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1 Le vendredi 27 octobre 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour. Malheureusement, aujourd'hui,
7 Mme le Juge Nosworthy est souffrante, donc nous allons siéger selon la
8 Règle 15 bis.
9 Bonjour, Monsieur Lakic.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Lakic, bonjour. Monsieur
12 Lakic, vous vous souvenez qu'au début de votre déposition, vous avez fait
13 une déclaration selon laquelle vous alliez dire la vérité, toute la vérité
14 et rien que la vérité, et je tiens à vous avertir que cette déclaration
15 solennelle, bien sûr, est toujours en vigueur.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris. Je vous remercie.
17 LE TÉMOIN: ZORAN LAKIC [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] M. Milovancevic.
20 Interrogatoire principal par M. Milovancevic : [Suite]
21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Lakic.
22 R. Bonjour.
23 Q. Avant de vous poser des questions, je tiens aussi à vous rappeler qu'il
24 faut qu'on fasse très attention à notre débit de paroles, et il convient
25 vraiment de faire une pause entre les questions et les réponses.
26 Commençons.
27 Hier, vous nous avez parlé de ce qui s'est passé à Skabrnja le 18 et le 19
28 novembre 1991. Savez-vous combien de personnes, côté croate, ont été
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1 impliquées dans les conflits de Skabrnja ?
2 R. A la fin de l'action, nous, c'est-à-dire les officiers commandants côté
3 serbe, sommes arrivés à savoir que les forces armées croates engagées à
4 Skabrnja représentaient une unité de la force d'un bataillon. Au cours des
5 opérations du 18, à notre avis, selon notre estimation, les forces croates
6 avaient 150 à 200 hommes. L'unité entière qui représentait 500 à 600 hommes
7 n'était pas totalement déployée sur Skabrnja.
8 Q. Dans votre réponse, vous nous avez expliqué d'où sont venus les tirs
9 sur Skabrnja. Avez-vous des informations à propos des combats qui ont eu
10 lieu sur Skabrnja même ? Voulez-vous nous dire où les unités étaient
11 positionnées sur Skabrnja ?
12 R. Il s'agissait de forces conjointes. Il n'y avait pas uniquement des
13 armes d'infanterie de tout calibre. Tout ce qu'ils avaient sous la main,
14 ils avaient aussi des mortiers, des lance-roquettes manuels. Il y avait des
15 mines antichars qui ont été posées. Certaines ont explosé, certaines n'ont
16 pas explosé. Ils ont employé tout ce qu'ils avaient, tous les moyens dont
17 ils disposaient, et ils ont fait en sorte de provoquer le conflit. C'est
18 d'ailleurs pour cette raison que l'unité de la JNA qui avait été préparée
19 pour la confrontation était bien équipée, donc finalement bien préparée
20 pour réagir à ce qui est arrivé.
21 Q. En ce qui concerne les bâtiments habités par les civils à Skabrnja,
22 pourriez-vous nous dire où se trouvaient les positions de combat des
23 Croates par rapport à la zone habitée ?
24 R. Leurs positions se trouvaient tout autour du village de Skabrnja. Ils
25 occupaient évidemment les endroits géographiques les mieux adaptés. Ils
26 avaient choisi certains bâtiments qui avaient été préparés par leurs
27 ingénieurs de génie pour être fortifiés et pour assurer une bonne défense.
28 Pour ce qui est de la grande route qu'a suivie l'unité de JNA quand elle
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1 est arrivée à Skabrnja, le camp croate avait bien préparé toutes leurs
2 armes antiblindés le long de cette route. Mais nos forces étaient bien
3 préparées, et c'est pour cela que l'unité de la JNA a réussi à entrer quand
4 même dans Skabrnja. Le côté croate avait positionné son infanterie à côté
5 des maisons qui se trouvaient à la fois à gauche et à droite de la route.
6 Q. Merci. Vous nous dites que certaines maisons avaient été préparées par
7 leurs ingénieurs du génie et que les routes aussi avaient été préparées
8 pour le combat. Pourriez-vous nous dire exactement ce que cela signifie ?
9 R. Toutes les routes, tous les fossés qui étaient le long des routes qui
10 amenaient aux villages avaient été minées. Pour ce qui est des maisons, ils
11 avaient fait des fortifications à l'aide de terre, ils avaient fait des
12 fortins en terre. Enfin, tout ce qu'ils avaient sous la main avait été
13 utilisé afin de fortifier les maisons qu'ils utilisaient comme bases de
14 combat.
15 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire qui a tiré, je me réfère de chaque côté
16 des camps qui avaient été impliqués dans l'action à Skabrnja ?
17 R. Leurs unités étaient préparées au combat et elles ont commencé à tirer.
18 Par la suite, nous avons analysé l'opération et nous nous sommes rendu
19 compte qu'il y avait même une femme qui avait tiré sur l'un de nos soldats.
20 C'était un soldat de la JNA qui avait remarqué cela. D'ailleurs, après, on
21 a pu voir la chemise de ce soldat qui était pleine de chevrotines, pleines
22 de balles, plutôt, d'ailleurs. Elle avait un fusil de chasse, un canon
23 scié. On a pu voir l'impact de la chevrotine sur la chemise du soldat. Bien
24 sûr, ce sont d'abord les membres de l'armée croate qui ont tiré sur l'unité
25 de la JNA. Les tirs les plus animés, les plus violents venaient des maisons
26 qui avaient été fortifiées ainsi que des positions fortifiées le long de la
27 route.
28 Q. Vous dites que vous y étiez le 18 novembre 1991 au soir. C'est à ce
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1 moment-là que vous êtes rentré à Skabrnja. Vous y êtes-vous rendu ensuite ?
2 R. Non, je n'y suis allé que ce soir-là. Le but d'ailleurs de ma visite
3 était de savoir s'il y avait encore des civils parce que les membres de la
4 Défense territoriale s'occupaient principalement de l'évacuation des
5 civils. Je voulais savoir comment héberger toutes ces personnes et comment
6 pouvoir m'occuper d'elles.
7 Q. Ce jour-là, le 18 novembre 1991, quand vous êtes rentré dans Skabrnja
8 au soir, vous nous avez dit qu'à la tombée de la nuit, toutes les activités
9 de combat s'étaient arrêtées. Avez-vous pu voir les dégâts qui avaient été
10 occasionnés aux bâtiments ? Pouvez-vous nous dire quelles étaient les
11 conséquences des combats sur le village même ?
12 R. Les maisons étaient encore debout. Elles étaient d'ailleurs intactes.
13 Les maisons qui, elles avaient été fortifiées et qui avaient servi de
14 positions de combat, étaient quand même plus ou moins endommagées.
15 Q. La population civile de Skabrnja qui a été évacuée a été hébergée dans
16 une maternelle --
17 L'INTERPRÈTE : Maternelle dont le nom n'a pas été saisi par l'interprète.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, j'en suis
19 désolé, mais pourquoi êtes-vous en train de témoigner à la place du
20 témoin ? Pourquoi êtes-vous en train de déposer à sa place ? Pourquoi vous
21 ne demandez pas plutôt où ces personnes ont été hébergées ? Il suffit de
22 lui poser la question.
23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Le témoin a abordé cela hier, et je ne
24 voulais pas lui poser la même question deux fois.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors pourquoi y revenir, puisqu'il
26 l'a déjà abordé hier ? Vous n'avez qu'à lui poser votre question suivante.
27 Pourquoi voulez-vous aller à la maternelle ? Il suffirait de lui dire :
28 Vous avez dit hier que les civils ont été hébergés dans une maternelle.
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1 Ensuite, vous posez votre question. Parce que la façon dont vous posez la
2 question nous paraît extrêmement directive. Enfin, allez-y, j'accepte votre
3 explication.
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais reformuler ma question.
5 Q. Je voulais savoir quelle était la composition en termes d'âge et de
6 sexe de la population évacuée qui a été hébergée.
7 R. Il s'agissait principalement de femmes, d'enfants et de quelques
8 personnes âgées, à peu près 50 % de personnes âgées. C'est pour cela que
9 nous avons utilisé ce bâtiment, cette maternelle, parce que les enfants
10 ainsi ont pu se détendre un peu. Ils étaient extrêmement choqués.
11 Q. Après ces activités de combat à Nadin et à Skabrnja, savez-vous si les
12 populations civiles sont restées ensuite dans ces endroits ?
13 R. Le jour suivant, le 19, dès le 19 d'ailleurs, avec l'assistance de la
14 protection civile et des membres de la JNA ainsi que de membres de la TO
15 qui avaient aidé à l'évacuation et qui étaient encore là, toutes ces
16 personnes ont été voir s'il restait encore des civils et elles n'en ont
17 trouvé aucun. A partir du 19 novembre 1991, après le 19 novembre 1991,
18 après ce qui s'était passé dans le village, tous les bâtiments ont été
19 inspectés de Nadin jusqu'à Skabrnja. A Nadin, on a retrouvé environ dix
20 personnes âgées qui ont été assistées dans les jours suivants par les
21 équipes médicales du dispensaire de Benkovac par le corps de santé
22 militaire, ainsi que par les intendants de mon unité qui les ont
23 approvisionnées.
24 Q. Merci.
25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] La Défense en a terminé avec son
26 interrogatoire principal.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic.
28 Monsieur Black, c'est à vous.
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1 Contre-interrogatoire par M. Black :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Lakic, je m'appelle M. Black.
3 Je suis du bureau du Procureur et je vais maintenant vous poser des
4 questions.
5 Monsieur, hier, on vous a demandé si vous avez vu des victimes
6 lorsque vous êtes entré dans Skabrnja le 18 novembre 1991, vers 17 heures.
7 Votre réponse a été que vous aviez trouvé quelques combattants morts. Dois-
8 je en déduire que vous n'avez vu aucun civil mort à ce moment-là ?
9 R. Monsieur le Procureur, je suis entré dans Skabrnja à bord d'un
10 véhicule blindé de combat qui était conduit par des membres de la JNA. Je
11 ne voyais pas grand-chose parce que dans ce type de véhicule, on n'a pas
12 énormément de champ de vision. Quand je suis arrivé au centre de Skabrnja,
13 j'ai remarqué qu'il y avait deux ou trois cadavres. C'étaient des soldats.
14 J'ai bien vu cela parce qu'ils avaient un baudrier. Ils avaient d'ailleurs
15 des insignes qui montraient à quelles unités ils appartenaient. Je n'ai pas
16 vu le moindre civil.
17 Q. Vous vous étiez quand même rendu dans Skabrnja dans le but
18 principal de voir s'il y avait encore des civils, vous cherchiez des
19 civils ?
20 R. Je commandais la TO. Je n'étais pas là pour chercher qui que ce
21 soit. Il y avait des soldats, il y avait des soldats de la JNA qui étaient
22 déployés tout le long de la zone d'attaque, et ce sont eux qui ont contacté
23 les civils et qui les ont emmenés vers le centre. Je n'ai pas fait du porte
24 à porte. D'abord, j'en étais physiquement incapable parce qu'il y avait des
25 soldats partout, puis ce n'était pas du tout mon travail. C'étaient les
26 soldats qui ont guidé les civils vers la grande route où ils ont été reçus
27 et évacués. C'est pour cela que j'ai demandé s'il y avait des civils. Notre
28 tâche était de les évacuer une fois qu'ils auraient été rassemblés, mais je
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1 n'ai vu personne.
2 Q. Vous nous avez dit il y a environ dix minutes : "Mon but unique quand
3 je me suis rendu à Skabrnja était de savoir s'il y avait des civils, s'il
4 restait des civils parce que les membres de la Défense territoriale
5 s'occupaient de l'évacuation des civils et ne s'occupaient que de cela."
6 Voulez-vous changer votre réponse ? Voulez-vous me la clarifier,
7 votre réponse selon laquelle votre seule mission était de vous occuper des
8 civils et de savoir s'il restait encore des civils ?
9 R. La seule tâche qui m'incombait en tant que membre de la TO était de
10 m'occuper de tout civil qui aurait été laissé sur place après les combats.
11 Je n'avais pas d'autre mandat. Je devais m'assurer que personne n'allait
12 être blessé, que personne n'allait sauter sur une mine, et cetera, car tout
13 peut arriver pendant les combats. J'étais là pour aider les civils et pour
14 m'occuper d'eux. J'y suis resté peut-être 15 minutes. J'ai fait monter deux
15 civils, deux hommes à bord du blindé de combat, pour les évacuer de
16 Skabrnja.
17 Q. Votre grande contribution à cet effort d'évacuation des civils est une
18 présence de 15 minutes dans la ville ? Cela se résume à cela ? C'est bien
19 ce que vous êtes en train de nous dire ?
20 R. Ecoutez, je n'ai jamais dit que ma contribution était une contribution
21 immense. J'aurais préféré ne jamais participer, d'ailleurs, à cette
22 tragédie. Cela dit, j'étais là avec un certain nombre de personnes qui
23 avaient été engagées par moi-même dans ce but-là. Ce n'était pas une
24 expérience mémorable, de toute façon.
25 Q. Très bien. On va essayer de rendre les choses un petit peu plus
26 concrètes.
27 M. BLACK : [interprétation] Peut-être il faudrait pouvoir afficher la pièce
28 270 à l'écran, s'il vous plaît. Il faudrait afficher la troisième page, qui
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1 porte le numéro 7831. C'est la fin du numéro d'identification qui se trouve
2 en haut de la page. Nous allons voir principalement des photographies, donc
3 il n'y a pas vraiment besoin de traduction en anglais.
4 Q. Monsieur Lakic, comme vous voyez à l'écran, il s'agit de documents qui
5 ont été collectés par la police de Benkovac le 21 novembre 1991. Vous
6 voyez ?
7 R. Oui.
8 M. BLACK : [interprétation] Si nous pouvions afficher directement la page
9 se terminant par 7835, et les photographies qui nous intéressent sont les
10 photographies F2 et F2A. Voici la photographie F2.
11 Q. Monsieur, avez-vous vu ces personnes ?
12 M. BLACK : [interprétation] Voici F2 et l'autre, F2A.
13 Q. Monsieur Lakic, avez-vous vu ces personnes lorsque vous étiez en train
14 de circuler au travers de Skabrnja le 18 ?
15 R. Non, je ne m'en souviens pas. Les personnes que j'ai vues étaient
16 étendues sur la terre, alors qu'ici on est dans une cour. Je ne suis pas
17 entré dans les cours. Je me déplaçais le long de la grande route à bord
18 d'un véhicule de combat.
19 Q. D'après des témoins oculaires, ces personnes ont été sorties par la
20 force de leurs caves où elles se cachaient avec des personnes âgées et des
21 enfants, et des combattants serbes leur ont tiré dans la tête. Vous avez
22 entendu parler de cela ?
23 R. Non. Non, je n'ai assisté à aucun de ces incidents. Je n'ai vu aucun de
24 ces incidents.
25 Q. D'accord.
26 M. BLACK : [interprétation] Si nous pouvions --
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je me base sur les éléments qui ont été
28 utilisés dans le procès à Zadar, je dirais que j'en ai entendu parler, et
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1 nous avons reçu des informations non officielles de l'unité de la JNA à
2 Benkovac. Il me semble que c'est le chef de la police, Ernest Radjen, qui a
3 présenté ce document qui, dans sa forme préliminaire, évoquait déjà ce type
4 de crimes commis contre des civils. Ensuite, j'ai pu lire certaines choses
5 suite au procès à Zadar.
6 M. BLACK : [interprétation]
7 Q. Oui, mais avant le procès de Zadar, vous n'avez absolument rien su de
8 civils ayant été tués ? C'est ce que vous nous dites, n'est-ce pas ?
9 R. Oui -- non. En fait, ce n'est pas cela. Je savais qu'il y avait des
10 morts civiles, mais je ne savais absolument pas comment ces civils avaient
11 été tués. Je n'avais pas de source qui m'aurait appris cela.
12 Q. Avant le procès de Zadar, vous avez quand même entendu parler de civils
13 qui avaient été tués à Skabrnja ? Pouvez-vous nous dire exactement ce que
14 vous saviez à ce propos ?
15 R. Après que le commandant de la brigade de la JNA ait analysé les
16 événements, j'ai su que certains civils avaient été tués suite à des
17 pilonnages des maisons, les maisons d'où tiraient les forces croates. Les
18 forces croates tiraient depuis ces maisons, ensuite en représailles, ces
19 maisons ont été pilonnées, et en dommage collatéral, donc des civils ont
20 été tués. C'est tout ce dont j'ai entendu parler.
21 Q. Oui. Mis à part ces dommages collatéraux, ces civils qui ont été tués
22 par des éclats de pilonnage, des éclats d'obus suite à des pilonnages, vous
23 n'avez entendu parler d'aucune autre victime civile à Skabrnja ? C'est bien
24 ce que vous nous dites ? Vous n'avez entendu parler de cela que beaucoup
25 plus tard ?
26 R. Non. Oui. Oui, je sais. Je savais, si vous me permettez.
27 Q. Mais allez-y. Si vous avez eu connaissance de toute autre victime
28 civile avant le procès de Zadar, dites-nous ce que vous saviez.
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1 R. Je me souviens d'avoir entendu parler d'un cadavre qui a été découvert
2 plusieurs mois après l'opération, qui a été retrouvé au sud de Skabrnja
3 dans un champ. L'enquête qui a eu lieu avec l'aide de la police a conclu
4 que c'était un civil, une personne assez jeune. Il y avait certains effets
5 avec lui. Normalement, les personnes qui avaient été tuées étaient plutôt
6 d'âge moyen, voire carrément âgées.
7 Q. Très bien. Merci de cette explication. Avez-vous eu d'autres
8 informations ou y a-t-il encore des informations que vous avez à propos des
9 civils qui auraient trouvé la mort à Skabrnja lors de l'incident ?
10 R. Non, rien de plus, je vous ai absolument tout dit. Je ne savais
11 absolument rien de plus.
12 M. BLACK : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher une autre
13 photo qui vient du même document, dont la cote se termine par 7837 ? Nous
14 pourrions le regarder rapidement. Il s'agit des photographies F3A et F3B.
15 Q. Vous nous dites avoir parcouru la route à bord d'une voiture, d'un
16 blindé, et avoir vu certaines personnes, certains cadavres. S'agit-il de
17 ceci ?
18 R. Non, je ne peux pas le confirmer. Les corps que j'ai vus n'étaient pas
19 rassemblés, ils étaient plutôt éparpillés. Je n'ai jamais vu cette photo.
20 Je ne peux rien vous en dire. Les corps que j'ai vus étaient séparés d'au
21 moins 100 mètres.
22 Q. Bien. Pourtant, le corps de cette femme a été écrasé par un char qui
23 est passé le long de la route, et visiblement, vu comment elle est vêtue,
24 c'est une civile. Vous pouvez être d'accord avec moi, n'est-ce pas, pour
25 dire que c'est une civile, au moins celle-là ?
26 R. Ecoutez, j'étais à bord d'un blindé de combat. J'étais à l'intérieur de
27 ce blindé de combat; les ouvertures vitrées sont extrêmement réduites dans
28 un blindé de combat, on ne pourrait même pas passer un paquet de
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1 cigarettes, donc je n'ai rien vu.
2 Q. Ce que je voulais expliquer, quand je vous posais des questions, si
3 vous ne savez rien, il vous suffit de dire que vous ne le savez pas.
4 M. BLACK : [interprétation] Je pense que nous avons terminé avec ce
5 document. Maintenant, pourrions-nous afficher le document 272, s'il vous
6 plaît, sur l'écran ? Je vous prie de nous afficher la deuxième -- la
7 troisième page. Il s'agit des chiffres 7800, par lesquels ces pages se
8 terminent.
9 Q. Monsieur Lakic, voici les photos prises à Skabrnja. Avez-vous vu ou
10 observé de telles destructions en date du 18 novembre 1991, lors de votre
11 entrée dans ce village ? Vous nous avez expliqué qu'il était difficile de
12 voir, de regarder et voir et observer à partir du véhicule blindé dans
13 lequel vous étiez. Est-ce que vous avez vu des scènes pareilles ?
14 R. Quelque chose de pareil n'a jamais été fait à Skabrnja à cette date-là.
15 Il n'y a pas eu de bâtiments ainsi dévastés ou rasés. Avant de parler
16 évidemment des destructions causées par des activités de combat en 1993,
17 jamais de telles scènes n'ont pu être observées. En 1993, il s'agissait
18 évidemment de l'activité menée lancée par l'armée croate.
19 Q. Monsieur, vous ne vous êtes même pas trouvé à Skabrnja et Nadin en date
20 du 19 novembre. Par conséquent, vous n'êtes pas en mesure de nous dire ce
21 qui s'était passé là-bas.
