnik ?

11 R. La clinique a été ouverte dans la maison de M. Ferat Sopi.

12 Q. Vous avez parlé de quelqu'un dont le nom était Ymer Alushani. Est-ce

13 que vous le connaissiez déjà avant ?

14 R. Oui, je le connaissais déjà avant la guerre. Nous sommes allés à

15 l'école primaire ensemble, mais nous n'étions pas de la même génération.

16 Q. Est-ce que vous connaissiez le pseudonyme d'Ymer Alushani, à l'époque ?

17 R. Son pseudonyme était Voglushi.

18 Q. A la clinique, est-ce que vous travailliez seul ou avec d'autres

19 personnes ?

20 R. Je ne travaillais pas seul. Nous avions deux infirmières.

21 Q. Pendant combien de temps - je voudrais un nombre de jours, de mois, ou

22 de semaines - combien de temps avez-vous travaillé à Lapusnik ? Jusqu'à

23 quand ?

24 R. Dans cette clinique à Lapusnik, nous avons travaillé tous les jours dès

25 le début jusqu'au moment où cette partie du territoire est tombée sous

Page 5606

1 l'occupation serbe.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel moment cela a eu lieu, le moment

3 où le territoire a été pris par les Serbes ?

4 R. Cela a eu lieu le 25 ou le 26 juillet.

5 Q. Est-ce que vous pourriez décrire votre travail à la clinique, s'il vous

6 plaît ?

7 R. De manière générale, nous fournissions des services à tous, mais dans

8 la majorité, nous traitions la population civile.

9 Q. Environ, combien de personnes traitiez-vous chaque jour ?

10 R. Nous traitions environ 20 ou 25 personnes par jour.

11 Q. Ce chiffre est-il exact du début à la fin ?

12 R. Il s'agit, ici, d'un chiffre en moyenne. Certains jours, nous traitions

13 plus de personnes et certains autres jours, moins de personnes.

14 Q. Mais cette moyenne est-elle exacte pour l'ensemble de la période, du

15 début du mois de juillet à la fin du mois de juillet ?

16 R. Oui, il s'agit d'un chiffre approximatif.

17 Q. Vous avez dit que vous traitiez des civils. Est-ce que vous traitiez

18 également des soldats ?

19 R. Nous traitions des soldats, également.

20 Q. Concernant les civils et les soldats, quels types de problèmes

21 traitiez-vous ? Pourriez-vous me donner dix types de problèmes ?

22 R. Nous traitions tout type de problèmes médicaux qu'avait la population

23 civile. Concernant les soldats, il s'agissait de blessures légères et

24 souvent, des allergies qui étaient très répandues, à ce moment-là et des

25 personnes qui avaient des problèmes chroniques.

Page 5607

1 Q. Quels types de problèmes chroniques traitiez-vous ?

2 R. Des problèmes de pression artérielle, d'hypertension, d'autres maladies

3 comme des maladies des poumons, des maladies respiratoires chroniques qui

4 étaient très répandues parmi la population, ce type de maladies.

5 Q. Lorsque vous traitiez les soldats, est-ce que vous leur parliez ?

6 R. Oui, en général, nous leur parlions.

7 Q. Est-ce que vous savez si l'ensemble des soldats était de Lapusnik ?

8 R. Je ne sais pas parce que notre travail était de leur apporter une aide

9 médicale.

10 Q. Si vous étiez face à un problème médical grave, que faisiez-vous ?

11 R. Nous leur conseillions d'aller à d'autres endroits où ils pourraient

12 recevoir un traitement approprié.

13 Q. Où étaient situés ces autres endroits ?

14 R. Au centre municipal de Malishev.

15 Q. Qu'est-ce qu'il y avait à Malishev qui faisait que les gens pouvaient

16 aller là-bas s'ils étaient confrontés à un problème médical grave ?

17 R. Je ne comprends pas la question. Est-ce que vous pouvez la répéter ?

18 Est-ce que vous pouvez être plus précis ?

19 Q. Oui. Qu'est-ce qu'il y avait à Malishev ? Où les envoyiez-vous à

20 Malishev ?

21 R. Il y avait une clinique, là-bas, qui existait depuis longtemps, qui

22 avait un personnel médical qui était spécialisé pour traiter des problèmes

23 plus graves.

24 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire les conditions dans lesquelles vous

25 avez travaillé pendant les mois de juin et de juillet de 1998 dans cette

Page 5608

1 clinique, à Lapusnik ? Quelles étaient les conditions de travail ?

2 R. Les conditions n'étaient pas des conditions idéales. Les installations

3 étaient de fortune, comme je l'ai dit. Nous avions un peu de médicaments,

4 de matériel médical pour apporter un premier secours. C'est tout.

5 Q. Combien d'heures par jour travailliez-vous ?

6 R. En général, du matin, à environ 5 ou 6 heures dans la soirée, dans

7 l'après-midi.

8 Q. Est-ce que vous dormiez à Lapusnik ou est-ce que vous dormiez

9 ailleurs ?

10 R. En général, je dormais dans la maison de mon cousin, à Orlat.

11 Q. Avec l'aide de l'Huissier, je vais vous montrer une photo aérienne. Il

12 s'agit de l'onglet numéro 4 de la série de documents. Il s'agit de l'image

13 numéro 8 du P001. Est-ce que cette photo peut être placée sur le

14 rétroprojecteur ?

15 Est-ce que vous pouvez regarder cette image qui est placée sur le

16 rétroprojecteur, à votre gauche ? Ce serait plus utile que vous regardiez

17 sur votre gauche, sur le rétroprojecteur que sur l'ordinateur ? Est-ce que

18 vous reconnaissez ce que vous voyez là ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous avez déjà vu cette photo, auparavant ?

21 R. Je l'ai vue pendant l'entretien.

22 Q. Je vais vous demander de regarder sur la droite, sur la marge en

23 blanc. Est-ce que vous voyez une signature?

24 R. Oui.

25 Q. S'agit-il de votre signature ?

Page 5609

1 R. Oui, c'est ma signature.

2 Q. C'est un petit peu difficile à voir, mais à droite du cercle rouge qui

3 se voit bien, il y a un autre cercle rouge. Est-ce qu'on pourrait faire un

4 gros plan, s'il vous plaît, sur le rétroprojecteur ?

5 Est-ce que vous voyez ce cercle rouge ?

6 R. Oui, je le vois.

7 Q. De quoi s'agit-il ?

8 R. Je ne comprends pas la question.

9 Q. Je vais la reformuler. Est-ce que c'est vous qui avez fait ce cercle

10 rouge pendant l'entretien ?

11 R. Oui.

12 Q. Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur de ce cercle rouge que vous avez

13 tracé ?

14 R. C'est l'endroit où était située la clinique.

15 Q. Est-ce que vous pouvez décrire -- ou si on pouvait vous montrer le

16 pointeur, est-ce que vous pouvez nous montrer comment vous alliez de la

17 clinique à Orlat ?

18 R. En empruntant cette route, cela permettait d'aller jusqu'à la clinique.

19 Q. Je vais vous demander qu'on vous donne un crayon de façon à ce que vous

20 fassiez un trait le long de cette route ?

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Q. Merci. Je vois qu'il y a deux X sur cette route que vous nous avez

23 tracée qui était déjà sur cette photo. Est-ce que c'est vous qui avez mis

24 ces deux X pendant l'entretien ?

25 R. Oui.

Page 5610

1 Q. Que représentent ces deux croix ?

2 R. Il s'agissait de deux points de contrôle.

3 Q. Qui tenaient ces points de contrôle ?

4 R. Généralement, ils étaient tenus par des soldats de l'UCK.

5 Q. Est-ce que vous pourriez repasser sur les croix de façon à ce qu'elles

6 soient plus visibles ?

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Est-ce qu'il fallait que vous traversiez ces points de contrôle lorsque

9 vous alliez à Orlat et que vous en reveniez ?

10 R. Oui.

11 Q. Fallait-il avoir un "pass" ou un laissez-passer ou une permission pour

12 traverser ces points de contrôle ?

13 R. Non, je n'avais besoin de rien.

14 Q. Est-ce que vous saviez si les soldats avaient besoin de laissez-passer

15 ou de permissions lorsqu'ils sortaient de Lapusnik ?

16 R. Je ne suis pas sûr, mais j'ai entendu dire que oui, ils en avaient

17 besoin.

18 Q. Est-ce que vous savez qui vous l'a dit ?

19 R. Je ne me souviens pas de qui je l'ai entendu dire.

20 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous l'avez entendu dire par des

21 soldats ?

22 R. Je crois que c'est le cas, mais je ne me souviens pas qui me l'a dit.

23 Q. Bien. Je comprends. Nous avons terminé avec cette photo.

24 M. WHITING : [interprétation] Je demande qu'une cote lui soit attribuée.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

Page 5611

1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction P213.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, est-ce que le moment

3 serait bien choisi pour faire une pause ?

4 M. WHITING : [interprétation] J'allais justement vous poser la question.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Docteur, nous allons devoir

6 interrompre votre déposition parce qu'il faut que l'on change les cassettes

7 audio. Nous allons donc faire une pause de 20 minutes et nous reprendrons à

8 16 heures cinq.

9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

10 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

12 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Monsieur, lorsque vous étiez dans cette clinique, lorsque vous

14 travailliez dans cette clinique à Lapusnik au mois de juin et juillet 1998,

15 où vous procuriez-vous les denrées alimentaires ?

16 L'INTERPRÈTE : Le témoin est hors micro.

17 M. WHITING : [interprétation]

18 Q. Votre réponse n'a pas été entendue parce que votre microphone n'était

19 pas allumé. Pourriez-vous répéter votre réponse, s'il vous plaît ?

20 R. Nous mangions à la cuisine qui était une cuisine commune pour nous

21 tous.

22 Q. Vous souvenez-vous de l'endroit où se situait cette cuisine ?

23 R. Oui, je m'en souviens. Elle se situait dans la maison de

24 M. Gzim Gashi.

25 Q. Vous disiez que c'était "une cuisine commune pour nous tous." Qui

Page 5612

1 entendez-vous par "nous tous" ?

2 R. Pour nous qui travaillions à la clinique mais aussi pour les soldats.

3 Ils prenaient leurs repas là aussi.

4 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à l'Huissier de bien vouloir

5 vous montrer une photographie, pièce à conviction P006, page 18. Il s'agit

6 de la cote ERN U008-3683. Pourrait-on la placer sur rétroprojecteur, s'il

7 vous plaît ?

8 Q. Docteur, je vous demanderais de bien vouloir porter votre regard sur la

9 gauche de ce cliché.

10 R. Oui, je vois la photo.

11 Q. Reconnaissez-vous les bâtisses que l'on voit sur ce cliché ?

12 R. Oui. Il s'agit de la maison de Gzim Gashi où se situait la cuisine.

13 Q. La maison de Gzim Gashi est-elle un bâtiment qu'on voit apparaître sur

14 cette photo ?

15 R. Oui.

16 Q. Pourriez-vous au moyen d'un stylo placer un X sur la maison qui est la

17 maison de Gzim Gashi ?

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Il y a une marque mais on ne le voit pas vraiment sur le bâtiment

20 gauche, sur la gauche du cliché. Je crois qu'on vient de donner un autre

21 stylo feutre au témoin.

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Q. Merci.

24 M. WHITING : [interprétation] Pourrait-on attribuer un numéro à ce cliché ?

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

Page 5613

1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce à conviction à charge P214.

2 M. WHITING : [interprétation] Peut-on retirer la photo du rétroprojecteur,

3 s'il vous plaît.

4 Q. Docteur, avant la pause vous nous avez dit, dans votre déposition, que

5 vous aviez vu Qerqiz avant qu'Ymer Alushani vous le présente, et que vous

6 l'aviez vu avant de fonder cette clinique au début du mois de juin. Est-ce

7 que vous avez eu l'occasion de voir Qerqiz à nouveau à Lapusnik ?

