Le Procureur c/ Pasko Ljubicic

Affaire n° IT-00-41-PT

DÉCISION

LE GREFFIER ADJOINT,

VU le Statut du Tribunal tel qu’adopté par le Conseil de sécurité en vertu de la résolution 827 (1993), et en particulier son article 21,

VU le Règlement de procédure et de preuve tel qu’adopté par le Tribunal le 11 février 1994 et modifié ultérieurement (le « Règlement »), et en particulier ses articles 44 et 45,

VU la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense telle qu’adoptée par le Tribunal le 28 juillet 1994 et modifiée ultérieurement (la « Directive »), et en particulier ses articles 6, 7, 8, 10, 11 A) et 18,

ATTENDU que, le 22 novembre 2001, Pasko Ljubicic (l’« Accusé ») a soumis une première déclaration de ressources par laquelle il demandait à bénéficier de l’aide juridictionnelle, au motif qu’il ne disposait pas de moyens suffisants pour rémunérer ses Conseils, et que le Greffe commette d’office Me Tomislav Jonjic, avocat à Zagreb, comme Conseil principal ŕ sa défense,

ATTENDU que, le 5 décembre 2001, le Greffe a commis d’office Me Jonjic comme Conseil principal ŕ la défense de l’Accusé à titre temporaire pour une période de 120 jours, et que, le 4 avril 2002, le Greffier a commis d’office Me Jonjic à titre permanent ŕ la condition que l’Accusé fournisse au Greffe des documents financiers probants,

ATTENDU que, le 13 mars 2003, l’Accusé a soumis sa deuxième déclaration de ressources, et que le Greffe a ensuite présenté un rapport relatif à la situation financière de l’Accusé (Report on the Financial Status of the Accused) (le « Rapport du Greffe »), dans lequel le Greffe a conclu que l’Accusé était capable de contribuer au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU que, le 19 février 2004, l’Accusé a soumis au Greffe une troisième déclaration de ressources en application de l’article 7 C) de la Directive,

VU les documents fournis à l’appui de cette troisième déclaration de ressources, déposés à titre confidentiel et joints à la présente décision,

Méthode du Greffe

ATTENDU que, en mai 2004, le Greffe a adopté une nouvelle méthode conformément à l’article 8 de la Directive, afin de déterminer si l’accusé dispose de moyens suffisants pour rémunérer un conseil (la « Nouvelle méthode du Greffe »),

ATTENDU que la Nouvelle méthode du Greffe s’applique aux affaires portées devant le Tribunal après qu’elle a été adoptée et, au cas où elle serait financièrement plus à l’avantage de l’Accusé, aux affaires dans lesquelles le Greffe avait déjà déterminé le degré d’indigence de ce dernier selon la méthode précédente1,

ATTENDU que l’application de la Nouvelle méthode du Greffe à l’actuelle situation financière de l’Accusé serait financièrement moins à l’avantage de ce dernier que la méthode précédente2,

ATTENDU que la méthode du Greffe précédente avait été établie conformément à l’article 8 de la Directive, et qu’elle dispose que tous les actifs de l’accusé sont pris en compte, que les dépenses mensuelles moyennes du ménage de celui-ci sont alors déduites et qu’un barème de contributions raisonnables est appliqué au résultat afin de déterminer le degré d’indigence de l’accusé,

ATTENDU que les paragraphes B) et C) de l’article 8 de la Directive disposent que :

B) Pour déterminer si le suspect ou l’accusé a ou non les moyens de rémunérer un conseil, sont prises en considération les ressources de toute nature dont il a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, y compris, notamment, les revenus directs, les comptes bancaires, les biens meubles ou immeubles, Sles pensions,C les actions, les obligations ou autres actifs détenus, à l’exclusion des prestations familiales ou sociales dont il peut éventuellement bénéficier. Il est aussi tenu compte, dans l’examen des ressources, de celles de son conjoint ainsi que de celles des personnes vivant habituellement avec lui, pour autant qu’il soit raisonnable de prendre ces ressources en considération.

C) Il peut également être tenu compte des signes extérieurs de richesse du Suspect ou de l’Accusé ainsi que des biens, meubles ou immeubles, dont il a la jouissance, et du fait qu’il en tire ou non un revenu.

