Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 8 juin 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vous rappelle

7 que la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

8 déposition s'applique toujours.

9 Monsieur Whiting.

10 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 LE TÉMOIN: SKENDER BYLYKBASHI [Reprise]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 Contre-interrogatoire par M. Whiting : [Suite]

14 Q. [interprétation] Monsieur Bylykbashi, je souhaiterais reprendre là où

15 nous nous étions arrêtés hier. Vous nous disiez que vous vous trouviez en

16 compagnie de Haradin Bala au début de l'année 1999 à Zabel. Vous souvenez-

17 vous avoir déclaré cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Peut-être devriez-vous vous rapprocher du microphone de façon à ce que

20 les interprètes vous entendent.

21 Vous avez déclaré que vous étiez le chef du groupe. C'est exact, n'est-ce

22 pas ?

23 R. C'est exact, au début.

24 Q. Jusqu'à quand ?

25 R. Un mois plus tard environ, j'étais nommé à un autre poste. Je devais me

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1 rendre ailleurs.

2 Q. Quel mois était-ce ?

3 R. Fin février, début mars, d'après mes souvenirs.

4 Q. Est-ce qu'il y a un lien de parenté entre vous et Agim Bylykbashi ?

5 R. Oui.

6 Q. Quels sont vos liens de parenté ?

7 R. Nous avons des liens de sang qui nous unissent.

8 Q. Etait-il également à Zabel en janvier et février 1999 ?

9 R. Il y était aussi.

10 Q. Vous avez dit que Haradin Bala avait pour mission d'observer les

11 mouvements de l'ennemi; est-ce exact ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Il se servait de jumelles pour le faire ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Vous souvenez-vous que Haradin Bala se soit plaint de ce que faisaient

16 ou ne faisaient les autres soldats à l'époque ?

17 R. Je ne m'en souviens pas, pas pour le moment.

18 Q. Je souhaiterais vous donner lecture de certaines entrées dans son

19 registre de l'époque. Peut-être que cela rafraîchira vos souvenirs au sujet

20 de certains griefs qu'il aurait formulés à propos de certains soldats. Tout

21 d'abord, parlons de l'entrée du 8 février 1999.

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souhaiterais intervenir.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Février.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souhaiterais intervenir. Je soulève une

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1 objection quant à la pertinence de cette question. Nous parlons du mois de

2 février 1999, donc plusieurs mois après la période couverte par l'acte

3 d'accusation. Je comprends qu'il faut qu'il y ait une certaine marge de

4 manœuvre pour le contre-interrogatoire, mais je pense que nous sommes un

5 peu loin.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.

7 M. WHITING : [interprétation] Je pense que le contre-interrogatoire que je

8 vais mener par rapport à cette période, dans ce journal qui est versé au

9 dossier, il s'agit de la pièce P12, je pense que les questions posées à cet

10 égard sont pertinentes en ce qui concerne l'attitude de M. Haradin Bala par

11 rapport à ses fonctions, par rapport à ce que faisaient ou ne faisaient pas

12 les autres soldats, peut-être que cela ne présente pas une pertinence

13 directe, mais je pense que cela est lié aux arguments concernant son état

14 de santé, et le fait qu'il n'était pas en mesure de faire son travail.

15 Dans mon contre-interrogatoire, je vais poser des questions qui tendront à

16 prouver que l'accusé était parfaitement déterminé à faire son travail, à

17 suivre les ordres, et à s'assurer que le travail était fait. La situation

18 n'était sans doute pas différente six mois après la période couverte par

19 l'acte d'accusation.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez poursuivre pour le moment,

22 Monsieur Whiting. Si la pertinence de vos questions n'est pas avérée, nous

23 vous interromprons. Veuillez garder à l'esprit l'objection de Maître Guy-

24 Smith.

25 M. WHITING : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

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1 Q. Voici une entrée datée du 8 février 1999. M. Bala a écrit, je cite :

2 "J'ai des critiques à formuler concernant les médecins à Shale qui ont

3 autorisé la permission d'une journée pour les soldats suivants : Sheremet

4 Kolshi, Xheme Bajraktari, Sef Bajraktari, Mehdi Krasniqi et Haki Balagoshi.

5 Selon moi, il est inutile que des soldats prennent des permissions et

6 reviennent en parfait santé de leur congé de maladie."

7 Vous souvenez-vous que M. Bala, à l'époque, se soit plaint du fait que des

8 médecins accordaient des congés de maladie à des soldats, notamment aux

9 soldats dont je viens de mentionner le nom ?

10 R. Je me souviens de quelque chose en rapport avec cela, mais six années

11 se sont écoulées depuis les faits. Je ne peux pas vous répondre en détails.

12 Je ne peux pas vous dire s'il s'est plaint de cela à moi ou s'il n'a fait

13 que consigner cela dans son journal.

14 Q. En tant que chef de groupe, ceci aurait été important, le fait que

15 quelqu'un se soit plaint à propos de congés de maladie ?

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Là encore, M. Whiting suggère que le témoin

17 se livre à des spéculations quant aux notes prisent par M. Bala. Je ne

18 pense pas que l'entrée en elle-même ne présente la moindre pertinence en ce

19 qui concerne les questions dont est saisie la Chambre. Quant au fait de

20 savoir ce que pensait M. Bala au sujet de ce que les gens devaient faire ou

21 ne pas faire en cas de maladie, n'a rien à voir avec son état de santé ou

22 ses motifs.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La première partie de cette objection,

24 Monsieur Whiting, concernait le fait de se livrer à des spéculations.

25 M. WHITING : [interprétation] Non, je ne demandais pas au témoin de se

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1 livrer à des spéculations. Ce que j'avais l'intention de lui demander,

2 c'était si cela aurait été une question importante pour lui en tant que

3 chef de groupe.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On a cru comprendre que vous demandez

5 si cela aurait été important pour M. Bala, mais en fait, vous demandez si

6 cela aurait été une question importante pour le témoin ?

7 M. WHITING : [interprétation] C'est ce que je voulais demander. "En tant

8 que chef de groupe, ceci aurait été important si les soldats obtenaient des

9 permissions pour raisons de santé."

10 Cela aurait été important, donc la question s'adressait au témoin.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez poursuivre.

12 M. WHITING : [interprétation] Merci.

13 Q. Le fait que les soldats se voient accorder des permissions pour raison

14 de santé, et que quelqu'un se plaigne de cela, cela aurait été important

15 pour vous en tant que chef de ce groupe, n'est-ce pas ?

16 R. Il y a un malentendu en ce qui concerne ce que vous venez de dire. Je

17 ne sais pas ce que M. Bala a noté dans son journal. Je n'ai pas lu ni

18 entendu qu'il y avait peut-être eu des plaintes. Comme je l'ai dit, six

19 années se sont écoulées depuis, mais nous n'avons pas parlé de ces congés

20 de maladie ou de ces permissions pour raisons de santé. Cette information a

21 été consignée dans le journal qu'il a rédigé. Je ne me souviens pas qu'il

22 soit venu me trouver personnellement pour se plaindre de ces soldats. Il

23 s'agissait d'une question personnelle pour lui. Je ne sais pas pourquoi il

24 a écrit cela.

25 Q. Mais à l'époque, vous avez entendu parler de cela, n'est-ce pas ?

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1 R. Je ne sais pas quand j'en ai entendu parler; est-ce que c'était à ce

2 moment-là ou plus tard, est-ce que je l'ai entendu de la bouche d'un soldat

3 qui servait avec moi ? A-t-il évoqué ce sujet alors que nous servions

4 ailleurs, je ne connais pas les détails.

5 Q. Ce que vous nous dites, c'est que vous ne savez pas exactement. Vous ne

6 vous souvenez pas exactement quand vous avez entendu parler de cela, ni ce

7 dont vous avez entendu parler. Est-ce la manière adéquate de résumer vos

8 propos?

9 R. Dans une certaine mesure.

10 Q. Qu'entendez-vous par là ?

11 R. Comme je vous ai dit, après que vous ayez donné lecture de ce passage,

12 je me suis souvenu que quelque chose ait été débattu à ce sujet, mais je ne

13 me souviens pas des détails.

14 Q. Vous ne vous souvenez pas non plus quand cela a été débattu, si cela

15 été débattu à l'époque ou plus tard; est-ce exact ?

16 R. Je ne m'en souviens pas. En fait, nous n'avons pas parlé. Quelqu'un l'a

17 mentionné. C'est un sujet dont on parle entre amis. Ce n'est pas que

18 quelqu'un se soit plaint de cela et que cela ait suscité des débats.

19 Q. M. Bala écrit également dans une entrée datée du 26 février 1999, qu'il

20 avait des problèmes avec la personne responsable du 3e Escadron. Il dit que

21 : "Cette personne responsable du 3e Escadron m'a menacé en utilisant des

22 termes blessants. Barllti, Fatmir, Muharrem et Luli on été témoins de cela;

23 Hamza m'a également attaqué."

24 Je suppose que vous avez entendu parlé de cela ?

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je soulève la même objection que tout à

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1 l'heure.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Au sujet de la pertinence, n'est-ce

3 pas ?

4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, compte tenu de l'objectif poursuivi

5 par cet interrogatoire.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

7 Monsieur Whiting, nous comprenons de moins en moins où vous voulez en venir

8 et en quoi cela est pertinent.

9 M. WHITING : [interprétation] Le témoin a parlé lors de l'interrogatoire

10 principal de certains souvenirs. Je pense que je devrais être autorisé à

11 lui poser des questions pour en savoir d'avantage.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous souhaitez tester la crédibilité

13 du témoin; est-ce exact ?

14 M. WHITING : [interprétation] C'est exact.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez poursuivre.

16 M. WHITING : [interprétation] Merci.

17 Q. Vous souvenez-vous avoir entendu parler de cet incident, c'est-à-dire

18 du problème qu'avait M. Bala avec le responsable du 3e Escadron ?

19 R. Je m'en souviens.

20 Q. De quoi vous souvenez-vous ?

21 R. Je me souviens simplement qu'il a eu une joute verbale avec M. Hamza,

22 qu'il connaissait déjà. Je crois qu'il y avait un lien de parenté entre

23 eux. Mais nous ne nous sommes pas attardés sur cette question, et nous

24 avons mis un terme à ce conflit, à ces différends sans condamner qui que ce

25 soit.

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1 Q. Comment en avez-vous entendu parler ?

2 R. Je suis désolé, mais je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas

3 comment je l'ai appris, mais je connais ce problème. Je m'en souviens, mais

4 je ne pense pas que M. Bala m'en ait parlé. Je ne sais plus comment je l'ai

5 appris.

6 Q. Avez-vous réglé ce problème en tant que commandant ou chef de ce

7 groupe ?

8 R. Vous devez comprendre que nous étions un groupe d'amis qui nous

9 connaissions depuis longtemps, à l'exception de quelques personnes. Mais

10 tous les autres étaient comme des amis, des parents, des co-villageois.

11 Nous réglions tous nos problèmes en en parlant. Nous ne sommes jamais

12 arrivés à un point où nous ne pouvions plus nous comprendre. Nous réglions

13 les problèmes au fur et à mesure.

14 Q. Je ne pense pas que vous ayez répondu à ma question. Je vous demandais

15 si vous aviez réglé ce problème ? Je vais reformuler ma question : est-ce

16 que vous avez pris part au règlement de ce problème ?

17 R. Vous me posez deux questions ici : vous me demandez si j'ai réglé le

18 problème ou si j'ai pris part au règlement de ce problème. A quelle

19 question voulez-vous que je réponde ?

20 Q. Nous allons procéder par étapes. Tout d'abord, est-ce que vous avez

21 pris part au règlement de ce problème ?

22 R. Oui.

23 Q. Avez-vous réglé ce problème ?

24 R. Oui, en compagnie des camarades.

25 Q. Vous souvenez-vous quand cela est arrivé ?

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1 R. Je ne me souviens pas de la date précise; c'était à l'époque où j'étais

2 là-bas.

3 Q. Enfin, il écrit : "Même si on avait dit à Balagoshi de ne pas prendre

4 la relève, car cela devait être fait par la personne responsable, il a

5 demandé au soldat de le faire sans aucune raison, si ce n'est qu'il est

6 paresseux. La personne responsable s'appelle Hamez Rexhepi."

7 R. Excusez-moi un instant s'il vous plaît.

8 Q. Je n'ai pas encore posé ma question.

9 R. Je pense que la traduction était erronée ou, en tout cas, je n'ai pas

10 compris ce que vous vouliez dire par "relève". Est-ce que vous vouliez

11 parler de relève pour les tours de garde ?

12 Q. Je vous ai lu ce qui était écrit, mais je vais le relire. peut-être que

13 la phrase n'était pas très claire. "Même si on a dit au soldat Haki

14 Balagoshi de ne pas prendre la relève, car cela devait être fait par la

15 personne responsable, il a demandé aux soldats de le faire sans aucune

16 raison, simplement parce qu'il est paresseux." Ensuite on peut lire : "La

17 personne responsable s'appelle Hamez Rexhepi. La relève ou le tour de garde

18 commençait à 22 heures le 27 février 1999."

19 Vous souvenez-vous que Haradin Bala ait exprimé l'opinion que la

20 personne responsable était paresseuse ?

21 R. Je ne m'en souviens pas. La phrase que vous venez de me lire ne me dit

22 rien. Je ne me souviens pas en avoir entendu parlé ni là-bas, ni ailleurs.

23 Je pense que ce n'était pas important pour moi de me souvenir de telles

24 choses.

25 Q. Revenons-en à l'offensive serbe qui a commencé le 25, 26 juillet 1998.

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1 Vous souvenez-vous de cette offensive ?

2 R. Oui, c'était le 26.

3 Q. Vous avez déclaré dans ce prétoire hier que vous aviez rallié les rangs

4 de l'UCK après cette offensive. Vous souvenez-vous avoir déclaré cela ?

5 R. Au cours de cette offensive, et pas après dans la matinée où l'attaque

6 a eu lieu.

7 Q. Autrement dit, le matin du 26 ou du 25 ?

8 R. Vous avez sans doute remarqué que la date à laquelle ont commencé les

9 frappes aériennes -- pardonnez-moi, le bombardement, le pilonnage. Je sais

10 que je me suis rendu -- j'ai pris mes positions. La date, vous devez la

11 connaître mieux que moi.

