Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 26 mai 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semblerait que les problèmes

7 techniques aient été résolus et que nous soyons en mesure de commencer.

8 Monsieur Churcher, permettez-moi de vous rappeler que vous avez prononcé

9 une déclaration solennelle au début de votre déposition et que cette

10 déclaration continue de s'appliquer.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Nicholls.

13 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 LE TÉMOIN: BOB CHURCHER [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 Contre-interrogatoire par M. Nicholls : [Suite]

17 Q. [interprétation] Monsieur Churcher, c'est ma faute, pas le vôtre, mais

18 on m'a demandé de ménager une pause entre mes questions et vos réponses, de

19 manière à ce que les interprètes, ainsi que la sténotypiste, puissent nous

20 suivre. Essayons de nous en souvenir.

21 R. Tout à fait.

22 Q. Il y a une chose qui mérite une précision, une chose que nous avions

23 abordée hier. Lorsque vous étiez en Tanzanie et lorsque vous travailliez

24 sur le projet concernant les mineurs autochtones, le nom de l'entreprise

25 qui vous employait, était-elle Tanzania KK ?

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1 R. C'était une entreprise kényane, KK, qui s'appelait "KK Security."

2 Q. Très bien. Lorsque nous nous sommes quittés hier, nous parlions de la

3 manière dont vous aviez préparé votre rapport dans cette affaire. Nous

4 parlions des différents projets de rapport que vous aviez préparés. Combien

5 y en a-t-il eu au total ?

6 R. 16.

7 Q. Ce que nous avons sous les yeux, c'est la 16e version, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Lorsque vous avez envoyé ces projets de rapport à la Défense, vous ont-

10 ils fourni des observations sur ces différents jets ?

11 R. Je crois que je n'ai envoyé qu'un seul projet à la Défense. Les autres,

12 je les utilisais moi-même pour suivre les modifications que j'y avais

13 apportées. Par la suite, nous avons eu une conversation téléphonique, mais

14 elle ne portait pas directement sur le rapport. Il souhaitait simplement

15 que je poursuive et que j'élargisse mon travail, et ceci s'est passé au

16 mois de janvier.

17 Q. Très bien.

18 R. Vous m'avez posé des questions sur les rapports que j'avais reçus, et

19 en réalité, ils se trouvent sur une liste qui figure à la suite du rapport.

20 Si j'ai reçu quelque chose, c'est surtout le rapport de M. Coo, ainsi que

21 deux autres documents, un ou deux, en tout cas.

22 Q. Bien. Il n'y a pas de liste à la suite de votre rapport, mais tous les

23 rapports et toutes les transcriptions que vous avez reçus, vous vous les

24 avez commentés dans le corps du texte de votre rapport, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. Tout ce que j'ai reçu avant la rédaction de cette 16e version,

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1 effectivement, j'en ai traité dans le corps du texte du rapport.

2 Q. Très bien.

3 R. En fait, comme vous le voyez, il y a plusieurs titres qui apparaissent

4 également après le rapport.

5 Q. Très bien, c'est très clair. Merci.

6 A titre d'information, avez-vous reçu des retranscriptions ou des comptes

7 rendus tout à fait complets, ou des déclarations, ou des versions

8 partielles de ces documents ?

9 R. Je crains de ne pouvoir vous répondre, mais je suppose que la majorité

10 des documents que j'ai reçus étaient des versions complètes, même si

11 certains se trouvaient dans des formats distincts. D'autres documents

12 étaient des traductions. D'autres étaient dans leur version originale.

13 Q. Lorsque vous les avez obtenus, vous a-t-on indiqué les parties de ces

14 documents qui présentaient une pertinence particulière ?

15 R. Non.

16 Q. A la page 6, au paragraphe 1 de votre rapport - je suis sûr que vous

17 n'avez pas besoin de consulter ce passage. Vous dites : "En lisant les

18 documents relatifs à l'affaire Fatmir Limaj." Ici, vous faites référence à

19 tous les documents qui vous ont été remis par la Défense ?

20 R. Oui, à tout ce que j'ai vu.

21 Q. Emanant de la Défense ?

22 R. Oui.

23 Q. Bien.

24 R. Je n'ai pas vu d'autres documents émanant de toute autre source.

25 Q. Une petite question brève : avant leur arrestation, aviez-vous

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1 rencontré l'un ou l'autre des trois accusés ?

2 R. Non.

3 Q. Merci.

4 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, vous devriez disposer

5 d'une série de documents nouveaux. Ces documents ont été fournis au témoin

6 à la fin de sa déposition hier.

7 Q. N'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Avez-vous eu le temps d'examiner ces documents ?

10 R. Oui. Merci.

11 Q. Ma première question sera la suivante, et elle portera sur votre

12 relation avec Shirley DioGuardi. La connaissez-vous, cette femme ?

13 R. Oui, je l'ai rencontrée deux fois. J'ai eu des conversations avec elle

14 au téléphone, peut-être à trois ou quatre reprises, en plusieurs années, de

15 nombreuses années d'ailleurs, et de temps en temps elle me transmettait par

16 courrier électronique des articles qui pouvaient être susceptibles de

17 m'intéresser.

18 Q. Elle est l'un des directeurs, je pense que c'est ainsi que l'on

19 pourrait la qualifier, directeur de la Ligue civique des Albanais

20 d'Amérique aux Etats-Unis.

21 R. C'est exact.

22 Q. Quand l'avez-vous rencontrée pour la première fois ?

23 R. Nous nous sommes rencontrés brièvement à la fin des années 90 à

24 Heathrow. Mais je ne saurais vous dire en quelle année, exactement. Par la

25 suite, je ne l'ai pas rencontrée pendant très longtemps.

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1 Q. Entreteniez-vous une relation professionnelle avec elle, ou s'agissait-

2 il simplement d'une relation personnelle, parce que vous vous intéressiez

3 au sort des Albanais du Kosovo ?

4 R. Oui, cette dernière description correspond tout à fait.

5 Q. Etes-vous en contact avec elle aujourd'hui encore ?

6 R. Oui.

7 Q. Et son mari Joseph ?

8 R. Je l'ai rencontré au moment où je l'ai rencontré, elle, mais il n'y a

9 pas eu de conversations substantielles. Nous avons bu un café, nous nous

10 sommes dit bonjour, ravi de vous rencontrer, et c'était tout.

11 Q. Bien. Etiez-vous relativement d'accord avec leur position vis-à-vis du

12 problème du Kosovo ?

13 R. Je ne dirais pas que j'étais "généralement d'accord," comme vous le

14 dites. Comme vous le savez, il y a d'autres organisations qui s'intéressent

15 au Kosovo, et je suis resté en contact avec de nombreuses personnes. Mais

16 je ne me qualifierais pas comme étant "d'accord," même si je ne me suis pas

17 opposé sur telle ou telle question avec elle, en tout cas, pas à mon

18 souvenir.

19 Q. J'aimerais vous poser des questions concernant le document qui se

20 trouve à l'intercalaire numéro 2. Il s'agit du procès-verbal des séances

21 qui ont eu lieu devant le comité sur les Relations internationales au sein

22 de la Chambre des représentants. Il s'agit de discussions qui ont eu lieu

23 sous la présidence de Henry Hyde.

24 Rendez-vous à la page 52 de ce texte. Le témoignage de Shirley DioGuardi.

25 Elle dit, et c'est inscrit au compte rendu : "Pour le compte rendu avec

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1 votre autorisation, Monsieur le Président, j'aimerais vous présenter une

2 déclaration de Bob Churcher, qui travaille pour le ministère des Affaires

3 étrangères britanniques et qui a été également directeur du groupe chargé

4 de l'analyse des crises internationales à Pristina sur cette même question.

5 Selon lui, la plupart des Serbes ne rentreront pas, si ce n'est que pour

6 vendre leurs maisons et s'en aller."

7 On poursuit à la page suivante. On trouve un bref rapport ou une lettre

8 émanant de vous, intitulée "La solution pour le Kosovo : l'indépendance."

9 R. C'est exact.

10 Q. Quand, Mme DioGuardi, vous a-t-elle demandé de fournir ces éléments ?

11 R. D'après la date qui figure sur la lettre, ce devait être en avril, mais

12 je ne sais pas exactement quand. Cette lettre est en fait un texte revisité

13 que j'avais rédigé deux années auparavant pour le groupe chargé de

14 l'analyse des crises internationales afin de l'inclure dans un petit

15 ouvrage qui allait être publié par le comité suédois sur l'indépendance au

16 Kosovo. Elle m'a demandé si je pouvais contribuer, et j'ai répondu que je

17 le ferais volontiers.

18 Q. Très bien. C'était le 21 septembre [comme interprété] 2003. En tout

19 cas, votre lettre porte la date du 4 mai.

20 J'aurais une question ou deux à vous poser concernant cette lettre. Au

21 premier paragraphe, au milieu à peu près, vous dites : "L'appel lancé par

22 les Nations Unies et l'Europe a été, 'l'adoption de normes avant l'adoption

23 d'un statut particulier.' Ceci a été interprété comme une demande visant à

24 accorder davantage de droits aux Serbes demeurant dans la province.

25 Toutefois, il y a peu de chance pour que cela se produise néanmoins alors

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1 que ces Serbes, encore récemment, étaient à la fois des dictateurs et des

2 oppresseurs et pourraient bien le rester si la province devait être à

3 nouveau placée sous le régime serbe."

4 C'est ce que vous dites dans cet article. Confirmez-vous cela ?

5 R. Je ne faisais que refléter l'opinion des Kosovars. Ce n'était pas mon

6 opinion personnelle.

7 Q. Dans ce même passage, cette déclaration dit que les Serbes étaient des

8 dictateurs et des oppresseurs. Il ne dit pas que ceci reflète "l'opinion

9 des Albanais du Kosovo."

10 R. Oui. Peut-être que j'aurais pu le préciser.

11 Q. Oui.

12 R. Mais vous voyez la pensée politique qui est exprimée ici. Quand les

13 gens n'aiment pas être dirigés par quelqu'un d'autre, ils essaient de s'en

14 débarrasser, de manière à ce que cette domination arrive à son terme.

15 Q. Ce que vous disiez ici, ce n'était pas d'essayer de suggérer que les

16 Serbes tout à fait ordinaires qui vivaient sur place et dont nombre d'entre

17 eux sont maintenant des réfugiés étaient tous des dictateurs et des

18 oppresseurs, j'espère ?

19 R. Comme vous le savez, vers la fin de la guerre au Kosovo, presque tous

20 les hommes serbes adultes en âge de servir militairement ont été engagés

21 dans les forces de sécurité d'une manière ou d'une autre. Bien entendu,

22 ceci allait, sans aucun doute, entraîner des problèmes avec leurs voisins

23 kosovars au moment de leur retour.

24 Q. Est-ce que ce que vous essayez de dire dans ce passage c'est que les

25 Serbes qui vivaient au Kosovo étaient des dictateurs ou des oppresseurs, ou

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1 pas ?

2 R. Ce que je voulais dire ici, c'était que leurs voisins du Kosovo, ou

3 nombre d'entre eux en tout cas, sans doute une majorité, allaient avoir

4 cette opinion-là. Nous parlons ici de la possibilité qu'auraient les Serbes

5 de rentrer chez eux. Ce n'est pas mon opinion personnelle quant aux

6 caractéristiques à ce qu'étaient les Serbes. J'ai un certain nombre de

7 Serbes parmi mes amis, et notamment des Serbes qui occupent des postes au

8 sein du gouvernement.

9 Q. Mais peut-être qu'ici vous auriez dû écrire les choses de manière

10 différente; c'est vous-même qui le dites, n'est-ce pas ? C'est un peu

11 déraisonnable de faire une déclaration de ce type dans un document qui

12 allait être soumis à des représentants du congrès sur le Kosovo, document

13 dans lequel il est dit que les Serbes qui restaient sur place étaient des

14 dictateurs et des oppresseurs ?

15 R. Avec le recul, effectivement, mais vous présentez une interprétation

16 qui n'est pas la mienne.

17 Q. Passons maintenant à la page 54. "La manière censée de répondre à cette

18 question, c'est d'accorder au Kosovo son indépendance, peut-être toutefois

19 en prévoyant des garde-fous importants afin que les droits des minorités

20 soient préservés."

21 Vous dites "peut-être". Est-ce simplement facultatif ?

22 R. Non. Il s'agit simplement d'établir un équilibre entre l'indépendance

23 possible et les demandes des Kosovars vers une indépendance immédiate, et

24 je crois qu'il faut remettre ce document dans son contexte et le lire

25 ainsi. Je pense qu'un certain nombre de gens seraient tout à fait à même de

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1 comprendre ce que je voulais dire dans ce document.

2 Q. Excusez-moi, je n'ai pas très bien compris votre réponse. De quel

3 équilibre parlez-vous ? Ici, vous parlez de garde-fous importants afin de

4 veiller à ce que les droits des minorités soient préservés. Ceci n'est pas

5 important ?

6 R. Bien entendu, j'aurais pu dire les choses autrement. J'aurais peut-être

7 pu dire "évidemment" ou "avec, bien entendu." Peut-être que je n'ai pas

8 nécessairement utilisé le terme le plus approprié.

9 Q. Donc, ce que vous dites, c'est que vous vouliez dire "bien entendu,"

10 mais vous avez écrit peut-être.

11 R. Mon opinion personnelle c'est qu'il devrait y avoir des garde-fous,

12 effectivement, mais ici, j'écrivais ce document, voilà.

13 Q. Avec l'aide de M. l'Huissier peut-être, je crois qu'il nous faudrait

14 faire en sorte que les micros soient un petit peu plus près de vous afin

15 que vos propos soient bien enregistrés.

16 Au bas de cette page, vous dites : "On pourrait peut-être considérer qu'il

17 y a une solution manifeste en créant deux Etats concrets, la Serbie et le

18 Kosovo, où des populations souhaiteraient véritablement coexister, mais

19 l'Europe, bien entendu, est tout à fait contre toute forme de modification

20 des frontières."

21 Il semblerait véritablement que vous êtes en train de promouvoir la

22 constitution de deux Etats purs d'un point de vue ethnique.

23 R. Non. J'encourage des Etats mixtes dans lesquels les gens se sentent en

24 sécurité parce qu'ils savent par qui ils sont dirigés. Nous avons observé

25 un certain nombre de conflits, dans la région que l'on appelle maintenant

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1 le Kosovo depuis 1913, ponctuellement, tous les dix ans à peu près, et je

2 crois qu'il est grand temps que nous trouvions une solution.

3 Q. Oui. Mais, Mme DioGuardi a introduit votre rapport précisément pour la

4 proposition selon laquelle les Serbes ne souhaitent pas véritablement vivre

5 au Kosovo.

6 R. Malheureusement pas, bien entendu, après les événements de 1998 et

7 1999. Aucun Serbe ne peut y gagner sa vie. Il n'y a pas de travail, de

8 toute façon, ni pour les Kosovars, et encore moins pour les Serbes.

9 Q. Bien. Votre position était qu'aucun Serbe ne souhaitait vivre au

10 Kosovo.

11 R. Non, non pas du tout. Je n'ai pas dit cela, nulle part d'ailleurs. Ce

12 que j'essayais de faire comprendre ici, ce que je suggérais, c'est qu'il y

13 avait des Serbes en âge de travailler, qui avaient besoin de travail, et

14 qui souhaitaient pouvoir subvenir aux besoins de leur femme, envoyer leurs

15 enfants à l'école, et que ces derniers rencontraient des difficultés

16 considérables. L'expérience a montré que les Serbes qui rentraient sur

17 place vendaient leurs maisons et déménageaient ailleurs.

18 Q. Avez-vous pris le temps de parler avec des réfugiés serbes après la

19 guerre ?

20 R. Oui, j'ai passé beaucoup de temps à parler à des Serbes et à des

21 réfugiés qui se trouvaient au Kosovo.

22 Q. Vous ne les avez pas entendus parler de leurs vœux, qui étaient de

23 rentrer chez eux, de retrouver leurs maisons, leurs fermes, l'endroit où

24 ils allaient vivre avec leur famille, où ils vivaient depuis des

25 générations au Kosovo ?

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1 R. Si, chez les personnes âgées particulièrement.

2 Q. Bien. A la page 55, je poursuis avec la phrase suivante et la suivante.

3 La phrase qui m'intéresse est la suivante : "Les choses sont allées si loin

4 que des pressions énormes ont été exercées ainsi que des menaces proférées

5 afin de maintenir la Serbie et le Monténégro ensemble, même s'il est

6 manifeste qu'il existe désormais une majorité de Monténégrins qui

7 souhaitent se séparer des Serbes et qu'il y a un nombre relativement

8 important de Serbes qui seraient heureux de les voir partir." Que voulez-

9 vous dire par là ?

10 R. Reformulez votre question de manière plus précise.

11 Q. Que voulez-vous dire dans cette phrase ?

12 R. Je parle ici du contexte à l'époque et de l'idée de l'Union européenne

13 selon laquelle si le Monténégro et la Serbie étaient séparés, ceci créerait

14 les conditions propices à l'indépendance du Kosovo. Ce n'est pas une

15 opinion que j'avais moi-même, mais c'est une opinion que vous connaissez

16 peut-être, qui a déjà été exprimée. L'idée a été avancée de maintenir le

17 Monténégro et la Serbie ensemble, et que cette unité devienne ainsi une

18 entité yougoslave.

19 Ce que j'ai dit ici, c'est que j'ai une certaine expérience au Monténégro,

20 que j'ai parlé au Monténégrins à l'époque, et que l'idée du gouvernement

21 était une séparation ou une division.

22 Q. Bien, et les Serbes auraient été ravis de les voir partir, c'est bien

23 ce que vous disiez ?

24 R. De nombreux Serbes effectivement considéraient que le maintien du

25 Monténégro constituait un fardeau du point de vue économique.

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1 Q. Au paragraphe suivant, il est question de ressources et d'argent

2 supplémentaire pour les Nations Unies.

3 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a malheureusement pas le temps de donner

4 lecture de l'ensemble de la phrase.

5 M. NICHOLLS : [interprétation]

6 Q. Lorsque vous travailliez au Timor, avez-vous gonflé les chiffres afin

7 d'obtenir davantage d'argent ?

8 R. Je ne travaillais pas sur le budget au Timor, ce n'était pas quelque

9 chose que j'avais besoin de faire. Quoi qu'il en soit, c'est une source

10 permanente de conflits entre le programme alimentaire mondial et le HCR en

11 ce qui concerne les enregistrements des uns et des autres, cette question a

12 toujours été extrêmement complexe, a toujours mené à des difficultés. Il

13 est naturel que l'on ait tendance à gonfler les chiffres.

14 Q. Mais là encore, n'est-ce pas un peu déraisonnable de dire cela ? N'est-

15 ce pas là une déclaration extrêmement globale de dire que les institutions

16 des Nations Unies exagèrent les chiffres pour obtenir davantage de

17 ressources ? Ce n'est pas un peu irresponsable dans ce type de document ?

18 R. Non, c'est vrai.

19 Q. Au paragraphe suivant : "La plupart des Serbes qui envisagent de

20 rentrer, planifiaient de rentrer, d'obtenir des subventions pour

21 reconstruire leurs habitations afin de vendre et de partir. Ceux qui sont

22 restés sont les cas sociaux."

23 R. Si vous aviez été au Kosovo, vous auriez pu observer cette situation

24 sur le terrain. A l'extérieur de l'enclave traditionnelle Srpska où se

25 trouvait des Serbes qui étaient restés, dans les autres régions il n'aurait

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1 pas été viable pour eux de revenir.

2 Q. Bien. Tout ce qui est l'objectif de ce document, c'est de faire en

3 sorte que Mme DioGuardi convainque le Congrès que les Serbes souhaitaient

4 partir définitivement du Kosovo, qu'ils ne voulaient rentrer sur place que

5 pour exploiter le système.

6 R. Je ne voulais pas dire qu'ils voulaient "exploiter le système", cela

7 dépasse ma pensée. Mais un certain nombre de documents ont été publiés

8 récemment, ils confirment tous que le principe de Lausanne s'applique. Il y

9 a de nombreux documents à l'appui de cela.

10 Q. Beaucoup de gens voulaient rester sur place car ils étaient originaires

11 de cette région et que leurs familles s'y trouvaient.

12 R. "Un certain nombre", mais pas "tous".

13 Q. Le document que je voudrais vous montrer à présent figure à

14 l'intercalaire 1.

15 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai trouvé ce

16 document sur un site Internet le week-end dernier. On peut voir d'abord à

17 la page de garde, il s'agit du site de la Ligue civique des Albanais vivant

18 aux Etats-Unis, les trois dernières -- le lien apparaît sur la page de

19 garde.

20 Q. Avez-vous lu cet article hier soir ?

21 R. Oui.

22 Q. Permettez-moi de finir ma question. Mme DioGuardi dit que : "Le Kosovo

23 met fin au silence."

24 R. Oui, j'ai lu cet article.

25 Q. Il est daté du 11 mars 2003, soit un mois avant que vous lui présentiez

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1 votre rapport afin qu'elle le présente au Congrès, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Veuillez parler plus fort, s'il vous plaît.

4 R. Excusez-moi.

5 Q. Je ne vais pas lire l'intégralité de cet article, mais il s'agit de

6 commentaires et de réflexions à l'occasion de la commémoration du cinquième

7 anniversaire des événements terribles qui se sont déroulés à Prekaz et au

8 sein de la famille Jashari, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Au deuxième paragraphe, en page 2, Mme DioGuardi écrit : "Si nous

11 voulons garder la foi pour ce qui est des héros albanais comme Adem

12 Jashari, nous devons nous opposer vigoureusement à toutes tentatives visant

13 à représenter de façon erronée le Kosovo à l'échelle mondiale, ce qui peut

14 être utilisé comme un prétexte pour son découpage et je pense que nous

15 pourrions commencer par criminaliser l'UCK et l'acte d'accusation établit

16 récemment à l'encontre de Fatmir Limaj, Haradin Bala et Isak Musliu par le

17 Tribunal chargé des crimes de guerre de La Haye. Ces hommes se voient

18 reprocher des crimes qui ont été commis avant la guerre. A la suite des

19 pressions exercées par la Serbie et ses alliés, La Haye crée une parodie

20 entre les combattants de la liberté de l'UCK qui combattent pour la

21 libération d'un peuple et les criminels de guerre serbes qui ont commis des

22 actes de terrorisme d'Etat, d'occupation et de génocide. Nous devons

23 informer l'occident de cette parodie de justice et nous devons lever le

24 voile sur les Albanais qui ont collaboré à ces arrestations."

25 Est-ce que ce n'est pas une déclaration quelque peu inquiétante ?

Page 6412

1 R. Oui, je n'ai pas lu cet article auparavant. Je pense qu'il s'agit d'une

2 déclaration visant à recueillir des fonds à l'américaine, on exagère un peu

3 ici les choses afin d'obtenir de l'argent, mais je ne suis certainement pas

4 d'accord avec ce type de déclaration. Je n'ai rien d'autre à ajouter à ce

5 sujet, ce n'est pas moi qu'il l'ait écrit et ce n'est pas ce que je pense.

6 Q. Le terme de "collaborateur" a une signification très particulière et

7 très grave au Kosovo, au sein de la communauté albanaise, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, certainement dans le contexte de propagande de l'époque.

9 Q. Vous n'avez pas ressenti le besoin de vous pencher davantage sur les

10 opinions de Mme DioGuardi telles que publiées sur ce site Internet à

11 l'époque où vous lui fournissiez des documents pour qu'elle les utilise à

12 l'appui de sa thèse ?

13 R. Comme je l'ai déjà expliqué, ce document est une version revisitée d'un

14 document que j'avais produit alors que je travaillais pour le groupe chargé

15 de l'étude des crises internationales. Je ne voyais pas de problème à ce

16 que ce document soit publié.

