Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 14 juin 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons traiter, avant de

6 commencer, d'un certain nombre de questions d'intendance.

7 Tout d'abord, en premier lieu, vous aviez indiqué à Me Milovancevic que

8 vous l'écouteriez s'agissant d'une requête, d'une demande qui a été

9 communiquée à la Défense, qui a été remise à Me Milovancevic le 30 mai

10 2006, à 16 heures 56 et 14 secondes. Est-ce que vous connaissez ce

11 monsieur, Maître Milovancevic ? Donc, il s'agissait d'une demande qui

12 n'aurait pas été reçue.

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, c'est bien moi. Merci, mais c'est

14 M. Sekulic qui s'occupe de ce genre de chose, mon assistant. Donc, je vous

15 ai expliqué qu'il n'était pas là à ce moment-là, et au moment où je

16 m'adressais à vous, je ne disposais pas de cette information.

17 Je ne doute nullement de l'information que vous m'avez donnée. Je

18 n'ai aucune raison d'en douter. Oui, effectivement, c'est moi. Je suis la

19 personne concernée, et s'agissant du conseil de la Défense, j'ai parlé à M.

20 Sekulic, nous avons examiné les pièces concernées et nous ne nous opposons

21 pas à cette demande. Nous sommes en accord avec cette demande. Merci, et

22 veuillez m'excuser de ce qui s'est passé. J'espère que j'ai pu vous donner

23 une explication des raisons de ce qui s'est passé.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître

25 Milovancevic. Tout ce que nous voulions faire, c'était de vous faire savoir

26 que vous aviez bien reçu le document, effectivement. Merci.

27 Maintenant, l'Accusation, soit par la bouche de M. Whiting, soit par la

28 bouche d'un de ses autres membres, va nous dire ce qu'il en est, ce que

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1 vous avez l'intention de faire.

2 Madame Valabhji.

3 Mme VALABHJI : [interprétation] Oui. Nous souhaitons vous informer du fait

4 que nous avons déposé une réponse qui a été remise au Greffe.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Madame.

6 Mme VALABHJI : [interprétation] Merci.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Question suivante qui s'adresse à

8 vous, Maître Milovancevic. Je vous la pose avec un petit peu d'émoi. Ce

9 n'est pas le genre de question que j'ai coutume de poser, mais dans

10 l'intérêt de la rapidité des débats, il convient que je vous pose cette

11 question. Etes-vous en mesure de nous dire au jour d'aujourd'hui si la

12 Défense déposera une requête aux termes de l'article 98 bis ? Si cette

13 question vous met dans l'embarras, n'hésitez pas à me le dire.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je répondrai de

15 plein gré à cette question, si j'en ai la possibilité. Je parle de la

16 certification. Nous rencontrons un certain nombre de difficultés

17 actuellement, et je pense que nous le ferons d'ici vendredi.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, là on est en

19 train d'avoir un dialogue de sourds, parce que je vous parle du 98 bis, et

20 vous me parlez de la certification. La certification, c'est le point

21 suivant à l'ordre du jour. Est-ce qu'on pourrait toujours parler tout

22 d'abord du 98 bis ?

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] S'il est question de la notification du

25 conseil de la Défense faite verbalement, c'est quelque chose que nous

26 sommes censés communiquer dans les cinq jours suivant l'ouverture du

27 procès. Nous travaillons ici à plein régime, il nous faudra donc beaucoup

28 de temps pour présenter nos arguments sur ce point. Si j'ai bien compris

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1 votre question, on est en train de parler de l'article 98 bis, et l'article

2 98 bis que j'ai sous les yeux a trait à la décision orale prise par la

3 Chambre de première instance après avoir entendu les arguments oraux des

4 parties. Je ne sais pas si c'est de cela que vous parlez, je n'en suis pas

5 sûr. J'ai quelques réserves sur ce point. J'ai l'article sous les yeux en

6 B/C/S, j'examine cet article 98 bis qui a trait à l'acquittement, où il est

7 dit : "A la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de

8 première instance doit par décision orale, et après avoir entendu les

9 arguments oraux des parties, prononcer l'acquittement," et cetera.

10 Si vous nous demandez quelle est notre position, si c'est ce dont vous

11 parlez, si vous voulez entendre nos arguments, voilà tout ce que je peux

12 vous dire pour l'instant. Nous aurons besoin, quant à nous, pour nous

13 prononcer, d'une dizaine de jours. Actuellement, notre situation est

14 aggravée par le fait de tout ce qui entoure le statut de la déposition de

15 M. Babic. Il y a aussi le fait que l'Accusation continue à présenter ses

16 moyens. Il y aussi beaucoup d'autres problèmes qui vont se dessiner,

17 s'agissant du nombre de victimes, de la nature des victimes, donc je ne

18 sais pas exactement ce que veut faire l'Accusation, quelle est la nature

19 exacte de leur thèse, mais vu ce qui a été présenté jusqu'à présent, nous

20 avons ici affaire à une affaire extrêmement grave. Nous avons plusieurs

21 milliers de pages de compte rendu d'audience, il nous faudra du temps pour

22 les passer en revue. Voici la position de la Défense.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est un juste retour du bâton. Comme

24 je l'ai dit dès le début, je n'aurais pas dû poser cette question.

25 Manifestement, nous ne nous comprenons pas, ici, Maître Milovancevic. Nous

26 parlons de choses complètement différentes. Vous me demandez 10 jours.

27 Rappelez-vous, nous avons émis une ordonnance portant calendrier, qui est

28 valable et qui porte sur l'article 98 bis. Tout ce que je voulais savoir,

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1 c'est si la Défense avait l'intention de présenter une demande en vertu de

2 l'article 98 bis. C'est tout ce que je souhaitais savoir.

3 Nous allons en rester là sur ce point, parce que ce que vous dites ne fait

4 que compliquer l'affaire et je ne veux pas que nous poursuivions plus loin

5 et entrions dans le détail de tout ce que vous venez de mentionner.

6 Maintenant, je passe au troisième point. Oui, vous vouliez ajouter quelque

7 chose, Maître Milovancevic ?

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, juste pour dire que s'agissant de

9 cette ordonnance portant calendrier, nous avons déposé des écritures

10 aujourd'hui. Je n'ai rien à ajouter. J'ai bien entendu les consignes que

11 vous avez données, et je suis désolé d'avoir dépassé le champ de votre

12 question dans ma réponse. Ce n'était nullement mon intention. L'article

13 lui-même --

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ce n'est pas grave, Maître

15 Milovancevic. Je comprends bien, je ne suis nullement en train de vous

16 blâmer. Je regrette simplement d'avoir même soulevé cette question. Vos

17 écritures relatives à la certification ou plutôt, au calendrier, ne nous

18 ont pas été communiquées, donc l'ordonnance portant calendrier est en

19 vigueur, parce que je n'ai pas vu ces écritures. En tout cas, en ce qui me

20 concerne.

21 S'agissant de la certification portant sur la déposition Babic, vous avez

22 dit l'autre jour que la Défense allait interjeter appel. Je souhaite vous

23 rappeler que le 16 juin, c'est la date ultime à laquelle vous pouvez

24 interjeter appel, et je voulais savoir si l'Accusation pouvait, dès le 19,

25 déposer une réponse, c'est-à-dire, lundi.

26 M. BLACK : [interprétation] Oui. Nous pourrons le faire.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pourrez le faire ?

28 M. BLACK : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

2 La dernière chose que je souhaiterais évoquer avec les parties porte sur

3 l'interrogatoire ou la déposition du Témoin MM-080. J'imagine que les

4 parties auront reçu le compte rendu de la déposition de ce témoin. Selon

5 nous, l'essentiel de sa déposition a été faite en audience à huis clos

6 partiel alors qu'elle aurait pu être donnée en audience publique. La

7 Chambre vous a remis ce compte rendu d'audience pour que vous vous y

8 penchiez et que vous nous fassiez part de ces réactions. Si vous n'avez

9 aucune réaction, la Chambre suspendra le caractère confidentiel de

10 certaines parties du compte rendu d'audience qui ont été mises en évidence.

11 M. BLACK : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir jusqu'à demain pour

12 répondre ? M. Whiting est à l'étranger actuellement et c'est lui qui est au

13 courant.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est bien.

15 M. BLACK : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que cela

17 vous agrée ?

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous pouvons répondre d'ores et déjà en

19 vous disant que nous partageons le point de vue de la Chambre. Nous nous

20 sommes simplement efforcés de respecter les mesures décidées pour le

21 témoin. C'est cela peut-être qui a entraîné certaines difficultés.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic. Le

23 Procureur nous fera part de son point de vue demain. On pourra donc revenir

24 sur cette question à ce moment-là. J'en ai terminé de ces questions

25 d'intendance.

26 Est-ce que vous souhaitez intervenir ?

27 Quant à vous ?

28 La Défense ? L'Accusation ?

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

2 M. BLACK : [interprétation] Je souhaite demander que l'on fasse venir le

3 témoin suivant, qui s'appelle Sanja Risovic.

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais demander au témoin de

6 prononcer la déclaration solennelle.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 LE TÉMOIN : SANJA RISOVIC

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous

12 asseoir, Madame.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, vous avez la parole.

15 M. BLACK : [interprétation] Merci.

16 Interrogatoire principal par M. Black :

17 Q. [interprétation] Bonjour. Madame Risovic, est-ce que vous m'entendez ?

18 Est-ce que vous recevez l'interprétation dans les écouteurs ?

19 R. Oui, je vous entends bien. Je reçois l'interprétation.

20 Q. Merci. Pourriez-vous décliner votre identité. Est-ce que vous avez des

21 problèmes avec les écouteurs ?

22 R. Oui, parce que l'interprétation s'arrête de temps à autre.

23 Q. Est-ce que vous m'entendez bien ?

24 R. Je vous entends, mais la réception n'est pas de très bonne qualité dans

25 l'un de mes écouteurs.

26 Q. Bien, nous allons vous donner un autre casque pour voir si cela peut

27 s'arranger. C'est peut-être mieux maintenant ? Est-ce que vous m'entendez ?

28 R. Oui, j'entends mieux.

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1 Q. Merci. Si vous avez d'autres difficultés, n'hésitez pas à nous les

2 signaler.

3 R. D'accord.

4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décliner votre identité pour le compte

5 rendu d'audience ?

6 R. Je m'appelle Sanja Risovic.

7 Q. Quelle est votre date de naissance ?

8 R. Je suis née le 9 décembre 1964.

9 Q. Où êtes-vous née ?

10 R. Je suis née à Vinkovci.

11 Q. En 1990, vous êtes allée travailler pour les chemins de fer croates à

12 Vinkovci, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Quand êtes-vous allée vous installer à Zagreb ?

15 R. Je suis partie pour Zagreb en novembre 1991.

16 Q. Avez-vous des enfants, Madame ?

17 R. Oui, une fille.

18 Q. Quelle est sa date de naissance ?

19 R. Ma fille est née le 1er janvier 1995.

20 Q. J'aimerais que nous parlions maintenant ensemble du

21 2 mai 1995. Pouvez-vous nous dire comment se déroulait cette journée,

22 comment s'est déroulée cette journée du 2 mai 1995 ?

23 R. C'était une magnifique journée de printemps, une journée ensoleillée,

24 une journée magnifique.

25 Q. Où est-ce que vous étiez ce matin-là ?

26 R. Etant donné que j'étais en congé de maternité, je suis allée voir mon

27 médecin généraliste. Ensuite, je suis allée sur mon lieu de travail dans le

28 service des chemins de fer croates où je travaillais, puis ensuite, je suis

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1 allée au centre-ville, au centre de Zagreb.

2 Q. Merci. Quelle était l'atmosphère qui régnait au centre de Zagreb en ce

3 matin du 2 mai 1995 ?

4 R. Il y avait beaucoup de gens dans les rues, des gens qui allaient au

5 travail, les enfants en route pour l'école. Rien d'extraordinaire. Les

6 femmes qui se dirigeaient vers le marché. Il y avait beaucoup de monde dans

7 les rues. C'était une journée magnifique. Il y avait beaucoup de

8 promeneurs, de passants dans la rue, sans doute parce que c'était une si

9 belle journée.

10 Q. Est-ce qu'il y avait eu un avertissement, une mise en garde sur

11 l'éventualité d'une attaque contre Zagreb ce jour-là ?

12 R. A ma connaissance, non. Tout était comme d'habitude autant que je

13 pouvais le voir. Les gens avec qui je travaillais sont tous venus au

14 travail. Mon médecin généraliste, elle aussi, était au travail. Les trains

15 fonctionnaient comme n'importe quel autre jour. Tout était normal.

16 Q. Que s'est-il passé alors ?

17 R. A mon retour, je me suis retrouvée devant la gare à Tomislavska.

18 J'étais à l'arrêt de tram. J'attendais mon tramway pour rentrer chez moi.

19 J'étais pressée, parce que j'avais un enfant à bas âge à la maison. Donc,

20 je me suis dépêchée pour rentrer à la maison. Avant de monter à bord du

21 tramway, j'ai entendu une explosion. J'ai vu des flammes, de la fumée. Je

22 regardais en direction de Zrinjevac. Nous avons tous pensé qu'une explosion

23 s'était produite. Les gens étaient très surpris. Le tramway est arrivé. Je

24 suis montrée à bord du tramway et je suis rentrée chez moi. En arrivant

25 chez moi, j'ai dit à ceux qui se trouvaient là qu'une explosion avait eu

26 lieu et qu'il nous fallait allumer la télévision pour suivre les

27 actualités. C'est à ce moment-là que j'ai appris qu'une attaque avait eu

28 lieu contre Zagreb.

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1 Q. Qu'avez-vous vu aux actualités ce jour-là ?

2 R. J'ai vu des voitures en flammes, des gens qui transportaient des

3 blessés sanguinolents. J'ai vu qu'un tramway avait été touché. On montrait

4 des images des blessés. On voyait les rues qui avaient été touchées. Je me

5 suis rendue compte que je m'étais trouvée à proximité de l'explosion. Il y

6 avait entre 200 et 300 mètres entre l'endroit où je me trouvais, c'est-à-

7 dire, l'arrêt de tramway et le lieu de l'explosion.

8 Q. Avez-vous été blessée le 2 mai 1995 ?

9 R. Non.

10 Q. Je souhaiterais vous poser une autre question avant de parler de la

11 date du 3 mai. Le 2 mai 1995, au soir, avez-vous vu des reportages à ce

12 sujet à la télévision ou autre ?

13 R. Oui. J'ai regardé les actualités. Tout le monde s'intéressait à ce qui

14 se passait. Nous étions encore en guerre, et nous suivions les actualités

15 de près.

16 Q. Est-ce que dans la soirée on a montré d'autres reportages concernant

17 les événements qui s'étaient produits plus tôt ce jour-là, dans la

18 matinée ?

19 R. Oui. Il y a eu des reportages concernant le nombre de morts et de

20 blessés, les hôpitaux qui avaient accueilli les blessés, qui étaient tous

21 des civils. C'est le centre de la ville qui a été touché. C'était un choc

22 pour tout le monde. Il y a eu de nombreux reportages à ce sujet.