8 R. Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît ? Cela n'est pas

9 tout à fait clair à mon esprit.

10 Q. Oui, c'était une question très longue et elle n'était pas très claire.

11 La question était la suivante : avez-vous eu l'occasion de revoir Qerqiz à

12 Lapusnik après le début du mois de juin ?

13 R. Oui, j'ai eu l'occasion de le revoir.

14 Q. Au cours du mois de juin et du mois de juillet 1998, à combien de

15 reprises l'avez-vous vu ?

16 R. J'imagine que je le voyais tous les deux jours, peut-être tous les

17 trois jours.

18 Q. Au cours des mois de juin et juillet 1998, selon vous, quelle était la

19 position qu'occupait Qerqiz à Lapusnik ?

20 R. Je pense qu'il était le dirigeant de l'unité de Lapusnik.

21 Q. Docteur, lorsque vous aviez besoin d'approvisionnement médical, comment

22 vous y preniez-vous ?

23 R. Lorsqu'il nous fallait les approvisionnements médicaux, nous dressions

24 une liste sur laquelle figurait ce dont nous avions besoin et nous

25 remettions cette liste à Qerqiz et par son truchement, nous obtenions les

Page 5614

1 fournitures médicales dont nous avions besoin.

2 Q. A quelle fréquence cela se produisait-il au cours des mois de juin et

3 de juillet ?

4 R. Je ne sais pas exactement à quelle fréquence, mais à chaque fois que

5 nous avions à formuler une requête, nous le faisions.

6 Q. Pourriez-vous nous dire, plus ou moins, combien de fois cela s'est-il

7 produit ? Une fois par semaine, une fois toutes les deux semaines, une fois

8 par mois peut-être ?

9 R. Je ne peux pas vraiment vous en parler parce que je ne sais pas

10 exactement. Cela pouvait être une fois par semaine; parfois, c'était plus

11 fréquent.

12 Q. Après avoir remis la liste des fournitures médicales dont vous aviez

13 besoin à Qerqiz, que se passait-il, une fois que vous aviez remis cette

14 liste ?

15 R. D'une manière générale, une fois que s'était écoulé un certain temps,

16 on nous apportait les fournitures.

17 Q. Qui vous apportait ces fournitures ?

18 R. Certains des soldats et même Qerqiz, lui-même.

19 Q. Au cours des mois de juin et juillet 1998, savez-vous où logeait Qerqiz

20 à Lapusnik ?

21 R. Je ne sais pas exactement. Il se peut qu'il ait logé dans l'ensemble de

22 bâtiments de Ferat Sopi.

23 Q. Qu'est-ce qui vous fait imaginer qu'il était probable qu'il logeait

24 dans l'ensemble de bâtiments de Ferat Sopi ?

25 R. Je l'y ai vu fréquemment dans le quartier; parfois, il venait à la

Page 5615

1 clinique et nous demandait si nous avions besoin de quoi que ce soit.

2 Q. Dans votre déposition, vous nous avez dit que vous estimiez qu'il

3 dirigeait l'unité de Lapusnik.

4 R. Oui.

5 Q. Pourriez-vous nous dire, plus précisément, ce que vous entendez par là,

6 cette unité de Lapusnik ? Qu'était-ce ?

7 R. Je ne comprends pas la question. Pourriez-vous être un peu plus

8 précis ?

9 Q. Oui, je vais reformuler ma question. Dirigeait-il tous les soldats de

10 Lapusnik ou certains des soldats de Lapusnik, pour autant que vous le

11 sachiez ?

12 R. Il me semblait avoir compris qu'il dirigeait l'ensemble de l'unité de

13 Lapusnik.

14 Q. Lorsque vous étiez à Lapusnik au cours des mois de juin et juillet

15 1998, de nouveaux soldats sont-ils venu grossir les rangs de l'UCK ?

16 R. J'ai, effectivement, vu des visages que je ne connaissais pas, mais je

17 ne sais pas s'ils étaient de nouveau soldats ou pas.

18 Q. Savez-vous quoi que ce soit quant aux soldats qui auraient ou

19 n'auraient pas rejoint les rangs de l'UCK, à cette époque-là ? Est-ce que

20 vous saviez quoi que ce soit à ce propos ?

21 R. J'ai entendu dire que Qerqiz avait des entretiens avez eux et que suite

22 à cela, ils rejoignaient les rangs ou ne rejoignaient pas les rangs de

23 l'UCK.

24 Q. Avez-vous entendu dire quoi que ce soit à propos de la réputation de

25 Qerqiz en tant que commandant de Lapusnik ?

Page 5616

1 R. Je n'ai rien entendu dire de mal à son propos. Au contraire, je n'ai

2 entendu que de bonnes choses à son propos, dites par les soldats.

3 Q. Quels genres de propos tenait-on à son propos ?

4 R. Qu'il était un bon dirigeant, qu'il traitait bien ses soldats, des

5 choses de ce genre-là.

6 Q. Vous est-il arrivé de traiter Qerqiz à la clinique ?

7 R. Je crois que je l'ai traité une fois à la clinique, il avait une petite

8 blessure au bras.

9 Q. Qerqiz portait-il la barbe à Lapusnik ?

10 R. Oui.

11 Q. Pourriez-vous décrire cette barbe, s'il vous plaît ?

12 R. Comment voulez-vous que je décrive sa barbe ?

13 Q. La taille de la barbe, est-ce que c'était une petite barbe, une grosse

14 barbe ?

15 Q. Pour autant que je m'en souvienne, il avait une grosse barbe.

16 Q. Avez vous jamais entendu le vrai nom de Qerqiz ?

17 R. Non. Au cours de cette période à Lapusnik, non.

18 Q. L'avez-vous appris plus tard ?

19 R. Je l'ai appris ici, lorsqu'on a commencé le procès.

20 Q. Ce vrai nom, quel est-il selon vous ?

21 R. Isak Musliu.

22 Q. Au cours de la dernière semaine, avant votre départ de Lapusnik à la

23 fin du mois de juillet, avez-vous eu l'occasion de voir Qerqiz ?

24 R. Je ne sais pas. Très franchement, cinq années se sont écoulées depuis,

25 je ne peux pas vous dire précisément si je l'ai vu ou pas. Peut-être l'ai-

Page 5617

1 je vu.

2 Q. Mais vous n'êtes pas sûr ?

3 R. Non, je ne suis pas sûr.

4 Q. Au cours de votre séjour à Lapusnik, au cours des mois de juin et

5 juillet 1998, avez-vous entendu parler d'une personne répondant au nom de

6 Celiku ?

7 R. Oui, j'en ai entendu parler.

8 Q. Qu'avez-vous entendu dire à propos de cette personne répondant au nom

9 de Celiku ?

10 R. J'ai entendu dire qu'il était un des commandants de l'UCK, que c'était

11 un homme jeune et courageux.

12 Q. Avez-vous entendu dire quoi que ce soit quant à ceux qu'il commandait

13 ou à l'endroit où il exerçait son commandement ?

14 R. J'ai entendu dire qu'il était le commandant de Klecka.

15 Q. Avez-vous entendu dire quelle était la zone qu'il commandait ?

16 R. Non, je ne sais pas. Je n'en sais rien.

17 Q. N'avez-vous eu jamais l'occasion de rencontrer Celiku ?

18 R. J'ai eu l'occasion de le rencontrer. Je l'ai rencontré à Lapusnik. Au

19 cours de sa visite, il était venu à la clinique. Il nous avait demandé si

20 nous avions besoin de quoi que ce soit. Il nous a demandé comment se

21 passaient les choses, généralement, dans la clinique.

22 Q. Ces visites, à quelle fréquence arrivaient-elles ?

23 R. Pour autant que je m'en souvienne, il est venu deux fois.

24 Q. Avez-vous eu l'occasion de voir Celiku avec Qerqiz ?

25 R. Je l'ai vu une fois devant notre clinique.

Page 5618

1 Q. Savez-vous quelle était la nature de la relation entre Celiku et

2 Qerqiz ?

3 R. Non.

4 Q. Avez-vous eu l'occasion d'apprendre le vrai nom de Celiku ?

5 R. Oui, j'ai appris son vrai nom, à cette époque-là.

6 Q. Qu'entendez-vous par "cette époque-là ?"

7 R. Au cours de mon séjour à Lapusnik.

8 Q. Quel est ce nom, son vrai nom ?

9 R. Fatmir Limaj.

10 Q. Vous souvenez-vous comment vous avez appris son vrai nom ?

11 R. J'ai appris son nom de la bouche des gens avec lesquels je travaillais.

12 Q. N'avez-vous jamais entendu parler d'une cérémonie de prestation de

13 serment à Lapusnik ?

14 R. Oui, j'en ai entendu parler.

15 Q. Comment en avez-vous entendu parler ?

16 R. J'en ai entendu parler de la bouche d'Ymer Alushani.

17 Q. Que vous a-t-il dit ?

18 R. Il m'a dit que la cérémonie de prestation de serment avait eu lieu au

19 cours du mois de juin et que Celiku avait prononcé un discours à cette

20 occasion, discours dont je ne connais pas le contenu.

21 Q. Ymer Alushani, était-il présent à cette cérémonie de prestation de

22 serment, pour autant que vous le sachiez ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Savez-vous où s'est déroulée cette cérémonie de prestation de serment ?

25 R. Elle a eu lieu quelque part à Lapusnik, mais je ne sais pas où

Page 5619

1 exactement.

2 Q. Savez-vous plus ou moins où ?

3 R. Non.

4 Q. Est-ce que vous avez, à quelque moment que ce soit, entendu dire des

5 choses concernant la réputation de Celiku ?

6 R. Je n'ai entendu que des choses positives.

7 Q. De quel type ?

8 R. Il était un bon commandant, un homme courageux et un homme sage.

9 Q. D'après vous, quel était le rôle qu'il jouait à Lapusnik ?

10 R. Je n'en sais rien.

11 Q. Etes-vous bien certain ?

12 R. Oui, j'en suis certain.

13 Q. Est-ce que vous aviez la moindre information concernant son

14 commandement, le commandement de Celiku.

15 R. Je savais - enfin, tout le monde savait que Celiku était commandant,

16 mais quant à son rôle, je n'en sais rien et je n'en savais rien.

17 Q. Vous dites que tout le monde savait qu'il était commandant. Commandant

18 de quoi au juste ?

19 R. Le commandant d'unités de l'UCK, mais il ne nous appartenait pas de

20 connaître quels étaient ses rôles précis.

21 Q. Je ne vous demande pas quel était son rôle précis. Je vous demande

22 simplement quelle était la zone sur laquelle s'étendait son commandement,

23 d'après vous. Qu'est-ce qui était compris dans la zone qui était sous son

24 commandement ?

25 R. J'ai entendu dire qu'il était commandant à Klecka. Je ne sais pas s'il

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1 y a une autre zone sous son commandement.

2 Q. Est-ce que vous savez si Lapusnik était sous son commandement, à un

3 moment donné ?

4 R. Si je me réfère au nom Celiku, il est possible que cela ait fait partie

5 de son commandant, mais maintenant…

6 Q. Est-ce que vous aviez une autre raison de penser que Lapusnik tombait

7 sous le coup de son commandement ? Par exemple, des conversations que vous

8 auriez eues avec d'autres soldats ?

9 R. Non.

10 Q. Je vais, maintenant, aborder un autre sujet. Est-ce que vous

11 connaissiez une personne du nom de Haradin Bala à Lapusnik ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous le connaissiez déjà avant la guerre ?

14 R. Oui, je le connaissais déjà avant la guerre.

15 Q. Comment le connaissiez-vous ?

16 R. Le village dont Haradin est originaire est aussi le village dont ma

17 mère est originaire.