ATTENDU que l’Accusé a une épouse et une fille qui résident en Bosnie-Herzégovine (« B-H »),

ATTENDU en outre que le Greffe considère que l’épouse et la fille de l’Accusé sont des personnes vivant habituellement avec celui-ci au sens de l’article 8 B) de la Directive puisque l’Accusé n’a fourni aucune preuve qu’il n’habiterait pas avec elles s’il n’était pas en détention,

ATTENDU que le Greffe reconnaît qu’en application du régime de la communauté de biens en B-H, où l’Accusé et son épouse se sont mariés, tout actif acquis grâce au travail de l’un ou l’autre des conjoints durant la vie conjugale constitue un bien commun et peut donc être pris en considération dans le calcul de la contribution de l’Accusé au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU qu’aux fins de calculer le degré d’indigence de l’Accusé, le Greffe a pris en ligne de compte, conformément à l’article 8 de la Directive, les actifs que possèdent actuellement l’Accusé et son épouse, à savoir leurs revenus et comptes bancaires, leurs biens immobiliers, y compris une maison en Croatie – ainsi que son mobilier –, un terrain et un appartement en B-H, et une automobile,

Revenus et comptes bancaires

ATTENDU que, selon l’article 8 B) de la Directive, peuvent être inclus parmi les ressources de l’accusé ses revenus directs et ses actifs ainsi que ceux de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que l’Accusé ne perçoit aucun salaire et a reçu une aide financière sporadique depuis qu’il est détenu,

ATTENDU que l’Accusé dispose d’un compte « TULP » au Quartier pénitentiaire des Nations Unies (le « Quartier pénitentiaire ») dont les ressources sont en partie constituées d’indemnités, versées à l’Accusé par l’Organisation des Nations Unies, qui ne peuvent être considérées comme étant un revenu visé par l’article 8 B) de la Directive,

ATTENDU que, au jour de la présente décision, le solde du compte « TULP » de l’Accusé est négligeable,

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé travaille et perçoit un salaire mensuel,

ATTENDU qu’est inclus parmi les ressources de l’Accusé, le total des revenus à percevoir par celui-ci, son épouse et sa fille à compter de la date de la présente décision et jusqu’au terme de la période durant laquelle il est prévu que l’Accusé devra être représenté devant le Tribunal international,

Biens immobiliers

ATTENDU que le Greffe peut inclure parmi les ressources de l’accusé tout bien immobilier appartenant à celui-ci, à son conjoint ou aux personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire en titre d’une maison en Croatie dont il peut céder une partie en location, bien que le Greffe n’ait obtenu aucune preuve de son intention de prendre une telle disposition à l’avenir,

ATTENDU que l’Accusé et son épouse sont propriétaires de meubles dans cette maison en Croatie,

ATTENDU que la valeur du mobilier se trouvant dans les biens immobiliers que possède l’accusé peut être exclue de ses ressources à moins qu’elle n’excède ses besoins raisonnables et ceux de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que le mobilier de la maison que possède l’Accusé en Croatie n’excède pas les besoins raisonnables de celui-ci, de son épouse et de sa fille, de sorte qu’il n’est pas pris en ligne de compte dans le calcul de la contribution de l’Accusé au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire en titre d’un terrain dont il a hérité en B-H,

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé est propriétaire en titre d’un appartement en B-H où elle réside actuellement avec la fille de l’Accusé,

ATTENDU que, puisque l’épouse de l’Accusé est devenue propriétaire dudit appartement à la suite d’une donation par les frères et le beau-frère de l’Accusé, le Greffe considère que l’appartement et son contenu n’entrent pas dans le champ d’application du régime de la communauté de biens auquel sont soumis l’Accusé et son épouse,

Automobile

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé est la propriétaire en titre d’une automobile achetée neuve en 2001, et qu’en application du régime de la communauté de biens en B-H ladite automobile est considérée comme un bien commun puisqu’elle a été acquise pendant la vie conjugale,

La formule

ATTENDU que les actifs devant être inclus dans le calcul de la contribution de l’Accusé au règlement des frais de sa défense sont la maison en Croatie et son mobilier, le terrain en B-H et l’automobile, et que seul le salaire de l’épouse de l’Accusé peut être pris en compte en tant que revenu,

