Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 13 décembre 2005

2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaiterais que le Greffier

7 d'audience appelle la cause.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

9 Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire

10 IT-95-11-T, le Procureur contre Milan Martic.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Hier, il a été mentionné quelques

12 éléments ou quelques questions qui étaient en suspens et que nous avons

13 réglés. Aujourd'hui, je pense qu'il faudrait peut-être commencer par cela

14 avant de passer aux déclarations liminaires.

15 Dans un premier temps, il y avait la question relative aux principes

16 directeurs et aux normes régissant l'admissibilité des éléments de preuve

17 et je souhaiterais savoir si l'Accusation a des observations à faire ?

18 M. WHITING : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous sommes

19 d'accord avec les principes directeurs proposés.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Whiting.

21 Maître Milovancevic.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est hier pour

23 la première fois que nous avons pris connaissance de ces principes

24 directeurs que nous avons étudiés. Nous allons respecter la date butoir et

25 nous allons déposer une requête écrite relative à toutes ces questions avec

26 votre autorisation, bien entendu, Monsieur le Président. Je vous remercie.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

28 Puis, nous avons abordé la question de la durée de la présentation des

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1 moyens à charge ainsi que du nombre de témoins.

2 Texte anglais commence ici.

3 Nous avons décidé en vertu de l'article 73 bis(C), mais il faut savoir

4 qu'hier, nous n'avons pas indiqué quelle était la conclusion à tirer.

5 Monsieur Whiting, nous souhaiterions, dans un premier temps, que vous nous

6 indiquiez quel est le nombre de témoins que l'Accusation a l'intention de

7 convoquer et je pense à l'article

8 92 bis et aux questions qui y sont relatives et j'aimerais savoir si vous

9 souhaitez ajouter quoi que ce soit à cette liste.

10 Je vous dirais également que la Chambre de première instance sait que

11 l'Accusation a déposé 20 déclarations au titre de l'article 92 bis. Est-ce

12 exact ?

13 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je ne connais pas le

14 chiffre par cœur, mais il me semble que le chiffre que vous venez de nous

15 donner est exact.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est exact. Je dois dire que la

17 Chambre de première instance souhaite véritablement que le temps imparti

18 soit utilisé à bon escient et c'est la raison pour laquelle j'aimerais

19 poser quelques questions à propos de témoins qui ne font pas d'ailleurs

20 forcément partie de la liste au titre de l'article 92 bis, afin de voir si

21 le temps qui est prévu pour ces témoins ne pourrait pas être encore

22 diminué.

23 Le premier témoin est le témoin MM-1 le premier témoin d'ailleurs, votre

24 premier témoin. Il y a une déclaration de faits non contestés qui a été

25 déposée hier et au vu de cette déclaration, la Chambre de première instance

26 voulait savoir si l'Accusation n'est pas en mesure de diminuer le nombre

27 d'heures prévues pour ce témoin. Il semblerait que les éléments des moyens

28 à charge qui vont être présentés par ce témoin font partie des faits

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1 faisant l'objet d'accord. N'est-ce pas exact ?

2 M. WHITING : [interprétation] Il est exact que certains faits qui vont être

3 mentionnés sont englobés par les faits faisant l'objet d'accords.

4 Toutefois, le nombre d'heures que nous avons estimé nous semble adéquat car

5 il faut savoir que ce témoin a été la personnalité politique la plus

6 importante dans la région où se sont produits les crimes et infractions en

7 l'année 1991. Ce témoin dispose de toute une pléthore d'informations et de

8 tout un nombre de documents qui font référence, non seulement au contexte

9 recouvert par les faits faisant l'objet d'accord, mais également par les

10 chefs d'inculpation. Je pense notamment aux liens établis entre différentes

11 entités, je pense, par exemple, à l'entreprise criminelle commune avec

12 certaines personnalités importantes de cette entreprise. Et là, je dirais

13 qu'il y a des entités et des personnalités importantes pour la Croatie et

14 vis-à-vis de la Serbie également. Ce témoin connaît tout un certain nombre

15 de détail à propos de ces événements du fait de la position assez unique

16 qu'il le détenait, il était président de la région serbe au sein de la

17 Croatie. Il se peut que nous puissions effectivement entendre sa déposition

18 beaucoup plus rapidement que prévue, mais toutefois, il s'agit d'un témoin

19 important. Bien entendu, nous avons prévu un nombre d'heures beaucoup plus

20 important que pour les autres témoins. Je dirais que pour ce témoin nous

21 pensons que le nombre d'heures prévues risque fort d'être approprié.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

23 Qu'en est-il du témoin MM-14 ? Je vois qu'il va présenter des pièces ou que

24 par son entremise, des pièces à conviction vont être présentées et ne

25 pourrait-il pas être ajouté à la liste des témoins de l'article 92 bis ?

26 M. WHITING : [interprétation] C'est effectivement quelque chose que je

27 pourrais aborder avec le conseil de la Défense. Ce témoin va présenter un

28 grand nombre de documents qui ont été obtenus par le bureau du Procureur et

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1 il s'agit de documents qui ont un lien direct ou qui portent directement

2 sur la structure de la police au sein de l'entité serbe qui se trouve au

3 sein de la Croatie, au sein de la SAO Krajina. Cela nous amène au cœur du

4 problème, parce que, bien entendu, cet accusé était chargé du commandement

5 de la police, à la structure des forces de police passées sous son

6 commandement dans les différentes municipalités de la SAO Krajina est un

7 élément particulièrement essentiel dans cette affaire. Il se peut qu'il

8 soit important que ce témoin vienne témoigner ici devant la Chambre de

9 première instance. Nous n'avons pas d'ailleurs prévu un grand nombre

10 d'heures et peut-être que nous pourrions d'ailleurs diminuer les huit

11 heures prévues. Mais je vais reprendre la suggestion de la Chambre de

12 première instance et voir avec le conseil de la Défense si nous pouvons

13 nous mettre d'accord et si cette déclaration ou cette déposition pourrait

14 être présentée par écrit.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] [hors micro] Peut-être, Monsieur, que

16 vous pourriez envisager de faire la même chose pour les témoins MM-16, MM-

17 17, MM-18, MM-28, MM-64 et MM-74. Est-ce que l'Accusation pourrait peut-

18 être essayer de parvenir à un accord avec la Défense afin de faire en sorte

19 que ces témoins soient présentés par l'entremise de l'article 92 bis, tout

20 en envisageant la possibilité de les convoquer pour un contre-

21 interrogatoire, certes. Cela nous permettra de diminuer le nombre d'heures

22 prévues pour l'interrogatoire principal.

23 M. WHITING : [interprétation] Nous pouvons tout à fait l'envisager, mais

24 voilà ce que je prévois. Je pense que nous pourrons parvenir à un accord à

25 propos des témoins 16, 17 et 18, peut-être également pour ce qui est des

26 témoins 28 et 74. Pour le témoin 64, je pense qu'il serait peut-être plus

27 difficile de parvenir à un accord, mais il n'empêche que je vais m'en

28 entretenir avec le conseil de la Défense.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre de première instance vous

2 serait extrêmement reconnaissante de tout accord que vous pourrez conclure.

3 Il y a également un autre élément qui n'est pas quelque chose qui a été

4 laissé en suspens, mais qui a été porté à notre connaissance. Il s'agit du

5 calendrier prévu pour cette affaire. En consultant le calendrier du

6 Tribunal, il semblerait que deux journées supplémentaires aient été

7 attribuées à cette affaire, en d'autres termes, le 30 et 31 mars.

8 J'aimerais savoir si l'Accusation a des objections à ce que nous siégions

9 pendant ces deux journées ?

10 M. WHITING : [interprétation] Non, absolument pas, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

12 Maître Milovancevic, est-ce que la Défense pourrait envisager de

13 siéger le 30 et 31 mars ?

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Nous en avons

16 terminé avec les questions qui avaient été laissées en suspens.

17 Monsieur Whiting, je pense que nous pouvons maintenant passer aux

18 déclarations liminaires.

19 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

20 Président.

21 Je vous remercie. Je souhaite dire qu'à la fin des années 1980, l'ex-

22 Yougoslavie qui était alors connue sous le nom de la République socialiste

23 fédérative Yougoslavie ou RSFY était composée de six républiques et de deux

24 provinces autonomes et a commencé à connaître une désintégration. Certaines

25 de ces républiques, notamment les républiques de la Slovénie et de la

26 Croatie, ont commencé à avoir des velléités d'indépendance. Toutefois, un

27 groupe de dirigeants serbes au sein de l'ex-Yougoslavie et ce groupe

28 inclut, notamment l'accusé, Milan Martic, a épousé une philosophie

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1 extrêmement différente, une philosophie qui ne passait pas par le concept

2 de républiques indépendantes ou autonomes, mais qui passait par le concept

3 d'un seul Etat serbe, un état unique pour tous les Serbes qui, en quelque

4 sorte, couperait à travers les frontières des républiques pour rassembler

5 toutes les régions où, dans l'ex-Yougoslavie, les Serbes étaient

6 majoritaires, où ils représentaient une part importante de la population,

7 où ils avaient des revendications historiques.

8 Les dirigeants serbes qui ont épousé cette philosophie ont essayé,

9 notamment, de découper les régions serbes dans les républiques de Croatie

10 et de Bosnie-Herzégovine et ce, afin de les rassembler ensemble avec la

11 Serbie-et-Monténégro et ce, pour créer un seul Etat serbe. Cet objectif de

12 l'Etat serbe unique a été appelé par différents noms; la Grande-Serbie, la

13 Serbie élargie ou un état pour tous les Serbes.

14 Cette affaire est une affaire de crimes de guerre et de crimes contre

15 l'humanité qui ont été commis par l'accusé, Milan Martic, alors que lui

16 ainsi que d'autres ont essayé de mettre en œuvre dans la pratique cette

17 philosophie, ont essayé de créer un Etat serbe séparé au sein de la

18 Croatie, état qui sera devenu cet état pour tous les Serbes. Cette région

19 qu'ils avaient prévu pour cet Etat serbe incluait ce que l'on connaît

20 maintenant sous le nom de Région autonome serbe de la Krajina en Croatie,

21 une zone qui est frontalière à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine et

22 Knin est la ville la plus importante.

23 Grâce au logiciel Sanction, je vais vous montrer une carte de la

24 Croatie et nous pouvons voir la frontière qui se trouve à la droite --

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, nous ne l'avons pas. Nous

26 l'avons maintenant cette carte.

27 M. WHITING : [interprétation] Merci.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Elle vient juste d'être affichée.

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1 M. WHITING : [interprétation] Je vous montre cette carte de la Croatie et

2 vous pouvez voir, de part et d'autre, de la flèche rouge la frontière avec

3 la Bosnie-Herzégovine et il semblerait que la carte ne soit plus affichée

4 sur l'écran.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous n'avons plus cette carte à

6 l'écran.

7 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas s'il y a un problème -- est-ce

8 que ce serait peut-être la régie, les techniciens ? Est-ce que l'image est

9 à nouveau affichée ?

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui.

11 M. WHITING : [interprétation] Elle n'est pas affichée sur notre écran. Là

12 voici. Je vais refaire une tentative. Il s'agit d'une carte de la Croatie.

13 Nous pouvons voir la frontière avec la

14 Bosnie-Herzégovine qui se trouve de part et d'autre de cette flèche rouge

15 et c'est le long de cette frontière que se trouve la région de la Krajina.

16 La flèche rouge, nous allons faire un gros plan maintenant, voyez que cette

17 flèche indique Knin. Cette carte ainsi que d'autres cartes vont être

18 fournies à la Chambre de première instance en temps voulu.

19 Il faut savoir que les Serbes représentaient une population minoritaire

20 dans l'ensemble de la Croatie, mais dans la région de la Krajina, ils

21 étaient majoritaires. Sur la carte suivante que je vais maintenant vous

22 montrer, nous pouvons voir les différents groupes ethniques au sein de la

23 Croatie en 1991. Nous avons repris les données du recensement de 1991. Vous

24 pouvez voir qu'il y a en rose - M. Black va dessiner un cercle autour de

25 cette région - cette région qui est indiquée en rose et qui représente la

26 région de la Krajina où les Serbes sont majoritaires. Puis, nous avons

27 également en bleu les régions où les Croates sont majoritaires.

28 Il faut savoir que les éléments à charge qui vont être présentés

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1 contre cet accusé sont très simples et peu complexes, car les éléments de

2 preuve vont démontrer que l'accusé ainsi que d'autres nourrissaient un

3 objectif criminel commun qui a connu le succès pendant de nombreuses

4 années, qui consistait à débarrasser l'Etat serbe qui était prévu en

5 Croatie des Croates et de la population non-serbe qui y résidaient. Ils

6 souhaitaient créer cet Etat serbe homogène pour le truchement d'une

7 campagne de persécutions à laquelle on fait souvent référence sous le nom

8 de nettoyage ethnique.

9 Les Croates et les autres civils non-serbes sont devenus l'ennemi.

10 Dans les zones qui étaient prévues pour cet Etat serbe planifié, les

11 Croates et les autres non-serbes qui y résidaient ont été la cible de

12 mesures de discrimination, ont vu leurs déplacements limités, ont fait

13 l'objet de déplacements forcés, d'emprisonnement, de tortures, de meurtres

14 et ce, dans un effort destiné à les chasser. Leurs propriétés, leurs biens

15 ont été pillés et détruits de telle sorte qu'ils n'aient pas de foyers à

16 retrouver.

17 Dans cette déclaration liminaire, je vais vous fournir un panorama

18 des éléments de preuve que l'Accusation va présenter dans cette affaire. Je

19 ne vais pas vous présenter tous les éléments de preuve, je ne vais pas non

20 plus aborder tous les aspects des chefs d'inculpation qui sont reprochés à

21 cet accusé, car cela a été fait par l'entremise de plusieurs écritures qui

22 ont été déposées. L'objectif de cette déclaration consiste tout simplement

23 à vous permettre de faire un tour d'horizon de cette affaire. Lors de cette

24 déclaration liminaire, je vous montrerais quelques pièces à conviction,

25 notamment des extraits vidéo que nous avons l'intention de verser au

26 dossier pendant ce procès.

27 L'historique de cette affaire commence au mois de janvier 1990. A

28 cette époque, les dirigeants serbes ainsi que les médias, notamment cet

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1 accusé, avaient déjà fait ou pris les premières mesures visant un conflit

2 ethnique et une séparation ethnique et définissait ou présentait la

3 majorité de la population croate en Croatie comme une menace, un danger

4 pour la population minoritaire serbe en Croatie, ce qui fait que cela a

5 inculqué un sentiment de crainte et de frayeur parmi la population serbe.

6 Bien entendu, la crainte et la peur permettent souvent à un groupe ethnique

7 de considérer un autre groupe ethnique, des voisins en l'occurrence dans

8 cette affaire, comme l'ennemi.

9 Alors, il est absolument indubitable que par ailleurs, il y a eu des

10 incidents motivés par des raisons ethniques dont certains Croates ont été

11 les auteurs, incidents qui ont perpétré vis-à-vis de Serbes. De surcroît,

12 il y a eu de temps à autre de la part des dirigeants croates une certaine

13 insensibilité vis-à-vis des préoccupations de la population serbe,

14 notamment, je pense au moment où ces dirigeants ont réutilisé différents

15 symboles émanant du passé croate que la population serbe avait associé avec

16 le régime fasciste croate de la Deuxième guerre mondiale. Peut-être que je

17 devrais dire d'emblée, qu'il est important d'indiquer de façon très claire

18 quel est le point de vue de l'Accusation, à savoir, lors de ce conflit en

19 Croatie, tout comme quasiment dans tout conflit, ce conflit n'a pas été en

20 quelque sorte unilatéral. Certains événements qui se sont déroulés du côté

21 croate ont certainement contribué à l'augmentation ou à l'exacerbation des

22 tensions du conflit ethnique à ce moment-là.

23 Toutefois, c'est une question de droit et de fait, rien ne s'est

24 produit du côté croate à tout moment pendant ces événements qui ne

25 justifient les crimes qui sont reprochés dans cet acte d'accusation.