22 R. Le 19 novembre, je ne me trouvais pas à Skabrnja ni à Nadin. J'étais
23 dans le secteur de Biljana et dans les autres villages environnants de la
24 municipalité de Benkovac. Ce que j'ai vu, je l'ai vu et je vous en ai
25 parlé.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux me joindre à ce
27 débat ? Est-ce que vous étiez à Skabrnja en 1993 et avez-vous vu les
28 dévastations causées en 1993 ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais à Skabrnja en 1992 aussi.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non. Ecoutez ma question. Vous
3 venez de dire à l'attention du Procureur, qu'en 1991, il n'y pas eu de
4 telles dévastations ou de destructions et que ceci n'a pu être causé qu'en
5 1993. Ma question est très simple. Etiez-vous là-bas en 1993 lorsque de
6 telles dévastations ont été causées ? Est-ce que vous avez pu observer,
7 est-ce que vous avez pu être témoin de telles dévastations en 1993 ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993, j'ai pu voir les conséquences des
9 bombardements de 1993.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez ma question, plutôt. D'après
11 vous, est-ce que ceci a été fait en 1993 ? Est-ce que vous témoignez pour
12 dire que vous l'avez vu se produire ainsi en 1993 ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ma conviction à moi, ceci n'a pu être
14 causé qu'en 1993, en janvier 1993, après ces activités de combat.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je vous rappeler, chose que j'ai
16 faite au début de l'audience d'aujourd'hui, que vous avez fait une
17 déclaration solennelle en disant que vous alliez dire la vérité, toute la
18 vérité et rien que la vérité. Ne nous parlez pas maintenant de vos
19 convictions. Dites-nous ce que vous savez comme étant un fait. Nous ne
20 sommes pas intéressés à vos convictions, à moins qu'on vous demande de le
21 faire et de nous le dire. Je vous remercie beaucoup pour cela. Si vous ne
22 savez pas quand tout cela s'était produit, ne tentez pas de nous dire en
23 quelle date ceci aurait pu être fait, et cetera. Dites-nous simplement : Je
24 ne sais pas, et c'est tout. La question qui vous a été posée était de
25 savoir si vous acceptez ou si vous réfutez le fait que ceci a été causé en
26 1991. Si vous réfutez, vous réfutez, vous le niez. Si vous l'admettez, vous
27 l'admettez. Si vous ne le savez pas, vous ne le savez pas, et je vous
28 remercie.
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1 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Black.
2 M. BLACK : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
3 Q. Monsieur le Témoin, essayons de tirer les choses au clair. Est-ce que
4 vous voulez dire par là que vous ne savez pas -- avoir pu voir de telles
5 destructions ou dévastations ou que vous ne savez quand c'était, ou est-ce
6 que c'était fait un peu plus tard ? Est-ce que je vous ai bien compris ?
7 R. Oui, vous m'avez très bien compris.
8 Q. Bien. Or, d'après vous, ce serait la partie croate qui, en 1993, a rasé
9 Skabrnja, et non pas la partie serbe. Est-ce qu'il s'agit de cela ? C'est
10 cela votre hypothèse ?
11 R. Non, je ne l'ai pas dit dans ces termes-là. Je ne le pensais pas de
12 cette façon-là.
13 Q. Bien. Lorsque vous dites que probablement les dévastations ont été
14 causées en 1993 par la partie croate, et vous nous avez dit que c'était en
15 ce moment-là, lorsque le secteur a été attaqué par la partie croate, vous
16 ne voulez pas faire de conjectures. Vous n'essayez pas de faire des
17 hypothèses pour savoir quelle était la partie qui a détruit ce village ?
18 R. Non.
19 Q. Fort bien.
20 M. BLACK : [interprétation] Nous en avons terminé avec ce document.
21 Q. Maintenant, essayons de nous concentrer moins sur les destructions,
22 parce que vous n'en savez pas grand-chose à ce moment-là. Essayons de nous
23 concentrer sur les victimes parmi les civils. Hier et aujourd'hui, vous
24 témoignez pour dire que vous avez essayé de protéger les civils de
25 Skabrnja. Est-ce que vous voulez dire qu'il était dans vos intentions de le
26 faire ? Si oui, de toute évidence, vous n'y avez pas réussi ?
27 R. Ceci n'était pas dans mes intentions. Il s'agissait d'un ordre que
28 j'avais reçu et il s'agissait d'une intention aussi. Les deux étant émis
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1 par le commandement supérieur qui était le mien pour prendre en charge la
2 population civile. Lorsque des unités de la JNA sont passées à travers le
3 village de Skabrnja, il a fallu évacuer toute la population civile. Ce sont
4 les unités sanitaires et autres de notre côté qui ont pris en charge cette
5 population civile. Je crois qu'en cela, j'ai parfaitement réussi.
6 Q. Bien. Vous êtes un officier, un militaire expérimenté, n'est-ce pas,
7 aguerri ? Vous savez que par exemple, si vos officiers, si vos militaires
8 qui se trouvent sous vos ordres ont tué des civils et que vous le saviez,
9 et si vous n'avez pas pu prévenir tout cela, vous n'avez pas pu punir les
10 auteurs de tels crimes, et cetera, vous pouvez être puni pour tout cela,
11 n'est-ce pas, sur la base de l'instruction qui vous a été donnée ?
12 R. Militairement parlant, j'ai été qualifié et habilité pour me charger
13 des affaires en matière de Défense territoriale. Si tel n'était pas le cas,
14 je n'aurais pas pu être à un poste qui supposait le commandement sur des
15 milliers de gens. Pendant ce temps-là, jamais des unités, moi non plus, qui
16 se trouvaient sous mon commandement, nous ne nous trouvions dans des
17 activités de combat à ce moment-là.
18 Q. Ma question était un petit peu différente. Ma question porte sur ce que
19 vous saviez sur la base de l'instruction militaire qui vous a été
20 dispensée. Autrement dit, cette question porte aussi sur ce que vous savez
21 à ce moment-ci. Vous dites que vous ne saviez pas ce qui s'était passé par
22 là, mais on continuera d'en parler. Si par exemple des soldats qui se
23 trouvaient sous votre commandement ont commis des crimes, et si vous le
24 saviez et si vous n'avez rien fait pour les prévenir et pour les punir,
25 vous saviez que vous avez dû en être responsable, n'est-ce pas ?
26 R. J'ai été conscient de la responsabilité qui était la mienne dans toute
27 situation possible en guerre. J'en suis conscient, mais je vous affirme que
28 mes soldats n'y ont pas pris part. J'ai des documents à l'appui. Pour ce
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1 qui est de l'évacuation à Skabrnja, la seule mission que j'avais à
2 accomplir, je l'ai bien accomplie.
3 Q. Monsieur, je comprends cela. A ce moment-ci, je ne pose pas de question
4 là-dessus.
5 M. BLACK : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur, s'il vous plaît, écoutez les
7 questions qu'on vous pose et répondez-y directement. On ne vous demande pas
8 de nous raconter ce que vous avez fait tel ou tel jour et ce que vous avez
9 fait à Skabrnja. On vous demande ce que vous en savez en tant que militaire
10 formé. Est-ce que vous comprenez la différence ? N'essayez pas d'anticiper
11 sur la question. On vous pose une question sur une chose simple. Dites ce
12 que vous en savez. Lorsqu'on vous dit que vous êtes un militaire formé,
13 instruit, et cetera -- Maître Milovancevic.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas que
15 je voulais soulever une objection, parce que je considérais que mon
16 confrère de l'Accusation est habilité à poser de telles questions. Cette
17 question n'est qu'hypothétique. Le témoin a dit qu'il n'a pas pris part aux
18 opérations de combat, alors qu'à deux reprises, on lui pose la question de
19 savoir : si vos soldats ont commis des crimes, savez-vous que vous en êtes
20 responsable ? Le témoin, à deux reprises, répond à la question, et je
21 considère cela comme étant une pression exercée contre le témoin. Qu'est-ce
22 que cela veut dire ? Cela veut dire intimider le témoin. C'est un homme
23 bien formé en tant qu'officier. Lui est censé savoir, dit-il, quels sont
24 ses droits et responsabilités, mais lui répond catégoriquement que ses
25 hommes à lui n'ont pas pris part aux activités de combat.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette objection est rejetée.
27 Monsieur le Témoin, je vous ai posé une question. Autrement dit, je vous ai
28 dit que le Procureur est en train de poser une question sur ce que vous
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1 saviez, vous, en tant que militaire bien formé. La question est la
2 suivante, très simple : vous, en tant que militaire, un officier, que
3 saviez-vous si par exemple votre unité a commis des crimes et si vous en
4 avez eu écho et vent, si vous ne les avez pas prévenus, ces militaires, ces
5 unités qui ont commis des crimes, si vous ne les avez pas punis non plus,
6 alors vous devez être responsable de tout cela. Votre réponse doit être :
7 Je le sais ou je ne le sais pas, ou comment. C'est cela, votre question.
8 Quelle est votre réponse ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis fait embaucher par la Défense
10 territoriale cinq années avant les hostilités --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] S'il vous plaît, vous ne répondez pas
12 à ma question. Je ne veux pas savoir à quel moment vous avez commencé à
13 travailler, je voulais savoir si vous le savez ou pas en tant que
14 militaire.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais ce que représente ce qui constitue la
16 responsabilité d'un officier en temps de guerre.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, je ne vous pose pas une question
18 sur les responsabilités qui incombent à un officier en temps de guerre. Je
19 vous pose une question sur un type de responsabilité très concret. Savez-
20 vous que ce type de responsabilité, ce dont je parle, à savoir que vous
21 pouvez être considéré comme responsable des crimes commis par votre unité
22 si vous en avez eu connaissance et si vous n'aviez pas eu la possibilité de
23 les prévenir de commettre ces crimes ou de les punir. Le savez-vous ou
24 pas ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que je suis responsable de tout ce qui
26 a été fait par mon unité.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous pose pas de question sur
28 tout ce qu'elle fait, votre unité. Ecoutez ma question, cette question est
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1 simple et très directe. Je ne vous demande pas de me dire tout le reste, à
2 ce que je demande, votre réponse doit être oui ou non. Si vous ne voulez
3 pas répondre, dites que vous ne voulez pas répondre.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai tout cela à l'esprit, Monsieur le
5 Président. Voulez-vous reprendre votre question pour me dire très
6 exactement ce qu'il faut que je dise, à quelle question je dois répondre.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous ai posé une question, chose
8 que je vais répéter une dernière fois. Vous, en tant que militaire, savez-
9 vous qu'au cas où des membres de votre unité avaient ou auraient perpétré
10 des crimes et que vous l'aviez appris, en ce cas-là, si vous n'avez pas pu
11 les prévenir de commettre ces crimes ou de les punir, vous pouvez être
12 responsable de ces crimes ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le savais, je savais que je devais être
14 responsable.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Merci beaucoup. Pourquoi
16 fallait-il attendre un quart d'heure pour avoir votre réponse à cette
17 question ?
18 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Monsieur Lakic, nous allons changer de sujet maintenant. Hier, lors de
20 votre témoignage, vous avez dit qu'il y avait dans la Défense territoriale
21 de Benkovac des membres qui étaient d'appartenance ethnique croate et
22 serbe. Nous le trouvons dans le compte rendu d'audience dans les pages 46,
23 47. A quelle période de temps faites-vous référence lorsque la TO de
24 Benkovac avait des Croates et Serbes dans ses effectifs ?
25 R. La TO en avait en temps de paix et en temps de guerre. En temps de paix
26 --
27 Q. Monsieur, excusez-moi de vous interrompre. Lorsque vous dites ainsi,
28 jusqu'à quelle date ? Quelle en était la date charnière ou est-ce que vous
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1 voulez dire que tout le long de l'année 1991, c'était le cas et la
2 situation ?
3 R. Il y avait peut-être dans un pourcentage moindre des Croates en temps
4 de guerre et au moment du démantèlement de la TO en novembre 1991, mais il
5 y avait des Croates parmi les officiers chefs et officiers et soldats.
6 Q. Vous dites, Monsieur, que même en novembre 1991, autrement dit, au
7 temps de cette attaque lancée contre Skabrnja --
8 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Le témoin a dit "1992" ou, au moins,
9 avons-nous entendu une interprétation dans ce sens-là.
10 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, je crois que cela est
11 exact. Lui, il parlait de l'ensemble de cette période.
12 Q. Monsieur Lakic, pour être plus concret, en novembre 1991, pour ne pas
13 qu'il y ait de confusion, est-ce que vous voulez dire qu'à cette époque-là,
14 il y avait des Croates dans la TO de Benkovac ?
15 R. Oui.
16 M. BLACK : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche maintenant la
17 pièce à conviction numéro 30.
18 Q. Monsieur, suivez-moi. Penchez-vous sur ce document, et vous allez voir
19 qu'il s'agit d'un rapport sur l'activité du QG de la Défense territoriale
20 de Benkovac. D'ailleurs, ce document est émis par la Défense territoriale.
21 M. BLACK : [interprétation] Reportez-vous à la dernière page du document,
22 s'il vous plaît. En fait, essayons de voir en bas de page, la fin du texte.
23 Q. Il s'agit de votre signature qui est apposée ?
24 R. Oui.
25 Q. Bien.
26 M. BLACK : [interprétation] Revenons maintenant à la première page.
27 Q. Vous allez voir que ce document signé par vous constitue un rapport
28 d'activité du QG de la Défense territoriale de Benkovac daté du 25 novembre
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1 1991.
2 M. BLACK : [interprétation] Donnez-nous s'il vous plaît en agrandissement
3 le premier paragraphe de ce texte.
4 Q. Si vous me suivez, Monsieur, on dit : "En vertu d'une décision prise
5 par le gouvernement du SAO de Krajina du 15 juillet 1991, le QG de la TO de
6 la municipalité de Benkovac a entamé l'armement et l'organisation des
7 unités de TO, et cela, pour plusieurs raisons. Les toutes premières unités
8 de la TO ont été complétées par des Croates." D'autres raisons sont de
9 nature purement militaire.
10 Cela veut dire que vous ne vouliez pas voir dans les unités de la TO de
11 Benkovac des Croates après juillet 1991 ? C'est ce que nous lisons dans ce
12 paragraphe du rapport.
13 R. Je ne le voulais pas comme cela. Je voulais avoir des Croates, mais la
14 majeure partie des Croates avait quitté la municipalité de Benkovac. Je
15 peux les nommer, ces gens-là qui faisaient partie des unités de la TO de
16 Benkovac, et ils étaient des Croates. Il y avait parmi eux des officiers.
17 Q. Monsieur, s'il vous plaît, si vous voulez nous dire les noms des
18 officiers qui étaient d'appartenance ethnique croate et pour dire qu'ils
19 étaient au QG de la TO de Benkovac en novembre 1991, j'aimerais bien, je
20 serais heureux de l'entendre, mais s'il vous plaît, ne nous parlez pas de
21 SVK ni d'autres formations à cette époque-là. Poursuivez, s'il vous plaît.
22 Citez-nous quelques noms de ces gens-là.
23 R. Voilà. Par exemple, dans les unités de l'armée serbe, il y avait, parmi
24 les officiers chefs, Darko Miljatovic --
25 Q. Monsieur, je vais vous interrompre ici. Je suis concentré sur la
26 Défense territoriale de Benkovac, et je ne parle pas de l'armée serbe ni de
27 quoi que ce soit d'autre. Je ne parle que de la TO de Benkovac. Y a-t-il eu
28 un seul officier de nationalité croate en novembre 1991 à la TO de
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1 Benkovac ?
2 R. Voilà, je vous ai dit, le capitaine Miljatovic Darko, il était chef de
3 l'unité antisabotage auprès de la TO et il faisait partie de mes effectifs.
4 Q. Bien. Vous dites que telle était la situation en novembre 1991, pour
5 tirer les choses au clair ?
6 R. Oui.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Juste à titre de clarification, s'il
8 vous plaît, pour une seconde.
9 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Lorsqu'on a fait mention de l'armée
11 serbe, ligne 14, page 21, s'agit-il de la même chose que la TO ?
12 M. BLACK : [interprétation] C'était la raison pour laquelle j'ai arrêté et
13 interrompu le témoin. Je crois que dans les lignes 19 et 20, il a pu
14 expliquer que cette personne se trouvait dans la TO.
15 Q. Monsieur, lorsque vous avez dit que M. Mijatovic était représentant et
16 membre de l'armée serbe, est-ce que vous avez voulu dire que l'armée serbe
17 égalait TO de Benkovac ? Est-ce que c'est la même chose ?
18 R. Oui. Oui, tout à fait la même chose, parce que plus tard, tous les
19 combattants n'étaient autre chose et n'étaient autres que représentants et
20 membres de la TO, celle-ci étant démantelée.
21 Q. Bien. Tant que nous avons le document affiché sur l'écran, reportez-
22 vous s'il vous plaît sur le second paragraphe.
23 M. BLACK : [interprétation] Page 2 en version anglaise.
24 Q. C'est le texte qui précède ce qui a été souligné. Il est dit : "La
25 reforme permanente en matière d'armement et de multiplication des unités en
26 matière de développement du système de commandement et de contrôle, nous
27 avons rendu nos unités habilitées en matière de combat défensif et
28 offensif." N'est-ce pas, Monsieur, que ces unités ont été employées, les
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1 unités de la TO, tant dans des combats défensifs qu'offensifs en 1991 ?
2 R. Je n'ai pas parlé d'unités en des termes précis, mais j'ai dit que les
3 unités de la TO de la municipalité de Benkovac étaient employées uniquement
4 en matière de sécurisation. Elles étaient défensives. Mais pour ce qui est
5 des unités qui devaient combattre les saboteurs et organiser la lutte
6 antisabotage, ces unités étaient à la fois défensives et offensives.
7 C'était comme cela.
8 Q. Très bien. Vous venez de faire une distinction entre unités. Je me suis
9 concentré sur les unités qui étaient à la fois offensives et défensives. Il
10 s'agissait d'unités qui appartenaient à la Défense territoriale de
11 Benkovac, n'est-ce pas ? La TO de Benkovac avait des unités qui étaient
12 affectées à des activités de combat défensif et offensif, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, définitivement, d'après ce qui a été organiquement fait dans la
14 République de Croatie. C'est au terme de cette loi que j'ai pu agir.
15 Q. Bien.
16 M. BLACK : [interprétation] Passons maintenant à la page suivante, version
17 B/C/S. Il s'agit du bas de page en version anglaise. Je crois qu'il faut
18 faire défiler pour lui faire voir le paragraphe qui commence par : "Début
19 novembre…"
20 Q. Voulez-vous, s'il vous plaît, donner lecture de ces quelques lignes-
21 là ? "Début novembre, le QG de la TO de la SAO Krajina a donné l'ordre
22 portant formation d'une brigade de la Défense territoriale, moyennant les
23 effectifs de la Défense territoriale et les ressources qui lui
24 appartenaient à la municipalité de Benkovac. Jusqu'au 5 novembre 1991, ces
25 unités ont été complétées par des gens qui étaient formés, et le
26 complètement en effectifs et équipement et matériel de guerre, cette unité
27 a été habilitée à s'acquitter de toute tâche qui lui aurait été ordonnée
28 par le gouvernement de SAO Krajina et le 9e Corps."
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1 Est-ce que, pour tirer au clair, jusqu'au 5 novembre 1991, la TO a
2 été complètement complétée et bien équipée pour s'acquitter de toutes les
3 tâches qui lui incombaient ?
4 R. Oui, la TO a été bien organisée pour agir en temps de guerre et
5 en temps de paix. Cela est exact.
6 Q. Merci. Ensuite, le paragraphe suivant, où l'on lit : "Afin de
7 créer" --
8 M. BLACK : [interprétation] C'est la page 9 en anglais -- enfin, la
9 page 3 en anglais.
10 Q. "Créer l'organisation militaire et les systèmes de la défense
11 placés sous la compétence de ce QG, en coopération constante avec les
12 autres éléments de la Défense populaire généralisée, les commandements de
13 la JNA, les postes de sécurité publique de Benkovac et autres facteurs de
14 la communauté sociopolitique."
15 C'est aussi exact, n'est-ce pas, que cette coopération avec la police
16 était constante ?
17 R. Cette coopération relevait des lois, exclusivement des lois. Elle
18 a été fondée sur ce principe-là et elle a été mise en œuvre sur ce
19 principe-là.
20 Q. Ensuite, le paragraphe suivant, donc toujours la même page en B/C/S où
21 l'on peut lire, c'est de nouveau un document que vous avez signé 1991, on
22 peut lire : "La présence considérable des crimes à tout niveau et le
23 manquement à les empêcher a un effet également négatif sur le moral des
24 troupes." Ensuite, une autre phrase concernant la situation politique et à
25 la fin du paragraphe, on peut lire : "Parce que le système juridique ne
26 fonctionne pas, on peut craindre les -- ainsi que la création de nombreux
27 partis politiques et des formations paramilitaires privés."
28 Au mois de novembre 1991, vous êtes parfaitement conscient de la présence
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1 du crime à tous les niveaux, de l'impossibilité de les empêcher, ceci dans
2 le cadre du travail de la Défense territoriale ?
3 R. La Défense territoriale n'était pas en mesure de combattre la
4 criminalité, cela étant dit, elle aidait à combattre la criminalité avec
5 ses armes, et cetera. Vous savez, dans chaque guerre vous avez des gens
6 motivés par les bonnes intentions entre guillemets, et qui finalement
7 finissent par avoir des activités criminelles. Evidemment, que nous aidions
8 l'armée de la SAO Krajina puisse qu'elle n'avait pas suffisamment de force
9 pour combattre la criminalité. Je dois vous dire qu'il y en avait tellement
10 au jour le jour que la police ne pouvait pas combattre la criminalité
11 puisqu'elle était bien occupée par ses propres affaires quotidiennes. La
12 police s'est battue contre cette criminalité, et c'est vrai que de nombreux
13 policiers ont péri en combattant la criminalité.