18 Q. De quel village s'agit-il ?

19 R. Il s'agit du village de Koretica e Larte.

20 Q. Pendant combien de temps est-ce que vous l'avez connu avant la guerre?

21 R. Sans doute pendant 10 à 15 ans.

22 Q. Est-ce que vous saviez quoi que ce soit au sujet du père de Haradin

23 Bala ?

24 R. Tout le monde à Drenica connaissait son père. Il était un chanteur de

25 chansons populaires très connu.

Page 5621

1 Q. Au mois de juin et juillet 1998, avez-vous vu Haradin Bala à Lapusnik ?

2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. C'est une question qui oriente

3 le témoin. Il peut lui demander à quel moment il l'a vu mais enfin il est

4 en train de l'orienter vers une réponse.

5 M. WHITING : [interprétation] Il est difficile --

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez. Le mal qui aurait pu être

7 fait l'a déjà été.

8 M. WHITING : [interprétation]

9 Q. Est-ce que vous avez vu Haradin Bala à Lapusnik ?

10 R. Oui.

11 Q. Quand l'avez-vous vu à Lapusnik ?

12 R. Il est venu une ou deux fois à notre dispensaire pour un contrôle de

13 routine.

14 Q. Oui, mais à quel moment, au cours de quelle période de temps ?

15 R. Pendant le temps que nous avons passé à Lapusnik.

16 Q. Est-ce que vous pourriez préciser les mois dont il s'agit ?

17 R. Les mois de juin et juillet 1998.

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, la

19 Chambre a déjà reconnu que le mal avait été fait, je remets en question la

20 validité ou le poids de cette réponse.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Selon ce qu'a dit la Chambre, c'est

22 que si du mal avait été fait, cela était déjà survenu, mais nous n'avions

23 pas dit que du mal avait été fait.

24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Alors, je m'avance un peu plus, le mal a

25 été fait.

Page 5622

1 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président.

2 Q. Vous dites, Monsieur le Témoin, qu'il est venu au dispensaire pour un

3 contrôle de routine. Est-ce que vous vous souvenez comment ce contrôle ou

4 ces contrôles se sont déroulés ?

5 R. Normalement il se plaignait de tension trop élevée et d'avoir un rythme

6 cardiaque irrégulier.

7 Q. Alors que faisiez-vous lors de ces contrôles ?

8 R. Normalement, nous mesurions sa tension, nous l'auscultions, nous

9 écoutions son cœur et nous lui décrivions son état médical. Si nous avions

10 des médicaments, nous lui donnions une ordonnance et si nous n'avions pas

11 ces médicaments alors nous lui recommandions d'en prendre.

12 Q. A part ces contrôles à la clinique, est-ce que vous l'avez vu ailleurs à

13 Lapusnik ?

14 R. Une ou deux fois, lorsque nous nous rendions à la cuisine.

15 Q. C'était à quel moment ?

16 R. Je ne m'en souviens pas exactement, mais c'était au cours de cette

17 période que nous avons passée à Lapusnik.

18 Q. S'agit-il des mois de juin et juillet 1998 ?

19 R. Oui.

20 Q. Savez-vous si Haradin Bala avait un pseudonyme ?

21 R. Oui, son pseudonyme était Shala.

22 Q. Savez-vous quels étaient ses devoirs à Lapusnik ?

23 R. Je pense qu'il était un soldat ordinaire.

24 Q. Pouvez-vous nous décrire son apparence à l'époque ?

25 R. Il était de taille moyenne. Il portait une moustache. C'est à peu près

Page 5623

1 l'étendue de ce que je peux dire à son sujet pour le décrire.

2 Q. Outre le fait qu'il se plaignait de tension trop élevée et d'un rythme

3 cardiaque irrégulier, vous souvenez-vous d'autres aspects concernant sa

4 condition physique ou sa santé ?

5 R. Non, je ne me souviens de rien.

6 Q. D'après vos souvenirs, est-ce que vous l'avez envoyé à l'hôpital à

7 Malisevo ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous souvenez de quoi que ce soit par rapport aux

10 médicaments que vous lui avez prescrits ?

11 R. Je ne me souviens pas.

12 Q. Je voudrais attirer votre attention, Docteur, sur le mois de septembre

13 2003. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir rencontré un enquêteur du

14 TPIY ?

15 R. Oui, je m'en souviens.

16 Q. Etait-ce la première fois que vous aviez rencontré un représentant du

17 TPIY ?

18 R. Oui, c'était la première fois.

19 Q. Docteur, est-ce que l'enquêteur vous a posé des questions concernant

20 Lapusnik ?

21 R. Oui, il m'a posé des questions.

22 Q. Est-ce que vous avez signé une déclaration ?

23 R. Non, je n'ai pas signé de déclaration.

24 Q. Est-ce que vous avez dit la vérité à l'enquêteur ?

25 R. En partie.

Page 5624

1 Q. Est-ce que cela veut dire qu'en partie vous n'avez pas dit la vérité ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel sujet vous n'avez pas dit la

4 vérité ?

5 R. Je n'ai pas dit la vérité parce que je ne voulais pas m'impliquer dans

6 ce procès, y participer en tant que témoin.

7 Q. Mais est-ce que vous vous souvenez à quel sujet vous n'avez pas dit la

8 vérité ?

9 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je pourrais

10 simplement vérifier la date de cette déclaration, s'agit-il de septembre

11 2003 ou de février 2005 ?

12 M. WHITING : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une déclaration.

13 M. KHAN : [interprétation] C'est un entretien avec l'enquêteur.

14 M. WHITING : [interprétation] Oui, en effet.

15 M. KHAN : [interprétation] Pardon.

16 M. WHITING : [interprétation] En date du mois de septembre 2003.

17 M. POWLES : [interprétation] Avant que mon confrère ne poursuive, est-ce

18 que je pourrais demander si un document a été divulgué au sujet de cette

19 réunion en 2003 ?

20 M. WHITING : [interprétation] Oui. Ce document a été transmis à la Défense

21 le 26 novembre 2004.

22 M. POWLES : [interprétation] Merci beaucoup.

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Docteur, si je puis poursuivre, est-ce que vous vous souvenez au sujet

25 de quelles questions vous n'avez pas dit la vérité lors de cette première

Page 5625

1 rencontre avec l'enquêteur du TPIY ?

2 R. Autant que je m'en souvienne, j'ai dit que je ne connaissais pas M.

3 Haradin Bala.

4 Q. Etait-ce vrai ?

5 R. Non, ce n'était pas vrai.

6 Q. Vous souvenez-vous si on vous a posé des questions concernant Celiku et

7 Qerqiz ?

8 R. Oui, je m'en souviens.

9 Q. J'attire votre attention sur les 23 et 24 février 2005, est-ce que vous

10 avez encore une fois été interrogé par un représentant du TPIY ?

11 R. Oui.

12 Q. Etait-ce la deuxième fois que vous aviez eu un entretien de ce type ?

13 R. Oui, c'était la deuxième fois.

14 Q. Est-ce que cette fois-là vous avez signé une déclaration ?

15 R. Oui, j'ai bien signé une déclaration.

16 Q. Est-ce que vous avez dit la vérité ?

17 R. Oui, j'ai dit la vérité.

18 Q. Pourquoi avez-vous dit la vérité à ce deuxième entretien ?

19 R. Il est vrai que j'ai dit, lors de ce deuxième entretien, que la période

20 que j'avais passée à Lapusnik, cela n'avait rien de secret, c'était quelque

21 chose de public, tout le monde savait que j'y étais à l'époque.

22 Q. Mais qu'est-ce qui a changé, pourquoi est-ce que, lors du premier

23 entretien, vous n'avez pas dit toute la vérité et lors du deuxième, vous

24 avez dit la vérité. Qu'est-ce qui a motivé ce changement ?

25 R. Pendant l'entretien que j'ai eu avec l'enquêteur, à cette deuxième

Page 5626

1 occasion, j'ai insisté sur le fait que personne ne souhaite témoigner

2 surtout pas dans une affaire se rapportant à des crimes. La raison pour

3 laquelle j'ai modifié ma déclaration, c'est que de toute façon, un jour ou

4 l'autre, la vérité sera connue et je n'ai rien à cacher.

5 Q. Est-ce que vous nous dites la vérité aujourd'hui ?

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Il appartient à la Chambre d'en

7 décider.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que dans ce contexte la

9 question est tout à fait pertinente, Monsieur Guy-Smith.

10 M. WHITING : [interprétation]

11 Q. Docteur, est-ce qu'aujourd'hui vous nous dites la vérité ?

12 R. Oui, Monsieur.

13 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à huis clos

14 partiel ?

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

16 [Audience à huis clos partiel]

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7 (expurgée)

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9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 [Audience publique]

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience

14 publique.

15 M. WHITING : [interprétation] Merci.

16 Q. Docteur, cette personne dont nous venons de parler, à combien de

17 reprises l'avez-vous vue à Lapusnik après le début du mois de juin 1998 ?

18 R. Je l'ai rencontrée très souvent. Je ne peux pas vous dire à combien de

19 reprises. Il venait de temps en temps au dispensaire et lorsque nous

20 n'avions pas de travail, nous jouions aux échecs.

21 Q. Est-ce que vous saviez quels étaient ses devoirs à Lapusnik ?

22 R. Je crois qu'il était un soldat ordinaire.

23 Q. Après la prise de Lapusnik à la fin de 1998, est-ce que vous l'avez

24 revu ?

25 R. Je l'ai rencontré une ou deux fois à Fshati i Ri ou Novosel comme on

Page 5628

1 l'appelait à ce moment-là. Nous avions encore une fois un dispensaire

2 improvisé, dans l'enceinte de l'école du village.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quelle occasion vous l'avez rencontré

4 et que s'est-il passé, ou pourquoi l'avez-vous revu ?

5 R. Je crois qu'il souffrait d'une inflammation. Il est venu pour un

6 contrôle, nous lui avons prescrit quelques médicaments.

7 Q. Pour en venir à la période pendant laquelle vous travailliez au

8 dispensaire de Lapusnik, au mois de juin et juillet 1998, vous est-il

9 arrivé d'écrire des ordonnances.

10 R. Normalement, nous écrivions des ordonnances sur des feuilles blanches

11 volantes, c'était la seule façon de faire.

12 Q. Avec l'aide de l'Huissier, je vais vous montrer les documents que l'on

13 trouve à l'intercalaire 6, ERN U008-7691 à 7702.

14 Il s'agit de l'intercalaire 6.

15 Est-ce que vous voudriez bien étudier ces pages ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous les reconnaissez ?

18 R. Oui, je les reconnais.

19 Q. De quoi s'agit-il ?

20 R. Il s'agit des noms de nos patients, du diagnostique et du traitement

21 recommandé.

22 Q. Savez-vous qui a écrit ces lignes ?

23 R. Moi-même.

24 Q. Est-ce que c'est votre signature qu'on voit au bas de chaque page ?

25 R. Oui, en effet.

Page 5629

1 Q. Est-ce que ces pages datent de la période que vous avez passée à

2 Lapusnik ?

3 R. Oui, ces pages sont datées.

4 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais, Monsieur le Président, à ce

5 qu'on attribue une cote à ces pages.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] L'intercalaire 6 sera la pièce à

8 conviction de l'Accusation P215.

9 M. WHITING : [interprétation]

10 Q. Docteur, est-ce qu'on a également conservé des dossiers médicaux au

11 dispensaire au mois de juin et juillet 1998 ?

12 R. Oui.

13 Q. Qui était responsable de la tenue de ces dossiers ?

14 R. Normalement, c'étaient les infirmières qui s'en chargeaient.

15 M. WHITING : [interprétation] Je vais vous demander, maintenant, de vous

16 reporter à l'intercalaire 5 avec l'aide de l'Huissier.

17 Pour le compte rendu d'audience, il s'agit du numéro

18 ERN U0087-665 à U008-6768.

19 Q. Il s'agit du cahier intitulé, "Section des pansements."

20 Si vous voulez bien étudier ces pages et les entrées qui y figurent.

21 S'agit-il de votre écriture ?

22 R. Non, ce n'est pas mon écriture.

23 Q. Reconnaissez-vous l'écriture?

24 R. Je ne reconnais pas l'écriture. Il y avait deux ou trois autres

25 personnes qui auraient pu écrire ces lignes.