26 Les éléments de preuve vont montrer comment des dirigeants serbes,

27 notamment cet accusé, ont véritablement exploité les tensions et ont

28 véritablement attisé les flammes de la crainte parmi la population serbe en

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1 indiquant que la population serbe était menacée d'un génocide imminent qui

2 allait être commis par la majorité croate.

3 Les dirigeants serbes ont en quelque sorte favorisé un sentiment de

4 crainte parmi la population serbe afin de créer des conditions pour avoir

5 un état serbe homogène séparé. En février 1990, les Serbes en Croatie ont

6 fondé un parti politique pour représenter leurs intérêts; le Parti

7 démocrate serbe, connu comme le SDS. Le manifeste du SDS énumérait tous les

8 problèmes auxquels sont confrontés les Serbes en Croatie et évoquait la

9 menace de génocide.

10 Qui plus est, le manifeste déclarait, je cite : "Nous nous

11 évertuerons d'avoir une division administrative de la Croatie en régions et

12 en municipalités qui vont tenir compte de façon beaucoup plus exacte de la

13 structure ethnique de la région dans laquelle nous vivons." En d'autres

14 termes, il s'agissait de retracer les divisions régionales et municipales

15 qui existaient en Croatie en faisant sorte qu'elles suivent les frontières

16 ethniques.

17 Le parti du SDS a, qui plus est, préconisé l'autonomie pour les

18 territoires au sein de la Croatie, je cite à nouveau, territoires qui

19 avaient, je cite : "Une composition ethnique spéciale." Dès le début, le

20 SDS avait véritablement épousé la cause de la crainte, en évoquant la

21 menace de génocide et a épousé également la cause de la séparation

22 ethnique.

23 En 1990, l'accusé, Milan Martic, était inspecteur de police à Knin en

24 Croatie, au cœur de cette région qui était essentiellement serbe en

25 Croatie. J'aimerais dire quelques mots à propos de la structure et de la

26 terminologie.

27 Car au sein des républiques de l'ex-Yougoslavie, la police, qui

28 contrairement à l'armée de l'ex-Yougoslavie, était organisée au niveau de

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1 la structure de la république, avait deux fonctions. Il y avait dans un

2 premier temps les fonctions ordinaires de la police, qui consistent à

3 préserver l'ordre public et les fonctions de la Sûreté d'Etat. En 1990, les

4 forces de police en Croatie avaient une composition ethnique qui étaient

5 mixtes et étaient composées d'officiers croates et d'officiers serbes. La

6 police était placée sous l'égide du ministère de l'Intérieur et à la fois,

7 la police et le ministère de l'Intérieur sont souvent mentionnés comme

8 étant le MUP, M-U-P. Nous allons entendre des références qui seront faites

9 au MUP en règle générale, aux officiers du MUP et aux postes du MUP.

10 De temps à autre, il y aura également des références qui seront

11 faites au SUP, S-U-P. Il s'agit tout simplement d'un bureau régional du

12 MUP. A ce sujet d'ailleurs, nous allons parfois entendre des références qui

13 seront faites à des bureaux du SUP ou à des officiers du SUP.

14 Pour revenir à notre affaire, au début de l'année 1990, l'accusé,

15 Milan Martic, était inspecteur de police à Knin et il s'est rallié aux

16 sentiments du fondateur du SDS, Jovan Raskovic et a commencé à promouvoir

17 la séparation ethnique et a agité la crainte du génocide de la part des

18 Croates.

19 A cette époque, Martic a commencé à organiser les policiers serbes

20 comme une force séparée au sein de la police croate. Dans un entretien de

21 l'année 1994, l'accusé, Milan Martic, parlait de cette époque et a dit, je

22 cite : "A l'époque, j'oeuvrais afin de réveiller la conscience patriotique

23 des Serbes en leur disant que la Croatie se préparait à fomenter un autre

24 génocide contre les Serbes." J'aimerais maintenant revenir à l'évolution

25 des structures politiques serbes en Croatie.

26 Comme je l'ai déjà dit, en janvier 1990, le parti politique serbe, le

27 SDS, a été fondé. En avril et en mai 1990, eurent lieu les premières

28 élections multipartites en Croatie. Le SDS a remporté la majorité dans

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1 quatre municipalités qui sont montrées sur une carte grâce au logiciel

2 Sanction. Je dirais que si vous appuyez sur la touche "computer evidence",

3 c'est la meilleure solution pour voir cette carte. Vous voyez que ces

4 quatre municipalités se trouvaient véritablement au cœur même de cette

5 entité serbe à laquelle aspiraient les Serbes en Croatie : Knin, Gracac,

6 Donji Lapac et Benkovac.

7 Le président du parti SDS dans la municipalité de Knin, ainsi que le

8 président de la municipalité de Knin, était un homme qui répondait au nom

9 de Milan Babic, une personnalité importante dans cette affaire qui devait

10 devenir, en 1990 et 1991, le dirigeant politique suprême de l'entité

11 politique serbe séparée de la Krajina croate, tout d'abord a été connue

12 sous le nom de district autonome serbe de la Krajina ou SAO Krajina, puis,

13 plus tard, sous le nom de République de la Krajina serbe, ou RSK, après que

14 deux autres districts autonomes serbes en Croatie se soient joints à elle.

15 Par conséquent, Babic était l'homologue politique de Milan Martic.

16 Babic est devenu le président de cet état serbe qui était planifié en

17 Krajina croate, alors que Martic est devenu le commandant de ces forces

18 armées.

19 Martic et ses partisans au sein de la police ont rejeté le nouvel

20 uniforme de la police croate qui était, d'après Martic, un symbole de

21 l'état fasciste croate de la Deuxième guerre mondiale. En juillet 1990,

22 accompagné d'une bande de policiers serbes peu disciplinée, a véritablement

23 défié et donnait le pion au ministre de l'Intérieur croate, qui était le

24 supérieur de Martic au sein du gouvernement et qui était venu à Knin avec

25 ses aides pour essayer de tempérer un peu les perturbations qui ne

26 faisaient pas que croître.

27 L'accusé plus tard s'est vanté de la façon dont il avait fait peur au

28 ministre de l'Intérieur et à ses aides, de la façon dont ils avaient même

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1 demandé la protection de Martic afin de pouvoir quitter Knin en toute

2 sécurité.

3 Martic a commencé à organiser les policiers serbes dans la Krajina, mais il

4 n'a pas agi seul ce faisant. Plutôt, il a reçu de l'aide décisive et un

5 soutien décisif lui a été apporté par le ministère de l'Intérieur de la

6 Serbie, ce qu'on appelle le MUP de Serbie. Cette aide et ce soutien

7 passaient par deux de ces acteurs les plus importants, à savoir, Jovica

8 Stanisic et Frenki Simatovic, les deux étant des dirigeants haut placés au

9 sein du SUP de la Serbie. Les deux sont des accusés dans des affaires

10 distinctes devant ce Tribunal pour un nombre des crimes qui sont des crimes

11 semblables que ceux que l'on reproche à cet accusé-ci.

12 Stanisic et Simatovic, qui eux étaient placés sous le contrôle de Slobodan

13 Milosevic en Serbie, ont fourni un soutien substantiel à Martic et à la

14 police serbe de Croatie et ce, sous forme de direction, d'aide financière

15 et d'armes.

16 Tout au long de la période concernée par cette affaire, Martic, ses

17 associés au sein du MUP de Serbie et Milosevic seront parfois décrits en

18 tant qu'une structure parallèle, à savoir, Martic occupait des positions et

19 fonctionnait au sein des structures politiques et les structures militaires

20 locales des Serbes au sein de la Krajina croate, mais il répondait aussi

21 aux leaders serbes qui se situaient à l'extérieur de la Krajina, à savoir,

22 en Serbie, en Bosnie-Herzégovine et partageaient son objectif de créer un

23 état distinct pour tous les Serbes.

24 Avec le temps, l'accusé Martic est devenu davantage loyal à ces dirigeants

25 serbes qui se trouvaient à l'extérieur de la Krajina croate, qu'il n'avait

26 de liens avec des protagonistes politiques au sein de la Krajina, y compris

27 Milan Babic. Nous verrons Martic a fini par recevoir du soutien non

28 seulement de la part du MUP serbe et des figures politiques de Serbie, mais

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1 aussi de la part de l'armée yougoslave, qui est connue sous le nom de la

2 JNA, qui en août 1991 a quitté sa position de neutralité et s'est engagée

3 dans la guerre en Croatie au côté des forces serbes.

4 Revenons maintenant à l'année 1990. Nous voyons là deux évolutions qui en

5 fait se recoupent et qui sont au cœur de l'espèce. Tout d'abord, comme nous

6 l'avons déjà dit, les Serbes de Croatie commencent à s'organiser pour créer

7 une structure politique et géographique séparée au sein de la Croatie. Il

8 s'agit d'une évolution, d'un mouvement qui s'est amorcé avec les

9 aspirations du SDS au début des années 1990, au début de l'année 1990, mais

10 rapidement ceci a donné lieu à la création de différentes structures

11 politiques dont l'objectif était de servir en tant que gouvernement séparé

12 qui représentait les Serbes de Croatie. A la fin de l'année 1990, moins

13 d'une année plus tard, les Serbes de Croatie avaient mis sur pied une

14 structure séparée, autonome, politique et géographique qui englobait les

15 municipalités serbes et les villages serbes de Croatie. Cette entité était

16 déjà en existence, d'une manière ou d'une autre, à la fin de 1990 jusqu'en

17 août 1995, mais n'a jamais été reconnue en tant qu'état séparé par la

18 communauté internationale.

19 C'est la raison pour laquelle nous allons entendre des références à la soi-

20 disant région autonome serbe de Krajina ou la SAO Krajina et la soi-disant

21 République serbe de Krajina ou la RSK. Comme je l'ai déjà dit, celle-ci a

22 été créée en opérant une jonction entre la SAO Krajina et les deux autres

23 régions autonomes serbes de Croatie, la SAO de Slavonie occidentale et la

24 SAO de Slavonie orientale de la Baranja et du Srem occidental.

25 La deuxième évolution qui a eu lieu en 1990, c'était la -- la deuxième

26 évolution qui eu lieu en 1990 c'était la création, sous la direction de

27 Milan Martic, d'une force de police serbe séparée en Croatie qui allait

28 agir en tant que forces armées de la structure politique, géographique

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1 serbe. A la fin de l'année 1990, cette force était solidement sur pied et

2 placée sous le commandement de l'accusé, Milan Martic. Cette force a été

3 connue sous différentes appellations, telles que la police de Martic, la

4 milicija de Martic, les Marticevci, signifiant les hommes de Martic ou à

5 Martic ou la milicija de la Krajina de la SAO. En juin 1990, cette force

6 comprenait la police serbe qui était loyale à Martic ainsi que d'autres

7 Serbes de la Krajina qui ont pris les armes et qui ont apporté leur soutien

8 à Martic.

9 Revenons maintenant à l'évolution politique dans la SAO Krajina en

10 1990. Essayons de voir ce qui a précédé la création d'une structure

11 politique séparée serbe dans la Krajina serbe de Croatie.

12 J'ai déjà parlé des élections où le SDS a emporté la majorité dans

13 les quatre municipalités. En juin 1990, Milan Babic et d'autres ont mis sur

14 pied ce qu'ils ont appelé l'association des municipalités serbes de la

15 Dalmatie du nord et du Lika. C'était une première mesure formelle vers la

16 création d'une entité politique et géographique serbe séparée au sein de la

17 Croatie. La Dalmatie du nord et la Lika concernent les régions au sein de

18 la Croatie que l'on peut voir, grâce à notre logiciel Sanction.

19 L'association des municipalités de la Dalmatie du nord et de Lika

20 comprenait les municipalités de Knin, de Benkovac, de Gracac et de Donji

21 Lapac, les quatre municipalités où le SDS avait remporté la majorité, plus

22 les municipalités d'Obrovac et de Korenica.

23 En juillet 1990, l'assemblée serbe s'est tenue dans la ville de Serb. C'est

24 une ville qui se situe sur le territoire de la municipalité de Donji Lapac.

25 On va la voir sur la carte que l'on peut voir, grâce à Sanction. On va

26 grandir cette région-là de la Croatie. On peut voir Knin, puis légèrement

27 au nord de Knin, la flèche rouge la montre à présent, se situe la ville de

28 Srb où s'est tenue l'assemblée serbe en juillet 1990.

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1 Cette assemblée, elle a rassemblé à peu près 100 000 Serbes, pour la

2 plupart les Serbes de Croatie, y compris les membres du SDS, les présidents

3 des municipalités serbes, ensuite des députés serbes au parlement de la

4 République de Croatie, ainsi que des représentants de l'église orthodoxe

5 serbe.

6 Je vais vous montrer à présent des photographies de cette assemblée, la

7 foule immense que l'on peut voir, puis une photo de Milan Babic qui

8 s'adresse à la foule à Srb.

9 L'assemblée a adopté ce qu'on a appelé : déclaration sur la souveraineté

10 autonomie du peuple serbe. Un nombre considérable de mesures

11 supplémentaires ont été prises par cette déclaration menant à la création

12 d'un Etat serbe en Croatie. La déclaration proclame que le peuple serbe

13 constitue une nation souveraine au sein de la Croatie, crée l'assemblée

14 serbe en tant que représentant du peuple serbe et crée aussi le conseil

15 national serbe qui doit agir en tant qu'organe exécutif. Enfin, la

16 déclaration fait valoir que si la Croatie reste au sein de la Yougoslavie,

17 les Serbes de Croatie exigeront qu'on leur accorde une autonomie

18 culturelle. Mais si la Yougoslavie devient une confédération de républiques

19 indépendantes, à partir de ce moment-là, les Serbes vont demander une

20 autonomie, à la fois, politique et territoriale. C'étaient des mesures

21 supplémentaires menant à la création, à la définition d'un Etat serbe au

22 sein de la Croatie.

23 Puis, en août 1990, le conseil national serbe s'est réuni, il a demandé

24 l'organisation d'un référendum qui serait tenu par les Serbes et on

25 poserait la question de l'autonomie pour les Serbes de Croatie. A ce

26 référendum, 99,7 % des votants se sont prononcés à l'appui de l'autonomie.

27 Cependant, ce référendum a eu une autre importance bien plus grande. Il a

28 réuni, d'une manière tout à fait dramatique, les deux lignes qui étaient en

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1 train de se développer à ce moment-là, à savoir, l'entité politique et

2 géographique séparée serbe qui était en train d'être créée par Milan Babic,

3 d'une part et d'autre part, la police des forces serbes sous le contrôle de

4 l'accusé Milan Martic.

5 Cela s'est passé parce que le 17 août 1990, le gouvernement croate a

6 déclaré que le référendum tenu par les communautés serbes était illégal et

7 la police croate a commencé à prendre des mesures afin d'entraver ce

8 référendum. La police serbe placée sous le commandement de Martic a réagi,

9 elle a confisqué les armes de réserve de la police et les a distribuées aux

10 Serbes. Comme Martic allait le déclarer plus tard dans un entretien, je

11 cite : "Nous avons fait en sorte que les armes de la police, de la militia

12 ne soient pas données aux Croates. J'ai personnellement donné l'ordre à la

13 militia de prendre tous les canons longs et de garder, de surveiller le

14 reste de l'armement jour et nuit."

15 Les Serbes ont également érigé des barricades et des barrages à Knin

16 et ailleurs, sous le commandement de Martic, afin d'empêcher les autorités

17 croates d'entrer dans la zone et cela est devenu connu par la suite comme

18 "révolution des troncs d'arbres" parce que ce sont des troncs d'arbres qui

19 ont été utilisés pour dresser les barrages.

20 Cet événement a cimenté le rôle de l'accusé Martic en tant que

21 dirigeant de la police serbe de Croatie et a montré la détermination de la

22 police serbe sous le commandement de Martic de prendre les armes pour se

23 battre pour cet Etat séparé serbe, politiquement et géographiquement établi

24 et qui était en train de se mettre sur pied.

25 Martic ne se considérait plus, à ce moment-là, comme étant placé sous

26 l'autorité du gouvernement croate, pas du tout. Voyons ce qu'il dit au

27 sujet du gouvernement croate, quelques semaines après le début de la

28 révolution des troncs d'arbres. Nous allons voir une séquence vidéo. Nous

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1 allons l'entendre en anglais, mais nous allons pouvoir suivre les deux en

2 même temps.