14 Q. Quand vous parlez de ces gens qui sont soi-disant investis de bonnes
15 intentions qui finalement finissent par être versés dans la criminalité,
16 ceci comprend aussi malheureusement quelques personnes faisant parties de
17 la TO, n'est-ce pas ?
18 R. Non. Même s'il y en avait eu, c'était quelques cas mineurs puisque nous
19 les contrôlions, un soldat que nous contrôlons, il ne relève pas de la
20 police mais de la Défense territoriale. Je n'ai pas pensé aux membres de la
21 TO, je pensais aux gens qui étaient placés à l'extérieur de la TO, qui ne
22 faisaient pas parties des formations armées, légales. Cette criminalité,
23 elle était évaluée par les autorités légales, et cetera. Ce n'est pas moi
24 qui évaluais qu'il y avait une certaine criminalité, c'est une évaluation
25 qui est venue de différentes sources sûres.
26 Q. Bien. Dans votre rapport, vous acceptez cette évaluation, n'est-ce pas
27 ?
28 R. Bien sûr. Je pourrais aussi ne pas le faire, j'avais le droit de le
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1 faire, j'étais d'accord avec cette évaluation.
2 Q. Monsieur, vous n'avez pas à vous tourner vers le conseil de la Défense,
3 vous n'avez pas besoin de les regarder, contentez-vous de répondre à mes
4 questions.
5 R. Excusez-moi.
6 Q. Encore un passage de ce document, c'est le dernier, où l'on peut lire :
7 "Ce que j'ai dans sa forme actuelle va rester ici pour continuer à
8 travailler dans les intérêts généraux du peuple serbe de la région quelles
9 que soient les influences politiques ou autres auxquelles il pourrait être
10 exposé. Nous croyons que l'unité, seule, peut rendre possible la
11 continuation de la vie sur ce territoire, une vie libre par la
12 collaboration des matériels, des ressources militaires sur notre
13 territoire."
14 Monsieur, vous avez travaillé comme commandant de la Défense
15 territoriale, vous travailliez pour l'intérêt du peuple serbe.
16 R. Vous voulez dire le peuple serbe tout seul. Je n'ai jamais été
17 nationaliste de ma vie. Aujourd'hui, je vis en Serbie, et quand je parle
18 "de la Serbie", je parle de tous les gens qui vivent en Serbie. Même
19 aujourd'hui, on me salue à Benkovac, les Croates comme les Serbes, je n'ai
20 jamais détesté les Croates ou qui que ce soit. Qu'est-ce que vous voulez,
21 vous voulez que j'écrive quoi. Le peuple serbe, les 150 Croates qui sont
22 restés ?
23 Q. Je ne fais rien d'autre que lire ce que vous avez écrit, ce n'est pas
24 moi qui a écrit cela. Ma question est : dans le cadre de votre travail de
25 commandant de la Défense territoriale, vous pensez qu'il était de votre
26 intérêt de protéger les intérêts du peuple serbe. Est-ce que vous confirmez
27 ce que vous avez écrit ou est-ce que vous dites que ce document n'est pas
28 exact ?
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1 R. Du peuple serbe et de tous les autres citoyens qui se trouvaient à
2 Krajina à l'époque. Je n'ai jamais fait la différence. Vous savez, je suis
3 comme cela. Evidemment, que Montenegro, on va dire que le peuple
4 monténégrin alors qu'il y a des serbes qui vivent là-bas, le peuple serbe
5 et tous les autres. Mais 95% des gens étaient des Serbes. Que fallait-il
6 que je dise, le peuple serbe dans la Krajina serbe. Cela ne veut pas dire
7 que je suis chauviniste ou nationaliste, chauvin ou nationaliste.
8 Q. Je vous demanderais de m'aider à comprendre la dernière phrase parce
9 que la traduction en anglais n'est pas très claire. A la fin, on peut lire
10 : "Nous serons en mesure de casser l'ennemi et de permettre à notre peuple
11 de vivre librement sur leur terre".
12 La question que je me pose, cette terre appartient à qui ? Vous
13 voulez dire que le peuple serbe vit librement sur la terre croate ou sur la
14 terre ferme. Enfin, vous faites référence à qui, elle appartient à qui
15 cette terre ?
16 R. Je n'ai pas dit que c'était un pays ou la terre serbe aux Serbes.
17 A l'époque, les terres croates étaient aussi les terres serbes.
18 Aujourd'hui, même si je ne vis pas en Croatie, je considère que c'est mon
19 pays, que ce pays s'appelle la Croatie, autrement. Pendant des siècles,
20 nous avons vécu côte à côte avec les Croates, et nous n'avons jamais été
21 dérangés par ce nom, cela ne me dérangeait pas que ce pays s'appelle la
22 Croatie. Mes aïeux, des générations ont vécu là-bas. Cela ne me dérangerait
23 pas de continuer à vivre là-bas et de regarder droit dans les yeux ces
24 gens. C'était l'objectif d'un grand nombre de politiciens de la Krajina.
25 Evidemment, je ne voulais pas vivre uniquement dans un pays serbe, sinon,
26 je n'aurais pas été un soldat. Je ne me serais pas engagé dans cette vie
27 militaire. Si vous me permettez --
28 Q. Mais oui. Vous pouvez continuer.
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1 R. J'ai voulu attirer votre attention sur un détail. Quand j'ai été choisi
2 à la place du commandant de la Défense territoriale en 1990, il y avait des
3 Croates et des Serbes qui étaient dans l'assemblée. Les députés de
4 l'assemblée et de la municipalité de Benkovac étaient Croates et Serbes,
5 les Croates m'ont supporté en tant que commandant puisqu'ils savaient que
6 si jamais c'était moi le commandant, que dans le cas où il aurait un
7 conflit, que je n'allais pas permettre ce qui malheureusement s'est passé
8 effectivement. Parce que pendant les cinq années de la guerre, j'ai été
9 aussi un négociateur avec la Croatie. J'étais à Zadar avec les généraux de
10 l'armée croate. Aujourd'hui, je peux vous en parler. Ce que je voulais
11 c'est que la situation se calme. Nous, nous nous battions pour avoir une
12 autonomie culturelle, pour vivre normalement.
13 Q. Merci. Votre explication va bien au-delà de ce que je vous ai demandé.
14 Hier, vous avez dit autre chose. Vous avez dit que personne ne
15 pouvait être déployée dans le cadre de la Défense territoriale si ce
16 n'était pas un habitant de Benkovac. En réalité, ce qui s'était passé,
17 c'est qu'il y avait des gens de l'extérieur qui n'étaient pas du tout de
18 Benkovac qui se sont battus côte à côte avec les troupes de la TO, ceci est
19 particulièrement exact pour l'année 1991.
20 R. Non, non. Je sais à quoi vous faites référence, je vais vous
21 expliquer cela, si vous le voulez. Il n'y avait pas cette possibilité-là.
22 Il n'y avait pas la possibilité que quelqu'un devienne un membre de la
23 Défense territoriale en venant d'ailleurs, de Bosnie par exemple, parce
24 qu'il fallait avoir un carton. Il fallait qu'il soit enregistré, il fallait
25 qu'il soit enlevé d'un dossier ailleurs. Il fallait que je lui donne une
26 arme, que je lui donne l'uniforme, que je l'affecte à une unité, qu'il
27 connaisse le code de comportement dans cette unité. Vous savez, ces gens
28 étaient formés avant la guerre pour faire partie de la Défense
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1 territoriale.C'est tout simplement qu'il n'y avait pas de fondement de base
2 légale pour que ces gens fassent partie de nos unités, je vois exactement à
3 quoi vous faites allusion. Si vous voulez, on peut en discuter par la
4 suite.
5 Q. Je suis surpris de voir que vous savez à quoi je fais référence.
6 Effectivement, je parlais de l'attaque sur Skabrnja --
7 R. C'est ce que je pensais.
8 Q. Essayez de suivre juste les questions que je vous pose. Ne
9 devinez rien du tout s'il vous plaît. A Skabrnja, il y a un certain nombre
10 de volontaires de Serbie et d'ailleurs qui ont été placés sous le
11 commandement de la TO; est-ce exact ?
12 R. Non, ce n'est pas exact. Ce n'est pas exact.
13 Q. Très bien. Bien, peut-être qu'on va revenir là-dessus plus tard.
14 Une petite clarification par rapport à votre déposition d'hier. Il s'agit
15 de la page 55 à 57. Vous avez dit que la JNA a pris le contrôle des armes
16 de la Défense territoriale, vous avez dit que ceci se passait en 1991,
17 plutôt au mois de juin 1991. N'est-ce pas exact que cela s'est produit
18 plutôt au mois de mai ou au mois de juin 1990, essayez de mettre ceci dans
19 le contexte et de placer ceci par rapport aux barrages routiers à Plitvice,
20 et cetera. Dites-moi si cela s'est produit avant ou après le mois de juin
21 1991.
22 R. En ce qui concerne la TO, c'était en 1991, j'en suis sûr, au début du
23 mois de juin. Pour la police, je ne sais pas quelle était la situation.
24 Chez moi, non. L'armée populaire yougoslave a envoyé nos armes ailleurs,
25 c'était au mois de juin 1991, après les barrages routiers, à partir du
26 moment où la menace de guerre était imminente.
27 Q. Bien, je ne vais pas insister là-dessus.
28 M. BLACK : [interprétation] Je vais demander que l'on place sur l'écran la
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1 pièce 409.
2 Q. Monsieur Lakic, il s'agit là d'un écrit du secrétariat fédéral de la
3 Défense nationale, le QG principal de l'état-major principal des forces
4 armées de la RSFY, signé par le chef de cet état-major principal, à savoir
5 Blagoje Adzic, vous allez voir la date en haut, c'est la date du 14 mai
6 1990. Je vais vous demander d'examiner le premier paragraphe.
7 Vous allez voir que l'on parle des QG de la Défense territoriale des
8 républiques socialistes et de provinces autonomes vont organiser la prise
9 et le dépôt, ainsi que la préservation des dépôts d'armes de la Défense
10 territoriale et des munitions dans les dépôts de la JNA. C'est un ordre qui
11 date du mois de mai 1990. Est-ce que ceci change ce que vous venez de dire
12 ou est-ce que vous maintenez que cela s'était produit en 1991 ?
13 R. Nous, nous avions été informés que la JNA dans certaines parties de la
14 Yougoslavie où même auparavant il y avait la possibilité des conflits,
15 comme en Slovénie ou ailleurs, à ces endroits particuliers dans différentes
16 républiques et différentes municipalités, vous savez les armes de la TO
17 n'étaient pas gardées seulement dans les casernes, parfois, ces armes se
18 trouvaient dans des endroits gardés par les unités de la Défense
19 territoriale ou de la police. Toutes les armes, toutes les munitions ne se
20 trouvaient pas dans les casernes de la JNA. C'est pour cela que ces armes
21 et ces munitions, la JNA voulaient les placer sous son commandement, sous
22 son contrôle, à ces endroits où la situation était telle que je viens de
23 vous présenter. Alors qu'à Benkovac et en Dalmatie, à Split, à Zadar et
24 ailleurs, toutes les armes, toutes les munitions étaient dans les casernes,
25 alors que dans certaines municipalités, ces armes étaient placées déjà sous
26 le contrôle de la police ou de la TO.
27 C'est pour cela que cet ordre existait, parce qu'à cette époque-là
28 effectivement, il s'agissait de contrôler ces armes.
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1 Q. Oui. La question que je vous ai posée, c'était de savoir : vous basant
2 sur la date de cet ordre, est-ce que vous changez votre position ? Est-ce
3 que vous ne pensez pas que ce qui s'est passé à Benkovac aurait pu se
4 passer plutôt en 1990, en mai 1990, qu'en mai 1991 ? C'est juste une
5 question de date, rien d'autre.
6 R. Vous savez, j'étais le commandant de la Défense territoriale entre 1990
7 jusqu'en 1991. En tant que commandant, j'avais un certain nombre
8 d'activités sur le plan de la formation. J'utilisais ces armes dans le
9 cadre de la formation. Je demandais au QG de Split de m'autoriser à
10 utiliser ces armes, ensuite ces armes étaient transférées dans mes dépôts.
11 Q. Bien. Vous dites que vous êtes sûr que ceci s'est produit en 1991.
12 C'est ce que vous dites ?
13 R. Oui.
14 Q. D'accord.
15 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure qui
16 s'avance.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, nous allons suspendre la
18 séance jusqu'à 10 heures 45.
19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 15.
20 --- L'audience est reprise à 10 heures 44.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, vous pouvez
22 poursuivre.
23 M. BLACK : [interprétation] Merci.
24 Q. Monsieur Lakic, hier vous nous avez parlé de barricades qui auraient
25 été érigées par les Serbes. Voici ma première question. En 1991, les
26 effectifs qui tenaient ce type de barricades étaient en partie des membres
27 de la police de la SAO Krajina, n'est-ce pas ?
28 R. Les officiers de police de la SAO Krajina avaient reçu pour mission de
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1 contrôler la circulation sur le territoire. Il est vrai qu'ils devaient
2 aussi s'occuper des barricades. Ces barricades avaient été érigées par les
3 locaux. Je le sais parce que je leur en ai parlé. Ce ne sont pas eux qui
4 avaient érigé les barricades. Ils avaient d'autres missions qui étaient le
5 contrôle de la circulation, s'assurer que les routes pouvaient être
6 empruntées facilement. Cela impliquait forcément de démanteler les
7 barricades qui avaient été érigées éventuellement.
8 Q. Certes, mais parfois, ils étaient aussi présents sur les barricades,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Présents, certes, mais uniquement dans le but de contrôler la
11 circulation et de résoudre tout problème pouvant survenir.
12 Q. Parfois, ces barricades rendaient le déplacement difficile, voire
13 impossible, de Croates depuis Skabrnja et parfois depuis Nadin vers Zadar.
14 Parfois, ils avaient besoin d'aller à Zadar pour y travailler ou pour toute
15 raison. Ces barricades les empêchaient de circuler. C'est vrai, n'est-ce
16 pas ?
17 R. Non, ce n'est pas vrai. Nadin et Skabrnja ont toujours été connectés à
18 Zadar par une route qui a toujours été ouverte. Peut-être que parfois,
19 c'étaient eux qui avaient érigé les barricades, mais en tout cas,
20 certainement pas vers Zadar. Il s'agissait de la même municipalité, ils
21 avaient des liens avec Zadar. Il se peut qu'ils aient érigé des obstacles
22 et des barrières qui en fin de compte les gênaient, gênaient leur propre
23 camp. Cela se pourrait.
24 Q. Selon vous, il n'y avait ni barricades ni obstacles sur la route entre
25 Skabrnja et Zadar ? Il n'y avait absolument rien par exemple autour de
26 Zemunik Donji, dans ces environs-là en 1991 ? Cela dit, si vous n'en savez
27 rien, vous n'avez pas besoin de spéculer.
28 R. Ecoutez, je sais ce qui s'est passé à Zemunik puisque c'est un village
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1 qui s'est retrouvé dans la municipalité de Benkovac. Skabrnja a été
2 directement relié à la grande route qui allait à Zadar, et sur cette route
3 il n'y avait pas un seul village serbe. Parfois, c'est vrai qu'il y a eu
4 des Croates qui ont érigé leurs propres barricades au sein de la
5 municipalité de Benkovac, là où il y avait des villages croates. Ils
6 voulaient peut-être se protéger contre les Croates. Je ne sais pas.
7 Parfois, les citoyens avaient besoin de se protéger, d'où ce fait, et
8 automatiquement ils érigeaient une barricade, Croates tout comme Serbes.
9 Q. Monsieur --
10 R. Par exemple, souvent à la sortie des villages, les Croates érigeaient
11 des barricades pour se protéger contre les villages serbes qui se
12 trouvaient bien au-delà.
13 Q. Je suis désolé de vous interrompre. Je pense que vous en avez déjà
14 parlé. Il n'y a pas besoin de continuer. Pour ce qui est donc des
15 barricades serbes, êtes-vous d'accord avec moi si je vous dis que ces
16 barricades qui avaient été érigées par les Serbes pouvaient très bien créer
17 un certain malaise et une certaine angoisse au niveau de la population
18 croate ? Je ne parle que des barricades érigées par les Serbes.
19 R. L'angoisse était identique côté croate et côté serbe. La solution
20 n'était la bonne ni pour un camp ni pour un autre. Je pense que chaque
21 Serbe raisonnable, tout comme chaque Croate raisonnable, avait extrêmement
22 peur des conséquences de ce type de chose. Il y avait angoisse des deux
23 côtés, c'est évident.
24 Q. Vous nous dites qu'il y avait de l'angoisse du côté croate aussi ?
25 R. Oui, de l'angoisse, de la peur.
26 Q. Vous nous avez parlé hier des combats à Polaca en mai 1991. A vol
27 d'oiseau, ce village est environ à 10 kilomètres de Skabrnja, n'est-ce pas
28 ?
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1 R. Oui, environ, un petit peu moins peut-être, peut-être 7, 8 ou 9
2 kilomètres.
3 Q. Très bien.
4 M. BLACK : [interprétation] Messieurs les Juges, si cela vous intéresse,
5 c'est à la page 30 de l'atlas.
6 Q. Vous nous avez dit, Monsieur le Témoin, que Polaca tout comme Skabrnja
7 était un village croate entouré par un nombre important de villages serbes,
8 n'est-ce pas ?
9 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous pensez vraiment que l'on peut
10 voir ce village sur la carte à la page 30 ?
11 M. BLACK : [interprétation] Oui, tout à fait, entre les coordonnées 1 et
12 1B, en haut à gauche de la carte.
13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Là, très bien, je vois maintenant
14 Polaca. Je le vois bien.
15 M. BLACK : [interprétation] Oui, c'est un peu au sud.
16 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.
17 M. BLACK : [interprétation]
18 Q. Vous avez témoigné que Polaca était un village principalement croate
19 qui était entouré à majorité de villages serbes ?
20 R. Polaca était un village à composition mixte, mais il y avait environ 80
21 % de Croates.
22 Q. Vous nous avez dit à la page 58 du compte rendu d'hier que les
23 villageois de Polaca n'avaient pas accepté que la police de la SAO Krajina
24 venant de Benkovac soit leur propre police, ce qui fait que le MUP croate
25 avait mis en place une présence policière à Polaca, bien spécifique. C'est
26 bien ce que vous nous avez dit ?
27 R. Avec ces formations paramilitaires supplémentaires de "redarstvenici",
28 une force de police spécifique, la Croatie voulait absolument contrôler les
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1 territoires où les villages serbes se concentraient. Je ne pense absolument
2 pas qu'ils aient demandé aux villageois de Polaca si les policiers venant
3 de Benkovac leur allaient. En fait, ils ont plutôt imposé leur présence aux
4 résidents de Polaca. Ils ont provoqué des incidents, ce qui du fait a amené
5 des conflits. Il n'y avait jamais eu de commissariat à Polaca auparavant.
6 Q. Très bien. Je crois que j'ai malheureusement associé deux choses dans
7 ma question. Hier, vous nous avez dit -- je pense que la page a été mise à
8 jour, il s'agit de la page 10 138 au compte rendu. Vous nous avez parlé des
9 villageois de Polaca. Voici ce que vous avez dit : "Ils ne considéraient
10 plus que les policiers qui étaient présents à la station depuis le
11 commissariat de Benkovac et qui étaient chez eux ne les représentaient plus
12 correctement."
13 Voilà ce que vous avez dit hier. Vous êtes d'accord, vous maintenez
14 ce que vous avez dit hier ou vous avez changé ?
15 R. Je ne suis pas dans la tête des gens qui habitaient là-bas, je ne sais
16 pas s'ils acceptaient le commissariat de Benkovac ou non. C'était une
17 solution qui leur a été imposée du jour au lendemain. Les policiers de
18 Zadar sont arrivés à Polaca. Bien sûr, les Serbes dans les villages
19 entourant Polaca ont demandé au commissariat de Benkovac de venir leur
20 prêter main-forte, puisque c'était le SUP de Benkovac et la police de
21 Benkovac qui avait mandat sur ce territoire, et non pas les policiers
22 venant de Zadar. Ils sont arrivés à Polaca, ce qui était tout à fait
23 contraire à tous les règlements existant dans la police à l'époque.
24 Q. Vous avez dit hier que : "les villageois de Polaca ne considéraient pas
25 que les forces de police venant de Benkovac les représentaient", alors
26 pourquoi avez-vous dit cela ? Vous avez fait une erreur hier ? Pourquoi
27 est-ce que vous changez d'avis tout d'un coup ?