Page 5630

1 Q. Est-ce que vous reconnaissez les noms qui figurent dans ce cahier ?

2 R. Si j'arrive à les lire, oui, je reconnais les noms.

3 Q. Comment les reconnaissez-vous ?

4 R. La plupart de ces noms appartiennent à des membres de la famille, Gashi

5 et Sopi; puis, il y a quelques pseudonymes de soldats et les gens portant

6 ce nom de famille sont, en général, originaires de notre village.

7 Q. Est-ce que vous voyez les dates qui y sont énumérées ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce qu'à ces dates-là, vous vous trouviez à Lapusnik?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que cette liste de pansements ressemble aux types de listes, de

12 dossiers que vous teniez à votre dispensaire ?

13 R. Certains sont conformes, mais d'autres ne sont pas lisibles.

14 Q. Est-ce que vous nous déclarez que les noms que vous pouvez lire sont

15 conformes ?

16 R. Il me semble que ces noms sont conformes.

17 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais à ce

18 qu'on attribue un cote à ce document.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] L'intercalaire 5 sera la pièce à

21 conviction de l'Accusation P216.

22 M. WHITING : [interprétation] Enfin, Docteur, je vous demanderais de vous

23 reporter à l'intercalaire 7 avec l'aide de l'Huissier.

24 Le numéro ERN est 0087-723 à 7728.

25 Q. Je vais vous demander d'étudier ces archives, ce document. Je ne sais

Page 5631

1 pas si vous regardez la version albanaise. Il s'agit d'un document dont le

2 titre est "Listes des injections."

3 S'agit-il de votre écriture ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que vous reconnaissez les noms qui figurent dans ce document ?

6 R. Oui, je reconnais ces noms. Il s'agit des noms des personnes du

7 village.

8 Q. Ces dates correspondent-elles aux dates auxquelles vous travailliez au

9 dispensaire, à Lapusnik ?

10 R. Oui, elles correspondent.

11 Q. Ces archives correspondent-elles, sont-elles conformes aux types

12 d'archives que vous conserviez à Lapusnik ?

13 R. Oui, elles semblent correspondre.

14 Q. Je vous remercie.

15 M. WHITING : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, qu'une

16 cote soit attribuée à ce document.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] L'intercalaire numéro 7 sera la pièce du

19 Procureur P217.

20 M. WHITING : [interprétation]

21 Q. Docteur, je vais passer à un autre sujet. Est-ce que vous avez entendu

22 parler d'une prison à Lapusnik ?

23 R. Non.

24 Q. Est-ce que vous avez déjà visité une prison à Lapusnik ?

25 R. Non, jamais.

Page 5632

1 Q. Vous avez parlé de la maison de Gzim Gashi où vous alliez chercher la

2 nourriture. Y avait-il un ensemble de bâtiments de l'autre côté de la

3 route, par rapport au bâtiment de Gzim Gashi?

4 R. Je crois qu'il y a d'autres maisons, en plus de la maison de Gzim.

5 Q. Précisément, de l'autre coté de la route, y a-t-il un ensemble de

6 bâtiments face à la maison de Gzim ?

7 R. Oui, je crois.

8 Q. Est-ce que vous vous êtes déjà rendu dans ces maisons qui sont face aux

9 maisons de Gzim de l'autre côté de la route ?

10 R. Non, je n'avais aucune raison d'y aller.

11 Q. Est-ce que vous avez vu d'autres personnes entrer ou sortir de cet

12 ensemble de bâtiments ?

13 R. A plusieurs occasions, j'ai vu des personnes qui y allaient.

14 Q. Est-ce qu'il s'agissait de civils ou de militaires, si vous vous en

15 souvenez ?

16 R. Des soldats et de civils. Il me semble que chaque maison, à Lapusnik,

17 servait d'abri et de logement pour les soldats parce que, d'après ce que

18 j'ai compris, il n'y avait pas d'autres endroits où ils pouvaient être

19 logés.

20 Q. Je vais vous demander de repasser à la fin du mois de juillet quand

21 Lapusnik est tombé. Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle

22 l'attaque contre Lapusnik a eu lieu ?

23 R. Je me souviens qu'il s'agissait du début de la matinée du 25 juillet.

24 Q. Où étiez-vous quand cette attaque a commencé ?

25 R. J'étais dans le village d'Orlat; ensuite, je suis allé à Lapusnik.

Page 5633

1 Q. Quand vous êtes allé à Lapusnik, où, à Lapusnik, êtes-vous allé ?

2 R. Je me suis rendu à l'endroit où était située la clinique.

3 Q. Combien de temps y êtes-vous resté ?

4 R. Toute la matinée.

5 Q. Est-ce que l'attaque a continué ?

6 R. Oui, elle a continué.

7 Q. Qu'avez-vous fait à la fin de la matinée ?

8 R. Nous avons tenté de prendre les médicaments de cette maison et de les

9 transporter dans une autre maison qui était située un peu plus loin de la

10 ligne de front.

11 Q. Est-ce que cette maison était toujours à Lapusnik ?

12 R. Oui, elle était à Lapusnik, mais située plus loin par rapport à la

13 ligne de front.

14 Q. Dans quelle direction, par rapport à la maison de Ferat Sopi, était

15 située la maison en question, si vous vous en souvenez ?

16 R. Je crois que c'était à l'ouest par rapport à la maison en question.

17 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans cette maison ?

18 R. Nous y sommes restés jusqu'au jour suivant où nous avons quitté

19 Lapusnik et nous nous sommes enfuis dans les montagnes.

20 Q. Où êtes-vous allés ?

21 R. Nous avons pris la route de la montagne et nous sommes restés dans les

22 villages qui sont sur le mont Berisha et après cela, nous sommes allés à

23 Novosel ou Fshati I Ri.

24 Q. Alors, de façon à être bien clair, quel est le nom du village qui était

25 situé sur le mont Berisha dans lequel vous vous êtes rendus ?

Page 5634

1 R. Le nom en albanais est Fshati i Ri. A l'époque, il s'appelait Novosel.

2 Q. Après que vous ayez quitté Lapusnik, quel a été le premier village où

3 vous êtes allés ?

4 R. Berisha. Nous ne sommes pas restés, nous avons continué vers Novosel.

5 Q. Combien de temps cela vous a-t-il pris pour aller de Lapusnik à

6 Berisha ?

7 R. Entre deux et trois heures.

8 Q. Est-ce que vous étiez seul ou est-ce qu'il y avait d'autres personnes

9 qui faisaient le même trajet ?

10 R. J'y suis allé avec des infirmières qui m'assistaient dans mon travail.

11 Q. Est-ce que vous avez vu, également, des personnes qui faisaient le même

12 trajet ?

13 R. Oui. J'ai vu d'autres personnes effectuer le même trajet, des

14 villageois ainsi que des soldats.

15 Q. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à Ymer Alushani ?

16 R. Il a été tué, ce jour-là, à Lapusnik.

17 Q. Vous avez dit que vous êtes allé à Novosel après Berisha. Combien de

18 temps y êtes-vous resté ?

19 R. Nous y sommes restés de la fin juillet, quand nous sommes arrivés,

20 jusqu'au début du mois de septembre.

21 Q. Je crois que vous nous avez, plus ou moins, dit ce que vous faisiez,

22 mais est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce que vous faisiez

23 pendant cette période à Novosel ?

24 R. Pendant la période à Novosel, nous avons ouvert, à nouveau, le

25 dispensaire avec l'aide d'autres infirmières de ce village et avons

Page 5635

1 continué d'apporter une aide médicale à la population locale dont le nombre

2 avait augmenté parce qu'il y avait beaucoup de personnes qui arrivaient des

3 villages avoisinants. Il y avait entre 5 et 6 000 personnes.

4 Q. Pendant cette période, combien de personnes soigniez-vous par jour ?

5 R. Nous soignions un très grand nombre de personnes. Il arrivait que nous

6 soignions plus de 200 personnes par jour. Mais nous étions dans une

7 situation meilleure qu'auparavant parce que nous avions reçu du matériel de

8 Médecins sans frontières qui nous a fourni plus de médicaments pour que

9 nous puissions les donner à la population locale.

10 Q. Après que vous ayez quitté Lapusnik, est-ce que vous avez vu Qerqiz à

11 nouveau ?

12 R. Je ne l'ai pas revu.

13 Q. Est-ce que vous avez revu Celiku ?

14 R. Autant que je m'en souvienne, je l'ai vu une fois. Il est venu, une

15 fois, à la clinique; comme d'habitude, il nous a demandé comment les choses

16 se passaient, si nous avions les moyens de donner, d'apporter l'assistance

17 médicale nécessaire à la population locale.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez quand cela a eu lieu ?

19 R. Autant que je m'en souvienne, il s'agissait de la mi-août ou la

20 première moitié du mois d'août.

21 Q. Au début du mois de septembre de 1998, où êtes-vous allé ?

22 R. Nous sommes partis de Novosel au moment où les forces d'occupation ont

23 commencé à pilonner Novosel. Personnellement, je suis allé dans la vallée

24 entre Kishna Reka et Berisha où il y avait un nombre extrêmement important

25 de personnes déplacées là-bas.

Page 5636

1 Q. Combien de temps y êtes-vous resté ?

2 R. Je suis resté, environ, du début du mois de septembre au 17, 18

3 septembre.

4 Q. Où êtes-vous allé après cela ?

5 R. Après cela, j'ai décidé d'aller à Pristina pour voir ma famille et j'ai

6 continué jusqu'à Shale. Il y a un autre village,

7 là-bas. Au sud du village de Kishna Reka; ensuite, j'ai traversé d'autres

8 villages et je suis allé à Pristina.

9 Q. Y a-t-il eu des moments où vous avez été arrêté par les autorités

10 serbes ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous vous souvenez de quand cela a eu lieu ?

13 R. Trois ou quatre jours après mon arrivée à Pristina, ils sont venus et

14 m'ont arrêté alors que j'étais dans la maison de mon père.

15 Q. Est-ce que vous savez pourquoi vous avez été arrêté ?

16 R. Je ne comprends pas la question.

17 Q. Est-ce que --

18 R. Est-ce que vous pouvez être plus précis ?

19 Q. Oui. Est-ce que l'on vous a donné une raison pour laquelle vous avez

20 été arrêté par les Serbes ? Est-ce qu'ils vous ont dit pourquoi ils vous

21 arrêtaient ?

22 R. Lorsque l'arrestation a eu lieu, cela ressemblait à un kidnapping. Ils

23 n'avaient pas de raison à me donner pour laquelle ils m'arrêtaient. Ensuite

24 ils m'ont emmené dans les locaux de la sécurité serbe et ils ont commencé à

25 m'interroger et à me maltraiter et à me soumettre à de mauvais traitements

Page 5637

1 sans pitié.

2 Q. Docteur, pendant combien de temps avez-vous été détenu par les

3 autorités serbes.

4 R. Quatre jours.

5 Q. Après que vous ayez été libéré, est-ce que vous êtes resté à Pristina ?

6 R. Oui, je suis resté à Pristina.

7 Q. Y a-t-il eu un moment, et je ne veux pas que vous me disiez où vous

8 êtes allé, mais y a-t-il eu un moment où vous avez quitté le Kosovo ?

9 R. Oui, j'ai quitté le Kosovo.

10 Q. Vous vivez dans un autre pays à présent ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous travaillez dans ce pays ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous travaillez en tant que médecin ?

15 R. Non je ne travaille pas en tant que médecin, parce que pour travailler

16 en tant que médecin j'aurais besoin d'une licence et donc j'y travaille.