ATTENDU que, dans le cadre de la méthode qu’il appliquait précédemment, le Greffe a mis au point une formule qui a pour but de faire en sorte que l’accusé partiellement indigent contribue au règlement des frais de sa défense en payant un certain nombre d’heures de travail, proportionnellement à ses revenus et sans épuiser les ressources de son ménage. Le Greffe est d’avis que la contribution de l’accusé au règlement des frais de sa défense ne doit ni entraîner l’épuisement de ses ressources liquides et autres actifs ni priver de ressources les personnes qui sont à sa charge. La formule est la suivante :

CAV + S(NI – AE x M) x TC = D

où :

CAV est la valeur des actifs dont disposent l’accusé et les membres de sa famille vivant habituellement avec lui.

NI représente les revenus mensuels des membres de la famille de l’accusé vivant habituellement avec lui.

AE représente les dépenses mensuelles moyennes par personne dans un ménage de quatre personnes, d’après les statistiques officielles de la République de Croatie. Ces dépenses comprennent les frais de nourriture et de boisson, de logement, de transport, de communication, d’habillement, d’enseignement et de culture ainsi que d’hygiène et de santé.

M est le nombre de membres du ménage de l’accusé, ce dernier y compris.

T représente le temps, c’est-à-dire la période correspondant à l’estimation du nombre de mois que dureront la phase préalable au procès et le procès en première instance.

D est le total des ressources disponibles de l’accusé.

Un barème de contributions raisonnables est ensuite appliqué, sur le modèle de tranches d’imposition, aux « ressources disponibles » ainsi calculées. Ce barème, établi sur la base du montant mensuel des ressources disponibles, est le suivant :

Ressources disponibles mensuelles totales Pourcentage des ressources à affecter aux frais de la défense
0 dollar < D < 36 000 dollars 10 %
36 000 dollars < D < 180 000 dollars 20 %
180 000 dollars < D < 360 000 dollars 30 %
360 000 dollars < D 40 %

Contribution de l’Accusé

ATTENDU qu’en application de la méthode exposée plus haut, l’Accusé doit contribuer au règlement des frais de sa défense à hauteur de 20 % de ses ressources disponibles, soit 31 503 dollars, et que ce dernier a ainsi en partie les moyens de rémunérer ses Conseils,

DÉCIDE, compte tenu de ce qui précède, et en conformité avec l’article 11 A) ii) de la Directive, que l’Accusé contribuera au règlement des frais de sa défense à hauteur de 31 503 dollars jusqu’au terme du procès, et que le Greffe déduira ce montant des sommes allouées à l’équipe de la défense de l’Accusé pendant la même période,

DÉCIDE, en outre, qu’à l’exception de la contribution de l’Accusé à hauteur de 31 503 dollars, le Tribunal prendra en charge les frais visés aux articles 22, 26 et 27 de la Directive,

ATTENDU que, d’après les informations reçues par le Greffe, l’Accusé est partiellement indigent et a les moyens de contribuer au règlement des frais de sa défense,

Commission d’office des Conseils

ATTENDU, en outre, que l’Accusé a droit à une défense efficace devant le Tribunal international,

DÉCIDE, compte tenu de ce qui précède, sans préjudice des dispositions de l’article 18 de la Directive et en application de son article 11 A) i), de confirmer la commission d’office à titre permanent de Me Tomislav Jonjic et Mme Nika Pinter, respectivement comme Conseil principal et Coconseil ŕ la défense de l’Accusé, à compter de la date de la présente décision.

 

Le Greffier adjoint
_____________
John Hocking

[Sceau du Tribunal]

Le 17 décembre 2004
La Haye (Pays-Bas)


1. Voir la lettre du Chef par intérim du Bureau d’aide juridictionnelle et des questions de détention à l’Association des conseils de la Défense, 27 mai 2004.
2. D’après la Nouvelle méthode du Greffe, l’Accusé serait capable de contribuer au règlement des frais de sa défense à hauteur de 41 488 dollars des États-Unis d’Amérique (« dollars ») sur la période estimée à 7 mois que durera le procès ; selon la méthode précédente, sa contribution s’élève à 31 503 dollars sur la même période.