Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 30 août 2005

  2   [Réquisitoires]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Nicholls, vous avez la

  7   parole.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

  9   En terminant, hier, j'ai parlé du rapport des observateurs européens au

 10   Kosovo, "Tel que nous avons vu les choses, tel que nous avons raconté," qui

 11   concluait que la principale menace qui était posée à la communauté serbe

 12   était l'UCK. De même, la MCCE et les équipes mobiles du KDOM opéraient

 13   pendant la période couverte par l'acte d'accusation parce qu'il y a eu un

 14   certain nombre d'enlèvements de la part de l'UCK, choses qui ont été

 15   documentées et nous avons également entendu les victimes dans cette

 16   affaire, à la fois albanaise et serbe. Par exemple, la MCCE a, dans ses

 17   rapports, parlé des enlèvements de Shaban Hoti dans son rapport du 20 et du

 18   26 juillet 1998, ce que nous retrouvons dans les annexes P230.

 19   J'ai fait référence précédemment au 29 juin, rapport de la MCCE qui, dans

 20   ces documents, parlent de l'enlèvement d'Ivan et Vojko Bakrac ainsi que de

 21   Djordje Cuk. J'ai fait une erreur ici et je souhaite apporter une

 22   correction. C'est une erreur qui se trouve dans le mémoire en clôture de la

 23   Défense. C'est au paragraphe 167 qui déclare que Djordje Cuk était membre

 24   de la VJ, ce qui n'est pas exact. C'est la seule victime dans ce cas. Il

 25   était également membre de la VJ. La seule citation pour cette déclaration


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  1   inexacte dans le mémoire en clôture de la Défense se trouve au compte rendu

  2   page 317.

  3   Messieurs les Juges, si vous voulez bien vous tourner vers les pages 316 et

  4   317, vous constaterez qu'il n'y a rien à l'appui de cela, que Cuk était un

  5   membre de la VJ. Rien ne permet d'étayer cela, c'était un réfugié serbe au

  6   moment où il a été enlevé. Ce qui peut être démontré par le document P181

  7   et le témoignage 92 bis de son frère qui a survécu, un autre réfugié. Vojko

  8   Bakrac a témoigné et a dit que Djordje Cuk, à sa connaissance, était un

  9   réfugié et il n'a jamais été membre d'une quelconque unité de police ou de

 10   l'armée, à la page 1 296 du compte rendu d'audience.

 11   Fatmir Limaj, dans son témoignage ici, a avoué que ces crimes ont été

 12   commis par l'UCK contre des civils. Une des instances les plus notoirement

 13   connues d'attaques de l'UCK contre des civils était l'enlèvement et le

 14   massacre de civils à Rahovec. Environ 85 civils ont été enlevés en juillet

 15   1998. Ceci se trouve dans les documents de "Human Rights Watch" et dans le

 16   rapport qui est présenté comme pièce P212, intercalaire numéro 5. Le

 17   témoignage de Susan Ringaard Pedersen confirme les déclarations de "Human

 18   Rights Watch." Il a déclaré que les femmes de Rahovec sont venues rendre

 19   compte du fait que leurs maris, leurs fils ont été enlevés par l'UCK et

 20   qu'ils n'étaient jamais rentrés.

 21   M. Limaj a accepté et a reconnu devant vous que Rahovec est une tache noire

 22   qu'on peut imputer à l'UCK, non pas à cause des pertes subies, mais à cause

 23   des attaques contre les civils serbes.

 24   Pendant quelques instants, je souhaite maintenant parler des crimes commis

 25   contre les civils albanais. M. Whiting a évoqué ceci hier ainsi que M.


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  1   Black. Je ne vais pas y consacrer trop de temps aujourd'hui.

  2   Au début de l'année 1997, l'état-major de l'UCK a déclaré à maintes

  3   reprises, dans différents communiqués, qu'elle prenait pour cible ce qu'on

  4   appelait des collaborateurs et qu'on l'avait pris pour cible car on

  5   souhaitait les tuer. Je ne vais pas parcourir toutes ces déclarations qui

  6   contiennent ces communiqués. On les retrouve au paragraphe 166 de notre

  7   mémoire.

  8   M. Whiting a parlé de ceci et les différentes preuves ont indiqué que ceci

  9   n'a jamais été entendu ou il n'y a jamais eu de véritables procédures à cet

 10   égard pour entendre les meurtres commis contre les civils albanais.

 11   Le porte-parole de l'UCK, Jakup Krasniqi, a avoué, hier, que l'UCK avait

 12   exécuté ses collaborateurs, comme ceci a été décrit dans les communiqués

 13   diffusés par l'état-major général. Krasniqi a déclaré que ces hommes n'ont

 14   pas été jugés devant des tribunaux, mais "qu'ils ont été exécutés ou tués"

 15   par l'UCK, sur le terrain et ce, aux mains et à la discrétion des

 16   commandants locaux. Encore, certains meurtres spécifiques et précis ont été

 17   référenciés dans ces communiqués et confirment qu'ils ont, en réalité, eu

 18   lieu.

 19   Dans leur mémoire en clôture, la Défense reconnaît, au paragraphe 375,

 20   qu'il n'y a aucune exigence ou élément qui permet de démontrer l'existence

 21   d'un plan ou d'une politique pour des crimes contre l'humanité. Néanmoins,

 22   pour ce qui est de l'existence d'une politique d'attaque systématique, nous

 23   déclarons, ici, que ceci est tout à fait clair qu'une telle politique

 24   existait.

 25   Limaj, hier, a, dans son témoignage, indiqué que l'UCK avait pris pour


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  1   cible des personnes qui étaient censées être des collaborateurs. En outre,

  2   nous avons le témoignage de M. Krasniqi et de M. Limaj et leurs aveux. Il y

  3   a également des éléments permettant d'indiquer que les crimes commis par

  4   l'UCK contre les civils albanais qui ressemblent pour beaucoup aux crimes

  5   commis dans la prison de Lapusnik. Je souhaite porter votre attention sur

  6   le témoignage du témoin L95. Il a parlé de la détention et des meurtres des

  7   collaborateurs prétextant les éléments les plus minces imaginables. Ceci

  8   couvre la période de l'acte d'accusation à différents endroits. Il s'agit

  9   des pages 4247, 4258 du compte rendu d'audience.

 10   Messieurs les Juges, j'en ai presque terminé et je souhaite conclure en

 11   parlant du point de vue du CICR sur les protections de l'Article Commun

 12   numéro 3. Ces protections devraient être appliquées autant que faire se

 13   peut et au sens large du terme pour protéger les victimes dans les conflits

 14   armés. La Défense avance ici et présentera, dans ses arguments, qu'il n'y

 15   avait pas de conflit armé. Par conséquent, la juridiction du Tribunal ici

 16   n'a pas été respectée et les auteurs de ces crimes, de part et d'autre,

 17   seraient, dans ces cas-là, en mesure d'échapper en toute impunité à cela et

 18   ne pas être punis pour les crimes qu'ils ont commis. Il s'agit d'un thème

 19   récurrent présenté par la Défense. Il n'y a pas de camp, pas d'état-major

 20   général, pas de conflit armé, même à la lumière des éléments de preuve

 21   accablants qui prouvent le contraire. Il y a eu des altercations armées

 22   violentes qui ont été prouvées au cours de ce procès. Il y a eu des actes

 23   de banditisme et il y a eu des insurrections ponctuelles et un conflit

 24   armé, prolongé et intense où les civils, de part et d'autre, ont payé un

 25   prix très lourd. Je suis sûr que vous constaterez que ces victimes méritent


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  1   la protection du droit international.

  2   Je vais maintenant redonner la parole à M. Whiting.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Nicholls.

  4   Oui, Monsieur Whiting.

  5   M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Plaise aux

  6   Juges de la Chambre, je vais maintenant aborder très brièvement la question

  7   du prononcé de la peine.

  8   Un argument pourrait être présenté en faveur du fait que tout accusé

  9   condamné pour les types de crimes qui sont reprochés à ces trois accusés

 10   devraient recevoir une peine d'emprisonnement à vie. Dans la plupart des

 11   tribunaux nationaux du monde entier, ceci serait certainement le cas. Quoi

 12   qu'il en soit, ceci ne correspond pas à la jurisprudence de ce tribunal-ci

 13   qui a mis en place une fourchette des peines qui est la sienne ainsi que

 14   des différents principes directeurs qui permettent de comprendre quelles

 15   peines doivent être infligées dans le cas de crime de guerre.

 16   L'Article 24 du Statut et l'Article 101 du Règlement de procédure et de

 17   preuve régit le prononcé de la peine. Le premier facteur qui doit être pris

 18   en compte exige que la Chambre de première instance tienne compte des

 19   pratiques généralement adoptées concernant les peines d'emprisonnement

 20   devant les tribunaux de l'ex-Yougoslavie. Bien que le droit soit tout à

 21   fait clair à cet égard, la Chambre n'est pas tenue de respecter cette

 22   pratique et peut également imposer une peine plus lourde. Ce facteur avait

 23   été pris en compte par la Chambre de première instance lorsqu'elle a rendu

 24   son jugement dans l'affaire Strugar et je ne vais pas y consacrer trop de

 25   temps. Dans les arguments présentés par l'Accusation, en vertu des Articles


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  1   142, 148 et 38 du code de la RSFY, la fourchette des peines pour les crimes

  2   reprochés dans cette affaire seraient entre cinq et 20 ans, en

  3   ex-Yougoslavie.

  4   La gravité des crimes est l'autre facteur qui doit être pris en compte et

  5   la Chambre de première instance a estimé que c'est un élément essentiel à

  6   prendre compte lorsqu'il s'agit d'imposer une peine. Dans ce cas, l'accusé

  7   porte la responsabilité pour l'opération qui a duré quasiment deux mois,

  8   d'un camp de prisonniers extrêmement brutal et extrêmement vicieux ou des

  9   prisonniers ont été assujettis à des conditions inhumaines, maltraités,

 10   battus, torturés et assassinés. La seule raison dans laquelle cette prison

 11   a été fermée, d'après nous, est que les forces serbes sont entrées dans

 12   Lapusnik, à la fin du mois de juillet 1998. Les éléments de preuve ont

 13   démontré qu'il y avait, au moins, 23 hommes qui ont été assassinés en

 14   rapport avec le camp de prisonniers de Lapusnik.

 15   En tenant compte de la gravité de cette affaire, ce serait une erreur,

 16   d'après l'Accusation, de simplement comparer les faits incriminés dans

 17   cette affaire-ci avec les faits incriminés dans d'autres affaires. Les

 18   faits incriminés dans cette affaire doivent être évalués dans leur

 19   contexte, dans le contexte qui était celui de la guerre, qui s'est déroulé

 20   alors au Kosovo et dans le contexte de l'évolution et du gonflement des

 21   effectifs de l'UCK.

 22   Il y a, en outre, un certain nombre de facteurs aggravants dont on devrait

 23   tenir compte. La Chambre d'Appel a dressé une liste des différences

 24   circonstances aggravantes, circonstances aggravantes éventuelles dans

 25   l'affaire Blaskic; dans l'arrêt, ceci se trouve au paragraphe 686 et un bon


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  1   nombre de ces facteurs s'appliquent à cette affaire-ci : intention

  2   discriminatoire qui peut constituer une circonstance ou un facteur

  3   aggravant lorsque l'intention discriminatoire ne constitue pas un élément

  4   du crime; le temps qu'a duré ou qu'ont duré tous ces crimes; la

  5   participation directe et active à ces crimes; la préméditation; la nature

  6   violente et humiliante de ces actes et le caractère vulnérable des

  7   victimes; le statut des victimes, y compris leur jeune âge, leur nombre et

  8   l'effet que pouvait avoir ces crimes sur eux; les détenus civils; la

  9   moralité de l'accusé, ce qui comprend le remords ou manque de remords; et

 10   les circonstances autour des crimes généralement parlant.

 11   Tout d'abord, eu égard à l'intention discriminatoire, les crimes commis

 12   contre les victimes serbes étaient commis tout à fait clairement avec une

 13   intention discriminatoire. Les Serbes ont fait l'objet de mauvais

 14   traitements et de meurtres simplement parce qu'ils étaient Serbes. On peut

 15   également argué du fait que les crimes commis contre les victimes

 16   albanaises étaient également commis avec une intention discriminatoire, car

 17   les Albanais ont été pris pour cibles pour la bonne et simple raison qu'ils

 18   s'étaient associés, semble-t-il, avec les Serbes.

 19   Deuxièmement, les crimes dans cette affaire sont, d'après nous, des crimes

 20   qui étaient prémédités, qui avaient lieu pendant toute cette période et qui

 21   avait été organisée. Ces crimes étaient très violents et très humiliants.

 22   Troisièmement, l'Accusation argue du fait que bon nombre de victimes dans

 23   cette affaire étaient, en réalité, vulnérables. Certaines de ces victimes

 24   étaient vulnérables à cause de leurs circonstances personnelles, à savoir,

 25   leur âge ou différentes infirmités. En outre, l'Accusation estime que les


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  1   victimes albanaises, dans ce cas, étaient également particulièrement

  2   vulnérables. En général, lors d'un conflit, les victimes de crimes de

  3   guerre participent d'un état ou seront protégés par une force militaire

  4   qui, dans le meilleur des cas, se battra pour eux et pourra peut-être les

  5   relâcher s'ils sont détenus de façon illégale. Dans ce cas, néanmoins, les

  6   victimes albanaises n'avaient personne. Ils ont été les victimes de leur

  7   propre armée et étaient, par conséquent, particulièrement vulnérables.

  8   Quatrièmement, un autre facteur aggravant, est le fait que les trois

  9   accusés ont menti quant à l'existence de ce camp de Lapusnik, et le rôle

 10   qu'ils ont joué dans ce camp. On a tenté d'étouffer l'existence de ce camp

 11   au moment même où ce camp existait toujours. Les éléments de preuve

 12   indiquent que les victimes qui ont été relâchées ont dû jurer de ne jamais

 13   révéler ce qui était arrivé à Lapusnik. Au cours de l'enquête de cette

 14   affaire, Isak Musliu a été interviewé et a nié l'existence d'un camp à

 15   Lapusnik. Ce facteur est particulièrement aggravant en ce qui concerne

 16   Fatmir Limaj, car au cours de son témoignage pendant ce procès, il a nié

 17   l'existence du camp de Lapusnik ainsi que du rôle qu'il a joué. Ainsi que

 18   pour Haradin Bala, qui a fait une déclaration au cours de ce procès, en

 19   niant le fait qu'aucun membre de l'UCK n'aurait jamais pu commettre un des

 20   crimes dont ils sont reprochés ici. Bien évidemment, il a nié sa propre

 21   participation à ces crimes. Ces deux accusés auraient pu garder le silence.

 22   Personne n'était obligé de parler. Néanmoins, ils ont décidé de prendre la

 23   parole. D'après nous, il tentait d'induire en erreur, par leurs propos, la

 24   Chambre de première instance. Dans le mémoire en clôture, comme M. Black

 25   l'a déjà indiqué, la Défense ne nie pas simplement l'existence du camp de


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  1   Lapusnik, mais l'existence de tout camp de ce type, en déclarant au

  2   paragraphe 178, je cite : "Qu'il est clair que l'UCK n'aurait pas eu la

  3   capacité nécessaire pour établir un camp de prisonniers de ce type."

  4   Un autre facteur aggravant eu égard à Fatmir Limaj en particulier et

  5   concernant Isak Musliu, concerne les positions d'autorité qui étaient les

  6   leurs et dont ils ont abusé en participant à l'opération qui était la

  7   prison de Lapusnik.

  8   Pour finir, la Chambre devrait tenir compte de l'effet produit sur les

  9   victimes et les membres de la famille des victimes. Cette Chambre de

 10   première instance a entendu des témoignages de survivants de ce camp ainsi

 11   que des membres de la famille des victimes qui ont été tuées. Il est clair

 12   que les survivants du camp sont au jour d'aujourd'hui traumatisés et

 13   souffrent toujours au plan physique et au plan psychologique, et leur vie

 14   est détruite par ce qu'il leur est arrivé. Il y a énormément de familles à

 15   Kosovo et ailleurs, qui souffrent tous les jours à cause de ce qui est

 16   arrivé à Lapusnik.

 17   Y a-t-il des circonstances atténuantes ? Fatmir Limaj semble indiquer qu'il

 18   exprimait un certain remords pour les victimes lorsqu'il a fait sa

 19   déclaration liminaire au cours de ce procès. Au paragraphe 415 du mémoire

 20   en clôture de la Défense, deux phrases que je souhaite préciser ici.

 21   L'Accusation avance que ces phrases tièdes ne permettent pas de

 22   véritablement croire à ce remords, qu'il ne semble pas véridique vraiment

 23   pour les victimes, et je crois qu'il s'agit plutôt de faire porter le blâme

 24   à d'autres.

 25   Dans le témoignage de Limaj devant cette Chambre, il n'a rien dit à propos


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  1   des victimes dans cette affaire, absolument rien. Fatmir Limaj indique dans

  2   son mémoire en clôture qu'il a agi de façon responsable en tant que

  3   commandant de la 121e Brigade eu égard aux meurtres commis contre Selman

  4   Binici et Ramiz Hoxha, et la détention de journalistes serbes. Il s'agit là

  5   d'une allégation absolument extraordinaire, car l'Accusation avance que les

  6   éléments de preuve indiquent juste le contraire. Limaj a tenté de justifier

  7   les assassinats de Binici et Hoxha devant cette Chambre, en racontant ce

  8   qui semblait clairement être un faux récit. Il a reconnu qu'il n'a

  9   absolument pas mené d'enquête dans ces meurtres, bien qu'il était

 10   commandant de la région. Pour ce qui est des journalistes, Limaj a reconnu

 11   qu'ils n'ont pas eu de procès tel que cela a été signalé à "Human Right

 12   Watch", et qu'on les a retenus pendant un mois et demi, et d'après nous,

 13   pour aucune raison valable.

 14   Fatmir Limaj et Isak Musliu parlent également des actions qu'ils ont

 15   entreprises depuis la guerre. L'Accusation avance que ces facteurs ne

 16   doivent pas être considérés comme des facteurs atténuants dans cette

 17   affaire. Après la guerre, le Kosovo a été régi avec l'aide de la communauté

 18   internationale, et une attitude appropriée contre les groupes minoritaires

 19   au Kosovo est, de toute façon, une condition sine qua non pour toute

 20   personne qui se mêle de politique. Fatmir Limaj, par conséquent, ne devrait

 21   pas tirer les bienfaits de cette attitude après la guerre. Isak Musliu a

 22   travaillé pendant un certain temps dans les rangs de la police au Kosovo,

 23   mais a été renvoyé, car il a menti lorsqu'il a rempli son formulaire de

 24   candidature.

 25   L'Accusation a regardé les cas d'autres affaires et la question des


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  1   camps de prisonniers qui ont été jugés devant ce Tribunal, y compris

  2   l'affaire Omarska, l'affaire  Celebici et l'affaire Krnojelac. Il est très

  3   difficile de comparer une affaire à une autre, mais il est clair qu'un

  4   élément essentiel en fixant la peine est le degré de participation que

  5   l'accusé a eu à ces crimes qui ont été commis dans ces camps. Dans cette

  6   affaire, l'Accusation avance que les trois accusés ont participé de façon

  7   très claire et très personnelle à l'opération de ce camp qui était illégal,

  8   et ce, de façon patente à tout égard. Il ne s'agit pas d'un centre de

  9   prisonniers légal où des cimes ont été commis; il s'agit plutôt d'un cas où

 10   le camp a été monté de façon illégale, et tous les éléments concernant ce

 11   camp étaient illégaux. A cause de la participation très significative de

 12   l'accusé à ce camp illégal, nous avançons, par conséquent, que les peines

 13   qui doivent leur être imposées doivent être des peines lourdes.

 14   L'Accusation recommande une peine de 20 ans pour Fatmir Limaj,

 15   18 ans pour Haradin Bala et 15 ans pour Isak Musliu. La peine moins lourde

 16   d'Isak Musliu illustre le fait qu'on l'accuse d'un nombre moins important

 17   de chefs d'accusation que les autres accusés. Bien que Haradin Bala n'était

 18   qu'un gardien de prison à Lapusnik, il devrait, néanmoins, avoir une peine

 19   lourde, parce qu'il a participé de façon directe à bon nombre de crimes qui

 20   se sont produits à cet endroit-là. Bien que Fatmir Limaj n'ait pas

 21   participé aux passages à tabac et aux meurtres, il devrait, néanmoins,

 22   recevoir une peine lourde à cause de sa participation directe et

 23   personnelle à l'opération de ce plan, son rôle de commandant, le rôle qu'il

 24   a joué dans les meurtres de Berisha ainsi que tous les autres facteurs

 25   aggravants qui ont été évoqués.


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  1   Ce qui conclut les arguments de l'Accusation. Dans mon réquisitoire,

  2   je vais encore une fois revenir sur quelque chose que

  3   M. Cayley avait dit lors de sa déclaration liminaire. Il a dit que :

  4   "L'élément fort de la thèse de l'Accusation, Messieurs les Juges, est que

  5   l'Accusation se repose sur les éléments de preuve de différentes sources."

  6   En tenant compte et en analysant les éléments de preuve dans cette affaire,

  7   Messieurs les Juges, en estimant si oui ou non les témoins ont dit la

  8   vérité à propos de Lapusnik et l'accusé ou s'ils se sont trompés, s'ils

  9   n'ont pas dit la vérité ou s'ils ont exagéré d'une manière ou d'une autre

 10   ou minimisé des éléments de preuves. Nous enjoignons la Chambre de première

 11   instance d'aborder les éléments de preuve dans leur ensemble, et de voir

 12   comment les différents morceaux s'emboîtent les uns dans les autres et

 13   permettent d'être corroboratifs. Bien évidement il y a parfois des

 14   discordances, ce qui est les cas dans bon nombre d'affaires. Si les

 15   éléments de preuve étaient parfaits et s'il n'y avait pas de discordances,

 16   alors nous ou les témoins ne pourrions être accusés d'avoir trop bien

 17   préparé cette affaire. Bien sûr, il n'y a pas un seul élément de preuve qui

 18   raconte toute l'histoire bien qu'il y ait bon nombre de témoins qui

 19   racontent beaucoup de choses. Mais nous avançons que lorsque des différents

 20   éléments de preuve s'imbriquent les uns dans les autres, que ces éléments

 21   ont été recueillis de différentes sources et que toutes ces pièces et

 22   éléments de preuve sont pris dans leur ensemble, alors nous avançons dans

 23   notre argument, que l'histoire ou la trame essentielle à propos de

 24   Lapusnik, de la prison et du rôle des trois accusés, que cette histoire se

 25   dessine devant nous. Nous avançons que tous les faits pris ensembles


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  1   indiquent que les trois accusés se trouvaient à la prison de Lapusnik,

  2   qu'ils savaient ce qu'il s'y passait, qu'ils ont joué des rôle essentiels

  3   dans le fonctionnement de la prison, ont tenté de masquer la vérité à

  4   propos de cette prison, et pour finir, sont tous coupables des crimes qu'on

  5   leur reproche dans cet acte d'accusation.

  6   Merci.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

  8   Whiting.

  9   Je me tourne maintenant à vous, Monsieur Mansfield.

 10   M. MANSFIELD : [interprétation] Permettez-moi de déplacer ma chaise. Voilà.

 11   Est-ce que vos pouvez me voir ? Est-ce que vous pouvez m'entendre ? Très

 12   bien. Donc, j'essaie d'avoir le son stéréo pour qu'on puisse m'entendre,

 13   enfin en stéréo. Donc, j'ai allumé les deux micros. Ici, vous pouvez

 14   m'entendre en stéréophonie.