28 R. Je n'ai absolument pas changé d'avis. Il y avait une règle générale qui
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1 prévalait. Un citoyen croate libre de tout engagement politique, les
2 médias, les partis politiques, même parfois l'Eglise, avaient tendance à
3 imposer à l'opinion publique l'idée qu'ils ne devaient pas accepter le fait
4 que des agences croates emploient des Serbes. Ce n'est pas quelque chose
5 que les gens ont spontanément décidé; c'est plutôt le message qui leur a
6 été imposé par les institutions dont je vous ai parlé, c'est-à-dire les
7 médias, les partis politiques et même l'Eglise.
8 Q. Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Je ne parle pas du tout
9 d'institutions croates qui employaient des Serbes; je vous parle de la
10 police la SAO Krajina. Soyons clair. En 1991, la police à Benkovac était
11 une police de la SAO Krajina, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, tout à fait. Mais cela dit, il y avait des Croates et des Serbes
13 qui travaillaient au sein de cette force avec bien sûr le reflet parfait de
14 la composition ethnique de cette population à l'époque. C'est comme cela
15 que cela fonctionnait à l'époque.
16 Q. Certes, mais pas en mai 1991 puisque là, la police de Benkovac était
17 principalement serbe, n'est-ce pas ?
18 R. Non, non, il n'y avait pas que des Serbes. En tant que membres de cette
19 police, il y avait aussi des Croates.
20 Q. Le commandant était Bosko Drazic, n'est-ce pas ?
21 R. Bosko Drazic est apparu, est devenu commandant, je crois, en avril.
22 J'en suis à peu près sûr, mais pas certain. Il était en effet chef de la
23 police.
24 Q. Oui, mais à l'époque, la police de la SAO Krajina avait plus ou moins
25 rejeté l'autorité du MUP croate. Il y avait déjà eu des conflits armés
26 entre la police de la SAO Krajina et le MUP croate à Plitvice à la fin
27 mars. C'est arrivé, n'est-ce pas ?
28 R. Oui. Il y avait eu un incident à Plitvice. Je peux vous expliquer ce
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1 qui s'était passé exactement.
2 Il en restait quelques-uns à Benkovac qui résidaient encore et qui y
3 avaient habité avant. C'étaient des résidents de Benkovac.
4 Q. Oui, certes. Je vous interromps. Il est quand même correct de dire que
5 la police de la SAO de Krajina, y compris la police se trouvant à Benkovac,
6 avaient rejeté l'autorité du MUP de Croatie en mai 1991 ? Si vous ne le
7 savez pas, vous pouvez tout simplement le dire. Ce n'est pas grave.
8 R. Quant à savoir s'ils avaient rejeté ou s'ils s'étaient plutôt alliés
9 avec la police de Knin, il est vrai qu'à ce moment-là la police de
10 Benkovac, où servait une majorité de Serbes, il y avait quelques Croates,
11 était sous le commandement de la SAO de Krajina, c'est vrai.
12 Q. Très bien. Maintenant concentrons-nous sur les combats qui ont lieu à
13 Polaca. Vous nous avez dit que la police de la SAO de Krajina venant de
14 Benkovac avait pris le contrôle des zones élevées, j'imagine qu'il y a bel
15 et bien des collines autour de Polaca, pendant trois ou quatre jours, il y
16 a eu des tirs sporadiques et la vie courante a été plus ou moins
17 interrompue dans ce village, suite à ces tirs. C'est ce que vous avez dit
18 hier, n'est-ce pas ?
19 M. BLACK : [interprétation] Il s'agit des pages 60 et 61 du compte-rendu de
20 la journée d'hier.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous expliquer un petit peu ce qui
22 s'est passé. Au-dessus de Polaca, d'abord les forces de la police croate
23 sont apparues, elles ont pris des positions, elles ont commencé à régler la
24 circulation et à maltraiter des passagers à bord de véhicules. Ensuite, les
25 forces de police de Benkovac sont arrivées et ont pris les zones de
26 Jagodnja Gornja, Donja, qui étaient le village serbe des environs. On
27 n'était pas à Polaca, on était à deux ou trois kilomètres sur les collines.
28 Il est vrai que c'est d'abord la police croate qui a pris position sur les
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1 collines, ce sont eux qui sont arrivées en premier.
2 M. BLACK : [interprétation]
3 Q. Oui, mais hier, vous nous avez expliqué les choses un petit peu
4 différemment. A la page 10 140, vous avez dit et je cite : "Du côté Croate,
5 il y avait les forces croates. Côté serbe, ils avaient leurs propres
6 forces. La police de Benkovac et les autres forces de police ont pris
7 possession des zones élevées des collines. Pendant trois ou quatre jours,
8 jusqu'au 5 ou 6 mai, il y a eu des échanges de tirs sporadiques, de ce
9 fait, la vie était plus ou moins arrêtée dans cette zone."
10 Vous n'avez absolument pas dit que les Croates, le MUP Croate avait pris
11 possession de la zone avant tout le monde, vous nous avez dit le contraire.
12 Vous avez dit que c'est la police de Benkovac et les autres forces de
13 police qui avaient pris possession des zones élevées entourant le village;
14 et c'est ce qui s'est passé, n'est-ce pas ?
15 R. Vous parlez de l'autre force de la police. Je parle de la force du MUP,
16 de la force croate, eux, ils contrôlaient les collines de leur côté, les
17 Serbes contrôlaient les collines de leur côté, chacun son côté. Je peux
18 vous le montrer, pour vous montrer exactement quelles collines étaient à
19 qui.
20 Q. En fait, ce qui s'est vraiment passé à Polaca, c'est la chose suivante.
21 En réaction à la présence des forces de police croate dans Polaca, les
22 forces de la police de la SAO Krajina ont pris des positions de combat et
23 ont essayé de chasser les forces de la police croate par la force. C'est ce
24 qui s'est passé, en fait ?
25 R. La police croate voulait chasser la police serbe par la force, les
26 forces de police de Benkovac, puisque Polaca est une municipalité de
27 Benkovac, les unités paramilitaires croates voulaient chasser les Serbes.
28 C'est le poste de sécurité publique de Benkovac qui avait quand même
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1 compétence dans la zone, cela dit.
2 Q. Il n'y avait pas de station de police, de poste de police serbe à
3 Polaca, n'est-ce pas ? Vous l'avez dit vous-même, je crois, il n'y avait
4 absolument pas de poste de police à Polaca. C'est ce que vous avez dit ?
5 R. Non, à Polaca, il n'y en avait pas ni dans les villages serbe
6 environnants. On en n'avait pas besoin puisque la vie était tranquille. Il
7 y avait des voitures de police qui patrouillaient cette zone, il n'y avait
8 pas besoin d'avoir de poste.
9 Q. Oui. C'était un village qui était principalement croate; quand le MUP
10 croate est arrivé sur place, il a installé un poste de police, ensuite, les
11 forces de police serbe sont arrivées et ont pris eux-mêmes des positions de
12 combat et du coup, on en est arrivé à des échanges de tirs, n'est-ce pas ?
13 R. Polaca est un village de la municipalité de Benkovac et la police de
14 Benkovac a autorité sur ce village. C'est le SUP, S-U-P, qui était
15 équivalent au SUP de Zadar. Les policiers de Zadar sont arrivés à la
16 municipalité de Benkovac, ils n'avaient aucune raison d'y venir, puisqu'à
17 l'époque on fonctionnait encore selon les règles qui existaient dans la
18 République de Croatie.
19 Q. Allons, allons, Monsieur, n'exagérons rien, à l'époque la police de la
20 SAO Krajina ne fonctionnait pas vraiment selon les lois de la République de
21 la Croatie; ils étaient rejetés par le MUP croate, n'est-ce pas ? Vous
22 étiez d'accord avec cela, vous l'avez dit. Le MUP croate, quand ils sont
23 arrivés à Polaca, ils étaient quand même en Croatie, ils avaient le droit
24 de se trouver là. Etes-vous d'accord avec moi ou pas ?
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que nous devrions peut-être
26 prendre les questions une par une pour savoir exactement les sujets avec
27 lesquels le témoin est d'accord ou n'est pas d'accord.
28 M. BLACK : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président.
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1 Q. Commençons par le début, Monsieur le Témoin. Tout d'abord, vous devez
2 être d'accord avec moi pour dire qu'en 1991 la police de la SAO Krajina
3 avait totalement rejeté l'autorité du MUP croate, n'est-ce pas ?
4 R. Oui. En effet, je pense que c'était le cas.
5 Q. Ensuite, vous êtes d'accord avec moi pour dire que Polaca faisait
6 partie de la Croatie; elle se trouvait sur le territoire croate en mai
7 1991 ?
8 R. Nous étions en territoire croate, ils voulaient nous chasser de ce
9 territoire croate. Nous avions accepté la Croatie comme étant un état
10 normal.
11 Q. Oui, mais je vous demande qu'une chose : Polaca faisait bel et bien
12 partie du territoire croate, n'est-ce pas ? Il était sur le territoire
13 croate ? C'est la seule question que je vous pose.
14 R. Oui, bien sûr. Les Croates qui y habitaient appartenaient à cet état
15 tout comme les Serbes qui habitaient dans les mêmes villages.
16 Q. Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Je vous ai demandé si Polaca se
17 trouvait sur le territoire croate.
18 R. Je ne suis pas juriste, quant à vous dire si juridiquement c'était ceci
19 ou cela, je n'en sais rien.
20 Q. Pas besoin d'être un juriste, un éminent spécialiste, pour savoir si
21 Polaca est toujours en Croatie et a toujours été en Croatie. C'est sur le
22 territoire croate, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, géographiquement, c'est en territoire croate.
24 Q. A l'époque, c'était aussi un territoire croate.
25 R. Etant donné que les Serbes à Polaca s'étaient déclarés en faveur de la
26 SAO Krajina, les autorités serbes de l'époque, qui étaient en train de
27 s'organiser, devaient protéger les Serbes qui se trouvaient à Polaca,
28 puisque eux, les Serbes de Polaca étaient en faveur de la SAO Krajina.
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1 Q. D'après vous, juste parce que 20 % de personnes dans un village, les
2 Serbes, décident qu'ils veulent faire partie de la SAO Krajina, les autres
3 80, de ce fait, le village où 100 % des gens habitent n'est plus en
4 Croatie, commence à faire partie d'autre chose ?
5 R. Je pense que le pourcentage n'est pas pertinent. Il fallait protéger
6 les citoyens et tous les citoyens. S'il y avait eu un troisième groupe
7 ethnique, il aurait fallu les protéger aussi. Tout le monde devait être
8 protégé, les habitants demandaient aux personnes en qui ils avaient
9 confiance de les protéger.
10 Q. Oui. Les habitants serbes avaient demandé à la police de la SAO Krajina
11 de les protéger. C'est bien cela ?
12 R. Oui, absolument, à 100 %.
13 Q. Passons maintenant à autre chose. Je crois que j'ai épuisé le sujet.
14 A la mi-septembre 1991, les forces serbes ont pilonné le village de Nadin.
15 Je pense que vous êtes au courant de cela, n'est-ce pas ?
16 R. Je sais qu'il y a eu de l'action là-bas. Quant à savoir si c'était à la
17 mi-septembre ou en octobre ou un autre mois, je ne sais pas. C'était en
18 automne, en tout cas. Quant à savoir quand cela s'est passé exactement, je
19 crois que c'est du 2 au 4 octobre dans les environs de Nadin.
20 Q. Oui. Aux alentours de Skabrnja, Zemunik, Nadin, tous ces endroits ont
21 été attaqués au début octobre 1991, avec pilonnages et parfois même
22 attaques de l'infanterie, n'est-ce pas ?
23 R. Dès que les attaques sur les routes se sont intensifiées et que les
24 villages serbes aux alentours de Nadinska Gradina et cetera, surtout avec
25 l'histoire du convoi dont on a parlé hier, et cetera, il y a eu besoin --
26 Q. Oui. Je vous interromps, parce qu'il est quand même vrai que les
27 villages de Skabrnja, Zemunik et Nadin ont été attaqués au début octobre en
28 1991, dans les premiers jours d'octobre 1991, attaqués avec pilonnage et
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1 même assaut d'infanterie, n'est-ce pas ?
2 R. Ce qui est vrai, c'est qu'il y avait sans arrêt des conflits des deux
3 côtés. Quant à savoir s'il y a vraiment eu des pilonnages, cela je n'en
4 sais rien. Je ne m'en souviens pas.
5 Q. Monsieur, répondez à mes questions, s'il vous plaît. Répondez
6 uniquement à mes questions, essayez de ne pas dévier du sujet. Est-ce que
7 vous vous souvenez qu'il y a eu des pilonnages et d'autres assauts ?
8 Est-ce que vous vous souvenez qu'il y a eu des pilonnages et des
9 combats, en fait des assauts contre Skabrnja, Zemunik et Nadin au cours des
10 premiers jours du mois d'octobre 1991 ?
11 R. Pour ce qui est des assauts, des attaques, c'est parce qu'il y avait
12 sans arrêt ces escarmouches du côté de Skabrnja, pas Nadin, parce que ce
13 n'est pas le même territoire.
14 Q. Vous essayez toujours d'expliquer et de donner des détails, vous ne
15 répondez pas à la question. Je vous demande juste si ces trois villages ont
16 bel et bien été attaqués au début octobre, ou alors, vous nous dites que
17 Skabrnja a été attaqué et pas Nadin ? Est-ce que vous vous souvenez, oui ou
18 non, si ces trois villages ont été attaqués au début octobre 1991 ?
19 R. Non, pas les trois.
20 Q. Bien.
21 R. Pas les trois.
22 Q. Aucun de ces trois villages n'auraient été attaqué début octobre 1991,
23 d'après vous ?
24 R. La JNA voulait débloquer l'accès à Nadinska Gradina, et cette opération
25 de déblocage a échoué.
26 Q. Est-ce que c'est une réponse qui correspond à un "oui" ?
27 R. C'est un conflit où il y avait deux camps, la JNA voulait lever le
28 blocus de Nadinska Gradina pour permettre aux convois de pouvoir passer.
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1 L'attaque de la JNA a échoué. Cela, c'était le 2 octobre.
2 Q. C'était une attaque qui était dirigée vers Skabrnja et Nadinska
3 Gradina, n'est-ce pas ?
4 R. Non. Pas du tout.
5 Q. Vous niez le fait que Skabrnja aurait été attaqué le 2 ou -- le 1 ou le
6 2 octobre 1991 ? Quand j'ai dit "attaqué," je veux dire que c'est un
7 village qui aurait été pilonné, qui aurait été attaqué aussi par
8 l'infanterie.
9 R. Pas du tout à Skabrnja. Absolument pas.
10 Q. Vous niez que trois villageois ont trouvé la mort au cours de cette
11 attaque du 2 octobre 1991 à Skabrnja ? Selon vous, cela n'a pas pu arriver,
12 étant donné qu'il n'y a pas eu d'attaque ?
13 R. Vous parlez de quel village ?
14 Q. Skabrnja.
15 R. Je n'en sais rien. Cela ne fait pas partie de la municipalité de
16 Benkovac.
17 Q. Un instant.
18 R. Je ne savais pas à l'époque, je ne le sais toujours pas.
19 Q. Vous venez juste de nous dire que : "Skabrnja n'a jamais été attaqué."
20 Alors, est-ce que vous savez ce qui s'est passé à Skabrnja ou pas, parce
21 que vous savez que Skabrnja a été attaqué le 2 octobre ou vous ne savez
22 rien à ce propos ?
23 R. Monsieur, j'ai été commandant de la TO de Benkovac, en toute
24 responsabilité, j'affirme qu'il y avait une attaque dans le secteur de
25 Nadin. Pour ce qui est de Skabrnja, il n'y avait pas d'opérations de combat
26 du tout. Même la JNA ne s'y est pas trouvée impliquée. Je suis presque
27 certain.
28 Q. Saviez-vous que les forces serbes avaient pilonné Zadar au cours de la
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1 période courant du 30 septembre au 7 octobre 1991 pendant laquelle de
2 nombreux bâtiments d'intérêt historique ont été endommagés ? Est-ce que
3 vous le niez ou vous n'en savez rien ?
4 R. La JNA avait pour objectif de débloquer les casernes de Zadar. Il est
5 tout à fait normal d'y voir un feu d'artillerie qui prenait pour cible
6 certains secteurs de la ville. Probablement certains secteurs ont été
7 endommagés par ces obus. Je ne me trouvais pas à Zadar. Je ne recevais pas
8 d'information, ni de rapports, je sais que ceci était en cours, de tels
9 pilonnages.
10 Q. Monsieur, à la lumière et dans le contexte de différents combats et
11 incidents depuis Polaca en septembre et octobre 1991, il n'est pas tout à
12 fait clair que les forces de Skabrnja et Nadin étaient des forces
13 défensives. Ces forces ont été mises sur pied pour se mettre à la défense
14 ou à la protection de ces villages. C'était leur première fonction, n'est-
15 ce pas, la défense ?
16 R. Je ne connaissais rien sur leur formation, ni quels en étaient les
17 objectifs en vertu de la loi, et cetera. Je ne détenais aucune information
18 là-dessus. Il s'agit évidemment de forces croates, et je ne pouvais pas en
19 savoir grand-chose.
20 Q. Fort bien. Si vous ne savez pas, vous dites que vous ne savez pas, et
21 cela est peut-être correct et exact. En novembre 1991, il n'y avait pas de
22 MUP croate dans ce village, Skabrnja. Il n'y avait que des forces
23 auxquelles vous faites référence pour en parler comme étant le Bataillon de
24 Skabrnja, n'est-ce pas ? C'était le seul groupe de Skabrnja en novembre
25 1991.
26 R. Je ne sais pas comment se présentaient les forces ni les structures de
27 Skabrnja en novembre 1991. Je n'en avais aucune idée.
28 Q. Fort bien. Pendant que vous témoignez hier, vous faites référence à un
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1 accord aux termes duquel la JNA devait se retirer tout à fait à l'amiable
2 de ces casernes et des installations de Zadar, cet accord évidemment, lui,
3 coïncide avec cette période d'octobre 1991, n'est-ce pas ?
4 R. Je ne sais pas quand c'était, je sais que des commandants des unités de
5 la JNA notamment se référaient à cet accord et faisaient appel auprès de la
6 partie croate, pour honorer ces accords. Je ne sais pas quand tout ceci a
7 été mis en place, tous ces accords.
8 Q. Fort bien. Je comprends. Je vais vous faire voir un document qui
9 pourrait me permettre de tirer au clair tout cela. Il s'agit du document
10 ERN 04143612 jusqu'à 3613.
11 M. BLACK : [interprétation] En effet, sur l'écran, nous avons la version
12 anglaise. Ce n'est pas une version B/C/S. Voilà, maintenant, cela y est.
13 Faites défiler le texte vers le bas pour voir l'en-tête.
14 Q. Il s'agit d'un document urgent, commandant du 9e Corps, document
15 interne numéro 335 du 9 octobre 1991 --
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, vous dites que nous
17 n'avons que la version anglaise. J'ai sur l'écran les deux versions.
18 M. BLACK : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que j'ai tort, mais je vais
20 essayer encore une fois. Oui, maintenant je peux vous suivre.
21 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur le Témoin, donnez-nous lecture, s'il vous plaît, du premier
23 titre. Il est dit que cela concerne l'accord portant sur le cessez-le-feu
24 absolu et total des opérations de guerre, le déblocage des installations
25 militaires de Zadar et retrait des effectifs d'équipement de guerre ou du
26 matériel de guerre de la JNA. Il s'agit d'un accord portant cessez-le-feu.
27 C'est de cela que cela traite, n'est-ce pas ?
28 R. Le général Adzic, que j'ai mentionné hier et que j'ai eu l'occasion
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1 d'entendre parler de cela, a traité et parlé de cet accord entre les
2 représentants des autorités de la République de Croatie et les
3 représentants de la RSFY de Belgrade. Probablement, cet accord a été le
4 fondement d'un tel document probablement. Ceci n'a pas été connu de moi.
5 Q. Bien.
6 M. BLACK : [interprétation] Je vous prie maintenant de passer à la dernière
7 page.
8 Q. En bas de page, on peut voir que l'un des signataires est le général de
9 brigade Vukovic, le tout avalisé par le chef de l'état-major général, le
10 général de brigade Ratko Mladic. Nous voyons que certaines dispositions
11 portent sur la sécurisation du retrait sans heurts du matériel de guerre -
12 il s'agit du paragraphe 8 - ainsi que de biens et d'équipement de personnes
13 privées.
14 Il est dit qu'avec la levée du blocage, le tout coïncide à la date du
15 9 octobre. Cela semble correspondre à ce que vous avez dit vous-même,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Oui, je crois que tel est le cas.
18 Q. Bien.
19 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que ce
20 document soit versé au dossier.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, quelle est la cote accordée à
22 cette pièce à conviction ?
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction
24 990.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
26 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais que
27 l'on présente un autre document sur l'écran. Il s'agit du ERN 0363 jusqu'à
28 4635, c'est-à-dire 4636.
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1 Q. Monsieur Lakic, vous verrez qu'il s'agit là aussi d'un autre document
2 émis par le 9e Corps d'armée de la JNA. Il est daté du 14 octobre 1991.