3 [Diffusion de cassette vidéo]

4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Martic s'exprime, dit dans le rapport que

5 c'est la police du peuple :

6 'Cette police protège le peuple contre le gouvernement croate qui

7 nous fait du tort. Dis-le clairement. Dis que c'est la police du peuple,

8 que cette police n'écoute pas le gouvernement croate. Elle n'écoute que son

9 peuple, ce peuple.'

10 Journaliste : Cette conversation a eu lieu devant l'entrée du poste

11 de police avec toute une série d'insultes habituelles. Elle conseille qu'il

12 nous vaut mieux partir pour des raisons de notre propre sécurité. Nous

13 sommes partis de Knin."

14 [Fin de diffusion de cassette vidéo]

15 M. WHITING : [interprétation] En août 1990, à l'époque de cette révolution

16 des troncs d'arbres, Martic a cherché à obtenir même davantage de soutien

17 de la part de la Serbie. Il a envoyé un message aux dirigeants serbes de

18 Serbie, y compris à Slobodan Milosevic, disant que les Serbes de Croatie

19 avaient besoin, soit de davantage d'armes, soit d'un appui, d'un soutien de

20 la part de l'armée de Yougoslavie, de la JNA.

21 Comme je l'ai déjà dit, la JNA, à l'époque, affirmait, du moins de

22 manière officielle, qu'elle était neutre, que sa position était neutre

23 entre les deux parties belligérantes en Croatie et elle affirmait qu'elle

24 n'intervenait qu'en tant que tampon entre les deux parties.

25 Cependant, après août 1990, pour le reste de l'année 1990 et pendant

26 la première moitié de l'année 1991, Martic et sa police ont cherché à faire

27 intervenir la JNA dans ce conflit et ce, aux côtés des Serbes en provoquant

28 des escarmouches, des conflits avec le gouvernement croate. Avançons vers

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1 la fin de l'année 1990.

2 En décembre, on a formalisé davantage l'existence d'une structure

3 politique serbe séparée, distincte en Croatie. L'association des

4 municipalités de la Dalmatie du nord et de la Lika a été transformée pour

5 devenir une entité baptisée Région autonome serbe de Krajina ou ce qu'on a

6 appelé la SAO Krajina, en abrégé, qui comprenaient toutes les municipalités

7 qui avaient fait partie de l'association des municipalités de la Dalmatie

8 du nord et de la Lika, tout comme d'autres municipalités serbes et des

9 villages dans la zone de la Krajina qui souhaitaient se joindre à cette

10 entité.

11 Cette entité a été mise sur pied pendant la guerre, à l'automne 1991,

12 pendant qu'ont été perpétrés de nombreux crimes qui sont reprochés à l'acte

13 d'accusation.

14 A l'écran, on voit à présent une carte représentant les municipalités

15 et les zones qui avaient fait partie de la soi-disant SAO Krajina en avril

16 1991. C'est en vert sur cette carte.

17 La zone de la SAO Krajina s'est agrandie partiellement dans des

18 combats et cet élargissement s'est fait jusqu'à la fin de l'année 1991 et

19 ici, sur cette carte, on voit une zone plus large, placée sous le contrôle

20 de la SAO Krajina à la fin de l'année 1991. C'est en rouge, comme M. Black

21 nous présente maintenant quel est le territoire de la SAO Krajina à la fin

22 de l'année 1991. Pour les autres SAO, les autres régions dont je parlerai

23 par la suite, nous les voyons également sur la carte. Mais en rouge, on

24 voit la SAO Krajina.

25 La SAO Krajina a été créée en décembre 1990 et elle avait, à la fois,

26 une assemblée et un conseil exécutif. Milan Babic est devenu le président

27 du conseil exécutif de la SAO Krajina et le 4 janvier 1991, Milan Martic a

28 été nommé au poste du ministre de l'Intérieur de la SAO Krajina. Il

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1 exerçait le contrôle plein et entier sur la police de Martic. Le 1er avril

2 1991, le conseil exécutif de la SAO Krajina a pris une décision et par

3 cette décision, il a rejoint la SAO Krajina, il a opéré des jonctions entre

4 la SAO Krajina et la République de Serbie. C'était une mesure

5 supplémentaire pour rassembler les zones serbes de l'ex-Yougoslavie et pour

6 en faire un Etat serbe unique. Le conseil exécutif a également déclaré que

7 la constitution et les lois de la Serbie et de la Yougoslavie allaient

8 s'appliquer dans la SAO Krajina et que ce ne seront pas les lois de la

9 République de Croatie.

10 En mai 1991, un autre référendum a été organisé dans les zones serbes

11 de Croatie. La question qui a été posée a été de savoir si la SAO Krajina

12 devait rester avec la Serbie et le Monténégro au sein de la Yougoslavie.

13 Encore une fois, c'est dans les zones serbes de la SAO Krajina que le

14 référendum a été organisé et 99,8% des votants ont approuvé, ont répondu

15 par l'affirmative à la question.

16 En même temps, la République de Croatie, elle-même, avançait sur la

17 voie de l'indépendance pour se séparer de l'ex-Yougoslavie. En mai 1991, le

18 référendum sur la question d'indépendance a été organisé en Croatie, mais

19 celui-ci a été boycotté par la SAO Krajina et 94 % des votants ont approuvé

20 l'indépendance.

21 Par la suite, le 25 juin 1991, la Croatie a proclamé son

22 indépendance. Cependant, en accord avec la Communauté européenne, la

23 Croatie a accepté de suspendre la mise en œuvre de son indépendance et ce,

24 jusqu'au mois d'octobre 1991.

25 Au sein de la SAO Krajina, la position de Martic s'est définie

26 davantage et le 29 mai 1991, il a été élu par l'assemblée au poste du

27 ministre de la Défense de la SAO Krajina, tandis que le poste, la fonction

28 du ministre de l'Intérieur a été attribué à une personnalité plus modérée.

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1 Martic s'est opposé à cette mesure. Cependant, un mois plus tard, il a de

2 nouveau assumé son poste du ministre de l'Intérieur. Pendant toute cette

3 période et par la suite, Martic, l'accusé de l'espèce, a gardé le contrôle

4 plein et entier sur la police de Martic. Également, pendant cette période,

5 il y avait une sorte de rivalité qui est née entre les deux dirigeants

6 principaux des Serbes en Krajina croate, à savoir, entre Milan Babic et

7 Milan Martic. Alors que les deux hommes partageaient en substance les mêmes

8 objectifs pour les Serbes de Croatie, il y avait entre eux une lutte pour

9 le pouvoir.

10 Toutefois, les éléments de preuve ont montré que Babic n'a jamais

11 constitué un véritable défi ou n'a jamais contesté vraiment le contrôle

12 qu'avait Martic sur les unités armées serbes de Croatie et le rôle de Babic

13 est resté presque entièrement un rôle politique. A l'été 1991, Babic a

14 essayé d'assurer le contrôle sur les éléments serbes de la Défense

15 territoriale de Krajina et je voudrais donner quelques mots d'explication

16 au sujet de la fonction et du rôle de la Défense territoriale de l'ex-

17 Yougoslavie.

18 Il faut savoir qu'en plus de l'armée, la JNA, il y avait aussi ce

19 qu'on a appelé la Défense territoriale à laquelle on s'est souvent référé

20 en l'appelant la TO. Cela existait plus au niveau local, au niveau des

21 républiques. La Défense territoriale comptait dans ses effectifs, le plus

22 souvent, des individus plus âgés et souvent, elle était commandée par des

23 officiers qui étaient des officiers à la retraite, les ex-officiers de la

24 JNA. En temps de paix, la Défense territoriale était commandée par le

25 président de la république, tandis qu'en temps de guerre, elle était placée

26 sous le commandement de la JNA. En Croatie, par conséquent, la Défense

27 territoriale était placée sous le contrôle du gouvernement croate, sauf en

28 temps de guerre où le contrôle était exercé par la JNA.

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1 Alors, lorsque la SAO Krajina a été créée en Croatie, il y a eu un

2 effort qui a été déployé afin de placer les unités de la Défense

3 territoriale qui existaient au sein de la SAO Krajina sous le contrôle

4 serbe. Comme je l'ai déjà dit, à l'été 1991, Milan Babic, en sa qualité de

5 président de la SAO Krajina, a cherché à assumer le contrôle sur ces unités

6 de la Défense territoriale serbe de la SAO Krajina et il a essayé de

7 constituer une structure de commandement afin de les diriger.

8 Toutefois, cet effort n'a jamais été couronné de succès. Tout

9 d'abord, les Serbes qui voulaient prendre des armes et qui étaient dans la

10 SAO Krajina, eux, dans leur majorité, ont rejoint les rangs de la JNA ou

11 ont rejoint la police de Martic. Dans de nombreuses régions de la SAO

12 Krajina, la Défense territoriale n'existait que sur papier et non pas

13 réellement.

14 Un deuxième point, Martic, lui-même, voulait s'assurer le contrôle

15 sur la Défense territoriale et en août 1991, Babic a reçu des pressions qui

16 s'exerçaient de la part de Milosevic afin de nommer Martic commandant

17 adjoint de la Défense territoriale dans la SAO Krajina et qui plus est,

18 certaines unités de la Défense territoriale étaient loyales uniquement à

19 Martic. Les éléments de preuve montreront qu'en fin de compte, Martic

20 exerçait davantage de contrôle sur la Défense territoriale que n'en a

21 exercé Babic.

22 De plus, pendant les opérations militaires sur le terrain, telles que

23 les opérations qui se sont déroulées pendant les mois d'automne 1991, les

24 unités de la Défense territoriale étaient subordonnées à l'armée, à la JNA

25 et nous allons le voir dans un instant, en août 1991, au seuil de la

26 guerre, la JNA et la police de Martic agissaient de concert, étaient

27 complètement sur la même longueur d'ondes.

28 J'ai déjà dit que pendant les derniers mois de l'année 1990 et la première

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1 moitié de 1991, Martic et sa police ont cherché à provoquer des conflits

2 armés avec les autorités croates afin d'entraîner la JNA dans le conflit.

3 En mars 1991, par exemple, la police de Martic a pris le contrôle sur le

4 parc national de Plitvice et le site de ce parc national nous est montré

5 maintenant sur cette carte.

6 C'est un lieu touristique très important dans la municipalité de

7 Korenica. C'est l'une des municipalités qui avaient rejoint la SAO Krajina.

8 M. Black nous montre en gros plan l'endroit à présent sur la carte. C'est

9 au nord de Korenica. Il y a eu un conflit qui a éclaté entre le MUP croate

10 et la police de Martic -- c'était en mars 1991 -- de part de d'autre, il y

11 a eu un policier de tué. La JNA s'est engagé dans le conflit et a imposé un

12 cessez-le-feu.

13 Il y a eu d'autres escarmouches, d'autres petits conflits comparables

14 qui ont éclaté pendant les premiers mois de l'année 1991.

15 Qui plus est, les civils croates ont commencé à être visés, attaqués

16 sur le territoire de la SAO Krajina. En avril 1991, un restaurant croate

17 situé près de Knin a été détruit, a été dynamité à l'explosive. Martic

18 était responsable de la police de la SAO Krajina, mais nous allons vous

19 montrer un reportage, on va voir quelle a été l'attitude adoptée par Martic

20 à ce moment-là envers les civils croates. Encore une fois, Sanction va nous

21 permettre de voir, à la fois, l'image et le texte synchronisés.

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Les attaques terroristes sur les Croates de

24 Knin et la Krajina, la soi-disant Krajina, continuent. Dunja [phon] et

25 Nenad Anicevic [phon] qui avaient un établissement à Vrelo [phon] se sont

26 vus, leurs établissements détruits à l'explosive cette nuit, ainsi que

27 leurs maisons de campagne de Knin ou plutôt, celle du Croate Drago

28 Stejanovic [phon] et Milan Martic, le chef autoproclamé, et cetera.

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1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 M. WHITING : [interprétation] A en juger d'après ce reportage, Martic a

3 déclaré que puisque la police avait pour première tâche de défendre les

4 frontières de la SAO Krajina, il n'avait pas de temps pour enquêter sur les

5 crimes commis contre les civils croates.

6 Le vrai tournant dans le cadre de ce conflit s'est produit, cependant, en

7 août 1991. Comme on peut le voir sur la carte qu'on est en train de nous

8 montrer à présent à l'aide de Sanction, Kijevo qui va nous être montré avec

9 cette flèche rouge, c'est un village qui se situe immédiatement au sud de

10 Knin. A l'époque, Kijevo était un village croate situé entre Knin, au nord

11 et plusieurs villages serbes situés au sud. L'accusé Martic, en août 1991,

12 souhaitait s'emparer du contrôle sur ce village et il a émis un ultimatum à

13 l'adresse des autorités croates, leur demandant d'abandonner le poste de

14 police de Kijevo, en mettant en garde la population civile, disant qu'une

15 attaque allait s'ensuivre, si ceci n'était pas fait. Puis, c'est là que se

16 situe la partie importante de cet événement.

17 La JNA a abandonné sa position officielle de neutralité et s'est

18 engagée ouvertement dans ce conflit au côté des Serbes. A l'expiration de

19 l'ultimatum lancé par Martic, les forces de la JNA, des éléments de la

20 police de Martic ainsi que l'unité locale de la Défense territoriale serbe,

21 tous ces éléments placés sous le commandement unifié de la JNA ont attaqué,

22 se sont emparés de Kijevo, l'ont nettoyé de tous les Croates qui y

23 vivaient. Dans un entretien qui a eu lieu en 1994, c'est de manière très

24 ouverte que l'accusé Martic a parlé de l'attaque sur Kijevo, de la

25 coopération entre ces forces de la JNA et de l'opposition de Milan Babic à

26 cette attaque. Martic a dit, je cite : "Babic pensait que la question de

27 Kijevo pouvait se résoudre d'une manière différente. Il a même fait une

28 déclaration disant que Kijevo n'aurait pas dû être attaqué. Cependant, mon

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1 opinion était plus forte et en coordination avec la JNA, nous l'avons fait

2 à ma façon. Nous avons gagné l'infanterie de la part de la police, puis,

3 des civils et la logistique a été fournie par la JNA. Nous avons conquis

4 Kijevo." Martic a également dit dans un entretien : "Pour être tout à fait

5 franc, nous semblons être supérieurs aux Croates et ils se sont enfuis.

6 Nous ne nous occupions pas des victimes. Nous voulions libérer nos villages

7 qui étaient bloqués. Bien entendu, il y a eu quelques maisons qui ont

8 brûlé. C'est comme cela que cela se passe quand il y a des actions qui sont

9 lancées avec l'artillerie. Nous avons pensé que cela n'allait pas durer

10 longtemps et nous avons eu raison. Le colonel Mladic, lui aussi, était là

11 et il a été satisfait. C'était le premier succès remporté par la JNA. Ils

12 n'ont pas eu beaucoup de succès en Slovénie et en Croatie avant cela.

13 C'était son premier succès personnel et je m'en suis félicité pour lui et

14 pour nous, d'avoir bien fait notre travail." Le colonel Ratko Mladic qui, à

15 l'époque, était chef d'état-major du 9e Corps de la JNA à Knin, lui-même, a

16 parlé de l'opération.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je vous interrompre un instant ?

18 Est-ce que la citation n'est pas finie ? Est-ce que vous êtes encore en

19 train de faire une citation ?

20 M. WHITING : [interprétation] Non, c'est une fin de citation, Monsieur le

21 Président.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où, s'il vous plaît ?

23 M. WHITING : [interprétation] …pour du travail bien fait.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Non, c'est parce que

25 je ne vois pas de guillemets de fin de citation.

26 M. WHITING : [interprétation] Je m'assurerai, j'indiquerai à la suite que

27 c'est une fin de citation.