17 Q. Mais cette personne avec qui vous avez eu des contacts prenait la cause

18 albanaise et en même temps demandait à ce que l'on lève le voile, que l'on

19 expose les collaborateurs qui ont conduit à l'arrestation des accusés en

20 l'espèce.

21 R. Personnellement, le fait de fournir des documents au Congrès des Etats-

22 Unis ne représente pas pour moi un acte de collaboration avec qui que ce

23 soit.

24 Q. Ce n'est pas ce que je vous disais.

25 R. Excusez-moi, je vous ai mal compris alors.

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1 Q. En fait, vous avez prôné la cause des Kosovars albanais de cette

2 manière en fournissant à Mme DioGuardi ces documents alors que vous saviez

3 pertinemment qu'elle allait les utiliser afin de persuader le Congrès

4 américain d'adopter le point de vue des Albanais vivant aux Etats-Unis.

5 Vous saviez pourquoi ce document serait utilisé.

6 R. Cela ne posait pas de problème.

7 Q. Cela ne vous pose aucun problème non plus d'être associé à des

8 personnes qui écrivent ce type d'article ?

9 R. Je ne suis pas associé de quelque manière que ce soit avec cette

10 personne. Elle a présenté un document que j'ai rédigé au Congrès, n'importe

11 qu'elle personne aurait pu le faire et cela ne me pose aucun problème.

12 Q. Très bien.

13 R. En outre, je souhaite ajouter que je n'ai pas été payé pour ce

14 document.

15 Q. Très bien. Document suivant. Pour en terminer avec le sujet du rapport

16 que vous avez rédigé et qui a été présenté dans le cadre cette procédure :

17 "Etes-vous d'accord avec l'opinion exprimée par Stacy Sullivan selon

18 laquelle dans les années 1980 et les années 1970 il y avait des efforts

19 concertés et tacites visant à expulser les Serbes du Kosovo ?"

20 R. Je ne me souviens pas avoir cité cela.

21 Q. Vous ne l'avez pas cité mais vous mentionnez le livre de Stacy Sullivan

22 comme l'une de vos sources.

23 R. Oui.

24 Q. Etes-vous d'accord avec ce qu'elle affirme dans son livre ?

25 R. Pas avec ce que vous venez de dire, je ne l'aurais pas exprimé ainsi,

Page 6414

1 non.

2 Q. [aucune interprétation]

3 R. [aucune interprétation]

4 Q. Très bien. Passons à l'intercalaire numéro 3, il s'agit d'un rapport de

5 la MCCE intitulé, "Kosovo, tendances actuelles de la politique au Kosovo."

6 Est-ce que vous reconnaissez ce document ?

7 R. Je l'ai examiné hier soir, mais je vois qu'il n'y a pas de signature.

8 Q. Pensez-vous l'avoir rédigé, pensez-vous en être l'auteur ?

9 R. Je pense que oui, parce que je ne peux penser à personne d'autre qui

10 était présent à l'époque au sein de la mission et certaines phrases me

11 semblent familières, mais je ne m'en suis pas sûr.

12 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrait-on passer à huis clos partiel pour

13 quelques instants.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

16 [Audience à huis clos partiel]

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

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12 [Audience publique]

13 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

14 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrait-on remettre un exemplaire au

15 témoin, s'il vous plaît. Aux fins du compte rendu d'audience, je précise

16 qu'il s'agit du document R0057722 jusqu'à 24. Il s'agit du rapport de la

17 MCCE daté du mois de janvier 1995.

18 Q. Monsieur le Témoin, je vous renvoie à la dernière page de ce document,

19 s'agit-il de votre signature ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous souvenez-vous d'avoir rédigé ce rapport ?

22 R. Non, si je m'en étais souvenu je vous l'aurais dit aussitôt.

23 Q. A présent, est-ce que vous vous en souvenez maintenant que vous voyez

24 votre signature ?

25 R. J'accepte ce que vous me dites, mais je ne m'en souvenais pas, mais

Page 6416

1 très bien je reconnais que j'ai dû le rédiger.

2 Q. Deux questions à ce sujet. A l'époque en 1995, je vous renvoie au

3 paragraphe (e), vous aviez la même opinion, n'est-ce pas ?

4 Ici vous prévoyez certains événements ultérieurs et on peut lire : "Enfin,

5 vient la possibilité qui survient dans la plupart des conflits que la

6 République fédérale de Yougoslavie se rendra compte qu'elle ne peut pas se

7 permettre les coûts liés à la répression menée par la police et l'armée au

8 Kosovo et le fait que les installations de base telles que de nouvelles

9 écoles et des hôpitaux manquent en raison des coûts liés au fait de

10 maintenir en son sein une province où très peu de Serbes, voire aucun ne

11 souhaite vivre."

12 R. Oui.

13 Q. C'était votre opinion à l'époque en 1995, à savoir que peu de Serbes,

14 voire aucun ne souhaitait vivre au Kosovo ?

15 R. Si vous vous reportez aux chiffres émanant des recensements de 1971,

16 1981 et 1991, et le déclin qui apparaît et le fait que beaucoup de Serbes

17 quittent le Kosovo, c'est un fait.

18 Q. Mais là encore, ne pensez-vous pas qu'il est quelque peu déraisonnable

19 ou imprudent de dire que "peu de Serbes, voire aucun, ne souhaite

20 réellement vivre au Kosovo," alors qu'il y a des milliers de personnes qui

21 veulent y vivre et qui y vive encore et qui sont d'appartenance ethnique

22 serbe ?

23 R. Certes, mais le pourcentage de cette population ne cessait de diminuer,

24 les personnes âgées restaient sur place et malheureusement, les personnes

25 plus jeunes quittaient le Kosovo afin d'obtenir du travail ailleurs.

Page 6417

1 Q. Là encore, ce n'était dû à des efforts concertés visant à les expulser

2 de cette région dans les années 1970 et 1980, vous n'êtes pas d'accord avec

3 Stacy Sullivan sur ce point.

4 R. Je n'ai pas parlé de campagne, d'effort concerté. Je n'y ai jamais cru.

5 Il s'agit de pressions économiques normales qui poussent certaines

6 personnes à abandonner une région rurale pour aller vivre dans les villes

7 où ils ont plus de chance de trouver du travail. Il n'y avait pas d'argent.

8 Après Tito, la Yougoslavie était en plein effondrement. Il s'agissait d'une

9 tendance générale.

10 Q. Je souhaiterais vous poser quelques questions supplémentaires au sujet

11 de votre opinion, concernant la structure militaire de l'UCK en 1998. En

12 page 4 de votre rapport, vous dites la chose suivante : "L'UCK, à la fin

13 des années 1990, était composée de groupes disparates disposant de diverses

14 sources de soutien, ayant des opinions politiques différentes, des

15 allégeances différentes, même si ces groupes partageaient tous les mêmes

16 aspirations. Mais il n'y avait pas de commandement cohérent ou efficace au

17 sens militaire avant peu de temps avant la fin de la guerre." "Avant la fin

18 de la guerre," vous voulez parler de juin 1999 ?

19 R. Oui, après juin 1999.

20 Q. Très bien. Vous parlez de la question de l'état-major général

21 également. Page 5, vous dites : "Il est parfaitement possible qu'il y ait

22 eu plus d'un état-major général." En page 6, paragraphe 3, vous dites : "Il

23 n'existe aucune preuve concrète de l'existence d'un tel groupe, ni de

24 l'endroit où il aurait pu se trouver."

25 R. C'est exact.

Page 6418

1 Q. En page 27, vous dites : "S'il existait véritablement un état-major

2 général, afin d'établir une distinction avec plusieurs groupes d'individus

3 sans contacts entre eux."

4 Vous faites rapport à l'entretien accordé par Sulejman Selimi en page 27 de

5 votre rapport également. Savez-vous qu'il a témoigné au sujet du fait qu'il

6 était membre de l'état-major général ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous citez également Jakup Krasniqi en page 30 de votre rapport. Vous

9 avez lu sa déposition. Vous savez, n'est-ce pas, qu'il a déclaré avoir été

10 membre de l'état-major général ?

11 Ces deux hommes, ainsi que leurs dépositions en l'espèce, et probablement

12 tous les documents qui vous ont été remis par la Défense, indiquent qu'il

13 existait un état-major général, et un seul, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, mais je souhaiterais apporter quelques explications.

15 Q. Dans quelques instants. Il existe des preuves selon lesquelles l'état-

16 major général, pendant quelque temps, avait son siège à Divjak, n'est-ce

17 pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Il existe des preuves selon lesquelles les membres de l'état-major

20 général se déplaçaient pour des raisons de sécurité, et ce de façon

21 fréquente.

22 R. Oui.

23 Q. M. Limaj lui-même a déclaré, dans sa déposition, avoir été membre de

24 l'état-major général, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 6419

1 Q. Je pense qu'il en sait davantage au sujet de l'état-major général que

2 vous.

3 R. Je suis sûr que oui.

4 Q. Je pense que maintenant, compte tenu du fait que vous avez fait mention

5 à plusieurs reprises du fait qu'il n'y avait "pas d'état-major général," ou

6 "qu'il y en avait plusieurs," peut-être le moment serait-il opportun pour

7 que vous nous expliquiez ce que vous vouliez dire par là.

8 R. A l'époque, en 1998, le concept d'état-major général était flou,

9 certainement pour une personne de l'extérieur. Par la suite, il est devenu

10 manifeste qu'il y avait différents cercles ou groupes au sein de l'état-

11 major général. L'état-major général était une organisation politique qui

12 correspondait au Politbureau. Il ne s'agissait pas d'une structure de

13 commandement militaire comme vous l'entendez ou comme je l'entends. En

14 1998, il s'agissait d'une organisation composée d'un certain nombre

15 d'individus.

16 Comme il ressort de la déposition de M. Limaj, dont je ne disposais pas au

17 moment où j'ai rédigé mon rapport, ce dernier n'établissait pas de

18 distinction entre les représentants de l'état-major général et les membres

19 de l'état-major. Lui-même occupait un poste assez important et il savait ce

20 qui se passait sur le terrain à l'époque. Il est difficile d'interpréter,

21 d'une manière précise, le concept d'état-major général. Il s'agit d'une

22 structure assez floue, assez générale, de commandement militaire. Il y

23 avait des groupes d'individus localisés à différents endroits, à différents

24 moments, qui se rassemblaient par groupes de deux ou trois personnes. Un

25 certain nombre d'entre eux se sont retrouvés à Divjak, et même les

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1 personnes se trouvant à proximité immédiate de cet endroit ne le savaient

2 pas. Klecka se trouvait à dix kilomètres. Non, à mon sens, ce n'est pas une

3 véritable structure de commandement militaire, au sens propre du terme.

4 Personne ne savait qui se trouvait au QG ni où ce QG se trouvait.

5 Si bien que l'état-major général est resté une espèce de concept mythique,

6 comme je l'ai dit, une organisation comprenant des individus qui se

7 déplaçaient en menant des actes de guérilla. Il ne s'agissait pas

8 véritablement de commandement militaire au sens propre du terme ou au sens

9 où on l'entend habituellement.

10 Est-ce que je vous ai répondu ?

11 Q. Oui. Votre explication était assez intéressante.

12 Etant donné que vous en avez parlé, revenons sur ce que M. Limaj a dit dans

13 ce prétoire lors de la 69e journée d'audience. M. Mansfield lui a demandé -

14 - en fait, je n'ai pas la référence exacte. Il s'agit de la page 43. En

15 fait, il s'agit de la page 43 du compte rendu d'audience LiveNote, mais la

16 version officielle porte un numéro différent.

17 Me Mansfield a demandé à son client la question suivante : "Nous en étions

18 au mois de juin. Quels autres événements du mois de juin, pour autant

19 qu'ils vous concernent, ou qu'ils concernent l'UCK, quels autres événements

20 se sont produits au mois de juin qui vous semblent importants ?"

21 M. Limaj a répondu - il s'agit d'une réponse très longue, et je ne vous

22 donnerai pas l'intégralité de cette réponse - il a dit, je cite : "Comme je

23 l'ai dit plutôt, la rencontre avec M. Krasniqi a été l'aboutissement de

24 préoccupations liées à ce qui avait été observé sur le terrain. Les gens

25 ont commencé à vouloir joindre les rangs de l'UCK. Ils voulaient obtenir

Page 6421

1 des armes et rejoindre les rangs de l'UCK. Ils sont arrivés en grand

2 nombre."

3 Je poursuis et je cite : "En outre, comme l'a dit M. Krasniqi, presque tout

4 l'état-major général a participé à l'approvisionnement en armes, car

5 c'était la priorité. Ils s'intéressaient tous au fait qu'il fallait obtenir

6 autant d'armes que possible et fournir des armes à ceux qui voulaient être

7 armés."

8 Ici, il est question du fait que l'état-major général a participé à des

9 activités militaires, c'est-à-dire à l'approvisionnement en armes pour les

10 soldats de l'UCK, n'est-ce pas ?

11 R. D'après cette description, l'état-major général, apparemment, n'a rien

12 fait d'autre que d'essayer d'obtenir des armes pour l'UCK. Il ne s'agit pas

13 ici de structure de commandement militaire de la manière dont la plupart

14 des gens l'entende. Lorsqu'on parle "d'état-major général" ici, il s'agit

15 d'un groupe d'individus qui essayait d'obtenir des armes. Pour moi, cela ne

16 constitue pas vraiment un commandement de quel que sorte que ce soit. Cela

17 ne veut rien dire.

18 Q. Il s'agit des souvenirs de M. Limaj au sujet des événements du mois de

19 juin. Ma question est très simple : si l'état-major général participait,

20 comme l'a affirmé M. Limaj, à des activités visant à essayer d'obtenir des

21 armes afin de les distribuer à toutes les personnes qui souhaitaient

22 rejoindre les rangs de l'UCK, il s'agit-là d'une fonction ou d'une activité

23 militaire importante, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, entre autres; l'une des nombreuses fonctions militaires.

25 Q. Merci.

Page 6422

1 R. Un état-major doit être en mesure d'exercer beaucoup plus de fonctions

2 que cela pour être efficace.

3 Q. Inutile d'entrer dans les détails sur cette question, mais vous

4 conviendrez avec moi que, pendant la fin de l'année 1997 et toute l'année

5 1998, l'UCK était une organisation qui agissait dans la plus grande

6 confidentialité.

7 R. Oui. Mais je ferais distinction entre l'année 1997 et l'année 1998.

8 Q. Parlons alors de 1998. Les membres de l'UCK, la structure de l'UCK

9 s'est efforcée de maintenir cette confidentialité.

10 R. Oui. Ceci ressort clairement du massacre de la famille Jashari. Je

11 pense que mars 1998 a constitué un tournant.

12 Q. Il y avait de bonnes raisons de maintenir cette confidentialité.

13 R. A l'époque, bien entendu. Il y avait une idée politique au sein de

14 différents groupes et de la manière dont la rébellion serait organisée.

15 Q. C'est la raison pour laquelle les membres de l'UCK portaient des

16 cagoules.

17 R. Je pense que ce n'était pas pour des raisons de confidentialité, mais

18 je ne peux pas véritablement répondre à cette question.

19 Q. Je pense que c'est Ramadan Behluli qui a témoigné ici sur le fait

20 qu'ils ont ressenti qu'ils pouvaient enfin enlever leurs cagoules en juin

21 1998.

22 R. Oui, j'ai entendu cela.

23 Q. Car c'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à se sentir davantage en

24 sécurité.

25 R. Oui.

Page 6423

1 Q. Vous avez également appris que les membres de l'UCK utilisaient des

2 surnoms et non pas leur identité véritable.

3 R. Oui.

4 Q. Les éléments de preuve présentés en l'espèce indiquent que beaucoup de

5 soldats de l'UCK ne connaissaient pas le nom des autres personnes ou ne

6 l'ont appris que plus tard, voire après la guerre.

7 R. C'est ce que j'ai appris et c'est ce que j'ai entendu.

8 Q. Il était donc difficile pour le MUP et les forces serbes de savoir qui

9 était membre de l'UCK.

10 R. Je ne suis pas sûr que cela soit exact, mais c'était peut-être là

11 l'intention.

12 Q. C'était là l'intention. Vous ne savez pas si cela est exact. Vous

13 pensez que le MUP et l'armée yougoslave savaient exactement qui était

14 membre de l'UCK ?

15 R. Non. Mais je ne vois pas nécessairement de lien entre ces deux choses.

16 Q. C'était donc difficile également au cours de cette période pour les

17 personnes extérieures à l'UCK de savoir qui était membre de l'UCK, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Oui. Comme je l'ai dit, à l'époque, il n'y avait pas qu'une seule

20 l'UCK. Il y avait une série de groupes armés qui s'appelaient tous l'UCK.

21 Q. De quelle période voulez-vous parler ?

22 R. De la période entre mars et juin 1998.

23 Q. Nous y reviendrons plus tard. En page 9, paragraphe 15 de votre

24 rapport, vous parlez de cette question et vous indiquez, je cite : "Ils

25 confectionnaient leurs propres uniformes et voyageaient jusqu'en Albanie

Page 6424

1 afin d'acheter leurs propres armes. Pourtant, ils ne disposaient pas de

2 structure de commandement. Même à l'époque, ce qu'ils appelaient des

3 ordres, étaient d'abord l'objet de discussions. Pour la majorité d'entre

4 eux, ils n'étaient pas en mesure ou ils n'étaient pas disposés à quitter

5 leur village pour aider d'autres personnes, à moins d'être expulsés par des

6 forces militaires ou paramilitaires serbes. Malgré leur enthousiasme, il

7 n'y avait pas de structure de commandement."

8 R. Oui. Je pense que cela ressort clairement de tous les éléments de

9 preuve présentés jusqu'à présent dans cette affaire.

10 Q. Vous dites également, en page 14, paragraphe 33 : "Il y avait des

11 petits groupes localisés incapables de s'aider entre eux et qui ne

12 disposaient d'aucune forme de structure de commandement militaire."

13 R. C'est exact. Comme je l'ai dit, je pense que les éléments présentés en

14 l'espèce renforcent mon point de vue, mais j'ai rédigé cela avant

15 d'apprendre véritablement ce qui en était.

16 Q. Au paragraphe 15, il est dit que des membres de l'UCK se sont rendus en

17 Albanie pour acheter des armes et sont revenus avec quelques fusils pour

18 leur co-villageois et que c'était dans cette mesure que l'UCK était armée,

19 n'est-ce pas ?

20 R. Mais comme je l'ai dit, il y avait un certain nombre de groupes qui

21 opéraient de façons différentes.

22 Q. Mais vous semblez dire dans ce paragraphe que ces différents groupes se

23 rendaient en Albanie pour acheter individuellement leurs propres armes.

24 R. C'est certainement ce que l'on pouvait voir dans le nord de l'Albanie.

25 Il y avait littéralement des petits bazars, des petits marchés d'armes où

Page 6425

1 les villageois venaient. Ils traversaient la frontière et ils commençaient

2 à marchander le prix d'une Kalashnikov.

3 Q. Très bien. Dans l'un des ouvrages que vous citez, il s'agit à nouveau

4 de Stacy Sullivan, il s'agit de l'ouvrage sur Krasniqi.

5 R. Oui.

6 Q. A la page 6, elle explique comment il a personnellement collecté 30

7 millions de dollars pour des achats militaires, des achats d'armes pour

8 l'UCK.

9 R. Je pense que vous devez faire attention lorsque vous lisez Stacy

10 Sullivan à propos de Krasniqi. Il s'agit d'un ouvrage américain publié à

11 l'intention du public américain.

12 Q. Alors, pourquoi est-ce que vous citez dans votre rapport - j'essaie de

13 trouver vos propos - pourquoi est-ce que vous dites que cela explique la

14 mise en place de l'UCK ?

15 R. Parce que cela indique qu'il y a eu différentes lignes

16 d'approvisionnement, avec un groupe qui était approvisionné, tout comme un

17 peu vous avez les autres groupes à Dukagjini qui maintenaient différentes

18 lignes de financement en Suisse, par exemple. Donc, il y avait différentes

19 lignes d'approvisionnement au Kosovo.

20 Q. C'est justement ce que j'avance. Est-ce qu'il y avait une structure

21 organisée avec des millions de dollars d'armes qui arrivaient au Kosovo. Il

22 ne s'agissait pas tout simplement de villageois qui traversaient la

23 frontière et qui revenaient avec leurs propres armes personnelles.

24 R. Si vous lisez le livre de Stacy Sullivan dans son intégralité, vous

25 vous rendez compte en fait qu'il s'agit d'un nombre d'armes relativement

Page 6426

1 peu élevé lorsque l'on parle des expéditions. Lorsqu'il s'agit de savoir

2 quelles sont les armes qui ont atteint les lignes de front et celles qui

3 ont été utilisées, c'est tout à fait différent.

4 Q. A la page 6, lorsqu'elle explique comment une personne parvient à faire

5 en sorte que des dizaines de milliers d'armes traversent la frontière vers

6 le Kosovo, vous ne considérez pas cela comme un nombre important d'armes ?

7 C'est un petit nombre pour vous ?

8 R. Je n'envisage pas que cela soit vrai. Si vous lisez les déclarations

9 dans ce livre, vous voyez qu'il parle d'armes individuelles. Il est

10 question de personnes qui achètent deux ou trois armes ici, quinze ici.

11 Elle écrit, et cela est destiné à l'intention d'un public. Il ne faut pas

12 prendre tout ce qu'elle dit au pied de la lettre.

13 Q. Mais il n'y a pas de mise en garde dans votre rapport.

14 R. Je ne parlais pas de cet aspect particulier dans mon rapport.

15 J'expliquais comment les différents groupes avaient leur propre réseau

16 d'approvisionnement.

17 Q. Très bien. Ces groupes faisaient passer la frontière à ces armes, qui

18 ensuite étaient distribuées.

19 R. Dans quelle mesure est-ce que cela s'est passé, dans quelle mesure est-

20 ce qu'ils faisaient passer la frontière de façon illégale à ces armes pour

21 leurs propres membres, je ne le sais pas. Mais les gens savaient à qui les

22 armes étaient destinées, les armes qui arrivaient et qui faisaient partie

23 de ce trafique de contrebande. En fait, c'était une activité qui était

24 beaucoup trop dangereuse pour être considérée comme une distribution

25 générale d'armes.

Page 6427

1 Q. Une fois de plus, à la page 6, au paragraphe 3 : "Pour ce qui est du

2 calendrier, il n'y a jamais eu de structure de commandement efficace, au

3 sens militaire du terme, pendant le conflit du Kosovo."

4 R. C'est mon point de vue. C'est justement la raison pour laquelle l'OTAN,

5 ou le gouvernement américain, ou quiconque nous aurions à suggérer, a fait

6 en sorte d'essayer d'organiser une structure de commandement. Si vous

7 prenez les observations du général Ralston à Wesley Clark, vous vous rendez

8 compte qu'ils ont eu d'énormes difficultés pour faire en sorte d'organiser

9 cela. Ils ne pouvaient pas le faire.

10 Q. Très bien. Mais je vous demandais quel était votre point de vue, et

11 vous y avez répondu.

12 Est-ce que vous saviez quelle était la brigade commandée par Fatmir Limaj ?

13 R. J'en ai entendu le numéro, mais je ne m'en souviens pas.

14 Q. Très bien. Est-ce que vous savez quand est-ce qu'il est devenu

15 commandant de brigade ?