 15   Monsieur le Président, Monsieur et Madame le Juge.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous vous voyons et nous vous

 17   entendons parfaitement. Je vous écoute. 

 18   M. MANSFIELD : [interprétation] J'ai déjà dit que j'apprécierais si la

 19   Chambre pouvait m'accorder une journée entière pour mes soumissions.

 20   Heureusement, j'ai besoin de moins de temps. J'ai une demande assez

 21   inhabituelle, inusitée à vous faire. Vous pourrez, à ce moment-là,

 22   réfléchir sur cette demande lorsque j'aurai terminé la présentation de mes

 23   arguments. J'espère que cela ne prendra pas plus de temps. Pour ce qui est

 24   des arguments présentés par d'autres personnes, je souhaiterais demander,

 25   au nom de Fatmir Limaj, d'ajouter quelques mots lorsque j'aurai terminé. Je


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  1   crois qu'il a déjà témoigné. Il a déposé pendant plusieurs jours. Il a

  2   également dit quelque chose avant le début du procès, vous vous

  3   souviendrez, le jour où le procès a commencé. Si vous lui permettriez la

  4   possibilité de prendre parole, à ce moment-là, il serait assez bref et il

  5   n'aurait pas besoin de plus de 30 minutes. Je ne crois pas que cela

  6   pourrait empiéter sur le temps des autres personnes qui souhaiteraient

  7   présenter des arguments. Comme il s'agit d'une affaire assez importante,

  8   non seulement pour lui mais pour bien d'autres personnes, il vous a

  9   respectueusement demandé la permission de s'adresser à vous soit cet après-

 10   midi ou plus tard. Si vous le pourriez, à ce moment-là, nous rendre une

 11   décision là-dessus un peu plus tard. Je ne vous demanderai certainement pas

 12   de vous prononcer là-dessus présentement.

 13   Je fais cette demande, car il s'agit d'arguments très essentiels que nous

 14   souhaiterions vous présenter. Voilà. Je souhaiterais parler de la nature

 15   très importante, intrinsèquement importante de la nature de cette affaire.

 16   Il s'agit du rôle de ce Tribunal concernant cette affaire. Si je puis, avec

 17   votre permission, je souhaiterais citer des propos qui se trouvent dans le

 18   livre de Malcom sur le Kosovo. Le livre a été rédigé en 1998, et certains

 19   éléments ont été rajoutés plus tard, ont été mis à jour plus tard.

 20   L'introduction portait quelques mots prophétiques. La prophétie qui avait

 21   été faite à ce moment-là, s'est faite sentir jusqu'à maintenant, jusqu'au

 22   moment présent où je suis là de ce qu'il a dit à l'époque.

 23   Ce qu'il a dit, c'est : "La crise yougoslave a commencé au Kosovo et

 24   elle se terminera au Kosovo." Il a mis, bien sûr, ceci entre guillemets et

 25   il poursuit pour dire : "On peut entendre ces propos dits et redits un peu


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  1   partout dans l'ex-Yougoslavie. Il n'est pas contesté que les parties qui

  2   s'impliquaient au conflit du Kosovo sont toutes d'accord là-dessus."

  3   Je devrais dire que d'une certaine façon, il s'agit d'une prophétie

  4   et de quelque chose de très important. Comme nous le savons, nous

  5   connaissons la politique globale. Nous savons très bien que la stabilité de

  6   cette région-là a beaucoup d'incidence sur la stabilité du monde entier,

  7   d'une certaine façon. Toutefois, comme vous avez pu certainement lire, au

  8   cours des vacances judiciaires, dans la presse qui a été publiée ici, aux

  9   Etats-Unis et en Grande-Bretagne, on a insisté fortement et souvent sur les

 10   difficultés qu'on peut voir au Kosovo, la difficulté qui existe encore, les

 11   difficultés et je vais vous parler des difficultés de ce qui a été dit

 12   concernant les peines à accorder : c'est que le rôle de Fatmir Limaj, d'une

 13   certaine façon, avait été dicté par les organisations internationales après

 14   la guerre. Mais je souhaiterais y revenir, si je puis car nous disons qu'il

 15   s'agit d'une session bien erronée, pour ce qui est de sa position.

 16   Toutefois, la situation n'a pas été résolue par la communauté

 17   internationale. L'une des raisons pour laquelle elle n'a pas été résolue,

 18   c'est que bien évidemment, un besoin d'avoir un leadership interne, une

 19   compréhension interne doit être faite et c'est un besoin qui se fait

 20   ressentir et ceci est un problème dont on parle tout dernièrement, les

 21   Nations Unies et les Etats-Unis ont demandé de faire une enquête et lorsque

 22   cela sera possible, de commencer le processus d'un statut final.

 23   Vous penserez sans doute que je m'éloigne quelque peu de l'affaire en

 24   l'espèce, mais nous avançons qu'il ne s'agit pas d'un éloignement de cette

 25   affaire car comme vous le savez et comme l'a dit l'Accusation et nous le


Page 7355

  1   réitérons aujourd'hui, nous avons également laissé entendre qu'il y a une

  2   certaine réflexion, mais de par le statut et de par l'information qui a été

  3   remise, et d'ailleurs, j'ai eu un exemplaire d'une information qui a été

  4   donnée au public alors qu'ils ont pénétré dans le Tribunal et il s'agit des

  5   objectifs de ce Tribunal. Ce Tribunal a un rôle bien précis à jouer et

  6   c'est un fait contrairement aux autres tribunaux du monde, les tribunaux

  7   domestiques internationaux.

  8   Elle opère un peu différemment; il y a des informations qui ont été données

  9   dans le feuillet d'information est quelque peu différent. Comme vous le

 10   savez, nous appartenons à une catégorie bien différente ou plutôt, ce

 11   Tribunal appartient à une autre catégorie et la raison pour laquelle je le

 12   mentionne, c'est que ce tribunal devra appliquer les principes tout à fait

 13   particuliers et d'une façon tout à fait particulière afin de pouvoir

 14   rencontrer les objectifs.

 15   Les quatre objectifs qui ont été présentés au public qui est venu

 16   s'intéresser à l'affaire -- c'est une mise à jour du

 17   24 juin de cette année :

 18   "Objectifs. En harmonie avec ces résolutions de fondation, la mission du

 19   TPIY a quatre volets : de rendre la justice pour les personnes qui sont

 20   responsables d'avoir violé le droit international humanitaire." Une

 21   fonction que plusieurs tribunaux ont, c'est-à-dire, de mener les gens

 22   devant la justice, les auteurs de crimes devant la justice. "De rendre la

 23   justice." Encore une fois, "déférer les crimes aux juridictions

 24   domestiques."

 25   Ce qui nous intéresse surtout, c'est le quatrième facteur qui ne


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  1   prévaut pas sur les autres, mais quand on prend la dimension de l'examen

  2   que nous allons faire cet après-midi concernant les arguments finaux dans

  3   l'espèce, c'est que ce quatrième point est très important. "C'est qu'il est

  4   important de contribuer à la restauration de la paix en promouvant la

  5   réconciliation en ex-Yougoslavie." Voilà, c'est cette fonction-là, c'est

  6   cet objectif-là, selon nous, qui est important non seulement qu'il faut

  7   trouver le rôle de responsabilité ou en d'autres mots, il ne faut pas

  8   seulement satisfaire les trois premiers objectifs, mais également le

  9   quatrième. Bien sûr, il est très important pour ce qui est du rôle de

 10   peine, il faut pouvoir justifier les trois premiers critères. Mais pour ce

 11   qui est d'un critère, du quatrième critère, il est très important car la

 12   justice dans ce Tribunal semble être impliqué, bien sûr. Nous disons que

 13   c'est particulièrement important pour la communauté internationale et

 14   également, pour les autres, mais plus particulièrement, puisqu'il s'agit

 15   d'une instance internationale pour le public international. Les gens

 16   souhaitent voir de quelle façon les questions doivent être résolues et,

 17   bien sûr, c'était l'étape à laquelle nous nous trouvons présentement et de

 18   voir de quelle façon ces questions sont résolues afin de pouvoir satisfaire

 19   ces quatre objectifs. En faisant cela, nous avançons et c'est la raison

 20   pour laquelle je ne vais pas répéter les propos qui ont déjà été faits dans

 21   notre mémoire en clôture et je suis tout à fait certain que vous avez pu

 22   lire notre mémoire en clôture, je ne souhaite certainement pas répéter.

 23   Mais je souhaiterais extrapoler, d'une certaine façon distillée, le

 24   problème essentiel ou les problèmes essentiels que quelque tribunal

 25   international que ce soit auquel il doit faire face puisque les objectifs


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  1   doivent être, bien sûr, appliqués.

  2   La loi doit être très claire, c'est-à-dire que si le Tribunal joue ou

  3   souhaite jouer ce rôle, la loi doit être très claire non seulement en

  4   expliquant ou en l'appliquant dans le statut, mais de la façon dont s'est

  5   interprété. Plus particulièrement, nous avançons qu'il doit y avoir une

  6   uniformité car s'il n'y a pas d'uniformité, à ce moment-là, le quatrième

  7   objectif n'est pas atteint et à ce moment-là, nous tombons dans le problème

  8   qui existe au Kosovo, c'est-à-dire, division, une division très sérieuse

  9   qui n'a pas encore été réglée, si vous voulez.

 10   En dernier lieu, le dernier critère pour l'uniformité est le principe

 11   que, je crois, chaque juridiction adhère; ce sont des principes auxquels

 12   adhère chaque juridiction, chaque juridiction l'appelle de façon

 13   différente, mais c'est la justice, c'est le terme de la justice, cette

 14   justice doit être faite, mais la justice ne doit pas seulement être faite,

 15   mais elle doit être perçue comme étant faite et je crois que ce sont deux

 16   critères principaux.

 17   Pour pouvoir transposer ces observations, si vous voulez et faire en

 18   sorte qu'elles deviennent pertinentes en l'espèce, nous avons choisi trois

 19   champs que nous allons aborder un petit peu plus en détail, mais je ne vais

 20   pas répéter, bien sûr, les mêmes détails qui se trouvent déjà dans notre

 21   mémoire en clôture. Les trois champs sont les suivants : premièrement, il

 22   s'agit de quelque chose qui est très important pour nous, le précurseur de

 23   la question juridictionnelle, c'est la question du conflit armé dont on a

 24   parlé -- dont l'Accusation a parlé il n'y a pas longtemps, bien sûr.

 25   Deuxièmement, le deuxième champ pour lequel nous estimons qu'il est


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  1   très important et qui pose peut-être l'une des difficultés les plus

  2   importantes ici et je ne souhaite pas, bien sûr, teinter votre approche ou

  3   influencer votre approche, Monsieur le Président, mais je crois que notre

  4   problème à nous et à vous et peut-être à d'autres juridictions ou dans

  5   d'autres instances qui se présentent devant ce tribunal, c'est la catégorie

  6   de fiabilité, c'est-à-dire la fiabilité des documents du matériel dont vous

  7   allez vous servir pour rendre une décision concernant la culpabilité

  8   conformément, bien sûr, aux normes de preuve et si les normes de preuve

  9   disent quelque chose ou si elles veulent présenter quelque chose, c'est-à-

 10   dire, outre le doute raisonnable, je ne vais pas, bien sûr, reparler de

 11   cette norme, la norme du doute raisonnable, mais nous devons le tenir, le

 12   garder en tête. Ensuite, nous devons nous demander, est-ce que le matériel,

 13   les documents qui vous ont été remis sont vraiment fiables afin de pouvoir

 14   fonder un verdict et si, socialement, ce verdict est celui de culpabilité,

 15   c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reposer sur des bases solides, si, bien

 16   sûr, vous avez moins d'éléments qu'une base solide et je crois qu'à ce

 17   moment-là, aucun des objectifs ne sont atteints en l'espèce. Parlant de

 18   cette catégorie, lorsque nous parlons du conflit armé, nous verrons et nous

 19   vous proposerons qu'il y a effectivement et nous espérons, bien sûr, que la

 20   Chambre le remarquera, c'est qu'il y a une certaine duplicité, c'est que

 21   l'approche dans cette affaire a été doublée, c'est-à-dire, il y a deux

 22   manières dont le matériel vous est présenté, dont les documents vous sont

 23   présentés.

 24   Le troisième champ que je souhaite aborder aujourd'hui, c'est une

 25   question que l'Accusation n'a pas du tout abordé dans le cadre de leur


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  1   mémoire en clôture et ne l'a pas soulevé jusqu'à il y a quelques instants.

  2   En l'espèce, nous dirons que dans cette affaire, tout comme en parlant de

  3   bien d'autres affaires, je crois que nous avons une position assez forte,

  4   c'est-à-dire la nature même de la personne et là, je parle, maintenant, de

  5   Fatmir Limaj, la personne que vous avez devant vous. Dans plusieurs cas, je

  6   crois, bien sûr, si l'on examine le caractère où la personnalité n'est pas

  7   peut-être nécessairement pertinente, c'est-à-dire que si vous avez une

  8   affaire, si vous devez statuer sur une affaire dont la preuve est

  9   prépondérante dont la preuve est accablante, à ce moment-là, ce n'est peut-

 10   être pas nécessaire de penser au caractère et à la personnalité de la

 11   personne. Je crois qu'il s'agit d'une chose bien différente. Mais ici, je

 12   crois qu'il nous faut nous pencher sur la personne contre laquelle ces

 13   allégations sont faites car il s'agit, en l'espèce, de quelque chose de

 14   bien différent.

 15   Je souhaiterais maintenant revenir sur ce que l'Accusation vient de

 16   dire il y a quelques instants. Je souhaiterais réfuter ce que vient de dire

 17   l'Accusation, compte tenu de la peine qu'ils ont proposé. La proposition

 18   qu'ils ont faite, c'est que Fatmir Limaj, d'une certaine façon, est un

 19   opportuniste, une sorte d'opportuniste qui a, après la guerre, après que la

 20   guerre eût été terminée, a profité du moment. Mais rien ne peut être plus

 21   loin de la vérité. Je vais résumer maintenant. Vous avez entendu beaucoup

 22   de personnes témoigner. Nous avons, bien sûr, entendu des éléments de

 23   preuve présentés par ces témoins. Il est certain que ces témoins ont un

 24   poids à apporter, lorsque vous aurez une décision à faire, mais il ne

 25   s'agit pas ici d'une personne, lorsque je parle de Fatmir Limaj, d'une


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  1   personne qui a pris un bâton, qui s'est enfui, si la communauté

  2   internationale l'a accusé -- non, c'est quelqu'un qui a pris ses

  3   responsabilités au tout début.

  4   Je souhaiterais citer deux points concernant ce qu'il vous a dit,

  5   nous estimons que c'est très important.

  6   Il vous a dit et cela se réfère à ce que vient de dire l'Accusation,

  7   c'est qu'il a simplement profité de toute la situation après la guerre.

  8   Vous vous rappellerez que nous avons montré une vidéo et il vous a fait une

  9   narration en regardant cette vidéo, en la visionnant, afin de pouvoir vous

 10   aider. Après la fin de cette vidéo, il y a une partie et si vous voulez

 11   avoir une référence au transcript, il s'agit de T6052. Ensuite selon nous,

 12   il y a une narration très importante. Nous allons simplement vous lire une

 13   partie de cette narration qui illustre très clairement que rien de -- et

 14   bien sûr, rien de ceci n'a été réfuté.

 15   Vous savez très bien que l'Accusation a mené un contre-interrogatoire

 16   très long, ils auraient pu le faire, je ne me plains pas, bien sûr, de

 17   cela. Mais si, aujourd'hui, on m'avait dit que d'une certaine façon, Fatmir

 18   Limaj n'a pas sincèrement tenu ces principes ou n'a pas obéi à ces

 19   principes, vous ne l'auriez pas entendu dire, mais aucune question n'a été

 20   posée sur cela. Aucune question ne lui a été posée quant à l'intention

 21   politique, à la toile de fond, aucun des témoins qui est venu soutenir sa

 22   position, après la guerre ou pendant la guerre, mais on n'a pas posé les

 23   questions. Tous les témoins qui sont venus parler de cela contestaient

 24   leurs propos. Je crois que cette étape tardive de la procédure, je crois

 25   qu'on ne peut pas maintenant faire ce genre d'allégations.


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  1   Après la présentation de la séquence vidéo, Fatmir Limaj dit à T6052,

  2   il dit : "Après, je suis devenu membre de l'état-major." C'était au mois de

  3   novembre 1998. Plus tard, il nous parle, il nous raconte ce qui s'est passé

  4   dans l'année qui a suivi, c'est-à-dire, il a parlé du massacre qui a eu

  5   lieu au tout début de l'année dans lequel 40 civils avaient été tués et le

  6   meurtre a été, bien sûr, condamné. Il n'y a qu'un témoin qui n'a pas été

  7   préparé de l'accepter et je crois que vous savez très bien de quel témoin

  8   je parle; c'est le témoin qui a été écarté presque par l'Accusation.

  9   Au tout début de la guerre, comme Noel Malcolm a décrit, qui

 10   s'appelle ailleurs, il y a eu une pression internationale, la pression

 11   internationale s'est fait sentir pour essayer de résoudre ce qui se passait

 12   au Kosovo. C'est justement ce massacre-là perpétré par les Serbes, de 40

 13   civils qui initie ceci. La Conférence de Rambouillet, tout près de Paris,

 14   en France, a été tenue.

 15   Fatmir Limaj nous a dit : "C'est de connaissance publique que les

 16   pourparlers de Rambouillet ont duré pendant deux semaines, mais n'ont pas

 17   abouti à la signature d'un accord de paix puisqu'il y a des membres

 18   participant à cette conférence qui n'étaient pas d'accord, qui n'ont pas

 19   très bien compris et n'ont pas voulu signer. Ensuite, ils ont demandé à ce

 20   que les délégations du Kosovo reviennent au Kosovo pour faire comprendre

 21   aux personnes l'importance de cet accord." Je fais une pause maintenant,

 22   ici.

 23   C'est que l'importance de ce que vous a dit Fatmir Limaj ici, c'est

 24   qu'il a participé, au nom de l'UCK, dans le cadre des pourparlers avec des

 25   Serbes, à l'époque où les Serbes ne faisaient absolument rien sur l'aspect


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  1   international, outre que de commettre des meurtres et des crimes mêmes.

  2   Vous comprendrez, bien sûr, qu'en tant qu'Albanais, il a participé à ces

  3   pourparlers. Ensuite, il est revenu dans sa communauté pour essayer de les

  4   convaincre d'accepter les résultats des pourparlers car il s'agissait d'un

  5   décroissement des forces armées au Kosovo et plus particulièrement, la

  6   présence des Serbes qui s'y trouvaient. Il s'agissait d'un rôle très

  7   important qu'il a joué à ce moment-là sur la scène internationale et ceci

  8   est en train de se dérouler pendant la guerre. Ce n'est pas quelque chose,

  9   une attitude qu'il a adoptée après la guerre.

 10   D'ailleurs, il a dit : "La décision de prendre part à ceci était

 11   particulièrement importante, m'était particulièrement importante. Je crois

 12   que c'est là que j'ai joué un rôle assez inhabituel concernant la

 13   participation d'une conversation de paix. C'était notre but et je crois --"

 14   il y a peut-être une erreur de traduction de ce document -- "mais pour que

 15   nous puissions résoudre une fois pour toutes le statut du Kosovo, mais

 16   comme vous le savez, les Serbes ont refusé d'accepter l'accord présenté."

 17   Comme vous le savez, bien sûr, Monsieur le Président, Madame et

 18   Monsieur les Juges, les combats se sont poursuivis et les combats ont été

 19   arrêtés non pas parce qu'on a pu résoudre quoi que ce soit par les

 20   négociations de la communauté internationale, mais c'est par la communauté

 21   internationale car contrairement à Fatmir Limaj, il y avait d'autres

 22   personnes autour de la table qui ne souhaitaient pas signer cet accord de

 23   paix, qui avaient des ambitions sur le Kosovo et ce n'est que le

 24   bombardement de l'OTAN qui a finalement mis un terme à tout ceci et non pas

 25   la Conférence de Rambouillet. Cela nous donne l'indication bien claire


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  1   qu'il a pris une position, une position claire au cours de la guerre,

  2   pendant la guerre, c'est-à-dire que s'il avait joué des rôles politiques,

  3   des petits jeux politiques, plutôt, il ne l'aurait pas fait et il n'aurait

  4   pas voulu être perçu comme une personne qui essaie de négocier avec les

  5   Serbes.

  6   Je crois que le Tribunal lui-même a employé un terme, lorsqu'on a

  7   parlé de descriptions et je crois que le Tribunal lui-même a dit que Fatmir

  8   Limaj peut-être perçu comme -- c'est-à-dire que je vous soumets que vous

  9   devriez prendre Fatmir Limaj comme un homme appartenant à un état et non

 10   pas comme un homme politique qui essaie d'obtenir le soutien de son peuple.

 11   J'ai une liste de personnes : Jan Kickert, Peter Bouckaert, Carolyn McCool,

 12   Dan Everts, l'ex-premier ministre et bien sûr, le professeur de montagne

 13   que vous avez entendu. Ils disent, ici, glorieusement cet homme et il loue

 14   ses activités pendant la guerre et après la guerre et au compte rendu

 15   d'audience 6062, Fatmir Limaj vous a dit, je cite : "Mon point de vue

 16   politique était bien connu" et c'était en réponse à une question quant à

 17   son attitude envers les minorités ethniques au Kosovo.

 18   "J'étais une personne qui voulait faire savoir publiquement les

 19   positions politiques et les positions de mon parti. Ma position quant aux

 20   minorités a toujours été claire. J'ai toujours dit au cours de

 21   rassemblements et des campagnes électorales, j'ai toujours dit, nous avons

 22   l'exemple de Milosevic, je l'ai toujours dit, si nous, nous voulons avoir

 23   le même genre de choses que Milosevic, car il était un dictateur et nous

 24   savons très bien ce que cela veut dire, lorsque vous ne permettez pas aux

 25   gens d'avoir le droit, vous leur enlevez leurs droits et vous utilisez la


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  1   violence. Nous n'avons pas besoin d'avoir un meilleur exemple de ce que

  2   nous ne devrions pas faire, c'est-à-dire Milosevic nous le montre très

  3   bien.

  4   "Nous savons maintenant quoi faire puisque c'est la communauté

  5   internationale qui nous dit quoi faire. Nous sommes très loin de l'Europe

  6   civilisée et du monde civilisé. Nous devons faire les démarches nécessaires

  7   pour bâtir, édifier une société civilisée dans laquelle chaque citoyen doit

  8   être égal et libre. C'est un objectif pour l'avenir. Ce n'est pas facile

  9   pour nous car la guerre a laissé une trace indéniable sur la majorité du

 10   peuple kosovar. Après l'entrée de la KFOR et le retour de 700 000 personnes

 11   de divers endroits lorsqu'ils sont revenus," au Kosovo, "ils ont pu peut-

 12   être voir que leurs parents et les enfants ont été tués." Il parle du

 13   sentiment de vendetta, de vengeance qui existait à l'époque, bien sûr, je

 14   reviendrai plus tard à ce qu'il a fait pour essayer de minimiser et

 15   d'atténuer ce sentiment de vengeance qui, à l'époque, se faisait sentir.