3 M. BLACK : [interprétation] Dans le second paragraphe, page 2, version
4 anglaise, la seconde ligne.
5 Q. Il est dit : "Le principal accent a été mis sur l'évacuation de la
6 garnison Zadar qui était en cours. L'évacuation se déroule ainsi que prévu,
7 et jusqu'à 18 heures, 239 véhicules non chargés sont entrés dans Zadar, 264
8 véhicules chargés de matériel de guerre sont sortis de Zadar. Jusqu'à
9 maintenant, nous n'avons pas ressenti d'importantes difficultés pour
10 évacuer la garnison de Zadar."
11 Ceci est exact, n'est-ce pas, Monsieur ? Il s'agit évidemment de
12 mettre en œuvre l'accord sur le cessez-le-feu dont nous avons traité tout à
13 l'heure; est-ce exact ?
14 R. Je ne sais pas si c'est exact, je n'y ai pas pris part. Je n'ai joué
15 aucun rôle dans tout cela. Je n'ai jamais vu ce document. Dire qu'une
16 évacuation a existé, oui. Ceci n'a pas été connu de moi, ni pour parler de
17 matériel de guerre, ni d'effectifs, ni quoi que ce soit. Je peux vous
18 parler en détail, mais plutôt, je peux parler pour dire que globalement,
19 une évacuation a eu lieu au cours de cette période-là.
20 Q. Fort bien.
21 M. BLACK : [interprétation] Je voudrais que ce document soit versé au
22 dossier.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, le document a été versé au
24 dossier. Quelle en est la cote ?
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
26 pièce à conviction 991.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
28 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Q. Monsieur Lakic, nous allons passer à un autre sujet. Vous avez parlé
2 lors de votre témoignage de tirs - après cet accord et le reste. Je vais
3 vous citer. Dans le paragraphe 69, il a été dit : "Skabrnja et Nadin, ou
4 plutôt, pour parler des installations de Nadinska Gradina, ont été pris
5 pour cibles."
6 D'où venaient ces tirs ? D'où parvenaient et provenaient ces tirs ? Vous
7 parlez de tirs antiaériens et contre les convois. D'où émanaient ces tirs ?
8 R. Ce dont j'ai été informé, le QG de la TO nous permet de voir que c'est
9 depuis les élévations de Nadinska Gradina que venaient ces tirs. Il
10 s'agissait évidemment de parler de fortifications de Nadinska Gradina dans
11 le territoire de la municipalité de Benkovac.
12 Q. Merci. Lorsqu'on parle de Nadinska Gradina, il s'agit d'une élévation
13 ou d'une colline de l'autre côté de Nadin, non pas du côté de Skabrnja,
14 n'est-ce pas; est-ce exact ?
15 R. Il s'agit d'une élévation qui se trouve du côté est de Nadin et se
16 trouve le territoire de la municipalité de Benkovac, en direction du
17 village d'Ostevici. Il s'agit évidemment de dire que ce village et ce
18 secteur se trouvent dominés par cette élévation, cette colline.
19 Q. Merci. Monsieur, n'est-il pas vrai de dire que malgré le fait que les
20 tirs provenaient de ce secteur, la JNA pouvait toujours -- ses appareils
21 pouvaient toujours décoller depuis l'aéroport de Zemunik, n'est-ce pas ?
22 R. Je ne suis pas un expert en matière d'artillerie antiaérienne ni en
23 matière d'avions, mais nous avons été quotidiennement informés par le
24 commandement de la JNA que des avions étaient endommagés. Or, c'est là que
25 se trouvaient des canons antiaériens dans ce secteur, et ceci a été observé
26 et constaté par la JNA. Il s'agirait de canons dont les calibres
27 permettaient de tels tirs pour endommager les appareils, chose qui a été
28 faite par eux, d'ailleurs.
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1 Q. Fort bien. Hier, vous avez évoqué également des informations selon
2 lesquelles les appareils atterrissaient à Belgrade ainsi endommagés, et je
3 suppose qu'il s'agissait évidemment des appareils qui avaient décollé
4 depuis l'aéroport de Zemunik en direction de Belgrade et qui parvenaient à
5 destination, n'est-ce pas ? Je sais que vous n'êtes pas un expert en la
6 manière, mais je voudrais vous entendre nous répondre à la question, si
7 vous pouvez le faire. Si vous ne pouvez pas le faire, cela va.
8 R. Je sais que toutes les fois où les appareils décollaient, ils
9 décollaient de ce territoire-là, de Zemunik, mais où ils atterrissaient à
10 Belgrade, à Skopje, je n'en sais rien.
11 Q. Fort bien. Vous avez également fait la description d'une route
12 empruntée par la JNA lorsqu'il fallait se déplacer depuis Benkovac vers
13 Zadar, et cette route-là traversait le village de Smilcic, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Je pense que vous avez dit que les feux ont été ouverts également tout
16 le long de cette route-là pour ne pas permettre à JNA de l'emprunter ?
17 R. Oui. On a pu emprunter cette route-là exposée à des feux, mais je
18 dirais que c'était en permanence qu'il y avait des tirs.
19 Q. Cela dit, chemin faisant, disons que Skabrnja ne se trouve pas sur la
20 route de Benkovac-Zadar. Il faut quitter la route pour descendre dans le
21 village de Skabrnja ?
22 R. Oui, mais disons que c'est une voie de communication importante qui va
23 à travers le village. A gauche vous avez un "ombar" [phon], à droite vous
24 avez le centre du village de Skabrnja. Disons qu'à droite ou à gauche par
25 rapport à cette route se trouve Skabrnja, pour autant que je sache, telle
26 ou telle situation à cette époque-là. Peut-être que ce n'est plus la même
27 chose aujourd'hui.
28 Q. Bien. Vous devez traverser Skabrnja pour venir à Nadin, n'est-ce pas,
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1 lorsque vous empruntez la route de Benkovac-Zadar, n'est-ce pas ? Il faut
2 dire que Nadin se trouve un petit peu en arrière par rapport à la route.
3 R. Non, non, non. La route traverse Biljana Donji, elle ne traverse pas
4 Nadin du tout. Il n'y a pas une seule maison qui appartiendrait au village
5 de Nadin qui se trouverait au bord de la route.
6 Q. Bien. Merci. Même s'il y avait de tels incidents, à savoir tirs qui
7 prenaient pour cibles les avions et les camions, même si ceci était vrai,
8 vous dites que ceci aurait dû être considéré comme une raison insuffisante
9 pour raser les deux villages, à savoir Skabrnja et Nadin. Ce n'était donc
10 pas une raison valable pour que des actions et opérations de guerre
11 violentes soient entreprises.
12 R. Pour parler que ceci ou cela serait raison de tout cela, et cetera, il
13 faut savoir qualifier tout cela. Il y avait des tués dans les convois, mais
14 il y avait certainement quelqu'un à la JNA, au QG peut-être général de la
15 JNA qui le disait dans ces termes-là. Je ne pouvais pas le faire ni le
16 dire. Mais l'action, l'opération qui était planifiée n'avait pas pour
17 objectif de tout trancher moyennant les combats, mais plutôt moyennant cet
18 accord auquel on a fait référence, et d'une façon tout à fait pacifique.
19 Q. Bien. Là-dessus, je voudrais vous poser des questions tout à l'heure.
20 Est-ce que vous venez de dire par là que vous ignorez les raisons pour
21 lesquelles Skabrnja pouvait être attaquée ? Vous dites : "Quelqu'un,
22 probablement à la JNA ou au QG général ou tout le long, évidemment, de la
23 chaîne de commandement, devait le savoir. Personnellement, je ne le savais
24 pas." Est-ce que vous voulez dire par là que vous ne saviez pas les raisons
25 pour lesquelles il y a eu ces opérations de combat à l'encontre de
26 Skabrnja ?
27 R. Cette action a été lancée contre Skabrnja pour essayer de convaincre à
28 l'amiable la partie croate de ne pas ouvrir le feu et de permettre le
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1 retrait du matériel de guerre et de l'équipement. Ceci devait être, selon
2 cette action, à l'amiable et pacifique. C'était la seule raison. On avait
3 bien cité les problèmes concernant le retrait du matériel de guerre et de
4 l'équipement. C'est ce qui d'ailleurs a été convenu et planifié. C'est
5 cela, ce qui était en question, et rien de plus.
6 Q. Monsieur, tout d'abord, ne vous semble-t-il pas étrange que pour qu'il
7 y ait des chars et des véhicules blindés de transport de troupes qui
8 devaient être retirés, on devait faire à l'amiable ? Alors n'est-il pas
9 étrange de voir des attaques et des opérations de guerre, plutôt que des
10 négociations ?
11 R. Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Procureur, parce qu'on savait
12 très bien combien il y avait d'équipement, de matériel de guerre et de
13 soldats à Skabrnja. Pour qu'on soit à égalité, les forces croates et les
14 autres, on devait savoir ce qu'il fallait faire. Si une initiative a été
15 prise, à savoir à l'amiable, on devait faire le tout, tout ce retrait, ce
16 sont certainement des experts en matière de l'art militaire qui savent le
17 dire. Si vous avez par exemple une position dont le génie militaire s'est
18 occupé, celui-ci a pu constater que les forces croates n'étaient pas
19 inférieures par rapport aux forces de la JNA, aucunement.
20 Q. Oui. Nous y reviendrons tout à l'heure. Pour l'instant, puis-je vous
21 dire comme suit : n'est-il pas exact que l'attaque contre Skabrnja avait
22 été planifiée au préalable et que l'objectif a été notamment de prendre
23 Skabrnja par la force ? Le vrai objectif n'a pas été la négociation, une
24 négociation de paix, non plus qu'une solution amiable, mais il a fallu
25 prendre Skabrnja ?
26 R. En toute responsabilité, je peux confirmer que toutes les négociations
27 portant Skabrnja ne permettaient jamais d'entendre dire ou d'entendre
28 parler d'une attaque contre Skabrnja de la part de la JNA, non plus que de
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1 politique serbe. En toute responsabilité, je vous dis qu'il n'y avait
2 jamais une seule idée lancée concernant une prise de Skabrnja par la force.
3 Je n'ai jamais été présent nulle part où quelqu'un aurait pu évoquer une
4 attaque contre Skabrnja ou aurait pu évoquer par exemple ce qui s'était
5 passé, jamais à aucun moment.
6 Q. Vous dites donc, Monsieur, que tous ces chars et ces véhicules blindés
7 de transport de troupes et que tous ces soldats armés qui s'y sont dirigés,
8 ils l'ont fait alors qu'il n'y avait pas un plan selon lequel Skabrnja
9 devait être prise et selon lequel plan on devait avoir ce qu'on a eu ?
10 R. Il s'agit précisément de cela. Il n'y avait pas de plan.
11 Q. Monsieur, il y avait plusieurs raisons pour lesquelles les convois se
12 sont rendus à Skabrnja et à Nadin. Pour les prendre, tout simplement, en
13 voici quelques-unes, de ces raisons. Primo, la prise de Skabrnja et Nadin a
14 permis aux forces serbes de consolider leur contrôle dans l'ensemble de
15 cette zone de Benkovac et Zadar, n'est-ce pas ?
16 R. Je ne peux pas me mettre d'accord avec vous pour dire qu'il s'agissait
17 des forces serbes, mais après tout cela, la JNA a rendu possible le retrait
18 de ce matériel de guerre, même si la JNA ne le voulait pas dans ces
19 conditions-là. Pour parler des forces serbes, ceci n'était pas un objectif
20 des Serbes, ni de Benkovac ni de Krajina. Je vous garantis que ceci n'était
21 pas un objectif des forces serbes, non plus que de la JNA qui était là,
22 mais qui devait évidemment prendre en charge ces effectifs, ce matériel de
23 guerre et l'équipement. Pour ce qui est du peuple serbe, nous sommes
24 certains que tel n'était pas leur objectif. Nous avons, pendant des
25 centaines d'années, vécu avec les gens autour de nous qui étaient des non-
26 Serbes et nous avons toujours voulu avoir une vie normale. Nous les avons
27 partagées, ces tragédies, avec le peuple croate. Le commun des mortels des
28 Serbes, comme les citoyens, le savait très bien.
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1 Q. Laissons de côté ce que les gens ordinaires ont pensé de cela, mais la
2 TO et la police de la Krajina, la TO de Benkovac que vous avez mentionnée
3 tout à l'heure comme étant l'armée serbe, ces forces serbes étaient d'une
4 manière ou d'une autre liées à tout cela. Il ne s'agissait pas seulement de
5 voir la JNA attaquer Skabrnja, n'est-ce pas ?
6 R. S'il y avait des membres de la TO, des individus, des particuliers qui
7 auraient aimé voir cette attaque se perpétrer, cela je ne le sais pas. Mais
8 à titre officiel, pour parler de la police, de la TO et des citoyens de SAO
9 Krajina et de Benkovac et les gens que je commandais, tous ces gens-là
10 n'avaient jamais un objectif pareil. Ils ne voulaient surtout pas voir ces
11 problèmes touchant Nadin et Benkovac et Krajina résolus de cette façon-là.
12 Q. Fort bien. Je vais aller un pas en avant. Vous avez dit tout à l'heure
13 que Skabrnja était peut-être le village le plus prospère, le mieux nanti
14 dans cette zone. Il s'agit d'un village croate, n'est-ce pas ?
15 R. J'ai dit pour ma part que du point de vue de ses habitants, ce village
16 a été riche et prospère. Il s'agit de parler d'un village qui avait un
17 intérêt économique à la fois pour la municipalité de Benkovac et de Zadar.
18 Ce n'est que dans ce contexte-là que je l'ai évoqué. Je ne sais pas pour
19 quelle autre raison j'aurais parlé en ces termes-là.
20 Q. Bien. Permettez-moi de vous dire une autre raison de l'attaque de
21 Skabrnja. Il fallait donner un exemple et envoyer un message à d'autres
22 villages croates que même Skabrnja n'était plus en sécurité, que les
23 Croates se devaient de quitter cette zone pour leur propre sécurité.
24 N'était-ce pas une autre raison de l'attaque lancée contre Skabrnja ?
25 R. Pour ce qui est de la raison de l'attaque de Skabrnja, je ne la
26 connaissais pas. Je ne la cherchais pas. Je n'ai pas attaqué Skabrnja,
27 quelles étaient les raisons de l'attaque. Lorsque tout a été fait, cela,
28 c'est autre chose. Il n'y avait pas de raison à chercher ni dans le domaine
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1 de la politique, ni dans la police, ni dans notre côté d'ailleurs.
2 Q. Comment pouvez-vous parler au nom de la police ? Vous pouvez nous dire
3 qu'il n'y avait pas de raison pour la TO de faire cette attaque, pour la
4 police, comment pouvez-vous parler au nom de la police ?
5 R. Vous m'avez posé la question concernant la police pour Polaca. La
6 police dépendait du même commandement à Knin que moi. Notre force était
7 plus importante que la force de la police, cette intention n'existait pas
8 au niveau d'aucune structure. Evidemment que je ne suis pas sûr de la
9 police, enfin je n'ai pas vraiment d'information à ce sujet. Vous m'avez
10 posé la question au sujet de la police à Polaca, j'en suis arrivé à la
11 conclusion que vous vouliez savoir qu'en était-il de la police dans le
12 cadre de cette attaque aussi.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qui était le commandant de la TO de la
14 police de Knin ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] La TO de Knin a toujours été placée sous le QG
16 des opérations en Dalmatie, c'était placé à Knin. La police avait leur
17 ministère. Le secrétariat des Affaires intérieures et le secrétaire du
18 Secrétariat.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel était le nom du ministre, du
20 secrétaire à l'époque ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle époque, s'il vous plaît Monsieur le
22 Président ?
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'époque pour laquelle vous dites que
24 la TO et la police dépendaient du commandement de Knin. C'est à vous de me
25 donner l'époque.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en automne 1991. Je pense que l'accusé
27 était la personne accusée ici, Milan Martic.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour les autres je n'en sais rien. Je ne sais
2 pas qui était le secrétaire.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
4 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur Lakic, je vais vous poser quelques questions précises
6 concernant l'attaque du 18 novembre. Avant cela, je vais vous poser une
7 autre question pour voir quel est votre commentaire. L'attaque sur Skabrnja
8 était l'exemple donné par les Serbes comment on pouvait attaquer un village
9 croate, le pilonnant et il s'agissait là d'une petite agression, jusqu'à ce
10 que le village n'ait répondu en s'armant et n'a pas opposé résistance,
11 ensuite les Serbes ont riposté avec un assaut, un véritable assaut
12 militaire. Ils ont utilisé cela comme un prétexte. N'est-ce pas cela qui
13 s'est passé à Skabrnja ?
14 R. Monsieur le Procureur, c'est vous qui dites cela. J'ai habité là-bas
15 toute ma vie avant la guerre. C'est vous qui dites cela. Je ne suis pas
16 d'accord avec vous. Le village de Skabrnja n'était pas isolé comme vous le
17 dites. Ce village a été à la frontière, pas isolé, pas du tout. Ce que vous
18 dites n'est pas exact, parce que la situation sur le terrain était tel que
19 je viens de vous décrire.
20 Q. Très bien. J'ai compris que vous dites que vous n'êtes pas d'accord, je
21 veux bien. Quand je dis que Skabrnja était isolé, en réalité ce que je
22 voulais dire, c'est que Skabrnja était entouré par des villages serbes, à
23 l'exception faite de Nadin. Tous ces villages serbes étaient contrôlés au
24 mois de novembre par exemple 1991, par la JNA, TO, les forces serbes. C'est
25 pour cela que je parlais d'isolation.
26 R. Non. Géographiquement, ce village n'était pas isolé comme vous le
27 dites. Ce qui est exact, c'est que les villages serbes étaient devant ce
28 village au nord et au nord-est, en direction de Benkovac, tous les autres
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1 villages autours, Nadin, Prkos, Galovac et cetera, sont des villages
2 croates. Ce sont les Serbes, les villages serbes, Zemunik et Smokovic qui
3 ont été isolés. Skabrnja avait la profondeur de son territoire de deux ou
4 trois kilomètres, la largueur d'une quinzaine de kilomètres. Ce n'est pas
5 une poche, vous avez une poche par rapport à deux villages serbes qui sont
6 à l'ouest de Skabrnja. Vous avez une poche quand ces villages se trouvent
7 profondément ancrés, enfoncés dans le territoire. C'est une notion
8 militaire.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous venez de parler d'un village à
10 côté de Zemunik, et l'interprète ne vous a pas entendu, enfin n'a pas
11 entendu le nom de ce village.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Zemunik et Smokovic se trouvait au niveau de
13 l'aéroport de Zemunik.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. BLACK : [interprétation] Merci. Je vais passer à un autre sujet.
16 Q. Je vais vous poser quelques questions plus précises au sujet de la date
17 du 18 novembre. Tout d'abord, vous conviendrez que cette opération qui a eu
18 lieu le 18 novembre 1991 était une opération d'offensive, pas de
19 défensive ? On ne peut pas dire que c'était une opération de défense.
20 R. C'est sûr qu'il ne s'agissait pas d'une opération offensive, il
21 s'agissait de la défense avec un élément, un élément paisible. Il ne
22 s'agissait pas de conduire une agression contre le côté croate pour qu'ils
23 arrêtent ses provocations. Il s'agit de la guerre, dans la guerre vous avez
24 toujours l'utilisation de la force des deux côtés pour aboutir à quelque
25 chose. Cet élément est indispensable dans la guerre pour en arriver à
26 aboutir à un résultat.
27 Q. Vous dites que l'opération qui pour le moins que l'on puisse dire a
28 résulté dans l'occupation des deux villages et la prise de contrôle sur
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1 deux villages, vous dites que cette opération n'était pas une offensive
2 mais une opération de défense ? Je trouve cela un peu bizarre.
3 R. Les deux villages n'étaient pas vraiment pris, n'étaient pas contrôlés.
4 On a pris le contrôle des objectifs militaires qui entravaient la
5 réalisation des accords quant au retrait de l'équipement. Les résidents de
6 Skabrnja ont été évacués à cause des opérations. C'était une conséquence
7 secondaire de l'attaque, les ressources utilisées par la JNA contre le côté
8 croate étaient des ressources exclusivement militaires. C'est la JNA qui
9 était active dans les activités de combat dans la région, qui est entré
10 dans cette région pour prendre ces lieux.
11 Q. Attendez pour que ce soit bien clair, est-ce que vous insistez que
12 cette attaque ou que les ressources utilisées contre le côté croate, si
13 vous voulez utiliser ce genre d'euphémisme, qu'il s'agissait des forces de
14 la défense qui n'avait un qualificatif d'attaque, des forces assaillantes ?
15 Je voudrais tout simplement
16 qu'on soit clair là-dessus. C'est ce que vous dites ?
17 R. Vous avez un objectif, l'objectif était de discuter de ce problème, et
18 à la lumière de cet objectif, oui, je persiste à dire qu'il s'agissait
19 d'une opération à caractère défensif.
20 Q. Vous avez dit que vous avez appris l'existence de ces opérations la
21 veille, le 17 novembre 1991, avec Bosko Drazic qui faisait partie de la
22 police; est-ce exact ?