16 R. Je ne le sais pas.

17 Q. Est-ce que vous savez quelle était la zone qu'il commandait ?

18 R. Je ne pense pas qu'il commandait une zone. Ce que je sais, c'est qu'il

19 était l'un des dirigeants, l'un des chefs dans la zone de Klecka qui se

20 trouve à la frontière de trois zones. Mais comme vous le savez, la

21 terminologie relative aux zones a été modifiée pendant la guerre parce que

22 cela tenait compte des intentions politiques d'un parti politique.

23 Q. Très bien. J'aimerais vous dire ce qu'a dit, ici dans ce prétoire,

24 Fatmir Limaj le 24 mai. On lui a posé une question : "Vous n'avez jamais

25 donné d'ordres à Luan ? C'est votre témoignage ?" Il a répondu - c'était le

Page 6428

1 72e jour, ligne 64 - il a répondu : "Avec Luan, c'était différent. Lorsque

2 la brigade a été créée, elle a été établie en août, j'étais son commandant

3 de brigade, et à partir du mois d'août, je lui donnais des ordres."

4 Vous avancez que pendant toute cette période de temps, à tout moment donné,

5 il n'y avait pas de structure. Il n'y avait pas d'ordres qui étaient

6 donnés. Vous avancez que Fatmir Limaj n'a jamais donné d'ordres à Luan en

7 tant que sa brigade subordonnée ?

8 R. Non. La possibilité de donner des ordres à une personne ne signifie pas

9 qu'il y ait une structure de commandement. Une structure de commandement,

10 lorsqu'il s'agit d'une structure de commandement efficace, au sens où nous

11 l'entendons requiert beaucoup plus de critères que cela. La capacité de

12 quelqu'un sur le terrain à demander à quelqu'un d'aller faire du café, par

13 exemple, n'indique pas du tout qu'il y a un système de commandement

14 militaire au sens où nous l'entendons.

15 Q. Oui, mais si quelqu'un demande à quelqu'un d'autre d'aller lui chercher

16 une tasse de café et s'il s'agit d'un commandant de brigade qui demande ou

17 qui donne l'ordre à quelqu'un d'effectuer une tâche il s'agit d'une forme

18 de commandement militaire ?

19 R. Si tel est le cas, c'est une forme, une catégorie de commandement

20 militaire dans un domaine très, très limité au niveau spatial et au niveau

21 temporel. Vous devez avoir tout un système, tout un système qui --

22 Q. Oui, mais vous ne saviez pas quels étaient l'espace et la zone

23 commandée par Fatmir Limaj et à quel moment.

24 R. Vous m'avez posé une question à propos d'un endroit qui est limitrophe

25 à trois zones.

Page 6429

1 Q. Oui, mais vous ne savez pas quand il a été commandant, vous ne saviez

2 pas quelles étaient les zones qu'il commandait, vous ne saviez pas le nom

3 de ces zones.

4 R. Oui, mais ce que je dis c'est que pour l'ensemble de l'UCK il faut

5 qu'il y ait un système militaire qui fonctionne et un système de

6 commandants militaires qui requiert un peu plus que le fait de donner des

7 ordres individuels à une personne.

8 M. MANSFIELD : [interprétation] J'aimerais demander à M. Nicholls d'avoir

9 l'amabilité de nous fournir le nom des zones ou le nom de la zone que

10 commandait Fatmir Limaj.

11 M. NICHOLLS : [interprétation] La zone de Pastrik.

12 M. MANSFIELD : [interprétation] Il était le commandant de cette zone ?

13 M. NICHOLLS : [interprétation] Il était commandant de zone, il était le

14 commandant de la Brigade 121.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Qui se trouvait à la limite entre ces trois

16 zones.

17 M. NICHOLLS : [interprétation]

18 Q. Vous connaissiez la zone de responsabilité de la 121e Brigade ?

19 M. MANSFIELD : [interprétation] J'aimerais demander lors du contre-

20 interrogatoire que l'on soit assez méticuleux pour fournir des détails.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me donnez une carte puisque je connais

22 grosso modo cette région, je pourrais vous répondre, mais je ne suis pas un

23 expert à propos de la brigade de M. Limaj ou sa zone d'opération, je vous

24 parle de structure de commandement général ou de manque de structure de

25 commandement pour l'UCK.

Page 6430

1 M. NICHOLLS : [interprétation]

2 Q. Vous avez lu le compte rendu d'audience du général Selimi ?

3 R. Oui, je l'ai fait, mais pas récemment je ne l'ai pas lu à nouveau, hier

4 soir.

5 Q. Vous savez donc qu'il a témoigné et indiqué qu'avant qu'il ne devienne

6 commandant de sa zone dans la région de Drenica, Adem Jashari était

7 commandant ?

8 R. Oui, je peux l'accepter cela.

9 Q. Selimi a été nommé commandant pour la première zone opérationnelle de

10 Drenica en mai 1998 et ce par l'état-major général.

11 R. Si c'est ce que vous m'indiquez. Je ne le savais pas, mais ce que je

12 savais c'est qu'il était devenu commandant pendant une certaine période de

13 temps.

14 J'aimerais dire qu'Adem Jashari n'était absolument pas un commandant

15 militaire, il ne faisait que commander sa propre propriété agricole qu'il a

16 perdue lors d'une bataille où il a été très vaillant et ce pour un principe

17 politique, il s'agissait en fait d'une tentative erronée cela dépend du

18 point de vue que vous avez.

19 J'aimerais également dire que Sultan Sulejman, un jeune homme, a essayé

20 d'assumer cette fonction dont il ne savait absolument rien. Il n'avait

21 absolument aucune idée de ce qui était censé faire un commandant. Il

22 n'avait aucune idée des systèmes de commandement militaire. Ce n'est que

23 lorsque Ceku est arrivé qu'il lui a expliqué ce qu'un état-major était

24 censé faire.

25 Vous ne pouvez pas tout simplement dire qu'en prenant un titre et en

Page 6431

1 appelant un groupe tout à fait disparate de combattants, une brigade que

2 vous vous retrouvez avec une brigade au sens militaire du terme.

3 Q. Oui, mais, en fait Selimi avait suivi une année de formation militaire,

4 je ne sais pas si vous le saviez.

5 R. Il se peut que vous ayez raison, il se peut qu'il ait été appelé, mais

6 être appelé dans l'armée yougoslave ne vous prépare pas véritablement à

7 assumer des postes de responsabilité au sens militaire du terme.

8 Q. Je suis d'accord et c'était un fait pendant de nombreuses guerres

9 coloniales de libération, toutes les personnes qui résistent n'ont pas

10 forcément eu une formation militaire, dans certains cas cela est vrai, dans

11 certains cas cela n'est pas vrai.

12 R. Dans la plupart des cas, probablement pas. C'est pour cela qu'ils n'ont

13 pas de systèmes de commandement.

14 Q. Vous indiquez dans votre rapport et Selimi a témoigné à cet égard qu'il

15 n'y avait pas d'organes intermédiaires entre l'état-major général et les

16 commandants de zone.

17 R. C'est exact.

18 Q. En fait, vous savez que le général Selimi était considéré comme un bon

19 commandant, un commandant efficace.

20 R. Vous devez savoir qu'il avait été remplacé.

21 Q. Mais vous saviez qu'il avait cette réputation ?

22 R. Oui. C'était un bon combattant. Cela ne signifie pas que c'était un bon

23 commandant.

24 Q. Après sa nomination en tant que commandant de zone en mai 1998, Selimi

25 a témoigné qu'il avait commencé à renforcer les brigades et qu'il a nommé

Page 6432

1 des commandants, en d'autres termes, il a nommé des commandants aux

2 brigades suivantes : 112, 113, et 114. Vous le saviez ?

3 R. Je le savais. Je savais qu'il faisait des tentatives pour imposer un

4 système et un ordre. Ils essayaient de faire quelque chose. Essayer

5 d'établir quelque chose en temps de guerre avec des combats un peu partout

6 alors qu'ils étaient sur le point de perdre le terrain qu'ils avaient

7 conquis, cela s'est soldé par un chaos total. Il faut savoir que ces

8 efforts n'ont pas été couronnés de succès pour établir ce système. Le fait

9 de nommer des gens à des positions et ils n'avaient aucun moyen de

10 communiquer les uns avec les autres.

11 Q. En mai 1998, Selimi a commencé à organiser ses propres soldats dans sa

12 propre zone, et il a nommé des subordonnés.

13 R. A Drenica, certes.

14 M. NICHOLLS : [interprétation] Il me semble qui il y a un problème pour ce

15 qui est de la traduction. Visiblement l'interprétation B/C/S passe sur le

16 canal anglais.

17 Q. En mai, Selimi a indiqué et témoigné que lorsqu'il n'était pas présent

18 ses subordonnés étaient en mesure de signer des ordres en son nom lorsqu'il

19 ne pouvait pas le faire.

20 R. C'est exact, mais ils n'avaient aucun moyen de distribuer ces ordres.

21 Q. Ce n'est pas ce que M. Selimi a indiqué. Je pense qu'il connaissait la

22 situation mieux que vous.

23 R. Non, je dirais que M. Selimi, qui est un jeune homme, a voulu peut-être

24 un peu pavoiser et glorifier ce qu'ils ont fait. D'ailleurs, ce fut une

25 menace constante pendant ce conflit. L'UCK aurait aimé devenir quelque

Page 6433

1 chose qu'il n'avait pas le temps de devenir à l'époque.

2 M. MANSFIELD : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait préciser les

3 moyens, je vous prie.

4 M. NICHOLLS : [interprétation] Vous pouvez trouver les références, il

5 s'agit de la page 23:31. M. Selimi ne se souvenait pas exactement de la

6 façon dont tous les commandants des unités pouvaient être notifiés.

7 R. Mais il ne pouvait pas se souvenir exactement de comment cela avait été

8 fait.

9 Q. Oui, à savoir est-ce que cela a été envoyé ou comment est-ce que cela a

10 été envoyé. C'est exact. Ramiz Qeriqi a témoigné à la fin du mois de mai.

11 On lui a posé une question :

12 "Q. Vous avez indiqué en mai 1998 que Shukri Buja est venu et qu'il était

13 commandant de la zone. A cette époque, il y avait un commandant supérieur

14 par rapport à vous et à Shukri Buja.

15 "R. Bien sûr qu'il y en avait, nous n'allions pas là sans qu'il n'y ait de

16 supérieurs hiérarchiques. Je l'ai dit dès le début. Lorsque je suis arrivé,

17 je suis arrivé d'Albanie, j'ai rencontré Asim Syla qui se trouvait au-

18 dessus de nous, Rexhep Selimi, je suis allé à Klecka avec Fatmir. Je suis

19 allé à Kroimire. En temps de guerre, les choses se passent comme cela. On

20 ne peut pas faire ce que l'on veut. Il y a une chaîne de commandement, une

21 filière de commandement. Les gens ne sont pas nommés au petit bonheur, la

22 chance."

23 R. Pourtant toutes les preuves indiquent que la plupart du temps les gens

24 se sont nommés eux-mêmes. La situation a été des plus confuse.

25 Q. Vous parlez de quelles preuves ?

Page 6434

1 R. Des preuves que vous avez entendues jusqu'à présent. "Je suis allé là,

2 personne ne m'avait dit d'y aller." "Nous avons parlé des ordres, nous en

3 avons parlé pour voir s'il s'agissait de bons ordres."

4 Q. Est-ce que vous écartez tout simplement le fait que Selimi a dit que

5 l'état-major général l'avait nommé ?

6 R. Non, c'est tout à fait vrai, mais ce que je vous dis c'est qu'après

7 avoir été nommé, il ne pouvait pas exercer son commandement au sens

8 militaire du terme. Il ne pouvait pas gérer un système militaire. Il

9 n'avait pas le personnel, il n'avait pas les connaissances pour le faire,

10 il n'avait pas de communications, il n'avait pas de transport, il n'avait

11 rien.

12 Q. Cela se fonde sur des ouvrages ou des preuves que vous avez reçus ?

13 R. Non. Vous avez vu que j'ai écrit ce rapport avant d'avoir reçu la

14 majorité des documents. Je me suis fondé sur la connaissance que j'avais de

15 cette campagne, le fait que l'OTAN avait de gros problèmes. Il y a eu des

16 gros problèmes de financement.

17 Q. Oui, mais je vous parle du général Selimi et de sa fonction au mois de

18 mai. Il n'y a rien dans votre rapport à propos du général Selimi.

19 R. Non, parce que être nommé à une fonction ou à une position ne signifie

20 pas pour autant que vous avez le commandement militaire. Vous avez un

21 titre, certes, ce qui est très bien. Vous avez l'impression de dominer le

22 monde, vous semblez très important, mais cela ne signifie pas pour autant

23 que vous avez ce commandement.

24 Q. Mais si vous avez des hommes sous votre commandement qui sont organisés

25 en unités, si vous avez été nommé leur dirigeant, si vous leur donnez des

Page 6435

1 ordres qu'ils exécutent, vous êtes en fait leur commandant.

2 R. Si vous pouvez distribuer des ordres aux autres groupes, à part ceux

3 qui se trouvent tout près de vous, et je n'ai jamais vu pendant la guerre

4 du Kosovo un exemple de commandement efficace et tactique pour ce qui est

5 du déplacement des unités.

6 Q. Il ne s'agit pas d'observations personnelles, il s'agit d'événements

7 ou de choses que vous avez apprises après ?

8 R. Souvenez-vous, j'ai passé quand même un certain temps sur le terrain au

9 mois de juin. J'ai été à l'écoute des personnes qui revenaient de Tirana,

10 et qui prenaient un café et qui parlaient des gens qui allaient et qui

11 venaient, qui allaient vers le nord. Moi-même, je suis allé dans le nord.

12 Je me suis entretenu avec des gens, j'ai parlé avec des amis à propos de ce

13 qui se passait. Bien sûr, que nous étions très préoccupés.

14 Q. Oui. C'est lorsque vous appreniez toutes ces choses dans les cafés, sur

15 le boulevard.

16 J'aimerais maintenant aborder un autre thème, c'est ce qu'a dit M. Limaj le

17 69e jour. Il s'agit de la ligne 46 : "Soit lorsque nous nous rendions à

18 Drenica en juillet et en août, je me souviens d'un incident qui a son

19 importance, et qui peut avoir un lien avec ce que nous disons. A cette

20 époque, pour la première fois, j'ai pu voir des officiers professionnels.

21 Il s'agissait d'un groupe de deux ou trois officiers. Ils étaient peut-être

22 plus nombreux, mais personnellement j'en ai vu trois. Il s'agissait

23 d'officiers qui avaient terminé l'école militaire, qui venaient de

24 l'étranger, et qui s'étaient ralliés à l'UCK. Il faut savoir qu'ils

25 observaient le terrain avec l'état-major général. Je peux dire qu'en

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1 quelque sorte, ils opéraient une surveillance du terrain et de toutes les

2 unités."

3 Il continue sa description, et il dit : "Nous étions très heureux de la

4 présence de ces officiers. Je sais qu'Agim Qelaj à partir - je vous ai

5 parlé du tout petit centre de formation - je sais qu'Agim Qelaj se

6 spécialisait dans la formation militaire. Il a donc pris quatre de mes

7 soldats, et cela l'a inspiré pour créer une unité d'intervention. Donc, il

8 a pris trois ou quatre soldats de mon unité, et des soldats qui

9 appartenaient à d'autres unités. Cela s'est passé à la fin du mois de juin.

10 Donc, il les a formés, il les a préparés, et il les a envoyés au village de

11 Negrovce dans les gorges de Vucjak. Il y a en fait un endroit après le

12 village de Turiqevc qui se prête tout à fait à ce genre d'activités."

13 C'est M. Limaj donc qui parle d'un événement qu'il a pu observer en juin

14 1998.

15 R. En juin 1998 ?

16 Q. L'état-major est présent. Il y a des représentants de l'état-major

17 général, il y a des militaires, des officiers de carrière qui ont été

18 formés à l'étranger.

19 R. Ils étaient trois.

20 Q. C'est exact.

21 R. Quelqu'un a formé trois ou quatre soldats pour créer cette unité

22 d'intervention, ce qui suppose que c'est la première fois que l'on entend

23 parler d'unité d'intervention.

24 Q. Excusez-moi. Interrompez-vous. Pourquoi est-ce que vous indiquez qu'il

25 s'agit de la première unité d'intervention ?

Page 6437

1 R. D'après ce que vous dites, le ton de votre voix, et la façon dont vous

2 décrivez la phrase, il semblerait qu'il n'y en avait pas auparavant. Il

3 semblerait que cela est quelque chose de tout à fait nouveau. C'est ce que

4 je déduis, en tout cas.

5 Q. Ils sont en train de procéder à une surveillance de l'ensemble du

6 terrain.

7 R. Cela aussi, c'est quelque chose de nouveau. Cela ne représente pas une

8 structure.

9 Q. Ils se rendent auprès de toutes les unités.

10 R. Trois unités qui se déplacent dans tout le Kosovo pour essayer de

11 rendre visite aux unités. Je sais de qu'il s'agit probablement. Il s'agit

12 probablement d'officiers qui reviennent du conflit croate, mais ils n'ont

13 pas le temps d'organiser quoi que ce soit.

14 Q. Vous pouvez déduire tout cela d'après le passage que je viens de vous

15 lire ?

16 R. Vous saviez à quel point il était difficile de se déplacer à l'époque.

17 Vous avez certainement lu ces descriptions.

18 Vous savez qu'il fallait se déplacer pendant la nuit. Il fallait, en fait,

19 rester dans certaines demeures avant de trouver les guides.

20 Ils n'utilisaient pas de cartes, figurez-vous.

21 Q. Nous allons avoir l'évaluation menée à bien par la MCCE pour ces

22 déplacements. Ils avaient choisi des soldats pour créer une unité

23 d'intervention, et ils les ont emmené quelque part pour les former ?

24 R. Oui, trois ou quatre soldats.

25 Q. Ce que je dis, cela ne correspond pas à ce que vous avez décrit dans

Page 6438

1 votre rapport. Vous avez parlé de villageois qui prenaient les armes pour

2 défendre leurs villages individuels, et c'est ce que vous avez dit.

3 R. C'est justement ce que j'ai décrit. En juin, quelqu'un s'est dit :

4 bien, attendons un peu, il faudrait peut-être renforcer cela, il va peut-

5 être y avoir des attaques. Prenons trois ou quatre soldats, et essayons de

6 les former. C'est ainsi que les choses ont évoluées. Cela ne signifie pas

7 pour autant que vous avez une structure militaire cohésive qui peut rendre

8 des ordres, qui peut discipliner des soldats. Il s'agit d'un début. C'est

9 quelque chose de tout à fait embryonnaire, le début d'une armée qui n'a

10 jamais véritablement eu le temps de se développer.

11 Q. Nous avons examiné cela, et vous avez indiqué à deux reprises dans

12 votre rapport "qu'il n'y avait pas véritablement de soutien au sein de

13 l'UCK pour les différentes unités."

14 R. "Les unités ne pouvaient pas se soutenir."

15 Ils n'avaient pas de transport. Ils n'avaient pas de possibilité de

16 transmission et de communication. Ils ne pouvaient pas se déplacer. Ce qui

17 s'est passé, c'est que différents groupes convergeaient lorsqu'ils

18 entendaient des tirs, et voyaient s'ils pouvaient intervenir, ce qui, une

19 fois de plus, ne correspond pas au sens que j'ai d'une opération militaire.

20 Q. Cela ne signifie pas qu'ils ne voulaient pas aider les autres villages.

21 R. Je n'ai jamais dit qu'ils ne voulaient pas le faire. J'ai dit qu'ils

22 n'étaient pas en mesure de le faire.

23 Q. Est-ce que vous pouvez prendre le paragraphe 15, page 9 ? Il est

24 indiqué : "En fait, essentiellement, ils étaient incapables, ou ils ne

25 voulaient pas quitter leurs propres villages pour aider les autres."

Page 6439

1 R. Incapables ou ils ne pouvaient pas. Certains ne pouvaient pas le faire.

2 Certaines personnes ne voulaient pas quitter leurs villages. Certaines

3 personnes ne savaient pas où aller.

4 Q. Oui, mais s'ils avaient voulu lorsqu'ils savaient qu'il y avait une

5 attaque --

6 R. J'ai dit que certains étaient disposés à le faire.

7 Q. Vous voyez que dans ce cas et vous avez lu la déposition de Ramadan

8 Behluli.

9 R. Je crains fort de ne pas pouvoir me souvenir de sa déposition très

10 précisément.

11 Q. Vous souvenez-vous qu'il ait dit que les soldats venaient à la

12 rescousse et venaient prêter main-forte à chaque fois qu'il y avait des

13 combats ?

14 R. Je ne me souviens pas de cela, mais j'ai entendu ce genre de

15 déclarations pour des actions similaires. Mais bien entendu, lorsque vous

16 venez à la rescousse, et lorsque vous venez de directions différentes,

17 peut-être que personne ne sait d'où viennent les tirs.

18 Q. Oui, mais j'essaie de mettre en exergue ce que vous avez indiqué,

19 suivant lequel les soldats de l'UCK n'étaient pas disposés ou n'étaient pas

20 en mesure de quitter leurs villages pour aider les autres, à moins qu'ils

21 n'étaient véritablement forcés de le faire par les Serbes. Ce n'est pas

22 vrai, n'est-ce pas ?

23 R. Pour certains groupes, oui. Certains groupes venaient aider. Mais venir

24 aider, ce n'est pas la même chose que de recevoir un ordre militaire.

25 Personne ne savait d'où venaient les tirs. Personne ne savait ce qui se

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1 passait. Ils arrivaient en haut de la colline, et ils regardaient de

2 l'autre côté. Ils laissaient quelqu'un en haut de la colline, quatre d'eux

3 dévalaient l'autre flanc de la colline pour voir ce qu'ils pouvaient faire.

4 C'est très noble, c'est très courageux, c'est très vaillant. Les gens ont

5 perdu leurs vies. Mais cela ne correspond pas à un système militaire.

6 Q. Est-ce que c'est un exemple de commandement militaire d'une unité si

7 vous êtes envoyé pour aider une autre unité ?

8 R. Oui, si cela se passe de façon régulière et à maintes reprises, mais

9 alors que dans ce cas-là, c'était de façon fortuite.

10 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, quand est-ce que nous

11 allons avoir notre pause qui devrait avoir lieu maintenant, mais je

12 souhaiterais peut-être continuer ?

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez deux minutes en tout et pour

14 tout.

15 M. NICHOLLS : [interprétation] Nous allons avoir la pause.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons avoir notre première pause

17 et nous reviendrons à 16 heures cinq.

18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

19 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Nicholls.

21 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

22 Q. Monsieur Churcher, au cours de la pause, on a demandé à ce que nous

23 ralentissions, vous et moi.

24 R. Je vais essayer. Excusez-moi.

25 Q. Quelques questions supplémentaires sur votre déclaration selon laquelle

Page 6441

1 les villageois n'étaient pas à même d'aider, ou ne souhaitaient pas le

2 faire, d'aider d'autres villageois.

3 Un témoin ici, L-95, a dit - c'est à la page 49, 4 207 - ce témoin a dit

4 ici qu'il avait été envoyé afin d'aider une autre unité parce que le

5 territoire en question était en danger. Il a dit qu'il avait été envoyé,

6 son unité spéciale, en réalité, lorsque le besoin s'était fait sentir

7 d'intervenir. On lui a demandé d'y aller et d'aider Celiku parce que le

8 territoire était en danger, et par "en danger", on entendait que ce

9 territoire risquait d'être attaqué par les forces serbes. Il a également

10 dit que lorsqu'il s'était trouvé sur place, il avait été placé sous le

11 commandement de Celiku. Ici donc, nous avons une unité, composée d'hommes

12 qui sont envoyés dans un autre secteur où il y a possibilité de combat, et

13 que cette unité est subordonnée au commandant local.