 16   Si je puis le dire, cela nous mène à cette première question du

 17   conflit armé. Car encore une fois non seulement qu'il faut nous pencher sur

 18   l'histoire et sur la personne de Fatmir Limaj, mais il nous faut revenir

 19   afin de pouvoir faire des évaluations, nous pouvons revenir sur

 20   l'évaluation de cette zone, il nous faut évaluer l'histoire et le contexte

 21   de ce qui s'est passé avant ces trois ou quatre mois avant le printemps de

 22   1998. Nous vous demanderions, Monsieur le Président, Monsieur, Madame les

 23   Juges, de ne pas voir cette période comme étant une période isolée. Il est

 24   tout à fait pertinent, l'histoire nous démontre et je vais y revenir dans

 25   quelques instants, il est très important de parler de l'histoire car afin


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  1   de pouvoir comprendre ce qui s'est réellement passé en 1998 et il nous faut

  2   nous pencher sur l'histoire, et si ce qui était en train de se dérouler et

  3   représentait vraiment un conflit armé, il faut savoir que s'est-il passé et

  4   qu'est-ce qui s'était passé au cours de la décennie qui a précédé l'année

  5   1998 pour en arriver aux activités qui ont eu lieu en 1998 et c'est donc

  6   l'Article commun 3 et les conventions de Genève qui doivent être

  7   appliquées.

  8   Il y a un autre aspect à cela, et l'aspect dont je veux vous parler

  9   c'est l'aspect que j'ai mentionné au début, c'est la nature de duplicité

 10   avec laquelle le bureau du Procureur aborde ces affaires lorsqu'on parle

 11   des affaires prétendues du Kosovo et la Serbie.

 12   Après cette introduction, puis-je repartir un petit peu en arrière

 13   pour vous dire quels étaient ces antécédents de façon à ce que vous

 14   puissiez comprendre quelle est la taille et la nature du problème pour ces

 15   personnes qui vivaient au Kosovo en 1998.

 16   Vous savez peut-être et vous vous souviendrez peut-être qu'à partir

 17   de 1987, l'attitude des autorités serbes par rapport au Kosovo était une

 18   attitude tout à fait claire et tranchée. Cela ne fait l'ombre d'un doute.

 19   Nous n'avons pas besoin d'éléments de preuve à l'appui d'un côté et de

 20   l'autre. En revanche, ce que je vais évoquer ici porte sur ce que j'appelle

 21   des documents complémentaires, l'acte d'accusation dressé contre Milosevic,

 22   cette affaire qui est jugée devant ce tribunal en même temps que nous ce

 23   matin.

 24   La politique que je vais nommer ici et qui a été utilisée par

 25   l'Accusation dans sa Défense est un terme qui a été usité par d'autres. Il


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  1   s'agit d'une politique de terreur de masse après 1987, parce que c'est

  2   cette année-là que Milosevic a tiré avantage et de son opportuniste à

  3   l'inverse de Fatmir Limaj qui était un opportuniste qui assurait sa propre

  4   promotion. Il a été convoqué par le Kosovo, par le gouvernement du Kosovo à

  5   ce moment-là, par opposition à d'autres qui n'étaient pas disposés à s'y

  6   rendre. Il ne s'était jamais intéressé au Kosovo auparavant, mais il a fait

  7   ce discours le 24 avril, c'est ce qui a été le départ de sa carrière, et ce

  8   que bons nombres considèrent comme un discours historique lorsque il s'est

  9   rendu au Kosovo et il s'agissait là d'un élément déterminant.

 10   Ce qu'il a fait le 24 avril pour cautionner le nationalisme ou le

 11   programme nationaliste serbe au Kosovo est quelque chose dont on a beaucoup

 12   parlé, il a fait des déclarations sur cela, et personne ne s'adressant aux

 13   Serbes au Kosovo se souviendront toujours des mots qui ont été prononcés.

 14   Par conséquent, à partir de 1987, quasiment une décennie jusqu'en

 15   1998, c'était un processus en continu. C'était un processus qui s'est

 16   poursuivi, il s'agissait de nettoyage ethnique et entre les années 1998 et

 17   1999, il s'agissait d'un système extrêmement répressif.

 18   En 1988, des personnalités albanaises de premier plan ont commencé à

 19   être renvoyées. En 1989, l'assemblée serbe a commencé à amender la

 20   constitution serbe aux fins de retirer l'autonomie au Kosovo. La même chose

 21   s'est produite quelques mois plus tard, vous vous en souviendrez peut-être,

 22   la constitution a été modifiée et le Kosovo ne jouissait plus de son

 23   autonomie, autonomie qu'elle avait eue jusqu'en 1974. Que s'est-il passé

 24   ensuite en 1989 ? Après les années 1990 et 1991, après l'acte d'accusation

 25   contre Milosevic, des milliers, est-il dit, de médecins kosovars albanais,


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  1   des enseignants, des professeurs, des ouvriers, des membres de la police et

  2   des fonctionnaires ont été renvoyés. Il ne peut y avoir d'autre explication

  3   que celle-ci, il s'agissait là d'une tentative qui consistait à éradiquer

  4   les Albanais du Kosovar, en les obligeant à partir de chez eux, car la vie

  5   allait être tellement difficile. Par ailleurs, vous avez entendu parler de

  6   l'apartheid jusqu'à l'utilisation des toilettes, qui doit utiliser

  7   lesquelles. Des symboles religieux ont été détruits. Il s'agissait du droit

  8   à sa langue maternelle aussi qui leur a été enlevé. Des symboles culturels

  9   et religieux ont été détruits. La violence aux mains de la police contre

 10   les civils y compris la torture que nous avons entendu ici. L'Accusation a

 11   estimé, dans sa thèse, a estimé que c'était nécessaire et on l'a indiqué

 12   très clairement qu'il s'agissait de quelque chose que l'on pouvait

 13   appliquer à cet individu, et que nous devrions y revenir, que cela devait

 14   correspondre à cet individu parce que vous pouvez croire ce qu'il dit. Est-

 15   ce que c'est le critère qui est appliqué ici ? Nous ne l'avons pas entendu

 16   parler récemment, il n'est pas très clair ce qu'on est censé faire de cet

 17   individu. On peut se débarrasser de lui et ne pas se reposer sur ce qu'il

 18   dit.

 19   Cela ne pose pas l'ombre d'un doute que le régime auquel devait faire

 20   face les citoyens du Kosovo était un régime épouvantable, une campagne a

 21   été menée pour bombarder les villes albanaises, les villages albanais, les

 22   fermes albanaises, le bétail, les récoltes. Toutes formes d'emplois et les

 23   moyens de survie, petit à petit, ont été détruits. L'acte d'accusation

 24   contre Milosevic semble indiquer que les Etats-Unis avaient estimé que vers

 25   la mi-octobre 1998, l'année qui nous intéresse ici, environ 298 000


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  1   personnes ont été déplacées dans le pays, ce qui n'est rien par rapport au

  2   mois de mai de l'année suivante, 1999, l'année au cours de laquelle a eu

  3   lieu la Conférence de Rambouillet. Quelque 740 000 Kosovars albanais,

  4   environ un tiers de l'ensemble de la population albanaise avait été chassé

  5   du Kosovo.

  6   Il y avait des résolutions du conseil de la Sécurité qui condamnait

  7   l'utilisation de la force aux mains des Serbes. Une résolution du conseil

  8   de Sécurité qui indiquait que la situation, et là, nous parlons du mois de

  9   septembre 1998, que la situation au Kosovo s'était détériorée et

 10   constituait une menace pour la région. C'est en raison de cette menace et

 11   de l'accord Holbrooke que l'OSCE et que la Mission de vérification au

 12   Kosovo a été mis sur pied. Un membre de cette Mission de vérification

 13   auquel je vais revenir un peu plus tard est quelque chose que nous n'avons

 14   pas beaucoup entendu parlé car ceci été communiqué tardivement dans cette

 15   affaire sur la base du fait que l'Accusation n'en appréciait pas la

 16   pertinence. (expurgée) vous ont fourni une

 17   déclaration très importante et très pertinente sur ce point, à savoir si,

 18   oui ou non, il y avait un conflit armé. L'acte d'accusation contre

 19   Milosevic parle ensuite de Rambouillet et j'ai parlé du rôle que Fatmir

 20   Limaj a joué au cours de ces pourparlers

 21   Je fais une pause pendant quelques instants, une situation dans laquelle

 22   des milliers de personnes ont été déplacées, de centaines de foyers et de

 23   villages ont été détruits. Des gens ont été tués. Comme vous le savez,

 24   parce qu'une des amorces à tout cela a été l'assassinat de Jashari au

 25   printemps 1998, c'est la raison pour laquelle les gens ont commencé à


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  1   rentrer au Kosovo. Que sont censés faire les Kosovars dans ce contexte-là ?

  2    C'est intéressant ici en termes d'application des conventions de

  3   Genève. Si je puis prendre un petit peu de recul à cette fin, c'est très

  4   bien si l'Accusation insiste là-dessus et dit que le TPIR précise que

  5   l'Article commun numéro 3 doit être appliqué le plus largement possible.

  6   Ceci fait preuve d'une très grande empathie, et il est très important que

  7   les liens entre les factions belligérantes et les nations en guerre soient

  8   régimentés. Etait-ce l'intention des rédacteurs de cette convention que de

  9   protéger les victimes ? C'est ce dont il s'agissait en premier lieu.

 10   Qui étaient les victimes de ce bref historique je viens de vous

 11   dépeindre au cours de cette décennie ? Je crois qu'il ne peut y avoir sans

 12   doute aucune réponse à la question. Je n'imagine pas une fraction de

 13   seconde que l'Accusation, dans cette affaire, puisse dire  que les Albanais

 14   du Kosovo et les civils n'ont pas été les victimes à la manière dont je

 15   viens de le décrire.

 16   Dans les circonstances qui sont celle du début de l'année 1998, si ce

 17   - et je vous pose cette question - si vous-même vous deviez vivre dans un

 18   petit village du type décrit dans cette vidéo, un village assez reculé, un

 19   village assez vulnérable, que vous n'êtes pas armé, tout ce que vous avez

 20   c'est la possibilité de vous faire protéger par quelqu'un qui, dans le

 21   village, possède un fusil de chasse. C'est que vous avez l'autre

 22   possibilité qui est offerte à vous, ce que l'Accusation accepte lorsqu'elle

 23   parle de la VJ et de la police serbe et des autorités serbes en tout cas,

 24   c'est certain non seulement ils avaient d'avantage recours à la force, mais

 25   en plus ils étaient beaucoup mieux équipés. Le risque, auquel devait faire


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  1   face les habitants du village, était ces véhicules blindés et, par la

  2   suite, les chars lorsqu'il y a eu des pilonnages. Il est apparu très

  3   clairement qu'à ce moment-là, ils n'étaient quasiment pas protégés ou la

  4   protection était quasi nulle.

  5   Que se passe-t-il dans ces circonstances-là ? Dans les tous premiers

  6   jours du printemps de l'année 1998, que se passe-t-il ? Les habitants du

  7   villages disent : "Bien, il nous faut protéger ce qui reste, car sinon, il

  8   nous restera rien." Les différents rassemblements ou regroupements, et je

  9   crois qu'il y a un certain consensus là-dessus et, en réalité, c'est ce qui

 10   s'est passé, ces regroupements ou associations horizontales qui permettent

 11   à ces différents groupes de se restructurer de façon organique, est-ce

 12   qu'on doit les définir comme étant une partie à une conflit armée

 13   simplement parce que l'autre partie est là, non pas parce qu'il s'agit

 14   d'éradiquer le terrorisme mais parce que les autorités serbes ont défini

 15   l'UCK comme étant un groupe terroriste. C'est intéressant parce qu'eux-

 16   mêmes ne considéraient pas qu'il s'agissait d'un conflit armé. Mais il est

 17   vrai que, dans le cas présent, ceci ne nous intéresse pas, ce que pensaient

 18   les Serbes ou ce que pensaient les autres, toutes autres personnes sur la

 19   question, du reste. Telle était leur approche. Leur approche consistait à

 20   se servir de cela, non pas de ce terme, de ces insurgés mais d'une force de

 21   protection de l'appeler terroriste et ensuite de leur foncer dessus. C'est

 22   effectivement ce qui s'est passé. S'ils en avaient décidé autrement, ils

 23   auraient pu balayer l'UCK en une seule nuit s'ils l'avaient souhaité.

 24   Telle était la situation si vous étiez à l'étranger en train de voir

 25   votre pays détruit dans une guerre d'usure menée par des forces serbes


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  1   lourdes, à ce moment-là, il n'est pas surprenant d'avoir envie de revenir

  2   pour prêter main-forte et c'est ce que nous avançons. Il ne s'agit pas ici

  3   d'un simple opportunisme de la part de Fatmir Limaj ou de toute autre

  4   personne qui serait revenu chez lui, réfléchissez-y quelques instants, si

  5   vous aviez quitter le Kosovo que vous étiez en Italie, en Suisse, ou en

  6   Suède ou ailleurs, il serait facile de dire : "Bien, je ne retourne pas à

  7   cet endroit-là, laissez les autres se battre." Le simple fait qu'il soit

  8   rentré, à mon sens, constitue un élément important, il risquait sa vie et

  9   bon nombre de personnes sont mortes à cet endroit-là, cela ne fait pas

 10   l'ombre d'un doute.

 11   Et la description de Fatmir, je ne vais pas vous la relire car vous

 12   vous souviendrez certainement, il s'agissait d'illustrations graphiques. Il

 13   y avait des gens qui revenaient par petits groupes, qui traversaient la

 14   frontière, il est vrai qu'il y avait des armes qui passaient la frontière

 15   parce qu'ils n'en avaient que peu comme je vous l'ai dit. Ils avaient peut-

 16   être un fusil de chasse par ci par là. Ils reviennent et ils disent aux

 17   habitants du village, utilisez vos fourches lorsqu'ils vont venir. Il

 18   suffit de se tourner vers l'Afrique et le Darfour pour comprendre. Est-ce

 19   que les gens sont censé dire non, non tout va bien, vous faites ce que vous

 20   voulez, vous pouvez venir et tout détruire, vous pouvez détruire nos vies,

 21   ou est-ce qu'on doit agir comme toute personne le comprendrait parce que

 22   c'est tout à fait légitime et naturel autrement dit de protéger le peu qui

 23   reste ?

 24   Ce que Fatmir a fait en réalité c'était de se rendre dans la région

 25   qu'il connaissait le mieux. C'est ce qu'ils ont tous fait. Cela ne fait pas


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  1   l'ombre d'un doute. Il suffit de regarder la carte, vous pouvez voir où il

  2   est né et où vivait sa famille. C'est là qu'il s'est rendu. Il s'est rendu

  3   dans les villages voisins, bien évidement il serait facile de dire pour

  4   organiser, mais en réalité non. Il a simplement souhaité faire en sorte que

  5   les gens se rendent compte de ce qui se passait et qu'ils puissent faire

  6   face à l'agression. Il s'agissait de renforcer le moral des habitants sur

  7   place.

  8   Quelles que soient les activités de l'UCK par le passé, à commencer

  9   par l'année 1996, on pourrait le décrire, et ceci a été décrit comme des

 10   tactiques de guérilleros, autrement dit de prendre pour cible certains

 11   individus en particulier -- opérations coup de main. Mais ce n'est pas ce

 12   qui s'est passé à ce stade-ci, ceci est complètement différent. Il s'agit

 13   du printemps de l'année 1998, la période qui nous concerne ici, et de

 14   savoir si, oui ou non, il s'agissait d'un conflit armé. Il s'agit

 15   simplement de faire prendre conscience aux habitants du village. Comme dit

 16   l'Accusation, lorsque quelqu'un commence à creuser une tranchée, il s'agit

 17   d'une structure organisée et que c'est véritablement une armée. Je dirais

 18   simplement que lorsqu'on creuse une tranchée cela signifie qu'on a besoin

 19   de se protéger ou de protéger ce qui reste.

 20   Nous avançons, par conséquent, que ce processus, ce processus interne

 21   dans lequel Fatmir Limaj a joué un rôle tellement important ainsi que

 22   d'autres du reste. Chaque village devait décider, non pas parce que

 23   quelqu'un en Suisse ou une personnalité qui faisait peut-être partie de

 24   l'état-major général ou pas, non cela ne s'est pas passé comme cela. Cela

 25   devait fonctionner sur la base d'un consensus, c'était les villageois qui


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  1   devaient se mettre d'accord là-dessus. Evidemment à ce stade-ci déjà, ils

  2   se sont rendus compte que s'ils n'allaient pas réagir, il ne resterait rien

  3   car on commençait à brûler les récoltes. C'est effectivement ce qui se

  4   passe à ce moment-là.

  5   Comme on entend les différents termes utilisés par les différents

  6   entretiens, les différentes déclarations qui sont discordantes, on parle de

  7   coopération, on parle d'accord, on parle de coordination car il s'agit ici

  8   d'une situation qui est tout à fait différente. Il ne s'agit pas d'une

  9   situation qui est communément invoquée ou réfutée. Il s'agit là d'un groupe

 10   de personnes qui a décidé en réalité de se défendre lui-même.

 11   Je regarde l'heure --

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez encore 10 minutes, si cela

 13   vous agrée.

 14   M. MANSFIELD : [interprétation] Dix minutes. Bien.

 15   Ayant analysé ce mouvement et nous disons qu'il ne s'agit pas

 16   d'insurrection. Quelle soit l'attitude des Serbes, il ne s'agit même pas

 17   d'un groupe terroriste. C'est une force qui s'autoprotège, d'autodéfense,

 18   c'est tout, si vous voulez utiliser un terme à cet égard.

 19   Si l'Article Commun 3 des conventions de Genève doit s'appliquer ici, je

 20   crois qu'il faut être tout à fait clair et savoir quels sont les critères

 21   retenus, lorsqu'on parle d'obligations qui doivent être imposées à ce que

 22   nous appelons une organisation un peu désorganisée entre les villages qui

 23   tentent d'avoir une espèce de structure hiérarchique par ci, par là, mais

 24   qui ne correspond pas véritablement à cela.

 25   Comme il a été indiqué, il y a deux antennes, je ne suis pas du tout en


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  1   train de minimiser cela, mais je ne sais pas si on peut aller très loin

  2   avec cela. La première est l'intensité ou en tout cas, le caractère

  3   prolongé de tout ceci et l'autre concerne l'organisation en tant que telle.

  4   Pour gagner du temps, je vais me consacrer à la question de l'organisation,

  5   je crois qu'il est tout à fait clair, pour faire court, nous avons une

  6   réponse sur la question du conflit armé par écrit. Vous l'avez peut-être

  7   déjà, je ne sais pas. Cela porte sur la question du conflit armé et je

  8   souhaite être très clair, je n'ai pas l'intention de lire ceci, ni de

  9   l'aborder en détail. C'est pour être bref. Peut-être que vous auriez

 10   l'obligeance de bien vouloir le lire un peu plus tard, s'il vous plaît.

 11   Néanmoins, une des questions sur laquelle nous insistons dans cette trame,

 12   c'est la nature et le niveau d'organisation. Si l'intensité du conflit doit

 13   être abordée au sens large au plan géographique, c'est-à-dire qu'on ne

 14   tient pas seulement compte de ce qui s'est passé à Lapusnik et dans les

 15   environs, comme l'a fait l'Accusation, mais qu'on se penche sur d'autres

 16   régions du Kosovo, la question que je pose alors est celle-ci : est-ce que

 17   ceci s'applique également à l'organisation entre guillemets de cette force

 18   de protection ? L'essentiel de la question tourne autour de ceci : quel est

 19   le seuil qu'on applique dans ce cas-là et d'après nous, ceci est un élément

 20   très important, il est très important d'aborder la question du seuil qui

 21   est pris en compte car sinon, si on veut répondre aux objectifs qui sont

 22   ceux du statut et du feuillet d'information, les choses doivent être

 23   claires, on doit savoir qui est visé par ces conventions et de quel type de

 24   conflit il s'agit. Quel est l'élément qui amorce ces conventions ? C'est ce

 25   qui se passait ici à la lumière des gens qui portaient de temps en temps un


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  1   uniforme de camouflage ou qui portaient un fusil de chasse ou peut-être une

  2   vieille mitrailleuse ou peut-être qu'ils en avaient trop, peut-être qu'ils

  3   ont obtenu des armes qui traversaient la frontière et que ces armes sont

  4   entrées au Kosovo à ce moment-là, est-ce qu'il s'agit d'éléments permettant

  5   d'indiquer qu'il s'agit d'une organisation et par conséquent, que ceci

  6   s'applique au sens large du terme.

  7   L'Accusation ne nous aide pas beaucoup en la matière car ce

  8   qu'ils disent, c'est que ces critères ne sont pas exhaustifs. Comme le

  9   banditisme, insurrection de courte durée inorganisée, terrorisme, et

 10   cetera. Il s'agit peut-être ici simplement de quelques indices ou de

 11   principes directeurs. Mais quel est le seuil que nous devons retenir ?

 12   Par exemple, si le fait que le terrorisme soit organisé, est-ce que

 13   cela tombe dans cette catégorie ? Car si c'est le cas - et je le dis en

 14   passant car je sais quelques différences observations et différents

 15   commentaires ont été faits à cet égard. Si tel est le cas, il y a d'autres

 16   organisations évidemment qui sont visées par ces conventions, l'IRA, et

 17   cetera, et l'ETA, et cetera. Bon nombre d'années, cela a duré longtemps,

 18   ils ont pris le contrôle d'un territoire, ils ont beaucoup d'armes. Ils

 19   portent des uniformes, ils ont des mesures disciplinaires, tout ce genre de

 20   choses. Est-ce qu'ils ont été pris ou pas ou est-ce qu'il s'agit de quelque

 21   chose d'arbitraire ? C'est le cœur du problème ici. Ceci ne peut pas être

 22   une question arbitraire, il faut clairement comprendre. Ceci indique

 23   clairement que la possibilité existe que ce qui s'est passé est comme suit

 24   : l'UCK ou ici, les personnes qui représentent l'UCK ou ces accusés ont été

 25   définies comme faisant partie d'une armée car ceci permet de faire


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  1   appliquer ces conventions alors qu'en réalité, si vous observez ce qui

  2   s'est passé sur le terrain, il n'y avait aucune organisation en tant que

  3   telle, aucune organisation qui se rapprochait d'une manière ou d'une autre

  4   d'une organisation qui serait visée par ces conventions.

  5   C'est quelque chose que je vais simplement mentionner maintenant et

  6   je vais y revenir après, la déclaration de (expurgée), il a été

  7   précédé de notre expert, M. Churcher. Il est intéressant de constater que

  8   Churcher et Crosland qui est venu témoigner pour le compte de l'Accusation

  9   a passé un certain temps en Irlande et j'ai posé un certain nombre de

 10   questions à Crosland sur l'Irlande et j'ai comparé un petit peu les deux et

 11   j'ai eu beaucoup de réponses, mais je ne vais pas en parler davantage.