28 Le colonel Ratko Mladic, qui à l'époque était chef d'état-major du 9e Corps

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1 de la JNA à Knin, a lui-même parlé de cette opération de Kijevo au cours

2 d'un discours qu'il a fait à la 16e Session de l'assemblée de la République

3 serbe de Bosnie-Herzégovine, qui a eu lieu le 12 mai 1992 à Banja Luka. A

4 cette occasion, l'accusé, Milan Martic, était également présent. Mladic a

5 dit, je cite : "Le Corps de Knin a remporté un succès parce qu'il se

6 trouvait sous le commandement unique dans la zone du corps où se trouvaient

7 la JNA, la Défense territoriale, la TO et la police de Martic. N'est-ce pas

8 vrai, Martic ? Et parce que lui-même et moi -- enfin, je l'appelle et dit :

9 "Donne-moi 40 policiers ici à Kijevo et vous avez pris part au combat,

10 n'est-ce pas, Milan ? Et que nous avons fait ce que nous avions prévu dans

11 nos plans."

12 Le général Veljko Kadijevic, qui était le secrétaire général de la

13 JNA a écrit par la suite dans un livre intitulé : "Mon point de vue sur la

14 scission," était, à partir de la fin de l'été 1991, la tâche de la JNA

15 était, je cite : "De protéger la population serbe en Croatie de telle

16 manière que toutes les régions ayant une population à majorité serbe

17 pourraient être complètement libérées de la présence de l'armée croate et

18 de l'autorité croate."

19 Il a expliqué, ensuite, que ceci avait été réalisé, je cite : "En

20 pleine coordination avec les insurgés serbes dans la Krajina serbe."

21 A partir du mois d'août 1991, celle qui les décrit dans les chefs

22 d'accusation du présent acte d'accusation, la JNA, l'accusé, Milan Martic

23 et ses policiers et les unités de Défense territoriale serbe et des unités

24 de volontaires serbes, ont attaqué les villages croates dans la Krajina SAO

25 et à ses limites, s'engagent dans une campagne de persécutions des Croates

26 et d'autres civils non-serbes.

27 Leur objectif était de nettoyer l'Etat qui devait devenir un Etat

28 serbe de ceux qui étaient non-serbes.

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1 Ces attaques étaient souvent précédées par des bombardements et des

2 blocus. De façon typique, l'attaque elle-même a été conduite par la JNA

3 avec d'autres forces serbes, y compris la police de Martic qui passait

4 ensuite pour procéder au nettoyage ethnique du village. Dans le cadre de

5 ces attaques, des Croates et des civils non-serbes ont été expulsés de

6 force de leurs villages, arrêtés de façon arbitraire, détenus, battus,

7 torturés et assassinés.

8 Des lieux culturels et des lieux sacrés des non-Serbes, ainsi que des

9 biens de propriété pris appartenant à des non-Serbes ont été volontairement

10 détruits ou pillés. Ces attaques étaient particulièrement intenses à partir

11 du mois d'août 1991 et ce, jusqu'en janvier 1992, époque à laquelle un

12 cessez-le-feu a été mis en œuvre. Toutefois, la campagne de persécutions

13 s'est poursuivie tout au long de 1995 et, comme résultat de cette campagne

14 de nettoyage ethnique, presque toute la population non-serbe de la SAO

15 Krajina a été ou expulsée, ou tuée.

16 Je ne décrirai pas en détail toutes les attaques qui ont eu lieu au cours

17 de cette campagne de persécutions. J'en évoquerai seulement quelques-unes.

18 Dubica, Bacin et Sirvmani sont des villages qui se trouvent à la limite

19 entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, dans la municipalité croate de

20 Kostajnica. Ceci vous est présenté maintenant à travers le logiciel

21 Sanction, à l'écran et on voit comment ces villages se trouvent situés en

22 Croatie.

23 En 1991, ces villages avaient une population mixte, quoique comportant une

24 majorité de Croates. Avant le mois de septembre 1991, il y a eu des

25 affrontements armés entre les forces serbes et les forces croates, mais en

26 septembre 1991, les forces croates se sont retirées et les forces serbes,

27 en particulier la police de Martic et une unité de Défense territoriale

28 serbe, ont pris le contrôle des villages. La police de Martic a établi un

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1 poste de police à Dubica, l'un de ces villages. En septembre 1991, les

2 forces serbes en question ont arrêté un certain nombre de civils croates

3 dans ces villages et les ont détenus. Ces détenus ont été utilisés comme

4 boucliers humains et comme détecteurs de mines, lorsque les forces serbes

5 procédaient aux pillages des maisons. Les détenus ont été passés à tabac et

6 insultés et certains ont reçu l'ordre de transporter les corps d'autres

7 détenus morts. Des maisons appartenant à des Croates dans ces villages ont

8 été incendiées. Le 20 octobre 1991, ces forces serbes, y compris des

9 éléments, en particulier, de la police de Martic, ont réuni 53 civils âgés

10 de Dubica et les ont emmenés à une caserne de pompiers. Si vous regardez

11 les âges de ces civils à l'annexe 1 de l'acte d'accusation, vous verrez

12 qu'un grand nombre d'entre eux avaient plus de 60 et 70 ans. Une femme

13 parmi eux avait 90 ans. Dix de ces civils ont été relâchés, apparemment

14 parce qu'ils avaient des liens avec certains Serbes. Mais les 43 restants

15 ont été exécutés le lendemain avec des civils âgés qui étaient de Bacin et

16 Cerovljani.

17 Saborsko est un village situé près de Plitvice dans la municipalité

18 d'Ogulin. On vous le montre maintenant à l'écran par le logiciel Sanction.

19 En août 1991, il s'agissait d'un grand village habité presque

20 exclusivement par des Croates. Près de là, se trouvaient les villages de

21 Poljanak, Lipovaca et Vukovici, mais ces villages étaient entourés par des

22 villages contrôlés par des Serbes. Au début du mois d'août 1991, des forces

23 serbes ont commencé à tirer sur Saborsko, obligeant de nombreux membres de

24 la population civile à s'en aller. Dans les mois qui ont suivi, la police

25 de Martic et d'autres forces serbes ont arrêté les Croates, des hommes de

26 Saborsko et d'autres villages croates. Les hommes en question ont été

27 détenus et souvent exposés à des brutalités. A la fin d'octobre et au début

28 de novembre, Poljanak, Lipovaca, Vukovici et finalement Saborsko ont toutes

Page 285

1 été attaquées par des forces serbes. Les civils croates ont été massacrés

2 délibérément et intentionnellement au cours de ces attaques.

3 Par exemple, à Vukovici, les forces serbes ont forcé huit civils à

4 quitter une maison, y compris ceux qui étaient âgés et des femmes et les

5 ont alignés le long de la maison et les ont, tout simplement, exécutés.

6 Puis, ils sont entrés dans la maison et ont tué un homme qui était trop

7 malade pour quitter son lit. Le 12 novembre, les forces serbes ont lancé

8 une attaque à grande échelle contre Saborsko, proprement dit. Il a d'abord

9 été attaqué par des avions de la JNA qui ont largué des bombes, puis par

10 les soldats serbes qui ont arraché des civils des caves où ils s'étaient

11 abrités, ont séparé les hommes des femmes et ont exécuté près de 20 hommes.

12 Tous les habitants ont été expulsés du village et toutes les maisons de ce

13 village et l'Eglise catholique ont été incendiées et complètement brûlées.

14 Skabrnja et Nadin sont deux villages qui se trouvent dans la

15 municipalité de Zadar, à la limite de la municipalité de Benkovac. Cette

16 partie de la municipalité de Zadar avait fait sécession et avait rejoint la

17 Krajina SAO. C'étaient des villages à population ethnique mixte, mais qui

18 avait une importance stratégique parce qu'ils se trouvaient situés sur une

19 route qui reliait Zadar à Benkovac. Les forces serbes ont commencé à

20 bombarder Skabrnja et Nadin en septembre 1991, obligeant les habitants

21 civils qui l'habitaient à partir. Le 18 novembre et le 19 novembre,

22 Skabrnja et Nadin ont été attaqués par la JNA, par la police de Martic et

23 l'unité de Défense territoriale serbe locale de Benkovac. Comme pour

24 Saborsko, les civils ont été arrachés de leurs caves où ils s'étaient

25 cachés et ont été exécutés sommairement. En tout, 38 civils ont été

26 exécutés à Skabrnja et sept autres à Nadin. D'autres ont été arrêtés et

27 détenus au cours de l'attaque. Au cours des mois qui ont suivi, 26 autres

28 civils ont été tués par les forces serbes dans Skabrnja et près de

Page 286

1 Skabrnja. Le résultat de ces attaques a été que ces villages à population

2 mixte au départ ont été nettoyés du point de vue ethnique de leurs

3 habitants non-serbes.

4 Ce sont là certains exemples des attaques lancées par les forces

5 serbes contre les villages croates et contre les civils qui ont lieu au

6 cours des mois de l'automne 1991. Ceci sera prouvé au cours du procès.

7 J'ai évoqué ceci simplement pour montrer le schéma de nettoyage

8 ethnique de la campagne de nettoyage ethnique. Des villages de population

9 croate ont d'abord été assiégés, ont fait l'objet de blocus, ensuite, ont

10 été bombardés. Des Croates ont été arrêtés et détenus. Les villages ont

11 ensuite été attaqués et la population civile croate qui y restait avait

12 été, ou expulsée, ou arrêtée, ou assassinée. Les parties croates des

13 villages ont été détruites de façon à s'assurer que les civils croates ne

14 pourraient pas y revenir. Tout ceci a été fait en combinaison de forces

15 serbes qui travaillaient ensembles, la JNA, la police de Martic et des

16 unités de Défense territoriale serbe locale.

17 Pendant cette période, il est indubitable que Milan Martic commandait

18 la police de Milan Martic et par conséquent était le commandant plus

19 important des forces serbes au sein de la Krajina croate elle-même et que

20 Milan Babic était le dirigeant politique le plus élevé des Serbes de la

21 Krajina. L'accusé Martic a travaillé ensemble avec d'autres dirigeants en

22 Croatie et en Serbie et avec d'autres commandants de forces serbes vers un

23 objectif commun qui était de réaliser une population homogène du point de

24 vue ethnique, d'une population serbe homogène dans l'Etat serbe de Croatie.

25 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je ne sais pas si vous

26 souhaitez faire une suspension maintenant, mais ceci me conviendrait si

27 vous le voulez bien.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce moment convient très bien. Nous

Page 287

1 pouvons suspendre la séance et nous reprendrons la séance à 4 heures moins

2 10.

3 La séance est suspendue.

4 --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

5 --- L'audience est reprise à 15 heures 51.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.

7 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 A la fin du mois de novembre 1991, un cessez-le-feu en Croatie a été

9 négocié entre Slobodan Milosevic, Franjo Tudjman et le général Kadijevic de

10 la JNA sous les auspices de Cyrus Vance qui, à l'époque, agissait en

11 qualité d'envoyé spécial des Nations Unies. Il est important, bien entendu,

12 que ce cessez-le-feu ait été négocié par Milosevic qui atteste encore ses

13 liens avec les forces serbes en Croatie.

14 Cet accord négocié qui allait être connu comme étant le plan Vance a

15 été officiellement signé au début de janvier 1992 et il créait ce qu'on a

16 appelé les UNPAs, les zones protégées des Nations Unies en Croatie qui

17 étaient surveillées par des forces de maintien de la paix de l'ONU. Cet

18 accord envisageait le retrait de la JNA, la fin de l'encerclement des

19 blocus ou barrages des casernes de la JNA et la démilitarisation des forces

20 serbes en Croatie.

21 Cet objectif de la démilitarisation, toutefois, a été mis en échec

22 lorsque les forces serbes en Croatie se sont tout simplement rebaptisées

23 unités de police qu'on a appelées unités spéciales de police ou les PJM et

24 elles ont conservé leurs armes lourdes, y compris les armes et les moyens

25 laissés par la JNA qui se retirait.

26 A l'origine, Milan Martic était contre le plan Vance, mais il a été

27 convaincu de l'accepter. Toutefois, Milan Babic est demeuré opposé au plan

28 Vance craignant que le retrait de la JNA de la Croatie ne laisse les Serbes

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1 sans protection en Croatie. Cette position prise par Babic l'a mis en

2 conflit ouvert avec Slobodan Milosevic qui avait négocié et appuyé ce plan,

3 conflit qui allait coûter à Babic son poste politique.

4 En décembre 1991, la Krajina, la SAO, s'est transformée une fois de plus et

5 est devenue la République de la Krajina serbe ou la RSK. Initialement,

6 Milan Babic a été le président de la RSK et Milan Martic a continué comme

7 ministre de l'Intérieur chargé de toutes les forces de police. En février

8 1992, deux autres régions serbes en Croatie qui s'étaient organisées comme

9 des régions autonomes serbes, celle de la Slavonie occidentale et celle de

10 la Slavonie orientale, Baranja et le Srem de l'ouest ont rejoint la RSK. La

11 carte qu'on montre maintenant à l'écran présente la région qui est tombée

12 sous le contrôle de la RSK après février 1992. Nous connaissons la région

13 qui était la Krajina, la région qui se trouve à droite est la Slavonie

14 occidentale de la SAO. L'autre région qui se trouve à la limite de la

15 Serbie est celle de la Slavonie orientale, Baranja et le Srem occidental.

16 Ces régions se sont combinées pour former la RSK.

17 Maintenant, en février 1992, au moment où ces régions se sont unies pour

18 devenir la RSK, Milan Babic a perdu des élections en tant que président de

19 la RSK et a été remplacé par Goran Hadzic. Ceci en partie parce que Babic

20 était opposé au plan Vance. Milan Martic, toutefois, a continué comme

21 ministre de l'Intérieur de la RSK.

22 Arrêtons-nous maintenant un instant pour parler de Milan Babic, pour parler

23 de lui, qui, dans cette histoire, venait juste de perdre son emploi de

24 président de la RSK. Comme je l'ai dit, au cours des années 1990 et 1991,

25 Milan Babic était le dirigeant politique le plus élevé des Serbes dans la

26 Krajina de Croatie. Il était en compétition avec Milan Martic pour le

27 contrôle des forces de Défense territoriale locales serbes. Mais les

28 éléments de preuve montreront qu'il n'a jamais exercé un contrôle effectif

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1 de ces forces. Milan Martic était le commandant principal de ces forces,

2 des forces serbes locales au sein de la Krajina SAO. Néanmoins, dans ses

3 fonctions politiques, dans son rôle politique, Milan Babic a apporté un

4 appui essentiel à la campagne de persécution contre les Croates et autres

5 civils non-serbes dans la Krajina SAO, à partir d'août 1991 jusqu'en

6 février 1992.

7 A cause de son rôle dans ces événements, Milan Babic a plaidé

8 coupable devant votre Tribunal le 22 janvier 2004 et a plaidé qu'il était

9 co-auteur d'une entreprise criminelle commune qui avait commis des crimes

10 de persécution, crime contre l'humanité et c'est ce même crime qui fait

11 l'objet du chef d'accusation numéro 1 de cet acte d'accusation contre

12 l'accusé Milan Babic [comme interprété]. Avant de plaider coupable, Milan

13 Babic a coopéré avec le bureau du Procureur et a déposé au cours du procès

14 qui se déroulait, le procès de Slobodan Milosevic. A la suite de son

15 plaidoyer de culpabilité, Milan Babic a fait l'objet d'une peine de 13 ans

16 de prison qu'il est en train de purger maintenant.

17 Revenons maintenant aux événements de février 1992. Comme je l'ai dit,

18 Milan Martic a continué dans ses fonctions de ministre de l'Intérieur de la

19 RSK à commander la police. Au cours de l'année 1992, la RSK a organisé la

20 Défense territoriale qui, ensuite, est devenue une armée qui a été connue

21 sous le nom de la SVK. La SVK était l'armée de la République de Krajina

22 serbe. Les unités de police spéciale qui se trouvaient sous le commandement

23 de Martic ont été officiellement incorporées dans la structure militaire de

24 la RSK. A partir de 1992 et jusqu'en 1995, les forces serbes de la RSK, y

25 compris la police de Martic, ont continué à persécuter les quelques non-

26 Serbes qui restaient à l'intérieur de la RSK.

27 A la fin de 1993, lorsqu'une élection présidentielle a été tenue dans

28 ce qu'on appelait la RSK, devinez qui s'y est présenté. Milan Babic s'est

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1 présenté contre Milan Martic qui a reçu, à ce moment-là, un appui

2 considérable et essentiel de Slobodan Milosevic. Au second tour de scrutin,

3 en 1994, Martic a été élu président de la RSK. Voyons maintenant une

4 séquence vidéo qui représente Martic qui parle de cette relation au cours

5 des élections avec Milosevic. Si on pouvait maintenant mettre en route le

6 logiciel Sanction.