17 J'ai un autre emploi.

18 Q. En quelle année avez-vous quitté le Kosovo ?

19 R. Au printemps 1999.

20 Q. Vous avez dit que dans le pays où vous vivez maintenant vous y

21 travaillez à cette licence, est-ce que vous espérez pouvoir de nouveau

22 pouvoir travailler en tant que médecin un jour ?

23 R. J'espère que dans un avenir proche, je vais être en mesure de

24 travailler en tant que docteur.

25 Q. Merci Docteur. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

Page 5638

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

2 Monsieur Guy-Smith.

3 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :

4 Q. [interprétation] Bonjour.

5 R. Bonjour.

6 Q. Mon nom est Gregor Guy-Smith, et avec M. Harvey je représente Haradin

7 Bala, est-ce que vous me suivez bien ?

8 R. Oui.

9 Q. La raison pour laquelle vous connaissez M. Bala est que sa famille

10 vient du même village que le vôtre ?

11 R. Oui.

12 Q. Je comprends qu'avant la guerre vous êtes déjà allé chez lui; exact,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Je ne suis pas allé chez lui mais nous nous sommes rencontrés.

15 Q. Lorsque vous dites que vous l'avez vu, que vous l'avez rencontré; vous

16 voulez dire dans le village ?

17 R. Oui.

18 Q. A quelle distance se trouve la maison de votre famille de la maison de

19 M. Bala, dans le village ?

20 R. Vous voulez dire dans le village dans lequel je vivais autrefois ou le

21 village où M. Bala habitait ?

22 Q. Je m'excuse, je crois qu'il s'agit du village d'où votre mère venait.

23 R. Oui, c'est à environ 500 mètres.

24 Q. Avant la guerre dans les années 1990, en 1991, 1992, 1993, il y a eu

25 une époque où vous étudiiez afin de devenir médecin, n'est-ce pas ?

Page 5639

1 R. Oui.

2 Q. Vous n'avez pas eu la possibilité d'avoir votre diplôme en raison du

3 comportement des Serbes, ce que vous avez décrit comme étant un système

4 d'éducation parallèle, que vous avez dû suivre pour pouvoir continuer vos

5 études, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Pendant cette période, je parle du début des années 1990, est-ce que

8 vous avez vu Haradin Bala, pendant cette période ?

9 R. Oui, soit dans son village ou à Komorane où généralement il y a un

10 marché, le samedi.

11 Q. Au marché à Komorane, c'est un endroit où se rassemblent les gens de

12 villages différents, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. De 1992 [comme interprété] à 1997, est-ce que vous avez eu l'occasion

15 de voir M. Bala pendant cette période ?

16 R. Oui, c'est possible peut-être pas très souvent.

17 Q. Tout le monde dans la collectivité, dans le village savait que vous

18 faisiez des études pour être médecin et que vous aviez des connaissances

19 dans ce domaine, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Les gens venaient vous voir pour vous demander conseil, n'est-ce pas,

22 avant même que vous soyez en mesure d'ouvrir votre clinique, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, de temps en temps, oui.

24 Q. En 1993 et après, saviez-vous que Haradin Bala a eu au moins une crise

25 cardiaque ? Est-ce que c'est quelque chose dont on vous a parlé ?

Page 5640

1 R. Je crois qu'au moment où il est venu me voir pour un contrôle à

2 Lapusnik, nous avons parlé des raisons de son arythmie, c'est le problème

3 cardiaque qu'il avait.

4 Q. Avant ce contrôle médical à Lapusnik, Docteur Gashi, la période qui

5 m'intéresse, c'est la période qui précède ce moment-là. Vous étiez au

6 courant, n'est-ce pas, que Haradin Bala avait des problèmes cardiaques,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Non, je ne le savais pas. Je ne savais pas qu'il avait cette maladie.

9 Q. Quand vous lui avez parlé, quand vous avez été mis au courant de son

10 passé cardiaque, quelles informations vous a-t-il données à ce moment-

11 là pendant ce contrôle médical que vous avez effectué ?

12 R. Que voulez-vous dire par le terme "renseignement" ?

13 Q. Est-ce que vous avez eu un récapitulatif historique cardiaque ? Est-ce

14 qu'on vous a donné les moyens de comprendre ce qui s'était passé par le

15 passé de façon à ce que vous puissiez faire, non pas peut-être un

16 diagnostic mais au moins un pronostic sur son état ?

17 R. Autant que je m'en souvienne, nous en avons parlé un peu, mais nous ne

18 sommes pas entrés dans les détails.

19 Q. Alors que vous êtes assis ici aujourd'hui, est-ce que vous avez un

20 souvenir de ce dont vous avez parlé, de cette petite conversation que vous

21 avez eue avec lui ?

22 R. La seule chose dont je me souviens clairement, c'est qu'il avait de

23 l'arythmie et qu'il m'a montré les médicaments qu'il utilisait et que j'ai

24 pris sa tension.

25 Q. Quels médicaments prenait-il à cette époque-là ?

Page 5641

1 R. J'essaie de me souvenir. Je crois qu'il s'agissait de bêtabloquant ou

2 d'autres médicaments.

3 Q. Qu'est qu'un bêtabloquant, de quel type de médicament s'agit-il ?

4 R. Il régule le fonctionnement du cœur dans les cas d'arythmie.

5 Q. Est-ce que vous vous souvenez s'il prenait un médicament ou plusieurs

6 médicaments au moment de ce contrôle médical ?

7 R. Il prenait peut-être d'autres médicaments mais c'est le seul médicament

8 dont je me souviens qu'il prenait à l'époque.

9 Q. Est-ce que vous lui avez prescrit des médicaments à ce moment-là, pour

10 ce problème dont il se plaignait, tout au moins et peut-être dont il

11 souffrait ?

12 R. Je ne sais pas si je lui ai prescrit quelque chose ou si je lui ai

13 donné quelque chose parce que nous avions des médicaments au dispensaire.

14 Q. Lorsque les gens venaient vous voir au dispensaire, avant mai 1998, à

15 cette époque est-ce que vous conserviez des archives concernant chaque

16 patient qui venait vous voir ?

17 R. Oui, normalement nous conservions ce type d'archives.

18 Q. Après mai 1998 parce que vous avez ouvert le dispensaire, je crois qu'à

19 cette époque-là, je crois que les choses que vous faisiez, parce qu'il

20 s'agit d'une bonne pratique médicale, vous conserviez des archives

21 concernant les gens qui venaient vous voir, n'est-ce pas ?

22 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, si je peux faire une objection.

23 La question reflète le témoignage de manière incorrecte. La clinique a été

24 ouverte après le début du moi de juillet 1998 et non pas après 1998.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous allons y venir.

Page 5642

1 Q. Lorsque vous avez discuté à un moment ou à un autre en 2003 avec

2 l'enquêteur, tel que je comprends les choses, vous avez dit que vous

3 n'aviez pas dit la vérité au sujet d'une chose. Tel que j'ai compris les

4 choses, qui était de savoir si vous connaissiez ou pas M. Bala, mais est-ce

5 qu'il y a d'autres sujets au sujet desquels vous n'avez pas dit la vérité,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Lorsque vous parliez avec l'enquêteur et je crois qu'il s'agit de la

9 page 3 des notes de M. Tucker, vous avez dit à l'enquêteur que vous vous

10 êtes installé à cet endroit aux alentours de mai 1998 et y êtes resté

11 jusqu'à la fin du mois de juillet, aux alentours du 25 juillet, n'est-ce

12 pas ?

13 R. Je crois que j'ai dit début juin jusqu'au 25 juillet.

14 Q. Lorsque vous avez rencontré l'enquêteur, est-ce que vous avez eu

15 l'occasion de regarder les notes qu'il a prises ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous a-t-on lu ces notes, que ce soit en albanais ou en anglais, vous

18 en souvenez-vous ?

19 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, mais peut-être pourrait-on

20 préciser de quel entretien nous sommes en train de parler, parce que la

21 question a trait à un enquêteur mais il y a deux entretiens séparés.

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien entendu je fais référence en fait à

23 l'entretien recueilli par M. Tucker. Il s'agit, si je ne m'abuse, de

24 l'entretien de 2003, celui qui n'a pas été signé.

25 Q. Au cours de cet entretien, est-ce que vous vous souvenez avoir

Page 5643

1 rencontré M. Tucker du TPIY ?

2 R. Oui, je m'en souviens.

3 Q. Au cours de cet entretien avec M. Tucker, il vous a posé une série de

4 question. Il vous a demandé où vous étiez basé, j'imagine qu'il entendait

5 pas là où se trouvait le dispensaire, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous lui avez dit où vous étiez basé. Vous avez dit que c'était dans

8 une maison, dans un ensemble de bâtiments à Lapusnik, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Au cours de cet entretien, vous lui avez également dit que la

11 population locale savait que vous étiez dans la région, et nombreux étaient

12 ceux qui venaient vous voir dans cette maison, vous voir vous et les

13 infirmières, n'est-ce pas ? C'est ce que vous lui avez dit ?

14 R. Oui, c'est ce que je lui ai dit.

15 Q. Vous lui avez dit aussi que vous partiez en déplacement pour aller voir

16 des individus, personnes âgées entre autres qui n'étaient pas à même de

17 venir vous voir au dispensaire,

18 n'est-ce pas ?

19 R. Oui. Et d'autres personnes qui ne pouvaient pas se rendre au

20 dispensaire. Ces gens-là, nous allions leur rendre visite nous-même.

21 Q. Vous lui avez dit que vous n'aviez pas beaucoup de fournitures

22 médicales, mais que le peu que vous aviez, vous vous le procuriez auprès

23 d'organisations bénévoles, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact. D'organisations de bénévoles, et parfois mais c'était

25 rare, nous nous approvisionnions auprès de l'UCK.

Page 5644

1 Q. Maintenant s'agissant des dates auxquelles vous faites référence, et là

2 je vous propose de lire ce qui figure dans les notes, nous verrons si cela

3 vous rafraîchit la mémoire quant à ce que vous avez déclaré à l'enquêteur à

4 l'époque. Vous avez dit à l'enquêteur, que vous vous basiez dans un

5 emplacement, qui était cette maison, dans le groupe de bâtiments de

6 Lapusnik, à partir de mai 1998 et que vous y êtes resté jusqu'à la fin du

7 mois de juillet. Aux environs du 25 juillet, date à laquelle l'offensive

8 serbe sur le village a commencé et à cette époque-là, la population de

9 Lapusnik s'est enfuie dans les montagnes, dans les hauteurs environnantes

10 et vous avez fui avec eux. C'est ce que vous avez dit à l'enquêteur à

11 l'époque, et ce qui me fait un petit peu souci, c'est justement cette

12 question de la date, parce que vous parlez des efforts que vous avez

13 déployé pour essayer d'aider la population et vous dites que ces efforts

14 vous avez commencé à les déployer à peu près au mois de mai, n'est-ce pas ?

15 R. J'ai commencé à prêter main forte à la population et je n'ai jamais

16 cessé d'essayer. D'abord, chez moi, à ma propre maison, à l'époque où nous

17 y étions et une fois que j'ai quitté ma résidence et au moment où nous

18 avons ouvert ce dispensaire, comme je vous le disais, dans la partie sud de

19 Lapusnik et là, nous y sommes restés jusqu'au mois de juillet, le 25

20 juillet, date à laquelle nous avons quitté cet endroit.

21 Q. Oui, je vous comprends bien. Mais ce qui est important pour moi, c'est

22 le début de la période. Excusez-moi si je vous ai interrompu, mais cette

23 clinique c'était bien la résidence de Ferat Sopi, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Ce que vous avez dit à M. Tucker, l'enquêteur, c'est en tout cas ce que

Page 5645

1 j'affirme, au cours de l'entretien en 2003, date à laquelle vous disiez la

2 vérité, c'est un dispensaire que vous avez ouvert en mai, n'est-ce pas;

3 est-ce exact ?