12 Q. Où avez-vous rejoint ces hommes ?

13 R. J'ai rejoint quelques amis qui étaient venus d'Albanie la veille. Nous

14 sommes allés à Fanat Te Llazet, qui se trouve à deux ou

15 trois kilomètres environ du village à vol d'oiseau.

16 Q. Deux ou trois [comme interprété] kilomètres de Bajince; c'est cela ?

17 R. Deux ou trois kilomètres peut-être, mais pas quatre. L'endroit est bien

18 connu.

19 Q. Vous dites deux à trois kilomètres de Bajince ?

20 R. Oui, c'est fort possible. Cela peut effectivement être à une distance

21 de deux ou trois.

22 Q. Dans quelle direction ?

23 R. Vers l'est, dans la direction de Magure.

24 Q. Où avez-vous obtenu votre fusil ?

25 R. C'est un de mes amis qui me l'a apporté. C'est également un de mes

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1 voisins. C'est lui qui l'a apporté d'Albanie. C'est un fusil 20

2 millimètres.

3 Q. Vous avez également dit devant ce Tribunal qu'après l'offensive serbe,

4 vous ainsi que Haradin Bala, vous étiez au même point à Bajince. Vous

5 occupiez le même poste à Bajince.

6 R. Oui, deux ou trois jours plus tard. Deux ou trois jours plus tard,

7 lorsque nous sommes rentrés de Zrboce.

8 Q. En réalité, c'était quelques semaines après, autrement dit, après le

9 début de l'offensive que Haradin Bala est revenu à Bajince, n'est-ce pas ?

10 R. Vous avez mal compris cela, car je ne pense pas avoir dit cela. Le jour

11 même, le jour où nous nous sommes rendus à Zborce le matin du pilonnage,

12 nous étions pour nous rendre à Lapusnik, mais nous nous sommes rendus à

13 Zborce en compagnie de plusieurs amis afin de protéger cet endroit d'une

14 attaque éventuelle dans la région. Car l'endroit où nous étions était

15 entouré de montagnes, et nous craignions que les Serbes nous attaquent.

16 Nous avons quitté cet endroit. Nous y sommes restés jusqu'au soir. Vers

17 minuit, nous avons vu un soldat. Il nous a dit que la gorge de Lapusnik

18 était tombée, et il nous a dit qu'il valait mieux que nous rentrions chez

19 nous. Nous sommes rentrés dans cette gorge où les gens s'étaient réfugiés.

20 Au début, la situation était tout à fait chaotique, car tout le monde a été

21 pris de cours dans la gorge de Lapusnik, qui un jour allait tomber; ce que

22 tout le monde a appris. Nous avons, petit à petit, commencé à nous

23 organiser. C'était soit le lendemain, soit le surlendemain que les gens

24 sont rentrés au village alors que nous, nous sommes restés à cet endroit-

25 là. Nous sommes restés dans les montagnes, et nous nous sommes divisés en

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1 deux groupes pour pouvoir protéger la population.

2 Il y avait deux groupes, mais nous étions en contact. Les deux

3 groupes étaient en contact l'un avec l'autre. Nous nous déplacions.

4 Quelquefois, nous étions plus proches d'un village, quelquefois, nous

5 étions plus près de la montagne. Nous y sommes restés pendant quelque deux

6 à trois semaines. Ensuite, nous sommes rentés au village, et nous sommes

7 restés dans une pièce. Pour les personnes dont les maisons étaient proches,

8 ces personnes-là sont rentrées dormir chez elles.

9 Q. J'entends bien. La question que je vous pose est

10 celle-ci : après être rentrés à Bajince depuis Zborce, Haradin Bala ne vous

11 a pas accompagné, n'est pas venu à Bajince avant quelques semaines, je

12 crois, autrement dit, avant la fin du mois d'août, n'est-ce pas ?

13 R. C'est vous qui dites cela. Non, cela n'est pas exact.

14 Q. Autrement dit, que dites-vous dans votre témoignage ? A quel moment

15 est-il venu ?

16 R. Je dis dans mon témoignage que je l'ai vu. Je n'ai pas vu seulement

17 Haradin Bala, mais j'ai vu d'autres amis également comme Agim, Ramadan

18 Krasniqi, qui étaient autrefois à Pjetershtice. Les deux se sont rendus

19 dans les gorges. En réalité, on assistait à la désintégration de l'armée.

20 Tout le monde voulait protéger sa famille et son village qui était, en tout

21 cas, des gens qui étaient en vie. Ils savaient où il fallait se rendre. La

22 famille de Haradin Bala se trouvait à Bajince. Il a fait de même. Je ne

23 sais pas s'il est venu ce jour-là ou non; il faisait nuit. Car tout le

24 monde souhaitait retrouver sa famille pour savoir si les membres de la

25 famille allaient bien. Nous nous sommes divisés en deux groupes le

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1 lendemain. Nous ne nous sommes pas rendus à nos postes parce qu'il n'y en

2 avait pas, mais nous nous sommes cachés dans la montagne.

3 Q. Ce que je souhaite savoir - et c'est sur quoi je souhaite concentrer

4 mon attention - d'après vous et d'après vos souvenirs, quand est-il venu à

5 Bajince, et pour ce qui est de l'offensive lancée contre Lapusnik et la

6 chute des gorges de Lapusnik, est-ce qu'il y avait-il un intervalle d'un ou

7 deux jours ou est-ce que cet intervalle était plus long ? D'après vos

8 souvenirs ? Qu'en est-il ?

9 R. Je crois avoir vu ou trouvé Haradin Bala ce jour-là lorsqu'il rentrait

10 de Zborce. Deux ou trois jours avant d'aller rencontrer mes amis, mes

11 camarades à Malisevo, je l'ai vu passer dans la cour de la maison d'un de

12 ses parents. Je ne sais pas s'il y séjournait car la situation était

13 quelque peu confuse. Certains d'entre nous allaient chercher des armes. Je

14 ne sais pas s'il séjournait dans le village ou non. Ce qui est le plus

15 important, c'est qu'après que les gorges de Lapusnik soient tombées, nous

16 avons fait ce que nous devions faire, et nous sommes retournés au village.

17 Q. Bien. Pour que les choses soient bien claires, vous êtes rentrés de

18 Zborce un ou deux jours après la chute de Lapusnik, et vous avez vu Haradin

19 Bala à cet endroit-là, à Bajince, n'est-ce pas ? C'est bien ce que vous

20 dites dans votre témoignage ?

21 R. Je suis rentré de Zborce le jour où Lapusnik est tombée. C'était après

22 minuit sans doute. Nous avons trouvé que le village était désert. Nous nous

23 sommes rendus dans les gorges, et c'est là que nous avons vu tous les gens.

24 Ceci est la vérité. J'ai vu Haradin Bala soit le lendemain, soit le

25 surlendemain. Car vous savez, cela remonte à six ans. Cela s'est passé il y

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1 a six ans. Nous étions tous là des soldats, et nous étions en train de

2 décider ce que nous devions faire à la lumière de ces circonstances.

3 Q. Dans votre témoignage, vous dites bien qu'après avoir vu Haradin Bala,

4 c'était soit le lendemain, soit le surlendemain, et qu'il ait resté à

5 Bajince pendant le mois d'août, le mois de septembre, pendant tout

6 l'automne et jusqu'à la fin de la l'année; est-ce exact ?

7 R. Oui, c'est exact. Peut-être qu'il est peut-être parti pour un week-end

8 ou peut-être qu'il est tombé malade, mais la plupart du temps nous étions

9 ensemble.

10 Q. En réalité, vous souvenez-vous, si oui ou non, vers la fin de l'année

11 M. Bala était à Luznica ? Autrement dit, à la fin de l'année 1998, début de

12 l'année 1999, la nouvelle année, M. Bala était-il à Luznica ? Vous en

13 souvenez-vous ?

14 R. Non, je ne me souviens pas de cela. Cela n'est pas possible, car si

15 vous parlez de la fin de l'année, cela n'est pas possible.

16 Q. Etant donné que vous connaissez Haradin Bala, est-ce que vous pourriez

17 nous expliquer pourquoi il nous a dit qu'il était à la fin de l'année à

18 Luznica, qu'il avait eu la permission d'aller voir sa famille à Bajince,

19 qu'il était enrôlé à Luznica, et on lui avait donné la permission d'aller

20 voir sa famille et se rendre à Bajince ? Pourriez-vous nous dire pourquoi

21 il aurait pu dire cela; la fin de l'année 1998 ?

22 R. Il se peut que ce soit une erreur.

23 Q. Une erreur commise pas qui ?

24 R. Non, je ne sais pas. Je ne sais pas qui a commis cette erreur, mais il

25 ne peut pas être à deux endroits à la fois. Il était à Bajince. Après

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1 l'offensive, nous étions ensemble pendant longtemps. Quelquefois, je

2 m'absentais, mais c'est quelque chose que je faisais au cours de la

3 journée. Le soir je rentrais. Si je devais m'absenter, je rentrais le soir.

4 Nous étions dans une même pièce en même temps que lui ainsi que d'autres

5 camarades.

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je puis me lever, s'il vous plaît, je

7 suppose que le fondement de votre question, question qui est posée --

8 M. WHITING : [interprétation] Jour 34 page 86 [comme interprété].

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est M. Bala qui a dit cela ?

10 M. WHITING : [interprétation] C'est exact.

11 Q. Repartons un petit peu en arrière, et parlons du mois de juin et

12 juillet 1998. Avant de vous poser des questions sur cette époque-là, n'est-

13 il pas vrai qu'il y a une route qui va de Bajince à Nekovce jusqu'à Kishna

14 Reka; c'est exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Une fois que vous arrivez à Kishna Reka vous pouvez soit continuer et

17 emprunter la route jusqu'à Lapusnik, vous pouvez même vous rendre à

18 Lapusnik à pied, n'est-ce pas, depuis cet endroit-là ?

19 R. Cela dépend, je ne sais pas. De Kishna Reka à Lapusnik à pied, cela, je

20 crois que si on va à pied, cela doit prendre deux heures environ car c'est

21 une route très en pente.

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande à mon éminent confrère de bien

23 vouloir vérifier les références qu'il nous a citées, car je me suis reporté

24 à la page 86 [comme interprété]. C'est jour 34 [comme interprété] page 84.

25 M. WHITING : [interprétation] Pardonnez-moi, mais c'est

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1 34e jour,

2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Page ?

3 M. WHITING : [interprétation] Page 3 086. Pouvons-nous regarder la

4 photographie numéro 8, s'il vous plaît de la pièce P1. Très bien. Pourriez-

5 vous la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

6 Q. Veuillez regarder la carte qui est placée sur le rétroprojecteur. C'est

7 peut-être plus facile si vous regardez sur votre gauche, si vous ne

8 regardez pas l'ordinateur, mais vous regardez sur votre gauche ou alors si

9 vous regardez simplement ce que vous voyez sur le rétroprojecteur. Ici, on

10 voit une vue aérienne de Lapusnik. Est-ce que vous reconnaissez cela ?

11 R. Oui, plus ou moins.

12 Q. Dans la partie en bas à droite de cette photographie, voyez-vous

13 quelques maisons ?

14 R. Où ? A quel endroit voulez-vous dire ?

15 Q. En bas à droite, ici là.

16 R. Ici à cet endroit-là ?

17 Q. Oui. Ces maisons appartiennent à Kishna Reka, n'est-ce

18 pas ?

19 R. C'est possible. Je ne sais pas.

20 Q. Cette route que l'on voit ici, qui passe entre 489000 et 489500, qui va

21 de haut en bas, cette route va de Kishna Reka à Bajince, n'est-ce pas ?

22 R. La route qui est en haut ici ?

23 Q. Non, cela c'est la route de Peja à Pristina. Je veux dire cette route-

24 ci, celle qui descend, qui va de haut en bas de la photographie, qui va de

25 Kishna Reka, Nekovce et Bajince. C'est cela ?

Page 6992

1 R. Celle-ci ?

2 Q. Oui, c'est tout à fait cela. C'est celle qui va de Kishna Reka à

3 Bajince. C'est cela ?

4 R. Oui, je crois.

5 Q. L'interprète n'a pas saisi votre dernière réponse. En fait, on voit

6 Kishna Reka en bas à droite de cette photographie, n'est-ce pas. Les

7 maisons que vous avez indiquées, c'est bien Kishna Reka l'endroit où se

8 trouvent ces maisons ?

9 R. Oui, cela en fait partie. Cela fait partie de Kishna Reka. Cela

10 pourrait également appartenir à Komorane.

11 Q. Il ne faudrait pas deux heures à pied pour aller de cet endroit-là à

12 Lapusnik, n'est-ce pas ?

13 R. Cela dépend de votre moyen de transport, car en voiture, on peut aller

14 très rapidement. Les routes qui ont été nouvellement construites. A ce

15 moment-là, il fallait traverser les gorges. Il fallait passer de l'autre

16 coté de la gorge, et essayer d'arriver en haut ici.

17 Q. Non, je parle d'un trajet à pied. On pourrait aller de ces maisons qui

18 se trouvent en bas à droite à Lapusnik à pied rapidement, n'est-ce pas ?

19 R. Non. Tout d'abord, cette partie-ci que l'on voit, ce groupe de maisons,

20 je ne sais pas si c'est effectivement Kishna Reka, car ces maisons peuvent

21 appartenir à Komorane, du vieux Komorane comme on l'appelle. Kishna Reka

22 devrait se situer davantage à l'intérieur. Je me suis rendu à Berisa. J'ai

23 traversé cette région-ci à pied. Cela m'a pris deux heures environ parce

24 que le chemin est en pente. Je parle de ce que j'ai vécu moi-même.

25 Q. Je ne sais pas si vous avez prêté attention à ma question. Ma question

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1 est celle-ci : quel que soit le village auquel appartiennent ces maisons,

2 il ne faudrait pas deux heures pour aller à pied de ces maisons-là à

3 Lapusnik, n'est-ce pas ?

4 R. Non, ce n'est pas exact.

5 Q. Dans votre témoignage, vous dites, qu'effectivement, il faut compter

6 deux heures à pied pour aller de ces maisons-là à Lapusnik ?