7 [Diffusion de cassette vidéo]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "-- unification et passer le flambeau à

9 notre chef serbe, Slobodan Milosevic. J'ai toujours été ouvert sur cette

10 question et lorsqu'il me dit que je suis un homme --" applaudissements "--

11 que je suis un homme de Slobodan Milosevic, je me vante de cela et Slobodan

12 Milosevic, l'un de nos meilleurs hommes politiques du monde, il savait

13 également comment discerner ce qui était le lieu pour les intérêts des

14 Serbes, ce qui l'a mis en vedette. Ce n'est pas un homme rigide, mais

15 Slobodan Milosevic est certainement un homme qui pense aux intérêts

16 nationaux serbes, qui ne pourrait jamais vendre la Krajina, indépendamment

17 de ces voix de l'ombre qui soutiennent que Milosevic et Tudjman sont la

18 même chose, comme cela a été dit par M. Macura [phon]. Cela ne peut pas

19 être comme cela. Le président Milosevic est le chef de tous les Serbes et

20 le Dr Karadzic -- sont en train de faire un bon travail pour les intérêts

21 serbes avec ces gens --" applaudissements "-- ainsi que vous tous. Allez

22 voter, malgré toutes les menaces parce que comme cet homme l'a dit il y a

23 un moment, ils emploieront tous les moyens possibles, y compris la menace.

24 Il serait difficile pour nous s'ils avaient la force. Mais comme ils ne

25 l'ont pas, ce n'est qu'une poignée de malandrins qui disent qu'ils

26 constituent un parti. Mais ils n'ont pas véritablement de pouvoir. Allez à

27 ces élections, prouvez par vote libre, votez pour ce qui vous voulez. Nous

28 avons besoin d'une unification avec la Republika Srpska, unification avec

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1 notre patrie mère, la Serbie. Nous pouvons réaliser ceci uniquement avec

2 nos dirigeants et pas avec Draskovic [phon]."

3 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

4 M. WHITING : [interprétation] Comme on le voit dans cet extrait vidéo,

5 Milan Martic, au cours de la campagne présidentielle, s'est fait l'avocat

6 d'une état unique pour tous les Serbes et il a dit clairement quelle était

7 son allégeance aux dirigeants serbes hors de Croatie, à savoir Slobodan

8 Milosevic et Radovan Karadzic. Il s'est engagé à passer le flambeau, s'il

9 était élu, à notre dirigeant de tous les Serbes, Slobodan Milosevic.

10 Lorsqu'il est devenu président de la RSK, Milan Martic est devenu le

11 commandant de toutes les forces militaires de la RSK. Au cours de l'année

12 1994 et 1995, la communauté internationale a essayé de résoudre le problème

13 du statut de la RSK au sein de la Croatie dans ce qui est devenu, ce qu'on

14 a appelé le processus Z-4, Z étant une référence à Zagreb et 4 une

15 référence aux quatre entités internationales qui ont participé aux

16 négociations, les Etats-Unis, la Russie, l'organisation des Nations Unies

17 et l'Union européenne.

18 La difficulté était que les dirigeants serbes en Croatie continuaient

19 de demander l'indépendance pour la RSK, tandis que le gouvernement croate

20 continuait de résister à un état serbe distinct sur le territoire croate.

21 Au début de 1991, le processus Z-4 a eu pour résultat un projet d'accord

22 qui aurait accordé à la RSK une autonomie considérable. Toutefois, Milan

23 Martic a rejeté ce plan.

24 Le représentant des Etats-Unis, au cours du processus Z-4, était

25 l'ambassadeur des Etats-Unis en Croatie, Peter Galbraith. L'ambassadeur a

26 rencontré Martic fin 1994 et à ce moment-là, Martic a suggéré que dans le

27 cas où il y aurait des actions militaires du gouvernement croate, la RSK

28 lancerait une attaque à la roquette contre Zagreb. C'était en 1994 que

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1 cette conversation a eu lieu. L'ambassadeur Galbraith a dit à Martic de

2 façon claire et nette qu'une attaque à la roquette sur Zagreb constituerait

3 un crime.

4 En 1995, lorsque le processus Z-4 s'est bloqué, s'est enrayé, le

5 gouvernement croate a commencé une action militaire contre la RSK, en

6 attaquant, d'abord, la zone de la Slavonie occidentale le

7 1er mai 1995, ce qu'on a connu sous le nom de l'opération Flash. En réaction

8 à cette attaque contre la Slavonie occidentale et malgré le fait qu'il

9 avait été averti de façon explicite par l'ambassadeur Galbraith que ceci

10 constituerait un crime, Martic a fait tirer

11 12 roquettes Orkan sur la ville de Zagreb et sur d'autres secteurs les 2 et

12 3 mai. Ces roquettes étaient équipées de bombes à fragmentation qui, comme

13 le montreront les éléments de preuve, étaient destinées à exploser dans

14 l'air en projetant des milliers de petites billes destinées à tuer les

15 personnes ou à endommager des véhicules blindés légers. Ces roquettes ont

16 touché des zones résidentielles et commerciales de Zagreb et ont tué cinq

17 civils et blessé 146 autres civils le premier jour; le deuxième jour, ont

18 tué plus de deux civils et blessé plus de 48 personnes. Vous verrez sur le

19 logiciel Sanction une carte qui montre les points d'impact des roquettes.

20 Les cinq roquettes qui ont été tirées et qu'on voit dans le côté gauche, en

21 haut de la carte, ont touché directement le centre de Zagreb.

22 Ecoutons maintenant l'accusé Milan Martic qui prend ses

23 responsabilités sur la radio pour avoir lancé ces attaques à la roquette

24 dans le jour qui a suivi l'attaque qui a été lancée. Je dois vous dire que

25 la qualité du son par le système Sanction, la transmission radio est

26 difficile, parfois, à comprendre. Il y a pas mal d'interférences, mais la

27 transcription sera présentée de façon à ce qu'on puisse voir cela.

28 [Diffusion de cassette audio]

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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "La Croatie a stoppé son agression.

2 Elle a été stoppée pour une seule raison, après notre ultimatum que nous

3 continuerions à bombarder Zagreb. Je n'ai rien à cacher. Personnellement,

4 j'ai donné l'ordre pour contrer Franjo Tudjman et sa direction en ce qui

5 concerne son ordre d'effecteur une agression contre la Slavonie occidentale

6 et commettre un crime contre la population civile en Slavonie occidentale.

7 Mon ordre de bombarder Zagreb a suivi et je voudrais dire que c'est ce qui

8 les a le plus incités à arrêter leur agression. A ce moment de l'agression,

9 elle a été arrêtée et nous sommes maintenant en train de négocier avec la

10 FORPRONU. Comme vous le savez, un accord a été signé pour cela, pour que

11 nos civils et nos soldats, quoique conservant leurs armes, puissent se

12 retirer de l'encerclement et repasser en Republika Srpska."

13 [Fin de la diffusion de cassette audio]

14 M. WHITING : [interprétation] Comme M. Martic l'a dit dans cette

15 émission "Mon ordre de bombarder Zagreb s'en est suivi," bien sûr, l'accusé

16 Martic a admis à de nombreuses reprises, même ici, devant ce Tribunal,

17 qu'il avait ordonné une attaque à la roquette contre Zagreb. Dans cette

18 déclaration faite à la radio que nous venons d'entendre, Martic dit

19 clairement que ces attaques étaient, ou des mesures de rétorsion, ou des

20 mesures tactiques pour terroriser les Croates de façon à les forcer à

21 arrêter leurs propres attaques avec des militaires ou pour essayer d'éviter

22 ou de renoncer à de nouvelles attaques militaires. Nul n'est besoin de dire

23 qu'aucune de ces deux raisons ne constitue une justification légitime ou

24 licite pour l'attaque meurtrière de Martic contre la population civile de

25 Zagreb. Plus tard, Martic a essayé de dire que les attaques visaient des

26 objectifs militaires. Les seuls objectifs militaires qu'on aurait pu

27 invoquer, toutefois, dans le centre de Zagreb étaient les bâtiments tels

28 que le ministère de la Défense ou le ministère de l'Intérieur. Il y avait

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1 bien quelques casernes militaires, mais elles se trouvaient à l'extérieur

2 de la ville et pas du tout près des endroits où sont tombées les bombes.

3 Ces roquettes avec ces bombes à fragmentation qui ont été utilisées

4 lors de ces attaques sont tout à fait inutiles contre des bâtiments tels

5 que les ministères de la Défense ou de l'Intérieur, le palais présidentiel,

6 puisqu'il s'agit d'armes qui sont conçues exclusivement pour s'en prendre à

7 des personnes ou à des véhicules blindés légers qui se trouvent dans une

8 région assez importante.

9 La vérité est que Martic a ciblé intentionnellement les civils à

10 Zagreb et était conscient de la réelle probabilité que ces actions

11 ciblaient des civils et comme l'ambassadeur Galbraith l'avait mis en garde,

12 il s'agissait d'un crime.

13 Nous allons regarder encore quelques extraits pour nous rendre compte

14 des dégâts qui ont été infligés dans ces quartiers de Zagreb et pour nous

15 rendre compte de la terreur que cela a provoquée. Lorsque vous regarderez

16 ces extraits vidéo, il deviendra tout à fait manifeste que ces attaques

17 ciblaient des zones civiles.

18 [Diffusion de cassette vidéo]

19 M. WHITING : [interprétation] Quelque deux mois après ces attaques, le 25

20 juillet 1995, le Tribunal a dressé publiquement un acte d'accusation contre

21 Milan Martic pour ces attaques menées contre Zagreb. Il a fui la justice

22 pendant quasiment sept ans jusqu'au moment où il fut menacé d'arrestation

23 par les autorités de la Serbie et qu'il a été contraint de se rendre au

24 Tribunal.

25 Voici une synthèse brève des éléments de preuve que nous allons avancer

26 dans cette affaire. Il y a de nombreuses composantes à cette histoire et

27 différents protagonistes, mais comme je vous l'ai dit auparavant, cette

28 histoire est essentiellement simple. L'accusé ainsi que d'autres ont conçu

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1 cette idée de l'Etat serbe séparé en Croatie, Etat serbe qui devait se

2 joindre à d'autres régions serbes et ce, afin de créer un Etat serbe, un

3 état pour tous les Serbes. Ils ont poursuivi des objectifs communs afin de

4 créer cet état et par la commission de ces crimes, ont nettoyé cet état

5 qu'ils avaient planifié de quasiment tous les Croates et de tous les autres

6 non-Serbes.

7 J'aimerais dire quelques mots à propos des éléments de preuve qui vont être

8 utilisés pour prouver ces faits. Les éléments de preuve présentés par

9 l'Accusation vont inclure des témoins qui viendront témoigner ici, dans le

10 prétoire, des témoignages écrits qui ont été admis conformément au

11 Règlement du Tribunal, des documents contemporains et des documents

12 provenant de source publique. Aucune de ces sources d'éléments de preuve

13 n'aura forcément plus de poids que d'autres. Il est dans la nature de ces

14 affaires et dans la nature des éléments de preuve qui seront fournis que

15 certains faits vont être prouvés essentiellement grâce à des déclarations

16 écrites ou des documents.

17 Le but de l'Accusation, pendant ce procès, sera de présenter toujours

18 une image véridique, précise et exacte de ce qui s'est passé en Croatie

19 pendant les années pertinentes, de rendre justice à tous les éléments de

20 preuve et de véritablement mettre en exergue le rôle et la responsabilité

21 de cet accusé pour les crimes qui lui sont reprochés dans cet acte

22 d'accusation.

23 C'est notre responsabilité vis-à-vis de la Chambre, vis-à-vis des

24 parties, des victimes et vis-à-vis du monde qui nous observe.

25 J'ai maintenant présenté un résumé des faits et j'aimerais tenir

26 quelques propos juridiques. Je ne vais pas parler de tous les éléments des

27 crimes incriminés car ils sont nombreux et cela, d'ailleurs, a déjà fait

28 l'objet de plusieurs écritures déposées auprès de la Chambre. J'aimerais,

Page 296

1 tout simplement, vous parler des différents modes de responsabilité.

2 L'accusé, Milan Martic, est accusé conformément à l'article 7(1) et 7(3) du

3 Statut de tous les crimes. L'acte d'accusation allègue qu'en tant que

4 commandant de la police de Martic et des autres forces serbes, telles que

5 les unités de la Défense territoriale et plus tard, en tant que président

6 de la RSK, Milan Martic a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou

7 de toute autre manière, aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter

8 les crimes, tels que, par exemple, la campagne de persécution menée contre

9 la population croate et la population non-serbe ainsi que tous les autres

10 crimes qui sont précisés dans l'acte d'accusation, notamment

11 l'extermination, le meurtre, l'emprisonnement, la torture, les actes

12 inhumains, les traitements cruels, la déportation, les déplacements forcés,

13 la destruction sans motif des biens et propriétés, le pillage et toutes les

14 attaques illicites contre les civils. Il est plus précisément indiqué que

15 Martic était l'auteur direct des crimes qui se sont produits à la prison de

16 Knin. Pour ce qui est de tous les crimes incriminés dans l'acte

17 d'accusation, il est allégué que l'accusé avait l'intention que ces crimes

18 soient commis et était conscient de la réelle probabilité que ces actes

19 entraîneraient la commission de ces crimes.

20 L'acte d'accusation allègue également que l'accusé, Martic, a

21 commis tous ces crimes par le fait de sa participation à une entreprise

22 criminelle commune avec d'autres dirigeants serbes et forces en Croatie et

23 à l'extérieur de la Croatie, notamment les dirigeants serbes et les forces

24 de la Serbie. Il est avancé que Milan Martic a agi de concert avec ces

25 autres dirigeants serbes et avec ces entités et ce, afin de parvenir à leur

26 objectif d'entreprise criminelle commune, à savoir, le déplacement forcé de

27 Croates et d'autres non-Serbes du territoire qui devait devenir l'Etat

28 serbe planifié en Croatie. Milan Babic, vous vous en souviendrez, avait

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1 plaidé coupable d'avoir commis le crime de persécution par le biais de sa

2 participation à cette entreprise criminelle commune.

3 Les éléments de preuve montreront que Martic a travaillé en

4 coopération très étroite avec d'autres membres de l'entreprise criminelle

5 commune, notamment avec Slobodan Milosevic, Jovica Stanisic, Frenki

6 Simatovic et d'autres membres du MUP serbe, de la JNA, Milan Babic et

7 d'autres et ce, afin de parvenir au but et aux objectifs de leur entreprise

8 criminelle commune. Il ne s'agit pas d'un chef d'inculpation de culpabilité

9 par association ou complicité.

10 Milan Martic n'est pas coupable parce qu'il aurait fréquenté des gens peu

11 fréquentables ou plutôt, les éléments de preuve montreront, au-delà de

12 doute raisonnable, que Milan Martic est coupable des crimes qui lui sont

13 reprochés dans l'acte d'accusation parce qu'avec d'autres, il avait un

14 objectif commun qui était de nettoyer le territoire serbe de la Croatie des

15 non-Serbes et a pris des mesures permettant de parvenir à cet objectif

16 commun.

17 Ce type de responsabilité est la reconnaissance du fait que ces types

18 de crimes sont très rarement effectués ou commis par une personne qui agit

19 seul ou même par une seule entité. Il faut dire que ces crimes sont

20 accomplis par différentes entités qui travaillent conjointement pour

21 aboutir à cet objectif commun. Une personne est coupable et responsable des

22 actes de l'entreprise criminelle commune s'il est prouvé, au-delà de tout

23 doute raisonnable, que cette personne a sciemment et intentionnellement

24 participé à l'entreprise criminelle commune et a essayé de promouvoir ses

25 revendications criminelles. L'acte d'accusation allègue que les crimes qui

26 sont reprochés dans l'acte d'accusation faisaient partie du cadre de

27 l'objectif de l'entreprise criminelle commune ou à titre subsidiaire, le

28 but était de déplacer par la force la population croate et la population

Page 298

1 non-serbe. Il s'agit des chefs d'inculpation 10 et 11 de l'acte

2 d'accusation et les autres crimes ont été une conséquence naturelle et

3 prévisible de la mise en œuvre de cet objectif commun.