14 Ceci ne montre-t-il pas qu'il y a une structure de commandement pour vous ?

15 R. Cela montre éventuellement qu'il y a là quelque chose à un stade

16 embryonnaire en tout cas. S'il a utilisé les termes "on m'a demandé d'aller

17 aider," je remarque qu'il n'a pas été question d'ordres qui auraient été

18 reçus de le faire. Par conséquent, dans vos remarques précédentes, vous

19 aviez parlé de trois ou quatre personnes qui étaient mobilisées ou

20 utilisées pour composer une unité d'intervention.

21 Ici, nous voyons les efforts qui sont faits pour s'aider les uns les

22 autres, mais ma position reste la même. Nous avons ici un groupe de jeunes

23 hommes, sans expérience militaire conséquente, qui n'ont aucune

24 connaissance d'une quelconque structure de commandement, des méthodes de

25 commandement, des méthodes de communication, en tout cas, d'aucune méthode

Page 6442

1 de communication envisageable dans une situation d'urgence. Ceci ne

2 correspond pas à une structure de commandement comme on pourrait en

3 envisager une dans la réalisation de différentes opérations militaires.

4 Ceci ne correspond évidemment pas du tout à la structure de commandement

5 militaire des Serbes.

6 Q. Ou de l'armée britannique. J'ai bien compris ce que vous voulez dire.

7 Les choses n'étaient pas aussi sophistiquées qu'une structure de

8 commandement que l'on peut trouver chez vous ou que l'on peut trouver au

9 sein de l'armée yougoslave. Mais il s'agit là d'aspects, n'est-ce pas,

10 caractéristiques d'une structure de commandement, des unités qui vont

11 prêter main-forte à d'autres unités lorsque le risque est sérieux.

12 R. Si cela arrive de manière régulière, dans le cadre d'opérations, oui.

13 Q. Oui.

14 R. Mais si cela arrive de manière extrêmement ponctuelle, comme son nom

15 l'indique, c'est une intervention ponctuelle, et ceci ne correspond pas à

16 une structure de commandement militaire.

17 Q. Vous avez dit, à la page 14 de votre rapport - c'est le paragraphe 32 -

18 à propos d'un incident qui a eu lieu à Racak. Vous parlez des soldats de

19 l'UCK et de la manière dont ils n'ont pas réussi à gagner les combats, et

20 vous dites : "Tout ce qu'ils avaient était des armes et la volonté de

21 défendre leur village. Mais ceci ne constitue pas une opération militaire."

22 Ce que vous dites c'est que Racak a été défendu par les villageois de

23 Racak ? C'est ce que dit ce paragraphe.

24 R. Non. Non. Je sais que d'autres gens sont allés et venus et ont évalué

25 la situation. Mais je pense qu'un certain nombre d'éléments de preuve dont

Page 6443

1 vous disposez sont basés sur un récit de ce conflit fait par la partie

2 serbe, en particulier, du nombre insuffisant d'armes retrouvées, et cetera.

3 Là encore, il s'agit d'une opération militaire menée par des villageois, et

4 au cours de laquelle, les villageois sont tués.

5 Q. Ici, vous parlez de récits faits dans les journaux serbes, n'est-ce pas

6 ?

7 R. Je parle de ce qui a été dit dans le cadre d'un récit direct fait par

8 des participants au conflit et qui ensuite a été publié dans un journal

9 serbe.

10 Q. Laissez-moi vous dire ce que Fatmir Limaj nous a dit de ce jour, le 18

11 juillet. C'est au 69e jour, ligne 67. "Au cours de la première partie du

12 lendemain, donc le 18, j'ai rencontré Rexhep Selimi et Muse Jashari et Agim

13 Qelaj qui sont arrivés à ce moment-là une heure plus tôt, à l'entrée de

14 Rahovec. A ce moment-là les représentants" - là je passe un petit peu de

15 texte - "les représentants de l'état-major m'ont dit qu'ils avaient entendu

16 pour la première fois parler des événements de Rahovec en arrivant ce

17 matin. Ils se sont dépêchés et ils sont venus afin de voir quelle était la

18 situation et de trouver un moyen qui nous permettrait de quitter la

19 position dans laquelle se trouvait l'UCK afin d'éviter le danger auquel

20 était exposée la population."

21 M. NICHOLLS : [interprétation] Y a-t-il un problème de compte rendu ?

22 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre mais si je

23 jette une œil au compte rendu, il y a deux dates et de lieux différents qui

24 y sont mentionnés. Au compte rendu, on parle de Racak et ensuite de Rahovec

25 un peu plus loin.

Page 6444

1 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui.

2 M. MANSFIELD : [interprétation] L'Accusation pourrait-elle préciser les

3 choses, de quel lieu et de quel moment parle-t-on ? Les années sont même

4 différentes.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que vous avez confondu Rahovec et

6 Racak.

7 M. NICHOLLS : [interprétation] Je parle de Rahovec maintenant.

8 Q. Concentrons nous maintenant sur Rahovec, 18 juillet : "Byslym Zyropi et

9 Sokol Bashota ont décidé qu'Agim Qelaj deviendrait responsable des

10 opérations à Rahovec et Agim serait donc un espèce de coordinateur pour les

11 gens qui se trouvaient sur place."

12 Voilà l'état-major général qui s'intéresse à des questions militaires et

13 non pas seulement politiques, n'est-ce pas ?

14 R. Ceci n'a rien avoir avec la page 14, ni Racak, n'est-ce

15 pas ?

16 Q. Bien.

17 R. Je n'ai rien écrit là-dessus, je veux le préciser mais je pense que là

18 encore vous signalez en réalité les mêmes choses que moi.

19 Il y a eu à un moment donné un espèce de "point de coordination," un

20 coordonnateur, mais là cela n'a rien à voir avec une opération militaire,

21 un espèce de coordonnateur ou de points de coordination, vous voyez bien ce

22 qu'ils essaient de faire. Une fois ils ne savaient même pas eux-mêmes ce

23 qu'ils étaient censés faire, ils n'avaient pas l'expérience militaire, ils

24 n'avaient pas ce système de commandement militaire. Bien entendu, ils

25 auraient dû s'occuper de Rahovec avant même que le conflit commence.

Page 6445

1 Rahovec, c'était un problème rencontré de manière assez caractéristique.

2 Des gens viennent par hasard rendre visite à leurs familles et ceci

3 entraîne un conflit dans lequel personne ne souhaitait s'impliquer, qui

4 est une source de grande préoccupation pour tout le monde et personne ne

5 sait quoi faire et des gens sont blessés ou tués dans le courant de ce

6 conflit.

7 C'est une catastrophe d'un point de vue militaire mais cela n'a rien à voir

8 avec un système de commandement militaire.

9 Q. La désignation d'un commandant chargé des opérations, ce n'est pas une

10 fonction militaire ?

11 R. Après l'événement, c'est une petit peu particulier n'est-ce pas ? Vous

12 le reconnaîtrez.

13 Q. La désignation d'un officier des opérations, d'une personne chargée des

14 opérations ?

15 R. Oui, c'est vrai, cela fait partie d'une opération militaire. Mais

16 Rahovec, c'est l'exemple type de l'échec de l'UCK, échec dans la mise en

17 place d'une structure de commandement militaire capable de rassembler ses

18 troupes et de diriger ses troupes. Ils n'ont pas pu empêcher les événements

19 de Rahovec, ils n'ont pas pu renforcer les troupes, ils n'ont pas pu s'en

20 tirer. C'était extrêmement préjudiciable. De nombreuses personnes ont été

21 très gênées par tout cela. Mais ce n'était pas une opération militaire, il

22 n'y avait pas de commandement militaire dans le sens, dans l'acception que

23 nous connaissons. Essayez de nommer un chargé des opérations, c'était un

24 bon point de départ, mais ceci ne correspond pas pour autant à un système

25 militaire.

Page 6446

1 Q. Ceci est basé sur vos impressions, sur les informations que vous avez

2 recueillies en Albanie et ici, d'après ce que vous avez entendu dans cette

3 affaire.

4 R. Rahovec a fait l'objet de nombreuses discussions, on s'est demandé

5 pourquoi les choses s'étaient produites là-bas. Nous avons tous été alarmés

6 dans un premier temps, et de voir que l'UCK essayait de prendre une ville

7 que clairement elle ne pourrait pas maintenir sous son contrôle. Avant la

8 chute de Rahovec, des gens comme moi avaient compris que ceci ne

9 fonctionnerait pas, que la ville, l'endroit ne pouvait pas être maintenu

10 sous le contrôle de l'UCK. Comme je l'ai dit, c'est un exemple type de

11 l'échec de l'UCK parce qu'ils ne disposaient pas de système de commandement

12 militaire.

13 Q. J'aimerais maintenant vous parler de votre rapport à la page 27. Vous

14 souvenez-vous que vous y faites des commentaires sur l'interview avec M.

15 Selimi ?

16 R. Oui. Excusez-moi, je recherche la page 27.

17 M. NICHOLLS : [interprétation] Cet entretien et la retranscription de cet

18 entretien se trouve à l'intercalaire numéro 6, Monsieur le Président.

19 Q. Monsieur, je vous renvoie à la page 22, de cet entretien. Vous y êtes ?

20 R. Non pas encore, excusez-moi. Il me manque une partie de la numérotation

21 en fait sur les pages dont je dispose.

22 J'y suis.

23 Q. Bien. Dans cette partie, vous revenez sur l'observation de M. Lehtinen

24 sur le manque de commandement militaire, de structures de commandement et

25 M. Selimi dit ici qu'il n'y avait pas d'échelons intermédiaires dans cette

Page 6447

1 structure. C'est au bas de la page 22.

2 Vous dites : "Commentaire : Ceci semble confirmer la nature de l'état-major

3 général, à savoir que l'état-major général n'était pas une structure

4 militaire. Ceci semble bien établi, s'il y avait eu un état-major général,

5 en réalité" - en fait, nous avons déjà consulté cette partie - ensuite,

6 vous poursuivez "ne fournissait pas un commandement militaire effectif dans

7 le sens envisagé dans cet acte d'accusation."

8 Ensuite il est dit : "Commentaire général : L'entretien de Sulejman Selimi

9 est probablement la meilleure preuve de la manière dont l'UCK a été

10 constituée. En particulier les références qui sont faites aux frontières

11 qui s'imposent, à l'établissement d'unités tel qu'énoncé à l'état-major

12 général sans qu'il y ait eu d'instructions directes ou d'ordres appropriés,

13 ou le manque d'arrestations ou de prisons sur le terrain il n'y avait pas

14 le temps de le faire, et le comité et la méthode de désignation allant

15 jusqu'après la période de l'après-guerre selon une méthode totalement

16 distincte des méthodes militaires."

17 Nous en avons déjà parlé, n'est-ce pas ? Nous avons déjà dit que Selimi

18 avait lutté contre les forces serbes en mai, juin, juillet 1998, n'est-ce

19 pas ?

20 R. Tout à fait.

21 Q. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur les pages 32 et 33 de

22 cet entretien. Dites-le moi quand vous les aurez trouvés.

23 R. J'ai la page 32.

24 Q. Bien. Au bas de la page :

25 "M. Lehtinen : Avez-vous joui de la coopération des autres unités Celiku,

Page 6448

1 celles qui se trouvaient le long de la route goudronnée comme à Lapusnik ?"

2 Selimi répond : "Elles communiquaient entre elles par exemple la 113e

3 Brigade qui était là-bas. Ils étaient coordonnés.

4 "Q. Mais vous en tant que commandant, aviez-vous des liens de

5 communication directe avec Fatmir Limaj sur ces différentes questions, sur

6 la situation dans les gorges à Lapusnik ?"

7 Sa réponse est : "Non, généralement nous recevions nos ordres de l'état-

8 major général, c'est l'état-major général qui émettait les ordres que nous

9 émettions, mais généralement il y avait une communication des deux côtés du

10 col de Lapusnik. Il y avait des combats et les deux côtés y prenaient part

11 parce que, bien entendu, ils n'étaient pas obligés de délivrer des

12 informations je n'étais pas obligé de la faire non plus, mais il y a avait

13 une structure de commandement qui nous assignait nos missions."

14 C'est bien ce qui est dit ici, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Par conséquent vous avez pris un extrait de ce document que nous avons

17 déjà regardé à la page 22. Vous le placez dans votre rapport. Vous dites à

18 la Chambre de première instance qu'il n'y avait pas de structure de

19 commandement parce qu'il n'y avait pas d'étape intermédiaire. Vous ne

20 faites aucune mention de ce passage précisément où il est dit par Selimi :

21 "Il y avait une structure de commandement qui nous assignait nos missions

22 ou nos fonctions." Est-ce que ceci n'est pas un peu tromper les lecteurs

23 que de sélectionner un passage qui est à l'appui de ce que vous voulez dire

24 sans tenir compte du reste.

25 R. Il y a de nombreux passages qui viennent à l'appui de ma position y

Page 6449

1 compris ce que dit lui-même l'enquêteur lorsqu'il dit : "Je sais qu'il n'y

2 avait pas de système militaire." Mais ce point particulier renforce en

3 réalité ce que j'ai dit. Il dit : "Nous obtenions nos ordres de l'état-

4 major général." Or, l'état-major général était incapable de donner des

5 ordres dans tout le Kosovo. Là encore, ce n'est pas un système militaire.

6 Il vous faut disposer de niveaux de commandement intermédiaire qui sont à

7 même de coordonner les actions au niveau local. On ne peut pas tout

8 simplement dire que l'on reçoit ses ordres de l'état-major général.

9 Q. Lorsque Selimi dit que des deux côtés de la route, lui et le commandant

10 de l'autre côté reçoivent les ordres de la structure de commandement de

11 l'état-major général, cela signifie qu'il n'y avait pas de structure de

12 commandement, c'est cela ? Que l'état-major général ne menait aucune action

13 de commandement ?

14 R. Il était impossible qu'ils reçoivent des ordres sur un certain nombre

15 d'événements ou d'opérations tactiques sur le terrain en communiquant entre

16 l'un et l'autre, et en obtenant ces ordres de l'état-major général. Ce

17 n'était pas possible.

18 Q. Comment le savez-vous ? Comment savez-vous qu'il était impossible. Vous

19 dites cela dans votre rapport, vous dites que les émetteurs, les radios

20 n'étaient pas la clé des communications, comment savez-vous que l'état-

21 major n'était pas à même de recevoir les rapports suffisamment à temps pour

22 qu'il puisse réagir à une quelconque situation ?

23 R. C'est quelque chose de constant au cours de cette année-là, au cours de

24 cette période en particulier. Vous savez qu'à un moment donné les émetteurs

25 radios qu'ils avaient à leur disposition sont décrits de manière précise,

Page 6450

1 nous le savons tous. Quoi qu'il en soit, il s'agissait d'émetteurs Motorola

2 qui avaient une portée évidemment limitée. Généralement, elle s'étale entre

3 trois et cinq kilomètres. Donc si vous montez en haut d'une colline parfois

4 la portée s'améliore, mais en général les transmissions risquent d'être

5 rompues.

6 Q. Bien.

7 R. Par conséquent, il n'y avait pas de moyens de communication qui

8 pouvaient permettre à une structure de commandement efficace de transmettre

9 des ordres, d'imposer la discipline, et cetera.

10 Q. Mais ma question ne portait par sur les émetteurs radios, ma question

11 était la suivante : même en l'absence de radios, il y a d'autres moyens de

12 faire passer des messages dans une zone donnée, sous le contrôle

13 d'insurgés, de rebelles.

14 R. Oui mais si vous devez faire rapport de la situation à l'état-major

15 général, les communications doivent aller d'un point à l'autre et

16 inversement. Il vous faut un niveau intermédiaire de commandement pour

17 assurer cela. Il vous faut un niveau de commandement plus proche de

18 l'endroit où vous vous trouvez, où les opérations ont lieu, peut-être à un

19 kilomètre à peu près de l'endroit où vous êtes. Un peu comme Napoléon qui

20 communiquait grâce à des hommes qui se déplaçaient à cheval. Mais il vous

21 faut un système qui soit véritablement établi.

22 Q. Très bien.

23 R. Ce n'était pas le cas.

24 Q. Il vous faut, en réalité, un système de communication avec le

25 commandement, mais ce que dit Selimi ici, c'est qu'il obtenait ses ordres,

Page 6451

1 que le commandant en face recevait également ses ordres et ce de la même

2 structure de commandement. C'était donc une structure de commandement qui

3 assignait un certain nombre de tâches à différentes unités, à différents

4 commandants qui avaient sous leur contrôle, sous leur responsabilité des

5 hommes qui effectuaient ces tâches.

6 R. Selimi ici essaie d'aider. Il dit : oui, effectivement, nous recevions

7 nos ordres de l'état-major général, mais en réalité cela ne veut rien dire.

8 Il peut y avoir des ordres qui vont d'un commandant à l'état-major général

9 mais ceci ne correspond pas pour autant à un système de commandement

10 militaire capable de contrôler les opérations au niveau tactique.

11 Q. Je crois que vous avez dit que c'était là le récit le plus complet

12 peut-être de la manière dont les choses avaient été établies.

13 R. Oui, effectivement, en terme général le récit qui est donné par

14 Sulejman ici montre comment les choses se sont établies au fur et à mesure,

15 et comment les choses étaient désorganisées. Je pense que c'est un

16 excellent récit de la manière dont les choses existaient sur le terrain.

17 Q. Il parle à plusieurs reprises d'une organisation ou d'un commandement

18 et vous pensez qu'à ce moment-là, il essayait simplement de mentir ou de

19 faire preuve de malhonnêteté ?

20 R. Non, je ne dis pas du tout qu'il était en train de mentir. Je dis

21 simplement qu'il essayait de se rendre utile. Vous devez expliquer ce

22 qu'est exactement un système de commandement militaire et je ne suis pas

23 sûr qu'il saisissait très exactement ce dont il s'agissait à l'époque.

24 Q. A l'époque, bien entendu, vous n'aviez aucun contact personnel.

25 R. Non, pas du tout. Bien que je l'ai connu personnellement après la

Page 6452

1 guerre.

2 Q. Bon, et quand ?

3 R. Lorsque j'étais directeur du groupe chargé de l'analyse des crises

4 internationales à Pristina.

5 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que l'on

6 demande le versement au dossier de cet entretien avec M. Selimi. Simplement

7 parce que le témoin pense qu'il s'agit là de la meilleure source

8 d'information quant à la mise en place des choses, c'est quelque chose sur

9 lequel il s'est fondé lui-même. C'est quelque chose qui lui a été fourni

10 par la Défense et il y fait référence. Pas nécessairement pour la véracité

11 de la teneur de ce qui est dit dans cet entretien, mais simplement pour que

12 les Juges soient à même d'évaluer les choses qu'on a choisies d'inclure ou

13 d'exclure dans ce rapport. S'il n'y a pas d'objection à cela, j'aimerais

14 que ce soit le cas. Si toutefois la Défense ne souhaite pas que ce document

15 soit versé, cela n'est pas grave.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je me tourne vers la Défense pour voir

17 si quelqu'un s'agite.

18 M. MANSFIELD : [interprétation] Pas du tout, pas du tout, pas du tout, je

19 suis juste légèrement amusé par la situation. Peut-être pourrait-on

20 simplement enregistrer ce document aux fins d'identification, à des fins

21 d'équité.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qu'il en soit ainsi. Ce document sera

23 donc enregistré aux fins d'identification.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P246 MFI.

25 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi un instant, je souhaiterais

Page 6453

1 vérifier quelque chose sur Sanction.

2 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

3 M. NICHOLLS : [interprétation]

4 Q. A présent, je souhaiterais vous montrer un rapport de la MCCE.

5 M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit là d'un document qui a été inclus

6 dans le rapport de M. Coo et qui est mentionné dans le rapport rédigé par

7 le témoin.

8 Q. Nous avons parlé de la MCCE hier, vous-mêmes vous avez travaillé pour

9 la MCCE sur le terrain pendant trois années de conflit ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Ce rapport est daté du 22 juin, vous vous souvenez sans doute d'avoir

12 examiné ce rapport dans le cadre de la rédaction de votre propre rapport.

13 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris ce que vous avez dit.

14 Q. Vous avez déjà vu ce rapport et vous l'avez mentionné dans votre propre

15 rapport, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Il s'agit d'une évaluation de l'UCK, n'est-ce pas ? Vous voyez cela

18 dans l'entête. Est-ce que vous pouvez lire ce qui apparaît à l'écran ?

19 R. Je peux simplement lire ce qui a été agrandi. Je ne peux pas lire

20 l'intégralité du rapport.

21 Q. Très bien. Intéressons-nous à la partie mise en exergue.

22 M. MANSFIELD : [interprétation] Est-ce qu'il y a un exemplaire de ce

23 document dans son intégralité ? Si c'est le cas, j'aimerais que ce soit

24 distribué.

25 M. NICHOLLS : [interprétation] Ceci a été versé au dossier. Je n'ai pas de

Page 6454

1 copie non annotée à présenter au témoin ici.

2 M. MANSFIELD : [interprétation] On peut présenter au témoin un déjà

3 annotée.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

5 M. NICHOLLS : [interprétation] Nous allons agrandir ce passage. M. Younis

6 va s'efforcer de vous trouver un exemplaire.

7 Q. Dans l'introduction, que vous pouvez lire, la personne qui établit ce

8 rapport indique : "Nous avons rencontré l'UCK à nombreuses reprises, et

9 personnellement, j'ai été surpris par l'étendue de leur contrôle." Il

10 poursuit en disant : "Le présent rapport ne résulte que d'une semaine de

11 surveillance, et nos impressions sont par conséquent limitées."

12 R. Oui, mais je suis sûr que vous comprenez bien que le terme "contrôle,"

13 tel qu'il est utilisé ici, fait référence à la zone où ils ont observé la

14 présence de Kosovars armés ayant affirmé qu'ils étaient membres de l'UCK.

15 Cela n'implique pas nécessairement un contrôle au sens militaire du terme.

16 Q. Vous conviendrez avec moi qu'à l'époque, l'UCK contrôlait un large

17 territoire du Kosovo, 30 % environ. Je veux parler de la date du 22 juin.

18 R. Je conviendrais avec vous que l'UCK était présente. Mais il faut être

19 très prudent dans l'utilisation du terme "contrôle," car vous pouvez y

20 inclure certaines implications qui n'étaient pas à l'esprit du représentant

21 de la MCCE qui avait rédigé ce rapport.

22 Q. Très bien.

23 R. Le terme "contrôle" signifie littéralement la présence de personnes

24 dans les villages, par opposition à la présence de forces de police serbes

25 dans ce village.

Page 6455

1 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que nous avons trouvé un exemplaire

2 pour le témoin.

3 Q. Au paragraphe suivant --

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvez-vous indiquer le numéro,

5 Monsieur Nicholls ?

6 M. NICHOLLS : [interprétation] Le numéro ERN ?

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci n'est pas une pièce à

8 conviction ?

9 M. NICHOLLS : [interprétation] Si.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourrait-on avoir la cote de ce

11 document.

12 M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit - j'essaie de m'en souvenir - du

13 rapport de M. Phil Coo, portant la cote 230.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] P230 ?

15 M. NICHOLLS : [interprétation] Tout à fait.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que les caractères sont suffisamment

18 grands pour que le document soit lisible ?