23 R. Oui.
24 Q. A la page 75 du compte rendu d'hier vous avez parlé des gardes
25 villageoises des villages de Biljana Donji et autres villages. C'était des
26 villages serbes, n'est-ce pas, les villages que vous avez mentionnés ?
27 R. Les gardes villageoises, c'est comme cela que le peuple appelait cela.
28 C'était les unités de la Défense territoriale avec des communes locales
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1 dans ces villages. C'était les soldats qui avaient plus de 40 ans, des
2 hommes qui tombaient sous le coup de l'obligation militaire et dans le
3 cadre de cette obligation, ils devaient assurer la sécurité de leurs
4 villages, des lieux sensibles de ces villages dépendant de ce qui se trouve
5 dans le village, la poste, l'école, et cetera.
6 Q. Merci. Hier vous avez parlé de la mort d'un certain officier de la JNA
7 surnommé Stefanovic. Dans cette déposition, hier, qui figure à la page 10
8 161.
9 M. BLACK : [interprétation] Je suis désolé, je n'ai pas la ligne précise.
10 Q. Vous avez dit qu'en fonction de l'information que vous aviez, vous avez
11 parlé comment Stefanovic se promenait avec des haut-parleurs en demandant
12 que les Croates se rendent et comment il a été tué. Vous ne l'avez pas vu
13 vous-même, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas été témoin oculaire de cela ?
14 R. Non. J'étais à 3 kilomètres de distance. Je sais de quoi il s'agit. A
15 partir du moment où l'armée croate a commencé à tirer sur cette colonne, de
16 nombreux soldats sont entrés dans le blindé. Il y a eu plusieurs versions
17 concernant la mort du lieutenant Stefanovic. Le commandement militaire à
18 Benkovac en est arrivé à une conclusion définitive qui correspond à ce que
19 je viens de vous dire. Je n'étais pas là, grâce au rapport définitif
20 émanant du commandement de la 180e Brigade, je peux vous donner la version
21 officielle de sa mort.
22 Q. Merci de cette explication. Est-ce que vous acceptez la possibilité
23 qu'il a été tué au cours des combats et pas de la façon dont vous
24 l'expliquez. Est-ce que vous acceptez cette possibilité ?
25 R. Non, je ne l'accepte pas. A ce moment-là il n'y a pas eu de combat.
26 C'était les premiers échanges des tirs d'infanterie les deux ou trois
27 premières minutes. Ils ont ouvert le feu sur cette colonne et cet homme
28 pour arrêter cela est sorti et il a appelé ces gens à discuter. Il est mort
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1 tôt le matin, cinq minutes après que cela soit arrivé sur le carrefour. Il
2 a marché, il s'avançait sur une longueur de cinq mètres en direction des
3 membres de l'armée croate. En tout cas, c'est la version officielle que
4 nous avons eue.
5 Q. Hier vous avez aussi dit au niveau de la page du compte rendu 10 165,
6 il n'y avait pas eu de tirs d'artillerie avant que la JNA n'entre dans le
7 village de Skabrnja. Vous étiez assez sûr à ce sujet. Quand d'après vous
8 ces feux ont commencé ? Ou est-ce que vous dites qu'il n'y a pas eu de feux
9 d'artillerie du tout ?
10 R. Vous parlez des chars qui étaient dans la colonne, l'artillerie
11 d'appui. Bien, il y a eu l'intervention de l'artillerie après qu'il y ait
12 eu négociation, après que Stefanovic ait été tué. Puisque je passais entre
13 Smiljcici et Biljane, je n'ai pas entendu que quelqu'un a tiré sur qui que
14 ce soit entre-temps. Au moment où j'ai été à Biljane, Stefanovic a été tué,
15 Biljane Donje. A ce moment-là, au moment où il a été tué, il n'y a pas eu
16 de tirs. Je n'ai pas entendu des tirs. Il y a eu quelques tirs sporadiques,
17 mais je l'ai pas vu puisqu'il fallait que je traverse cinq ou six
18 kilomètres en véhicule de fonction. Personne ne m'a dit qu'il y a eu des
19 tirs. Dans tous les rapports de la JNA on déclare qu'il n'y a pas eu
20 d'échange de tirs, il n'y a pas de feu avant que cette personne ne se fasse
21 tuer. Dans tous les rapports de la JNA.
22 Q. Très bien. Si vous acceptez que les feux d'artillerie ont commencé vers
23 7 heures 30 du matin, est-ce que ceci doit être vrai, d'après vous ?
24 R. Vous parlez de la journée du 18 novembre ?
25 Q. Oui.
26 R. L'artillerie a commencé à agir 10 ou 15 minutes après que le côté
27 croate a lancé l'attaque sur cette colonne vers 7 heures 30 ou peut-être 8
28 heures, ou à 7 heures. En tout cas, une dizaines de minutes après la mort
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1 de Stefanovic. Là je vous parle uniquement de chars qui faisaient partie de
2 la colonne. Il n'y a pas eu d'autre artillerie. Elle a été incluse par la
3 suite.
4 Q. L'utilisation du feu d'artillerie et des chars qui a commencé à 7
5 heures 30, est-ce que ceci n'indique pas que cette attaque a été planifiée
6 bien à l'avance et que le véritable objectif n'a jamais été de négocier
7 mais de prendre les villages par la force ?
8 R. L'artillerie qui se trouvait sur le territoire de la municipalité de
9 Benkovac n'était pas là pour attaqué Skabrnja éventuellement. Cette
10 artillerie était là pour débloquer la caserne de Zadar et pour assurer la
11 sécurité de l'aéroport. Cette artillerie n'était pas là à cause de
12 Skabrnja. C'est pour cela qu'elle n'a rejoint l'attaque que plus tard,
13 puisqu'au début, il n'y avait pas d'éléments pour qu'elle soit utilisée,
14 puisqu'elle n'était pas dirigée correctement. Elle n'a été utilisée,
15 employée que par la suite, peut-être une heure plus tard. On faisait
16 l'emploi de l'artillerie selon les besoins. Ce qu'il y avait, c'était les
17 chars de la JNA qui se trouvaient dans la colonne. En ce qui concerne les
18 obusiers, les mortiers, et cetera, ils avaient été là auparavant, mais ceci
19 uniquement pour assurer la sécurité ou le déblocus de la caserne de Zadar.
20 M. BLACK : [interprétation] Je pense que le moment est opportun pour
21 prendre la pause.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous revenons à 12 heures
23 30.
24 --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.
25 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, vous pouvez
27 poursuivre.
28 M. BLACK : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Lakic, nous étions en train de parler de la planification de
2 l'opération à Skabrnja.
3 M. BLACK : [interprétation] Si nous pouvions voir le document 107 à
4 l'écran. Il faudrait faire tourner cette image dans le sens des aiguilles
5 d'une montre, puis arriver à zoomer un petit peu sur la version B/C/S.
6 Voilà, il s'agirait de les mettre dans le bon sens vertical. Merci.
7 Q. Il s'agit d'un carnet de notes d'un officier. Si on passe à la deuxième
8 page, vous verrez qu'il s'agit de celui du lieutenant-colonel Momcilo
9 Bogunovic. Je pense que vous connaissez ce nom, n'est-ce pas, Monsieur ?
10 R. Oui.
11 M. BLACK : [interprétation] Passons à la page dont le numéro ERN se termine
12 par 6875, page 1 de la traduction en anglais. Merci.
13 Q. Vous voyez qu'ici, c'est quelque chose qui a été noté au 17 novembre
14 1991. On voit la date en haut à droite. C'est écrit d'une façon manuscrite,
15 donc parfois c'est un peu difficile à déchiffrer, mais nous allons essayer
16 de suivre. Il est écrit la chose suivante : "Le général Vukovic déclare
17 qu'il convient de faire des préparatifs et que les villages de Skabrnja et
18 Nadin doivent être nettoyés au cours du 18 novembre 1991."
19 Vous voyez ce qui est écrit en haut de la page à droite ?
20 R. Oui, je le vois bien.
21 Q. Il n'y a absolument rien à propos de négociations, pourparlers ou d'une
22 solution pacifique, il est juste écrit que ces deux villages doivent être
23 nettoyés le 18 novembre, et cela a toujours été d'ailleurs le plan, puisque
24 l'objectif, le plan était de nettoyer ces villages ?
25 R. Il est écrit déblayer, nettoyer; ce n'est pas un terme militaire qui
26 est employé. "Ciscenje" n'est pas un terme militaire. Il s'agit d'un
27 lieutenant-colonel de la JNA, déjà on parle de cette personne, et ce terme
28 signifie neutraliser les bastions et les postes tenus par les forces
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1 militaires, donc les militaires. Ce n'est absolument rien qui est écrit
2 dans un plan officiel. Il ne s'agit pas d'un document officiel, c'est juste
3 une petite note faite dans son carnet par le lieutenant-colonel Bogunovic
4 où il note son point de vue à propos de cette mission. S'il était encore en
5 vie, je suis sûr qu'il pourrait vous dire exactement ce qu'il en était,
6 mais il est très certain que le plan n'a pas été formulé de cette façon.
7 Cela, c'est sûr.
8 Q. Ce qui est écrit ici n'est pas censé être le point de vue de
9 M. Bogunovic puisqu'il reprend ce que le général Vukovic a dit. Enfin, en
10 tout cas, c'est ce qui est écrit sur ce carnet. Il reprend les termes du
11 général Vukovic.
12 R. J'ai rencontré le général Vukovic. Voici comment il fonctionnait. Ce
13 n'était pas lui qui rédigeait les plans, qui faisait les plans, c'était
14 l'état-major. Il avait tendance à parfois lancer des phrases à l'emporte-
15 pièce pour essayer d'expliquer ce qu'il voulait dire.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En revanche, la question est de savoir
17 que M. Bogunovic, ici, n'exprime pas son propre point de vue, mais reprend
18 juste ce que le général Vukovic aurait dit. C'est la seule question que
19 l'on vous pose.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est écrit ici que le général Vukovic a dit
21 cela, et le lieutenant-colonel Bogunovic en a pris note. C'est un terme
22 qu'ils avaient dû employer entre eux, mais ce n'était pas un terme
23 militaire. Par exemple, si quelqu'un me disait de faire du "ciscenje", je
24 ne saurais absolument pas comment exécuter cet ordre en termes militaires.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le lieutenant-colonel Bogunovic est en
26 train d'écrire l'ordre qu'il a reçu du général Vukovic; c'est bien cela ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, sans doute, puisque c'est bien ce qui est
28 écrit.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.
2 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 Q. Ce mot, "ciscenje", je pense que vous l'avez déjà vu quand même dans le
4 contexte des opérations en cours, n'est-ce pas ?
5 R. C'est du jargon. C'est un mot qui signifie tout ou n'importe quoi. Je
6 ne l'ai jamais employé, jamais. Jamais au cours de ma carrière, je ne l'ai
7 jamais ni prononcé ni écrit.
8 Q. C'est une question un peu difficile pour nous deux, puisque c'est une
9 question de langue. Si je n'arrive pas à exprimer mon point de vue, dites-
10 le-moi. Ce mot "ciscenje" a été interprété en anglais comme "mopping-up",
11 nettoyer, mais c'est aussi purifier. C'est le même mot, "ciscenje" qui est
12 employé dans le nettoyage ethnique, n'est-ce pas ? C'est le même terme.
13 R. Je sais tout à fait ce qui s'est passé puisque je connaissais les deux
14 personnes qui étaient impliquées, ici. Là, il est évident qu'il n'y avait
15 pas le nettoyage ethnique en question. C'est un terme qui était utilisé par
16 les soldats, peut-être.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je dois intervenir. J'en suis désolé,
18 mais vous ne répondez pas à la question. On est en train de vous demander
19 si ce mot, "cisjenje", aurait différentes acceptions parmi lesquelles
20 nettoyage. Est-ce vous êtes d'accord ou pas ? "Cisjenje" veut dire non
21 seulement "mopping-up", donc déblayer, mais aussi nettoyer ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas répondre à la question. Je ne
23 sais pas très bien quelles sont toutes les acceptions des termes anglais
24 que vous me proposez.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Nous n'avons pas demandé au témoin de
27 se prononcer sur les termes en anglais.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En effet. Les --
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1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Il y a différentes significations en
2 anglais. Ce n'est pas de la compétence du témoin. Nous devons écouter ce
3 que nous disent les interprètes.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, qu'avez-vous à
5 dire ?
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour répondre à
7 la question du Procureur quant à savoir si le témoin savait que ce terme
8 peut avoir plusieurs acceptions en anglais, entre autres, déblayage,
9 nettoyage, et cetera, le témoin a dit : Je connais bien ces deux personnes,
10 et je suis sûr qu'en serbe, ce mot ne signifiait pas purification ethnique,
11 nettoyage ethnique. Il a donné la réponse, donc on n'est pas en train de
12 couper les cheveux en quatre à propos de la langue, ici. On est en train de
13 dire quelle était la signification de ce mot écrit par Bogunovic, et le
14 témoin a dit : Je connais à la fois le général Vukovic et Bogunovic, et il
15 est certain qu'ils n'ont pas employé ce terme dans l'acception épuration
16 ethnique ou nettoyage ethnique. C'est tout ce qu'il a dit.
17 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Maintenant, on est en train de parler du
19 point de vue de la langue et de la signification des différents termes.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, la question qui
21 a été posée au témoin n'était pas à propos de M. Bogunovic, quant à savoir
22 s'il connaissait M. Bogunovic ou pas. On lui posait une question à propos
23 d'un mot. Je rejette votre objection. De toute façon, le témoin nous a
24 répondu.
25 M. BLACK : [interprétation] Oui, en effet. Le témoin avait attiré mon
26 attention sur ce mot. C'est pour cela que j'ai posé cette question, mais
27 j'y reviendrai, de toute façon. Pour l'instant, je vais passer à autre
28 chose.
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1 Q. Monsieur Lakic, hier vous avez déposé et vous nous avez parlé de chars,
2 de véhicules de transport de troupes blindés, des APC, aussi du nombre
3 d'hommes qui étaient engagés dans les combats, côté serbe, c'est-à-dire
4 avec la JNA et les autres forces qui combattaient aux côtés de la JNA. Il
5 est vrai aussi, n'est-ce pas, que l'attaque a aussi eu recours à des
6 hélicoptères et à des avions, n'est-ce pas ? Ils ont été employés lors de
7 l'attaque ?
8 R. Je n'ai pas vu de mes yeux ni avions, ni hélicoptères. Ils n'étaient
9 pas actifs, donc je pense que ce n'est pas vrai.
10 Q. Très bien. Vous avez aussi dit qu'il n'y avait que deux membres de la
11 JNA qui avaient trouvé la mort au cours des combats et qu'il n'y avait pas
12 eu de victimes côté TO. Quand on compare cela aux victimes croates, soldats
13 et civils, on voit que de leur côté, la liste de victimes était beaucoup
14 plus impressionnante. Enfin, si je puis dire, il y a eu beaucoup plus de
15 victimes côté croate que côté serbe, n'est-ce pas ?
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé.
17 Le témoin a parlé d'une action de la JNA lors de sa déposition. Pouvez-vous
18 s'il vous plaît demander au Procureur de ne pas modifier le rôle
19 constitutionnel des forces armées ? L'expert du Procureur, M. Theunens, a
20 dit que la JNA était bel et bien une force armée de métier régulière. Il
21 faudrait que le Procureur pose sa question correctement. Il est toujours en
22 train de combiner la JNA et les forces serbes. Ce n'est pas vrai. Ce n'est
23 pas constitutionnel, ce n'est pas correct de façon juridique, et ce n'est
24 pas correct non plus par rapport à ce qui s'est passé sur le terrain. Le
25 témoin, d'ailleurs, le fait sans cesse ressortir.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, j'essaie de
27 repérer dans le compte rendu les endroits qui sont pertinents. Je ne sais
28 pas si vous soulevez une objection à propos de la question qui vient juste
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1 d'être posée ou celle qui a été posée juste avant, parce qu'il n'y a aucune
2 mention de la structure constitutionnelle de la JNA dans la question qui a
3 été posée précédemment. A quoi se rapporte votre objection, s'il vous
4 plaît ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je soulève une objection à propos de la
6 dernière phrase, à la page 69, lignes 11 à 12, la question du Procureur où
7 il est dit qu'il y avait beaucoup plus de victimes côté croate que côté
8 serbe. Quel est le côté serbe si l'action avait été lancée par la JNA ?
9 Voici exactement l'essence de mon objection.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.
11 Avez-vous à répondre, Monsieur Black ?
12 M. BLACK : [interprétation] Oui. Je pense que tout est très clair, quand
13 même, quand on parle de deux camps. J'essaie juste de faire la différence
14 entre les deux camps. Je ne partage absolument pas le point de vue du
15 conseil à propos des preuves que nous avons eues sur le rôle que la JNA a
16 joué en novembre 1991. L'Accusation a d'ailleurs une opinion tout à fait
17 différente à propos du rôle que la JNA a joué. Nous avons des preuves,
18 d'ailleurs, pour étayer tout cela. Je n'accepte pas que l'on dise qu'il n'y
19 avait que la JNA qui était impliquée. Je ne vais pas formuler mes questions
20 de la façon que me demande la Défense, absolument pas. Je pose mes
21 questions au témoin. Si le témoin n'est pas d'accord avec moi, il peut le
22 dire. Je fais référence d'un côté à un camp serbe, ensuite à un camp croate
23 pour essayer d'identifier un petit peu quelles étaient les deux parties au
24 conflit. C'est tout. Je ne comprends pas très bien qu'il y ait controverse.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Certes. Monsieur Milosevic, qu'avez-
26 vous à dire ?
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mon éminent
28 confrère a dit que du côté de la JNA, il n'y a eu que deux victimes, et
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1 beaucoup plus du côté croate. Il poursuit sa question en disant : Pouvez-
2 vous nous donner le rapport des victimes entre le camp croate et le camp
3 serbe, alors qu'avant il n'avait fait référence qu'à des membres de la JNA,
4 qu'à des effectifs de la JNA. Il y avait le soldat à côté du lieutenant
5 Stefanovic. En plus, il n'était même pas Serbe. Le témoin nous l'a dit lui-
6 même. On ne peut pas présenter ces arguments aussi subjectifs dans des
7 questions de ce type au témoin. Le Procureur peut tout d'abord établir les
8 faits, ensuite, sur la base de ces faits, peut en déduire sa position et
9 ensuite présenter ses arguments. Mais il ne peut pas le faire au travers
10 des questions qu'il pose à ce témoin -- en tout cas, pas de la façon dont
11 il les pose à l'heure actuelle.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai l'impression que vous êtes un
13 petit peu sur des axes contradictoires. Si j'ai bien compris ce que M.
14 Milovancevic vous a dit, il nous dit que la JNA était l'armée populaire de
15 la Yougoslavie composée à la fois de Croates, de Serbes, donc on ne peut
16 pas parler d'un côté croate et d'un côté serbe. Cela est antinomique, étant
17 donné la structure dictée par la constitution de la JNA. Je ne sais pas si
18 nous avons un autre terme qui nous permettrait de faire le distinguo entre
19 les deux forces en présence sans utiliser l'appartenance ethnique. Cela
20 dit, en utilisant les termes ethniques, si le témoin considère que l'on ne
21 représente pas correctement les deux parties, c'est à lui de le dire.
22 M. BLACK : [interprétation] Oui, je vous remercie. Je crois qu'à la page
23 69, lignes 3 et 4, j'ai dit le côté serbe, et cela pour moi voulait dire la
24 JNA et toutes les autres forces qui étaient à leurs côtés, puisqu'il y
25 avait la TO et la police. D'ailleurs, lui il parle de la TO comme étant une
26 armée serbe. C'est pour cela que j'ai employé "le côté serbe", "le camp
27 serbe".
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais c'est justement cela qui a
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1 fait l'objet de l'objection, c'est-à-dire le côté serbe.
2 M. BLACK : [interprétation] Tout à fait, mais l'objection n'est pas à
3 propos du fait que la JNA n'était pas l'armée serbe, absolument pas. Je ne
4 parle pas uniquement de la JNA, mais des autres forces qui représentaient
5 les intérêts serbes. Nous avons déjà des preuves à propos de rôles joués
6 par la JNA en 1991, à Kijevo, par exemple, ou en août 1991, mais nous
7 savons très bien de par la constitution quel était le rôle de facto
8 emprunté par la JNA à cette époque, qui était de soutenir totalement les
9 intérêts serbes. C'est pour cela que j'emploie le terme, d'ailleurs.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais si j'ai bien compris ce que
11 vous avez dit, que la JNA avait déjà pris le parti des Serbes, je pense que
12 vous avez le droit de poursuivre.
13 M. BLACK : [interprétation] Dans l'acte d'accusation, d'ailleurs, ces
14 groupes sont mis ensemble et sont appelés forces serbes ou Serbes.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans ce cas-là, je rejette
16 l'objection.
17 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie.