23 Q. Je souhaiterais que l'on parle de la journée du lendemain, le 3 mai.

24 Est-ce que vous aviez des projets ce jour-là ?

25 R. Oui, j'avais prévu de faire certaines choses ce jour-là. J'ai accouché

26 le 1er janvier 1995 de mon premier enfant. Mon enfant a été vacciné ce jour-

27 là, mais il ne se sentait pas très bien. On m'a donné un rendez-vous pour

28 le 3 mai 1995. Le pédiatre devait décider s'il convenait d'administrer des

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1 vaccins supplémentaires à mon enfant. Il fallait administrer des vaccins

2 quatre mois après la naissance de mon enfant. Et je sais que l'hôpital de

3 Klaiceva -- j'étais censée me rendre à l'hôpital des enfants dans la rue

4 Klaiceva, ce jour-là, pour faire un rappel de vaccin.

5 Q. Est-ce que vous avez pu vous rendre à votre rendez-vous à l'hôpital des

6 enfants, situé dans la rue Klaiceva, ce jour-là ?

7 R. Oui. J'y suis allée le lendemain.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaiterais poser une question.

9 Est-ce qu'il s'agit d'un quartier à Zagreb, Klaiceva ?

10 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit d'une rue.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tant que nous parlons de cela,

12 j'aimerais poser une autre question.

13 Vous parlez de Zrinjevac. Le témoin a déclaré qu'elle avait vu des

14 flammes et de la fumée, qu'elle regardait en direction de Zrinjevac, Z-r-i-

15 n-j-e-v-a-c. De quoi s'agit-il ?

16 M. BLACK : [interprétation]

17 Q. Madame Risovic, est-ce que vous pourriez nous dire ce que représente ce

18 lieu, Zrinjevac ?

19 R. La place Tomislav se trouve devant la gare au centre de la ville. A

20 côté de cette place, il y a un parc qui s'appelle le Zrinjevac. La première

21 partie de la rue correspond à l'endroit où se trouve le parc Tomislav.

22 Ensuite, le nom change. Enfin, il s'agit d'un parc. Et à droite du parc, il

23 y a le tribunal de district. C'est un endroit situé en plein centre de la

24 ville, en chemin pour la gare de Zagreb. Il s'agit d'une zone dans laquelle

25 se trouve des parcs, des arbres et des monuments. Je ne sais pas si j'ai

26 été suffisamment claire.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Vous avez été tout à

28 fait claire.

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1 Vous pouvez continuer, Monsieur Black.

2 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Madame Risovic, je vous remercie de vos explications.

4 Est-ce que quelqu'un vous a accompagnée à l'hôpital des enfants ce 3

5 mai 1995 ?

6 R. Mon frère m'a accompagnée, ou plutôt il nous a accompagnés, mon enfant

7 et moi. Nous sommes allés chez le médecin en voiture. Nous avions rendez-

8 vous pour un bilan de santé.

9 Q. Est-ce que vous pourriez nous relater ce qui s'est passé alors que vous

10 vous trouviez à l'hôpital des enfants ?

11 R. Nous sommes arrivés à l'hôpital des enfants environ 15 minutes avant

12 l'heure du rendez-vous, qui était 10 heures 30. Nous sommes allés dans la

13 salle d'attente, nous nous sommes occupés des dossiers médicaux. Je me suis

14 assise et j'ai attendu. Il s'agit d'un hôpital où sont soignés les enfants.

15 Les médecins sont souvent en retard. Parfois, ils ne sont pas disponibles

16 parce qu'ils doivent s'occuper d'enfants malades. Donc, il faut parfois

17 attendre un certain temps. Je me suis assise. J'avais mon enfant avec moi.

18 Nous avions une couverture et tout le nécessaire. Mon frère était avec moi

19 également. Il avait très peur pour ma fille qui avait quatre mois à

20 l'époque. Il la portait dans ses bras. Il a fallu la changer, et

21 finalement, elle s'est endormie. Un peu avant midi, le docteur est arrivée,

22 elle est allée dans son bureau. Dans la salle d'attente avec moi, il y

23 avait une autre mère avec son enfant. Elle était bouleversée, elle pleurait

24 sans cesse. Le médecin a dit qu'elle recevrait d'abord cette femme et son

25 enfant car ma fille était endormie. Pendant ce temps, j'ai rangé tous les

26 effets de mon enfant, de manière à être prête à aller en consultation. Mon

27 frère m'a aidée à rassembler ces effets. Il espérait que l'on pourrait

28 ainsi accélérer les choses.

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1 Je lui ai demandé d'aller voir dans le bureau du médecin afin de voir

2 si elle avait terminé de s'occuper de cet autre enfant de façon à ce que je

3 puisse entrer dans le bureau avec ma fille.

4 Alors qu'il était sur le point de se lever pour y aller, et alors que

5 je prenais Anamaria, ma fille, dans mes bras, j'ai entendu une explosion.

6 Les vitres de la fenêtre se sont brisées -- excusez-moi.

7 Q. Prenez votre temps, peut-être pourrais-je vous donner un mouchoir.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que le témoin souhaiterait

9 quelques instants pour retrouver ses esprits. Nous pouvons faire une petite

10 pause et reprendre plus tard.

11 M. BLACK : [interprétation] Madame Risovic, si vous le souhaitez, nous

12 pouvons faire une pause et reprendre plus tard. Nous pouvons également

13 poursuivre si vous préférez.

14 R. Excusez-moi.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a pas lieu de vous excuser.

16 Merci, Madame Risovic. Nous voulons que vous vous sentiez aussi à l'aise

17 que possible. Est-ce que vous souhaiteriez que l'on vous accorde quelques

18 instants ?

19 Je propose que l'on fasse une pause de 5 ou 10 minutes.

20 --- La pause est prise à 14 heures 58.

21 --- La pause est terminée à 15 heures 23.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Risovic, est-ce que vous vous

23 sentez mieux à présent ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Si vos émotions vous

26 surnagent de nouveau, faites-le-nous savoir, et nous ferons une nouvelle

27 pause.

28 M. BLACK : [interprétation] En parlant de pauses, est-ce que nous ferons la

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1 nôtre à 15 heures 30 ou après cela, puisque nous venons d'en faire une ?

2 Qu'est-ce que vous préféreriez ?

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous préférerions faire la pause à

4 l'heure habituelle de façon à respecter autant que possible l'emploi du

5 temps prévu.

6 M. BLACK : [interprétation] Merci.

7 Q. Madame Risovic, je suis bien conscient qu'il s'agit de souvenirs

8 pénibles. Je suis désolé de raviver ces souvenirs. Avant la pause, vous

9 nous avez dit que vous aviez entendu une explosion et que les vitres

10 s'étaient brisées. Est-ce que vous pourriez nous relater ce qui s'est passé

11 ensuite ?

12 R. Alors que je tenais mon enfant dans les bras, j'ai avancé d'un pas. Il

13 y avait une table devant moi. Je l'ai poussée. J'ai fait un pas en avant,

14 et soudain j'ai eu l'impression que quelqu'un m'avait donné un coup dans le

15 dos. Je ne sais pas comment vous expliquer cela. C'est comme si quelqu'un

16 s'était emparé d'une chaise et m'avait frappé avec cette chaise. J'avais

17 mon enfant dans les bras. J'étais penchée en avant. J'étais courbée. Je ne

18 sais pas exactement combien de temps tout cela a duré. J'avais perdu la

19 notion du temps. J'avais mon enfant dans mes bras, et à côté de moi il y

20 avait un homme. Je ne me souviens pas vraiment de son visage. Je me

21 souviens lui avoir dit : S'il vous plaît, prenez mon enfant. Tout le monde

22 était en état de choc, je pense. Personne n'a vraiment réagi. Je ne pouvais

23 pas bouger. Je ne sentais plus ma jambe droite.

24 J'ai reculé. Il y avait un mur. Je me suis appuyée contre ce mur, et

25 j'ai glissé vers le sol. J'ai appelé mon frère en hurlant. Il est venu me

26 voir. Je lui ai demandé de prendre Anamaria avec lui, et de la conduire

27 vers un endroit sûr. Je voulais qu'ils soient tous les deux en sécurité. Il

28 m'a pris l'enfant, et c'est à ce moment-là que j'ai vu que sa tête était

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1 pleine de sang. J'étais en état de choc. Elle a éclaté en sanglots, et

2 alors que j'essayais de la calmer, elle s'est tue soudainement. Je ne

3 savais pas si elle était encore en vie, ni dans quel état elle était. Mon

4 frère est parti avec elle en courant. Je lui ai dit : "Partez, partez." Je

5 craignais qu'une autre attaque se produise. Si quelqu'un devait mourir, je

6 voulais que ce soit moi. Il réfléchissait à voix haute. Il ne savait pas ce

7 qu'il fallait faire de moi, où il fallait me conduire.

8 Un médecin est venu. Donc, il y avait notre pédiatre, et il y avait un

9 autre médecin, une femme qui avait les cheveux blonds. Ils ont appelé

10 d'autres membres du personnel hospitalier pour nous prêter assistance, et

11 ils m'ont conduite à l'étage au service de chirurgie de l'hôpital des

12 enfants. Ils m'ont déshabillée. Ils m'ont fait une radio du haut du corps.

13 Là je me suis rendue compte que j'avais un problème au niveau du dos. Ils

14 ont mis des compresses sur le dos. Ils m'ont installée sur un brancard, et

15 ils m'ont sortie de la pièce.

16 J'ai entendu qu'ils appelaient tous les centres médicaux de Zagreb

17 pour voir lequel des hôpitaux avait une équipe prête à intervenir pour

18 venir nous chercher. Nous étions trois dans le couloir, trois blessés.

19 J'étais la première à être évacuée en direction de l'hôpital de

20 Vinogradska, au service de chirurgie de cet hôpital. Je ne cessais de poser

21 des questions concernant ma fille. Tous les médecins qui s'approchaient de

22 moi, je demandais d'appeler l'hôpital de Klaiceva pour savoir dans quel

23 état était mon enfant. Toutes les lignes téléphoniques -- aucune des lignes

24 téléphoniques ne fonctionnait. Ils m'ont dit qu'il fallait que je signe des

25 papiers pour autoriser l'opération. Une femme médecin m'a demandé de signer

26 à l'aide d'une croix, car je ne pouvais pas bouger le bras droit. J'étais

27 couvert de sang. A un moment donné, ils m'ont dit que ma fille allait bien,

28 qu'elle ait trouvé refuge dans un abri, et ils m'ont demandé donc de signer

Page 5584

1 à l'aide d'une croix, et ensuite ils m'ont amenée aux services de

2 chirurgie.

3 Q. Madame Risovic, je pense que le moment est bien choisi pour faire une

4 pause. Après la pause, j'aurais quelques questions supplémentaires à vous

5 poser.

6 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le moment

7 est bien pour faire une pause.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons reprendre nos

9 travaux à 16 heures, Madame Risovic.

10 L'audience est suspendue.

11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

12 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Black, vous pouvez

14 poursuivre.

15 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être avant cela, je souhaite

17 suggérer que peut-être nous pourrions prendre dix minutes de la pause

18 suivante afin d'essayer de nous rattraper. Peut-être nous pouvons prendre

19 notre pause suivante à et 25, et non pas à cinq heures et quart.

20 M. BLACK : [interprétation] Merci. Absolument.

21 Q. Madame Risovic, est-ce que vous m'entendez bien ?

22 R. Je vous entends et j'entends bien.

23 Q. Quelles blessures vous ont-elles été infligées en raison de cette

24 expérience que vous venez de nous décrire, qui a eu lieu le

25 3 mai 1995 ?

26 R. J'ai été blessée dans mon épaule droite, une partie de mon muscle du

27 dos a été enlevée, mes côtes ont été fracturées, mes poumons ont été

28 blessés également. J'ai souffert de l'hémothorax [phon] du poumon, puis,

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1 j'ai eu un fragment d'obus dans ma jambe du côté droit, de même que dans le

2 muscle de l'estomac ou dans cette région-là. Puis, j'ai été blessée dans la

3 jambe droite et le pied gauche, notamment les doigts du pied gauche.

4 Q. Brièvement, je souhaite que l'on examine deux photographies. La

5 première porte le numéro ERN 05051029.

6 M. BLACK : [interprétation] Peut-on voir cela sous forme électronique, s'il

7 vous plaît.

8 Q. Madame Risovic, est-ce que vous pouvez voir cette photographie qui

9 figure en ce moment à l'écran devant vous ?

10 R. Oui, je vois.

11 Q. Est-ce que ceci vous montre vous et la blessure que vous avez reçue

12 dans votre dos ?

13 R. Oui, c'est mon dos.

14 M. BLACK : [interprétation] Peut-on montrer le document suivant, 05051030.

15 Q. S'agit-il d'une autre photographie de votre dos et de vos épaules ?

16 R. Oui, c'est la photographie de mon dos.

17 Q. Pour le compte rendu d'audience, s'agit-il des deux photographies qui

18 ont été prises hier lorsque vous vous êtes venue dans ce Tribunal ?

19 R. Oui. Ces photographies ont été prises hier lorsque je suis arrivée.

20 Q. Merci.

21 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser au

22 dossier ces deux photographies ? Il faudra leur attribuer deux cotes

23 séparées car il s'agit de deux documents séparés.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on attribuer deux cotes

25 différentes à ces deux photographies qui sont versées au dossier.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira des pièces à conviction 794 et

27 795.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

Page 5586

1 Monsieur Black.

2 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Madame Risovic, juste avant la dernière pause, vous avez dit que vous

4 étiez allée au service de la chirurgie. Combien de temps êtes-vous restée

5 en réalité à l'hôpital ?

6 R. J'ai été à l'hôpital jusqu'au 16 juin. A ce moment-là, j'ai suivi un

7 traitement de réhabilitation à Krapinska Toplica. C'est là que je suis

8 restée jusqu'au mois d'août. J'en suis sortie le 10 août. Peut-être je me

9 trompe pour ce qui est de la date de la sortie de Toplica, mais je sais que

10 je suis sortie de l'hôpital le 16 juin.

11 Q. Combien d'opérations chirurgicales avez-vous subies au total depuis le

12 moment où vous avez été blessée ?

13 R. Depuis le moment de ma blessure, j'ai eu au total 11 opérations. J'ai

14 subi six corrections de dos effectuées par des chirurgiens plastiques,

15 ensuite, en sortant, j'ai eu deux opérations immédiatement. J'ai subi une

16 opération de la main. Au total, j'ai subi 11 interventions chirurgicales.

17 Q. Est-ce qu'en ce moment-là vous faites encore des activités de

18 réhabilitation ou est-ce que vous êtes en train de suivre encore

19 aujourd'hui un traitement ?

20 R. Chaque année, je consacre trois semaines à la réhabilitation. Et en

21 même temps, je suis traitée pour l'arthrite rhumatoïde, qui est une maladie

22 héréditaire mais qui est aggravée par le stress et le choc. C'est la raison

23 pour laquelle mes mains sont déformées, mes poings pour parler plus

24 précisément. Je dois travailler sur mes muscles, surtout s'agissant de la

25 partie droite, car je suis typiquement une personne qui utilise surtout sa

26 main droite. Je travaille avec ma main droite tous les jours. Encore

27 aujourd'hui, il existe des choses que je ne suis pas capable de faire sans

28 l'aide d'autres personnes.