19 R. Oui.

20 Q. Au paragraphe suivant, l'observateur indique :

21 "Le territoire de l'UCK" - c'est le titre. Je poursuis à la lecture : "Des

22 parties importantes de la région du Kosovo situées à l'ouest de Pristina

23 sont à présent sous le contrôle des forces serbes. Il existe un axe

24 principal d'approvisionnement très vulnérable qui se trouve au sud de

25 Pristina et qui va jusqu'à Prizren. Lorsque les zones en danger, telle que

Page 6456

1 Drenica, étaient considérées comme isolées, nous avons pu voir la vaste

2 majorité de la région située à l'ouest de Pristina. L'UCK semble contrôler

3 une région située à l'ouest de Pristina qui relie Drenica à la région

4 située immédiatement au sud, et notamment à la ville de Maliseve. Le

5 contrôle de l'UCK de la portion centrale de la route principale située à

6 l'ouest de Pristina à Peja a été la clé de ce lien dans une zone située

7 entre Komorane et Kijeve qui demeure sous le contrôle de la police serbe."

8 Un peu plus bas, au même paragraphe, il est dit : "La région la plus

9 extraordinaire est située au nord-est d'Orahovac. Maliseve se trouve en son

10 centre et représente le point focal du territoire dit libéré, qui continue

11 jusqu'à la limite de la route principale située en périphérie."

12 Le paragraphe suivant, "Infrastructure routière".

13 Je lis : "Ce qui est le plus frappant dans la plupart des territoires tenus

14 par l'UCK est l'étendue de l'utilisation et de l'amélioration par l'UCK des

15 infrastructures locales. Les petites routes étant à présent utilisées pour

16 s'assurer qu'un territoire pleinement intégré puisse permettre les

17 déplacements rapides entre les différentes régions. En résumé, il semble

18 que beaucoup d'effort soit déployé dans la prise de ce territoire par

19 rapport à ce que les observateurs avaient prévu."

20 Voilà l'évaluation des personnes qui se trouvaient sur le terrain à

21 l'époque.

22 R. Voici l'évaluation faite par deux observateurs. Je pense que ce qu'il

23 est très important de retenir ici, c'est l'expression, "ce qui avait été

24 prévu par la plupart des observateurs." La plupart des observateurs

25 pensaient que les villageois souhaitaient améliorer la qualité des chemins

Page 6457

1 entre les villages. Des tranchées ont été creusées, mais tout s'est

2 effondré le mois suivant. En fait, du point de vue stratégique, il y avait

3 une incapacité de gérer ce territoire. Comme vous l'avez vu, tout s'est

4 effondré lors de l'offensive menée par l'armée yougoslave en juillet,

5 laquelle a tout balayé. Il s'agissait d'une rébellion spontanée de villages

6 qui, comme vous l'affirmez, ou comme il est affirmé dans ce rapport, avait

7 établi un lien entre eux grâce à ces pistes, ces chemins de terre. Puis,

8 tout s'est effondré en quelques jours.

9 Là encore, cela prouve qu'il ne s'agissait pas d'une opération militaire

10 bien pensée. Il ressort également de la déposition de M. Limaj l'autre jour

11 que ce dernier était fortement préoccupé par ce qu'on appelait la

12 libération de Maliseve, préoccupation partagée par d'autres observateurs.

13 Nous étions d'avis qu'ils ne seraient pas en mesure de maintenir le

14 contrôle de ce territoire.

15 Q. Ce qui s'est passé à cet endroit à l'époque, au mois de juin, en fait,

16 l'UCK, d'après les observateurs qui se trouvaient sur le terrain, avait été

17 en mesure de relier des parties importantes du territoire à ce stade, et ce

18 avant l'offensive du mois de juillet. Ils avaient réussi à éviter l'entrée

19 des forces serbes sur ce territoire et avaient développé un système leur

20 permettant de se déplacer rapidement d'une zone à une autre en développant

21 ces routes. Vous pouvez estimer qu'il s'agit opération qui n'était pas tout

22 à fait parfaite au plan militaire, mais cette stratégie avait été mise en

23 place et avait donné lieu à la création de ce territoire.

24 R. Je ne décrirais pas cela comme "une opération qui n'était pas parfaite

25 au plan militaire." Selon moi, il ne s'agissait même pas "d'une opération

Page 6458

1 militaire" du tout. Il s'agissait de villageois qui avaient pris leurs

2 fusils de chasse. L'euphorie régnait, et ils célébraient la victoire.

3 Finalement, tout s'est effondré sous leurs yeux dès que les forces serbes

4 ont bougé.

5 Nous ne parlons pas ici de l'expulsion des forces serbes. Il s'agit de

6 l'expulsion de policiers de village qui avaient trouvé refuge dans leurs

7 postes de police et qui n'effectuaient plus beaucoup de patrouilles en 1996

8 ou en 1997.

9 Q. Mais il s'agissait de policiers du MUP, de forces serbes; ce n'étaient

10 pas simplement des policiers de village.

11 R. Les forces de police présentes, avant l'offensive, étaient constituées

12 essentiellement par des policiers de village; c'était le problème du MUP.

13 Le MUP a été chassé partout quasiment, car ils ne voulaient pas prendre de

14 risques et ne voulaient pas de confrontations. Ils étaient en mesure

15 d'arrêter des gens, mais ils n'étaient pas bons pour combattre afin de

16 maintenir le contrôle du territoire.

17 Beaucoup d'officiers supérieurs de l'armée yougoslave se sont plaints du

18 comportement du MUP à cet égard.

19 Q. On demandait à ce que l'armée yougoslave se voit attribuer un rôle plus

20 important dans la reprise de ces territoires, n'est-ce pas ?

21 R. Oui. Il s'agissait d'une opération militaire, et nous en avons vu les

22 résultats.

23 Q. Cet observateur note en outre que, s'agissant des déplacements à

24 l'intérieur des territoires, à deux occasions récentes, je cite : "L'équipe

25 a été escortée par des membres de l'UCK à travers une zone située au sud de

Page 6459

1 Drenica. A une autre occasion, on nous a fourni une escorte à travers le

2 territoire qui était devenu un réseau de chemins et de pistes liés entre

3 eux qui avaient été récemment améliorés. Ce qui était peut-être encore plus

4 important, c'était le niveau de communication entre les escortes, qui

5 semblaient s'attendrent à notre arrivée imminente."

6 R. Je n'ai jamais contesté qu'il y ait eu une communication au niveau

7 local. Mais il n'y avait pas d'échelon intermédiaire de commandement

8 efficace. Il n'y avait pas de capacité de liaison ou de coordination entre

9 les unités sur le terrain, ou très peu. En tout cas, rien n'indiquait qu'il

10 existait un système militaire de commandement au sens propre du terme.

11 Q. [aucune interprétation]

12 R. [aucune interprétation]

13 Q. Voilà ce dont parlent les observateurs de la MCCE dans ce rapport. Ils

14 parlent du fait que les villageois connaissaient les villageois qui

15 habitaient dans les villages avoisinants.

16 R. Si la veille du jour où la MCCE a pu entrer en contact avec un quartier

17 général et organiser un itinéraire permettant d'aller de village en

18 village, est-ce que je pourrais affirmer qu'il s'agissait là d'une forme de

19 système de commandement ? Mais le fait de relier les voisinages entre eux

20 ne constitue pas un système de commandement.

21 Q. Mais il y a eu d'autres rapports de la MCCE. Je souhaiterais mentionner

22 notamment un rapport qui fait référence à l'enlèvement de quatre Serbes.

23 Ceci est inclus dans le rapport de M. Coo. Il est notamment question de

24 réfugiés de Croatie, les frères Bakrac. Avez-vous entendu parler de cela,

25 de cet enlèvement particulier ?

Page 6460

1 R. J'en ai entendu parlé.

2 Q. Vous vous souvenez sans doute de M. Krasniqi qui a déposé dans ce même

3 prétoire au sujet du fait qu'il se souvenait de cet incident, et que ces

4 hommes, en réalité, avaient été libérés par l'UCK et remis à la Croix Rouge

5 internationale.

6 R. Oui. En principe, je n'accorde pas beaucoup de poids aux déclarations

7 faites par M. Krasniqi à l'époque. Il a reconnu lui-même qu'il s'agissait

8 en grande partie de propagande.

9 Q. P48.

10 M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit d'un article en date du 12

11 juillet. Ceci devrait apparaître grâce au logiciel Sanction.

12 Q. Inutile de parcourir l'intégralité de ce document que la Chambre de

13 première instance connaît déjà. Ici M. Krasniqi déclare : "Tout d'abord,

14 les forces serbes, qu'il s'agisse de la police, de l'armée, ou des civils

15 armés, sont nos ennemis. D'emblée, nous avons disposé de nos propres règles

16 internes relatives à nos opérations. Ces règles indiquent clairement que

17 l'UCK reconnaît la convention de Genève et les conventions régissant la

18 conduite de la guerre, même si on ne lui a pas parmi d'en être signataire.

19 Nous ne prenons pas les enlèvements. Même si certaines personnes ont

20 souffert, il y a eu plus de collaborateurs albanais que de civils serbes.

21 Nous ne nous occupons pas des civils, et nous rendons ceux que nous avons

22 fait prisonniers de guerre. Il y a quelques jours, nous avons remis deux

23 Serbes originaires de Croatie à la Croix Rouge internationale. Ceux qui ont

24 été enlevés, dont le nom figure sur une liste ou dont il a été rapporté

25 qu'ils ont été exécutés, mais notre comportement n'est pas similaire à

Page 6461

1 celui des Serbes."

2 M. Krasniqi a fait cette déclaration le 12 juillet 1998. Il a déclaré dans

3 ce même prétoire que ce qu'il est dit au sujet de ces deux civils qui ont

4 été libérés était exact. Est-ce que vous reconnaissez que ce n'était pas là

5 de la propagande de la part de l'UCK, pour ce qui est de ces deux hommes

6 qui ont été libérés ?

7 R. Pour ce qui est dit ici, au sujet de la libération de ces deux hommes,

8 je reconnais qu'ils ont été libérés. Les déclarations faites par M.

9 Krasniqi, il l'a reconnu lui-même, s'inscrivaient dans le cadre d'une

10 guerre de propagande, ce qui est normal dans la plupart des conflits.

11 Q. Ceci confirme le rapport fait par la MCCE au sujet de l'enlèvement de

12 ces hommes à un poste de contrôle de l'UCK.

13 R. Je suis sûr que oui.

14 Q. Pourtant, vous vous fondez sur l'entretien avec M. Selimi où il est

15 dit, en page 27 : "L'entretien démontre qu'il n'y a pas eu d'arrestations,

16 ni de prisons, car il n'y avait pas le temps." C'est votre analyse.

17 R. En ce moment même, il y a des enlèvements en Afghanistan. Le fait ici

18 qu'il ait fallu plusieurs jours pour que quelqu'un négocie la libération de

19 ces personnes montre à quel point il est difficile de s'adresser à un

20 quartier général compétent ayant la capacité requise pour contrôler ses

21 troupes, ou donner des ordres, ou imposer la discipline.

22 Q. Ceci confirme, par conséquent, que des gens ont été arrêtés, détenus,

23 puis libérés, grâce à des négociations, n'est-ce pas ? Vous pouvez parler

24 de prison, mais disons qu'il est question de détention.

25 R. L'enlèvement est une infraction pénale et considéré comme telle partout

Page 6462

1 dans le monde. Initialement, vous avez parlé "d'enlèvement," pas de

2 "détention" ou "d'arrestation."

3 Q. M. Krasniqi lui-même utilise le terme "enlèvement," ainsi que la MCCE,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Apparemment, il y a des raisons pour cela. Je n'ai pas d'objection par

6 rapport à ce que vous affirmez, mais je ne vois pas en quoi ceci implique

7 l'existence d'un commandement militaire qui aurait été capable d'organiser

8 la libération de ces personnes en temps voulu.

9 Q. Tel n'était pas l'objet de ma question. Je vous demandais pourquoi vous

10 aviez inclus dans votre rapport le fait que l'entretien avec M. Selimi

11 indique l'absence d'arrestations ou de prisons, au motif qu'il n'y avait

12 pas de temps pour que cela existe. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'une

13 déclaration déraisonnable, imprudente de votre part.

14 R. J'ai toujours établi une différence entre les enlèvements et les

15 arrestations. La situation est quelque peu semblable en Afghanistan.

16 Q. En page 20, vous déclarez que : "Les rapports de la MCCE ont largement

17 été rédigés par des officiers de l'armée à la retraite ou qui avaient été

18 aidés par d'autres personnes, qu'ils essayaient d'imposer l'ordre militaire

19 dans leurs rapports." Est-ce que vous pensez être en mesure de rejeter tous

20 les documents émanant de la MCCE pour cette raison ?

21 R. Je n'ai pas dit que je rejetais ces documents, j'indique simplement

22 qu'il convient d'examiner l'origine ou le parcours des personnes qui

23 s'occupent de ces rapports. Il faut comprendre leurs forces et leurs

24 faiblesses. Il faut examiner ces rapports avec précaution si vous n'en

25 connaissez pas les auteurs.

Page 6463

1 Q. En général, vous faites confiance aux rapports de la MCCE pour autant

2 que ceux-ci soient corroborés par d'autres éléments de preuve.

3 R. Oui, en général je fais confiance à ces rapports qui traitent

4 d'événements qui se sont déroulés sur le terrain. Hormis cela, pour ce qui

5 est des conclusions, par nécessairement.

6 Q. Vous indiquez encore une fois qu'il n'y a pas eu de structure de

7 commandement avant la fin de la guerre, après la guerre ?

8 R. Telle est ma position. Il n'y avait pas de structure de commandement

9 militaire effective.

10 Q. A l'intercalaire numéro 5 de la liste de documents que vous avez sous

11 les yeux, il y a un rapport, celui que vous avez rédigé, au sujet de

12 Kresevo. En êtes-vous l'auteur ?

13 R. Tout à fait.

14 Q. Il est daté de 2002, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. On peut voir une carte en page 5. Kresevo est une petite zone située à

17 la frontière du Kosovo, de la Macédoine et de la Serbie, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Au paragraphe I, page 1 vers le bas de la page, vous affirmez, je cite

20 : "Les rebelles albanais de Kresevo ne constituaient pas et ne constituent

21 toujours pas un mouvement unifié. Les rébellions survenues au Kosovo et en

22 Macédoine, organisées par des Albanais contre le régime slave, ou la

23 domination comme ils le percevaient, étaient relativement unifiées. Toutes

24 deux disposaient d'une organisation de grande envergure et d'une

25 organisation de petite envergure qui participaient à des activités de

Page 6464

1 commandement de la rébellion armée."

2 Vous parlez ici des rébellions albanaises au Kosovo qui ont eu lieu en 2001

3 en Macédoine, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous parlez ici de l'expression "raisonnablement unifiées". Est-ce que

6 vous voulez parler de l'UCK albanaise ?

7 R. Je n'ai pas parlé "d'unification militaire" ou "de commandement

8 militaire." A la fin du conflit au Kosovo, l'UCK avait une certaine

9 structure peu organisée. Si nous voulons aller plus loin et comparer la

10 rébellion albanaise qui disposait d'une structure plus organisée au plan

11 militaire, le conflit en Macédoine a montré qu'il existait une chaîne de

12 commandement efficace au mois à deux reprises, et il y a eu des

13 commentaires là-dessus. Alors qu'au Kosovo, on n'a jamais démontré que

14 cette chaîne de commandement existait.

15 Q. Très bien. Vous avez décrit la rébellion de l'UCK au Kosovo comme étant

16 "raisonnablement unifiée." Vous indiquez, notamment je cite : "Les

17 rébellions au Kosovo et en Macédoine par les Albanais étaient

18 raisonnablement unifiées. Dans les deux cas, il y avait une organisation de

19 grande envergure et une organisation de petite envergure qui participaient

20 au commandement." De quoi vouliez-vous parler ?

21 R. Je veux parler du fait qu'il n'y avait pas eu véritablement d'accord

22 avec l'état-major général. Ils n'ont pas véritablement reconnu l'état-major

23 général. Il s'agissait d'un domaine politique très flou, mais nous parlons

24 ici de reconnaissance politique.

25 Q. Mais vous parlez ici de rébellions armées, n'est-ce pas ?

Page 6465

1 R. Je parle de l'intention politique des personnes qui ont participé à ces

2 rébellions armées et qui n'avaient pas de système de contrôle.

3 Q. Mais vous dites "raisonnablement unifiées." Vous parlez "d'une

4 organisation de grande envergure et une autre de petite envergure qui

5 commandaient des parties de la rébellion armée." Pourquoi ne dites-vous pas

6 qu'à Kresevo la situation était la même qu'au Kosovo; il n'y avait pas de

7 structure de commandement, n'est-ce pas ce que vous voulez dire ?

8 R. Je ne voulais pas parler de structure de commandement ici. Je voulais

9 parler de la direction politique derrière la création de ce groupe ou de

10 ces groupes.

11 Q. C'est ce que vous voulez dire par "commandement de la rébellion

12 armée" ?

13 R. Je n'ai pas parlé de "commandement militaire" comme vous le remarquerez

14 et j'ai été très prudent, j'ai parlé de "rébellion armée." Je n'ai pas

15 suggéré qu'il s'agissait d'une force. Je n'aurais pas été d'accord avec

16 cette idée.

17 Q. Parlons de la discipline. A la page 5 de votre rapport, vous dites :

18 "Qu'il n'y avait pas de système de discipline militaire." Page 9,

19 paragraphe 16, vous dites : "Qu'il n'y avait pas de forme de discipline

20 militaire."

21 R. [aucune interprétation]

22 Q. La première référence à cela figure en page 5, la deuxième au

23 paragraphe 16, en page 9.

24 R. Oui, je pense que si vous lisez l'ensemble du paragraphe, vous verrez

25 ce que j'entendais.

Page 6466

1 Q. Vous saviez que Sulejman Selimi a témoigné que : "Si les soldats ne se

2 comportaient pas comme ils devaient le faire, leur uniforme leur était

3 retirée, leurs armes pouvaient leur être retirées et ils pouvaient être

4 expulsés de l'UCK"; exact ?

5 R. Oui.

6 Q. C'est vrai, n'est-ce pas ?

7 R. Je pense que cela est vrai effectivement. Le fait d'être renvoyé ou

8 congédié d'une organisation n'est pas forcément une méthode permettant

9 d'imposer une discipline militaire.

10 Q. Vous aurez peut-être lu dans son entretien à la page 45 que de

11 surcroît, il leur disait qu'ils ne pourraient plus jamais rallier les rangs

12 de l'UCK.

13 R. Oui. Je pense que j'ai fait une observation à ce sujet car le fait

14 d'avoir la possibilité de renvoyer quelqu'un d'une unité, c'est ce que je

15 continue à maintenir, correspond peut-être à un début embryonnaire, le

16 début d'une structure et d'un système militaire, mais cela ne correspond

17 pas à un véritable système efficace de discipline militaire.

18 Q. Vous parlez également de la tradition du Kacak [phon] et vous convenez

19 avec moi que pour les Kosovars albanais dans les zones rurales, l'honneur

20 était quelque chose d'absolument essentiel. Défendre et protéger son propre

21 honneur était quelque chose d'extrêmement important.

22 R. Je suis d'accord, oui.

23 Q. Cela se trouve peut-être dans votre rapport. Ce qui a été appelé "la

24 culture du fusil" avec l'importance attribuée aux armes et aux fusils.

25 R. Je ne pense pas que cela se trouve dans mon rapport.

Page 6467

1 Q. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec ce que j'avance ?

2 R. Je ne suis pas forcément d'accord avec ce que vous avancez mais je

3 conviens que cela comporte quelques éléments de vérité.

4 Q. Mon oncle était un artilleur de la RAF pendant la Deuxième guerre

5 mondiale. C'était une guerre menée à bien par le peuple, tout comme la

6 rébellion et la guerre de l'UCK est une guerre menée à bien par la

7 population des Albanais kosovars. Ce que je dis en fait, ce que j'entends,

8 c'est que la population se ralliait à cette guerre.

9 R. Oui.

10 Q. Si un homme se rallie à un rang, s'il est ensuite expulsé, s'il est

11 expulsé de façon déshonorable, il repart dans son petit village, et les

12 gens lui diront : "Qu'est-ce tu fait ici ?" Il dira : "J'ai été expulsé par

13 l'UCK. Ils m'ont pris mon uniforme, ils m'ont pris mon fusil. Ils m'ont dit

14 que je ne pourrais jamais plus faire partie de leurs rangs." Comment est-ce

15 que cela sera perçu dans ce village ?

16 R. Du point de vue social, manifestement, je pense que cela va être

17 difficile, mais je ne pense pas que les difficultés sociales font partie

18 d'un système de discipline militaire.

19 Q. Ne pensez-vous pas qu'être renvoyé de l'armée représente une forme de

20 sanction pour les différents militaires de carrière dans ce bas monde ?

21 R. Ce n'est pas normalement une forme de punition, jusqu'au moment où la

22 punition a été exécutée.

23 Q. Voilà ce que j'ai trouvé dans les forces canadiennes. Il s'agit de la

24 Réglementation royale et les ordres pour les forces canadiennes, volume 2,

25 chapitre 104, intitulé "Sanctions et punitions." L'une des punitions

Page 6468

1 énumérées est "renvoi avec disgrâce." Voilà, c'était une punition.

2 R. D'après l'expérience que j'ai, ce que j'entends en fait, c'est que

3 personne ne veut conserver cette personne au sein du service par ce du fait

4 de ce qu'ils ont fait, et du fait de la façon dont ils ont été punis. Bien

5 entendu, la difficulté est que si les soldats veulent quitter l'armée, et

6 s'ils se comportent mal, ils seront tout simplement renvoyés, et très

7 rapidement vous n'aurez plus d'armée.

8 M. MANSFIELD : [interprétation] Pour enchaîner à la suite de cela, est-ce

9 que le Procureur aurait l'amabilité de nous décrire le système de

10 discipline utilisé par l'armée canadienne ?

11 M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne peux pas vous le décrire, vous pourrez

12 poser des questions supplémentaires. Ce que je peux vous fournir, c'est un

13 exemplaire du code 104.08, qui décrit le chapitre 141 de la loi relative à

14 la Défense nationale, et il s'agit en fait du renvoi avec disgrâce qui est

15 considéré comme une forme de punition et sanction.

16 Q. J'aimerais vous demander si vous avez lu le témoignage de Fadil

17 Kastrati dans cette affaire ?

18 R. Je n'en suis pas si sûr que cela.

19 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir lu -- cela se trouve à la page 226,

20 17 à 18. Il s'agit de la façon dont le commandant Celiku lui a pris son

21 arme.

22 R. [aucune interprétation]

23 Q. Non.

24 R. [aucune interprétation]

25 Q. Bien, je vais vous en donner lecture : "Le commandant Celiku est arrivé

Page 6469

1 et m'a demandé si j'étais Fadil Kastrati ? J'ai répondu, oui. Il m'a dit :

2 Monsieur, vous devez maintenant rendre votre arme. Lorsque j'ai entendu ces

3 mots, cela était très dur pour moi. J'étais véritablement très chagriné, et

4 j'éprouvais du courroux à son égard. Je suis maintenant convaincu qu'il

5 avait raison, et j'ai un profond respect pour lui et pour tous les autres

6 soldats de l'UCK. Je lui ai demandé : Commandant, est-ce qu'il vous serait

7 possible de ne pas me désarmer ? Parce que c'est avec beaucoup de volonté

8 que j'ai pris cet arme."

9 Puis, je vais sauter quelques passages. Il a dit ensuite : "Ce n'était pas

10 à vous de parler. Je sais quand est-ce que je dois te donner un arme, quand

11 est-ce que je dois te la reprendre. Vous avez perturbé l'ordre du village.