 12   Mais pour ce qui concerne M. Churcher, il vous a fourni la pièce DL13

 13   et il a permis d'indiquer quel était le point de départ et il faut se

 14   souvenir qu'à ce moment-là, nous ne savions que l'Accusation était en

 15 possession de la déclaration de (expurgée). Mais ce que nous disons est comme

 16   suit : ce que M. Churcher vous a dit dans son témoignage et ce qu'il a

17  indiqué dans son rapport est repris par (expurgée) dans sa déclaration, celle

 18   qu'il fait à l'Accusation. Si vous laissez de côté ce que les membres de

 19   l'UCK disent ou n'ont pas dit, qu'il s'agisse de Fatmir Limaj ou de

 20   quelqu'un qui est cité à la barre par l'Accusation. Mettez tout cela de

 21   côté. Les personnes qui comprennent ou savent de quoi ils parlent

 22   lorsqu'ils parlent de questions militaires et qui ont tenté, bien

 23   évidemment, d'observer la situation au Kosovo. La question du commandement

 24   militaire est évoquée à la quatrième page de ce document DL13. Ce qu'il dit

 25   sous la rubrique type de commandement militaire est comme suit : "A travers


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  1   le témoignage, le témoin parle à maintes et maintes reprises des ordres qui

  2   ont été donnés et des ordres qui ont été acceptés. Ceci ne peut pas

  3   signifier qu'il existait un cadre de commandement militaire, au sens

  4   militaire du terme. La différence fondamentale entre la création de l'UCK

  5   et d'autres forces dans les conflits des Balkans, c'est qu'il n'y avait pas

  6   de militaires." Est-ce qu'il raconte des bêtises ou non ? Evidemment, nous

  7   avons cité quelqu'un qui faisait partie de l'UCK et qui était un des rares

  8   officiers de l'UCK qui était un officier de carrière et qui avait servi en

  9   Bosnie. C'est le contraste qu'a signalé M. Churcher, lui-même, lorsqu'il a

 10   parlé de ce qui s'est passé en Bosnie parce que c'est quelque chose qu'il a

 11   vécu.

 12   Bien sûr, on comprend très bien que l'Accusation n'ait pas souhaité

 13   montrer cela et que la force de protection au Kosovo n'agissait pas au même

 14   niveau que l'armée de l'OTAN, mais en réalité, l'Accusation, comme je le

 15   démontrerais après la pause, n'a pas été claire à cet égard, quelle est la

 16   description qui correspond le mieux à cette force.

 17   Simplement pour reprendre ce paragraphe à la page 4 de DL13 : "Ils

 18   prenaient des volontaires qui faisaient ce qu'on leur demandait de faire,

 19   si cela leur convenait. Il n'y avait pas de recours à des mesures

 20   disciplinaires, hormis le fait d'enlever à la personne son arme ou de le

 21   renvoyer de son groupe. Il ne s'agit pas d'un système de commandement

 22   militaire que tout officier de carrière connaîtrait comme tel." Il a, dans

 23   son témoignage, décrit cette situation et sa position au graphique. Ce

 24   n'est pas parce que vous êtes commandant et que quelqu'un a un titre qu'il

 25   a derrière lui une armée ou qu'il s'agisse d'une organisation au sein de


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  1   laquelle ou qui agit sur le terrain ou pour lequel il y a sur le terrain

  2   une structure, même si rudimentaire soit-elle. Il n'y avait même pas une

  3   structure si rudimentaire soit-elle qui aurait pu de près ou de loin faire

  4   l'objet des conventions de Genève.

  5   Ensuite, il dit : comment communiquaient-ils entre eux? C'est assez

  6   simple comme question. Comment communiquaient-ils ? C'est très simple, si

  7   vous prenez un peu de recul. Quels sont les éléments de preuve ? Il y avait

  8   des gens, des coursiers qui couraient d'un endroit à un autre et la seule

  9   façon d'aller aider les autres, c'était de répondre : nous avons entendu

 10   que de l'autre côté de la colline, il y avait un conflit, un combat. Si

 11   vous allez les rejoindre de l'autre côté de la colline, c'est ce qu'on

 12   appelle une organisation. Encore une fois, cette force de protection est

 13   véritablement portée à un niveau qui ne lui correspond pas, comme quelque

 14   chose qui serait beaucoup plus grand.

 15   Encore une fois, je ne vais pas parler de M. Churcher et de son

 16   témoignage, nous en parlons dans notre mémoire en clôture. Mais il ne faut

 17   pas le rejeter pour autant car ceci repose sur la charge de la preuve.

 18   C'est quelque chose que nous devrions prendre au sérieux après la

 19   déclaration de (expurgée). Mais j'en parlerai après la pause.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Nous reprendrons

 21   à 16 heures cinq.

 22   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 23   --- L'audience est reprise à 16 heures 10.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, avant que vous ne

 25   poursuiviez, la question que vous avez soulevée au début de votre


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  1   plaidoirie, à ce sujet, nous ne souhaitons pas faire droit à votre demande,

  2   car votre client a eu tout loisir de s'adresser à la Chambre. Il a fait une

  3   déclaration assez longue au début, et les questions soulevées ont été

  4   abordées en détail dans sa déclaration. Pour ce qui est du temps imparti et

  5   des besoins des autres accusés en l'espèce, nous pensons pour ces raisons,

  6   qu'il vaudrait mieux ne pas lui accorder cette possibilité, même s'il ne

  7   s'agit que d'une demi-heure. Donc, nous dirions plutôt que non. Votre

  8   demande n'est pas accueillie.

  9   M. MANSFIELD : [interprétation] Pour suivre plus facilement, nous avons

 10   préparé un document plus détaillé. Nous avons des versions papier de ce

 11   document. Il s'agit de la déclaration de (expurgée). Ce document porte la

 12   cote en partie DL13.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une autre question a portée à mon

 14   attention. On nous a demandé si, lorsque vous lisez, vous pourriez ralentir

 15   quelque peu.

 16   M. MANSFIELD : [interprétation] Oui. Je suis désolé.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Car les interprètes ont du mal à vous

 18   suivre. Merci, Maître Mansfield.

 19   M. MANSFIELD : [interprétation] Je souhaite vérifier que vous avez les

 20   copies des documents en question. Je vois que oui. Donc, je vais

 21   poursuivre.

 22   (expurgée). Il est important de

 23   relever à la première page, - en fait, il s'agit de la page 2 - qui est cet

 24   homme ? Il travaille actuellement. Il travaillait à l'époque de cette

 25   déclaration au Kosovo en tant que chef des opérations du centre de


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  1   coordination du Kosovo. Il travaille comme chargé des opérations pour cette

  2   organisation depuis quelque temps. Il a rejoint les rangs de l'armée. Il

  3   est qualifié en tant que parachutiste, membre des forces, commando,

  4   plongeur de combat, chef de groupes de montagne, instructeur pour ce qui

  5   est des armes légères, des cartes. Il a occupé toutes sortes de fonctions.

  6   Je vous renvoie au paragraphe où il est dit qu'en

  7   octobre 1998, il faisait partie de la Mission de vérification au Kosovo. On

  8   peut lire : "J'ai participé à des réunions d'information militaire en

  9   Angleterre. Lors de ces réunions d'information, on a invoqué tel et tel

 10   sujet," qu'il énumère.

 11    En octobre 1998, je pense qu'il s'agit d'une date importante, car

 12   pour ce qui est de l'UCK, nous parlons de conflits armés et de

 13   l'organisation de l'UCK. Il s'agit de déterminer le niveau d'organisation

 14   qui permet d'amorcer l'application de la convention de Genève, niveau qui

 15   aurait été atteint en Octobre 1998, c'est-à-dire, deux ou trois mois après

 16   la période qui nous intéresse. Il s'agit d'une période très importante. Il

 17   est important de noter que l'Accusation n'a pas apprécié l'importance de sa

 18   déclaration à temps pour la présenter à un stade plus précoce de la

 19   procédure. Mais nous l'avons maintenant.

 20   Il dit au bas de la page : "J'étais l'officier chargé des opérations

 21   pour le Kosovo." Ses responsabilités consistaient à gérer et à coordonner

 22   les patrouilles de terrain au Kosovo. "Je confiais des missions aux

 23   patrouilles tous les jours." Il devait donc savoir ce qui se passait sur le

 24   terrain afin de constater s'il y avait une réduction de l'intensité des

 25   hostilités et voir s'il y avait des infractions d'une part ou d'autre part


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  1   à l'accord Holbrooke.

  2    Page suivante. Il est dit en haut de la page : "L'objectif essentiel

  3   des patrouilles à l'époque était de vérifier ce qui se passait. Les Serbes

  4   de l'UCK nous disait quelque chose, mais il fallait vérifier ces

  5   informations." Là encore, ce n'est pas quelqu'un qui accepte les choses de

  6   prime abord. Il poursuit : "Pour nous assurer que l'accord Holbrooke était

  7   pleinement respecté. En réalité, personne ne devait faire feu. Lorsque les

  8   conditions n'étaient pas respectées, nous devions voir qui était

  9   responsables de ces infractions." Il a fait office d'officier de liaison

 10   avec l'UCK.

 11    Au paragraphe suivant qu'il faut considérer à la lumière de la

 12   déclaration de M. Churcher, il a dit, je cite : "Officiellement, l'UCK

 13   bénéficiait d'une chaîne de commandement. En réalité, ce n'était pas le

 14   cas. Ce qu'ils appelaient l'état-major général n'avait rien à voir avec les

 15   commandants de zone. C'est parce que les zones sont déterminées en fonction

 16   de critères géographiques et des personnalités qui se trouvaient dans ces

 17   régions. Les personnes qui se trouvaient là avaient obtenu ce niveau

 18   d'autorité grâce à leurs activités sur le terrain. Les combattants de l'UCK

 19   étaient loyaux uniquement à l'encontre de leurs commandants de zone. Le

 20   système de clan albanais doit être compris et reconnu lorsqu'on parle de

 21   questions telles que celle-ci. Le grade et la structure sont des facteurs

 22   qui dépendent des familles."

 23   Cela correspond à la description générale que j'ai faite de la

 24   manière dont la situation a évolué au cours des premiers mois de l'année.

 25   Il s'agissait au départ d'une organisation de guérilla, puis de garde


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  1   villageoise. C'est la raison pour laquelle la question de la loyauté

  2   mentionnée ici est très importante. Tout se déroule au niveau local.

  3   Il poursuit en disant : "Cela signifie que les décisions prisent par

  4   l'état-major général de l'UCK n'étaient pas toujours acceptées par les

  5   commandants de zone. Par conséquent, les zones - les ordres n'étaient pas

  6   respectés." Il donne un exemple que je ne citerai pas.

  7   A la page suivante, bien entendu, au mois d'octobre, personne ne

  8   conteste qu'il y ait des zones. La question est de savoir quelle était leur

  9   efficacité.

 10   "Les zones étaient très isolées, et la méthode de fonctionnement de

 11   chaque zone variait et ne remplissait pas nécessairement les conditions

 12   appliquées dans d'autres zonez.

 13   "Même au sein des zones, il y avait des factions isolées qui

 14   n'écoutaient pas ce que disait le commandant de zone. Les commandants de

 15   zone le savaient, mais trouvaient une façon de contourner ce problème.

 16   "L'état-major général de l'UCK a été créé en 1998 sans qu'il n'y ait

 17   eu consultation avec les commandants de zone. Cela a suscité beaucoup

 18   d'indifférence au sein des zones individuelles, qui ressentaient que les

 19   membres de l'état-major général ne faisaient pas partie du groupe et

 20   n'avait rien fait pour faire cela. Ils ont été organisés de façon à

 21   constituer un organe acceptable et reconnaissable aux yeux de la communauté

 22   internationale."

 23   Il s'agit d'une observation très importante. Cela illustre le rôle de

 24   Krasniqi et de la propagande qui était réalisée pour renforcer le moral des

 25   troupes et pour obtenir le soutien de la communauté internationale.


Page 7383

  1   Il poursuit en disant : "La chaîne de commandement officielle est la

  2   suivante, état-major général, commandants de zone et commandants de

  3   brigade." Puis, il parle de l'appui logistique de la zone de Pastrik, de

  4   Drenica. Il évoque également les contacts quotidiens qu'il avait avec les

  5   équipes qui vivaient avec l'UCK. Donc, il y avait des hommes au sein de

  6   l'UCK qui servaient d'observateurs.

  7   Il dit en haut de la page 6 : "J'étais en contact avec mes officiers

  8   de terrain quotidiennement pour recevoir des informations de leur part et

  9   pour les mettre au courant de l'évolution de la situation. Le commandement

 10   tactique dans chaque zone relevait de la responsabilité des commandants de

 11   zone." Ensuite, il donne un exemple concret.

 12   Au paragraphe suivant, il parle du commandant Ramush. Il dit que :

 13   "Les commandants de brigade étaient responsables de leurs propres zones, et

 14   pouvaient prendre toute mesure qu'ils estimaient nécessaires au sein de ces

 15   zones." Là encore, cela illustre les observations de M. Churcher au sujet

 16   de la structure de commandement de commandement.

 17   "Toutes les zones étaient organisées de façon différentes. Certains

 18   commandant réagissait vite, d'autres étaient plus organisés, mais cela

 19   dépendait de la personnalité de la personne responsable." Je pense que

 20   cette simple observation ne permet pas de conclure qu'il s'agissait d'une

 21   véritable armée.

 22   M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. La

 23   déclaration à laquelle on fait référence est versée au dossier sous pli

 24   scellé sur demande du témoin. Je pense que cela ne pose pas de problème, si

 25   ce n'est pour l'identité du témoin. Je demanderais, pas conséquent, que si


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  1   son identité mentionnée à la page 36, peut-être même avant, nous demandons

  2   que son nom soit expurgé du compte rendu d'audience, sinon cela ne nous

  3   pose aucun problème. Je m'excuse encore une fois de vous avoir interrompu.

  4   M. MANSFIELD : [interprétation] Je vous présente mes excuses. J'éviterai à

  5   l'avenir de mentionner d'autres noms. Je ne pense pas que ce soit utile; je

  6   m'en tiendrai aux observations.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous expurgerons cette référence au

  8   compte rendu d'audience.

  9   M. MANSFIELD : [interprétation] Donc, je parlais des zones qui

 10   fonctionnaient de façon différente. Je pense, que compte tenu de la manière

 11   dont l'Accusation a présenté ses arguments, à savoir que l'UCK présentait

 12   les caractéristiques d'une armée, aucune armée sur cette terre n'est

 13   organisée de la manière décrite.

 14   "Les activités de l'UCK étaient localisés plutôt que généralisées au niveau

 15   national." Trois noms sont mentionnés en bas de page.

 16   "Les ordres entre les zones étaient transmis oralement. Il y avait très

 17   peut d'ordre écrit, mais ils étaient donnés dans des circonstances

 18   exceptionnelles." Il parle du bombardement de l'OTAN. Il ne sait pas qui a

 19   décidé d'adopter cette stratégie, mais elle n'a pas véritablement été

 20   couronnée de succès.

 21   Ensuite, page 7, il est dit : "L'UCK avait un système de coursier ou

 22   d'estafette. Les gens transmettaient physiquement les ordres qu'ils soient

 23   oraux ou écrits."

 24   Ensuite, il est dit que : "La personne numéro un n'était forcément la

 25   personne la plus importante. Il s'agit d'un détail.


Page 7385

  1   Il poursuit en disant : "Je ne sais pas s'il existait un système

  2   permettant de savoir si les ordres avaient été reçus. Je n'ai connaissance

  3   d'aucun règlement en matière de discipline au sein de l'UCK. Si quelqu'un a

  4   posé des problèmes, il en subissait les conséquences. Il y avait des

  5   règlements internes, ils étaient mis en œuvre au cas par cas." Il donne un

  6   exemple. Je n'entrerai pas dans les détails.

  7   Il s'agit d'une déclaration assez longue. Page 8, il est dit : "Je ne peux

  8   fournir aucune information à l'appui de la théorie selon laquelle l'UCK

  9   disposait d'un commandement et d'un système de contrôle en vigueur. Ceci

 10   n'était que partiel."

 11   Nous affirmons, par conséquent, que cette déclaration obtenue grâce

 12   aux efforts de l'Accusation et non pas de la Défense, a une importance

 13   considérable car cette personne a une expérience du terrain, c'est un

 14   officier [inaudible] et c'est important. Je vous renvoie, de nouveau, à la

 15   trame que nous vous avons présentée aujourd'hui, s'agissant des questions

 16   de compétence.

 17   Cette description que j'ai effectuée plus tôt sur la situation qui

 18   prévalait sur le terrain est examinée à la lumière de l'incapacité de

 19   l'Accusation à décrire les choses de façon cohérente elle-même, à la page

 20   3, paragraphe 8, sous la rubrique, "La manière dont l'Accusation présente

 21   les choses." J'ai simplement indiqué que la description faite par

 22   l'Accusation de l'UCK n'était qu'une indication. Ceci a été exposé dans le

 23   mémoire préalable au procès de l'Accusation où il est suggéré que l'UCK

 24   disposait "d'une structure bien organisée." Selon nous, c'est absurde de

 25   présenter les choses ainsi. Tout cela était minimisé lors de la déclaration


Page 7386

  1   liminaire de l'Accusation pour finir par refléter "une structure militaire

  2   rudimentaire." L'Accusation a exagéré cela, de nouveau, dans son mémoire en

  3   clôture, pour dire que l'UCK ressemblait à une armée pleinement organisée

  4   qui présentait la plupart des caractéristiques d'une armée parfaitement

  5   organisée. Plus récemment encore, l'Accusation a précisé qu'il ne

  6   s'agissait pas de dire que le niveau est équivalent à celui des forces de

  7   l'OTAN. Mais aucune des descriptions ne correspond à ce que je viens de

  8   lire, à savoir que la situation était chaotique, notamment, au début, alors

  9   que les personnes couraient à droite et à gauche pour essayer d'obtenir du

 10   soutien et pour essayer d'empêcher les Serbes de rentrer dans leurs

 11   villages.

 12   Mais il y a une autre question que nous présentons au paragraphe

 13   suivant, à savoir, quand ce conflit armé aurait-il commencé ? Car on ne

 14   s'attend pas à donner un jour précis. Mais nous entrons ici dans un domaine

 15   très intéressant.

 16   Le point de départ dans l'acte d'accusation n'est pas plus tard qu'en

 17   1998 ou en 1998, au plus tard. Rien dans le mémoire préalable au procès ne

 18   fait mention de cela. Dans la déclaration liminaire, il est question du

 19   mois de mars ou d'avril. Philip Coo a parlé du milieu du mois de mai et

 20   rien n'apparaît dans le mémoire en clôture et rien n'a été évoqué, hier, à

 21   ce sujet, non plus; aujourd'hui, non plus. On ne sait pas quand cela a dû

 22   commencer et nous pensons que cela peut s'expliquer de la manière suivante

 23   : le conflit armé n'avait pas commencé à ce stade car s'il avait commencé

 24   et s'il était tellement manifeste qu'il existait véritablement un conflit

 25   armé en 1998, au plus tard, la question fondamentale qui doit se poser,


Page 7387

  1   lorsqu'on a à l'esprit la situation d'ensemble, dans un souci d'égalité, il

  2   convient de se poser la question suivante : pourquoi est-ce que l'acte

  3   d'accusation était bien à l'encontre de M. Milosevic dont j'ai cité une

  4   partie, qui parle longuement des événements survenus en 1998 ou au cours

  5   des années 1990 [comme interprété], alors que l'Accusation a eu la

  6   possibilité de dire qu'il existait un conflit armé qui couvrait sans aucun

  7   doute les crimes commis par le régime serbe en 1998. Pourquoi ne pas le

  8   faire ? Est-ce que c'est dans un souci pratique ? Là encore, il faut garder

  9   à l'esprit le tableau d'ensemble, avant de porter un jugement sur la

 10   situation en l'espèce.

 11   Si les choses ne sont pas appliquées de la même manière dans toutes

 12   les affaires jugées devant ce Tribunal en même temps, la question de la

 13   date et la question de l'acte d'accusation établi dans l'affaire Milosevic

 14   où des crimes bien plus graves que ceux allégués en l'espèce ont été

 15   mentionnés, si l'Accusation ne s'est pas intéressé à cela, nous pensons que

 16   les allégations portées en espèce ne doivent pas être retenues par la

 17   Chambre.

 18   Avant de laisser de côté cette trame, je ne veux pas m'attarder trop

 19   longtemps là-dessus. A la page 5, il y a une partie assez longue sur la

 20   pertinence des conclusions de l'organisation "Human Rights Watch" qui ont

 21   été invoquées par l'Accusation, que ce soit dans son mémoire en clôture que

 22   dans ses observations faites oralement.

 23   Deux ou trois autres organisations sont mentionnées dans cette trame

 24   et leurs conclusions ne font pas l'objet de rapports qui vous ont été

 25   présentés. Nous ne suggérons pas que tel aurait dû être le cas, mais nous


Page 7388

  1   souhaitons simplement dire qu'a priori, lorsque vous devrez déterminer la

  2   question de savoir s'il existait un conflit armé, vous ne devez pas

  3   accorder plus de poids à "Human Rights Watch" qu'aux diplomates américains

  4   qui ont qualifié l'UCK d'organisation terroriste. L'avis des membres du

  5   gouvernement serbe sur cette question n'est pas convaincant, mais c'est

  6   intéressent de noter que dans l'affaire Milosevic, lorsqu'il s'est agi de

  7   savoir s'il fallait s'attacher à cette question, la Chambre a décidé de

  8   continuer en ignorant les conclusions de "Human Rights Watch." Je ne vous

  9   demanderais pas de consacrer trop de temps à cette question. Je préférais

 10   que vous n'accordiez pas trop d'importance à ces paragraphes. Je pense que

 11   cela satisfera M. Whiting. Je ne souhaite pas m'attarder davantage sur

 12   cette trame. Il vous appartiendra de trancher cette question en temps

 13   utile.

 14   Mais s'agissant de la question du conflit armé pour laquelle selon

 15   nous, les conditions ne sont pas remplies pour que la compétence du

 16   Tribunal s'applique, je souhaiterais passer aux trois rubriques suivantes.

 17   La rubrique qui m'intéresse dont je parlerais à présent, sans vouloir

 18   répéter ce qui a été mentionné dans les mémoires en clôture, je pense qu'il

 19   est important de noter pour tout le monde qu'il convient de savoir quelle

 20   est la meilleure manière d'apprécier les éléments de nature à permettre une

 21   conclusion au-delà de tout doute raisonnable, si la Chambre devait conclure

 22   à la culpabilité des accusés. Nous pensons que les conditions ne sont pas

 23   remplies, mais je vais passer en revue les différentes catégories, de façon

 24   à voir quels sont les problèmes qui se posent à nous. Il y a des lacunes

 25   importantes dans ces éléments. Il est intéressant de noter que c'est


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  1   lorsqu'il y a des déficiences dans les déclarations, ce sont ces

  2   déclarations précisément qui sont invoquées par l'Accusation.

  3   Les catégories de documents ou de témoins qui sont examinés,

  4   concernent notamment les témoins, témoins qui ont été déclarés hostiles. Il

  5   y a eu des demandes présentées à cet égard. Elles ont été accueillies.

  6   Suite à cela, on a versé au dossier des déclarations qui présentaient des

  7   contradictions par rapport aux déclarations antérieures.

  8   J'y reviendrai. Nous avons certaines observations à formuler, à la

  9   lumière de l'objectif de ce Tribunal et de ses fonctions. Des critères très

 10   stricts doivent être appliqués non seulement en ce qui concerne le conflit

 11   armé mais également ce domaine particulier.

 12   En ce qui concerne les témoins hostiles - je viens d'en parler - pour

 13   la deuxième catégorie, cela ne concerne qu'une seule personne. Il s'agit de

 14   Luan. Tout le monde sait de qui je parle. Ce Luan appartient à une

 15   catégorie distincte en raison de sa position toute particulière qui pose

 16   des problèmes graves.