Page 5587

1 Q. Est-ce que ces blessures ont affecté votre capacité de travailler ?

2 R. Oui. Car parfois, il est trop difficile pour moi, si je dois écrire

3 beaucoup, si je dois beaucoup travailler. Après le travail, j'ai beaucoup

4 de douleurs dans le dos. Il m'est difficile de me tenir assise. En général,

5 je ne peux rien faire de physique avec ma main droite. Je ne peux rien

6 porter. Aujourd'hui, j'étais en situation de devoir me laver les cheveux.

7 Je peux le faire avec une main, alors que l'autre main je ne peux pas la

8 tenir près de ma tête, je ne peux pas la soulever. Donc, il a fallu que

9 j'aille dans un salon de coiffure simplement pour me faire laver les

10 cheveux. Cela est un exemple des problèmes que je rencontre dans la vie

11 quotidienne. Et il existe énormément de choses que je suis incapable de

12 faire chez moi.

13 Q. Est-ce que les blessures ont eu un quelconque impact sur votre capacité

14 de vous occuper de votre petite fille ?

15 R. Bien sûr que oui. Ma fille avait quatre mois à ce moment-là. Lorsque

16 j'ai décidé d'avoir un enfant, cela veut dire que je souhaitais être une

17 mère, lui donner tout mon amour et toute ma tendresse, être avec elle. A un

18 moment donné, je n'ai plus pu rester avec elle. Au moment où l'on m'a fait

19 sortir de l'hôpital, je ne pouvais pas porter mon enfant ni observer mon

20 enfant. Car pendant longtemps, je ne pouvais pas du tout bouger ma main

21 droite, je ne pouvais pas nourrir mon enfant. Puis finalement, ma maternité

22 s'est terminée de telle sorte, que j'ai passé les cinq années qui ont suivi

23 entre la maison, l'hôpital et la réhabilitation. C'était toujours pareil. A

24 un moment donné, mon enfant, dans le jardin d'enfants, lorsqu'on lui a

25 demandé où sa mère était, elle a dit : Ma mère vit dans une maison, dans un

26 bâtiment vert et à l'hôtel. Car s'agissant de Toplica, elle pensait que

27 c'était un hôtel. Cela m'a totalement choquée. Je me disais : Comment

28 pouvait-elle dire cela ? Mais pour elle, c'était logique. Si sa maman

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1 mangeait quelque part et dormait quelque part et si elle n'était pas avec

2 elle, c'est qu'elle vivait là-bas. Pratiquement parlant, le temps que

3 j'aurais souhaité passer avec elle, je ne l'ai pas eu ou très peu. Pendant

4 toute ma vie, je vais regretter cela. Bien sûr, chaque mère souhaite rester

5 le plus longtemps possible avec son bébé et veiller à elle le plus

6 possible, prendre soin de son bébé le plus possible. Mais moi, à ce moment-

7 là, tout simplement, je ne pouvais plus rien faire.

8 Q. Madame Risovic, je m'approche de la fin de mon interrogatoire

9 principal. Je souhaite vous montrer quelques photographies. Et avec l'aide

10 de l'Huissier, je demanderais que l'on nous présente la pièce à conviction

11 387, s'il vous plaît.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En examinant la pièce à conviction

13 387, Madame Risovic, vous avez dit tout à l'heure que vous ne pouvez pas

14 vous tenir assise pendant longtemps; ai-je bien entendu ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans ce cas-là, si vous ressentez de

17 la fatigue tout en étant assise dans ce prétoire, veuillez nous le dire

18 pour que nous puissions vous accorder un peu de temps pour vous permettre

19 de vous déplacer un peu.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant cette

21 déposition, j'ai pris des médicaments contre les douleurs, donc je pense

22 que je pourrai tenir.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

24 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Madame Risovic, si vous pouvez voir les photographies qui figurent

26 devant vous à l'écran.

27 M. BLACK : [interprétation] Peut-être que nous pourrions agrandir la

28 photographie F-1.

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1 Q. Madame Risovic, est-ce que vous reconnaissez cet endroit sur la

2 photographie F-1 ?

3 R. C'est l'entrée principale de l'hôpital dans la rue Klaiceva. Sur la

4 droite, il y a un kiosque, sur la gauche, un magasin d'opticien.

5 Q. Merci.

6 M. BLACK : [interprétation] Peut-on maintenant examiner la page suivante du

7 document, la photographie F-3, s'il vous plaît.

8 Q. Reconnaissez-vous cela ?

9 R. Oui. Il s'agit là de l'entrée principale de l'hôpital.

10 Q. Merci.

11 M. BLACK : [interprétation] Peut-on aller plus loin et voir la photographie

12 F-8.

13 Q. Reconnaissez-vous cet endroit, Madame Risovic ?

14 R. C'est le couloir, plutôt la salle d'attente dans laquelle je me

15 trouvais dans l'hôpital de la rue de Klaiceva. Donc, c'est la salle

16 d'attente.

17 Q. Merci.

18 M. BLACK : [interprétation] J'ai terminé pour ce qui est des photos.

19 Q. Madame Risovic, est-ce que vous avez suivi à la télévision une partie

20 de ce procès ?

21 R. Oui, j'ai suivi la plupart des procès, ou plutôt les informations qui

22 arrivent au sujet de ce procès. J'ai lu ce qui était écrit dans la presse à

23 Bjeste [phon]. Chez nous, il est possible de suivre au jour le jour ce qui

24 se passe sur télétex. Donc, tous les soirs, je m'informe en lisant cela.

25 Q. Avez-vous eu une quelconque réaction en regardant cela à la

26 télévision ?

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne vois pas quel est le sens de cette

2 question, la réaction du témoin par rapport à la manière dont ce procès est

3 présenté par la presse. Le témoin est ici afin de parler des faits, de ce

4 qu'elle a vécu et de ce qu'elle sait au sujet des événements qui se sont

5 déroulés il y a 11 ans, alors que le Procureur lui pose des questions au

6 sujet de ses impressions concernant ce procès. Il peut lui demander des

7 questions à mon sujet, au sujet de mon co-conseil, au sujet de la Chambre

8 de première instance, est-ce bien là le but de la question ?

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black.

10 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il n'est pas

11 du tout nécessaire de faire preuve de sarcasme. Je ne peux pas être sûr

12 quelle sera la réponse du témoin. A mon avis, le témoin souhaite parler du

13 remords et du manque de remords alors qu'il s'agit là des facteurs pris en

14 compte lors d'un procès. Je pense que c'est en raison de cela que c'est

15 pertinent.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le problème -- ou plutôt avez-vous une

17 réponse à cela, Maître Milovancevic ?

18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Le Procureur est en train de poser des

19 questions à son sujet, au sujet des remords de l'accusé, alors que la

20 Défense n'a pas encore présenté les éléments à décharge. Je trouve cela

21 intéressant, Monsieur le Président, fort intéressant.

22 M. BLACK : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le Président,

23 c'est notre procédure. La procédure concernant la détermination de la peine

24 se déroule tout au long du procès, d'après nos règles, alors que la

25 présentation de nos éléments de preuve est presque terminée.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce que j'allais justement

27 soulever moi-même, et pour cette raison, je vais permettre cette question.

28 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 Q. Madame Risovic, si vous vous souvenez de la question, je vous ai posé

2 une question concernant votre réaction face à ce que vous avez vu en train

3 de se dérouler dans ce procès. Est-ce que vous avez une réaction ?

4 R. Oui, j'ai eu une réaction par rapport à ce procès que j'ai suivi. Je

5 trouve cela très triste que quelqu'un meurt ou se fait tuer ou tombe

6 malade, qui que ce soit. Peu importe la réponse, j'ai de l'empathie avec

7 des émotions de tout le monde. A un moment donné, j'étais extrêmement

8 irritée par l'accusé, M. Milan Martic, qui au moment où M. Milosevic s'est

9 suicidé, a subi une dépression. Je me demandais toujours s'il n'avait

10 jamais été déprimé en raison des souffrances d'un grand nombre de

11 personnes, par exemple, moi et beaucoup d'autres personnes qui ont péri ou

12 souffert pendant cette guerre. C'est ce que je trouvais très difficile.

13 Moi-même, j'ai subi une dépression quand j'ai vécu tout cela, et encore

14 aujourd'hui je trouve cela très difficile.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cependant, vous comprenez que M.

16 Milosevic ne s'est pas tué.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il est mort.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'après l'interprétation, vous avez

19 dit qu'il s'était tué.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

22 M. BLACK : [interprétation] Plus de questions, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

24 Maître Milovancevic.

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense

26 n'a pas de questions pour le témoin ici présent, Mme Risovic. Je vous

27 remercie.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci à vous, Maître Milovancevic.

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1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Risovic, je vais vous poser

3 quelques questions moi-même.

4 Questions de la Cour :

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous nous avez dit que lorsque vous

6 avez regardé votre bébé dans les mains de votre frère, vous avez vu du sang

7 sur sa tête. Est-ce que vous avez pu apprendre si elle avait été blessée ou

8 pas ? Je vais reformuler. Est-ce que vous n'avez jamais appris d'où venait

9 ce sang ?

10 R. J'ai réussi à savoir d'où venait le sang. Ce soir-là, lorsque j'ai été

11 opérée, je me suis réveillée et je me demandais sans cesse où était mon

12 enfant, ce qui lui était arrivé. Ensuite, mes parents et mon frère m'ont

13 fait venir à l'hôpital pour que je puisse la voir à travers une vitre,

14 alors qu'elle était dans la salle des urgences. Là, j'ai pu m'assurer

15 qu'elle allait bien et qu'elle était simplement blessée légèrement dans le

16 doigt de sa main gauche. Le soir même, elle avait subi une intervention

17 chirurgicale et sa plaie était pansée. Afin de me calmer, ils m'ont emmenée

18 là-bas pour que je puisse la voir et pour que je puisse voir ce qui lui

19 était arrivé.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ai-je bien compris si je dis que vous

21 avez dit que le sang que vous aviez vu sur sa tête provenait de la blessure

22 qu'elle avait reçue dans sa main ?

23 R. Non, non. C'est en raison de ma blessure qu'elle avait du sang sur sa

24 tête, car sa petite tête se trouvait tout près de mon épaule droite.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel était le travail que vous

26 effectuiez dans les services ferroviaires avant de recevoir vos blessures ?

27 R. Je travaillais sur des travaux d'administration, travaux

28 administratifs, tout comme c'est le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, je

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1 travaille à temps complet, mais à un rythme un peu ralenti. Ils m'ont

2 accordé certaines conditions particulières, notamment, je dispose d'un

3 ordinateur et d'un siège anatomique. Ils ont amélioré les conditions pour

4 moi.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Afin de vous venir en aide, compte

6 tenu de votre condition, votre situation de santé ?

7 R. Oui. Avec votre permission, Monsieur le Président, je souhaite ajouter

8 quelque chose. Chez nous, les personnes qui ont des lésions physiques

9 graves, si elles travaillent, elles peuvent bénéficier de certains

10 ajustements à leur situation de santé. C'est la raison pour laquelle j'ai

11 pu bénéficier d'un certain nombre de conditions améliorées à mon travail.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Savez-vous si votre frère a été blessé

13 à ce moment-là ?

14 R. Je sais que mon frère n'a pas été blessé. A ce moment-là, au moment de

15 l'impacte de l'obus, il était déjà dans une partie cachée par un mur épais,

16 car le toit de la salle d'attente était en verre alors que lui, il était

17 déjà dans la partie protégée par le mur où le risque n'était pas le même.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si je me souviens bien de votre

19 déposition, je pense que vous avez dit que lorsque vous avez été

20 transférée, trois de vous avaient été blessées; est-ce exact, trois

21 femmes ?

22 R. Non. J'ai dit qu'il y avait trois personnes, et après j'ai appris qu'il

23 s'agissait d'encore une femme et un homme, mis à part moi. J'avais

24 simplement dit qu'il s'agissait de trois personnes, si je me souviens bien

25 moi-même.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup et merci d'avoir

27 apporté cette correction.

28 Avez-vous appris qui ils étaient ?

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1 R. Oui, je l'ai appris. Une personne était Mme Mirna Kostovic, qui avait

2 été blessée devant le théâtre national croate, et M. Zvonko Bakula était

3 une autre personne. C'était la personne chargée de la maintenance dans le

4 bâtiment dans la route à Klaiceva. Lui, il a été blessé dans la cour de cet

5 hôpital. Il était en charge du chauffage et de ce genre de chose.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous savez quelle était la

7 gravité de leurs blessures ?

8 R. S'agissant de Mlle Kostovic, je sais que les blessures étaient graves,

9 mais je ne sais pas exactement lesquelles. En ce qui concerne M. Bakula, je

10 l'ai rencontré à l'hôpital par la suite, car nous étions dans le même

11 hôpital à Vinogradska, et je sais que le long de son côté droit, il avait

12 été blessé, de même que dans le dos et dans la jambe. Cette personne est

13 plus âgée que moi. Il a pris sa retraite. En ce moment, il est retraité et

14 il ne travaille pas en raison de ces blessures.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Savez-vous si d'autres personnes, mis

16 à part vous trois, ont été blessées dans cet hôpital ?

17 R. Je le sais.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui ?

19 R. Je sais qu'une femme enceinte a été blessée dans la salle d'attente. La

20 salle d'attente dans laquelle je me trouvais, d'abord une partie est devant

21 le service de génécologie, et ensuite le service où j'étais, le service

22 d'enfants, ensuite le service pédiatrique, ENT, radiologie, et cetera. Je

23 sais qu'une femme enceinte a été blessée et je sais que devant l'hôpital un

24 policier a été tué. Puis, il y avait des enfants, je ne sais pas quels

25 étaient leurs noms, mais je sais qu'il y en avait un ou deux qui s'étaient

26 fait couper par des morceaux de verre. En ce qui concerne l'hôpital, je ne

27 suis pas au courant pour les autres.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Madame Risovic. Ainsi

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1 se terminent mes questions.

2 Monsieur Black, avez-vous des questions qui découlent des questions des

3 Juges ?

4 M. BLACK : [interprétation] Non.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que vous

6 avez des questions qui découlent ?

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous n'avons pas de questions. Merci.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

9 Madame Risovic, ainsi se termine votre déposition. Au nom du

10 Tribunal, je souhaite profiter de l'occasion pour vous remercier d'être

11 venue déposer devant ce Tribunal. Nous vous remercions de votre déposition,

12 et nous espérons que votre situation de santé va s'améliorer. Nous vous

13 remercions. Vous pouvez disposer, et votre participation à la procédure

14 devant ce Tribunal est terminée.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

17 [Le témoin se retire]

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black ?

19 M. BLACK : [interprétation] C'est Mme Richterova qui va interroger le

20 témoin suivant. Est-ce que je peux disposer ?

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien entendu.

22 M. BLACK : [interprétation] Merci beaucoup.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Richterova.

24 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Nous citons à la barre le témoin Ivan

25 Mikulcic.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je demande que l'on fasse entrer dans

27 le prétoire Ivan Mikulcic.

28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais demander au témoin de

2 prononcer la déclaration solennelle.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 LE TÉMOIN : IVAN MIKULCIC [Assermenté]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez prendre

8 place, Monsieur.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Richterova, vous avez la

11 parole.

12 Interrogatoire principal par Mme Richterova :

13 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

14 R. Bonjour.

15 Q. Est-ce que vous entendez l'interprétation dans vos écouteurs ? Est-ce

16 que vous pouvez m'entendre comme il faut ?