4 Finalement, l'acte d'accusation indique que l'accusé Milan Martic, en tant

5 que commandant des forces subordonnées qui ont commis les crimes allégués

6 dans l'acte d'accusation, soit n'a pas su prévenir la commission de ces

7 crimes ou n'a pas su les punir.

8 Les éléments de preuve montreront que les crimes qui ont été commis

9 étaient bien connus et ont été commis de façon répétée, que Milan Martic le

10 savait et qu'il n'a rien fait pour les empêcher ou les punir.

11 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, j'en arrive à la fin de

12 ma déclaration liminaire. Je dirais que lorsque les éléments de preuve

13 auront été présentés, ils prouveront, au-delà de tout doute raisonnable,

14 que cet accusé a commis les crimes dont il est question dans l'acte

15 d'accusation.

16 Je vous remercie.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

18 Maître Milovancevic, vous aviez indiqué, hier, que M. Martic

19 souhaiterait peut-être exercer son droit aux termes de l'article

20 84 bis et qu'il souhaiterait peut-être faire une déclaration liminaire.

21 J'aimerais savoir si la situation est toujours la même.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

23 Mon client a préparé une déclaration liminaire qui devrait prendre

24 une quarantaine de minutes.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

26 Avant que M. Martic ne fasse sa déclaration, la Chambre souhaiterait

27 lui rappeler ses droits.

28 Monsieur Martic, la déclaration que vous êtes sur le point de présenter

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1 n'est pas une déclaration solennelle. Il ne s'agit pas d'une déposition

2 faite sous serment en d'autres termes. Toutefois, la valeur probante de

3 cette déclaration pourrait être étudiée ultérieurement et elle pourrait

4 faire partie des éléments de preuve; cela, bien entendu, dépendra des

5 éléments de preuve et cela pourra être, soit une corroboration ou une

6 contradiction de ce que vous aurez dit. J'aimerais vous rappeler que vous

7 n'êtes absolument pas contraint et forcé de faire une déclaration. C'est

8 votre droit, certes, mais vous pouvez également choisir d'exercer ce droit

9 en gardant le silence, si vous souhaitez le faire. Si vous souhaitez faire

10 une déclaration, vous devez le faire de façon tout à fait volontaire.

11 Vous avez le droit de ne pas admettre de culpabilité ou vous avez

12 également le droit de ne pas témoigner contre vous-même. J'aimerais

13 également vous dire, Monsieur, que j'espère que votre déclaration sera

14 pertinente aux sujets présentés devant cette Chambre et j'espère que vous

15 n'avez pas l'intention de faire une déclaration qui n'aura aucune

16 pertinence par rapport à notre affaire.

17 Monsieur Martic, j'espère que vous avez compris ce que je viens de vous

18 dire. Le cas échéant, indiquez-nous-le et je pense que vous pourrez

19 prononcer votre déclaration.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai bien compris. Je souhaite toutefois et

21 toujours faire cette déclaration.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Je vous en prie.

23 [Déclaration liminaire de la Défense]

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

25 Juges, après plus de 300 jours de détention à Scheveningen, j'en avais

26 conclu que l'acte d'accusation qui a été dressé contre moi du fait de

27 témoins fallacieux est devenu de plus en plus sérieux. Si je devais faire

28 confiance à l'autre camp dans cette procédure, ne serait-ce qu'un petit peu

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1 je deviendrais probablement tout à fait fou. Je dirais probablement que je

2 suis coupable. Pour toutefois, je n'ai pas encore atteint cet état. Dieu

3 sait que durant toutes ces journées, lorsque j'ai été l'un des dirigeants

4 serbes qui a été persécuté en Croatie, avec la sécession à Knin et dans

5 d'autres endroits, tout ce que j'ai fait a été fait pour protéger les

6 citoyens de la République de la Krajina serbe, quelle que soit leur

7 affiliation religieuse. Je les ai protégé de tous les maux dont ils

8 auraient pu être victimes pendant la guerre. J'ai plaidé plusieurs fois non

9 coupable. Aujourd'hui, après tant de temps, je dois répéter ces deux mêmes

10 mots : non coupable. Alors que je lis l'acte d'accusation de temps à autre,

11 je pensais qu'à part mon nom et mon prénom, tout ce qui se trouve dans cet

12 acte d'accusation est tout à fait erroné et arbitraire, comme j'espère

13 d'ailleurs que la Défense pourra le prouver.

14 L'acte d'accusation crée beaucoup de confusion à propos des dates,

15 des événements, des lieux, et ce n'est qu'avec beaucoup de réticence que

16 j'ai demandé à la Défense de demander une mise en liberté provisoire. La

17 raison en est très simple. Jusqu'à ce que je puisse prouver mon innocence,

18 il n'y a pas de liberté qui me conviendra, car j'aurais exactement les

19 mêmes sentiments ici en détention à Scheveningen ou si je jouissais d'une

20 quelconque liberté ailleurs. Ce que je veux, en fait, c'est la liberté. La

21 liberté de pouvoir dire la vérité, de pouvoir parler de la souffrance des

22 Serbes dans la République de Krajina en Croatie, pour que tout cela soit

23 connu. La liberté, en fait, qui n'est beaucoup plus importante que ma

24 liberté personnelle ou même ma vie. Il est vrai que moi, Milan Martic,

25 ancien ministre de la police de la Krajina, ou ancien ministre de

26 l'Intérieur de la Krajina serbe, ainsi qu'ancien président de cet Etat qui

27 fut, malheureusement, très provisoire, ait l'intention de prouver

28 l'innocence de mon peuple, le peuple de ma Krajina. Ils ont souffert

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1 également, et non pas à cause de moi, mais à cause de la guerre.

2 Je suis ici afin de défendre mon peuple. Je vais les défendre parce

3 que nous avons l'obligation de prouver qu'il y avait une raison qui sous-

4 tendait le génocide contre le peuple serbe. Ce sont les conclusions

5 auxquelles nous sommes parvenus avec ma Défense après trois ans et demi de

6 détention.

7 Il est absolument manifeste que le bureau du Procureur n'est pas

8 intéressé par la vérité et ne cherche pas à savoir ce qui s'est passé dans

9 l'ancienne Yougoslavie, car pour le bureau du Procureur, la Yougoslavie

10 n'existe pas. Il ne s'agissait pas d'un Etat souverain entre 1990 et 1991.

11 Le bureau du Procureur ne veut pas véritablement connaître les véritables

12 auteurs ou ne veut pas savoir qui a donné les ordres pour que ces crimes

13 soient commis. Ce qu'ils veulent, c'est faire ressortir de façon tout à

14 fait artificielle certains événements et les considérer comme la vérité et

15 les événements qui se sont passés dans l'ex-Yougoslavie. Ils ont échafaudé

16 une théorie à propos de l'entreprise criminelle commune. D'après l'acte

17 d'accusation, j'ai, moi-même, joué un des rôles principaux dans cette

18 entreprise alléguée, dont le but était de "détruire toute la population

19 non-serbe dans les territoires majoritairement serbes avec pour objectif la

20 création d'un Etat serbe et pur." C'est une idée qui est assez absurde et

21 qui ne fait que fausser -- nous fait perdre de vue un fait important, un

22 fait essentiel. Car, dans l'ex-Yougoslavie, le délit le plus grave, le plus

23 sérieux, a été contre le droit international. Le droit international a été

24 commis car il s'agissait d'un crime contre la paix à proprement parler, car

25 un Etat européen souverain a été complètement anéanti.

26 En adoptant ce point de vue, le bureau du Procureur ne pense pas la

27 responsabilité des véritables auteurs de ce crime contre la paix, à ces

28 dirigeants séparatistes des anciennes républiques de la Yougoslavie, la

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1 Slovénie et la Croatie, ainsi qu'à ces protagonistes internationaux, en

2 fait, qui les ont toujours aidé en coulisse lors de ce processus si

3 sanglant.

4 En faisant ceci, le bureau du Procureur choisit d'ignorer ou de faire fi de

5 certains principes importants du droit international établi par le procès

6 de Nuremberg, car l'éclatement de l'Etat souverain de la Yougoslavie à la

7 suite de l'agression commise par une force séparatiste a bénéficié du

8 soutien ouvert de plusieurs protagonistes internationaux. Le bureau du

9 Procureur semble faire fi de cela ou n'y accorde pas beaucoup d'attention.

10 Il parle d'une guerre agressive qui fût livrée par les Serbes de la

11 Yougoslavie. Les Serbes ont vécu de façon pacifique en Yougoslavie et ils

12 essayaient de montrer que les Serbes ont commis ce crime afin d'établir un

13 Etat purement serbe.

14 Alors que des faits très simples vont être présentés pour contredire

15 les allégations de l'acte d'accusation.

16 Les Serbes dans l'ancienne République socialiste fédérative de la

17 Yougoslavie, d'après le recensement de 1991, représentaient

18 581 000 habitants de la République. Il s'agit de données officielles. Je ne

19 fais même pas mention des 20 000 personnes qui se sont déclarées comme

20 yougoslave, dont 95 % étaient des Serbes. Pendant cette guerre civile dans

21 l'ancienne Yougoslavie, depuis 1990 et jusqu'à la fin de 1995, plus de 500

22 000 citoyens ont été expulsés.

23 Durant les opérations militaires menées à bien par les unités

24 paramilitaires et par la police croate dans la République serbe de la

25 Krajina, il faut savoir que 7 000 Serbes ont été tués, plus d'une centaine

26 de villages serbes ont été détruits et rasés. Dans la République serbe de

27 la Krajina, quelque 30 000 foyers serbes ont été détruits.

28 Cinquante mille appartements ont été pris à des Serbes de la

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1 République de la Croatie et de la République de la Krajina serbe. Il faut

2 savoir que leurs droits de locataire leur ont été niés et les Croates ont

3 eu la possibilité d'acheter ces appartements dans les mêmes conditions. La

4 valeur de tous ces appartements confisqués s'élève à quelque 30 milliards

5 d'euros.

6 Voilà quelles sont les conséquences véritables de ce qui s'est

7 véritablement passé dans les anciennes républiques yougoslaves de la

8 Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Cela ne se retrouve que de façon très,

9 très partielle dans les actes d'accusation prononcés par ce Tribunal contre

10 les généraux croates, par exemple, Ante Gotovina, Markac et Cermak, à qui

11 on reproche d'avoir persécuté la population serbe de la Krajina pendant

12 l'opération Tempête, qui a commencé le

13 4 août 1995 et qui s'est poursuivie pendant un certain temps.

14 Il y a également l'acte d'accusation pour six dirigeants du conseil

15 de Défense croate et du HDZ en Bosnie-Herzégovine et pour ce qui est des

16 chefs d'inculpation il est indiqué que : Il y a toute une série de crimes

17 graves et sérieux auxquels ont participé la direction politique de la

18 République de Croatie dont le but était de créer un Etat pan-croate et qui

19 aurait inclus une grande partie du territoire bosnien en Bosnie-

20 Herzégovine. Le génocide commis contre les Serbes a commencé en 1990 et

21 s'est poursuivi jusqu'en 1995, et cela n'est traité que partiellement par

22 ces actes d'accusation. L'Accusation mentionne le génocide commis par les

23 puissances de l'axe durant la Deuxième guerre mondiale. Il faut savoir

24 qu'il y avait une alliance fasciste et qu'ils se sont appelés l'Etat

25 indépendant de la Croatie à l'époque, le MDH. Ce fut une création assez

26 étrange qui englobait les territoires actuels de la Croatie et de la

27 Bosnie-Herzégovine. L'Etat indépendant de la Croatie a perpétré un génocide

28 absolument sanguinolent contre la population serbe sous le slogan suivant :

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1 "Un tiers devront être tués, un tiers devront être baptisés, et un tiers

2 devront être expulsés."

3 Dans les camps de concentration de Jasenovac, 700 000 Serbes ont été

4 tués, ainsi que 30 000 Juifs et Rom. En 1990 et 1991, dans les territoires

5 de l'ancien Yougoslavie, on a vu apparaître des mouvements séparatistes en

6 Croatie et en Slovénie. Le même jour, le 25 juin 1991, ils ont déclaré leur

7 indépendance par rapport à la Yougoslavie, ce qui allait à l'encontre de la

8 constitution de la Yougoslavie et des principes du droit international. Les

9 Serbes de Croatie se sont trouvés dans une situation particulièrement

10 difficile à cet époque, car conformément à la constitution de ce qui était

11 à l'époque la République socialiste de Croatie, qui est encore valide et

12 valable en 1991, et je cite : "La République socialiste fédérative de la

13 Croatie est un Etat national pour tous les Croates, tous les Serbes, et

14 toutes les minorités ethniques." Il s'agit du premier article de la

15 constitution de la République socialiste fédérative de Croatie.

16 Cette disposition constitutionnelle venait du fait suivant : A la

17 suite de la victoire des forces antifascistes pendant la Deuxième guerre

18 mondiale, les Serbes orthodoxes ont pardonné les Croates, leur ont pardonné

19 le génocide qui avait été commis contre eux. Ils se sont ensuite mis

20 d'accord pour organiser des territoires serbes ethniques en coopération

21 avec la population croate, et ce, afin d'établir la République populaire de

22 Croatie, et à une condition. Et ensuite, cette république est devenue par

23 la suite la République socialiste de Croatie. Il n'y avait qu'une

24 condition, toutefois. La condition étant que les autorités croates ne

25 devaient pas couper les liens entre les Serbes de la Krajina et les Serbes

26 qui se trouvaient dans les autres territoires de l'état croate.

27 Cette disposition qui se trouve dans leur propre constitution et correspond

28 à la volonté politique des Serbes de Croatie a été complètement mise de

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1 côté par le nouveau gouvernement croate, ainsi que par le nouveau parlement

2 croate. Il y a eu donc sécession vis-à-vis de la Yougoslavie. Ils ont

3 déclaré leur indépendance par rapport à la Yougoslavie et ont nié et réfuté

4 une disposition de leur propre constitution qui était relative à la

5 situation souveraine des Serbes en Croatie, ce qui fait qu'ils leur ont

6 refusé le statut de population constitutive et les ont transformé en

7 minorité nationale. Le gouvernement séparatiste de la Croatie a ensuite

8 mené à bien une campagne d'agression à l'intérieur de l'état souverain de

9 la Yougoslavie en bouclant les casernes et en commettant des actes de

10 terreur contre les Serbes. Le président du HDZ à l'époque, le général

11 Franjo Tudjman, qui devait devenir président de la République de la

12 Croatie, lors de l'assemblée portant création du HDZ qui a eu lieu le 24

13 février 1990 à Zagreb, a prononcé la phrase suivante. Il a dit : "L'état

14 indépendant de la Croatie n'est pas seulement une création et un crime

15 fasciste. Il est également l'expression de l'ambition historique de la

16 population croate." Et permettez-moi d'ajouter que cela était un concept

17 assez effrayant pour tous les Serbes de la Croatie.

18 Toutefois, cette seule phrase représentait l'un des éléments clés du

19 manifeste politique du LDZ, qui a fondé le fanatisme croate. La revue

20 allemande bien connue, Der Spiegel, a présenté un reportage sur les

21 élections en Croatie le 16 avril 1990, et je cite : "Le HDZ a des grandes

22 chances de remporter ces élections. Il représente un groupe extrémiste qui

23 ne rêve et qui n'aspire qu'à une Croatie souveraine. Ils ont des

24 revendications territoriales et des idées territoriales sur le pays voisin,

25 qui est de la Bosnie-Herzégovine, et ils ne font qu'attiser les flammes de

26 la haine ethnique contre les Serbes. Ils sont dirigés par un ancien

27 général, le général Franjo Tudjman, dont les idées ressemblent énormément

28 aux idées professées par l'Etat croate fasciste lors de la Deuxième guerre

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1 mondiale. Il préconise une Croatie indépendante."