4 R. Il s'agit peut-être d'une erreur puisque ce dispensaire a été ouvert au

5 début du mois de juin.

6 Q. Très bien. Le nom Nazif Sopi vous dit-il quelque chose ?

7 R. Oui, je le connais. Il est de Lapusnik.

8 Q. Nazif Sopi et Ferat Sopi sont parents, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, je crois qu'ils sont cousins.

10 Q. Le nom Cercin ou Kercin vous dit-ils quelque chose ?

11 R. Cirkin Sopi, c'est de lui que vous parlez ?

12 Q. Oui, merci beaucoup. C'est, effectivement, de lui que je parle.

13 J'imagine que si vous corrigez ma prononciation, c'est parce que vous

14 connaissez cette personne, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, je connais cette personne. Je le connaissais, à l'époque.

16 Q. Je demanderais à l'Huissier de bien vouloir nous aider, je souhaiterais

17 m'intéresser plus près à la pièce versée au dossier portant le numéro de

18 pièce à conviction P213. Il s'agit de la vue aérienne.

19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir la

20 placer sur le rétroprojecteur, merci.

21 Q. Je vous demanderais de bien vouloir examiner ce document, Docteur. Je

22 vous rappelle que je souhaite revenir à la zone que vous aviez indiquée au

23 moyen d'un cercle. Je crois que c'est à cet endroit-là que se situait le

24 dispensaire; c'est, en tout cas, ce que vous nous disiez, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, c'est exact.

Page 5646

1 Q. Pourriez-vous, si vous avez un feutre un peu plus foncé,

2 tracer un cercle plus spécifique autour de la maison de Ferat Sopi dans

3 cette zone que vous avez désignée comme étant l'endroit où se situait le

4 dispensaire, à moins que je ne m'abuse.

5 R. Je ne vois pas suffisamment clairement.

6 Q. Si vous portez votre regard sur le cercle que vous avez tracé

7 précédemment, est-ce que vous pouvez nous indiquer, de façon approximative,

8 l'endroit où se situe la résidence de Ferat Sopi, la maison de Ferat Sopi,

9 plus précisément que le cercle que vous avez tracé autour d'une zone sur la

10 carte.

11 R. C'est probablement ici quelque part.

12 Q. Vous venez de tracer un cercle de couleur bleue foncée autour de cet

13 endroit, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne sais pas si vous voulez poursuivre

16 encore longtemps.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, à vrai dire, le moment est bien

18 choisi. Je voulais voir si vous étiez en train de vous lancer sur une autre

19 voie ou si vous souhaitiez conclure.

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'étais sur le point de reprendre ma

21 respiration.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous aurez tout le temps de reprendre

23 votre respiration. Je vous propose une pause, à présent, la seconde de

24 l'après-midi et nous reprendrons l'audience à 18 heures.

25 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.

Page 5647

1 --- L'audience est reprise à 18 heures 04.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith.

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

4 Q. A l'époque où vous étiez à Lapusnik, au cours de l'été 1998, avez-vous

5 eu l'occasion de vous rendre dans la maison de Nazif Sopi ?

6 R. Je suis passé à proximité.

7 Q. Si vous examinez la photo, cette carte, cette vue aérienne qui est sur

8 votre rétroprojecteur, la pièce à conviction P213, en examinant cette

9 carte, est-ce que vous seriez à même d'identifier l'endroit où se situe la

10 maison de Nazif Sopi, cette vue aérienne ?

11 R. Peut-être au nord-ouest de la maison de Ferat.

12 Q. Pourriez-vous utiliser le pointeur et nous montrer exactement où cela

13 se situe sur la carte ?

14 R. Dans cette zone-ci.

15 Q. Pourriez-vous apposer les lettres NS sur la zone que vous avez

16 indiquée, l'endroit où se situerait la maison de Nazif Sopi ?

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. S'agissant de la maison de la personne dont j'ai écorché le nom tout à

19 l'heure, je crois que c'était Qerkin Sopi, j'espère l'avoir moins écorché

20 cette fois-ci, ce nom. Une fois de plus sur cette carte, pourriez-vous nous

21 désigner l'endroit où se situait la maison de Qerkin, et une fois de plus,

22 je vous demanderais de bien vouloir y inscrire les lettres QS, cela devrait

23 nous indiquer où se situait la maison de cette personne ?

24 R. J'ai du mal à la retrouver.

25 Q. Aucun problème. Ce n'est pas grave. Au cours de l'été 1998, avez-vous

Page 5648

1 eu l'occasion de vous rendre à la maison de Qerkin Sopi ?

2 R. Oui. Peut-être, parce qu'elle n'était pas très loin.

3 Q. Je souhaiterais revenir à un autre sujet de discussion, à savoir la

4 façon dont les registres étaient tenus, mais pas seulement cela, je

5 voudrais revenir sur ce que vous faisiez lorsque des patients venaient vous

6 voir au dispensaire. Cela vous convient-il ?

7 R. Oui.

8 Q. Au moment où vous travailliez au dispensaire de Lapusnik au cours de

9 l'été 1998, les patients venaient vous voir et ce, depuis quelque temps;

10 est-ce exact ?

11 R. Que voulez-vous dire, des patients venaient me voir depuis quelque

12 temps ? Je ne comprends pas tout à fait votre question.

13 Q. Bien, les gens venaient vous voir et venaient vous demander votre aide

14 médicalement parlant, et ce pendant quelque temps avant que vous ne

15 commenciez à travailler dans ce dispensaire, tel que vous nous l'avez

16 décrit à Lapusnik.

17 R. Oui, c'est exact.

18 Q. La procédure à laquelle vous aviez recours à cette époque-là, avant que

19 ne soit ouvert le dispensaire par vos soins à Lapusnik, la procédure à

20 laquelle vous aviez recours était la suivante : lorsqu'un patient venait

21 vous voir vous preniez des notes. Vous aviez une histologie du patient,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Oui. C'est effectivement ce que l'on fait généralement dans ces cas-là.

24 On prend note de données ayant trait au parcours médical d'un patient.

25 Q. La raison pour laquelle vous preniez note de ce parcours médical c'est

Page 5649

1 parce que lorsque vous souhaitiez garder une trace écrite des problèmes,

2 des observations que vous avez eues à propos de tel ou tel patient de

3 manière à ce que vous puissiez ensuite procéder à des vérifications sur son

4 passé médical.

5 R. Oui, effectivement, c'est ce qu'on fait d'habitude.

6 Q. Vous nous avez dit que vous traitiez des individus pour des problèmes

7 tels que des allergies ou des maladies plus longues ou même des maladies

8 chroniques au cours de la période où vous étiez à Lapusnik à l'été 1998,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est exact.

11 Q. Lorsqu'une de ces personnes venait vous voir, par exemple une personne

12 qui avait un problème pulmonaire lorsqu'elle venait vous voir vous preniez

13 note du passé médical de ce patient, de manière à ce que vous ayez des

14 notes et de manière à ce que vous sachiez exactement quels allaient être

15 les traitements que vous alliez lui administrer ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. C'est ce que l'on fait généralement. C'est une bonne façon de prodiguer

18 des soins, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, je pense, que oui.

20 Q. S'agissant des médicaments que vous prescriviez ou les conseils que

21 vous prodiguiez à telle ou telle personne, là aussi vous preniez des notes

22 de ces conseils ou médicaments prescrits, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, règle générale, effectivement, on prenait note de cela.

24 Q. Il y a une raison pour laquelle vous preniez ces notes puisque

25 lorsqu'un traitement médical est administré à un patient, pour une maladie

Page 5650

1 donnée, vous voulez savoir dans quelle mesure le traitement abouti ou pas,

2 n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact.

4 Q. S'agissant des documents dont nous avons discuté aujourd'hui, je ne

5 sais pas si vous les avez sous les yeux. Il s'agit de la pièce à conviction

6 P215.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si l'Huissier pouvait remettre ce document

8 P215 au témoin.

9 Q. Si je ne m'abuse, il s'agit de la cote U008-7691. Là, j'essaie

10 simplement de savoir, ces notes datent du 19 février, n'est-ce pas ? C'est

11 à cette date que vous avez vu cette personne-là Gjule Gashi ?

12 R. Oui. Il est inscrit ici 19 juillet 1998. Si vous regardez de plus près.

13 Q. Très bien. Je souhaiterais à présent vous poser des questions à propos

14 d'un autre ensemble de notes. Cote U008-7700. Je crois que la date qui

15 apparaît sur ce document est le 27 mars, date à laquelle vous avez vu

16 Shaban Gashi; est-ce exact ?

17 R. Cela semble être le cas, oui.

18 Q. Maintenant toujours à propos des notes ayant trait à Shaban Gashi, je

19 crois qu'il est marqué 3754/7, à quoi correspond ce chiffre, le savez-

20 vous ?

21 R. Cela doit être le numéro du patient pour autant que je puisse en juger,

22 le mois.

23 Q. Le numéro du patient pour ce mois-là ?

24 R. Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas si c'est le numéro d'un patient pour

25 ce mois-ci ou le numéro total de patients jusqu'à cette date-là.

Page 5651

1 Q. Très bien, vous aviez un système, cela ne fait aucun doute. Un système

2 qui vous permettait de savoir combien de patients étaient venus vous voir.

3 Vous aviez un système en interne qui vous permettait de prendre note d'un

4 numéro de patient; c'est exact, n'est-ce pas ?

5 R. En règle générale, nous prenions des notes dans un carnet. Qu'est-ce

6 que vous entendez par un système en interne ?

7 Q. Un système en interne, un système en interne contient plusieurs choses;

8 le nom du patient, la date à laquelle il est venu vous voir, éventuellement

9 le numéro de ce patient, à savoir combien de patients vous aviez vus avant

10 lui ce jour-là ou ce mois-là, ou au total, et également quelques

11 informations ayant trait à la raison pour laquelle le patient est venu vous

12 voir. Par exemple, quelqu'un est venu parce qu'il a du mal à respirer,

13 quelqu'un d'autre est venu vous voir parce qu'il a une allergie, quelqu'un

14 d'autre encore a besoin de panser une petite plaie ?

15 R. Oui, c'est effectivement ce qu'on faisait en règle générale mais sur

16 base du diagnostic généralement on sait ce que doit être le traitement. Je

17 vous ai dit que ce n'était pas moi qui prenais les notes, par conséquent je

18 ne suis pas à même de vous fournir des informations plus détaillées.

19 Q. S'agissant d'une personne qui avait un problème chronique, une des

20 choses à laquelle vous teniez absolument à veiller était, que vous teniez

21 registre ou pas, c'était d'avoir un registre, des notes, une trace écrite

22 des contacts que vous aviez eus avec ce patient de manière à ce que vous

23 puissiez assurer le suivi d'un traitement, n'est-ce pas ?

24 R. Les conditions dans lesquelles nous travaillions étaient

25 exceptionnelles, donc il ne nous était pas possible de consigner très

Page 5652

1 précisément par écrit, tous les détails. Nous faisions ce que nous pouvions

2 compte tenu des circonstances.

3 Q. Je comprends bien, mais s'agissant des injections, et vous en avez

4 discuté avec M. Whiting, il y a quelques instants --

5 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demanderais peut-être à l'Huissier de

6 bien vouloir présenter le document ou pièce à conviction P217.

7 Q. Vous avez une liste ici qui commence au 31 mai et qui se poursuit

8 jusqu'à, y compris le 25 juillet; est-ce exact ? Peut-être que la dernière

9 date qui figure dans cette liste est celle du 24 juillet.

10 R. Oui, je vois.

11 Q. Y figure la liste de 84 individus ou 84 instants au cours desquels ont

12 été faites des injections. Si j'ai bien compris votre déposition, nous

13 pouvons être relativement certain qu'il s'agit là d'une liste relativement

14 précise des injections qui ont été faites au cours de la période où vous

15 officiez à Lapusnik ?