18 Q. Monsieur Lakic, j'espère que ce n'est pas en train de créer de la
19 confusion dans votre esprit et que vous savez exactement quels sont les
20 camps auxquels j'ai fait référence dans mes questions. N'est-il pas vrai de
21 dire que les forces qui attaquaient la JNA ainsi que les autres forces qui
22 avaient attaqué et qui étaient impliquées dans l'attaque ont quand même eu
23 beaucoup moins de victimes que les forces contre lesquelles ils se
24 battaient --
25 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
26 M. BLACK : [interprétation]
27 Q. -- c'est-à-dire y compris les villageois du village de Skabrnja et du
28 village de Nadin. C'est bien vrai, n'est-ce pas ? J'essaie juste de savoir,
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1 au niveau d'un rapport mathématique, où étaient les victimes.
2 R. Puis-je répondre ?
3 Q. Allez-y.
4 R. L'armée populaire de Yougoslavie en novembre 1991 était l'armée
5 représentant toutes les nations et toutes les minorités ethniques de la
6 République fédérative socialiste de Yougoslavie.
7 Q. Oui, je vous interromps. Je veux juste savoir si lors de l'attaque, un
8 camp aurait eu moins de victimes que l'autre. C'est la seule question que
9 je vous pose. Je voudrais juste savoir si les attaquants avaient eu moins
10 de victimes que ceux qui étaient attaqués.
11 R. Après la mort de M. Stefanovic, s'il y avait eu des négociations, il
12 n'y aurait que la JNA qui aurait eu des pertes, puisqu'au côté croate, il
13 ne se serait rien passé. Malheureusement, il n'y a pas eu de négociations.
14 Il y a eu combat, et de ce fait, des soldats et des citoyens ont été perdus
15 des deux côtés.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je veux juste que M. Milovancevic
17 repère et remarque que le témoin maintenant parle du côté croate, alors que
18 dans la question, il n'y avait pas d'allusion à un côté croate. Il faut
19 qu'il le voie bien.
20 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie.
21 Q. Monsieur Lakic, vous avez témoigné qu'il n'y avait que deux victimes du
22 côté attaquant, deux personnes qui étaient mortes et qui faisaient partie
23 de la JNA, et qu'il n'y avait pas eu de victimes sur le côté de la TO.
24 Maintenant, vous êtes en train de nous dire qu'il y a eu des soldats et des
25 citoyens qui ont été tués des deux côtés. Alors vous êtes en train de
26 modifier les victimes du côté attaquant ou est-ce que vous êtes encore
27 d'accord avec moi pour dire qu'il y avait eu beaucoup moins de victimes
28 côté attaquant que côté attaqué ? C'est une question simple quand même. Je
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1 pense que la réponse serait simple.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je soulève une objection.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur.
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Mon éminent collègue dit qu'il y a eu
5 beaucoup moins de victimes côté attaquant que côté attaqué. Cette question
6 ne vient pas de ce que nous a dit le témoin. Ce n'est pas correct. Le
7 Procureur est en train de fausser le témoignage du témoin. Il n'a jamais
8 dit que c'était la JNA qui avait attaqué. Vous lui posez une question à
9 propos de quelque chose de totalement différent maintenant.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
11 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 Q. Pouvez-vous répondre à ma question quand même ?
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais obtenu d'informations portant
15 sur le nombre de civils et de soldats qui avaient trouvé la mort côté
16 croate. Il y a eu différents chiffres qui ont circulé. On allait parfois
17 jusqu'à 100, d'ailleurs. En fin de compte, le côté croate a donné le
18 chiffre de 20. Il est vrai que numériquement, ce sont les Croates qui ont
19 eu le plus de victimes. Le conflit s'est envenimé parce que ce sont les
20 forces croates qui ont attaqué l'unité qui était venue pour négocier.
21 L'attaque a été lancée par les forces croates sur la JNA qui avait tout à
22 fait le droit de se trouver dans cette zone.
23 M. BLACK : [interprétation]
24 Q. Je ne vous ai pas demandé quels étaient les chiffres impliqués. Je vous
25 ai posé une question bien spécifique. S'il vous plaît, répondez uniquement
26 à mes questions. Maintenant, nous allons passer à autre chose.
27 R. Quand on avance le chiffre de 20 ou 30, il s'agit d'un chiffre
28 supérieur à deux. Chaque victime est importante, chaque perte est
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1 importante.
2 Faire la manipulation de chiffres, faire une addition, et cetera, cela est
3 autre chose.
4 Q. Monsieur, s'il vous plaît, essayez de vous concentrer sur mes questions
5 et répondez à mes questions. Primo, est-ce que vous comprenez que vous
6 devez vous concentrer sur mes questions ? Est-ce que vous me comprenez ?
7 R. Oui, tout à fait. Je suis prêt à répondre à chacune de vos questions.
8 Q. Arrêtez-vous là, et ne me donnez pas d'explication au sujet de tout ce
9 que vous avez envie de dire. Lorsque vous dites "entièrement" ou "tout à
10 fait", cela suffit, vous pouvez me dire : Oui, je suis prêt.
11 N'est-il pas vrai de dire qu'une énorme et immense force a été employée
12 contre les villages de Skabrnja et de Nadin, c'est-à-dire la force, la
13 partie attaquante disposait évidemment d'une énorme force ?
14 R. Ceci n'est pas vrai, parce que si tous les experts devaient faire une
15 évaluation des forces dont disposait la JNA dans ces zones et pour évaluer
16 l'armée croate qui avait des moyens et qui avait des forces, alors là, je
17 ne sais pas quelle serait la force qui, une fois les chiffres couchés sur
18 le papier, pourrait être considérée comme supérieure. Pour ce qui était des
19 armes, des pièces d'artillerie et autres qui ont évidemment été utilisées à
20 l'encontre de nous, c'est-à-dire de nous autres de la partie adverse, alors
21 là on pourrait parler en d'autres termes, on peut dire aussi la force qui a
22 attaqué la JNA.
23 Q. Très bien. Je vais passer à un sujet qui me semble légèrement
24 différent, mais nous sommes toujours concentrés sur la date du 18 novembre.
25 Vous avez témoigné pour dire que ce n'est qu'approximativement vers 17
26 heures que vous êtes entré dans Skabrnja, lorsque la majeure partie de ces
27 combats a déjà été terminée. Est-ce que j'ai le droit de dire que vous
28 n'avez pas pu percevoir directement ce qui s'était passé dans le village et
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1 qu'avant 5 heures de l'après-midi, vous n'avez jamais eu d'informations
2 recueillies par vous-même ?
3 R. Pour parler des informations recueillies directement par moi, sur
4 place, je ne les ai pas eues, c'est vrai. J'ai pu entendre parler
5 évidemment des officiers, chefs, et cetera.
6 Q. Merci, très bien. Ce n'est pas avec certitude que vous pouvez nous dire
7 quelles étaient les forces en présence dans ce village au cours des
8 combats, n'est-ce pas ?
9 R. Non seulement je ne peux pas vous le dire, mais je sais qu'au début il
10 y avait ces forces-là qui ont opéré et qui sont venues jusqu'au centre du
11 village. Il s'agissait des forces de la JNA. Lorsqu'à 5 heures de l'après-
12 midi, je me suis rendu sur place, j'y ai trouvé des officiers de la JNA et
13 des membres de différentes unités de la JNA. C'est à eux que j'ai demandé
14 des données concernant les civils qu'il a fallu évacuer, si des civils y
15 étaient encore dans le village.
16 Q. Acceptez-vous comme étant possible de voir des membres de la police de
17 la SAO Krajina présent dans le village avant votre arrivée ?
18 R. Non. Je ne peux pas l'accepter parce que je sais qu'ils n'y étaient pas
19 et qu'ils n'opéraient pas. Je ne me trouvais pas sur les axes d'attaque,
20 mais il s'agit évidemment d'éviter, il s'agit de membres de la police SAO
21 Krajina qui s'acquittait des tâches, qui faisait partie des efforts faits
22 en vue d'une négociation de paix. En tout cas, quand je me suis rendu là-
23 bas sur place, ils n'y étaient pas non plus, qu'ils y étaient préalablement
24 sur ces axes-là, pour parler des policiers.
25 Q. Est-ce que vous savez qu'il y a eu des soldats du capitaine Dragan qui
26 auraient participé dans les opérations de Skabrnja ?
27 R. Le capitaine Dragan n'était pas là, non plus que ses soldats, il n'y
28 avait aucune trace de lui ou de ses soldats pour parler de Skabrnja.
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1 Q. Passons à un autre sujet. Vous avez témoigné pour dire que vous avez pu
2 utiliser un minibus de marque Volkswagen qui dispose approximativement une
3 vingtaine de sièges pour transporter des civils depuis Skabrnja, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Je crois qu'il y avait une voiture de marque Volkswagen, avec l'emblème
6 de la Croix-Rouge, qui appartenait à la Croix-Rouge. Pour parler de
7 minibus, il s'agissait d'un véhicule qui était propriété mobilisé, c'est-à-
8 dire appartenait à la Promet, une société de commerce, et cette voiture a
9 été réquisitionnée.
10 Q. Bon. Peut-être il y a eu une mauvaise compréhension de ma part, il y
11 avait un minibus, deux véhicules, n'est-ce pas ?
12 R. Je n'avais que ces deux véhicules lors de l'évacuation. Excusez-moi, à
13 titre d'évacuation un transport de troupe, un véhicule blindé transport de
14 troupes a été utilisé également appartenant à la JNA, que je n'avais pas
15 évidemment dans le cadre des véhicules et de l'équipement à ma disposition
16 à la TO.
17 Q. Bon. Très bien. Est-ce que vous savez qu'il y avait d'autres forces que
18 ce soit de la JNA ou quelqu'un d'autre qui a participé à l'attaque qui
19 aurait été doté d'un autocar ou d'une fourgonnette qui aurait été les
20 véhicules de TO ?
21 R. Non, non. Ce qui appartenait à la JNA c'était des véhicules
22 organiquement militaires de couleur gris olivâtre. Je ne sais pas si
23 c'étaient les services de santé ou un hôpital qui aurait été impliqué. Dire
24 qu'il y avait un autre véhicule que nous avons pu observer sur place,
25 certainement il n'y en avait pas en date du 18 novembre.
26 Q. Bien, merci. Avez-vous su que des civils avaient été passés à tabac,
27 qu'ils étaient traités d'Oustachi, maltraités d'une façon ou d'une autre en
28 date du 18 novembre avant de les monter sur des poids lourds à Skabrnja.
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1 Est-ce qu'ils ont été transférés dans un établissement que l'on appelait
2 Oscar ou quelque chose du genre, pour y être, dans le cadre de ce bâtiment,
3 humiliés, maltraités, et cetera ?
4 R. Non.
5 Q. S'ils ont fait la description d'un autocar, ceci devait être un autocar
6 à votre disposition, c'était le seul minibus ou autocar qui se trouvait là-
7 bas ?
8 R. Il s'agissait d'un autocar qui portait les couleurs de cette
9 entreprise, de cette firme commerciale où on pouvait lire exactement
10 l'intitulé de cette entreprise qui en était le propriétaire. A en juger
11 d'après la couleur évidemment de ce véhicule, on pouvait y lire "Une
12 entreprise commerciale de Benkovac Promet"
13 M. BLACK : [interprétation]
14 Q. En témoignant hier vous avez dit que les combats ont pris fin en date
15 du 18 novembre, alors que l'opération officiellement a pris fin le 19
16 novembre. Vous avez dit que vous-mêmes vous n'y étiez pas personnellement
17 le 19. Est-ce que je vous ai bien compris ?
18 R. Je n'y étais pas en la fonction qui était la mienne, le jour préalable,
19 je me suis rendu à deux à trois reprises pour contrôler mes unités. Il n'y
20 avait plus aucun besoin de le faire. La population civile a été évacuée le
21 jour préalable et au cours de la nuit, nous nous sommes occupés de cette
22 population civile pour organiser leur passage vers la partie croate. C'est
23 ce dont je me suis occupé au cours de la nuit.
24 Q. Est-ce que vous avez su que neuf civils ont été tués à Nadin le 19
25 novembre 1991 pendant ou immédiatement après l'attaque contre ce village ?
26 Est-ce que vous saviez cela ?
27 R. Je me souviens qu'il y avait moins peut-être de dix habitants parmi les
28 civils du village de Nadin. C'était des gens âgés ou peut-être qui ont eu
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1 du mal à se mouvoir. Je sais que des membres de mon unité leur ont apporté
2 des médicaments et des vivres et qu'ils se sont occupés également de visite
3 médicale sur place à l'intention de ces gens-là.
4 Q. Monsieur, permettez-moi de vous interrompre. Si ces gens-là ont survécu
5 la date du 19 novembre, alors ce n'était pas ces gens-là à qui je pensais.
6 Ma question est très concrète. Savez-vous quoi que ce soit sur les neuf
7 civils qui ont été tués à Nadin le 19 novembre 1991 ?
8 R. Non.
9 Q. Est-il exact de dire que jusqu'au soir du 19 novembre, de nombreuses
10 parties du village de Nadin ont été incendiées ? Est-ce que vous en savez
11 quelque chose ?
12 R. Vous parlez du 19 novembre ? Je n'en sais rien parce que je n'ai reçu
13 aucune information du genre. C'est seulement maintenant que j'entends
14 parler de cela.
15 Q. Bien. Merci. Maintenant, je voudrais que l'on traite ensemble d'une
16 pièce à conviction. Il s'agit d'une pièce à conviction 109.
17 M. BLACK : [interprétation]
18 Q. Voyez-vous, peut-être vous avez-vous même fait mention de ce document.
19 Est-ce que vous avez pu vous familiariser avec ce document jusqu'à
20 maintenant ?
21 R. Il s'agit d'une note officielle, personne autorisée de la police
22 militaire, secteur -- non je ne me suis pas familiarisé avec ce texte, ce
23 document.
24 M. BLACK : [interprétation] Est-ce qu'on peut, s'il vous plaît, faire voir
25 au témoin la signature de la dernière page, non, plutôt de la deuxième
26 page. Il s'agit de la page 7350.
27 Q. Monsieur, est-ce que vous y voyez apposer la signature d'Ernest Radjen,
28 dont le nom que vous avez mentionné tout à l'heure ?
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1 R. Oui, je l'ai mentionné ce nom. C'était un officier de réserve mobilisé
2 dans la 180e Brigade, il a été commandant du peloton de la police militaire
3 de la 180e Brigade, il faisait partie des effectifs de cette unité de la
4 JNA, une personne fort disciplinée.
5 Q. Bien. Cela suffit, excusez-moi de vous interrompre, mais nous devons
6 aller de l'avant. Il s'agit d'une note officielle qui a été rédigée par le
7 lieutenant Radjen.
8 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir s'il vous plaît la
9 première page de ce document ?
10 Q. Dans le deuxième paragraphe, avant de voir les paragraphes avec le 1, 2
11 ou 3 et cetera, dans le premier paragraphe il est dit que : "Le lieutenant
12 Radjen a pris part dans les combats pour briser les forces oustachi dans
13 Skabrnja, pour assainir le lieu de combat, et à --". C'est ce que nous
14 lisons, n'est-ce pas, dans ce document ?
15 R. Ernest Radjen, en qualité de policier ou de civil ou d'un simple piéton
16 n'y a pas pris part. C'est un policier militaire, militaire qui a été
17 affecté à l'accomplissement de cette tâche. C'est lui qui a utilisé le
18 véhicule blindé transport de troupes qui lui était plutôt affecté à
19 l'évacuation de la population civile de concert avec mon unité à moi. Il
20 n'avait aucune mission d'ordre militaire de combat.
21 Q. D'accord. Le 18 novembre, il était présent à Skabrnja.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, je ne peux pas accepter cela.
23 L'auteur de ce document dit en participant dans les combats. Il a pris part
24 aux combats, vous ne pouvez pas accepter le fait que lui n'était pas là. Le
25 témoin doit répondre à la question qui lui a été posée. Est-ce vrai ce que
26 nous lisons ici ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Si on dit qu'il a pris part, ceci peut être de
28 différente façon, moi aussi, en tant que commandant de la TO, j'y ai
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1 participé.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie. Lorsqu'on dit
3 "participer," nous voulons savoir comment il a participé.
4 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur le Témoin, dans le deuxième paragraphe, nous lisons : "Dans
6 les combats, dans le village de Skabrnja le 19 novembre, plusieurs
7 personnes de différents âges, membres de la partie adverse, ont été tuées
8 dans Skabrnja et dans Nadin."
9 Est-ce que c'est exact ou pas ? Est-ce que vous pouvez nier cela ou
10 confirmer ?
11 R. Je n'ai jamais vu ce document. Il s'agit d'un document qui était rédigé
12 par quelqu'un qui a participé à une opération. Lui répond de son rapport
13 devant son commandement. Si le commandement a avalisé et a accepté son
14 rapport, je ne sais pour autant pourquoi je devrais vous faire valoir une
15 attitude qui serait la mienne.
16 Nous avons lu ce que nous avons lu, je ne peux pas dire que ceci est exact
17 ou pas.
18 Q. Monsieur, dans les quelques secondes qui suivent, je vais vous
19 soumettre un bon nombre de documents, je voudrais savoir de votre part, sur
20 la base de vos connaissances si vous pouvez confirmer, nier ou dire que
21 vous n'en savez rien de tous ces documents. Une quelconque forme de ces
22 façons de réagir évidemment qui serait la vôtre est acceptable.
23 Portez-vous sur le paragraphe 3 : "Dans la cour d'une maison d'un
24 civil, propriété d'un civil âgé de 65 ans, deux femmes âgées d'environ de
25 65 à 70 ans se trouvaient dans une cave." Cela porte sur les civils qui ont
26 été tués dans Skabrnja. Est-ce que vous en savez quelque chose ?
27 R. Je n'en sais rien. Je ne sais pas de quels civils il s'agit
28 lorsqu'on parle d'un homme qui a été propriétaire de telle ou telle maison,
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1 ou de deux femmes. On peut le lire, je n'en avais aucune connaissance.
2 Q. Reportez-vous sur paragraphe numéro 6. "Au bord de la route, une
3 personne de sexe mâle âgée de 70 ans et deux femmes âgées de 60 à 65 ans,"
4 est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il ne s'agit pas de
5 combattants, mais de civils ?
6 R. Dire qu'il s'agissait d'un homme âgé d'environ 70 ans, d'après le
7 règlement il ne pouvait pas être astreint à porter les armes. Pour ce qui
8 est des femmes, c'est sûr et certain qu'elles ne pouvaient aucunement être
9 astreintes à porter des armes. Par conséquent, cela est clair.
10 Q. Très bien. Je ne veux pas m'attarder trop sur ce document. Je vous prie
11 de me suivre, lorsque toutes les fois que je vous soumets tel ou tel
12 paragraphe, par exemple dans le 8e paragraphe on parle par exemple d'un
13 homme âgé de 60 ans environ, un civil, de deux femmes âgées de 50 ans;
14 paragraphe 10, il s'agit de deux hommes de 60 à 70 ans, des civils. Dans le
15 paragraphe numéro 11, on parle d'un homme de 60 ans. Dans le paragraphe 12,
16 on parle de trois femmes, d'un homme de 60 ans, dans le paragraphe 13
17 également. Dans le paragraphe 14, il s'agit de deux hommes de 40 à 45 ans,
18 des civils. Dans le paragraphe 15, on parle d'une femme âgée d'environ 60
19 ans, cela est repris à la page suivante. Monsieur, lorsque vous avez ce
20 document et lorsque ce document traite du fait que de nombreux civils sont
21 tués à Skabrnja le 19 novembre 1991, est-ce que vous l'acceptez ? Ce
22 n'étaient pas de combattants, c'étaient des civils.
23 R. Ce que j'accepte, c'est que chaque femme est un civil, que chaque homme
24 apte à porter les armes, peu importe son âge, si cet homme porte un fusil,
25 s'il s'oppose aux forces de la JNA, je crois que cela tient aussi de la
26 vérité.
27 Q. Monsieur, malgré le fait que vous n'y étiez pas pendant les combats,
28 catégoriquement vous confirmez que chaque homme de Skabrnja était un
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1 combattant ? C'est ce que vous venez de dire ?
2 R. Je vous le dis que sur la base des analyses et concertations faites par
3 la 180e Brigade de la JNA. Ceci pouvait évidemment être les seules sources
4 d'information pour moi pour parler de Skabrnja. Il y a d'autres sources.
5 C'est ce que j'ai pu voir sur place lorsque j'y suis venu. Quant à moi, les
6 informations ne m'ont pas été envoyées par des soldats qui ont été tenus de
7 le faire. Je ne me fondais pas non plus sur des sources peu fiables, je me
8 fondais surtout sur des documents officiels, les seuls fiables pour que je
9 puisse en faire rapport à mon commandement supérieur en vue de prendre des
10 mesures nécessaires, et cetera. Je ne pouvais pas réagir sur des rapports
11 autres qu'eux.
12 Q. Je vais peut-être vous soumettre une thèse tout à fait concrète. Est-ce
13 que vous en savez quelque chose ? Un homme nommé Krsto Segaric, né en 1927,
14 d'après les témoins oculaires a été sorti du sous-sol de sa maison, on lui
15 a tiré dessus au niveau de la tête. Nous avons je crois vu une photo là-
16 dessus. Si cette information est exacte, est-ce que vous acceptez que cet
17 homme-là était un civil, pas un combattant, qu'il ait été tué délibérément
18 en tant qu'homme civil ?