7 R. Je vous dis ceci : cela dépend de la personne qui marche, et si elle

8 est en forme physiquement, comme cela est le cas pour moi, cela me prend

9 une heure et demie. Cela n'est pas un chemin très facile à emprunter.

10 M. WHITING : [interprétation] Veuillez retirer cette carte, s'il vous

11 plaît, j'en ai plus besoin.

12 Q. Maintenant, je vais passer aux mois de juin et juillet. Vous avez dit

13 dans votre témoignage que vous ne faisiez pas partie de l'UCK à ce moment-

14 là parce que vous ne possédiez pas de fusil.

15 R. C'est exact. Jusqu'au 26 juillet, je n'étais pas un soldat de l'UCK.

16 Q. Et ce, parce que vous ne possédiez pas de fusil; c'est exact ?

17 R. C'est effectivement la raison.

18 Q. Il y avait des soldats de l'UCK dans votre village au mois de juin et

19 juillet 1998, n'est-ce pas ?

20 R. Il n'y en avait pas.

21 Q. Il n'y avait pas de soldat de l'UCK à Bajince en juin et juillet 1998 ?

22 R. Il n'y en avait pas. Il y avait des soldats de Bajince qui avaient été

23 affectés à une autre position.

24 Q. Est-ce qu'il y avait des soldats de l'UCK à Kishna Reka en juin et

25 juillet 1998 ?

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1 R. Je ne sais pas.

2 Q. Y avait-il des soldats de l'UCK à Nekovce en juin et juillet 1998 ?

3 R. Je connaissais une personne de Nekovce. Je ne sais pas où il a été

4 affecté, mais à un moment donné, je connaissais quelqu'un de Nekovce qui

5 était un soldat.

6 Q. Il y avait des soldats de l'UCK à Shale et Sedlare, n'est-ce pas, en

7 juin et juillet 1998 ?

8 R. Très honnêtement, je ne sais pas.

9 Q. Au cours de cette période, à savoir les mois de juin et juillet 1998,

10 c'était un moment où les hommes rejoignaient l'UCK pour autant qu'ils

11 avaient une arme ou qu'ils pouvaient se procurer une arme, n'est-ce pas ?

12 R. Ceux qui se sentaient Albanais, oui.

13 Q. Me Guy-Smith vous a demandé combien de fois vous avez vu M. Haradin

14 Bala dans votre village au cours des mois de juin et juillet 1998, et vous

15 avez répondu en disant ceci, c'était hier : "Il se peut que je l'aie vu

16 trois à quatre fois, mais je n'en suis pas tout à fait certain, car je sais

17 que je l'ai vu plus tard également." Donc, il est difficile de savoir à

18 quel moment les choses se sont produites, n'est-ce pas ?

19 R. Comme je vous l'ai déjà dit, je l'ai peut-être vu quatre à cinq fois,

20 quatre fois, et peut-être une fois plus tard. Je ne peux pas vous donner de

21 chiffre exact, mais je sais que je l'ai vu entre quatre et cinq fois, que

22 je l'ai aperçu.

23 Q. Dans la conversation que vous avez relatée, vous dites vous souvenir

24 d'une conversation à propos de Luznica. Cette conversation aurait pu avoir

25 lieu plus tard, n'est-ce pas ?

Page 6995

1 R. Non, parce que cela a un rapport avec la farine et la nourriture qu'il

2 apportait à sa famille. Après le 26 juillet, cela ne m'intéressait plus, je

3 ne m'intéressais plus aux gens qui apportaient de la farine, car j'étais

4 devenu soldat, et quelqu'un d'autre avait pris la responsabilité du

5 village.

6 Q. Vous étiez toujours dans votre village, n'est-ce pas ?

7 R. A quelle période faites vous référence ?

8 Q. Après le 26 juillet, vous étiez toujours à Bajince, n'est-ce pas ?

9 R. Comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, nous étions dans les alentours

10 de Bajince, pendant deux à trois semaines. Nous ne sommes pas entrés en

11 contact avec les villageois, à l'exception de quelques jeunes hommes qui

12 nous apportaient de la nourriture.

13 Q. La nourriture continuait à être un problème après le 26 juillet, n'est-

14 ce pas ?

15 R. Bien sûr.

16 Q. Vous n'avez jamais vu Haradin Bala à Luznica en juin et juillet 1998,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Pardonnez-moi, mais je n'ai jamais été moi-même à Luznica.

19 Q. Vous n'avez jamais été à Luznica en juin et juillet 1998; est-ce

20 exact ?

21 R. Non, même pas aujourd'hui. Jusqu'à récemment, je ne m'y suis pas rendu.

22 Q. Saviez-vous que pour vous rendre à Luznica, il fallait, depuis Bajince,

23 descendre en voiture par Shale, Sedlare, Klecka et Luznica. Saviez-vous

24 cela à l'époque ?

25 R. Je ne sais pas si la route était praticable à ce moment-là et si on

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1 pouvait y aller en voiture, car je ne m'y suis pas rendu. Je ne suis jamais

2 passé par Shale.

3 Q. Lorsque Haradin Bala est arrivé à Bajince pendant les mois de juin et

4 juillet 1998, comment est-il venu ?

5 R. Je l'ai vu une fois lorsqu'il est venu en voiture. Je crois que c'était

6 une Lada. C'est à ce moment-là que je lui ai posé la question à propos de

7 la farine.

8 Q. Quand avez-vous relaté pour la première fois le fait que vous vous êtes

9 souvenu de cette conversation que vous avez eue avec Haradin Bala ?

10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que je vais ici soulever une

11 objection par rapport à la manière dont est qualifié le témoignage du

12 témoin. Je ne sais si Me Whiting essayait de dramatiser la situation en

13 utilisant le terme "relater l'histoire".

14 M. WHITING : [interprétation] Ce n'était pas du tout mon intention.

15 Q. Quand pour la première fois avez-vous rapporté cette conversation à

16 propos de Luznica que vous avez eue avec Haradin Bala ? Quand en avez-vous

17 parlé à quelqu'un pour la première fois ?

18 R. Je n'ai pas compris la dernière partie de votre question. Veuillez

19 répéter, s'il vous plaît.

20 Q. Je vais essayer d'être plus clair. Quand pour la première fois avez-

21 vous parlé à quelqu'un de cette conversation que vous dites avoir eue avec

22 Haradin Bala à propos de Luznica ?

23 R. Je ne sais pas si j'en ai parlé avec quelqu'un, hormis l'équipe de la

24 Défense lorsque j'ai fait ma déclaration. Je ne me souviens en avoir parlé

25 par ailleurs.

Page 6997

1 Q. Quand avez-vous fait votre déclaration ?

2 R. Il y a quatre mois environ.

3 Q. En février 2003, vous saviez que Haradin Bala avait été arrêté par le

4 Tribunal, n'est-ce pas ?

5 R. Oui. J'en ai entendu parler ici. Effectivement, la date de

6 l'arrestation était le mois de février 2003.

7 Q. Je pense que vous avez suivi cette affaire dans les journaux et à la

8 télévision au Kosovo.

9 R. Vous vous trompez.

10 Q. Vous n'avez absolument pas suivi cette affaire ?

11 R. Pas du tout.

12 Q. Cela ne vous intéressait pas ? Ce que l'on reprochait à Haradin Bala ne

13 vous intéressait pas du tout ?

14 R. Il y a là une différence. Personnellement, je n'avais pas la

15 possibilité de suivre ce procès parce qu'on le montrait parfois à la

16 télévision en soirée, mais je travaillais jusqu'à 6 ou 7 heures du soir.

17 Ensuite, je passais deux ou trois heures avec mes enfants dans la soirée,

18 puis on allait dormir de façon à pouvoir se réveiller à 6 heures du matin

19 le lendemain pour aller au travail.

20 Q. Mais vous avez su quand Haradin Bala a été arrêté, vous avez su qu'il a

21 été arrêté et accusé d'avoir commis des crimes à Lapusnik au cours de l'été

22 1998, n'est-ce pas ? Vous le saviez certainement, n'est-ce pas ?

23 R. J'en ai entendu parler.

24 Q. Vous avez entendu parler de cela au moment où il a été arrêté, n'est-ce

25 pas, à un moment quelconque en 2003 ?

Page 6998

1 R. Je suis vraiment désolé. J'ai entendu dire qu'il avait été arrêté, mais

2 je ne sais pas si j'ai entendu dire le jour même de l'arrestation ce qui

3 s'était passé ou si c'est plus tard avec des amis que j'ai entendu cela.

4 Mais j'en ai entendu parler, cela je le sais.

5 Q. Quant à savoir si c'était le jour de l'arrestation ou un jour ou deux

6 plus tard, vous avez su qu'il avait été arrêté environ à la date de son

7 arrestation, autour de cette date, n'est-ce pas ?

8 R. Je ne suis pas sûr. Ne m'obligez pas s'il vous plaît à me prononcer

9 quand je ne suis pas sûr.

10 Q. Est-ce que vous pensez en avoir entendu parler en 2003 ? Est-ce que

11 vous avez su pourquoi il avait été arrêté, à savoir qu'il avait été arrêté

12 pour avoir commis des crimes à Lapusnik ? Est-ce que vous pensez que vous

13 avez entendu parler de cela un moment donné en 2003 ?

14 R. C'est possible.

15 Q. Mais vous en êtes même pas sûr de cela, n'est-ce pas ?

16 R. Un instant. Je suis vraiment désolé. Mais je suis sûr que j'ai entendu

17 parler de son arrestation. Mais comme je l'ai déjà dit, je ne me rappelle

18 pas des dates et des périodes, sauf pour celles qui sont vraiment

19 importantes pour moi.

20 Q. Vous venez de nous dire qu'il y a quatre mois, vous avez fait une

21 déclaration au conseil de la Défense. Dans cette déclaration, vous leur

22 avez parlé de ce qui vous était arrivé, ainsi qu'à Haradin Bala en 1998;

23 c'est bien cela ?

24 R. Oui. Ce qui s'est passé en 1998, c'est ce que je leur ai dit. Pour

25 cela, je me suis fondé sur une journée qui était très importante pour moi,

Page 6999

1 c'est-à-dire quand j'ai obtenu mon arme.

2 Q. Vous vous êtes donné la peine d'être précis et véridique avec eux

3 lorsque vous leur avez parlé il y a quatre mois ?

4 R. Ce n'est pas que je fasse attention à être précis ou exact ou pas, cela

5 c'est la vérité. Ce sont des choses que j'ai connues par moi-même, et il

6 n'y a aucune manière dont je pourrais me tromper à ce sujet.

7 Q. Est-ce que vous n'avez pas dit aux membres de l'équipe de la Défense il

8 y a quatre mois que vous aviez rejoint l'UCK au commencement de mai 1998 ?

9 R. Jamais. J'ai aidé l'UCK, mais je n'étais pas soldat de l'UCK.

10 Q. Il y a une différence très claire. Vous avez exposé clairement cette

11 différence ici dans ce prétoire, à savoir, entre "aider l'UCK" et

12 "rejoindre l'UCK". C'est bien cela ?

13 R. Je n'ai jamais dit que j'étais un soldat ou un membre de l'UCK avant le

14 26 juillet.

15 Q. Vous voyez, les conseils de la Défense nous ont donné un résumé de ce

16 que vous allez dire dans une déposition, pour votre déclaration -- nous ne

17 recevons pas votre déclaration, mais simplement un résumé. D'après le

18 résumé, il est dit : "Le témoin déposera sur le fait qu'il a rejoint l'UCK

19 au moment où les forces serbes ont lancé leur attaque sur Lapusnik au début

20 de mai 1998." Est-ce que vous avez dit cela aux conseils de la Défense ?

21 R. C'est une erreur. C'est bien leur erreur ou votre erreur. Je n'ai

22 jamais dit que j'avais rejoint l'UCK au mois de mai à cause de l'offensive

23 sur Lapusnik qui a commencé le 26 juillet.

24 Q. Est-ce que vous n'avez pas dit aux conseils de la Défense qu'en fait,

25 Haradin Bala avait déplacé sa famille à Bajince avant le 9 mai 1998 ?

Page 7000

1 R. Je ne sais pas du tout quelle est la date exacte à laquelle sa famille

2 est arrivée. Comme je vous l'ai dit, je rapporte tout à la date

3 essentielle, cruciale dans ma vie que j'ai mentionnée.

4 Q. Parce que dans le résumé, voyez-vous, je vous le lis, il est dit : "A

5 cause du danger des attaques serbes, l'accusé Haradin Bala a déplacé sa

6 famille à Bajince pour la mettre à l'abri, et le témoin dira dans sa

7 déposition que ceci s'est passé avant que les Serbes ne lancent leur

8 offensive sur Lapusnik."

9 J'ai vérifié ceci pour m'assurer qu'on se référait bien au 9 mai 1998.

10 Etes-vous sûr que vous n'avez pas dit au conseil de la Défense que Haradin

11 Bala avait déplacé sa famille, et l'avait mise à Bajince avant le 9 mai

12 1998 ?

13 R. Si quelqu'un a insisté sur la date du 9 mai, alors vous pouvez le dire,

14 mais je ne sais pas comment ils ont pu relier les deux choses. J'ai tout

15 simplement dit qu'il avait déplacé sa famille parce qu'elle était en danger

16 à Korretice où elle vivait, que cet endroit était très exposé car c'était

17 tout près de la route, que c'était dangereux et que les Serbes auraient pu

18 intervenir rapidement à cet endroit-là. Pour que sa famille puisse échapper

19 à ce danger, il l'a déplacée à Bajince. Je n'ai pas dit le 9 mai. S'ils ont

20 insisté sur cette date, je ne sais pas comment ils l'ont obtenue, mais ce

21 n'est pas moi qui l'aie dit.

22 Q. Alors, quelle est votre déposition ? Qu'est-ce que vous dites

23 maintenant sur ce qui s'est passé pour ce qui est du moment où il a déplacé

24 sa famille à Bajince ?

25 R. Il a déplacé sa famille à Bajince avant le 26 juillet. Quant à savoir

Page 7001

1 si c'était trois semaines, deux semaines ou deux mois plus tôt, je ne sais

2 pas de façon certaine. Mais je sais que c'était avant cette date, et que sa

3 famille était là avant cette date.