2 Les Serbes de la République socialiste fédérative de la Yougoslavie en 1990

3 et 1991 ont été choqués par les mesures prises par le gouvernement croate,

4 qui étaient les mêmes que celles qui ont été prises à l'époque fasciste.

5 Du jour au lendemain quasiment, les Serbes n'ont plus été une partie

6 constituante ethnique de la République de Croatie à la suite de la décision

7 du gouvernement croate. La Croatie a été proclamée comme étant l'Etat du

8 peuple croate seulement. Il y avait des références absolument évidentes à

9 la législation du NDH de 1941 dans l'article 2 déterminer qu'un membre du

10 NDH ne pouvait être qu'une personne d'origine ethnique aryenne. Il y avait

11 des dispositions juridiques à propos de l'origine ethnique qui

12 établissaient qui devait être considéré comme un Juif et qui devait être

13 considéré comme un gitan. Ce sont des dispositions qui ont été appliquées

14 ensuite aux Serbes. Dans des conditions d'hystérie collective nationaliste,

15 attisées toujours par le HDZ, les Serbes sont devenus la cible de pogrom et

16 d'actes de terreur en Croatie. Au cours de l'année 1990, ainsi qu'au cours

17 de l'année 1991, les Serbes ont été victimes de licenciements massifs,

18 parce qu'ils ne respectaient pas les autorités locales de Croatie. C'était

19 cela, la raison principale.

20 Aux yeux de tous ces Serbes de Croatie, ceci rappelait les lois sur

21 la protection du sang aryen et le peuple croate, les lois qui avaient été

22 adoptés pendant la période allant de 1941 à 1945 sur le territoire de

23 l'état indépendant de Croatie, l'état que Franjo Tudjman, dans son discours

24 du 24 février 1990, épouse en tant l'expression des aspirations historiques

25 du peuple serbe. J'ai déjà mentionné son discours.

26 Alors, aux yeux des Serbes, que pouvait signifier le fait des licenciements

27 massifs uniquement à partir de l'appartenance ethnique, à cause de

28 l'appartenance à la religion orthodoxe ? Quoi d'autre si ce n'est la mise

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1 en place, encore une fois, de la nécessaire appartenance à la bonne race et

2 à la bonne lignée, donc ce qu'avait proclamé les lois de la NDH.

3 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai suivi l'évolution

4 du HDZ, les modifications constitutionnelles. Moi, en tant que bien

5 d'autres Serbes en Croatie, je me suis inquiété au vu de cela. C'est à

6 cause de cela et non pas parce que j'ai participé à une entreprise

7 criminelle, ou entreprise criminelle commune encore moins. C'est à cause de

8 cela que je me suis mis au côté du peuple serbe qui s'y trouvait menacé.

9 C'était cela, la raison.

10 Au cours de l'année 1990 et au cours de l'année 1991 également, sur le

11 territoire de la République socialiste de Croatie, on a dynamité environ 10

12 000 foyers serbes. On a confisqué des milliers d'appartements aux Serbes.

13 Les Serbes de Croatie ont revécu sur le plan de leurs biens, de leurs

14 propriétés, les mêmes choses qu'ils avaient connues pendant la période

15 allant de 1941 à 1945 au sein de l'Etat indépendant de Croatie, où les lois

16 raciales étaient mises en place et où il fallait que tous les Juifs et tous

17 les non-Aryens déclarent obligatoirement les biens. Ceci s'est appliqué au

18 pied de la lettre à tous les Serbes sur le territoire de la NDH pendant la

19 Deuxième guerre mondiale. Sur la base de ces lois aryennes, les Serbes se

20 sont vus littéralement confisquer tous leurs biens, parce qu'ils étaient

21 déclarés une race de second ordre. Franjo Tudjman, lors de la constitution

22 du HDZ, le 24 février 1990, place dans les loges les criminels notoires de

23 la Deuxième guerre mondiale, des criminels qui, jusqu'à ce moment-là,

24 étaient des fugitifs qui se cachaient à l'étranger en fuyant la justice.

25 C'est une haine généralisée qui se répand contre les Serbes en

26 Croatie. C'est de manière publique, à la télévision, à la radio, qu'on

27 attaque les Serbes, lors des prises de parole politiques. Les dirigeants

28 les plus hauts placés de la république le font. La presse le fait.

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1 On attise, comme le fait Der Spiegel à la mi-avril 1990, on attise une

2 haine fanatique contre les Serbes de manière injurieuse, on les qualifie de

3 Chetniks et on n'a pas choisi ce terme au hasard. Le mécanisme de la

4 propagande englobe, en plus de ses discours directeurs, en plus d'un

5 discours de la haine et de la peur contre l'ennemi. On parle de tous les

6 Serbes en bloc, en les qualifiant de Chetniks. C'est une inversion des

7 thèses intentionnelle. Le fait de combattre en tant qu'un Chetnik, cela a

8 été choisi pour généraliser la caractéristique sur tous les Serbes et pour

9 rebaptiser tous les Serbes chetniks, puisque de par le passé, dans les

10 guerres du passé, les Chetniks se sont distingués par leur audace

11 maintenant. Tout Serbe se voit qualifier d'agressif et prêt à commettre un

12 meurtre, un assassinat. On sème la peur et on créé un climat dans lequel on

13 facilite la perpétration d'un crime collectif.

14 Dans cet NDH [phon] fasciste au cours de la Seconde guerre mondiale, c'est

15 par la loi qu'on a interdit les caractères cyrilliques. On a interdit

16 toutes les organisations et associations culturelles serbes. Les Serbes se

17 sont vus contraints à déclarer leurs biens dans cet état. Par la suite, ces

18 biens leur ont été confisqués. Tout comme les Juifs, les Serbes, au bras

19 droit, devaient porter le brassard indiquant la lettre P signifiant

20 orthodoxe dans notre langue. Au cours de l'année 1990 et également au cours

21 de l'année 1991, un climat a été créé, un climat pendant lequel tout comme

22 pendant la NDH [phon], il est devenu possible d'afficher à l'entrée des

23 commerces "Interdit aux Serbes et aux chiens." C'est ce qu'ont fait les

24 autorités de Franjo Tudjman. Pendant la NDH [phon], ceci concernait

25 également les Juifs et les Rom.

26 Non seulement au cours des années 1990 et 1991, les nouveaux

27 dirigeants de la Croatie adoptent les méthodes Oustachi et adoptent les

28 valeurs de la NDH [phon], mais les symboles sont repris. On remet

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1 l'échiquier sur le drapeau croate, l'échiquier qui a fait des centaines de

2 milliers de victimes parmi les Serbes pendant la Seconde guerre mondiale.

3 On adopte un nouveau terme pour rebaptiser les policiers, le terme qui

4 vient de la NDH [phon]. On érige des monuments aux criminels notoires

5 Oustachi de la Seconde guerre mondiale au plus grand assassin des Serbes.

6 Au sein de l'armée croate, les unités se voient appeler par des noms des

7 criminels. Lorsque je parle de l'armée croate, je pense à des

8 paramilitaires parce que ce n'était pas une armée en bonne et due forme.

9 Les Serbes ont tenté de se protéger par des mesures démocratiques,

10 par des moyens démocratiques. Ils ont essayé de s'organiser. Ils ont agi

11 par la voie des amendements. Ils ont demandé que le peuple serbe figure à

12 nouveau dans les dispositions de la constitution croate, mais en 1990,

13 l'assemblée croate l'a refusé. Les Serbes ont mis en garde et ils ont dit

14 que la sécession de la Croatie était anticonstitutionnelle, que c'était un

15 crime, un délit aux termes du droit international. Cependant, les autorités

16 croates n'ont pas réagi et sont restées indifférentes. Au contraire, elles

17 sont devenues encore plus brutales face aux Serbes en commettant le crime

18 du génocide à l'encontre des enfants serbes en cherchant à les convertir de

19 force au catholicisme. Le 19 juillet 1991, l'OSCE a proclamé une

20 déclaration en apportant son soutien à l'intégrité de la Yougoslavie, mais

21 la Croatie a fait la sourde oreille. La Croatie n'a pas suivi les

22 recommandations. Elle a importé de manière illégale les armements de

23 Hongrie, contrairement à sa propre législation. Elle a armé en secret sa

24 population, les membres du HDZ, ainsi que la police, la police qui arborait

25 des symboles Oustachi et qui se saluaient de manière fasciste. Les Serbes

26 ont été menacés et tués. Leurs maisons ont été dynamitées, incendiées au

27 cours des années 1990 et 1991.

28 Les Serbes de Croatie, face au comportement des autorités croates,

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1 ont riposté ou plutôt, ont répondu en demandant que la Yougoslavie garde

2 ses entités fédérales, qu'elles soient maintenues. Ils ont exigé une

3 autonomie culturelle au sein de la Croatie, une autonomie culturelle, je

4 dis bien.

5 Si l'Etat yougoslave devait connaître un éclatement, les Serbes de

6 Croatie ont exigé qu'en suivant le même principe, le même principe adopté

7 par les Croates et les Slovènes, qu'on leur reconnaisse leur droit à

8 l'autodétermination, qu'on leur permette de se maintenir au sein de l'État

9 yougoslave. Les Serbes de la Krajina, eux, à leurs foyers historiques, ont

10 demandé d'être protégés de manière institutionnelle. Cependant, il y a eu

11 une attitude arrogante et un manque de compréhension. Il y a une terreur

12 mise en place. Puis, c'est de manière politique et démocratique que les

13 Serbes ont réagi. Les Serbes de Croatie ont mis sur pied une association

14 des municipalités ayant la majorité serbe. La constitution de la République

15 socialiste de Croatie le prévoyait, mais c'est de manière illégale que la

16 Croatie a combattu cela. Suite au refus de la part des autorités croates de

17 toute tentative de la part des Serbes visant à régler les relations entre

18 les Serbes et les Croates au sein d'un état commun, les Serbes ont pris une

19 décision. Ils ont décidé d'agir dans leur territoire ethnique et ce, afin

20 de se protéger. Ils ont décidé de créer la SAO Krajina et par la suite, en

21 1991, la République serbe de la Krajina. A ce moment-là, la Croatie a lancé

22 une guerre contre les Serbes de la Croatie, une guerre non proclamée, non

23 déclarée, une guerre contre la République serbe de la Krajina ou

24 précédemment, contre la SAO de Krajina.

25 Conformément à la résolution du conseil de Sécurité de 1991, les régions

26 habitées par les Serbes en Croatie ont été placées sous la protection des

27 Nations Unies et sur le territoire de la République serbe de la Krajina. Au

28 cours de l'année 1992, les forces de paix des Nations Unies sont arrivées.

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1 On les a appelées la FORPRONU. Elles ont été déployées sur ce territoire-

2 là; du reste du territoire de l'ex-République socialiste de Croatie, on a

3 replié les forces de la JNA conformément au plan Vance. Le territoire de la

4 République serbe de la Krajina est resté un territoire placé sous la

5 protection des Nations Unies. La législation fédérale s'y appliquait, la

6 législation yougoslave et non pas la législation de la Croatie. C'est ce

7 qui a été établi par le plan Vance; c'était conforme à ce plan. Les forces

8 de paix des Nations Unies ont été déployées dans les régions de Croatie où

9 les Serbes constituaient une majorité ou une minorité considérable de la

10 population, les régions où les tensions interethniques, pendant la période

11 préalable, avaient engendré des conflits. L'objectif de ce déploiement

12 était de créer des conditions permettant de négocier une solution de paix

13 de la crise yougoslave sans préjuger de leur issue.

14 Sur le plan local, la police des Serbes de la Krajina était reconnue au

15 terme du plan Vance et également au terme de la résolution du conseil de

16 Sécurité qui a mis sur pied la mission des Nations Unies en Yougoslavie.

17 Elle a été établie en tant que police qui allait agir sur un territoire

18 protégé par les forces internationales. Sur le plan territorial, la Défense

19 territoriale de la République serbe de la Krajina a été démobilisée

20 conformément aux termes du plan Vance. L'armement qui lui appartenait a été

21 enfermé dans les entrepôts des Nations Unies. Les Serbes de la Krajina ont

22 accepté le plan Vance. Ils l'ont mis sur pied, ils l'ont respecté, tout

23 comme les autorités yougoslaves qui, elles, ont créé les conditions

24 matérielles et militaires permettant le déploiement des forces de paix

25 suite à quoi les forces de la JNA se sont retirées de ce territoire.

26 Cependant, les attentes du peuple serbe ont été trahies dans la

27 République serbe de la Krajina. Ce peuple s'est attendu à une protection de

28 la part des forces de paix, mais ceci n'a pas eu lieu. Même avant qu'il y

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1 ait eu le déploiement total des forces des Nations Unies, la Croatie a

2 lancé une agression contre les zones protégées. Le 21 juin 1992, elle a

3 lancé une opération contre le plateau de Miljevacki. A cette occasion-là,

4 on a tué brutalement 40 membres des unités territoriales serbes. Après

5 avoir été massacrés, leurs corps ont été jetés dans des fosses communes.

6 Ils ont été exhumés en la présence des observateurs internationaux,

7 en la présence des forces internationales. Les autorités croates, en 1992,

8 non seulement attaquent une zone qui est protégée par les Nations Unies,

9 non seulement refusent-elles de mettre en œuvre la Résolution des Nations

10 Unies 762 du 26 juin 1992, la résolution qui leur demande de se retirer de

11 ce territoire, mais qui plus est, tout comme les Oustachi de la Seconde

12 guerre mondiale, lancent les corps des Serbes tués dans des fosses

13 communes. Les dirigeants croates, dès mars 1992, lorsqu'ils se réunissent,

14 s'entendent dire par le président Tudjman que la Croatie a réalisé un

15 miracle. Elle a mis sur pied "une armée de 200 000 hommes," je le cite,

16 ainsi qu'une police et cette force armée, de toute évidence, lui a permis

17 de faire la sourde oreille face à toutes les normes du droit international,

18 face à tous les appels lancés par la communauté internationale.

19 En janvier 1993, l'armée croate lance une nouvelle agression contre les

20 zones protégées par les Nations Unies. Que fait-elle ? Elle lance

21 l'opération appelée Maslenica le 22 janvier 1993. Elle attaque sur 100

22 kilomètres, pratiquement, de ligne de front depuis le sud de la République

23 serbe de la Krajina. A ce moment-là, l'armée croate s'empare d'un grand

24 territoire en Kotari et elle prend le contrôle de la centrale électrique et

25 du barrage de Peruca. Pendant cette offensive, pendant cette agression, il

26 y a des pertes terribles parmi la population serbe des villages, Smokovic,

27 Kasic, Zemunic Donji, tandis que les Serbes de villages mixtes, tels que

28 Murvica, Zemunic Gornji sont, soit persécutés, soit tués, leurs biens sont

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1 détruits et leur églises sont démolies.

2 Pendant cette agression, il y a eu des centaines de victimes parmi les

3 civils serbes. Un nombre colossal de Serbes a été expulsé. La Résolution

4 802 du 25 janvier 1993 du conseil de Sécurité des Nations Unies exige que

5 les forces croates se retirent et cette résolution-là n'a pas été respectée

6 par Zagreb.

7 Tous ces événements ont eu lieu avant le milieu de l'année 1993. Le

8 secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali, à ce moment-

9 là, fait un rapport devant le conseil de Sécurité le

10 15 mai 1993. Il parle d'un pogrome commis contre les Serbes de Croatie et

11 il cite des chiffres. Il dit que 251 000 Serbes ont été expulsés par les

12 autorités croates de Croatie jusqu'au 18 mars 1993, ne serait-ce que

13 jusqu'à cette date là, à savoir, il s'agissait des Serbes qui, sous la

14 terreur mise sur pied par les autorités croates, ont été obligés de quitter

15 leurs foyers, leurs appartements, leurs commerces situés dans les villes

16 croates, dans les localités croates, à l'extérieur de la République serbe

17 de Krajina, à l'extérieur des zones protégées par les Nations Unies.

18 Dans ces villes où il n'y a pas eu de conflit armé, d'où la

19 population serbe a été expulsée tout simplement à cause de son appartenance

20 ethnique. Le conseil de Sécurité est resté bouche bée en entendant cette

21 information.