 17   Troisièmement, je souhaiterais parler des victimes; des rescapés. Il

 18   y en a un certain nombre; je vais en parler. Ce que l'Accusation a fait

 19   dans son mémoire en clôture dans nombres de ces cas, et en manquant d'être

 20   critique, c'est -- vous demandez d'accepter ces éléments qui émanent de

 21   différentes sources sans vous poser de questions. En "common law," il

 22   convient d'être très prudent. Il faut trouver des éléments de nature à

 23   corroborer les éléments présentés en cas de lacunes. Il est absurde de

 24   chercher à trouver des éléments de nature à corroborer cela ailleurs. Il

 25   faut d'abord savoir si on peut se fonder sur ces éléments. Si on peut se


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  1   fonder de façon fiable sur ces éléments, on peut alors examiner d'autres

  2   déclarations. Pour décider si le premier témoin est fiable, on ne peut pas

  3   examiner la déclaration d'un autre témoin, dire que l'autre a dit la même

  4   chose, et que par conséquent, le premier est fiable. Ceci est parfois au

  5   sein des juridictions internes mais rarement. Mais à ce niveau, il s'agit

  6   d'être prudent.

  7   En parlant de ces catégories de témoins hostiles, cela soulève une

  8   nouvelle problématique, c'est-à-dire que l'approche à ce témoin doit être

  9   assez importante. Ce que j'ai essayé de décrire ici, c'est

 10   qu'effectivement, le problème, le problème qui existe non seulement par

 11   rapport aux témoins hostiles mais à tous les témoins dans cette affaire,

 12   car ce que l'Accusation vous demande de faire essentiellement, est de dire,

 13   "d'accord, alors il y a peut-être des témoins qui ont menti. - J'abrège là.

 14   - Alors qu'il y a des témoins qui ont peut-être menti, oui d'accord.

 15   Néanmoins, vous avez tout à fait le droit d'accepter ou vous devriez

 16   accepter ces menteries ou peut-être même les rejeter, passer par-dessus sur

 17   la base d'autres choses qu'ils disent, car d'autres éléments de preuve que

 18   ces témoins vous ont dit peuvent être utiles afin de rendre une décision.

 19   En fait, c'est ce que l'Accusation vous propose.

 20   En réalité, ce thème, ce motif se répète assez souvent, car dans

 21   certains cas, certaines victimes -- certains témoins victimes, certains

 22   témoins rescapés, par exemple, ont menti, mais il y a d'autres, également,

 23   problèmes qui sont complètement confus et qui n'ont pas donné d'éléments

 24   très précis qui font vraiment horreur. Alors, lorsque vous avez une

 25   confusion sérieuse, importante, ou bien des mensonges, vous devriez vous


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  1   poser la question s'il est désirable, lorsque l'on est situé dans une arène

  2   internationale, sur la scène internationale, d'accepter des témoignages de

  3   ce type eu égard à la gravité et au contexte de la situation, et surtout

  4   lorsque l'on peut prononcer des peines d'emprisonnement d'une longueur

  5   assez importante puisque c'est comme si on parlait de personnes qui --

  6   Ou plutôt, je vous ai présenté les arguments que j'ai déjà fait. Nous

  7   l'avons déjà fait par écrit. Vous les avez. Vous avez déjà statué sur les

  8   arguments présentés dans notre mémoire en clôture par écrit. Ceci a

  9   certainement une incidence sur les témoins hostiles que j'ai évoqués comme

 10   faisant partie de la première catégorie. Donc, ce que vous avez dit

 11   concernant cette question au paragraphe 29, était d'abord que les éléments

 12   de vive voix demeurent les éléments les plus importants et qu'ils font

 13   partie de la norme. Nous sommes d'accord avec vous, bien sûr. Il n'y a

 14   absolument aucune raison d'avoir un tribunal de ce genre si, en réalité, en

 15   toute fin de compte, on ne s'appuyait pas sur les témoignages de vive voix.

 16   Bien sûr. Dans la deuxième partie du paragraphe, on dit : Le but de cette

 17   décision n'est pas de dire que les éléments de preuve fournis déjà

 18   préalablement par un témoin devraient être admis par un témoin, mais plutôt

 19   de voir un témoin qui vient témoigner de vive voix. Nous disons que

 20   l'Accusation fait soulever un risque que c'est ce qui se passe très, très

 21   souvent maintenant dans ces tribunaux. Nous disons qu'il s'agit peut-être

 22   d'une situation difficile, c'est-à-dire, de venir à faire face à

 23   l'Accusation et à un Tribunal. C'est dans des situations pareilles que le

 24   test de fiabilité des témoins peut vraiment être évalué comme dans une

 25   juridiction interne. C'est la raison pour laquelle la norme de tribunal


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  1   international doit être encore plus élevée.

  2   Ensuite, vous avez poursuivi au paragraphe 33, lorsque vous avez dit la

  3   raison pour laquelle on me demande d'évaluer l'approche générale des

  4   éléments de preuve, car effectivement, nos arguments sont les suivants : si

  5   vous décidez à quelque moment particulier qu'un témoin a vraiment menti sur

  6   des éléments sérieux, non pas seulement a menti sur des choses non

  7   importantes telle la couleur de ses chaussettes, s'il a menti sur des

  8   éléments qui ne sont pas pertinents, mais s'il y a plutôt menti sur des

  9   éléments très importants, pertinents, à ce moment-là, vous pouvez évaluer

 10   si vous pouvez dire : Bien, très bien. Nous allons nous fermer les yeux sur

 11   certains points, mais nous allons accepter d'autres éléments de preuve

 12   fournis par ce témoin. Vous devriez - tel que l'a fait l'Accusation, bien

 13   sûr, - vous voudriez savoir si ce que ce témoin a dit, par exemple, la

 14   structure du commandement, peut-être Fatmir Limaj se trouvait au centre

 15   d'une structure dans la zone de Pastrik ou ailleurs, à ce moment-là, nous

 16   disons, nous estimons, nous soutenons que ce sont là -- c'est cet écart-là

 17   qui, à ce moment-là, selon nous, ne peut pas être accommodé eu égard à la

 18   situation dans le sens où il faut être -- examiner les choses avec beaucoup

 19   plus de précision, c'est-à-dire que si vous décidez que ces témoins ont

 20   effectivement menti, à ce moment-là, vous ne pouvez pas dire : à ce moment-

 21   là, nous voulons, néanmoins, évaluer - lorsqu'on parle, bien sûr, de

 22   témoins hostiles, lorsqu'on parle des témoins incohérents - nous allons en

 23   tenir compte de ces déclarations.

 24   En fait, "c'est à la Chambre de déterminer quel poids doit être accordé, si

 25   un poids doit être donné à ces enregistrements vidéo." Je parle, bien sûr,


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  1   de ces deux témoins hostiles que je vais aborder sous peu. En fait, "c'est

  2   l'évaluation des éléments de preuve, de tous les éléments de preuve à la

  3   fin du procès." Vous avez dit, vous-même, dans cette décision, que c'est

  4   cela qui exigera le plus d'examen le plus précis par la Chambre. C'est

  5   justement cela, lorsque la Chambre se penchera et étudiera minutieusement

  6   les détails, que dans le cas des témoins hostiles, en réalité, vous devriez

  7   en toute fin de compte ne pas interchanger le témoignage présent quel qu'il

  8   soit, quelles que soient les intentions de l'Accusation de les changer ou

  9   de les remplacer par des éléments préalables. C'est cela qui doit prévaloir

 10   à la fin du procès. Si, en réalité, vous estimez que le témoin a menti, à

 11   ce moment-là, nous croyons que les mensonges sont tellement importants. Eu

 12   égard aux conditions dans lesquelles les déclarations précédentes au

 13   préalable avaient été faites, nous faisons valoir plus particulièrement

 14   lorsque Shukri Buja a donné une déclaration dans le contexte, par exemple,

 15   pour vous citer un exemple, et je vais passer à Behluli plus tard.

 16   Ce que vous devriez tenir en tête, c'est ce qui vous allez utiliser

 17   des déclarations préalables pour remplacer ce qui a été dit, supporter ce

 18   qui a été dit lors du témoignage de vive voix, vous devriez voir de quelle

 19   façon cette déclaration préalable a été prise, dans quelle circonstance la

 20   déclaration a été prise. L'une des observations les plus importantes ici,

 21   bien sûr, cela s'appliquera à la majorité de ces cas, c'est que lorsqu'une

 22   personne sait qu'une enquête quant aux crimes de guerre, et que c'est dans

 23   une zone dans laquelle la personne elle-même a exercé une autorité, que par

 24   ces mots qui se passent dans la tête de la personne en question, même s'ils

 25   ne sont pas convoqués à venir ici en tant que suspects, et même si aucune


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  1   charge n'a été portée contre eux, ils seront préoccupés par leur position,

  2   par les risques potentiels qu'ils courent s'ils viennent témoigner de vive

  3   voix. Bien sûr, cela s'applique clairement à Shukri Buja. En réalité, on

  4   lui a dit, lors de sa déclaration préalable, me manque son nom, a été

  5   évoqué. Donc, il le savait très bien. Il savait très bien qu'il ne

  6   s'agissait pas simplement d'une enquête qui enquête sur les crimes de

  7   guerre, mais que son nom a été évoqué. Il est tout à fait certain qu'on ne

  8   lui posera pas des questions car il n'a rien de pertinent à dire. Donc,

  9   lorsque l'on commence à faire le processus d'évaluation, il faut réfléchir

 10   sur ce que le témoin a à dire. Dans un entretien qui a été mené dans de

 11   telles circonstances dans lesquelles si le processus de décisions a déjà

 12   été fait et on a déjà décidé par avance que son témoignage n'est qu'une

 13   série de mensonges, à ce moment-là, si c'est le cas, il faut voir ce qu'il

 14   a été dit dans une déclaration préalable était peut-être la même chose; une

 15   série de mensonges. Peut-être qu'il a menti, mais pour des raisons

 16   différentes alors dans les déclarations préalables.

 17   Dans tous les cas, cela, bien sûr, donne lieu encore une fois à la

 18   question que nous avons, sur laquelle nous avons insisté dans notre

 19   mémoire, c'est qu'un système tel le "proofing", c'est le système de

 20   déclaration liminaire -- le récolement du témoin, il faut savoir de quelle

 21   façon les changements qui surviennent plus tard, pourquoi ces changements

 22   sont survenus. Comme vous le savez, dans de telles catégories, dans ce

 23   Tribunal, vous saurez que les conditions, les circonstances et les séances

 24   de récolement ne sont pas enregistrées, c'est-à-dire qu'il n'y a pas

 25   d'enregistrement vidéo de ce qui s'est réellement passé lors de la séance


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  1   de récolement. Dans ce cas-ci, lorsqu'il est venu - nous ne savons pas ce

  2   qui s'est réellement passé lorsqu'il est venu - et qu'il s'apprêtait à

  3   témoigner et à déposer sur cette question. Ce n'est pas la seule fois où le

  4   matériel est insuffisant. En d'autres mots, l'Accusation dit,

  5   qu'effectivement, il a dit la vérité dans la déclaration préalable, en

  6   essayant de maquiller et de dissimuler, et qu'il ait parlé de Fatmir Limaj

  7   à une reprise.

  8   En fait, ce que nous avons, c'est que la Défense est arrivée un jour

  9   avant qu'il ne vienne témoigner, et que c'était effectivement très court.

 10   Cela nous indique qu'il n'aurait pas été en position de dire que la

 11   structure de l'UCK telle qu'elle est décrite dans la déclaration préalable,

 12   est que Fatmir Limaj n'était pas son commandant. C'est tout ce qu'il a dit.

 13   C'est très intéressant, voyez-vous. Car cela ne nous dit pas grand-chose

 14   sur quelle est la raison pour laquelle il avait dit cela.

 15   Bien sûr, la lettre qui a été envoyée - vous avez vu la lettre, elle

 16   faisait partie des documents. Nous en avons parlé dans notre mémoire en

 17   clôture, que l'Accusation savait très bien, à cause de la séance de

 18   récolement qu'il n'allait pas dire ce qu'il avait déjà dit préalablement,

 19   ou tout du moins, il pensait qu'il ne dirait pas ce qu'il avait déjà dit

 20   préalablement. Ceci est très important, car cela nous mène au coeur du

 21   débat, Monsieur le Président, c'est-à-dire que, est-ce que nous sommes en

 22   train de glisser lentement vers une situation dans laquelle l'Accusation,

 23   essentiellement, rappellera des tous les témoins qui sont pertinents à

 24   leurs yeux, même si ce qu'ils sont sur le point de dire n'est pas la vérité

 25   selon eux. Puisque leur point de vue, c'est qu'il y avait une structure de


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  1   l'UCK, et que Fatmir Limaj se trouvait au centre de cette structure.

  2   Ce qu'ils ont dit plus tard dans la lettre du 14 mars de cette année,

  3   je cite : "C'était notre impression immédiate que ce qu'il a dit dans son

  4   entretien accordé au bureau du Procureur, qu'il n'allait pas redire ce

  5   qu'il a déjà dit dans cette entrevue, et qu'il allait changer ses propos

  6   lorsqu'il témoigne devant le Tribunal."

  7   Nous soumettons respectueusement, que ce qui se passe dans cette situation,

  8   est la chose suivante. D'abord, il devrait y avoir un enregistrement de ce

  9   qui s'est passé. L'Accusation a une idée très claire de ce à quoi ils

 10   veulent en venir. On ne peut pas dire que l'on peut croire un témoin qui a

 11   dit ou qui a fait plein d'erreurs dans une déclaration préalable. Mais ils

 12   savent très bien qu'ils allaient presque certainement devoir demander à ce

 13   que ce témoin soit reconsidéré comme un témoin hostile. C'est un exercice,

 14   c'est un exercice, et nous estimons que ce genre d'exercice ne devrait pas

 15   être permis, c'est-à-dire que si l'on appelle un témoin et que dans la plus

 16   part de juridiction, bien sûr, nous qui représentons les parties, nous

 17   savons que nous ne sommes pas censés appeler des témoins pour lesquels nous

 18   savons qu'ils ne diront pas la vérité, est-ce que cela va devenir

 19   maintenant la norme ici, et qu'une partie a le droit d'appeler un témoin

 20   pour lequel ils pensent qu'il ne dira pas la vérité plutôt de dire, et

 21   après, de dire aux Juges de la Chambre : Bien c'est à vous de réagir. C'est

 22   à vous de rejeter ce témoignage ou non.

 23   C'est la raison pour laquelle nous nous disons qu'il s'agit d'un exercice

 24   assez important, c'est-à-dire qu'ils n'auraient jamais dû appeler ces

 25   témoins. Vous n'auriez pas été privés de vérité si vous n'aviez pas entendu


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  1   ce témoin, car selon nous, il est tout à fait impossible de dire où est la

  2   vérité. Je suis vraiment désolé de vous dire que nous allons nous pencher

  3   sur son entretien dans quelques instants. Avant de ce faire, il y a une

  4   autre chose que je voudrais ajouter dans l'affaire de Buja. C'est

  5   important.

  6   Si la question -- d'abord je me reprends. Nous disons que vous ne devriez

  7   pas devoir décider si vous accueillez son témoignage ou non. Je crois que

  8   ce n'est pas un processus satisfaisant. Mais si vous allez commencer à

  9   examiner ce que le témoin avait dit préalablement, je souhaiterais vous

 10   rappeler, que ce qu'il avait dit il y a néanmoins avant, - bien sûr, encore

 11   une fois on le voit dans l'entretien qu'il y eu avec lui - le bureau du

 12   Procureur s'était déjà servi de ce témoin auparavant. Vous vous souviendrez

 13   que ce témoin était déjà venu témoigner dans l'affaire Milosevic en tant

 14   que témoin de l'Accusation pour parler non seulement des événements de

 15   1999. Car en réalité, c'est ce qu'il a dit dans sa déposition, car il a

 16   parlé de cette année-là. Il a dit dans sa déclaration, et il a élevé une

 17   objection dans cette affaire-ci. C'est qu'il avait dit que ce qui s'était

 18   passé à l'époque avec le bureau du Procureur est bien différent de ce qui

 19   s'est passé ici.

 20   Ces points-là, en 2001 - et encore une fois vous avez déjà entendu

 21   cet élément de preuve - il était présent pendant plusieurs jours. On lui a

 22   donné le compte rendu, ou plutôt l'enregistrement. Il aurait pu le voir, il

 23   l'a signé. Donc, le compte rendu d'audience, il l'a signé, ou plutôt il a

 24   fait une fait une déclaration, il l'a contresignée. Il s'imaginait que ce

 25   serait la même chose, comme vous le savez, mais cela n'a pas été fait. Il y


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  1   avait eu un enregistrement vidéo qui nous demande s'il aurait pu ouvrir le

  2   Cd ou non. Laissons cela de côté, ce qu'il aurait pu dire dans la

  3   déclaration qu'il aurait fournie au bureau du Procureur ou qu'il avait

  4   fournie au bureau du Procureur concernant l'affaire Milosevic. En effet, il

  5   parlait de son arrivée en 1998. Il parlait des personnes avec lesquelles

  6   ils étaient venus. Il parlait de la structure de commandement. Il évoque le

  7   nom de Fatmir Limaj effectivement, et ainsi de suite. Comme je l'ai déjà

  8   demandé dans le cadre du contre-interrogatoire, il était en mesure de nous

  9   énumérer cette zone avec les zones de responsabilité, les commandants de

 10   zone, et cetera, et cetera. Tout ceci avant même d'arriver en 1999. Je vais

 11   vous donner maintenant les numéros de page. Cela ne figure pas dans les

 12   pièces fournies mais le matériel oui.

 13   Ce qu'il a dit dans la déclaration Milosevic est tout à fait

 14   cohérente, correspond complètement avec ce qu'il dit maintenant dans cette

 15   affaire-ci concernant la structure de commandement ou le manque de

 16   structure de commandement concernant cette période en question, c'est-à-

 17   dire, l'année 1998.

 18   Donc, avant de décider que vous allez vous appuyer sur

 19   l'enregistrement vidéo, vous devriez vous rappeler qu'il avait, avant cela,

 20   fait une déclaration qui était cohérente, Qu'est-ce que vous faite ? Allez-

 21   vous choisir la déclaration qu'il a donnée dans l'affaire Milosevic ou non,

 22   ou est-ce que vous allez décider : Non, nous n'allons pas nous servir de

 23   cette déclaration-là, puisque, en réalité, il donnait des éléments de

 24   preuve pour une autre raison ? Donc, est-ce que la vérité doit être décidée

 25   sur la raison pour laquelle on vient témoigner ? Non, je crois que non. La


Page 7399

  1   décision de savoir si un témoin est fiable ou non, cette décision ne peut

  2   pas dépendre de ce genre de critère.

  3   Ce que je vous demanderais à cette étape-ci - et je crois que c'est

  4   un exercice quelque peu détaillé - mais eu égard au fait que l'Accusation

  5   vous a demandé de vous fier, nous soutenons qu'il ne faudrait pas vous

  6   appuyer sur une déclaration préalable. Je vous demanderais respectueusement

  7   d'examiner une certaine partie des mots, des propos qu'il a dits. Il y a

  8   certains éléments qui figurent dans le mémoire en clôture. Avec l'aide de

  9   l'Accusation, je vous demanderais d'examiner la pièce P160. Je souhaiterais

 10   que l'on aborde quelques pages qui se trouvent avant les pages dont j'ai

 11   fait référence, et qui se trouvent dans le mémoire en clôture. Je

 12   souhaiterais que vous examiniez la page 22, je vous prierais. Pourrait-on,

 13   je vous prie, placer la page 22 sur l'écran en se servant du logiciel

 14   Sanction.Maintenant en bas de la page - en bas de page, vous verrez, bien

 15   sûr, ceci juste une fois.

 16   Est-ce qu'on pourrait faire un agrandissement afin de pouvoir mieux

 17   lire en bas de la page. On pourrait lire : "Vous avez mentionné dans votre

 18   déclaration préalable." Je ne sais pas s'il est facile de lire. Pourriez-

 19   vous, je vous prie, essayer de zoomer cette partie.

 20   Effectivement, ici, on fait une référence sur la déclaration qu'il a

 21   fournie au Tribunal concernant l'affaire Milosevic. On lui a demandé : Est-

 22   ce que vous allez vous fier sur ce témoin, même si vous décidez

 23   qu'effectivement c'est ce que vous devez faire, c'est-à-dire, décider, si

 24   effectivement, il s'agit d'une base satisfaisante pour vous fier à ce

 25   témoin ? Nous verrons, qu'en réalité, on change. La signification n'est pas


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  1   tout à fait claire à tout moment. Il ne s'agit pas ici d'une situation en

  2   menant cet entretien. Je ne veux pas, bien sûr, sortir les éléments hors

  3   contexte. Je suis tout à fait certain que vous relirez le compte rendu

  4   d'audience de cette séquence vidéo.

  5   Il parle dans cette séquence vidéo du fait que Fatmir était le dirigeant

  6   d'une unité qui est entrée dans Kosovo. A l'époque, est-ce que des tâches

  7   particulières, des missions particulières lui ont été assignées. On parle

  8   de mission, de tâches particulières. Donc, DB l'enquêteur lui pose cette

  9   question, il répond :

 10   "SB : Non, non. Jusqu'à ce que nous arrivions à Drenica, il n'y avait pas

 11   de mission spécifique de confiée, c'est-à-dire, pour le groupe. Après, à

 12   notre arrivée à Drenica, Fatmir Limaj a été nommé à la tête de l'unité.

 13   C'est lui qui dirigeait l'unité." C'est ce qu'il dit à l'époque. Vous

 14   verrez plus tard ce qu'il veut vraiment dire, ou peut-être essayez de

 15   comprendre ce qu'il veut dire par là en haut de la page 23. Peut-on, je

 16   vous prie, zoomer sur la page 23, en haut de la page, faire un

 17   agrandissement de ce passage. 

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur Younis nous dit que cela prendra

 19   quelques minutes. Nous lui avons dit la page 22.

 20   M. MANSFIELD : [interprétation] Je suis vraiment désolé. Je crois avoir dit

 21   que je souhaitais examiner les deux pages 22 et 23.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous prie de nous accorder quelques

 23   instants pour trouver la page en question.

 24   M. MANSFIELD : [interprétation] Si c'est trop difficile, on peut laisser de

 25   côté pour l'instant cette citation.


Page 7401

  1   Je vous remercie.

  2   En haut de la page 23, nous pouvons lire : "C'est effectivement Fatmir

  3   Limaj qui se trouvait à la tête de l'unité jusqu'à ce nous n'arrivions à

  4   Klecka. J'ai toujours estimé qu'il était mon premier commandant, en

  5   l'occurrence.

  6   "Lorsque vous êtes arrivé à Drenica, est-ce que vous étiez encore

  7   ensemble en tant que groupe ?" Il répond par l'affirmative; il dit : "Oui."

  8   Un petit peu plus bas, il nous décrit ce que j'ai déjà décrit moi-même

  9   aujourd'hui, devant vous aujourd'hui. Il y a une interprétation de cet

 10   entretien. Nous disons que cela correspond tout à fait à la description que

 11   j'ai faite d'une organisation qui grandit de façon organique, qui était une

 12   organisation de protection.

 13   Plus tard, il dit : "Peut-être que Drenica, en fait dans les villages où

 14   nous avons vu les soldats de l'UCK, nous nous sommes éparpillés dans les

 15   maisons. Nous sommes restés là quelques jours. Par la suite, on nous a

 16   donné l'ordre de quitter, de nous organiser dans la zone telle qu'elle a

 17   été connue à l'époque." Ensuite, il nous a énuméré un certain nombre de

 18   toponymes.

 19   En bas de la page, on lui demande : "Qui a donné l'ordre, qui était

 20   la personne qui vous a donné l'ordre de vous rendre dans ces autres

 21   régions ?"