16 M. WHITING : [interprétation] Une objection, Monsieur le Président. Je

17 crois qu'il est parfaitement manifeste que le témoin a fait tout ce qu'il

18 pu, il a fait de son mieux pour tenir un registre précis.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agissait davantage d'une

20 question, et à mon sens le témoin est parfaitement à même de décider s'il

21 comprend ou ne comprend par cette question.

22 Je vous prie de poursuivre, Maître Guy-Smith.

23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

24 Q. Monsieur, vous souvenez-vous de la question que je vous ai posée?

25 R. Pourriez-vous répéter votre question, je ne suis plus tout à fait sûr.

Page 5653

1 Q. Figurent sur cette liste les noms de quelques 84 individus ou 84

2 instants, au cours desquels des injections ont été faites à des patients;

3 est-ce exact?

4 R. Oui, c'est sûrement le cas.

5 Q. Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit au cours de votre

6 déposition, nous pouvons être relativement sûrs qu'il s'agit là d'une liste

7 précise des injections qui ont été faites au cours de la période au cours

8 de laquelle vous officiez au dispensaire de Lapusnik; est-ce exact?

9 R. Oui, mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas sûr de

10 l'origine de cette liste. Je ne sais pas si cette liste a été dressée sur

11 base des noms, noms de famille qui sont de Lapusnik et des environs, et qui

12 montre que des services ont été administrés dans cette clinique.

13 Q. J'ai une courte question à vous poser. Vous allez peut-être pouvoir

14 nous apporter votre concours, s'agissant de la toute dernière injection qui

15 a été pratiquée, je vous demanderais de bien vouloir porter votre regard

16 sur cette liste et nous dire quelle est la date qui figure pour cette toute

17 dernière injection?

18 R. Cela doit être le 24 juillet 1998.

19 Q. Vous pratiquiez des injections sur des patients dans votre dispensaire,

20 mais ce n'est pas la seule chose que vous y faisiez, n'est-ce pas, nous en

21 avons discuté, vous administriez également des médicaments; est-ce exact?

22 R. Oui.

23 Q. En parcourant les dossiers qui vous ont été soumis par

24 M. Whiting, je n'ai pas trouvé le nom de Haradin Bala en tant que patient

25 que vous auriez traité ou qui aurait eu des contacts avec la clinique dans

Page 5654

1 l'un quelconque des documents qui vous ont été présentés. Je vous prie

2 simplement de me croire sur parole pour l'instant.

3 Une des choses que j'essaie de mieux comprendre ici, c'est que vous

4 nous avez dit que vous avez vu Haradin Bala, à une ou deux reprises, n'est-

5 ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous nous avez dit que vous croyez l'avoir vu entre le début du mois de

8 juin et la fin du mois de juillet, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, je crois, même si je ne suis pas en mesure de vous citer une date

10 exacte.

11 Q. Nous avons déjà parlé de l'entretien que vous avez eu avec l'enquêteur,

12 M. Tucker; vous aviez indiqué le mois de mai comme étant le point de départ

13 de votre travail à Lapusnik et si je ne m'abuse, vous avez, ensuite, dit

14 que vous vous êtes peut-être trompé lorsque vous avez parlé du mois de mai

15 en l'an 2003, n'est-ce pas ?

16 R. Ce que j'ai dit, c'est que la personne qui a consigné cet entretien a

17 peut-être noté la période concernée de manière erronée. Je crois que je

18 n'ai pas vu ce qu'il a écrit, à ce moment-là.

19 Q. Quand vous nous dites que vous n'avez pas lu ce qu'il a écrit, à ce

20 moment-là, est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous n'avez

21 jamais mentionné le mois de mai à M. Tucker, vous n'avez jamais dit à M.

22 Tucker que votre dispensaire était opérationnel à partir du mois de mai ?

23 Est-ce bien cela que vous nous dites ?

24 R. Je peux vous dire que cela a commencé à la fin du mois de mai et au

25 début du mois de juin. De toute façon, il ne s'agit que d'un jour de plus

Page 5655

1 ou de moins et la déclaration que je fais est que nous avons commencé à y

2 travailler au début du mois de juin.

3 Q. Pour être tout à fait clair, M. Bala prétend qu'il est arrivé à

4 Lapusnik peu après la première bataille qui a eu lieu au mois de mai. Selon

5 vous, quand est-ce que cette première bataille a eu lieu ? Parce que je

6 crois que vous avez dit que vous vous trouviez à Lapusnik, à ce moment-là.

7 R. La première bataille, je crois, a dû avoir lieu vers le

8 8 mai, les premiers heurts entre l'UCK et l'occupant serbe.

9 Q. Dans le village de Lapusnik, est-ce que vous savez si les parents de

10 Haradin Bala y habitaient ?

11 R. Oui, je le sais.

12 Q. De qui s'agit-il ?

13 R. La famille Thaqi.

14 Q. S'agit-il d'Ali Thaqi?

15 R. Oui.

16 Q. M. Bala affirme qu'il avait quitté Lapusnik fin mai, en tout cas, au

17 tout début du mois de juin; c'était peut-être à ce moment-là que vous

18 l'avez vu ?

19 R. Je ne me souviens pas de la date exacte. Ce que je vous dis, c'est que

20 j'ai commencé mon travail au début du mois de juin, soit le 1er juin, soit

21 le 2 juin, je ne suis plus absolument sûr, mais c'est à ce moment-là que

22 j'ai commencé à travailler.

23 Q. Quand M. Bala est venu vous consulter, je crois que vous avez dit qu'il

24 se plaignait d'un rythme cardiaque irrégulier; est-ce bien exact ?

25 R. Autant que je m'en souvienne, oui.

Page 5656

1 Q. D'après ce que j'ai compris vous nous avez indiqué qu'il avait, sur

2 lui, des médicaments sous formes de beta bloquants [comme interprété],

3 peut-être d'autres médicaments aussi et vous avez mesuré sa tension; est-ce

4 bien exact ?

5 R. Oui.

6 Q. Aujourd'hui même, est-ce que vous vous souvenez d'avoir pris des notes

7 pour consigner quelle était sa tension, à l'époque, à ce moment-là et s'il

8 était en crise, pour ainsi dire.

9 R. Non, je ne me souviens pas de quoi que ce soit de ce genre.

10 Q. Lorsqu'une personne se plaint d'avoir un rythme cardiaque irrégulier,

11 que comprenez-vous en tant que médecin ?

12 R. Cela indique qu'il souffre d'une condition médicale grave, que son

13 système cardio-vasculaire est en difficulté.

14 Q. Peut-être pouvez-vous nous aider. Est-ce qu'une des choses qui peut

15 affecter le système cardio-vasculaire, c'est la température, j'entends par

16 là la température ambiante ?

17 R. Cela peut affecter le système cardiovasculaire.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez quelle était la température, grosso modo,

19 au cours du mois de mai 1998 ? Je sais que c'est une longue période. Je ne

20 vous demande pas de me citer la température chaque jour, mais est-ce qu'il

21 faisait chaud ? Est-ce que c'était un été chaud ?

22 R. Je ne me souviens pas. Je sais que, normalement, chez nous, le mois de

23 mai n'est pas un mois très chaud.

24 Q. Qu'en est-il du mois de juin ?

25 R. Le mois de juin, il fait, en général, chaud.

Page 5657

1 Q. Est-ce que ce serait exact de qualifier l'été de 1998 comme étant un

2 long été chaud et que les mois de juin et de juillet étaient

3 inhabituellement chauds ?

4 R. Je ne me souviens pas que la chaleur ait été inhabituelle, au cours de

5 ces mois-là.

6 Q. Une personne qui souffre d'une maladie cardio-vasculaire grave et qui

7 se trouve dans une région telle que Lapusnik en été, s'agirait-il d'une

8 personne qui serait capable de faire de gros efforts physiques ? Est-ce que

9 vous pouvez nous le dire sur la base de vos connaissances médicales ?

10 R. Je ne pense pas qu'il pourrait faire de gros efforts physiques.

11 Q. Est-ce que vous pensez qu'une personne souffrant de ce genre de maladie

12 pourrait, par exemple, abattre un arbre pendant dix à 15 minutes ?

13 R. Non, je ne crois pas.

14 Q. Alors, qu'en serait-il du fait de passer à tabac une personne, à l'aide

15 d'un bâton, pendant une demi-heure, de façon incessante.

16 R. Je ne sais quelle réponse vous donner.

17 Q. Du point de vue de l'effort physique que cela demanderait, peut-être

18 pourriez-vous nous aider puisque vous êtes expert en la matière. Je présume

19 que lorsqu'une personne fait un effort physique, cela a un certain nombre

20 de répercussions.

21 M. WHITING : [interprétation] Je formule une objection, Monsieur le

22 Président. Tout d'abord, ces questions me paraissent très vagues, il me

23 semble que c'est de la conjecture. En deuxième lieu, le témoin n'a jamais

24 témoigné qu'il était expert dans ce domaine, c'est-à-dire, les problèmes

25 cardiaques et cardio-vasculaires, il a dit de façon tout à fait précise que

Page 5658

1 sa spécialité était la médecine générale.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que l'objection telle que

3 formulée n'a pas un poids suffisant, sauf pour ce qui est de la première

4 remarque se rapportant aux faits que les questions sont vagues et de nature

5 conjecturale. Je ne vois pas bien où vous vous dirigez et pourquoi. Je

6 présume que vos questions sont bien fondées, mais la façon dont elles sont

7 formulées rendent les choses difficiles, compte tenu de l'expérience

8 limitée, des connaissances limitées du témoin et du fait qu'il est obligé

9 de se souvenir de ce qui s'est passé, il y a un certain temps et sur la

10 base de souvenirs très limités, le souvenir d'avoir vu votre client. Il

11 serait difficile, pour lui, de donner des réponses très générales à

12 questions qui sont très générales sur ce qui aurait été possible du point

13 de vue physique ou quelles auraient été les répercussions de telle ou telle

14 chose, cela me paraît assez ténu.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'apprécie -- enfin, je n'apprécie pas

16 exactement, mais je comprends les réflexions de la Chambre et je pense que

17 la Chambre comprend bien le dilemme auquel je suis confronté.

18 Malheureusement, il n'y avait pas d'expert cardiovasculaire au Kosovo qui a

19 pu examiner M. Bala, à l'époque. De la même manière que le médecin qui

20 disposait de ressources limités à l'époque, je dispose aussi de ressources

21 limitées. Mais tenant compte de ce que vous venez de dire, je ne vais pas

22 poursuivre très longtemps puisque je ne pense pas que vous y prêteriez

23 beaucoup d'attention.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Guy-Smith, pourquoi présumez-

25 vous cela ?

Page 5659

1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'en sais rien, mais c'est simplement ce

2 qu'il me semble.

3 Q. Vous nous avez dit, Docteur, que vous êtes né à Lapusnik et je pars du

4 principe que vous connaissez bien la région ?

5 R. Oui, je connais bien la région, je connais bien, aussi, la vallée.

6 Q. Lorsque vous parlez de "la vallée," si j'ai bien compris votre

7 témoignage, vous nous avez dit aussi que, je crois - si je ne m'abuse - le

8 25, vous avez pris la fuite et vous vous êtes enfui vers les montagnes

9 Berisha.

10 R. C'est exact.

11 Q. La distance entre Lapusnik et ces montagnes Berisha jusqu'au premier

12 village où vous vous êtes rendu, c'était une distance de quelques

13 kilomètres. Est-ce que c'est exact ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous pourriez nous préciser la distance ?

16 R. Je ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais peut-être une

17 distance de quatre à cinq kilomètres.

18 Q. Vous avez parlé d'une vallée, puis, d'une montagne, il y a

19 manifestement une différence de hauteur, pas uniquement d'une distance en

20 termes de kilomètres, mais aussi en termes de différence de hauteur. Est-ce

21 que vous pouvez nous dire, approximativement, jusqu'où vous êtes monté sur

22 les hauteurs ? Entre la vallée jusqu'au aux hauteurs de Berisha ?