17 R. Oui, oui. Je vous entends bien.

18 Q. Pouvez-vous, je vous prie, décliner votre identité, nom et prénom ?

19 R. Je m'appelle Ivan Mikulcic.

20 Q. Quelle est votre date de naissance ?

21 R. Le 18 juillet 1938.

22 Q. Monsieur Mikulcic, j'aimerais que nous parlions des événements du mois

23 de mai 1995. Où résidiez-vous en mai 1995 ? Dans quel village ?

24 R. J'habitais dans le village de Pleso, dans la rue Mikulcica, au numéro

25 11.

26 Q. Pouvez-vous nous dire où se trouve ce village par rapport à Zagreb ?

27 R. Il se trouve à proximité de Velika Gorica, à quelque 500 mètres de

28 l'aéroport à vol d'oiseau.

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1 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'aimerais demander aux Juges de

2 consulter la page 38 de l'atlas. Vous y trouverez le village de Pleso en

3 bas à droite, dans le carré E3.

4 Q. Vous nous dites, Monsieur, qu'il y avait là un aéroport à proximité ?

5 Est-ce qu'il s'agissait de l'aéroport de Zagreb ?

6 R. Tout à fait, l'aéroport de Zagreb.

7 Q. A votre connaissance, est-ce qu'il y avait dans cet aéroport des forces

8 armées en poste ?

9 R. Je ne sais pas. Je n'ai pas connaissance de la présence de forces

10 armées à cet endroit.

11 Q. Vous ne savez pas s'il y avait là des forces armées croates qui étaient

12 postées à cet endroit ? C'est bien ce que vous nous dites ?

13 R. Je ne sais pas qu'il y ait eu là des forces croates. En tout cas, ce

14 que je sais, c'est qu'il y avait là des membres de la FORPRONU.

15 Q. J'aimerais que nous parlions du 2 mai 1995. Où étiez-vous dans la

16 matinée de cette journée ?

17 R. Ce jour-là, le 2 mai 1995, j'étais chez moi, à Pleso, rue 17 Mikulcica.

18 Q. Qui était en votre compagnie ?

19 R. Ma femme, Stefica, ainsi que notre petite fille, qui avait à l'époque

20 neuf mois, ma petite fille qui s'appelle Lucija.

21 Q. Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé ce

22 matin-là ?

23 R. Ce matin-là, vers 10 heures, les pilonnages ont commencé, et une bombe

24 à fragmentation de type Orkan s'est abattue sur mon jardin sans exploser, à

25 quelque huit mètres de moi. Elle s'est enfoncée, cette bombe, dans le sol

26 en y creusant un cratère de quelque trois mètres et demi. Certaines des

27 bombes qui se trouvaient dans cet obus n'ont pas explosé, mais il y en a

28 d'autres qui ont explosé à quatre mètres derrière moi, si bien que j'ai été

Page 5599

1 blessé et que ma maison a été endommagée.

2 Q. Vous nous avez commencé par nous répondre que ce jour-là le pilonnage a

3 commencé et que cette bombe était tombée chez vous. Où étiez-vous au moment

4 où la bombe s'est abattue chez vous, dans votre propriété ?

5 R. A ce moment-là, je me dirigeais vers l'abri, et j'avais à peine

6 empoigné la poignée de la porte que j'ai senti une très vive douleur au

7 dos, et encore aujourd'hui j'ai dans le dos trois éclats d'obus.

8 Q. Ce qui veut dire que vous étiez à l'extérieur de votre maison à ce

9 moment-là ?

10 R. Oui, j'étais à l'extérieur. Je me trouvais devant l'entrée de la cave.

11 Q. Où se trouvaient votre femme et votre petite fille ?

12 R. Je lui ai dit de me suivre jusqu'à l'abri parce qu'on avait entendu des

13 explosions, mais elle a sauvé la vie de notre petite fille et la sienne en

14 nous désobéissant, puisqu'elle est restée à l'intérieur de la maison,

15 tenant notre petite fille à la main.

16 Q. Vous dites que vous avez ressenti une très vive douleur au dos, vous

17 avez été blessé. Que s'est-il passé ensuite, après ce moment-là ?

18 R. Je suis allé chez mes voisins, puis j'ai commencé à sentir une forte

19 chaleur dans le dos. J'ai touché mon dos, je me suis touché le dos et je me

20 suis rendu compte que je saignais dans le dos. Je suis allé chez mon

21 voisin, Ivica Zlodi. Il m'a emmené aux urgences à Velika Gorica.

22 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'aimerais présenter au témoin, un

23 rapport ou un dossier médical 03562337.

24 Q. C'est le numéro de référence. Dans quelques instants, Monsieur le

25 Témoin, vous allez voir apparaître à l'écran un document.

26 R. Oui. Je vois et je comprends ce dont il s'agit.

27 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je vais demander à ce que l'on descende

28 un petit peu pour voir la partie inférieure du document.

Page 5600

1 Q. Est-ce qu'il est indiqué ici le type de blessures que vous avez

2 reçues ?

3 R. Oui. Ici, c'est la description précise de ces blessures. Je dispose de

4 l'original du document.

5 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Nous disposons également d'une traduction

6 en anglais du document. Je ne sais pas si les Juges l'ont reçue.

7 Q. Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire qu'elle a été la nature de

8 vos blessures ? Parce que ce document comporte beaucoup de phrases en

9 latin, de termes latins. Est-ce que vous pourriez nous dire simplement quel

10 est le type de blessures qui en a résulté pour vous ?

11 R. Comment dire ? Dans le dos, à gauche de ma colonne vertébrale ainsi

12 qu'à droite de ma colonne vertébrale, j'avais reçu des éclats d'obus. Puis,

13 il y a un autre éclat d'obus qui est venu se loger entre la 4e et la 5e

14 vertèbre. Donc, il y en a deux là, qui n'ont pas encore été retirés.

15 Q. Pouvez-vous nous expliquer comment il se fait que l'on n'a pas extirpé

16 ou excisé ces éclats d'obus ?

17 R. Moi-même, j'ai posé exactement la même question au médecin. Romic, je

18 crois, que c'était son nom. Il m'a dit qu'il fallu me faire deux radios -

19 parce qu'il n'était pas sûr la première fois - et il m'a dit que les éclats

20 d'obus se trouvaient à un endroit tel qu'il me ferait plus de mal en

21 m'opérant qu'en les laissant sur place. Il m'a dit que si je commençais à

22 ressentir des douleurs, qu'à ce moment-là, on procéderait à une opération

23 pour enlever ces éclats d'obus.

24 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

25 dossier.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier. Une

27 cote, s'il vous plaît.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce 796.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

2 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

3 Q. Est-ce que cette blessure a eu un impact sur votre capacité à avoir une

4 activité professionnelle ?

5 R. Oui, tout à fait.

6 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'aimerais qu'on présente au témoin la

7 pièce 03562335.

8 J'aimerais demander que l'on présente la partie inférieure du

9 document. Bien.

10 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document, Monsieur ?

11 R. Oui.

12 Q. Dans la partie explicative du document, il est expliqué, je cite : "La

13 décision précitée en première instance a octroyé au demandeur susnommé le

14 statut d'invalide de guerre civile du groupe 10, avec une incapacité ou une

15 invalidité de permanence de 20 %."

16 Est-ce que ceci est bien exact ?

17 R. Oui, c'est exact. Apparemment, tous les deux ans, j'ai droit à un

18 réexamen de mon statut de mon état. Je trouve cela un peu grotesque. Je

19 trouve ridicule qu'ils disent qu'on a déterminé que mon invalidité était

20 fixée de manière permanente à 20 %. Parce qu'on m'a dit que ma situation ou

21 que mon état peut encore s'aggraver. Donc, j'estime que mon statut

22 officiel, lui aussi devrait pouvoir évoluer.

23 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement de

24 ce document également au dossier.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Document versé au dossier. Une cote,

26 s'il vous plaît.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 797.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

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1 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

2 Q. Quand vous étiez à l'hôpital, quel type de traitement avez-vous reçu ?

3 R. Je n'ai pas reçu de traitement. On m'a simplement fait passer une

4 radio, on m'a fait des pansements, puis on m'a dit que je pouvais m'en

5 aller. J'ai peut-être passé deux heures sur place.

6 Q. Ensuite, est-ce que vous êtes rentré chez vous après votre sortie de

7 l'hôpital ?

8 R. Je suis rentré chez moi dans l'ambulance de Velika Gorica.

9 Q. Quand vous êtes arrivé chez vous, qu'avez-vous pu constater autour de

10 votre maison, en premier lieu d'abord, et ensuite, dans votre quartier ?

11 R. C'est seulement à ce moment-là que je me suis vraiment rendu compte de

12 ce qui s'était passé. Il y avait une voiture Fico, de marque Zastava, dont

13 tous les pneus étaient crevés. La portière avant gauche avait été

14 complètement détruite ainsi que la porte du garage où toutes les vitres

15 avaient volées en éclats. Puis, pour ce qui de la voiture, tout avait été

16 détruit. Enfin, je veux parler du réservoir d'essence. Puis, dans la

17 maison, toutes les portes de la cave étaient détruites ainsi qu'une grande

18 fenêtre qui se trouvait derrière ces portes. Même la lampe de notre salle à

19 manger -- notre salle de séjour, plutôt, avait été détruite. Plusieurs

20 roquettes étaient tombées, et il y avait des bombes qui avaient explosé

21 partout aux alentours. Si bien, que les maisons avoisinantes, elles aussi,

22 ont subi des dégâts. Bien entendu, à l'époque, on ne se rendait pas compte

23 de ce qui était véritablement en train de se passer.

24 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'aimerais présenter au témoin une carte.

25 Il s'agit de la pièce 65 ter, numéro 1683. J'aimerais que l'on consulte la

26 page 21 dont le numéro de référence se termine par les chiffres 2444.

27 Malheureusement, l'exemplaire qui nous est présenté grâce au prétoire

28 électronique est encore plus illisible que l'original.

Page 5603

1 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de voir la carte qui apparaît à

2 l'écran ? Etes-vous en mesure de nous dire où se trouve votre rue sur cette

3 carte ?

4 R. Bien sûr que oui. Cela, c'est ma rue, la rue Mikulciceva.

5 Q. Pouvez-vous également nous indiquer où se trouve votre maison dans

6 cette rue ?

7 R. C'est la cinquième maison sur la droite. C'est celle-ci que j'indique

8 ici, la cinquième maison.

9 Q. On voit une étoile sur cette carte ou sur ce plan. Qu'est-ce que cela

10 représente, à votre connaissance ?

11 R. J'ai du mal à vous dire ce que cela représente. Peut-être que cela

12 représente l'impact de certaines bombes, ou bien l'endroit où on atterri

13 les roquettes ? Normalement, cela doit être les lieux d'impact du système

14 Orkan, système de roquette Orkan.

15 Q. Est-ce que dans cette zone, il s'est abattu plus d'une seule bombe ?

16 R. D'abord, il y a une chose qu'il faut vraiment tirer au clair. Il

17 s'agissait d'une roquette de type Orkan. Il s'agit d'une bombe à

18 fragmentation, c'est-à-dire que c'est une bombe qui, normalement, s'ouvre

19 en l'air, une roquette qui s'ouvre en l'air, et ensuite, en tombent des

20 minis bombes, des bombettes, qui ensuite, s'abattent sur toute la zone. Il

21 y en a qui sont tombées partout autour de ma maison, dans un diamètre de

22 quelque 200 mètres. Si bien, que toutes les maisons qui se trouvaient dans

23 un diamètre de

24 200 mètres ont été endommagées par ces minis bombes.

25 Q. Pouvez-vous nous dire où se trouve l'aéroport de Zagreb ? Dans quelle

26 direction ?

27 R. Ici, dans cette direction-là. Il faut que j'écrive ou que je l'indique

28 sur le plan ?

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1 Q. Nous pouvons voir qu'il y a une rue qui s'appelle rue Aerodromska. Est-

2 ce que l'aéroport se trouve avant ou après cette rue ?

3 R. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, répéter votre question ? Je

4 n'ai pas bien compris.

5 Q. Vous nous avez indiqué la direction en question. Vous pouvez voir

6 également qu'il y a là une rue qui s'appelle rue Aerodromska. Est-ce que

7 l'aéroport se trouve au-delà de cette rue ou avant cette rue ?

8 R. Si vous regardez la zone et que vous avez Zagreb dans le dos, à ce

9 moment-là, c'est avant la rue Aerodromska.

10 Q. Merci.

11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, répondre

12 à la question suivante. Où se trouve l'aéroport et où se trouve Zagreb

13 ici ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] L'aéroport, il se trouve ici, à l'endroit que

15 je vous indique. Et Zagreb, cela ne se trouve pas là-bas. C'est par là que

16 va la rue.

17 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

18 Q. Vous voulez dire que cela se trouve vers la partie supérieure de la

19 carte ou du plan ?

20 R. Zagreb, c'est vers l'ouest.

21 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Nous constatons qu'il y a une rose des

22 vents sur cette carte.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour aller à l'aéroport depuis votre

24 maison, est-ce que vous devez traverser la rue Aerodromska, ou bien est-ce

25 que vous arrivez à l'aéroport avant d'avoir traversé la rue ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment vous dire cela ? Je pourrais aller à

27 l'aéroport par deux itinéraires. Par exemple, prendre ma rue, la rue

28 principale, tourner à droite, et ensuite, à gauche. Voilà comment je

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1 pourrais aller à l'aéroport à pied. Mais en voiture, je prendrais la rue

2 Mikulciceva, une autre rue, puis la rue Aerodromska. Voilà comment

3 j'arriverais à l'aéroport.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une fois que vous êtes sur la rue

5 Aerodromska, est-ce que l'aéroport, il se trouve à l'ouest ou à l'est de

6 cette rue ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on est sur la rue Aerodromska, à ce

8 moment-là, l'aéroport, il se trouve à gauche.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A l'ouest ? Parce que cela dépend,

10 bien entendu, dans quel sens vous empruntez la route. Est-ce que cela se

11 trouve du côté de Zagreb ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est vers l'ouest, comme je l'ai déjà dit.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

14 Madame Richterova.

15 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

16 dossier du document. Est-ce qu'on pourrait conserver les annotations

17 portées par le témoin sur le plan ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette carte ou ce plan sur lequel

19 figure des annotations, est versée au dossier. J'aimerais avoir une cote.

20 Auparavant, j'ai une question à poser au témoin.

21 Monsieur Mikulcic, sur ce plan, je vois qu'il y a beaucoup de tout petits

22 points. Qu'est-ce qui représente ce minuscule pointillé, de toutes petites

23 étoiles ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je les vois. J'en vois trois. Si vous

25 parlez des étoiles ?

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Il y a trois étoiles. Mais il y a

27 ensuite des pointillés, des points qui sont beaucoup plus nombreux et qui

28 se trouvent autour des maisons.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous savez ce que cela

3 représente ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je les vois. J'imagine que ces points

5 indiquent l'endroit où sont tombés les minis bombes qui se sont échappées

6 des obus à fragmentation une fois qu'ils se sont ouverts en l'air.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

8 J'aimerais qu'on donne une cote à cette pièce.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 798.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

11 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

12 Q. Monsieur Mikulcic, quand vous êtes rentré chez vous, est-ce que vous

13 avez parlé à vos voisins ?