4 Q. Vous avez pour la première fois rencontré Haradin Bala, qui était le

5 mari de Mme Bala, qui était du village de Bajince; c'est bien cela ?

6 R. C'est exact. Je ne le connaissais pas. Je ne le connaissais que de vue.

7 Je savais qu'il était marié à une dame de ce village, mais je n'avais pas

8 eu de contacts rapprochés avec lui.

9 Q. Vous ne vous rappelez pas quand il a déplacé sa famille à Bajince ?

10 C'est cela que vous dites dans votre déposition maintenant, que vous ne

11 vous souvenez pas quand il a déplacé sa famille à Bajince ?

12 R. Je me rappelle que sa famille s'est déplacée avant le 26 juillet. Quant

13 à savoir exactement quelle était la date, je ne peux pas vous le dire façon

14 certaine.

15 M. WHITING : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting. Maître

17 Guy-Smith.

18 Nouvel Interrogatoire par M. Guy-Smith :

19 Q. [interprétation] Je voudrais m'assurer que les choses sont bien

20 claires. Si j'ai fait une erreur à quelque égard que ce soit, je présente

21 des excuses. Je voudrais être bien sûr que nous comprenons ce que vous vous

22 rappelez, ce que vous avez vécu et ce que vous n'avez pas vécu sur la base

23 des questions qui vous ont été posées tant par moi-même que par M. Whiting.

24 D'accord.

25 Le 26 juillet 1998, vous rappelez-vous, si oui ou non, il y a eu une

Page 7002

1 offensive lors de laquelle ce que l'on a appelé les gorges de Lapusnik sont

2 tombées ?

3 R. Oui, je me souviens très bien de cela.

4 Q. Avant que les gorges de Lapusnik ne tombent, où vous trouviez-vous ?

5 R. Je me trouvais dans le village de Bajince.

6 Q. Pendant que vous étiez au village de Bajince, avez-vous eu l'occasion

7 de voir la famille de Haradin Bala ou pas ?

8 R. Oui. Oui, je les ai vus passer. Je les voyais passer à l'extérieur dans

9 le jardin.

10 Q. Où vous trouviez-vous dans votre village avant que les gorges de

11 Lapusnik ne soient prises le 26 juillet ? Est-ce que vous avez eu une

12 conversation avec Haradin Bala ou pas dans laquelle la question des vivres

13 ou des aliments supposés a été évoquée ?

14 R. Oui, oui effectivement. C'est à ce moment-là que nous avons parlé de

15 cette question.

16 Q. A part le fait d'avoir eu une conversation avec M. Bala concernant la

17 question des vivres, avez-vous eu l'occasion de voir Haradin Bala dans

18 votre village de Bajince avant que les gorges de Lapusnik ne soient

19 prises ?

20 R. Je crois que je l'ai vu deux ou trois fois, hormis la conversation que

21 j'ai eue avec la lui. Nous nous sommes rencontrés de nombreuses fois par la

22 suite.

23 Q. Quand êtes-vous devenu membre de l'UCK en tant que soldat de l'UCK ?

24 R. Le 26 juillet 1998, dans la matinée de cette journée.

25 Q. Pourquoi n'êtes-vous pas devenu un membre de l'UCK en tant que soldat

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1 avant le 26 juillet dans la matinée ?

2 R. Parce qu'il n'y avait pas assez d'armes là où nous vivions. Il était

3 difficile pour nous de nous procurer des armes. Il fallait aller en Albanie

4 pour aller en chercher. C'était un voyage très difficile à faire.

5 Q. Est-ce que vous aviez eu l'occasion d'avoir une arme avant le 26

6 juillet ? Si vous aviez eu l'occasion, est-ce que vous auriez rejoint l'UCK

7 avant cette date si vous aviez pu vous procurer une arme avant ?

8 R. Oui, certainement.

9 Q. Je vous remercie.

10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

11 Monsieur le Président, mais j'ai une observation à faire en ce qui concerne

12 la question qui est évoquée à la page 3 086, dans laquelle il y a une

13 déclaration qui est attribuée à mon client qui -- en fait, c'est une

14 déclaration par ouï-dire faite par quelqu'un d'autre. J'ai quelques

15 inquiétudes concernant la façon dont la question a été posée parce qu'on

16 est parti de l'hypothèse que cette déclaration avait été faite. Je

17 comprends la mesure dans laquelle le ouï-dire est autorisé dans le présent

18 procès, mais je voudrais demander à la Chambre de bien vouloir, lorsqu'elle

19 examinera cette question, voir quelle en est l'étendue, notamment en ce qui

20 concerne la réponse, étant donné que ceci risque d'avoir une incidence en

21 ce qui concerne la déposition de ce témoin. Donc, je prie la Chambre d'y

22 faire attention.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître. Merci

24 beaucoup, Monsieur le Témoin. C'est la fin des questions qui doivent vous

25 être posées par le conseil. Nous vous remercions d'être venu. Vous êtes

Page 7004

1 maintenant libre de retourner chez-vous et d'y reprendre votre travail.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons pris acte de votre

5 remarque, Maître Guy-Smith. Je pense que ceci est peut-être le bon moment

6 pour lequel on pourrait passer un quart d'heure avec -- peut-être vous

7 voudriez passer un quart d'heure avec le témoin suivant ?

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que c'est le bon moment.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons faire notre

10 première suspension d'audience maintenant, et nous reprendrons à 4 heures

11 moins dix.

12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 29.

13 --- L'audience est reprise à 15 heures 53.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith, c'est à vous.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. Avant que nous n'appelions notre

16 témoin suivant pour déposer à la barre - et c'est M. Harvey qui lui posera

17 des questions - j'aurais une brève observation à faire. Enfin, c'est M.

18 Bala qui m'a demandé très précisément de faire cette observation, à savoir

19 qu'il apprécierait beaucoup lorsque des déclarations lui sont attribuées,

20 que s'il ne s'agit pas de déclarations qu'il a faites directement, qu'il y

21 ait une possibilité pour savoir vraiment comment identifier cette

22 déclaration, parce que cela lui cause des inquiétudes. Il pense qu'il n'est

23 pas approprié d'agir ainsi.

24 J'ai évoqué la question avec M. Whiting, et je lui ai dit que

25 j'évoquerais cette question devant la Chambre avant que nous ne

Page 7005

1 commencions. Je pense que M. Whiting comprend notre position, et je crois

2 que je comprends la sienne en ce qui concerne la manière dans laquelle il a

3 choisi de poser ses questions. Puisque cette question est évoquée par M.

4 Bala et qu'il m'a précisément demandé de l'évoquer devant la Chambre, c'est

5 ce que je fais.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez anticipé sur ce qu'aurait

7 été la réaction de la Chambre si vous aviez poursuivi. Je voudrais

8 observer, qu'en ce qui concerne l'observation que vous avez faites avant

9 que nous ne suspendions la séance, la question était de savoir si ceci

10 faisait l'objet d'élément de preuve, si ceci faisait l'objet de la

11 déposition. Par conséquent, ceci constitue une base convenable pour poser

12 des questions. Quel que soit le poids qu'il ait lieu d'y attacher, c'est

13 une question tout à fait différente. Nous devrons l'examiner à la fin de la

14 déposition.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'apprécie vivement cela ainsi que les

16 observations de la Chambre.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin suivant sera.

18 M. HARVEY : [interprétation] M. Kadri Dugoli.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Harvey.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur Dugoli. Voudriez-

22 vous donner lecture de la déclaration qui figure sur la carte qui vous est

23 présentée.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

25 Monsieur les Juges. Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute

Page 7006

1 la vérité et rien que la vérité.

2 LE TÉMOIN: KADRI DUGOLI [Assermenté]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, veuillez vous

5 asseoir. M. Harvey a des questions à vous poser, Monsieur.

6 M. HARVEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 Interrogatoire principal par M. Harvey :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Dugoli.

9 R. Bonjour.

10 Q. Je comprends, d'après votre réponse, que vous entendez clairement les

11 questions que je vous pose, et que vous êtes en mesure de suivre la

12 traduction, l'interprétation ?

13 R. Oui.

14 Q. Dans quel village habitez-vous ?

15 R. Je vis à Drenoc, à Nekovce dans la municipalité de Drenoc.

16 Q. Vous y aviez passé toute votre vie ?

17 R. Oui, à l'exception d'une période de deux ans, où j'ai habité chez mes

18 oncles, à Korretice e Eperme chez le père de Haradin.

19 Q. Qui est ou qui était votre oncle ?

20 R. Son nom est Selman Bala. Il est le père de Haradin Bala. Ma mère et

21 lui-même étaient frère et sœur.

22 Q. Ceci fait que Haradin et vous-même êtes des cousins germains, si je ne

23 me trompe ?

24 R. Je ne sais pas ce que vous dites en ce qui concerne cousins germains,

25 mais je sais qu'il est le fils de mon oncle.

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1 Q. Oui, je pense que vous avez raison. Bien. J'espère que vous ne vous

2 offenserez pas de cela, mais je crois que vous êtes plus âgé qu'il ne

3 l'est ?

4 R. Non. Vous voulez dire plus âgé que Haradin ?

5 Q. Oui.

6 R. Oui, j'ai sept ans de plus que lui.

7 Q. Quand vous étiez enfant, est-ce que vous avez grandi ensemble compte

8 tenu de la différence d'âge ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vos familles se rendaient visite fréquemment ?

11 R. Oui, très fréquemment. Parfois, j'allais rendre visite dans sa famille,

12 parfois, c'était lui qui venait rendre visite à la mienne.

13 Q. A un moment donné, vous avez dû effectuer votre service militaire,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Oui,

16 Q. Vous souvenez-vous en quelle année ?

17 R. 1967/1970. J'ai quitté l'armée en 1971. Le service militaire a duré 18

18 mois.

19 Q. Après cela, savez-vous où Haradin travaillait ?

20 R. Haradin travaillait avant de tomber malade. Il travaillait dans une

21 entreprise de bâtiment à Drenoc, mais je ne sais pas en quelle année il a

22 commencé à y travailler.

23 Q. Vous souvenez-vous lorsqu'il est tombé malade ?

24 R. Oui, je m'en souviens très bien.

25 Q. Que s'est-il passé ? De quoi vous souvenez-vous ?

Page 7008

1 R. Je me rappelle que Haradin était malade. Il se plaignait de douleur au

2 côté gauche, au bras, à la main. Au bout d'une semaine, il a été emmené au

3 servie neuropsychiatrique de l'hôpital, je pense. Ils ont pensé qu'il

4 souffrait d'une sorte de paralysie.

5 Q. Qui l'a emmené là-bas ?

6 R. Je ne sais pas qui l'a emmené là-bas, mais je sais que je suis allé lui

7 rendre visite. Au bout de cinq ou six jours, il ne pouvait pas bouger. Je

8 suis resté une demi-heure en sa compagnie. Ensuite, je suis rentré chez

9 moi.

10 Q. Donc, vous êtes allé lui rendre visite à l'hôpital. Je sais qu'il est

11 difficile de se rappeler des choses avec certitude --

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez grosso modo en quelle année cela s'est

14 passé ?

15 R. C'était avant le début des années 1990. Pour être tout à fait franc

16 avec vous, je ne me souviens pas de la date car beaucoup de temps s'est

17 écoulé depuis.

18 Q. Etes-vous allé le voir à l'hôpital une seule fois ou plusieurs fois ?

19 R. J'y suis allé deux fois.

20 Q. La deuxième fois que vous êtes allé lui rendre visite, était-ce au

21 cours de la même année ou à un autre moment ?

22 R. La première fois que je suis allé le voir à l'hôpital, après cela, je

23 suis allé lui rendre visite à deux reprises. Je ne sais pas en quelle année

24 c'était. Il avait été de nouveau hospitalisé à Pristina. Je pense qu'il

25 était au service de soins intensifs. On lui a dit qu'il souffrait de

Page 7009

1 problème cardiaque. Il avait eu une crise cardiaque ou un infarctus. Sa vie

2 était en péril. Il ne pouvait pas quitter sa chambre. Il n'a pas pu quitter

3 sa chambre pendant cinq ou six jours, et nous n'avons pas été autorisés à

4 lui rendre visite.

5 Q. Vous nous dites que la première fois qu'il a été conduit à l'hôpital,

6 c'était avant le début des années 1990. Selon vous, est-ce que la deuxième

7 fois, c'était également au cours de cette période ou quelque temps après ?

8 R. Je ne me souviens pas très bien de cela, mais je pense que la première

9 fois, c'était avant le début des années 1990. La deuxième fois, c'était peu

10 de temps après. C'était probablement au cours de la même année. Je sais

11 qu'il était très malade, et qu'il avait été hospitalisé.

12 Q. Il a été hospitalisé deux fois. Savez-vous s'il n'a jamais été

13 hospitalisé à d'autres occasions après cela ?

14 R. Je crois qu'il est allé en Albanie. Il a été hospitalisé en Albanie

15 avant le début de la guerre. Je sais qu'il a de nouveau été hospitalisé

16 après la guerre, là encore pour ses problèmes cardiaques.

17 Q. Parlons de son hospitalisation avant le début de la guerre. Si l'on

18 considère que la guerre a commencé en 1998, est-ce que vous avez une idée

19 du nombre de mois ou d'années avant le début de la guerre, quand cela s'est

20 produit ?

21 R. Si je ne m'abuse, c'était peut-être en 1992 ou 1993. Pour ce qui est

22 des autres fois, je ne m'en souviens pas. Je sais que c'était avant le

23 début des années 1990.

24 Q. Je vous remercie. J'essaie d'abord de travailler ma voix. Je repose ma

25 question. Parlons de la guerre, s'il vous plaît, ou de la période qui a

Page 7010

1 précédé cette guerre.

2 Connaissiez-vous la famille de Haradin ?

3 R. Très bien.

4 Q. Savez-vous de quel village sa femme est originaire ?

5 R. Sa femme venait du village de Bajince, dans la municipalité de Lipjan.

6 Q. Lorsque la guerre a éclaté, est-ce que sa famille est restée à

7 Korretice e Eperme ?

8 R. Je pense que le 8 mai ou vers cette date, Haradin a emmené sa famille

9 chez moi pour qu'elle reste dans ma maison. Ils sont restés là pendant deux

10 semaines environ.