 22   En passant à la page suivante - je sais que c'est un peu difficile

 23   également, c'est-à-dire, s'il est difficile de trouver la page 24, nous

 24   pourrons laisser de côté ceci.

 25   Ce qu'il dit à la page 24, c'est : "Nous ne savions pas qui avait donné


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  1   l'ordre, mais effectivement, l'ordre nous avait été transmis par Hashim

  2   Thaqi."

  3   Ensuite, il y a une question et une réponse. Pour nous, cette question et

  4   cette réponse a une importance primordiale : "Est-ce que Hashim Thaqi vous

  5   a parlé du fait --" Très bien, je me trouve en haut de cette page.

  6   C'est très important de dire, parce que c'est quelque chose qui ressort

  7   très souvent dans ces entretiens. Nous savons très bien quelle était la

  8   question qui lui a été posée. Nous savons très bien là où veut en venir

  9   l'Accusation. Car nous pouvons voir - c'est assez subtil. "Hashim Thaqi

 10   vous a mentionné que Fatmir Limaj serait le commandant de cette unité,

 11   qu'il devait se rendre dans cette région."

 12   La réponse est non. On n'a pas ici oui. Il a dit : "Non." "En fait,

 13   nous pensions que Fatmir Limaj était la personne la plus compétente, car il

 14   connaissait très bien la géographie de ce terrain."

 15   Lorsque j'ai dit que je le comptais, j'estimais que c'était mon commandant,

 16   c'est parce que c'était la personne la plus compétente, c'est parce qu'il

 17   connaissait très bien le terrain. Est-ce que, Monsieur le Président, c'est

 18   effectivement ces propos-là qui peuvent nous indiquer le genre de structure

 19   et le genre de commandement que l'Accusation semble exiger, qui est

 20   important pour l'Accusation dans l'acte d'accusation ?

 21   Comme nous avons vu lors du témoignage du témoin expert dans le rapport, on

 22   a parlé de coordination. Le témoin expert, dans son rapport, nous parle

 23   d'une coordination. Ce n'est pas la même chose que d'avoir une structure de

 24   commandement, de la même façon que

 25   M. Churcher et les autres l'ont décrite.


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  1   "Alors que je devais assurer la coordination avec Fatmir. C'est ainsi

  2   que l'organisation fonctionne, car il n'y avait pas d'organisation depuis

  3   assez longtemps." Nous étions d'accord là-dessus. "En fait, je parle de

  4   l'organisation d'unités. L'information devait être emmenée à Fatmir,

  5   ensuite, c'est Fatmir qui la transmettait à l'état-major. Ensuite, eux nous

  6   disaient ce que nous devions faire."

  7   "Cette mission nous avait été assignée, c'est-à-dire que nous avait été

  8   confiée, c'est-à-dire que l'on a confié la tâche à Fatmir Limaj d'être le

  9   commandant de cette région. Est-ce que l'on vous a demandé de rester dans

 10   cette région ?" Ce n'est pas tout à fait ce qu'il a dit, mais ce n'est pas

 11   grave. "Pour l'instant, est-ce que vous deviez vous organiser ? Est-ce que

 12   vous deviez établir une base ? Est-ce que vous devriez vous y rendre là ?

 13   Est-ce que vous devriez vous organiser  dans la mesure du possible ?"

 14   "Fatmir Limaj devait aller à Klecka, dans le village de Klecka." On ne

 15   parle pas ici d'un commandement régional. "Alors que moi je l'ai informé."

 16   C'est Hashim qui le dit. Il a informé Hashim encore une fois. Il a informé

 17   Hashim, il a dit : "Que nous devrions aller dans le village." Puis, il

 18   parle du village, et cetera, et cetera.

 19   "Excusez-moi, est-ce que Hashim vous a affirmé que c'était vous qui deviez

 20   établir ou organiser les choses ?" En fait, lui il trouve que c'est

 21   inacceptable comme question.

 22   Buja a dit : "Non, non, c'est moi qui l'ai informé."

 23   Question : "Vous avez posé la question. A l'époque, nous étions en train de

 24   nous organiser à cet endroit-là, n'est-ce pas ?"  

 25   En haut de la page 25 : "A l'époque, ils ne pouvaient pas nous donner


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  1   l'ordre 'd'aller par ci, d'aller par là, d'aller ici et là,' car ils ne

  2   savaient pas où nous pouvions aller, mais nous avions décidé nous-mêmes où

  3   aller. Je savais où je devais aller. On avait décidé où je devais aller,

  4   dans quelle maison je devais aller pour être sûr afin de m'organiser."

  5   C'est justement ce dont on a parlé, donc cette croissance organique d'une

  6   force de protection.

  7   "Vous décidiez où n'est-ce pas ?"

  8   "Buja : "Oui, effectivement. Nous étions indépendants. Nous étions

  9   indépendants et nous devions établir dans quelle famille nous devions

 10   aller, car nous ne pouvions pas savoir, nous ne pouvions pas connaître

 11   plutôt toutes les familles." Par la suite, il parle sur cette même page de

 12   questions concernant ces faits.

 13   Je passerai à la page 26. La question qu'il pose est la question à la page

 14   26, reprend la question des missions que vous avez évoquées. Cela signifie

 15   que chaque personne a été détachée dans une région particulière donnée par

 16   Thaqi à Drenica.

 17   Ensuite, il répond : "En réalité, il n'y a pas eu de principes directeurs

 18   sous la forme d'ordres parce qu'il n'y avait pas... et on nous a dit où on

 19   devait se rendre car il n'y avait pas d'organisation. On allait là où on

 20   nous disait d'aller." Ensuite, il en fait un rapport qu'il remet à Fatmir

 21   sur cette page.

 22   Ensuite, il dit : "Lorsque je suis rentré au début, à Klecka, il n'y avait

 23   pas plus de trois soldats qui se sont arrêtés à un autre endroit."

 24   Un peu plus bas, en bas de la page, il dit : "Lorsque nous sommes arrivés à

 25   Klecka, nous n'étions que deux; moi-même --" et il donne le nom de


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  1   quelqu'un d'autre.

  2   Il s'agit de pages que je ne vais pas parcourir dans leur totalité, mais

  3   aboutissent aux passages qui sont contenus dans le mémoire de clôture où il

  4   insiste, encore une fois, sur ceci -- puis-je avoir la page 32, s'il vous

  5   plaît.

  6   Sur cette page 32, il parle de l'absence d'un QG des unités de quelques 10

  7   soldats et il répète qu'au sens organisationnel du terme, il n'y avait pas

  8   de QG. "Cela s'appelait un QG, mais cela ne fonctionnait pas comme un QG.

  9   Les gens venaient s'enregistrer pour devenir membres de l'UCK." Il s'agit

 10   de quelque chose de complètement différent et qui diffère pour beaucoup de

 11   la description que cherche à donner l'Accusation.

 12   Ceci se rapproche beaucoup de la position que nous trouvons à la page

 13   suivante où la pression est exercée sur lui pour qu'il parle d'une

 14   structure -- en réalité, c'est une question qu'on lui suggère et qui est le

 15   fondement même de la thèse de l'Accusation, à la

 16   page 34 en haut -- c'est la poursuite de ce qui est écrit à la

 17   page 33 et à la page 34, en haut. La personne qui pose les questions

 18   souhaite connaître comment la -- comment creuser les tranchées, comment

 19   étaient organisés ces travaux, à savoir si, oui ou non, il y avait des

 20   combats. Je souhaite insister sur ceci : "A quel moment y a-t-il eu une

 21   forme de structure dans cette région ? J'entends en avril 1998. Il y avait

 22   des réunions hebdomadaires à Klecka." Celui qui pose la question, pour

 23   autant que je sache. Il ne s'agit pas -- il y avait -- nous disons qu'il y

 24   avait. "Avez-vous pris part à ces réunions ? Avez-vous assisté à ces

 25   réunions hebdomadaires ?"


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  1   Réponse : oui. La réponse n'est pas oui parce qu'il est censé assurer la

  2   coordination avec Fatmir. La réponse est : "Non, car je ne faisais pas

  3   partie du commandement de Klecka. Il y avait certaines occasions spéciales,

  4   j'ai assisté à cela." Il insiste sur une réunion auquel il a participé au

  5   mois de mai. Il y a des erreurs de traduction quelquefois et en bas de la

  6   page, en même temps : "Lorsque j'étais dans la région de Kroimire,

  7   j'apportais mon aide. A ce moment-là, vous ne pouviez pas -- nous n'avions

  8   pas de compagnies à proprement parler, des bataillons ou des postes. Je les

  9   aidais à surveiller des positions, des tranchées, des bunkers et autres

 10   choses. J'avais l'appui de Fatmir ou l'état-major général."

 11   Nous arrivons à un passage qui est tout à fait particulier, étant donné que

 12   l'Accusation affirme que vous pouvez vous appuyer là-dessus. "Je pensais

 13   que Fatmir était un membre de l'état-major général et tout le monde pensait

 14   que j'étais, moi-même, aussi membre de l'état-major général." On peut voir

 15   d'emblée que les conditions dans lesquelles ils opéraient à l'époque et les

 16   conditions qui sont celles qui sont décrites dans cet entretien, qu'il se

 17   trompe indubitablement sur sa manière de percevoir la situation. A un

 18   moment donné, au cours de l'interrogatoire, du contre-interrogatoire et de

 19   l'interrogatoire principal, j'ai soulevé une objection quant à la question

 20   qui avait été posée, à savoir que cela n'était pas très clair, on ne savait

 21   pas sur quoi il se fondait pour dire qu'il avait obtenu ou recueilli cette

 22   information.

 23   La page 36 -- à maintes et maintes reprises et ceci figure dans le mémoire

 24   en clôture, l'enquêteur repose toujours la même question sur la structure

 25   élémentaire et le schéma qui est dessiné est un non sens, d'après nous.


Page 7407

  1   Autrement dit, Celiku se trouve placé à un rang plus bas que l'état-major

  2   général.

  3   Je vais poser une question d'ordre rhétorique. Si tout ceci a un sens,

  4   pourquoi au moment où les zones ont été définis au mois de juin, juillet et

  5   ce jusqu'à l'automne, autrement dit, si Fatmir avait, comme cela est décrit

  6   ou en tout cas insinué dans ce schéma, s'il avait une position de

  7   commandement à Klecka sur l'ensemble de la région, pourquoi à ce moment-là

  8   ne l'a-t-on pas nommé commandant de zone, ce qui serait évidemment logique,

  9   en tout cas, à ce moment-là. Le schéma et la structure qui sont données ici

 10   -- sur ce schéma, sont  représentées deux zones, celle de Nerodimlje, à

 11   droite et la zone de Pastrik, à gauche. Ce qui, d'après nous, ne correspond

 12   pas à la réalité de la situation. C'est erroné de représenter Limaj au

 13   centre de ce schéma.

 14   Ces schémas et les réponses qu'il a donnés au cours de cet entretien, c'est

 15   un entretien assez long - je ne vais pas parcourir l'ensemble de cet

 16   entretien; j'ai simplement mis en exergue certains points - il est clair

 17   qu'il se trompe. Il se trompe sur sa perception de la situation, mais il

 18   faut véritablement se poser la question de savoir si la description qu'il

 19   donne concorde avec la description de Fatmir Limaj et correspond aux

 20   descriptions ou aux instructions que donnent Fatmir Limaj aux gens qui

 21   doivent se rendre dans certaines régions, les régions qu'ils connaissent le

 22   mieux, à savoir que ceci est mis en place pour mettre les gens dans les

 23   régions qu'ils connaissent le mieux, demandant aux gens auxquels il peut

 24   faire confiance. Vous vous souviendrez qu'il s'agit d'un exercice qui

 25   consiste à faire en sorte qu'un homme était responsable de son voisin. En


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  1   d'autres termes, il s'agissait de regrouper les personnes dans lesquelles

  2   on avait confiance. C'est ainsi que cela a été organisé, de façon

  3   horizontale et non pas verticalement, comme ceci a été indiqué.

  4   Ce que nous disons, évidemment, c'est qu'en principe, on peut laisser ceci

  5   de côté parce qu'effectivement, on va le considérer comme quelqu'un qui

  6   raconte toute une série de mensonges et aussi aux termes de respect des

  7   contradictoires et des garanties que cela apporte, certaines mesures qui

  8   sont prises devant les tribunaux civils. Toute cette question est régie par

  9   le principe même du respect des contradictoires, du début à la fin. Cela

 10   repose ou reste entre les mains des parties. Ceci n'est pas clair. On ne

 11   sait pas quels types de pressions ont été exercés; quoi qu'il en soit, pour

 12   revenir à la déclaration originale de Milosevic, j'entends par là la

 13   déclaration qui a été présentée dans l'affaire Milosevic.

 14   Dans le même temps, je souhaite parler de témoins hostiles. J'espère ne pas

 15   aborder cette question avec autant de détails, mais quelques réponses

 16   intéressantes qui semblent indiquer que ceci n'a pas de sens, non plus.

 17   Ce témoin en particulier, Behluli, est décrit dans les derniers arguments

 18   de l'Accusation comme étant quelqu'un qui fait très attention sur tout ce

 19   qu'il dit. Encore une fois, si vous regardez ce témoin, vous verrez que

 20   ceci est loin d'être le cas. J'ai indiqué que cela fait partie de la

 21   structure de l'UCK, et montre le schéma proposé, présenté lors du dernier

 22   entretien avec Buja. Ceci n'a aucun sens. Il s'agit d'éléments qui n'ont

 23   aucun sens et cet enregistrement vidéo de Behluli et sa déclaration

 24   préalable. Tout ceci n'a pas de sens.

 25   Encore une fois, avec votre aide, page 19.


Page 7409

  1   Page 19 à l'écran, s'il vous plaît. Je veux faire le même exercice et

  2   si vous entendez tout ce qui est dit, tout ceci n'a pas de sens.

  3   Le mot commence par le terme "Bataillon." Je vais lire le bas de la page

  4   précédente. Voilà ce qu'il dit : "Au début, à cause du nombre limité, les

  5   bataillons en tant que tels n'existaient pas. L'approvisionnement en armes

  6   se développait et au mois d'avril 1998, il y avait un bataillon à Kroimire,

  7   à ce moment-là, en 1998.

  8   L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous ralentir, s'il vous plaît, quand vous lisez ?

  9   Merci.

 10   M. MANSFIELD : [interprétation] En 1998, à Klecka, il y avait un QG, mais

 11   au fil du temps, il y a différentes positions de l'UCK qui avaient été

 12   mises en place et le nombre de l'UCK a gonflé et ces postes de combat se

 13   sont développés, également. Ces différentes antennes se sont développées,

 14   ce qui paraissait logique. Ensuite, il est question de traduction.

 15   Ensuite, l'enquêteur dit : très bien, commençons par : 

 16   "Au mois d'avril-mai 1998, cette région de Kroimire était placée sous

 17   la responsabilité de qui ?

 18   Je crois que ce qu'il tentait de dire, c'est cela, qui était responsable de

 19   Kroimire. Il répond : la zone de Pastrik et il dit, ensuite, ce que cela

 20   couvre. Un peu plus bas sur la même page, il

 21   dit :

 22   "Cela n'était pas de notoriété publique; on ne savait pas que l'opération,

 23   la zone opérationnelle de Pastrik existait en tant que telle, mais en

 24   réalité, au mois d'avril et au mois de mai 1998, cette zone n'existait pas.

 25   Mais ensuite, tout un chacun savait ce que Kroimire était censé couvrir.


Page 7410

  1   C'est quelqu'un un peu plus haut placé, loin de Shukri qui était au courant

  2   de cela et peut-être que les journaux ont mentionné la zone opérationnelle

  3   de Pastrik, mais à partir du moment où ce terme existe zone opérationnelle

  4   de Pastrik, c'est à ce moment-là que j'en ai pris connaissance."

  5   La question est de savoir s'il a pris connaissance de cette zone ou non et

  6   ce qu'il a appris à ce moment-là. Il parle de protection sur cette page-là.

  7   Ensuite, si vous voulez bien passer à la page 21. Il parle de la zone

  8   de responsabilité de Pastrik, il dit, je ne suis pas tout à fait certain --

  9   nous sommes en haut de la page : "Shukri Buja doit être l'homme le plus

 10   important à cet égard. Je sais que nous avons coopéré avec eux".

 11   "Bien. Où se trouvait le QG pour l'ensemble de la région ? Nous pouvons,

 12   maintenant, l'appeler zone opérationnelle de Pastrik".

 13   Lui, à savoir le témoin dit : "Vous voulez parler de 1998 ?"

 14   "Oui, toujours. Le printemps de 1998."

 15   Il dit : "L'état-major général se trouvait à Klecka."

 16   "Q.  A Klecka ?

 17   "Oui, à Klecka. Fatmir Limaj était là, était le commandant de cette zone."

 18   Cela n'a aucun sens, comme vous le savez. Il n'était pas le

 19   commandant de la zone de Pastrik qui n'existait pas à ce moment-là, de

 20   toute façon. Il n'y avait pas un quartier général à Klecka qui couvrait

 21   l'ensemble de la région. Lui, autrement dit, Limaj, était à Klecka, comme

 22   vous le savez. Vous comprendrez que c'est ce que l'Accusation, évidemment,

 23   souhaite voir conclure.

 24   "Le QG se trouvait à Klecka." D'accord, très bien. Il répète : "Fatmir

 25   Limaj était le commandant de la zone."


Page 7411

  1   Fatmir Limaj, non seulement n'était pas membre de l'état-major général qui

  2   est une des questions que nous avons déjà abordées, mais il n'était même

  3   pas le commandant de la zone.

  4   "Alors, était-ce déjà au moment où vous avez rejoint les rangs aux mois

  5   d'avril et au mois de mai que s'il était au QG de Klecka ?"

  6   Il a répondu en disant : "Non."

  7   "Bien. Alors, quand avez-vous appris et parlé de cette organisation

  8   générale de l'UCK, plus grande, plus importante et cetera, organisation

  9   générale dans cette zone."

 10   Il parle, ensuite, du fait qu'il en a pris connaissance par la suite. Au

 11   bas de la page, il y a ce qui concerne l'organisation : "Je l'ai entendu

 12   plus tard, j'ai entendu plus tard que l'état-major général se trouvait à

 13   Klecka"

 14   Page 22 et je terminerai avec cela. Il lui répète la même chose et il dit

 15   qu'il y a des erreurs, mais si vous allez vous fonder sur ces propos pour

 16   déterminer ce qu'il en était de la structure de commandement et du conflit

 17   armé, et cetera.

 18   Je vous signale qu'au bas de la page 22, après avoir parlé de

 19   l'augmentation des effectifs, on lui demande : "Est-ce que vous aviez la

 20   moindre idée, à l'époque, qui se trouvait à la tête du commandement de

 21   l'UCK, au Kosovo ?

 22   Il dit : "Oui. Pour ce qui est de la zone de Pastrik, je savais très

 23   bien que c'était Fatmir Limaj qui en était le commandant."

 24   Je m'arrête quelques instants. Soyons réalistes. Que dit

 25   l'Accusation ? Vous pouvez vous fonder sur cet entretien, mais pas sur


Page 7412

  1   cela. Ceci n'était pas précis. Il se trompe. Là encore, nous affirmons que

  2   même à ce niveau-là, l'Accusation ne prend que ce qu'elle veut.

  3   Nous faisons valoir que dans ces deux cas, non seulement ces témoins

  4   sont considérés comme hostiles et que par conséquent, les déclarations

  5   contradictoires précédentes ne doivent avoir aucun impact sur la

  6   déclaration finale. En plus, nous commençons à nous rendre compte des

  7   divergences et des erreurs manifestes qui ont été commises.

  8   Autre exemple - je m'éloigne du sujet des témoins hostiles, un sujet

  9   que j'aborderai très brièvement - c'est la question de Luan. Il s'agit de

 10   décider de ce qu'on va retenir et de ce qu'on va laisser de côté. Voilà un

 11   exemple classique. Dans ce cas précis, l'individu en question a été accusé

 12   par six témoins différents. Je n'en donnerai pas le nom, ils figurent dans

 13   notre mémoire. L'un d'entre eux est le témoin L-96. Il s'agit d'un témoin

 14   particulièrement important en ce qui concerne les observations faites au

 15   sujet de Fatmir Limaj. En résumé, nous en parlons dans notre mémoire en

 16   clôture, nous parlons de Luan. Si ces témoins disent la vérité au sujet de

 17   Luan, c'est lui qui a les clés, c'est lui qui, selon eux, a joué un rôle

 18   clé dans l'enlèvement de certaines personnes et des interrogatoires menés

 19   sur ces personnes avant qu'elles ne soient amenées de Kroimire, sa zone,

 20   vers Lapusnik.

 21   Quelle est la position de l'Accusation sur ce point ? On aurait pu

 22   penser que l'Accusation aurait pu élaborer sur cette question avant de

 23   citer à comparaître ce témoin. Dans une situation telle que celle-ci, on

 24   peut s'attendre qu'il s'agirait d'un témoin hostile. Son statut aurait dû

 25   être déterminé de façon à ce que lorsqu'il comparaîtrait, tout le monde


Page 7413

  1   saurait quel serait son statut. Comme vous le savez, dans certaines

  2   juridictions internes, il peut arriver que quelqu'un conclue un accord dans

  3   les juridictions de common law. Mais les choses sont claires : si vous

  4   venez nous aider et si vous assumez vos responsabilités, il est possible

  5   que la peine qui vous sera infligée ne sera pas aussi lourde ou que vous

  6   bénéficierez d'autres privilèges.

  7   Ce que fait ici l'Accusation, là encore, c'est de dire non, non, non.

  8   C'est à vous de trancher cette question. Car il est important de souligner

  9   que lorsqu'on lui a demandé, dans le cadre de sa déposition, de parler de

 10   ces questions, de ces allégations, il les a démenties lors de

 11   l'interrogatoire principal. Alors, qu'a fait l'Accusation ? Est-ce qu'on a

 12   demandé de le considérer comme hostile car il a menti ? Non. Ce n'est pas

 13   quelqu'un qui a une importance secondaire. Il a joué un rôle central. Il a

 14   joué un rôle-clé pour ce qui est des allégations portées à l'encontre de

 15   Fatmir Limaj.

 16   Non, car il n'y a pas d'autre interprétation possible. Ce qui s'est

 17   passé, c'est que l'Accusation n'a fait que dire : oui, peut-être, on lui a

 18   reproché ces choses, mais ignorez-les, lorsqu'il s'agit de sa propre

 19   participation. Mais fondez-vous sur ce qu'il dit à propos d'autres

 20   personnes. Je pense que dans la vie quotidienne, vous auriez des doutes, si

 21   vous saviez qu'une personne vous mentait au sujet d'elle-même pour se

 22   protéger, est-ce que vous feriez confiance à cette personne lorsqu'elle

 23   parle de vous, d'autres personnes, vos voisins ou autres ? Non, je ne pense

 24   pas.

 25   L'Accusation semble accepter son démenti, elle ne le conteste pas. Il


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  1   n'y a aucune sanction contre cet homme. Il n'est pas poursuivi. Pourquoi

  2   pas ? Parce que ce n'est pas pratique. D'après nous, ce Tribunal ne doit

  3   pas considérer ce genre de questions. Il ne s'agit pas de voir les choses

  4   au plan pratique. Selon nous, lorsqu'on décide que quelqu'un ment dans ce

  5   prétoire, comme un témoin hostile, inutile d'aller plus loin, inutile de se

  6   pencher sur ce que cette personne a dit au sujet de la structure de

  7   commandement, au sujet de Fatmir Limaj car là encore, l'Accusation affirme

  8   : il n'a rejeté le blâme sur personne d'autre.