14 R. Oui. Tout le monde voulait savoir si j'avais été grièvement blessé. Je

15 les ai rassurés. Bien entendu, les gens étaient inquiets, curieux. Ils

16 voulaient savoir si je devais retourner encore à l'hôpital, et cetera.

17 Q. Pouvez-vous nous dire quelle a été leur réaction à ce qui s'était

18 produit dans le quartier ?

19 R. Ils étaient tristes et amers. Les toits avaient été endommagés, les

20 maisons, en général, les fenêtres. Il n'y avait pas de quoi à se réjouir,

21 si je peux m'exprimer ainsi.

22 Q. Une dernière question : aviez-vous été prévenu qu'une telle attaque

23 aurait lieu ? Y avait-il eu un avertissement quelconque ?

24 R. D'après ce que je sais, il n'y avait eu aucun avertissement. Si

25 l'attaque avait été annoncée, je ne serais pas là aujourd'hui. J'aurais

26 trouvé refuge quelque part avant l'attaque.

27 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

28 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'en ai terminé avec l'interrogatoire

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1 principal.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

3 Maître Milovancevic.

4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Contre-interrogatoire par M. Milovancevic :

6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Predrag

7 Milovancevic. Je suis l'avocat de M. Milan Martic. Nous allons maintenant

8 entamer la phase de votre déposition qui s'appelle le contre-

9 interrogatoire. Etant donné que nous parlons la même langue, je vous

10 demanderais de bien vouloir ménager une pause avant de répondre à mes

11 questions, et ce pour faciliter le travail des interprètes. J'essaierai de

12 faire de même.

13 Dans la déclaration que vous avez faite aux représentants du bureau du

14 Procureur, il est dit que vous êtes retraité. Quand avez-vous pris votre

15 retraite, Monsieur Mikulcic ?

16 R. Le 31 décembre 1999.

17 Q. Je vous remercie.

18 R. Je vous en prie.

19 Q. Vous dites que vous êtes né dans le village de Pleso, à proximité de

20 Zagreb. Est-ce que l'aéroport s'appelle Pleso également ?

21 R. Non. Le nom officiel est hôpital de Zagreb, mais les gens du coin

22 l'appellent souvent l'aéroport de Pleso.

23 Q. Merci.

24 R. [aucune interprétation]

25 Q. Lorsque vous dites que "les gens du coin l'appellent Pleso," est-ce

26 ainsi qu'on l'appelle ou est-ce seulement les gens du coin qui l'appellent

27 comme cela ?

28 R. Officiellement, il s'agit de l'aéroport de Zagreb, mais nous, les gens

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1 du coin, nous l'appelons l'aéroport de Pleso.

2 Q. Merci.

3 R. [aucune interprétation]

4 Q. Dans la déclaration que vous avez faite aux représentants du bureau du

5 Procureur, vous dites également qu'en 1991, pendant la guerre en Croatie,

6 vous avez été mobilisé, vous avez exercé certaines fonctions au sein de

7 l'unité chargé de la protection civile. Vous avez effectué certaines

8 missions dans le village de Pleso. Est-ce que cela avait quoi que ce soit à

9 voir avec l'aéroport ?

10 R. Non. J'étais mobilisé à l'hôpital de guerre, l'hôpital de campagne qui

11 faisait partie du centre médical de Velika Gorica.

12 Q. Dans cette déclaration, vous indiquez également que votre maison est

13 située à quelque 500 mètres environ de l'aéroport de Zagreb, ou de

14 l'aéroport de Pleso, comme vous l'appelez ?

15 R. A vol d'oiseau - je n'ai pas procédé à un calcul - mais d'après mon

16 estimation, il y a entre 500 et 600 mètres entre ma maison et l'aéroport.

17 Q. Vous avez également déclaré que les forces de la FORPRONU occupaient la

18 partie militaire de l'aéroport ?

19 R. Je n'ai pas dit qu'elles l'occupaient, mais qu'elles y étaient

20 cantonnées.

21 Q. Je reprends les termes que vous avez utilisés dans votre propre

22 déclaration, mais merci d'avoir clarifié cela. Lorsque vous dites que la

23 FORPRONU était cantonnée dans la partie militaire de l'aéroport, est-ce que

24 cela signifie qu'avant l'arrivée de la FORPRONU, cet aéroport avait

25 également des fonctions militaires ?

26 R. J'ai dit que les forces de la FORPRONU étaient cantonnées à l'aéroport

27 de Zagreb. Je ne sais pas si c'était dans la partie militaire ou dans la

28 partie civile. Je l'ignore.

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1 Q. Merci.

2 R. Je vous en prie.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Huissier, pourrait-il nous

4 prêter assistance en distribuant ici des exemplaires de la déclaration

5 faite par M. Mikulcic.

6 Q. Monsieur Mikulcic, vous avez votre déclaration sous les yeux. La

7 première partie est sans doute en anglais, je n'en suis pas sûr. Toujours

8 est-il que ce document comporte deux parties; la déclaration dans votre

9 langue maternelle et la traduction en anglais. Je vous invite à examiner

10 votre déclaration que vous avez faite dans votre langue maternelle.

11 Est-ce que vous l'avez trouvée ? Est-ce que vous avez ici la

12 déclaration faite par vos soins au bureau du Procureur ?

13 R. Oui.

14 Q. Il s'agit d'une déclaration faite le 27 avril 2004, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Dans cette déclaration, après la partie concernant les renseignements

17 vous concernant, vous dites : "Je sais que la force de protection des

18 Nations Unies, la FORPRONU, a pris le contrôle de la partie militaire de

19 l'aéroport. En 1995, il y avait de nombreux civils et soldats des Nations

20 Unies cantonnés à Pleso. Je ne sais pas si l'armée croate ou l'aviation

21 croate était cantonnée à Pleso à l'époque."

22 S'agissant de ce passage de votre déclaration, je souhaiterais vous

23 demander la chose suivante : avant l'arrivée de la FORPRONU, est-ce que

24 l'hôpital -- l'aéroport de Pleso comportait une partie utilisée à des fins

25 militaires ?

26 R. Je ne sais pas. Je ne sais s'il y avait des membres de l'armée croate

27 ou de quelque armée que ce soit. Il n'y avait pas d'armée à cet endroit

28 avant l'arrivée de la FORPRONU, d'après ce que je sais.

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1 Q. Ecoutez attentivement ma question. Lorsque vous dites que la FORPRONU

2 s'est installée dans la partie militaire de l'aéroport, est-ce que vous

3 pouvez nous dire à quel moment, vous en souvenez-vous, en quelle année

4 étais-ce ?

5 R. C'est difficile à dire. C'est comme si vous me demandiez si j'ai été

6 blessé le 2 mai. Je ne m'en souviens pas.

7 Q. S'agissant de l'explication que vous avez fourni concernant l'arrivée

8 de la FORPRONU à l'aéroport, ma question ne vise pas à savoir s'il

9 s'agissait de la partie militaire croate de l'aéroport, mais si -- je

10 souhaiterais savoir si l'aéroport de Pleso était utilisé à des fins

11 militaires ou s'il y avait une partie de l'aéroport consacrée à des fins

12 militaires avant 1991 ?

13 R. Tout à fait. L'aéroport de Zagreb était en partie civil et en partie

14 militaire.

15 Q. C'était là l'essence même de ma question. Je n'avais pas formulé ma

16 question de façon assez claire. Au troisième paragraphe, vous dites que le

17 2 mai, lorsqu'il y a eu cette explosion et que vous avez été blessé, la

18 matinée avait été tranquille, et vous dites que d'après vous, d'après ce

19 que vous savez, il n'y avait pas d'opérations militaires en cours autour de

20 Zagreb à ce moment-là. Est-ce qu'il y avait d'autres opérations militaires

21 en cours ailleurs ? Est-ce que vous avez vu ou entendu quoi que ce soit à

22 ce sujet ?

23 R. Je n'ai rien entendu à ce sujet. Je ne peux pas vous parler de ce que

24 je ne sais pas. J'ai prononcé une déclaration solennelle selon laquelle

25 j'ai promis de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, donc

26 je ne peux pas vous répondre, car je ne sais pas.

27 Q. Merci. Est-ce que vous avez appris que l'opération Eclair avait

28 commencé le 1er mai ? Il s'agit d'une opération menée conjointement par la

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1 police et l'armée en Slavonie occidentale. Est-ce que vous avez en entendu

2 parler ?

3 R. Oui. Je ne peux pas le nier. J'en ai entendu parler.

4 Q. Y avait-il des reportages à la télévision au sujet de ce qui se

5 passait ?

6 R. Peut-être, mais je n'ai pas regardé ces reportages. Je ne peux pas vous

7 répondre.

8 Q. Merci.

9 R. De rien.

10 Q. En rapport avec les opérations menées en Slavonie occidentale, est-ce

11 que le ministère de la Défense, de la Police, ou est-ce que les autorités

12 croates ont donné des instructions à la population civile de Zagreb sur le

13 comportement à adopter en temps de guerre ? Avant d'être blessé, est-ce que

14 vous aviez reçu des instructions sur ce qu'il convenait de faire au début

15 du mois de mai 1995 ?

16 R. Non. Mais, en tant que membre de la protection civile, nous savions

17 certaines choses. En cas de pilonnage, nous devions chercher un abri,

18 éteindre les lumières dans toutes les pièces. Il y avait eu d'autres

19 pilonnages ailleurs, par exemple, au siège du gouvernement. Tout le monde

20 le sait.

21 Q. Ce 2 mai 1995, on a entendu ces explosions. Est-ce que vous avez

22 entendu l'alerte -- la sirène d'alarme ?

23 R. D'après ce que je sais, on n'a rien entendu. Il n'y a pas eu de sirène

24 d'alarme.

25 Q. Vous avez déclaré avoir ressenti une douleur dans le dos. Vous avez été

26 blessé puis hospitalisé. Vous avez été examiné par les médecins, et vous

27 êtes rentré chez vous à bord d'une ambulance. Est-ce bien ce que vous

28 dites ?

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1 R. Oui. Vous pouvez lire ces informations dans la feuille de sortie de

2 l'hôpital. On peut voir exactement quand je suis arrivé au dispensaire de

3 Velika Gorica, lorsque j'étais emmené à l'hôpital de Rebro à Zagreb, quand

4 j'en suis sorti, et quand je suis rentré chez moi. Tout cela est indiqué

5 clairement sur la feuille de sortie.

6 Q. [aucune interprétation]

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir la pièce à

8 conviction 796 à l'écran ? Nous l'avons vue il y a quelques instants. Il

9 s'agit de la feuille de sortie de l'hôpital de Rebro à Zagreb.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

12 Q. En haut à droite, il y a une mention qui n'est pas très lisible.

13 R. Oui, on peut voir la date, 2 mai 1995; heure d'arrivée, 11 heures 15;

14 heure de sortie, 13 heures. Voilà ce qui est indiqué ici.

15 Q. Merci beaucoup.

16 R. Je vous en prie.

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir le

18 document suivant ? Il s'agit du document 03562338 en B/C/S. Il s'agit du

19 document qui se trouve juste après dans l'ordre.

20 Q. Ce document que vous voyez maintenant indique que les

21 4 mai, 5 mai, 8 mai, 9 mai, 10 mai, 11 mai, 12 mai, 15 mai et 19 mai, je ne

22 sais pas si j'étais trop rapide ?

23 R. Non, pas du tout.

24 Q. Il est indiqué que ces jours-là, vous êtes allé à l'hôpital pour

25 consulter des médecins.

26 R. Est-ce que je peux corriger ce que vous venez de dire ? J'étais

27 transporté à ces occasions en voiture ou en ambulance, ou parfois c'est mon

28 gendre qui m'a amené à l'hôpital, vu mon état.

Page 5614

1 Q. Le 4 mai 1995, on peut lire que vous avez été soigné. On vous a

2 administré un traitement Klavocin et Florin trois fois par jour, n'est-ce

3 pas ? C'est ce qu'on vous a prescrit ?

4 R. Oui.

5 Q. Ensuite, on peut voir la date du 5 mai 1995. On peut lire que vos

6 blessures ont été pansées, on vous a recommandé de rester alité. C'est bien

7 ce qui est dit dans ces rapports ?

8 R. Oui, "examen, pansement des blessures," le 10 mai, il fallait

9 renouveler les pansements. Je n'arrive pas bien à lire ce qui est écrit

10 ici. Je ne peux pas vraiment vous aider. Il est indiqué que je dois être

11 examiné, que mes pansements doivent être changés. Oui, maintenant je vois

12 bien.

13 Q. On a vu un document dans lequel il est indiqué que vous étiez invalide

14 à 20 %.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait revoir ce

16 document à l'écran ? Le numéro est le 03562335, deux pages avant la fin du

17 document. Ce document est intitulé : "Décision."

18 Q. Je souhaiterais que l'on examine le milieu de cette décision. Est-ce

19 que l'on pourrait un peu faire défiler le texte ?

20 Il ressort des explications indiquées ici qu'on vous a accordé le

21 statut d'invalide de guerre civile dans le groupe X avec 20 % d'invalidité

22 permanente, donc, vous pouvez, en vertu de cette décision, recevoir une

23 pension d'invalidité ?

24 R. Oui.

25 Q. S'agissant de cette décision relative à votre invalidité, savez-vous si

26 les médecins ont qualifié vos blessures de graves ou non ?

27 R. On m'a conduit quelque part, et je suis allé voir la commission

28 médicale de Zagreb. Il y avait plusieurs médecins qui composaient -- donc,

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1 ils étaient plusieurs. Ils m'ont examiné. Ils ont vérifié mon état de santé

2 et ils ont conclu que j'étais invalide à 20 %. Que pouvais-je dire ou

3 faire ?

4 Q. Je vous pose cette question, parce qu'il y a un rapport de la police de

5 Zagreb qui précise les blessures subies par un certain nombre de personnes.

6 Dans votre cas, il est dit que vous avez été légèrement blessé. Est-ce que

7 vous avez des connaissances à ce sujet ? Est-ce que vous savez quoi que ce

8 soit ?

9 R. Non, je n'ai aucune connaissance à ce sujet. S'il s'agit d'une blessure

10 légère, vous pouvez regarder mes clichés radiologiques, vous constaterez

11 que j'ai un éclat d'obus situé entre la quatrième et la cinquième vertèbre.

12 Il est resté logé là. Si, d'après vous, il s'agit d'une blessure légère, et

13 bien soit, mais les médecins n'ont pas voulu retirer cet éclat d'obus parce

14 qu'ils ont dit que cela me fera plus de mal que de bien. Mais, il est

15 toujours logé à cet endroit, cet éclat d'obus.

16 Q. Je vérifie simplement ce qui figure dans le rapport communiqué par le

17 bureau du Procureur dont on a parlé avec un autre témoin. Si l'on examine

18 le rapport complet relatif aux événements survenus le 2 et 3 mai, on parle

19 de l'aéroport de Pleso. On dit que personne n'a été grièvement blessé et

20 qu'il n'y a eu qu'un blessé léger, un dénommé Ivan Mikulcic, né le 18

21 juillet. On peut voir les renseignements vous concernant. Il est dit que

22 l'on vous avait administré des soins au centre médical de Rebro à Zagreb.

23 Votre date de naissance, telle qu'elle est indiquée dans ce rapport, est le

24 18 juillet 1957.

25 R. Non, ce n'est pas ma date de naissance. Je m'appelle Ivan Mikulcic. Je

26 suis né le 18 juillet 1938.