11 Q. Lorsque vous parlez de sa famille, combien de membres de sa famille a-

12 t-il emmené chez vous ?

13 R. C'est une grande famille. Pour ce qui est du noyau familial plus

14 étroit, sa femme et ses deux frères sont restés chez moi, alors que

15 d'autres de ses frères et leur mère sont restés avec mon frère.

16 Q. Lorsque vous dites qu'ils sont restés avec votre frère, était-ce

17 également dans le village de Nekovce ?

18 R. Nous habitons très près les uns des autres, avec mes frères. Nous

19 vivons à 50 ou 60 mètres de distance les uns des autres.

20 Q. Est-ce que lui même est resté avec vous ou est-ce qu'il est allé

21 ailleurs ?

22 R. Cette nuit-là, il était fatigué. Il est resté chez moi. Le lendemain,

23 il est parti.

24 Q. Combien de temps après cela, approximativement, l'avez-vous revu ?

25 R. Peut-être de quatre à six jours plus tard. Haradin est revenu me voir.

Page 7011

1 Il venait apporter de la nourriture pour sa famille.

2 Q. Est-ce qu'il est reparti après cela encore une fois ?

3 R. Oui.

4 Q. Combien de temps après cela, grosso modo, l'avez-vous revu ?

5 R. Il est revenu une autre fois ou deux fois après avoir laissé sa famille

6 chez moi, et au bout de deux semaines, il est venu chercher sa famille pour

7 les amener à Bajince avec son frère. Il restait quelques vivres, et il a

8 emmené tout cela à Bajince.

9 Q. Après avoir conduit sa famille à Bajince, quand l'avez-vous revu ?

10 R. Je l'ai revu fin mai à Bajince. Je suis allé là-bas. Je suis resté

11 moins d'une heure. Nous avons parlé. Nous avons fumé une cigarette. Il

12 s'est plaint de son état de santé. Il était malade et il prenait des

13 médicaments, mais je ne sais pas quel type de médicaments.

14 Q. Il était malade, mais il continuait à fumer ?

15 R. Il n'a jamais arrêté de fumer. Je ne sais pas ce qu'il en est

16 aujourd'hui. Je ne sais pas s'il fume toujours, même si les médecins lui

17 avaient recommandé d'arrêter de fumer. Je crois qu'il tient de son père,

18 qui n'a jamais arrêté de fumer, et qui a été hospitalisé à plusieurs

19 reprises.

20 Q. Nous avons essayé nous aussi de lui demander d'arrêter de fumer, mais

21 cela ne fonctionne pas. Donc, lorsque vous l'avez vu fin mai à Bajince,

22 était-il en compagnie des membres de sa famille ou est-ce qu'il était tout

23 seul ?

24 R. Il était là avec sa famille. Je suis allé là-bas, j'ai passé quelque

25 temps avec sa famille. Lorsque je suis parti, il était à l'ombre, il ne

Page 7012

1 pouvait pas rester au soleil. Nous sommes restés ensemble quelque temps à

2 l'ombre, puis je suis rentré chez moi. Je ne sais pas ce qu'il a fait.

3 Q. Vous dites qu'il ne supportait pas de rester au soleil.

4 R. Non, jamais.

5 Q. Comment supportait-il la chaleur en été ?

6 R. Depuis qu'il est tombé malade la première fois, il prenait toujours une

7 ombrelle avec lui pour se protéger du soleil et de la chaleur.

8 Q. Vous le voyiez marcher au soleil avec une ombrelle au-dessus de sa

9 tête ?

10 R. Il ne marchait pas beaucoup, mais lorsqu'il marchait, il prenait

11 toujours avec lui une ombrelle ou un parapluie, mais en principe, il se

12 déplaçait en voiture.

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez par hasard du type de voiture qu'il

14 conduisait ?

15 R. A quelle période pensez-vous ?

16 Q. Merci de m'avoir fait remarquer cela. Quand l'avez-vous vu conduire une

17 voiture ?

18 R. Après la guerre. Je voulais dire que ce n'était pas vraiment une

19 voiture, c'était une charrette tirée par un cheval.

20 Q. Quand l'avez-vous vu à bord de cette charrette ?

21 R. Tout le temps. A chaque fois que je le voyais, il se déplaçait dans

22 cette charrette. Il ne pouvait pas marcher, il était très malade.

23 Q. Est-ce que c'était le cas également avant la guerre ou seulement après

24 la guerre?

25 R. Avant la guerre. Après la guerre, il avait une voiture. Son frère le

Page 7013

1 lui avait achetée. A chaque fois que je voulais aller quelque part, il

2 m'emmenait.

3 Q. Après la guerre, son frère lui a acheté une voiture, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. N'avez-vous jamais rejoint les rangs de l'UCK ?

6 R. Non. Je ne pouvais pas devenir membre de l'UCK, mais je les ai aidés

7 autant que possible. Je n'avais pas d'uniforme et je n'ai jamais rallié les

8 rangs de l'UCK. D'une manière ou d'une autre, tous les Albanais aidaient

9 l'UCK.

10 Q. Veuillez patientez quelques secondes, d'autres questions vous seront

11 posées.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.

13 M. MANSFIELD : [interprétation] Pas de questions, merci.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.

15 M. TOPOLSKI : [interprétation] Pas de questions.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Black.

17 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président

18 Contre-interrogatoire par M. Black :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je suis à votre droite et

20 je m'appelle M. Black.

21 R. Bonjour.

22 Q. Au vu de ce que vous avez déclaré aujourd'hui, je crois comprendre que

23 vous êtes le cousin de Haradin Bala; est-ce exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous diriez en plus que vous êtes amis ?

Page 7014

1 R. Nous sommes des amis très proches effectivement.

2 Q. Haradin Bala ne vous a-t-il jamais parlé de sa volonté de rejoindre les

3 rangs de l'UCK en 1998 ?

4 R. Non, nous n'avons pas parlé de cela. Nous étions tous décidés à

5 rejoindre les rangs de l'UCK, mais nous ne pouvions pas tous le faire.

6 Q. Vous avez mentionné le fait que vous-même, vous n'aviez pas pu

7 rejoindre les rangs de l'UCK; pourquoi donc ?

8 R. Je n'ai pas pu rejoindre les rangs de l'UCK parce qu'il n'y avait pas

9 suffisamment d'armes. Je ne pouvais pas en obtenir, je ne pouvais pas en

10 acheter et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas devenu membre de

11 l'UCK.

12 Q. Vous dites que vous avez aidé d'autres façons. Est-ce que vous pourriez

13 me donner des exemples ?

14 R. Oui. Au début, nous avons organisé des tours de garde avec les soldats.

15 Nous les avons aidés à observer la situation, nous les avons également

16 aidés pour ce qui est des vivres. Nous leur apportions de quoi manger ainsi

17 que de l'eau, nous apportions tout cela dans les montagnes.

18 Q. Vous souvenez-vous du moment où vous avez appris pour la première fois

19 que Haradin Bala avait rejoint les rangs de l'UCK ?

20 R. Seulement lorsqu'il a emmené sa famille chez moi. Il m'a dit qu'il

21 allait à Lapusnik. C'était au début du mois de mai.

22 Q. Vous souvenez-vous des termes qu'il a utilisés ? Est-ce qu'il vous a

23 parlé des motifs qui le poussaient à agir ainsi ?

24 R. Non.

25 Q. Vous avez parlé tout à l'heure de plusieurs incidents survenus en mai

Page 7015

1 1998 lorsque vous avez vu Haradin Bala. Vous souvenez-vous avoir parlé de

2 cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Pour être sûr d'avoir bien compris la chronologie des événements, vous

5 dites que la première fois c'était le 8 mai 1998; est-ce exact ?

6 R. J'ai dit que c'était entre le 6 et le 8 mai, je ne me souviens pas de

7 la date précise. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Je ne me souviens

8 pas quel jour exactement. Nous célébrons une fête chez-nous qui a lieu

9 entre le 6 et le 8 mai. C'est pour cela que je me souviens de cette

10 période. Car le 9 mai, beaucoup de réfugiés sont arrivés dans notre

11 village, et lorsque Haradin a vu que beaucoup de personnes restaient chez

12 moi, il a décidé d'emmener les membres de sa famille chez ses parents,

13 c'est-à-dire d'autres membres de sa famille.

14 Q. Soyons tout à fait clairs. Vous souvenez-vous du jour de la semaine, je

15 comprends bien que vous ne savez pas si c'était le 6, le 7 ou le 8 mai,

16 mais vous souvenez-vous du jour ?

17 R. Non.

18 Q. Cette fête que vous célébrez ne tombe pas toujours le même jour; est-ce

19 exact ?

20 R. Cette fête correspond à une date précise, peu importe le jour de la

21 semaine. C'est le 6, et cette fête est célébrée le 6, le 7 et le 8 mai.

22 Q. Maintenant je comprends. Dans votre déposition vous dites avoir vu

23 Haradin Bala en mai 1998 à l'occasion de cette fête ou vers cette date,

24 donc au cours de cette période de trois jours, mais vous ne vous souvenez

25 pas de la date exacte; est-ce bien cela ?

Page 7016

1 R. Je ne comprends pas la question.

2 Q. Je vais m'efforcer d'être plus clair. Vous déclarez qu'au cours de

3 cette fête qui est célébrée le 6, le 7 et le 8 mai, à un moment donné au

4 cours de ces trois jours, vous avez vu Haradin Bala; est-ce bien cela ?

5 R. Je ne l'ai pas rencontré. Ce que j'ai dit, c'est qu'il a emmené sa

6 famille du village de Korretice à mon village, le village de Nekovce. Il

7 s'agissait de sa famille proche et de certains membres de sa famille

8 élargie. La famille de Haradin est restée chez moi, ainsi que la famille de

9 ses deux frères.

10 Q. Mais vous l'avez vu, vous lui avez parlé; est-ce exact ?

11 R. Oui, nous avons parlé.

12 Q. Vous souvenez-vous quand Haradin Bala et sa famille sont arrivés, vous

13 souvenez-vous comment ils sont arrivés ? A bord de quel véhicule se

14 trouvaient-ils ? Vous souvenez-vous de cela ?

15 R. Certains sont arrivés en tracteur, d'autres à bord d'une charrette

16 tirée par un cheval, d'autres sont arrivés à pied.

17 Q. A l'époque, il n'y avait pas de voitures. Vous ne vous souvenez pas

18 d'une voiture.

19 R. Nous n'avions pas d'autres véhicules à notre disposition; nous n'avions

20 que des tracteurs.

21 Q. Lorsque vous dites : "Nous n'avions pas d'autres véhicules à notre

22 disposition; nous n'avions que des tracteurs." qu'entendez-vous par ce

23 "nous" ?

24 R. Je veux parler de Haradin, de sa famille et de la mienne.

25 Q. Vous parlez de la famille de Haradin. Qu'en est-il de ses frères ? Est-

Page 7017

1 ce que ses frères possédaient une voiture avant la guerre ou pendant celle-

2 ci ?

3 R. Je ne sais pas. Je ne m'en souviens pas. L'un de ses frères qui se

4 trouvait en Italie vendait et achetait des voitures.

5 Q. Est-ce que vous n'avez jamais vu Haradin Bala à bord de l'une de ces

6 voitures ?

7 R. Vous voulez parler des voitures de son frère ?

8 Q. Oui.

9 R. Je ne sais pas. Oui, parfois, nous nous déplacions en voiture ensemble

10 avec son frère qui travaillait en Italie.

11 Q. Pour être tout à fait clair sur la période, est-ce que c'était avant la

12 guerre ou pendant la guerre ?

13 R. Avant la guerre. Pendant la guerre, son frère était en Italie, et il

14 n'y avait pas sa voiture sur place. Je veux parler du frère aîné de

15 Haradin; c'est lui qui avait la voiture.

16 Q. Vous souvenez-vous de quelle voiture il s'agissait ?

17 R. A un moment donné, il avait une Alpha Romeo, puis une Kadett. Je ne

18 connais pas toutes les marques de voiture.

19 Q. Vous avez dit qu'à cette occasion Haradin avait passé la nuit chez

20 vous, et qu'il était reparti le lendemain; est-ce exact ?

21 R. Oui, dans la matinée. Il a quitté ma maison au matin.

22 Q. Vous souvenez-vous comment il est parti, par quel moyen de transport il

23 est parti ?

24 R. Je ne sais plus s'il est parti à bord d'un tracteur où d'un autre

25 véhicule, mais je sais qu'il n'est pas parti à pied.

Page 7018

1 Q. Lorsque vous l'avez revu, c'était entre quatre et six jours plus tard;

2 est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Il me semble que vous nous avez précisé combien de temps il était resté

5 ou peut-être que non. Combien de temps est-il resté chez vous à cette

6 occasion ?

7 R. Si nous parlons de la deuxième fois, il a passé la nuit chez moi. Il a

8 apporté des vivres pour sa famille ainsi qu'une cartouche de cigarettes

9 pour sa femme car il lui a appris à fumer. Elle fume maintenant. C'était

10 des cigarettes de marque Holiday.

11 Q. Est-ce que vous vous souvenez des vivres qu'il a apportés ?

12 R. Il a apporté de la farine, quatre ou cinq litres d'huile,

13 un kilogramme de thé, cinq ou six kilogrammes de sucre, des pâtes, des

14 soupes, les cigarettes dont j'ai parlé.

15 Q. Pour repartir un petit peu en arrière dans votre témoignage, je crois

16 que vous avez dit à un moment donné que lui s'est rendu chez ses beaux-

17 parents parce qu'il y avait trop de monde dans la maison.

18 R. Oui, parce qu'après le 9 mai, lorsque cela a commencé, il y avait des

19 réfugiés, il est vrai avant la date du 9. Après ce jour-là, les gens ont

20 commencé à fuir et s'en allaient de chez eux. Il y avait bon nombre de

21 personnes qui étaient chez moi. Lorsqu'il a constaté qu'il y avait trop de

22 gens chez moi, il a emmené sa famille chez ses beaux-parents à Bajince.