12 Je lui ai répondu en disant que je n'avais pas provoqué cela, mais me je

13 suis souvenu qu'il ne devait pas parler de façon trop forte, parce que cela

14 pourrait poser un problème aux soldats. Le commandant Celiku m'a alors dit,

15 vous devez être désarmé, parce qu'il y a un règlement, une discipline au

16 sein des rangs de l'UCK, et nous devons agir de cette façon parce que si

17 nous autorisons ne serait-ce que la moindre petite erreur, nous ne pouvons

18 pas le faire. C'est pour cela qu'il vaut mieux que tu n'ais pas d'arme."

19 Ensuite, il décrit la façon dont l'arme lui a été reprise pendant 15 jours.

20 Au bout de neuf jours, il l'a récupéré. Il a dit : "Lorsque j'ai enfin pu

21 récupérer mon arme, je ne sais pas comment décrire cet événement. Ce fut

22 véritablement quelque chose de très important pour moi."

23 Vous ne considérez pas qu'il y ait quand même une certaine discipline ?

24 R. Comme je vous l'ai déjà dit au préalable, je vois en fait que lorsque

25 l'on renvoie quelqu'un, et lorsqu'on lui prend ses armes, cela correspond à

Page 6470

1 un système embryonnaire de discipline. Sans forcément un système de

2 contrôle, sans un système de confirmation de la peine, sans un système de

3 hiérarchie exhaustive. Je ne vois pas en fait -- il s'agit-là en

4 l'occurrence d'incidents isolés qui n'empêcheraient pas à quelqu'un de

5 faire quelque chose.

6 Ce que j'entends, c'est que si vous avez l'intention de tirer sur quelqu'un

7 de façon illégale, est-ce que vous pensez que si l'on vous reprend votre

8 arme, cela va avoir une incidence sur votre décision ?

9 Q. C'est ce que vous entendez par le fait qu'il n'y avait pas de système

10 de discipline ?

11 R. Je ne le sais pas exactement, non.

12 Q. Vous avez également --

13 M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit en fait, Monsieur le Président,

14 Madame, Monsieur les Juges, du document P156. Il s'agit, en fait, des

15 règlements provisoires de l'UCK visant l'organisation de la vie interne de

16 l'armée, ce que vous avez décrit en fait comme un manuel destiné aux boy-

17 scouts.

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez indiqué que vous n'avez rien trouvé. Vous ne le saviez pas,

20 en fait, cela, jusqu'au moment où ce document vous a été fourni ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Vous avez dit : "Je n'ai jamais trouvé de référence aux règles de la

23 guerre, ou je n'ai jamais trouvé de référence à une méthode permettant de

24 mettre en vigueur la discipline."

25 R. C'est exact. De façon qui aurait un sens si puis me permettre de

Page 6471

1 l'ajouter.

2 Q. Je ne voudrais surtout pas étudier l'ensemble du document, mais vous

3 souviendrez qu'il y était question, par exemple, des besoins de discipline

4 et d'ordre, chapitre 5. Par exemple : "Il faut respecter et suivre ce

5 qu'indique la hiérarchie."

6 R. Il n'y avait pas de hiérarchie. En fait, ils ont indiqué comment les

7 choses devaient se passer.

8 Q. Mais je vous parle du manuel.

9 R. Il s'agit d'aspirations. Il s'agit d'une armée qui souhaite

10 véritablement, de façon un peu désespérée en quelque sorte, être une armée,

11 mais qui en fait à l'époque se contente de ce qu'elle peut avoir.

12 Q. Ecoutez ma question. Je vous parle de ce qui apparaît à plusieurs

13 reprises dans le manuel, ce besoin de discipline. Il est question de

14 discipline.

15 R. [aucune interprétation]

16 Q. C'est le langage qui apparaît dans le manuel.

17 R. Oui.

18 Q. Si vous prenez le chapitre 8, je peux vous en fournir un exemplaire

19 d'ailleurs. Cela devrait apparaître sur le logiciel Sanction. Je vais vous

20 en fournir un exemplaire. Il s'agit de la police militaire et de ses

21 devoirs.

22 Au numéro 3, ou plutôt numéro 1, il est indiqué, il s'agit de la police

23 militaire : "Elle est organisée pour protéger les soldats sur le territoire

24 du Kosovo, de superviser et réglementer la circulation routière, de

25 superviser les personnes qui se livrent à des actes ou à des délits

Page 6472

1 militaires et civils."

2 Je vais vous donner la possibilité de le lire.

3 Au numéro 3, il est indiqué que : "Cela est organisé dans les zones

4 opérationnelles et dans les sous-ordres afin de faire en sorte que l'ordre

5 et la discipline règnent au sein des unités, dans les zones habitées, ainsi

6 que dans les autres installations qui ont une importance."

7 Puis à la page suivante --

8 R. De quelle page s'agit-il ?

9 Q. Il n'y a pas de numérotation des pages. Si vous consultez les deux

10 dernières pages du chapitre 8.

11 R. Mon chapitre 8 est intitulé, "Réglementations relatives à la santé et à

12 l'hygiène."

13 Q. Est-ce que je peux voir ce qui vous a été présenté ?

14 R. Chapitre 6, "Devoirs incombant aux personnes responsables."

15 Q. Vous avez le chapitre 8, "Police militaire et fonctions et devoirs de

16 la police militaire" ?

17 R. Oui.

18 Q. Alors, il s'agit du chapitre 1 et 3.

19 A la page suivante, parmi les devoirs de la police, vous avez : "Saisir les

20 armes des soldats qui ne respectent pas le règlement, et escorter à

21 l'endroit approprié toutes les personnes qui commettent des délits et des

22 crimes."

23 Est-ce que vous avez lu cela lorsque vous avez étudié les documents pour

24 votre rapport ?

25 R. Oui.

Page 6473

1 Q. Vous pensez que cela correspond à votre rapport ? Vous avez dit "qu'il

2 s'agissait d'un manuel destiné à des boy-scouts qui n'avait pas

3 véritablement les possibilités de mettre en vigueur la discipline ?"

4 R. C'est la même chose ici. Il s'agit d'un document qui indique les

5 aspirations, un document qui doit être envoyé aux organes pertinents. Qui

6 sont les organes pertinents ? Où se trouvent-ils ? Qui les dirige ? Qui les

7 contrôle ?

8 Q. Mais vous ne dites pas cela dans votre rapport. Dans votre rapport,

9 vous décrivez un manuel. Au paragraphe 36, vous avez la description de ce

10 manuel. Vous dites qu'il s'agit d'un manuel "qui n'est pas militaire. Un

11 manuel qui est destiné à réguler la vie personnelle, un peu comme un manuel

12 destiné à des boy-scouts. Je n'y ai pas trouvé de références à la

13 législation relative à la guerre. Il n'y est pas non plus fait référence de

14 cour martiale ou de moyens permettant de mettre en vigueur la discipline.

15 R. Les lignes que vous venez de me décrire n'ont rien à voir avec la façon

16 de mettre en vigueur la discipline. Il s'agit d'un document qui expose des

17 aspirations que la police militaire avait dans un monde où l'ordre

18 régnerait.

19 Q. Oui, mais ce que vous ne dites pas dans votre rapport, c'est qu'il

20 s'agit d'un document reprenant des aspirations. Il y a des références à des

21 mécanismes permettant de mettre en vigueur la discipline. Votre rapport

22 n'est pas très précis.

23 R. Nous n'avions pas de preuves pour ce qui est de la distribution de ce

24 document. Pour ce qui est des gens qui devaient lire ce rapport, cela

25 aurait pris beaucoup de temps. De toute façon, d'où venait-il ? Qui

Page 6474

1 l'avait ? A qui il était destiné ? Je ne savais pas, et en fait, je ne l'ai

2 pas pris très au sérieux. Cela a été produit à Pristina et cela faisait

3 partie de cette aspiration qui consistait à vouloir devenir une armée. Mais

4 pour ce qui est de savoir si, pendant la période de temps, ils ont réussi à

5 le faire, je vous dirais que, malheureusement, non; ils n'y ont pas réussi.

6 Q. Mais ce n'est pas ce dont il s'agit au paragraphe 36, qui est le

7 paragraphe de la description du manuel. Mais je vais poursuivre.

8 Vous conviendrez avec moi, n'est-ce pas, que l'arrestation et le

9 désarmement de personnes qui commettent des crimes et l'envoi de ces

10 personnes aux organes appropriés est une méthode qui permet de mettre en

11 œuvre la discipline ?

12 R. Si nous savons de quel organe pertinent ou approprié il le s'agit. Mais

13 comme je vous l'ai dit, c'est une idée de départ, et nous aimerions savoir

14 comment cela va évoluer. Cela ne décrit pas quelque chose qui s'est

15 véritablement produit.

16 Q. Vous avez parlé de vos antécédents hier. Vous nous avez dit que vous

17 n'avez pas suivi de cours à la faculté de droit. Vous conviendrez avec moi

18 que quelqu'un qui a suivi des cours de l'école de Stanford et qui était le

19 juriste de Stanford de l'année en 2004, et qui a consacré sa carrière

20 juridique à travailler dans le domaine des droits de l'homme, est beaucoup

21 plus qualifié que vous pour parler de questions juridiques.

22 M. MANSFIELD : [interprétation] Je soulève une objection, parce que je ne

23 pense pas que cela est une question à poser à un expert. Il ne s'agit pas

24 de savoir qui est apte ou n'est pas apte à partir de certains diplômes.

25 Donc, je ne vois vraiment pas la pertinence de la question.

Page 6475

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que ce sera quelque chose qui

2 est du ressort du réquisitoire, Monsieur Nicholls.

3 M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien.

4 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

5 M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

7 Nous avons encore quelques dix minutes. Voulez-vous commencer maintenant,

8 Maître Mansfield, ou souhaitez-vous commencer après la pause ?

9 M. MANSFIELD : [interprétation] Je pense que je vais commencer tout de

10 suite. Je vais commencer à aborder certains aspects.

11 Nouvel interrogatoire par M. Mansfield :

12 Q. [interprétation] Dans un premier temps - je ne vais pas oublier de

13 marquer des temps de pause - nous avons écouté toutes les questions qui

14 vous ont été posées et nous sommes conscients des documents qui vous ont

15 été présentés. J'aimerais savoir si, dans tout cela, parmi tous ces

16 documents ou parmi toutes ces questions, il y a quelque chose qui vous

17 pousserait à modifier votre point de vue à propos de l'absence d'un conflit

18 armé pendant la période pertinente en 1998 ?

19 R. Absolument, pas.

20 Q. A maintes reprises, vous avez indiqué qu'il n'y avait pas de structure

21 de commandement, et vous avez indiqué qu'il n'y avait pas de structure

22 efficace en place. Est-ce que vous pourriez nous indiquer quels seraient

23 les éléments qui permettraient d'avoir une structure de base et non pas une

24 structure très élaborée, mais une structure de base, une structure de

25 commandement militaire et efficace de base ?

Page 6476

1 R. Oui. Je pense que vous avez, au niveau de base, vous pouvez le voir en

2 fait au niveau de la NLA en Macédoine, vous avez un commandement central,

3 avec un chef d'état-major, un commandant, un commandant adjoint, un chef

4 d'état-major, et nous savons qu'il commande un certain nombre de brigades

5 définies qui sont visibles dès le début du conflit, qui à leur tour

6 commandent des sous-unités. Peu importe qu'elles soient intitulées

7 "bataillons," mais il s'agit en fait de brigades qui n'ont que la taille de

8 bataillon. Donc, il y a commandement des sous-unités, et vous avez la

9 possibilité très claire et manifeste de transmettre des ordres. Cela, nous

10 l'avons vu en Macédoine, après ce conflit. Le commandant Alija Ahmeti

11 pouvait donner des ordres deux fois. Il a donné l'ordre d'un retrait. Je

12 sais qu'une fois, son chef d'état-major s'y était opposé, mais les retraits

13 ont néanmoins eu lieu, et cela a été confirmé par la communauté

14 internationale. Il y a un objectif politique, on souscrit à un objectif

15 politique et l'on utilise le système militaire du commandement pour

16 soutenir, sous-tendre en quelque sorte, ces objectifs politiques.

17 Q. Vous nous avez apporté votre réponse et vous avez indiqué un facteur;

18 vous avez parlé de la communication, la transmission de tous les ordres.

19 J'aimerais évoquer certains autres aspects que vous avez mentionnés cet

20 après-midi : le nombre de personnel, la connaissance, le transport. Tout

21 cela, ce sont des paramètres à considérer au sein de cette structure ?

22 R. Pour avoir une structure militaire vous devez avoir le personnel

23 nécessaire. Parce que sans personnel, vous ne pouvez pas exécuter les

24 ordres du commandant. Cela a commencé à voir le jour à l'UCK à la fin,

25 lorsqu'il y a eu différentes sous-divisions de logistique. Il y a une

Page 6477

1 personne qui peut s'occuper de la discipline militaire, par exemple. Il

2 faut qu'il y ait un système qui permet de transmettre les données, ce qui

3 est connu, ce qui permet aux gens de savoir ce qu'ils sont censés faire. Il

4 faut également qu'il y ait une certaine forme de transport pour pouvoir

5 déplacer les choses ou il faut que vous ayez à votre disposition un système

6 de radio qui fonctionne.

7 En Macédoine, ils continuent à utiliser le système de téléphone portable,

8 qui est une excellente méthode pour transmettre des ordres. Bien entendu,

9 il faut également avoir un système qui permet d'imposer la discipline.

10 Q. Je m'excuse de marquer un temps d'arrêt, mais je pense qu'il y a eu un

11 problème d'interprétation. Il s'agit de la page 74, ligne 18. Je vois que

12 le mot "Celiku" apparaît à mauvais escient. En fait, lorsque vous lisez

13 cette phrase, vous voyez qu'il faudrait que ce soit --

14 R. Ceku.

15 Q. Oui, Ceku. Je pense que cela pourrait être modifié en temps voulu.

16 Justement à ce sujet, je pense à votre réponse. L'Accusation, par exemple,

17 a finalement concédé que quelqu'un comme Selimi indiquait qu'il ne savait

18 pas comment ses ordres étaient transmis.

19 R. Je suppose qu'il faut prendre en considération le contexte de l'époque.

20 C'était un souhait, en quelque sorte, de faire plaisir à la personne qui

21 posait des questions. Je pense, en fait, qu'il ne savait pas comment ses

22 ordres étaient transmis. Mais ce qu'il entend, c'est qu'ils n'étaient pas

23 transmis. Sinon, un commandant aurait su comment ses ordres étaient

24 transmis, parce que l'une des choses dont il est absolument certain, c'est

25 que si ses ordres sont communiqués et transmis, ils sont reçus par

Page 6478

1 quelqu'un, ils sont compris, et quelqu'un va les respecter. S'il ne le

2 savait pas, c'est qu'il ne donnait pas d'ordres.

3 Q. Une toute dernière question avant la pause, et cela concerne toujours

4 M. Selimi. Il y a eu des questions qui ont été posées par M. Nicholls lui-

5 même. Il s'agissait de la nomination de M. Selimi. Ce qu'il dit - je vais

6 vous donner la date ultérieurement - mais c'est à la page 2 173. Ce qu'il a

7 dit à la ligne 21, ce qu'il a dit à M. Nicholls, c'est : "Lorsque les

8 commandants se sont rassemblés autour de lui, il y avait un membre de

9 l'état-major qui était présent lorsqu'ils m'ont élu commandant de la zone

10 opérationnelle." Alors, que dites-vous à ce sujet, et pensez au contexte de

11 la structure du commandement ?

12 R. Lorsqu'il s'agit d'élection de personnes qui étaient appelées

13 "commandants," même s'ils n'avaient pas une aptitude au commandement, c'est

14 quelque chose qui était assez classique et courant pour l'UCK, notamment en

15 1998 et 1999.

16 Les commandants sont censés être nommés. Mais si un commandant peut être

17 élu, on peut également l'évincer s'il ne s'acquitte pas de ses fonctions,

18 et pour ce faire, vous n'avez pas besoin de système militaire. Vous n'avez

19 pas de système militaire lorsque les commandants sont élus. Vous ne pouvez

20 pas imposer la discipline. Vous ne pouvez pas imposer la discipline lorsque

21 vous avez des commandants élus. Donc, vous avez toute une série de groupes

22 qui se battent tous, qui ont tous le même objectif, mais une fois de plus,

23 vous n'avez pas de système de commandement.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Je pense que nous pouvons avoir la pause.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons reprendre à 17 heures 50.

Page 6479

1 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.

2 --- L'audience est reprise à 17 heures 52.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.

4 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, pendant que les

5 stores remontent, à la ligne 25, page 75, j'ai cité le témoignage de M.

6 Selimi. Je crois qu'il y a un terme qui a été mal cité, et c'est sans doute

7 ma faute. Il a été dit : "Lorsque les commandants des communautés ont été

8 rassemblés," alors que sur le compte rendu on lit "les commandants

9 d'unités." Je souhaitais apporter cette correction.

10 Q. Monsieur Churcher, vous avez parlé de la discipline dans votre dernière

11 réponse. J'aimerais vous poser une question similaire à celle que je vous

12 ai posée concernant la structure de commandement. En ce qui vous concerne

13 quels sont les éléments constitutifs élémentaires d'un régime disciplinaire

14 militaire effectif ? Je ne vous parle pas ici d'un système élaboré,

15 simplement un système tout à fait élémentaire.

16 R. Tout d'abord, il est très difficile d'envisager un système militaire,

17 un système de discipline utilisable si je puis dire si vous n'avez pas

18 d'entité d'Etat ou semblable à un Etat qui sous-tend cette structure de

19 commandement. Mais admettons que ce soit possible sans base juridique, en

20 haut vous trouveriez une personne qui serait chargée des questions

21 disciplinaires et à chaque niveau de commandement, même s'il s'agissait

22 d'une responsabilité conjointe, vous auriez quelqu'un qui serait à nouveau

23 chargé de ces questions disciplinaires. Puis, il vous faudrait également

24 mettre en place un système établi qui vous permettrait de juger quelqu'un,

25 en tout cas dans la pratique, il faudrait que ceci existe. Il faudrait

Page 6480

1 également avoir un système de sanctions graduelles, si quelqu'un avait

2 commis un acte un petit peu répréhensible, il faudrait pouvoir le

3 sanctionner en conséquence. Sans quoi, vous devriez vous contenter d'un

4 souhait exprimé par certaines personnes de s'impliquer ou de ne pas

5 s'impliquer, mais ceci ne correspond en rien à un régime disciplinaire.

6 Q. Au début de votre réponse, vous avez formulé une réserve. Vous avez

7 parlé d'une "entité d'Etat ou similaire ou assimilable à un Etat qui sous-

8 tendrait cette structure de commandement." Etant donné la situation dans

9 les Balkans et plus précisément au Kosovo, cette situation au Kosovo

10 variait, différait radicalement de la situation observée dans d'autres pays

11 ou régions des Balkans en ce qui concerne le conflit et l'insurrection, le

12 conflit armé ?

13 R. Dans les conflits liés à la dissolution de la Yougoslavie ou quel que

14 soit le nom que l'on souhaite utiliser pour faire référence à ces conflits

15 dans les années 1990, chaque fois, il y avait un Etat ou une entité

16 assimilable à un Etat. Lorsque la Bosnie a décidé de se défendre, il

17 existait des autorités en Bosnie qui ont décidé d'utiliser l'armée, la

18 Défense territoriale pour se défendre même si cette armée avait été

19 désarmée. Puis, il y avait une structure parallèle qui a permis d'imposer

20 une certaine discipline militaire qui a permis de se débarrasser de ce

21 pouvoir à Sarajevo un peu plus tard pendant la guerre. Quoi qu'il en soit,

22 il y avait un Etat. Embryonnaire peut-être, insuffisant peut-être, mais un

23 Etat. Alors qu'au Kosovo, il n'y avait rien de tout cela, il n'y avait pas

24 d'entité assimilable à un Etat. Le plus proche peut-être de cela aurait été

25 les structures que la LDK avait établies à l'étranger, mais l'UCK n'avait

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1 rien à voir avec ces structures. En fait, l'UCK était même à l'opposé, à

2 l'extrême opposé de ces structures.

3 Q. Bien. J'aimerais revenir à un document qui vous a été soumis. Je ne

4 sais pas si nous avons une copie papier de ce document, si vous l'avez en

5 tout cas sous les yeux, mais il a trait à la dernière réponse que vous avez

6 fournie. En réalité, il s'agit de la pièce d'accusation 230. Je vais vous

7 en faire passer une copie papier. C'est un rapport de la MCCE dont on vous

8 a cité certains passages.

9 R. Non, je crois que je ne l'ai plus.

10 Q. Je vais attendre avant qu'il vous soit remis.

11 Je ne vais pas revenir sur tous les paragraphes qui vous ont été lus, mais

12 je crois que le premier a été intitulé "Infrastructure" c'était le

13 deuxième, et le premier était intitulé "Territoire de l'UCK." Regardez en

14 bas de la page, peut-être pourrait-on l'afficher à l'écran afin que

15 d'autres puissent suivre. J'aimerais simplement m'arrêter un instant sur ce

16 paragraphe "Membres de l'UCK."

17 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci. Je pense que ce sera un petit peu

18 plus facile comme cela, puisque tout le monde ne dispose pas de ce

19 document. Le dernier paragraphe qui porte pour titre "Membres de l'UCK" ou

20 "Appartenance à l'UCK." Je crois que c'est lisible.

21 Q. Peut-être serait-il plus rapide que je vous donne lecture de ce

22 passage. Ecoutez bien. Bien sûr, je vais vous demander des observations que

23 vous pourriez faire à la suite de celles que vous avez déjà faites. Je vais

24 le lire lentement.

25 "Les membres de l'UCK." C'était le titre. "Pendant toute la semaine passée

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1 l'équipe a rencontré sans doute davantage d'UCK au poste de contrôle que de

2 Serbes et a été saluée par toutes sortes d'individus, du villageois portant

3 des pistolets à des membres de l'UCK cagoulés se présentant comme des

4 chefs. La gradation des différents membres de l'UCK que nous avions

5 envisagés par le passé semble correcte. De nombreux villageois portent des

6 armes et même des jeunes enfants, des garçons, aident à la construction ou

7 au creusement de tranchées, mais les membres portant des uniformes semblent

8 plus nombreux qu'il ne l'a été envisagé au départ et ceci est sans doute le

9 résultat d'un recrutement plus récent qui a suivi l'expansion ou

10 l'élargissement des territoires tenus par l'UCK. Le noyau des membres de

11 l'UCK semble à peu près partout émaner de la diaspora dont un nombre

12 important semble provenir d'Allemagne et en particulier d'Autriche et de

13 Suisse. Ils montrent une certaine confiance, enthousiasme et parfois une

14 certaine nervosité, mais ils sont pratiquement tous courtois. Il semble

15 qu'ils ne soient pas conscients de la présence de la MCCE et jusqu'à

16 présent n'ont pas exprimé le vœu de tirer parti de notre présence afin de

17 faire part de leurs désirs. En réalité, l'impression générale tirée de la

18 situation est qu'ils se fichent un peu de la communauté internationale pour

19 lesquels ils éprouvent de la méfiance. Alors que les frappes aériennes de

20 l'OTAN pourrait leur convenir, pourrait aller à leur avantage, ils n'ont

21 pas l'intention de les attendre. L'unité familiale élargie qui est souvent

22 de mise chez les Albanais et dont les Albanais tirent souvent un soutien

23 est encore la structure globale la plus plausible sur laquelle l'UCK repose

24 et reste leur plus gros atout. De cette manière, le nombre de personnes

25 appartenant à l'UCK semble illimité."

Page 6483

1 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas d'objection, je

2 pense que la première ligne commence par "plus de postes de contrôle de

3 l'UCK," mais ce n'est pas une erreur.

4 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, tout à fait.

5 M. NICHOLLS : [interprétation] Ici, je ne sais pas s'il est question du

6 nombre de soldats ou du nombre de points de contrôle.