27 Q. Tout cela s'est produit le 2 mai 1995. Après avoir été soigné, vous

28 êtes entré chez vous et vous avez pu constater les dégâts que vous nous

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1 avez décrits. Est-ce qu'il se passait quoi que ce soit d'autre à ce moment-

2 là ?

3 R. Oui, le 3 mai, à Zagreb.

4 Q. Est-ce que la sirène d'alarme a retenti ?

5 R. Je ne sais pas, je ne l'ai pas entendue.

6 Q. Est-ce que le 2 mai, les autorités civiles ou militaires ont donné des

7 instructions, quelles qu'elles soient, à la population, en la prévenant

8 d'une attaque éventuelle ?

9 R. Les habitants de la ville ont été prévenus du fait qu'en cas de

10 nouvelle attaque, ils devaient trouver refuge dans les abris, mais on ne

11 pouvait pas anticiper cela.

12 Q. Merci.

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'en ai terminé de mon contre-

14 interrogatoire. Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.

16 Madame Richterova.

17 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Pas de questions supplémentaires.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame Richterova.

19 Monsieur Mikulcic --

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mikulcic.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si je prononce mal votre nom,

22 corrigez-moi. Je fais des efforts.

23 Questions de la Cour :

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mikulcic --

25 R. Il n'y a pas le moindre problème.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

27 Alors que vous étiez interrogé par l'Accusation, vous avez regretté le fait

28 que les médecins ne réévaluent pas votre statut. Vous dites que vous devez

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1 subir un examen médical tous les ans et vous dites que votre état va

2 probablement se modifier et que vous n'allez pas rester invalide à 20 %.

3 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

4 R. Oui, je m'en souviens. Mais je souhaiterais apporter une correction à

5 ce que j'ai dit. L'autre jour, j'ai appris que mon statut pouvait être

6 réexaminé tous les deux ans.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, j'entends bien. Mais lorsque l'on

8 vous demande de subir un examen médical afin de vérifier votre état de

9 santé générale, c'est peut-être pour voir quel est votre état de santé afin

10 de s'assurer qu'il n'y a pas lieu de modifier votre statut. Peut-être est-

11 ce pour cela que vous ne suivez plus de traitement ?

12 R. Je pense que vous avez raison.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne suivez plus de traitement,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Non, non. Non, je ne prends que des analgésiques.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans votre quartier ce jour-là, est-ce

17 que d'autres maisons ont subi des dégâts, d'après ce que vous avez pu

18 voir ?

19 R. Bien sûr. Je l'ai dit dans ma déclaration, et je peux vous dire

20 exactement quelles maisons ont été endommagées : la maison de Zvonko

21 Celindic, mon voisin; celle d'Anto Zgrbic; Stjepan et Ibica Zlodi, leur

22 maison; Ivan Franjo, sa maison a également été endommagée; Mirko Ankes a eu

23 sa maison endommagée également. Toutes ces maisons ont subi des dégâts au

24 niveau des toits ou ailleurs à cause des bombettes. L'enveloppe de cette

25 bombe à fragmentation, qui s'est vidée au moment de la chute, a atterri

26 dans la maison de Lojz Kovacic. Elle a perforé le toit pour atterrir dans

27 la cuisine.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez estimer le

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1 nombre de maisons ainsi endommagées ?

2 R. Je viens de vous dire ce que je sais à ce sujet. Je sais qu'à d'autres

3 endroits de Pleso, des bombettes ont également atterri. Au moins dix

4 maisons ont été endommagées. Une commission du poste de police de Velika

5 Gorica a mené une enquête sur les lieux. En fait, il y avait cinq

6 commissions ainsi constituées qui ont fait le tour du village afin de noter

7 toutes les maisons qui avaient été endommagées, et ils disposent toujours

8 de ces dossiers.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Savez-vous si d'autres personnes ont

10 été blessées lors de cette opération ?

11 R. Je ne connais personne d'autre dans mon village qui a été blessé.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

13 Y a-t-il des questions découlant des questions que je viens de poser.

14 Madame Richterova ?

15 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic ?

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Mikulcic.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous avons terminé votre déposition.

21 Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner ici. Vous pouvez

22 maintenant disposer. Merci, Monsieur Mikulcic.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous espérons que votre état de santé

25 s'améliorera.

26 [Le témoin se retire]

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'imagine que le moment est bienvenu

28 pour la pause. Nous pourrions reprendre à 17 heures 45.

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1 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui. Notre témoin suivant pourra

2 commencer sa déposition après la pause.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

4 L'audience est suspendue.

5 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.

6 --- L'audience est reprise à 17 heures 47.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black.

8 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le prochain

9 témoin est M. Branko Lazarevic.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

11 Faites entrer le témoin dans le prétoire, s'il vous plaît.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin, peut-il lire la déclaration

14 solennelle.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 LE TÉMOIN: BRANKO LAZAREVIC [Assermenté]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous

20 asseoir.

21 Oui, Monsieur Black.

22 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Interrogatoire principal par M. Black :

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Lazarevic. Est-ce que vous

25 m'entendez bien ? Est-ce que vous comprenez l'interprétation que vous

26 recevez ?

27 R. Je vous entends bien et je comprends l'interprétation.

28 Q. Si à un moment donné, vous avez des difficultés pour comprendre mes

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1 questions, veuillez le dire, et je vais essayer de reformuler, de

2 m'exprimer plus clairement.

3 R. Je comprends. Très bien.

4 Q. Merci. Veuillez nous dire votre nom et votre prénom pour le compte

5 rendu d'audience.

6 R. Je m'appelle Branko Lazarevic.

7 Q. Où êtes-vous né, Monsieur ?

8 R. Je suis né à Bijeljina, en Bosnie-Herzégovine.

9 Q. Quelle est la date de votre naissance ?

10 R. Je suis né le 23 octobre 1949.

11 Q. Quelle est votre appartenance ethnique, Monsieur ?

12 R. Je suis serbe d'appartenance ethnique.

13 Q. Vous dites que vous êtes né en Bosnie. Quand est-ce que vous avez

14 déménagé en Croatie ?

15 R. J'ai déménagé en Croatie en 1970.

16 Q. Pour que les choses soient claires, où avez-vous vécu en mai 1995 ?

17 R. Au mois de mai 1995, je vivais à Zagreb.

18 Q. Merci. Je souhaite vous poser maintenant quelques questions au sujet de

19 votre carrière. Vous avez commencé à faire partie de la police pour la

20 première fois en 1971; est-ce exact ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Vous étiez policier ordinaire jusqu'en 1977, lorsque vous vous êtes

23 inscrit à l'Académie de la police à Zagreb; est-ce exact ?

24 R. Cela aussi, c'est exact.

25 Q. Pendant que vous étiez à l'académie de la police, est-ce que vous avez

26 suivi une formation au sujet des procédures et enquêtes sur place ?

27 R. Oui. Nous avions des cours sur les enquêtes sur place pendant plusieurs

28 mois, peut-être pendant tout un semestre.

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1 Q. Quand avez-vous terminé vos études dans l'académie de police ?

2 R. J'ai terminé mes études en 1987.

3 Q. Où êtes-vous allé ensuite ?

4 R. Ensuite, j'ai travaillé pendant plusieurs mois au poste de police de

5 Crnomerec et Susegrad. C'est de là que j'ai été envoyé à l'académie au

6 début.

7 Q. Quand avez-vous été transféré au SUP municipal ou état-major de la

8 police de Zagreb ?

9 R. J'étais transféré au SUP municipal de Zagreb le 1er septembre 1980, je

10 pense.

11 Q. Quelles étaient les fonctions que vous exerciez au cours de votre

12 carrière dans le SUP municipal de Zagreb ?

13 R. Tout d'abord, je travaillais dans le département chargé de la lutte

14 contre la criminalité, et j'ai été employé opérationnel chargé des

15 enquêtes.

16 Q. Après cela, est-ce que vous aviez d'autres postes, mis à part celui de

17 l'agent opérationnel chargé des enquêtes ? Est-ce que vous pouvez nous

18 expliquer cela ?

19 R. Je dirais que c'est le stade initial. Lorsque l'on intègre ce service,

20 le département chargé des enquêtes sur place, à ce moment-là, on obtient le

21 titre d'inspecteur chargé des enquêtes sur place. Il s'agit peut-être du

22 niveau le plus bas à partir duquel tous les agents opérationnels actifs

23 dans le cadre des enquêtes sur place commencent leurs carrières.

24 Q. Quels étaient vos postes après ce niveau du début ?

25 R. Après avoir passé quelques années à ce niveau de débutant, je suis

26 devenu chef d'équipe, et pendant plusieurs années, j'étais chef d'équipe à

27 mon poste de travail. C'est là que j'étais la personne supérieure à cinq à

28 six agents opérationnels. Cela dépendait des équipes de relève. J'ai exercé

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1 ces fonctions-là jusqu'à l'année 1990.

2 Q. Que s'est-il passé en 1990 ?

3 R. A ce moment-là, j'ai été promu et je suis devenu chef du département

4 chargé des enquêtes sur place. J'avais quatre équipes au sein de mon

5 département. J'étais le chef d'environ 30 à 40 agents opérationnels. Cela

6 dépendait de la situation.

7 Q. Dans quel type d'affaires votre département était-il actif ?

8 R. Le département chargé des enquêtes sur place, à la tête duquel je me

9 trouvais est actif dans le cadre de la criminalité générale. Autrement dit,

10 nous étions chargés de tous les incidents de criminalité, sauf les

11 incidents liés aux accidents de la route. Là, je parle des meurtres, des

12 viols, d'incendies volontaires, des accidents ferroviaires, des accidents

13 du trafic aérien, tout ce qui est recouvert par le code pénal, sauf les

14 accidents de la route.

15 Q. Merci. Je souhaite que l'on clarifie un point. Vous avez dit que vous

16 êtes devenu le chef du département chargé des enquêtes sur place. Est-ce

17 qu'au sein de ce département, il y avait une personne qui était votre

18 supérieur hiérarchique ou est-ce que vous étiez le numéro un de ce

19 département ?

20 R. Au sein de ce département, j'avais un chef qui est au-dessus de moi --

21 ou plutôt, j'étais en charge des enquêtes sur place au sein de ce

22 département. Il n'y avait pas d'autre personne qui était mon supérieur

23 hiérarchique dans ce sens, mais j'avais un chef. Pour simplifier les

24 choses, je peux dire que mon département avait cinq sections, et la section

25 qui était chargée des enquêtes sur place était celle à la tête de laquelle

26 je me trouvais, alors que j'étais responsable devant le chef du

27 département. J'étais subordonné au chef du département.

28 Q. Merci. Puis, un autre point de clarification. Je pense que peut-être il

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1 s'agit d'une erreur de compte rendu d'audience. En quelle année avez-vous

2 terminé vos études à l'académie de la police ?

3 R. J'ai fait mes études à partir de 1977 à 1979. J'ai passé mon dernier

4 examen en 1979, et je pense que j'ai eu mon diplôme en 1980, au mois

5 d'avril.

6 Q. Merci beaucoup. Je souhaite que l'on aborde maintenant les événements

7 du 2 mai 1995. D'abord, est-ce que vous vous souvenez quel temps il faisait

8 ce jour-là ?

9 R. Si mes souvenirs sont bons, il n'y avait pas de pluie, je dirais que

10 c'était une journée chaude et ensoleillée, une belle journée sans vent,

11 sans pluie.

12 Q. Où étiez-vous ce matin-là ?

13 R. Ce matin-là, j'étais dans mon bureau. Mes horaires de travail étaient

14 au jour le jour, de 7 heures à 16 heures, et ce jour-là, le 2 mai 1995,

15 j'étais dans mon bureau. Le bureau se trouve à Zagreb dans la rue

16 Djordjiceva, numéro 4.

17 Q. Y a-t-il eu des avertissements ou des indices indiquant que Zagreb

18 allait être attaquée ce jour-là ?

19 R. Pas pour autant que je le sache.

20 Q. Veuillez nous dire ce qui s'est passé.

21 R. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce jour-là j'étais dans mon bureau,

22 justement dans la rue Djordjiceva, numéro 4, dans mon bureau. A un moment

23 donné, j'ai entendu une explosion, j'ai entendu des tirs, des bruits

24 d'explosions. Je suis sorti dans la rue et je suis allé vers Zrinjevac. Je

25 suis allé à Zrinjevac. J'ai entendu des sirènes, des véhicules d'urgence,

26 des pompiers. Les gens fuyaient. La panique s'était emparée d'eux, et bien

27 sûr que pour moi cela ne posait pas tellement de problèmes. Puisque la

28 distance n'était pas très grande, j'ai vérifié du coin de la gare centrale

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1 et de la place de Strossmayer et j'ai vu que près du poste de police, sur

2 la place de Strossmayer, plusieurs véhicules étaient en feu. Bien sûr,

3 plusieurs véhicules de pompiers s'approchaient et éteignaient le feu. Il y

4 avait des blessés. Les urgences, le service d'urgence se trouve également

5 dans la rue Djordjiceva, au numéro 26. Donc, au bout de peu de temps, au

6 bout de moins de cinq minutes, les véhicules des urgences pouvaient arriver

7 sur place. En général, je dirais que c'était le chaos et la panique, ce qui

8 est normal, d'ailleurs, lorsqu'il y a cinq, six véhicules qui sont en

9 flammes et lorsqu'il y a des blessés.

10 Q. Est-ce que vous vous souvenez approximativement à quelle heure du matin

11 du 2 mai ceci se déroulait ?

12 R. Ceci se déroulait dans la matinée, au cours de la matinée. Je pense que

13 c'était après 10 heures, 10 heures 30.

14 Q. Je souhaite vous montrer une vidéo. Il s'agit de la pièce à conviction

15 versée dans le cadre de ce procès, numéro 383, et il va falloir utiliser le

16 logiciel Sanction pour visionner cela.

17 M. BLACK : [interprétation] Puis, j'ai toujours une question, Monsieur le

18 Président, c'est-à-dire, quel est le bouton qui soit appuyé ?

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je me le demande toujours. C'est quoi

20 Sanction déjà ?

21 M. BLACK : [interprétation] Sanction est un système que nous utilisons afin

22 de montrer les vidéos, Monsieur le Président. C'est sa seule utilité. Et je

23 crois --

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est le bouton marqué "vidéo" ?

25 M. BLACK : [interprétation] Peut-être nous pouvons montrer déjà, faire

26 visionner cela en utilisant le système Sanction et ensuite nous verrons.

27 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

28 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons voir cela

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1 en appuyant sur l'écran du prétoire électronique régulier.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

3 M. BLACK : [interprétation] Je souhaite que l'on montre au témoin les trois

4 premières brèves. Peut-on montrer la première ?

5 [Diffusion de cassette vidéo]

6 M. BLACK : [interprétation]

7 Q. Je vais juste poser une question au sujet de cette première

8 séquence. Est-ce que vous pouvez nous dire où cette séquence vidéo a été

9 filmée, s'il vous plaît, Monsieur Lazarevic ?

10 R. Cette séquence a été filmée à Zagreb sur la place Strossmayer, et nous

11 venons de voir ce dont je parlais tout à l'heure, à savoir que plusieurs

12 véhicules étaient incendiés, peut-être cinq à six véhicules particuliers

13 qui étaient garés du côté du poste de police. C'était peut-être à une

14 distance de 15 à 20 mètres dans la direction de la rue Boskoviceva. Nous

15 avons vu plusieurs véhicules de pompiers et nous avons vu les pompiers en

16 train d'éteindre le feu des véhicules incendiés en raison des explosions.