23 Nous étions 62 personnes environ dans la maison, et je n'avais que cinq

24 pièces. Il n'y avait pas suffisamment de place pour tout le monde. C'est la

25 raison pour laquelle il a emmené sa famille.

Page 7019

1 Q. Bien. Non, je vous avais mal compris. Je crois que vous avez dit qu'il

2 était allé chez vos beaux-parents. En fait, ce sont ses beaux-parents à

3 Bajince, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Merci. Vous avez dit que c'était 15 jours après cette deuxième visite;

6 c'est exact ?

7 R. Non, ce n'était pas 15 jours après sa deuxième visite, mais de 15 jours

8 après avoir emmené sa famille pour la première fois, ou accompagné sa

9 famille pour la première fois dans ma maison qui devait -- cela a dû se

10 produire vers le 6 ou le 8 mai. Au bout de

11 15 jours, il a emmené sa famille chez ses beaux-parents.

12 Q. Quelle distance y a-t-il environ entre cet endroit-là et Bajince où se

13 trouvaient ses beaux-parents ?

14 R. Mon village et le village de Bajince se jouxtent. De la maison des

15 beaux-parents de Haradin, il doit y avoir environ trois à quatre

16 kilomètres.

17 Q. Vous souvenez-vous comment ils sont partis pour se rendre dans la

18 maison des beaux-parents de Haradin ?

19 R. Le frère de Haradin a emmené la farine qui restait, et l'a emmenée chez

20 ses beaux-parents. Certains sont partis à pied, d'autres à bord de

21 tracteurs et d'autres dans des carrioles ou des charrettes tirées par des

22 chevaux.

23 Q. Les avez-vous accompagnés ?

24 R. Non.

25 Q. Je vous remercie pour votre patience.

Page 7020

1 M. BLACK : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Black.

3 Maître Harvey.

4 Nouvel interrogatoire par M. Harvey :

5 Q. [interprétation] Une seule question, s'il vous plaît. Lorsque M.

6 Haradin est venu chez vous dans votre maison en apportant de la farine et

7 d'autres vivres, est-il venu seul ?

8 R. Il est venu accompagné d'un ami en voiture, une Lada, et il a apporté

9 la farine, car il ne pouvait pas charger ou décharger ce sac de farine car

10 ce sac pesait 50 kilos.

11 Q. Je n'ai plus de questions. Merci beaucoup, Monsieur Dugoli, pour votre

12 présence ici aujourd'hui.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie pour votre aide. Ceci

14 met fin à votre interrogatoire. Vous pouvez maintenant rentrer chez vous.

15 Merci.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

17 [Le témoin se retire]

18 M. HARVEY : [interprétation] Nous allons encore une fois jouer aux chaises

19 musicales.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith, vous avez la parole.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous allons appeler le dernier témoin pour

22 aujourd'hui M. Thaqi.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous avons quelques instants avant

25 l'arrivée du témoin. Je souhaite dire à la Chambre que nous avons

Page 7021

1 l'intention de citer à la barre deux témoins supplémentaires demain.

2 J'espère qu'il n'y aura plus de témoins viva voce appelés au nom de M.

3 Bala. Néanmoins, il y a un point qui reste en suspens. Nous sommes en

4 contact avec l'Accusation à cet égard. Il s'agit de la déclaration du

5 général Howard Tucker. Il s'agit d'une déclaration

6 92 bis par rapport à la déclaration de Howard Tucker. A la fin de

7 l'audience aujourd'hui, je souhaiterais, après m'être mis d'accord avec

8 l'Accusation, verser au dossier ces rapports médicaux que nous avons pu

9 obtenir par rapport aux antécédents ou par rapport au dossier médical de M.

10 Bala.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous salue.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Thaqi, bonjour. Je vous

15 demande de lire à voix haute ce qui est indiqué sur le feuillet que l'on

16 vous montre.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je déclare solennellement que

18 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

19 LE TÉMOIN: ALI THAQI [Assermenté]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

22 asseoir. Maître Guy-Smith a des questions à vous poser.

23 Interrogatoire principal par M. Guy-Smith :

24 Q. [Interprétation]] Bonjour, Monsieur Thaqi.

25 R. Bonjour à vous.

Page 7022

1 Q. Comment allez-vous aujourd'hui ?

2 R. Très bien, je vous remercie.

3 Q. Parfait. Merci. Quel âge avez-vous, Monsieur ?

4 R. J'ai 48 ans.

5 Q. Est-ce que vous travaillez en ce moment ?

6 R. Non. Je travaille dans l'industrie du bâtiment, et je travaille en

7 privé.

8 Q. Connaissez-vous Haradin Bala ?

9 R. Depuis le jour de ma naissance.

10 Q. J'allais vous poser la question. Comme j'allais vous demander depuis

11 quand, vous venez de dire que vous avez 48 ans. Maintenant, je pense que

12 vous le connaissez depuis un certain temps.

13 R. C'est exact.

14 Q. Où habitez-vous, Monsieur?

15 R. A Lapusnik dans mon village natal.

16 Q. Connaissez-vous la famille de Haradin Bala, autrement dit, son père, sa

17 mère, son frère ?

18 R. Je les connais tous. Je connais la mère de Haradin. La mère de Haradin,

19 c'est ma sœur.

20 Q. Que faisait le père de Haradin ?

21 R. Le père de Haradin avait une santé précaire. Il avait des problèmes

22 pulmonaires. C'était un chanteur. Il chantait des chansons folkloriques

23 albanaises.

24 Q. Lorsque vous dites qu'il chantait des rapsodies, est-ce que c'est

25 quelqu'un que l'on connaissait dans votre région ou est-ce que c'est

Page 7023

1 quelque chose qu'il faisait en privé ?

2 R. Comment puis-je vous dire ceci ? Il en vivait; il vivait de son chant.

3 D'habitude, dans mon pays, on chante lorsqu'il y a des mariages, et on

4 chante à l'occasion de divers festivals.

5 Q. Avant la guerre, saviez-vous si Haradin Bala travaillait ?

6 R. Oui. Il a terminé l'école primaire. Je ne sais pas s'il a terminé ses

7 études secondaires à l'école électrotechnique. Il y a étudié un ou deux

8 ans, ensuite, il travaillait pour une société de construction.

9 Q. Savez-vous combien de temps il a travaillé dans cette société de

10 construction du bâtiment ?

11 R. Je ne sais pas exactement combien de temps. Peut-être jusqu'au moment

12 où les personnes étaient licenciées.

13 Q. Pourriez-vous nous dire exactement à quel moment cela se situait, si

14 vous le savez ?

15 R. Je ne sais pas avec certitude. Cela devait être en 1987, je crois,

16 mais je n'en suis pas tout à fait sûr.

17 Q. Haradin Bala a-t-il suivi son père lorsqu'il s'agissait de chanter ?

18 R. Non. Il ne savait pas chanter. Il a essayé mais il n'y arrivait pas. Il

19 était quasiment tout le temps malade. Depuis qu'il était jeune, il avait

20 commencé à fumer. C'est ce que j'ai appris de lui. C'est de lui que j'ai

21 appris à fumer car j'ai toujours été très proche de lui. Cela fait

22 simplement deux ans que je ne l'ai vu. C'est lui qui m'a protégé. J'ai

23 grandi sous son aile si vous voulez, sous son ombrelle qu'il portait

24 toujours sur lui.

25 Q. S'il ne chantait pas, peut-être jouait-il d'un instrument ?

Page 7024

1 R. Oui, mais il ne jouait pas beaucoup car il était malade. Nous avons

2 essayé tous les deux, lui et moi, mais nous n'avons pas accompli grand-

3 chose.

4 Q. Vous dites qu'il était très malade. Pourriez vous nous en parler, s'il

5 vous plaît, et nous dire quand, pour la première fois, vous vous souvenez

6 du fait qu'il était très malade ?

7 R. Vous voulez parler de Haradin ?

8 Q. Cela est exact.

9 R. Haradin, je crois qu'il était malade quasiment tout le temps. Mais dans

10 les années 1990, il est vraiment tombé très malade. La première fois que

11 cela est arrivé, il a été emmené à l'hôpital neuropsychiatrique. Je crois

12 qu'il avait la main gauche et le bras gauche paralysés. Il y est resté

13 pendant un certain temps, et ensuite il a eu une attaque. Ceci est arrivé

14 dans les années 1990, en 1992. Il est tombé malade chez moi et je l'ai

15 emmené, et je parle en toute connaissance de cause, car un de mes fils est

16 né le 21 janvier 1992, et lorsque Haradin est tombé malade, il est tombé

17 malade chez moi, et mon fils n'avait que trois mois. Cela devait être au

18 mois de mai ou mois de juin. Il était tellement malade que je préférais le

19 voir mort que de le voir souffrir autant.

20 Q. Je souhaite vous montrer deux photographies et que vous me disiez si

21 vous reconnaissez cela.

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Parfait, sur le rétroprojecteur.

23 Q. La première photographie, est-ce que vous la voyez ?

24 R. La photographie n'est pas très claire, mais je la reconnaîtrais même la

25 nuit : c'est moi-même, Haradin et Besim, le jeune frère de Haradin.

Page 7025

1 Q. Pourriez-vous nous dire à quel moment cette photographie a été prise ?

2 R. Cette photo a été prise lorsque je suis allé lui rendre visite à

3 l'hôpital.

4 Q. Je remarque que Haradin porte des vêtements qui sont un peu

5 particuliers. Savez-vous pourquoi il porte ces vêtements-là ?

6 R. C'était l'uniforme que portaient les patients à l'hôpital, c'est des

7 pyjamas.

8 Q. Vous avez dit que vous vous êtes reconnu dans la photographie. Vous

9 reconnaissez Haradin et son plus jeune frère Besim. Pourriez-vous nous dire

10 quel âge avait Besim sur cette photographie ?

11 R. Que puis-je répondre ? Peut-être avait-il 13 ou 14 ans.

12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pourriez-vous lui montrer la photographie

13 suivante ?

14 Q. Je souhaite que vous regardiez cette deuxième photographie. Je vais

15 vous demander si vous reconnaissez les personnes qui se trouvent sur cette

16 photographie.

17 R. Oui, je les connais. C'est Haradin à côté de son jeune frère Besim, et

18 à côté de son oncle du côté paternel de son père, Selman.

19 Q. Savez-vous quand cette photographie a été prise ?

20 R. Je ne sais pas, mais étant donné que je vois qu'il porte des pyjamas,

21 c'est sans doute pendant la période où il a été hospitalisé.

22 Q. Après la sortie de Haradin de l'hôpital, savez-vous s'il a été en

23 mesure de travailler ?

24 R. Il n'a pas pu travailler. Il se déplaçait à bord de sa carriole tirée

25 par un cheval, et en se protégeant d'une ombrelle, car son médecin lui

Page 7026

1 avait dit qu'il devait faire attention au soleil. J'étais quasiment tout le

2 temps avec lui à ce moment-là. C'était très difficile lorsqu'il devait

3 marcher, et nous fumions ensemble.

4 Q. Je souhaite que vous portiez votre attention à l'année 1998, et plus

5 précisément au mois de mai.

6 R. Oui.

7 Q. Où habitiez-vous au mois de mai ?

8 R. J'ai vécu à Lapusnik dans mon village natal toute ma vie. Il y a eu le

9 massacre de Likoshan et de Qirez le 28 février 1998, et nous avions peur,

10 nous craignions les forces serbes. Komorane était à trois kilomètres de

11 l'endroit où j'habitais. Il y avait un poste de contrôle. A ce moment-là,

12 nous avons commencé à nous organiser et à monter des patrouilles. Nous

13 n'avions pas d'armes, nous souhaitions simplement monter la garde et

14 prévenir les gens dans l'éventualité d'un incident.

15 Q. Etes-vous resté à Lapusnik pendant toute la durée de l'année 1998 ?

16 R. Non.

17 Q. Quand avez-vous quitté Lapusnik ?

18 R. J'ai déplacé ma famille et je les ai fait sortir de Lapusnik le 8 mai

19 1998, lorsque les forces serbes ont quitté le poste de contrôle de

20 Komorane. Il y a eu un combat à Gjurgjice. Lorsqu'ils sont rentrés de

21 Gjurgjice, cela devait être vers 16 ou 17 heures de l'après-midi. Nos

22 maisons sont situées à une centaine de mètres de la route goudronnée de

23 Pristina-Pec. Lorsqu'ils se rendaient à Komorane, ils ont pilonné sans

24 cesse. Ils étaient à bord de leurs véhicules blindés et ils avaient des

25 armes lourdes. J'ai emmené ma famille dans la maison de Haradin Thaqi. Le

Page 7027

1 soir je les ai emmenés à Nekovce chez mes beaux-parents.

2 Le lendemain, c'était le 9 mai. C'était un samedi, si je me souviens

3 bien. Il y a eu la première bataille à Lapusnik. Accompagné d'un de mes

4 cousins, Bajram Thaqi, je me suis rendu à Vuqak. Nous ne portions pas

5 d'armes, et je suis allé chez ma sœur jusqu'à la fin des combats. Lorsque

6 les combats sont terminés, nous sommes rentrés le soir.

7 Q. N'êtes-vous jamais devenu membre de l'UCK ?

8 R. Je ne pouvais pas.

9 Q. Pourquoi ?

10 R. Parce que je ne possédais pas d'arme, de fusil.

11 Q. Dans la première partie du mois de mai, avez-vous eu l'occasion de voir

12 Haradin Bala dans les alentours de Lapusnik ?

13 R. Oui. Je l'ai vu après le 9 mai. Il est venu dans la pièce où se

14 trouvait Musli Haradini. Il portait une arme automatique. Il y avait

15 plusieurs hommes entre l'âge de 18 et 50 ans. Il portait cette arme

16 automatique et il souhaitait rejoindre l'UCK. Je lui ai dit que je voulais

17 le suivre, mais que cela était impossible car on ne pouvait pas partager la

18 même arme.

19 Q. Lorsque vous l'avez vu à un certain moment après le 9 mai, et qu'il

20 rejoignait l'UCK, quand l'avez-vous vu la fois suivante ?

21 R. Après le mois de mai, je l'ai vu au mois de juin à Nekovce et Bajince,

22 là où se trouvait sa famille.