7 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait j'ai mal lu,

8 il s'agit "aux postes de contrôle." Je suis tout à fait d'accord. Donc, de

9 "postes de contrôle de l'UCK plus que de postes de contrôle serbes."

10 Q. Ceci vous aide-t-il à revenir sur les évaluations et les opinions que

11 vous avez déjà formulées ?

12 R. Ceci, je pense confirme ce que j'ai déjà dit concernant la nature

13 extrêmement multiple de l'UCK à son départ. Elle se fondait principalement

14 sur les gens qui se connaissaient. Comme vous le savez en particulier grâce

15 aux liens familiaux, c'est ces liens familiaux là qui étaient exploités.

16 Faire confiance à d'autres, à ce moment-là, était très difficile. Puis, il

17 y a eu un certain nombre de faux départs au début des années 1990 où les

18 gens ont été trahis et il y avait beaucoup de soupçons qui demeuraient. Par

19 conséquent, ils se retournaient vers leurs familles élargies, vers leurs

20 neveux, et cetera, afin d'y exploiter les liens familiaux. Tout ceci montre

21 qu'il n'y a pas encore de structure militaire, il y a toute une série de

22 groupes au sein desquels existent un certain nombre de liens, entre

23 lesquels existent un certain nombre de connexions, mais ils ne se

24 connaissaient pas véritablement. Les gens arrivent dans un endroit donné,

25 ils commencent à patrouiller la région et pour découvrir quelques semaines

Page 6484

1 plus tard quelque chose qu'il ne savait pas et qu'il y a une série de

2 groupes autoconstitués, en quelque sorte, qui patrouillent la même zone.

3 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci. Nous pouvons revenir maintenant et

4 retirer ce document des écrans.

5 Q. Vous vous souviendrez, dans un certain nombre de questions qui viennent

6 de vous être posées, il y a eu une certaine confusion dans la question

7 entre deux lieux, Racak et Rahovec. J'aimerais revenir sur ce dernier lieu,

8 Rahovec. On a cité ce qu'a dit M. Limaj sur ce point. Vous vous en

9 souvenez ?

10 R. Oui.

11 Q. Un peu plus tard -- quelques paragraphes plus loin, plus loin que le

12 passage dont on vous a donné lecture, où il est dit que des représentants

13 de l'état-major général révélaient qu'ils ne venaient d'entendre parler de

14 ces événements qu'à 7 heures du matin ou à 8 heures, c'est-à-dire, plus

15 tard.

16 Quelques paragraphes plus tard, Fatmir Limaj dit la chose suivante -- c'est

17 le 69e jour, ligne 22 -- page 68, pardon, page 68, ligne 22, 69e jour. Il

18 parle d'un hôpital de fortune et il

19 dit : "Ceci a eu lieu à Rahovec. S'il y a véritablement un jalon dans

20 l'histoire de l'UCK, au cours de cette période, s'il y a eu une ombre au

21 tableau, c'est bien cela parce que personne ne sait comment la situation a

22 véritablement évolué. C'est l'une des raisons pour laquelle je souhaite

23 parler de cela parce que je connais l'existence de cet incident, cela a été

24 une ombre au tableau qui a coûté beaucoup à l'UCK, en termes de victimes au

25 sein de ses membres et également, en termes de confiance que lui portaient

Page 6485

1 les gens. Rahovec montre véritablement, reflète véritablement la manière

2 dont l'UCK était organisée à l'époque. C'est un exemple concret."

3 Vous êtes d'accord ?

4 R. La seule chose avec laquelle je ne serais pas d'accord, c'est de dire,

5 bien entendu, que l'UCK n'était pas organisée et c'est très exactement

6 pourquoi les événements de Rahovec ont eu lieu. Je me souviens de jeunes à

7 l'époque, un nombre de jeunes hommes qui sont rentrés dans la ville pour

8 visiter leurs familles. Ils portaient des armes et ils se sont retrouvés

9 confrontés à des Serbes. Les combats ont éclaté. Les gens sont venus les

10 aider et avant que l'UCK ne s'en rende compte, ils avaient pris Rahovec,

11 mais ils n'ont pas pu tenir entre leurs mains, plus longtemps, Rahovec. Je

12 ne dirais pas qu'il s'agit d'un véritable désastre, mais c'est vrai que

13 c'était un échec en termes de relations publiques, dans la mesure où le

14 monde extérieur pensait qu'ils avaient l'intention de prendre une ville et

15 on pensait qu'ils l'avaient perdue, alors qu'ils n'avaient pas l'intention

16 de la prendre du tout, au départ. Cela a été une catastrophe, au niveau

17 personnel, pour un certain nombre de jeunes et de villageois qui sont allés

18 aider et qui, malheureusement, sont morts.

19 Q. J'aimerais, maintenant, revenir à la liasse de documents qui vous a été

20 remise hier, au Procureur, afin que vous puissiez les consulter avant

21 aujourd'hui. Je vous renvoie particulièrement à l'intercalaire numéro 2 où

22 on trouve la lettre qui porte le titre : "Consultants sur le sud des

23 Balkans" et on y voit votre nom, en haut, "Southern Balkan Consultants."

24 Pourriez-vous nous dire pourquoi cette lettre intitulée "La Solution

25 pour le Kosovo : Indépendance" a été rédigée dans sa forme initiale?

Page 6486

1 R. Au départ, il s'agissait d'un document qui devait être inclus dans un

2 petit ouvrage pour le groupe chargé de l'analyse des crises

3 internationales, document qui exprimait un certain nombre de suggestions

4 d'indépendance pour le Kosovo, une solution qui aurait été apportée au

5 problème du Kosovo; c'est un document qui devait sortir en 2002. Ensuite,

6 on m'a envoyé un courrier électronique, je crois, je crois que c'est

7 Shirley DioGuardi qui me l'a envoyé et qui m'a demandé de fournir ma

8 contribution aux travaux du Congrès et j'ai ressorti ce texte précisément,

9 je l'ai un peu revisité et je le lui ai envoyé. Mais je ne savais pas qu'il

10 allait être utilisé sous cette forme-là, mais c'est l'intention qui était

11 la mienne.

12 Q. Ce document, cet ouvrage auquel vous vouliez contribuer, a-t-il été

13 écrit, rédigé ou produit par des gens que vous connaissiez ?

14 R. Non. Il s'agissait de personnages politiques internationaux de haut

15 vol, pour la plupart, un ministère de la Suède ainsi que d'autres personnes

16 membres de l'administration américaine, et cetera. Ce sont eux qui ont,

17 ensemble, suggéré ce moyen qui aurait permis de trouver une solution.

18 Q. Afin de confirmer les choses, on vous a posé des questions hier. Afin

19 de préparer le rapport, votre rapport, on vous a fourni un certain nombre

20 de documents à différents stades; en particulier, j'aimerais savoir si on

21 vous a fourni des comptes rendus émanant d'ici, de ce Tribunal afin que

22 vous les examiniez ?

23 R. Oui.

24 Q. Un nombre important ?

25 R. Oui, assez important.

Page 6487

1 Q. Vous a-t-on également fourni des éléments étayant, dans la mesure du

2 possible, toutes les références relatives au conflit armé ou des

3 retranscriptions, comptes rendus de déposition, et cetera ?

4 R. Pas récemment, mais peut-être, un mois, oui, j'ai obtenu un élément de

5 ce type.

6 Q. Enfin, avec l'autorisation de cette Chambre, j'aimerais verser au

7 dossier votre rapport, mais avant cela, y a-t-il d'autres questions sur

8 lesquelles vous aimeriez ajouter quoi que ce soit ou retirer,

9 éventuellement, quoi que ce soit ?

10 R. Non. Je dois simplement insister sur ce que j'ai déjà dit jusqu'à

11 présent : si on a du mal à définir ce que pourrait être un système effectif

12 de commandement militaire, je pense que le NLA, au sein du conflit

13 macédonien, en présente certains aspects, à savoir, une capacité manifeste

14 à transmettre des ordres et à progresser ou à se retirer en fonction d'un

15 plan établi et d'un ensemble d'ordres et ceci, avec le recul, je l'aurais

16 mis dans mon rapport, si j'avais eu envie d'établir des comparaisons, mais

17 à part cela, je pense que mon rapport est acceptable en l'état.

18 M. MANSFIELD : [interprétation] Parfait. Je demanderais à ce que ce rapport

19 soit versé au dossier. Cela deviendrait la pièce DL12. Je ne sais pas s'il

20 y a d'objection à cela. A l'annexe de ce document, j'aimerais qu'on ajoute

21 la retranscription de la déclaration de M. Thaqi.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Me Mansfield, il s'agit, n'est-ce pas,

23 de la déclaration de M. Thaqi, des notes de l'enquêteur, plus précisément,

24 qui remontent à 2002 [comme interprété], je crois.

25 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, effectivement.

Page 6488

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous n'avions pas eu le temps d'en

2 parler jusqu'au bout hier. Nous allons accepter la

3 pièce DL12, le rapport de ce témoin ainsi que la déclaration de

4 M. Thaqi.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce DL13.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On y trouve le CV, également, du

7 témoin, n'est-ce pas, Maître Mansfield ?

8 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, tout à fait.

9 Enfin, j'aimerais remercier M. Churcher de sa patience et j'aimerais,

10 également, remercier l'Accusation de nous avoir permis d'intervenir, ce qui

11 s'écarte un petit peu de la procédure habituelle.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield. Y a-t-il des

13 questions de la part des Juges ?

14 Questions de la Cour :

15 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] Oui, M. Churcher. J'aimerais savoir si

16 vous pourriez apporter une précision sur un point en particulier. Nous

17 avions entendu que vous aviez été directeur du groupe chargé de l'analyse

18 des crises internationales, je crois, de septembre 2000 à août 2001.

19 R. Je ne suis pas devenu directeur --

20 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] Oui, je crois que c'est ce que dit

21 votre CV.

22 R. Oui, effectivement, directeur en titre, en quelque sorte. Je crois que

23 j'ai remplacé mon prédécesseur en novembre, si mon souvenir est bon. Il y a

24 eu une période de transition.

25 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] Très bien. Nous avons vu dans le

Page 6489

1 rapport qu'il n'y avait pas de référence, dans ce rapport ICG sur la

2 question de l'évolution et de l'organisation de l'UCK. Cela ne figure pas

3 dans votre rapport, n'est-ce pas ?

4 R. Non, pas dans mon rapport.

5 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] A votre connaissance, après votre

6 présence à l'ICG, y a-t-il eu un rapport qui a été produit par cette même

7 organisation sur l'UCK ?

8 R. Non. Il y a eu des rapports avant mon arrivée là-bas. Comme vous pouvez

9 vous imaginer, ces rapports sont anonymes. Toutefois, avec le recul, ces

10 rapports ne dressaient pas un tableau très bon, à mon avis, bien que ceci,

11 je le dis avec du recul. Mais je crois que les informations dont on

12 disposait à l'époque étaient très limitées.

13 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] Donc, il y a eu des rapports sur l'UCK

14 avant.

15 R. Non, non, pas sur l'UCK; sur l'ensemble de la situation qui régnait au

16 Kosovo.

17 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] Bien. Je vous remercie.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous serez heureux d'apprendre,

19 Monsieur Churcher, que vous pouvez maintenant vous retirer. Je sais que le

20 temps vous manque, que vous deviez être libéré ce soir, et nous avons

21 réussi à le faire. Merci de l'assistance que vous nous avez apportée.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur.

23 [Le témoin se retire]

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je demanderais à Monsieur Limaj de

25 bien vouloir revenir à la barre des témoins.

Page 6490

1 [L'accusé Limaj s'avance à la barre]

2 LE TÉMOIN : FATMIR LIMAJ [Reprise]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Limaj, je vous rappelle que

5 vous avez prononcé une déclaration solennelle au début de votre déposition,

6 et elle s'applique toujours.

7 Monsieur Whiting, vous avez la parole.

8 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Contre-interrogatoire par M. Whiting : [Suite]

10 Q. [interprétation] Monsieur Limaj, je souhaiterais que nous reprenions là

11 où nous nous étions arrêtés hier. Je vous posais des questions au sujet des

12 crimes commis à Lapusnik. Je souhaiterais vous poser la question en termes

13 plus généraux. A votre connaissance, Monsieur Limaj, au cours de l'année

14 1998, est-ce que l'UCK - et lorsque je parle de "l'UCK," je veux parler de

15 n'importe quel soldat de l'UCK - est-ce que l'UCK donc a jamais détenu des

16 civils serbes, pour autant que vous le sachiez au cours de l'année 1998 ?

17 R. Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Procureur, il est possible que cela

18 se soit produit dans différentes régions du Kosovo. Mais vous devez garder

19 à l'esprit que les informations à l'époque étaient très limitées. Je ne

20 pouvais pas suivre tout ce qui se passait partout. Mais de telles choses

21 ont pu se produire, des choses ont pu être faites au nom de l'UCK.

22 Q. Avez-vous connaissance de tels incidents au cours de l'année 1998 ou

23 est-ce que vous vous livrez là à des spéculations ?

24 R. Je parle de façon générale. Mais il y a un incident bien précis. Par

25 exemple, au sein de ma brigade, nous avons intercepté deux journalistes -

Page 6491

1 voilà un exemple concret qui nous concerne - ces deux journalistes qui ont

2 été interceptés, qui faisaient partie de Tanjug, ont été interceptés par

3 nos soins.

4 Q. Nous y reviendrons plus tard. Pourriez-vous nous citer d'autres

5 exemples d'incidents de ce type qui se seraient produits au cours de

6 l'année 1998 ?

7 R. Personnellement, je ne connais pas d'exemples précis, mais on a dit

8 certaines choses, notamment, après les événements de Rahovec. Des rumeurs

9 ont couru à propos des Serbes. Les médias serbes ont évoqué ce genre

10 d'incident. A l'époque, nous ne pouvions pas suivre tout ce qui se passait,

11 car l'offensive était en cours. Mais la population serbe et les médias

12 serbes parlaient de ce genre d'incident. A l'exception du cas que je viens

13 de vous mentionner et au sujet duquel j'ai des connaissances directes, je

14 ne connais pas d'autres exemples concrets. Je ne peux pas vous citer

15 aujourd'hui d'exemples concrets.

16 Q. Est-ce que les médias albanais ont jamais évoqué ce type de chose ?

17 R. Pour vous dire la vérité, comme je l'ai déjà dit, à l'époque, il était

18 quasiment impossible de communiquer avec les médias en raison de la

19 situation. Les médias ne venaient pas. Parfois, les médias albanais

20 pouvaient pénétrer sur notre territoire et nous trouver, mais il y avait

21 beaucoup de propagande, aussi bien du côté albanais que du côté serbe, si

22 bien que je n'en suis pas sûr.

23 Q. Vous souvenez-vous d'incidents particuliers ? Vous avez parlé du fait

24 que les médias serbes ont évoqué ce genre de chose. Vous souvenez-vous d'un

25 exemple où les médias albanais auraient évoqué ce type d'incident ?

Page 6492

1 R. Peut-être. En réalité, il n'existait que deux journaux à l'époque.

2 Peut-être qu'ils ont posé des questions aux Albanais à ce sujet. Peut-être

3 qu'il y a eu une interview. Peut-être que M. Krasniqi a parlé aux médias de

4 cela. Mais, Madame et Messieurs les Juges, si je ne m'abuse --

5 Q. Hormis ce que vous avez dit à peu près de M. Krasniqi - il y a certains

6 éléments de preuve déjà versés au dossier sur ce sujet - hormis cela,

7 pouvez-vous vous rappeler certains exemples précis d'incidents qui auraient

8 été mentionnés dans les médias albanais ?

9 R. Je ne me souviens pas d'exemples précis de ce type. Il est possible que

10 cela ait été rapporté dans les médias, mais je ne me souviens pas

11 d'exemples précis. Je peux vous citer un cas, si vous le souhaitez. Peut-

12 être que cela vous intéressera ?

13 Q. Je ne sais pas de quoi vous voulez parler, donc je ne peux pas juger si

14 c'est intéressant ou pas.

15 R. Lorsque vous m'avez posé une question au sujet des informations que

16 j'avais à ma disposition -- M. Demaqi a été nommé représentant, et la Croix

17 Rouge internationale a également transmis des listes contenants des noms de

18 personnes portées disparues. Peut-être qu'ils ont communiqué avec les

19 médias. C'est ce que je voulais ajouter. Il y avait des Serbes qui étaient

20 disparus à l'époque.

21 Q. Monsieur Limaj, je souhaitais vous poser une question à ce sujet plus

22 tard, mais puisque vous en parlez, je vais poser une question. Il existe

23 des éléments de preuve présentés en l'espèce indiquant que la liste que

24 vous venez de mentionner a été fournie par M. Demaqi à l'état-major général

25 en 1998. Cette liste a, par la suite, été distribuée par l'état-major

Page 6493

1 général aux commandants de zone. Etant donné que vous étiez commandant de

2 la 121e Brigade, avez-vous reçu cette liste à l'époque ?

3 R. Non. A l'époque, je n'ai pas vue. J'ai parlé de Demaqi, car j'ai

4 entendu, dans les médias, qu'il avait des contacts avec la Croix Rouge

5 internationale, et que la Croix Rouge internationale lui avait remis une

6 telle liste. Je pense que ceci a été débattu plus tard, au mois de janvier,

7 me semble-t-il.

8 Q. Selon les éléments de preuve produits en l'espèce, cette liste a été

9 communiquée en septembre 1998. Est-ce que vous en avez entendu parler dans

10 les médias au mois de septembre 1998 ? Je peux vous présenter l'article qui

11 en parle, qui a été verse au dossier si vous le souhaitez.

12 R. C'est ce que je vous dis, Monsieur le Procureur, c'est ce que

13 j'affirme. J'ai entendu parler de cette réunion à laquelle a participé M.

14 Demaqi et de cette liste de la Croix Rouge internationale. J'ai entendu

15 parler de cela dans les médias.

16 Q. Mais ma question était la suivante : quand en avez-vous entendu

17 parler ? Etait-ce en septembre 1998 ?

18 R. Je ne sais pas exactement. C'était peut-être au mois de septembre ou au

19 mois d'octobre.

20 Q. Etait-ce alors la première fois que vous entendiez parler du fait que

21 des Serbes étaient portés disparus au Kosovo ou est-ce que vous en aviez

22 déjà entendu parler avant cette date ?

23 R. Les médias serbes en ont parlé au quotidien, mais il y avait tellement

24 de propagande menée par le régime, et il nous fallait être prudents vis-à-

25 vis de ces informations, car nous pensions que tout cela s'inscrivait dans

Page 6494

1 une campagne de propagande.

2 Q. Est-ce que --

3 R. J'avais déjà entendu parler de cela dans les médias serbes,

4 effectivement.

5 Q. Est-ce que vous pensiez que la liste fournie par le CICR était un

6 document de propagande ?

7 R. [aucune interprétation]

8 Q. Lorsque vous avez entendu parler de cette liste et de ces Serbes portés

9 disparus --

10 R. Non.

11 Q. -- est-ce que vous avez personnellement entrepris quoi que ce soit afin

12 de voir quelle était la situation au sein de votre brigade ?

13 R. Il vous faut distinguer les choses. Je parlais de la propagande serbe,

14 c'est une chose. Quant à la liste du CICR, c'était autre chose.

15 Q. Votre réponse sur ce point était claire. Mais ma question est la

16 suivante : je retiens toutefois que vous avez indiqué dans votre réponse

17 que vous ne considériez pas que la liste du CICR soit un document de

18 propagande. Je passerai donc à autre chose. Lorsque vous avez entendu

19 parler de cette liste comportant les noms de personnes serbes portées

20 disparues, est-ce que vous, au sein de votre brigade, la 121e Brigade, avez

21 entrepris quoi que ce soit afin de déterminer s'il existait des

22 informations au sein de votre brigade concernant ces Serbes portés

23 disparus ?

24 R. Tout d'abord, nous ne savions pas qui étaient ces personnes portées

25 disparues. Nous avons entendu parlé de personnes portées disparues, mais

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1 nous ne savions pas exactement de quoi il s'agissait.

2 Deuxièmement, le territoire couvert par ma brigade était un territoire

3 albanais. Il n'y avait pas de Serbes, et nous ne connaissions pas les noms

4 des Serbes.

5 Q. Il n'y avait pas de Serbes dans cet endroit à l'époque; est-ce exact ?

6 R. Il n'y a jamais eu de Serbes vivants sur ce territoire, jamais.

7 Q. Est-ce que les Serbes empruntaient parfois les routes qui traversaient

8 ce territoire ?

9 R. Je ne sais pas qui empruntait ces routes. Je ne sais pas s'il

10 s'agissait de Serbes ou d'Albanais, mais toujours est-il que, dans le

11 territoire couvert par ma brigade, il n'y avait pas de Serbes qui y

12 auraient vécu, que ce soit avant la guerre, pendant la guerre, ou après la

13 guerre. Il s'agissait d'un territoire albanais. A l'extérieur de ce

14 territoire, il est vrai de dire que les Serbes et les Albanais vivaient

15 ensemble. Ils ont pu toutefois traverser ce territoire, mais je ne sais

16 pas.

17 Q. Vous ne savez pas que les Serbes empruntaient les routes principales

18 qui reliaient une ville à une autre pour aller, par exemple, de Pristina à

19 Peja [comme interprété] ? Vous devez avoir eu connaissance de cela ?

20 R. Je ne sais pas ce que vous voulez entendre de ma bouche. Bien entendu

21 que les gens empruntaient les routes, mais je ne sais pas qui étaient ces

22 personnes. Il s'agissait d'un axe routier important, mais vous devez vous

23 souvenir que cette route a été sous contrôle serbe la plupart du temps,

24 donc je ne sais pas combien de personnes ont emprunté cette route, ni qui

25 elles étaient.

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1 Q. S'agissant de la route menant de Pristina à Peja, elle a été tenue par

2 l'UCK depuis les événements de Lapusnik en juin 1998. Cette route était

3 contrôlée par l'UCK, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, effectivement.

5 Q. J'en reviens à ma question précédente, lorsque je vous ai demandé ce

6 que vous aviez fait pour en savoir davantage au sujet de ces Serbes portés

7 disparus. J'ai cru comprendre que vous n'aviez rien fait.

8 R. [aucune interprétation]

9 Q. Vous nous avez expliqué les motifs. Vous nous avez dit que c'était un

10 territoire albanais, que vous ne connaissiez pas les noms de ces personnes,

11 et que c'est la raison pour laquelle vous n'avez rien fait. Ai-je bien

12 résumé la tenure de votre déposition ?

13 R. Monsieur le Procureur, tout d'abord, vous parlez du mois de juin et de

14 juillet, puis de septembre et octobre. En juin et en juillet, la 121e

15 Brigade n'existait pas. Ceci doit être bien clair. Puis, en août et en

16 septembre, la situation était bien différente. Si vous voulez parler de

17 juin et juillet, la route de Lapusnik était bloquée. Si vous parlez, en

18 revanche, du mois d'août, cette route était ouverte.

19 Q. Ma question est --

20 R. Il faut que je vous explique cela, car c'est important que les choses

21 soient claires.

22 Q. Excusez-moi si les dates n'étaient pas claires. Je voulais parler de

23 septembre, octobre, 1998, lorsque vous avez appris l'existence de cette

24 liste. Ma question était la suivante : avez-vous fait quoi que ce soit à ce

25 sujet ? Si j'ai bien compris votre réponse, vous avez déclaré que, parce

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1 que ce territoire était albanais, et parce que vous ne connaissiez pas les

2 noms de ces personnes, vous n'avez rien fait. Est-ce bien ce que vous avez

3 répondu ?