19 R. [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, est-ce que vous avez dit
21 qu'il était né en 1927 ou 1937 ?
22 M. BLACK : [interprétation] En 1927.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, dans le compte rendu d'audience,
24 nous lisons "37."
25 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc --
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet homme-là de cet âge-là certainement ne
28 pouvait être un soldat et astreint au service militaire. Dire que quelqu'un
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1 l'a tué dans des circonstances comme vous le dites là, alors là, ceci tient
2 d'un crime de guerre, c'est un crime sérieux. Je dois dire également que je
3 n'avais jamais eu d'informations concernant un crime perpétré dans de
4 telles circonstances.
5 M. BLACK : [interprétation]
6 Q. Bon, d'accord. En voici un autre exemple concret. Il s'agit d'un homme
7 beaucoup moins âgé. Il ne devait pas avoir plus de 30 ans, il s'appelait
8 Ante Rasov [phon], d'après les rapports d'autopsie que l'on trouve en
9 annexe de ce rapport, on peut conclure qu'il a été maltraité et torturé
10 avant de recevoir une balle dans la tête à bout portant, et on s'est rendu
11 compte d'après le rapport d'autopsie que son oreille gauche était détachée
12 de son corps. Est-ce que vous êtes d'accord que de telles brutalités et
13 meurtres délibérés seraient considérés comme illégaux, et devraient être
14 condamnés ?
15 R. Absolument.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux poser une
17 question ?
18 Est-ce que vous considérer, Monsieur le Témoin, que ceci devrait être
19 considéré comme un crime de guerre ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, cela se passe dans
21 chaque armée. Peu importe --
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie, attendez. Est-ce que
23 vous acceptez cela comme étant un crime de guerre ? Répondez très
24 simplement par oui ou par non. S'agit-il d'un crime de guerre ou ce n'est
25 pas un crime de guerre ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Celui qui a perpétré cet acte-là a commis un
27 crime de guerre, je suis d'accord avec vous.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, c'est tout ce que je
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1 voulais entendre de votre part.
2 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
3 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais vous faire voir un autre document. Il
5 s'agit du document qui se trouve sous la cote 116 parmi nos pièces à
6 conviction.
7 M. BLACK : [interprétation] Peut-on afficher ce document sur l'écran.
8 Q. En attendant que cela soit affiché sur l'écran, Monsieur Lakic, avez-
9 vous eu connaissance du fait que la JNA avait procédé à des enquêtes au
10 sujet des allégations qu'en date du 18 et 19 novembre 1991 des crimes ont
11 été commis dans Skabrnja ?
12 R. La JNA a procédé à des enquêtes. Elle n'a permis à aucune personne,
13 sauf celles appartenant à la police scientifique du poste de police de
14 Krajina, de Benkovac de se rendre sur place. Il s'agit évidemment
15 d'inspecteurs de police scientifiques aidés des experts. Ils étaient les
16 seuls à pouvoir y accéder. Ensuite, il y avait des gens de la protection
17 civile chargés de l'assainissement de terrain qui pouvaient avoir accès
18 également de ces terrains et cela pendant plusieurs jours. Personne d'autre
19 ne pouvait y avoir accès sans qu'une enquête concrète soit conclue.
20 Q. Vous avez, Monsieur le Témoin, maintenant sur l'écran un document. Il
21 s'agit d'une note officielle rédigée par un officier du renseignement du 9e
22 Corps datée du 8 mars 1992.
23 Dans le premier paragraphe nous lisons : "Nous avons appris comme suit et
24 portant les meurtres de civils à Skabrnja et Nadin le 18 et 19 novembre
25 1991".
26 Dans le premier paragraphe commençant par un tiret : "D'après toutes les
27 données recueillies jusqu'à présent, les meurtres ont été perpétrés par des
28 représentants des unités spéciales du QG de la TO de Benkovac, c'est-à-dire
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1 les civils qui ont pris part aux combats sur leur commandement. Il s'agit
2 de volontaires de Serbie et s'agit de groupe d'Opacic que représentaient
3 les combattants de cette région."
4 Est-ce exact ?
5 R. Non, ce n'est pas exact. Je vais vous expliquer cela point par point.
6 Q. S'il vous plaît.
7 R. Pour parler des unités de la Défense territoriale nous n'avons jamais
8 osé en vertu d'un règlement créer des unités de volontaires. D'après les
9 informations qui sont les miennes, le groupe dit d'"Opacic" n'a
10 certainement pas pris part aux combats de Skabrnja. Je sais que lui, il se
11 trouvait à Benkovac, c'est-à-dire en dehors de son territoire. Je peux vous
12 le dire avec certitude et responsabilité. J'ai pu le croiser en personne.
13 Il n'a pas pu, il n'a aucunement pu prendre part au combat. Je l'ai
14 rencontré à Benkovac.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ralentissez, s'il vous plaît, les
16 interprètes ont du mal évidemment à vous suivre.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en excuse. Pour ce qui est du groupe
18 d'Opacic, Opacic était un policier -- en mémoire pour les policiers
19 croates, ce n'était pas quelqu'un qui avait formellement un groupe. Il n'y
20 avait aucune unité, il y avait des gens autour de lui qui ont vu en lui un
21 héros aguerri. Par conséquent, était-ce une approbation de leur part
22 lorsque ces gens l'on rejoint ? Lui, il n'avait aucune unité qui aurait pu
23 prendre part aux combats de Skabrnja. Je vous le dis catégoriquement. Plus
24 tard, nous avons été obligés d'en faire rapport à l'intention des
25 commandants de la JNA.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ralentissez, s'il vous plaît.
27 M. BLACK : [interprétation]
28 Q. Merci, Monsieur. Voyons maintenant un autre document. Il est dit que
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1 des volontaires de Serbie ont perpétré des meurtres dans le village de
2 Skabrnja. D'après les toutes premières informations non confirmées, le
3 groupe d'Opacic a tué trois personnes du village de Krabrnja et a tué trois
4 personnes du village de Smiljcic. Est-ce que vous pouvez confirmer cela ou
5 est-ce que vous n'en avez aucune information ?
6 R. Je n'en ai aucune information. Je suis certain. Il s'agit de dire que
7 c'est une note officielle, je peux le lire en en-tête basée sur des
8 entretiens et sur des services de transmission. Ceci ne peut pas servir de
9 source pour quelqu'un qui serait préposé à la rédaction d'une telle note
10 officielle.
11 Q. Monsieur, nous allons voir d'autres documents. Ce qui m'intéresse, ce
12 ne sont pas les sources de ces documents. Ce qui m'intéresse, c'est ce que
13 vous savez là-dessus, soyez patient. Je vais vous poser des questions au
14 sujet de paragraphes tout à fait concrets, ma question sera toujours la
15 même : Pouvez-vous confirmer, nier ou vous n'en savez rien.
16 R. Très bien.
17 Q. Le paragraphe suivant.
18 M. BLACK : [interprétation] Pourriez-vous descendre un peu le texte en
19 B/C/S, s'il vous plaît ?
20 Q. La deuxième phrase, les discussions au sujet des unités de volontaires
21 serbes, comment les membres capturés des ZNG ont été passés à tabac.
22 Ensuite, on peut lire : "Trois infirmières dans une camionnette bleue du QG
23 de la Défense territoriale de Benkovac ont été témoin de cela, une des
24 témoins est allée voir M. Vucicevic. Vucicevic était le chef des ZNG, il
25 était derrière la maison, ensuite, on a entendu une rafale, et Vucicevic
26 après cela est retourné tout seul."
27 Question : vous avez parlé de cette camionnette et j'ai voulu savoir si
28 cette camionnette était vraiment bleue.
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1 R. Je ne me souviens pas de la couleur, en tout cas, je sais qu'il y avait
2 un symbole, le symbole de la Croix-Rouge.
3 Q. Bien.
4 M. BLACK : [interprétation] Le paragraphe suivant. C'est pratiquement le
5 dernier.
6 Q. "Gnjidic a mutilé les corps, il a coupé une oreille qu'il a enveloppée
7 dans du papier cellophane, ensuite il l'a montrée dans un café de Benkovac.
8 A un moment donné, il l'a tenue dans un verre et il l'a montrée à une
9 serveuse en disant que le verre n'était pas propre."
10 Est-ce que vous n'avez jamais entendu parler de cela, des mutilations, du
11 fait qu'on avait coupé les oreilles des gens et qu'on les avait montrées
12 par la suite comme des trophées ?
13 R. Je ne sais pas quelle est cette personne. Je n'ai pas entendu parler de
14 cela. Si j'avais entendu de cela, j'aurais sans doute pris des mesures
15 adéquates en fonction du règlement.
16 Q. Ensuite, les points suivants. Vucicevic aurait tué des civils en leur
17 tirant dessus, en les tuant un par un. Ensuite, il aurait jeté une bombe
18 dans le sous-sol d'une certaine Manda où un certain nombre de civils ont
19 été tués. Est-ce que vous avez entendu cela ?
20 R. Non, vraiment je n'ai aucune idée là-dessus. C'est la première fois que
21 je vois ces documents, ces actes qui se seraient produits. Ce sont des
22 crimes je n'ai jamais entendu parler de cela.
23 Q. Bien, nous allons passer au paragraphe suivant où l'on peut lire :
24 "Dans la cour de la maison où le colonel Stefanovic a été tué, les
25 volontaires serbes ont fait sortir trois ou quatre hommes, il y en avait un
26 qui était fou, et ils les ont descendus avec une rafale et il y a un
27 d'entre eux qui été tué."
28 Est-ce que vous avez entendu parler de cela suite au meurtre de
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1 Stefanovic ?
2 R. Non. Je n'ai pas entendu cela parce que je ne pouvais pas savoir
3 comment mourrait les Croates dans ces activités au cours des opérations. Je
4 ne me souviens pas d'une telle vengeance, pas pour cette affaire là.
5 Q. Je vais vous demander d'examiner un autre document, le document 411.
6 M. BLACK : [interprétation] Pourriez-vous le placer sur les écrans. C'est
7 tout en haut.
8 Q. C'est une autre note venant de l'officier de sécurité du 9e Corps
9 d'armée en date du 27 novembre 1991.
10 M. BLACK : [interprétation] Je vais vous demander d'examiner la cinquième
11 page en B/C/S c'est probablement la même page en B/C/S ou on donne l'énoncé
12 des raisons, je ne sais pas quelle est cette page.
13 Q. Vous pouvez voir ceci est basé sur un entretien concernant le
14 meurtre de civils à Skabrnja. Au niveau du deuxième paragraphe, on peut
15 lire : "Goran Opacic, membre du poste de sécurité de Benkovac, a parlé
16 devant nous tous comment ils ont tué des civils, surtout des femmes et des
17 vieillards à Skabrnja."
18 Ensuite, le prochain paragraphe.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle page ?
20 M. BLACK : [interprétation] En anglais, c'est la page L00065964.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] 5946, à la fin n'est-ce pas ?
22 M. BLACK : [interprétation] Oui, effectivement.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel est votre paragraphe ?
24 M. BLACK : [interprétation] Le premier, commence par "Goran Opacic."
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois.
26 M. BLACK : [interprétation] Merci.
27 Q. Ensuite, Monsieur Lakic, dans le deuxième paragraphe, on parle d'un
28 incident spécifique où un vieil homme était en train de fuir et un officier
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1 des gardes a pris un lance-rcquettes, un Zolja, comme on dit, de son dos et
2 a demandé à Chetnick de le photographier pendant qu'il lui tirait dessus.
3 Il a tiré de ce lance-roquettes portable sur cet homme. D'après ce Goran
4 Opacic, c'était la scène la plus terrible qu'il n'a jamais vue de sa vie,
5 cet homme était pratiquement explosé, il était en morceaux, déchiqueté.
6 Est-ce que vous avez entendu parler de Goran Opacic se vanter de meurtre de
7 civils à Skabrnja ?
8 R. Oui. Je le connais personnellement Goran Opacic. Ce n'est pas nouveau
9 que de l'entendre se vanter. On dit de lui que c'est un héros, il fuyait
10 toute responsabilité. Je ne l'accuse pas, mais vous savez ce qu'on peut
11 dire de lui, c'est que c'était un combattant tout à fait ordinaire qui
12 aimait bien se vanter avec des histoires pas possibles, nous le savions
13 tous. A l'époque il ne faisait pas du tout partie du service de la sécurité
14 publique de Benkovac, il était complètement autonome. Comme il y avait
15 certains politiciens qui le voyaient d'un bon œil, il était chauffeur de
16 certains politiciens à l'époque. C'est pour cela qu'il a fini à Belgrade,
17 s'il a vraiment dit cela.
18 Q. Vous dites que c'était quelqu'un qui avait tendance à exagérer. Vous
19 acceptez la possibilité qu'il circulait en se vantant de tous les meurtres
20 de civils à Skabrnja ?
21 R. La veille de l'action, laissez-moi vous expliquer.
22 Q. Je n'ai pas besoin d'explication longue. Je retire la dernière
23 question. Est-ce que, personnellement, vous n'avez jamais entendu Goran
24 Opacic se vanter de meurtres de civils à Skabrnja, oui ou non ? Si c'est un
25 oui, expliquez-le, s'il vous plaît ? Sinon, nous passons à un autre sujet.
26 R. Non, personnellement non. Je sais qu'il n'y était pas, donc il ne
27 pouvait pas se vanter des moments.
28 Q. Bien.
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1 M. BLACK : [interprétation] Je voudrais que l'on passe à un autre
2 paragraphe.
3 Q. A nouveau, on parle d'un certain Zoric qui faisait partie des unités de
4 la Défense territoriale qui se promenait dans la ville en montrant aux gens
5 un sac plein d'oreilles humaines, là, à nouveau on parle d'une serveuse
6 qu'on a appelée pour se plaindre d'un verre sale, dans le verre il y avait
7 une oreille.
8 Est-ce que vous avez entendu parler de ces histoires, est-ce que vous avez
9 entendu cela ?
10 R. Vous savez, j'ai grandi avec les histoires des oreilles coupées et des
11 yeux arrachés. A partir de --
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, attendez. Je vais vous
13 arrêter. On ne vous pose pas de questions au sujet de votre enfance. Ne
14 racontez pas votre enfance, s'il vous plaît. Répondez tout simplement à la
15 question posée.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux affirmer en toute responsabilité que
17 je n'étais pas au courant de ceci, de cet incident.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. C'est tout ce que vous avez à
19 dire, merci.
20 M. BLACK : [interprétation] Merci.
21 Je voudrais passer une autre pièce à l'écran, il s'agit cette fois-ci, la
22 pièce 117.
23 Q. Monsieur, là, à nouveau, il s'agit d'un document venant d'un officier
24 de sécurité du 9e Corps de la JNA. La lettre est en date du 23 novembre
25 1991.
26 M. BLACK : [interprétation] Là, à nouveau, je voudrais qu'on passe
27 immédiatement à la troisième page de ce texte en anglais.
28 Q. Monsieur, regardez ce premier paragraphe, on dit : "Le 22 novembre, il
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1 a interviewé un soldat du bataillon de la police militaire concernant le
2 meurtre de civils dans le village de Skabrnja, qui a eu lieu le 18 novembre
3 pendant l'attaque sur le village."
4 Ensuite, je voudrais attirer votre attention au paragraphe qui est entre
5 parenthèse, la troisième phrase dit : "Au niveau des premières maisons du
6 village de Skabrnja, les membres de la Défense territoriale", ensuite, on
7 continue : "ont pris trois civils, ils étaient sans armes, les ont alignés
8 devant la maison et à ce moment-là, on a commencé à tirer, donc, moi aussi
9 je devais aussi tirer, je ne prêtais pas attention à ces gens." Ensuite, il
10 dit qu'à partir du moment il a arrêté de tirer, il a vu que ces civils
11 étaient couchés par terre et qu'ils avaient été tués de près. Là on parle
12 d'un membre de la Défense territoriale qui ont tué des civils. Vous dites
13 n'avoir jamais entendu parler de cela ?
14 R. Non, je n'ai jamais entendu parler de cela, cet exemple m'ait
15 parfaitement inconnu. Mais je peux vous expliquer de quoi il s'agit si vous
16 voulez. Quand Skabrnja a eu lieu, certains officiers voulaient "faire
17 basculer leur culpabilité" sur d'autres personnes à cause de ces victimes à
18 Skabrnja, et des histoires se sont racontées pendant des mois et des mois.
19 Mais, officiellement, ils étaient incapables de trouver quoi que ce soit.
20 Là, il s'agit des notes, des notes, pur et simple, et rien d'autre. Ce ne
21 sont pas des documents officiels.
22 Ensuite, tous les volontaires et tous ceux qui portaient un uniforme dans
23 la Krajina, s'est considéré membre de la police, mais ce n'est pas vrai. De
24 nombreux volontaires sont venus à Krajina, armés, vêtus d'uniforme, équipés
25 déjà, et ce sont eux qui commettaient des crimes le plus souvent. Donc, il
26 n'y a absolument aucun fondement de dire que se sont les membres de la
27 Défense territoriale qui ont fait cela. C'est juste un essai, une tentative
28 de la part de certains officiers de la JNA de faire basculer la culpabilité
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1 sur une tierce personne, et vous savez que cette activité a duré pendant
2 des mois et des mois.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, un point à clarifier, s'il
4 vous plaît.
5 Vous dites que quand ceci s'est passé à Skabrnja, un certain nombre
6 d'officiers voulaient faire basculer la culpabilité sur un parti tiers. A
7 quel moment avez-vous appris cela, qu'il avait des officiers qui voulaient
8 faire basculer la culpabilité sur d'autres personnes à cause de ce qui
9 s'est passé à Skabrnja ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai appris deux ou trois jours après
11 l'action à Skabrnja, quand le commandant de la brigade est venu, le colonel
12 Vucicevic. Il a dit qu'il avait eu beaucoup de victimes et il a demandé
13 comment cela se faisait-il.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez. Il y avait beaucoup de
15 victimes ? Et combien, beaucoup ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je n'ai pas toutes les
17 informations.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais aujourd'hui vous avez déposé, et
19 hier vous avez dit qu'il y avait beaucoup de victimes. Vous avez parlé, et
20 je pense que vous avez parlé surtout des victimes du côté de la JNA. Enfin,
21 je ne sais plus, mais --
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'était du côté serbe.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, vous avez dit que vous saviez
24 qu'il y a eu beaucoup de victimes ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Même une victime, c'est une victime de trop.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non. Je ne parle d'une ou deux
27 victimes; je parle de beaucoup de victimes, plus qu'un ou deux. Donc, vous
28 le saviez au moment que vous veniez déposer ici ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le savais, et je vous ai dit qu'une
2 victime, c'est toujours une victime de trop, même s'il y a en qu'une seule.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
4 M. BLACK : [interprétation]
5 Q. Nous allons pratiquement prendre la pause maintenant, mais vous savez
6 que ce rapport est basé sur les entretiens qui ont eu lieu avec les
7 policiers militaires, et vous ne dites pas qu'ils avaient tous tort, qu'ils
8 se sont tous trompés et que tous ces gens n'étaient pas en réalité des
9 membres de la Défense territoriale, qu'ils étaient des civils vêtus
10 d'uniforme. Les policiers militaires devaient savoir de qui ils parlaient ?
11 R. Non. Je ne vois pas de qui ils parlaient exactement puisque ceci
12 ne figure pas dans le document, mais chaque membre des forces armées, TO,
13 la police, et cetera, l'armée, ils portent tous des uniformes, oui, c'est
14 vrai. Je dis qu'après cette action, quand ce lieutenant était venu, il a
15 dit qu'il y a eu beaucoup de victimes. Cela était une des raisons pour
16 accuser certaines personnes de façon fantaisiste de ces crimes. Je ne sais
17 pas quel était l'objectif de tout cela.
18 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président. Je pense que nous
19 en arrivons à la fin de nos travaux. Je pourrais continuer lundi matin.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je veux poser une question, je me
23 demande.
24 Je vais utiliser un autre micro. Vous savez, Monsieur Black, je me
25 posais la question de savoir s'il ne serait pas possible de terminer
26 l'interrogatoire de ce témoin aujourd'hui. Cela dépend des questions qui
27 vous restent à poser.
28 M. BLACK : [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Mais, mais effectivement, il y a
2 quand même les questions supplémentaires, les questions -- très bien,
3 alors. Vous avez besoin d'un bout de temps pour tout cela. Apparemment,
4 l'équipe technique préfère se reposer et commencer le week-end.
5 M. BLACK : [interprétation] Oui, mais de toute façon, relativement parlant,
6 nous ne pourrions pas terminer l'interrogatoire de ce témoin aujourd'hui,
7 Monsieur le Juge, en effet, je vous remercie.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, merci. Donc, nous allons lever
9 la séance aujourd'hui et nous allons reprendre nos travaux lundi, le 30
10 octobre à 14 heures 15, dans la salle numéro II.
11 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le lundi, le 30
12 octobre 2006, à 14 heures 15.
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