22 Logiquement, une nouvelle agression a été commise par les autorités

23 croates dans la poche de Medak le 9 septembre 1993. À cette occasion, on a

24 totalement détruit trois villages serbes, Divoselo, Citluk et Pocitelj. 88

25 Serbes sont portés disparus ou ont été tués.

26 Du côté croate, à la mi-septembre, 52 corps ont été remis à la partie

27 serbe. 18 cadavres ont été retirés par les membres de la FORPRONU;

28 d'autres, par des membres des forces de la SAO Krajina et un a été trouvé

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1 en 1995.

2 Des hauts fonctionnaires de la FORPRONU, au cours de l'année 1993,

3 s'adressaient aux représentants des autorités de la SAO Krajina. Ils ont

4 transmis un message de Janko Bobetko qui était le chef du Grand état-major

5 des forces armées croates. Le message disait en substance : "Dites aux

6 Serbes que le bras croate est long et qu'il les attrapera."

7 C'étaient des messages dont a témoigné M. Charles Kirudja qui était

8 un témoin de l'Accusation. Ce sont des messages qui avaient été transmis

9 aux Serbes avant l'opération de la poche de Medak. Que devaient signifier

10 ces messages envoyés par les autorités croates ? Le général de la FORPRONU,

11 Jan Kott, a expliqué cela. Le

12 19 septembre 1993, il s'est rendu en visite dans cette zone et il a

13 déclaré, je cite : "Je n'ai pas vu de traces de vie, ni de présence

14 humaine, ni d'animaux dans les différents villages que nous avons

15 parcourus. Les destructions ont été totales, systématiques et

16 intentionnelles."

17 J'ajoute, il n'y a pas eu de Serbes capturés. Soit ils se sont enfuis

18 et se sont sauvés ainsi, soit ils étaient tués.

19 M. Kirudja a évoqué ces protestations auprès des autorités croates à

20 cause de l'attitude raciste des autorités militaires et politiques croates

21 envers les membres du bataillon nigérien de la FORPRONU et la même chose a

22 été dite par le général Nambiar et par le général Jan Kott, mais je ne

23 voudrais pas reprendre leurs paroles.

24 Si les autorités croates dirigés par Franjo Tudjman ne souhaitaient pas

25 tolérer la présence des membres armés de la FORPRONU en fonction de leur

26 appartenance ethnique, on peut comprendre que c'est la catastrophe qui

27 attendait les Serbes. Dès 1992, le président de la Croatie, le général

28 Franjo Tudjman a déclaré, je le cite : "Il n'y aurait pas eu de guerre si

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1 la Croatie ne l'avait pas souhaité."

2 La même année, le président de la Croatie, le général Tudjman, lors

3 d'une réunion du sommet des autorités croates, dit que la Croatie a accepté

4 les forces de paix uniquement pour éviter les destructions des biens et ce

5 qui est encore plus important, pour obtenir la reconnaissance

6 internationale et que la présence des forces de paix n'est qu'un prétexte,

7 que pendant ce temps-là, la Croatie se prépare à une intervention

8 militaire.

9 C'est précisément ce que la Croatie a fait.

10 Pendant tout le temps, elle a accusé les Serbes de la Croatie, les

11 Serbes de la Krajina parce qu'elle leur imputait un manque de coopération,

12 alors que les Serbes se satisfaisaient de garder leurs foyers, de vivre sur

13 leur territoire ethnique. Ils essayaient de s'organiser eux-mêmes, de

14 profiter de l'aide et de la présence des forces de paix des Nations Unies.

15 Ces Serbes essayaient de se protéger contre le massacre qui se préparait

16 contre eux. Toute tentative d'accord politique était interrompu ou déjoué

17 par les autorités croates.

18 On a signé un accord sur la fin des conflits armés en 1993, mais cela

19 a été interrompu par les autorités croates par une agression menée dans la

20 poche de Medak et le 1er mai 1995, la même chose s'est passée avec l'accord

21 du 29 mars 1994 portant sur la fin des hostilités, la Croatie attaque,

22 encore une fois, une zone placée sous la protection des Nations Unies.

23 Le 1er mai 1995, l'armée croate et la police croate agissent de

24 manière synchronisée. De toutes parts, elles attaquent la Slavonie

25 occidentale, les soldats de la FORPRONU en avaient été informés par avance

26 et ils laissent passer les forces croates qui, pendant les quelques jours

27 qui s'en suivront vont s'emparer de toute cette zone. Après l'agression

28 menée, sur les 22 000 Serbes, il n'en reste qu'à peine 800. En quelques

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1 jours seulement, on a tué, d'après les chiffres certifiés jusqu'à présent,

2 284 civils dont 57 femmes et huit enfants. 1400 membres environ de l'armée

3 serbe de la Krajina ont été capturés et ce, parce qu'ils ont été pris au

4 piège.

5 Dans la Slavonie occidentale, la population prise de panique a tenté,

6 pendant les journées du 1er, du 2 et du 3 mai 1995, de se sauver en Bosnie-

7 Herzégovine, mais on a tiré sur eux et ce, de manière frénétique, de toutes

8 parts, de la part de l'armée et de la police croate. C'est un véritable

9 massacre qui a eu lieu. Les civils impuissants, à bord de divers moyens de

10 transport, des véhicules, des camions, des chariots ont essuyé des feux de

11 fusils automatiques, mitrailleuses, lance-roquettes portables, même de

12 l'aviation. Tous les appels lancés par les dirigeants de la République

13 serbe de la Krajina auprès de l'envoyé spécial du secrétaire général des

14 Nations Unies, auprès de M. Yasushi Akashi pour qu'il mette fin à ce

15 massacre, tout ceci n'a été accueilli par aucune réaction de la part des

16 autorités croates.

17 L'Accusation m'accuse, me dit que pendant les journées du 2 et du 3

18 mai 1995, l'armée serbe a tiré quelques roquettes d'artillerie sur Zagreb.

19 Elle me dit qu'il y a eu sept civils de tués, que plusieurs ont été

20 blessés, affirme que cette action militaire n'avait pas de justification

21 militaire. Mais tout ceci doit être replacé dans le contexte où l'armée de

22 la République serbe de Krajina ne pouvait pas protéger la population civile

23 et exposer au massacre, livrer au massacre. Les Nations Unies étaient

24 impuissantes devant l'agression croate. Elle ne pouvait pas l'arrêter et

25 c'était le seul moyen de mettre fin au massacre des Serbes commis par

26 l'armée croate. Des rapports précis existent, des rapports rendus par les

27 Nations Unies pendant les 10 premiers jours du mois de mai 1995. Dans ces

28 rapports, on constate quel a été le nombre de tués ainsi que leurs noms. On

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1 fait état d'un massacre des civils dans les colonnes de civils, massacres

2 commis par les autorités croates.

3 Il existe également un document de la FORPRONU disant que les

4 autorités croates ont agi par des citernes pour laver le sang des civils

5 serbes sur l'asphalte où le massacre a été commis, pour cacher le massacre

6 aux yeux des observateurs internationaux. Les rapports sont nombreux et

7 détaillés, mais l'Accusation ne s'intéresse pas à cela. On m'accuse, moi

8 seul, en tant que président de ce peuple serbe qui en a été victime. Je

9 suis accusé, tout simplement, parce que je voulais mettre fin à leur

10 massacre.

11 L'acte d'accusation dressé contre moi a encouragé les autorités. Il

12 n'y a pas eu d'enquêtes. Personne, parmi les dirigeants croates, n'a été

13 accusé de cette agression si brutale, de ce nettoyage ethnique totale de la

14 Slavonie occidentale. Encouragés par tout cela, les dirigeants croates ont

15 décidé de mener à bien, jusqu'au bout, leur plan, de se débarrasser de la

16 population serbe.

17 À partir du 4 août 1995, c'est l'opération Tempête qui est lancée à cette

18 fin. Dans son ensemble, l'armée croate, en agissant de concert avec la

19 police sept fois plus puissante que les forces de défense serbe lancent une

20 nouvelle agression, encore une fois, contre une zone qui est placée sous la

21 protection des Nations Unies. On attaque le secteur sud. En quelques jours,

22 l'occupation est faite de la Dalmatie du nord, de la Lika, du Kordun et de

23 la Banja, en agissant de concert avec l'armée de Bosnie-Herzégovine et en

24 bénéficiant du soutien logistique par la voie aérienne et maritime, de la

25 part des Etats-Unis. La Krajina se voit essuyer des tirs incessants

26 d'artillerie. Ne serait-ce que Knin, d'après les chiffres de la FORPRONU,

27 en l'espace de 24 heures, reçoit plus de

28 2 500 projectiles de tout genre, d'obus de tout genre. Environ

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1 30 000 soldats de l'armée serbe de la Krajina ne peuvent pas faire face à

2 une attaque synchronisée, menée par un adversaire sept fois plus puissant.

3 C'était cela, la taille des forces croates. Compte tenu des terribles

4 expériences de par le passé, plus de 200 000 commencent à s'exiler dans une

5 immense colonne. Ils partent vers l'est, vers la Serbie, à la recherche du

6 salut. Il s'agit de civils impuissants qui essuient des tirs incessants,

7 sans merci, voire même, il y a l'aviation qui agit et ce, au-dessus du

8 territoire de

9 Bosnie-Herzégovine. Jamais on n'a pu préciser le nombre de victimes.

10 D'après les chiffres, il y a eu 1 934 personnes, soit tuées, soit

11 portées disparues, 524 femmes parmi eux. Environ 1 500 membres de l'armée

12 de la République serbe de la Krajina survivent à leur capture.

13 Environ 1 200 personnes âgées ou impuissantes qui n'ont pas pu ou

14 n'ont pas voulu quitter leurs foyers ont été internées de force dans des

15 camps d'internement de civils. La Krajina a été complètement dévastée, tout

16 d'abord, pillée; ensuite, détruite et ensuite, incendiée. Les observateurs

17 militaires des Nations Unies, en octobre 1995, constatent, ne serait-ce que

18 pour le secteur sud, 22 000 maisons ou autres bâtiments serbes détruits.

19 Dans l'ensemble, ces faits démontrent que pendant la période couverte

20 par cet acte d'accusation, les Serbes de Croatie, en tant que minorité de

21 la population dans cet état n'ont fait qu'essayer de se protéger contre le

22 pogrome et le génocide qui s'annonçaient. Ils n'y sont pas parvenus. L'aide

23 des forces de paix des Nations Unies n'a pas été suffisante pour qu'ils

24 puissent se protéger. Les autorités croates étaient claires et leur

25 président a dit, le

26 15 mai 1996, de manière tout à fait claire, devant l'assemblée, l'attitude

27 de la Croatie. Il a dit, je cite : "L'opération Tempête a été menée à bien,

28 avec succès. À jamais, nous avons réussi le problème interne principal de

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1 l'Etat croate."

2 Bien entendu, il s'agissait là des Serbes. Cette déclaration du

3 président de la Croatie, du général Tudjman ou plutôt, sa déclaration du

4 mois de février 1990, lors de la création du HDZ, lorsqu'il a dit que la

5 NDH [phon] n'était pas seulement une création "quisling," ni fasciste, mais

6 que c'était une réalisation des aspirations historiques du peuple croate,

7 cette déclaration a été traduite dans les faits. L'état fasciste a eu son

8 idéologue, le Dr Ante, qui a dit officiellement que les Serbes étaient une

9 race inférieure et devraient être tués à la hache.

10 L'épouvantable génocide contre les Serbes entre 1941 et 1945, la

11 nouvelle direction croate a adopté les mêmes idées et les mêmes politiques

12 de façon, là encore, à pouvoir commettre un génocide contre les Serbes de

13 Croatie. Aujourd'hui, on peut dire qu'il n'y a pratiquement plus de Serbes

14 qui restent en Croatie à la suite de cela. Compte tenu de ces faits, les

15 faits qui sont, sans aucun doute, facilement vérifiables pour le bureau du

16 Procureur, j'espère que la Défense réussira à démontrer que cet acte

17 d'accusation contre moi, en tant que haut fonctionnaire de la République de

18 la Serbie Krajina est entièrement dépourvu de fondement et totalement

19 inexact.

20 L'acte d'accusation renverse les rôles de victimes et d'auteurs des

21 crimes. La responsabilité de la Croatie pour avoir disloqué la Yougoslavie,

22 à la fois, une responsable historique et une responsabilité factuelle ne

23 sauraient faire aucun doute. Une possibilité s'est présentée de commettre

24 un nouveau génocide contre la population serbe. Nous, de la Krajina, nous

25 ne pouvions pas permettre cela. Ce procès me donne l'occasion et la chance

26 de présenter les détails des souffrances de mon peuple qui a été exilé.

27 Monsieur le Président, je suis né dans une région où il ne peut y avoir

28 aucun partage entre traiter de la justice et de l'injustice. Je ne serai

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1 pas puni par vous puisque j'ai déjà été puni par la vie elle-même. C'est de

2 Scheveningen que je peux observer l'injustice qui est faite à mon peuple.

3 C'est une question qui est beaucoup plus grave pour moi et beaucoup plus

4 difficile à accepter que toute condamnation que vous pourriez m'imposer

5 comme personne, comme individu. Dieu sait que j'ai fait de mon mieux pour

6 protéger mon peuple et que j'ai fait de mon mieux pour protéger chaque

7 personne en essayant de l'aider et de la protéger.

8 Finalement, ceux qui me connaissent vraiment bien savent que j'ai été le

9 premier à m'opposer à tous les méfaits et tous les crimes qui ont été

10 commis. Je vous remercie.

11 Si je peux maintenant être autorisé à dire quelque chose qui n'était

12 pas prévu dans ma déclaration liminaire, j'ai peut-être une objection à

13 faire en ce qui concerne les interprètes.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voyez, Monsieur le Président, peut-être

16 que les interprètes ne font pas cela de propos délibéré, mais

17 l'interprétation que je reçois est une interprétation qui est dans un

18 langage que je ne pourrais décrire que comme étant grotesque. Lorsque vous

19 recevez une interprétation en anglais, cela doit être la même chose, je

20 suppose, mais j'ai noté un certain nombre de mots que le ministre Pavelic,

21 Mile Budak, avait inventé pendant la période de l'Etat d'indépendant de

22 Croatie. Ce sont les mêmes paroles qui sont employés maintenant pour

23 m'interpréter, l'interprétation que je reçois. Je vais n'en citer que

24 quelques-unes qui représentent le fait qu'il est fait obstruction. Il y a,

25 par exemple, le terme qui veut dire "stozer," quartier général. Un autre

26 mot croate qui voulait dire preuve. Je ne pense pas que les interprètes

27 fassent cela de propos délibéré. Peut-être qu'ils sont simplement nés à une

28 époque plus récente. Cette langue qui a été utilisée dans l'Etat

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1 indépendant de Croatie, entre 1941 et 1945, cette langue a été, en

2 l'occurrence, réinventée lorsque Franjo Tudjman est apparu comme dirigeant

3 du nouveau gouvernement croate. J'aimerais demander aux interprètes, s'il

4 vous plaît, d'essayez de tenir compte de cela et d'essayer d'éviter

5 d'employer ces mots.

6 Il y a un langage qui est encore utilisé en Croatie et qui est

7 valable par rapport à ce qui s'est passé, mais ce langage, je n'y vois pas

8 d'inconvénient. Mais les mots qui ont été utilisés rappellent des mémoires

9 beaucoup plus sombres à l'esprit, des souvenirs beaucoup plus sombres.

10 Ce n'est pas un problème pour vous parce que vous avez le même type

11 d'interprétation pour les deux cas, mais des mots très différents sont

12 utilisés et je suis un être humain et je suis extrêmement troublé par cette

13 façon de procéder.

14 Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Juge.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Martic.

16 Nous avons entendu ce que vous aviez à dire et je pense que ceci nous amène

17 à la fin de l'audience d'aujourd'hui. Il ne semble pas qu'il soit

18 nécessaire d'avoir une séance supplémentaire demain. Par conséquent, je

19 vais lever la séance et le procès reprendra le

20 16 janvier 2006, à 15 heures 45, dans cette salle d'audience.

21 L'audience est levée.

22 --- L'audience est levée à 17 heures 19 et reprendra lundi le 16 janvier

23 2006, à 15 heures 45.

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