  9   En réalité, pour ce qui est de ce témoin, comme pour d'autres témoins, il

 10   ne s'est pas rendu compte qu'il serait peut-être poursuivi lorsqu'on l'a

 11   interrogé ? Il ne s'est pas rendu compte qu'il pourrait y avoir des

 12   problèmes par la suite ? Il ne s'est pas rendu compte qu'il serait peut-

 13   être important de rejeter le blâme sur quelqu'un d'autre ayant exercé une

 14   certaine autorité de façon à le dégager de tout problème ? Vous pouvez vous

 15   rendre compte par vous-mêmes qu'il ne faut pas se fonder exagérément sur ce

 16   témoin pour corroborer les propos de deux autres témoins hostiles et

 17   inversement.

 18   A présent, aborder la troisième catégorie d'éléments de preuve

 19   utilisés par l'Accusation. Je commencerai par L-64. Pourquoi l'Accusation

 20   a-t-elle cité à comparaître L-64 ? Il relève presque de la même catégorie

 21   de témoin rejeté par l'Accusation, mais tel n'a pas été le cas. Il n'y a

 22   pas de témoin plus malhonnête que celui-ci.

 23   Vous vous souviendrez sans doute que j'ai procédé au contre-interrogatoire

 24   de L-64 pendant assez longtemps, ce témoin a participé à quasiment toutes

 25   les activités criminelles possibles d'une manière ou d'une autre, a-t-il


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  1   dit la vérité au sujet de la présente espèce ?

  2   Je citerai quelques exemples. Vous vous souviendrez sans doute des moments-

  3   clés; il a utilisé des drogues; il a participé au trafic de drogues; on a

  4   retrouvé un certain nombre de choses chez lui. Peut-on considérer que cet

  5   homme dit la vérité ? On a trouvé de l'héroïne chez lui. Qu'a-t-il dit pour

  6   expliquer cela ? Non, c'était de l'engrais. Il dirait n'importe quoi pour

  7   se sortir d'une situation qu'il juge problématique.

  8   Il a été convoqué en tant que suspect pour être interrogé. Il était très

  9   vigilant, à ce stade, les risques qu'il encourait, étant donné que, comme

 10   vous le savez bien, sa famille était impliquée pour ce qui est des

 11   activités liées à la drogue et il y a même eu des allégations d'actes de

 12   violence à l'égard d'un membre de sa famille.

 13   Si vous avez besoin d'éléments de nature à corroborer d'autres

 14   éléments, si vous cherchez à lui faire confiance et si vous envisagez de

 15   considérer qu'il dit la vérité. Je vous renvoie à son journal. Son journal

 16   qui porte la cote P169. Ce journal a été mentionné à huit reprises dans le

 17   mémoire en clôture de l'Accusation. C'est très intéressant car si on

 18   utilise le journal pour étayer les allégations de ce témoin, à quoi

 19   pourrait-on s'attendre dans ce qui est mentionné dans le journal à propos

 20   des événements survenus en 1998 et auquel il est censé avoir participé ?

 21   Camp de détention à Lapusnik. Il n'a pas d'explications à fournir au sujet

 22   de certaines omissions. Pour ce qui est de Fatmir Limaj, l'omission la plus

 23   frappante qui touche aux allégations qui figurent au cœur de la cause de

 24   l'Accusation contre Fatmir Limaj est le fait que le 15 mai, Fatmir Limaj

 25   qui se trouvait à une cérémonie à Lapusnik, le fait qu'il ait assisté à


Page 7416

  1   cette cérémonie à Lapusnik révèle qu'il était responsable de la région.

  2   Si vous examinez ce journal, je ne le ferais pas en détail

  3   maintenant, mais je vous renvoie à ce qui est dit à propos du mois de mai.

  4   Le 12 mai. Le 14 mai. Le 21 mai. Le 29 mai. Il n'est nulle part fait

  5   mention du fait que Fatmir Limaj serait venu à Lapusnik en disant : c'est

  6   moi qui suis responsable.

  7   Là encore, si on se penche sur ce document en ignorant la déclaration

  8   de (expurgée) pour déterminer où se trouve la vérité dans cette affaire, il

  9   est difficile de dire, en vue de ce journal, ce qu'il a fait ou ce qu'il

 10   n'a pas fait. En page 17 de ce journal, il a été réticent à le reconnaître,

 11   je vous renvoie à ce passage. Il reconnaît avoir frappé violemment deux

 12   prisonniers dans un bunker. D'après vous, est-ce que ce genre de personne

 13   est susceptible de dire la vérité ? Il parle peu de Fatmir Limaj, mais ce

 14   qu'il dit à propos de son poste de commandement n'est pas satisfaisant.

 15   Je regarde l'heure. Est-ce que vous pensez qu'il vaudrait mieux que

 16   je fasse la pause ?

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que le moment serait tout à

 18   fait opportun pour faire une pause.

 19   M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il faudra expurger ce nom

 21   en cinq ou six fois.

 22   M. MANSFIELD : [interprétation] [sans micro]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Par conséquent, la pause devra durer

 24   une demi-heure pour que le compte rendu d'audience soit nettoyé. Nous

 25   reprendrons à 18 heures.


Page 7417

  1   --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.

  2   --- L'audience est reprise à 18 heures 02.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur Mansfield.

  4   M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, je viens d'en

  5   terminer avec la catégorie que j'ai appelé les rescapés, les victimes

  6   rescapées, j'ai parlé du témoin L-64. Mais il y a également six autres

  7   personnes. Je vais me référer à eux comme un groupe, je vais, néanmoins,

  8   désigner certaines personnes de ce groupe.

  9   Le premier de ce groupe dont je vais vous parler, c'est L-23, Ivan Bakrac

 10   et son père. D'abord, dans notre mémoire en clôture, nous avons expliqué

 11   que concernant ce groupe et ce qui a été remarquable hier, c'est que

 12   l'Accusation adhère encore à cette identification qui est tout à fait

 13   incroyable, cette identification alléguée, n'est-ce pas ? Je souhaiterais

 14   me pencher un peu plus longuement là-dessus car vous voyez, c'est un

 15   exemple parfait qui démontre de quelle façon on peut tailler, on peut

 16   découper, former une personne, de dire exactement ce qu'elles veulent.

 17   L'Accusation, je crois, a complètement omis de voir le point crucial.

 18   Ce qui est arrivé c'est que lorsqu'il est arrivé ici, devant vous et encore

 19   une fois, je souhaiterais parler de cette procédure qui, selon nous --

 20   cette procédure de récolement de témoins, selon nous, n'est pas une

 21   procédure qui devrait être acceptée au sens propre de ce tribunal. Il a dit

 22   que la personne qui l'avait identifié comme étant le tribunal du camp car,

 23   bien sûr, cela ne veut pas dire que cette personne n'était pas

 24   nécessairement le commandant d'une autre région, mais il a tout du moins

 25   décrit qu'il a reconnu cette personne sur Internet.


Page 7418

  1   Maintenant, la question qu'on doit se poser car, bien sûr, nous ne savons

  2   pas si c'était au cours de la séance de récolement que cela lui a été

  3   montré car la session n'a pas été prise en vidéo. La première question que

  4   vous devez vous poser en tant que Juge du Tribunal est de savoir si vous

  5   aviez identifié Fatmir Limaj sur Internet, sur une photo qui apparaît sur

  6   un site Internet et mettons une [inaudible] de côté le moment où cela est

  7   arrivé car l'Accusation a accepté de dire qu'il y a une certaine confusion

  8   quant à la date à laquelle cela a été fait, soit en 1998 ou comme Ivan lui-

  9   même le dit, en 1999. Il y a vraiment une différence, il y a un écart entre

 10   le moment où il a identifié car lui, Ivan, dit que cela a été fait en 1999

 11   parce que c'est l'année à laquelle ils ont eu un ordinateur. Mais je ne

 12   vais pas maintenant m'attarder plus longuement sur le moment où il l'a vu

 13   précisément.

 14   Mais si, effectivement, en 1998, que ce soit en 1998 ou 1999, il aurait

 15   reconnu cette personne sur Internet, la question à se poser est la suivante

 16   : mais pourquoi est-ce que cela lui a pris jusqu'en 2005 de le mentionner ?

 17   Il n'y a, bien sûr, pas de réponse à cela. Il n'y a aucune explication

 18   qu'on peut donner car c'est encore pire que ce que je viens dire. C'est

 19   encore pire que de ne pas simplement le mentionner avant de venir ici, en

 20   2005 et de ne pas avoir une explication concrète pour dire, pour nous

 21   expliquer pourquoi il ne l'a pas mentionné avant de venir ici.

 22   Mais il a rencontré les enquêteurs le 10 et le 11 janvier 2003. Il savait

 23   très bien, à l'époque, que c'est cela qu'il recherchait. Il savait quel

 24   était l'objet de leur visite. Il savait quel était l'objet de l'enquête.

 25   Pour ce qui le concerne, il a voulu identifier la personne la plus


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  1   importante qui, selon lui, était la personne, la responsable du camp.

  2   Pourquoi ne l'a-t-il pas dit à l'époque ? Pourquoi il n'a pas dit : oui, je

  3   peux vous le dire, voilà c'est sur Internet, je viens de voir la personne.

  4   C'est la chose tout à fait logique de faire à ce moment-là.

  5   Mais lorsqu'il vous a répondu et lorsque l'Accusation lui a posé la

  6   question, à savoir, pourquoi n'a-t-il pas dit cela aux enquêteurs en 2003,

  7   c'est qu'il n'avait pas d'explication. Il nous dit qu'il ne croyait pas que

  8   cela était important, mais cela n'a aucun sens, c'est tout à fait

  9   illogique, comme nous pouvons le remarquer, nous pouvons le comprendre ici.

 10   C'est le thème qui est un thème leitmotiv, si vous voulez, du groupe

 11   des six rescapés, ces victimes rescapées et l'Accusation a tenté d'établir

 12   des liens entre eux et Fatmir Limaj, mais à savoir, est-ce que c'est Fatmir

 13   Limaj, tel que vous le connaissez de par les éléments de preuve qui ont été

 14   démontrés, il était à la télévision très souvent, c'était un personnage

 15   connu du public. D'accord, je concède qu'il n'était pas tellement connu en

 16   1998 et 1999, en 2000, 2001 et 2002, mais plus tard, certainement.

 17   Ce qui est arrivé ici, je vais vraiment insister là-dessus, je vais vous

 18   dire ce qui est arrivé. C'est qu'il a identifié un uniforme, notre témoin

 19   n'a pas identifié la personne, mais l'uniforme et la raison pour laquelle

 20   je dis cela, c'est que l'Accusation a carrément oublié ce qu'il leur a dit.

 21   Il a dit que l'homme qui était le commandant du corps, il a donné une

 22   description de cet homme.

 23   Je vais, d'ailleurs, vous donner la référence au compte rendu d'audience.

 24   C'est T1430. Lorsqu'on a lui a demandé de vous décrire la personne qu'il

 25   décrit comme commandant, on lui demande la question suivante :


Page 7420

  1   "Est-ce que vous pourriez décrire ses cheveux ?"

  2     "Oui. Il avait des cheveux plutôt longs avec un peu de cheveux gris."

  3   Voilà la question clé, encore une fois concernant la référence T1430,

  4   question : "Est-ce qu'il avait une barbe, est-ce qu'il portait une

  5   moustache ?" Vous saurez qu'il n'a pas dit cela. Il a dit qu'il a vu le

  6   commandant et qu'il n'avait pas de barbe. Donc

  7   "Portait-il une barbe ?"

  8   "Non. Il était rasé de près." Il avait déjà donné une description, lors de

  9   son entretien, en 2003.

 10   Ce qui s'est passé ici, c'est que s'il a raison, s'il dit la vérité, il

 11   avait déjà vu la photo sur Internet. Lorsqu'on lui montre la planche

 12   photographique sur laquelle apparaît l'effigie de Fatmir Limaj sans barbe

 13   et qu'apparemment, la personne qu'il a vue au camp n'avait pas de barbe,

 14   comment à ce moment-là, s'explique cette confusion, pourquoi cette

 15   confusion, puisque la personne sur Internet a une barbe ?

 16   Ce que l'Accusation dit ici, ce qu'elle prétend n'est absolument pas fondé.

 17   En d'autres mots, il ne s'agit pas d'un témoin qui a vu quelqu'un avec une

 18   barbe, mais lorsqu'on lui montre des photographies de la même personne sans

 19   la barde, il est incapable de l'identifier car cela s'est répété à trois

 20   reprises.

 21   Le commandant rasé de près car il l'a dit dans son témoignage qu'il

 22   portait un uniforme de camouflage, bien sûr, très visible dans la séquence

 23   vidéo qui est sur Internet. Il dit que son uniforme était plus propre.

 24   C'est la seule distinction qu'il donne.

 25   On lui a montré une planche photographique à deux autres reprises et il n'a


Page 7421

  1   pas pu identifier Fatmir Limaj. On lui a demandé de regarder dans le

  2   prétoire, il n'a pas encore pu identifier Fatmir Limaj. L'Accusation vous

  3   demande de rendre une décision sur le fait qu'une personne ait pu, tout

  4   d'un coup, l'identifier sur Internet, mais même pas ici, dans le prétoire

  5   et pas non plus sur la planche photographique.

  6   Pour nous, il s'agit d'une non identification très importante qu'il faut

  7   noter car non seulement qu'il n'est pas en position d'identifier, mais il

  8   n'identifie pas Limaj comme étant la personne qu'il décrit comme étant le

  9   commandant du camp.

 10   Une personne qui s'ajoute au groupe des six. C'est la raison pour laquelle

 11   nous soumettons que l'Accusation n'a pas de fondement solide pour prétendre

 12   ce qu'elle prétend.

 13   Maintenant, nous allons passer à une série, c'est-à-dire, nous allons

 14   parler d'autres témoins qui se trouvent regroupés dans ce groupe de

 15   victimes rescapés. Je vais parler du témoin L-7. Il fait partie d'un groupe

 16   de quatre. Si vous voulez, encore une fois, pour essayer de gagner du

 17   temps, je vais simplement tirer des traits communs, c'est-à-dire que ces

 18   témoins ont tous témoigné de façon à soulever des points d'interrogation

 19   assez importants. Même si un individu est passé par une période assez

 20   traumatisante et qu'il lui est difficile de se rappeler des détails, mais

 21   nous estimons encore plus important que le fait de ne pas pouvoir se

 22   rappeler des détails, le sujet commun, le thème commun qui, encore une

 23   fois, se retrouve dans ce groupe est la chose suivante : d'abord, il y a

 24   des incohérences absolument très importantes entre ce qu'ils disent ici, ce

 25   qu'ils ont dit devant le Tribunal, devant vous et ce qu'ils ont dit dans


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  1   leurs déclarations, particulièrement, lorsque nous pensons à l'absence,

  2   dans la plupart de ces cas, de mentionner un commandant Limaj ou Celiku,

  3   lorsqu'on les a abordés pour la première fois. En d'autres mots, on peut

  4   certainement fermer les yeux sur le fait de ne pas fournir des détails

  5   quant à la nature de l'enceinte dans laquelle on se trouve, mais c'est tout

  6   à fait autre chose, lorsqu'on demande au témoin de mentionner quelle était

  7   la personne qui était chargée du camp ou de la zone de responsabilité sous

  8   laquelle tombait le camp, [inaudible].

  9   Voilà le premier point qu'on remarque ici, quant à ce groupe de

 10   quatre témoins. C'est le témoin L-4 et le témoin L-10. Ces deux témoins,

 11   bien sûr, tous les deux font partie de cette catégorie.

 12   C'est pourquoi je ne prétends pas, car j'essaie d'être cohérent dans ma

 13   présentation, que les déclarations préliminaires deviennent tout d'un coup

 14   la vérité. Je ne vous demande pas de faire ce que je vous dis qu'il ne

 15   devrait pas se reproduire, même dans le cas des témoins hostiles. Mais tout

 16   ce que je dis, c'est que si, effectivement, lorsqu'on parle de

 17   l'identification de Fatmir Limaj et si, effectivement, c'était la personne

 18   en question, il faut essayer de comprendre pourquoi cela n'a pas été dit,

 19   lorsque ces personnes ont été abordées pour la première fois et lorsqu'on

 20   leur a demandé de parler de ces événements. Cela soulève un doute sérieux,

 21   un doute quant à la crédibilité très sérieux, tout comme pour ce qui est

 22   des témoins hostiles.

 23   Ce que le témoin L-4 a essayé de faire, c'est de jeter le blâme sur

 24   l'interprète et de dire que cela a été omis car lui, il ne mentionne pas de

 25   commandant du tout. Encore une fois, cela n'est pas logique, je ne vois pas


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  1   pourquoi l'interprète, d'une certaine façon, aurait omis de mentionner le

  2   mot "commandant," et de donner des noms.

  3   Il y a un certain nombre d'incohérences dues à d'autres incohérences, à

  4   savoir, qui l'a emmené voir le commandant. A plusieurs reprises, il dit

  5   qu'il s'agit de différentes personnes qui portent de différents noms. Il

  6   donne des récits différents également, de conversations qu'il dit avoir

  7   eues avec le commandant et tout ceci figure dans notre mémoire en clôture;

  8   je ne vais pas passer plus de temps à énumérer ces incohérences.

  9   Ce n'est pas seulement le fait de ne pas mentionner le nom du commandant ou

 10   de parler d'un commandant tout court. Il y a d'autres éléments qui

 11   devraient être ajoutés à cet élément-ci et devrait représenter un cumul

 12   d'incohérences et surtout lorsqu'il parle de Fatmir Limaj. C'est la raison

 13   pour laquelle nous estimons que son témoignage n'est pas fiable.

 14   Il y a un autre point qui figure dans notre mémoire en clôture et c'est le

 15   processus d'identification car pour les trois personnes qui font partie de

 16   ce groupe L-6, L-10, L-7, il n'y a pas eu d'identification de Fatmir Limaj

 17   avant que ces personnes ne viennent ici et ce qui s'est passé quant ils

 18   sont venus ici, c'était une identification en regardant le box des accusés,

 19   identification dans le prétoire.

 20   Dans la plupart des juridictions, l'identification des personnes qui se

 21   trouvent dans le box des accusés n'est pas reçue par plusieurs tribunaux ou

 22   instances internes car, bien sûr, il est tout à fait facile d'identifier

 23   une personne qui est assise dans le box des accusés; c'est un choix assez

 24   limité que la personne a et à ce moment-là, une identification des accusés

 25   assis dans le box des accusés prédisposent les personnes à les identifier


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  1   d'une certaine façon. Encore une fois, cela vient s'ajouter car tous ces

  2   témoins

  3   L-7 et L-10 affirment et avouent qu'ils avaient vu, certainement avant de

  4   venir ici, Fatmir Limaj à plusieurs reprises, à la télévision, dans les

  5   journaux nationaux et ainsi de suite. Il s'agit d'une personne qui est bien

  6   reconnue et il est facile de le reconnaître. C'est une personne qui se

  7   trouve, sinon pas au centre de l'attention du Kosovo, mais c'est quelqu'un

  8   certainement qu'on connaît très bien au Kosovo, c'est un nom qu'on

  9   reconnaît, c'est un visage qu'on reconnaît. Le risque qui se pose ici,

 10   c'est que les personnes qui identifient une personne qu'ils auraient vue

 11   plus tôt, une personne qui a une certaine autorité et il leur arrive sans

 12   doute de dire, puisque la personne se trouve ici, c'est probablement la

 13   personne qui devait être le commandant de l'époque et qu'ils l'ont vu à

 14   l'endroit où ils disent l'avoir vu.

 15   Dans tous ces cas, lorsqu'on examine les choses de très près, c'est que

 16   d'abord, s'ils n'ont jamais mentionné le nom du commandant ou d'un

 17   commandement, lorsqu'ils ont été abordés pour la première fois et

 18   deuxièmement, de quelle façon ils ont identifié la personne et comme vous

 19   verrez, les identifications, elles-mêmes, représentent un doute assez

 20   important et grave, eu égard au contexte dans lequel les identifications

 21   ont été faites.

 22   Lorsqu'on parle de ce groupe de témoins rescapés, il y a une personne qui

 23   mérite peut-être un peu plus d'attention, c'est L-96. Je souhaiterais

 24   parler de lui un peu plus longuement car vous vous rappellerez que lorsque

 25   l'Accusation a -- au début du procès, ce témoin, selon eux, était un témoin


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  1   principal presque dans cette affaire. Ensuite, on a dit que c'est la raison

  2   pour laquelle nous sommes tous ici. Si c'est le cas, si ce témoin est la

  3   raison pour laquelle nous sommes tous ici, c'est très intéressant de voir

  4   de quelle façon il ne parle pas nécessairement, immédiatement de Fatmir

  5   Limaj.

  6   Il a parlé du camp, mais il ne vous a pas fourni les éléments de preuve

  7   vous permettant de croire que Fatmir Limaj se trouvait au camp, qu'il n'est

  8   jamais venu visiter le camp. S'il s'agit d'une figure, d'une personnalité

  9   principale, d'un personnage principal, il ne [inaudible] pas Fatmir Limaj

 10   comme étant également une figure centrale des événements.

 11   On parle du camp de Berisha, si je puis le dire, on parle d'une montagne.

 12   Il y a, bien sûr, une tentative de nous enligner sur ce témoin, mais ce qui

 13   a été omis ou ce qui a plutôt été fait, c'est de voir qu'il y a eu des

 14   erreurs qui ont été faites et encore une fois, cela démontre, à chaque

 15   fois, que nous essayons d'examiner le mur que représentent les éléments de

 16   preuve, ce mur commence à s'effriter.

 17   Il vous a donné et si je puis revenir sur le contre-interrogatoire de ce

 18   témoin, je vais commencer par la fin. Ce qu'il vous dit, ce qu'il prétend,

 19   c'est lorsqu'il s'est enfui des montagnes de Berisha, c'est quelque chose

 20   qui a une incidence sur le fait, bien sûr, qu'il ait vu Fatmir Limaj ou que

 21   Fatmir Limaj ait quoi que ce soit à voir avec ce qui s'est passé dans les

 22   montagnes, il prétend -- et l'Accusation ne traite pas véritablement de

 23   cette question parce qu'elle ne le peut pas. Vous vous souviendrez

 24   certainement qu'il prétend avoir fait ceci et je vous demande de bien

 25   vouloir reporter sur ces cartes sur lesquelles il a dessiné cela. Il a dit


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  1   qu'il est passé à travers champ. Cela représente une quarantaine de

  2   kilomètres environ, si on descend jusqu'à Ferizaj, et cetera, en bas, à

  3   droite de la carte. Dans cette direction-là.

  4   Bien évidemment, comme il a reconnu également que s'il devait se déplacer

  5   comme cela sur 40 kilomètres d'un terrain difficile, qui contrôlait le

  6   terrain, le terrain qui, d'après lui, venait de passer outre son exécution

  7   ? Autrement dit, il traverse un terrain hostile sur tous les fronts. Nous

  8   disons de façon tout à fait claire que c'est un mensonge. Il n'a absolument

  9   pas fait cela du tout.