17 Q. Merci. Je vais vous montrer encore deux séquences plus brèves que la

18 première.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 M. BLACK : [interprétation]

21 Q. Nous venons de nous arrêter ici, code horaire 6:07:2.

22 Qu'est-ce qu'on voit à l'écran maintenant ?

23 R. A l'écran on voit une bombe de type KB-1. Cette bombe n'a pas explosé.

24 Cette photographie a été prise sur les lieux.

25 M. BLACK : [interprétation] Je signale que ces trois séquences font partie

26 de la pièce 383.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 [Diffusion de cassette vidéo]

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1 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit de la troisième séquence extraite de

2 la même pièce à conviction.

3 [Diffusion de cassette vidéo]

4 M. BLACK : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait interrompre la diffusion,

5 je vous prie ?

6 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

7 [Diffusion de cassette vidéo]

8 M. BLACK : [interprétation]

9 Q. Monsieur Lazarevic, que voit-on à l'écran maintenant ?

10 R. A l'écran nous voyons un cadavre. Il s'agit de Mme Ana Mutevelic, qui a

11 été tuée au cours de cet incident. Ceci se situe au carrefour de la rue

12 Vlaska et de la rue Draskoviceva. Le corps a été couvert d'une bâche ou

13 d'une couverture et on voit le numéro 1 à gauche de sa tête. D'après les

14 informations que nous avons réunies au cours de notre enquête, il est

15 apparu que cette dame a été blessée alors qu'elle se trouvait à bord d'un

16 tramway. L'un des obus s'est abattu sur le tramway où elle se trouvait.

17 Cette dame a été blessée et elle a succombé à ses blessures sur place. Elle

18 a été tuée sur le coup. On a sorti son corps du tramway et on l'a étendu

19 sur le trottoir, comme on peut le voir à l'image.

20 Q. Merci.

21 M. BLACK : [interprétation] Je signale que le code horaire est le suivant :

22 7:04:32 [comme interprété] secondes.

23 [Diffusion de cassette vidéo]

24 M. BLACK : [interprétation] Ici nous avons les images qui se trouvent au

25 code horaire 8:00:8.

26 Q. Que voit-on à l'écran, Monsieur Lazarevic ?

27 R. A l'écran, on voit un corps sans vie. Damir Dracic, c'est son nom. Lui,

28 aussi, il a été tué au cours de ce bombardement, au cours de l'attaque à la

Page 5628

1 roquette. D'après les informations que nous avons pu réunir, ce monsieur

2 était au volant de son véhicule au moment où plusieurs éclats d'obus ont

3 atteint son véhicule et ont percé le métal -- ont traversé le métal, la

4 carrosserie. Il a été touché par des éclats de verre, des fragments. Il a

5 été blessé et il est décédé dans son véhicule. Cela se passait rue Vlaska,

6 devant le numéro 41.

7 Q. Merci.

8 M. BLACK : [interprétation] Poursuivons le visionnage.

9 [Diffusion de cassette vidéo]

10 M. BLACK : [interprétation] Merci. J'en ai terminé de la pièce 383.

11 Q. Monsieur Lazarevic, je me suis peut-être un peu avancé, mais une

12 question : Après avoir entendu les explosions, vous dites que vous êtes

13 descendu. Vous avez expliqué ce que vous avez vu. A ce moment-là qu'avez-

14 vous dit aux employés de votre service d'enquête sur les lieux ?

15 R. En tant que chef de la section des enquêtes sur les lieux, j'ai vite

16 compris ce qui s'était passé et ce à quoi nous étions confrontés. Je savais

17 qu'il fallait réaliser une enquête sur les lieux. J'ai pris les mesures qui

18 s'imposaient immédiatement sans perdre une seconde. J'ai pris des

19 dispositions pour réunir tous mes agents, tous les agents qui étaient

20 disponibles. Je les ai déployés en leur confiant à chacun une mission, et

21 je leur ai donnés l'ordre de commencer à réunir des éléments d'information.

22 Les informations ont commencé à arriver cinq, dix, voire 15 minutes plus

23 tard. J'ai commencé à recevoir des informations et je me suis rendu compte

24 qu'il n'y a pas que ce que j'avais vu de mes yeux qui s'était produit, ce

25 que j'avais vu de mes yeux quand j'avais quitté mon bureau. Je me suis

26 rendu compte ce que j'avais vu ce n'était pas tout. Je me suis rendu compte

27 qu'à d'autres endroits en ville il y avait eu des lieux touchés par les

28 bombes. Sur la base de ces informations, je me suis rendu compte que

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1 j'avais beaucoup de pain sur la planche et qu'il fallait travailler très

2 vite et aussi bien que possible. C'est pourquoi j'ai essayé de réunir

3 autant d'agents que possibles, surtout les plus chevronnés. Je leur ai dit

4 ce qu'ils avaient à faire. Ensuite, nous avons immédiatement commencé à

5 travailler sur les lieux et procéder aux enquêtes appropriées.

6 Une fois que l'on a enlevé les carcasses calcinées des automobiles,

7 une fois qu'on a enlevé également les cadavres - parce qu'il fallait faire

8 quelque chose -- cela, d'abord, était la première chose à faire pour

9 réaliser notre travail.

10 Q. Est-ce que vous avez vous-même pu vous rendre sur les autres lieux qui

11 ont été affectés en dehors de ce que vous nous avez décrit précédemment ?

12 R. Oui. Je suis allé sur les sites qui étaient les plus proches de mon

13 bureau au centre-ville. Comme je l'ai dit, au fur et à mesure que nous

14 provenaient -- qu'arrivaient des informations, je me suis rendu compte que

15 les bombes étaient tombées sur le bâtiment principal de la police, le

16 bâtiment de l'administration à côté du bâtiment de l'association culturelle

17 croate, et cela se trouve à côté de l'endroit où la voiture que nous avons

18 vue à l'écran brûlait. Cela se trouve à une cinquantaine de mètres de la

19 rue que nous avons vue dans le film. C'est la rue Matica Hrvatska. Dans

20 cette rue, qui est une rue assez courte, il y a une autre rue qui en

21 débouche; la rue Petrinska. C'est là que se trouve le bâtiment

22 administratif de la police qui avait été touché. C'était au numéro 30 de

23 cette rue Petrinska. Je viens d'évoquer les locaux de la police, mais il y

24 a d'autres locaux qui se trouvaient. D'autres bâtiments se trouvent en rue

25 Petrinska qui ont été touchés, ainsi d'ailleurs que les véhicules qui

26 étaient stationnés des deux côtés de la rue. Il y a un assez grand nombre

27 de commerces qui ont été endommagés. Il y a eu des bombes jusqu'à

28 Boskoviceva, jusqu'à cette rue, ce qui représente une distance de 400

Page 5630

1 mètres à partir du bâtiment de l'administration de la police.

2 Q. Merci. Je vous poserai ultérieurement des questions plus précises au

3 sujet de ces autres endroits. Est-ce que vous êtes allé ailleurs ? Est-ce

4 que vous êtes allé dans d'autres localités comme, par exemple, la Pleso ?

5 R. Moi-même, j'ai participé à ces enquêtes sur les lieux, sur le terrain

6 pour aider mes collègues. Ce jour-là, nous avons appris que le même type de

7 bombe s'était également abattu sur le village de Pleso où se situe

8 l'aéroport de Zagreb. Le village de Pleso fait en réalité partie de la

9 ville de Velika Gorica. Cela se trouve à proximité. Je m'y suis rendu

10 pendant la journée et j'ai pu établir qu'il y avait eu des dégâts, que les

11 bâtiments, les maisons avaient été endommagées. On a pu également constater

12 qu'il y avait eu des dégâts occasionnés à l'aéroport, des dégâts mineurs.

13 Une bombe est tombée devant un magasin, un commerce qui se trouve à

14 l'aéroport.

15 Q. Merci. J'aimerais maintenant vous présenter un document dont le numéro

16 ERN est 03655451 à 5598.

17 M. BLACK : [interprétation] Ce que je propose de faire, c'est de distribuer

18 des copies papier de ce rapport ainsi que d'un autre rapport. Ce sont des

19 rapports qui sont très détaillés. On va en parler assez longtemps et je

20 pense que tout en examinant d'autres documents avec le système du prétoire

21 électronique, il est assez difficile de passer d'un document à l'autre. Je

22 sais que vous préférez, vous, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

23 Juges, que l'on ait recours au système de prétoire électronique comme vous

24 nous l'avez indiqué, mais ici --

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Black, vous pouvez

26 continuer.

27 M. BLACK : [interprétation] Je vais demander l'assistance de l'Huissier.

28 Ici on dispose de quatre exemplaires en anglais; une pour le témoin, une

Page 5631

1 pour la Défense ou l'accusé s'ils n'en ont pas. Je dois dire que j'ai

2 également des exemplaires à la destination des interprètes que je n'ai pas

3 pensé à leur remettre auparavant, mais l'Huissier pourra s'en charger.

4 Q. Monsieur Lazarevic, est-ce que vous reconnaissez le document que l'on

5 vient de vous remettre ?

6 R. Oui. Il s'agit d'une photocopie du rapport d'une enquête réalisée sur

7 site. C'est moi-même qui aie établi ce rapport une fois que l'enquête a été

8 réalisée.

9 Q. Est-ce qu'à la dernière page de ce document on trouve votre signature ?

10 R. Oui.

11 Q. Commet vous y êtes-vous pris pour préparer ce rapport, Monsieur

12 Lazarevic ?

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

14 Madame, Monsieur les Juges.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] M. Martic n'a pas d'exemplaire du

17 rapport. Est-ce que mes éminents confrères auraient un exemplaire de trop

18 pour lui ?

19 M. BLACK : [interprétation] Bien sûr.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

21 M. BLACK : [interprétation]

22 Q. Monsieur Lazarevic, vous alliez nous expliquer comment vous avez réuni

23 les informations qui figurent dans ce rapport. Allez-y.

24 R. Oui. J'en ai déjà parlé un petit peu. Moi-même, je suis allé sur les

25 lieux de l'incident. Etant donné que les zones où avaient attirées les

26 bombes, c'était des lieux où des bâtiments et même des véhicules avaient

27 été endommagés ainsi que des lieux où des personnes avaient été blessées,

28 étant donné que tous ces lieux étaient en grand nombre, il a fallu que je

Page 5632

1 fixe plusieurs missions à mes agents, que je les envoie dans plusieurs

2 directions dans plusieurs rues. Ils ont immédiatement entamé cette enquête

3 sur place, sur les lieux, et, moi-même, j'y ai participé directement, comme

4 je l'ai dit. Chacun de mes collègues qui a réalisé une enquête dans un lieu

5 précis a ensuite établi un rapport sur ladite enquête, rapport où

6 figuraient les conclusions de l'enquêteur ainsi que des photographies. Si

7 bien que nous avions des pièces écrites à notre disposition, pièces écrites

8 se rapportant à chacune de ces enquêtes réalisées sur les lieux. Je m'en

9 suis servi. A partir de ces rapports, j'ai moi-même préparé un rapport

10 général concernant chacun des lieux et qui reprenait chacun des rapports

11 individuels et j'ai signé ce rapport général. Nous avons donc ici le

12 résultat de mon travail ainsi que du travail de tous mes collègues du

13 service d'enquête sur site, ou sur les lieux. Ses rapports, qui m'ont servi

14 à préparer le mien, ce rapport général d'enquête, ses rapports, ils sont

15 placés en annexe de mon rapport et on peut les trouver dans les archives et

16 dans les dossiers de mon service.

17 Q. Soyons très clairs. Les rapports de vos collègues, ils ne figurent pas

18 en annexe du document que nous avons sous les yeux, non, ils se trouvent

19 archiver à Zagreb, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact. Tout à fait. Si j'avais mené seul les enquêtes sur

21 les lieux, il m'aurait fallu quelque dix à 15 jours, même plus.

22 Q. De combien de temps avez-vous eu besoin pour préparer le rapport que

23 nous avons sous les yeux ?

24 R. C'est difficile à dire. J'aurais du mal à vous dire exactement combien

25 de temps j'ai mis à préparer le rapport que nous avons ici devant nous.

26 Mais ce que je sais en revanche, c'est que j'ai travaillé sur ce dossier

27 pendant toute la journée du 2 et 3 mai 1995. J'ai traité les informations,

28 j'y ai joint les dossiers médicaux pertinents, et puis j'ai écrit le

Page 5633

1 rapport. La totalité de ce travail a pris 40 jours.

2 Je veux ici apporter une précision. Le rapport était constitué de

3 croquis, de diagrammes, de photographies, des conclusions des médecins

4 légistes, donc cela c'était tous les éléments de base, et c'est pourquoi il

5 m'a fallu autant de temps pour, à partir de tous ces éléments, préparer mon

6 rapport à moi.

7 Q. Oui, c'est très clair. Merci. En fait, ce rapport est extrêmement

8 circonstancier. J'aimerais qu'on le passe en revue assez rapidement. Je

9 vais vous poser un certain nombre de questions, mais qui ne porteront pas

10 sur chacun des détails du rapport. Ma première question que je souhaiterais

11 vous poser est la suivante : quels sont les sites, les lieux, qui sont

12 évoqués dans le rapport que nous avons sous les yeux ?

13 R. Le document que nous avons ici devant nous, concerne les lieux suivants

14 : la place Strossmayer; la rue Matica Hrvatska; la rue Petrinska; la rue

15 Boskoviceva; la rue Draskoviceva; la rue Vlaska; le lycée de la rue

16 Krizeniceva [phon]; et Pleso, qui se trouve dans la zone de Velika Gorica.

17 Q. Comment qualifieriez-vous tous les lieux que vous venez d'évoquer ?

18 Est-ce que ce sont des lieux qui sont en position centrale ou est-ce qu'ils

19 sont isolés ? Est-ce que ce sont des lieux qui sont généralement très

20 fréquentés ? Pouvez-vous nous donner une petite idée de la nature exacte de

21 ces lieux ?

22 R. Pratiquement tous ces sites, y compris Pleso, ce sont des endroits où

23 il y avait beaucoup de monde au moment où les incidents ont eu lieu. C'est-

24 à-dire beaucoup de piétons, beaucoup de voitures, des véhicules des

25 services de transport public, c'est-à-dire des tramways. A ce moment-là,

26 dans cette ville de un million d'habitants, vue l'heure qu'il était, il y

27 avait pas mal de gens dans la rue.

28 Q. D'après ce que vous savez, y avait-il des installations militaires ou

Page 5634

1 des bâtiments utilisés par l'armée en ces lieux ?

2 R. Pour autant que je le sache, il n'y a aucune installation militaire à

3 proximité immédiate des lieux que j'ai mentionnés.

4 Q. Je vous ai posé des questions au sujet des lieux évoqués dans ce

5 document. Quels sont les types de dégâts les plus fréquents que vous avez

6 consignés dans ce rapport ?

7 R. Dans ce rapport, il est question des dégâts constatés sur un nombre

8 important de voitures, de bâtiments, au niveau des toits. Il s'agit

9 également de dégâts que nous avons constatés dans les commerces. On a vu

10 des impacts dans les zones pavées. Il s'agit de dégâts caractéristiques

11 infligés par ce type de bombe.