23 R. Vous voulez dire l'altitude par rapport au niveau de la mer ?

24 Q. Si vous étiez en mesure de nous dire quelle était l'altitude par

25 rapport au niveau de la mer, l'altitude de la montagne, cela serait

Page 5660

1 parfait.

2 R. Comme je l'ai dit, la distance entre Lapusnik et les hauteurs de

3 Berisha, c'est de quatre à cinq kilomètres, environ, mais je ne sais rien

4 en ce qui concerne l'altitude. Enfin, c'est certainement -- manifestement,

5 une plus grande distance, une plus haute altitude.

6 Q. Lorsque vous avez emprunté ce parcours au mois de juillet, lorsque vous

7 vous êtes enfui, est-ce que c'était facile pour vous de monter sur ces

8 hauteurs ?

9 R. Non, ce n'était pas du tout facile.

10 Q. Pourquoi cela ?

11 R. Parce que nous avons constamment essuyé les tirs de l'ennemi, le chemin

12 était un chemin typiquement montagneux, semé d'embûches et de pierres.

13 Q. Est-ce que vous pensez que votre rythme cardiaque a augmenté pendant

14 cette ascension ?

15 R. Oui, bien entendu.

16 Q. Vous avez dit à M. Whiting que vous n'étiez jamais allé dans un

17 quelconque camp de prisonniers à Lapusnik, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, c'est ce que je lui ai dit.

19 Q. Il s'agit de la vérité ?

20 R. Oui, c'est la vérité.

21 Q. Vous n'avez jamais entendu parler d'un camp de prisonniers à Lapusnik ?

22 R. Non.

23 Q. Je crois que votre réponse n'a pas été entendue.

24 R. Non.

25 Q. Il s'agit de la vérité ?

Page 5661

1 R. Oui, il s'agit de la vérité.

2 Q. Vous avez dit à M. Whiting que vous connaissez quelqu'un dont le nom

3 était un nom que je ne suis pas censé prononcer en audience publique. Je

4 vais demander si vous vous en souvenez, mais je vais demander que nous

5 passions à huis clos partiel.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Audience à huis clos partiel.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

8 [Audience à huis clos partiel]

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 [Audience publique]

22 M. GUY-SMITH : [interprétation]

23 Q. Cette personne a dit qu'il était allé avec vous dans un camp de

24 prisonniers où vous avez vu un garçon albanais qui avait été frappé et que

25 vous n'avez pas pu l'aider. Cela est-il vrai ? Est-ce que vous avez fait

Page 5662

1 cela ?

2 R. Non, c'est faux. Je n'ai jamais rendu visite à qui que ce soit dans une

3 quelconque prison.

4 Q. Est-ce que vous avez une idée de la raison pour laquelle cette personne

5 a dit la chose en question ?

6 R. Non. Je ne sais pas pourquoi il a dit cela.

7 Q. C'est une question que je pose à beaucoup de personnes, mais c'est une

8 question que je vais, également, vous poser. Quelle est votre taille ?

9 Combien mesurez-vous ?

10 R. Je mesure, environ, un mètre 93 ou un mètre 94.

11 Q. Vous vous qualifieriez de grand, n'est-ce pas ?

12 R. Si c'est comme cela que les gens me décrivent. Je ne sais pas.

13 Q. Lorsque vous avez décrit Haradin Bala, vous avez dit qu'il s'agissait

14 d'un homme de taille moyenne, n'est-ce pas ?

15 R. J'ai dit que Haradin Bala était assez haut. Je ne sais pas comment cela

16 a été traduit ou interprété. Il n'est pas de taille moyenne. Il est plutôt

17 grand.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, lorsque vous utilisez le terme de

19 "taille moyenne," ce que vous entendez par là ? Qu'estimez-vous être de

20 taille moyenne ?

21 R. Ce que je pensais, c'est qu'il n'est pas de taille moyenne. C'est qu'il

22 était entre la taille moyenne et la taille maximum.

23 Q. Je vous repose la question : qu'estimez-vous être une taille moyenne ?

24 R. Je ne sais pas comment cela vous a été interprété. Je ne sais pas

25 comment expliquer cela parce qu'il y a petit, de taille moyenne et grand.

Page 5663

1 Il y a des gens qui se trouvent être entre la taille moyenne et la taille

2 maximum. C'est ce à quoi je pensais lorsque je l'ai décrit.

3 Q. Alors, je vais vous poser la question suivante et peut-être que cela

4 vous permettra d'être un peu plus précis et je vais pouvoir vous aider :

5 une personne mesurant 1 mètre 76, cette personne serait-elle petite, de

6 taille moyenne ou grande ? Où se situerait-elle dans votre définition de la

7 taille d'une personne ?

8 R. Un peu au-dessus de la taille moyenne.

9 Q. Un peu plus que la taille moyenne. Certainement pas grand, n'est-ce pas

10 ?

11 R. Oui.

12 Q. Lorsque vous avez parlé avec M. Tucker en 2003, vous lui avez dit,

13 entre autres choses, si je ne me trompe pas - et j'essaie de trouver

14 l'endroit exact - pour autant que vous le sachiez, vous étiez le seul

15 médecin pratiquant la médecine dans ce secteur.

16 R. Exact.

17 Q. Lorsque vous parliez de ce secteur, de quel secteur, précisément,

18 parliez-vous ? S'agissait-il uniquement du secteur de Lapusnik exactement,

19 vraiment la zone de Lapusnik ?

20 R. La zone de Lapusnik et d'autres villages dans le secteur. Il y avait

21 des cas où des patients d'autres villages venaient nous voir au

22 dispensaire.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez de quel autre dispensaire ou clinique

24 dans cette région de Lapusnik, en plus de cet endroit, en particulier, dont

25 vous avez parlé qui était plus une clinique mieux installée à Malisevo ?

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1 R. Je crois qu'il y avait une clinique ambulatoire au village d'Orlat,

2 mais autant que je le sache, il n'y avait pas de personnel médical, là-bas.

3 Il y avait une autre clinique ambulatoire dans un autre village, un peu

4 plus loin.

5 Q. Qu'en est-il du village de Shale ?

6 R. De quel village parlez-vous ?

7 Q. Le village, lui-même, le village de Shale.

8 R. Le village de Shale, le village dont le nom est Shale, Sedlare ?

9 Q. Oui.

10 R. Le village de Shale était à sept ou dix kilomètres dans la partie sud

11 de Lapusnik.

12 Q. D'après vous, il s'agirait, là, d'une distance assez importante.

13 R. Oui.

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci, Docteur.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Guy-Smith. Monsieur

16 Powles, vous avez la parole.

17 Contre-interrogatoire par M. Powles :

18 Q. [interprétation] Docteur Gashi, je m'appelle Steven Powles et je suis

19 l'avocat d'Isak Musliu dont je pense que vous le connaissez et qui est

20 assis derrière moi.

21 Vous avez dit, dans votre déposition, que vous avez été en mesure de suivre

22 des études à l'université de Pristina, mais qu'il y a eu un moment, au

23 Kosovo, où les Albanais du Kosovo ont été obligés de quitter le système

24 universitaire officiel, n'est-ce pas ?

25 R. C'est exact.

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1 Q. Ils ont été obligés d'étudier dans un système parallèle. De la même

2 manière, est-il exact qu'à ce moment-là, les Albanais du Kosovo ont dû

3 quitter certains emplois pour laisser la place à des employés serbes ? Cela

4 est-il exact ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Il est exact, également, de dire que vous n'avez pas été en mesure de

7 pratiquer la médecine de manière officielle, au Kosovo, pendant le début

8 des années 1990 ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'à ce moment-là,

11 les Albanais du Kosovo étaient traités comme des citoyens de seconde zone

12 au Kosovo ?

13 R. Tout à fait.

14 Q. Passons aux mois de mai, juin, juillet de 1998, où vous étiez à

15 Lapusnik, vous avez dit, dans votre témoignage, que les forces serbes et

16 yougoslaves pilonnaient Lapusnik à partir de Komorane; cela est-il exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous ne serez peut-être pas en mesure de m'aider à ce sujet-là, mais

19 peut-être que vous serez en mesure de le faire. D'après vous, si elles

20 l'avaient souhaité, les forces yougoslaves, étaient-elles en mesure de

21 prendre pour cible un bâtiment en particulier et de le détruire à partir de

22 Komorane, s'ils avaient souhaité le faire.

23 M. WHITING : [interprétation] Je vais faire une objection sur le manque de

24 fondement pour cette question.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semble que vous posez une question

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1 qui a une formation médicale, Monsieur Powles et je crois que cette

2 question n'est pas le sujet de la conversation.

3 M. POWLES : [interprétation] Je vais essayer de la poser d'une autre

4 manière.

5 Q. Alors que vous étiez à Lapusnik, Docteur, aviez-vous l'impression que

6 les civils qui étaient à Lapusnik et les biens civils de Lapusnik

7 risquaient d'être pilonnés par les serbes ?

8 R. Oui.

9 Q. En tant qu'expert médical à Lapusnik, à ce moment-là, est-ce que vous

10 avez dû vous occuper de civils qui avaient été blessés à la suite d'un tel

11 pilonnage ?

12 R. Nous n'avons pas eu de cas dû à un pilonnage. Il s'agit de mon opinion,

13 je ne suis pas un expert en logistique, mais il n'y a pas eu de blessés en

14 raison de la situation géographique de Lapusnik. La plupart des personnes

15 que je connaissais ont fait partir leurs familles vers d'autres villages

16 qui étaient plus sûrs.

17 Q. Docteur, est-il exact de dire que vous n'étiez pas, à proprement

18 parler, membre de l'UCK ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Et que vous n'avez pas subi de pression pour faire partie de l'UCK ?

21 R. Non.

22 Q. L'aide médicale que vous avez apportée à Lapusnik, à l'été 1998, était

23 volontaire ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous étiez chargé de l'aide médicale donnée à Lapusnik, à ce moment-là.

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1 Est-il exact de dire, Docteur, qu'il y avait deux autres personnes qui

2 s'occupaient de questions non médicales, à ce moment-là, à Lapusnik, M.

3 Ymer Sopi qui s'occupait de la logistique et M. Rasim Gashi qui apportait

4 une aide concernant les questions de main d'œuvre. S'agit-il de quelque

5 chose dont vous étiez au courant, Docteur ?

6 R. Je ne sais pas du tout parce que je ne me suis occupé que de l'aide

7 médicale, d'apporter une aide médicale à ceux qui en avaient besoin.

8 Q. Est-il exact de dire, Docteur, que pendant cette époque que vous avez

9 passée à Lapusnik, vous n'avez vu aucun membre de la police militaire

10 actif, à ce moment-là, mai, juin et juillet 1998 ?

11 R. Je ne comprends pas la question. De quelle police militaire ?

12 Q. Il est exact de dire, Docteur, que vous n'avez pas vu de soldats de

13 L'UCK portant des uniformes noirs avec des insignes PU de la police

14 militaire sur les manches ?

15 R. Des soldats avec des uniformes noirs, j'en ai vu autant que je me

16 souvienne, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne me suis occupé

17 uniquement que des questions médicales et nous ne nous intéressions pas aux

18 autres questions.

19 Q. Mais ces soldas portaient des uniformes noirs et n'étaient pas des

20 membres de la police militaire ou s'agit-il de quelque chose dont vous

21 n'avez pas connaissance ?

22 R. Je ne sais pas.

23 M. POWLES : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est, mais je n'ai que

24 quelques questions à poser au docteur.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il nous faut pourtant nous arrêter et

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1 il nous faudra reprendre demain.

2 M. POWLES : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Docteur Gashi, il nous faut nous

4 arrêter à présent et nous reprendrons demain à

5 14 heures 15. Si vous pouvez revenir pour terminer votre témoignage à ce

6 moment-là. Merci.

7 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 12 avril

8 2005, à 14 heures 15.

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