23 Q. Veuillez patienter, s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

25 Monsieur Mansfield.

Page 7028

1 M. MANSFIELD : [interprétation] Je n'ai pas de questions. Merci

2 beaucoup.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.

4 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je n'ai pas de questions non plus.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Nicholls.

6 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.

7 Contre-interrogatoire par M. Nicholls :

8 Q. [interprétation] Je suis de ce côté-ci, Monsieur. J'ai quelques

9 questions à vous poser. Comme vous l'avez déclaré, vous avez connu Haradin

10 Bala toute votre vie.

11 R. C'est exact.

12 Q. Vous êtes un de ses amis proches, et vous êtes un ami proche de la

13 famille également, n'est-ce pas ?

14 R. Je suis son oncle.

15 Q. Avez-vous travaillé avec lui ?

16 R. Nous avons travaillé ensemble dans l'industrie du bâtiment.

17 Q. A quel moment ?

18 R. Avant les années 1990.

19 Q. Avez-vous été licencié en même temps, lorsque cette société a fermé ses

20 portes ?

21 R. Nous ne travaillons pas dans la même société.

22 Q. Vous avez déclaré que vous n'avez jamais rejoint l'UCK parce que vous

23 ne possédiez pas d'armes, pas de fusils.

24 R. C'est exact.

25 Q. Saviez-vous que l'UCK remettait des fusils à ceux qui le souhaitaient,

Page 7029

1 y compris les gens à Lapusnik ?

2 R. Je ne savais pas que l'UCK remettait des armes. Il n'y avait que ceux

3 qui étaient capables d'aller à pied jusqu'en Albanie qui pouvaient se

4 procurer des armes. Les autres ne le pouvaient pas.

5 Q. Vous connaissez la maison de Gzim Gashi, n'est-ce pas ? Vous savez où

6 se trouve sa maison à Lapusnik ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous ne saviez pas que quelqu'un dans cette maison gardait un registre

9 sur les soldats de l'UCK ? Il devait enregistrer le nom de toutes les

10 personnes qui possédaient une arme, et à qui on remettait une arme.

11 R. Je ne le savais pas.

12 Q. Je souhaite que votre témoignage soit bien clair. Etiez-vous présent

13 lorsque Haradin Bala a eu une attaque ou un infarctus ou quelque chose de

14 la sorte, et qu'il a dû aller à l'hôpital ?

15 R. Oui. Haradin Bala était chez moi, et j'étais là. C'était sa deuxième

16 attaque après être sorti de l'hôpital, après sa première attaque.

17 Q. C'était en 1990 ou 1993 ?

18 R. En 1992. C'était peut-être au mois de mai ou juin.

19 Q. Qui d'autre était là ?

20 R. Moi et ma famille. Ma femme, ma mère, ainsi que d'autres personnes.

21 Q. Saviez-vous que Haradin Bala avait eu une attaque cardiaque en 1993

22 également ? Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

23 R. Après la première attaque, Haradin tombait souvent malade, et il

24 prenait toujours des médicaments.

25 Q. Merci, mais cela ne répond pas véritablement à la question. Savez-vous

Page 7030

1 s'il a eu une autre attaque en 1993 ?

2 R. Concrètement, je ne sais pas. Mais à partir de 1992, il tombait souvent

3 malade. Mais je ne me souviens pas de l'année précisément.

4 Q. Entre cette période-là et 1998, à votre connaissance, il n'a pas eu de

5 complications médicales particulières, il n'a pas eu une autre attaque ?

6 R. Pas à proprement parler.

7 Q. Vous avez dit que vous n'aviez pas connaissance du fait qu'il tenait

8 des dossiers quand il était à Gzim Gashi oda. Est-ce que vous êtes allés à

9 Gzim Gashi en mai, juin, et juillet 1998 ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous êtes allés dans l'enceinte directement de l'autre côté

12 de la rue, par rapport à l'entrepôt de Gzim Gashi ? L'avez-vous fait ?

13 R. Je ne l'ai pas fait.

14 Q. Comme toutes les autres personnes à Lapusnik et de Lapusnik, vous

15 considérez Haradin Bala et les autres accusés qui sont ici comme des héros,

16 pour avoir défendu votre ville; c'est bien cela ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Vous avez dit que Haradin Bala était trop souffrant pour chanter, trop

19 malade pour jouer d'un instrument, peut-être tout juste capable de tenir un

20 parapluie. C'est bien cela que vous avez dit dans votre déposition ?

21 R. Ce n'est pas seulement ce que j'ai dit dans ma déposition. C'était un

22 fait.

23 Q. Mais si je vous demande en ce qui concerne votre déposition, c'est

24 comme cela qu'il était en 1998.

25 R. Oui.

Page 7031

1 Q. C'est comme cela qu'il était alors qu'il était capable de marcher avec

2 une Kalachnikov entièrement chargée sur l'épaule ? C'est bien cela ?

3 R. Il était malade tout au long de cette période. Je n'ai pas vu ce qu'il

4 portait pendant la guerre.

5 Q. Vous avez dit dans votre déposition qu'il avait un fusil automatique,

6 n'est-ce pas ? Vous venez juste de finir d'en parler.

7 R. Oui. J'ai dit qu'il était revenu pour rejoindre l'UCK et qu'il avait un

8 fusil automatique. Je voulais le rejoindre, mais ce n'était pas possible

9 que deux soldats partagent la même arme, le même fusil. C'est ce que j'ai

10 dit plutôt.

11 Q. Il était décidé à rejoindre l'UCK malgré sa santé, n'est-ce pas ?

12 R. Avec la force qui lui restait, il était décidé à y aller, oui.

13 Q. Il n'était même pas de Lapusnik. Il venait de Korretice, parce qu'il

14 cherchait à combattre; c'est exact ?

15 R. Il n'était pas de Lapusnik. Lapusnik et Korretice sont à seulement cinq

16 kilomètres de distance. Là où Haradin vivait, il n'était pas possible de se

17 battre.

18 Q. Quand il a su qu'il y avait des combats en cours à Lapusnik, qu'on

19 pouvait les entendre de son village, il est parti avec son fusil

20 automatique pour prêter main-forte. C'est cela ?

21 R. Il est venu, il a rejoint, et après cela je ne sais pas où il est allé

22 et où il a combattu.

23 Q. Rien de terrible ne vous est arrivé parce que vous n'aviez pas rejoint

24 l'UCK; c'était une armée de volontaire, n'est-ce pas?

25 R. C'est exact.

Page 7032

1 Q. Haradin Bala n'avait pas besoin de rejoindre, il n'avait pas besoin

2 d'aller à Lapusnik, au front, n'est-ce pas ? Il n'y était pas obligé ?

3 R. Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît. Je ne l'ai pas

4 bien comprise.

5 Q. Tout comme vous, Haradin Bala n'était pas obligé d'aller au front. Il

6 aurait pu rester à Korretice à fumer, à tenir un parapluie, ne s'approchant

7 pas des combats, n'est-ce pas ? Mais il a décidé, il a choisi d'aller se

8 battre.

9 R. Aucun d'entre nous ne souhaitait une guerre mais elle nous a été

10 imposée. Il n'y avait aucune façon dont Haradin aurait pu rester à

11 Korretice parce que c'est juste à cinq kilomètres de Lapusnik.

12 Q. Est-ce que vous savez, qu'avant d'être venu à Lapusnik, il a organisé

13 les tours de garde à Korretice, et qu'il a pris part aux tours de gardes à

14 Korretice ?

15 R. Je ne sais pas, non.

16 Q. Votre déposition, ce que vous avez dit dans votre déposition, c'est

17 qu'il ne restait jamais au soleil. Vous voulez vraiment dire cela, c'est

18 cela que vous vouliez dire ? Il évitait toujours le soleil à tout prix ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Bien. C'est un aspect, je crois, très mineur, très simpliste, je vous

21 le reconnais. Dans la photographie que vous avez avec vous, vous avez

22 apportée, il se trouve à l'extérieur, il n'y a pas de parapluie, et il

23 regarde vers le soleil. Vous êtes en train, en fait, d'apprécier une

24 journée ensoleillée ensemble ?

25 R. Pour moi, oui.

Page 7033

1 Q. Alors, c'est cela. C'est encore un exemple. Je voudrais suggérer que

2 vous exagérez tout dans votre déposition en ce qui concerne la santé de M.

3 Bala, parce que vous êtes en train d'essayer de l'aider, parce que c'est

4 votre ami, votre parent, et parce qu'il a combattu pour l'UCK ?

5 R. Non, ce n'est pas vrai. Le médecin avait recommandé à Haradin - comme

6 je l'ai déjà dit plus tôt - il était malade, il est tombé malade chez moi

7 dans ma propre maison. Il était si malade que j'avais dit que je préférais

8 le voir mort que dans un tel état.

9 M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Guy-Smith ?

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas de questions non plus, Monsieur le

12 Président.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

14 Monsieur Tachi, ceci met fin aux questions qui devaient vous être posées.

15 Je vous remercie de votre aide. Vous pouvez maintenant retourner chez vous.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je vous remercie. Je vous souhaite une

17 bonne journée.

18 [Le témoin se retire]

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'avais dit, avant que M. Thaqi ne soit

21 appelé à la barre, que notre intention était de présenter certaines pièces

22 à conviction pour en demander le versement. A l'origine, je voudrais que

23 l'on verse au dossier deux photographies, si possible, en les marquant

24 comme étant les pièces suivantes.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elles sont admises.

Page 7034

1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ces deux

2 photographies reçoivent comme cote, pièce à conviction de la Défense DB5.

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] En plus, nous avions déjà présenté, je

4 crois, déposé auprès de la Chambre et également fourni un exemplaire à

5 l'Accusation, les dossiers médicaux que nous avons pu réunir et examinés en

6 ce qui concerne l'anamnèse et les questions de santé de M. Bala. Nous

7 souhaiterions que ceci reçoive un numéro collectif en tant que pièce à

8 conviction. Je crois que ceux-ci étaient d'accord avec --

9 M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection.

10 M. GUY-SMITH : [interprétation] En ce qui concerne ces pièces à conviction,

11 je voudrais simplement remarquer, dans la mesure où ceci présente un

12 intérêt, que soit désigné comme étant 1.1, c'est-à-dire, le certificat

13 médical du médecin. Nous avons un original qui est à déchirer. Je pense que

14 la copie représente bien ce que dit l'original. Mais je souhaiterais que la

15 Chambre soit bien au courant.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il n'y a pas d'objection à ce que ce

17 soit les photocopies ici ?

18 M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que le certificat était déchiré ?

19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Déchiré.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On l'a présenté en deux morceaux.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'était le --

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que nous avons ces pièces du

23 dossier médical?

24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que vous les avez. Dans

25 l'éventualité où vous ne les auriez pas, je peux à nouveau les présenter.

Page 7035

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est une question de savoir si on a

2 une copie pour le compte rendu. Si vous voulez bien les faire passer --

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je peux faire passer celles-ci.

4 Lorsqu'elles auront été acceptées comme pièce à conviction, nous pourrons

5 nous assurer --

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Chaque membre de la Chambre a ce qui,

7 je crois, une copie du même document.

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons besoin simplement d'être

10 sûrs que nous avons bien ce qu'il faut comme pièce à conviction.

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. Ceci doit être reçu comme un jeu de

12 dossiers médicaux de l'accusé.

13 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

14 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir un

15 éclaircissement de vous, Maître Guy-Smith. Il semble, que dans l'original,

16 il y ait une référence qui soit faite à M. Lente, et c'est "slash Bala." Je

17 crois qu'il faudrait que ceci soit clarifié.

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pourrions-nous allez à huis clos partiel

19 pour un instant.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

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1 (expurgée)

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16 (expurgée)

17 [Audience publique]

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce est reçue avec la cote

19 DB6, Maître Guy-Smith.

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

21 En ce qui concerne la déposition des témoins, déposition personnelle, c'est

22 l'ensemble des dépositions -- ce sont les témoins que nous avons pour

23 aujourd'hui. C'est tout ce que nous avons pour aujourd'hui. Demain, nous

24 aurons deux témoins. Je crois que tous deux -- enfin, l'un d'entre eux est

25 arrivé. L'un d'entre eux est en train d'arriver. Je comprends que nous

Page 7037

1 pourrons commencer demain matin à

2 9 heures, et que nous avons l'intention de les faire entendre de vive voix.

3 La question qui reste est celle que j'ai évoquée auprès de la Chambre tout

4 à l'heure, à savoir, la déclaration de M. Tucker que nous sommes en train

5 de mettre au point entre l'Accusation et nous-mêmes.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Est-ce que

7 vous souhaitez maintenant que l'on lève la séance ?

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, ce serait très bien.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, je ne souhaite pas --

10 M. TOPOLSKI : [interprétation] M. Nicholls s'est levé pour demandé la

11 parole. Je ne sais pas s'il tenait beaucoup à dire quelque chose ou s'il

12 tenait beaucoup à vous dire bonsoir.

13 M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne faisais que me lever.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, c'est à vous.

15 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je pense que c'est le Juge Thelin qui avait

16 demandé la semaine dernière, à titre temporaire, si nous étions en mesure

17 d'indiquer quelle était la situation pour Isak Musliu. Nous sommes sur le

18 point d'arriver à la fin de la représentation des arguments pour M. Bala.

19 Je suis en mesure maintenant de vous dire que je comprends que la Chambre

20 trouverait utile pour le calendrier, les plans à faire, d'entendre quelle

21 serait cette situation plutôt tôt que tard, ou si on pense que cela n'est

22 pas une bonne idée d'en parler maintenant, je suis prêt tout à fait à

23 attendre jusqu'à ce que Me Guy-Smith ait terminé demain.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous serions heureux de le savoir dès

25 maintenant, Maître Topolski.

Page 7038

1 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, la position est la

2 suivante : c'est, ce que nous voulons soutenir, c'est que l'Accusation n'a

3 pas réussi à démontrer son argumentation pour prouver au-delà d'un doute

4 raisonnable qu'une partie quelconque de cet acte d'accusation contre Isak

5 Musliu ait été prouvée. Par conséquent, nous n'allons pas appeler de

6 témoins en ce qui concerne les faits de cette affaire. Nous nous sommes mis

7 d'accord sur un certain nombre de témoins au titre de la procédure 92 bis.