12 Q. Merci. Je pense que cela suffira. Je vous invite à examiner certaines

13 parties de ce rapport. Pour commencer, la page 50 de la version en B/C/S.

14 Il s'agit de la page 46 en anglais. Il s'agit de la page 50 du document que

15 vous avez sous les yeux.

16 R. Je pense que j'ai retrouvé le passage en question.

17 Q. Si vous souhaitez vérifier, ce document est affiché à l'écran

18 également. Le numéro ERN est le 03655500 [comme interprété]. M. BLACK :

19 [interprétation] Je souhaiterais que l'on s'intéresse à la partie

20 inférieure de la page.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] A la page 50 de ce rapport, concernant les

22 enquêtes menées sur les lieux, on peut voir la description du cadavre d'Ana

23 Mutevelic, la femme qui a été blessée au moment où elle se trouvait dans un

24 tramway. On l'a sortie du tramway et allongée sur le trottoir. Elle

25 présentait des traces de blessures sur l'ensemble du corps. Elle présentait

26 des blessures liées à des engins explosifs sur le corps. La plupart de ses

27 blessures étaient situées au niveau de la tête près de l'oreille.

28 M. BLACK : [interprétation]

Page 5635

1 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez vous reporter à la page suivante du

2 document, page 51.

3 M. BLACK : [interprétation] Le passage qui m'intéresse est situé à la même

4 page de la version en anglais.

5 Q. Que voyons-nous ici, Monsieur Lazarevic ?

6 R. Nous voyons ici la description du cadavre de Damir Dracic, dont le

7 corps sans vie gisait par terre, à côté de son véhicule. L'ensemble du

8 corps présentait des traces de blessures reliées à des engins explosifs. Il

9 a succombé à ses blessures.

10 Q. Merci.

11 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que vous pourriez examiner la page 52 de

12 la version originale du document, page 47 en anglais.

13 Q. Que peut-on lire ici ?

14 R. Ici, nous pouvons voir la description du cadavre de Stjepan Krhen. Son

15 corps sans vie a été retrouvé dans la cour du numéro 41 de la rue Vlaska,

16 devant le bureau du concierge. Lui aussi présentait des traces de blessures

17 sur le corps, notamment au niveau de la poitrine et des jambes. Lui aussi a

18 succombé à ses blessures et est mort sur le coup.

19 Q. Au bas de cette même page, pourriez-vous nous dire ce dont il est

20 question.

21 R. On décrit le cadavre de Mme Ivanka Kovac. Au moment de l'attaque de la

22 roquette qui a été lancée, elle a subi des blessures. Lorsque l'ambulance

23 est arrivée, elle était encore en vie, et c'est la raison pour laquelle

24 elle a été conduite à la clinique chargée des traumatismes dans la rue

25 Draskoviceva. Cet hôpital est situé à 700 mètres environ de l'endroit où

26 elle a été blessée; en d'autres termes, il n'a pas fallu beaucoup de temps

27 pour qu'elle soit conduite à l'hôpital. Le trajet était court. Malgré tout,

28 elle a succombé à ses blessures dix minutes environ après être arrivée à

Page 5636

1 l'hôpital.

2 Q. Nous allons reparler de Mme Kovac un peu plus tard. Maintenant, je

3 souhaiterais que vous vous penchiez sur la page 70 du document.

4 M. BLACK : [interprétation] Ce qui correspond à la page 63 de la version en

5 anglais.

6 Q. Monsieur Lazarevic, de quoi est-il question ici sur cette page et sur

7 la page suivante ?

8 R. J'ai décrit ici l'état des personnes blessées. On peut lire tout

9 d'abord le nom de ces personnes, ainsi que le nom de l'hôpital vers lequel

10 ces personnes ont été transportées. On décrit également les blessures, à

11 quel endroit du corps ces personnes ont été blessées, et on peut voir

12 ensuite le diagnostic pour chacune de ces personnes.

13 Q. Merci.

14 M. BLACK : [interprétation] On peut lire un certain nombre d'adresses dans

15 ce document. Je souhaiterais qu'à la diffusion, on ne montre pas ce

16 document. Je souhaiterais que ce soit une version expurgée qui soit versée

17 au dossier plus tard. Je n'ai pas pensé à cela au préalable. Je pense qu'il

18 est inutile de rendre une ordonnance sur ce point, mais je demanderais

19 l'aide de la régie de façon à ce que cette partie ne soit pas diffusée. On

20 peut se servir uniquement de la vidéo du témoin.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai remarqué qu'il y avait certaines

22 pages qui avaient été supprimées.

23 M. BLACK : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Je pensais que

24 nous avions supprimé toutes les informations qui devaient l'être, mais je

25 vois qu'il faut procéder à des expurgations supplémentaires.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

27 M. BLACK : [interprétation]

28 Q. Dans ce rapport, on établi une distinction entre les blessures graves

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1 et les blessures légères. Est-ce que vous pourriez nous dire à quoi tient

2 cette différence ?

3 R. Je vais essayer, même si je suis expert pour ce qui est du dépistage de

4 la criminalité et je ne suis pas médecin. Un médecin serait plus à même de

5 vous expliquer cette différence. Mais sur la base de mon expérience en

6 matière d'enquêtes sur les lieux, j'ai eu affaire à toutes sortes de cas et

7 je peux vous dire que dans notre législation, nous faisons la différence

8 entre une blessure légère et une blessure grave. Pour décrire les choses de

9 façon simple, les blessures légères sont celles qui provoquent des

10 problèmes mineurs; des hématomes, par exemple. Il s'agit de blessures qui

11 ne portent pas atteinte au bon fonctionnement des organes vitaux, lorsqu'il

12 n'y a pas de fracture, lorsqu'une personne est légèrement blessée et que

13 les séquelles ne sont pas graves.

14 Pour ce qui est des blessures graves, ce sont, par exemple, les blessures

15 au niveau de la tête, pratiquement toutes les fractures. Peut-être pas les

16 fractures du nez, mais les fractures de la plupart des os, les blessures

17 d'organes vitaux, lorsque les vaisseaux sanguins sont touchés, par exemple.

18 Q. Qui décide qu'une blessure est légère ou grave ? Dans ce rapport, qui a

19 décidé les qualifications à donner à ces blessures ?

20 R. Toutes les personnes mentionnées dans ce rapport général concernant les

21 enquêtes sur les lieux ont été examinées par un médecin. C'est un médecin

22 qui a donné cette qualification. J'attendais que ces rapports médicaux

23 parviennent au poste de police. Je veux parler des rapports médicaux, des

24 rapports d'autopsie, qui concernaient les personnes blessées que nous avons

25 examinées. Tout médecin qui voit une personne blessée est tenu de préparer

26 un rapport comportant les renseignements relatifs à l'identité de la

27 personne blessée, l'heure et l'endroit où la personne a été blessée, la

28 description des blessures, la manière dont la personne a été blessée. Il

Page 5638

1 faut également préciser le diagnostic en latin et en croate, et il faut

2 également donner une qualification médicale aux blessures. C'est ce que je

3 viens de m'efforcer de vous expliquer. J'ai essayé de vous expliquer les

4 différences entre les blessures graves et les blessures légères.

5 Je me suis penché sur ces rapports médicaux et dans mon rapport

6 général, j'ai repris les informations qui figuraient dans ces rapports. En

7 fait, j'ai copié ces rapports. J'ai repris et paraphrasé ces rapports et

8 j'ai indiqué où se trouvaient les blessures, j'ai précisé la qualification

9 médicale de chaque blessure. Comme vous pourrez vous en rendre compte par

10 vous-même, mon rapport général reprend fidèlement le contenu des rapports

11 qui m'avaient été communiqués.

12 Q. Merci. Je vous demanderais de vous pencher sur le numéro 75 dans la

13 liste des blessés. Cela se trouve à la page 81.

14 M. BLACK : [interprétation] Page 71 dans la version en anglais.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

16 M. BLACK : [interprétation]

17 Q. Monsieur Lazarevic, quel est le nom de la personne qui figure au numéro

18 75 dans cette liste ?

19 R. Au numéro 75, vous voyez le nom d'Ivan Brodar, né en 1918. Au cours de

20 cet incident, il a subi des traumatismes multiples au niveau de la tête, du

21 thorax et des extrémités inférieures du corps. Il a été transporté à la

22 clinique spécialisée en traumatisme, mais il a succombé à ses blessures le

23 lendemain.

24 Q. Et --

25 R. [aucune interprétation]

26 Q. Veuillez poursuivre.

27 R. Au moment où l'attaque à la roquette a eu lieu, je crois qu'il avait 77

28 ans.

Page 5639

1 Q. Merci. Donc, ce qui est consigné dans ce rapport concerne le 9 mai

2 1995. Est-ce que je vous ai bien compris ?

3 R. Oui, tout à fait. Lorsque l'on a élaboré ce rapport, on a noté la date

4 à laquelle l'incident avait eu lieu. Il était encore en vie à ce moment-là.

5 Il a succombé à ses blessures plus tard. Il existe des documents médicaux,

6 des rapports du pathologiste, notamment, qui indiquent qu'il est mort par

7 la suite à cause de ses blessures. Il existe des rapports d'autopsie qui

8 confirment cela.

9 Q. Nous reparlerons d'Ivan Brodar dans quelques instants. Ce sont là

10 toutes les questions que je souhaitais vous poser au sujet de ce rapport.

11 M. BLACK : [interprétation] Je demande qu'il soit versé au dossier et qu'on

12 lui attribue une cote.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier.

14 Qu'on lui attribue une cote.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

16 numéro 799, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

18 M. BLACK : [interprétation] Merci.

19 Je souhaiterais que l'on présente au témoin un autre document qui porte le

20 numéro 2251, dans la liste 65 ter. Je demande que l'on affiche ce document

21 à l'écran, s'il vous plaît.

22 Q. Monsieur Lazarevic, que voyons-nous à l'écran ?

23 R. Nous voyons ici un rapport d'autopsie pour Mme Ivanka Kovac. L'autopsie

24 a été effectuée à l'institut de Médecine légale, au numéro 11 de la rue

25 Salata. Il s'agit là d'une description des blessures constatées par le

26 médecin légiste. Ces blessures sont qualifiées et à la fin du document on

27 peut voir quelle est la cause du décès.

28 Q. Quelle est la cause du décès ici ? Que peut-on lire ?

Page 5640

1 R. Je ne peux lire que ce qui figure à la première page. Je ne vois pas ce

2 qui figure après. Je n'arrive pas à le lire. Toujours est-il que d'après

3 mes souvenirs, il s'agissait de blessures multiples au niveau du thorax et

4 des extrémités, blessures qui ont provoqué la mort.

5 Q. Merci.

6 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que l'on peut passer à la page suivante

7 et faire défiler le texte de façon à voir la partie inférieure de la page.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois. On peut voir "blessures liées à

9 des engins explosifs au niveau de la tête, du corps et des extrémités."

10 C'est là la cause du décès. Le Dr Stjepan Gusic a effectué l'autopsie, il a

11 signé ce document, et à gauche on voit la signature du Pr Dusan Zecevic, le

12 chef de l'institut de Médecine légale. Ces deux hommes sont des experts en

13 médecine légale.

14 M. BLACK : [interprétation]

15 Q. Je vous remercie.

16 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser ce document au

17 dossier et lui attribuer une cote ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier. Je

19 demande qu'on lui attribue une cote.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

21 numéro 800, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

23 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il nous reste un

24 document à examiner aujourd'hui. Je voudrais que l'on affiche à l'écran le

25 document portant le numéro 2258, dans la liste 65 ter. J'aimerais que l'on

26 voie la page suivante, s'il vous plaît.

27 Q. Monsieur Lazarevic, que représente ce document que nous avons sous les

28 yeux ? De quoi est-il question ici ?

Page 5641

1 R. Il s'agit d'un autre rapport d'autopsie établi par le

2 Pr Skavic de la faculté de médecine. Ce rapport a été rédigé après

3 l'autopsie de M. Ivan Brodar, lequel avait été blessé dans la rue

4 Draskoviceva. Il est mort le lendemain à la clinique chargée des

5 traumatismes.

6 Q. Merci.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le lendemain ou bien le 3 juin ?

8 Quelle est la date ?

9 M. BLACK : [interprétation]

10 Q. Monsieur Lazarevic, je pense que vous avez entendu la question qui

11 vient d'être posée par le Président de la Chambre ?

12 R. Oui, effectivement. J'ai appris que M. Brodar était mort le lendemain

13 de son arrivée à l'hôpital. Il est décédé le 3 juin 1995.

14 Q. Il y a quelque chose qui n'est pas clair. Il a été blessé le 2 mai

15 1995. Est-ce que vous comprenez le problème qui se pose ici ?

16 R. C'est à moi que vous posez la question ?

17 Q. Oui. Sur la base de ce document, est-ce que vous pourriez nous

18 confirmer la date du décès de cet homme ?

19 R. Ici, il est écrit qu'il est mort le 3 juin, mais je ne peux pas être

20 sûr. Je pense qu'il est mort le 3 mai.

21 Q. De toute façon, est-ce qu'il s'est jamais remis ? Est-ce qu'il n'a

22 jamais récupéré des blessures qu'il avait subi le 2 mai 1995 ?

23 R. Non. Ce monsieur est décédé, et la cause de la mort, ce sont les

24 blessures provoquées par l'explosion d'une bombe.

25 M. BLACK : [interprétation] Peut-être nous pouvons examiner la page

26 suivante du document.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle page ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-on montrer la suite, s'il vous plaît ?

Page 5642

1 M. BLACK : [interprétation]

2 Q. Oui. Qu'est-ce qui est indiqué comme cause de la mort de cette personne

3 ?

4 R. La cause de la mort ce sont les blessures. Tout est écrit en anglais,

5 mais je suppose que ceci aurait dû être rédigé en croate aussi. Peut-être

6 ceci n'a pas été photocopié, mais normalement cela devrait figurer ici

7 aussi.

8 Q. Peut-être nous pourrions montrer la page suivante, excusez-moi, de

9 cela ?

10 Est-ce que ceci clarifie les choses, Monsieur Lazarevic ?

11 R. Ce rapport d'autopsie contient une description médicale, mais je pense,

12 qu'au fond, il n'y a aucun doute --

13 Q. Peut-on voir la dernière phrase du document, s'il vous plaît, en bas de

14 la page.

15 R. "La pneumonie qui s'est développée comme complication au cours du

16 traitement après les blessures provoquées par une explosion sont la cause

17 violente de la guerre et sont directement liées -- qui sont directement

18 liées à la blessure." Cela est la conclusion qui figure dans le rapport

19 d'autopsie.

20 Q. Merci beaucoup.

21 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser au

22 dossier cette pièce à conviction. C'est ainsi que nous pourrons terminer

23 pour la journée d'aujourd'hui.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier.

25 Peut-on lui attribuer une cote.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

27 numéro 801.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

Page 5643

1 M. BLACK : [interprétation] Excusez-moi, nous sommes allés un peu plus tard

2 que sept minutes [comme interprété], mais nous pourrons terminer pour

3 aujourd'hui.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

5 Nous allons lever l'audience et reprendre notre travail demain après-

6 midi à 2 heures et quart.

7 --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le jeudi 15 juin 2006,

8 à 14 heures 15.

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