4 R. Monsieur le Procureur, j'ai dit que j'avais entendu parlé de Serbes

5 portés disparus. J'ai entendu dire que le CICR avait une liste les

6 concernant. De surcroît, en ce qui concerne les démarches que j'ai pu

7 entreprendre au sein de ma brigade, il n'y avait pas de famille serbe qui

8 vivait sur le territoire sous ma responsabilité, que ce soit avant,

9 pendant, ou après la guerre. Peut-être que certaines personnes ont été

10 portées disparues, mais en pratique, je n'avais pas ce genre d'information

11 à ma disposition. C'est une chose de dire, vous n'avez rien fait, et c'est

12 autre chose de dire, vous n'aviez pas d'information. Je vous dis que la

13 situation était telle que nous ne recevions pas d'information.

14 Q. Monsieur Limaj, lorsque nous avons commencé, je vous ai posé une

15 question au sujet des civils serbes. A présent, je vais vous poser une

16 question un peu différente, à savoir, à votre connaissance, au cours de

17 l'année 1998, est-ce que l'UCK, c'est-à-dire les soldats de l'UCK, se sont

18 jamais livrés à des mauvais traitements ou à des actes de torture à

19 l'encontre de prisonniers détenus par l'UCK ?

20 R. Monsieur le Procureur, Madame et Messieurs les Juges, je n'ai jamais

21 entendu parler, à l'époque, du fait qu'un soldat de l'UCK se serait livré à

22 de tels actes. Personnellement, je n'ai jamais entendu parler de quoi que

23 ce soit de ce genre. Toutefois, je n'exclus pas la possibilité que quelque

24 chose de ce genre ait pu se produire. Mais personnellement, je n'ai jamais

25 entendu parler de tels cas.

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1 Q. A votre connaissance, au cours de l'année 1998, est-ce que l'UCK,

2 c'est-à-dire des soldats de l'UCK, auraient jamais tué des prisonniers

3 détenus par l'UCK ?

4 R. Pour autant que je m'en souvienne, et vous devez bien garder à l'esprit

5 que je vous parle uniquement du territoire où je me trouvais, à ma

6 connaissance de telles choses ne sont jamais produites là où j'opérais. Je

7 n'ai jamais entendu parler de tels actes. Quant à savoir ce que l'UCK

8 aurait pu faire ailleurs, il faut savoir que l'UCK opérait à travers tout

9 le Kosovo et nous ne pouvions par communiquer entre nous. Nous avons appris

10 beaucoup de choses après la guerre, en ce qui concerne l'organisation

11 également. Il nous était difficile d'apprendre quoi que ce soit, notamment

12 après l'offensive du mois d'août. Je vous parle uniquement de mon

13 expérience personnel et de ce qui s'est passé là où je me trouvais. Je ne

14 sais pas ce qui s'est passé ailleurs.

15 Q. Avez-vous des connaissances relatives à ce qui s'est passé à

16 l'extérieur de la zone où vous serviez ?

17 R. C'est possible. De tels actes ont pu se produire à certains endroits,

18 mais je ne peux pas vous fournir d'exemples concrets. L'année 1998 a connu

19 des événements extraordinaires, mais je ne peux pas vous donner d'exemples

20 précis. Je n'ai rien appris, je n'ai rien vu, car nos possibilités de

21 communication étaient très restreintes. Il est arrivé que la 121e Brigade

22 ne puisse pas communiquer avec la 122e Brigade en raison de la présence des

23 forces serbes.

24 Q. Monsieur Limaj, pendant l'été 1998, aux mois de juin et de juillet,

25 l'un des pseudonymes utilisés par Shukri Buja était Sokoli. Est-ce que cela

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1 est exact ?

2 R. Non, non. Son pseudonyme était Gazetari. Je sais que son pseudonyme

3 était Gazetari. C'est son unité qui s'appelait Sokoli.

4 Q. Qui était considéré comme le commandant Sokoli ?

5 R. Si vous parlez de la même personne -- il y avait de nombreux

6 pseudonymes semblables. Il y avait, par exemple, un Sokol qui se trouvait

7 de l'autre côté des gorges de Lapusnik, de l'autre côté de la route, au

8 carrefour. Il y a une unité qui ne se trouvait pas aux gorges de Lapusnik,

9 mais à Krajkove. Vous dépassez Lapusnik, et là il y avait un Sokol. Je ne

10 connais pas son nom de famille. Il a été tué en octobre ou en novembre, je

11 pense. Mais il avait sa propre unité là.

12 Q. Est-ce qu'il était commandant ?

13 R. Que puis-je vous dire ? Je suis passé par Likovc une fois, parce que

14 pour aller à Likovc, il fallait passer par son unité. Il faisait, en

15 quelque sorte, office de commandant d'unité. Il avait quelque 20 soldats

16 sous son commandement. Si je ne m'abuse, je pense qu'il a été tué en

17 septembre à Poklek.

18 Q. Hormis ce que vous venez de relater, lorsque vous êtes passé par sa

19 zone, alors que vous vous dirigiez vers Likovc, est-ce que vous l'avez vu à

20 d'autres reprises, en juin et en juillet ? Je parle de cette personne que

21 vous venez de nous décrire.

22 R. Chaque fois que je me rendais à Likovc, je devais forcément passer par

23 son secteur. C'était la seule possibilité. La route passait par le village

24 où il se trouvait. On ne pouvait pas aller à Likovc en empruntant un autre

25 chemin.

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1 Q. Bon, vous êtes passé par son village. Mais en juin et en juillet 1998,

2 est-ce que vous avez eu à faire avec lui ?

3 R. Qu'est-ce que vous entendez par est-ce que j'ai eu "à faire à lui" ?

4 Chaque fois que je passais-là, je m'arrêtais un petit moment. Je me

5 souviens qu'une fois, j'étais avec quelqu'un d'autre, et nous nous rendions

6 à Likovc pour obtenir des uniformes. En chemin vers Likovc, il y avait des

7 soldats qui étaient alignés et qui prêtaient serment. Maintenant, je me

8 souviens de Sokol. C'était sur la route qui va vers Likovc. Les soldats

9 étaient alignés sur le bord de la route et ils prêtaient serment.

10 D'ailleurs, c'est un fait intéressant, car le serment était écrit. Il n'y

11 avait pas de règles écrites. L'un des soldats avaient écrit cela sur un

12 carnet et il essayait de la lire aux 20 ou 30 soldats qui se trouvaient là.

13 J'avais dans ma voiture les règles avec moi. Je me suis arrêté. J'y suis

14 resté jusqu'à ce qu'ils aient fini, et puisque j'étais là, ils m'ont

15 demandé de dire quelque chose, ce que j'ai fait. Ensuite, j'ai poursuivi ma

16 route. Cela s'est passé alors que j'étais en route vers Drenica. Mais comme

17 je l'ai dit, je m'arrêtais là pour fumer une cigarette ou pour prendre un

18 café, si quelqu'un se trouvait là, et si j'avais le temps, bien entendu,

19 lorsque je me rendais vers Likovc.

20 Q. Monsieur Limaj, la partie de Drenica qui se trouve au nord de l'axe

21 routier Peja-Pristina que l'on appelle parfois le bas Drenica, et vous avez

22 la partie qui se trouve au sud, est-ce que c'est un endroit que l'on

23 appelait le "haut Drenica" ? C'est ce qui commence là où il y a les monts

24 Berisa.

25 R. Oui. Je le pense, mais il n'y avait pas véritablement de frontières

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1 bien délimitées. Cela dépend d'ailleurs. Cela dépend ce que vous envisagez.

2 Parce que quelqu'un qui inclut tout Lapusnik, vous avez Kroimire, Damanek,

3 Lapusnik, et il y a des gens pour qui cela fait partie du haut Drenica.

4 Ensuite, vous avez la voie ferrée qui divise Obrinje, par exemple. Bon,

5 toute cette partie, avec ces villages, est considérée comme le haut

6 Drenica. Mais bon, je ne peux pas l'assurer avec certitude. Ce n'est pas

7 conventionnel. C'est la population qui a décidé que de telle partie de la

8 voie ferrée, vous aviez telle partie. La voie ferrée, en fait, qui continue

9 vers les plaines du Kosovo et qui passe par Obrinje. Il y a des gens qui

10 font référence à la voie ferrée, d'autres qui font référence à d'autre

11 chose. Personnellement, je ne peux pas vous fournir une description très,

12 très claire, parce qu'il ne s'agit pas d'une division géographique ou d'une

13 division administrative d'ailleurs, non plus.

14 Q. Je vais vous montrer la pièce à conviction P37. Non, je m'excuse, il

15 s'agit du P39.

16 Monsieur Limaj, il s'agit d'un article de presse de Bujku. Il y est

17 question d'une cérémonie. Cela date du mois de juillet 1998. Il est indiqué

18 que le commandeur Celiku a passé les troupes en revue, et vous avez

19 également le commandant Sokoli qui est là auprès des unités.

20 Il s'agit d'une cérémonie de serment avec Shukri Buja, n'est-ce pas ? Cela

21 s'est passé à Drenica.

22 R. Pour vous dire la vérité, je n'en sais rien. Il se peut qu'il s'agisse

23 du Sokoli dont je parle. Il se peut qu'il s'agisse de Shukri. Je sais que

24 le pseudonyme de Shukri était Gazetari. Mais pour vous faire sortir de

25 votre dilemme, je pense qu'il s'agit peut-être de l'autre Sokoli. Ce que je

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1 vous dis, c'est que j'ai rendu visite à Shukri, et avec Jakup Krasniqi, qui

2 à l'époque était à Kroimire, parce qu'il était représentant de l'état-major

3 général, parce que sa femme avait un problème de grossesse.

4 En fait, sa femme venait juste d'accoucher.

5 Q. Là, je crois qu'on s'écarte un peu du sujet de ma question. Ce que

6 j'aimerais savoir, c'est s'il s'agit d'une cérémonie de prestation de

7 serment avec Shukri. Vous me répondez en disant que vous n'en n'êtes pas

8 sûr. C'est cela votre réponse, Monsieur ?

9 R. J'essaie de préciser la situation. Cet entretien fait peut-être

10 référence au Sokoli dont j'ai parlé ou peut-être qu'il fait référence à

11 l'autre personne. Mais ce que je vous dis, le pseudonyme de Shukri Buja,

12 c'était Gazetari. J'ai participé à des cérémonies de serment également à

13 Shukrija.

14 Q. Je crois que vous avez répondu à la question.

15 M. WHITING : [interprétation] On peut reprendre le document.

16 Q. Monsieur Limaj, à propos de Shukri Buja, est-ce que vous vous souvenez

17 l'avoir rencontré quelques jours après la chute des gorges de Lapusnik le

18 26 juillet 1998 ? Est-ce que vous vous souvenez l'avoir vu ?

19 R. Monsieur le Procureur, après la chute des gorges de Lapusnik, nous

20 rencontrions Shukri Buja au quotidien, parce qu'il n'y avait aucun autre

21 endroit où nous pouvions aller hormis Klecka.

22 Q. Vous avez répondu à ma question.

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Vous souvenez-vous qu'il vous a relaté qu'il avait libéré un groupe

25 d'hommes de Lapusnik, ou en tout cas qu'il les avait arrêtés, et

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1 qu'ensuite, il les a autorisés à poursuivre leur chemin ? Donc, il les a

2 interceptés, et ensuite, ils ont pu poursuivre leur chemin. Vous souvenez-

3 vous qu'il vous a dit cela ?

4 R. Non, je ne m'en souviens pas. Pour ce qui est de ce que vous avancez,

5 ce n'est pas vrai. La population se déplaçait d'un endroit à l'autre. Ce

6 que vous me dites, ce n'est pas vrai.

7 Q. Je me contente de vous poser une question. Est-ce que vous êtes en

8 train de nous dire que vous ne souvenez pas qu'il vous ait relaté qu'il y

9 avait des gens qui venaient de Lapusnik -- attendez que j'ai fini de poser

10 la question. Vous ne vous souvenez pas qu'il vous l'ait dit, ou vous êtes

11 en train de me dire que cette conversation n'a pas eu lieu ?

12 R. Monsieur le Procureur, la population se déplaçait ici et là. Elle

13 allait d'un endroit à l'autre. Elle essayait de trouver des logements. Elle

14 allait d'un village à l'autre, d'une gorge à l'autre, et peut-être que dans

15 ce contexte il a dit cela.

16 Q. Merci. Je pensais que vous alliez digresser à nouveau. Peut-être que

17 vous pourriez vous concentrer sur la question. Vous souvenez-vous avoir eu

18 cette conversation, ou est-ce que vous êtes en train de me dire que vous

19 n'avez pas eu cette conversation, ou vous ne vous souvenez pas d'avoir eu

20 cette conversation à propos de ces hommes de Lapusnik, conversation avec

21 Shukri Buja ?

22 R. J'essaie d'être bref. Pour ce qui est des déplacements de population,

23 c'était un sujet courant. Mais à propos de ce que vous me demandez, je ne

24 me souviens pas que Shukri Buja m'en ait jamais parlé.

25 Q. Alors, pour enchaîner à ce sujet, peut-être que vous vous souviendrez

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1 de cette conversation qui était peut-être différente, parce qu'il vous a

2 dit qu'il était préoccupé, qu'il ne savait pas s'il avait fait la bonne

3 chose en laissant ces gens poursuivre leur chemin. Ce qui semble ne pas

4 tout à fait correspondre à ce que vous venez de nous décrire avec ces

5 déplacements de réfugiés. Ce détail que je vous donne, le fait qu'il était

6 préoccupé parce qu'il avait laissé ces hommes de Lapusnik poursuivre leur

7 chemin, est-ce que cela, peut-être, vous permet de vous souvenir de cette

8 conversation ?

9 R. [inaudible]

10 Q. Vous hochez du chef. Vous ne vous en souvenez toujours pas ?

11 R. Non, non. Je n'ai pas eu cette conversation, non. Je n'ai jamais eu ce

12 genre de conversation avec lui, jamais.

13 Q. Monsieur Limaj, je vais aborder un autre sujet. C'est le sujet de

14 Rahovec. D'après ce que je crois comprendre de votre déposition, vous êtes

15 arrivé à un carrefour à l'extérieur de Rahovec à environ 23 heures 30 le 17

16 juillet; est-ce exact ?

17 R. Oui, je le pense.

18 Q. Vous y êtes resté toute la nuit, vous y êtes resté également pendant

19 toute la journée du 18. Puis, vous y êtes resté également la nuit du 18, et

20 vers 4 heures du matin, le matin du 19, vous avez rencontré, ou vous êtes

21 tombé sur un soldat serbe. Puis, vous avez dormi pendant une heure et

22 demie, puis vous vous êtes réveillé, et vous êtes allé chercher du café, et

23 vous vous êtes évanoui. Est-ce que cela correspond à ce que vous avez dit ?

24 J'essaie tout simplement de préciser les heures pendant lesquelles vous

25 vous êtes trouvé là.

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1 R. Pour préciser quelque chose, je dirais que je ne suis pas tomber de

2 façon fortuite sur ce soldat serbe. J'ai dit que nous ne savions pas que

3 les Serbes avaient pris une position là. Plus tard, lorsque l'attaque avait

4 commencé, un soldat m'a dit que les Serbes s'étaient positionnés là. Ce

5 n'est pas que je l'ai vu moi-même de visu.

6 Q. J'essaie simplement --

7 R. Pour ce qui est du reste, cela correspond à ce qui a été dit.

8 Q. Puis-je dire que, lorsque vous vous êtes évanoui, vous vous êtes

9 évanoui vers 6 heures du matin, le matin du 19 ?

10 R. Non. Non.

11 Q. Quelle heure était-il d'après vous ? Essayez de nous dire à quelle

12 heure approximative vous vous êtes évanoui le matin du 19.

13 R. Environ ? J'essaie d'expliquer quelque chose et j'essaie d'être

14 succinct. Le matin du 19, il se peut que c'était à 5 heures, ou à 6 heures,

15 ou à 7 heures du matin, c'était à l'aube. Je suis allé au carrefour que

16 vous avez mentionné et j'y ai vu Byslym et les autres représentants de

17 l'état-major. Ensuite, je suis revenu à l'endroit où j'étais auparavant.

18 Puis, j'ai bu du café. Après avoir bu du café, je suis retourné là-bas pour

19 consulter Agim. Lorsque je suis revenu, c'est là que je me suis évanoui. Il

20 était 8 ou 9 heures du matin. Bon, ce n'est peut-être pas à l'heure

21 précise, mais en tout cas, ce n'était pas à 6 heures que cela s'est passé.

22 De cela, j'en suis sûr. Il était 8 heures ou 9 heures du matin.

23 Q. Bien.

24 R. C'est une heure approximative que je vous donne.

25 Q. Quand avez-vous vu Isak Musliu ?

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1 R. Je pense vous l'avoir déjà dit et l'avoir dit d'ailleurs également à

2 son avocat. Ce matin, je voulais savoir ce qui se passait. Il se peut qu'il

3 se trouvait là. Mais j'étais épuisé ce matin-là, à 6 ou 7 heures du matin.

4 Q. Etes-vous en train de dire --

5 R. Le fait est que je voulais parler avec les représentants de l'état-

6 major général. Isak et les autres membres étaient peut-être là, mais je ne

7 m'en souviens pas. La deuxième fois, lorsque je suis retourné là-bas, il

8 devait être avec un groupe de soldats, parce que je me suis évanoui et je

9 ne me souviens plus de ce qui s'est passé. C'est pour cela que je vous dis

10 que je n'en suis pas certain.

11 Q. Très bien. Puis-je avancer que vous avez peut-être vu Isak Musliu à

12 Rahovec ce jour-là, le 19, mais que vous n'en êtes pas certain, que vous ne

13 vous en souvenez pas précisément de toute façon ? Est-ce que je peux

14 avancer cela ?

15 R. Oui. Je pense que j'étais tout à fait concentré sur ces personnes de

16 l'état-major général, lorsque je me suis évanoui. Il se peut qu'il ait été

17 là, mais je n'en suis pas certain.

18 Q. Hormis ce moment où vous vous êtes évanoui et où il était peut-être là,

19 est-ce que vous l'avez vu à d'autres moments à Rahovec, après votre arrivée

20 à Rahovec à 23 heures 30, le 17 juillet ? Ou est-ce que vous allez

21 m'apporter la même réponse, à savoir que vous n'êtes pas en mesure de vous

22 en souvenir ?

23 R. Vous me parlez du 17 ?

24 Q. Je vais reformuler ma question. D'après ce que je comprends de

25 votre déposition, il se peut que vous l'ayez vu le matin du 19, mais vous

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1 ne vous en souvenez pas précisément. Avant cette matinée du 19, l'avez-vous

2 vu à Rahovec ?

3 R. Non. Non, je ne l'ai pas vu.

4 Q. Très bien. Vous avez indiqué - et votre conseil en a parlé aujourd'hui

5 - vous avez dit que Rahovec était une tache sombre, était une ombre au

6 tableau et vous avez dit : "C'était une ombre au tableau qui a fait payer

7 un prix très cher à l'UCK. Je pense au nombre de victimes parmi les rangs

8 de l'UCK et je pense au fait que cela a véritablement ébranlé la confiance

9 populaire." Vous vous souvenez de ce que vous avez dit, Monsieur Limaj ?

10 R. [Inaudible]

11 Q. Je vous vois hocher du chef, mais vous n'avez rien dit.

12 R. Oui.

13 Q. Très bien. Est-ce que Rahovec était une ombre au tableau pour d'autres

14 régions, Monsieur Limaj ? Est-ce qu'il s'agit d'une ombre au tableau, pour

15 commencer ?

16 R. Oui, tout à fait. Les conséquences ont été importantes et c'était une

17 ombre au tableau à bien des égards.

18 Q. Pourquoi est-ce que cela est une ombre au tableau ? Quels sont ces

19 différents aspects, justement ?

20 R. Outre ce que je vous ai déjà déclaré, plusieurs unités de l'UCK avaient

21 participé à cette aventure, c'est ce que je pense, c'était une aventure

22 très grave qui s'est soldée par la mort de certains membres de l'UCK et par

23 la mort de certains civils également. Peut-être que je ne peux pas spéculer

24 pour ce qui est des chiffres maintenant, mais il y a eu de nombreux civils,

25 il y avait des milliers de civils qui ont été tués. Il y a eu un véritable

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1 bain de sang et c'est ce qu'ils ont dit après l'arrivée des forces serbes.

2 Lorsque les choses sont devenues un peu plus claires, nous nous sommes

3 rendus compte qu'outre ces centaines d'Albanais, il y avait, également, des

4 civils serbes qui ont été tués ou qui ont été enlevés; c'est ce que les

5 Serbes avancent. Pour cela, également, de ce fait, également, c'est une

6 ombre au tableau. Il n'y a pas de doute.

7 Q. Monsieur Limaj, à la fin de votre très longue réponse, vous avez dit

8 qu'il y avait des civils serbes qui avaient été tués ou qui avaient été

9 enlevés et vous avez dit : "C'est ce que les Serbes indiquent." Est-ce que

10 vous avez des doutes à ce sujet, Monsieur Limaj ? Il y a 40 civils serbes

11 qui ont été enlevés ce week-end-là et qui n'ont plus jamais été revus. Est-

12 ce que cela correspond à un doute pour vous ? Est-ce que vous avez un

13 doute, à ce sujet ?

14 R. Non, Monsieur. Vous n'avez pas en face de vous une personne qui peut se

15 comporter vis-à-vis des victimes de cette façon. Vous êtes en train

16 d'interpréter de façon erronée ce que je dis. Je ne veux pas être associé à

17 des personnes qui font ce genre de choses. Si vous me posez des questions,

18 n'interprétez pas de façon erronée mes réponses ou ne répondez pas à ma

19 place.

20 Q. Mais je vous demande d'apporter une réponse et je vous donne la

21 possibilité de fournir la réponse. Est-ce que vous avez des doutes à ces

22 sujets parce que vous avez dit "comme les Serbes l'ont avancé" ou l'ont

23 prétendument avancé;" est-ce que vous avez des doutes, est-ce que vous êtes

24 sceptique, à ce sujet ?

25 R. J'ai essayé d'expliquer aux Juges de la Chambre que des milliers de

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1 personnes ont dit qu'il y avait eu un véritable massacre, un bain de sang.

2 Il y a des milliers d'Albanais qui ont été tués. Mais il n'y a pas eu des

3 milliers d'Albanais qui ont été tués; je parle des Albanais et des Serbes.

4 Il y a des bruits qui ont été propagés selon lesquels des milliers de

5 personnes avaient été tuées et que Rahovec avait été un véritable bain de

6 sang. Mais il y a une chose qui est devenue claire : lorsque les Albanais

7 ont trouvé leurs victimes, les Serbes - et il s'agit d'information serbe -

8 les Serbes ont dit qu'il y avait eu des Serbes qui avaient été tués.

9 Si vous me dites, maintenant, si je remets en doute le fait que des Serbes

10 ont été tués ou enlevés, je n'ai aucun doute à ce sujet parce que ce sont

11 des renseignements qui ont été certifiés, par la suite, par la Croix Rouge

12 internationale ainsi que par d'autres sources d'information. Je pourrais

13 avoir un doute s'il s'agissait d'information fournie par des Serbes, mais

14 je ne vais pas mettre en doute des choses qui ont été certifiées par la

15 communauté internationale. Il y a Jasevic qui a indiqué --je ne suis pas

16 Dragan Jasevic, il a dit qu'il n'y a pas de crime qui a été commis.

17 M. WHITING : [interprétation] Je n'ai plus de questions, il est 19 heures;

18 je n'ai plus de questions, pour le moment.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à 9 heures du matin.

20 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le vendredi 27 mai

21 2005, à 9 heures 00.

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