 10   Si vous constatez qu'il a effectivement menti, quelle que soit la raison,

 11   cela n'a pas d'importance, si vous voulez, car il s'agit d'un mensonge

 12   grave, mais bien évidemment, il y a des raisons pour lesquelles il a menti,

 13   mais s'il a véritablement menti sur tout ce qu'il a fait, il vous faudra

 14   poser les mêmes questions que vous posez dans le cas d'un témoin de la

 15   partie adverse ainsi que dans le cas de Luan et le cas de torture ou

 16   l'exemple de la torture, si je puis le dire ainsi : pourquoi a-t-il menti

 17   et quelle était la nature de ce mensonge ?

 18   Le mensonge est pour d'autres raisons. Il a fait quelque chose qui

 19   est beaucoup plus logique et beaucoup plus pratique et beaucoup plus

 20   instantané. Si on regarde cette carte datée du 25 juillet, il a pris une

 21   route beaucoup plus courte de la montagne, beaucoup plus courte que ce qui

 22   est dessiné sur cette carte et il s'est rendu à Komorane, dans une base

 23   serbe, sur la route entre Peja et Komorane. Lorsque je lui ai posé cette

 24   question-là, évidemment, il a nié car il dit être passé à travers champs.

 25   Là, nous commençons à entrer dans un territoire qui est extrêmement


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  1   difficile pour lui car vous constaterez que ce témoin, en réalité, ne

  2   souhaitait pas qu'on sache qu'il avait des liens très étroits avec certains

  3   Serbes ou les membres de sa famille, en tout cas, avaient ces liens étroits

  4   et vous vous souviendrez que des questions ont été posées sur ce point et

  5   aux fins de protéger l'identité de cette personne, je ne vais pas en

  6   parler, mais nous estimons qu'il y a une raison très valable pour laquelle

  7   il ne souhaitait pas dire la vérité ici, il ne souhaitait pas qu'on sache

  8   que ce qu'il avait fait était de se rendre aux Serbes. Il s'est rendu aux

  9   Serbes, d'après nous, car il savait qu'il allait être mieux reçu, en

 10   réalité, par eux que par toute autre personne.

 11   Ce qui est intéressant, entre les mains de qui termine-t-il ? Il termine

 12   entre les mains de la personne que présente l'Accusation, et sur laquelle

 13   je ne pense pas qu'il faille s'appuyer ou très peu, en tout cas.

 14   Ce qui est intéressant, c'est que la personne entre les mains

 15   desquelles il est tombé, ni lui-même, L-96, ne semblent dire que ce

 16   représentant serbe ne les torturait ou ne les menaçait d'une manière ou

 17   d'une autre; qu'il s'agit du contraire. Inutile de mener une enquête de

 18   savoir si quelque chose a été fait pour que ce rapport soit rédigé de cette

 19   façon.

 20   Je ne vais pas parler de ce rapport en détail. Le rapport en question

 21   est daté - et vous vous en souviendrez, vous l'avez peut-être dans vos

 22   archives - du 5 août. En réalité, ce rapport semble indiquer qu'il est venu

 23   au poste de Ferizaj le 1er août. Mais là, vous commencez à calculer et vous

 24   constaterez qu'il y a un intervalle. Il est censé s'être enfui le 25

 25   juillet. On parle, ici, d'un certain nombre de jours, le 25 [comme


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  1   interprété], 26, 27, 28, 29 et 30 juillet, jusqu'à ce que nous arrivions au

  2   1er août. Que se passe-t-il ici ?

  3   Bien sûr, en lisant le rapport, on constate que ce qui s'est passé,

  4   d'après le contenu de ce rapport en tout cas, est qu'il s'est rendu à ce

  5   barrage routier ou ce poste serbe car c'est ce qu'indique ce rapport, ce

  6   poste à Komorane. Le rapport précise qu'à ce poste de contrôle, il leur a

  7   dit ce qui s'était passé. Premier récit. Ceci est important dans la mesure

  8   où personne ne fait état de Fatmir Limaj ou d'un commandant qui exerçait

  9   l'autorité et qui aurait pu jouer un rôle sur le destin ou le sort

10 (expurgée)C'est inconcevable. S'il a passé du temps, il semblerait qu'après la

 11   guerre, il ait recherché l'homme responsable de tout cela. Il n'aurait pas

 12   été en mesure, au départ, au début, en tout cas. Quand bien même, il ne

 13   l'aurait pas fait au moment où il s'est rendu au poste de contrôle.

 14   Ce qui semble s'être passé par la suite, ce qui explique ces jours

 15   qui se sont écoulés entre ces dates, qu'il ne soit pas passé à travers

 16   champs sans papiers d'identité, comme il nous l'a dit, et cetera.  Il a,

 17   ensuite, été vu par des représentants des services de Sûreté de l'état et

 18   ce, avant même d'arriver à Ferizaj et là, on parle de Pristina qui mène ou

 19   l'interroge dans le détail. Pour autant que nous sachions, à aucun de ces

 20   moments, n'a-t-il cité le nom de Fatmir Limaj, ni d'un commandant qui avait

 21   le pouvoir de décider de la vie ou de la mort de (expurgée). C'est la

 22   deuxième étape.

 23   Ce n'est qu'au cours de la troisième étape qu'on l'a vu à Ferizaj et que

 24   c'est un individu que vous connaissez bien, qui l'a vu ainsi qu'un autre.

 25   Ensuite, il a eu une séance d'information avec quelqu'un pour la troisième


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  1   fois. Ce qui est intéressant au niveau de ce troisième entretien et je ne

  2   suis pas en train de dire que son point de vue doit remplacer quoi que ce

  3   soit, je suis simplement en train de dire s'il va dire maintenant ou même

  4   plus tard, que Fatmir Limaj est l'homme qu'il a reconnu dans la montagne

  5   comme étant la personne qui a décidé du sort de (expurgée), en réalité,

  6   comment se fait-il qu'il ne dise pas aux autorités, à aucune de ces trois

  7   occasions, cela ?

  8   C'est plus complexe que cela. Ce n'est pas qu'il n'en parle pas. C'est

  9   qu'il ne parle pas de l'incident du tout dans ce premier rapport. En

 10   d'autres termes, qu'à mi-chemin, sur la route de montagne, un commandant

 11   arrive, c'est ce qu'on peut en déduire et ce commandant descend de la

 12   montagne et subit le sort qui est indiqué ici. On ne parle absolument pas

 13   d'un incident et d'un commandant qui arrive sur la montagne. Cela ne figure

 14   absolument pas dans le rapport.

 15   Ceci ne correspond absolument pas au lendemain du jour où il a vécu

 16   quelque chose d'épouvantable, où on pourrait oublier quelque chose de ce

 17   type. On pourrait peut-être, c'est une éventualité. Il s'agit-là de la

 18   troisième occasion quelques jours plus tard et cet incident n'est

 19   absolument pas évoqué et le commandant n'est pas cité, non plus.

 20   Un autre élément qui est important, mais qui n'a pas une incidence directe

 21   sur Fatmir Limaj, ce qu'il a dit aux autorités serbes, c'est que le groupe

 22   qui a quitté le camp a été divisé au camp avant le départ et il en donne

 23   les détails et les détails ne concordent pas et ne concordent pas avec ce

 24   qu'il dit maintenant.

 25   Par conséquent, lorsqu'on commence à interroger ce témoin, à interroger ce


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  1   témoin, il faut essayer de comprendre s'il a raconté des mensonges sur ce

  2   qu'il dit, sur ses déplacements, comment il se fait qu'il n'ait pas évoqué

  3   Fatmir Limaj, ni qu'il soit commandant, ni cet incident sur lequel se

  4   repose énormément l'Accusation. Tout ceci, en substance, est sans

  5   fondement. De surcroît, si on tente de collaborer ces faits, je crois que

  6   ceci est d'autant plus dénué de fondement.

  7   Mais on l'a vu et les autorités chargées des enquêtes l'ont aperçu,

  8   l'ont vu après cela, autrement dit, les autorités non-serbes, la division

  9   des enquêtes de la MINUK, le 20 août 2000 et encore une fois, il ne parle

 10   pas de Fatmir Limaj et ne le mentionne pas et ne mentionne pas un

 11   commandant de ce type. On serait en droit de s'attendre, quand bien même

 12   ces rapports avec les Serbes n'étaient peut-être pas aussi étroits que nous

 13   l'avons présenté, ceci a dû certainement être le cas, d'une certaine façon,

 14   pour qu'il se rende et à ce moment-là, il aurait certainement évoqué le nom

 15   de la personne qu'il considérait comme étant la plus responsable

 16   (expurgée). Il en aurait parlé dès qu'il aurait vu, en tout cas, la

 17   première fois qu'il était dans la division des enquêtes de la MINUK.

 18   Je crois que par rapport à L-4 et L-10, je crois qu'un schéma se dessine,

 19   autrement dit, absence d'identification de Celiku et de Fatmir Limaj; cette

 20   identification ne ressort que très lentement, au fil du temps. Dans cette

 21   affaire, au niveau de

 22   L-96, en 2002, cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'à ce moment-là, à

 23   cette date-là, le nom de Fatmir Limaj ainsi que son apparence physique est

 24   connu de tous et cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il était au courant

 25   de cela.


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  1   On doit ajouter - et je ne souhaite pas parler d'autres détails qui sont

  2   mentionnés dans notre mémoire en clôture - il s'est trompé dans

  3   l'identification d'autres personnes, d'après des éléments que d'autres

  4   personnes lui auraient peut-être fournis. Je ne vais pas citer de noms

  5   devant cette Chambre. Cela figure dans notre mémoire.

  6   Il a tendance à se tromper au niveau d'identification. Il a cette tendance

  7   à ne pas reconnaître les personnes qu'il a vues beaucoup plus souvent que

  8   la personne aperçue sur la montagne. Pour finir, il n'a, à l'origine, pas

  9   parlé de l'incident sur la montagne, encore moins de la personne en

 10   question. Nous estimons que tout ceci est biaisé, L-96. Figure centrale,

 11   peut-être qu'il était censé être, mais vous remarquez qu'à la fin de la

 12   présentation des moyens, en ce qui concerne Fatmir Limaj, cette personne ne

 13   constitue pas un personnage-clé pour étayer la thèse de l'Accusation.

 14   Ce qui m'amène - je ne vais pas pourvoir terminer aujourd'hui, mais je vais

 15   certainement terminer dans très peu de temps, ou je terminerai rapidement

 16   demain. - C'est ce qui m'amène à parler d'un troisième et dernier domaine

 17   qui est un domaine fort important. C'est la raison pour laquelle je vais y

 18   consacrer davantage de temps.

 19   Il s'agit là d'un passage que nous avons déjà évoqué, et qui est resté

 20   intact tout au long du procès, autrement dit, le caractère de la personne

 21   lui-même, Fatmir Limaj, ses qualifications et sa personnalité. Comme je

 22   l'ai évoqué un peu plus tôt aujourd'hui, nous avons estimé qu'il s'agit là

 23   d'un élément-clé de notre thèse. Nous souhaitons que vous vous penchiez là-

 24   dessus, lorsque vous aurez analysé les éléments de preuve biaisés que je

 25   viens de vous présenter. J'ai laissé de côté tous les témoins qui sont


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  1   venus témoigner à l'appui de nos moyens de preuve par opposition aux

  2   témoins que -- sur lesquels nous nous sommes -- s'est reposée l'Accusation.

  3   Nous en avons parlé dans notre mémoire en clôture, bien sûr. Il faudrait

  4   mettre de côté ceux que nous avons indiqués, et sélectionner

  5   particulièrement ceux que j'ai évoqué, ceux que je viens de citer. Ce qui

  6   revient à dire, que nous allons parler de Fatmir lui-même puisqu'il a

  7   témoigné pendant une longue période. Il vous a parlé au cours de son

  8   discours liminaire. Donc, c'était une occasion excellente pour comprendre

  9   et juger l'homme.

 10   Le point important, il s'agit de juger l'homme et de savoir quelque chose à

 11   propos de sa personnalité, de l'homme qu'il est. Il y a une métamorphose

 12   absolument extraordinaire par rapport à quelqu'un qui a mené une vie dans

 13   le plein respect de la loi, un homme responsable avant 1998 devant

 14   l'oppression serbe. Personne n'a suggéré qu'il ait commis un quelconque

 15   acte illégal et qu'il a dû partir pour les raisons qu'il a expliquées.

 16   Pendant toute cette période qui précédait l'année 1998 et les explications

 17   qu'il vous a fournies - en passant, il a évoqué quelque chose qui vous

 18   semblait peut-être secondaire. Lui-même et une autre personne ont pris part

 19   à ce qui s'appelait une initiative visant à reconnaître qu'une

 20   réconciliation était nécessaire, qu'il fallait mettre terme aux vendettas;

 21   ceci dans un contexte albanais avant l'année 1998.

 22   Donc, il ne s'agissait pas de quelqu'un qui a utilisé cette vengeance pour

 23   exacerber la situation; c'était tout à fait le contraire. C'est quelqu'un

 24   qui a agi de façon responsable. C'était un étudiant qui a étudié le droit à

 25   l'université de Pristina. La première fois, - c'est en tout cas ce qui est


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  1   avancé par l'Accusation - dès qu'il rentre au Kosovo, semble-t-il, il se

  2   métamorphose. C'est comme Dr Jekyll et M. Hyde. Il passe de quelqu'un qui

  3   n'avait pas --  ne s'était pas livré à une quelconque activité ou n'y avait

  4   pas trace d'activité de ce type. Il est très difficile de remplacer cette

  5   personne par cette autre personne qui, tout a coup, voit le jour pendant

  6   trois ou quatre mois; avril, mai, juin, juillet. Il se métamorphose. Il n'y

  7   a pas d'autres termes pour le décrire. Comme le décrit l'Accusation, il se

  8   transforme en monstre. Il est prêt, si ce n'est pas mettre en place, ou en

  9   tout cas, surveiller la mise en place de ce camp de prisonniers, ainsi

 10   qu'un système de traitements inhumains qui, dans certains cas, mènent à la

 11   mort. C'est encore --

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ne vous en faites pas.

 13   M. MANSFIELD : [interprétation] J'espère que je n'ai pas mentionné un nom

 14   que je n'aurais pas dû mentionné, mais je ne crois pas que ce soit le cas.

 15   Ce qui se passe alors, c'est une nouvelle métamorphose. Car un mois, deux

 16   mois plus tard, d'autres nous décrivent ce qu'il a fait pour la population

 17   du Kosovo dans son ensemble. 80 000 personnes déplacées à l'intérieur de la

 18   province, qui avaient besoin d'un abri. Il ne leur a pas demandé si ces

 19   personnes étaient Serbes. Il a aidé; personne ne le conteste. Il a aidé

 20   largement des civils qui n'avaient nulle part d'autre où aller, dans la

 21   vallée où il a grandi et où habitait sa famille. Là encore, personne ne

 22   conteste qu'il ait fait cela.

 23   Au plan pratique, du point de vue psychologique, comment est-il

 24   possible que quelqu'un puisse changer à volonté comme un caméléon ? Il

 25   arrive, mais très rarement, que cela se produise. Et s'il s'agissait de la


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  1   même personne que celle qui a gérer le camp décrit pas l'Accusation, et

  2   bien, il y aurait eu des signes évidents soit avant l'année 1998 et avant

  3   son retour ou très peu de temps après la période en question, en 1998,

  4   1999, en l'an 2000, et ainsi de suite,

  5   Voilà la question qu'on vient de se poser. C'est pour cela que la

  6   nature de la personnalité de Fatmir Limaj est importante. Il y a un

  7   deuxième élément qu'il faut prendre en compte. Mettez-vous à sa place au

  8   cours de cette période. J'ai déjà mentionné certains éléments qui

  9   indiquent, que pendant la guerre, il endossait les principes de justice,

 10   d'égalité pour tous les groupes. Il n'est donc pas surprenant, qu'après la

 11   guerre, il y ait eu cette déclaration de l'assemblée du Kosovo du premier

 12   ministre, de l'ancien premier ministre qui a apporté son soutien à Fatmir

 13   Limaj. Il court un risque énorme à l'époque. S'il a véritablement géré ce

 14   camp de détention, cela lui faisait courir un risque énorme pour sa

 15   crédibilité politique future. L'idée de pouvoir gérer un camp de cette

 16   importance sans en subir les conséquences et sans qu'on sache quel rôle il

 17   a joué là-dedans, aurait été un risque énorme compte tenu de ses ambitions,

 18   compte tenu de ses objectifs, comme je l'ai dit lors  de la conférence qui

 19   s'est déroulée à Rambouillet en 1999, compte tenu de ce qu'il voulait

 20   faire. Vous avez eu connaissance des éléments liés à la campagne

 21   électorale. Il y a une photo de lui le représentant aux côtés de Madeleine

 22   Albright. Il s'agit d'une personnalité importante. Il aurait couru des

 23   risques énormes. Il savait très bien, que si cela venait à se savoir, on

 24   aurait su qu'il faisait absolument l'inverse de se qu'il prônait.

 25   Troisièmement, nous affirmons que ces traits de caractère sont


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  1   particulièrement importants pour apprécier la crédibilité de son démenti

  2   lorsqu'il nie toute complicité.

  3   Nous allons  clarifier sa position ici. Un homme de ce calibre,

  4   lorsqu'il vous dit comme il l'a fait avant même que ce procès ne s'ouvre,

  5   lorsqu'il vous dit qu'il n'y avait pas de camp, je peux vous dire que la

  6   thèse de la Défense est la suivante : il n'a joué aucun rôle dans

  7   l'existence de quelque centre de détention que ce soit. Il trouve absurde

  8   qu'il y ait pu avoir un camp à tel moment, à tel endroit. Ce qu'il dit,

  9   c'est : "Qu'il n'a aucune connaissance à ce sujet, et que s'il avait eu des

 10   connaissances à ce sujet, il aurait agi. Voilà le type de personne que vous

 11   avez devant vous."

 12   Dans la même verve, on peut dire que l'Accusation affirme qu'il

 13   renonce de voir la vérité en face. S'il n'est pas capable d'admettre que

 14   cela s'est produit, c'est que lui-même n'a joué aucun rôle. En fait, elle

 15   le démentit. Ce qu'il fait illustre le type de personnalité qu'il est.

 16   Voilà les trois éléments qu'il faut prendre en compte s'agissant des

 17   éléments de preuve relatifs à sa personnalité. Tout cela doit être vu dans

 18   le contexte. Demain après-midi, je souhaiterais aborder plus en détail

 19   certains aspects de sa personnalité, qui étayent mes affirmations. Je

 20   souhaiterais terminer aujourd'hui en revenant un petit peu en arrière dans

 21   le temps. Parlons de son arrestation.

 22   Fatmir Limaj, par son comportement, nous a montré quel était son

 23   caractère, à quel point il était responsable. Sa personnalité n'a rien à

 24   voir avec celles d'autres personnes qui sont en fuite et qu'ils ne veulent

 25   pas être arrêtés. Je ne parle pas particulièrement du Kosovo mais


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  1   d'ailleurs.

  2   Ce qui s'est passé ici, personne ne le conteste, car cela n'a fait

  3   l'objet d'aucune question lors du contre-interrogatoire. Le fait est qu'il

  4   n'a pas cherché à disparaître. Tout le monde était au courant de ce qui

  5   allait se passer; le premier ministre, toutes les personnes qui se

  6   trouvaient au poste-frontière. Tout le monde savait qu'il était parti;

  7   personne ne l'a arrêté. Tout le monde savait où il se trouvait. A tel

  8   point, qu'un journaliste a pu l'appeler sur son téléphone portable afin de

  9   l'informer qu'il était recherché. Il n'a pas cherché à se cacher. Il a même

 10   fait une déclaration publique. Ce qui témoignage de son dévouement sincère,

 11   c'est qu'il se préoccupe du bien-être du Kosovo. Il n'a pas voulu que la

 12   situation détériore au point, comme l'a dit le premier ministre, qu'il y

 13   ait une instabilité, et que l'on se retrouve dans une situation où la paix

 14   fragile qui était en place depuis 1999, aurait pu être annulée par sa

 15   réaction. Il aurait pu le faire mais il ne l'a pas fait. C'est la raison

 16   pour laquelle le premier ministre l'a dit. Il a fait une déclaration

 17   publique. Il a dit qu'il allait se livrer volontairement. Le représentant

 18   spécial M. Steiner le savait pertinemment.

 19   Comme nous l'avons déjà dit, et je répète ici : ce qui est répréhensible en

 20   l'espèce, c'est que le représentant spécial n'est pas venu lorsqu'on l'a

 21   convoqué ici afin d'expliquer quels accords avaient été conclus à l'époque.

 22   Il voulait avoir la possibilité de rentrer chez lui et de dire au revoir à

 23   sa famille avant de se livrer à La Haye. Il s'agissait d'une option tout à

 24   fait raisonnable. Rien de cela ne s'est passé. Il a été arrêté. Ce n'était

 25   pas nécessaire.


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  1   Je souhaite réitérer un point auquel vous pourrez réfléchir. C'est que l'on

  2   lui a déjà dénié une certaine forme de justice. Il aurait dû se trouver

  3   dans la même position, dans la même situation que M. Haradinaj, à savoir,

  4   en attente de son procès sans être détenu. Compte tenu de son parcours,

  5   compte tenu de son comportement, de sa réaction lorsqu'il a appris qu'il

  6   était recherché, compte tenu du respect qu'il a exprimé à l'égard du

  7   Tribunal, et du fait qu'il a toujours fait preuve de coopération, compte

  8   tenu des objectifs de ce Tribunal, tout cela n'est pas contesté, ceci lui a

  9   été nié. Par conséquent, nous avançons qu'il est en détention depuis très

 10   longtemps. Il s'agit d'une situation qui lui porte préjudice. Nous en

 11   revenons à la question de l'égalité et de l'approche adoptée dans

 12   différentes affaires. Ce qui s'est passé est pire.

 13   Il est en détention. Au départ, des allégations ont été formulées. Ces

 14   allégations, heureusement, ont été ignorées. Il a été allégué qu'il était

 15   responsable d'avoir intimidé -- d'actes d'intimidation, et que cela pouvait

 16   avoir une incidence sur le dossier. En raison de ces allégations, on l'a

 17   gardé au secret. Il n'a pas pu entrer en contact avec sa famille pendant un

 18   certain temps. Il a été conduit au Tribunal les yeux bandés. Selon nous,

 19   cela a déjà donné une certaine idée préconçue au Tribunal au sujet de cette

 20   affaire. Selon nous, il s'agit d'un exemple qui ne doit pas être suivi de

 21   nouveau.

 22   Pour en terminer, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je

 23   vous demanderais la chose suivante : si à l'issue des plaidoiries et avant

 24   que le jugement soit rendu en l'espèce, si du temps s'écoule et qu'il est

 25   possible, pendant cette période, de le mettre en liberté provisoire pour


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  1   qu'il puisse être avec sa famille là où il devrait être, et qu'il puisse se

  2   trouver notamment auprès de ses parents malades, si la possibilité se

  3   présente, nous vous présenterons une requête par écrit. La situation est

  4   peu habituelle, mais le cas s'est déjà produit. Ceci pourrait remédier,

  5   d'une certaine manière, à l'injustice qui -- dont on a fait preuve à son

  6   égard jusqu'à présent. Ceci lui permettrait d'attendre plus sereinement le

  7   jugement qui sera rendu quel que soit le moment.

  8   Il me reste quelque chose à dire au sujet de sa personnalité, des éléments

  9   de preuve à l'appui de cela. J'en parlerai demain. Je pense que je n'aurai

 10   pas besoin de plus d'une demi-heure pour ce faire.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, Maître Mansfield.

 12   Nous reprendrons nos travaux demain à 14 heures 15.

 13   --- L'audience est levée à 18 heures 53 et reprendra le mercredi 31 août

 14   2005, à 14 heures 15.

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