8 Il y aura donc dépôt officiel des pièces en temps utile.

9 Je voudrais ajouter qu'il y a un expert, le Pr Wagenaar, dont la

10 déclaration, je crois, a été déposée le 26 mai, qui traite des procédures

11 d'identification, et que j'appellerai à la barre, en l'occurrence pour le

12 compte des trois accusés. Mes collègues du bureau du Procureur sont

13 parfaitement en droit de faire appliquer, ont essayé de faire appliquer que

14 l'on s'en tienne à la règle des

15 30 jours en ce qui concerne le Pr Wagenaar. Par conséquent, il y aura un

16 laps de temps avant que l'on soit en mesure de l'appeler à déposer.

17 Je voudrais indiquer - j'espère que M. Whiting me permettra de faire ceci,

18 parce que cela a son importance pour le calendrier -d'indiquer où nous en

19 sommes en ce qui concerne ce témoin. M. Whiting me dit qu'il n'a pas encore

20 -- qu'il n'est pas encore en mesure de procéder à son contre-

21 interrogatoire. On lui a demandé, nous nous sommes mis d'accord pour une

22 réunion commune avec le Pr Wagenaar et les représentants, à la fois, de

23 l'Accusation et de la Défense.

24 M. Whiting a demandé - et j'évoque ceci - que cette réunion ait lieu en

25 commençant la semaine du 20 juin; pas la semaine prochaine mais la semaine

Page 7039

1 d'après. Comme il l'avait dit, M.Whiting a fait savoir qu'il ne serait pas,

2 croyait-il, en mesure de procéder au contre-interrogatoire de ce témoin,

3 jusqu'à la semaine qui commence le 27 juin au plus tôt. Voilà toutes ces

4 questions sur lesquelles je pense que M. Whiting voudra peut-être donner

5 des explications plus détaillés s'il est appelé à le faire.

6 Tout ce que je souhaite faire, c'est dire pour commencer, quelle est

7 notre position à ce sujet, et ceci, entre maintenant et demain et avant la

8 fin des dépositions et obtenir une réponse brève pour ce qui concerne le Pr

9 Wagenaar.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit d'un expert particulier qui

11 est limité à --

12 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, une pièce a été

13 déposée. Je voudrais respectueusement, au nom de la Défense, inviter les

14 membres de la Chambre à lire ce rapport du Pr Wagenaar, qui, heureusement,

15 n'est pas trop long pour un rapport d'expert. Il n'est pas un inconnu pour

16 le Tribunal. En fait, il a déjà été appelé par l'Accusation à deux reprises

17 dans le passé, je crois. C'est sur la question des éléments de preuve

18 d'identification. Ceci est en commun d'ailleurs aux trois accusés.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

20 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui, j'entends également qu'on me chuchote à

21 ma gauche. Ceci est important entre nous et nos éminents confrères, c'est

22 de savoir s'il devient un expert commun devant le Tribunal. Je n'en dirai

23 pas plus pour le moment, parce que je ne suis pas tout à fait au clair de

24 ce que M. Whiting, ou quelle est exactement la position de M. Whiting à cet

25 égard.

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1 Monsieur le Président, en résumé, telle est notre position.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup pour cela,

3 Maître Topolski. Y a-t-il autre chose que M. Whiting voudrait ajouter sur

4 cet aspect ?

5 M. WHITING : [interprétation] Oui, je voudrais simplement ajouter que le

6 calendrier qui a été indiqué par M. Topolski est pour l'essentiel exact. Il

7 est possible que les choses aillent plus rapidement mais je ne m'y attends

8 pas.

9 Je dois dire aussi, simplement pour que le compte rendu soit bien clair sur

10 ce point, que l'expert dont on a parlé, le Pr Wagenaar, a effectivement

11 déjà déposé deux fois au Tribunal, mais que chaque fois, c'était comme

12 témoin appelé par la Défense, et non pas comme témoin de l'Accusation. Je

13 ne m'attends pas franchement à ce qu'il devienne un témoin commun ou

14 conjoint, mais bien entendu, tout est possible.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je pouvais --

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je peux juste apporter un bref

18 correctif. Il n'a pas déposé seulement comme témoin de l'Accusation ni

19 seulement comme témoin de la Défense. Une fois, je crois, qu'il a été

20 d'accord pour être témoin qui aurait été appelé pour la Chambre elle-même,

21 par la Chambre elle-même avec un accord entre l'Accusation et la Défense.

22 Donc, une fois, il a été appelé également comme témoin de la Défense.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Alors, nous nous attendons à

24 entendre sa déposition quelle que soit la partie qui l'appelle.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous pouvez souhaiter vous-même l'appeler à

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1 déposer.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous n'avions pas cela à l'esprit.

3 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je vais essayer encore de faire en sorte que

4 vous le fassiez avant que nous n'en terminions.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous vouliez que la Chambre appelle

6 des témoins à déposer, vous pourriez être surpris de la liste, Maître

7 Topolski. Ne provoquez pas, je vous le conseille.

8 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je,

9 brièvement, s'il vous plaît, dire que ceci n'est pas une tentative pour

10 essayer d'utiliser l'heure trois-quarts qui reste pour des questions de

11 procédure, mais je voudrais juste aborder une autre question que celle-ci.

12 La réalité, c'est que les éléments de preuve en l'espèce, nous allons finir

13 le mois prochain quelle que soit la situation.

14 Je n'invite pas de discussion à ce sujet, mais je sais que cela nous

15 aiderait beaucoup d'avoir des discussions à un moment qui conviendrait en

16 ce qui concerne les éléments de preuve. Comme je l'ai dit, je voudrais que

17 ce soit bien clair, je ne suis pas en train de provoquer ou de demander

18 qu'il y ait une discussion; ce qui est nécessaire, mais je voulais signaler

19 un aspect qui, certainement, a besoin d'être discuté pour les membres de la

20 Chambre de façon à indiquer ce qui devra se passer par la suite, j'espère,

21 pour ce qui sera d'entendre les conclusions notamment en ce qui concerne le

22 calendrier.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pendant que vous abordez cette

24 question, Maître Topolski, --

25 M. TOPOLSKI : [interprétation] J'espère que vous n'allez pas me pousser

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1 dans ce sens.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, je vais simplement laisser tomber

3 quelques éléments pour voir si vous réagissez.

4 M. TOPOLSKI : [interprétation] Très bien.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semblerait tout à fait souhaitable

6 et dans l'intérêt en particulier de l'accusé, que nous puissions parvenir à

7 la fin du procès et une décision dès qu'on pourra le faire convenablement.

8 A cette fin, il semblerait vraiment souhaitable que nous puissions

9 conclure, à la fois, pour ce qui est de recevoir les écritures et les

10 arguments, les conclusions finales avant la fin de ce trimestre, si je peux

11 employer l'expression anglaise. Ceci voudrait dire avant le 23 juillet.

12 Gardons cela à l'esprit.

13 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Gardons à l'esprit que nous sommes

15 pour le moment en juin, acceptant qu'il y aura l'interposition des éléments

16 de preuve du rapport du Pr Wagenaar, je -- à vrai dire pour que les

17 conseils y réfléchissent. Pour ce qui est de la présentation des arguments

18 demain, les conclusions, à supposer qu'il y est suffisamment de temps pour

19 cela, s'il ne serait pas bon d'envisager que les écritures définitives

20 puissent être présentées pour une semaine complète en juillet; ce qui

21 permettrait de conclure le 8. Ensuite, qu'il y aurait les plaidoiries qui

22 suivraient soit à la fin de la semaine en question, soit au commencement de

23 la semaine suivante de ce trimestre.

24 Maintenant --

25 M. TOPOLSKI : [interprétation] Lorsque vous dites cela, est-ce que le

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1 Tribunal -- est-ce que la Chambre avait à l'esprit un dépôt de part et

2 d'autre mutuellement ?

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Topolski.

4 M. TOPOLSKI : [interprétation] Bien.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est une pratique qui, d'habitude, a

6 été trouvée commode, que nous avons trouvée commode. Les plaidoiries

7 permettent à ce moment-là de rééquilibrer les choses et c'est la raison

8 pour laquelle nous pensons qu'il serait normal de permettre qu'il y est au

9 moins une semaine entre le dépôt des dernières écritures et les

10 plaidoiries.

11 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que nous

12 devrions examiner cette question de façon plus approfondie demain.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien, comme je l'ai dit, c'est juste

14 quelques arguments qui sont mis en ce sens.

15 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, est-ce que je

16 pourrais dire --

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si ceci présente des problèmes

18 majeurs, nous souhaiterions également que vous nous le disiez.

19 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, j'essaie d'éviter des

20 adjectifs aussi souvent que possible, mais certainement ceci pourrait

21 causer un problème majeur. Ceci voudrait dire que je dois retourner,

22 revenir des Etats-Unis pour présenter les conclusions définitives au

23 Tribunal, ce qui bien entendu serait un plaisir pour moi si on me demande

24 de la faire. Mais je ne sais pas s'il n'y a pas d'autres problèmes du point

25 de vue logistique, professionnel, et personnellement peut-être que cela

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1 pose des problèmes pour mes confrères.

2 Mais en ce qui concerne la pièce écrite, je voudrais indiquer que sans

3 relever de secret, je pense que l'intention de la Défense est de déposer un

4 mémoire commun ou conjoint qui sera probablement la façon la plus commode

5 pour la Chambre de le recevoir. Néanmoins, ce sera un document assez

6 considérable. Nous nous rendons compte du fait qu'il y a des limites au

7 nombre de pages pour un tel document et nous prévoyons que nous atteindrons

8 cette limite quoi qu'il en soit. Par conséquent, nous parlons de la

9 présentation d'un document qui serait de guère moins que 500 pages.

10 En plus de cela, les dernières plaidoiries, certainement pour ma part, je

11 ne suis pas sûr pour les autres qui défendront de façon à éviter des

12 répétitions par rapport à la pièce écrite, mais pour ce qui est de

13 développer les arguments, je peux dire à la Chambre qu'il y a toute une

14 équipe de volontaires qui s'occasionnent de façon active de ce processus de

15 préparation de mon mémoire final. Je ne voudrais pas que la Chambre pense

16 que nous avons attendu la conclusion de la présentation des moyens de

17 preuve pour commencer à nous mettre au travail, bien loin de cela, autant

18 s'en faut. Le travail se poursuit déjà depuis un certain temps et je n'ai

19 pas de doute que M. Whiting dirait la même chose en ce qui concerne

20 l'équipe qu'il dirige.

21 Mais, Monsieur le Président, comme je l'ai dit, peut-être que nous pourrons

22 parler de ceci de façon plus développée demain. Je pense qu'il pourrait y

23 avoir des préoccupations en ce qui concerne le calendrier, j'espère que

24 tout ceci n'est pas gravé dans le marbre. Vous ne l'avez pas décrit comme

25 étant comme cela.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, ce n'est pas le cas.

2 M. TOPOLSKI : [interprétation] Pour remonter un peu la température, je

3 voudrais dire également que quiconque se trouve derrière moi, je voudrais

4 voir prolonger les difficultés mais nous avons le devoir de présenter les

5 arguments pour nos clients, de présenter nos plaidoiries de la façon qui

6 convient le mieux, et ceci ne doit pas être pris à la légère. Néanmoins,

7 nous n'allons pas non plus traîner les pieds à ce sujet.

8 Monsieur le Président, avec ces considérations, j'espère avoir répondu à ce

9 que vous vouliez, et à moins que l'on souhaite que j'ajoute quelque chose,

10 voilà tout ce que je voulais dire sur la question. Je vous remercie de

11 l'occasion que vous m'avez donné d'être entendu à ce sujet.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il y a là quelque chose à

13 quoi les conseils pourront réfléchir.

14 Monsieur Whiting, vous continuez à ne pas prendre la parole, est-ce

15 qu'il y a quelque chose que vous pensez devoir évoquer en ce moment ?

16 M. WHITING : [interprétation] Non, je comprends qu'il s'agit d'une

17 discussion que nous aurons demain. Il n'y pas de suspense, je peux dire

18 qu'il se peut qu'il soit difficile pour nous de respecter le délai. Il se

19 peut qu'il ait des arguments de réfutation qui seraient terminés au cours

20 de la semaine du 27 --

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avec les éléments de preuve et avec le

22 contre-interrogatoire du professeur ?

23 M. WHITING : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, en supposant

24 que le professeur dépose lundi, je suppose que je pourrais avoir terminé à

25 la fin de la semaine. Ceci laisserait seulement une semaine pour consacrer

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1 toute notre attention au mémoire final qui --

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien écoutez, je pense que maintenant

3 nous allons peut-être attendre, plutôt que d'attendre que le professeur ait

4 terminé.

5 M. WHITING : [interprétation] Non, ceci est certainement vrai bien que

6 jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à demain, nous nous soyons occupés des arguments

7 présentés par la Défense. Nous continuons à nous préparer pour l'expert.

8 Notre équipe travaille essentiellement à ce que vous avez devant vous en

9 salle d'audience. Nous n'avons pas attendu pour commencer. Nous nous

10 occupons de ces questions, mais néanmoins, il y aura beaucoup de questions

11 à aborder et beaucoup à écrire. J'essaie d'anticiper sur ce que sera notre

12 position.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

14 Je pense que nous avons suffisamment évoqué ces questions aujourd'hui pour

15 commencer à vraiment réfléchir. Ayant ceci à l'esprit, nous nous préparons

16 pour demain à entendre les dépositions qui seront faites, et ensuite, les

17 arguments qui seront présentés sur cette question, comme Me Topolski l'a

18 indiqué, c'est une question sérieuse qui nécessite d'équilibrer les choses

19 de façon à réaliser les finalités de ce procès dès que possible, et avec la

20 nécessité de s'assurer que les conseils aient le temps de présenter leurs

21 arguments respectifs de façon à ce que la justice soit bien servie.

22 Cela à l'esprit, je lève la session jusqu'à demain matin à 9 heures.

23 --- L'audience est levée à 17 heures 31 et reprendra le jeudi 8 juin 2005,

24 à 9 heures 00.

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